négociation d’actions : une revue de la littérature à l

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fiques n°8 – mai 2010 Laurent Grillet-Aubert Economiste Senior, AMF Négociation d’actions : une revue de la littérature à l’usage des régulateurs de marché Les Cahiers scientifiques - n°9 Département des Etudes Juin 2010

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fiques n°8 – mai 2010

Laurent Grillet-Aubert Economiste Senior, AMF

Négociation d’actions : une revue de la littérature à l’usage

des régulateurs de marché

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Département des Etudes

Juin 2010

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Avertissement — Les Cahiers scientifiques sont une publication animée par le Département des Études de l'Autorité des marchés financiers. Ils présentent des travaux d'étude et de recherche menés en interne ou par des chercheurs extérieurs issus du monde académique et avec lesquels l'Autorité des marchés financiers a mis en place une collaboration, en particulier à travers le Conseil scientifique. Les Cahiers scientifiques reflètent les vues personnelles de leurs auteurs et n'expriment pas nécessairement la position de l'Autorité des marchés financiers.

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Aux Etats-Unis comme en Europe, des dispositifs réglementaires favorables à la concurrence

entre lieux de négociation d’actions ont été mis en place fin 2007. A l’heure de l’évaluation de

leurs effets sur le fonctionnement de ces marchés, diverses évolutions conjoncturelles, en

particulier des épisodes de variation brutale des cours, ou structurelles, comme le

développement du trading haute fréquence, invitent à s’interroger fondamentalement sur

l’ampleur à donner à ces révisions des dispositifs réglementaires.

La recherche académique consacrée à la "microstructure" des marchés, c'est-à-dire précisément

aux effets des spécificités organisationnelles des marchés sur leur fonctionnement, apparaît donc

d’un grand secours. Théorique, mais aussi à fort contenu empirique, elle définit et mesure des

indicateurs utiles pour évaluer le service rendu à l’économie par les marchés secondaires

d’actions. Elle souligne à cette fin l’importance de considérer en plus des coûts directs

("explicites") de négociation (commissions de bourse, taxes, etc.) les coûts "implicites" auxquels

correspond la liquidité des marchés. Au-delà, elle propose d’évaluer la qualité du processus de

formation des prix, et l’usage d’asymétries d’information fait par les différents intervenants de

marché et en déduit des vues stratégiques sur les marchés utiles au régulateur. De fait, ce

courant de recherche a, par le passé, et notamment aux Etats-Unis, contribué significativement à

l’élaboration des orientations du régulateur financier. Il s’agit donc de réévaluer précisément ses

apports et limites dans le contexte présent, et plus particulièrement en Europe. Trois principaux

enseignements ressortent de cette investigation :

• En Europe, les bénéfices attendus de l’entrée en vigueur de la directive, c'est-à-dire de

la fragmentation des marchés et de la concurrence qu’elle induit entre prestataires de

services de négociation, sur les coûts de transaction explicites, mais aussi et surtout,

sur plusieurs dimensions de la liquidité, sont significatifs. Cette conclusion est robuste à

une prise en compte des régimes de volatilité, et permet donc largement de faire

abstraction du contexte de crise. Une baisse sensible des fourchettes affichées des

valeurs de grande capitalisation (blue chips) est ainsi observée. Cette baisse atteste

d’une capacité accrue des marchés à fournir de la liquidité. La baisse du coût de la

liquidité effectivement consommée (celle des fourchettes effectives) confirme cette

perception, toutefois de façon moins marquée qu’aux Etats-Unis et que pour les

fourchettes affichées. Ces conclusions appellent cependant à être nuancées.

Premièrement, l’analyse de l’évolution des indicateurs de profondeur (quantités offertes

sur le marché), reste à parfaire. En second lieu, les coûts d’impact, probablement du

fait de la forte baisse de la taille moyenne des transactions, semblent avoir augmenté.

Troisièmement, le bénéfice de la fragmentation pour la liquidité est fortement

conditionné par la capacité des obligations de meilleure exécution à contraindre

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effectivement les intervenants à "consolider" le marché, ce qui pourrait expliquer un

moindre bénéfice de la directive MIF pour la liquidité en Europe. Enfin, l’examen des

impacts du développement du trading haute fréquence (HFT) sur la liquidité (voir ci-

après) reste à approfondir.

• Evaluer les effets sur le processus de formation des prix publics de la fragmentation de

la liquidité entre des lieux de négociation aux régimes de transparence pré-négociation

variables est au cœur des enjeux de la révision de la directive MIF. Les conclusions des

nombreux travaux antérieurs à la mise en œuvre de la directive soulignent

l’ambivalence des effets de la transparence sur la liquidité et donc la nécessité d’un

arbitrage fin en la matière. Ces conclusions ne sont cependant pas revisitées dans le

contexte récent de multiplication des dark pools. De fait, la littérature en la matière

s’attache surtout à montrer la capacité des nouvelles technologies de trading à

améliorer la formation des prix. Il en résulte un manque d’analyse pour ce besoin des

régulateurs. Sur le fond, ce manque révèle probablement une certaine faiblesse des

outils d’analyse, là où évaluer l’efficience du marché et la qualité de la formation des

prix suppose de comparer les prix observés à des prix de marché théoriques (censés

prévaloir en l’absence de sources d’inefficience) par essence inobservables. Sur le plan

statistique, il souligne aussi la difficulté de mesurer la réduction de la transparence pré-

négociation qui prend des formes multiples sur les différents lieux d’exécution. Au-delà,

il appellerait enfin à évaluer la contribution du marché de gré-à-gré à la formation des

prix publics (et d’ailleurs aussi à la liquidité), une question qui n’est guère abordée en

tant que telle par la littérature sur les marchés d’actions.

• Le développement du trading algorithmique, et plus spécifiquement celui du trading

haute fréquence, désormais à l’origine de la majorité des ordres sur les blue chips, ont

induit des changements radicaux de la structure des marchés. Ceux-ci concernent non

seulement les infrastructures de négociation et d’accès au marché, mais aussi la

tarification des services de négociation et la nature de l’offre de services qui a évolué

vers la fourniture de données et de traitements des données spécifiquement dédiés à ce

type d’acteurs. Enfin, ces évolutions ont des implications directes (lorsqu’il s’agit du

trading algorithmique) et indirectes (lorsqu’il s’agit du trading haute fréquence) sur la

nature et la qualité des services fournis par les intermédiaires de marché. L’utilité

sociale de ce type de trading a été mise en cause dans le débat médiatique et politique.

Il est cependant à ce stade prématuré d’en conduire une analyse des coûts et bénéfices

aboutie, dans un contexte où l’accès aux données et leur traitement sont coûteux, et où

beaucoup d’informations, notamment sur les stratégies mises en œuvre et sur leur

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profitabilité, sont secrètes. Les premières études empiriques démontrent les bénéfices

du trading algorithmique pour la liquidité (sur le NYSE) et pour le processus de

formation des prix (sur Deutsche Börse).

Mais un certain nombre de risques sont identifiés, qui restent à évaluer. Ceux-ci

concernent notamment :

– L’équité de l’accès au marché et la concurrence entre les différents types

d’intervenants : quoique cela reste insuffisamment documenté, divers éléments

semblent indiquer que les bénéfices du moindre coût de la liquidité ont été

inégalement répartis entre les différents types de participants au marché. La

question porte non seulement sur ce constat, mais, au-delà, aussi sur la mesure

dans laquelle les intervenants pour compte propre bénéficient d’avantages

informationnels qu’ils exploitent stratégiquement. En d’autres termes, dans un

contexte où la profitabilité des stratégies haute fréquence reste à évaluer, on peut

s’interroger sur l’accès des investisseurs finaux (institutionnels, particuliers, etc.) à

ces techniques de négociation pour compte propre, et à faire jouer la concurrence

entre intervenants les mettant en œuvre.

– Les fluctuations, le cas échéant d’ampleur systémique, des prix de marché : la

liquidité de marché enregistre des fluctuations "naturelles", qui font alterner

fourniture et consommation de liquidité. La littérature fournit d’ores et déjà des

explications théoriques de l’effet du trading algorithmique sur ces cycles de

liquidité infra-quotidiens. Les événements du 6 mai dernier, certaines observations

des régulateurs de marché, et plus généralement l’évolution des marchés ces

dernières années, telle qu’appréciée par diverses études (Khandani et Lo (2008),

Angel, Harris, et Spatt (2010), par exemple) soulignent cependant l’importance de

multiplier les analyses, notamment empiriques, des dynamiques à l’œuvre.

– L’intégrité des marchés et les moyens de la surveillance de marché. La croissance

des risques pour l’intégrité de marché résulte de multiples facteurs : les

interactions accrues entre les marchés de diverses classes d’actifs, la

fragmentation de la liquidité entre différents lieux d’exécution, la multiplicité et la

complexité des structures de marché, la plus grande facilité d’automatiser des

stratégies manipulatrices ou abusives. Ils se traduisent pour la surveillance des

marchés par une difficulté d’interpréter les stratégies algorithmiques des

intervenants, la masse considérable des flux d’information étant accrue par le

nombre des ordres de très brève durée, qui n’ont souvent pas vocation à être

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exécutés. Les arbitrages entre innovation et concurrence des structures de marché,

d’une part, et moyens nécessaires à leur supervision, de l’autre, peuvent donc

devenir structurants. A un niveau plus fin, la question posée par O’Hara (2010), et

implicitement par Hasbrouck et Saar (2009), porte sur la nécessité de préciser la

frontière entre pratiques admissibles et prohibées dans le nouveau contexte de

marché.

L’analyse de ces risques aura des implications concrètes sur l’élaboration du cadre réglementaire.

L’ampleur potentielle des enjeux en est attestée par celle du projet de suivi des ordres

(Consolidated Audit Trail) que souhaite mettre en place la SEC aux Etats-Unis, dont le coût est

évalué à plusieurs milliards de dollars. Tant pour les orientations générales que pour la

formulation précise des règles de marché, l’apport de la recherche en microstructure sera donc

précieux. Au-delà, ce contexte invite cependant, sans sous-estimer les coûts en la matière, le

régulateur à adopter une vue stratégique sur les moyens notamment en termes de données et

d’analyse dont il dispose et souhaite disposer concernant le flux d’ordres et les transactions

réalisées sur les marchés boursiers. Ce qui suit vise à informer sur les réflexions en la matière en

montrant l’intérêt et les limites des principaux indicateurs proposés par la littérature (partie I), en

évoquant sur ces bases certaines conclusions générales de la littérature (partie II), en décrivant

certaines évolutions de marché récentes en matière de trading algorithmique et haute fréquence

(partie III), et en revenant plus spécifiquement sur les apports à l’analyse des risques auxquels

est confronté le régulateur et sur certains besoins de recherche qui seraient à combler (partie IV).

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SOMMAIRE

I. Les apports de la recherche académique à l’analyse de la structure des marchés 8 I.1. Remarques préliminaires sur l’apport de la recherche en microstructure aux régulateurs de marché 8 I.2. Trois indicateurs clé : liquidité, fragmentation et qualité de la formation des prix 10

I.2.1. La liquidité : un concept abouti et des indicateurs utiles 10 I.2.1.1 Le concept de liquidité : portée et limites 10 I.2.1.2 Mesures de la liquidité post-MIF 12 I.2.1.3 Limites interprétatives 17

I.I.2 La fragmentation : facile à mesurer, difficile à analyser 20 I.I.2.1 La fragmentation : portée et limites 20 I.I.2.2 Mesures de la fragmentation 21

I.I.3 L’efficience de la formation des prix est mesurée de façon assez fruste 24 I.I.3.1 La recherche des concepts pertinents est inaboutie 24 I.I.3.2 Mesures de l’efficience du marché 25

II. Les orientations générales fournies par la littérature académique 27 II.1. Fragmentation et concentration : deux tendances opposées des marchés 27

II.1.1 Une tendance naturelle du flux d’ordres à se concentrer 27 II.1.2 Un bénéfice est cependant attendu de la fragmentation 29

II.2. Les dark pools et l’arbitrage entre transparence et liquidité 34 II.I.1 Dark pool : un concept à préciser 34 II.I.2 L’apport de la littérature n’est pas tranché 35 II.I.3 Les effets de l’opacité sur la liquidité et la formation des prix sont à réévaluer 38

III. Le développement du trading algorithmique et haute fréquence au cœur des évolutions du marché 40 III.1. Les caractéristiques principales du HFT 40

III.1.1 Le concept de HFT : portée et limites 40 III.1.1.1 Définition 40 III.1.1.2 Limites 41 III.1.2. Prévalence du HFT 43

III.1.3 Les acteurs et stratégies du HFT 45 III.1.3.1 Les trois principaux types de stratégies du HFT 45 III.1.3.2 Les acteurs du HFT sont très divers 47 III.1.3.3 La profitabilité du HFT 48

III.2. Les impacts du développement du HFT sur la structure de marché 49 III.2.1 Des interactions avec la structure de marché 49

III.2.1.1 Les facteurs du développement du HFT 49 III.2.1.2 Les effets du HFT sur la structure de marché 51 III.2.1.3 Les effets du HFT sur la concurrence entre marchés et entre intervenants 56

III.2.2 L’évaluation des effets du HFT sur la qualité de marché 58 III.2.2.1 Les bénéfices en termes de liquidité restent à évaluer en Europe 58 III.2.2.2 Les bénéfices pour la formation des prix ressortent plus généralement 61 III.2.2.3 Des questions ouvertes sur les effets en termes de bien-être collectif 62

IV. Les risques induits par les nouvelles structures de marché pour la réglementation financière 66 IV.1. Des risques pour la qualité de marché et l’efficacité du système financier 66

IV.1.1 La qualité de marché ne s’est pas dégradée, mais requiert une analyse plus approfondie 66 IV.1.2 Organiser la fragmentation exige des règles spécifiques 67

IV.2. Des risques pour l’égalité d’accès au marché (fair access) 71 IV.3. Des risques pour la résilience opérationnelle des marchés d’actions 73 IV.4. Des risques pour l’intégrité et la surveillance de marché 75

Bibliographie 77

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I. LES APPORTS DE LA RECHERCHE ACADEMIQUE A L’ANALYSE DE LA STRUCTURE DES MARCHES

I.1. Remarques préliminaires sur l’apport de la recherche en microstructure aux régulateurs de marché

La recherche académique dite de "microstructure" des marchés a mis en évidence la nécessité

autant d’un point théorique que d’un point de vue empirique d’analyser différentes spécificités

organisationnelles et réglementaires (structurelles) des marchés secondaires de négociation

d‘actions. Du point de vue théorique, les bases de l’analyse classique du fonctionnement des

marchés –le tâtonnement walrasien et les hypothèses de concurrence pure et parfaite qui le

sous-tendent– sont battues en brèche par l’analyse concrète des marchés financiers1. Les

insuffisances du cadre théorique classique conduisent alors à prendre en compte un temps

continu, à revenir sur les hypothèses traditionnelles d’absence de frictions (coût et transparence

de l’information), d’homogénéité et d’atomicité des produits (services de négociation). Des

modélisations rendent ainsi compte des interactions complexes et de diverses externalités

spécifiques au fonctionnement des marchés. Du point de vue empirique, dans un contexte où des

changements apparemment mineurs des conditions de négociation peuvent avoir des impacts

significatifs sur les volumes négociés2

, l’approche se focalise avant tout sur l’évaluation de

l’importance des caractéristiques "techniques" des modes de négociation, en mesurant autant

que possible l’effet des changements qui les affectent isolément. Aussi les circonstances qui

permettent de tester les hypothèses "toutes choses égales par ailleurs"3 (changement affectant

un segment de marché mais pas un autre, etc.) forment-elles un terrain privilégié de ces

approches empiriques. On parle alors d’"expériences naturelles".

Ce courant de recherche, du fait de son fort contenu empirique, a significativement contribué au

débat public aux Etats-Unis dans le cadre de la mise en place, depuis la fin des années 70, du

National Market System qui y interconnecte les marchés boursiers. Des recommandations

stratégiques ont ainsi été faites au régulateur de marché par les chercheurs académiques.

1 Biais, Glosten & Spatt (2005). 2 Biais, Glosten & Spatt (2005) indique : “For example, in 2002 and 2003, roughly 360 billion shares traded on the NYSE alone. A transaction cost charge of only 5 cents implies a corresponding flow of USD18bn. This represents an important friction with respect to the allocation of capital. Large transaction costs increase the cost of capital for corporations and reduce the efficiency of portfolio allocation for investors, thus lowering economic efficiency and welfare”. Une abondante littérature qui a alimenté les revues internationales en finance et en économie en atteste. 3 Ne disposant pas de champ expérimental, les auteurs s’intéressent en particulier aux changements de structure qui peuvent être observés de façon isolée –lorsqu’ils surviennent, par exemple, sur un segment de marché, mais pas sur son ensemble.

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L’influence de ce courant académique sur la réglementation financière a été très marquée, et

n’est documentée ici que par deux simples observations :

- La réforme du fonctionnement du Nasdaq à la fin des années 90 –l’ouverture à la

concurrence des ECN par la Regulation ATS de la SEC– a largement été le fruit d’une

publication au Journal of Finance établissant la présence de collusions entre teneurs de

marché sur le Nasdaq4

;

- La S.E.C. a, par le passé fait grand recours aux académiques en la matière, et en

particulier à :

. Lawrence Harris, Chief Economist et Director of the Office of Economic Analysis, de

2002 à 2004, qui a largement inspiré le dispositif Regulation NMS qui, comme la

directive MIF, vise à favoriser la mise en concurrence des lieux de négociation et le

recours à la confrontation automatisée des transactions (abandon progressif du

floor) ;

. Chester Spatt, Chief Economist de 2004 à 2007 ;

. Erik Sirri, Chief Economist de 1996 à 1999 puis, de 2006 à fin avril 2009,

successivement Director of the Division of Market Regulation et Director of Division

of Trading and Markets.

La mesure dans laquelle les travaux en cours sur l’impact des dark pools et du high

frequency trading sur la structure des marchés 5 feront intervenir la sphère

académique reste cependant à observer.

4 Christie, Harris et Schultz (1994) et Christie et Schultz (1994). 5 La SEC a annoncé le 13 janvier 2010 la publication prochaine d’un concept release sur la structure des marchés actions et plus spécifiquement sur les sujets suivants : "Market Quality Metrics"; "Fairness of Market Structure"; "High Frequency Trading"; "Co-Location" et "Dark Liquidity" (http://www.sec.gov/news/press/2010/2010-8.htm).

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I.2. Trois indicateurs clé : liquidité, fragmentation et qualité de la formation des prix

I.2.1. La liquidité : un concept abouti et des indicateurs utiles

I.2.1.1 Le concept de liquidité : portée et limites

Le concept de liquidité a été élaboré et précisé par la recherche académique. Intuitivement, il

évalue la capacité des agents à réaliser des transactions sans délai sur le marché.

Fondamentalement, il représente donc une mesure synthétique du service financier rendu aux

investisseurs et une évaluation de la qualité de la contribution des marchés secondaires à un

financement efficient de l’économie. Il convient cependant d’observer ici que cet indicateur est

très sensible aux conditions spécifiques de l’organisation et de la réglementation des marchés (ce

qui constitue d’ailleurs le postulat principal de la recherche en microstructure). En pratique, en

outre, la spécification d’un indicateur est également complexe, car il lui faut prendre en compte

des dimensions multiples6 :

- L’immédiateté, c’est à dire du temps nécessaire à la réalisation des transactions. Elle

correspond à la vitesse à laquelle les ordres sont susceptibles d’être exécutés. Cette

immédiateté est évidemment fonction décroissante de la taille des ordres considérés. Pour

de petites quantités, elle est susceptible d’être approximée par différents indicateurs :

durée entre deux transactions consécutives, durée entre le moment des transactions et du

dernier placement d’ordre qui les précède, etc.

- L’étroitesse du marché (tightness), évaluée par le coût d’un aller-retour (achat-vente)

instantané. On distingue en général trois types d’indicateurs à cet égard :

- La fourchette affichée (quoted spread), qui mesure le coût supporté par un investisseur

qui achète puis revend instantanément une quantité (nombre de) de titres disponible

simultanément aux meilleurs prix disponibles (meilleures limites) à l’achat et à la vente7 :

( )

fourchettedemilieu

achatl'àlimitemeilleureventelaàlimitemeilleureaffichéeFourchette

−=

- La fourchette effective (effective spread), qui mesure le coût supporté par un

investisseur consommateur de liquidité, c’est à dire effectuant une transaction sans

6 Voir par exemple Hasbrouck & Schwartz (1988). 7 Nota Bene : Sur les marchés dirigés par les ordres, la fourchette affichée (quoted spread) correspond aux meilleures limites, proposées à l’achat et à la vente. Sur les marchés de contrepartie, chaque teneur de marché a l’obligation d’afficher une fourchette de prix à l’achat et à la vente, pour une quantité minimale. La fourchette de marché consolidée, ou inside bid-ask spread, est alors constituée du meilleur prix à l’offre et du meilleur prix à la demande, ces prix provenant généralement de teneurs de marché différents.

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délai, en touchant un prix affiché sur le marché. Elle s’exprime par la différence entre le

prix de la transaction et le milieu de fourchette des meilleurs prix à l’achat et à la vente

prévalant juste avant l’occurrence de la transaction8.

fourchettedemilieufourchettedemilieuntransactiodeprix

2effectiveFourchette−

×=

- La fourchette réalisée (realized spread) représente la différence entre prix d’une

transaction et le prix prévalant en l’absence d’asymétries d’information (la valeur

fondamentale de l’actif) et diminue donc en présence d’investisseurs informés :

fourchettedemilieupntransactiodeprix

2erFourchettelfondamentarix

éalisé−

×=

En pratique, la valeur fondamentale des titres n’étant pas directement observable, elle est

généralement estimée par le milieu de fourchette prévalant quelques temps après la transaction9

(après dissipation des éventuels impacts de la transaction considérée). Une baisse de la

fourchette réalisée s’interprète alors comme une capacité plus grande du marché à offrir de la

liquidité dans un environnement volatile. Ajoutons ici que la différence entre fourchette réalisée

et fourchette effective représente (se définit comme) un coût d’opportunité ou de sélection

adverse10, c’est-à-dire les pertes dues au fait que les contreparties de la transaction tirent parti

d’avantages informationnels dont elles ne supportent pas le coût.

