l’université assane seck de ziguinchor (uasz) n’entend
TRANSCRIPT
I
« L’Université Assane SECK de Ziguinchor (UASZ) n’entend donner aucune
approbation ni improbation aux idées et opinions émises dans le présent mémoire ;
ces opinions devant être considérées comme propres à leur auteur »
II
DÉDICACES
À nos parents, Lamine MANE, Saleymata DIOP, Marietou BIAYE et
Matar SOUGOU, ainsi qu’à nos frères et sœurs,
Très chers parents, frères et sœurs, vous nous avez soutenus depuis
toujours. Soyez-en remerciés vous tous infiniment,
À Khadim NIASS, Ousmane DIALLO, Bachir MBODJI, Abi Anna
SENGNHOR, Ansou MANDIANG, Mamadou Binta NDIAYE,
Mouhamadou Moustapha FALL.
Très chers amis, votre soutien indéfectible et vos sages conseils et
orientations ont été déterminants dans la poursuite de nos études .Nous
en remercions jamais assez.
À ma tutrice, Bintou DIATTA, et à toute sa famille,
Chère tutrice, vous m’avez accueilli au sein de votre famille et traitée
comme votre propre fille. Cela a été crucial pour mener à bien nos études
universitaires ;
Enfin, à tous mes amis et camarades de classe,
Pour la serviabilité dont vous avez fait preuve, au quotidien, à notre
égard
III
REMERCIEMENTS
Mes remerciements vont expressément :
À Dieu, le tout puissant sans la grâce de qui rien n’est possible.
À ma directrice de mémoire, Françoise Bintou DIENG, Professeur assimilé
à la faculté des sciences juridiques et politiques de L’UCAD, Directrice du
laboratoire Droit patrimonial de la famille UCAD
Pour avoir accepté de diriger mon travail, pour votre disponibilité constante
malgré vos multiples et lourdes charges, mais aussi pour le soutien apporté tout
au long du processus de réalisation du travail. Vos sages conseils et orientations
nous ont été fondamentalement utiles.
Nos profondes gratitudes ;
À l’ensemble du corps professoral du département sciences juridiques et
politiques de l’UASZ ainsi qu’à tous les intervenants dans ledit
département
Très chers professeurs, vous avez bien voulu, à travers de riches enseignements, nous
laisser une bonne part de vos connaissances professionnelles .Ce qui a fait de nous ce
que nous sommes devenus aujourd’hui.
Recevez ici notre très vive reconnaissance,
Notre profond respect et nos sincères remerciements ;
Aux membres du jury
Chers membres du jury, vous avez accepté de consacrer votre précieux temps à
l’appréciation de ce modeste travail
Enfin, à tous ceux qui ont, de près ou de loin, contribué à la réalisation de ce
mémoire.
Nous vous en sommes gré.
IV
SOMMAIRE
DÉDICACES ........................................................................................ II
REMERCIEMENTS .............................................................................. III
LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS .................................................... IV
INTRODUCTION ................................................................................... 1
TITRE I- L’INCOMPATIBILITÉ DES SUCCESSIONS COUTUMIÈRES DES DIOLAS
D’OUSSOUYE AVEC LE DROIT SUCCESSORAL CONSACRÉ PAR LE CODE DE LA
FAMILLE SENEGALAIS ......................................................................... 10
CHAPITRE I - LA NON-CONFORMITE DES DEUX SYSTEMES SUCCESSORAUX A LA
TRADITION SUCCESSORALE DES DIOLAS D’OUSSOUYE .............................. 12
SECTION I : LE CARACTERE OBLIGATOIRE DE LA COUTUME EN MATIERE SUCCESSORALE .... 12
SECTION II : L’APPLICATION DE LA COUTUME EN CAS DE SUCCESSION A OUSSOUYE ........... 19
CHAPITRE II : LE REFUS PAR LES COUTUMES SUCCESSORALES DU CARACTERE
INDIVIDUALISTE DU DROIT SUCCESSORAL SENEGALAIS ............................ 35
SECTION I - LA CONCEPTION COMMUNAUTAIRE DE LA SUCCESSION COUTUMIERE A
OUSSOUYE ............................................................................................................................... 35
SECTION II : LA TRANSMISSION DES BIENS DANS LE CADRE DE LIGNAGE .............................. 44
TITRE II- LES CONSÉQUENCES DE L’INCOMPATIBILITÉ DES SUCCESSIONS
COUTUMIÈRES DES DIOLAS D’OUSSOUYE A L’ÉGARD DU CODE DE LA FAMILLE
SENEGALAIS ..................................................................................... 50
CHAPITRE I - L’EXCLUSION DES SUCCESSIONS COUTUMIERES PAR LE CODE DE
LA FAMILLE : UNE CAUSE D’INEFFECTIVITE DU CODE DE LA FAMILLE EN
MATIERE SUCCESSORALE .................................................................... 51
SECTION I - LA RECEPTION PARTIELLE DU CODE DE LA FAMILLE SENEGALAIS PAR UNE PARTIE
DE LA POPULATION .................................................................................................................. 51
SECTION II - LA REMISE EN CAUSE DE L’UNIFICATION DU CODE DE LA FAMILLE EN MATIERE
SUCCESSORALE ........................................................................................................................ 58
V
CHAPITRE II - UNE REFORME EVENTUELLE DU CODE DE LA FAMILLE
SENEGALAIS EN MATIERE SUCCESSORALE .............................................. 65
SECTION I - LA REINTRODUCTION DES SUCCESSIONS COUTUMIERES DANS LE CORPUS
JURIDIQUE SENEGALAIS ........................................................................................................... 65
SECTION II- LA SOLUTION PRECONISEE POUR LE MAINTIEN, L’APPLICATION ET LE RESPECT DU
CODE ........................................................................................................................................ 72
CONCLUSION .................................................................................... 79
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................. 82
ANNEXES ......................................................................................... 88
VI
LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS
AL. : Alinéa
Art. : Article
B.A.C.S. : Bulletin des arrêts du Sénégal
C.S : Cour Suprême
C/ : Contre
CA : Cour d’appel
CCF : Code civil français
cf. : Code de la famille
CIRCOFS : Comité islamique pour la réforme du Code de la famille au Sénégal
COCC. : Code des obligations civiles et commerciales
CPC. : Code de procédure civile
CREDILA : Centre de Recherche d’Etudes et de Documentation sur les Institutions et
les Législations Africaines
ÉD. : Édition
J O.R.S : Journal officiel de la République du Sénégal
L.G.D.J : Librairie générale de droit et de jurisprudence
LITEC : Librairies Techniques
NEA. : Nouvelles éditions africaines
P. : Pages
P.U.F : Presses Universitaires de France
R .jur.pol.Ind.coop : Revue juridique et politique, indépendance et coopération
R.A.S.D.P : Revue de l’association sénégalaise de Droit pénal
R.G.D : Revue générale de droit
VII
R.S.D : Revue sénégalaise de droit
S. : Suivant
T. : Tome
UMS. : Union des magistrats du Sénégal
UNESCO : Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture
VOL. : Volume
1
INTRODUCTION
Avant la déclaration officielle de l’indépendance du Sénégal en 1960, c’est le droit de
l’ancienne métropole coloniale et celui des tribunaux musulmans qui assuraient nos
règles de vie, selon notre appartenance religieuse, qu’elle soit chrétienne ou islamique.
Cette période coloniale est aussi marquée par un pluralisme de statuts1 : statut de droit
positif, statut islamisé, statut animiste, et statut chrétien. À cette époque les citoyens
répondaient « de ressorts juridiques différents : au régime coutumier, polyforme, se
superposait, sans s’y opposer véritablement, un droit civil moderne dont il était même
difficile de relever l’efficacité dans la matière de l’état des personnes2 ».
Soucieux de consolider la cohésion nationale et d’assurer le développement du pays,
le Sénégal, comme d’autres États africains, a été le terrain de confrontation entre les
pratiques coutumières et le droit issu de la colonisation3. C’est incontestablement pour
cette raison que le Sénégal, à l’instar de certains États africains nouvellement
indépendants4, s’est attelé à offrir un nouvel État un droit moderniste et uniforme5. Il
fallait ainsi, pour ces derniers, construire une législation moderne, un droit de l’avenir6
et conforme aux identités nationales.
C’est dans ce contexte que l’élaboration du Code de la famille n’a pas été une chose
facile du fait de la complexité du domaine. Face à ces difficultés, les autorités
sénégalaises ont été prudentes dans l’élaboration du Code de la famille et la procédure
de codification se déroula en plusieurs étapes et s’étira de 1961 à 19727. Ainsi durant
onze (11) années, le problème principal qui se posait, en effet, à la codification était
celui du choix entre les règles traditionnelles et un droit plus moderne : entre la coutume
et la loi. Dès lors, c’est au 1er janvier 19738, que le Code de la famille est entré en
1 M. BROSSIER « Les débats sur le droit de la famille au Sénégal. Une mise en question des fondements
de l’autorité légitime ? », Politique africaine 2004 /4 (N°96), p.80 2 D.C.SOSSA, « Présentation générale des personnes et de la famille », in La Personne, La famille et le
droit en république du Bénin .Contribution à l’étude du Code des personnes et de la famille, Editions
JURIS OUALINO, 2007. p.7. 3 R .Degni-Ségui, « Codification et uniformisation du droit », Encyclopédie juridique de l’Afrique, NEA
1982, p.453 4 L’exemple du Mali et la Cote d’Ivoire 5 Les quatre orientations voulues par le législateur sénégalais : l’unification du droit patrimonial de la
famille, la laïcisation du droit patrimonial de la famille, le respect du principe de laïcité et le respect du
principe d’égalité ; cf. Serge. GUINCHARD « le droit patrimonial de la famille au Sénégal », Tome
XXXII, NEA 1980, p.37 6 R. Degni-Segui, « Codification et uniformisation du droit », précité, p.459 7 S. GUINCHARD « Droit patrimonial de la famille au Sénégal », précité, p. 36 8 Loi n°72-61 du 12 juin 1972, JORS du 12 aout 1972
2
vigueur malgré son long processus d’élaboration9. C’est donc en raison, d’une démarche
vers le modernisme en tenant compte du développement économique et social, que la
prudence est recommandée. Car le droit en Afrique a une fonction de promotion comme
l’a dit André Tunc10 « le droit présente en Afrique une importance presque plus grande
encore qu’ailleurs, du fait que les coutumes africaines, qui sont juridiques en même
temps que sociales et religieuses, sont souvent extrêmement riches, complètes, et
englobent tous les aspects de la vie des hommes et des communautés humaines »
Ce faisant, la réforme opérée après l’indépendance du Sénégal a marqué une rupture
tant sur la forme que sur le fond dans le domaine de la famille11. Plusieurs défis
s’étaient posés au législateur sénégalais, car le domaine de la famille est par excellence
le domaine des mœurs traditionnelles, de la coutume et de la religion12. C’est dans ce
sens que MARC ANCEL affirme, « de graves options sont à prendre entre le passé et
l’avenir, comme entre les influences diverses qui peuvent s’exercer contre le
législateur 13». Ceci, montre d’autres problèmes juridiques qui apparaissent essentiels à
la politique législative. Un équilibre doit être établi, et il est d’autant plus difficile de le
faire que la poussée législative est forte et que la volonté de modernisation s’affirme
souvent avec une urgence délibérée. C’est pourquoi Kéba Mbaye14 dans son rapport
général affirme « qu’il fallait des valeurs de remplacement, si l’on ne veut pas que le
vieil édifice de la société africaine s’ébranle et menace de tomber15». Il faut alors éviter
toute rupture inconsidérée avec la tradition autochtone, et faire en sorte que, le droit
qu’on instaure ne soit pas trop en avance par rapport à l’état actuel des populations qu’il
doit régir.
9 Par un décret n°16-145 du 12 avril 1961 , JORS du 29 avril 1961, était mise en place par la commission
de codification du droit des personnes et du droit des obligations , composée de professeurs , magistrats,
avocats , administrateurs et de personnalités choisies en raison de leur connaissances en matières
coutumières .Un organisme chargé de décider des orientations du Code de la famille , un comité des
options , sera ensuite crée par un autre décret du 23 décembre 1965 , JORS du 8 janvier 1966, p. 22 10 A. Tunc, « Les aspects juridiques du développement économique ». Etudes préparées à la requête de
l’Unesco sous la direction d’André Tunc, in Dalloz 1966, pp. 1et suivantes 11 R. Decottignies « Requiem pour la famille africaine », Annales africaines, 1965, p.251 et s 12 R. Decottignies « Prière pour l’Afrique », RSD., 1967, p. 13 13 M. ANCEL, Préface à l’ouvrage collectif, « Le droit de la famille en Afrique noire et à Madagascar »,
Paris, Ed G.P Maisonneuve et La Rose, 1968, P.10. 14 Premier président honoraire de la cour suprême du Sénégal 15Le droit de la famille en Afrique noire et à Madagascar. Etudes préparées à la requête de l’UNESCO
sous la direction de Kéba Mbaye, Paris, Editions, G.P, Maisonneuve et la Rose, 1968, 11p
3
Ceci, se manifeste par le fait que les rédacteurs du code de la famille offre une
hypothèse de pluralisme juridique16 comme celui du mariage. A cet égard, deux formes
de célébrations du lien matrimonial sont prévues17: l’une est civile, l’autre coutumière18.
Mais c’est surtout dans le domaine des successions ab intestat19, que le législateur
distingue nettement les successions de droit moderne d’inspiration occidentale et celles
de droit musulman d’inspiration islamique. Par ailleurs, le législateur en offrant une
hypothèse de pluralisme juridique dans le droit des successions, a procédé à une
éviction des coutumes dans cette matière qui fait essentiellement l’objet de notre étude.
C’est pourquoi il serait intéressant d’étudier le code de la famille sénégalais à l’épreuve
des successions coutumières.
Que faut-il entendre par successions coutumières ? Cette expression ne saurait être
comprise que si l’on essaye d’appréhender la notion de succession. Le mot succession a
deux sens dans le code de la famille, selon qu’il s’agit des successions de droit moderne,
ou celles de droit musulman. Dans le premier cas, la succession peut être définie comme
« la transmission du patrimoine d’une personne décédée à une ou plusieurs personnes
vivantes 20». Ensuite, elle est perçue comme l’ensemble des biens transmis au décès du
défunt21. La succession correspond à la fois au processus de dévolution, de partage et de
liquidation de ce que le de cujus a laissé à ses héritiers. Cependant, il se peut que le
défunt ait organisé en partie ou totalement la transmission de son patrimoine22 en ayant
recours à des libéralités par acte entre vifs (donation) ou par libéralités à cause de mort
(testament) : il s’agit dans ce cas de succession testamentaire. En droit musulman au
contraire, la succession n’est pas la transmission du patrimoine, c’est-à-dire de l’actif et
du passif du défunt. Elle réalise seulement la transmission de l’actif. La succession
musulmane est une succession aux biens23, par opposition à la succession de droit
16 A.SOW. SIDIBE «Le pluralisme juridique en droit sénégalais des successions ab intestat » 17 K.MBAYE, «L’évolution des formes du mariage au Sénégal », mélanges ANCEL, pp. 189 et s 18 S. GUINCHARD, « Le mariage coutumier en droit sénégalais », R.I. D.C.1978, n°3, pp.81 et s 19 Cette expression signifie des successions à l’absence de testament, autrement dit c’est des successions
établies par le droit positif successoral Sénégal. 20 Planiol-Ripert et Boulanger, « Traité élémentaire de droit civil ».T.III, 3édition.1948, P.471 21 S. GUINCHARD « Droit patrimonial de la famille au Sénégal », précité, p. 69 22 Actif et passif notamment les dettes et taxes dues. 23 Ici on dit comprendre que le droit musulman des successions consiste simplement en une transmission
des biens de l’actif, communément appelée succession des biens.
4
moderne qui est une succession à la personne24. Sur ce, il est opportun de définir la
notion de coutume, pour avoir une meilleure appréhension des successions coutumières.
La coutume vient du latin consuetudinem qui signifie façon d’agir établie par
usage, perpétuant la tradition. Elle est composée de deux éléments : l’élément matériel25
et l’élément psychologique26. Dans le jargon juridique, le mot coutume est « une règle
issue des pratiques traditionnelles et d’usages communs consacrés par le temps et qui
constitue une source du droit, reconnue par les tribunaux, elle peut suppléer la loi ou la
compléter, à condition de ne pas aller à l’encontre d’une autre loi27 ». Ainsi, il serait
opportun de souligner l’existence de la coutume constitutionnelle qui désigne
l’ensemble des règles non écrites résultants de précédents concordants, règles qui sont
respectées par les pouvoirs publics d’un Etat. La coutume constitutionnelle dont il est
question, est une coutume qui se greffe sur une constitution. Mais pour pouvoir se
prétendre au rang de coutume, ces règles non-écrites doivent se répéter dans le temps de
manière continue et elles doivent conduire à un élément psychologique.
Par ailleurs, cette définition juridique de la coutume est différente de celle
sociologique, qui la définit comme « des éléments de la culture qui sont transmis de
génération en génération et qui, par conséquent, sont liés à l’adaptation de l’individu au
groupe social28».
24 Il s’agit d’une transmission à titre gratuit des biens et des droits actifs et passifs d’une personne (le de
cujus) au profit d’autres personnes survivantes : les héritiers ou que l’on appelle les successibles désignés
par la loi. Lorsque l’on examine les modalités de succession, on parle de succession légal ou succession
ab intestat (ab : pas de). C’est le seul cas ou un patrimoine peut être transmis en intégralité car le principe
d’indisponibilité du patrimoine ne vaut qu’entre vifs. Il désigne l’ensemble du patrimoine lui-même. 25 L’élément matériel est objectif, réside dans une pratique générale et durable. L’appréciation de ces
caractères de généralité et de durée, sont inhérents à la coutume : ne dis ton pas que « une fois n’est pas
coutume » de sorte que la pratique isolée d’une personne ou d’un groupe de personnes, qu’une pratique
temporaire n’est pas suffisante à générer la coutume. L’adage « une fois n’est pas coutume » témoigne
surtout de l’élément de durée qui sous-tend la coutume : à la différence de la loi, qui prend effet et cesse
instantanément, la coutume suppose une tradition interrompue. 26C'est de suivre la règle coutumière avec la conviction d'agir en vertu d'agir une règle obligatoire. Toute
règle de droit a un caractère obligatoire. Le sentiment du caractère obligatoire de la règle coutumière
apparaît comme son élément matériel, c'est à dire de manière spontanée. Un jour, les individus ont la
conviction que suivre la coutume est obligatoire : c'est l'élément psychologique de la coutume qui est
subjectif. Les personnes qui suivent cet usage doivent avoir le sentiment qu'il s'impose à elle avec la force
d'une règle de droit. L'usage est alors devenu coutume et une véritable règle de droit est apparue. Il faut
enfin dire qu'elle est sa place en droit interne, dans notre système juridique actuel. 27 Définition juridique de la notion de coutume, trouvée sur www.toupie.org/ Dictionnaire La Toupie,
consulté le 01/02/2018 à 9h 40 28 Définition sociologique de la notion de coutume, trouvée sur Lesdefinitions.fr / Concept et Sens,
consulté le 01/02/2018 à 9h
5
En outre, la coutume est un ensemble de règles à l’origine non-écrites qui grâce à un
usage constant et répété acquiert force obligatoire, le sentiment que l’usage correspond
à une norme juridique (l’opinio juris): elle s’oppose donc au droit écrit.
Cependant, il importe d’établir une distinction entre la coutume et l’usage. En
principe la différence tient au fait que la coutume est obligatoire, l’usage ne l’est pas.
Par ailleurs, l’usage peut dans certains cas, être obligatoire. Par contre l’usage
conventionnel est celui qui n’a qu’une valeur limitée à contrario de l’usage de droit29.
