mémoire professionnel de maîtriseen premier lieu virginie spies, enseignante et maître de...
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COGNET GILLES Septembre 2004
IUP Métiers des Arts et de la Culture Culture et Technologies Numériques
Mémoire professionnel de Maîtrise Sous la direction de Virginie SPIES
Le DVD vidéo : Enjeux cinématographiques du numérique
- Université d’Avignon et des Pays du Vaucluse -
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Remerciements En premier lieu Virginie SPIES, Enseignante et Maître de conférence à l’Université
d’Avignon, pour ses conseils et son suivi de mémoire.
Je remercie plus généralement l’ensemble du corps professoral et pédagogique de
l’Université d’Avignon pour m’avoir apporté un enseignement de qualité qui a
contribué à la rédaction de ce mémoire.
Guillaume COLAS, Directeur Artistique chez DVD MAKER, pour son accueil, sa
sympathie et ses conseils.
Je remercie plus généralement toute l’équipe de DVD MAKER de m’avoir accepté et
intégré au sein de l’équipe, ainsi que d’avoir participé à la construction de ce
mémoire aux travers des différents témoignages.
Enki BILAL, pour sa sympathie et le temps qu’il a bien voulu nous consacrer.
Le groupe de réflexion L’EXCEPTION d’avoir eu l’initiative de débattre
intelligemment du devenir cinématographique.
Ma famille et mes amis de m’avoir supporté lors de la rédaction de ce mémoire.
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Liste des abréviations utilisées Cf : conférer
Etc. : Et caetera
Id : Idem
Ndlr : Note de la rédaction
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Table des Matières
Avant-propos………………………………………………………………………..8
Introduction………………………………………………………………………...10
I- Le DVD-vidéo
I-1 Une évolution technique……………………………………………………17
1- Un support informatique………………………………………………..17
2- Les titres et les objets vidéo…………………………………………...19
3- L’interactivité…………………………………………………………….20
4- Les menus……………………………………………………………….20
5- L’audio……………………………………………………………………21
I-2 Les contenus……...………………………………………..………….……24
1- Le film…………………………………………………………………….24
2- Les bonus………………………………………………………………..25
3- Les menus……………………………………………………………….30
4- Le packaging…………………………………………………………….31
I-3 Le marché du DVD…………………………………………………………33
1- L’édition DVD……………………………………………………………34
2- Les succès……………………………………………………………….37
3- Les tendances…………………………………………………………..38
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II- Le DVD vidéo, cheval de Troie du cinéma numérique ?
II-1 Le cinéma numérique………………………………………………………42
1- Le courant Lumière……………………………………………………..43
2- Le courant Méliès……………………………………………………….45
II-2 La réalisation numérique…………………………………………………..47
1- Une nouvelle forme hybride ?..........................................................48
2- Les influences de la réalisation numérique…………………………..52
II-3 Le DVD, démocrate de l’imagerie numérique……………………………57
1- Une histoire de pixels…………………………………………………..57
2- L’infographie et l’animation…………………………………………….59
3- L’immatérialité du numérique………………………………………….61
III- Le DVD vidéo, vers de nouvelles approches cinématographiques ?
III-1 Le spectacle hors de la salle………………………………………………63
III-2 L’interactivité et la délinéarisation…………………………………………66
III-3 Du film au concept………………………………………………………….70
IV- Le DVD vidéo, un outil pour l’intelligence ?
IV-1 Le DVD, outil pédagogique……………...………………………………...75
IV-2 Les nouveaux chemins de l’intelligence ?.............................................78
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Conclusion…………………………………………………………………………………80
Repères bibliographiques………………………...……………………………….…….82
Glossaire……………………………………………………………………………………87
Table des Annexes……………………………………………………………………..…89
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Avant-propos
Ce mémoire professionnel porte son étude sur l’expérience
cinématographique à l’épreuve du DVD vidéo, et plus généralement des
technologies numériques. Les enjeux sont donc socioculturels et non économiques.
L’argumentation s’appuiera essentiellement sur des idées et théories partagées par
des chercheurs, des philosophes et des cinéastes, des statistiques d’organismes
reconnus (Gfk, études CNC), mais surtout sur deux stages effectués dans le cadre
de l’IUP Métiers des Arts et de la Culture. Le premier s’est déroulé en juillet août
2003 au sein d’une structure Avignonnaise commerciale et culturelle, le
magasin/Label SIXPACK. J’ai personnellement conçu et réalisé un DVD vidéo qui
présente l’univers artistique et évènementiel de la petite structure. Le second stage,
beaucoup plus important, s’est déroulé de mars à juillet 2004 au sein de la société
BROADSTREAM, fusion des sociétés PIONEER Studio DVD et DVD MAKER. Située
à Boulogne-Billancourt, pôle français des technologies audiovisuelles, cette société
fait partie du groupe SISA1, qui comprend plusieurs entreprises du domaine de
l’audiovisuel. (Laboratoire vidéo, Maintenance technique, Montage et postproduction)
Si l’entité BROADSTREAM se construit, la renommée de DVD MAKER place ce
studio parmi les cinq meilleurs studios d’authoring en France. C’est grâce notamment
à la réalisation de succès comme Le fabuleux destin d’Amélie Poulain (Jeunet,
[2001]), La sirène Rouge (Megaton, [2002]) ou bien encore Immortel (Bilal, [2004])
que le studio a pu acquérir une notoriété professionnelle.
J’y ai effectué un apprentissage technique et artistique au coté des
professionnels les plus compétents de ce domaine. En parallèle à la réalisations de
divers projets que l’on m’a confié durant ces cinq mois, j’ai pu développer une
réflexion sur les enjeux socioculturels et cinématographiques que génère le DVD
vidéo, en collaboration avec Guillaume Colas, le Directeur Artistique de la société.
« Une réelle passion pour ce support novateur motive et nourri l’équipe » me confiait
1 www.sisa.fr Cf. annexes DVD MAKER
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alors le jeune Directeur Artistique, « et même si le marché de l’édition nous impose
son dictat, on essaie de garder une approche conceptuelle de ce support. »1
Ce mémoire est le fruit d’un intérêt et d’une réflexion personnels fondés sur
plusieurs situations professionnelles et sur la lecture de notions théoriques. En tant
que mémoire professionnel, son argumentation représente, au-delà d’une réflexion
personnelle, la réflexion développée par les professionnels de la création DVD sur
l’essence même de ce support, son utilisation, et ses devenirs.
1 Interview réalisée en juillet 2004 dans le cadre de ce mémoire.
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Introduction
Le passage au troisième millénaire nous a définitivement propulsé au sein de
l’ère de l’information. Le développement des micro-ordinateurs et des réseaux
d’informations a révolutionné le monde du travail et des pratiques socio culturelles.
Le codage de l’information sous forme numérique a permis aux différentes
technologies électroniques de se comprendre, et de se compléter. L’information
numérique devient fluide et continue. Ainsi Paul Valéry expliquait en 1928 que
comme l’eau, le gaz et l’électricité qui arrivent dans nos demeures et nous distribuent
de l’énergie, un jour nous serions alimentés en images auditives et visuelles qui
obéiront comme à un geste, à notre appel. (Valery, [1928]) A travers la radio, il avait
deviné la télévision, mais au-delà les flux d’information numérique que nous
connaissons aujourd’hui : ordinateur, Internet, télévision, Home cinéma et DVD…
Une révolution des contenus audiovisuelle s’est effectuée, et continuera de
s’effectuer à travers ce développement technologique numérique.
Comme beaucoup d’arts qui ont évolué en fonction des techniques
disponibles, le cinéma a subi consciemment cette révolution numérique. L’histoire du
cinéma est une histoire d’expériences technologiques, de relations
spectateur/spectacle et de systèmes de production, de distribution et de
présentation, indissociables des conditions économiques, politiques et idéologiques.
Entrée par la petite lucarne des effets spéciaux dans les années 1970 grâce au
développement de la puissance de calcul des ordinateurs, la technologie numérique
a depuis cette époque élargit son champ d’action à tous les domaines de
l’audiovisuel. Ainsi, la télévision et la publicité ont été un formidable laboratoire de
développement des techniques vidéo, qui parfois ont par leur esthétique et leur
usage particulier, créé leur propre genre. De son coté le son a avancé en pionnier du
numérique, en posant les bases de la construction bar boucles et du montage non
linéaire. Finalement, c’est la généralisation des plateformes informatiques de
postproduction qui a éradiqué tout doute ; la numérisation de la chaîne de production
cinématographique est largement entamée et prometteuse, donc probablement sans
retour. Si les technologies numériques sont apparues au cinéma pour palier à des
contraintes techniques, elles se développent dorénavant pour apporter une « plus-
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value numérique ». Le cinéma est donc changeant, car réalisé par des outils
mutants, qui visent à enrichir le cinéma et l’audiovisuel de nouvelles approches et de
nouvelles esthétiques.
L’apport des nouvelles technologies au cinéma est un sujet de constante
actualité, et sous l’approche première des technologies mises en œuvre, il aborde
des questions ancestrales : l’art et la technique, l’art et la représentation du réel, le
fonctionnement de la trinité auteur / œuvre / spectateur. L’étude sera centrée ici sur
le support final du produit cinématographique ; le DVD vidéo. Le Digital Versatil Disc
parait être un choix judicieux d’étude, car tout d’abord son statut n’est plus
discutable ; il est devenu en quelques années LE support grand public du cinéma.
Maillon essentiel de fin de chaîne cinéma, le DVD vidéo est avant tout un succès
commercial, une proposition technologique et culturelle qui a su séduire un public qui
s’ennuyait d’un système VHS en bout de course. Il s’agit ici du constat primaire, le
germe de cette étude ; l’objet DVD vidéo. Il conviendra donc d’analyser cette
technologie, cette proposition culturelle, ce succès commercial.
Mais au-delà de ce premier constat, d’autres questions sont soulevées par les
spécificités mêmes de ce support, qui se différencie de son prédécesseur, le VHS. Il
apparaît que le DVD ne se contente pas de reporter le cinéma sur support
numérique, mais bien au-delà il place cet art centenaire au sein d’un dispositif
hypermédia. Le DVD est peut-être une étape intermédiaire entre les pratiques
cinématographiques du siècle dernier et les pratiques cinématographiques et
hypermédia qui se développeront. Voilà pourquoi, après avoir défini sa nature et son
contexte, il parait essentiel de comprendre le rôle que joue cet objet hybride. Quel
est le rôle du DVD au sein de l’évolution cinématographique ? Si celle-ci passe par le
numérique, quelle proposition pour un cinéma numérique ?
Pour répondre à ces questions, il convient de recontextualiser l’impact des
technologies numériques au cinéma : Ce passage au numérique s’effectue dans la
forme et dans le fond, sur le contenu mais aussi sur le contenant. De nouveaux outils
pour créer de nouvelles esthétiques et de nouveaux modes de consommation
audiovisuelle. Le cinéma numérique, c’est d’abord le passage de toute la chaîne
cinématographique au numérique : production, postproduction, diffusion et
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exploitation. Le DVD, en tant que support de diffusion vidéo grand public, se situe en
bout de chaîne de cette aventure. Néanmoins, il possède une longueur d’avance
indéniable sur la projection numérique (en salle), l’alternative d’exploitation. Mais le
cinéma numérique, c’est aussi la réalisation numérique, soit la réalisation par
l’ordinateur. A ce niveau là, il devient difficile de répertorier les technologies de
réalisation expérimentées ou acclamées, mais nul doute que nous assistons depuis
une vingtaine d’années à une naissance de la réalisation assistée par ordinateur :
jeux vidéo, animations 2D et 3D et cinéma traditionnel sont concernés.
Le DVD vidéo est sans contexte un acteur essentiel de ce passage du cinéma
au « tout numérique ». Grâce à son succès auprès du public, le DVD devient le fer
de lance officiel de la numérisation du cinéma, devançant la projection numérique
encore balbutiante. Ce positionnement nous amène à nous poser la question
suivante : le DVD ne serait-il pas le cheval de Troie du cinéma numérique ? Si le
DVD représente le nouveau marché de la vidéo, il développe et diffuse les
caractéristiques esthétiques et ergonomiques propres à la réalisation numérique.
Voilà pourquoi je me permettrais de parler alors du DVD vidéo en tant que
« démocrate de l’image numérique ».
Après cette approche esthétique, il conviendra d’analyser les nouvelles
expériences cinématographiques résultantes des pratiques liées à ce support. Grâce
à son offre qui se différencie de la salle de cinéma, le DVD emmène le spectateur
sur de nouveaux territoires : la personnalisation de l’expérience cinématographique,
l’exploration interactive et la délinéarisation du récit, la conceptualisation de l’œuvre.
Ces analyses nous démontreront que l’expérience cinématographique se complexifie
avec l’arrivée de ces nouveaux médias électroniques. Néanmoins, c’est en
comprenant ces nouvelles pratiques que nous accepterons des éventuelles
transformations au sein du cinéma.
Comme toute technologie qui nécessite un apprentissage, il existe une
vocation pédagogique au DVD vidéo. Cette vocation est même double : proposer un
outil ergonomique pour apprendre les images, leur manipulation et le pouvoir du
spectateur, et de manière plus générale, le DVD vidéo appartient à l’univers
numérique, univers qui se construit par les outils électroniques et leurs usages. En
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se gardant de prophétiser une nouvelle ère technologique, il reste sensé d’observer
les grands changements induits par la technoculture numérique : création d’univers
virtuels persistants pour le travail et les loisirs, développement de nouveaux schémas
cognitifs pour la pensée humaine. Les outils numériques sont donc les forges de
nouvelles pratiques qui vont probablement modifier en profondeur la
conceptualisation de notre rapport à la représentation, à la réalité. C’est en tant
qu’outil technologique et en tant que support du 7ème art (de la représentation) que le
DVD semble jouer son humble rôle pédagogique au sein de cette évolution.
« Ce rapport du cinéma aux nouvelles technologies l’affecte dans ses modes
d’existence classique, dans le domaine de la production comme de la diffusion,
notamment la projection en salle, mais le cinéma est aussi travaillé par ces nouvelles
technologies du fait des nouveaux supports. Il apparaît qu’aujourd’hui, l’angle
d’attaque peut-être le plus pertinent pour réfléchir à l’état contemporain du cinéma
est le DVD. […] Au cours de nombreux débats s’est imposé le constat que le DVD
permettait d’aborder aussi bien la création, la production, la diffusion des œuvres, le
rapport du public au film, la conservation, la politique patrimoniale, l’enseignement du
cinéma, et qu’énormément de questions qu’on se pose, dont les questions
esthétiques, théoriques, des questions d’action publique, se rétractaient dans ce
support, cet objet technique qu’est le DVD. » (Frodon, [2002], p96) 1
1 le banquet imaginaire, p96, Gallimard, 2002
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I. Le DVD-vidéo
Dès 1994, sous l'impulsion de Warner Bros, un comité est mis en place pour
étudier le cahier des charges d'un nouveau type de CD, capable notamment de
répondre aux exigences de qualité de l'industrie du film.
Les objectifs fixés par ce comité sont :
• Vidéo de haute résolution (conforme au standard broadcast CCIR-601).
• 133 minutes de film sur une même face d'un disque haute densité.
• Audio stéréo de haute qualité, six canaux minimum pour le son.
• Choix de 3 à 5 langues.
• Protection contre la copie.
• Possibilité de verrouillage parental pour les titres pour adultes.
• Plusieurs rapports d'aspect pour l'image (écran large 16/9, 4/3 avec possibilité
de pan-scan ou "letter box").
Le 15 septembre 1995 est une date essentielle pour l'évolution du stockage
optique. En effet, sous la pression conjuguée des industries de la vidéo et de
l'informatique, les deux groupes concurrents de multinationales Sony/Philips et
Toshiba/Time Warner sont tombés d'accord pour promouvoir un nouveau standard
mondial de stockage optique pour la vidéo. L’historique du DVD, acronyme de Digital
Versatile Disc, remonte donc déjà à une dizaine d’années maintenant. Semblable par
sa taille et son procédé technique (laser optique) à son aîné le CD, on pouvait ne lui
prédire qu’un avenir prometteur. Pour rappel, depuis 1982, date de mise sur le
marché du Compact Disc, il s’est vendu plus de 12 milliards de disques compacts
audio pour plus de 900 millions de lecteurs.
Effectivement, à ce jour le marché du DVD n’est pas en expansion, mais en
explosion. Devenu un véritable bien de consommation à partir de 1998, les objets qui
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ont trait au DVD, à savoir les lecteurs et les supports, se sont démocratisés à une
vitesse impressionnante, beaucoup plus rapidement que ne l’avait fait le cd en son
temps. De tarifs prohibitifs en vigueur lors du lancement, les prix des lecteurs ont
diminué très rapidement jusqu’à atteindre des tarifs à peine supérieurs à ceux des
magnétoscopes. Si le milieu professionnel bénéficiait déjà de formats vidéo
numériques (Digital betacam…), le grand public découvre lui la qualité numérique
avec ce nouveau support. Cet engouement pour le DVD doit s’expliquer, ou tout au
moins se comprendre : ce processus d’équipement technologique s’inscrit dans une
numérisation de toute la chaîne de vie des informations numériques. Il est donc
normal que le consommateur puisse bénéficier du label « qualité numérique », avec
une technologie appropriable aisément.
En 1997, les Editions Montparnasse sortaient en DVD Microcosmos et Les
Enfants de Lumière, les deux premiers films édités en Europe dans la technologie
numérique Digital Versatile Disc. Depuis, 6 000 titres ont été mis sur le marché en
France. Cinq ans après, le nombre de lecteurs de DVD est 2,5 fois supérieur à ce
qu’il était pour les lecteurs de CD au bout de la même période. Fin 2002, près de 25
% des foyers étaient équipés, séduits par les qualités extraordinaires d’image et de
son du nouveau support (le taux d’équipement suit avec un an de retard la tendance
américaine). Entre le DVD et la VHS, 2002 est l’année de l’inversion en France : 40
millions d’exemplaires vendus pour les premiers, contre 28 millions pour les seconds.
(Source : étude «Pratique et économie du DVD », L’Exception, 2002)
Equipement en lecteurs DVD en Europe
0,017 0,17
1,037
4
00,5
11,5
22,5
33,5
44,5
1997 1998 1999 2000
en m
illio
ns
nombre de lecteurs
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Selon Yves Caillaud, PDG de Warner Home Video et président du Syndicat de
l’Edition Vidéo (SEV), le succès du DVD résulte essentiellement d’une politique
commerciale élaborée conjointement par les concepteurs de hardware et de
software, de l’adoption d’une norme technique unique, d’une offre de titres
immédiatement diversifiée, d’une politique de prix agressive1. D’abord réservé à une
poignée de technophiles équipés en home-cinéma, le DVD est déjà un produit
populaire. Les premiers prix des lecteurs avoisinent aujourd’hui 100 euros. Pour les
disques, la fourchette est comprise entre 20 et 30 euros.
Pourquoi cet objet technologique a-t-il pu s’imposer si rapidement ? Son offre
correspondait-elle aux attentes des consommateurs, ou bien s’est-il créé un besoin
chez celui ci ? Il convient d’analyser les spécificités du DVD-vidéo et ses contenus,
afin de mieux comprendre son identité.