8 Nota Bene : - Les transactions effectuées en carnet sont apparient, au mieux, deux meilleures limites. La fourchette effective est donc nécessairement supérieure ou égale à la fourchette affichée. - Une transaction réalisée au milieu de fourchette (midpoint) a une fourchette effective nulle - Les applications sur Euronext sont effectuées à l’intérieur de la fourchette des meilleurs prix à l’achat et à la vente du carnet d’ordres. La fourchette effective est alors nécessairement inférieure à la fourchette affichée. 9 Avec un "prix fondamental" considéré égal au milieu de fourchette prévalant 5 mn après la transaction, cette définition, comme celle de fourchette effective, correspond à celle donnée par la SEC dans sa règle 600. On note d’ailleurs que ces indicateurs font partie du reporting mensuel des marchés américains sur leur qualité d’exécution (obligations stipulées par la règle 605 de la SEC). Si Hendershott, Menkveld et Jones (2010) reprennent cette spécification, la littérature en a parfois utilisé d’autres (Venkataraman se réfère au milieu de fourchette 30 mn après la transaction, d’autres utilisent le prix de clôture de la séance). 10 La notion de sélection adverse caractérise un risque lié à la présence d’asymétries d’information, à savoir que les agents non informés ne profitent à moindre coût de l’information de marché sur le niveau pertinent des prix d’actifs. L’occurrence de ce risque se traduit par une réduction de l’incitation des agents informés à révéler l’information dont ils disposent lorsqu’ils interviennent sur le marché, et donc par une baisse de la qualité du processus de formation des prix. En pratique, ce phénomène se matérialise en particulier par une dégradation des conditions d’exécution des gros ordres qui fournissent de l’information au marché et ne sont pas exécutés instantanément (coût d’impact) et par un élargissement des spreads. Notons que le retrait des agents informés favorise un report sur des structures de marché opaques (ordres cachés, dark pools, etc.). Hendershott, Jones et Menkveld (2010) font état d’une baisse de la sélection adverse sur le NYSE entre 2001 et 2006.

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- La résilience des prix, dans un ordre d’idées analogue, mesure la vitesse à laquelle les

chocs sont absorbés par le marché (vitesse à laquelle les prix de marché incorporent

l’information pertinente pour retourner à leur valeur fondamentale/efficiente). En d’autres

termes, elle indique la vitesse à laquelle des variations “transitoires” des prix dues aux

inefficiences de marché (déséquilibres transitoires entre les ordres de vente et d’achat,

etc.) sont corrigées (par l’arrivée de nouveaux ordres).

- La profondeur de marché (depth), qui désigne les quantités disponibles sur le marché

pour exécution immédiate à un prix donné (par exemple aux meilleures limites). Par

extension, elle désigne la capacité d’un marché à absorber des transactions de grande

taille sans impact significatif sur les prix. Cette mesure est liée à la taille moyenne et au

nombre total de transactions exécutées, dans la mesure où elle reflète le fait que les

ordres de grande taille requièrent d’être fragmentés. Elle est également affectée par

l’asymétrie du carnet (sidedness) c'est-à-dire la présence de déséquilibres entre les

quantités disponibles à l’achat et à la vente.

I.2.1.2 Mesures de la liquidité post-MIF

Sur la base de ce qui précède, des indicateurs synthétiques de liquidité peuvent être calculés.

Leur pertinence est évidemment conditionnée par le choix et la spécification des indicateurs

sous-jacents, et plus fondamentalement, pour certaines, par l’impossibilité d’observer

directement les variables pertinentes. Ceci concerne notamment les mesures d’impact qui se

réfèrent à une notion de "prix fondamental" des titres (qui, sur un marché efficient, incorporerait

toute l’information utile). En outre, pour les indicateurs composites, le poids relatif des

indicateurs -et les interactions entre les- sous-jacents sont évidemment cruciaux.

Il en résulte une certaine discordance des interprétations selon les sources.

Différentes sources de marché concluent à une amélioration significative de la liquidité depuis

l’entrée en vigueur de la directive MIF :

- Le consultant TABB Group note une baisse significative des fourchettes effectives des

valeurs de blue chips11 entre septembre 2005 et septembre 2009 et plus particulièrement

depuis l’introduction de la directive MIF.

11 TABB Pinpoint report, ‘Effective Spreads in European Equities’ de début février 2010 cité par The Trade du 10 février 2010.

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- NYSE Euronext 12 établit une conclusion similaire sur la base de statistiques sur la

profondeur aux meilleures limites du carnet d’ordres pour les valeurs du CAC40 (voir

graphique 1 ci-après). Le marché note en effet une hausse de 53% du nombre de titres

disponibles aux meilleures limites du carnet entre septembre 2008 et septembre 2009. La

même source nuance toutefois cette conclusion par ailleurs13, en constatant une stabilité

de la fourchette moyenne pondérée par les volumes des valeurs du CAC40 et de l’AEX.

Ces indicateurs de liquidité fournissent des indications utiles mais restent assez

sommaires. Ils ne tiennent en particulier compte que d’un seul marché sans égard pour la

liquidité consolidée –à travers les différents lieux de négociation– des titres considérés.

- Concernant les Etats-Unis, Goldman Sachs (voir graphique 3 ci-après) fournit un

indicateur -des fourchettes effectives ajustées de la profondeur et de la volatilité– original

et étonnamment peu volatile. Cet indicateur révèle clairement une tendance de long

terme à l’accroissement de la liquidité. A défaut de précisions méthodologiques (formule

de calcul précise) et statistiques supplémentaires (échantillonnage, périodicité des

données), il nous semble difficile de juger de la pertinence des conclusions tirées.

Graphique 1 Graphique 2

12 Impact of market fragmentation on liquidity, The Trade d’octobre-décembre 2009. 13 Présentation de L. Fournier à la conférence de l’OEE "MiFID 2 ans après, Premier bilan de la concurrence entre les marchés" du 9 nov. 2009 (http://www.oee.fr/html_f/publi02.htm).

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Graphique 3 - Fourchettes effectives ajustées de la profondeur et de la volatilité (VIX) des valeurs composant l’indice Russell 3000

Source : Goldman Sachs

D’autres analyses nous semblent fournir des degrés de transparence ou d’aboutissement plus

élevés et aboutissent à des conclusions moins tranchées selon lesquelles la liquidité ne se serait,

dans l’ensemble, pas significativement améliorée post-MIF.

Une étude de la Banque de France, qui a fait l’objet d’une publication par Idier, Jardet et Le

Fol (2009), spécifie (voir graphique ci-après) un indice synthétique de liquidité sur la base de

quatre indicateurs sous-jacents :

- la moyenne quotidienne de la fourchette affichée (étroitesse),

- la moyenne quotidienne de la durée (en secondes) entre deux transactions (immédiateté),

- le nombre de transactions nécessaires pour échanger un million d’euros –c'est-à-dire le

nombre de transactions quotidien divisé par le volume d’échanges quotidien, ou encore

l’inverse de la taille moyenne des transactions sur une journée de cotation (profondeur),

- la variation relative de la fourchette affichée consécutivement à l’occurrence d’une

transaction -pour mesurer l’impact des transactions sur les fourchettes affichées

(résilience),

et utilise à cette fin la base de données infra-journalières de Reuters (Datascope Tick History) qui

consolide les informations de marché relatives à l’ensemble des place de cotation des valeurs

considérées.

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Cet indicateur –en fait d’illiquidité, puisque des niveaux élevés reflètent une moindre liquidité-

mesuré pour les valeurs de l’indice Euro STOXX 5014, évolue comme suit :

Graphiques 4 - Indicateur synthétique de liquidité des valeurs de l’indice EURO STOXX 50

0

50

100

150

200

250

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010

Indice d'illiquidité synthétiqueComposante 1: variation relative du spread après une transaction (impact ou Amihud)Composante 2: profondeur (nombre de transactions nécessaires pour échanger 1 MEUR)Composante 3: durée entre deux transactions consécutivesComposante 4: fourchette affichée (spread)

Source: Banque de France-Direction des études monétaires et financières-Centre de Recherche en Economie Financière

L’interprétation de ces données reste conditionnée par le choix des indicateurs sous-jacents (lui-

même contraint par les données disponibles), qui mériterait une discussion des biais potentiels

affectant chacun d’entre eux, et par l’équipondération des composantes de l’indice15. Elle indique

cependant que début 2009, une fois les effets de la crise partiellement dissipés, les niveaux de

liquidité restaient du même ordre que ceux observés en début de période (de 2000 à mi-2003)-

c'est-à-dire très inférieurs à ceux qui prévalaient avant l’entrée en vigueur de la directive MIF.

Plus spécifiquement, les auteurs notent :

- que "si la fréquence des échanges reste stable et les spreads de cotation se réduisent,

l'impact des échanges (Amihud) continue d'être important, d'autant plus que les

participants du marché ont toujours tendance à fractionner leurs ordres en raisons d'une

illiquidité perçue comme relativement forte" et que "Compte-tenu de ces incertitudes

(…) en termes d'illiquidité perçue par les agents, (…) les volumes par transaction

[restent] (…), encore loin de leur niveau de la période d'avant crise" ;

14 La publication citée porte sur quatre titres spécifiques –Lehman Brothers (NYSE), AIG (NYSE), Dexia (Euronext Paris) et BNP-Paribas (Euronext Paris)– l’indicateur synthétique ayant été compilé consécutivement à la publication pour les besoins du suivi de la Banque de France. 15 Certaines techniques (modèles factoriels) pourraient permettre, selon les auteurs, d’éviter ce recours à une pondération arbitraire.

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- qu’au second semestre 2009, "l'illiquidité du marché des actions poursuit sa

normalisation. La correction de l'indice agrégé d'illiquidité sur 12 mois est de l'ordre de

40%, sans pour autant rejoindre les niveaux d'avant crise".

CFA (2009) propose une analyse des demi-fourchettes (half-spreads) nominales16 de 44 valeurs

entrant dans la composition de l’indice DJ STOXX 50 (voir graphe ci-après). L’analyse de cet

indicateur assez rudimentaire – parce qu’il ne prend en compte que des indicateurs de clôture

quotidiens et qu’il ne considère qu’une dimension de la liquidité (l’étroitesse) – ne permet pas

aux auteurs de distinguer de changement de niveau significatif de la liquidité entre la période

précédant novembre 2007 et celle qui suit. Elle relève cependant que la baisse des fourchettes

est significative pour la plupart des valeurs britanniques (23 sur 24) et, à un moindre degré (4

sur 7), françaises17.

Graphique 5 - Demi-fourchettes de cotation pondérées pour 44 titres entrant dans la composition de l’indice DJ STOXX 50

Sources: FactSet, CFA Institute calculations

L’étude de Gresse (2010b) commanditée par l’AMF comparant des échantillons de valeurs non-

financières cotées sur Euronext Paris et Le London Stock Exchange, sur des périodes dont les

16 Série quotidienne de la différence mesurée en en cents d’euro entre meilleur prix à l’achat et à la vente au moment de la clôture du marché. Pour exprimer une distance par rapport au milieu de fourchette, cet indicateur est divisé par deux. 17 CFA (2009) note cependant que les valeurs britanniques dont le trading est le plus fragmenté ont été plus particulièrement affectées par la baisse des volumes de transaction, et ce malgré l’augmentation des volumes de transaction sur les valeurs bancaires, particulièrement importantes au Royaume-Uni.

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régimes de volatilité sont comparables (octobre 2007 et septembre 2009, voir tableaux page

suivante) montre :

- Une baisse des fourchettes affichées consolidées à travers les marchés depuis octobre

2007 importante pour les des blue chips (de 9,21 à 5,43pb pour le FTSE 100, de 6,04 à

4,46pb pour le CAC 40) mais peu significative pour les autres valeurs du SBF 120 (de

14,52 à 11,98pb), ce qui indique un effet probable de la fragmentation et de la

concurrence ;

- Une réduction des fourchettes effectives moindre pour les blue chips et nulle pour les

valeurs du SBF 120 hors CAC 40.

- Une évolution adverse des profondeurs affichées aux meilleures limites, divisée (en valeur

nominale) par 3,7 pour les titres du FTSE 100, par 2,2 pour ceux du CAC 40 et par 1,7

pour ceux du SBF 120 hors CAC 40. Plusieurs arguments modèrent cependant

l’importance de l’évolution de la profondeur du marché : les effets de valorisation (baisse

des cours) expliquent une partie importante voire majeure de cette baisse ; la baisse de la

taille moyenne des transactions ; et surtout une limite technique probable de cet

indicateur calculé une fois par seconde, alors que la fréquence de "rafraîchissement" de

cette profondeur a certainement considérablement augmenté et ne peut de ce fait pas

être observée.

Dans un contexte où les volumes de transaction sont restés, corrigés des effets de valorisation, à

peu près stables sur la période considérée, l’étude conclut finalement que la "montée de la

concurrence s’est traduite par une baisse des coûts de transaction implicites", mais précise que

si les fourchettes affichées se sont significativement améliorées sur les marchés consolidés des

grosses capitalisations, tel n’est pas le cas sur chacun des marchés pris individuellement –et

donc pas forcément pour des intervenants qui n’exécutent leurs ordres que sur un seul marché

(les intervenants ne "consolidant" pas les marchés ne peuvent tirer les bénéfices de la

fragmentation). En outre, le bénéfice global de la MIF en termes de liquidité du marché est à

nuancer car seules les plus grosses capitalisations (blue chips) en ont tiré un bénéfice substantiel.

I.2.1.3 Limites interprétatives

Si observer l’évolution de la liquidité est nécessaire –et cela reste un enjeu en pratique – elle ne

suffit pas à renseigner le régulateur pour ses fins propres. Plusieurs limites sont observées en la

matière, notamment :

- L’interprétation des indicateurs de liquidité requiert d’identifier ses déterminants afin

d’isoler les effets de la réglementation (de la directive MIF). Il s’agit donc aussi d‘identifier

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Les Cahiers Scientifiques n°9 – juin 2010 Autorité des Marchés Financiers Page 18

ce qui, dans l’évolution de la liquidité, et indépendamment du changement réglementaire,

relève d’autres facteurs : la conjoncture (de crise), le progrès technologique, les initiatives

de l’industrie en concurrence. Le développement du trading haute fréquence, en

particulier, favorise la génération (et la suppression) de nombreux ordres de bourse de

petite taille sur de multiples lieux d’exécution. Cette évolution induit probablement une

tendance "technique" d’amélioration de la liquidité qui n’est pas directement due à la

fragmentation, mais peut y être liée.

- Plus généralement, le régulateur européen –dont les règles de meilleure exécution

s’appliquent aux diverses sources de coût susceptibles d’affecter la transaction – a besoin

d’analyser les diverses sources de coût susceptibles d’affecter la décision d’investissement,

y compris les coûts directs d’exécution (coûts explicites de négociation qui ont

significativement baissé sous l’effet de la concurrence), mais aussi ceux de recherche et

de consolidation de l’information et surtout ceux de dénouement des transactions (post-

marché).

- Plus fondamentalement, les indicateurs de liquidité ne donnent pas en tant que tels

d’information sur la qualité de la formation des prix publics qui constitue pourtant l’autre

objectif majeur du régulateur financier.

Nous revenons dans ce qui suit sur les travaux de recherche récents sur chacun de ces points,

dont seul le dernier, parce que moins nouveau, est abondamment traité par la littérature.

Indicateurs de liquidité d’échantillons de valeurs non-financières - Gresse (2010b)

Volumes de transactions

Echantillon Période Volumes échangés

(KEUR) Euronext LSE

Deutsche Börse

Chi-X BATS

Europe Tur-

quoise Nasdaq

OMX Eur. PLUS

Indice defragmen-tation*

Oct. 2007 105 322 607 96,45 % 2,92 % 0,63% 0,00% 0,00% 0,00% 0,00% 0,00% 1,07 Jan. 2009 66 111 453 76,41 % 1,63 % 0,61% 13,07% 1,28% 6,93% 0,08% 0,01% 1.65 Juin 2009 67 564 708 70,35 % 1,18 % 1,30% 16,42% 6,18% 3,74% 0,84% 0,00% 1,90

Titres du CAC 40

Sep. 2009 75 847 834 72,44 % 0,72 % 1,24% 15,29% 3,89% 5,21% 1,19% 0,01% 1,81 Oct. 2007 191 653 000 0,00 % 99,99 % 0,00% 0,00% 0,00% 0,00% 0,00% 0.01% 1.00 Jan. 2009 76 368 643 0,00 % 75,94 % 0,00% 14,72% 1,72% 5,82% 0,29% 1,52% 1,66 Juin 2009 90 706 502 0,00 % 71,59 % 0,00% 17,14% 4,36% 4,58% 0,71% 1,62% 1,83

Titres du FTSE 100

Sep. 2009 78 769 760 0,00 % 68,96 % 0,00% 17,26% 6,26% 5,49% 1,19% 0,84% 1.95 Oct. 2007 17 582 701 99,99 % 0,00 % 0,01% 0,00% 0,00% 0,00% 0,00% 0,00% 1,00 Jan. 2009 8 569 064 92,87% 1,15% 0,01% 5,11% 0,31% 0,51% 0,03% 0,01% 1.16 Juin 2009 9 625 224 80,61% 0,95% 0,02% 13,87% 2,11% 2,26% 0,19% 0,00% 1,49

Titres du SBF 120 hors CAC 40

Sep. 2009 11 937 753 82,47% 0,40% 0,23% 11,90% 1,30% 3,22% 0,47% 0,01% 1,44 * Cet indice est calculé comme le FFI de Fidessa (voir ci-après)

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Les Cahiers Scientifiques n°9 – juin 2010 Autorité des Marchés Financiers Page 19

Fourchettes affichées

Echantillon Période Volatilité Des titres

Global - Tous

marchés

Marché primaire

Chi-X BATS Nasdaq

OMX Turquoise

Oct. 2007 1.37% 0.0604% 0.0617% Jan. 2009 9.74% 0.0644% 0.0943% 0.1121% 0.1871% 0.3566% 0.1107% Juin 2009 4.41% 0.0502% 0.0735% 0.0714% 0.0850% 0.1191% 0.1728%

Titres du CAC 40

Sep. 2009 3.58% 0.0446% 0.0595% 0.0606% 0.0933% 0.0989% 0.0833% Oct. 2007 1.66% 0.0921% 0.0921% Jan. 2009 9.99% 0.0898% 0.1129% 0.1275% 0.1688% 0.2803% 0.4060% Juin 2009 6.03% 0.0638% 0.0864% 0.0862% 0.1024% 0.1295% 0.1614%

Titres du FTSE 100

Sep. 2009 3.81% 0.0543% 0.0707% 0.0695% 0.0801% 0.1100% 0.0949% Oct. 2007 1.63% 0.1452% 0.1454% Jan. 2009 12.12% 0.2502% 0.2644% 0.3064% 0.2848% 0.2975% 0.0053% Juin 2009 4.99% 0.1615% 0.1945% 0.2650% 0.3375% 0.3924% 0.4252%

Titres du SBF 120 hors CAC 40

Sep. 2009 4.85% 0.1198% 0.1399% 0.2722% 0.3017% 0.2882% 0.2553%

Fourchettes effectives

Echantillon Période Volatilité des titres

Global - Tous

marchés

Marché primaire Chi-X BATS Turquoise

NasdaqOMX

Oct. 2007 1.37% 0.0493% 0.0493% - - - - Jan. 2009 9.74% 0.0614% 0.0612% 0.0637% 0.0592% 0.0597% 0.0730%Juin 2009 4.41% 0.0506% 0.0511% 0.0509% 0.0468% 0.0460% 0.0630%

Titres du CAC 40

Sep. 2009 3.58% 0.0414% 0.0408% 0.0442% 0.0413% 0.0425% 0.0461%Oct. 2007 1.66% 0.0744% 0.0744% - - - - Jan. 2009 9.99% 0.0721% 0.0716% 0.0780% 0.0739% 0.0642% 0.0833%Juin 2009 6.03% 0.0669% 0.0756% 0.0547% 0.0508% 0.0518% 0.0574%

Titres du FTSE 100

Sep. 2009 3.81% 0.0591% 0.0680% 0.0496% 0.0428% 0.0464% 0.0433%Oct. 2007 1.63% 0.1130% 0.1129% - - - - Jan. 2009 12.12% 0.2010% 0.2010% 0.0778% 0.1055% 0.0161% 0.1122%Juin 2009 4.99% 0.1408% 0.1394% 0.1443% 0.1585% 0.1334% 0.2323%

Titres du SBF 120 hors CAC 40

Sep. 2009 4.85% 0.1129% 0.1117% 0.1147% 0.1309% 0.1091% 0.1674%

Profondeur disponible aux meilleures limites (en % du milieu de fourchette)

Echantillon Période Volatilité des titres

Global – Tous

marchés

Marché primaire

Chi-X BATS Nasdaq

OMX Turquoise

Oct. 2007 1.37% 132.637 137.146 Jan. 2009 9.74% 43.280 41.015 34.062 32.386 33.172 33.798 Juin 2009 4.41% 44.582 43.194 29.296 25.813 23.562 23.224

Titres du CAC 40

Sep. 2009 3.58% 59.401 54.846 38.263 27.556 18.279 28.664 Oct. 2007 1.66% 531.017 531.017 Jan. 2009 9.99% 118.782 113.545 106.008 78.746 16.484 88.798 Juin 2009 6.03% 137.711 159.549 131.612 83.381 51.881 36.401

Titres du FTSE 100

Sep. 2009 3.81% 142.950 134.107 116.373 68.551 68.272 38.685 Oct. 2007 1.63% 35.028 35.222 Jan. 2009 12.12% 16.937 16.919 8.329 7.079 6.285 0.339 Juin 2009 4.99% 17.955 18.216 14.489 12.610 13.069 13.110

Titres du SBF 120 hors CAC 40

Sep. 2009 4.85% 21.113 21.594 14.378 13.153 11.432 13.459 Source : Gresse (2010b), sur la base de données IFS.

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Les Cahiers Scientifiques n°9 – juin 2010 Autorité des Marchés Financiers Page 20

I.1.2 La fragmentation : facile à mesurer, difficile à analyser

I.1.2.1 La fragmentation : portée et limites

La fragmentation des marchés est aussi une notion complexe mise en avant par la littérature et

donne aujourd’hui lieu au calcul d’indicateurs synthétiques suivis par différentes parties

prenantes aux marchés. Son importance est d’autant plus grande qu’elle a été organisée par le

régulateur pour favoriser la concurrence entre systèmes de négociation et qu’elle constitue au

quotidien une indication pour les investisseurs sur les lieux d’exécution des ordres pertinents

pour la formation des prix (et la meilleure exécution). Le concept est, ici aussi, intuitif en ce qu’il

caractérise une organisation des échanges dans laquelle l’offre de services de négociation

provient de fournisseurs multiples et entrant en concurrence, qui se distingue donc d’un marché

concentré. Il n’est cependant pas exempt non plus de toute ambigüité. On note en particulier :

- que le périmètre des services de négociation considérés importe : le concept peut

s’appliquer à l’industrie dans son ensemble ou à chaque marché pris isolément. Il peut

s’appliquer à des services plus ou moins spécifiques de la chaîne de traitement des ordres

(diffusion de l’information, passage des ordres ou exécution des transactions, etc.) et

destinés à satisfaire des besoins d’investissement plus ou moins précis ;

- la perspective sur les "produits" (l’offre de services) ne reflète pas nécessairement celle

sur les "acteurs" et le jeu concurrentiel. Une analyse en termes de gouvernance (les liens

capitalistiques entre concurrents) ressort en particulier comme un complément nécessaire

à celle de la fragmentation. Il convient aussi de distinguer –par exemple en présence de

différents segments d’un marché reliés entre eux– fragmentation et segmentation ;

- que l’existence de substituts (aux actions et donc au service de négociation d’actions)

peut compliquer l’analyse de la fragmentation. Ce cas constituerait un sujet

d’investigation en soi.