C’est pourquoi, tout usage de la vie sociale ne devient pas forcément une coutume. A
moins qu’il existe une conviction que le respect de l’usage est une obligation qui en fait
une coutume30. Toutefois, certaines coutumes ont valeur de droit, car il arrive que la
coutume soit reprise dans une loi, elle aura force de loi parce qu’elle aura changé de
nature. Cependant, elle peut avoir trois natures différentes31. Il s’agit des coutumes
secundum legem32, des coutumes Praeter legem33 et enfin des coutumes contra legem34
qui existe en dehors de la loi.
Toutefois, notons que le droit coutumier africain a une conception des successions
qui dépasse de loin les biens et concerne également, et surtout, les fonctions et les
personnes à la charge du défunt. Et que la pratique coutumière successorale n’a rien de
juridique vu les dispositions du code de la famille sénégalais en matière successorale.
Ceci, laisse à comprendre que ces coutumes successorales sont des coutumes contra
legem.
Ainsi, notre étude portera essentiellement sur les successions ab intestat, c’est-à-
dire celles qui sont réglées par la loi en l’absence de testament et les successions
coutumières contra legem. La succession testamentaire, à savoir celle dévolue selon la
volonté du défunt, exprimée dans un testament, ne sera pas analysée dans le cadre de ce
29 A. Kassis « Théorie des usages du commerce », (droit comparé, contrats et arbitrages internationaux,
lex mercatoria), R.I.D.C, 1985, p.481 30 J.Moreau.David, « La coutume et l’usage en France de la rédaction officielle des coutumes au Code
civil : les avatars de la norme coutumière », R.H.F.D, n°18,1997, P.125-157 31 Cours de droit dans Droit privé article publié dans www.cours-de-droit.net « la coutume : définition et
rôle » consulté le29/ 01/2018 à 14h 32 En ce qui concerne les coutumes secundum legem, il existe certaines hypothèses, le législateur fait un
renvoi à la coutume pour régir certaines situations juridiques. Par exemple l’article 830 CF fait un renvoi
à la coutume en matière de forme de célébration de mariage 33 Les coutumes praeter legem viennent combler les lacunes d’une loi, elles ont force obligatoire en
absence de loi 34 Dans le cas des coutumes contra legem, elles existent non seulement en dehors de la loi. Mais elles
renforcent l’inapplicabilité de la loi. Les individus continuent alors de se soumettre à leurs coutumes
6
travail. Par ailleurs, les successions ab intestat sont réglementées dans le livre VII du
Code qui prévoit deux types de succession : celle de droit commun et celle de droit
musulman. C’est dans ce domaine que les rédacteurs du Code de la famille ont introduit
un véritable dualisme en matière successorale, bien que ce dualisme soit limité à un
« choix » entre le droit commun (calqué sur les dispositions du Code civil français) et le
droit musulman35. En revanche, l’application des deux droits successoraux régie par le
Code de la famille est boiteuse, car la persistance des pratiques successorales
coutumières aboutit à créer un déséquilibre dans l’application du Code de la famille.
Cependant, les successions coutumières sont des pratiques qui se font à l’encontre du
Code de la famille. Malgré l’éviction des successions coutumières dans le Code, celles-
ci sont toujours vivaces dans certaines couches de la population.
Dès lors, en raison de la multiplicité des pratiques coutumières successorales au
Sénégal et par des raisons de commodité, le sujet s’intéresse à une communauté
traditionnelle du Sénégal qui est celle des diolas d’Oussouye36. Par ailleurs, ce sujet
peut être analysé de diverses manières étant donné que, pour mieux le cerner, il nous
semble opter pour la méthode comparative, c’est-à-dire en faisant une analyse comparée
entre le droit successoral sénégalais et les coutumes successorales des diolas
d’Oussouye. Une telle étude aura pour intérêt de chercher les différences ou les
ressemblances dans la pratique successorale de ces deux mécanismes de successions.
Ainsi, l’établissement des différences entre ces mécanismes de succession permettra
de démontrer qu’il y a déphasage entre le droit successoral sénégalais et les coutumes
successorales des diolas d’Oussouye. Par contre, les ressemblances permettront de
montrer qu’en réalité les pratiques coutumières successorales de cette communauté ne
sont pas toujours en déphasage avec le droit successoral ; afin d’établir que ces deux
systèmes successoraux utilisent le même mécanisme dans le cas du partage successoral
exemple : le partage d’inégalité entre l’homme et la femme (droit musulman des
successions et les successions coutumières).
35 A.S.SIDIBE «Le pluralisme juridique en Afrique », L.G.D.J, 1991 36 Le département d’Oussouye est situé au sud du fleuve Casamance dans l’un des estuaires les plus
étonnants de l’Afrique de l’Ouest. Près de quarante mille habitants y sont dénombrés. Le groupe ethnique
diola est majoritaire. Il a une conception très particulière de la vie sur son territoire. Parmi les thèmes fort
d’une culture très riche, la religion animiste sera retenue (c’est l’étiquette sur laquelle les colons ont rangé
les diverses religions autochtones méconnues jusqu’à la) ainsi que le roi( autorité religieuse et morale très
importante), ce qui entoure le riz et sa culture , le vin de palme et sa récolte , le rapport à la terre , la
conception de la famille les traditions pour les funérailles, les mariages, un langage sifflé ….Ce
département est depuis longtemps , un centre d’intérêt pour les anthropologues, les sociolinguistiques , les
biologistes et plus généralement pour tous ce qui s’intéressent aux aventures de l’esprit.
7
En plus de la méthode comparative, la méthode inductive serait utile à l’analyse de ce
sujet, cette méthode nous permettra de faire un examen méthodique permettant de
distinguer les différentes parties d’un problème et de définir leurs rapports. Ainsi, par un
raisonnement inductif, nous allons considérer les choses dans leurs éléments plutôt que
dans leur ensemble. De ce fait, la méthode inductive ne saurait être effective de par un
rassemblement des données.
Ainsi, ce sujet relatif à l’étude du Code de la famille à l’épreuve des successions
coutumières : cas des diolas d’Oussouye, est une question qui est loin d’être épuisée, car
les débats sur le droit de la famille constituent un creuset politique, social et culturel
pour une redéfinition des grands principes fondateurs du Code, mais aussi pour une
réappropriation par les citoyens. Ce Code entend en effet moderniser les rapports au
sein de la famille par exemple : l’état civil, la filiation, le statut de la personne, le
divorce, la succession, etc. Par ailleurs, cette démarche du Code de la famille n’est pas
soutenue par les coutumes successorales. Ces dernières sont des pratiques qui ont
toujours résisté au Code, car elles se veulent conservatrices en respectant les pratiques
de leurs ancêtres.
Partant de là, on peut, par simples formules, se poser la question de savoir Est-ce que
les successions coutumières sont conformes au droit successoral consacré par le Code
de la famille? Quelles seraient éventuellement les conséquences qui en découleraient ?
En d’autres termes, Quelles conséquences découleraient de la non-conformité des
successions coutumières face à celles consacré par le Code de la famille? Face à toutes
ces questions les réponses nous permette de procéder à une analyse théorique et pratique
du sujet. Ce présent travail de recherche s’appuie plus particulièrement sur des sources
législatives, des enquêtes ainsi que des articles publiés sur la question.
L’intérêt de cette étude est donc d’apprécier, la politique du Code de la famille en
matière familiale, qui est un domaine très sensible, et d’apprécier la question
d’adaptabilité et de conformité des pratiques successorales coutumières au Code de la
famille. C’est ainsi que Serge GUINCHARD affirme qu’«… au triomphe apparent du
modernisme répond comme en écho la résistance de la tradition37 ». En outre, il
convient de souligner que l’élaboration du Code de la famille sénégalais a toujours
suscité une récurrence des débats sur le droit patrimonial de la famille. Dès lors, cette
37 S. GUINCHARD, précité, p. 37
8
étude peut permettre de tirer des enseignements de ses échecs issus de la résistance des
pratiques coutumières successorales au droit positif successoral. Ceci permettra alors de
préconiser des solutions. Néanmoins, de telles approches présentent plusieurs intérêts,
puisqu’elles permettent de préciser que l’élaboration du Code de la famille sénégalais
est marquée par une idée dominante qui est la foi dans le modernisme ; d’où un Code de
présentation moderne. Il convient de préciser que l’entrée en vigueur du Code de la
famille marque une rupture avec la tendance générale dégagée par les pratiques
traditionnelles. Cette rupture apparait à deux niveaux. D’une part, la tendance observée
de l’orientation du Code ; marquée par la conception d’individualisme, car le but du
législateur n’étant plus le respect absolu de la tradition, mais la réalisation de certains
objectifs jugés essentiels dans le cadre d’une politique de développement. D’autre part,
l’influence des coutumes a entrainé la réalisation d’une synthèse entre deux systèmes
juridiques : le droit moderne largement inspiré du Code civil français et le droit
musulman qui est inspiré des traditions musulmanes. Toutefois, on remarque que
l’exclusion des coutumes successorales dans le Code de la famille nous oriente à
réfléchir sur la question de l’ineffectivité du Code en matière successorale. Car
l’inapplication du Code est confirmée par la résistance des coutumes successorales face
au droit positif successoral.
Cette recherche tente donc de montrer le déphasage qui existe entre le droit positif
successoral et la pratique coutumière des diolas en matière successorale. Cependant,
l’ambition assignée au Code de la famille a nécessité de la part du législateur sénégalais,
de véritables ruptures avec la tradition. Pour le législateur, il fallait impérativement un
« système juridique qui ne soit plus un frein au développement socio-économique du
pays38.
En réalité, cela a entrainé une certaine inadéquation entre le droit «voulu» et celui
« vécu »39. Cette communauté est, en effet, essentiellement composée des diolas
animistes et de ce fait ces coutumes animistes sont vivaces à l’heure actuelle dans cette
communauté. Cependant, ce mémoire vise à rendre compte de l’incompatibilité des
coutumes successorales des diolas à Oussouye avec le droit successoral consacré par le
Code de la famille sénégalais. Celle-ci est justifiée par le refus du caractère
38 Serge. GUINCHARD, « Réflexions critiques sur les grandes orientations du Code sénégalais de la
famille », précité, p. 181 39 V. A .Sow. SIDIBE, « Le pluralisme juridique », précité, p. 13
9
individualiste du droit successoral sénégalais, mais aussi par une inadéquation des deux
systèmes successoraux du Code à la tradition successorale d’Oussouye. Tout en
essayant de proposer des solutions pour remédier à ce phénomène qui persiste et qui
fragilise notre système juridique.
Pour une approche dynamique de cette étude, il importe d’analyser dans une première
partie l’incompatibilité des coutumes successorales des diolas d’Oussouye avec le droit
successoral consacré par le Code de la famille sénégalais (TITRE I), cette
incompatibilité nous amène à nous soucier de l’avenir du Code en matière successorale,
de ce fait doit-on laisser ces coutumes contra legem fragiliser notre système juridique ?
La réponse semble être négative, dans la mesure où, si on laisse à chaque communauté
traditionnelle d’appliquer sa propre coutume successorale, nous serons amenés à nous
poser la question de savoir quel est alors l’intérêt du travail de la commission de
codification de notre Code ? Dès lors, soucieux de toutes ces questions nous allons voir
les conséquences de l’incompatibilité des successions coutumières à l’égard du Code de
la famille sénégalais (TITRE II).
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TITRE I- L’INCOMPATIBILITÉ DES SUCCESSIONS
COUTUMIÈRES DES DIOLAS D’OUSSOUYE AVEC LE DROIT
SUCCESSORAL CONSACRÉ PAR LE CODE DE LA FAMILLE
SENEGALAIS
Au Sénégal, le droit successoral testamentaire consacre la liberté pour le défunt de
désigner ses héritiers comme il l’entend40 et celui ab intestat se rattache au Code de la
famille sénégalais désignant les différents héritiers du défunt en matière successorale. Il
nous semble que cette idée n’est pas exacte concernant les coutumes successorales des
diolas à Oussouye, car nous le verrons le principe essentiel des coutumes successorales,
c’est l’idée selon laquelle « les biens sont la propriété de la famille entière plus qu’un
individu 41 ». À l’image de la société africaine, la question des successions reste de
manière indéniable l’affaire de la famille. En Afrique, les successions sont du domaine
sacré auquel nul n’a osé toucher jusqu’à l’arrivée des colons dans le terroir africain. Ces
derniers ont voulu réformer les institutions familiales et traditionnelles et fort
malheureusement la réforme tant voulue n’est pas totale du fait de l’existence vivace
des coutumes africaines. La matière des successions n’est pas celle qui puisse être livrée
à l’improvisation du législateur ; elle touche de trop près à la vie réelle des êtres, à leurs
habitudes et à leurs traditions. Aussi les rédacteurs du Code de la famille sénégalais
(dont les grandes orientations étaient l’unification du droit patrimonial de la famille, la
laïcisation du droit patrimonial de la famille, le principe de liberté et le principe
d’égalité42 ) ne pouvaient pas méconnaitre à quel degré, ils étaient sur ce point
tributaire, du passé. De ce fait, de nombreuses solutions d’inspirations modernistes sont
brisées dans leur application par la résistance de la tradition. C’est ce que Michel
40 La possibilité de designer ses successeurs par testament n’est pas totalement libre. Cette détermination
unilatérale rencontre une limite dans l’institution de la réserve héréditaire. Le testateur doit tenir compte
des règles de la dévolution légale et notamment du fait que celle-ci n’est pas supplétive ; pour les deux
tiers de ses biens il ne dispose d’aucune possibilité de déroger à leur répartition entre ses héritiers tels que
désignés par le législateur. 41 Cette conception reste une croyance forte chez les Africains de manière générale. Les biens du
patrimoine, au moins les plus importants, sont considérés comme appartenant moins à l’individu qu’au
groupe familial. C’est une société qui est voisine de la nature. On rencontre chez les primitifs beaucoup
d’interdictions et de prescriptions qui s’expliquent par de vagues associations d’idées, par la superstition,
par l’autonomisation. Elles ne sont pas inutiles puisque l’obéissance de tous à ces règles, même absurdes,
assure à la société une cohésion plus grande, du devoir de famille. Par ricochet l’utilité de la règle existe,
du fait qu’on se soumet à elle. En d’autres termes les lois des hommes se font à l’image des sociétés
humaines. En ce sens les lois et les coutumes ne pouvaient, en tout état de cause et avant longtemps, que
le reflet des conditions de vie de ses hommes. 42 Serge GUINCHARD, Droit patrimonial de la famille au Sénégal, successions libéralités régimes
matrimoniaux, page 37 et S.
11
ALLIOT appelle « La grande force de résistance du droit traditionnel43 ». Partant de
ces idées, l’œuvre du législateur se révélait particulièrement délicate dans
l’aménagement de la succession au Sénégal. Le droit successoral sénégalais s’avère
incompatible avec les coutumes successorales des diolas à Oussouye.
Par ailleurs, cela se justifie par la non-conformité des deux systèmes successoraux à la
tradition successorale d’Oussouye (Chapitre I), et aussi le refus par les coutumes
successorales du caractère individualiste du droit successoral sénégalais (Chapitre II).
43 Pour ALLIOT parler de la grande force de résistance du droit traditionnel conduit à reconnaitre que la
tradition est singulièrement vivace en matière familiale. Car le triomphe du modernisme n’est pas totale
ce qui a influencé le législateur sénégalais d’édicter deux systèmes successoraux l’un d’inspiration du
droit français et l’autre d’inspiration du droit musulman
12
CHAPITRE I - La non-conformité des deux systèmes successoraux à la
tradition successorale des diolas d’Oussouye
Les successions ab intestat de droit commun et les successions ab intestat de
droit musulman apparaissent aujourd’hui comme des données parallèles. Elles ne sont
pas complémentaires, car il n’est pas possible de les mélanger. Et par conséquent, le
choix de l’une entraine ipso facto l’inapplicabilité de l’autre. Ce choix reviendra
exclusivement à l’intéressé, qui est le titulaire du patrimoine. Ce dernier de par son
silence ou de par son comportement, déterminera le système successoral qui lui sera
applicable. Mais, la coutume successorale des diolas à Oussouye ne s’adapte pas dans
tous ces deux systèmes successoraux. Étant donné, qu’à l’intérieur de ce groupe,
s’affirment des pratiques coutumières successorales qui, en l’absence de loi, finissent
par s’imposer et acquérir valeur obligatoire (Section I) et apparaissent finalement
applicables dans tous les cas de succession (Section II).
Section I : Le caractère obligatoire de la coutume en matière
successorale
La question de la force obligatoire44 de la coutume en matière successorale doit
être envisagée sous deux angles différents. Toute coutume prend naissance au sein d’un
groupe social dont les individus sont essentiellement soumis à des règles coutumières,
celles auxquelles on doit obligatoirement se référer chaque fois que se reproduisent des
circonstances identiques pour résoudre une dévolution successorale (Paragraphe I).
Ceci tend vers une stabilité sociale et économique au sein du groupe (Paragraphe II).
44 Les notions de force obligatoire et de force contraignante sont parfois confondues, il apparaît nécessaire
de les distinguer. Le Vocabulaire juridique de Gérard Cornu définit non le terme de « force
contraignante » mais le terme « contraignante ». Il le définit comme l'exercice d'une contrainte effective
(soit de pur fait, soit de fait et de droit) ; qui s'impose par la force (légitime ou non). Dans une deuxième
définition, il assimile contraignante et force obligatoire : « en un sens abstrait, juridiquement obligatoire ;
doté de « force obligatoire »Pour pouvoir distinguer ces deux notions, il faut s'interroger sur la force de la
norme : est-ce que la norme s'impose ? C'est la question de sa force obligatoire. Comment s'impose-t-
elle ? C'est celle de sa force contraignante. « Force obligatoire » et « force contraignante » peuvent exister
l'une sans l'autre. Ainsi une recommandation, par définition dénuée de force contraignante, peut-elle, dans
certains de ses aspects, acquérir une force obligatoire par l'effet de l'intervention du juge. Prenons
l'exemple des recommandations de la Commission des clauses abusives : en principe dépourvues de force
obligatoire, elles ne lient pas leurs destinataires. Pourtant, elles sont respectées à la fois par le législateur,
par les professionnels qui en tiennent compte pour rédiger leurs contrats et par les juges qui s'en servent
pour justifier leurs décisions. Le droit doux est lié à la force obligatoire et le droit mou à la force
contraignante.
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Paragraphe I -Une obligation issue des règles coutumières
Définie de par son caractère obligatoire, cette obligation de respecter la coutume
est singulièrement vivace en matière successorale (A) et elle contraint chaque individu
qu’elle régit à la respecter sous peine de sanction en cas de violation (B).
A : Une obligation singulièrement vivace en matière successorale
Il est impératif d’appliquer la coutume en matière successorale, étant donné que
cette dernière a une force obligatoire et qu’elle tient de celle-ci son caractère
contraignant. Par ailleurs, il serait important de s’intéresser à la nature de cette
obligation en s’interrogeant sur la nature de l’obligation singulièrement vivace en
matière successorale. L’obligation est-elle juridique, naturelle ou morale ? La réponse
qui sera apportée à la nature de l’obligation sera déduite de la distinction faite entre
l’obligation juridique, l’obligation naturelle et l’obligation morale.
Dans les obligations juridiques, « l’obligation est définie comme étant un lien de
droit en vertu duquel une personne, le créancier peut exiger d’une autre, le débiteur,
l’exécution d’une certaine prestation qui peut être une abstention45». C’est ce qui fait
dire au professeur Jean Louis CORREA que « le lien qui unit le créancier et son
débiteur est un lien de droit46 ou encore un lien juridique, son application peut être
assurée par la force publique ». En effet les caractères47 de l’obligation juridique
permettent de la distinguer des autres obligations, comme celle de l’obligation morale et
naturelle.