1 Article paru dans Le Monde du 23 novembre 2002.
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I - 1 Une évolution technique En 1995, un accord est accepté par les dix membres du DVD consortium. Le Digital
Versatile Disc est né. Afin de comprendre la logique mise en œuvre par cette
technologie, il est nécessaire, à défaut d’une étude technique, d’en définir les
principes de fonctionnement.
I-1.1 Un support informatique Il existe en plusieurs variantes suivant le nombre de couches et le nombre de
faces utilisées. On peut mettre l'équivalent de 7 à 26 CD sur un DVD, suivant la
capacité choisie.
Les pistes contenant l'information inscrite sous forme de micro-cuvettes (pits) et de
méplats (lands) sont plus serrées sur le DVD (0,74 micron contre 1,6 micron),
chaque élément d'information étant lui-même de plus petite taille (0,4 micron
minimum au lieu de 0,83 micron minimum sur un CD)
Principe de lecture du CD et du DVD
Un DVD de 12 cm pressé en usine autorise une capacité variable de 4,7 Giga octets,
8,5, 9,4 ou 17 Giga octets en fonction du choix du concepteur du programme. Il peut
choisir d'utiliser une seule couche sur une seule face, deux couches sur une seule
face, une couche sur les deux faces ou deux couches sur les deux faces.
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Vue en coupe : DVD double couche
(Source des illustrations : "Le DVD" Georges ZENATTI, Editions Hermès à Paris)
Tous les DVD, quelle que soit leur destination, du DVD-Rom au DVD-Vidéo ou au
DVD-Audio, doivent utiliser un même système d'organisation des données défini par
l'OSTA : l'UDF/ISO-9660 Bridge Format. L'UDF (Universal Disc Format) est une
évolution du format ISO-9660 utilisé par la majorité des CD-ROM. C'est un véritable
standard universel qui offre une compatibilité multi-plateforme informatique et lecteur
de salon.
Le niveau le plus élevé d'organisation d'un DVD est le volume. (Il est
intéressant de noter l’analogie au tomes des livre…) Le volume est constitué
conformément au standard UDF Bridge d'une zone vidéo Video Zone qui contient
tous les éléments destinés aux lecteurs de salon et une zone DVD OtherZones qui
peut être utilisée pour des données ou des applications informatiques destinées aux
micro-ordinateurs équipés de lecteur de DVD-Rom. On peut ainsi concevoir un DVD
comportant un film de formation et une série d'applications informatiques. Le PC
équipé d'un lecteur de DVD-Rom pourra lire non seulement la partie proprement
vidéo, mais aussi la partie comportant des données comme on peut en trouver sur
un CD-ROM. La zone DVD-Vidéo débute par un gestionnaire vidéo où sont
répertoriées toutes les données du disque, et comporte à la suite de 1 à 99 titres de
vidéo. Le gestionnaire vidéo commence par un clip vidéo/audio de présentation, suivi
d'un menu offrant au spectateur la possibilité de choisir entre les différents titres.
Lorsque l'utilisateur appuie sur le bouton Titre de la télécommande du DVD, le film
s'arrête et l'écran affiche à nouveau le menu principal.
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I-1.2 Les titres et les objets vidéo
La zone du gestionnaire vidéo (Video Manager) est suivie d'ensembles de
titres vidéo (Vidéo Title Sets) qui constituent la partie la plus importante du DVD. Un
DVD peut comporter jusqu'à 99 ensembles de titres différents. Cependant, la plupart
des DVD commercialisés pour l'instant proposent un seul long métrage cinéma :
dans ces DVD la zone VTS se réduit à un seul ensemble de titres comportant un
seul titre. Chaque VTS comporte un ou plusieurs titres vidéo. Au début de chaque
VTS, un menu apparaît, permettant de choisir l'accès à un titre ou à un autre. A son
tour, chaque titre peut être divisé en chapitres, ici appelés Part of title (PTT). Les
données à l'intérieur de chaque titre vidéo (Video Title) sont organisées en
ensembles d'objets vidéo (Video Object Sets) VOBS, eux-mêmes composés d'objets
vidéo (Video Objects) VOB.
L'objet vidéo est la plus petite unité de programme du DVD : il est composé de
vidéo, d'audio, d'images d'incrustation et sous-titres et de données de navigation.
Enfin, chaque objet vidéo peut lui-même être divisé en cellules. La cellule est la plus
petite unité qui peut être adressée lors d'un choix interactif. Une cellule peut avoir la
taille d'un film entier si le film ne comporte aucune interactivité. Une cellule peut être
de la taille d'un groupe d'images MPEG (généralement 12 images en Pal). L'intérêt
de cette arborescence en ensemble de titres, titres, ensemble d'objets vidéo
n'apparaît que lors du développement d'un DVD comportant une très grande
interactivité. Dans le cas d'un film de long métrage cinéma, l'interactivité est
généralement limitée et les possibilités de navigation sont réduites. Le film est
souvent divisé en chapitres. On peut choisir de regarder le film d'une traite ou
accéder directement à un chapitre. Dans ce cas, chaque chapitre correspond à une
cellule. Mais il n'y a qu'un ensemble de titres (VTS) composé d'un seul titre (VT) lui-
même constitué d'un seul ensemble d'objets vidéo (VOBS) contenant un seul objet
vidéo (VOB) : l'objet vidéo est enfin divisé en autant de cellules qu'il y a de chapitres.
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I-1.3 L’interactivité
Les possibilités d'interactivité du DVD sont relativement étendues pour un
programme vidéo et développent ce qui avait été entamé avec le CD-I de Philips ou
le Vidéo CD (qui connurent un échec commercial) mais restent bien restreintes en
comparaison d’applications multimédia non bornées par une norme technique
rigoureuse : jeux vidéo, sites internet, cd-rom. Sa rapidité de réponse permet
néanmoins d'envisager son application à des jeux interactifs simples.
L’interactivité est programmable à travers 128 instructions qui peuvent être
regroupées en 5 catégories : Aller à et Lier à, Calculer, Comparer, Apprécier les
paramètres et Jouer le programme. Des variables peuvent être créées et
reprogrammées, ce qui permet de personnaliser l’interactivité : la combinaison de
ces commandes permet de gérer des instructions assez complexes telles que
conserver le résultat d'un jeu, jouer des séquences de façon aléatoire, s'assurer que
dans le cas d'un film interactif certaines séquences-clés sont bien jouées. Ce qu’il
faut souligner, c’est la possibilité de mémoriser la navigation effectuée par le
spectateur navigateur, pour que le programme puisse interagir avec.
I-1.4 Les menus
La plupart des DVD commercialisés comportent des menus qui permettent à
l'utilisateur d'effectuer ses choix de navigation ou de configuration. Les menus sont
constitués de trois éléments :
- une image de fond (cela peut aussi bien être une séquence vidéo qu'une image
fixe),
- une image d'incrustation, qui permet de mettre en évidence les choix.
- une ou plusieurs zones sensibles comportant un ou plusieurs boutons affectés
d'une surbrillance lorsque le pointeur de la télécommande entre dans sa zone.
Les spécifications du DVD déterminent un certain nombre de menus que l'utilisateur
doit pouvoir activer à partir de sa télécommande. Ces menus systèmes sont au
nombre de cinq.
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- Menu Titre, incorporé au gestionnaire vidéo il permet l'accès direct aux titres du
DVD. Il doit pouvoir être affiché par pression du bouton "Titre" de la télécommande.
- Menu Principal, incorporé à chaque ensemble de titres vidéo (VTS). Il s'affiche sur
pression du bouton "Menu" de la télécommande.
- Menu Audio, incorporé à chaque ensemble VTS. Il s'affiche sur pression du bouton
"Audio" de la télécommande.
- Menu Angle vidéo, incorporé à chaque ensemble VTS. Il s'affiche sur pression du
bouton "Angle" de la télécommande.
- Menu Incrustations, incorporé à chaque ensemble VTS. Il s'affiche sur pression du
bouton "Incrustations" de la télécommande.
Lorsque l'utilisateur active l'un des menus système, le lecteur de DVD mémorise à
quelle position du flux vidéo il se trouve et peut le reprendre lorsque l'utilisateur a fini
sa consultation ou sa configuration. Il faut donc souligner ici la possibilité de maîtrise
à tout moment sur l’arborescence hiérarchique des différents éléments d’un DVD.
I-1.5 L’audio Comme nous l’avons vu, il est possible d’assigner plusieurs pistes audio à un
objet vidéo (VOB). Le standard supporte quatre formats audio numériques à 48KHz,
soit une qualité meilleure que le CD :
- Le Dolby Digital (aussi appelé AC3). Ce format est multicanaux, ce
qui signifie que là où la stéréo proposait 2 voies, le dolby digital peut
en proposer jusqu’à 6 : gauche, droite, central, arrière gauche, arrière
droit et basses. La taille de la piste augmente en fonction du nombre
de canaux.
- Le DTS est l’alternative, aussi multicanaux, mais proposant une
compression plus réduite, en dépit d’une taille plus volumineuse. Un
luxe pour les installations appropriées.
- Le PCM propose un signal non compressé, stéréo.
- Le Mpeg audio ne propose aucun réel avantage, il est généralement
proscrit, car pas toujours compatible.
Les données audio (pistes) subissent donc un encodage différent selon leur
destination et leur usage. Il faut néanmoins souligner que l’écoute de pistes
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multicanaux ne peut s’effectuer qu’avec la configuration matérielle appropriée :
amplificateur décodeur, enceintes.
Il était nécessaire d’expliquer le principe de fonctionnement du DVD, afin de mieux
cerner la logique mise en œuvre, voilà qui est fait. Il est inutile d’aller plus loin dans
les autres spécificités purement techniques du DVD-vidéo (compression, normes
audio, signal…) car ce mémoire ne se veut pas une étude technique, mais une
réflexion sur un enjeu technico-culturel.
Pour résumer, le DVD offre une technologie d’accès séquentiel à un stockage de
données informatiques. Ces données sont interprétées soit par les puces
électroniques contenues dans les lecteurs DVD de salon (platine DVD-vidéo) ou bien
par les logiciels d’ordinateur (DVD-rom). Il convient quand même de souligner qu’à la
différence d’anciens supports, comme le VHS, qui ne contenait que des données
(analogiques) relatives au signal vidéo, le DVD contient des données informatiques
annexes au signal vidéo numérique, les méta données, qui permettent de structurer
hiérarchiquement et interactivement les informations contenues. Le DVD est donc un
produit informatique avant tout, il est intéressant de le rappeler.
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Voici un résumé des avantages techniques du DVD-vidéo :
• Vidéo numérique au format PAL (16/9 ou 4/3)avec une compression MPEG 2
pouvant délivrer au maximum 9 Mb/s, soit une excellente qualité visuelle ;
Arrêt sur image parfait, ralenti, avance rapide.
• 8 angles différents pour une vidéo.
• 8 pistes son numérique pouvant contenir chacune jusqu'à 8 canaux, adoptant
la technologie Dolby Digital, DTS, ou bien PCM.
• 32 pistes de sous-titres différents.
• Séquençage des éléments, chapitrage, bouclage des menus.
• Interactivité via télécommande infrarouge permettant de programmer la
navigation sur le support.
• Protection anti-piratage du support
• Immortalité (théorique) du support.
Le consommateur doit renouveler son équipement vidéo, voire audio, pour pouvoir
bénéficier de ce nouveau format vidéo, ce qui signifie la mort annoncée de l’ancien
système VHS, jusqu’alors dominant le marché vidéo. En effet, si jusqu’à aujourd’hui
les magnétoscopes VHS restaient utiles grâce à l’incapacité des lecteurs DVD
d’enregistrer, la dernière génération de lecteurs-enregistreurs DVD va définitivement
rendre le VHS désuet.
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I - 2 Les contenus
Le DVD axe sa campagne marketing sur les concepts de qualité, d’immortalité et
d’interactivité. Dès ses débuts, une norme s’est rapidement définie pour la
structuration de ses contenus ; menus, film et bonus. En effet, puisque le système
prévoyait des menus de navigations, ils furent de suite adoptés, pour illustrer le
caractère interactif de l’objet. De même, comme le support offrait une taille de
stockage bien supérieur au seul contenu du film, il fut rapidement adopté d’ajouter
des bonus, mot qui désigne des productions de toutes natures, complémentaires à
l’œuvre cinématographique. Il faut reconnaître que si les spectateurs ont découvert
le « genre bonus » avec le DVD, c’est le Laserdisc, son aîné, qui avait lancé
l’originalité. Cette partie sur les contenus se veut de lister les principaux contenus
que le support puisse présenter.
I-2.1 Le film (l’œuvre principale) 85 % des titres édités en DVD sont des films du cinéma1. Pour leur transfert
sur DVD, les œuvres cinématographiques subissent un report vidéo (télécinéma)
avec un étalonnage. En effet, la luminance, les couleurs et les contrastes du film
argentique ne réagissent pas identiquement en vidéo. Afin de respecter l’œuvre
originale, un étalonnage s’impose alors. Le master vidéo ainsi obtenu (format
BetaNum) est ensuite encodé au format DVD (Mpeg2), avec une compression
variable selon le cahier des charges. En effet, il est nécessaire d’optimiser la
compression de chaque élément présent sur le DVD (bit budget) afin de pouvoir
accorder plus de qualité (de données) à certains éléments. Le meilleur bit budget est
accordé généralement au film, élément qui justifie le produit DVD. L’œuvre
cinématographique est donc reportée dans sa totalité, avec une approche nouvelle
par rapport à la VHS : le chapitrage. Celui-ci est généralement effectué selon la
1 Pratiques et économie du DVD, annexe du banquet imaginaire. www.lexception.org
- 25 -
logique du récit, mais il est coutume pour un long métrage de proposer de 10 à 30
chapitres, de durées assez homogènes. L’œuvre audiovisuelle est dorénavant
accessible par chapitres, et manipulable à souhait : avance rapide (sans mutilation
visuelle contrairement au VHS), ralenti propre et arrêt sur image parfait, avec
l’option, sur certains lecteurs, de zoomer dans l’image. Il existe une série de DVD
Superbit qui proposent seulement le film sur le support, afin d’utiliser tout l’espace
disponible pour offrir la meilleure qualité visuelle possible.
De plus, le film est bien souvent accompagné de plusieurs doublages, soit
plusieurs langues. C’est là une des grandes nouveautés de ce support : la
satisfaction de tous les publics avec une seule édition. On retrouve donc la version
originale, puis le doublage français (oui, admettons que l’on se trouve en France…).
Ce schéma est à première vue le plus répandu, mais il est fréquent pour les grosses
productions de trouver jusqu’à cinq langues différentes. Il est à noter que pour les
concerts, il est fréquent de trouver un mode de vision du concert en multi-angles. Les
trois caméras, ou trois vidéos, sont alors synchronisées avec la piste audio, et le
spectateur peut zapper de caméra, et explorer la retransmission du concert à sa
guise. Le DVD de Metallica Cunning Stunts, par exemple, exploite pleinement le
multi-angles pour traduire l’intensité scénique du show des rockeurs. On peut noter
pour conclure sur le multi-angles, que l’usage de ce procédé permet de doubler
visuellement les passages du film qui contiennent des indications écrites. Le DVD de
Star Wars I (Lucas, [1999]) y a recours : pour les tirades écrites, notamment la
désormais mythique introduction, un angle est ajusté en fonction de la langue
sélectionnée. Ce procédé est totalement invisible pour le spectateur…
I-2.2 Les bonus
Sous la dénomination « Bonus », on retrouve toutes sortes de matériel
audiovisuel se rapportant à l’œuvre principale, un film en général. Ce terme, issu du
lexique publicitaire, reste cependant relativement obscur. Quels sont les contenus
regroupés sous ce nom ? Une standardisation des bonus est-elle notable ? La liste
suivante n’est pas exhaustive, mais représentative des principales formes de bonus.
- 26 -
- Le making-of Le making-of peut apparaître sous des formes esthétiques et
pédagogiques plus ou moins prononcées, mais il reste une réalisation à
vocation documentaire. Il se différencie du documentaire pur par son
sujet : la réalisation du film, ses coulisses. On peut séparer
vraisemblablement les making-of en deux catégories : le reportage et
l’étude de cas.
Le reportage revêt des intentions esthétiques, son but est de montrer
l’envers du décor, et sa pédagogie se limite alors à l’illustration des
happenings du tournage, et à la participation succincte des
professionnels concernés.
L’étude de cas présente souvent une explication, souvent technique, de
réalisation, création, ou interprétation. Les archives annexes à la
réalisation du film sont exposées, il s’agit d’expliciter le travail réalisé
par les professionnels qui ont pris part au projet. Ces bonus
revendiquent une dimension professionnelle et éducative.
- Le documentaire Il est présent à caractère informatif, voire éducatif. Il traite souvent d’un
sujet abordé par le film : culture, histoire, sciences… Mêmes si certains
documentaires relèvent de la fiction, la plupart des documentaires
proposés sont d’une réelle qualité informative. Pour des raisons
promotionnelles évidentes, beaucoup de documentaires se situent à mi
chemin entre le making-of et la revue de presse.
- Les bandes d’annonce Il s’agit du bonus le plus récurrent sur les DVD-vidéo. En effet, leurs
durées très courtes justifient le faible besoin en place sur le disque,
donc elles offrent un bonus vite intégré. Car il ne faut pas oublier que,
pour la très grande majorité des bandes d’annonces, il s’agit d’un report
vidéo des bandes annonces diffusées au cinéma. Cependant, la
promotion de films étant aussi télévisée, (aux états unis par exemple) le
spectateur peut jouir chez lui grâce au DVD de ces bandes annonces
alors devenues « exclusives ». Au-delà de la dimension fétichiste de
- 27 -
l’aspect collector que les bandes d’annonces peuvent présenter, il est
courant de les intégrer pour illustrer des filmographies ou plus
commercialement des collections d’éditeurs.
- Les commentaires Présents sur la majorité des DVD, les commentaires correspondent à
des pistes audio ou sous-titres disponibles lors de la lecture du film ou
de bonus. Il s’agit, à la différence des langues, d’apporter un
complément à la compréhension du film. Ces commentaires sont alors
parlés, accompagnant la lecture chronologique du film. Les intervenant
dans ce domaine sont tous inhérents au film mais hétérogènes ;
réalisateur, producteur, acteurs, mais aussi responsables techniques,
qui viennent expliquer les trucages avec une approche très
professionnelle, comme par exemple John Gaeta, responsable effets
spéciaux1, qui sur les DVD Matrix prend en charge toute la partie
technologique du film avec son commentaire, afin de libérer les
réalisateurs, qui peuvent alors se concentrer sur le récit du tournage. La
piste sonore est privilégiée, mais le fait qu’elle soit doublée en sous-
titres permet au spectateur une grande liberté dans sa configuration de
lecture : Version originale du film et commentaires en sous-titres
français, Commentaires audio du réalisateur avec sous-titres des
dialogues en allemand, les combinaisons sont nombreuses. Quelques
DVD, les plus travaillés, présentent souvent une approche originale du
mode commentaire. Ainsi, sur Men In Black, l’écoute des commentaires
implique l’activation d’une piste de sous-titres spéciale, qui présente les
silhouettes des intervenants (acteurs et réalisateur) en incrustation en
bas de l’écran2. Le DVD de Matrix (toujours !), utilise lui une piste de
sous-titres pour faire apparaître un motif (petit lapin blanc) lors de la
lecture de certaines scènes, qui signifie au spectateur qu’il peut accéder
à l’explication technique de la scène en cliquant sur la télécommande.