Gresse (2001) distingue en outre différents degrés de fragmentation, selon qu’un titre est traité

sur plusieurs systèmes d’un même marché (satisfaisant des besoins de négociation distincts), sur

plusieurs systèmes de négociation interconnectés (ce en quoi la présence d’arbitragistes peut

être considérée comme un lien informel entre marchés), ou à l’extrême, sur plusieurs systèmes de

négociation distincts sans qu’aucun lien formel n’organise la concurrence.

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Les Cahiers Scientifiques n°9 – juin 2010 Autorité des Marchés Financiers Page 21

I.1.2.2 Mesures de la fragmentation

En pratique, Gresse (2010a) distingue deux formes de fragmentation :

- Une fragmentation entre ce que nous qualifierons ici de marchés "publics" (marchés

réglementés et systèmes multilatéraux de négociation soumis à des obligations de

transparence pré-négociation) et "hors-marché" (dark pool, internalisation systématique

et gré-à-gré). Un indicateur est constitué par le simple ratio du volume de négociation sur

les marchés "publics" au total des volumes traités sur l’ensemble des marchés. Sa

pertinence est fortement conditionnée par la faible qualité de l’information sur le "hors-

marché" ;

- Plus spécifiquement une fragmentation du flux de négociation entre différents lieux

d’exécution sur les marchés publics. Dans un contexte où les marchés réglementés (les

"opérateurs historiques") ont vu leurs parts du marché de la négociation s’éroder,

l’auteur évalue simplement le degré de ce type de fragmentation par la part de marché du

marché réglementé historiquement établi –ce qui correspond, par exemple, aux

indicateurs de part de marché publiés par les cabinets Transactions Auditing Group ou

Intelligent Financial Services.

Un autre indicateur de ce second type18 de fragmentation est proposé par Fidessa, un agency

broker.

Graphique 6 – Fidessa Fragmentation Index (FFI) Tableau 1-Fidessa Fragmentation Index (FFI)

FTSE 100 2,33 FTSE 250 1,95 CAC 40 1,93 AEX 1,90 DAX 1,90 BEL 20 1,73 SMI 1,65 OMX S30 1,64 OMX H25 1,56 FTSE MIB 1,48 ISEQ 1,45 OMX C20 1,23 OSLO OBX 1,19 PSI 20 1,14 IBEX 35 1,01

Source : http://fragmentation.fidessa.com/

18 CA Cheuvreux (2010b) propose une spécification alternative sous la forme d’un "indice d’entropie".

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Les Cahiers Scientifiques n°9 – juin 2010 Autorité des Marchés Financiers Page 22

L’indice FFI de fragmentation de Fidessa (Fidessa Fragmentation Index) est calculé pour les

principaux marchés d’actions européens (tableau 1). Cet indice est calculé par action et par

indice comme l’inverse de la somme des carrés des parts de marché des lieux de négociation de

la valeur concernée, ou l’inverse de la moyenne des parts de marché pondérée par les parts de

marché soit :

( )∑=

i

2imarchédepart

1FFI

où i décrit les lieux de négociation du titre considéré (dark pools et OTC compris).

Un FFI de 1 indique ainsi une fragmentation nulle et Fidessa considère qu’un indice de plus de 2

caractérise un titre (ou indice) qui n’a plus de marché de référence, ce que nous jugeons

contestable dans un contexte où le LSE continue de compter pour environ 60% des volumes de

négociation soumis à obligation de transparence pré-négociation.

L’examen des FFI début 2010 :

- Fait ressortir celui de l’indice FTSE 100 comme significativement supérieur à deux, c’est à

dire distinctement plus fragmenté que les autres principaux indices de blue chips

européens (le CAC40, l’AEX et le DAX avec des indices compris entre 1,7 et 1,8). Les

statistiques plus fiables sur les volumes exécutés sur les marchés réglementés et les MTF

confirment aussi la perception générale (voir graphique 5).

- Révèle que l’univers des valeurs de grande capitalisation (blue chips) –compris au sens

large comme l’ensemble des valeurs liquides de CESR19 et au sens strict comme celui des

valeurs constituant les indices phares des places européennes forme généralement

l’essentiel des marchés sur lesquels une fragmentation du flux d’ordres est effectivement

observée et une concurrence entre marchés s’exerce. Notons cependant que Gresse

(2010a) trouve au Royaume-Uni une relation inverse –à savoir une fragmentation plus

élevée du flux d’ordres sur les valeurs de moindre capitalisation.

19 Pour les besoins de définition des compétences réglementaires et de mise en œuvre de certaines dispositions de la directive MIF en matière de transparence pré-négociation applicables aux internalisateurs systématiques, ce concept a été défini dans le Journal Officiel de l’Union Européenne du 02/09/06. La liste des valeurs liquides est disponible sur le site de CESR : http://mifiddatabase.cesr.eu.

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Les Cahiers Scientifiques n°9 – juin 2010 Autorité des Marchés Financiers Page 23

- Appelle certaines réserves sur la qualité des statistiques sous-jacentes sur les marchés

OTC, dont la variabilité est très forte et qui sont probablement affectées par des

phénomènes de double comptage. Elles rendent difficile l’appréciation du niveau réel de

fragmentation des marchés d’actions européens. Cependant, la croissance de la

fragmentation est incontestable.

Ces indicateurs de fragmentation présentent surtout un intérêt comme indicateurs du degré de

concurrence entre marchés. Ils sont donc généralement analysés dans leur relation avec les

indicateurs de liquidité :

- Reprenant les conclusions obtenues par O’Hara et Ye (2009) pour les Etats-Unis (voir

2.1.2 ci-après), Foucault (2010) réitère la conclusion de Foucault et Menkveld (2010), une

étude qui démontrait les bénéfices de la concurrence entre le LSE et Euronext sur les

valeurs néerlandaises en 2004 : la fragmentation peut améliorer la liquidité consolidée. Il

importe, pour le montrer, de bien considérer la liquidité consolidée à travers les marchés

et de tenir compte des effets de la concurrence sur les coûts explicites de négociation.

Fondamentalement, cependant, cette conclusion est fortement conditionnée par la

possibilité qu’ont les intervenants de violer les règles de priorité prix sur le marché

consolidé20. La spécification de la meilleure-exécution importe ici : pour obtenir des gains

collectifs de la fragmentation, il est nécessaire que même dans les cas où le bénéfice

individuel du routage d’ordres intelligent est faible par rapport aux coûts qu’il induit,

l’obligation de best execution doit se révéler contraignante. L’intervention du régulateur

est donc nécessaire pour éviter les "trade-throughs". Il s’agit alors de mettre en place :

. Une interconnexion entre marchés (comme aux Etats-Unis) ;

. Des systèmes de smart order routing (qui, en l’absence de données de marché

standardisées, induisent des coûts substantiels).

- Gresse (2010a) confirme de façon préliminaire cette analyse à l’aide de données post-MIF

d’avril à juin 2008 : '"turnover and fragmentation are positively correlated, a high

turnover favouring fragmentation, and reversely, fragmentation generating more

volumes" mais nuance "The factor that most determines market-traded order flow

fragmentation appears to be the primary exchange’s competitiveness".

20 Une simple priorité-prix sur le marché consolidé, dont l’infrastructure de la Consolidated Tape enregistre pour référence les meilleures limites, est la spécification américaine de la best execution. Les violations de cette règle y sont désignées comme des "trade-throughs".

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Les Cahiers Scientifiques n°9 – juin 2010 Autorité des Marchés Financiers Page 24

Plus précisément : "The average correlation between local effective spreads and the

fragmentation rate of the total order flow is weakly negative (but significant at the 10%

level). (…) As for global quoted and effective spreads, they significantly decrease with

the fragmentation of market-traded order flow".

La portée de ces conclusions est certainement limitée par la granularité des données dont

l’auteur dispose. Le prolongement (pour le compte de l’AMF) de ces travaux par Gresse

(2010b)21, tend cependant à les confirmer.

I.1.3 L’efficience de la formation des prix est mesurée de façon assez fruste

I.1.3.1 La recherche des concepts pertinents est inaboutie

Mesurer la qualité de la formation du prix des actions reste un enjeu empirique et théorique.

Gresse (2010a) - à l’instar de Hasbrouck et Schwartz (1988) et Hasbrouck (1995), et

conformément aux usages de la littérature – se fonde sur un cadre théorique où des agents

informés et des agents non informés interagissent sur des marchés efficients. Elle en déduit un

indicateur fondé sur les écarts aux prix de marché efficients :

"Theoretically, if prices are perfectly efficient, they should follow a random walk and

price autocorrelation should not be significantly different from zero. In the absence of

auto-correlation, a variance ratio reporting k times the variance of returns measured on

-minute intervals to the variance of returns measured on k -minute intervals should

equal one. In the case of sticky prices, -minute returns are positively correlated, so

that the ratio exceeds one. Conversely, in case of over-reaction, -minute returns are

negatively correlated, and the ratio is lower than one. The closer the ratio to one, the

more efficient the prices.

I use two variance ratios: a ratio reporting 15 times the 1-minute mid-quote return

variance to the 15-minute mid-quote return variance, and a ratio reporting 6 times the

5-minute midquote return variance to 30-minute mid-quote return variance.

The distances between those ratios and 1 can be considered as inverse measures of

price quality. They will be referred to as price inefficiency coefficients and thus denoted

PIC. More explicitly, PICs are calculated as follows:

21 Professeur de l’Université Paris-Dauphine et membre du Conseil scientifique de l’AMF.

Page 25: Négociation d’actions : une revue de la littérature à l

Les Cahiers Scientifiques n°9 – juin 2010 Autorité des Marchés Financiers Page 25

min15,

min1,151

, 151ti

titi Var

VarPIC −=−

min30,

min5,305

, 61ti

titi Var

VarPIC −=−

où min,. αtiVark représente la part de la variance du signal min

,ktiVar α observée par les

agents non-informés et permet, donc, d’analyser les effets du comportement

stratégique sur la révélation d’information (voir Biais et al. (1997).

Certaines questions restent ouvertes sur le paramétrage de tels indicateurs (qui expliquent

d’ailleurs le recours à plusieurs d’entre eux). Plus fondamentalement, leurs fondements

théoriques restent fragiles et leur interprétation limitée par la diversité des facteurs susceptibles

d’influer sur la formation des prix qui, de fait, ne se limitent pas aux seuls effets de la structure

du marché, et, plus spécifiquement, de la fragmentation. Biais et al. (1997) évoquent à cet égard

différents éléments susceptibles de jouer également un rôle : les coûts d’information, la capacité

des agents à influer sur les prix de marché, etc. Plus généralement, les auteurs notent que les

modèles étudiant la transmission d’information par les prix font en général cinq hypothèses

fortes : celle que le marché comprend un actif risqué et un actif sans risque, celles que les agents

se répartissent entre informés et non-informés, sont averses au risque et forment des

anticipations rationnelles sur les prix d’actifs et que les agents informés ont un comportement

concurrentiel. Certaines études approfondissent l’analyse sur certains points en relaxant

certaines hypothèses, mais il n’existe pas à ce stade d’indicateur de référence en matière.

I.1.3.2 Mesures de l’efficience du marché

Sur la base d’un examen de données d’avril à juin 2008, Gresse (2010a) montre –par un examen

économétrique des corrélations entre PIC et fragmentation– "a positive correlation between

inefficiency coefficients and market-traded order flow fragmentation, that is a deterioration of

prices’ quality".

Comparant, sur la base d’indicateurs quotidiens, les 440 jours précédant et les 440 jours

consécutifs à l’entrée en vigueur de la MIF, CFA (2009), pour sa part, recourt à des moyens

statistiques et économétriques beaucoup plus sommaires. Il en ressort :

- que la volatilité des rendements et des fourchettes affichées ont fortement (et

significativement) augmenté, que la corrélation entre volatilité des rendements quotidiens

et l’indice de fragmentation de Fidessa est positive et significative ;

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Les Cahiers Scientifiques n°9 – juin 2010 Autorité des Marchés Financiers Page 26

- que les "tests d’efficience de la formation des prix" –c'est-à-dire de la mesure dans

laquelle les prix de clôture quotidiens suivent une marche aléatoire22– ne permettent pas

de conclure à un changement de structure entre les deux périodes sous observation : “we

can conclude that price movements must be approximately equally random over the two

periods; there is no evidence to suggest that price formation is any more, or any less,

efficient since the implementation of MiFID”.

Ces conclusions sont probablement très largement conditionnées par la périodicité des données

observées par le fait que la crise a probablement joué, et par les outils mis en œuvre. La

première d’entre elles nous semble cependant donner une information pertinente notamment

parce que la hausse de la volatilité des rendements et des bid-ask spreads semble observable

même avant la crise. La seconde, en revanche, nous semble tout simplement abusive car trop

conditionnée par la fréquence quotidienne des données considérées et par la faiblesse

méthodologique des outils mis en œuvre.

22 De simples tests de stationnarité avec et sans trend.

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Les Cahiers Scientifiques n°9 – juin 2010 Autorité des Marchés Financiers Page 27

II. LES ORIENTATIONS GENERALES FOURNIES PAR LA LITTERATURE ACADEMIQUE

Sur ces bases, la recherche académique identifie certains arbitrages réglementaires majeurs et en

approfondit l’analyse en tentant d’isoler de façon systématique les effets pertinents. On relève ici

deux principaux arbitrages réglementaires mis en valeur par la littérature : celui entre

concentration et fragmentation et celui entre transparence des négociations et liquidité, étant

entendu que ces deux arbitrages ne sont bien sûr pas indépendants l’un de l’autre. Observons

cependant ici que le premier met avant tout l’accent sur les coûts de transaction comme critère

d’évaluation et le second plus sur la qualité de la formation des prix.

II.1. Fragmentation et concentration : deux tendances opposées des marchés

II.1.1 Une tendance naturelle du flux d’ordres à se concentrer

La conception traditionnelle des marchés veut qu’ils soient d’autant plus liquides que les ordres –

qui expriment l’intention de réaliser des transactions - sont dirigés vers un lieu de confrontation

unique, offrant à chacun d’entre eux le maximum de chances de trouver une ou des contreparties.

Le marché s’interprète à cet égard comme un réseau à deux faces (two-sided), la satisfaction des

besoins d’un type de participants (les acheteurs) étant complémentaire de celle des autres

participants (les vendeurs)23. Dans cette optique, le marché peut être considéré comme un réseau

dont la valeur des services qu’il fournit –la liquidité - croît avec le nombre des participants

(membres)24. Les agents anticipant le placement des ordres (la liquidité) sur un marché donné,

leurs ordres auront tendance à converger vers une plateforme unique. Dans un tel schéma, la

liquidité appelle la liquidité (liquidity begets liquidity) et la concentration de la liquidité en un

lieu d’exécution unique est spontanée : les marchés sont des monopoles naturels. De telles

analyses ont, dans le passé, légitimé le principe réglementaire de concentration des ordres, et en

particulier le monopole boursier qui prévalait en France.

23 Pour plus de détail sur la définition des two sided markets, voir Rochet et Tirole (2001). 24 Mendelson (1987); Shapiro and Varian (1999. Chapter 7), montrent dans un cadre général l’impact positif des externalités de réseau ; Economides (1996, 2001) en montrent les implications en finance. Domowitz et Steil (2001) analysent ces externalités sur les marchés de titres financiers.

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Les Cahiers Scientifiques n°9 – juin 2010 Autorité des Marchés Financiers Page 28

Notons en outre ici qu’un certain nombre de bénéfices sont associés à cette concentration :

- Les coûts fixes associés à la gestion d’infrastructures de marché donnent lieu à la

réalisation d’économies d’échelle ;

- Les coûts de recherche d’information (et, le cas échéant, de courtage) sont réduits25 ;

- Le partage des risques entre les participants au marché est plus grand26.

A l’inverse, la fragmentation peut avoir des effets négatifs, car elle :

- induit des coûts de duplication des infrastructures de négociation et de consolidation de

l’information de marché ;

- peut nuire au processus de découverte des prix. De fait certains travaux empiriques

montrent que le marché dominant a un processus de découverte des prix plus efficient27 ;

- en présence d’asymétries d’information, Gresse (2010a)28 note qu’elle accroît les risques

de sélection adverse29 : Chowdry et Nanda (1991) montrent que les coûts de sélection

adverse augmentent avec le nombre de (multi-)cotations. Easley, Kiefer et O’Hara (1996)

et Bessembinder et Kaufman (1997) révèlent, en outre, qu’un marché peut "écrémer"

(cream skim) les ordres non informés –les plus profitables – et nuire ainsi à la liquidité du

marché primaire. Glosten (1989) ajoute qu’en cas de forte sélection adverse la

fragmentation pourrait induire des risques –que l’on pourrait qualifier de systémiques–

pour le marché dans son ensemble de ne pas trouver de prix d’équilibre.

Sous certaines conditions cependant –voir Moinas (2009)– la fragmentation est neutre,

notamment :

- Si l’entrée des offreurs de liquidité sur les différents marchés est libre, leurs

problématiques de gestion de stocks les conduisent de facto à consolider les marchés30 ;

- Si les investisseurs ont libre accès aux différents carnets d’ordres, si les marchés sont

transparents ex-ante et que les investisseurs fragmentent leurs ordres31.

25 Flood et al. (1999) 26 Pagano (1989) 27 Easley, Kiefer et O’Hara (1996) trouvent une différence significative entre le contenu informationnel des ordres exécutés sur le NYSE et celui de ceux exécutés sur la bourse de Cincinnati. Hasbrouck (1995) montre la prépondérance du processus de découverte des prix du NYSE. Biais, Glosten et Spatt (2005) met en perspective et discute ces travaux. 28 Voir aussi Admati et Pfleiderer (1988). 29 Sur la notion de sélection adverse voir note de bas de page 9. 30 Lescourret et Moinas (2007). 31 Biais, Martimort et Rochet (2000).

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Les Cahiers Scientifiques n°9 – juin 2010 Autorité des Marchés Financiers Page 29

II.1.2 Un bénéfice est cependant attendu de la fragmentation

Il convient de rappeler néanmoins que le monopole de marché présente aussi des inconvénients :

il n’a d’incitation ni à réduire les coûts (explicites) de négociation, ni à innover pour tenir compte

des préférences des investisseurs. En outre, la gestion d’un monopole soulève des questions

pratiques sur le mode approprié de gouvernance du marché32. Enfin, l’ouverture à la concurrence

n’est pas nécessairement génératrice de pertes pour le monopole établi, dans la mesure où le

marché impétrant bénéficie de l’avantage du "premier arrivant", et qu’un pôle de liquidité établi

–les externalités mentionnées plus haut jouant négativement pour les nouveaux entrants– est

difficile à contester.

Sur ces bases, Hamilton (1979) montre l’ambigüité des effets de la fragmentation : d’une part,

elle accroît la concurrence et l’incitation à fournir les meilleurs prix ; d’autre part, elle peut

réduire la liquidité sur chaque marché et/ou consolidée (la concentration produisant des

externalités positives, la fragmentation engendre des effets symétriques). Concrètement, l’auteur

mesure un bénéfice net positif (quoique de faible ampleur) de la concurrence entre le NYSE et les

bourses régionales aux Etats-Unis à l’époque de la mise en place du National Market System33.

Dans ce contexte, une littérature abondante a étudié (avant l’entrée en vigueur de la directive

MIF et surtout aux Etats-Unis), les effets de la fragmentation de marché sous des angles divers

au cours des dernières années34, dont il ressort dans l’ensemble un diagnostic favorable à la

fragmentation –lequel a d’ailleurs, comme souligné précédemment, eu une influence

significative sur la réglementation. Schématiquement, les bénéfices de la fragmentation y

ressortent comme attribuables à l’impact de la concurrence sur les coûts directs de transaction et

sur les coûts implicites (liquidité), dans un contexte où des besoins de trading hétérogènes des

participants aux marchés appellent à être pris en compte.

32 Grillet-Aubert, Oriol (2007) 33 Faute de données, l’auteur ne peut prendre en compte les transactions hors-marché, qui constituent donc une seconde source de fragmentation inobservée. 34 Fishe et Harris (2003), Mayhew (2002), Battalio et al. (2004), Biais, Bisière et Spatt (2004), Foucault et Menkveld (2008), O’Hara et Ye (2009) et Gresse (2010).

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Tableau 2 – Sélection d’articles des revues internationales sur les effets de la fragmentation sur la structure de marché (Journal of Finance, Review of Financial Studies,

Journal of Banking & Finance)

Authors Market Methodology Main Finding

DeFontnouvelle et al.(2003), JoF.

U.S option markets

Compare measures of liquidity after and before the advent of competition for order flow in US option listings

Spreads decline and depth increase when options become listed on multiple markets

Mayhew (2002), JoF

U.S option markets

Compare options traded on a single market with options traded in multiple markets

Options with multiple listings have smaller bid- ask spreads

Boehmer et Boehmer (2004),JbF

U.S ETF markets

Compare measures of liquidity after and before entry of the NYSE in the trading of 30 ETFs

Significant reductions in bid-ask spreads and increases in depth after entry of the NYSE.

Fink et al.(2006),

JbF

U.S equity markets

Evolution of measures of liquidity for Nasdaq stocks from 1996 and 2002

Decline in bid-ask spreads, in part due to increased competition from ECNs.

Hendershott et Jones (2005), RFS

U.S ETF markets

Compare measures of liquidity after and before Island goes « dark » for 3 ETFs in 2002

Significant increase in trading cost. Decrease in quality of price discovery

Source: Foucault (2010)

Plus précisément, on recense les bénéfices de la fragmentation suivants :

- Commissions de négociation (coûts explicites) : la concurrence incite les marchés à

proposer des tarifs concurrentiels. Declerck et Moinas (2009) mettent par exemple en

évidence un effet auto-entretenu de baisse des commissions de négociation sur Euronext

en 2004 sur la liquidité. La baisse drastique des prix des marchés réglementés

consécutivement à l’adoption de la directive MIF en Europe révèle un phénomène de

même nature en 2008-2009.