Alors que dans l’obligation naturelle, le débiteur se sent lié en conscience, elle
n’est pas susceptible d’exécution forcée. En cela, elle ressemble à un devoir moral et tel
est le versement d’une pension alimentaire à un frère ou une sœur dans le besoin. La
majorité de la doctrine semble épouser la thèse selon laquelle l’obligation naturelle est
fondée sur le devoir moral et qu’elle est en intermédiaire entre les obligations juridiques
et les obligations morales48.
45 I. Y. NDIAYE, cours de droit des obligations, UCAD, inédit 46 J.L.CORREA, cours de droit des obligations, UASZ, inédit 47 L’obligation juridique présente d’abord un caractère personnel : personnel s’oppose ici à familial ; elle
est personnelle à celui qui l’a souscrite. 48 L’environnement juridique « Peut-on parler d’opposition entre le droit et la morale ? » Ici l’auteur
démontre qu’il a une opposition entre le droit et la morale mais une opposition à relativiser, en ce sens il
dit « l’opposition entre le droit et la morale est classique et o priori justifié : le droit a pour but le maintien
14
Mais notons, par ailleurs que les obligations naturelles peuvent devenir des
obligations juridiques si le seuil du juridique est atteint49.
Dans l’obligation morale, l’individu se sent obligé par lui-même ou par le groupe social
qu’il appartient, de par son comportement ou de par sa conduite à l’égard des règles
établies par son groupe social. Donc il pèse sur lui une obligation d’être conforme avec
les préceptes avancés par son groupe social.
Tel est le cas des coutumes successorales des diolas d’Oussouye, dont les
coutumes sont obligatoires, en ce sens qu’elles sont appliquées pour n’importe quel cas
de dévolution successorale. Nous pouvons donc noter que la nature d’obligation en
matière successorale est alors morale. Dans l’imaginaire des membres de la société
diola d’Oussouye, la coutume est le support matériel déterminant pour les successions.
Ainsi, la coutume successorale regroupe de croyances et pratiques héritées des ancêtres
et qui sont transmises de génération en génération. C’est dans cet entourage traditionnel
que la hiérarchisation sociale, par rapport à sa génération, à ses ancêtres va s’apprendre
et, elle est enseignée telle qu’elle est conçue sans aucune modification50. C’est ce qui
fait que cette tradition diola est la valeur culturelle ancestrale la plus respectée. La
coutume successorale est protégée par les fétiches qui ne supportent aucune défaillance.
De ce fait, l’efficacité de la coutume découle de son caractère obligatoire. Il
incombe de forcer moralement les membres de la communauté à l’obéissance à la
coutume. En ce sens, il ne peut y avoir d’application de la coutume successorale sans
qu’il ne se produise une quelconque obligation pour agir ou ne pas agir dans un sens
déterminé par le bien commun. En conséquence, cette obligation en conscience
correspond à la volonté de dire ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas faire au regard
des mœurs étant donné que, la désobéissance à ses pratiques successorales est
combattue dans toutes les formes51. En effet, le caractère obligatoire de la coutume dans
cette communauté exige qu’une place soit faite à la coutume successorale parce qu’elle
répond à une nécessité sociale permanente en harmonie avec les instincts profonds de
de l’ordre social ; la morale, le perfectionnement intérieur de l’homme. Le droit et la morale n’ont donc
pas la même finalité et traitent de sujets différents ». 49 Voir J.L.CORREA, Droit des obligations, Université Assane Seck de Ziguinchor. 50 Voir Françoise KI-ZERZO « Les sources du droit chez les diola du Sénégal », logiques de transmission
et des statuts chez les diola d’Oulouf (Casamance, Sénégal), Paris, Editions Karthala, 1997, page 22et s. 51 La coutume diola ne tolère aucune désobéissance des membres de la communauté à son égard. De ce
fait, il serait impardonnable aux membres de cette communauté d’être méconnaissant aux pratiques
coutumières. Les sanctions peuvent être du domaine mystique.
15
cette communauté diola. Alors, un sentiment naturel et inné conduit à respecter les
pratiques coutumières anciennes et aussi le fait qu’une pratique accréditée par un long
usage soit appliquée de manière obligatoire satisfait la nécessaire aspiration à la sécurité
et à la stabilité des intérêts de la communauté.
B : La sanction de la violation de la coutume successorale des diolas
La violation de l’obligation morale ne peut être assortie que d’une sanction
morale. Dès lors, si un individu du groupe ne respecte pas les principes coutumiers
établis par sa communauté il sera alors mis à l’écart. La société des diolas à Oussouye
est une société à majorité fétichiste et très conservatrice de ses valeurs traditionnelles ou
chaque membre du groupe doit suivre et respecter les pratiques coutumières à défaut,
une sanction divine ou religieuse pèse sur lui. S’inscrivant dans la tradition négro-
Africaine, la coutume successorale diola s’émerge dans un champ de morale, de
divinité, de nature …qui se rapproche de la pensée idéaliste. Selon Abdoul Aziz
Diouf « la pensée idéaliste subordonne le droit à des réalités essentialistes,
axiologiques…52». Dans cette conception, toute disposition contraire au droit idéal serait
injuste. En ce sens, la question des valeurs et des croyances divines ne se rattache pas
seulement à l’individu, mais plutôt au groupe social. Ainsi, dans la pensée négro
Africaine c’est la conscience qui est interpellée53 et que la violation des règles
coutumières est sanctionnée par un trouble de la conscience.
Cependant, il importe de noter que dans cette communauté Diola il y a
différentes confessions religieuses, parmi lesquelles : la présence des diolas animistes
ou encore fétichistes, des diolas islamisés et des diolas christianisés. Malgré cette
diversité de confession religieuse, cette société s’aligne du côté de la coutume. De ce
fait, peu d’importance est accordée à la règle de droit qui est, pourtant, une règle d’ordre
général et impersonnel s’imposant à tous les sujets de droits. Malheureusement, ce
principe de la règle de droit semble quelque part souffrir du fait que dans ce milieu
traditionnel la loi ne fait pas le poids.
Ainsi, vu la force obligatoire de la coutume en matière successorale chez les
Diolas d’Oussouye, les membres de cette communauté sont contraints à respecter les
pratiques coutumières successorales sous peine d’une sanction. La nature de cette
sanction ne peut qu’être morale dans la mesure où, l’individu sera mis à l’écart dans son
52 A.A.DIOUF, cous de philosophie du droit, université cheikh Anta Diop, inédit 53 Aspect moral et aspect subjectif
16
groupe social, mais aussi sera banni et méprisé par l’esprit de ses ancêtres. En outre,
l’individu défaillant à ses pratiques coutumières éprouvera des remords, des regrets
c’est-à-dire des reproches de sa propre conscience. Il s’agit donc des sanctions purement
internes et même éloignées des sanctions juridiques dominées par les moyens de
contrainte de l’autorité étatique.
La sanction à l’inapplication de la coutume successorale présente deux aspects,
des sanctions d’ordre exogène et des sanctions d’ordre endogène. Les premières sont
liées à la conscience du défaillant tandis que les secondes sont liées à la société c’est-à-
dire que le défaillant éprouve un sentiment de rejet de la part de sa communauté.
Malheureusement, la sanction ne se limite pas seulement du côté de la personne
défaillante, et cela a pour conséquence d’affecter toute la lignée de la personne allant
jusqu’à ses descendants qui auront des difficultés pour s’intégrer dans cette
communauté. Puisque leur ancêtre étant une personne bannie de la communauté, une
personne défaillante aux mœurs de sa communauté, les esprits ne sont pas de son côté.
C’est pourquoi dans ce milieu diola les règles coutumières sont diffusées d’une
façon préventive pour assurer l’obéissance qu’elles demandent. Par ailleurs, la
contrainte produite par la société, qui par essence postule une exécution immédiate se
veut impliquée dans tous les domaines. Mais le domaine de la succession reste un cas
bien conservé par cette société, parce que la communauté des diolas à Oussouye est très
liée à ses liens de parents, et à ses terres. Ceci s’inscrit dans un domaine purement
traditionnel, donc ces populations ne sont pas prêtes à délaisser leur coutume pour
épouser les règles établies par le droit moderne qui s’est largement inspiré du droit
français. Aussitôt, on se pose la question de savoir si cette prétention relative à la
coutume successorale peut être admise54. La réponse nous semble alors être négative,
car si on permettait à cette communauté diola de ne pas se conformer à la loi, en
pratiquant leur coutume traditionnelle, cela ne va-t-il pas enfreindre les objectifs du
Code de la famille ? Doit-on laisser la coutume successorale des diolas être indifférente
au droit successoral sénégalais ? bien que cette dernière participe à la stabilité sociale de
sa communauté.
54 Celle-ci se justifiant par le fait qu’on est dans un État de droit ou tous les sujets de droit sont dans
l’obligation de se conformer aux règles de droit établies par l’État faute de quoi. Ils seront sanctionnés par
l’autorité publique
17
Paragraphe II - La finalité du caractère obligatoire de la coutume successorale
La finalité poursuivie par la coutume successorale des diolas à Oussouye est de
maintenir l’ordre social traditionnel (A), mais aussi d’assurer la cohésion et l’harmonie
dans la famille (B).
A: Le maintien de l’ordre social traditionnel
À l’image de la règle de droit qui a pour finalité d’instaurer un certain ordre public en
assurant la stabilité des institutions. La coutume tente d’assurer l’ordre social55
traditionnel en instituant des règles coutumières qui sont obligatoires. Alors que la
sécurité de la coutume repose sur des mécanismes de prévention permettant aux
membres de la société de mesurer les conséquences de leurs faits et actes. Cependant,
l’émergence du pouvoir de la coutume dans ce milieu est marquée par la singularité de
ses pratiques. Cette singularité s’explique par des relations très particulières que les
gardiens des mœurs entretiennent avec l’esprit des ancêtres. Dans cette communauté
diola, le roi, qui est en harmonie avec les forces de la nature dont il est dépositaire,
remplit une mission de prospérité, de protection, d’espoir, etc. Il dispose alors d’une
influence au maintien de l’ordre social traditionnel.
De plus, il faut noter qu’à Oussouye il serait très difficile de faire appliquer la loi à
cette partie de la population sénégalaise dans la mesure où, elle vit encore dans la
royauté. Le roi est alors le gardien de cette communauté et la nature sacrée de son
pouvoir s’explique par le fait que les forces de la nature trouvent leur prolongement
dans la société à travers la personne du roi dépositaire de la force mystique et de la
coutume. Il n’est pas une personne ordinaire, car lui-même est titulaire d’une force
vitale qui émane de lui permettant de faire face aux difficultés de la vie. Toutefois, dans
la plupart des sociétés africaines, la coutume trouve sa source dans les rites, des mythes
et dans la volonté de Dieu.
55 L’ordre social est le principe de causalité ou de finalité qui régit les activités humaines ; il est décrit et
apprécié selon différents concepts qui peuvent être regroupés en systèmes tels qu’étudiés par les sciences
sociales (exemple : système marxiste, système capitaliste, etc.). L’étude de l’ordre social revient à dresser
l’état de ces sciences, consulté sur Hpps.//www.initiationphilo.fr le 05janvier 2018.
La notion d’ordre social est aussi définie comme l’ensemble des règles qui permettent un bon
fonctionnement à la société, c’est aussi la conformité à une règle, une norme consulté sur www.
Dictionnaire. Reverso .net, le 05 janvier 2018.
18
L’ordre social traditionnel ne peut, en ce sens être assuré que par la coutume.
L’impact de l’ordre social dans la succession coutumière des diolas d’Oussouye
entraine une bonne organisation de la succession et assure une certaine tranquillité au
sein de la famille. Tous les membres de la famille sont alors soumis à des normes, des
principes, des règles qu’ils sont obligés de respecter. Dans cette communauté, nul n’a le
droit d’enfreindre l’ordre social traditionnel qui est essentiellement destiné à défendre
des positions jugées indispensables pour maintenir la stabilité de la communauté.
Conséquemment, l’ordre social traditionnel est présenté comme ayant un caractère
exclusivement traditionnel et son intervention participe à la protection et à la
sauvegarde de certaines pratiques coutumières.
Cependant, le respect de l’ordre social traditionnel renforce le maintien de la cohésion
familiale et de l’harmonie dans cette communauté. Par ailleurs, le concept même de la
famille africaine est fondé sur la cohésion, la solidarité et l’harmonie au sein d’une
communauté.
B : Le maintien de la cohésion et de l’harmonie dans la famille
Le pouvoir traditionnel successoral est influencé par l’existence du pouvoir
fétichiste56. Le pouvoir fétichiste a mis un accent particulier sur le phénomène des
esprits. Dès lors, pour comprendre la véritable nature sacrée du pouvoir traditionnel, il
faut remonter aux conceptions cosmogoniques. Ainsi, sa nature sacrée s’explique par le
fait que le pouvoir traditionnel trouve son prolongement dans la société à travers la
personne du chef ou du roi. La communauté est obligée de ce fait, de suivre les
recommandations des coutumes qui sont détenues par le roi d’Oussouye57. Partant de là,
56 Ensemble de pratiques religieuses dédiées aux fétiches ; en Afrique religion traditionnelle animisme par
opposition au christianisme et à l’islam. Figurément, il signifie confiance aveugle, sans limite, que
certaines personnes inspirent à leurs disciplines, à leurs partisans, à leurs troupes. C’est le respect du
fétichiste. 57 Il n’est pas rare d’entendre qu’Oussouye est la ville la plus conservée et conservatrice du Sénégal et,
l’une des plus authentiques d’Afrique occidentale. En effet, Oussouye conserve encore ce charme des
villages africains des siècles derniers. A Oussouye, tout est rythmé par les traditions, gardées par le roi,
chef religieux et politique des Diola. Le roi incarne un mythe impénétrable, sacré jusqu’à son
accoutrement. Toujours pieds nus et tenant à la main un balai fait de feuilles de palmier, le roi porte
toujours une tunique rouge avec un bonnet de la même couleur. Un petit tabouret en bois sculpté d’une
seule pièce selon la pure tradition Diola, fait office de trône royal. Où qu’il aille, même lorsqu’il est invité
à prendre part à une cérémonie officielle dans un autre village de son royaume, sa Majesté le roi
d’Oussouye ne se sépare jamais de son siège sur lequel il est le seul habilité à s’asseoir. Privé de toute
sorte d’arme pour garantir sa propre sécurité et dicter sa volonté, le roi tient dans la main un balai qui
revêt un pouvoir mystique inaliénable dont il se sert pour se protéger et garantir la paix et la cohésion
sociale dans son royaume. L’accoutrement du roi est personnel. Dans le royaume d’Oussouye chaque roi
vient avec sa propre tunique rouge et son bonnet de la même couleur, son balai, son siège; qu’il est appelé
19
nul n’est censé ignorer les préceptes coutumiers de sa communauté et la tradition reste
toujours le support qui régularise et organise les membres de cette communauté. Donc il
est hors de question que ces coutumes adoptent des règles qui ne sont pas reconnues
dans leurs pratiques coutumières car ces règles assurent le maintien de la cohésion et de
l’harmonie dans la famille.
Par ailleurs, la société diola doit sa cohérence et sa cohésion à la diversité des
statuts et des pouvoirs. Même si elle a été décrite comme une société égalitaire sans
castes, il existe un système pyramidal, fondé sur la spécification des statuts.
L’interdépendance résulte, de la structuration sociale qui est fondée, sur la notion de
responsabilité. Le principe d’interdépendance permet à la société d’assurer son
harmonie. Ainsi, la pratique des règles coutumières permet la reproduction harmonieuse
du groupe58.
Comme l’écrivait Hampaté Ba59 dans « Aspect de la civilisation africaine » :« essayer
de comprendre l’Afrique et l’Africain sans l’apport de la religion, c’est ouvrir de
gigantesques armoires vides de leurs contenus ». Si l’on prend ainsi l’exemple des
diolas, la tradition est rattachée au personnage du roi. La tradition impose l’unification
des esprits et des cœurs à travers la langue diola. Celle-ci permet cependant le maintien
de la cohésion et l’harmonie dans ce milieu traditionnel.
Section II : L’application de la coutume en cas de succession à
Oussouye
Le droit successoral n’est pas appliqué à Oussouye, le support matériellement
compètent pour servir de texte demeure la coutume. Face à un cas de succession à
Oussouye les règles coutumières successorales préconisent de répartir les héritiers en
ordres (Paragraphe II) après avoir procéder à la désignation d’un collège neutre et
impartial (Paragraphe I).
à amener avec lui à la tombe à la fin de son règne comme on le dit lorsqu’un roi décède, car ici, on
considère “qu’un roi ne meurt jamais, mais termine plutôt sa mission”. Propos recueillis du chargé de la
communication auprès de la cour royal d’Oussouye ; Monsieur Pompidou.
58 F.Ki-Zerbo « Les sources du droit chez les diola du Sénégal », Logiques de transmission et des statuts
chez les diola du Oulouf (Casamance, Sénégal), Paris, Éditons KARTAHALA, 1997, P.45-56 59 A. Hampathé Ba, Aspect de la civilisation africaine, p.10 et s.
20
Paragraphe I - La désignation d’un collège sous l’avis de la famille du de cujus
La désignation de ce collège est faite par la famille du de cujus. Cette pratique
montre une inadéquation parfaite des pratiques coutumières successorales des diolas à
Oussouye au droit successoral consacré par le Code de la famille sénégalais. En ce sens,
le rôle de juge est dévolu à ce collège dans la mesure où il ne peut être effectif sans sa
composition (A) tout en notant que son pouvoir de décision est irrévocable (B).
A : La composition du collège en matière successorale
À la lumière du Code de la famille sénégalais en matière successorale,
l’instrument juridique compètent pour connaitre la dévolution de la succession est
organisé par le décret n°2015-1145 du 03 Aout 2015 fixant l’organisation et la
compétence des cours d’appel, des tribunaux de grande instance et des tribunaux
d’instance. Contrairement à la coutume diola, l’instrument compétent pour connaitre la
dévolution de la succession est le collège composé des membres de la famille supposés
être neutres dans cette procédure. Ce collège est alors issu de la famille du de cujus, ce
dernier est l’organe compétent chargé de déterminer les héritiers, mais assure aussi le
partage des biens du défunt à ses héritiers.
Il est supposé être impartial et neutre, il épouse dès lors les caractéristiques du
juge sénégalais à savoir l’impartialité et la neutralité du juge. Ce dernier ne doit
appliquer que la loi et participe au concours de sauvegarde des libertés individuelles. La
composition du collège est du ressort de la famille du de cujus, c’est la famille du de
cujus qui est habilité à déterminer ce collège en ce sens, composé des tantes paternelles
et des oncles paternels. Ce sont ces personnes qui composent le collège. Alors, il serait
important de s’intéresser à la neutralité et à l’impartialité du collège. Dans l’imaginaire
des membres de la société diola la ligne paternelle occupe une place très importante et
influente dans le système de lignage raison pour laquelle les parents paternels sont les
plus indiqués dans les cas de dévolution successorale coutumière chez les diolas. Donc
il revient à ce collège de procéder à la désignation des futurs héritiers du de cujus. Cette
pratique est en total déphasage avec le droit successoral consacré par le Code de la
famille sénégalais. À la lumière du Code de la famille, deux régimes de successions
sont prévus pour la dévolution successorale60 s’agissant du droit commun et du droit
60 Cf. à l’article 838 du Code de la famille sénégalais
21
musulman61. Il faut aussi noter que le dispositif légal de ces deux régimes de succession
est le Code de la famille. Alors que le cas des diolas d’Oussouye ne repose que sur des
croyances et des pratiques héritées des ancêtres transmises de génération en génération.