Les commentaires sont donc des guides de lecture et d’analyse de film.
1 John Gaeta est le superviseur des effets spéciaux sur la trilogie Matrix. La créativité visuelle et technique mise en œuvre dans ces films lui a conféré une notoriété internationale. 2 Etude sur le DVD, p.237, annexes du Banquet imaginaire, Gallimard, 2002
- 28 -
- les jeux Bien que l’interactivité soit grandement limitée en comparaison avec les
programmes multimédia tournant sur cd-rom, il est fréquent de trouver
de petits jeux, quiz ou autres interactions ludiques. Ce genre de
demande reste relativement fréquent affirme Thomas Guinand,
Responsable Marketing chez DVD Maker, studio de création DVD 1,
comme ça a été le cas sur Amélie Poulain (jeux de marelle), Zentrix
(bandit manchot) ou bien plus récemment sur Lizzie McGuire (quizz sur
la série). Les jeux peuvent se montrer plus ambitieux, comme l’atelier
de montage présenté sur le DVD de Die Hard 1 (Mc Tiernan, [1988]) qui
se veut une initiation à l’activité professionnelle…
- Les Director’s cuts, scènes coupées, versions longues Il s’agit de matériel non utilisé, ou tout du moins pas dans la version
cinéma, qui ressort ici pour des raisons diverses. Il est fréquent de
trouver des scènes inédites intéressantes pour la cohérence du récit,
qui sont alors insérées dans le film, ou bien des versions alternatives de
scènes proposées en consultation annexe. Certaines relèvent donc du
collector, comme la scène de 12mn entre « le bon » et « le truand »
dans Le bon, la brute et le truand (leone, [1966]) ou bien d’une nouvelle
version de l’œuvre ; Coppola a ressorti en 2001 une nouvelle édition de
Apocalypse Now, plus fidèle à son projet initial.
- Biographies, filmographies, collections On distingue deux catégories différentes : les biographies et
filmographies relatives au film, puis les collections, qui listent les titres
sortis par l’éditeur dans la même collection ou la même saison. Si le
premier revêt un intérêt cinématographique, le deuxième se rapproche
beaucoup plus de la promotion.
1 Interview réalisée en juin 2004 par Gilles Cognet dans le cadre de ce mémoire
- 29 -
- Les clips Il s’agit majoritairement des clips musicaux, qui relèvent de la bande
originale du film : la présence du clip se justifie alors par son visuel qui
recoupe l’univers du film, ou en utilise des extraits. Le clip de Lenny
Kravitz If I could fall in love s’inscrit dans le scénario de Blue Crush
(Stockwell, [2002]). Ces scènes exclusives immiscent le chanteur dans
l’univers du surf hawaiien et des héroïnes du film.
- Les réalisations annexes, courts métrages… Il est d’usage, pour le premier film d’un réalisateur souvent, de proposer
des courts métrages et autres réalisations antérieures au film. Le lien
n’est alors plus l’œuvre principale, mais le réalisateur et son univers.
Jan Kounen pour la sortie DVD de Dobermann (Kounen, [1997]) a
gonflé l’édition collector de trois courts métrages qu’il avait pu réaliser
auparavant. Loin de la surenchère commerciale, il offre la possibilité à
ces formats spéciaux de trouver un support de qualité, et donc une
diffusion.
- Les galleries photo Les spécificités techniques du DVD permettant de proposer des
Diaporamas, cette offre est récurrente comme bonus. La variété et la
nature des photos est très diversifiée : photo de tournage, de campagne
promotionnelle, affiches, photomontages…. Le spectateur garde
souvent le contrôle sur la navigation du diaporama.
- Les Suppléments DVD-rom La compatibilité DVD-rom des DVD-vidéo permet d’ajouter des fichiers
multimédia lisibles sur un ordinateur. Les principaux suppléments
rencontrés sont des applications multimédia (économiseurs d’écran,
démo de jeux…) et des liens internet, qui renvoient vers d’autres bonus
en ligne.
- 30 -
- Les bonus cachés Afin d’inviter le consommateur à explorer le DVD, certain suppléments
ne sont accessible grâce à une navigation secrète et aveugle. L’édition
collector de Gangs of New York (Scorsese, [2002]) présente un
documentaire intéressant sur les studios Cinecitta. Les crédits de
conception DVD sont souvent cachés, car peu intéressant pour le
spectateur.
D’après une étude effectuée par le site l’internaute, les bonus DVD rencontrent un
vif succès auprès des consommateurs. 45% des sondés les regardent tout le temps,
35,8% parfois, 12,2 % jamais. Cependant les forts coûts de production de ces
contenus laissent prévoir un écartement des extrêmes : production de contenus pour
les gros titres et les collectors, et report de contenus déjà existant pour les titres plus
modestes.
I-2.3 Les menus
« L’initiation à la découverte et à l’interactivité, le boîtier libère finalement le
disque qui plonge l’utilisateur dans l’univers du film. Riche en contenus, le DVD ne
peut se passer d’une interface de navigation. Les menus doivent répondre d’abord à
une contrainte graphique et sonore. Le graphisme peut s’inscrire dans la charte
graphique d’une série ou d’une collection mais le plus souvent il est directement
rattaché au film. Les menus en reprennent les images, les couleurs, les polices, les
caractères et tout ce qui contribue à l’ambiance. Ils s’inspirent du VHS, des
campagnes d’affichage cinéma et du discours promotionnel préexistant. Les menus
doivent ensuite permettre de naviguer sur le DVD et d’en découvrir les contenus.
Ergonomie et lisibilité sont la règle. »1
Les menus consistent en des écrans à choix multiples, graphiquement
travaillées, qui construisent l’arborescence du DVD. La navigation en devient
1 Etude sur le DVD, p.233, annexes du Banquet imaginaire, Gallimard, 2002
- 31 -
dépendante. Au-delà des simples choix de navigation qu’ils proposent, ce sont
généralement des réalisations audiovisuelles à l’esthétique travaillée. Une charte
graphique est généralement développée pour chaque titre, afin de créer un concept
original, comme le confirme Guillaume Colas, directeur artistique de DVD Maker.
Ces menus sont justement l’œuvre d’infographistes vidéo et d’authoreurs (Encodage
et programmation) ; leur réalisation est donc l’oeuvre de professionnels spécialistes.
Les DVD les plus élaborés présentent des menus dynamiques qui s’enchaînent via
des transitions animées : une cohérence spatiale s’installe alors entre les différents
menus. Les éditions plus modestes proposent des écrans de menus fixes, qui
s’enchaînent sans transition.
Bien que la plupart des menus présentent un concept de navigation basique,
certaines productions s’oses à proposer une navigation plus audacieuse : le DVD de
Dark City (Alex Proyas, [1998]) propose une navigation physique dans les rue
sombres à partir d’un carrefour central. (Ce type de navigation visuelle est d’ailleurs
présent aussi sur le DVD de Gangs of New York (Scorsese, [2002])
I-2.3 Le packaging
L’analogie du DVD avec le livre a été soulevée de nombreuse fois ; si le DVD
s’apparente au CD par sa forme, son packaging se rapproche de celui de la cassette
vidéo. Plus fin et élancé, grâce à la finesse du disque, il s’apparente plutôt au livre et
achève le travail de design qui avait été commencé avec le CD et son emballage
Digipack, dans le milieu des années 90. Le boîtier plastique s’est normalisé pour les
éditions courantes, il intègre en extérieur la fameuse jaquette, et en intérieur
généralement une brochure illustrative qui donne le chapitrage, voire plus. Outre
l’ergonomie, un consommateur exigera d’un boîtier que celui-ci contienne le plus
d’informations possibles sur l’œuvre véhiculée, que ce soit un synopsis du film sur le
dos de la jaquette, ou des informations complémentaires dans les livrets internes.
Car le premier contact avec le film a lieu via le boîtier. Parfois conceptuel, celui-ci est
souvent en adéquation avec l’œuvre qu’il contient.
- 32 -
Les éditions de prestige et autres collectors peuvent elles se présenter sous
des formes hétérogènes, avec un « labyrinthe de volets, dépliants et tiroirs», qui
s’ordonnent dans un concept bien précis. L’édition prestige de la trilogie « Le
Seigneur des Anneaux » présente des coffrets stylés « grimoires », rejoignant alors
le concept original : les livres d’héroïc-fantasy de Tolkien. Le packaging vire parfois
vers le « collector » des produits dérivés, qui va bien au delà du simple support
DVD : l’édition Box collector de Spiderman (Raimi, [2002]) présente un caisson en
bois pyrogravé limité et numéroté à 5000 exemplaires, contenant le comic-book
originel, un morceaux de pellicule du film, un portfolio d’illustrations dédicacé, une
statuette en résine de l’homme araignée, plus bien évidemment 3 DVD du film et de
bonus… Plus amusant, la première édition du DVD de RRRrrr !!! (Chabat, [2003])
présente un boîtier en « moumoute » simili crinière de Cro-Magnon, plaçant le
support dans la diégèse du film.
- 33 -
I - 3 Le marché du DVD
Pour la quatrième année consécutive, l’institut GfK1 a réalisé une étude
destinée à observer l’évolution des comportements de consommation des français à
l’égard du DVD. Cette étude a été réalisée à partir d’un échantillon de 900 personnes
interrogées en avril 2003 (600 possesseurs de lecteurs DVD et 300 non
possesseurs). Depuis son lancement sur le marché français en 1997, les français ont
adopté le DVD à un rythme spectaculaire. La technologie DVD s’est en effet
considérablement démocratisée : à fin mars 2003, le parc français s’élève à 6 285
000 lecteurs DVD (25.7% des foyers français équipés) dont 48% ont été acquis dans
les 12 derniers mois. Contrairement aux années précédentes, la qualité d’image
(23.5%) est le premier critère pour le choix du format DVD, suivi du son (18.6%). De
nouveaux utilisateurs ont également été conquis grâce à des prix considérés
désormais comme abordables. En effet, pour la première fois, le prix d’appel du DVD
est inférieur à celui du magnétoscope (respectivement 69 et 79 euros)
Pouvoir visionner chez soi les films appréciés au cinéma et découvrir de
nouveaux films sont les principales motivations d’achat des DVD. Ces résultats
s’expliquent notamment par le fait que les DVD-philes sont des amateurs du 7ème
art : ils vont plus souvent au cinéma (7.4 fois par an) que la moyenne française (5.6
fois par an)2. Par ailleurs, les films les plus appréciés par les DVD-philes restent les
films d’actions et d’aventures (67.4% des citations) et les films policiers (60.4%
contre 47.3% en 2002). Cette année les comédies sont toujours en troisième position
(54%) devant les films fantastiques (48.3% contre 40.8%).
Du côté des bonus, les bêtisiers et makings-off sont plébiscités
(respectivement 25% et 23% des citations) ; viennent ensuite les documentaires
(9%) et les scènes coupées (8%). Les bonus sont particulièrement appréciés par les
DVD-philes puisque seulement 13.6% d’entre eux ne les regardent pas (contre 16%
1 A propos de GfK : Le groupe GfK est la 4ème société européenne d'études marketing et la 5ème au niveau mondial. GfK est
le n°1 mondial du tracking des biens durables au travers de panels de détaillants.
Les informations seront consultables sur le site web de GfK : http://www.gfkms.com 2 Données issues de l’étude La vidéo : perception et attentes du public, CNC 2003
- 34 -
en 2002). Cependant, ils ne représentent pas un critère déterminant dans l’achat du
DVD : 82% des personnes interrogées déclarent ne pas être influencées par les
bonus proposés.
Pour l’année 2003, la satisfaction des possesseurs de DVD s’élève à 94.9% dont
66.1% qui se déclarent très satisfaits de leur choix. Rappel historique du taux
d’équipement DVD Video1 :
Fin 1998 : 0.2%
Fin 1999 : 1.5%
Fin 2000 : 5%
Fin 2001 : 12.1%
Fin 2002 : 23.3%
Fin 2003 : 42%
I-3.1 L’édition DVD
La grande majorité des titres diffusés sur DVD en France sont des films
américains, avec 80 % des titres édités. La France se réserve 17 % de titres
français. Il s’agit bien souvent de la nature même des titres américains, plus enclins
au spectacle, donc à tirer profit des spécificités du DVD. Jean-Yves Mirzki, délégué
général du SEV, nous confie : "Traditionnellement, la vidéo est le domaine du film
d’action, du spectaculaire. Avec ses nouvelles qualités d’image et de son, le DVD
accentue encore cette tendance."
1 Etudes Gfk
- 35 -
Répartition comparée du marché du DVD et de la VHS par genre (ventes tous circuits)
Dessins animés5,35%
Musique 7,00%
Comédie12,14%
Autres8,64%
Fantastique Fiction23,05%
Action/Aventure20,88%
Policier/Thriller 22,94%
Dessins animés3,50%
Musique 5,60%
Comédie9,60%
Autres15,40%
Fantastique Fiction22,40%
Action/Aventure18,50%
Policier/Thriller 25,00%
(Source Etude pratiques et économies du DVD, L’Exception, 2002)
En dehors des sorties DVD de films récents, il existe aujourd'hui un marché qui
s'adresse à tous les cinéphiles, pointus ou non. Exemples: Paramount sort une
collection western avec John Wayne, les Editions Montparnasse exploitent le
catalogue de la RKO et mettent en rayon Citizen Kane, d'Orson Welles, Lobster édite
des courts-métrages tournés entre 1896 et 1942, HK Vidéo met sur le marché des
perles asiatiques bondissantes, ancêtres de Tigre et dragon... Il y en a pour tous les
goûts et pour toutes les couleurs - même en noir en blanc.1
«Le DVD ouvre une perspective plus large que le VHS, note Nathanaël
Karmitz, responsable du secteur chez MK22. Aujourd'hui, on peut envisager ce
support comme un éditeur envisage le papier. Autour d'un film, il peut y avoir une
préface, une postface, un appareil critique, etc.» Témoin, la sortie du Dictateur, de
Chaplin, chez MK2, qui s'accompagne notamment d'un reportage sur le tournage,
d'un documentaire et des différentes affiches. Trouver ou produire des bonus
originaux devient ainsi le travail essentiel de l'éditeur. Mais l'avantage du DVD se
situe aussi sur des terrains moins tape-à-l'œil ou plus pratiques. D'abord, sur le plan
de la qualité de l'image, il n'y a évidemment pas photo entre un VHS (magnétique) et
1 Cf annexe Edition DVD, le partage de la galette 2 Propos issus de l’article Pour le cinéma, c’est une révolution, du 05/12/2002 de l’Express.
- 36 -
un DVD (numérique). La restauration de films anciens bénéficiant en priorité de cet
apport qualitatif, c'est toute la cinéphilie qui retrouve un nouvel essor - voir le travail
effectué par Lobster sur L'Atalante, de Jean Vigo, ou sur l'intégrale des films de
Buster Keaton. Quant au coût relativement élevé de l'opération, aux alentours de
30 000 €, il «évite la concurrence des médiocres», selon la formule directe de Serge
Bromberg, patron de Lobster - en moyenne, la production d'un DVD, bonus compris,
va de 12 000 à 40 000 €. «Le DVD possède une valeur ajoutée culturelle très forte,
analyse Renaud Delourme des Editions Montparnasse, qui fut le premier, en 1996, à
éditer un DVD en Europe. L'œuvre passe en premier, mais on doit prendre en
compte le souci d'information pédagogique tout en faisant attention à ce que les
bonus ne soient pas assimilés à un paquet de lessive.»
Si le secteur est en plein boom artistique, il reste économiquement mouvant.
«Le DVD fonctionne au-delà de toutes les espérances, se félicite Jérôme Chung,
directeur musique et vidéo de Studio Canal. Mais il faut regarder l'évolution du
marché. D'abord, faire attention à la multiplication des titres: on peut arriver à
saturation; il faut donc rechercher la qualité. Ensuite, éviter les tensions sur les tarifs:
il n'est pas nécessaire de descendre au-dessous d'un certain seuil (en moyenne, un
DVD vaut 19 €) et le cinéphile peut mettre le prix.
D’après L’étude menée par le groupe de réflexion L’Exception, le succès des
éditeurs à long terme réside donc dans la redéfinition du produit, pour tirer parti des
possibilités offertes par le support et pour justifier le prix. De nombreux éditeurs aux
Etats Unis et en Europe, tant au sein des majors que chez les indépendants, ont
opéré un véritable effort de réflexion éditoriale autour du DVD. Il semble que ce
support soit considéré comme un formidable outil de création d’une identité de
marque forte pour certains (MK2), alors que pour d’autres, il s’agit de mettre en
valeur particulièrement certaines œuvres, qui nécessitent une mise en perspective
ou un type d’accompagnement individualisé pour pouvoir vivre une seconde carrière
en DVD (TF1 vidéo, par exemple). Enfin, pour de nombreux éditeurs de pays en
développement (Asie) ainsi que pour les détenteurs de droits de vieux films de série
B en occident, la stratégie du « contenu minimum pour un prix minimum » semble
devoir être privilégiée.
- 37 -
I-3.2 Les succès
Si certains films s’offrent une deuxième vie avec l’édition DVD, la plupart des
succès vidéo restent de bon succès cinéma. « Le schéma est clair : les clients
viennent chercher le produit qui leur a plu quelques mois plus tôt et l’archivent. »1
Ainsi en France, Le pacte des Loups (Gans, 2001), Les rivières pourpres (Kassovitz,
2000), La vérité si je mens 2 et Le fabuleux destin d’Amélie Poulain (Jeunet, 2001)
confirment leur triomphe au box office. Un succès populaire en salle reste la garantie
d’une réussite commerciale en DVD.
Voici, à titre indicatif, les 20 meilleures ventes de DVD pour la semaine du 12 juillet
2004 :
1. LE SEIGNEUR DES ANNEAUX – LE RETOUR DU ROI ED PRESTIGE (TF1 VIDEO)
2. MICHEL VAILLANT (FPE)
3. MASTER AND COMMANDER (UPV)
4. LE ROI LION 2 –L’HONNEUR DE LA TRIBU (BVHE)
5. LE MONDE DE NEMO (BVHE)
6. LES LOONEY TUNES PASSENT A L’ACTION (WARNER HV)
7. SPIDER-MAN ED SIMPLE (GCTHV)
8. UN COUPLE PRESQUE PARFAIT (BVHE)
9. MICHEL VAILLANT –ED COLLECTOR (FPE)
10. MATRIX REVOLUTIONS ED COLLECTOR (WHV)
11. SHREK 3D L’AVENTURE CONTINUE (UPV)
12. KILL BILL VOL 1 (TF1 VIDEO)
13. LE SEIGNEUR DES ANNEAUX TRILOGIE (TF1 VIDEO)
14. L’AGE DE GLACE (FPE)
15. SWAT UNITE D’ELITE (GCTHV)
16. MYSTIC RIVER (WHV)
17. HANNIBAL (GCTHV)
18. LE RETOUR DE LA MOMIE (GCTHV)
19. STARSHIP TROOPERS (GCTHV)
20. LOST IN TRANSLATION (FPE)
Voici, à titre comparatif, les 20 meilleures ventes de VHS pour cette même période :
1. LE ROI LION 2 –L’HONNEUR DE LA TRIBU (BVHE)
2. LE SEIGNEUR DES ANNEAUX – LE RETOUR DU ROI (TF1 VIDEO)
3. LES LOONEY TUNES PASSENT A L’ACTION (WARNER HV)
1 Jean Marc Vernier, Le banquet imaginaire, p. 256, Gallimard, 2002
- 38 -
4. LE MONDE DE NEMO (BVHE)
5. MICHEL VAILLANT (FPE)
6. MASTER AND COMMANDER (UPV)
7. LA BELLE ET LA BETE (BVHE)
8. LA PROPHETIE DES GRENOUILLES (UPV)
9. SHREK 3D L’AVENTURE CONTINUE (UPV)
10. SPRIT – L’ETALON DES PLAINES (UPV)
11. 2 FAST TO FURIOUS (UPV)
12. HULK ED COLLECTOR ( UPV)
13. OUI OUI ET LA GOMME ENCHANTEE (UPV)
14. LE SEIGNEUR DES ANNEAUX TRILOGIE (TF1 VIDEO)
15. DANY BOON - A S´BARAQUE ET EN CH´TI (TF1 VIDEO)
16. LE CERCLE (UPV)
17. X MEN 2 (UPV)
18. TCHOUPI MUSICIEN (UPV)
19. ARRETE MOI SI TU PEUX (UPV)
20. HARRY POTTER ET LA CHAMBRE DES SECRETS ED SIMPLE (WHV)
Les meilleures ventes DVD ne sont sensiblement pas les mêmes que sur VHS, ce
qui prouve là une certaine attente du consommateur face à l’édition DVD. Si le DVD
est le support de prédilection du film, le VHS reste un support plus abordable,
trouvant donc encore sa place, notamment chez un public jeune (dessins animés
notamment).