- Liquidité : on retiendra ici essentiellement deux publications récentes :

. Celle de Foucault et Menkveld (2008) montre que la concurrence d’un second

carnet -en l’occurrence celui du Dutch Trading Service lancé par le London Stock

Exchange en 2003 pour concurrencer la bourse d’Amsterdam- améliore la

profondeur de marché en permettant aux offreurs de liquidité de contourner la

priorité temporelle des ordres ;

. Celle d’O’Hara et Ye (2009) fait état, pour les Etats-Unis sur la période de janvier à

juin 2008, et pour six différents indicateurs de liquidité et d’efficience de marché,

d’une amélioration plus grande pour les valeurs dont la négociation est

fragmentée que pour celles dont la négociation ne l’est pas35. La fragmentation y

ressort comme associée à des coûts de transaction moindres et à des vitesses

d’exécution plus élevées. La force et la significativité de ces impacts diffère selon

35 Les auteurs corrigent les biais potentiels, liés notamment à la taille des valeurs (grosses et petites capitalisation) et au niveau de prix des actions (les petites actions ayant des coûts de transaction généralement plus élevés).

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la taille des firmes, et selon le marché sur lequel la valeur est cotée. La

fragmentation augmente, certes, la volatilité de court terme, mais cet effet n’est

statistiquement pas significatif.

Sur ces bases, les auteurs considèrent que l’amélioration de la liquidité est

probablement liée à la fragmentation entre des marchés biens interconnectés et

"virtuellement consolidés". Elle serait donc très liée à l’existence d’une base de

données de marché consolidée (consolidated tape), à la présence de systèmes de

routage d’ordres efficaces et rapides, et à la spécification de la règle de best

execution ("trade through rule" qui fait obligation de servir le meilleur prix de

marché). Notons que la fragmentation est ici mesurée par la part du total des

volumes de transaction réalisée hors-marché36 mais la relation de cet indicateur

avec le degré de transparence des transactions n’est –pour des raisons

d’indisponibilité des données- pas étudiée 37 . L’observation sur la capacité à

consolider les données de marché ne peut donc être étayée par des arguments

plus précis sur l’impact de la transparence sur les bénéfices de la fragmentation.

- Hétérogénéité des investisseurs (taille, patience, information, coûts) : le développement

des plateformes alternatives de négociation est rendu possible par plusieurs facteurs qui

leur permettent de se différencier, c'est-à-dire de servir des besoins différents. En

particulier :

. Le besoin d’atténuer l’impact des transactions conduit avant tout les initiateurs

d’ordres de grande taille à rechercher l’anonymat38. Plus fondamentalement, ce

besoin peut justifier la coexistence de lieux de négociation multiples structurés

différemment comme le montrent les deux études suivantes :

. Seppi (1997) compare les coûts d’exécution sur un marché hybride et un carnet

"pur" en fonction de la taille des besoins des investisseurs. Il en conclut que les

grands institutionnels et les petits investisseurs de détail obtiennent une meilleure

qualité d’exécution sur des marchés hybrides, tandis que des investisseurs

effectuant des transactions de taille moyenne devraient préférer des carnets

d’ordres "purs" (limit order book). Les marché entrent certes en compétition, mais

s’adressent à des clientèles distinctes.

36 La fragmentation resort comme plus élevée pour les valeurs du Nasdaq, les small caps du Nasdaq étant plus fragmentées que les large caps. Cependant, alors que les valeurs du NYSE sont en général moins fragmentées, les large caps y sont légèrement plus fragmentées que les petites. 37 Les donnés sur les transactions de la Consolidated Tape (qui, pour les besoins de la best execution, centralise les informations des Trade Reporting Facilities (TRFs)) ne permettent pas toujours d’identifier les plateformes d’exécution. L’impact de la fragmentation ne peut donc être examiné en fonction du niveau de transparence des nouvelles plateformes. 38 Notons ici que comme le montrent Foucault, Moinas, Theissen (2003), la possibilité ou non de conduire des transactions de façon anonyme a des implications sur la liquidité du marché.

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Les Cahiers Scientifiques n°9 – juin 2010 Autorité des Marchés Financiers Page 32

. Gresse (2006) montre la complémentarité entre un marché de tenue de marché

(dirigé par les prix, dealer market ou DM) et un système de croisement des ordres

(crossing network ou CN), comme POSIT d’ITG, qui permet les contreparties de

traiter au milieu de fourchette, mais induit des risques de non-exécution des ordres

élevés. Typiquement, le CN peut présenter un intérêt pour des teneurs de marché

qui y "mutualisent leurs risques", c’est-à-dire qui utilisent ce système pour

reconstituer leur stock de titres après s’être portés contrepartie sur le marché. Ceci

suppose cependant que la présence d’investisseurs susceptibles de faire un usage

"opportuniste" du CN ne risque pas d’avoir des effets négatifs supérieurs au

bénéfice du partage des risques. Dans ce contexte, l’auteur montre que le bénéfice

du CN –dont la réalité est prouvée pour POSIT- est probablement lié au fait que le

volume de transactions qui y est traité reste relativement faible au regard du total

des volumes de transactions du marché.

. Enfin, Foucault et Parlour (2004) montrent que les plateformes peuvent se

distinguer par leur structure tarifaire pour répondre à certains motifs

d’hétérogénéité des besoins de négociation. Ils montrent en l’espèce que deux

plateformes peuvent coexister si elles proposent des structures de coûts différents

pour des services liés (commission de négociation et coûts de cotation

(listing)) mais qui selon les types de coûts concernés affectent différemment les

sociétés cotées (certaines sont plus sensibles aux coûts de cotation, d’autres aux

coûts de négociation sur le marché secondaire).

De fait, en Europe, la structure tarifaire est probablement un des axes majeurs de

la concurrence exercée par les MTF vis-à vis de marches réglementés. En effet, des

structures asymétriques différenciant les tarifs appliqués aux ordres

consommateurs de liquidité par rapport aux ordres apporteurs de liquidité, ont été

adoptées. Elles peuvent même conduire les opérateurs à rémunérer les ordres

apporteurs de liquidité, voire –comme on l’a vu aux Etats-Unis– à rémunérer plus

ces derniers que ne sont facturés les ordres consommateurs de liquidité (inverted

pricing). Certaines propriétés des structures tarifaires asymétriques sont étudiées

par Foucault, Kadan et Kandel (2009). Nous les évoquons plus bas dans la section

dédiée au trading algorithmique et haute fréquence.

Colliard et Foucault (2010) montrent cependant que les effets de la fragmentation

sur le niveau des coûts de négociation explicites sont prédominants, même si ce

point de vue doit être nuancé (voir 4.1.2 ci-après).

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Les Cahiers Scientifiques n°9 – juin 2010 Autorité des Marchés Financiers Page 33

- La modernisation technologique ou "innovation" :

Consécutivement à la création d’un segment de cotation international par le London

Stock Exchange (SEAQ I), le big bang des bourses européennes de la fin des années 8039 a,

entre autres, incité la Bourse de Paris à adopter un système électronique. De même, la

concurrence des ECN aux Etats-Unis a favorisé un recours plus systématique à la

négociation électronique et accru les vitesses d’exécution. Il est d’ailleurs remarquable

que les grands marchés américains (Nasdaq et NYSE) n’ait "suivi" que tardivement,

notamment en rachetant des ECN pour reprendre leur technologie. De même, en Europe,

consécutivement à la MIF, les MTF se sont dotés de systèmes à faible latence (grande

vitesse d’exécution) et ont conduit les marchés réglementés à se moderniser pour offrir

des services de même nature. Depuis, une offre d’accès au marché a été développée par

les intermédiaires et les marchés, qui a conduit les premiers à fournir des accès directs au

marché (Direct Market Access ou DMA) et les seconds à développer des infrastructures de

co-localisation (hébergement des systèmes de trading des intermédiaires et/ou

investisseurs dans les systèmes du marché pour réduire le temps de latence des

exécutions)40.

Au total, cette littérature souligne donc les avantages de la fragmentation et de la concurrence

qu’elle induit, notamment les baisses de coûts explicites, la satisfaction de besoins de trading

hétérogènes, et la modernisation des infrastructures technologiques. Les effets sur la liquidité

sont considérés positifs conditionnellement aux obligations de transparence –et solutions

techniques de routage des ordres les mettant en œuvre- qui s’appliquent pour consolider le

marché.

39 Une excellente description des évolutions de la structure de marché à cette époque est proposée par Benn Steil dans ECMI (1996). 40 Une discussion des différentes formes que revêt ce concept et des implications réglementaires qu’elle a est proposée par IOSCO (2009)

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Les Cahiers Scientifiques n°9 – juin 2010 Autorité des Marchés Financiers Page 34

II.2. Les dark pools et l’arbitrage entre transparence et liquidité

II.2.1 Dark pool : un concept à préciser

Rappelons d’abord ici que des mécanismes de dissimulation de la liquidité – la possibilité de

recourir à des ordres cachés (ou iceberg41) - existent de longue date sur les marchés réglementés.

Ils représentent aujourd’hui une part importante de la liquidité des principaux marchés

réglementés42 et ils donnent lieu à une grande créativité des marchés qui ont récemment créé de

multiples types d’ordres nouveaux. L’impact positif du recours à ce type d’ordres sur la liquidité

est généralement attesté par la littérature. Anand et Weaver (2004), en particulier, montrent que

l’introduction des ordres cachés sur le Toronto Stock Exchange en 2002 a accru la profondeur

consolidée du carnet. Moinas (2006), cependant, démontre théoriquement que s’il est logique

qu’un impact positif sur l’efficience de marché (la formation des prix) puisse être attendu des

ordres cachés, un tel impact n’est pas nécessairement observé sur la liquidité, et est largement

conditionné par les autres types d’ordres autorisés sur le marché.

La définition du concept de dark pool comme plateforme électronique de négociation bénéficiant

d’exemptions de transparence pré-négociation demande donc à être précisée. Elle peut l’être en

premier lieu au regard de la nature des interactions avec la liquidité visible et, en second lieu, en

fonction de la nature des exemptions qui s’appliquent – on distingue à cet égard, dans le cadre

européen actuel, les ordres cachés des marchés réglementés, les ordres de grande taille (large in

scale), les ordres appariés à prix importé (reference price), et les transactions négociées

(negotiated deals)43.

Dans le contexte de concurrence créé par la MIF, ce sont surtout les MTF "transparents"

(publiant des données pré-négociation) qui ont attiré la liquidité en marge des marchés

réglementés établis, les volumes de transaction sur les dark pools étant à ce stade peu élevés au

regard des volumes de transaction totaux44. La concurrence entre MTF et marchés réglementés

41 NB : ils peuvent l’être totalement sur les marchés américains. Cf. SEC (2010). 42 Moinas (2006) cite Tuttle (2002) selon qui les ordres cachés représentent, pour les valeurs du Nasdaq 100, 25% de la liquidité consolidée aux meilleures limites, et D’Hondt, De Winne, François-Heude (2004), qui l’évaluent à 45% sur les cinq meilleures limites et 55% aux meilleures limites d’Euronext Paris. Ils observent en outre que ces ordres sont souvent modifiés ou annulés. Précisons aussi qu’en Europe, les ordres ne peuvent être que partiellement cachés, tandis qu’ils peuvent l’être en totalité aux Etats-Unis. 43 Voir CESR/09-324 "Waivers from Pre-trade Transparency Obligations under the Markets in Financial Instruments Directive (MiFID)-20 May 2009 Update sous : http://www.cesr-eu.org/data/document/09_324_Update_06012010.pdf. 44 Fin 2009, les dark pools constitués comme MTF ou segments de MTF représentaient 1,2% du volume total du volume de transaction sur actions en Europe selon les données de Thomson Reuters.

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Les Cahiers Scientifiques n°9 – juin 2010 Autorité des Marchés Financiers Page 35

ne s’est donc pas développée en premier lieu sur la base du critère de transparence, mais sur

celle de la structure tarifaire, du coût des traitements post-marché et, de façon plus transitoire,

de la technologie (temps d’exécution). C’est seulement récemment que – dans un contexte où

les marchés réglementés ont adapté leur offre en conséquence (baisses et changement de

structure tarifaires, réduction des délais d’exécution, etc.) et où la concurrence entre MTF s’est

exacerbée - que la capacité à exécuter des ordres exemptés d’obligation de transparence pré-

négociation est apparue comme un critère de différenciation significatif. En tout état de cause,

en Europe, la fragmentation et la concurrence n’ont favorisé l’essor de ces dark pools que

récemment, soit comme entités capitalistiques distinctes, soit, comme segments additionnels de

MTF "transparents" ou de marchés réglementés. Leur croissance est cependant rapide. Elle

pourrait en outre bénéficier de la requalification par certains intermédiaires de leurs activités de

négociation. Dernièrement, la banque Nomura a par exemple annoncé vouloir donner le statut

de MTF à son (dark) pool de liquidité interne.

Le périmètre du concept de dark pool peut être étendu pour inclure les exécutions automatisées

sur les systèmes d’appariement internes des banques (crossing networks45) et même, le cas

échéant, plus généralement les transactions des courtiers réalisées hors-marché. Préciser la

terminologie utilisée est donc un préalable à toute analyse en la matière.

II.2.2 L’apport de la littérature n’est pas tranché

En termes analytiques, la transparence pré-négociation sur la liquidité a des effets ambivalents :

- D’une part, elle réduit les coûts de recherche d’information, permet de mieux anticiper le

coût d’impact (et, donc, le prix des transactions réalisées in fine46), et réduit les asymétries

d’information –améliorant donc l’efficience des marchés, notamment lorsque ces

asymétries sont significatives47. En outre, "elle est une condition nécessaire dans tous les

arguments développés pour que les investisseurs puissent diviser leurs ordres entre

marchés de manière à réduire leurs coûts"48.

45 NB : les crossing networks considérés ici se distinguent de ceux qui sont désignés sous ce vocable par Gresse (2006). Les premiers sont des MTF opérant en vertu d’exemptions de transparence pré-négociation. Les seconds sont des systèmes internes des banques qui apparient la liquidité de façon automatisée à l’aide d’algorithmes et de systèmes de routage des ordres (SOR). 46 Moinas (2009) fournit des références sur ce point. 47 Biais et al. (2004). 48 Moinas (2009).

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Les Cahiers Scientifiques n°9 – juin 2010 Autorité des Marchés Financiers Page 36

- Inversement, elle accroît l’exposition des ordres des apporteurs de liquidité, c'est-à-dire le

risque de sélection adverse. L’opacité peut donc améliorer la liquidité en réduisant le coût

d’exposition des ordres (risque de sélection adverse) et permet de tenir compte de

demandes d’investisseurs hétérogènes. Ainsi, Madhavan (1995) établit-il d’un point de

vue théorique que la moindre transparence des plateformes alternatives de négociation

est de nature non seulement à fragmenter mais aussi à réduire la qualité du marché par le

biais d’un accroissement de la volatilité et d’une moindre efficience de la formation des

prix.

Deux "expériences naturelles" de réduction (resp. d’accroissement) de la transparence de

marchés nord-américains aboutissent à des résultats contradictoires sur ce point : Hendershott et

Jones (2005) sur le segment de marché de cotation d’ETF de la plateforme Island aux Etats-Unis,

qui est devenu opaque en 200249 et Madhavan, Porter and Weaver (2001) sur la bourse de

Toronto en avril 1990 – époque de la mise en place un système informatisé diffusant en temps

réel au grand public le détail des ordres à cours limité.

Hendershott et Jones (2005)50 examinent l’impact de la décision d’Island, en septembre 2002, de

ne plus afficher publiquement son carnet d’ordres électronique pour les valeurs d’un segment de

marché très compétitif. Ils montrent que la baisse de liquidité (une augmentation des spreads

observée uniquement sur ce marché) consécutive à la décision d’Island a entraîné une migration

des volumes de négociation hors du dark pool et, donc, renforcé la fragmentation sur un

segment de marché où Island était pourtant, initialement, dominant. La détérioration de la

qualité globale du marché des titres concernés s’est accompagnée, en outre, d’une détérioration

du processus de formation des prix, ces derniers mettant plus de temps à incorporer les

informations nouvelles. En octobre 2003, tirant les conséquences de la perte de sa part de

marché, Island a réintroduit la transparence pour les valeurs concernées. L’efficience de la

formation des prix et la liquidité se sont subséquemment accrues, mais Island n’a pas regagné la

position dominante qu’il avait précédemment. En dépit des différences de structure qui limitent

les possibilités d’en transposer les conclusions (notamment à travers l’Atlantique), les propriétés

de cette "expérience naturelle" lui confèrent un certain degré de généralité : au-delà d’une

certaine taille, l’opacité d’un marché nuit à la liquidité qui s’y forme et à l’efficience du processus

de formation des prix.

49 Bortoli et al. (2006) étudie aussi des changements analogues sur le du Sydney Futures Exchange et conclut dans le sens de Madhavan et al. (2005). 50 Hendershott and Jones, (2005)–Transparency, Fragmentation and Regulation

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Les Cahiers Scientifiques n°9 – juin 2010 Autorité des Marchés Financiers Page 37

Madhavan, Porter et Weaver (2001) arrivent –en prenant en compte une expérience naturelle

plus ancienne51– à des conclusions opposées : "Nos résultats empiriques montrent clairement

que la transparence a des effets économiques importants sur les coûts de transaction et la

liquidité. Nous constatons qu’une plus grande transparence ne s’accompagne pas d’une hausse

de la qualité du marché. Notre analyse indique en particulier que les coûts de transaction

augmentent après l’entrée en vigueur du changement des règles de divulgation, même si l’on

tient compte de l’influence d’autres facteurs sur les coûts de transaction, comme le volume, la

volatilité et les cours. Ce résultat cadre avec l’hypothèse voulant que la transparence diminue la

liquidité du fait que les donneurs d’ordres à cours limité sont peu disposés à donner des options

gratuites aux autres opérateurs. Les données transversales montrent que la réduction de la

liquidité et l’accroissement des coûts de transaction entraînent une baisse des prix des actifs

financiers, comme l’avaient prévu Amihud et Mendelson (1986) ainsi que Brennan et

Subrahmanyam (1996). Cependant, rien ne laisse prévoir un élargissement des écarts de cours

entre bourses dans le cas des actions inter-cotées, ni de déplacement important des flux d’ordres

d’une bourse vers une autre."

Notons qu’en ce qui concerne plus spécifiquement les systèmes de croisement d’ordres (les dark

pools traitant au milieu de fourchette, à des prix importés des marchés réglementés), les

résultats sont également contradictoires. Hendershott et Mendelson (2000)52 établissent que les

effets d‘écrémage “cream skimming”, en vertu desquels ne sont redirigés vers les bourses que

les ordres non exécutés par ailleurs, réduisent la liquidité et potentiellement le bien-être collectif.

Hendershott (2010) souligne que ce résultat peut rester valide même si les volumes exécutés sur

le dark pool sont faibles et en dépit d’une amélioration potentielle du processus de découverte

des prix. Ces résultats, ressortent cependant comme contradictoires avec ceux de Gresse (2006)

évoqués plus haut.

Ces divergences des conclusions conduisent à la prudence : leur généralité – et leur validité dans

le contexte européen – doivent être relativisées. En d’autres termes elles montrent une

dépendance au contexte d’étude, aux structures de marché observées. Une conclusion

alternative pourrait être qu’il existe un seuil (une part des transactions "opaques", qui resterait 51 Pour citer les auteurs :"Une expérience naturelle a en effet eu lieu le 12 avril 1990, lorsque la Bourse de Toronto a mis en place un système informatisé diffusant en temps réel au grand public le détail des ordres à cours limité. Ce changement, qui s’appliquait à la fois aux actions échangées sur le parquet de la Bourse (les actions les plus actives) et à celles (moins actives) négociées par l’entremise du système de transaction assistée par ordinateur de la Bourse (le système CATS), nous permet d’étudier l’incidence d’un accroissement considérable du degré de transparence en amont des transactions pour les mêmes actions et la même structure de marché". 52 Selon Hendershott et Mendelson (2000), les effets d‘écrémage “cream skimming” en vertu desquels ne sont redirigés vers les bourses que les ordres non exécutés par ailleurs réduit la liquidité et potentiellement le bien-être collectif. Cet effet peut-être significatif si Effect can be large even if dark trading volume is small

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d’ailleurs à déterminer) au-delà duquel les impacts négatifs de l’opacité excèdent les bénéfices

qui peuvent en être retirés.

II.2.3 Les effets de l’opacité sur la liquidité et la formation des prix sont à réévaluer

L’arbitrage entre liquidité et transparence revêt une importance accrue dans le contexte de

développement du "dark trading" (négociation échappant aux obligations de transparence pré-

négociation, en vertu des différentes exemptions autorisées par la directive MIF). Les études

académiques proposent nous l’avons vu des outils pour analyser l’impact de cette opacité, mais

ils n’ont à ce stade pas été mis en œuvre. Dans le contexte européen, il semblerait opportun, en

particulier, d’examiner la dynamique des interactions entre développement de l’opacité et la

formation des prix, la liquidité de marché semblant rester relativement abondante. Certains

intermédiaires s’en sont d’ailleurs inquiétés :

"La transparence pré-négociation, qui était un des grands axes de la MIF, s’est

dégradée et la liquidité sur les marchés Lit est devenue illusoire. C’est la dégradation de

la qualité du Lit vu dans son ensemble (marchés primaires et MTF) qui a poussé les

intervenants à se tourner de plus en plus vers le Dark (partie Dark des MTF et Crossing

Engines) pour préserver les intérêts de leurs clients qui leur demandent d’accéder à

toutes les poches de liquidité. Les inquiétudes qui sont alors apparues sur les

mécanismes de formation des prix ne peuvent être levées en réglementant sans

discernement le Dark mais plutôt en restaurant la qualité du Lit"

CA Cheuvreux (2010a)

Ce point de vue resterait à étayer, d’autant plus qu’il reste difficile, d’un point de vue théorique,

de modéliser les comportements d’intervenants qui mettent en œuvre des stratégies endogènes

par rapport aux règles de négociation et à l’information dont ils disposent.

Enfin, trois aspects sont de nature à jouer un rôle dans une telle perspective analytique :

- Avec la créativité en matière de structure de marché, la transparence forme désormais un

"continuum". Les IOIs (indications of interest), par exemple, sont des messages que les

membres de dark pools peuvent adresser à un groupe choisi d’autres membres pour

exprimer un intérêt à négocier sur certaines quantités. Ils constituent donc – sans aborder

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Les Cahiers Scientifiques n°9 – juin 2010 Autorité des Marchés Financiers Page 39

ici les questions d’équité de l’accès au marché – une forme d’opacité limitée dont il s’agit

d’observer les impacts spécifiques ;

- La taille des ordres susceptibles d’échapper aux obligations de transparence pré-

négociation s’est considérablement réduite du fait de la généralisation des algorithmes

fragmentant les gros ordres ;

- Enfin, les modalités de la meilleure exécution et en particulier d’interconnexion des

infrastructures, et du routage des ordres sont cruciales et peu étudiées en tant que telles.