Une fois que ce collège est désigné, il détermine l’ensemble des héritiers du de
cujus qui sont appelés à la succession. Cependant le collège joue un rôle de rassembleur
des héritiers du de cujus. Il est donc investi du pouvoir de procéder à la dévolution
successorale qui se rapporte à la désignation des héritiers. Cependant le mode de
dévolution appliquée dans ce cas, n’est pas la dévolution par la loi62 encore moins la
dévolution par testament63. Ce constat nous permet encore une fois de dire que la
pratique coutumière successorale des diolas à Oussouye n’est pas en conforme avec le
droit successoral consacré par le Code de la famille sénégalais. En ce sens, il faut noter
que cette coutume successorale diola est contra legem64, donc cette pratique ne mérite-t-
elle pas d’être critiquée ; dans un postulat purement rattaché au droit positif65. Puisqu’en
effet, la loi qui est d’ordre général, impersonnel doit être appliquée par tous les sujets de
droit. Malheureusement, l’application tant voulue de la loi n’est pas satisfaisante.
Ce phénomène est beaucoup plus prépondérant en matière successorale. En ce sens,
on se pose la question de savoir si le Code de la famille sénégalais a réellement réussi
son objectif principal qui est l’uniformisation du droit de la famille sénégalais. La
réponse à cette question nous semble être négative dans la mesure où, on constate
souvent des difficultés d’applicabilité du droit en matière successorale. Car l’existence
de deux systèmes successoraux au sein d’un même ordre juridique, ayant tous les deux
vocations à règlementer la même situation, peut être source d’hésitation du droit
applicable.
En effet, l’établissement des règles n’a de sens que si elles sont appliquées sans
hésitation, car cela participe à la sécurité d’un ordre juridique. À cet instant, il faut noter
qu’au Sénégal l’application du droit matériel successoral n’est pas automatique parce
qu’avant de procéder à la dévolution successorale, il incombe au juge de déterminer le
droit successoral applicable qui est soit celui de droit commun ( la dévolution légale),
61 N. DIOUF, Droit de la famille « La pratique du tribunal départemental au Sénégal », Mars 2011, abis
Edition, page 125 62 Correspond à la succession « ab intestat » ou encore la succession de droit commun 63 Le de cujus de son vivant désigne la ou les personnes qui vont lui succéder 64 Des coutumes qui sont à l’encontre de la loi c’est-à-dire se sont des pratiques qui sont en totale
déphasage avec la loi 65 Un droit en vigueur dans un système juridique
22
ou bien celui de droit musulman nécessitant de caractériser le comportement du de cujus
de son vivant. De ce fait, si le de cujus de son vivant a manifesté de façon expresse ou
tacite sa volonté de voir son héritage dévolu selon les règles du droit musulman66 les
règles du droit commun seront, par conséquent écartées et données place au droit
musulman qui s’apparente à une règle d’exception des successions en droit sénégalais67.
Cependant, en matière de succession, les rédacteurs du Code de la Famille ont introduit
un véritable dualisme qui serait quelque part source d’une éventuelle difficulté
d’applicabilité du droit. Le choix donné aux intéressés d’opter pour le système
successoral voulu, ce choix en pratique n’est plus exercé par les intéressés, plutôt par les
pouvoirs publics68. Dès lors, la question qui se pose est de savoir si l’ambition assignée
au Code de la famille a-t-elle atteint son paroxysme ? La réponse à cette question nous
semble être négative, car si l’option des intéressés est entachée d’une quelconque limite
cela semble entraver à la liberté d’option des intéressés dans la mesure où le juge aussi,
n’a pas pour rôle d’interpréter la volonté du de cujus, mais d’appliquer un droit
successoral. En d’autres termes, il doit juste se limiter à la volonté des intéressés.
Contrairement à la coutume Diola, ce dualisme en matière de succession n’est pas
connu, car cette société diola n’a qu’un dispositif pour régler la dévolution successorale
il s’agit évidemment de la coutume qui est la clé de voûte de cette communauté diola.
En réalité, la seule règle capable de régir cette communauté reste la coutume. Par
ailleurs, les pouvoirs assignés à l’État ou au juge dans le milieu moderne sont les
mêmes pouvoirs qui sont assignés aux autorités coutumières. Ces dernières ont une
mission sacrée et par conséquent, elles sont les mieux placées pour régir la société diola
car leur pouvoir est étroitement partagé entre le divin et l’humain. C’est-à-dire une large
relation entre le monde des ancêtres et celui des hommes. Ils sont alors des personnes
d’une grande importance à l’égard de la société diola d’où leurs paroles et faits sont
synonymes d’application immédiate au sein de la communauté. Ils sont en quelque sorte
vénérés69 et ont un pouvoir décisionnel irrévocable.
B : La décision irrévocable du collège
66 Art 571 CF 67 V. en ce sens F.K. Camara, « Le Code de la famille du Sénégal ou de l’utilisation de la religion comme
alibi à la législation de l’inégalité de genre », communication au 1er Colloque inter-réseaux du programme
thématique « Aspects de l’Etat de droit de l’Agence universitaire de la francophonie (AUF), Genre,
inégalité et religion, Université Cheikh Anta Diop, IDHP, Dakar 25-27avril 2006, P.19 68 F.K. Camara, précitée, P.14 et s 69 V. M. Kamto, « Pouvoir et droit en Afrique noir », LGDJ, 1987, pp. 58 et s
23
Le collège qui est le répondant du juge70 en matière successoral est l’organe
compétent pour procéder à la dévolution successorale des diolas à Oussouye. Ce collège
est investi d’un pouvoir traditionnel dans cette communauté ou, il a pour fonction de
déterminer les héritiers du de cujus selon la coutume successorale. En ce sens, il rend
une décision irrévocable71, c’est-à-dire sa décision n’est pas susceptible de recours72, car
il n’y a pas un collège supérieur. En outre, les membres de la société sont obligés de se
conformer à sa décision par peur de subir des sanctions qui sont non seulement d’ordre
interne, mais externe aussi. Dès lors, une fois que le collège rend une décision, celle-ci
est automatiquement appliquée par les intéressés. Il n’y a pas alors une possibilité
d’attaquer cette décision, car en amont les membres de cette communauté sont avertis
des sanctions en cas de violation. Toujours la personne membre de cette société à une
obligation morale qui pèse sur lui, car le respect des préceptes édictés par sa
communauté sont intouchables. Autrement dit, les règles coutumières relèvent du
domaine sacré, du domaine des ancêtres donc la conformité à ces règles demeure une
obligation pour le membre.
Par contre, dans ce système de dévolution successorale, le Code de la famille est
parfaitement ignoré du fait de son inapplication dans cette société coutumière, car au
lieu de saisir le juge par le biais du Code de la famille en matière successorale, les
membres de cette société préfèrent procéder à leurs pratiques coutumières. À cela
s’ajoute une question relative à cette résistance des coutumes successorales face au droit
successoral sénégalais .Ainsi, la question qui se pose est de savoir est-ce que par simple
ignorance que cette société diola n’applique pas le Code de la famille ? Mieux, est-ce
que c’est par simple résistance face au Code ? En principe au regard du droit positif à
travers l’adage « nul n’est censé ignoré la loi », nul ne peut donc se prévaloir d’avoir
70 Le juge est l’organe compétent pour procéder au partage des biens qui met fin à l'indivision. Il peut être
amiable ou judiciaire (en cas de mésentente entre les héritiers). Tout héritier peut demander le partage.
Certains héritiers peuvent demander à se faire attribuer en priorité certains biens du défunt. Des frais sont
à payer si le partage se fait par acte notarié. 71 L’irrévocabilité apparaît comme une notion bien imprécise. Au-delà de cette rapide définition
consistant à expliquer l’irrévocabilité par la fermeture ou l’épuisement de toutes les voies de recours,
aucun développement d’envergure ne lui a été consacré. Face à l’importance de la finalité consistant à
assurer la stabilité de la chose jugée, ce constat a de quoi surprendre. Voir en ce sens, Cédric Bouty
« l’irrévocabilité de la chose jugée en droit privé », Aix en Provence, presses universitaires d’Aix
Marseille, 2008, p.13-50. 72 Contrairement au droit positif successoral : les voies de recours sont des moyens mis à la disposition
des justiciables et des plaideurs pour leur permettre d’obtenir un nouvel examen du procès ou d’une partie
de celui-ci ou encore de faire valoir les irrégularités observées dans le déroulement de la procédure .Il
existe plusieurs classifications des voies de recours : on distingue d’une part , les voies de recours
ordinaires ( opposition et appel) et d’autre part les voies de recours extraordinaires ( pourvoi , tierce
opposition , requête civile , recours en révision , recours en rectification d’erreur matérielle).
24
ignoré l’existence de la loi pour prétendre une violation quelconque de cette règle de
droit qui s’impose à tous les sujets de droit. Donc cette thèse nous semble insoutenable
c’est, par ailleurs, celle de la résistance des coutumes successorales face au Code de la
famille.
En vérité, le débat de résistance entre la coutume et la loi est loin d’être terminé, du
fait que la pensée négro-africaine sur les coutumes reste et demeure encore le support
qui leur permet de se rattacher à leurs valeurs socio culturelles. Malgré, cette position
des coutumes successorales dans cette communauté, elles sont dans un autre sens,
sources de contrainte, de discrimination et d’inégalité entre les héritiers. Si par ailleurs
la neutralité du collège est remise en cause du fait que les membres de ce collège sont
des successibles dans le patrimoine du de cujus; comment peut-on admettre que la
décision du collège soit irrévocable en matière successorale ? Or on peut en réalité se
douter de la neutralité et de l’impartialité de ce dernier et, qui peut entrainer des sources
de conflit successoral dans la famille dans la mesure où la source du conflit elle-même
est problématique. Cependant, s’il s’avère qu’un héritier conteste de la décision du
collège, le conflit est alors porté en interne c’est-à-dire la famille se regroupe en interne
pour régler le conflit à l’amiable sous la bannière de « le linge sale se lave en famille »
comme on dit souvent en Afrique. Donc il n’y a pas possibilité de saisir un organe
supérieur au collège qui pourra de nouveau procéder à la dévolution, car il n’existe pas
d’ailleurs de collège supérieur encore moins de saisir le tribunal pour ce cas. De plus, il
y a à côté la contrainte morale qui pèse sur le défaillant à ces pratiques coutumières : les
intéressés ne vont jamais saisir le juge et l’affaire reste donc en interne. Ceci ne permet
pas de garantir le respect et les droits des héritiers qui sont beaucoup plus proches du
défunt à savoir ses descendants.
En marge avec le droit successoral sénégalais, la coutume successorale,
puisqu’elle est une coutume contra legem peut-elle se prévaloir contre la loi ? Sur ce, la
jurisprudence française a, par le biais de plusieurs décisions rendues, décidée que la
coutume n’avait pas le pouvoir de déroger à la loi73. Donc la réponse nous semble être
négative, car il serait dangereux de reconnaitre à la coutume contra legem une valeur
concurrente à celle de la loi. Cette coutume est dans l’obligation de se conformer à la loi
et à la hiérarchie des sources de droit. On ne peut noter alors que la coutume
73 Cour de Cassation française, « L’usage quel que soit ancien qu’il soit, ne peut jamais prévaloir sur
l’autorité de la loi » (cf. Crime. 30 juin 1827 .Gen . Forets, n769)
25
successorale des Diola à Oussouye ne donne pas droit aux intéressés ou aux héritiers de
contester la décision du collège, leurs droits sont alors méconnus. De ce fait, cette
pratique coutumière successorale n’est pas avantageuse pour les héritiers qui se sentent
défavorisés. Contrairement, dans le droit successoral sénégalais, l’héritier qui se sent
lésé dans une dévolution d’un partage ou encore d’une liquation successorale des biens
du de cujus, peut saisir la juridiction compétente afin que cette dernière statue sur
l’affaire. Si l’on parle en terme davantage, le droit successoral sénégalais est beaucoup
plus avantageux, car il offre à l’héritier lésé des voies de recours devant une juridiction
supérieure afin d’obtenir un gain de cause.
En droit successoral sénégalais, dans la pratique juridictionnelle les principes
branches du contentieux de la dévolution successorale sont dévolus en première
instance au tribunal départemental, car le droit successoral est une partie intégrante du
statut personnel donc la compétence des tribunaux départementaux est du premier
ressort et celle des tribunaux régionaux est en appel, tel est le principe de base. Ainsi on
donne une compétence au tribunal d’instance pour connaitre de la dévolution
successorale74. Cependant puisque le droit successoral est considéré comme une partie
intégrante du statut personnel, certaines juges accordent au tribunal départemental la
compétence pour connaitre des actions en liquidation et en partage desdites successions.
Malheureusement, cette position n’est pas très soutenue par certains juges75 sénégalais,
dans la mesure où, l’on note une querelle de position sur la question de la juridiction
compétence dans les différentes phases de la succession76.
D’aucuns considèrent aussi que « le tribunal départemental est donc bien compétent
pour connaitre la dévolution successorale ainsi que les actions de liquidation d’une
succession 77». Dès lors, un autre auteur apporte une thèse contraire en affirmant
« qu’en matière de liquidation et de partage successorale c’est le tribunal régional qui
est compétent78». Par ailleurs, même si le débat sur la question est loin d’être terminé
entre ces deux auteurs, le droit successoral sénégalais a cependant nourri de grandes
réflexions sur la question de la juridiction compétente en matière successorale pour un
74 Loi 2014 fixant l’organisation judicaire du Sénégal 75 P.A.TOURE, juge au tribunal Régional Hors classe de DAKAR et Ndigue DIOUF 76 Dévolution, liquidation et partage judicaire 77 Voir en ce sens N. DIOUF « Droit de la famille, pratique du tribunal départemental au Sénégal », abis
Edition, mars 2011 page 116 78 P.A.TOURE « La compétence exclusive du tribunal régional en matière de liquidation et de partage
successorale : A propos de l’arrêt de la cour suprême du Sénégal du 21 avril 2010 » nouvelles annales
africaines, numéro 1 / 2010, page 233
26
simple but : celui de faciliter l’accès à la justice pour les intéressés tout en veillant à leur
avantage.
Paragraphe II - La répartition des héritiers en ordre
Contrairement, à la détermination des héritiers dans les successions de droit
commun et à la détermination des héritiers dans les successions de droit musulman, la
coutume successorale diola présente d’une manière différente la détermination des
héritiers à celle des deux systèmes successoraux consacrés par le Code. Toutefois, la
coutume successorale diola établit en premier lieu, les différents ordres d’héritiers (A) et
en deuxième lieu, procéder à la dévolution successorale entre les différents ordres
d’héritiers (B).
A : Les différents ordres d’héritiers dans les successions coutumières des diolas
d’Oussouye
Dans les successions coutumières des diolas d’Oussouye, les héritiers sont repartis en
deux ordres79. Il s’agit de l’ordre des héritiers de sexe féminin et l’ordre des héritiers de
sexe masculin. Néanmoins, il faut noter qu’à l’intérieur de chaque ordre des héritiers, il
y a des héritiers qui se rangent derrière et qui à défaut des premiers seront appelés à la
succession, ainsi de suite et est justifié par l’existence de classe entre les héritiers. C’est
ainsi qu’à défaut de la première classe, la deuxième classe succède et à défaut de la
deuxième classe la troisième classe succède, ainsi de suite.
Les héritiers de sexe masculin sont : les descendants (fils, petit fils, et arrière-petit-fils),
les ascendants (père, grand- père et arrière-grand-père), les collatéraux (frère
consanguin, frère germain et leurs descendants de sexe masculin, les oncles et leurs
descendants de sexe masculin).
Les héritiers de sexe féminin sont: les descendantes ( la fille , petite- fille , arrière-
petite -fille ), les ascendantes ( mère , grande- mère , arrière- grande -mère ), les
collatérales (sœur consanguine, sœur utérine, sœur germaine et leurs descendantes de
sexe féminin, les tantes et leurs descendants de sexe féminin) et éventuellement
l’épouse survivante.
79 Propos recueillis du chargé des communications auprès de la cour royale : Monsieur Pompidou oncle
du roi, le 15 Février 2017 à Oussouye
27
Contrairement à la coutume successorale des diolas à Oussouye, dans le droit musulman
des successions aux termes de l’article 572 du CF, il existe au Sénégal trois ordres
d’héritiers. L’ordre des héritiers légitimaires80, l’ordre des héritiers aceb81 et les héritiers
non légitimaires parents par les femmes. Au sein de l’ordre des héritiers légitimaires
autrement appelés des réservataires82, l’article 574 du CF en énumère deux catégories
qui se distinguent par le sexe des héritiers. Il s’agit des héritiers légitimaires de sexe
féminin83 et des héritiers légitimaires de sexe masculin84. Par ailleurs, la détermination
des différents héritiers dans les successions, établie dans le droit musulman des
successions et dans la coutume successorale des diolas constitue un véritable écart avec
le droit commun des successions du point de vue de l’ordre successoral des héritiers qui
dans ce système sont divisés en quatre ordres85. Il s’agit des descendants86, des
ascendants et collatéraux privilégiés87, des ascendants ordinaires88 et des collatéraux
ordinaires89 .
Une telle classification des héritiers en ordres90, puis en degrés de parenté91,
pourrait faire penser qu’il y a une parfaite égalité des successibles dans les deux
systèmes successoraux consacrés par le Code de la famille et dans la coutume
successorale des diolas. Malheureusement, tel n’est pas le cas, étant donné qu’une
parfaite lecture du Code en matière successorale nous permet de constater qu’il existe
des parents qualifiés de légitimes et des parents non légitimes et qui font par ailleurs une
certaine règlementation spécifique par rapport aux autres héritiers. À s’en tenir à
80 La notion de légitimaire est définie par l’article 573 du CF « L’héritier légitimaire c’est celui à qui la
loi assigne une part déterminée appelée légitime, à prendre dans la succession ». 81 V. en ce sens Ndigue Diouf « Droit de la famille, La pratique du tribunal départemental au Sénégal »
abis édition, mars 2011, page 156 et s, Matkhar SAMB, Cadi près de l’ex tribunal musulman de saint
louis « précis de succession en droit islamique », 1 édition, 1985, page 34 : le mot aceb est aussi défini
par Ibn Arafa comme étant « Le parent de sexe masculin dont le lien avec le défunt n’est interrompu par
aucune génération féminine ». L’aceb prend le reliquat après prélèvement des réserves. 82 C’est un héritier mentionné dans le coran et la sunna et dont la part dans l’héritage est déterminée à
l’avance 83 Les héritiers légitimaires de sexe féminin sont : la fille, la fille du fils quel que soit son degré, les
aïeules paternelles et maternelles quel que soit leur degré, les sœurs germaines et consanguines, la sœur
utérine, l’épouse 84 Les héritiers légitimaires de sexe masculin sont : le père, l’aïeul paternel quel que soit son degré, le
frère utérin, le mari 85 Art 515 CF 86 Art 520 CF 87 Art 523 et 524 CF 88 Art 525 CF 89 Art 526 et 527 CF 90 L’ordre constituant le classement des héritiers qui sont appelés à la succession, exemple : en l’absence
du premier ordre, le deuxième ordre succède ainsi de suite 91 V. N. DIOUF, précitée, P.
28
l’article 519 du Code de la famille disposant « les droits successoraux prévus aux
articles 520 à 528 du présent chapitre ne sont conférés aux parents légitimes que sous
réserve des droits du conjoint survivant et des enfants naturels », nous dirons que la
disposition préconise une réglementation spécifique d’une certaine catégorie d’héritier
par le sang et par l’alliance.