I-3.3 Les tendances
Une étude des stratégies de l’édition DVD montre un net fossé entre quelques
éditeurs cherchant à construire une collection de prestige culturelle et une logique du
coup par coup des détenteurs de gros catalogues. Une certaine plue value est alors
apportée aux échecs commerciaux en salles, avec un florilège de bonus et un
packaging original. L’autre tendance est de proposer des DVD bon marché, mais
dénués de tous supplément. Les majors américaines, notamment, s’interrogent sur la
rentabilité des bonus, et pensent à se diriger vers des DVD sans enrichissement.
Quelle que soit la pertinence du bonus, il n’en demeure pas moins qu’il ne prouve
guère sa rentabilité dans les ventes. L’analyse des motivations d’achat relevées pour
2003 par le SEV souligne qu’il ne constitue pas un critère de choix. 82 % des
acheteurs affirment ne pas être influencés : leur priorité allant vers la qualité d’image
- 39 -
(23%) et celle du son (20%). Toujours d’après le SEV, les bonus représentent, en
coût de fabrication, 10% du coût total (y compris le mastering, l’authoring et le
développement) : l’acquisition des droits d’exploitation demeurant le poste le plus
important avec 25% le marketing 20%, la fabrication 10% et la distribution physique
5%, les autres 15% frais généraux, TSA, sacem. Le coût de la production de bonus
est néanmoins à la hausse. Pour maîtriser cette production, dont l’échelle est sans
commune mesure avec l’édition de cédérom ; les éditeurs cherchent la meilleure
économie de temps et de moyens. (Développement de leur propre pôle de création
de bonus, réalisation en parallèle au film…)
D’autre part, la concurrence du piratage, d’internet et des vidéoclubs force le
marché de la vente DVD à se recycler : dernière innovation, le DVD-D (pour
disposable) qui est un DVD jetable. Commercialisé par des acteurs tentant cette
aventure (cdiscount.com), le disque, lorsqu’il est sorti de son emballage, est lisible
pendant 8 heures, après quoi il devient illisible (réaction chimique). Commercialisé à
2.49 euros, ce produit inscrit donc le DVD dans une logique consumériste aux
antipodes du fétichisme DVD. Bien que l’identité DVD soit indéniable, le marché de
ce dernier se cherche et se redéfinit constamment.
- 40 -
II. Le DVD, cheval de Troie du cinéma numérique ?
Si le DVD a su relancer une industrie de la vidéo qui s’essoufflait, il a aussi
établit une nouvelle esthétique cinématographique. De manière plus générale, c’est
l’ensemble des nouvelles technologies, leur esthétique et leurs pratiques,
engendrées par leurs outils, qui déteignent sur notre représentation du monde. Il est
donc normal que le cinéma, qui se veut représenter une certaine réalité, intègre ces
influences. Ainsi, à l’image de ce début de XXI siècle, l’esthétique visuelle est
« numérique, numérisable, numérisante ». Dans ce grand engouement
technologique et commercial de l’imagerie numérique, les définitions se perdent pour
laisser place à une grande illusion populaire, un « label numérique ». Néanmoins les
changements sont là, et leur évolution mesurable. Un cinéma nouveau, tant par sa
technique que par son esthétique, est naissant. Si le sujet de ce mémoire n’est pas
focalisé sur la nature de ces formes nouvelles et de ses devenirs, il parait néanmoins
essentiel d’y consacrer une attention particulière. En effet, le DVD vidéo est le
premier exploitant de ces nouvelles esthétiques à travers la présentation de
contenus audiovisuels hétéroclites (film, bonus…), et y est intrinsèquement lié par la
nature même de sa conception (Arborescence, montage, compositing…).
La conception d’un DVD justement, permet de prendre pleinement conscience
de la nature de ce support, de sa logique de fonctionnement. De fait, la plupart des
studios de conception DVD sont aussi des studios d’animation multimédia ou de
réalisation numérique. Si le schéma usuel est qu’un studio de postproduction intègre
un pôle conception DVD depuis l’arrivée de ce nouveau marché, certains acteurs
suivent une chronologie inverse. Le studio d’authoring DVD MAKER, basé à
Boulogne-billancourt, compte franchir cette étape en proposant pour 2005, de la
réalisation en vidéo numérique, de la postproduction et du montage. « Ces secteurs
sont liés » nous confie Thomas Guinand, Directeur Marketing de la société1. « Les
compétences de nos artistes et de nos techniciens nous permettent de prétendre à
1 Interview réalisée par Gilles Cognet en juillet 2004 dans le cadre de ce mémoire.
- 41 -
travailler dans le domaine du cinéma numérique. Les outils et techniques sont
pratiquement les mêmes. De plus, nous avons une approche des médias
généraliste, puisque pour le DVD nous sommes amenés à zapper entre texte, image
et son. Ce rapport à la matière vidéo ajoute une vraie plus-value à nos compétences,
et s’inscrit dans la logique de la filière cinéma numérique.»
Pour affirmer que le DVD porte et nourri le cinéma dans sa mutation vers la
réalisation numérique, il est donc nécessaire de d’abord clarifier les concepts de
cinéma numérique et de réalisation numérique. (Je m’appuie notamment sur les
expériences de ce nouveau support, ainsi que sur les théories du chercheur Lev
Manovich et du groupe de réflexion l’Exception).
Ensuite, je me pencherai sur le DVD, qui exploite pleinement les codes de la
réalisation numérique grâce à ses spécificités particulières, mais plus encore qui les
développe et réinjecte en retour ces influences aux spectateurs et aux réalisateurs…
- 42 -
II-1 Le cinéma numérique
Depuis sa création il a cent ans, le cinéma a toujours évolué en fonction de
techniques relatives à l’usage de son support ; la bobine de film argentique. La
linéarité du support, la bande film, a permis aux frères Lumière de filmer une histoire,
et l’exploration de ce support a permis à Georges Méliès de créer l’illusion. Cette
technologie du cinéma a connu une remarquable longévité. Si des avancées
majeures comme l’apparition du son ou de la couleur ont révolutionné ce média, la
bobine de film argentique a toujours été son support de base. Depuis quelques
années est annoncé l’avènement du cinéma numérique. Que signifie cette
appellation ? Le cinéma numérique, c’est recourir aux technologies numériques pour
créer, distribuer et projeter des films dans les salles de cinéma ou chez le spectateur
via le Home cinéma.
Le numérique est arrivé dans la filière traditionnelle par la lucarne des effets
spéciaux dans les années 1970, et s’est progressivement répandu à tout le secteur
de la postproduction via le montage virtuel et les effets numériques. Pour les
professionnels, ce passage de la postproduction au numérique est sans retour. A
l’heure actuelle, la filière cinématographique reste encore largement analogique :
tournage sur pellicule 35 mm, projection du film en salle en 35 mm. Néanmoins les
progrès technologiques avançant à grands pas, il reste évident pour les
professionnels du secteur que la solution du tout numérique s’imposera :
financièrement et ergonomiquement, le numérique s’imposera sur l’analogique
comme il s’est imposé sur la filière de la musique ces dix dernières années.
L’augmentation des tâches de postproduction confirme cette tendance de
numérisation du film. En début de chaîne, la tendance est aussi à l’adoption du
numérique : si les caméras DV s’étaient déjà illustrée par le mouvement Dogme pour
leur maniabilité, leur faible coût et leur esthétique particulière, les nouvelles caméra
Haute Définition annoncent déjà une prise de pouvoir sur la bobine argentique.
En 2001, Jean-Christophe Comar, dit « Pitof » réalise le premier film
entièrement tourné en numérique, Vidocq. Echec commercial, le film ouvre
néanmoins la voie de la réalisation par la caméra numérique. Si les critiques
- 43 -
condamnent le film pour sa mise en scène, tous reconnaissent l’originalité du support
et de son esthétique novatrice. Quelques mois plus tard, Georges Lucas nous livre
son Star Wars Episode II, lui aussi tourné en caméra Haute Définition. Et d’autres
pionniers se lancent depuis dans l’aventure.
Mais en bout de chaîne, il reste le problème de la diffusion : la projection de
cinéma numérique exige l’abandon des projecteurs 35mm et l’adoption des
nouveaux projecteurs numériques. Ce qui signifie un renouvellement complet du
parc de diffusion mondial, soit les salles de cinéma. Devant l’ampleur d’une telle
mise en œuvre, l’on comprend la réticence des acteurs engagés dans cette
modernisation. Si l’on ajoute les problèmes liés au piratage numérique, à la
redéfinition du rôle des salles numériques (qui pourront alors projeter tout et
n’importe quoi) et de sa différenciation avec son petit frère le Home cinéma, l’on
comprend vite les gros enjeux économiques et socioculturels mis en jeux. Dans cette
attaque du support film, le 35 mm défend une esthétique et une linéarité du récit qui
se sont institutionnalisés.
Mais à l’extrémité de la chaîne de diffusion (l’exploitation vidéo et l’archivage),
prédomine dorénavant un acteur essentiel : le DVD vidéo. Même si la grande
majorité des DVD présente un télécinéma de film originellement en 35mm, ce
support accueille aussi bien des œuvres d’origine vidéo : making of, animation,
menus… Chez les réalisateurs, on pense dorénavant au support DVD en amont de
la production, ce qui encourage le passage au « tout numérique ».
II-1.1 Le cinéma Lumière
En référence au travail des frères Lumières, ce courant bannit tout effet,
spécial ou autre, dans la recherche d'une authenticité absolue. Ces cinéastes en
quête de réalisme peuvent être vus également comme les héritiers de la Nouvelle
Vague. Ils utilisent le numérique pour se rapprocher le plus possible de leur sujet,
pour alléger des moyens de production, et acquérir une esthétique propre à la vidéo.
En DV, on peut filmer à équipe très réduite, voir tout seul, toutes les fonctions
nécessaires au tournage étant intégrées (plus ou moins bien) dans la caméra. Ce
- 44 -
type de cinéma utilise également beaucoup de codes empruntés à la télévision. Pour
une génération élevée aux images télévisuelles, la vidéo est synonyme de direct, de
reportages, de documentaires. La distance induite par la texture, le grain, ainsi qu'un
certain romantisme de la pellicule disparaissent. Le spectateur reçoit alors les
images de façon beaucoup plus directe et frontale et les fictions se rapprochent ainsi,
dans leur forme, aux documentaires. Matt Hanson, militant du cinéma numérique,
parle à ce sujet de revitalisation de la réalité. (Hanson, [2004]) Un des premiers films
à suivre cette démarche avec succès fut Festen de Thomas Vinterberg, lançant au
passage la mode des films en numérique suivi du mouvement Dogme.
L’ergonomie de la vidéo et son faible coût (pour le DV) permet à toute une
nouvelle génération de talents de s’approprier ce format, et de s’investir dans des
genres moins définis. En témoigne les florilèges de making-of et autres
documentaires, où la caméra numérique joue alors un rôle d’investigation. Pour
l’édition DVD de Immortel (Bilal, [2004]), Enki Bilal avait pensé soudainement à
inclure un entretien avec son co-scénariste qui se déroulait dans le théâtre cinéma
de TF1. Alexandre Lecoeur, réalisateur et monteur chez DVD MAKER, a pris en
charge la gestion du projet ; son choix s’est rapidement tourné vers le DVcam, qui
présentait une souplesse d’utilisation enviable. « Réalisé avec trois caméras
numériques et trois mandarines (projecteurs, ndlr), l’entretien a pu sous quelques
heures être monté et montré le jour suivant à Bilal » se félicite Alexandre Lecoeur.
« Il s’agit d’une vraie évolution pour la réalisation de making-of. » Ces évolutions
touchent aussi les chefs opérateurs. Besoins en éclairage réduits, parfois inexistants,
profondeur de champ très vaste, contrôle poussé de l'image en post-production, sont
autant de facilités nouvelles qui s'offrent à eux. Il en résulte, pour beaucoup, une plus
grande liberté dans leur travail. Comme le dit Jean-François Robin, chef opérateur
de Chaos de la réalisatrice Coline Serrau,1 « Il ne faut pas dire que [le fait de tourner
en DV] m'a donné plus de liberté. Ca m'a contraint à plus de liberté. En fait, je n'avais
pas le choix. » D’un autre coté, la vidéo Haute Définition, qui se cantonnait aux
fictions télévisées, se démocratise aussi au cinéma. Si son utilisation reste encore
largement minoritaire par rapport à la pellicule 35 mm, le format vidéo Haute
Définition séduit de plus en plus les réalisateurs. « C’est l’avenir, la HD est
maintenant un vrai outil, un outil en pleine effervescence. Et c’est une effervescence
1 Issu de l’article De l'argentique au numérique (Médiamorphoses No 2 / juillet 2001, p. 38
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qui va dans le bon sens, celui de la qualité » clame avec conviction Samuel Amar,
qui a travaillé à la production de deux longs métrages français tournées en HD :
Vidocq de Pitof et La petite Lili de Claude Miller.1
II-1.2 Le cinéma Méliès
Georges Méliès était le précurseur de ce courant qui fabrique les films comme
une gigantesque séquence d'effets spéciaux. Les techniques d'effets numériques
employées ici ne cherchent que rarement à montrer des sujets ordinaires, d'une
manière ordinaire. L’innovation et le spectaculaire sont de rigueur. Dans cette
configuration, toute décision technique et artistique a pour but de dépayser,
surprendre le spectateur, le faire échapper du monde réel. Toutefois, les
perspectives de ce genre sont bien plus vastes : Dès lors qu'un film peut être
conceptualisé et créé dans un ordinateur, filmer la réalité (et la projeter sur un écran)
devient une option parmi tant d'autres. Les images de prises de vues, une fois
scannées dans un ordinateur, ne deviennent qu'un nouvel élément à manipuler, au
même titre que les images de synthèses ou les matte-paintings. Ainsi, la production
et les prises de vues ne sont que les premières étapes du processus global de post-
production que devient la fabrication d'un film. « Le cinéma numérique est un aspect
particulier d'animation filmique, qui a la particularité d'utiliser des éléments réels de
prises de vues comme une de ses nombreuses matières premières. »2
Dans cette façon de faire, le montage, la création et le compositing d'effets
spéciaux deviennent tous des étapes interchangeables d'un seul et même
processus. Un rapprochement majeur s'opère ainsi entre les métiers de monteur et
de créateur d'effets numériques. Alors que dans le passé, des techniciens
autonomes (voire des boîtes spécialisées) s'occupaient de la manipulation digitale
d'un film, les monteurs qui travaillent en numérique sont souvent à même de
s'occuper d'une bonne partie de l'intégration des effets spéciaux et de la retouche
digitale, si ce n'est pas, comme dans les films à (très) petit budget, le réalisateur lui-
même qui se charge de tout cet aspect de la post-production. (Ainsi, le réalisateur
1 Issu de l’article Le cinéma en vidéo HD fait école, SONOVISION Digital Film supplément au n° 473 / Mai 2003, p. 32 2 Lev Manovich, What is Digital Cinema ?, 1995, disponible sur www.manovich.net
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Robert Rodriguez occupe généralement dans ses film les postes de réalisateur,
compositeur, auteur, monteur et directeur des effets spéciaux.) On peut également
tirer des copies directement depuis les éléments dans l'ordinateur, sans passer par
une copie intermédiaire, ce qui évite les pertes de générations, et apporte un meilleur
contrôle de l'image finale (colorimétrie, étalonnage, son).
Issu de ce courant, la réalisation numérique place l'ordinateur comme point
nodal par lequel transitent toutes les étapes qui suivent le tournage. Ce domaine de
la réalisation numérique nécessite bien plus qu’un paragraphe dans ce mémoire, car
il est au centre de la conception et de la création numérique. C’est pourquoi je me
propose de lui consacrer une prochaine partie plus développée.
- 47 -
II-2 La réalisation numérique
Le rôle privilégié joué par la construction manuelle des images dans le cinéma
numérique est un exemple d’une tendance plus générale : le retour aux techniques
pré cinématographiques d’animation. Marginalisées par l’institution du tournage
narratif qui les relégua aux domaines de l’animation et des effets spéciaux, ces
techniques réapparaissent comme les fondations de la réalisation numérique. Ce qui
était supplémentaire au cinéma devient sa norme ; ce qui était ses frontières revient
au centre. Le média numérique nous renvoie la face réprimée du cinéma. La culture
des images animées est en pleine redéfinition, le réalisme cinématographique est
recadré de son statut dominant à une option parmi plusieurs. Marc Nicolas, directeur
de la FEMIS, annonce que le numérique « donne naissance à un langage commun,
avec le fait que les effets spéciaux se généralisent y compris aux images sans
trucage, que la manipulation numérique des images se répand à des représentations
de la vie quotidienne, qu’on aurait apparemment filmées en prise de vue réelles. »
(Nicolas, [2002], p. 86)
L’omniprésence du traitement numérique de l’image au sein du film floute les
frontières entre la production et la postproduction. Les phases de post-production se
développent d’une façon phénoménale et les métiers de la post-production sont en
train de se brouiller tous. La post production permet d’interagir sur la matière filmée
comme il était possible de le faire jusqu’à présent avec le son, et cette post
production se redéfinit elle-même ; ses outils s’inscrivent dorénavant dans la
production, une sorte de « post production en temps réel ».
- 48 -
II-2.1 Une nouvelle forme hybride ?
Depuis longtemps, la plupart des discussions sur le cinéma à l’heure
numérique se sont focalisées sur les possibilités de la narration interactive. Il n’est
pas difficile de comprendre pourquoi : étant donné que la plupart des spectateurs et
des critiques assimilent le cinéma au récit d’histoire, le média numérique est compris
comme quelque chose qui laissera le cinéma raconter ses histoires différemment.
Encore aussi excitante, que l’idée du spectateur qui participe à l’histoire, puisse
choisir différents chemins narratifs et interagisse avec les personnages soit-elle, tout
ceci ne traite qu’un seul aspect,essentiel certes, du cinéma : le récit.