Selon Klagge, Sarkar et Schwartz (2009) : "the real concern about the dark pools of today

should not be that they are dark; it should be that connectivity may not be a viable

substitute for consolidation".

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III. LE DEVELOPPEMENT DU TRADING ALGORITHMIQUE ET HAUTE FREQUENCE AU CŒUR DES EVOLUTIONS DU MARCHE

Le développement du trading algorithmique et en particulier, en son sein, du trading haute

fréquence (High Frequency Trading ou HFT) ont des conséquences majeures pour l’organisation

des marchés d’actions. La notion de HFT a surtout été inspirée par des consultants (repris par les

media). Elle appelle donc tout d’abord à être revisitée et examinée sur la base des différentes

informations dont dispose le régulateur de marché. Son développement cristallise en outre un

ensemble d’évolutions récentes de la structure des marchés qui soulèvent des questions à la fois

fondamentales et pratiques de régulation de marché. Dans le prolongement des travaux sur la

fragmentation et la liquidité évoqués plus haut, la recherche en microstructure a d’ores et déjà

entrepris de mesurer certains effets du HFT sur la qualité de marché. Il convient ici d’en prendre

acte mais aussi d’identifier les pistes d’investigation futures.

III.1. Les caractéristiques principales du HFT

III.1.1 Le concept de HFT : portée et limites

III.1.1.1 Définition

Le HFT se définit de façon générale par deux critères principaux : la mise en œuvre de stratégies

de trading automatisé à haute fréquence, et la nature des acteurs – des intervenants pour

compte propre – qui l’initient.

Sur le premier point, le HFT se caractérise par des stratégies visant à exploiter des opportunités

d’investissement de courte durée. Des temps d’accès au marché (latence) très faibles sont donc

consubstantiels à leur succès. Une définition stricte du HFT le limite en outre à la recherche

d’opportunités susceptibles de générer des profits unitaires faibles, et qui ne sont donc rentables

que si des processus de trading automatisés les multiplient. La recherche de vitesse s’étend alors

de l’exécution à la négociation (trading), c'est-à-dire au processus d’identification des

opportunités d’investissement et de génération des ordres. En pratique, et de façon assez

générale, la présence d’opportunités de trading étant intimement liée aux conditions d’exécution

des ordres, les algorithmes et systèmes de HFT intègrent complètement ces deux aspects de la

négociation. Compte tenu de leur sensibilité aux conditions de marché et aux stratégies des

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autres intervenants, les stratégies de HFT sont, enfin, amenées à réévaluer en continu leur propre

pertinence. Elles conduisent donc à générer, router, modifier, et fréquemment annuler, des

nombres d’ordres très importants.

Sur le second point, les intervenants du HFT se caractérisent par le fait qu’ils négocient pour

compte propre, qu’il s’agisse de banques (bulge bracket firms) ou de fonds d’investissement

(hedge funds)53. Il s’agit alors, notamment pour le HFT au sens strict, de rentabiliser des

engagements en capital réduits par un recours intensif aux infrastructures techniques de

négociation appropriées. Dans ce contexte, l’obtention d’économies d’échelles par les traders

haute fréquence ressort comme essentielle, ainsi qu’une rotation extrêmement rapide du capital

investi, les positions de marché étant généralement closes sur une base quotidienne.

Au total, le HFT, tendant par métonymie à caractériser ceux qui le mettent en œuvre, désigne

donc des fonds et banques d’investissement qui créent des infrastructures pour industrialiser

l’exploitation pour compte propre d’opportunités de négociation potentiellement faibles.

Cette définition correspond à celles des consultants et fournit donc la base des estimations de

l’importance du HFT qui font référence dans les media. Elle correspond également à la

terminologie plus généralement en usage dans l’industrie financière et est largement conforme à

celle de la S.E.C. des Etats-Unis54.

III.1.1.2 Limites

La définition reste cependant sujette à discussion sur certains aspects. Elle appelle notamment

certaines précisions, tant théoriques que pour évaluer le phénomène du HFT :

53 Les plus médiatiques incluent, par exemple, Citadel, Getco, Kyte, IMC, Madison Tyler, Man, Renaissance. 54 Selon le Concept Release de la SEC du 10 février 2010 le HFT désigne des "professional traders acting in a proprietary capacity that engage in strategies that generate a large number of trades on a daily basis. These traders could be organized in a variety of ways, incl. as a proprietary trading firm (which may or may not be a registered broker-dealer and member of FINRA), as the proprietary trading desk of a multi-service broker-dealer, or as a hedge fund (all of which are referred to hereinafter collectively as a “proprietary firm”). Other characteristics often attributed to proprietary firms engaged in HFT are: (1) the use of extraordinarily high-speed and sophisticated computer programs for generating, routing, and executing orders; (2) use of co-location services and individual data feeds offered by exchanges and others to minimize network and other types of latencies; (3) very short time-frames for establishing and liquidating positions; (4) the submission of numerous orders that are cancelled shortly after submission; and (5) ending the trading day in as close to a flat position as possible (that is, not carrying significant, unhedged positions over-night)".

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- La distinction entre trading haute fréquence et pour compte de tiers (agency trading)

reflète le fait que les services d’intermédiation ne concernent que la partie de la chaîne

transactionnelle relative à l’exécution des ordres (pas celle relative à l’opportunité de

négocier), ce qui a des implications sur les stratégies mises en œuvre. En effet, les

stratégies d’exécution visent en général surtout à limiter l’impact de

marché (l’implementation shortfall), et fragmentent donc les ordres pour en étaler

l’exécution dans le temps. En pratique, les services d’intermédiation des banques peuvent

cependant recourir, le cas échéant, aux mêmes infrastructures que le trading haute

fréquence pour compte propre et employer des techniques d’exécution automatisées du

même ordre de sophistication55 ;

- La distinction entre compte propre et compte de tiers conduit également à s’interroger, à

la fois d’un point de vue fondamental et d’un point de vue pratique (par exemple lorsqu’il

s’agit de quantifier l’importance du HFT), sur le sens qu’il y a d’inclure ou non certaines

activités pour compte propre dans le périmètre du HFT. Les activités de tenue de

marché – comprises comme engageant contractuellement le teneur de

marché à afficher en permanence des prix à l’achat et à la vente pour des quantités

minimales de titres56 – fournissent un service spécifique d’apport de liquidité au marché

qu’il convient de distinguer de l’éventuel apport de liquidité, non contractuel, d’autres

acteurs du HFT. En tout état de cause, les estimations du HFT répertoriées - probablement

aussi pour des raisons pratiques liées à l’impossibilité d’isoler ce type de trading dans

l’ensemble des activités des banques et courtiers57 – n’excluent pas les activités de tenue

de marché du périmètre du HFT (voir ci-après)58. Plus spécifiquement, il conviendrait, dans

ce contexte, d’évaluer aussi comment est considérée l’interposition transitoire du compte

55 Schématiquement, on peut distinguer deux principaux types d’algorithmes d’exécution. Des algorithmes "rustiques" comme les VWAP (Volume Weighted Average Price) qui, sur la base de l’évolution des volumes de transaction observée durant les séances de cotation passées, étalent sur la journée de bourse l’exécution de fractions de l’ordre initial pour obtenir un prix d’exécution moyen au proche du VWAP de la séance. Des algorithmes complexes d’"implementation shortfall" optimisent pour leur part l’exécution sous différentes contraintes exprimant les préférences du donneur d’ordre et s’adaptent dynamiquement aux conditions de marché afin de minimiser simultanément les risques liés à la durée d’exécution et au coût d’impact des ordres. Leur mise en œuvre est souvent qualifiée de black-box trading. L’offre d’algorithmes, extrêmement abondante, ne se réduit évidemment pas à ces deux cas polaires. 56 Observons ici, qu’au-delà de ces critères, une obligation contraignante de tenue de marché devrait aussi porter sur le niveau des spreads et/ou des prix servis. Dans cet ordre d’idées, la SEC s’interroge dans un rapport intitulé “Preliminary Findings Regarding the Market Events of May 6, 2010" du 18 Mai 2010 sur :"The need to examine the use of “stub quotes”, which are designed to technically meet a requirement to provide a “two sided quote” but are at such low or high prices that they are not intended to be executed". 57 Rosenblatt Securities (2009), dont l’objet est avant tout d’évaluer l’importance du HFT, precise : "The portion of HFT flows that comes from high-frequency strategies within big banks and the brokerage firms is nearly impossible to sort from those firms’ customer and non-HFT prop trading businesses, because orders for both are typically sent through the same telecommunications lines without separate identifiers". 58 Un facteur additionnel de complexité dans la distinction entre tenue de marché contractuelle et stratégie de market making provient du fait que certains acteurs du HFT peuvent, comme Getco sur le NYSE, adopter des statuts de teneurs de marché (en l’occurrence de Designated Market Maker).

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propre des intermédiaires dans des transactions pour compte de tiers (riskless principal

trading)59.

Il est en tout état de cause symptomatique que, dans une quête d’information qui vise

notamment à identifier les effets du HFT sur la structure de marché60, la S.E.C. propose,

pour éviter toute ambigüité, d’appliquer ses nouvelles règles déclaratives61 sans désigner

directement une catégorie d’intervenants telle que les traders haute fréquence.

III.1.2. Prévalence du HFT

Malgré le consensus sur la définition, des écarts parfois significatifs sont observés dans les

estimations de la prévalence du HFT62. A en juger sur la base de publications de consultants du

dernier trimestre de l’année 2009 qui font référence, les mesures de la part du HFT dans les

volumes de transaction sur actions aux Etats-Unis varient de 42% à deux tiers63 (voir tableau 3).

Les estimations sont plus rares pour l’Europe, où le phénomène a pris moins d’ampleur.

Rosenblatt Securities (2009) y évalue toutefois l’importance du HFT à environ 35% des volumes

de transaction et s’accorde avec Celent (2009) pour juger que cette part est "en forte

croissance".

Tableau 3 - Prévalence du HFT sur les marchés d’actions aux Etats-Unis et en Europe

Date de la publication Etats-Unis Europe

TABB Group sep. 2009 61% -

Celent déc. 2009 42% rapidly growing

Rosenblatt Securities 30 sep. 2009 ~66% ~35% and growing fast

Quelles que soient leurs divergences, ces mesures attestent généralement du fait que le HFT

représente désormais une part significative et croissante (voir graphique 7) des volumes de

transactions. La taille moyenne des ordres émanant du HFT étant petite, la part qu’il représente

dans les volumes de transaction sous-estime en outre certainement leur importance dans le

processus de formation des prix. Ces observations sont enfin confirmées par un faisceau

d’observations empiriques qui ont pu être faites aux Etats-Unis comme en Europe :

l’augmentation du nombre et de la fréquence des ordres (et, dans une moindre mesure, des

59 Voir, par exemple, la règle 10b18-§a12 de la SEC pour la définition d’une "Riskless principal transaction" aux Etats-Unis. 60 A en juger, par exemple, par les interrogations formulées dans le Concept Release du 10 février 2010. 61 Cf. consultation publique de la S.E.C. du 19/04/10 sur un Large Trader Reporting System. 62 Dans son Concept Release, la S.E.C. souligne ce point. 63 Celent inclut pourtant, comme Rosenblatt, les "Automated market makers", c'est-à-dire les teneurs de marché au sens propre (soumis à des obligations contractuelles d’offre de titres achat et ", dans le champ d’analyse.

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transactions), celle du ratio du nombre d’ordres sur celui de transactions, la baisse de la taille

des transactions et des pas de cotation, et plus encore, la hausse drastique des ratios

d’annulation d’ordres, qui se trouvent désormais à des niveaux extrêmement élevés. A titre

indicatif, le Département de la Surveillance de l’AMF montre, par exemple que trois hedge funds

reconnus pour mettre en œuvre des stratégies de HFT sur le marché français ont à eux seuls

généré en avril 2010 39,6% du nombre d’ordres sur actions du CAC 40, et ont par ailleurs annulé

96,5% de ces ordres (voir tableau 4).

En quelques années, les ordres générés par des traders haute fréquence sont donc, au moins

pour les valeurs les plus liquides, devenus prépondérants dans les carnets d’ordres des

principaux marchés d’actions. Ils jouent de ce fait aujourd’hui à coup sûr un rôle non-négligeable

dans le processus de formation des prix des valeurs concernées.

Graphique 7 – Part des volumes de transaction sur actions aux Etats-Unis due au HFT

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Tableau 4 - Indicateurs d’activité haute fréquence de hedge funds membres d’Euronext Paris effectuant du trading algorithmique

Nombre d'ordres par transaction*

Nombre d'ordres

(en milliers)

Montant moyen d'un ordre

sur action du CAC40 (EUR)

Ratio d'annulation

(%)

PSI1 164,8 15 193 8 402 99,1

PSI2 45,1 24 812 7 060 97,0

PSI3 25,4 175 505 834 97,3

PSI4 23,8 315 29 056 94,3

PSI5 6,9 3 559 11 855 81,6

PSI6 4,7 47 27 568 61,9

PSI7 1,6 7 24 318 49,2

PSI8 0,6 9 719 363 38,8 * NB : un gros ordre peut être exécuté en plusieurs transactions et le ratio donc être inférieur à 1.

III.1.3 Les acteurs et stratégies du HFT

III.1.3.1 Les trois principaux types de stratégies du HFT

On distingue ici schématiquement trois principaux types de stratégies de HFT :

- des stratégies de market making non-contractuel64, qui consistent à placer des ordres à

l’achat et à la vente sur un même titre pour capturer l’écart entre prix à l’achat et à la

vente (fourchette de cotation ou spread). Comme toute activité de tenue de marché, ces

stratégies sont exposées au risque de mouvement directionnel adverse des prix de marché

– c'est-à-dire au risque d’acheter dans un marché baissier et de vendre dans un marché

haussier. Les fourchettes sont donc révisées en permanence pour tenir compte des états

du marché. Enfin, on relève que des transactions consommatrices de liquidité peuvent

être effectuées par des teneurs de marché lorsqu’il leur est nécessaire de rééquilibrer leur

position (reconstituer un stock de titres suite à un marché acheteur, réduire le stock de

titres suite à un marché vendeur). Ils le font en principe lorsque la liquidité est abondante

et peu coûteuse. Ceci limite considérablement la capacité des observateurs à qualifier

comme tel le comportement des teneurs de marché.

- des stratégies d’arbitrage instantané. Ces stratégies, très diverses, visent à identifier des

anomalies de valorisation et à en tirer parti. Ces anomalies sont identifiées par des écarts

instantanés entre prix d’une même valeur cotée sur différents lieux de négociation (ce qui

suppose une fragmentation du marché de la valeur concernée65), mais aussi entre prix de

64 Sauf exception, comme celle de Getco, évoquée plus haut. 65 Remarquons sur ce point que Foucault et Menkveld (2008) soulignent qu’avant la mise en œuvre de la MIF, les marchés fragmentés (en l’occurrence celui des valeurs néerlandaises d’Euronext) n’étaient pas spontanément et systématiquement consolidés par les intervenants. Ces marchés laissaient donc la place à des opportunités d’arbitrage (trade-throughs). On peut

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titres substituables ou généralement fortement corrélés. Ces titres peuvent alors

appartenir à la même classe d’actifs - l’arbitrage peut, par exemple, avoir lieu entre

actions du même secteur – mais aussi à des classes d’actifs différentes – l’arbitrage ayant

alors lieu entre panier d’actions et ETF correspondant, ou entre titres au comptant et

produits dérivés (futures, options, etc.).

- des stratégies directionnelles. Parmi ces dernières, on discerne des stratégies de "retour à

la moyenne" (mean reverting), qui font l’hypothèse qu’un cours jugé statistiquement

improbable retournera à des valeurs proches de sa moyenne. Ces stratégies sont voisines

de celles de la catégorie précédente, mais s’en distinguent par le fait qu’elles "arbitrent

dans le temps". On trouve ici aussi des stratégies dites trend following ou momentum qui

misent sur la poursuite voire l’amplification d’une tendance haussière ou baissière du

marché d’un titre. Comme pour les stratégies d’arbitrage instantané, la différence

fondamentale entre ces stratégies est la nature du signal sur lequel elles se fondent, qu’il

s’agisse d’un signal technique, statistique ou fondamental, comme pour les stratégies

event-driven qui cherchent à tirer parti en premier – le cas échéant en automatisant

l’interprétation de flux d’informations de marché – de l’impact des nouvelles sur les cours.

Il convient de noter ici que ces stratégies de HFT sont mises en œuvre assez généralement sur les

marchés liquides et électroniques. L’exploitation d’information pré-négociation telle qu’elle est

fournie sur les marchés réglementés d’actions n’est donc pas toujours nécessaire à leur mise en

œuvre. De fait, si elles sont très développées sur les marchés transparents d’actions, d’ETF ou de

dérivés cotés (surtout aux US), les stratégies de HFT peuvent également conduire leurs initiateurs

à intervenir sur des marchés opaques (dark pools66) et sur des marchés de gré-à-gré électroniques

et très liquides (forex, Treasuries des Etats-Unis, etc.67).

Pour ce qui concerne plus spécifiquement les marchés d’actions, les stratégies de HFT au sens

strict tendent à s’exercer sur un nombre restreint de titres, ainsi que, généralement, sur des ETF

sur indices de blue chips très liquides. Au sens plus large du HFT, les arbitrages peuvent

cependant porter sur des horizons plus longs (au-delà de la journée) et les stratégies

interviennent aussi sur des marchés moins liquides. Le type de valeurs traitées sur Euronext Paris

par un certain nombre d’acteurs du HFT identifiés comme tels (à faible latence) est représenté

s’interroger sur la mesure dans laquelle la best execution de la directive MIF a changé cet état de fait. En pratique, les politiques d’exécution n’exigeant pas des intermédiaires financiers qu’ils consolident les marchés (qu’ils exécutent les transactions au meilleur prix à travers l’ensemble des lieux d’exécution pertinents) ne sont pas rares, ce qui conduit à en douter. 66 L’un des plus grands acteurs mondiaux du HFT, l’américain Getco, est opérateur par l’intermédiaire de sa filiale GES (Getco Execution Services) d’une plateforme de dark pool. 67 Le Wall Street Journal du 13/05/10 indique que la standardisation et le recours systématique à des chambres de compensation des marchés de gré-à-gré et en particulier de CDS soulève l’intérêt des acteurs du HFT.

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Les Cahiers Scientifiques n°9 – juin 2010 Autorité des Marchés Financiers Page 47

dans le tableau 5 ci-après. Il illustre bien la bipolarité entre des acteurs négociant rarement plus

de 100 valeurs et des acteurs qui en traitent parfois plusieurs centaines et sont donc présents sur

des segments de marché beaucoup plus variés.

Tableau 5 - Périmètre d’intervention d’acteurs du trading algorithmique (avril 2010)

Nombre d'ISIN traité

CAC 40 + Next 20 SBF 120 SBF 250 Toute

l'EurolistETF sur indices

ETF sectoriels

ETF sur commodities

Warrants sur indices

PSI 1 670PSI 2 261PSI 3 220PSI 4 192PSI 5 175PSI 6 107PSI 7 80PSI 8 60

III.1.3.2 Les acteurs du HFT sont très divers

Sur ces bases, les acteurs du HFT forment un ensemble assez hétérogène que l’on peut classifier

selon différents critères : leur statut (broker-dealer, hedge fund, etc.), leur taille, leurs stratégies,

les marchés sur lesquels ils opèrent, etc. Schématiquement, on distingue trois types d’acteurs :

les acteurs globaux, qui disposent de bases capitalistiques et d’infrastructures importantes.

Certains peuvent développer un spectre de stratégies très large, comme les grandes banques

d’investissement (Goldman Sachs, Credit Suisse, etc.) ou, comme certains hedge funds, se

spécialiser dans certaines stratégies, notamment dans celles qualifiées par leurs initiateurs de

market making, comme Getco, Tradebot, ou Madison Tyler. On identifie aussi une population

variée d’acteurs spécialisés, souvent des hedge funds mono-68 ou multi-stratégies (voir tableaux

6 et 7). Enfin, on identifie toute une gamme d’acteurs qui développent des activités de HFT à

titre plus accessoire, par exemple pour compléter la gamme de services d’une gestion privée.

68 Certains acteurs reconnus et significatifs comme, par exemple, Getco, Tradebot, ou EWT/Madison Tyler revendiquent publiquement leur rôle de market making.

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Les Cahiers Scientifiques n°9 – juin 2010 Autorité des Marchés Financiers Page 48

Tableaux 6 et 7 - Typologies des acteurs du trading algorithmique

Source : Celent, companies press reports Source : Rosenblatt Securities

III.1.3.3 La profitabilité du HFT

La prévalence croissante du HFT et l’observation de l’activité de certains acteurs reconnus – qui

financent l’accès à de nombreux marchés, font des dépenses en infrastructures technologiques

significatives69, obtiennent le statut de membres des chambres de compensation, etc. – atteste

de la profitabilité de ses stratégies. La presse financière fait par exemple état pour Getco de 400

millions de dollars de profits en 2008 sur une base capitalistique estimée de 1,5 milliards de

dollars en 200770. Les informations en la matière font cependant l’objet du plus grand secret par

les firmes en question, qui craignent le "reverse engineering" de leurs stratégies71 et que la

concurrence ne réduise les opportunités de profit qu’elles recherchent. En tout état de cause, les

estimations des consultants sur le total des profits réalisés par les stratégies de HFT sur les

marchés d’actions aux Etats-Unis, semblent le situer aux environs de 10 milliards de dollars (8,5

milliards de dollars, par exemple, selon Tabb Group (2009)). Certaines observations sont faites

sur le risque de surestimation de cette profitabilité. Kearns, Kulesza, Nevmyvaka (2010)

soulignent que le maximum théorique des profits tirés (sous moins de 10 secondes) par un

intervenant omniscient et "agressif" (consommateur de liquidité) des opportunités de trading

qui lui sont offertes sur les marchés d’actions américains est de seulement 3,4 milliards de

dollars. Cette observation nous semble pertinente, mais d’une portée limitée car fortement

conditionnée par la spécification des opportunités de profit considérées. En particulier, elle ne

69 Par exemple, selon un article de Reuters du 09/07/09 intitulé Citadel sues former employees who set up Teza Tech, "The hedge fund firm said it spent hundreds of millions of dollars to develop strategies, software and hardware, or what is sometimes referred to as the "secret sauce" of the high frequency business, court papers show”. 70 "Meet Getco, High-Frequency Trade King", Wall Street Journal du 27/08/09. 71 C'est-à-dire que d’autres agents ne déduisent des informations sur les stratégies mises en œuvre en observant leur profitabilité. Le comportement d’un algorithme étant prédictible, il peut, dès lors qu’il est connu, être mis à profit par les autres acteurs du marché.