Cela nous semble injuste de la part du législateur sénégalais à établir un régime
assez spécifique pour les héritiers qui sont des enfants naturels, mais aussi du conjoint
survivant. La situation de l’enfant naturel semble être beaucoup plus contraignante dans
le droit musulman des successions. La dévolution successorale en droit musulman de
l’enfant naturel, est réglementée dans le livre III section VI du Code de la famille
intitulé des cas particuliers. L’article 642 dira à ce propos « L’enfant naturel hérite de
sa mère et des parents de celle-ci. La mère et ses parents ont vocation héréditaire dans
la succession dudit enfant ». Une telle disposition laisse à croire que l’enfant n’a pas
droit à héritier de son père, mais plutôt de sa mère et des parents de celle-ci et que
l’enfant non issu d’une filiation légitime ne peut requérir la qualité d’héritier dans les
successions de son père. Il n’a pas aussi un droit de représentation dans la succession de
son père.
En effet le Code dispose que l’enfant naturel est légataire d’une part égale à celle d’un
enfant légitime si seulement il n’est pas exclu de la succession par son père. Car le père
a la faculté d’exclure l’enfant naturel de sa succession selon les préceptes de la tradition
islamique considérant que l’Islam interdit à ce que l’enfant né hors du mariage soit
héritier de son père . Cela nous semble paradoxal à la limite injuste à l’égard de l’enfant
qui est une personne vulnérable et aussi qui n’a pas demandé à naître. Dès lors comment
peut-on donner la possibilité à un croyant musulman d’exclure l’enfant naturel de sa
succession tout en sachant que l’islam lui interdit aussi de commettre des actes
adultères ? La réponse à cette question permettra de voir cette situation sous divers
angles. Pourquoi sanctionner l’enfant qui n’a rien fait à part de naitre dans un lien
illégitime. Devrait-on sanctionner l’enfant naturel ou le parent ? Des questions que le
législateur devrait prendre en compte puisqu’il n’a pas totalement exclu l’enfant naturel
29
de la succession, car il n’a pas repris intégralement les règles du droit musulman
classique relatives aux droits des successions92.
Sur ce point, il semble que le législateur sénégalais apporte des mécanismes de
prévention à l’égard d’un père naturel, bien que ces mécanismes de prévention soient
rigides dans le cas du traitement. C’est une prévention qui est fait en amont, autrement
dit le législateur met en garde le père naturel du sort de son enfant naturel, la sanction
serait de voir son enfant naturel exclu dans sa succession.
La situation de l’enfant né hors mariage pose aussi des difficultés et d’incertitudes
dans les successions de droit commun, la dévolution successorale en droit commun de
l’enfant naturel, traité dans le livre VII, titre 2, sections V et VI relatives
respectivement aux droits successoraux des enfants naturels et de leurs descendants en
droit moderne et à la succession de l’enfant naturel. Cependant, le législateur pose des
conditions concernant la part de l’enfant naturel, avec l’article 534 du Code de la
famille « lorsqu’il s’agit d’un enfant né hors mariage, l’auteur de la reconnaissance qui
était engagé dans les liens du mariage au moment de la reconnaissance doit, pour
qu’elle produise son effet, justifié de l’acquiescement de son ou ses épouses… ». À ce
niveau, la part successorale de l’enfant naturel est variable en fonction du comportement
des épouses du père. Par ailleurs, l’article 533 CF dispose que « les enfants naturels
reconnus par leur père ou leur mère et ceux dont la filiation maternelle est
juridiquement établie sont appelés à la succession de leur père et mère dans les mêmes
conditions que les enfants légitimes… ». À la lecture de cette disposition, l’enfant
naturel est considéré comme un héritier légitime si seulement sa filiation est légalement
établie. En ce sens, pour que l’enfant naturel hérite son dû dans les mêmes conditions
que les enfants légitimes du de cujus, il faut qu’au moment de la reconnaissance de
l’enfant que l’épouse du père puisse donner son acquiescement et, ce dernier puisse être
donné soit dans l’acte de reconnaissance, soit par une déclaration distincte souscrite
devant un officier de l’état civil93. Dès lors, la part de l’enfant dans la succession de son
père est subordonnée au consentement de l’épouse de son père. Contrairement à l’enfant
92 En effet, le code dispose que l’enfant naturel est légataire d’une part égale à celle d’un enfant légitime.
Cela signifie-t-elle qu’en droit musulman, l’enfant naturel à un droit ou part fixe ? La réponse est
négative, si l’on sait que le père de son vivant, peut décider que l’enfant en question sera totalement exclu
de sa succession. Cette instabilité du droit successoral de l’enfant naturel peut amener des litiges, surtout
en cette époque de modernisation et d’émancipation, ou l’égalité des citoyens est proclamée par la
Constitution de 2001 et par différents traités internationaux ratifiés par le Sénégal. 93 Art 534 alinéa 2 du Code de la famille
30
légitime, l’enfant naturel voit ses droits successoraux se réduire à l’incertitude avec la
présence de la conjointe survivante.
Si par ailleurs avec le droit commun des successions, le législateur fait un peu
preuve d’indulgence à l’égard de la part de l’enfant né hors mariage, malgré le fait que
la conjointe survivante refuse de donner son acquiescement, l’enfant naturel aura la
moitié de la part de l’enfant légitime94. Mais il faut noter dans ce cas précis qu’il ne peut
pas exclure les autres ordres d’héritiers en l’absence des enfants légitimes, car il n’est ni
légitime et aussi n’a pas bénéficié de l’acquiescement de la conjointe survivante. À ce
titre, il ne reçoit que la moitié de la succession, le surplus est dévolu aux héritiers
conformément aux articles 513 à 530 CF du présent chapitre.
La coutume successorale des diolas à Oussouye semble être favorable à l’enfant
naturel. Car selon la coutume successorale des diolas d’Oussouye, l’enfant naturel
n’existe pas et par conséquent, les enfants du de cujus sont tous au même pied d’égalité
et ce qui fait d’eux des enfants légitimes et ils seront appelés à la succession de leur
père. Dans la pensée négro-africaine l’enfant est une richesse et les chefs de famille se
glorifiaient du nombre important de leurs descendants. Donc dans cette communauté il
n’y a pas une distinction entre un enfant né hors du mariage et un enfant né dans le lien
du mariage. Et même si l’enfant né hors du mariage vit avec sa mère après le décès de
son père, il sera appelé à la succession de ce dernier. La société diola qui émerge dans la
tradition négro-africaine, reste trop attachée à la parenté par le sang et contrairement au
droit commun et au droit musulman des successions, la situation de l’enfant naturel est
beaucoup plus rassurante dans la coutume successorale diola. Cependant même si la
coutume successorale diola est en déphasage avec la succession de droit commun, elle
mérite quelque part d’être saluée du fait de l’égalité de traitement des enfants du de
cujus.
Ainsi, on remarque que dans les deux modes de succession à savoir le droit
musulman et la coutume successorale diola, se démarquent du droit commun
successoral, dans la mesure où ils appliquent le privilège de masculinité95 en cas de
partage successoral et ce mécanisme est un principe méconnu en droit commun
successoral. Mais chez les diolas ce principe du privilège de masculinité est beaucoup
94 Art 534 in fine 95 Ce principe voudrait que lors du partage des biens successoraux du de cujus que les héritiers de sexe
masculin soient les premiers à être servis mais également, ils auront des parts supérieurs à celles des
héritiers de sexe féminin.
31
plus rigoureux, car c’est ce mécanisme qui fait de la coutume successorale diola un
système très discriminatoire à l’égard des femmes. C’est en ce sens qu’elle marque une
grande différence avec les successions consacrées dans le Code de la famille. De ce fait,
dans cette société diola, la femme n’a pas assez de droits. Elle est marginalisée et reste
toujours sous la protection des hommes, puisqu’elle est considérée comme un être
vulnérable de par son manque de force, sans oublier qu’elle est aussi considérée comme
personne étrangère à sa famille paternelle. Toutes ces considérations à l’égard de la
femme font qu’en matière successorale chez les diolas la femme n’hérite pas de son
père. Ainsi la justification avancée est que « la femme est appelée à se marier, elle va
quitter un jour la maison de son père, pour être accueillie dans une autre maison ou
elle trouvera des terres à cultiver, et aura des enfants qui hériteront un jour de leur
père. Ajoute-t-il ( le chargé de la communication auprès de la cour royale à Oussouye)
si la femme hérite dans sa famille d’origine et en même temps hérite dans sa famille
d’accueil , donc elle sera dans une situation beaucoup plus avantageuse que
l’homme .Et que l’homme est censé rester dans la famille , se marier et faire vivre la
famille , donc la femme ne peut pas hériter de son père, car elle est considérée comme
une étrangère dans la famille96».
Cela montre encore une fois que la coutume successorale des diolas ne respecte
pas les principes posés par la Constitution sénégalaise plus particulièrement un principe
phare qui est le principe de l’égalité devant la loi97. Ce principe est repris tel quel dans la
Constitution de janvier 200198 en assurant l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans
distinction de sexe, de race, de religion. Mais la coutume successorale des diolas et non
seulement contraire au droit successoral sénégalais, mais aussi est anticonstitutionnelle en
favorisant la discrimination fondée sur le genre. Dès lors, il importe de savoir l’étendue
de cette discrimination fondée sur le genre en matière successorale chez les diolas
d’Oussouye.
B : La dévolution successorale entre les différents ordres d’héritiers
La dévolution successorale des diolas à Oussouye se fait suivant les différents
ordres précités, laquelle dévolution est marquée par le système de lignage, car elle se
96 Propos rapporté de Mr POMPIDOU, Oncle du roi d’Oussouye, Chargé de la communication auprès de
la cour royale 97 Art 1 de la Constitution du Sénégal de 2001 98 « Tous les êtres humains sont égaux devant la loi. Les hommes et les femmes sont égaux en droit »
32
fait suivant le lignage en cause. Par exemple si la dévolution successorale concerne la
lignée paternelle tous ceux qui sont de l’ordre des héritiers de sexe féminin sont
automatiquement exclus de la succession par les héritiers de sexe masculin. Cela se
justifie par le fait que dans ce milieu diola les femmes n’héritent pas de leur père et elles
n’ont pas droit à la succession de leur père, car étant considérées comme des tierces
personnes à l’égard de la famille. Mais elles peuvent hériter de leur mère. Autrement dit
dans cette société, les femmes héritent de la lignée maternelle et non de la lignée
paternelle.
Ainsi les règles de la dévolution successorale sont caractérisées par le système
de lignage en cause. Si le système de lignage en cause est celui de la lignée paternelle,
les héritiers99 se succèdent en ordre et, de ce fait les héritiers qui sont du premier ordre
excluent ceux des ordres précédents. Par ailleurs, il faut rappeler qu’à l’intérieur des
héritiers du premier degré, la dévolution se fait par le principe du droit d’ainesse. Le
principe du droit d’ainesse exige qu’au sein des héritiers, l’ainé de la famille soit le
premier à être servi. Toutefois, rappelons que le mécanisme droit d’ainesse est aussi
appliqué dans le cas où le système de lignage en cause est celui de la lignée maternelle.
De ce fait, si dans une famille, le de cujus laisse des descendants (fils –petit fils) et des
ascendants (père -grand-père) qui seront les premiers à être servis des biens du de cujus
et il faut noter que ces héritiers sont des administrateurs des biens du cujus.
Contrairement au droit musulman, la dévolution successorale se fait suivant les
principes généraux posés par l’article 596 CF et concernant les règles de dévolution en
se référant aux termes de l’article 643 du CF, les parents par les femmes sont exclus de
la succession par les héritiers légitimaires et aceb. Ainsi on remarque qu’il existe un
certain rapport entre l’ordre des légitimaires et l’ordre des aceb et ce dit rapport est posé
par une règle générale qui résulte de l’article 596.1 CF .En ce sens les héritiers prélèvent
dans la succession les parts qui leur sont fixées par la loi et si ce prélèvement absorbe la
totalité de la succession les aceb sont exclus, et les héritiers aceb prennent la totalité de
la succession s’il n’y a pas d’héritiers légitimaires. Selon l’art 596.3 « si après les
prélèvements pratiqués par les légitimaires il y a un reliquat et s’il n’existe pas
d’héritiers aceb pour le recueillir les héritiers légitimaires se partagent le reliquat au
prorata de leur part dans la succession ».
99 Les descendants ( fils , petit fils , arrière-petit-fils ), les ascendants ( père , grand père , arrière-grand-
père),les collatéraux ( frère consanguin , frère germain et leur descendants de sexe masculin , les oncles
paternel et leur descendant de sexe masculin).
33
Il est évident que tout le monde ne peut pas hériter, tous les aceb ne peuvent pas
hériter, tous les légitimaires ne peuvent pas hériter. Par conséquent les parents par une
femme non légitimaire sont exclus de toute façon par les aceb et légitimaires. De ce fait
il existe un phénomène d’exclusion au sein de chaque ordre et, la loi garantie une part
dans la succession de certains héritiers qui fait qu’ils ne sont jamais exclus de la
succession. Il s’agit du père, de la mère, du veuf, de la veuve, du fils, de la fille100. Mis à
part ces personnes citées, les autres héritiers peuvent être exclus qu’ils soient aceb ou
légitimaires.
Pourtant dans la succession de droit musulman le principe du droit d’ainesse ne
joue pas, mais plutôt celui du privilège de masculinité qui joue dans la succession du
droit musulman ainsi que celle de la coutume successorale des diolas à Oussouye. Dans
la succession coutumière des diolas la situation de la femme est défavorable comparée à
celle de l’homme. Il existe, à ce titre, une inégalité des quotes-parts entre l’homme et la
femme. Dans cette communauté en matière successorale, la femme n’a pas de mots à
dire et par conséquent en principe elle ne réclame rien de la succession de son père. Elle
n’est ni légataire, ni légitimaire : elle est considérée comme une personne étrangère à la
succession de son père. Toutefois, il convient aux autres héritiers hommes de décider du
sort de la femme dans la succession du de cujus, soit en octroyant une quote-part à la
femme dans la succession, soit en décidant de ne rien donner à la femme et, dans ce cas
précis la femme n’a pas droit à réclamer quoi que ce soit dans le patrimoine du de cujus.
Il ressort de tout ce qui précède que la situation de la femme au regard de cette
communauté montre encore que cette pratique coutumière successorale n’est pas en
phase avec ce qui est consacré par le droit sénégalais des successions. Ce déphasage des
successions coutumières des diolas à Oussouye est plus frappant avec le droit sénégalais
des successions de droit commun.
La dévolution successorale du droit sénégalais des successions de droit commun
marque une différence avec celle des successions musulmanes ainsi avec celle des
successions coutumières des diolas d’Oussouye dans la mesure où dans cette dévolution
successorale de droit commun, le privilège de masculinité et le principe du droit
d’ainesse n’existent pas. Dès lors, la répartition de la succession selon le droit commun
100 Art 588 CF
34
se fait en application des principes généraux101 et cette application permettra de
déterminer parmi les héritiers que le défunt a laissé ceux qui vont lui succéder.
Cependant, force est de noter que la dévolution successorale de droit commun se fait
selon la parenté légitime ou naturelle. Ainsi dans chaque dévolution successorale que ça
soit légitime ou naturelle, les héritiers ont un droit dans la succession du de cujus. De ce
fait les héritiers du premier ordre excluent tous les autres parents du défunt des autres
ordres. Toutefois entre les héritiers de premier ordre, les plus proches en degré du
défunt vont exclure les plus éloignés. Mais à égalité de degré, ils se partagent la
succession par égales portions et par tête. Il n’y a pas de privilège du droit d’ainesse,
l’ainé n’aura pas plus que les cadets. Exemple de cas : Le de cujus laisse un fils de
18ans, une fille de 20 ans et un fils 40ans: Dans ce cas, les descendants auront chacun
1/3 de la succession (soit la succession est de 3/3). Cependant dans la succession de
droit musulman le système de dévolution successorale ne pose pas de problème. En ce
sens pour ce système de succession il existe une règle générale, les légitimaires
prennent leur part et les aceb le reliquat. Cependant, il peut y avoir des exclusions entre
ces ordres, mais aussi des hypothèses de cumul de qualité et de changement de
qualité102.
101 Le principe des ordres des héritiers
Le principe de la priorité selon le degré de parenté
Le principe de la fente
Le principe de la représentation 102 Voir cours magistral F. DIENG, droit des successions 2015-2016
35
Chapitre II : Le refus par les coutumes successorales du caractère
individualiste du droit successoral sénégalais
L’harmonisation du droit nouveau103 et du droit ancien104 a soulevé des difficultés
sociales et juridiques. Pour les adeptes du droit ancien, le droit nouveau est un droit
purement moderne qui n’a qu’un seul but celui d’effacer le droit traditionnel. Face à
cela, le travail d’élaboration et d’application de ce nouveau droit ne semble pas être une
chose aisée dans la mesure où la tradition n’est pas prête d’accueillir à bras ouverts le
droit moderne. Ainsi le Code de la famille qui est un droit de compromis entre le droit
moderne105 et le droit traditionnel106, s’est fait de manière consensuelle à travers une
synthèse subtile des lois et des coutumes en vigueur à cette époque .Cette synthèse se
manifeste clairement dans le droit des successions107. Par ailleurs, le droit successoral
sénégalais se rattache au droit de propriété108, car pour ce droit c’est l’intérêt de
l’individu qui est pris en compte, mais aussi la volonté du titulaire des biens est
engagée. Le droit successoral sénégalais est alors considéré comme une réaction de
l’individualisme.
Cette conception individualiste du droit successoral est contre la conception familiale
de la propriété et de la transmission des biens. C’est pourquoi la position des coutumes
successorales est contraire à ce que le droit successoral a prévu puisque dans
l’imaginaire des membres de la société diola, la méthode la plus rationnelle pour la
gestion des biens du défunt est celle où l’individu produit plus pour la communauté afin
de transmettre ses biens aux générations à venir. De ce fait, les coutumes successorales
adoptent une conception communautaire de la transmission des biens du défunt (Section
I), mais aussi veillent à ce que certains biens soient inaliénables du fait que ces derniers
appartiennent à la famille et que ce sont des biens du patrimoine familial (Section II).
103 L’entrée en vigueur du Code de la famille considéré comme le nouveau droit 104 Les règles appliquées avant le Code de la famille 105 Un droit inspiré de l’école juridique française 106 Un droit inspiré des coutumes autochtones et du droit islamique 107 Le système du droit musulman des successions et le système du droit commun des successions 108 Le droit de propriété permet à son titulaire d’avoir un droit absolu sur un bien : l’abusus, le fructus, et
l’usus
36
Section I - La conception communautaire de la succession coutumière
à Oussouye Dans la pensée négro-africaine, la famille est une cellule où sont vécues avec
intensité les relations de parenté où de nombreuses générations restent groupées autour
d’un culte, d’un chef, d’un patrimoine commun, la famille pourra se dilater à la taille
d’un village et être la seule cellule importante. C’est pourquoi dans cette société, la
coutume occupe une place importante. Elle est le support matériel qui régit cette société
en adoptant une conception communautaire de la propriété des biens du patrimoine
familial (Paragraphe I) justifiant ainsi le fait que les individus soient rattachés à leur
famille d’origine (Paragraphe II).
Paragraphe I - Une conception communautaire de la propriété des biens du
patrimoine familial
Les deux règles constantes de la conception communautaire de la propriété des
biens constituent le retour des biens au sein de la famille (A), mais également le
maintien de certains biens dans l’indivision (B).
A : Le retour des biens au sein de la famille
La succession est un mode de transmission d’un patrimoine à cause de mort
justifiée par l’article 397 alinéas 1 du CF qui dispose que « la succession s’ouvre par la
mort et par la déclaration judiciaire du décès en cas d’absence ou de disparition ».