Le défi que les médias numériques posent au cinéma va bien au delà de la
question du récit. Le média numérique redéfini l’identité profonde du cinéma. Lors
d’un symposium qui prit place à Hollywood au printemps 1966, un des participant se
référa de façon provocatrice aux films, définissant les films comme « projections
plate » et les acteurs humains comme « des produits organiques mous ».1 Comme
ces termes le suggèrent de manière crue, ce qui était les caractéristiques
définissantes du cinéma sont devenues les options par défaut. Avec assez de temps
et d’argent, tout peut être simulé par ordinateur, la photo réalité du cinéma n’étant
qu’un aspect. Cette crise de l’identité cinématographique affecte aussi les termes et
les catégories utilisés pour définir l’histoire du cinéma. Christian Metz déclarait en
1970 que « la plupart des films tournés aujourd’hui, qu’ils soient bon ou mauvais,
originaux ou non, commerciaux ou non, ont en commun la même caractéristique
qu’ils décrivent une histoire. Dans cette mesure ils appartiennent à un seul et même
genre, qui est plutôt, une sorte de super-genre. » (Metz, [1975])
En identifiant les films de fiction comme un super-genre du cinéma du XXeme
siècle, Metz ne se préoccupa pas des autres caractéristiques de ce genre, parce
qu’à cette époque c’était trop évident : les films de fiction sont des tournages réels,
ils consistent largement en enregistrements photographiques non modifiés
d’évènements réels qui ont pris place dans notre monde physique. Aujourd’hui, à
l’age des simulations et des générations d’images par ordinateur, invoquer cette
caractéristique devient crucial dans la définition du cinéma du XX eme siècle. 1 Lev Manovich, What is digital cinema ?, MIT press, 2001
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Projetons nous dans un hypothétique futur de cette culture cinématographique ; les
différences entre les films classiques de Hollywood, les films européens d'art et
d‘essai et les films d'avant-garde peuvent apparaître insignifiantes en comparaison à
ce dispositif qu’elles ont en commun: ces différents modèles cinématographiques
sont fondées sur des enregistrements objectifs basés sur la réalité. (Manovich,
[2002])
Un signe visible de ce décalage est le nouveau rôle que jouent les effets
spéciaux numériques dans l’industrie Hollywoodienne depuis ces dernières années.
Beaucoup de succès (Hollywoodiens, donc des « Blockbusters ») sont conduits par
les effets spéciaux, nourrissant par là leur popularité. Hollywood a même créé, le
genre des « Making of » pour créer un marché d’édition vidéo et papier, qui révèlent
comment sont créés les effets spéciaux. Cette démarche n’est pas sans rappeler les
presdigitateurs qui livrent les secrets de leurs tours.
Jusqu’à récemment, seuls les studios hollywoodiens pouvaient se payer des
outils de production d’effets numériques. De toute façon, cette révolution numérique
n’atteint pas seulement Hollywood, mais le cinéma dans son ensemble. Avec le
remplacement de la filière de production cinématographique par la filière numérique,
la logique du processus de réalisation au cinéma est redéfinie. Ces nouveaux
principes de la réalisation numérique sont valides autant pour les productions
collectives (entendons par là les grands studios) que pour les productions
individuelles, quelle que soient les technologies employées, professionnelles ou
amateurs.
Au lieu de filmer la réalité physique il est donc dorénavant possible de générer
des scènes directement sur ordinateur, avec l’aide de l’animation 3D, et ce avec une
approche de la qualité film. Une fois que les actions « réellement tournées » sont
numérisées (ou directement enregistrées en format numérique par la caméra), elles
perdent leur relation au réel. En effet, l’ordinateur ne fait pas de distinction entre une
image obtenue à travers une lentille photographique, une image créée avec un
programme de graphisme (photoshop, par exemple) ou bien une image synthétisée
par un programme de conception 3D, puisque toutes sont composées du même
matériel, le pixel. Les scènes tournées (une fois pour toute, je comprends par
- 50 -
tournage une caméra réelle) sont réduites à n’être plus que graphiques, une
composante de l’image numérique.
Mais la souplesse des technologies numériques permet de concilier
techniques analogiques avec traitement numérique ; Peter Jackson, lors de la
réalisation du Seigneur des Anneaux (Jackson, [2001]) a utilisé une technique
novatrice développée par WETA Digital, sa société d’effets numériques. La scène
présente un combat entre les héros et un troll des cavernes1. La technique normale
consisterait à écrire la scène, filmer la scène en réel avec les acteurs qui combattent
un avatar2 , reproduire la scène en 3D le troll en plus, puis compositer les images
pour obtenir le résultat attendu. Seulement Jackson voulait pouvoir « filmer la
scène », pour injecter dans le cadrage des plans un réalisme qui fait souvent défaut
à l’animation de caméras 3D, trop « propres ». Il a utilisé les instruments de réalité
virtuelle pour filmer cette scène : un casque écran pour visualiser la scène 3D avec
le troll qui se bat, et un gant qui représente ici une caméra, pour « filmer » ce qu’il
voit la manière dont il le désire. Le résultat est assez impressionnant à observer : le
réalisateur cadre et filme numériquement une réalité générée par ordinateur qu’il est
le seul à observer.3 Cet exemple est très démonstrateur à mon sens des directions
que la réalisation numérique pourra emprunter prochainement…
« Dans l’animation, il faut créer tous les mouvements », explique Mamoru
Oshii.4 « Dans la fiction (Avalon (Oshii, [2001]), ndrl) il s’agissait pour moi d’utiliser
un matériel existant, le réel, qui est extrêmement riche en informations, puis de ne
garder que ce qui était strictement nécessaire. Mon objectif était de partir de la réalité
pour créer de la non réalité. Grâce aux nouvelles technologies, les fictions
deviennent de plus en plus des œuvres de création, car on peut construire des
mondes qui correspondent exactement à ce que le metteur en scène à dans la tête.
Je souhaitais réaliser depuis longtemps un film où je pourrais tout contrôler. Cette
façon de procéder est vraiment différente de celle usitée dans les longs métrages
1 Un troll des cavernes est dans l’œuvre de J.R.R Tolkien une grosse créature humanoïde féroce. 2 Ici, il s’agit d’un acteur portant une combinaison « fond bleu » dont les mouvements sont numérisés et assignables à un logiciel 3D. Il sera effacé de l’image et remplacé par un double numérique en postproduction. 3 Documentaire disponible dans le making of de l’édition DVD Collector Le Seigneur des Anneaux : La Communauté de l’Anneau 4 Propos recueillis par Bertrand Rougier, disponibles dans le livret de l’édition DVD Collector d’Avalon.
- 51 -
classiques. J’ai manipulé des acteurs de chair et d’os comme s’ils étaient des
personnages issus d’un film d’animation. »
Si les scènes tournées étaient auparavant laissées intactes et constituaient le
produit fini, il s’agit maintenant de données brutes, modifiables par les procédés de
tracking*, de compositing*, de morphing* et d’animation. Par exemple, la scène
d’ouverture de Forest Gump (Zemeckis, [1994]) traque une plume qui effectue un vol
long et très complexe. Pour créer la scène, la plume réelle a été filmée sur fond bleu
dans différentes positions, ces données ont été animées et compositées sur le fond
tourné d’un paysage réel. Le résultat est une nouvelle forme de réalisme, qui peut
être décrite comme « quelque chose qui ressemble à ce que ça aurait ressemblé si
l’action se serait passée, bien que ceci soit impossible. » (Lev Manovich, [2001])
Auparavant, le montage et les effets spéciaux étaient des activités bien à part.
Un monteur travaillait sur l’ordre des séquences sans que les images puissent être
modifiées, et le truquiste s’occupait d’un autre coté des images à traiter. L’ordinateur
abolit cette contrainte. La manipulation d’images individuelles via les traitements
algorithmiques, aussi bien pour le montage que pour le trucage adopte, adopte la
« philosophie copier-coller ». La manipulation d’images numériques n’est pas
sensible aux distinctions d’espace, de temps ou d’échelle. Donc finalement, monter
des séquences d’images dans le temps, les compositer ensembles dans l’espace,
modifier partiellement une image, ou modifier un pixel, relève de la même opération,
conceptuelle et pratique. (Pourrait on même aller jusqu’au ludique ?)
Beaucoup de spécialistes des effets spéciaux, ou de théoriciens du film, comme Lev
Manovich, entre autres, définissent donc le film numérique par la somme de ses
composantes :
- Séquences tournées
- Peinture numérique
- Retouche numérique
- Animations 3D modélisées ou scannées
- Animation 2 D
- Compositing des différents éléments
- 52 -
Ainsi Marc Nicolas, président de la FEMIS, reconnaît qu’ « on arrive
effectivement à une situation où la capture des images n’est plus qu’un composant,
pas forcément déterminant, dans l’élaboration de l’œuvre. » De même Alain Bergala
confirme « qu’on va vers une situation où ce qui sera central ce sera
l’assemblage. » La réalisation numérique – le modèle Méliès, que je nommerais à
partir de maintenant cinéma numérique - est donc une nouvelle forme d’animation
qui utilise la photographie (séquences tournées) comme matériel de travail parmi
beaucoup d’autres. Si le cinéma du siècle dernier se construisait avec la pellicule, le
cinéma numérique se construit avec l’ordinateur.
II-2.2 Les influences de la réalisation numérique
Les Vidéoclips
Représenté majoritairement par les clips musicaux, le genre se créa
exactement quand les outils d’effets vidéo entrèrent dans les studios d’édition. Le
genre des vidéoclips a été, et est toujours, un formidable laboratoire
d’expérimentation sur la manipulation et l’hybridation d’images. Un vrai manuel pour
le cinéma numérique, en quelque sorte. Il n’est pas étonnant de voir alors aujourd’hui
l’influence des vidéoclips sur l’esthétique des films modernes ; nervosité du montage,
mise en avant de la bande son, adoption de chartes graphiques éloignant le film du
récit pour le plonger dans l’esthétique pur. Vitesse et mouvement ordonnent une
quantité d’images toujours grandissante. Le spectateur s’adapte alors à ce flot
continu de données visuelles. Le cinéma a donc digéré et intégré ces nouveaux
codes modernes pour les intégrer, et se redéfinir par conséquent.
Ainsi que l’énonce Matt Hanson, cinéaste et militant du numérique1, l’influence
de la réalisation des vidéoclips loin de développer une esthétique dégradante pour le
1 Matt Hanson est écrivain et réalisateur, connu dans le monde pour son investissement dans la réalisation numérique. En 1996, il a créé le Digital Film Festival OneDotZero,
- 53 -
cinéma, a tonifié une forme d’art qui fête son centenaire. (Hanson, [2004]) On
pourrait dire que les clips ont dynamisé le cinéma. Si nous pensons à Fight Club
(David Fincher, [1999]), à Tueurs Nés (Oliver Stone, [1994]), ou bien au récent
péplum Gladiator (Ridley Scott, [2000]), ils n’auraient pas pu être réalisés au sein
d’une culture visuelle qui ne se soient pas familiarisée avec l’art du montage,
spécifique aux vidéoclips. Ainsi il n’est pas rare de trouver parmi les jeunes espoirs
des réalisateurs issus du clip musical ; Dans son premier long métrage, Spun
(Akerlund, [2002]) Jonas Akerlund enchaine les séquences hallucinées (au propre
comme au figuré) et les mélanges esthétiques hérités de sa génération nourrie aux
séries télé de tous genres. La communication visuelle du film devient bien plus
complexe que le récit ; « ces films reposent sur une narration conduite par les
images, Nous nous dirigeons vers le cinéma de l’abstraction. Face à ce déluge
d’images, il n’est pas surprenant que le contexte soit noyé dans l’essence même de
l’émotion. » (Matt Hanson, [2004], p. 93) Ce cinéma de l’abstraction pourrait être une
réaction à la surcharge d’information, à la surmédiatisation qui semble caractériser
notre société. Umberto Ecco, observe que la musique pop se construit comme un
véhicule se dirigeant vers le refrain, un point où l’auditeur est alors submergé par
l’émotion. Le cinéma accéléré, issu du clip, suggère que le même schéma pourrait
bien se produire avec les images animées. (Ecco, [1986])
L’animation
Si jusqu’à l’apparition de la télévision l’animation restait un divertissement
exercé par quelques maîtres (Walt Disney, Tex Avery, Chuck Jones…), elle s’est
ensuite industrialisée pour séduire un public jeune. En brisant ces dogmes qui
imposaient à l’animation des narrations enfantines ou comiques, l’animation s’est
émancipée ces quinze dernières années. La percée de l’animation japonaise est en
grande partie responsable de ce phénomène. Si les occidentaux voient en
l’animation une représentation enfantine et caricaturée du monde réel, la mentalité
orientale, plus conceptuelle, l’intègre comme une représentation du monde à même
titre que le cinéma ou la littérature. Ainsi, l’animation nippone est thématiquement
bien plus variée que dans le reste du monde. Les films d’animation se sont sortis de
cette réduction puérile grâce à une génération d’animateurs qui n’aurait pas rejoint la
- 54 -
profession sans l’avènement des technologies numériques. Le cinéma d'animation,
longtemps considéré comme un parent éloigné du septième art, a en fait permis
pendant des décennies à ses artistes d'apprendre à retranscrire la réalité d'un
mouvement, d'un décor, en les dessinant puis en les animant. Ce savoir est
aujourd'hui primordial pour créer des films où tout est virtuel. D'ailleurs, le processus
de fabrication d'un dessin animé, où chaque scène est composée de plusieurs
couches d'origine différente, s'applique de nos jours à la création virtuelle, les
éléments constitutifs d'un film ne se limitant plus aux prises de vues. L’apparition puis
la généralisation de la 3D au sein de l’animation vient diversifier et dynamiser ce
genre, le rapprochant de plus en plus d’une esthétique photo réaliste.
Même si Disney, Pixar et Dreamworks continuent de nous livrer un cinéma
d’animation figuratif ultra conventionnel (dans la narration), et ce en dépit de leur
avance technologique incontestée, les intégrations de séquences d’animation au
sein de films longs métrages comme Tueurs nés (Oliver Stone, [1994]), Spun
(Akerlund, [2002]), ou plus récemment Kill Bill (Tarantino, [2003]) démontrent que
l’animation rentre dans la palette des réalisateurs. Elle dessine notre monde dans de
nouvelles réalités et de nouvelles visions, en apportant une esthétique typée.
Les jeux-vidéos De nombreux films mettent en œuvre différentes figures stylistiques propres
aux jeux vidéo, et la tendance est grandissante. Si la réponse la plus grossière
consiste à adapter un jeu existant, force est de constater que cette démarche est
majoritaire à une réflexion sur la cyberculture. Ainsi, nous observons depuis une
décennie, des adaptations de jeux vidéo : Street Fighter, Tomb Raider, Final
Fantasy, ou plus récemment Resident Evil, qui boosté par son succès, nous sort une
suite cet été 2004. Et semblablement à l’iceberg, le plus gros reste à venir : Silent
Hill, Duke Nukem, Soul Calibur et autres Doom sont déjà annoncés à grand renfort
de marketing. Paradoxalement, leur adaptation au grand écran les réoriente vers une
version Hollywoodienne purement narrative, dans un souci de prise de risque
minimum.
- 55 -
« Il est évident que les interaction entre jeux vidéo et cinéma, sur le plan
esthétique comme sur le plan industriel et commercial, sont devenue une réalité qu’il
vaut mieux analyser» commente Jean-marc Vernier, avant de reconnaître qu’une
certaine tendance du cinéma américain travaille sur « la matière
cinématographique ». (Vernier, [2002], p. 72) Ainsi les scénaristes et réalisateurs ont
analysé et adopté les codes de non linéarité qui régissent les jeux vidéo, leur
exploration. « Le cinéma, par ces formes narratives et ses formes de mise en scène,
a toujours emprunté ou répondu à des défis d’autres domaines artistiques. Il s’est
confronté à la littérature, à la peinture, ou a d’autres dispositifs de production
visuelle, que ce soit la photographie, la télévision ou la publicité. Il l’a fait dans une
dimension de concurrence auprès du public, et comme renouvellement ou création
esthétique. Aujourd’hui, un nouveau défi vient des jeux vidéo ».
La première influence des jeux vidéos est donc visuelle : caméra subjective,
combats chorégraphiés, bouclage de séquences, scénario à embranchements…
C’est sur ces concepts que Matrix mise : l’alchimie entre ses différents ingrédients
fonctionne1. En particulier l’intégration des codes et structures propres aux jeux
vidéo : incarnation de héro, combats abolis des lois physiques, configuration du
personnage, choix multiples, boss de fin de niveaux, énigmes, univers cyberpunk…
Néanmoins, ces références aux jeux vidéo sont rendus cohérentes par la présence
d’un scénario solide, lui-même construit sur le modèle des jeux vidéo : présence
d’une matrice virtuelle et d’un monde réel, soit deux univers accessibles par
connexion neuronale, apprentissage par niveaux, avec évolution du personnage. Les
héros du film que regarde le spectateur sont eux même acteurs d’une réalité
virtuelle, ce qui ne manque pas d’interpeller le spectateur et de réveiller ses
processus cognitifs propres aux jeux vidéo. Si les frères Wachowski sont rapidement
devenus les représentant du genre de science fiction moderne avec la trilogie Matrix,
c’est aussi par ce qu’ils ont conçu leur œuvre comme un univers numérique, qui
prend forme sous l’aspect de courts métrages d’animation, d’un site web et d’un jeu
vidéo, au-delà des trois films. Ces « adaptations » poussent les limites du scénario,
redéfinissant alors le film lui-même, ce qui est l’essence même des jeux vidéo. Et là
ça prend. 1 Cf l’étude de Matrix dans Cinéma & Nouvelles Technologies, en annexe
- 56 -
Un autre exemple d’intégration pertinent d’univers de jeux vidéo au cinéma est
Avalon, (Oshii, [2002]) film du réalisateur nippon issu de l’animation (Ghost in the
shell, [2002], un long métrage d’animation, qui philosophait sur la cyberculture). Dans
son film (retouché intégralement sur ordinateur), l’héroïne gagne sa vie en jouant à
un jeux de réalité virtuelle, jusqu’à qu’elle découvre un « niveau caché », qui lui
apparaît une réalité bien plus acceptable que son monde réel. Au-delà d’une
esthétique de réalité virtuelle travaillée, le film présente une réflexion sur les
conceptions de réalité, de virtualité et de liberté.
Ainsi la notion de « niveau », en tant que mission à accomplir se traduit au
cinéma par la schizophrénie excitante des univers virtuels et de la notion même de
réalité. Cours Lola cours (Tom Tykwer, [1998]) est un film d’un jeune réalisateur
allemand qui propose une mise en scène originale: la jeune Lola revit le même
scénario de 20 minutes quatre fois, en l’améliorant à chaque fois par les
apprentissages des expériences précédentes. Cette structuration du récit en
tentatives successives est directement inspirée des jeux vidéo : exploration,
apprentissage, récidive. Cette impression est en plus soulignée dans le film par un
scénario typé (20 minutes pour trouver 1 million de marks afin de sauver son copain
de la mafia) et par la présence une musique électronique au BPM endiablé. Cette
idée n’est pas complètement nouvelle au cinéma non plus, on se souvient de Un jour
sans fin (Ramis, [1993]), qui obligeait Bill Murray à vivre la même journée
quotidiennement, jusqu’à qu’il trouve l’échappatoire…
- 57 -
II-2 Le DVD, démocrate du cinéma numérique Si le DVD, est le support qui s’est imposé pour la vidéo numérique, cette situation le
place logiquement en véhicule de l’image numérique. Celle-ci affiche donc sa nature
et son originalité.