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Les Cahiers Scientifiques n°9 – juin 2010 Autorité des Marchés Financiers Page 49

tient pas compte des stratégies de market making d’acteurs importants du HFT. Rosenblatt

Securities (2010) observe par ailleurs qu’un montant de 400 millions de profits pour l’un des

principaux acteurs du marché est probablement incompatible avec certaines estimations de plus

20 milliards de dollars de profit total relayées par les media. Cette observation est certainement

juste mais ne renseigne pas sur l’avenir.

III.2. Les impacts du développement du HFT sur la structure de marché

III.2.1 Des interactions avec la structure de marché

L’existence même du HFT est liée à la présence de structures de marché propres à créer des

opportunités de profit. Compte tenu de son importance, le HFT peut cependant aussi influer sur

les structures de marché susceptibles de lui être favorables. Sans envisager les complexités de

cette interaction, on tente ici de recenser certains effets observés ou possibles, dans un sens et

dans l’autre.

III.2.1.1 Les facteurs du développement du HFT

La mise en œuvre des stratégies de HFT est fort sensible à des aspects très spécifiques de la

structure de marché. On distingue schématiquement trois types de facteurs favorables au HFT :

des facteurs exogènes structurels, des facteurs exogènes conjoncturels, et des facteurs

endogènes au fonctionnement du marché.

- Les facteurs structurels de long terme sont avant tout liés :

. au progrès technologique. La recherche de vitesse de trading et d’exécution se

traduit par la mise en œuvre de technologies de pointe tout au long de la chaîne de

traitement des ordres, de la collecte et du traitement de l’information jusqu’à l’accès

au marché ;

. à la réglementation, dont l’évolution est conditionnée par le progrès technique et

l’innovation financière qui en résulte, mais aussi par l’internationalisation des

activités financières (en Europe par la volonté d’intégrer le marché intérieur), et par

le souhait de rentabiliser les infrastructures de marché par des économies d’échelle

propres à réduire les coûts de négociation. Tous ces facteurs ont conduit à des

réformes profondes du cadre concurrentiel qui régit les activités de négociation en

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Les Cahiers Scientifiques n°9 – juin 2010 Autorité des Marchés Financiers Page 50

bourse, dont Reg NMS et MiFID et la fragmentation des marchés actuelle ne sont

que l’aboutissement.

- Les facteurs conjoncturels sont liés à la crise de liquidité et au renchérissement du coût du

capital. Dans ce contexte certains analystes financiers ont pu voir dans le HFT, qui

rentabilise par une utilisation intensive des apports en capital potentiellement limités, un

nouveau business model, notamment pour les grandes banques d’investissement (bulge

bracket firms) au moment de la crise de liquidité72.

- Les facteurs endogènes du développement du HFT, représentent la mesure, plus difficile à

évaluer, dans laquelle le développement du HFT est un phénomène auto-entretenu.

En théorie, les stratégies d’arbitrage ou de tenue de marché cessent d’être rentables au-delà de

certains seuils. Intuitivement, la concurrence entre arbitragistes et entre teneurs de marché

devrait conduire à des équilibres de moyen terme en matière de prépondérance du HFT dans les

volumes de transactions, et de concentration des acteurs du HFT. Ce niveau d’équilibre, qui

resterait à situer, caractérise néanmoins une propriété plus générale des hedge funds dont la

performance tend à décroître avec la taille des encours sous gestion, à mesure que les

opportunités d’investissement sont systématiquement exploitées et deviennent plus rares73.

En pratique, les acteurs du HFT, compte tenu de l’importance qu’ils ont dans les revenus et dans

la gouvernance des lieux d’exécution, exercent aussi une influence directe et significative sur la

structure de marché74. Le HFT constitue en effet une part importante des revenus issus de la

négociation mais aussi de services spécifiques à leurs besoins (flux de données haute fréquence,

infrastructures d’accès au marché à faible temps de latence, etc.). Cette influence est par

exemple attestée par le volte-face du LSE qui, après quelques mois d’adoption (de septembre

2009 à février 2010) d’une tarification moins favorable (rémunérant les ordres apporteurs de

liquidité) aux opérateurs de HFT, est revenu à une structure tarifaire plus adaptée à leur

demande spécifique. Elle est encore plus évidente pour les MTF dont les acteurs du HFT sont non

seulement les principales cibles commerciales, mais souvent aussi actionnaires75. On revient plus

72 Le flow trading a notamment été développée par les analystes financiers du secteur bancaire de la banque d’affaires Morgan Stanley Huw van Steenis et Bruce Hamilton au début de l’année 2009. Observons que des normes de provisionnement bancaire contraignantes seraient également susceptibles de favoriser ce type de business model à l’avenir. 73 Voir, par exemple, Fung, Hsieh, Naik et Ramadorai (2008) ; "Hedge funds: performance, risk, and capital formation"; Journal of Finance; août. 74 Ce point est développé par Rosenblatt Securities. 75 La plupart des MTF sont promus par leurs utilisateurs, à l’origine surtout des consortiums bancaires. Des hedge funds acteurs du HFT figurent cependant aussi parmi les actionnaires – à l’instar de Citadel, Optiver et Getco dans le capital de Chi-x. BATS aux Etats-Unis, a été fondé en 2005 par l’un des principaux acteurs du HFT, Tradebot et compte notamment Getco parmi ses actionnaires. Notons cependant que les MTF lancés récemment en Europe par Nomura et UBS, qui résultent de la

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bas sur les différents aspects de cette influence du HFT sur la microstructure, mais l’un des

enjeux majeurs de la concurrence entre lieux d’exécution a indubitablement été l’adoption de

structures de marché favorables au HFT.

Sur ces bases, il ressort comme difficile de faire des prévisions de croissance du HFT en Europe.

Sachant que l’on semble toucher certaines limites en matière d‘évolution technologique, ces

dernières pourraient être conditionnées par des facteurs tels que :

- les possibilités de réduction des coûts de dénouement des opérations (traitements post-

marché) et plus généralement des coûts de transaction explicites ;

- les possibilités (ce n’est bien sûr pas indépendant du point précédent) de mettre en œuvre

des stratégies de HFT sur de nouvelles classes d’actifs – notamment sur les dérivés de

gré-à-gré ;

- l’évolution éventuelle de structures de marché importantes pour les stratégies de HFT

(tick sizes, accès au marché, structures tarifaires, etc.) - sous l’influence des acteurs, et le

cas échéant de la réglementation de marché.

III.2.1.2 Les effets du HFT sur la structure de marché

On recense ici les effets du HFT sur la microstructure, des effets sur l’accès au marché et des

effets sur la structure tarifaire des marchés.

• Des effets sur la microstructure

Le HFT a eu pour effet d’"atomiser" la liquidité dans le temps et dans l’espace.

Dans le temps, il a considérablement accéléré la fréquence d’arrivée et de modification

ou d’annulation des ordres et d’occurrence des transactions en carnet. Certains ordres

peuvent désormais avoir des durées de vie de l’ordre de la microseconde et les techniques

d’exécution se rapprochent ici des limites physiques de transmission de l’information

(transmission du signal à la vitesse de la lumière). Des exemples en sont donnés ci-après pour

une séance de négociation particulièrement active sur une valeur du CAC 40 à Paris au mois

d’avril 2010. Il s’ensuit que certains intervenants sont en mesure de modifier des messages

moins de 10 microsecondes (μs ou un millionième de seconde) après les avoir transmis au

marché, et que la durée de vie d’un ordre peut, dans certains cas, être inférieure à 7 μs.

transformation de systèmes de croisement d’ordres internes en dark pools, n’ont pas, pour leur part, des structures capitalistiques ouvertes.

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Dans l’espace, la concurrence entre lieux de négociation s’est, en Europe, traduite par une course

à la réduction des pas de cotation. Une initiative de la Fédération des Bourses Européennes

(FESE) à l’été 2010 semble avoir mis un terme à cette évolution, en poussant à la signature d’un

accord par les différents lieux d’exécution concernés visant à harmoniser les pas de cotation en

Europe. On note que les pas de cotation peuvent selon les termes de cet accord désormais être

réduits jusqu’à 0,0001 EUR pour des actions de faible valeur (moins de 0,5 EUR)76. Il est

intéressant de constater que le recours à des pas de cotation faible a favorisé une dispersion plus

grande de la liquidité, désormais moins contrainte par des pas de cotation restrictifs (voir

graphique 13).

Les effets du HFT sur la microstructure sont multiples et ne sont pas épuisés par cette brève

description. La multiplication des types d’ordres, par exemple, est aussi en partie

attribuable au HFT, dans la mesure où elle est de nature à faciliter l’automatisation de

différentes stratégies77. Quoi qu’il en soit, cette atomisation de la liquidité a mécaniquement

pour effet d’accroître la volatilité de très court-terme78. La recherche académique

montre en outre que cette liquidité a aussi une tendance naturelle à se concentrer (cluster) à

certaines périodes plutôt qu’à d’autres, créant des cycles infra-quotidiens de liquidité79.

76 Les pas de cotation varient selon la valeur des actions pour représenter un pourcentage de la valeur à peu près stable. 77 Les pegged orders sont par exemple typiquement de nature à servir les besoins d’une stratégie de tenue de marché. Notons que O’Hara (2010) fait une analyse intéressante des ordres "match only" proposés sur certains marchés américains (en Europe, il n’est pas permis de dissimuler la totalité d’un ordre), dont le but est avant tout de détecter la présence d’ordres cachés à l’intérieur des meilleures limites du carnet. De façon intéressante, on note aussi que les liquidity quotes créés par le NYSE en 2002 (cf. Hendershott; Jones et Menkveld (2008), qui étaient des ordres limites de grande taille destinés au trading institutionnel exécutables face à des ordres agressifs Institutional Xpress, n’ont pas eu un succès équivalent aux types d’ordres visant typiquement à satisfaire les besoins du HFT. 78 En tout cas, pour autant qu’on la mesure sur des intervalles brefs, correspondant à la fréquence d’occurrence des transactions. 79 Foucault, Kadan et Kandel (2009) propose plusieurs références sur ce sujet.

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Les Cahiers Scientifiques n°9 – juin 2010 Autorité des Marchés Financiers Page 53

Cette évolution a également eu des effets significatifs sur la taille moyenne des transactions, qui s’est considérablement réduite. Il en résulte une dynamique de marché dans laquelle l’impact de marché croissant des ordres de grande taille conduit à les fragmenter de plus en plus et potentiellement à en rechercher l’exécution anonyme sur des plateformes opaques (dark pools).

Graphique 8 - Baisse de la taille moyenne des transactions (‘000 USD)

Source : World Federation of Exchanges

Statistiques descriptives – Exemple type d’une séance de négociation active sur une blue chip sur Euronext Paris en avril 2010

Nombre d’ordres au cours de la séance : 540,000 Nombre de messages (nouvel ordre, modification ou annulation d’un ordre en carnet, ou exécution d’une transaction) : 800,000 Concentration du flux d’ordres (en pourcentage du nombre total d’ordres passés) : PSI 1 32% PSI 2 20% PSI 3 12% PSI 4 10% PSI 5 5% Total des 5 plus gros 80% Fréquence des ordres : jusqu’à 600 messages par seconde (dont 190 provenant d’un même PSI) Plus courte durée de vie d’un ordre annulé avant exécution 25 μs Temps minimum entre 2 messages consécutifs d’un même PSI : 7 μs NB : les PSI obtenant des écarts inférieurs à 10 μs entre 2 messages successifs sont les 6 plus gros émetteurs d’ordres (en nombre d’ordres) Source : AMF - DESM

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Au total, la liquidité des carnets d’ordres ressort donc comme d’une nature très différente de

celle que l’on pouvait observer ne serait-ce qu’il y a quelques années, dans un contexte où le

processus de formation des prix résulte en grande partie de la confrontation d’algorithmes

automatisant la mise en œuvre de diverses stratégies de HFT et d’algorithmes d’exécution pour

compte de tiers.

• Des effets sur l’accès au marché

Le temps d’accès aux marchés (de latence) et les technologies afférentes80 sont primordiaux pour

le succès des stratégies de HFT. S’ajoutant au coût de connexion (membership) aux différents

lieux d’exécution, et au coût de collecte et consolidation de l’information dans un univers

fragmenté, le recours à ces technologies a aussi des répercussions sur l’organisation industrielle

des intervenants.

On distingue essentiellement deux types d’accès au marché visant à réduire les temps de

latence : des accès intermédiés par les membres de marché (sponsored access) et des accès

directs en tant que membres de marché. Les premiers consistent en une délocalisation – sous la

responsabilité de l’entreprise d’investissement – des infrastructures d’accès au marché des

intermédiaires de marché chez leurs clients. Les seconds désignent des services de co-localisation

offerts par les marchés à leurs membres. Ceux-ci consistent à installer physiquement les

systèmes de trading et d’exécution des membres de marché à proximité des systèmes gérant le 80 Voir 2.1.2.

Graphique 9 - 5 secondes de cotation d’une blue chip sur Euronext Paris

Temps t+5sp

p+13cts

Prix

t Temps t+5sp

p+13cts

Prix

t

Les lignes de couleur correspondent aux limites successives du carnet d’ordres d’une blue chip cotée sur Euronext Paris. La couleur rouge désigne les ordres de vente et vert d’achat. Les couleurs foncées mettent en évidence les ordres d’un intervenant mettant en œuvre des stratégies de HFT. Les croix désignent l’occurrence d’une transaction. Source : AMF - DESM

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carnet d’ordres des marchés. Pour autant qu’ils aient une taille critique permettant de le justifier

et qu’ils puissent satisfaire les conditions pour être membres de marché , les opérateurs de HFT

devraient en principe opter pour un recours à des services de co-localisation censés offrir les

temps de latence les plus faibles. Ces considérations sont cependant à nuancer par le fait que la

concentration par les intermédiaires du flux d’ordres peut réduire les coûts (dégressifs) de

négociation (voir ci-après).

• Des effets sur la tarification des services d’exécution

Le développement du HFT a aussi eu pour effet de modifier les structures tarifaires des lieux

d’exécution. Elles ont souvent consisté à rémunérer les ordres apporteurs de liquidité et facturer

les ordres consommateurs de liquidité (on parle alors de make-take fee)81. Certains marchés

réglementés ont cependant des tarifications directement favorables aux intervenants pour

compte propre, comme Euronext82, ou recourant à des algorithmes comme Deutsche Börse83.

Les structures tarifaires maker-taker ont probablement bénéficié dans leur ensemble aux HFT84

dans la mesure où elles profitent aux apporteurs de liquidité. Elles ont en tout cas plus

généralement profité au HFT en favorisant une fragmentation du flux d’ordres entre des

plateformes spécialisées dans la réponse aux besoins de certains types d’intervenants.

81 Dans certains cas, comme celui d’Amex sur les options (voir communiqué de presse du 30/09/09), la structure tarifaire est même inversée (on parle alors d’inverted pricing), en sorte que les ordres consommateurs de liquidité sont moins facturés que ne sont rémunérés les ordres apporteurs de liquidité (dans le cas d’Amex les tarifs annoncés étaient de respectivement 3 et 2,5 bp). 82 Jovanovic, Menkveld (2010) précise qu’Euronext : ”charges a fixed fee of €1.20 per trade which for an average size trade of €25,000 is effectively 0.48 basis points. Highly active brokers benefit from volume discounts that can bring the fee down to €0.99 per trade (~0.40 basis points). The act of submitting an order or cancelling it is not charged (i.e., only executions get charged without an aggressive/passive distinction). But, if on a daily basis the cancellation-to-trade ratio exceeds 5, all orders above the threshold get charged a €0.10 fee (~0.04 basis points).” 83 Gomber et Gsell (2009) rappellent que pour les ordres algorithmiques éligibles au programme ATP (Automated Trading Program) de Deutsche Börse, "depending on the accumulated monthly ATP volume per ATP member, a marginal rebate of up to 60% of trading fees applies". Ils rappellent également la définition sous-jacente des transactions ATP : "The exchange defines ATP transactions as “all transactions that have been generated by an electronic system of either the ATP member or the ATP member’s clients, whereby the electronic system has to determine two out of the three following order parameters: price (order type and/or order limit where applicable), timing (time of order entry) and quantity (quantity of the order in number of securities)” (Deutsche Börse AG 2008, p.1). […] The thereby generated orders have to be channeled directly into the Xetra system without further manual intervention.” 84 Foucault, Kadan et Kandel (2009) évoque des points de vue contradictoires entre Getco, un promoteur reconnu de strategies de market making, et Citadel, qui développe probablement des stratégies plus directionnelles (et consommatrices de liquidité) : “GETCO strongly believes that the advent of maker-taker pricing in the options markets [...] has resulted in numerous benefits [...] imposing artificial fee caps will harm the quality of executions for options customers, including retail customers" Getco Comments Regarding NYSE Arca's Proposed Rule Change to Amend its Schedule of Fees and Charges (SR-NYSEArca-2008-075), 02/09/08. "Citadel Investment Group L.L.C urges the SEC to address distorsions in the options markets caused by the excessive fees that may be charged by exchanges using maker/taker pricing" - Citadel, Petition for Rulemaking to Address Excessive Access Fees in the Options Markets, 15/07/08.

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Un modèle théorique de Foucault, Kadan et Kandel (2009) montre que les tarifications tendent à

devenir asymétriques dans certains cas : lorsque les pas de cotation sont faibles (pour compenser

les apporteurs de liquidité faiblement rémunérés par un pas de cotation faible), lorsque le ratio

de l’importance des apporteurs de liquidité (market-making side) à celui des consommateurs de

liquidité (market-taking side) est élevé, et lorsque le ratio des coûts du suivi de marché

(monitoring) des market-takers sur ceux des market makers est grand.

Tableau 8 - Structures tarifaires asymétriques (make-take fees) aux Etats-Unis (fin 2009)

Tape A (NYSE listed) Tape B (Nasdaq listed) Tape C (NYSE Arca/Amex listed) En cents pour 100 actions

Limit order

(make fee)

Market order

(take fee) Difference

Limit order

(make fee)

Market order

(take fee)Difference

Limit order

(make fee)

Market order

(take fee) Difference

AMEX -30 30 0 -30 30 0 -30 30 0

BATS -24 25 1 -30 25 -5 -24 25 1

LavaFlow -24 26 2 -24 26 2 -24 26 2

Nasdaq -20 30 10 -20 30 10 -20 30 10

NYSE Arca -25 30 5 -20 30 10 -20 26 6

Les signes négatifs indiquent des remises (rebates). Source : Traders Magazine, July 2008, cité

par Foucault, Kadan, Kandel (2009)

Tableau 9 - Structures tarifaires asymétriques (make-take fees) aux Etats-Unis (fin 2009)

En points de base Ordre limite (make fee)

Ordre au marché (take fee) Différence

Chi-X -0.20 0.30 0.10

BATS -0.20 0.30 0.10

Turquoise -0.24 0.28 0.04

Source : Foucault (2010a)

III.2.1.3 Les effets du HFT sur la concurrence entre marchés et entre intervenants

• Des effets sur la concurrence entre lieux d’exécution En termes industriels, la fragmentation des marchés et la concurrence qui en a résulté ont eu

deux effets en partie contradictoires : elles ont favorisé une différenciation de l’offre de services

afin de satisfaire des besoins de négociation variés. Elles se sont donc accompagnées de

multiples innovations en matière de structure de marché (technologies, nouveaux types d’ordres,

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dark pools, etc.) et de l’émergence de nouveaux acteurs. Elle ont par ailleurs favorisé le recours à

des infrastructures technologiques coûteuses capables de "consolider" ces marchés fragmentés

et complexes, et donc favorisé une concentration des marchés et des participants aux marchés

capables d’y intervenir, qu’il s’agisse d’intermédiaires financiers ou de hedge funds. Dans une

certaine mesure ces effets ont été successifs, la multiplicité des nouvelles plateformes

d’exécution tendant finalement à se consolider au sein d’un nombre plus limité d’acteurs.

Sans revenir ici sur le débat sur l’équité des conditions concurrentielles prévalant entre MR, SMN

et crossing networks (CN), on notera en outre que les frontières entre ces différents types

d’acteurs deviennent plus ténues, au fur et à mesure que les marchés se définissent de plus en

plus comme des systèmes de confrontation multilatérale automatique des intérêts des

participants.

• Des effets indirects sur l’intermédiation financière

Il importe de remarquer que les changements du régime concurrentiel et le développement d’une

structure de marché haute fréquence ont des effets sur l’intermédiation financière. En termes

industriels, ceci se traduit clairement par une concentration de l’industrie de l’intermédiation de

marché par quelques acteurs dont la présence est globale, qui rentabilisent des accès à

l’ensemble des lieux entre lesquels la liquidité est fragmentée (adhésion au marché en tant que

membre, et le cas échéant infrastructures d’accès direct - sponsored access ou colocation), les

infrastructures assurant la consolidation de l’information pré-négociation (TCA) et

l’interconnexion entre les marchés (SOR) entre ces différents lieux, ainsi que les techniques

d’optimisation de l’exécution (algorithmes). Les effets en termes de bien-être des investisseurs

finaux de cette évolution concurrentielle restent à évaluer. Les économies d’échelle réalisées par

une industrie consolidée sont censées être bénéfiques aux clients finaux. Certains intervenants

de marché semblent pourtant constater au contraire une hausse des coûts d’exécution des

investisseurs institutionnels (buy-side)85.

85 Dans un article de The Trade du 15/03/10 intitulé “Buy-side needs more sophistication to cut trading costs”, Celent évoque les résultats d’une enquête auprès d’investisseurs institutionnels qui montre que leurs coûts de transaction, depuis la mise en œuvre de la directive MIF sont, toutes choses égales par ailleurs, restés stables voire ont augmenté : "the trend behind the numbers - that MiFID has increased transaction costs rather than cut them – still stands regardless of any volatility impact". Plus fondamentalement, CA Cheuvreux (2010) un intermédiaire de marché intervenant exclusivement pour compte de tiers indique que ses coûts d’exécution ont crû de 24% entre 2007 et 2009.

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III.2.2 L’évaluation des effets du HFT sur la qualité de marché

En matière de trading algorithmique et haute fréquence, les travaux académiques sous revue

s’inscrivent dans l’ensemble dans la lignée de ceux, évoqués plus haut, qui ont favorisé

l’adoption de dispositifs organisant la fragmentation des marchés pour promouvoir la

concurrence entre lieux de négociation (Reg NMS et directive MIF) et réduire les coûts de

transaction. De façon générale, ils tendent donc à souligner les bénéfices de l’adoption de

systèmes de négociation automatisés, perçus comme un effet du progrès technique et, donc, un

moyen de faciliter l’accès aux marchés. En pratique, l’accès aux données pertinentes par les

chercheurs reste limité, et les études empiriques sont confrontées à la difficulté d’identifier le flux

d’ordres attribuable au trading algorithmique (AT) et donc a fortiori, en son sein, au HFT.