Cependant, à la lecture de cette disposition du Code de la famille, il nous semble que la
cause principale d’ouverture de la succession est la mort. En effet, le jugement
déclaratif de décès de l’absent ou du disparu ne constitue pas une cause véritable
d’ouverture de la succession, car si le disparu ou l’absent réparait, l’ouverture de la
succession est annulée et il reprend ses biens dans l’état ou ils se trouvent sans pouvoir
prétendre à la restitution des biens aliénés109. Contrairement à la coutume successorale
des diolas si les biens individuels de l’absent ou du disparu sont aliénés ces derniers
seront restitués à son propriétaire et concernant les biens de la famille que détenait
l’absent ou le disparu il n’y a même pas de possibilité de les aliéner. Toutefois,
l’ouverture de la succession est subordonnée à la mort naturelle ou constatée du de
cujus afin de procéder à la détermination de l’ensemble des biens du de cujus pour
mener à bien le partage.
109 Article 27 alinéa 2 du CF
37
Ainsi avant de procéder au partage dans la plupart des cas, un droit de retour110
des biens du défunt est observé soit à la demande des héritiers, soit par la volonté du de
cujus. Dès lors, la volonté du défunt concernant le retour des biens est subordonné à une
clause si le défunt avait fait une donation avec le droit de retour conventionnel et, en
effet la validité de ladite clause est affirmée par les articles 702 et 703 du Code de la
famille .Ce droit de retour conventionnel s’analyse par le mécanisme de la condition
résolutoire. Les cas d’ouverture du droit de retour en fonction de la clause sont, soit le
prédécès du donataire uniquement, soit le prédécès du donataire et de ses descendants.
Partant de là, si le donataire est prédécédé ou ses descendants, la donation est en effet
résolu rétroactivement et les biens donnés retournent au donateur en francs et sont
quittes de toutes charges et hypothèques et nonobstant leur aliénation par le donataire111.
Les rédacteurs du Code de la famille sénégalais veillent en ce sens sur l’intérêt du
donateur et de ses descendants, en protégeant les héritiers du défunt donateur d’une
éventuelle donation qui peut réduire le droit des héritiers dans la succession du défunt
donateur.
C’est pourquoi le principe de l’irrévocabilité volontaire des donations est limité
par les rédacteurs du Code de la famille et pour cela, les causes de révocation ne
dépendent pas de la volonté du donateur ; ce sont des évènements qui proviennent soit
d’un fait juridique soit d’une attitude du donataire112. Pour le cas de la révocation
résultant d’un fait juridique cité par l’article 710 du Code de la famille , le but du
législateur sénégalais est de protéger les enfants survenus contre les dispositions à titre
gratuit de leur auteur avant leur naissance bien vrai que ces enfants soient protégés par
la réserve héréditaire113. À ce titre, l’intérêt du donateur n’est pas le seul à être protégé,
mais aussi celui de ses héritiers qui peuvent intenter une action en justice aux fins d’une
demande de révocation d’une donation faite par le de cujus. Par contre, la demande de
révocation d’une donation est parfois légitimée par le comportement du donataire jugé
ingrat114. L’action en révocation appartient alors au donateur si ce dernier est décédé
après avoir intenté l’action, étant donné que ses héritiers peuvent l’exercer du chef du
110 Le droit de retour est le droit accordé à certains donateurs ou à leurs descendants de reprendre le bien
dans la succession du donataire prédécédé 111 Art 703 CF 112 S.GUINCHARD « droit patrimonial de la famille au Sénégal » tome XXXII, Nouvelles éditions
africaines, 1980, page 281 113 F. DIENG, Droit des successions du Sénégal, cours, année 2015-2016 114 Voir en ce sens l’article 707 du CF
38
donateur. Ce dernier peut alors renoncer à l’action en pardonnant au donataire115. À
partir de là, la révocation ne jouera que pour les parties et n’a pas d’effet rétroactif à
l’égard des tiers.
Contrairement au droit successoral sénégalais, la coutume successorale des diolas,
concernant le mécanisme du droit de retour des biens du de cujus au sein de la famille,
est traitée d’une manière beaucoup plus particulière. Bien que l’objectif soit le même
c’est-à-dire le fait de préserver les biens de la famille et les intérêts des héritiers, la
coutume successorale adopte une méthode plus pratique que celle du droit successoral.
Concernant le retour des biens du de cujus, ce mécanisme ne peut être effectif qu’au
moment de la détermination des biens du de cujus pour procéder au partage des biens
entre les différents héritiers. Si le de cujus avait fait des donations à un tiers de la
famille, et ce bien appartient à la famille et qui, par conséquent appartient à cette
dernière, ce bien sera restitué dans le patrimoine familial, car le bien faisant l’objet de
donation116 n’est pas un bien individuel au de cujus. D’où de demander la restitution de
ce bien qui non seulement sera faite en intégralité, mais également sera restitué en
nature et en qualité. Si le défunt détenait un fétiche qui est considéré comme un bien
familial, celui-ci ferait l’objet d’un retour au sein de la famille pour qu’on puisse par la
suite désigner le futur héritier du fétiche qui sera alors un membre de la famille. Ainsi,
cela montre que tous les biens que le de cujus avait à sa possession ne font pas
obligatoirement partie de sa succession. Ce sont des biens exclus de la masse
successorale du défunt, et qui reste alors dans l’indivision.
B : L’indivision des biens appartenant au lignage
Le Code de la famille pour un droit de la famille moderne, est caractérisé par
une transmission individualiste des biens appartenant en propre au défunt. Ceci est
contraire à la coutume successorale diola dont l’affectation des biens est liée à la famille
plus particulièrement au système de lignage. Dans cette communauté il n’est pas
115 Art 708 CF 116Lorsqu’elle est faite dans une intention libérale, la transmission d'un bien ou d'un droit que consent une
personne au profit d'une autre, constitue un don ou encore une donation. Cette transmission peut être
exécutée du vivant du donateur, on parle alors d'une "transmission entre vifs". Elle peut être décidée par
le stipulant sous la condition que lui survive la personne qu'il désigne pour être celle qui sera bénéficiaire
de cette libéralité, dite le "donataire" ou le "légataire". La donation est dite "conjonctive", lorsque pour
éviter les conflits transgénérationnels, elle est consentie à des enfants issus de lits différents. Si le
donateur entend subordonner une donation à certaines conditions, il peut rédiger un acte dit " pacte
adjoint". Par exemple lorsque cet avantage est destiné à un mineur ou à un incapable, le donateur peut
subordonner la donation à des conditions portant sur le mode de gestion ou d'utilisation des biens qu'il
donne.
39
question de partager les biens de la famille. Il s’agit plutôt de les rendre le plus viable
possible et de les conserver, car ce sont eux qui doivent servir d’assise indispensable à
la constitution de la lignée. Donc la façon la plus sure de les pérenniser est de les léguer
indivisément aux enfants et aux descendants. Cette situation d’indivision profite à la
famille dans la mesure où, l’indivision est conçue en droit occidental comme ne pouvant
être que provisoire ou transitoire et que par conséquent, la coutume successorale quant à
elle l’utilisera en s’arrangeant pour la rendre définitive. Ceci est à contre-courant avec le
droit successoral sénégalais, car bien vrai qu’au Sénégal la dévolution matrilinéaire ait
disparu avec l’option moderniste117, il se trouve que certains Sénégalais118 détiennent
des biens de lignages en raison de la résistance des successions coutumières. Ces biens
ne leur appartiennent pas en propre et ils sont confiés à leur gestion au nom de la
famille.
Dans cette communauté diola, la propriété des biens est collective, puisqu’ils
appartiennent à la famille étendue. Ces biens sont exploités en commun sans que
personne ne ressente le besoin de décider quoi que ce soit à leur propos. Le chef de
famille n’est pas le propriétaire des biens demeurant dans l’indivision, mais en est plutôt
l’administrateur. Par ailleurs, la notion d’indivision étant une technique par laquelle les
biens resteront en commun qui est empruntée par la coutume successorale, dans le but
de pouvoir reconstituer la forme traditionnelle d’appropriation collective. Mais celle-ci
sera vidée de ce qui constituait son essence par le droit successoral la caractérisant
comme appartenant à un système juridique individualiste. Le droit sénégalais considère
l’indivision comme un état passager, peu favorable à l’administration des biens et qu’il
y a lieu de faire cesser le plutôt possible. C’est dans ce contexte que l’indivision, en
droit successoral sénégalais, peut dans une certaine mesure se terminer rapidement par
un partage qui mettra en terme la période d’indivision en consacrant l’affectation
individuelle des biens en indivis, mais en pratique ça peut prendre du temps. Par
ailleurs, la conception d’indivision en droit successoral est en déphasage avec celle des
diolas d’Oussouye dans la mesure où dans cette communauté, la notion d’indivision
présente un aspect collectif très marqué puisque plusieurs personnes vont exercer un
droit identique sur les mêmes biens, sans que leurs parts soient divisées. L’indivision
117 Voir en ce sens les travaux du comité de codification du code de la famille sénégalais 118 En l’occurrence les ethnies conservatrices par l’exemple les serres ont un système successoral
matrilinéaire et les diolas ont deux types de systèmes successoraux l’un est matrilinéaire, l’autre est
patrilinéaire
40
des biens appartenant à la lignée servira de ce fait de fondement au nouveau chef de
famille et administrateur qui sera nommé.
Ainsi pour comprendre, la conception de l’indivision dans les différents systèmes
successoraux à savoir celui consacré par le droit successoral sénégalais et celui émanant
des pratiques coutumières, il faut alors apprécier ce mécanisme d’indivision dans les
deux systèmes successoraux du droit sénégalais. En rappel, le droit sénégalais
successoral consacre deux systèmes successoraux à savoir celui de droit commun et
celui du droit musulman.
Concernant le droit successoral sénégalais, la notion d’usage collectif est
remplacée par la notion d’indivision119. Ce mécanisme marqué par sa précarité
s’explique par une règle héritée du droit français selon lequel « nul n’est tenu de rester
dans l’indivision120». À l’instar de la coutume successorale, les biens en indivision sont
les biens de la famille et ils sont soumis à la gérance d’un membre de la famille. Ce qui
fait que d’ailleurs ce droit ne peut en aucun cas se substituer à un droit de propriété. Le
gérant n’est pas pris pour le véritable propriétaire des biens soumis à son administration
et de ce fait un droit d’usage121 est reconnu aux membres de la communauté sur une
parcelle des biens du lignage. À titre d’exemple, pour un frère ainé qui hérite de
l’administration des biens de la famille à la demande d’un membre de la famille pour
cultiver une partie des terres, l’administrateur est dans l’obligation de répondre
favorablement à cette demande. La dévolution coutumière lignagère permettra alors de
transmettre les biens aux membres du lignage maternel ou du lignage paternel. Le bien
reste dans la famille et se transmet de génération en génération ; il s’agit alors d’un bien
qui demeure dans l’indivision et qui ne fera jamais l’objet d’un droit de propriété d’un
membre quelconque de la famille. Cette communauté diola, à l’image de la société
négro-Africaine reste très attachée à sa famille d’origine qui est par conséquent une
conception en total déphasage avec le droit moderniste sénégalais.
119 A. S. SIDIBE, précité, page 218 et s 120 Art 815 Code civil 121 Le droit d’usage est un droit qui permet à son titulaire d’user une chose
41
Paragraphe 2 : L’attachement des individus à leur famille d’origine
La politique d’attachement des individus à leur famille d’origine permet
d’assurer une meilleure gestion des biens (B), mais également permet au continuateur
de la personne du défunt de rassembler la famille et d’incarner à cet effet le rôle du de
cujus(A).
A : Le principe de la continuation de la personne du défunt par l’héritier
En tant que membre de la famille, le continuateur de la personne du défunt est
incarné par l’un des héritiers. En général, il s’agit du plus âgé de la famille, appelé
souvent le chef de famille. Cette continuation de la personne du défunt implique une
transmission da la totalité du patrimoine aux successeurs122. Cela suppose que le
successeur hérite de l’actif et du passif du patrimoine du de cujus. En coutume
successorale diola, la personne continuateur de la personne du défunt a cependant
double charge. Il est considéré comme le chef de famille, et si le défunt détenait un
fétiche, il hériterait, dans ce sens de ce fétiche. Dès lors, puisqu’il est considéré comme
étant la personne du défunt, il est responsable de l’ensemble du patrimoine du de cujus.
Ce principe de la continuation de la personne du de cujus en coutume successorale diola
n’est soumis à aucune condition et le successeur est dans l’obligation d’hériter du passif
ainsi que de l’actif du patrimoine du défunt. Si le défunt avait laissé des dettes et des
créances, il s’est subrogé dans les droits et les obligations du défunt pour répondre à ses
dettes et se faire payer ses créances. Ainsi il faut noter que la dévolution successorale
coutumière des diolas se rapporte à une solidarité entre les héritiers et la sauvegarde de
la dignité du défunt. Il est hors de question que le partage des biens du de cujus se fasse,
sans au préalable, régler les dettes du défunt afin d’honorer sa mémoire. Il pèse sur les
membres de la famille du de cujus une obligation de morale. De ce fait, tous les héritiers
acceptent la succession purement et simplement, à l’exclusion des héritiers qui ont
renoncé à la succession du de cujus. Toutefois, cela n’empêche pas le fait que les
descendants des renonçant vont pouvoir hériter de la succession du défunt.
L’acceptation pure et simple de la succession de la personne empruntée par la
coutume successorale est un mécanisme établi, par les rédacteurs du Code de la famille
pour les personnes ayant adopté le droit commun des successions. En ce sens ce
mécanisme se voit limité, car l’acceptation pure et simple de la succession à la personne
122 Recueil des cours, Collected Courses, 1974, volume 142, page 120
42
du de cujus entraine une confusion des patrimoines123 et ce qui est alors profitable aux
créanciers de la succession puisqu’ ils peuvent exercer leur droit de créance dans le
patrimoine du successeur. De ce fait pour protéger les successeurs de cette éventualité,
le législateur a instauré d’une part en cas d’acceptation pure et simple un privilège dit :
la séparation des patrimoines à l’égard des successeurs124 et d’autre part le successeur
peut accepter la succession sous bénéfice d’inventaire.
En revanche, le droit musulman des successions méconnait ce principe de la
continuation de la personne du de cujus. Le principe traditionnel posé du droit
successoral sénégalais est que l’héritier succède aux biens et non pas à la personne du
défunt. Ce qui marque une grande différence avec la coutume successorale des diolas
dans la mesure où, cette dernière méconnait cette institution et que c’est l’ensemble du
patrimoine du de cujus qui est hérité. En effet, c’est à la charge des successeurs de
liquider et d’éteindre le passif et, ce mécanisme est fondé sur des jugements de valeur
traditionnelle. Dans le cadre de la transmission musulmane, l’héritier n’hérite pas du
passif, mais plutôt de l’actif. Au regard de l’article 645 CF qui pose la présomption
d’acceptation sous bénéfice d’inventaire, cette présomption profite à l’héritier. Mais il
ne peut bénéficier de cette présomption d’acceptation sous bénéfice d’inventaire que
dans le délai de quatre mois à compter du décès et sous la sanction édictée par ledit
article. En ce sens, les biens laissés par le défunt ne peuvent être établis qu’après
l’établissement de l’actif et l’acquittement des charges de la succession conformément
aux articles 430 à 433 et aux articles ci-après125.
Seulement, ce principe de la continuation de la personne du défunt par les
successeurs est apprécié en fonction du système successoral mis en place. Autrement
dit, l’essence du principe de la continuation de la personne du défunt par les successeurs
est différente selon qu’on est dans un régime de droit commun ou en pratique de la
coutume successorale. Le premier vise l’intérêt des successeurs et le second vise
l’intérêt de la famille, car la solidarité familiale a toujours été la préoccupation dans la
société négro-africaine. Ce principe renforce aussi la cohésion de la famille et illustre la
solidarité entre les générations. En raison de cette solidarité familiale, la coutume
successorale organise les successions de telle sorte que le patrimoine de la famille ne
123 Le patrimoine personnel de l’héritier et celui du défunt sont confondus 124 V. S. GUINCHARD, précité, p.553 et s 125 Art 645alinéa 2 du Code de la famille
43
soit pas divisible. La personne qui est nommée comme chef de famille se trouve dans
l’obligation de s’occuper de la dette du défunt et des charges de la succession. Le droit
successoral sénégalais en matière de liquidation se contente de déterminer d’abord les
actifs et les passifs, car c’est après avoir déterminé l’actif126 et le passif127 de la
succession que le juge doit déterminer la quote-part qui revient à chaque héritier. Dans
ce cas, cette pratique n’est pas connue dans le cadre de la coutume successorale, la
dévolution, le partage et la liquation deviennent en ce sens l’affaire de la famille plus
particulière l’affaire de lignage. Dans cette société, en réalité, la succession dépend du
système de lignage présent dans la société négro-africaine malgré les réformes instituées
dans ce domaine par le Code de la famille.
B : La gestion communautaire de l’ensemble du patrimoine lignager
Dans la pensée négro-africaine, la gestion du patrimoine ne se rattache pas à
l’individualisme, mais plutôt à un système communautaire. La coutume successorale se
rapporte à la continuité vitale du groupe et elle est assurée par l’héritage, étant donné
que, c’est une règle fondamentale en Afrique noire. La gestion communautaire des
biens doit promouvoir la transmissibilité des biens. Dans cette communauté, l’héritage
des biens constitue la forme privilégiée de l’ordre successoral puisque son but essentiel
est la permanence du phylum social.
Rappelons, à ce sujet, les règles de l’héritage conçu par le diola, dans la
subdivision d’Oussouye où, la parenté s’établit exclusivement en lignage et la gestion
des biens du patrimoine lignager est communautaire. Ces biens appartenant à une
collectivité sont des biens en propriété collective128. Cependant, le lignage détermine les
126 L’actif est composé de l’ensemble des biens meubles et immeubles que le de cujus a laissé à son
décès. Il s’agit des droits réels mais il peut aussi s’agir des droits personnels que la succession se chargera
de recouvrer par le biais de son administrateur 127 Le passif est constitué des dettes du défunt et des charges de la succession : les dettes que le défunt a
contracté avant son décès et qu’il n’a pas payé sont supportés par la succession qui devra les payer et
aussi les charges concernent en partie l’ensemble des droits et taxes à payer auprès des services de l’Etat
chargés de l’enseignement des déclarations de la succession. Voir en ce sens Ndigue DIOUF. Précité.
Page 195 128 En fait les expressions propriété collective et propriété individuelle restent approximatives quand on
les applique à l’Afrique noire. Il semble qu’en un sens les individus en tant que tels ne soient pas
détenteurs de droit sur les biens. Faut-il parler alors de propriété collective ? On pourrait tenter de
l’admettre en faisant valoir précisément que les individus en tant que tels ne sont pas détenteurs de droits
sur les biens, mais c’est le groupe considère comme une entité qui détient les droits. A dire vrai, cette
question de la personnalité morale n’a aucun sens dans la pensée indigène ; la famille, clan, tribu ne
poursuivent un but distinct des individus qui la composent. Il n’est pas question pour un indigène
44
liens de fraternité et, les rapports de lignage permettent d’assurer la continuité du
groupe impliquant une gestion communautaire de l’ensemble du patrimoine lignager129.
À partir de là, la coutume africaine accorde une grande importance au lignage, car le
système de lignage permet de déterminer les rapports sociaux. Par ailleurs la dévolution
successorale coutumière des diolas à Oussouye majoritairement animiste, est liée à
l’origine des biens soit les biens sont de la lignée paternelle ou de la lignée maternelle.
Cette règle de la coutume successorale a son répondant dans l’ancien droit
français : la règle paterna paternis, materna maternis130. Concernant la gestion des
biens dans le cadre du lignage, elle consiste à administrer les biens collectifs, qui sont
ceux du lignage. De ce fait, tout le groupe a pour vocation de les recueillir. Prenons à
titre d’illustration le cas suivant, s’il y a un bien appartenant au lignage paternel et qui
fait l’objet de succession, tous les descendants dans le lignage paternel ont pour
vocation de recueillir l’héritage et d’administrer les biens du lignage. Ainsi tous les
descendants de la lignée maternelle sont totalement exclus de cette succession, car les
biens en cause sont ceux de la lignée paternelle. Les biens ne sortent jamais du lignage
et leur gestion est communautaire avec une jouissance des biens individuelle.