II-2.1 Une histoire de pixels La motivation première des consommateurs, quant à l’achat de DVD, revient à
la qualité audiovisuelle. « Il n’est pas tant apprécié pour les options qu’il propose que
pour sa qualité d’image et de son [...] Le DVD participe à cette idée très actuelle que
l’on peut accéder à la perfection à travers la technologie». Lassé par une image
vidéo analogique qui bavait et se dégradait avec le temps, le consommateur a vite
adopté le label numérique pour sa consommation audiovisuelle. En témoignent les
rééditions numériques d’œuvres antérieures à cette technologie ; les spectateurs
rachètent la nouvelle version « remasterisée » qui présente pourtant la même œuvre
que la VHS. Issue de l’évolution des micro-ordinateurs, s’effectue alors une course à
la résolution, une culture du pixel. Cette course à la qualité visuelle cache le désir de
l’illusion parfaite. Car le pixel1 est le plus petit élément quantifiable d’une image
numérique, c’est son unité de mesure. Là où l’image analogique ne se quantifiait que
très difficilement, l’image numérique se mesure et se compare très aisément, grâce à
sa résolution. L’utilisateur en prend pleinement conscience lorsqu’il regarde un DVD
sur un ordinateur : le DVD s’affiche dans une fenêtre de certaine taille (720*576
pixels) bien inférieure à la taille de son écran. Phénomène qu’il ne peut pas déceler
lors du visionnage sur télévision. Néanmoins, un écran d’ordinateur propose une
résolution d’image bien plus élevée que la télévision, ce qui atténue la différenciation.
Dernièrement, les appareils photo numériques ont grandement démocratisé le
lexique technique propre à cette culture numérique, en marketant du « mégapixel ».
Et cette vulgarisation technique s’effectue dans toute la gamme des appareils
numériques : scanners, imprimantes, caméscopes, portables, organizers. Ainsi
l’image numérique s’est émancipée de sont support originel, l’ordinateur. Le DVD est
1 Pixel : contraction de picture element. Le plus petit élément quantifiable d’une image numérique.
- 58 -
le support d’image numérique le plus commercial et il devient à ce titre le
représentant de la qualité visuelle numérique le plus médiatique.
Le DVD vidéo est aussi un objet technologique perfectionniste : si, l’un de ses
arguments commerciaux est de figer l’œuvre pour l’éternité (en témoignent les
éditions prestiges dites « définitives » et autres « ultimates »), il n’en reste pas pour
le moins un objet technologique, donc soumis à l’évolution. Ainsi, le successeur du
DVD est déjà annoncé. On parle du DVD-HD (pour Haute Définition) ou bien du Blu-
Ray (pour son laser bleu), deux technologies qui se disputent actuellement la
bataille. Ainsi, à la question « Dans l’objectif d’imposer le DVD-HD comme format
standard justement, que représente cette étape ? » (Le lancement des 3 premiers
DVD-HD en test, ndlr), Xavier Bringué, Development Manager chez Microsoft
répondait1 : « Nous contribuons à évangéliser. Nous voulons éduquer le
consommateur, lui montrer que le PC peut jouer un rôle dans le divertissement. Le
consommateur ne sait pas encore ce qu’est la HD. Et dans un magasin, personne ne
va dire « je veux la HD ». Mais quand les consommateurs la verront, ils feront la
différence et ils diront « je veux cette qualité d’image ». Nous sommes encore dans
une phase éducative et nous allons créer la demande. C’est un peu le même
procédé que le passage à la qualité audio apportée par le cd il y a quelques années.
Ces disques sont là pour accélérer la transition. »
C’est en cela que le numérique franchit une nouvelle étape dans la
consommation audiovisuelle. Si auparavant la vidéo analogique évoluait en fonction
de ses propres besoins, l’image numérique évolue elle avec l’informatique, la
puissance des microprocesseurs (pour simplifier). Si jusqu’à présent cette qualité
visuelle du DVD n’était sujette qu’à la lecture de films, elle peut dorénavant être
sujette à enregistrement et manipulation, avec l’arrivée récente des enregistreurs et
des caméscopes DVD, puis à appréciation, avec les écrans numériques plats et
autres vidéo-projecteurs De la phase de fascination, lors de sa mise sur le marché
et son adoption immédiate, le DVD passe maintenant à la phase de compréhension :
le consommateur comprend cette technologie (parce qu’on la lui explique, certes), et
peut dorénavant se l’approprier pour son propre usage. Bernard Stiegler, directeur
1 Dossier sur le DVD HD publié sur le site multimedialaune http://www.multimedialaune.net/index.php?action=article&id_article=38252&id_rubrique=4515
- 59 -
général adjoint de l’INA affirme1 que « cette initiative d’aller vers un marché de
grande diffusion signifie que la manipulation des images par le grand public est
d’ores et déjà rentré dans les faits. » Le lecteur de DVD continue de séduire les
Français, avec un taux d'équipement de 44% des foyers à la fin mars 2004 contre
25% à la même période de l'an dernier, selon l'institut d'études GfK. Fin 2003, 41,6%
des foyers français possédaient un lecteur de DVD et GfK anticipe que la proportion
atteindra 59% à la fin 2004. La baisse de plus de 40% du prix moyen du lecteur en
2003 explique cette progression, estime l'institut, qui indique que « les nouveaux
équipés ont des revenus plus modestes ». L’étude sur la vidéo du CNC est formelle
elle aussi : « Le lecteur de DVD se répand de plus en plus et est plus facile d’accès
qu’un ordinateur. Ainsi, il constitue un moyen de démocratiser les contenus qui
n’étaient accessibles que sur PC (CD Roms ludo-éducatifs). Il permet d’atteindre les
foyers qui ne sont pas équipés de micro-ordinateur. » Avec cette démocratisation du
DVD, c’est l’image numérique, avec sa consultation non linéaire, et sa résolution en
pixels, qui se démocratise au grand public.
II-2.2 L’infographie et l’animation De part sa nature, le DVD reste donc en grande partie un objet de culte
technologique. Si il est le diffuseur de l’image numérique, il devient par extension le
diffuseur de l’image synthétique. Comme le définit le cinéma numérique, l’image
numérique est (de plus en plus) composition, synthèse. Cette diffusion d’images de
synthèse s’effectue à deux niveaux :
- La diffusion de contenus intégrants des images de synthèse Jean-Yves Mirzki, délégué général du SEV, est sans détour 2: « Traditionnellement,
la vidéo est le domaine du film d’action, du spectaculaire. Avec ses nouvelles
qualités d’image et de son, le DVD accentue encore cette tendance.» L’étude du
CNC 3 sur les attentes du public en vidéo le confirme : « Pour les spectateurs, la très
grande technicité de la conception des films américains est en forte adéquation avec 1 Cinéma et dernières technologies, p. 97, INA De Boeck Université, 1998 2 Article paru dans Le Monde du 23 novembre 2002 3 La vidéo, perception et attentes du public, étude qualitative du CNC, décembre 2003
- 60 -
la technologie du DVD. En effet, les films américains induisent l’idée d’un travail
complexe ; ils mettent en oeuvre des effets techniques, un jeu d’acteur très travaillé,
une équipe nombreuse… La fabrication d’un film américain apparaît plus riche, plus
propice à profiter des possibilités techniques du DVD. »
Il convient encore une fois ici d’éclairer ce point : il ne s’agit pas de se réjouir
de l’hégémonie d’Hollywood sur le marché mondial du DVD, mais plutôt de constater
que les films, quels qu’ils soient, intègrent de plus en plus des images synthétiques.
(D’ailleurs il ne s’agit plus d’effets spéciaux, puisque la grande majorité de ces films y
ont recours, là est un point essentiel du mémoire !) Il reste vrai que la science-fiction
est la plus encline à offrir au spectateur un florilège d’images synthétiques, et elle
reste un des genres privilégiés par les consommateurs de DVD.1
Autre réalisations qui donnent la part belle aux images de synthèse : les making-of.
Ce phénomène est inhérent au premier : ci les films ont eu recours aux technologies
numériques, il est généralement proposé dans les bonus un documentaire (pseudo)
technique sur cette utilisation. Ceci pour des raisons commerciales bien souvent,
puisque les images sont disponibles bien souvent dans les ordinateurs des studios
de création numérique. Ces effets spéciaux sont alors exposés de manière brut et
laissent apparaître leur caractère synthétique ; esthétique, fabrication…
- L’utilisation de l’infographie au sein des menus. La réalisation de menus relève de la composition d’image, ce travail est
l’oeuvre d’infographistes spécialisés. A mi chemin entre l’animation et le sampling
vidéo, les menus DVD sont l’exemple même de ce qu’est appelée à devenir le
cinéma numérique.2 Les menus doivent êtres textuels, signifiants et ergonomiques,
cette volonté étant aussi celle des consommateurs.3 La navigation est souvent
spatiale, il convient donc d’animer les déplacements et transitions que le spectateur-
navigateur est amené à effectuer. Une navigation spatiale est bien plus
mnémotechnique qu’un simple choix directif. A travers la conception DVD, c’est toute
une génération de graphistes intégrateurs biberonnés au photoshop4 qui trouve enfin
la possibilité de donner une cohérence au mélange des médias. Beaucoup de
succès cinéma soulignent une attention particulière à la conception des menus. Pour 1 Les contenus de DVD,p. 26, Etude qualitative du CNC, décembre 2003 2 Etant moi-même infographiste vidéo, je me permet de parler en connaissance de cause et de la profession 3 Les contenus de DVD,p. 19, Etude qualitative du CNC, décembre 2003 4 Logiciel d’infographie de la société Adobe, considéré par la profession comme l’outil essentiel de retouche photo et de création infographique.
- 61 -
reprendre l’exemple du Seigneur des Anneaux (Jackson, [2001]), les menus
présentent une navigation visuelle sur un vieux grimoire (cf packaging), à chaque
menu correspondant une page différente. Semblable à un jeu vidéo dans la
démarche, mais bien plus réaliste dans l’aspect, il s’agit de réalisations
infographiques qui n’aurait que très difficilement être pu tournées avec une caméra.
Si les menus DVD ne sont pas un critère essentiel qui pousse à l’achat du
DVD, il forment avec l’interactivité la personnalité du DVD, ce que Jean Marc Vernier
appelle le « Style DVD » (Vernier, [2002]). La présence de menus soignés, animés et
ergonomiques restera, car elle définit l’objet DVD. Même si certaines éditions
s’orientent vers des menus ultra épurés, voire inexistants, pour alléger leurs coûts,
les menus DVD, et avec eux l’interface animée, ne sont pas prêt de disparaître, bien
au contraire. Alors que le public s’est familiarisé avec ces interfaces d’accès aux
mondes virtuels cinématographiques, se définit déjà à l’horizon les prémices des
futures interfaces de l’évolution du DVD, le DVD HD. Si rien n’est encore définit,
certaines sources parlent d’interfaces en langage html, soit le même langage
qu’internet. Les futures interfaces DVD pourrait donc s’apparenter à des sites web,
consultables via les Media Centers1 qui prévoient de se démocratiser dans les
salons, sur le schéma du DVD. Mais la technologie est bien trop rapide et
dépendantes des industries pour pouvoir annoncer quoi que ce soit.
II-2.3 L’immatérialité du numérique Autre caractéristique de l’image numérique, sa virtualité. Le fait qu’elle
appartienne au langage informatique la rend duplicable et diffusable par les réseaux.
Nulle n’est ici l’intention d’exposer les procédés et usages du piratage vidéo, mais il
faut reconnaître que depuis l’existence du DVD, le piratage vidéo est en hausse
exponentielle. L’étude publiée par le CNC2 à ce sujet est très révélatrice de ces
pratiques. L’avènement récent de l’internet Haut débit a catalysé ce phénomène à
l’échelle mondiale, mais ces pratiques d’échanges sont apparues des le décryptage
1 Serveur informatique multimédia qui vise à coordonner tous les appareils électroniques de la maison: Télévision, chaîne audio, connexion internet… 2 La piraterie de films ; motivations et pratiques des internautes, Etude CNC, 2004
- 62 -
du système de protection des DVD1. Cette disponibilité de l’image numérique, en
l’occurrence ici les films, apparaît comme « innée » et « acquise » dixit les pirates. La
vidéo numérique se duplique et se diffuse sur tous les médias, mais le DVD vidéo
reste un support source, le point de départ d’une diffusion, légale ou non.
1 En 1999, Jon Johansen, un jeune informaticien norvégien, trouve une faille dans le système de cryptage CSS développé par Matsushita et créé DeCSS, outil qui crack le système, dont le code se répand immédiatement via les réseaux.
- 63 -
III. De nouvelles approches cinématographiques
III-1 Le spectacle hors de la salle ?
Depuis l’arrivée de la télévision, le cinéma s’est vu exporté hors des salles obscures.
Il a donc connu plusieurs crises, survivant d’abord à la télévision, puis au VHS,
réaffirmant sa différence et sa singularité. Si le concept de home cinéma était
commercialisé à partir de 1995, c’est bien le DVD qui l’a démocratisé au grand
public. En effet, un system Home Cinéma se compose d’un écran de grande taille de
préférence 16/9 (télévision, vidéoprojecteur), d’un système sonore multicanaux
(amplificateur décodeur et enceintes satellites) et bien sur d’un lecteur DVD pouvant
fournir les signaux audiovisuels. Comme son nom l’indique, le Home cinéma vise à
reproduire dans le salon du spectateur les conditions d’écoute et de visionnage que
proposent les salles obscures. En adoptant les mêmes systèmes techniques
(projection, son multicanaux). Le mode de visionnement d’un film sur un téléviseur
peut être qualifié de mode de vision affaibli, (image plus petite, son moins fort, qualité
de rendu moindre) par rapport à une installation home cinéma. Avec ces dernières
innovations technologiques sont en train de réduire considérablement l’écart entre la
pratique spectaculaire publique et la pratique spectaculaire privée. (Le Bihan, [2003])
Si le DVD exporte les conditions de spectacle cinématographique à la maison,
il devient quelque part le démocrate du cinéma, ou en tout cas de la cinéphilie.
Thomas Guinand, Directeur Marketing chez DVD MAKER1, pense qu’il s’agit d’un
gros changement par rapport à la VHS : « Avant, la VHS proposait une qualité de
visionnage et d’écoute qui s’apparentait à la diffusion télé. Les gens n’étaient pas
dans des conditions d’immersion cinématographiques. Avec le DVD et le Home
cinéma, on se rapproche vraiment du cinéma de salle. Je pense à une famille de
quatre enfants par exemple : six mois après la sortie ciné, la famille peut pour vingt
1 Interview réalisée en juillet 2004 dans le cadre de ce mémoire
- 64 -
euros s’offrir le DVD. Les prix des cinémas augmentent, la qualité du home cinéma
aussi… » Marc Nicolas propose les mêmes arguments : « Jusqu’à une date très
récente, la cassette était un appendice du téléviseur et permettait de voir les films sur
le petit écran, comme on regarde la télévision. Aujourd’hui se produisent deux
évolutions très complémentaires, d’un coté la qualité de l’image enregistrée sur DVD
est bien meilleure que celle d’une cassette VHS, et d’un autre coté on a des vidéo
projecteurs qui se vendent comme des petits pains. Avec cette meilleure image du
DVD et cette image projetée, la multiplication de ces instruments n’est-elle pas en
train de reconstituer une forme de spectacle, par opposition à ce qu’est la
télévision ? » (Nicolas, [2004], p. 242)
D’où la problématique de savoir si cette pratique du « cinéma à la maison » ne
porte pas préjudice aux salles obscures. Le CNC1 nous rapporte que effectivement,
une baisse des fréquentations de salle est observée chez les possesseurs de DVD,
néanmoins il convient de nuancer ce phénomène par des distinctions. Les cinéphiles
continuent d’aller au cinéma, voire y vont plus souvent, excitant leur désir
cinématographique par la pratique casanière du DVD, et d’un autre coté les non
cinéphiles se contentent dorénavant du support DVD (achat, location, prêt),
délaissant les sorties cinéma. Le DVD catalyse donc les pratiques cinéphiliques :
ceux qui allaient au cinéma complètent leur pratique avec le DVD, et ceux qui ne s’y
rendait qu’occasionnellement la remplace.
Olivier Assayas parle d’une « possession » ; le spectateur qui fut écrasé par le
déluge d’images et de spectacle en salle veut se « venger » ensuite chez lui en
achetant le DVD et en possédant l’objet qui l’a possédé. Il parle d’une relation quasi
sexuelle, fétichiste entre l’œuvre et le spectateur. (Assayas, [2004])
D’un autre coté, il convient d’analyser ces nouvelles conditions de visionnage. Le
DVD, et par extension le Home cinéma, installe le spectateur au sein d’un
équipement technologique visant à reproduire le spectaculaire de la salle dans le
salon du spectateur : l’expérience devient cinéphilique, et individuelle. La
consommation collective restant minoritaire (location, consommation familiale). D’un
autre coté, le DVD à travers sa compatibilité avec l’ordinateur, a vu naître une
1 1 Les français et la vidéo, p. 9, Vidéo : Perception et attente du public, p. 34, Etude du CNC, décembre 2003
- 65 -
pratique nouvelle : le visionnage de films via l’ordinateur. La majorité des DVD vus
sur ordinateurs le sont sur l’ordinateur personnel, à la maison. Néanmoins les
pratiques nomades sont croissantes. (Mise en place du service location DVD dans
les gares TGV) Il s’agit alors de spectateurs technophiles qui disposent de
l’équipement adéquat : rappelons que les écrans informatiques présentent une bien
meilleure résolution que les téléviseurs, et que la taille de ceux-ci ne cesse de
croître. Le DVD consulté sur un ordinateur permet de plus d’accéder aux bonus
DVD-rom, qui, même futiles, restent exclusifs.
- 66 -
III-2 L’interactivité et la délinéarisation
Le DVD a révolutionné les modes de consommation vidéo. L’arborescence proposée
par le DVD est comparée à l’apparition du chapitrage dans les livres. L’interactivité
de ce support change le positionnement de l’œuvre et du spectateur. Olivier
Assayas, réalisateur français, acquiesce : « je suis d’accord sur le fait que la vidéo,
et plus encore le DVD, transforment le rapport au film : d’un rapport où le spectateur
est passif, le spectateur devient actif, il a prise sur le film. » (assayas, [2002]) Ce
nouveau rapport aux objets audiovisuel est hérité directement de l’ordinateur. On
visionne, on manipule, on transforme. Alain Bergala, critique et cinéaste, insiste sur
l’écart qui se creuse avec la projection en salle : « Le rapport au spectateur va
encore changer davantage : dans l’état actuel d’un film en salles, on est toujours pris
par la main par la linéarité du film. Mais déjà, on peut zoomer sur un morceau de
l’image pour mieux la voir pendant que le film se déroule, bientôt je pourrais choisir
pour moi seul, ce que je veux voir, plutôt du point de vue de tel personnage ou tel
autre. Je pourrai choisir un axe différent, à ce moment, ce sont les cinéastes qui vont
être dépossédés, comme le sont les chef-op aujourd’hui. Ils perdront cette maîtrise
qu’ils avaient, au moins, de la linéarité de la réception de leur film par les
téléspectateurs. » (Bergala, [2004], p. 92)
Dès son lancement, les possibilités d’interactivité du produit ont laissé
l’imaginaire public fantasmer sur un support qui rendrait le film interactif. Le DVD est
un objet qui est programmable par le spectateur, même en temps réel, il s’agit donc
de vision programmée, configurée, mais il est bien difficile de s’approcher du récit
interactif. Ainsi, Stephane Zambon, programmateur informatique et authoreur DVD
chez DVD MAKER porte un jugement nuancé quant aux possibilité d’interaction avec
le récit : « La technologie DVD n’a absolument pas été pensée pour développer des
récits non linéaires. Il s’agissait seulement de permettre un choix des titres vidéo.