III.2.2.1 Les bénéfices en termes de liquidité restent à évaluer en Europe

Angel, Harris, Spatt (2010) constatent l’amélioration de la liquidité (notamment une baisse

significative des fourchettes réalisées86) aux Etats-Unis et stipulent que : "The introduction of

computerized trading systems and high-speed communications networks allowed exchanges,

brokers, and dealers to better serve and attract clients. With these innovations, transaction costs

dropped substantially over the years, and the market structure changed dramatically." De façon

assez générale, la littérature fait écho à ce point de vue selon lequel la technologie accroît la

concurrence, intègre des marchés, et réduit les coûts de transaction.

Cette analyse est fondée par différentes études théoriques (voir ci-après)87 qui montrent que

l’utilisation de technologies de trading automatisées réduit les phénomènes de sélection adverse

et augmente la liquidité. Hendershott, Jones et Menkveld (2010) confirment cette perception par

une étude empirique du NYSE aux Etats-Unis. Sur la base d’un indicateur de l’importance du

trading algorithmique – en l’occurrence le nombre de messages (nouveaux ordres, annulations,

exécutions) – ils montrent ainsi les effets positifs du trading algorithmique sur la liquidité. Plus

spécifiquement, les auteurs établissent une causalité entre son développement et la hausse de la

liquidité, c'est-à-dire une baisse significative des fourchettes affichées et effectives (voir

graphiques 10 et 11). Observons cependant que si ce résultat vaut pour les blue chips cotées tel

n’est pas le cas pour les small caps.

86 Sur la base des statistiques réglementaires des bourses (voir note de bas de page 9 pour plus de détail sur la règle 605 de la SEC). 87 Voir Biais et Foucault (2010).

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Les Cahiers Scientifiques n°9 – juin 2010 Autorité des Marchés Financiers Page 59

Graphique 10 - Fourchettes effectives des titres du NYSE (par quintiles de capitalisation, Q1 représente les plus grandes capitalisations)

Graphique 11 - Fourchettes effectives (publication par les marchés en vertu de la règle 605

de la SEC, en cents)

Source : Hendershott, Jones et Menkveld (2010) Source : Angel, Harris, Spatt (2010)

En l’absence d’analyse évaluant dans le temps l’impact du développement du trading

algorithmique sur les spreads en Europe, on relève que la hausse de la liquidité au cours des

dernières années n’a pas été de même ampleur en Europe qu’Outre-Atlantique.

Deux interprétations sont envisagées ici. Tout d’abord, les niveaux de liquidité de départ

n’étaient probablement pas les mêmes. Au début des années 2000, sur les marchés européens le

recours à des carnets d’ordres électroniques s’était d’ores et déjà généralisé, et des formes

initiales de concurrence entre marchés étaient observées. A l’inverse, aux Etats-Unis le trading

électronique ne s’était pas développé dans la même mesure. La décimalisation n’y a eu lieu que

tardivement et les criées et les privilèges des spécialistes du NYSE ont perduré jusqu’à une

période récente. Il est donc probable que les marchés américains ont particulièrement bénéficié

de la concurrence entre marchés observée depuis lors, d’autant plus que les règles de best

execution y étaient favorables aux structures et technologies de marché modernes. De fait, si

l’on compare l’évolution des fourchettes effectives de Gresse (2010b) avec celles de Hendershott,

Jones et Menkveld (2010) du graphique 10, les spreads effectifs des plus grandes capitalisations

du NYSE ont baissé de quelques 15pb88 en 2001 à environ 5pb en 2004 un niveau auquel ils se

sont stabilisés jusqu’en 2006. A en juger approximativement d’après le graphique 11, cette

baisse semble avoir repris en 2009, surtout sur le NYSE. En Europe, Gresse (2010b) fait, pour sa

part état, entre octobre 2007 et septembre 2009, d’une baisse de 4,93pb à 4,14pb sur les valeurs

non-financières du CAC 40 et de 7,44pb à 5,91pb sur celles du FTSE 100.

88 Il faut multiplier les demi-fourchettes du graphe par deux pour les comparer à celles de Gresse (2010b).

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Les Cahiers Scientifiques n°9 – juin 2010 Autorité des Marchés Financiers Page 60

Une autre interprétation est simplement que le HFT s’est plus vite développé et a pris une

importance plus grande aux Etats-Unis qu’en Europe, et y a eu plus d’effets bénéfiques sur la

liquidité. En réalité, ces deux interprétations sont potentiellement complémentaires, dans la

mesure où, d’une part, le développement des marchés électroniques n’est pas réductible à celui

du HFT et, d’autre part, le développement du HFT est lié à la présence d’opportunités d’arbitrage

et d’imperfections dans la structure de marché.

Au total, la hausse de la liquidité due à l’introduction d’une concurrence des marchés semble

cependant moins significatif en Europe et, pour autant que cela soit confirmé, pourrait résulter

du fait que le bénéfice du développement du trading algorithmique y a été moindre. Une telle

assertion ne peut cependant, à ce stade, être formulée que sous la forme d’hypothèse.

Notons enfin que des limites sur la notion de liquidité s’imposent dans un environnement haute

fréquence :

- Hendershott et Riordan (2009) montrent que les indicateurs agrégés traditionnels de

liquidité ne sont pas nécessairement pertinents, dans la mesure où la nature de la

liquidité importe : si le trading algorithmique peut ressortir comme globalement

consommateur de liquidité – sur Deutsche Börse, la demande de liquidité attribuable au

trading algorithmique représente 52% des volumes de transaction sur valeurs du DAX 30

alors que l’offre de liquidité correspondant au trading algorithmique en représente

50% - il importe de considérer que cette liquidité est fournie quand elle est la plus rare.

- Hasbrouck et Saar (2009) étudient plus spécifiquement sur la plateforme Inet du Nasdaq

le rôle des ordres limites qui n’ont pas vocation à être exécutés et sont annulés moins de

deux secondes après envoi au marché (fleeting orders). Ils montrent que les stratégies

dynamiques sous-jacentes consistent essentiellement à poursuivre les prix (repositionner

les ordres lorsque les prix des transactions s’éloignent de l’intérêt exprimé pour en

favoriser l’exécution) ou à chercher la liquidité latente – c’est à dire non seulement la

liquidité cachée, mais aussi celle de contreparties qui suivent activement le marché et

sont prêtes à traiter un ordre agressif sans pour autant s’engager inconditionnellement

dans une expression d’intérêt (par l’envoi d’un ordre affiché ou caché). Ils en déduisent

que les ordres limite se caractérisent de plus en plus des stratégies agressives et que la

distinction traditionnelle entre apport de liquidité et consommation de liquidité est de

moins en moins pertinente.

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Les Cahiers Scientifiques n°9 – juin 2010 Autorité des Marchés Financiers Page 61

III.2.2.2 Les bénéfices pour la formation des prix ressortent plus généralement

Les recherches académiques démontrent plus clairement le bénéfice du trading algorithmique

pour le processus de formation des prix. Elles expliquent ce phénomène en théorie89. Foucault,

Roell et Sandas (2003) montrent que les fournisseurs de liquidité qui utilisent des algorithmes et

accèdent rapidement au marché font face à des risques de sélection adverse moindres ce qui a

des effets bénéfiques sur la liquidité et l’efficience de la formation des prix. Biais et Weill (2009)

arguent pour leur part de la présence d’un "effet cognitif" en vertu duquel les intervenants n’ont

qu’une capacité limitée, liée aux coûts du suivi des marchés, à évaluer l’information pertinente

sur la valeur des titres. Etant donné que cet effet ralentit la prise en compte de l’information par

le marché, les technologies automatisées de négociation ressortent comme particulièrement

utiles pour améliorer le processus de formation des prix et absorber les chocs de liquidité. Sous

cet angle, le trading algorithmique accroît le bénéfice des échanges à de multiples niveaux : il

accroît la liquidité, renforce la résilience aux chocs, réduit la volatilité transitoire des prix et

augmente l’efficience informationnelle du marché.

Sur le plan empirique, les études confirment, en Europe comme aux Etats-Unis, que le trading

algorithmique et haute fréquence a pour effet de réduire les phénomènes de sélection adverse et

d’accroître le contenu informationnel des négociations. Cette conclusion ressort notamment de

l’étude de Hendershott, Jones et Menkveld (2010) sur le NYSE aux Etats-Unis et de celle de

Hendershott et Riordan (2009) sur Deutsche Börse. Selon ces derniers90, “Liquidity demanders

use algorithms to try to identify when a security’s price deviates from the efficient price by

quickly processing information contained in order flow and price movements in that security and

other securities across markets. Liquidity suppliers must follow a similar strategy to avoid being

picked off. Institutional investors also utilize AT to trade large quantities gradually over time,

thereby minimizing market impact and implementation costs“. Au total, “AT consume liquidity

when it is cheap and supply liquidity when it is expensive. AT contribute more to the efficient

price by placing more efficient quotes and AT demanding liquidity to move the prices towards

the efficient price."

Dans une même veine, Chaboud, Chiquoine, Hjalmarsson, Vega (2010) démontrent sur le marché

des changes que, contrairement à certaines idées reçues, le HFT n’accroît pas la volatilité

quotidienne, qu’il augmente la fourniture de liquidité dans l’heure qui suit les nouvelles

89 Voir Biais et Foucault (2010). 90 Notons que la contribution à la formation des prix est évaluée ici sur la base d’un modèle "à la Hasbrouck" comme décrit en première partie de cette étude, et fait donc une hypothèse d’efficience du marché.

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Les Cahiers Scientifiques n°9 – juin 2010 Autorité des Marchés Financiers Page 62

macroéconomiques, et conclut que "the rapid growth of algorithmic trading has not come at the

cost of lower market quality".

Il reste cependant à établir plus précisément ce qui, dans les bénéfices du trading algorithmique

pour la formation des prix, est plus spécifiquement attribuable au trading haute fréquence.

III.2.2.3 Des questions ouvertes sur les effets en termes de bien-être collectif

Dans ce contexte, deux principales questions semblent se poser en termes d’effets du trading

algorithmique et haute fréquence en termes de bien-être : des questions sur la capacité des

acteurs du HFT à exploiter des avantages informationnels au détriment du bien-être collectif, et

des questions sur les dynamiques de court terme que crée la nouvelle structure de marché haute

fréquence.

• Les effets du trading algorithmiques en termes de bien-être peuvent être ambivalents

CA Cheuvreux (2010b) observe que les seuils informationnels transforment, pour la plupart des

intervenants, l’exécution en un exercice probabiliste : la fréquence de renouvellement des ordres

est telle que dans la plupart des cas l’état du carnet au moment où un ordre parvient au marché

est différent de celui qui a été observé au moment du passage d’ordre.

Graphique 12 - Fréquence de renouvellement des 5 meilleures limites de 2 blue

chips et seuil informationnel d’un intervenant situé à 2 ms du marché*

* Interprétation : les points en-dessous de la ligne horizontale désignent des fréquences de renouvellement du carnet telles qu’un intervenant à 2 ms du carnet ne peut utiliser l’information pre-trade que sur une base probabiliste. Source : CA Cheuvreux (2010b).

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Les Cahiers Scientifiques n°9 – juin 2010 Autorité des Marchés Financiers Page 63

Hendershott, Jones et Menkveld (2010) constatent que, sur le NYSE, contrairement aux

fourchettes effectives, les fourchettes réalisées ne diminuent pas en présence de trading

algorithmique : "Surprisingly, we find that algorithmic trading increases realized spreads and

other measures of liquidity supplier revenues. This is surprising because" […] "we thought that

[…] algorithmic liquidity suppliers were low-cost providers who suddenly became better able to

compete with the specialist and the floor […] and thereby improving overall liquidity by reducing

aggregate liquidity provider revenues. Instead, it appears that liquidity providers in aggregate

were able to capture some of the surplus created […]". “To put it starkly, in a world without

algorithms, liquidity supplier revenues depend on the degree of competition between liquidity

supplier humans. In a world with algorithms, liquidity supplier revenues depend on the degree of

competition between algorithms. Our results suggest that, at least immediately […], there was

less competition between the best algorithms, perhaps because new algorithms require

considerable investment and time-to-build”. En d’autres termes, les HFT pourraient bénéficier

d’une rente concurrentielle liée à leur avantage technologique.

Jovanovic et Menkveld (2010) montrent empiriquement sur des données d’Euronext et de Chi-x

que les "middlemen" (en l’occurrence un intervenant pour compte propre essentiellement

fournisseur de liquidité) disposent d’avantages informationnels par rapport aux investisseurs de

moyens, et qu’ils les exploitent effectivement puisqu’ils réagissent aux nouvelles de marché plus

rapidement et dans la bonne direction. L’effet en termes de bien-être résulte de deux effets

contradictoires : si la sélection adverse est initialement élevée, le HFT est de nature d’en réduire

l’importance (ce qui affecte positivement les volumes traités et la liquidité). A l’inverse si la

sélection adverse est initialement faible (voire nulle, si personne n’a d’avantage informationnel),

l’arrivée du HFT peut créer un phénomène de sélection adverse et réduire le bien-être collectif (ce

qui affecte négativement les volumes traités et la liquidité). Les résultats empiriques ne sont, en

la matière, pas conclusifs, car la participation du HFT s’accompagne simultanément d’une

augmentation de la liquidité (baisse des fourchettes affichées) et d’une baisse des volumes de

transaction.

• Les effets des dynamiques de court terme restent largement à analyser

- Des "cycles de liquidité haute fréquence" sont assez généralement observés par la littérature

empirique sur les marchés d’actions9192. Différentes théories sont proposées pour en rendre

91 Sur ce point, Foucault, Kadan et Kandel (2009) cite Biais, Hillion, Spatt (1995), Coopejans, Domowitz, Madhavan (2003), Degryse, De Jong, Van Rvenswaaij, Wuyts (2005), Large (2007). 92 Notons aussi que Chaboud, Chiquoine, Hjalmarsson et Vega (2010) montrent que sur le marché des changes aussi, le HFT accroît la corrélation intraday entre transactions. Parmi les explications possibles ils envisagent que les "algorithmic strategies

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Les Cahiers Scientifiques n°9 – juin 2010 Autorité des Marchés Financiers Page 64

compte. Foucault, Kadan et Kandel (2009) proposent un modèle qui, sous l’hypothèse

d’asymétries entre les coûts de suivi du marché (monitoring) supportés par les apporteurs et par

les consommateurs de liquidité et entre les tarifications qui leurs sont applicables (maker-taker

pricing), fait naturellement émerger de telles fluctuations. Toujours sous l’hypothèse d’un coût

de suivi du marché, Biais et Weill (2009), étudient la capacité des ordres limite à absorber les

chocs transitoires de liquidité et rend compte des fluctuations cycliques qui en résultent :

“After a liquidity shock, there are two phases. First, there is a “buyers’ market,” in which the

flow of sell orders exceeds the flow of buy orders and trades hit the bid quote. During that phase,

the bid-ask spread is initially high, but progressively tightens, while in parallel, the depth in the

order book builds up. Second, there is a “sellers’ market” in which the flow of buy orders

exceeds the flow of buy orders, and trades hit the ask side of the order book. The dynamics

generated by our model match the stylized facts on order books, with clustering of activity at the

best quotes, undercutting, and serial correlation in order types.

Our model also sheds light on the consequences of the increased computerization of markets

and the growth of algorithmic trading. Our analysis implies that these changes imply an increase

in trading volume and an even stronger increase in message traffic, corresponding to frequent

cancelations and modifications. These results also corroborate empirical evidence.”

Ces modèles décrivent donc comment le HFT s’inscrit dans les dynamiques de marché et

expliquent sa prévalence. L’analyse reste cependant à un stade préliminaire quant à l’impact du

HFT sur les fluctuations cycliques traditionnellement observées. Joue t’il un rôle déstabilisateur

en amplifiant les chocs de liquidité ? Contribue-t-il au contraire à les absorber ? Les deux sont

bien sûr possibles, à supposer qu’ils entrent en jeu successivement, ou, autrement dit, à supposer

que les stratégies de market making et les stratégies directionnelles alternent. En ce cas, il

conviendrait, sous un angle réglementaire, de s’interroger sur la capacité des acteurs, et en

particulier des acteurs du HFT à engendrer (pas nécessairement intentionnellement) ces

fluctuations, et à en tirer bénéfice.

Quoi qu’il en soit, les mouvements de marché observés ces dernières années (notamment au

cours de la seconde semaine d’août 2007 et, plus récemment, le 6 mai 2010 aux Etats-Unis),

jettent un jour nouveau sur ces dynamiques de court terme des marchés d’actions93 . Ils

soulignent en particulier l’actualité de Khandani et Lo (2007) qui, sur la base d’une analyse des

used in the market are not as diverse as those used by non-algorithmic traders" et que "many institutions use similar algorithms". 93 Sur le détail des événements du 6 mai 2010 voir SEC-CFTC Preliminary Findings Regarding the Market Events of May 6, 2010 du 18 mai 2010.

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fluctuations observées en août 2007, dénotent un accroissement des risques (décrits comme

systémiques) qui résultent, d’une part, de l’interconnexion entre les marchés et, d’autre part, du

rôle joué par les teneurs de marché. En d’autres termes, les effets du désendettement

(deleveraging) liés à la crise des subprimes sur les stratégies long/short equity de certains hedge

funds ont été amplifiés par un retrait subit des apporteurs de liquidité. Les Preliminary findings

regarding the Market Events of May 6, 2010 de la SEC et de la CFTC réitèrent des questions du

même type sur l’interconnexion des marchés (en l’occurrence surtout entre ceux des marchés

d’ETF et de futures et ceux des actions sous-jacentes) et sur le rôle des teneurs de marché.

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Les Cahiers Scientifiques n°9 – juin 2010 Autorité des Marchés Financiers Page 66

IV. LES RISQUES INDUITS PAR LES NOUVELLES STRUCTURES DE MARCHE POUR LA REGLEMENTATION FINANCIERE

Les nouvelles structures de marché viennent avec de nouveaux types de risques réglementaires.

Quatre principaux risques sont identifiés. Mieux les maîtriser exigera dans tous les cas de

préciser les constats empiriques et de réduire les facteurs de complexité analytique qui les

caractérisent. Dans une optique plus opérationnelle et prospective propre au régulateur, ce qui

suit vise à recenser certaines questions identifiées comme pertinentes pour faire ressortir, en

creux, les questions ouvertes et les besoins de recherche.

IV.1. Des risques pour la qualité de marché et l’efficacité du système financier

IV.1.1 La qualité de marché ne s’est pas dégradée, mais requiert une

analyse plus approfondie

Comme l’a montré ce qui précède, l’apport de la recherche académique est particulièrement

évident en matière d’analyse de liquidité et de qualité de marché.

Pour résumer, les indicateurs usuels de liquidité révèlent que la qualité de marché ne s’est pas

significativement dégradée dans les marchés fragmentés. Dans l’ensemble, une hausse

significative de la liquidité est observée aux Etats-Unis et l’évolution semble moins incontestable

en Europe. Les perceptions sont en outre assez sensibles aux indicateurs considérés. Elles sont

généralement plus marquées lorsque l’on considère les fourchettes affichées que lorsque l’on

considère les fourchettes effectives. L’évolution des fourchettes réalisées observées par

Hendershott, Menkveld et Jones (2010) sur le NYSE est contre-intuitive. N’observer la profondeur

qu’aux meilleures limites a probablement beaucoup moins de sens lorsqu’elle est renouvelée à

haute fréquence, dans des marchés où la taille moyenne des transactions a drastiquement chuté

(cf. Gresse (2010b)). Plus fondamentalement, Hasbrouck et Saar (2009), mais aussi,

potentiellement, O’Hara (2010), invitent à revisiter la distinction traditionnelle entre apport et

consommation de liquidité dès lors que les ordres limites générés à haute fréquence n’ont plus

nécessairement vocation à être exécutés.

Dans cette littérature, les bénéfices de la fragmentation pour la liquidité trouvent leur pendant

dans ceux des technologies de trading algorithmiques et haute fréquence pour la formation des

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Les Cahiers Scientifiques n°9 – juin 2010 Autorité des Marchés Financiers Page 67

prix (cf. 3.2.2.2 ci-dessus). De façon contre-intuitive, les fluctuations cycliques de court terme

(considérées comme des cycles "naturels" de liquidité) et la hausse (mécanique, quand la

fréquence des transactions s’accroît) de la volatilité de très court terme, ne sont pas analysées

comme nuisibles pour la qualité de marché. Ces dynamiques de court-terme font cependant

l’objet de travaux en cours. Les études - notamment empiriques - sur les effets du HFT sur la

liquidité, et sur sa prévalence dans un régime de long terme, restent cependant rares, dans un

domaine où les données pertinentes sont coûteuses et manquent même au régulateur94.

IV.1.2 Organiser la fragmentation exige des règles spécifiques

• Des règles sur les limites du champ concurrentiel et de l'innovation en matière de structure de marché

Les marchés financiers, et les marchés secondaires d’actions en particulier, rendent un service

public, notamment par leur contribution à la formation de prix largement diffusés à l’ensemble

des agents économiques. Le choix de fragmenter les marchés pour organiser la concurrence

entre lieux d’exécution a été fait par la directive MIF. Il s’agit aujourd’hui de préciser les

frontières du champ concurrentiel.

Il convient pour aborder cette question, et la littérature en microstructure a largement contribué

à le démontrer, d’observer que les considérations en la matière sont très liées au détail des

structures de marché. On se demande alors dans quelle mesure les structures de marché

concernées doivent être considérées comme des biens publics ou, à l’inverse, comme de simples

paramètres de la concurrence. On s’interroge en particulier sur les limites qu’il conviendrait de

fixer :

o à l’opacité des marchés

Dans un contexte où l’opacité (comprise comme absence de transparence pré-négociation) sur

les négociations soulève des craintes pour la formation de prix publics et pour la liquidité (cf.

Hendershott (2010)), il convient tout d’abord d’en mesurer statistiquement l’ampleur (sous ses

différentes formes) et l’évolution dans le temps95. Au-delà des questions sur la disponibilité des

informations et les méthodologies statistiques, l’évaluation de l’importance de l’opacité

94 Les demandes d’information additionnelle de la SEC (voir note de bas de page 61) pourraient contribuer à changer cet état de fait aux Etats-Unis. 95 Bloomberg News; “Investment Banks to Report European Dark-Pool Trades“ du 24 mai 2010 semble indiquer une évolution en matière de déclaration des transactions réalisées sur les crossing networks des banques. Cette évolution devrait permettre de mieux analyser les effets de l’opacité sur le marché dans son ensemble.