Cependant, les filles, chez les diolas peuvent demander au gérant des biens, pouvant
être le frère ainé ou bien le frère du père de leur prêter, une partie des terres à cultiver.
Quand elles se marient, cette terre retournera, à la famille paternelle parce que, les filles
dans la succession coutumière des diolas d’Oussouye n’héritent pas de la lignée
paternelle, mais seulement de la lignée maternelle aussi bien que la femme n’hérite pas
de son mari. Les biens de la lignée paternelle sont partagés par le fils aîné entre tous les
enfants mâles. Toutefois le fils ainé est considéré comme l’administrateur des biens de
la lignée paternelle, mais il ne peut en aucun cas se considérer comme propriétaire
exclusif de ces biens lignagers. Les successions coutumières africaines accordent une
large place à la notion de patrimoine familial131 et la façon la plus sûre de pérenniser ces
d’adhérer à un groupe dont les intérêts seraient distincts des siens propres. De ce fait il faut reconnaitre
que les individus, eux seuls, sont titulaires du droit, distinguer les « droits individuels personnels » que les
individus possèdent exclusivement en propre, et les biens collectifs qu’ils possèdent en tant que membres
d’un groupe (R. Verdier, I.S.E.A., p. 146) 129 M. ALLIOT, « La coutume dans les droits originellement africain » op. Cit. p.20 130 Les biens venant de la lignée paternelle revenait aux parents paternels, et ceux de la lignée maternelle
étaient dévolus aux parents maternels 131 V. MAZEAUD. BRETON, « Leçon de droit civil - successions et libéralités ». T. VI. 4° édition. P. 5
et suivantes
45
biens lignagers est d’interdire expressément toute vente de ces biens du patrimoine
familial.
Section II : La transmission des biens dans le cadre de lignage
Dans le cas de la transmission des biens lignagers, la particularité de ce mécanisme
réside dans le fait que les biens ne s’individualisent pas malgré les droits individuels qui
peuvent s’y exercer. En effet, les biens peuvent être à la disposition d’un membre du
groupe qui ne peut en aucun cas être propriétaire, car c’est des biens collectifs
appartenant au lignage (Paragraphe I) dont la détermination de la nature et le sort de
ces biens sont nécessaires (Paragraphe II).
Paragraphe I : Les biens collectifs appartenant au lignage
Les biens collectifs appartenant au lignage sont des biens inaliénables (A) et leur
transmission est perpétuelle(B).
A : L’inaliénabilité des biens collectifs appartenant au lignage
L’inaliénabilité des biens collectifs est un principe tenant à la conception négro-
africaine de l’ordre social. La nature de ces biens s’oppose à ce qu’un seul individu
puisse en disposer au mépris des intérêts de la famille. Les titulaires d’un droit sur un
bien lignager ne peuvent s’en dessaisir définitivement .Cependant la possibilité d’une
aliénation même partielle par consentement unanime des copropriétaires, apparait donc
comme une conception purement théorique et contraire à l’esprit des coutumes voulant
que chaque génération transmette intact à la suivante le patrimoine commun. Les
ancêtres fondateurs ont cédé les terres dont ils sont les premiers occupants à leurs
descendants, de telle sorte qu’elles constituent le patrimoine collectif du groupement
qu’ils ont fondé. Dès lors, l’inaliénabilité de ces biens s’explique par son caractère
collectif, mais aussi la sacralité de ces biens. On peut alors facilement concevoir que les
générations successives se transmettent le patrimoine collectif à charge d’inaliénabilité
et c’est le caractère sacré des biens lignagers qui l’explique.
Mais dans tous les cas, les biens collectifs sont en principe inaliénables132. Les
individus sont parfois rattachés à leur lignage et jouissent des droits biens définis, qui
132 L’inaliénabilité de ses biens est rattachée au patrimoine familial. Ces biens ne feront pas l’objet de
vente ni de partage entre les héritiers du de cujus.
46
coexistent avec ceux du groupe lui-même. La lignée elle-même a pour fondement,
l’organisation traditionnelle lignagère caractérisant nos sociétés africaines. Néanmoins,
cette situation des biens collectifs appartenant au lignage se rapproche à la situation des
biens en indivision consacrée par le droit successoral sénégalais puisque pendant, cette
période d’indivision des mécanismes de protection ont été mis en place pour protéger
les co-indivisaires, mais aussi veiller à ce qu’un bien indivis ne fasse l’objet d’une
cession. Par ailleurs, pour les biens en indivision leur cession est rattachée au pouvoir
donné par le gérant des biens en indivision133 qui est soit désigné par les indivisaires soit
peut être nommé par le président du tribunal à la demande d’un ou plusieurs
indivisaires134.
La propriété collective des biens lignagers se réduise donc aux droits d’usage et de
jouissance. De ce fait, la coutume successorale confère à certains biens un caractère
d’inaliénabilité, en lui retirant le droit de disposer de la chose. On permet ainsi le
maintien dans la famille, les biens lignagers et l’utilisation des biens auxquels le partage
ou la vente enlèverait toute valeur dans la mesure où, ces derniers ont un caractère
familial permettant leur transmission de génération en génération.
B : La transmission perpétuelle des biens aux générations successives
Dans la communauté diola d’Oussouye la transmission des biens est perpétuelle.
Chaque génération hérite des générations précédentes. Le patrimoine se perpétuait à
travers la famille, la tribu. Cette transmission des biens a un fondement familial et
communautaire, ce qui fait que l’ouverture de la succession du de cujus pose le
problème de savoir qui va gérer les biens du de cujus pour le compte de la famille. Ce
qui est, par ailleurs, contraire au Code, car les coutumes de transmission perpétuelle
communautaire des biens ont été brisées par les rédacteurs du Code de la famille. Ces
rédacteurs ont adopté un système successoral reposant sur trois principes : l’abrogation
des coutumes, la laïcisation et la reconnaissance de l’importance de l’individu au
détriment du groupe familial. Cette interprétation serait d’ailleurs conforme à la
tendance générale du CF au rétrécissement des institutions coutumières. Pour le Code
de la famille c’est l’individu qui doit être protégé en premier lieu. C’est pourquoi le
Code est individualiste et, que la transmission des biens du de cujus est subordonnée à
133 V. Serge. GUINCHARD, précité, page n°587 134 Art 452. Alinéa 4
47
la volonté de ce dernier. Ces biens faisant l’objet de succession sont alors transmis par
les héritiers du de cujus par le biais du doit commun ou du droit musulman.
Le législateur sénégalais a eu comme souci principal d’assurer le développement
économique et social du pays135 considérant les coutumes comme des facteurs
favorisant le sous-développement économique et social. De ce fait, la volonté de
moderniser le droit successoral sénégalais s’est manifestée par le rejet des coutumes ou
la mise en écart du droit traditionnel. Malheureusement, la modernisation du droit
sénégalais de la famille n’est pas totale, dans la mesure où, des dérogations ont été
apportées au principe de l’unification du droit de la famille. Le législateur adopterait
alors le système des options permettant aux individus de choisir la solution qui
correspond le mieux à leurs convictions personnelles. C’est ainsi qu’en matière
successorale, le de cujus peut choisir entre les successions de droit musulman et les
successions de droit commun.
Selon, le droit successoral sénégalais, la transmission perpétuelle des biens a un
fondement plutôt individualiste que communautaire. Concernant ce droit de compromis,
il conteste la façon dont les biens sont dévolus en coutume successorale c’est-à-dire les
biens sont transmis de génération en génération. Les successions coutumières
constituent souvent un obstacle au développement économique du pays, dans la mesure
où les biens appartenant au de cujus sont dévolus à son groupe familial auquel il
appartient et ses enfants risquent de ne pas bénéficier des biens de leur défunt père. Dès
lors, si la transmission des biens s’effectue perpétuellement de génération en génération,
il n’y aura pas alors une possibilité que les biens de ce groupe fassent l’objet de
production ou d’investissement. Cela favorise le sous-développement du pays qui se
veut d’être moderne. Par ailleurs, les biens faisant l’objet d’une transmission sont
différents de par leur nature et il importe, à cet effet, de s’intéresser à leur sort dans la
gestion du patrimoine familial.
Paragraphe 2 : La nature et le sort des biens du patrimoine familial
À ce niveau, il importe de déterminer la nature des biens du patrimoine
familial (A) ainsi que leur sort dans la dévolution successorale (B).
A : La nature des biens du patrimoine familial
135 Voir en ce sens S. GUINCHARD «le droit patrimonial de la famille sénégalais », précité, page 50 et s.
48
Les biens du patrimoine familial constituent essentiellement des terrains de
culture, des troupeaux (bœufs, chèvres, et moutons), des objets de culture, des
fétiches…destinés à rester dans le groupe familial. Ils sont, en effet, considérés comme
des biens sacrés pour le groupe familial. Il incombe alors au gérant de ces biens
communautaires d’avoir un comportement de bon père de famille diligent et avisé.
Cependant la valeur des biens dépend de leur nature comme la terre considérée sacrée
dans la famille et reste le bien de la collectivité. Elle est transmise de génération en
génération tel le cas des fétiches. Concernant la transmission du fétiche qui est un bien
patrimonial, il est donné à un membre de la famille suite au décès du tributaire du
fétiche. Dès lors, dans la succession coutumière des diolas d’Oussouye, la transmission
des biens n’est pas automatique en ce sens qu’il s’agit d’abord de s’intéresser à la nature
des biens du patrimoine familial afin de pouvoir procéder à la dévolution successorale.
Pour ce qui est du droit sénégalais successoral, les biens du de cujus sont l’ensemble du
patrimoine (actif et passif) pouvant être des biens meubles et immeubles qui seront
dévolus à la mort du de cujus à ses héritiers. À ce titre, le droit successoral sénégalais se
distingue de la coutume successorale des diolas dans la mesure où la pratique
coutumière successorale apporte une distinction entre les biens personnels du de cujus
et ceux du groupe familial, alors que le droit sénégalais des successions mentionne que
c’est l’ensemble du patrimoine du de cujus qui sera dévolu aux successibles.
Concernant la coutume successorale des diolas, la nature de certains biens fait
que ces derniers ne sont pas rattachés au patrimoine familial. C’est l’exemple des
bijoux, des armes ou encore des « kandiandou136 ». Ces biens matériels cités sont le plus
souvent dévolus aux descendants du de cujus donc ne font pas partie des biens
appartenant au groupe familial, mais plutôt des biens personnels au de cujus. Dès lors ce
mécanisme de la coutume successorale des diolas se rattache à la conception
individualiste du droit successoral. Le groupe familial tant considéré par la coutume
successorale s’est affaibli et l’individu est apparu avec son patrimoine propre. C’est
pourquoi il existe parfois des objets dont les hommes ont besoin dans leur existence
sociale, sur lesquels ils doivent exercer des droits sans partage, à la différence de ceux
qu’ils peuvent avoir sur la terre, où des considérations de famille et de groupe social
sont elles aussi importantes.
136 Matériel de travail dans les champs de culture (expression diola)
49
B : Le sort des biens du patrimoine familial
Les biens du patrimoine familial sont réputés être aux besoins du groupe social et,
chaque membre du groupe a un droit d’usage sur le bien collectif. De ce fait, la notion
de propriété à l’égard de ces biens n’est pas reconnue, car les biens du patrimoine
familial peuvent être fructifiés ou, usés mais pas abusés. Pour ce qui est des biens
personnels du de cujus après le partage, chaque héritier devient propriétaire unique et
absolu de sa part et contrairement au droit successoral, ces pratiques disparaissent et nul
obstacle ne s’oppose à ce que la volonté du défunt soit exprimée soit tacitement ou
implicitement de son vivant. Ainsi, les héritiers du de cujus ne sont pas soumis au
régime communautaire des successions. Le modèle communautaire de la société diola
se lit nécessairement sur la terre, et plus précisément sur les rizières. Le gestionnaire est
dès lors, un responsable parental parce que l’accès aux statuts et l’accès aux richesses
sont concomitants. De ce fait, la dimension parentale devient importante dans le
processus de la transmission lignagère de la terre. Tous les hommes du groupe ont le
droit d’accès aux rizières et le devoir de gestion et de mise en valeur. En outre la
transmission des rizières illustre bien la logique du maintien et de la maitrise de la terre
par les groupes de parenté .Ceci montre que le partage de ces biens du patrimoine se fait
de génération en génération et que leur transmission se fait en même temps que les
statuts de responsables parentaux.
Par ailleurs, le principe du partage dans le milieu diola consistait, pendant un
certain temps, à affecter à l’ainée la meilleure rizière. En ce sens, la fille n’a pas le droit
ni le devoir sur les terres puisque, les biens fonciers du patrimoine de la famille sont
réservés aux descendants de sexe masculin. Pour le cas des filles, le mécanisme
emprunté est celui du prêt, en ce sens que les filles du groupe social peuvent bénéficier
d’un droit d’usage sur la terre. Mais en aucun elles ne peuvent devenir propriétaires de
ces terres laissées par leur père. La coutume diola des successions est un droit interne à
la communauté de vie, fondée sur le partage de la résidence, de la terre et des croyances,
mais aussi c’est dans le cadre du partage de richesses communes que la coutume
s’exprime, se pratique et, se vit.
Néanmoins, le Code de la famille est censé s’appliquer à tous les Sénégalais, les
citadins ou les ruraux, quelle que soit leur conception des rapports sociaux des rapports
des hommes et des richesses. De ce fait, puisque le droit de la famille a procédé à une
50
suppression des coutumes sauf le domaine du mariage. Les dispositions du Code de la
famille sénégalais doivent être appliquées étant donné que des problèmes peuvent
résulter de la coexistence de la loi et de la coutume contra legem.
51
TITRE II- LES CONSÉQUENCES DE L’INCOMPATIBILITÉ DES
SUCCESSIONS COUTUMIÈRES DES DIOLAS D’OUSSOUYE A
L’ÉGARD DU CODE DE LA FAMILLE SENEGALAIS
Le Code de la famille sénégalais, depuis sa codification est confronté à une
résistance de la coutume. Les coutumes perdurent en dépit, des tendances à
l’uniformisation opérée par les rédacteurs du Code de la famille. L’unification du droit
fut considérée comme un moyen de hâter l’intégration nationale .Car plus le droit serait
perfectionné, plus rapide et profond seraient les changements. Cependant, on note un
droit moderne et un droit musulman, hérité de la sharia mais adapté aux réalités
sociales. Toutefois, les coutumes successorales sont exclues du dualisme successoral et,
sont incompatibles avec le droit successoral. Cela ne reflète pas l’hétérogénéité sociale
qui caractérise ce pays.
Toutefois, l’exclusion du système juridique traditionnel oriente l’option à un sens
unique qui se justifiait par une volonté certaine d’orienter les individus vers le statut
civil français. Car en matière successorale le droit moderne constitue le principe, et le
droit musulman l’exception. Pour le législateur sénégalais, les citoyens sont soumis
d’office à la première catégorie de règles, sauf option pour la seconde qui présente un
caractère subsidiaire. Donc à défaut de choix du droit musulman, le de cujus est
considéré comme ayant préféré se soumettre au droit commun. Il est clair que dans le
domaine des successions les coutumes ont été toutes abrogées, cela semble porter
atteinte au principe de laïcité dans la mesure où le droit musulman est intégré dans le
Code de la famille et que ce dernier est de nature confessionnelle. En ce sens si la loi
spolie le droit des adeptes de la religion traditionnelle, peut-on cependant parler d’une
unification du droit de la famille dans la mesure où, le droit d’une partie de la
population n’est pas prise en considération. Cependant, l’exclusion des successions
coutumières à l’égard du Code de la famille sénégalais ne garantit guère l’effectivité du
droit successoral sénégalais (Chapitre I). C’est pourquoi des solutions possibles seront
apportées pour remédier à cette incompatibilité des successions coutumières face au
Code (Chapitre II).
52
Chapitre I - L’exclusion des successions coutumières par le Code de la
famille : une cause d’ineffectivité du Code de la famille en matière
successorale
En élaborant le Code de la famille sénégalais, les rédacteurs du Code ont procédé à
une suppression totale des coutumes en matière successorale. Considérant que ces
coutumes ne participent pas à l’unité nationale et au développement du pays. De ce fait,
les législateurs sénégalais ont établi deux systèmes d’option en matière successorale.
Cependant, les législateurs sénégalais considèrent que le meilleur moyen d’unifier le
droit familial, c’était de faire la synthèse entre ces différents systèmes juridiques. Ainsi,
pour ne pas soulever des tensions sociales, le Code de la famille a opéré une synthèse
subtile en faisant cohabiter, deux modes de dévolution. Mais, cette synthèse des deux
modes de dévolution ne semble pas être la bonne technique pour unifier le droit de la
famille sénégalais. Dans la mesure où, une partie de la population n’est pas réceptive à
l’application de ces deux systèmes successoraux établis par les législateurs sénégalais
(Section I) ceci favorise alors une remise en cause de l’unification du Code de la
famille en matière successorale (Section II).
Section I - La réception partielle du Code de la famille sénégalais par
une partie de la population
La réception partielle du Code de la famille sénégalais par une partie de la population
se manifeste par une persistance des pratiques successorales coutumières à l’encontre du
droit successoral sénégalais qui favorise une cohabitation impossible entre le droit
moderne et les règles traditionnelles (Paragraphe II), mais aussi cette réception
partielle du Code se manifeste par une illustration concrète concernant le processus
successoral (Paragraphe I).
Paragraphe I - Déphasage des coutumes successorales des diolas d’Oussouye avec
le système successoral sénégalais
L’éviction des successions coutumières dans le Code de la famille nous mène à
constater une ineffectivité du Code en matière successorale qui se manifeste à travers le
processus successoral des biens du de cujus. Ainsi, on note un déphasage des
successions coutumières avec le droit successoral lié au partage des biens successoraux
(B), mais aussi un déphasage des successions coutumières avec le droit successoral lié à
la transmission et à la liquidation des biens successoraux(A).
53
A - Déphasage lié à la transmission et à la liquidation des biens successoraux
Les biens successoraux étant le socle de la cohésion familiale. La transmission
dans le cas des successions coutumières, est plus souvent organisée au sein du groupe
familial, la transmission se fait selon le principe du droit d’ainesse en tenant compte
aussi du privilège de masculinité. Concernant toujours la transmission des biens
successoraux, les coutumes successorales des diolas ont comme caractéristique de
privilégier les hommes. Il s’agit de spolier les femmes de leurs biens au profit des
hommes. Ainsi les parents par les femmes de sexe féminin sont exclus de la succession
c’est le même mécanisme qui se produit en droit des successions musulmanes137. Les
pratiques coutumières successorales ne font aucune concession à la femme. Elle est
considérée comme étrangère à la famille. De ce fait, la transmission des biens
successoraux se fait entre les héritiers de sexe masculin. Au regard du Code de la
famille, ces pratiques successorales ne sont pas en phase avec le droit successoral
consacré par le Code.
La liquidation des biens successoraux, ce mécanisme est bien vivace dans le
droit successoral dans la mesure où cette phase du processus successorale est beaucoup
plus prise en compte par le droit successoral. Selon le professeur BOUREL, « la
liquidation comprend l’ensemble des opérations par lesquelles on détermine la
consistance de l’actif …il consiste dans la fixation de la masse successorale qui sera en
définitive attribuée à l’héritier138 ». Cette notion de liquidation successorale définie par
BOUREL n’est pas conçue dans la pratique successorale coutumière des diolas
d’Oussouye. Car si la liquidation ne constitue qu’une opération de détermination de
l’actif successoral net, préalable au partage proprement dit, la coutume successorale ne
conçoit pas la liquidation successorale comme étant la détermination de l’actif
successoral. La transmission successorale des successions coutumières englobe l’actif
ainsi que le passif successoral. Dès lors, il n’y a pas de distinction à faire entre l’actif et
le passif successoral du de cujus. Les successibles du de cujus héritent l’ensemble du
patrimoine des biens successoraux.