Maintenant, nous sommes obliger de ruser pour réaliser de l’interactivité poussée. La
technologie est trop vieille, trop rigide. »1 Néanmoins, la possibilité de détourner
l’usage usuel des pistes de sous-titres et de multi angles permet de greffer une
approche non linéaire sur un récit originellement linéaire. Quelques réalisations ont 1 Interview réalisée par Gilles Cognet en juillet 2004 dans le cadre de ce mémoire
- 67 -
exploré cette voie : Le Manoir, première édition du concept BDVD, association de BD
et de DVD. Il s’agit de bandes dessinées filmées, montées et doublées, dans lequel
on peut choisir d’incarner un personnage, donc une certaine version de l’histoire. Le
résultat est surprenant, « bâtard » entre le dessin animé et une version cd-rom de
Cluedo1. Agnès Varda, a elle, pour le DVD de son film Les glaneuses, été filmer deux
ans après, les personnages de son film, et a intégré au déroulement linéaire du film
des « moments cliquables », qui renvoient vers un interview des personnages deux
ans plus tard. Le film propose donc deux approches parallèles d’une même œuvre.
Ce procédé a originellement été développé sur le DVD de Matrix (Wachowski,
[1999]): Un mode de visionnage du film permet d’activer une piste de sous-titres
(subpictures) et une piste d’interaction (Highlights) : pendant la lecture du film,
certaines scènes font apparaître un petit signe dans le coin de l’image : un petit lapin
blanc (qui appartient au scénario du film). En cliquant, l’on accède à un documentaire
expliquant le construction de la scène en question. Il s’agit ici d’un exemple
d’intégration complète des bonus au sein du film en lui-même. Le suivi du film se
retrouve interrompu par la consultation de documentaires, mais cette délinéarisation
est alors commandée par le spectateur. Il y a bien interactivité entre le support et le
spectateur, mais cette pratique se rapproche peut-être plus du téléspectateur qui
zappe que du joueur qui construit son récit.
Romain goupil parle lui de la « culture du zapping », propre à la génération
biberonnée à la Nintendo et au zapping télévisuel. D’un spectateur passif, qui était
sous l’emprise toute puissante du cinéma, de la linéarité chronologique du récit, et
d’un dictat de la diffusion, l’on est arrivé à un spectateur dictateur à son tour du
contenu visuel, à travers une liberté de consultation. Alain Bergala note lui « un
plaisir de circuler dans les objets audiovisuels, ça fait aujourd’hui partie d’une réalité
massive, l’impatiente est partout. Les gamins circulent comme des fous sur Internet,
il y a un plaisir de s’étourdir. » (Bergala, [2002], p. 114) Cette attitude héritée des
jeux vidéo transforme donc le spectateur en spectateur acteur, en « spect-acteur ».
La manipulation visuelle est alors privilégiée. Mais cette interaction reste, dans le cas
ici présent du DVD vidéo, plus à rapprocher à de la configuration en temps réel. Car
si nous l’avons vu quelques DVD se sont lancés dans l’expérience du récit-jeux, il
faut bien reconnaître que la grande majorité des titres édités proposent une 1 Jeux de rôle où l’on doit résoudre une affaire d’assassinat
- 68 -
interactivité annexe à la visualisation de l’œuvre principale. Le récit au sein du film
conserve alors sa linéarité et semble bien avoir du mal à se lancer dans l’aventure du
récit séquentiel.
Le cinéma se refuse d’abandonner son unique effet, qui selon Christian Metz,
repose sur la forme narrative, l’effet réaliste et l'arrangement architectural du cinéma,
le tout fonctionnant ensemble. Metz se demande si dans le futur des films basés sur
un modèle non narratif se développeront. Si c’est le cas, il suggère que le cinéma
n’aura plus besoin de générer son effet réaliste. (Metz, [1975]) L’électronique puis les
médias numériques ont déjà apporté à cette transformation. Depuis les années 1980,
de nouvelles formes animées qui se différencient du récit linéaire ont émergé, non
pas dans les salles de cinéma, mais sur les tubes cathodiques de télévision et
d’ordinateurs : clip vidéo, jeux vidéo, animation flash, interfaces homme-machine…
Si ces nouvelles formes ont nourri le cinéma au point de révolutionner sa
construction (cinéma numérique), leur propre développement amène à réfléchir sur
la définition même du récit. Carole Desbarats, cinéaste, nous le confirme : « En tout
cas, l’enjeu du numérique est bien dans ce rapport au linéaire. Mais tout ne se joue
pas dans le domaine du cinéma, les jeux vidéo proposent un autre modèle : le jeune
spectateur à aujourd’hui intégré le pouvoir qu’il a sur l’histoire qu’on lui raconte. »
(Desbarats, [2004], p. 93)
« Le spectateur doit devenir acteur ». Il y a presque dix ans déjà, un ancien
ministre de la culture (Douste-Blazy) redéfinissait le rôle du visiteur du Musée du
Louvre. En raison de ses connotations de passivité et de culpabilité, la position
spectateur semble en effet mal convenir à la consommation culturelle à l’ère
numérique. Le spectateur, sollicité pour intervenir, entre donc en connectivité avec le
dispositif par le biais d’une interface qu’il active en se déplaçant, en se mouvant ou
par contact. Ce sont ses gestes qui vont enclencher (ou non, car l’inaction du
spectateur est elle aussi souvent prévue au stade de la réalisation) des bifurcations
dans la suite des récits, des modifications dans l’écoulement temporel, ou des
changements de scène. Cette possibilité d’intervention dans le cours du film
complète l’immersion du spectateur dans le dispositif. En effet, l’immersion a toujours
été un élément important du dispositif cinématographique. Dans le cadre d’un
dispositif hypermédia, comme les jeux vidéo, elle se renforce, au travers des
- 69 -
processus d’identification aux personnages, comme devant l’écran de cinéma, mais
elle se déploie autrement. Nathalie Fougeras pense que les dispositifs hypermédias
rendent le spectateur acteur : « L’immersion ici est plus sensorielle que psychique et
se renforce d’une participation pratique du spectateur, avec tout son corps, au
monde virtuel. La prise en compte du temps resté sur une image ou celle de ses
gestes par un capteur sensitif font que le spectateur devient finalement l’acteur de
son propre geste. » Des gestes précis peuvent en effet être guidés par une
consigne : pour le DVD, la connaissance du module de contrôle (télécommande) et
son apprentissage rendu ludique par les interfaces animées.
- 70 -
III-3 Du film au concept « L’arrivée du DVD a des conséquences révolutionnaires à mes yeux, sur un plan
politique : elle permet de sortir massivement d’un rapport à l’œuvre issue de l’idée
implicite, partagée par les cinéastes et les cinéphiles, que l’histoire avait un
sens.(…)La sortie du rapport de passivité du spectateur quand la lumière s’éteint, la
sortie de la situation de maîtrise du temps accordée au réalisateur, aux
« producteurs », change le rapport au monde, à la fiction, etc.…C’est plus important
que la transposition sur un nouveau support des films classiques. » Ainsi Romain
Goupil commente t-il la « désacralisation » du cinéma qu’effectue le DVD vidéo.
(Goupil, [2002], p. 94)
Avec le DVD, l’œuvre n’est plus dans le définitif, mais plutôt une dilution de ce
définitif, une parcellisation, une segmentation. Si la sortie cinéma était jusqu’alors
l’essence même de l’œuvre cinématographique, elle n’est aujourd’hui qu’un point de
départ. Le film devient le noyau central, l’élément narratif, d’un univers filmique. Cet
univers est enrichi et détaillé par les bonus et il est international avec le multi
langues. Chez DVD Maker, studio de conception DVD, on voit le DVD comme une
interface d’accès à un univers : « La grande capacité de stockage du support permet
d’ajouter des contenus divers en relation avec le film. Notre travail est de rendre cet
assemblage cohérent, à travers un habillage audiovisuel, mais aussi narratif, de
manière à créer un univers du film »1. Le DVD prend parfois même l’apparence d’une
clé ou d’une porte; certains bonus DVD-rom contiennent des clés électroniques qui
permettent d’accéder à des contenus spéciaux sur internet.
Le modèle Hollywoodien tend vers le schéma suivant : le film est au cœur
d’une culture – une industrie – du loisir, il doit donc se développer des relations
directes avec les autres acteurs de l’ « entertainment ». L’exemple type est
Dreamworks, la major californienne créée par Steven Spelberg, Jeffrey Katzenberg
et David Geffen. Cinéma, animation et Musique sont réunis sous le même studio
pour gagner en productivité et en cohérence : un département s’occupe de la 1 Interview de Guillaume Colas, D.A chez DVD MAKER par Gilles Cognet en juillet 2004, dans le cadre de ce mémoire
- 71 -
réalisation du film pendant qu’un autre développe le jeu vidéo, ou la musique. Jean
Michel Frodon remarque à ce sujet « qu’il existe à présent une corporation nouvelle,
susceptible de travailler pour les deux départements, celles des concepteurs
designers. » (Frodon, [2002], p. 86) Les produits culturels deviennent multimédia,
multi plates formes. Si dans cette « nébuleuse culturelle » le rôle économique
apparaît évident, il faut néanmoins reconnaître une vraie sincérité à beaucoup de
réalisateurs. Reprenons le cas Matrix : Si le film est à la base un scénario, (lui-même
fortement inspiré d’autres scénarios), il devient cinéma à travers la projection d’une
trilogie, puis devient adaptation vidéo en DVD, proposant des versions longues et
ultra documentées (bonus). Voilà le noyau central Matrix. Puis les frères Wachowski
décident d’émanciper l’histoire du film, et supervisent la réalisation de courts
métrages d’animation se greffant sur l’histoire. Parallèlement, un jeu vidéo est
développé, mélangeant univers 3D et séquences cinématographiques
« traditionnelles » permettant d’explorer de nouvelles dimensions de l’univers matrix,
en tant cette fois que spect-acteur. Enfin, cette nébuleuse Matrix est alimentée à
grand renfort de soutient internet : site officiel explorant la diégèse, etc.… 1
Les réalisateurs sont-ils alors amenés à devenir des concepteurs ? Si certains
refusent catégoriquement de concevoir le film à travers le DVD, d’autres se
réjouissent de cette émancipation du film.
Au croisement de plusieurs compétences : graphisme, vidéo et multimédia,
l'authoring est un métier à forte responsabilité qui joue un rôle important dans la
deuxième vie des longs-métrages : leur sortie en DVD. Placé en bout de la chaîne de
l'industrie cinématographique, cette activité présente pour Éric Le Boloc'h des
analogies avec le clip vidéo, format qui a progressivement pris une importance
décisive pour l'industrie du disque. « Le monde du cinéma s'intéresse de plus en plus
au DVD. Il n'est pas impossible de penser qu'un jour prochain, l'authoring soit pris en
charge par le producteur du film lui-même. »2 Une évolution décisive qui autoriserait
encore plus de créativité…Ainsi, Gaumont Vidéo a laissé carte blanche à Manuel
Boursinhac pour la conception du DVD de son film, La Mentale, afin qu’il intègre
dans son DVD ce qu’il désire apporter au spectateur. Le réalisateur a une vision
particulière du support, du moins, dans le cas de son film, La Mentale. Le scénario
1 Cf l’étude de Matrix en annexe 2 Interview issue de l’article L’authoring DVD du site pixelcréation.fr
- 72 -
particulier de son œuvre (le milieu du banditisme) lui a valu des critiques acerbes de
la part de certains magazines ou quotidiens, qui ont quelque peu atteint le
réalisateur. Si le public a, en grande partie, suivi ce mythe des voyous porté à l’écran
par un casting de rêve, il n’en reste pas moins que Boursinhac estime que son film
n’a peut-être pas été compris comme il aurait du. Pour lui, le DVD apparaît alors
comme un « droit de réponse » à son film, qui dit-il a peut-être « subi une mauvaise
lecture ». De ce fait, il lui procure la chance de « remettre les pendules à l’heure, en
donnant un nouvel éclairage et des indications inédites qui permettent de mieux
saisir ma démarche et celle de Bibi Nacéri (le scénariste) ». De plus, Manuel
Boursinhac nous confie qu’il est toujours appréciable, pour un réalisateur, de prendre
du recul par rapport à sa propre œuvre, ce à quoi sert aussi le DVD.1 Et le résultat
est réussi : le DVD de la mentale est devenu le prolongement de l’œuvre, un
complément de l’univers dépeint. En regardant la façon dont sont construits les deux
disques, on se rend compte de la dualité entre le thème du film (dramatique et
violent) et l’histoire de famille qui se cache derrière la pellicule. Le DVD stockant le
film arbore un menu bleu, glacial : l’univers des voyous. Le DVD de bonus est, lui,
construit autour d’un menu d’accueil au tons chauds : l’univers de la famille. Outre
l’authoring élaboré, le DVD présente des documentaires et interviews qui expliquent
la position de l’auteur, des guides d’analyse du film, et des scènes inédites. Il
convient de préciser que le réalisateur a prémixé et étalonné les quatorze séquences
spécialement pour le DVD (pas question de présenter un rush timecodé), les a
introduites et les a commentées. Boursinhac déclare parfaitement comprendre les
réalisateurs qui tournent des scènes uniquement pour le DVD, ou en pensant, lors de
la préproduction, à ce support. Pareillement, Christophe Gans, déclare penser au
DVD dès la préproduction, après ses différentes expériences cinématographiques,
Crying Freeman (Gans, [1995]) et Le pacte des Loups (Gans, [2001]). Et cet intérêt
pour le support DVD devient croissant chez les réalisateurs, qui n’hésitent plus à
penser la conception des bonus en production.
Pour la réalisation du DVD d’Immortel (Bilal, [2004]), Enki Bilal est entré en
complète collaboration avec le studio d’authoring DVD MAKER. Le réalisateur a
voulu prendre du recul par rapport à son film, notamment à travers une discussion
sur la Science Fiction entretenue avec le co-scénariste et une présentation de son 1 Issu de l’article « Le DVD, une seconde lecture de l’œuvre» du n° 475 de SONOVISION
- 73 -
univers graphique, où l’artiste se filme en steadycam dans son atelier. « Le
réalisateur souhaitait développer des bonus variés sur l’univers d’Immortel, excuse
pour aller plus loin dans la discussion... » nous confie Guillaume Colas, Directeur
Artistique chez DVD Maker1. « Cette volonté d’exploiter le média DVD et de l’utiliser
pour réfléchir au film et au cinéma nous est toujours présente chez les réalisateurs
qui s’investissent dans l’édition DVD de leur film. Jean Pierre Jeunet, Olivier
Mégaton, Olivier Assayas, Enki Bilal ou bien encore Gilles Paquet-Brenner sont
parmi les réalisateurs qui se sont le plus investi parmi nos réalisations. Ils partagent
avec nous cette vision de développement du film, de son univers. »
« Les nouvelles technologies remettent en jeu le pouvoir de l’auteur sur son
œuvre, en même temps qu’elles redistribuent, en particulier dans la postproduction,
les différents rapports de pouvoir entre tous ceux qui concourent à l’existence du
film, jusqu’au spectateur dès lors qu’il peut ou pourra intervenir dans l’œuvre. Tout ce
qui faisait qu’un auteur avait les pleins pouvoirs sur sa création et de façon presque
millénaire. » (Mondzain, [2004], p. 98)
Dilué ou complété par des suppléments hétéroclites, le film devient le noyau
scénaristique d’un univers ramifié. Dans cette conceptualisation de l’œuvre, le
réalisateur devient auteur, de même que le spectateur devient auteur de sa
personnalisation de l’œuvre.
1 Interview réalisée en juillet 2004 par Gilles Cognet dans le cadre de ce mémoire
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IV Le DVD, un outil pour l’intelligence ?
Les bouleversements induits par les technologies de l'information et de la
communication, qu’ils soient d'ordre politique, culturel ou social sont indéniables. Ils
sont forgés par l’adoption de nouveaux outils que nous exploitons régulièrement. Si
le DVD vidéo souffre de son image d’objet ludique, culturel et commercial, il n’en
reste pas pour le moins un outil multimédia interactif dont l’usage reste
malheureusement cantonné à l’édition vidéo.
Outre la pédagogie cinéphilique qu’il développe, consciemment ou pas, à
travers les suppléments documentaires et le fétichisme de l’objet, le DVD vidéo ne se
contente pas de proposer « simplement » des contenus. L’outil technique est en lui-
même une solution pédagogique pour l’enseignement des images, pour
l’enseignement par l’image.
De plus, son utilisation qui se généralise, travaille l’ergonomie de navigation
virtuelle chez le spectateur. En complément de l’ordinateur, et des technologies
numériques de la communication, le DVD vidéo travaille les signes et les symboles
interactifs, les schématisations mentales, les nouveaux chemins que prend
l’intelligence, où le sujet coopère dorénavant avec des univers numériques
d’information « virtuelle. »
- 75 -
IV-1 Le DVD, outil pédagogique
A travers l’interpellation du spectateur, l’invitation à posséder l’œuvre, la
décortiquer et la maîtriser, le DVD se révèle un outil d’apprentissage. Si les jeux
vidéo et les applications interactives classiques (cd-rom) avaient déjà prouvé leur
rôle dans la mise en place de nouveaux schémas cognitifs, la question du DVD
n’avait jusque là pas vraiment été abordée. S’agit-il seulement d’une « culture du
zapping » propre aux nouvelles générations qui exploitent les outils proposés pour
assouvir leur impatience ? Alain Bergala, cinéaste et enseignant à la Femis se
demande comment faire pour que cette circulation devienne un acte d’intelligence.