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Les Cahiers Scientifiques n°9 – juin 2010 Autorité des Marchés Financiers Page 68

représente aussi un enjeu analytique du fait de la multiplicité et de la complexité des structures

permettant de cacher tout ou partie des intérêts exprimés et des stratégies permettant de gérer

dynamiquement l’affichage public des intérêts.

Dans la mesure où cette opacité se développe, il convient ensuite d’en évaluer les impacts. Ceci

représente un enjeu analytique dans la mesure où il convient de procéder ici à un arbitrage fin

entre les bénéfices d’une certaine opacité et ses effets indésirables sur la liquidité et la formation

des prix (voir 2.2 ci-avant).

Les détails de l’innovation revêtent ici des enjeux importants. O’Hara (2010)96 le souligne par une

interrogation : "What is a quote ?" et s’interroge sur la signification de l’affichage des intérêts

des participants au marché. L’auteur envisage la question sous deux aspects : où fixer les limites

de l’innovation en matière de type d’ordres destinés à limiter la divulgation d’information au

marché ? A l’inverse, comment interpréter les ordres visibles et exécutables mais annulés

tellement rapidement qu’ils n’ont virtuellement aucune chance, en pratique, d’aboutir à une

transaction (artificial quotes ; la surveillance de l’AMF parle ici d’ordres "furtifs") ? Une autre

question touche à la signification de la confrontation multilatérale automatisée des ordres, dès

lors qu’elle concerne certaines expressions d’intérêt adressées à un cercle privé de contreparties

potentielles, comme les Indications of Interest (IOIs) de certains dark pools. Dans la mesure où

une telle confrontation automatisée ne vient plus avec une obligation de publicité des ordres, où

situer la frontière entre ce qui caractérise une négociation bilatérale de gré-à-gré et celle de

marché public ?

o en matière de tarification des ordres

Les éventuelles limites à fixer en termes liberté de tarification des ordres par les marchés et de

structure tarifaire (asymétries selon les types d’intervenants). Foucault et Colliard (2010)

soulignent - dans un cadre qui ne remet pas fondamentalement en cause les bénéfices de la

concurrence entre lieux de négociation pour le marché – que des commissions explicites de

négociation trop basses peuvent être un sujet de préoccupation. En effet, les réductions de coûts

résultant de la concurrence entre marchés peuvent, dans certains cas, favoriser des

comportements stratégiques des investisseurs propres à réduire les volumes de transaction et

induire une allocation inefficiente de leurs "rôles". Ainsi, dans certains cas précis, une réduction

96 Professeur de finance à Cornell University, Ithaca (NY), Maureen O’Hara est également membre du board of directors d’ITG.

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Les Cahiers Scientifiques n°9 – juin 2010 Autorité des Marchés Financiers Page 69

des coûts explicites de négociation peut se traduire par des niveaux d’équilibre sous-optimaux en

termes de bien-être collectif.

La tarification asymétrique des ordres peut induire des effets indésirables qui sont évoqués par

Angel, Harris et Spatt (2010) : "The distortions arise because orders are priced on different bases

in different markets. The problem is large and growing larger as bid-ask spreads and

commissions decrease. It has distorted order routing decisions, aggravated agency problems

among brokers and their clients, unleveled the playing field among dealers and exchange trading

systems, produced fraudulent trades, and produced quoted spreads that do not represent actual

trading costs." Les règles de best execution américaines qui ne sont pas calculées "cum fees"

donnent probablement une importance accrue à ces effets pervers. Leur importance ne doit

cependant pas être minimisée en Europe, où la recommandation des auteurs : "that the

[financial regulator] requires that all brokers pass through the fees and liquidity rebates to their

clients" pourrait tout aussi bien être appliquée.

o En termes de fixation des pas de cotation

La comparaison faite par CA Cheuvreux (2009) entre NYSE Euronext et le LSE atteste d’une

"atomisation spatiale" de la liquidité suite à la réduction des pas de cotation97 sur les effets de

laquelle il convient de s’interroger.

La recherche abondante sur les pas de cotation tend à montrer le bénéfice pour la liquidité qu’il y

a à les réduire (et donc à éviter qu’ils ne soient contraints à la baisse comme ils semblent, dans

ce graphe, l’être sur le LSE). Ceci a au départ résulté des travaux de Christie, Harris et Schultz

(1994) qui mettaient en évidence une collusion des teneurs de marché du Nasdaq98 (ils ne

traitaient à l’époque que des pas de cotation de ¼ de dollar !). Force est de reconnaître qu’une

réduction des pas de cotation réduit l’écart minimum possible entre meilleur prix à l’achat et à la

vente (fourchette de cotation minimale théorique) et que l’exercice de la concurrence requiert

d’avoir la possibilité d’améliorer les prix existants. Dans certains cas, la conclusion généralement

admise d’un effet bénéfique de la réduction des pas de cotation sur la liquidité est cependant

contestée. Bourghelle et Declerck (2002) sur la base d’une étude des effets de la réduction des

pas de cotation d’Euronext Paris en 2001, dénoncent ainsi ses impacts négatifs sur la

97 Observons que la concurrence en matière de pas de cotation est propre à l’Europe. Aux Etats-Unis la réglementation impose des pas de cotation plus élevés que ceux qui ont été fixés par le marché. 98 Cf. Christie, Harris et Schultz (1994) et Christie et Schultz (1994).

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transparence99. Intuitivement, dans le contexte récent, il semble qu’au-delà d’un certain seuil100,

le bénéfice d’une baisse du pas de cotation ne puisse être substantiel que pour quelques traders

haute fréquence susceptibles de démultiplier des opérations faiblement profitables, alors qu’il

induit un coût collectif significatif du fait de la multiplication des ordres ("furtifs") qui en découle,

ainsi que de nouvelles possibilités de manipulation. CA Cheuvreux (2009) note ainsi :

"Mécaniquement, un pas de cotation coercitif redonne de l'importance aux ordres passifs et

permet de limiter les petits ordres manipulatoires du marché. De plus, la densité du carnet

d'ordres étant supérieure, le montant nécessaire pour aller déformer le carnet d'ordres est plus

important : cela entraîne un risque supérieur, donc un investissement plus important".

Graphique 13 - Relation entre fourchette effective (VWAS en %) et prix moyen de cotation (VWAP) :

London Stock Exchange (FTSE 100) NYSE Euronext (CAC 40)

VWAS

VWAP VWAP

VWASVWAS

VWAP VWAP

VWAS

NB : Chaque point montre la relation entre le prix moyen d'une action au cours d’une séance (VWAP, axe horizontal) et sa fourchette effective (VWAS, axe vertical) ; l’intensité du rouge est en outre fonction des volumes traités. Chaque point représente donc trois indicateurs pour titre au cours d’une journée. La fourchette effective (entre prix d’une transaction et milieu de fourchette prévalant au moment de l’exécution) et relative (rapportée au milieu de cette fourchette), exprimée en points de base (pb) ne peut mécaniquement pas être inférieure au pas de cotation relatif (rapporté au prix), représenté par un tracé en noir. Les pas de cotation sont fonction du cours de l’action (d'où les "sauts" de ce tracé). Logiquement, le pas relatif décroît en fonction du prix, d'où des pentes décroissantes entre deux sauts. Source : Recherche Quantitative Crédit Agricole Cheuvreux.

99 "It appears that a new pricing grid does not necessarily lead to change execution costs but it changes the level of transparency in the liquidity supply". 100 En l’absence de contrainte réglementaire, l’industrie (sous l’égide de la FESE) s’est, en juillet dernier, accordée pour reconnaître deux "tick size schedules" destinés à interrompre la guerre des ticks mentionnée par CA Cheuvreux (2010). Pour certaines valeurs, ces tableaux d’harmonisation autorisent des pas de cotation d’un millième de cent.

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• des règles de best execution contraignantes

Très favorable à la concurrence entre lieux de négociation, la recherche académique en

microstructure souligne néanmoins que la possibilité de tirer bénéfice de la fragmentation est

conditionnée par les incitations des intervenants à consolider les marchés. Selon O’Hara et Ye

(2009) et Foucault (2010a), la spécification des règles de best execution contribue probablement

de façon importante à rendre compte de l’impact de Reg NMS aux Etats-Unis et de MiFID en

Europe sur la liquidité des marchés.

Le développement du HFT a pour effet, indirectement, de favoriser une concentration de

l’intermédiation de marché par des acteurs disposant d’une taille critique suffisante pour

rentabiliser un accès rapide à tous les marchés pertinents et les infrastructures techniques de

trading et d’exécution (algorithmes). L’analyse des effets sur l’intermédiation financière de la

concurrence entre lieux de négociation reste, à cet égard, assez embryonnaire. Au-delà,

l’importance et la structure du marché de gré-à-gré des actions restent très largement

inexplorées.

IV.2. Des risques pour l’égalité d’accès au marché (fair access)

La recherche académique possède des outils pour analyser les effets des évolutions de structure

du marché sur le bien-être des différents types d’intervenants. Dans un modèle à vocation

pédagogique, Biais et Foucault (2010), sur la base d’une distinction entre traders haute

fréquence et "intervenants basse fréquence" envisagent la possibilité d’équilibres qui

n’optimisent pas le bien-être collectif. Ils proposent ainsi un modèle de théorie des jeux croisant

les possibilités d’occurrence de phénomènes de sélection adverse défavorables aux investisseurs

basse fréquence et la possibilité d’occurrence de chocs de liquidité exceptionnels d’importance

systémique. Sur ces bases, ils montrent la possibilité d’équilibres de marché inefficients (de type

Nash/dilemme du prisonnier) dans lesquels le développement du trading algorithmique ressort

comme socialement sous-optimal. En ce cas, l’utilisation d’algorithmes par certains contraint les

autres participants au marché à faire de même sans se traduire par un équilibre optimal en

termes de bien-être collectif. Cette possibilité reste largement à explorer d’un point de vue

théorique et entièrement à valider d’un point de vue empirique.

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Plus spécifiquement, dans un contexte de marché haute fréquence, un certain nombre de

facteurs semblent de nature à favoriser l’émergence de phénomènes de sélection adverse et

posent ainsi des questions sur les modalités de la participation au marché des intervenants

"basse fréquence" (d’autant plus, d’ailleurs, que ceux-ci sont disposent d’informations

pertinentes sur la valeur fondamentale des titres).

Deux principaux types de questions sont identifiés ici :

- Des questions sur l’accès des différents intervenants – notamment des investisseurs

institutionnels (ou particuliers) – aux techniques utilisées pour compte propre par le HFT,

et sur leur capacité à faire jouer effectivement la concurrence entre ces intervenants. En

dépit des arguments développés par Rosenblatt (2009) et par Kearns, Kulesza,

Nevmyvaka (2010) pour réduire la portée des craintes exprimées par les media en la

matière, le coût social du service d’intermédiation indirectement rendu par les acteurs du

HFT reste à évaluer, et leur profitabilité fait d’ailleurs l’objet du plus grand secret. Plus

spécifiquement, compte tenu de son importance pour la structure des marchés,

l’identification des facteurs de profitabilité du HFT apparaît pourtant comme importante

pour qui veut anticiper son évolution future de moyen terme.

- Des questions sur les asymétries d’information dont sont susceptibles de bénéficier les

intermédiaires de marché. Du côté de la demande, on s’interroge sur la capacité des

clients des intermédiaires à juger de la qualité des exécutions pour compte de tiers (et le

cas échéant de la qualité des algorithmes) de leurs courtiers101. Ceci renvoie bien sûr au

coût de cette évaluation et des données haute fréquence nécessaires. Mais dans un

contexte de multiplication des facteurs d’opacité du flux d’ordres et où l’information pré-

négociation doit désormais être utilisée de façon probabiliste (cf. Cheuvreux (2010)), ceci

pose aussi des questions fondamentales et théoriques sur les normes d’évaluation

pertinentes. Concernant l’offre de services d’intermédiation, cette question touche, à

l’inverse, à la gestion des conflits d’intérêt susceptibles d’apparaître entre les activités

pour compte propre et pour compte de tiers des intermédiaires.

Menkveld, Sarkar, van der Wel (2009) montrent, par exemple, sur les marchés obligataires les

intermédiaires disposent d’avantages informationnels et qu’ils les exploitent dans leur intérêt

101 Selon un article du New York Times du 24 juillet 2009 intitulé Stock Traders Find Speed Pays, in Milliseconds : “You want to encourage innovation, and you want to reward companies that have invested in technology and ideas that make the markets more efficient,” said Andrew M. Brooks, head of United States equity trading at T. Rowe Price, a mutual fund and investment company that often competes with and uses high-frequency techniques. “But we’re moving toward a two-tiered marketplace of the high-frequency arbitrage guys, and everyone else. People want to know they have a legitimate shot at getting a fair deal. Otherwise, the markets lose their integrity.”

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Les Cahiers Scientifiques n°9 – juin 2010 Autorité des Marchés Financiers Page 73

propre102. Il resterait donc à établir si un parallèle peut être fait avec les marchés d’actions, et en

tel cas, l’importance du coût social qui en résulte. Ajoutons enfin que ce point n’est pas

seulement théorique et a potentiellement des implications très concrètes pour le régulateur en

termes de règlementation des techniques d’accès au marché, de transparence pré-négociation et,

au-delà, d’obligation de meilleure exécution.

IV.3. Des risques pour la résilience opérationnelle des marchés d’actions

Il s’agit ici, d’une part, d’identifier la nature des risques extrêmes sur les marchés d’actions et

leur caractère potentiellement systémique, d’autre part d’évaluer la capacité à - et les moyens

pratiques de - les maîtriser. Quand les risques sont maîtrisables, il importe ensuite de mesurer le

coût de leur gestion. Les événements du 6 mai 2010 conduit à réévaluer les systèmes de gestion

des risques en place aux Etats-Unis103. Il semble cependant que, abstraction faite des éventuels

dysfonctionnements de ces systèmes, les risques liés aux dynamiques de court terme des

marchés d’actions aient pu croître dernièrement, sans que ce phénomène soit précisément

qualifié ou mesuré (cf. 3.2.2.3 ci-dessus). Trois points semblent mériter d’être précisés ici :

- L’intérêt d’exécuter des transactions avec de faibles temps de latence s’est traduit par le

développement de technologies d’accès direct au marché au terme duquel un membre de

marché peut, soit pour compte propre, soit, en tant qu’intermédiaire de marché, pour le

compte de client, recourir à des moyens et infrastructures permettant de réduire le temps

d’acheminement des ordres au marché et de latence des exécutions104. Dans cette optique,

la gestion des risques vient s’interposer sur le chemin critique de la chaîne d’exécution

des ordres, et devient donc un paramètre des stratégies de négociation haute fréquence.

L’importance de ces nouvelles technologies d’accès au marché appelle à être évaluée

précisément, parmi les divers facteurs susceptibles d’avoir contribué à une amplification

des risques sur les marchés d’actions.

102 "Our results provide evidence against the market maker being just an uninformed liquidity supplier. On the contrary, he seems to actively speculate on private information signals." 103 Notons ici que les caractéristiques des coupe-circuits et de la best execution spécifiques aux Etats-Unis ont pu y engendrer des effets propres à leur structure de marché. L’analyse approfondie qu’en a conduit la SEC ne peut donc être transposée telle quelle en Europe. 104 IOSCO (2009) décrit en détail les différentes techniques d’accès direct au marché (direct execution access) et les risques qu’ils sont susceptibles d’engendrer pour le régulateur. Le Comité Technique de l’OICV (IOSCO) devrait prochainement approuver une série de recommandations en la matière, notamment sur les critères de sélection des bénéficiaires d’accès sponsorisés (sponsored access), les responsabilités et obligations contractuelles des marchés, de leurs membres, et des clients de ces membres lorsqu’il s’agit d’intermédiaires, sur les exigences de contrôle et de filtres à l’entrée des marchés (applicables aux intermédiaires et aux marchés). Les plateformes qui autorisent aujourd’hui le sponsored access (Chi-X, LSE, Euronext) ont soumis, sous contrôle de leurs régulateurs, ce dispositif à des exigences de mise en œuvres de filtres et de contrôles préalables des ordres, dont le paramétrage est sous la responsabilité et de contrôle du membre, même si ces filtres ne sont pas géographiquement situés dans les systèmes du membre.

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- Identifier les seuils au-delà desquels des fluctuations deviennent risquées ressort

également comme crucial. Le graphe ci-après identifie des fluctuations cycliques brutales

du cours théorique d’ouverture (CTO) de près de 5% d’amplitude et caractérise

probablement l’entrée en "résonance" de deux algorithmes dans les cinq dernières

secondes du fixing d’ouverture d’une valeur de l’indice Euronext 100 observée récemment.

On peut dans ce contexte s’interroger sur le seuil à partir duquel de telles perturbations

doivent être considérées comme nuisibles au mécanisme de formation des prix des

marchés et le déroulement normal du marché interrompu.

Graphique 14 - 5 secondes précédant le fixing d’ouverture d’une blue chip cotée à Paris

Temps

Prix

Temps

Prix

Source : AMF-DESM

- A l’inverse fixer des limites (circuit breakers) à de telles fluctuations n’est probablement

pas sans effet sur le risque qu’elles se produisent. Il est par exemple possible que les

réactions des intervenants à l’approche des seuils puissent être influencées par la crainte

de ne pas être exécuté rapidement. Cette crainte rendrait donc auto-réalisatrice la

prédiction du dépassement de seuil et précipiterait l’interruption des négociations. La

capacité d’acteurs haute fréquence à identifier des tendances de ce type et à adopter des

stratégies permettant d’en tirer parti pourrait également, le cas échéant, ne pas être sans

effet sur ces fluctuations. En d’autres termes, une analyse des fluctuations utile au

régulateur devrait probablement tenir compte de façon endogène des mécanismes de

gestion des risques.

Il importe donc que la recherche académique contribue à identifier et qualifier les risques liés aux

fluctuations de marché dans une nouvelle structure dont on ne maîtrise pas certaines

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dynamiques. La recherche en microstructure semble à cet égard interpellée dans la mesure où le

détail des systèmes de gestion des risques a des effets structurants sur le marché.

IV.4. Des risques pour l’intégrité et la surveillance de marché

Les stratégies manipulatrices et abusives se fondent sur des principes rarement nouveaux. On

distingue ici, en particulier, des stratégies fondées sur l’exploitation abusive d’avantages

informationnels (front running, délit d’initié, etc.105), des stratégies consistant à donner des

informations fausses ou trompeuses du marché pour induire des comportements d’autres

intervenants puis en tirer parti (spoofing/layering 106 , momentum ignition 107 , etc.), et des

comportements anti-concurrentiels (market making abusif). Cependant, la fragmentation, la

diversité croissante des structures de marché (algorithmes de confrontation des ordres, types

d’ordres, pas de cotation, etc.), le développement des marchés de dérivés et de produits

structurés, l’interconnexion croissante entre les classes d’actifs, la complexité des produits, sont

de nature à multiplier les possibilités de manipulation et/ou à accroître la difficulté de leur

détection. Les techniques de trading algorithmique fournissent en outre des outils qui permettent

d’automatiser les stratégies délictueuses.

Certains auteurs soulignent cette évolution en montrant concrètement certaines possibilités

nouvelles. Angel, Harris et Spatt (2010) soulignent les risques de front running recourant à des

titres corrélés mais relevant de classes d’actifs différentes : "Although front-running a customer’s

order in the same instrument is illegal, we are concerned about front running in correlated

instruments. For example, buying S&P 500 futures contracts while holding a large open customer

buy order in an S&P 500 ETF (to profit from the expected price impact of the customer order)

should be illegal since arbitrageurs will quickly shift the price impact of the broker’s order in the

futures market to the ETF market where it will increase the cost of filling the customer’s order."

CA Cheuvreux (2009) souligne le risque lié à des pas de cotation faibles : "le régime actuel des

105 Le front running consiste pour un intermédiaire financier à tirer profit pour son propre compte et en contradiction avec ses responsabilités fiduciaires, de l’information qu’il possède sur les ordres de ses clients. Les stratégies d’anticipation des ordres consistent à rechercher par des moyens non légaux des informations sur l’aff 106 Les stratégies de spoofing consistent à afficher un ou plusieurs ordres de sens contraire à ses intérêts réels pour inciter d’autres intervenants à faire de même, et à retirer ces ordres lorsqu’ils risquent d’être exécutés. Le but est de créer une dynamique des prix favorable à ses intérêts réels et d’en tirer parti par l’exécution d’une transaction. Le layering est un cas particulier de spoofing qui consiste à multiplier et séquencer l’affichage de tels ordres dans les limites du carnet pour renforcer l’image trompeuse du carnet. 107 Les stratégies de momentum ignition consistent, pour leur part, à inciter, par l’exécution d’une transaction et le cas échéant l’affichage d’autres ordres de même sens, d’autres intervenants à faire de même, et a créer un mouvement directionnel des prix. En dénouant la transaction initiale par une transaction de sens contraire, il est alors possible de tirer profit de la dynamique ainsi créée. Ces stratégies, en pratique difficiles à distinguer des opérations spéculatives, requièrent une intention manipulatrice au départ.

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pas de cotation représente une contrainte moindre vis-à-vis du marché sur NYSE Euronext que

sur le LSE et l’espace disponible ainsi laissé favorise les manipulations du carnet d'ordres".

Dans une même veine que CA Cheuvreux (2010a), O’Hara (2010) constate la multiplication des

ordres qui n’ont pas véritablement vocation à être exécutés (artificial quotes) et s’interroge :

"While arguably such quotes could be part of some complex (arcane?) trading strategy, a more

disquieting explanation is that they are used in a new form of manipulation that works off of

algorithmic trading and crossing. If a quote is never intended to be traded at, is it really a quote?

The potential for manipulation arises from two sources: the predictable behavior of trade

algorithms and the use of reference prices for crossing networks." Il semble donc que

l’innovation technique et des structures de marché soulève des questions assez fondamentales

sur la qualification de certains comportements au regard de l’intégrité de marché, ou, à tout le

moins, des précisions sur la frontière entre stratégies autorisées et délictueuses.

Enfin, les risques pour l’intégrité du marché doivent être mis en regard des moyens dont dispose

la surveillance de marché pour détecter et sanctionner les abus. Le coût de cette surveillance est

considérablement accru par la masse des données et moyens techniques et humains qu’elle

requiert108. Il le sera aussi par la nécessité de coordonner globalement les politiques en la matière

à l’échelle internationale. Il représente donc désormais un enjeu économique et il importe d’en

tenir compte à un stade initial dans l’organisation du marché.

108 La section VI Consideration of Costs and Benefits du Proposal on a consolidated audit trail de la SEC du 26 mai 2010 évalue les coûts de mise en place d’un système de traçage des ordres en temps réel aux Etats-Unis en milliards de dollars.

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