« La réponse que nous avons choisi avec nos DVD (éducatifs, pour apprendre le
cinéma, ndlr) consiste à rendre possible de se déplacer comme on veut entre les
scènes, mais une fois qu’on a choisi de voir une scène, on ne peut pas l’accélérer,
on est obligé de la voir en temps entier. C’est une façon de ne pas confondre
circulation et impatiente, puisqu’il est évident que dans une fonction éducative, il est
hors de question de favoriser l’impatiente. » Néanmoins Alain Bergala soulève une
distinction entre deux gestes que permet le DVD, à savoir de sélectionner un
fragment et d’accélérer ; « Le DVD ne relève pas du zapping, il relève d’une action,
d’une décision de celui qui a la télécommande, d’aller voir tel morceau du film, de
l’arrêter, et d’aller voir tel autre morceau. On est plus dans le registre de la grande
école contemporaine de l’impatience, ça relève de l’intelligence, ça relève du choix,
d’une maîtrise et d’un projet. » (Bergala, [2004], p. 49)
L’enseignement s’est donc rapidement tourné vers ce support : Le DVD-vidéo
facilite d’abord le travail des enseignants utilisateurs de l’audiovisuel éducatif ou de
ceux qui, comme en géographie, exploitent les images sous toutes leurs formes :
«Le statut de l’image animée est particulier au sein d’une double hiérarchie dans les
apprentissages : l’image dans son rapport au langage et à l’écrit ; mais aussi, l’image
animée dans son rapport à l’image fixe réputée plus sérieuse. Tableaux muraux,
images des manuels, films à vues fixes et beaucoup plus tard diapositives eurent en
effet une place reconnue au sein des apprentissages, voire au sein des débats
pédagogiques et didactiques […] La possibilité d’utiliser des images animées et de
les organiser autour de lieux, de thèmes et de notions, répond à un besoin spécifique
- 76 -
pour l’enseignement de la géographie1. » Alain Bergala, alerte le Centre National de
Documentation Pédagogique sur les possibilités du DVD tout en gardant une
approche neutre du support : « Le choix du support DVD dans le volet cinéma du
Plan de cinq ans pour les arts et la culture à l’école est d’abord et avant tout un choix
de pensée pédagogique, et non une option moderniste ou techniciste. »2 (Bergala,
[2003])
L’accès simple, direct et immédiat à de nombreux documents indexés (courtes
séquences vidéo, images fixes de toutes natures, graphes et autres animations) sur
un ou plusieurs thèmes permet, sinon le remontage, du moins la mise en perspective
rapide de données jusqu’alors dispersées sur plusieurs supports. Si cet outil ne
saurait être assimilé à une simple rétro projection performante, il en possède
cependant les atouts : accompagnement et dynamisation du cours, mise en place de
démarches comparatives, insertion de séquences vidéo de courte durée ou d’images
fixes, aussi bien pour l’illustration que pour l’observation et l’analyse. Il peut tout
aussi bien être exploité individuellement par les élèves comme base de données sur
un ordinateur. « Le DVD permet un découpage logique du discours filmique linéaire
et facilite l’intégration de la vidéo sous forme de segments courts. »3 Cette
segmentation lui est parfois reprochée car elle fait perdre la vue d’ensemble du
document dont les séquences sont issues – ce dont l’enseignant devra tenir compte.
Le DVD-vidéo est donc un outil supplémentaire qui requalifie la lecture et l’analyse
d’images et s’ajoute à la panoplie de l’enseignant. Il ne remplace cependant ni la
diffusion de l’œuvre intégrale, ni le visionnage d’un long métrage dans une véritable
salle de cinéma.
Chez les professionnels de la création DVD, la question est arrêtée : « Le
DVD est assurément un outil pédagogique, je passe en ce moment même mon code
(permis moto, ndlr) grâce au DVD vidéo ! » déclare Guillaume Colas, Directeur
Artistique chez DVD MAKER.4 « Plus sérieusement, ce support grâce à son
ergonomie simple présente une bonne initiation aux univers interactifs… Je pense en
1 Francis Delarue, rapportant le Guide pédagogique du DVD Vidéo, Dossiers de l’Ecran Numérique, 2003 2 cf. articles du CNDP en annexes 3 Francis Delarue, rapportant le Guide pédagogique du DVD Vidéo, Dossiers de l’Ecran Numérique, 2003 4 Interview réalisée par Gilles Cognet en juillet 2004 dans le cadre de ce mémoire
- 77 -
particulier aux adultes et personnes âgées qui n’utilisent jamais d’ordinateur, et qui
ont pu découvrir les concepts d’icônes cliquables avec le DVD. […] En plus de la
revendication éducative de certains bonus propre au contenu (quizzs,
documentaires), le DVD apporte grâce au multi langues un apprentissage des
langues étrangères ludique et apprécié. Mais je pense que cet aspect essentiel du
DVD, son caractère pédagogique, est malheureusement mis à défaut par les
éditeurs, qui privilégient du spectaculaire. »
- 78 -
IV-2 Les nouveaux chemins de l’intelligence ?
Le DVD, en tant qu’outil numérique relevant du domaine de l’informatique,
développe donc de nouvelles facultés d’exploration informative et pédagogique. Ces
nouveaux modèles de « pensée objet » nous sont directement hérités de l’usage de
l’ordinateur. De façon plus générale, les nouveaux processus cognitifs que mettent
en place les technologies numériques trouvent leurs racines communes dans
l’informatique et les réseaux. Ainsi que le rappelle Derrick de Kerkhove dans
L'Intelligence des Réseaux, l'inventeur de l'Hyper Texte a fondé sa création sur la
nécessité dans laquelle il se trouvait de maîtriser et de contrôler l'hyper production
d'idées d'un cerveau en perpétuelle ébullition. Il pouvait ainsi suivre chaque méandre
de sa pensée, sans être victime des interruptions générées par de nouvelles
ramifications. Apparu dès 1965 , bien avant l'émergence du Web, l'Hyper Texte, qui
se définit comme « une écriture non-séquentielle avec liens contrôlés par le
lecteur », est devenu aujourd'hui une des composantes majeures de l'internet,
pratiquée de façon courante par des millions d'internautes. Mais cette délinéarisation
s’est répandue dans toute la communication, et dorénavant aussi à la communication
l’audiovisuelle. Le succès de ce mode de lecture ne repose pas seulement sur les
capacités du numérique à le rendre aisément accessible, mais aussi et surtout sur sa
parfaite correspondance avec le mode de fonctionnement naturel et spontané du
cerveau humain. Au contraire, la pensée linéaire, qui pour autant fonde très
largement notre culture, est un acquis, fruit d'un apprentissage et d'une pratique
imposés dès l'age de la scolarisation. Il est admis que seuls les esprits " créatifs " y
échappent, ceci constituant en soi la reconnaissance de la fécondité de la pensée
non-linéaire. (De kerkhove, [2000])
Ainsi Georges Vignaux, directeur de recherche au CNRS, fait–il l’analogie :
« Les nouvelles technologies de la communication et du symbolique (informatique,
médias, images, télécommunications) contribuent donc à instaurer de
nouvelles logiques de l’intelligence et de ses applications. Conjointement, les progrès
des neurosciences nous font davantage percevoir le fonctionnement de notre
cerveau. Ainsi connaît-on mieux les contributions réciproques des deux hémisphères
cérébraux, de même que les formes de coopération « modulaire » entre unités
- 79 -
cérébrales, de même encore que les étonnantes capacités d’apprentissage et de
souplesse de récupération de notre système nerveux. Le cerveau humain apparaît
comme un extraordinaire modèle de coopération entre unités constitutives, ce dont
s’approchent nos dispositifs électroniques et de communication. Les nouveaux
dispositifs techniques qui voient le jour vont de plus en plus s’inspirer de ce que l’on
apprend et de ce que l’on sait du fonctionnement du cerveau (machines à
architectures parallèles et fonctionnements distribués) ; de même, des langages et
systèmes actuellement conçus (programmation par objets, hypertextes, modèles
neuromimétiques). De facto, ces nouveau dispositifs, ces nouvelles images, ces
nouveaux systèmes de navigation dans les textes, les banques de données, des
univers plus ou moins composites posent le problème crucial de l’acculturation du
public et de l’appropriation par les utilisateurs, car ils se fondent et s’instaurent
comme nouveaux usages, nouveaux régimes d’organisation et de régulation de
l’intelligence gérant le monde. Régimes fondés sur la souplesse, la labilité, le
passage parfois sans transition d’un univers à un autre, ou encore sur la gestion
simultanée de plusieurs univers conjoints. A l’image de nos nouvelles existences… »
(Vignaux, [2003], p. 203)
Tout en prenant garde à ne pas succomber à la tentation de prophétiser un
certain avenir qui serait induit par les nouvelles technologies, il reste sensé
d’observer l’avènement de certaines pratiques qui changent notre quotidien. Ce
concept relevé par Vignaux « d’univers conjoints » est l’un des enjeux essentiel de
cette médiation technologique. Le développement des réalités dites virtuelles et la
mutation des arts de la représentation ; si le cinéma a toujours été un report ou une
illusion de la réalité, il a toujours représenté une réalité à laquelle il fallait adhérer
pour pouvoir s’y projeter et vivre l’expérience cinématographique. La nature du film
est probablement en pleine redéfinition : le DVD vidéo nous invite à s’en rendre
compte, en tant qu’outil disponible et acteur de cette révolution numérique.
- 80 -
Conclusion
Le DVD vidéo est un succès : jamais une offre technico-culturelle n’avait
connu un succès commercial qualitatif et quantitatif si rapide. (Une prédiction de 50%
des foyers équipés en France pour 20041.) Ce succès s’explique notamment par les
nouveautés du support : qualité d’image numérique, son spatial numérique,
suppléments complémentaires au film, universalité du support, configuration et
navigation interactive…
En bout de chaîne de l’exploitation cinématographique, le DVD vidéo plonge le
cinéma au cœur de l’expérience numérique, alors que la chaîne de production
cinématographique est encore en grande partie analogique. Le film est donc pensé
ou retravaillé pour ce support, et devient le noyau d’une réalisation numérique
multimédia interactive. A travers les suppléments proposés ou bien à travers les
menus de navigation, le DVD vidéo exporte les codes de la réalisation numérique
hors des effets spéciaux, de l’animation ou du jeux vidéo pour les injecter au cœur
de l’expérience Home cinéma. Le DVD devient alors le diffuseur privilégié de
l’imagerie numérique, mais aussi de l’ergonomie qui lui est propre. L’œuvre
cinématographique devient sujet à manipulation, à délinéarisation, à réinterprétation
et à conceptualisation. Loin de n’être qu’un support, le DVD représente une évolution
majeure pour le développement du cinéma numérique.
Ces bouleversements au sein de la pratique cinématographique privée
alimentent le débat d’un nouveau cinéma : sommes nous en train de vivre les
dernières années du cinéma tel que nous l’avons connu depuis des dizaines
d’années ? Le DVD vidéo créé une expérience audiovisuelle inédite, au croisement
du cinéma et du jeux vidéo. Le spectateur conditionne son visionnage et devient
auteur de sa navigation ; le film s’émancipe d’un conditionnement linéaire. Au-delà
du film, le DVD vidéo propose un univers filmique où chacun peut construire son
approche du film. Les réalisateurs et les éditeurs ont bien compris les enjeux de ce
support : ils s’investissent de plus en plus dans la conception de l’édition DVD, en
collaboration avec les studios d’authoring DVD.
1 Etudes Gfk
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Enfin, en tant qu’outil pédagogique, le DVD vidéo permet de participer à la
compréhension des changements induits par les nouvelles technologies sur notre
société : rapport à la réalité, aux objets, à l’image, aux symboles, à la virtualisation.
Les technologies numériques d’information se sont largement démocratisées au
quotidien, et le cinéma, art de la représentation et de la projection, est entré de plein
pied dans cette numérisation grâce au DVD vidéo.
Néanmoins, si les enjeux cinématographiques du DVD sont prometteurs, les
réalités économiques sont plus complexes. L’objet de ce mémoire ne se voulait pas
d’aborder les perspectives économiques de la filière numérique, mais il faudrait bien
évidemment les prendre en compte pour orienter l’avenir de ce support. Si les
acteurs culturels privilégient une exploration des contenus, les acteurs commerciaux
s’orientent vers une rentabilisation du produit. Toute la problématique actuelle de la
culture. Dans cette négociation, il reste encourageant d’observer l’engagement
passionné des studios d’authoring et des réalisateurs numériques. Ils restent les
éclaireurs et les pionniers du cinéma de demain.
- 82 -
Repères Bibliographiques Ouvrages Spécialisés Cinéma et dernières technologies Sous la direction de Beau Frank, Dubois Philippe, Leblanc Gérard INA, DeBoeck Université, 1998 Du signe au virtuel Vignaux Georges Seuil 2003 Du trucage aux effets spéciaux Hamus-Vallée Réjane Corlet-télérama, 2002 La révolution Numérique dans la production audiovisuelle et cinématographique Landau Olivier & De Peslouan Gilles Dixit, paris 1996 Le Banquet imaginaire L’Exception, Groupe de réflexion sur le cinéma Gallimard 2002 Le cinéma sans la télévision / Le Banquet imaginaire 2 L’Exception, Groupe de réflexion sur le cinéma Gallimard 2004 Le film de fiction et son spectateur Metz Christian Communications 23, 1975 L'intelligence des réseaux De Kerkhove Derrick Odile Jacob, 2000 Où va le cinéma ? Sous la coordination de Scheinfeigel Maxime Cinergon, 2003 Scénarisation & multimédia Fournier Josée Eyrolle The end of celluloïd Hanson Matt Rotovision, 2004
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Rapports et Etudes Evolution du secteur de l’exploitation cinématographique Rapport d’Information du SENAT n° 308 / 05/2003 Images de synthèses et mondes virtuels techniques et enjeux de société Rapport d’Information du SENAT n° 169 / 1997-1998 La vidéo ; perception et attentes du public Service des études, des statistiques et de la prospective du CNC. 12/2003 Le contenu des DVD Service des études, des statistiques et de la prospective du CNC. 10/2003 Les français et la vidéo Service des études, des statistiques et de la prospective du CNC. 12/2003 Nouveaux écrans, nouveaux médias Marc Wélinski pour le CNC. 04/2003 Pratiques et économie du DVD (Bonus du Banquet Imaginaire) L’exception – sous la direction de Jean-Marc Vernier. 2002 Sites Internet et articles en ligne consultés www.cnc.frConsulté régulièrement www.linternaute.comConsulté régulièrement www.lexception.orgConsulté régulièrement http://www.objectif-cinema.comConsulté régulièrement http://www.gfkms.comConsulté régulièrement http://www.lexpress.fr/info/multimedia/dossier/dvd/dossier.asp?ida=366349Consulté le 15/12/2003 http://www.multimedialaune.net/index.php?action=article&id_article=38252&print=1Consulté le 20/05/2004 http://www.cinenow.com/fr/article.php3/id,1606/Consulté le 13/05/2004
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Cowboy Bebop Shinishiro Watanabe, 2003 L’auberge espagnole Cédric Klapish, 2002 Snowboarder Edition Collector Olias barco, 2002 Gangs of New York Edition Collector Martin Scorsese, 2002 Indiana Jones – Trilogy Collector Steven Spielberg , 1981, 1984, 1989, 2003 Alien Quadrilogy Collector Scott, 1979 - Cameron, 1986 – Fincher, 1992 – Jeunet, 1997 The nightmare before Christmas Henry Selick / Tim Burton, 1993 Pulp Fiction Quentin Tarantino, 1994 Le peuple de l’herbe – Edition Collector Claude Nuridsany & Marie Pérennou, 1996 Astérix & Obelix : Mission Cléopâtre Alain Chabat, 2002 Snatch Guy Ritchie, 2000 Fight Club David Fincher, 1999 House of 1000 corpses Rob Zombie, 2003 Shaolin Soccer Stephen Chow, 2001 James Bond - 007 Edition Spéciale Collection (L’intégrale, pour les suppléments et menus) MGM, 2000 Spun Jonas Akerlund, 2002
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Evil Dead 2 – Edition Collector Sam Raimi, 1987 Strange Days Kathryn Bigelow, 1995 Rammstein : LichtspielHaus Divers, 2003 Metallica : Cunning Stunts Whayne Isham, 1998 La salle de bain JL Moreau, 2004 Le bon, la brute et le truand Sergio Léone, 1966 Il était une fois dans l’Ouest Edition Collector Sergio Leone, 1968 Le nom de la rose Edition Collector JJ Annaud, 1986 Buena Vista Social Club Edition Collector Wim Wenders, 1999 Le pacte des Loups Edition Collector Christophe Gans, 2001 Le projet Blair Witch D. Myrick & E. Sanchez, 1999 Les Temps Modernes Charles Chaplin, 1936 Le Seigneur des Anneaux I, II & III Peter Jackson, 2001/2002/2003 Ludographie Enter the matrix Atari, 2003 In Memoriam Lexis numérique / Ubisoft, 2003
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Glossaire Analogique : Signaux susceptibles de varier de manière continue et pouvant prendre une infinité de valeurs comprises entre deux limites absolues. Contrairement au numérique, cette technologie présente l'inconvénient de ne pas restituer fidèlement l'image ou le son mais seulement de manière analogue. Authoring : Programmation d’un produit multimédia à navigation, construction de son arborescence et de son interactivité. Par extension, l’authoring désigne dorénavant la conception DVD. Les studios de conception DVD sont couramment appelés studios DVD, ou studio d’authoring.
Betacam Digital: (en français BetaNum). Le format Betacam Digital est mis sur le marché par Sony en 1994. Il s'agit d'un format en composantes numériques qui est appelé à remplacer le Betacam SP pour toutes les productions très haut de gamme ainsi que pour certains besoins cinématographiques.
Compositing : Association de couches graphiques diverses de manière à obtenir une image composite finale. Le travail est effectué dans un logiciel d’infographie. DV : (Digital Video) format numérique de vidéo au standard PAL. Utilisé par les caméscopes numériques, chez le grand public, mais aussi dans le milieu professionnel via le DVcam, une version plus élaborée développée par Sony. DVD : (Digital Versatil Disc) Le format DVD est un support vidéo apparu en 1995. (Voir partie I, le DVD vidéo) Femis : Ecole nationale supérieure des métiers de l’image et du son HD : (High Definition) format numérique de vidéo, appelé à se démocratiser pour le cinéma et le broadcast. La variante la plus utilisée est le HDcam de Sony. Hypermédia : Extension de l'hypertexte à des données multimédias, permettant d'inclure des liens entre des éléments textuels, visuels et sonores. Mpeg2 : (Motion Picture Expert Group 2) Standard de compression vidéo numérique, utilisé notamment pour le DVD, la TV numérique, le SVCD et certains caméscopes.
Multimedia : Technologie de l'information permettant l'utilisation simultanée de plusieurs types de données numériques (textuelles, visuelles et sonores) à l'intérieur d'une même application ou d'un même support, et cela, en y intégrant l'interactivité apportée par l'informatique.
Réalisation numérique : technique de réalisation cinématographique qui exploite l’ordinateur pour réaliser le produit audiovisuel. La photographie peut prendre part au projet, mais la création numérique reste prépondérante.
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Steadycam : Caméra de poing. (Non à l’épaule) Télécinéma : formatage d’un support film au support vidéo. Tracking : Analyse d’une scène filmée par un logiciel qui détecte les positions et mouvements de chaque élément. Ces données permettent notamment d’ajuster les effets numériques en postproduction. VHS : (Vidéo Home System). Système d’enregistrement vidéo analogique sur cassettes développé par JVC en 1975.
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Table des annexes Annexe 1 : DVD MAKER
- Analyse institutionnelle de la structure de stage effectué en Maîtrise - DVD Maker, les fabuleux dessins d’Amélie Poulain (Sonovision 01/2002) - DVD Maker, l’union fait sa force ! (Sonovision, 02/2002) - DVD maker et pioneer en symbiose (Sonovision 02/2004)
Annexe 2 : Cinéma & Nouvelles Technologies
- Cinéma & nouvelles technologies – Matrix (www.cadrage.net 02/2003) Annexe 3 : SONOVISION
- Edition DVD, le partage de la galette (Sonovision 11/2003) Annexe 4 : L’ECRAN NUMERIQUE
- Eloge pédagogique de l’extrait (www.cndp.org) - Des équipements pour quoi faire ? (www.cndp.org) - Le DVD vidéo arrive à l’école (www.cndp.org)