137 Art 643 CFS ; « A défaut d’héritiers légitimaires ou d’héritiers aceb, les parents par les femmes sont
appelés à la succession. » l’aceb est l’héritier universel classée en « aceb par lui-même », « aceb par un
autre » et « aceb par assimilation ». Art 576 CFS « l’aceb par lui-même est un parent de sexe masculin
dont le lien avec le défunt n’est interrompu par aucune génération féminine. On l’appelle héritier
universel parce qu’il recueille, s’il est seul la totalité de la succession, et héritier résiduaire parce qu’en
présence de légitimaire, il n’hésite que de reliquat après prélèvement des parts réservées » 138 V. P. BOUREL, le droit de la famille au Sénégal, successions, régimes matrimoniaux, éditions
Economica. 1981 .p.101
54
Par ailleurs, en droit successoral sénégalais, le débat sur la compétence du tribunal
régional en matière de liquidation successorale est vivace. En tout état de cause, la
jurisprudence de la haute juridiction de cassation est caractérisée sur ce point par une
certaine ambiguïté. En effet dans l’arrêt de la Cour suprême du 17 septembre 2008 ainsi
que dans l’arrêt de la Cour de cassation du 17 janvier 2007, les hauts magistrats
n’évoquent que le partage successoral comme relevant de la compétence du tribunal
régional, à l’exclusion de la liquidation successorale. C’est les tenants de la thèse de la
compétence du tribunal départemental en matière de liquidation successorale. C’est
dans ce contexte que la Cour suprême du Sénégal139 est intervenue pour recadrer le
débat. Dans un jugement du tribunal régional hors classe de Dakar du 16 juin 2010140 .
Cependant, il importera d’élaborer une stratégie d’aménagement de la répartition des
compétences en droit successoral. Cette solution contribuerait à stabiliser notre système
juridique, à encourager aussi les successibles en cas de conflit successoral à saisir
directement la juridiction compétente sans rencontrer un contentieux lié à la compétence
d’une juridiction.
B- Déphasage lié au partage des biens successoraux
Le partage des biens successoraux met fin à l’indivision, et permet à chaque
successible de recevoir sa part sur le patrimoine. Il peut être amiable ou judiciaire141
c’est dans le cas du droit successoral sénégalais. Contrairement aux coutumes
successorales le partage des biens successoraux se fait toujours à l’amiable. Ainsi, le
partage est amiable lorsque les successibles en dehors de toute intervention judiciaire,
ont d’un commun accord organisé le partage du patrimoine du de cujus. Pour le droit
successoral sénégalais chaque élément du régime juridique du partage amiable se
trouve, sous la dépendance étroite de la volonté. Les éléments laissés sous l’influence
directe de la volonté des parties dans le partage amiable sont aussi importants, que la
139 La cour suprême du Sénégal supprimée en 1992, elle a été rétablie par une loi organique 2008-35 du
07 Aout 2008 qui réunit la cour de cassation et le conseil d’Etat 140 Le tribunal a infirmé un autre jugement du tribunal départemental de Pikine du 12 mai 2009 retenant
sa compétence en matière de liquidation de succession , pour incompétence au motif que les articles 470
du CF et des articles 548 et 550 CPC « n’évoquant que l’action en partage de succession ne sauraient être
interprétées comme habilitant le tribunal départemental à connaitre de la liquidation d’une succession ,
des lors, que les opérations préliminaires de liquidation consistant à réaliser l’actif et à payer le passif
successoral , ne constituent qu’une étape préalable au partage : qu’ainsi s’inscrivant dans le processus du
partage par une substitution aux droits indivis sur l’ensemble des biens à une droits privatifs sur des biens
déterminés , la liquidation relève en première instance de la compétence du tribunal régional » 141 Le partage est judiciaire lorsqu’il est fait devant les tribunaux. Ce partage judiciaire peut être facultatif
ou obligatoire. Facultatif lorsqu’il y a désaccord ou mésentente entre les successibles.
55
date retenue pour la détermination comme pour l’évaluation des biens partageables. Par
ailleurs, dans les successions coutumières, la volonté a une place remarquable, mais
notons que cette volonté est liée à celle du groupe social alors dans le droit successoral,
la volonté est plus qu'individuelle que commune.
Contrairement aux successions coutumières des diolas d’Oussouye, le droit positif
successoral touche deux aspects en matière de contentieux du partage des biens
successoraux à savoir la procédure et le fond. Ce contentieux peut être d’ordre matériel
ou procédural. Le système judiciaire sénégalais est organisé par la loi n°84-19 du 2
février 1984 portant organisation judiciaire (modification). Cette loi a institué deux
tribunaux compétents pour connaitre les affaires civiles et commerciales, en premier ou
en dernier ressort il s’agit des tribunaux départementaux142 et régionaux143. Cependant
le droit successoral, partie intégrante du statut personnel, est donc de la compétence des
tribunaux départementaux en premier ressort, et des tribunaux régionaux en appel, tel
est le principe de base. En effet, la loi confère des compétences différentes, aux diverses
juridictions, selon des critères donnant lieu à une pluralité d’interprétation. Il arrive
souvent que les citoyens saisissent le tribunal départemental pour procéder au partage
de la succession en cas de litige, alors que ce dernier a une compétence en cette matière
plus ou moins contestée par les juridictions supérieures à savoir le tribunal régional et la
juridiction de cassation.
Cependant, vu ce conflit de compétence entre le tribunal régional et le tribunal
départemental en matière de partage des biens successoraux, les coutumes successorales
ne connaissent pas ce conflit de compétence entre les tribunaux, car l’autorité et la force
de la chose jugée reposent toutes sur le chef de famille ou bien le groupe familial
sachant que les biens du de cujus sont des biens communautaires. Lors du partage, tous
les successibles sont conformes à la décision du collège qui est censé faire le partage
entre les héritiers du de cujus. De ce fait, pour les successions coutumières, on ne
rencontre pratiquement pas de conflit qui vont aboutir à la saisine du juge. Tous conflits
142 La compétence du tribunal départemental, s’exerce en matière civile et commerciale pour les litiges ne
dépassant pas 2 000 000 F CFA ; c’est le tribunal de droit commun en matière de statut personnel, de
dévolution successorale, même s’il faut noter que sa compétence en matière de liquidation et de partage
est contestée .V . Ndigue DIOUF, Doit de la famille, abis éd, Dakar 2011, p. 11 143 La compétence du tribunal régional, s’exerce en matière civile et commerciale là où le tribunal
départemental n’est pas compètent, par exemple lorsque la valeur de la demande excède 2million de frs. Il
connait aussi des appels et des jugements rendus par les tribunaux départementaux. Aux termes de
l’article 3 de la loi n°84-19 du 2 février 1984 fixant l’organisation judicaire « sous réserve des
compétences en premier et dernier ressort (…) des tribunaux départementaux (…), les tribunaux
régionaux sont juges de droit commun en première instance en toutes matières ».
56
qui surviennent lors du partage sont soumis au chef de la famille ou bien aux sages du
village qui vont résoudre le conflit à l’amiable, donc pas de possibilité de saisir le
tribunal.
En revanche lorsque les praticiens des successions coutumières se contentent de
régler leur conflit en cas de partage des biens successoraux à l’amiable, ils ne se
soucient pas des règles de compétence en matière de partage successoral, alors que les
intéressés du droit successoral en cas de conflit lors d’un partage successoral se soucient
en premier lieu à saisir le tribunal compètent. Cette saisine entraine souvent des
contentieux entre le tribunal régional et celui départemental. De ce fait, dans son
audience en date du 21 avril 2010144, la haute juridiction Sénégalaise va d’une manière
claire et précise, déterminer le tribunal régional apte à connaitre le contentieux du
partage successoral en premier et en dernier ressort145.
En effet, le contentieux successoral lié à la compétence juridictionnelle, même s’il
semble perturber le droit successoral sénégalais, les juges ne cessent de réaffirmer la
compétence en premier et en dernier ressort du tribunal régional, pour connaitre de la
liquidation et du partage successoral. En revanche, la législation procédurale ne
concerne pas les successions coutumières contra legem. Ceci montre une fois de plus
les contradictions qui existent entre le droit successoral sénégalais et les pratiques
successorales coutumières des diolas à d’Oussouye.
Paragraphe II - Une cohabitation impossible entre le droit moderne et les règles
successorales coutumières
L’éviction des successions coutumières dans le Code de la famille, marque une
rupture totale entre la coutume et le droit moderne dans le cas des successions. Cette
rupture peut être justifiée dans le sens où, la coutume a toujours résisté à la loi depuis la
144 Cour suprême, chambre civile, 2avril 2010, publié sur WWW.UMS.SN 145 Les faits sont les suivants :
Suivant deux ordonnances n° 326 et 319 des 10 et 14 Mai 2005, le juge du tribunal départemental hors
classe de Dakar avait, dans le cadre d’une instance en partage successoral, respectivement désigné un
administrateur séquestre de la succession de Mr M.D, et nommé un expert pour évaluer les biens
immobiliers.
Sur appel, le tribunal régional hors classe de Dakar, a, par un jugement n°2086 du 04 Novembre 2008,
infirmé les dites ordonnances, avant d’user de sa faculté d’évocation .Statuant à nouveau, le tribunal
régional a, d’une part ordonné le partage des biens composant la succession et a, d’autre part, désigné un
expert aux fins d’évaluer l’actif et de déterminer le passif. Ce jugement n°2086 du 04 novembre 2008
rendu par le tribunal régional hors classe de Dakar va être déféré devant la cour suprême.
Dans le présent arrêt, la cour de cassation consacre, le principe de la compétence exclusive en première
instance du tribunal régional, en matière de liquidation et de partage de la succession. Ainsi la
connaissance de ce contentieux est réservée à la juridiction régionale.
57
période de la codification du droit de la famille sénégalais. Le droit traditionnel a
toujours résisté aux règles nouvelles. Car chaque règle pense être la meilleure pour régir
sa société. C’est pourquoi on note une parfaite inadéquation entre le droit prescrit et le
droit vécu (A) et celle-ci nous permette de constater une absence de synchronie entre le
droit successoral et les successions coutumières(B).
A : L’inadéquation entre le droit prescrit et le droit vécu
Dès l’élaboration du Code de la famille, le législateur sénégalais avait un
problème de choix entre les règles coutumières et la loi. De ce fait, soucieux de
construire un avenir du droit sénégalais différent du passé, le Code de la famille
sénégalais se veut être moderne même si quelque part, il donne place au droit
traditionnel c’est le cas des formes de célébrations du mariage. Contrairement à la
matière successorale où toutes les coutumes ont été abrogées. Ainsi le droit prescrit146
porte plus d’intérêt au droit sénégalais à l’échelle internationale que le droit vécu147.
C’est ainsi que les politiques de rupture avec la tradition conduisent à adopter des lois
modernes d’inspiration étrangère. Pour les codificateurs du droit moderne sénégalais, le
droit sert le développement et assure l’unité nationale.
C’est afin d’unifier le droit de la famille sénégalais que les rédacteurs du Code
ont su adapter une certaine souplesse dans le droit civil sénégalais. C’est en ce sens que
Serge GUINCHARD parle d’unification et non d’une solution unique148. Car de
nombreux Sénégalais restent attachés à des traditions que le législateur ne pouvait
écarter immédiatement et brutalement sans risque de ne pas être suivi.
Malheureusement cette volonté du législateur, c’est-à-dire le fait d’avoir un droit
moderne applicable à tous les citoyens, n’est pas très bien perçu par une partie de la
population. Concernant, les adeptes de la religion traditionnelle, leur croyance relève du
domaine sacré donc il est hors de question pour cette partie de la population de se
conformer au droit prescrit. Cela manifeste encore une fois que la tradition reste
toujours à la modernisation. De ce fait, il nous semble difficile en matière successorale
puisque les coutumes sont exclues dans le Code, de voir le droit vécu en parfaite
adéquation avec le droit prescrit.
146 Le nouveau droit de la famille sénégalaise régie par les législateurs sénégalais : le Code de la famille
sénégalais 147 Le droit vécu est le droit coutumier, traditionnel. C’est aussi un droit qui est rattaché aux valeurs
culturelles et sociales d’une population 148V.Serge.GUINCHARD, op.cit. p.39
58
Par ailleurs, le droit de la famille posait des problèmes plus difficiles, dans un
pays dont la population est en grande majorité musulmane et où existe aussi une
minorité chrétienne. L’élaboration d’un droit écrit d’application générale a donc été plus
longue. La modernisation y est moins radicale on y trouve sans doute des innovations
importantes, mais aussi on y trouve la liberté laissée aux intéressés, sur des points
essentiels. Cependant, il faudra préconiser une solution se rapportant à une adéquation
entre le droit vécu et le droit prescrit. Pour se faire le droit devra-t-il s’adapter à la
réalité sociale ?
B - L’absence de synchronie entre le droit successoral et les successions
coutumières
Vu la persistance des pratiques successorales coutumières, on ne peut pas parler
d’une cohabitation entre le droit successoral et les successions coutumières. Pour ce
faire, le premier doit être réellement appliqué par les citoyens ou le second doit être
intégré dans le corpus juridique. Dans le domaine de la succession, le législateur n’a pas
montré sa volonté de respecter les coutumes. En réalité le législateur se préoccupait au
respect du nouveau droit et de réussir sa volonté d’unifier le droit positif successoral
tout en abrogeant les coutumes dans ce domaine. Mais également d’assurer l’ouverture
sur le développement tout en éliminant ce qui pouvait arrêter ou compromettre le
développement. En optant pour un droit de promotion, le législateur a évité dans une
certaine mesure les tâtonnements liés au maintien des pratiques successorales
coutumières149 dans le Code.
Dès lors, en procédant à l’éviction des successions coutumières, le législateur
arrive-t-il à assurer l’unification du droit successoral sénégalais. Dans la mesure où le
Code est fait pour être appliqué il n’est pas intéressant de voir une loi qui n’est pas
subordonnée à une application directe par les citoyens auxquels elle s’impose. Ainsi, les
populations sont invitées à s’approprier progressivement les droits modernes élaborés
en leur nom et pour leur compte. Mais cela n’exclut pas qu’au cours de cette lente
assimilation des changements puissent s’opérer de sorte qu’à la fin du processus la
nation se trouve en symbiose avec son droit. Dans ce contexte, le droit à une valeur plus
149 A ce niveau les biens successoraux considérés dans beaucoup de foyers sénégalais, comme étant le
socle de la cohésion familiale, sont à l’origine de plusieurs conflits au moment de leurs répartitions, car
certains héritiers pour des raisons qui peuvent être d’ordre économique, sentimentale , professionnelle ,
voudront garder à titre de propriété un même bien économique. Cela entraine, des frustrations au sein de
la famille et s’il s’agit dans le milieu traditionnel la question devient beaucoup plus sérieuse car dans ce
milieu il existe des biens inaliénables surtout ceux du patrimoine familial.
59
incitative que normative. Il s’agit moins de brusquer que de guider. Mais le législateur
peut craindre que les textes qu’il élabore avec soin soient méconnus parce
qu’inapplicables.
Si les successions coutumières sont toujours vivaces dans certaines parties du pays,
c’est parce que ces citoyens ne se sentent pas concernés par les dispositions
successorales prévues par le Code. Cela conduit alors à une opposition inévitable entre
la coutume successorale et le droit successoral. Partant de là, parler d’une unification du
droit successoral sénégalais serait un peu compliquer dans la mesure où certains aspects
ne sont pas pris en considération. Alors que la loi ne peut être effective que si elle est
acceptée et appliquée par les concernés.
Section II - La remise en cause de l’unification du Code de la famille en
matière successorale
La remise en cause s’apprécie d’abord par une mise en cause de la notion de
liberté par rapport au régime successoral applicable (Paragraphe I) ensuite par une
remarque des lacunes du Code concernant le critère volontariste (Paragraphe II).
Paragraphe I - La remise en cause de la liberté d’option par rapport au régime
successoral applicable
À ce niveau il est opportun de s’intéresser sur le contenu de la notion d’option dans
le droit successoral sénégalais (A) et ensuite de voir les limites de la liberté d’option
dans le droit successoral sénégalais (B).
A : Le contenu de la notion d’option dans le droit successoral sénégalais
La conception de liberté dans le droit successoral sénégalais nous permette de
parler d’option successorale. La faculté d’option la plus remarquable en droit
successoral repose sur l’existence du dualisme successoral. Cependant, le défunt a la
liberté soit d’opter pour sa dévolution successorale le droit commun qui ressemble à
celui du Code civil français soit d’opter pour (sa dévolution successorale) le droit
musulman. En ce sens, l’intéressé est libre de choisir la dévolution successorale qui est
à sa convenance. Ce dualisme affirme la volonté des auteurs du Code à ne pas imposer
le droit moderne à la population concernée. C’est pourquoi les rédacteurs du Code de la
famille manifestent d’une grande prudence dans toutes les innovations, par exemple la
volonté de ne pas aussi imposer des règles qui auraient pu être difficilement accueillis,
60
ou même pratiquement refusées, par la partie de la population la plus attachée aux
conceptions traditionnelles. Mais aussi la volonté de ne pas restreindre la liberté des
intéressés en matière successorale.
Ainsi, le but du Code de la famille est de respecter la diversité des conceptions et
des conditions de vie. Dès lors, le Code de la famille pour y parvenir a utilisé la
méthode des options. La méthode des options ne se limite pas seulement en matière
successorale. Cette méthode est aussi fournie dans le domaine matrimonial au Sénégal.
Dans ce cas, la possibilité du choix est ouverte très largement, elle joue pour les
conditions de forme, pour la dot, pour le caractère polygamique ou monogamique de
l’union pour les régimes matrimoniaux. Cependant en matière de mariage le législateur
donne aux intéressés une liberté de choix concernant la forme de leur mariage. De ce
fait, le mariage peut être célébré sous la forme coutumière et sous la forme moderne qui
nécessite l’intervention de l’officier de l’état civil. C’est en ce sens que l’article 830,
abrogeant toutes les coutumes dans les matières régies par le Code de la famille, excepte
de cette abrogation celles qui sont relatives aux formalités consacrant traditionnellement
le mariage. En outre dans le domaine des successions puisque les coutumes ont été
abrogées, mais on y trouve aussi la liberté laissée aux intéressés, sur des points
essentiels , de choisir entre deux régimes soit le droit commun des successions ou bien
le droit musulman des successions sénégalais. Cependant, le droit positif successoral
sénégalais est limité par deux options, peut-on ainsi réellement parler d’une liberté
d’option ?
B : Les limites de la liberté d’option dans le droit successoral sénégalais
La structure dualiste du Code de la famille en matière successorale, c’est-à-dire
la coexistence d’un droit écrit d’inspiration française et d’un droit musulman, y
caractérise toujours le système juridique. Le premier de ces deux droits conserve, en
principe, un domaine limité, mais aussi des possibilités d’extension, en qualité de droit
commun ou en vertu d’une option des intéressés. Par ailleurs, on constate que la notion
d’option en matière de mariage est beaucoup plus large qu’en matière de succession.
Car dans le domaine de la succession, le choix est limité à deux systèmes le droit
commun d’inspiration française et le droit musulman résultant du rite malékite. La
première remarque est celle relative à l’abrogation des coutumes dans les matières
régies par le Code. Seul, le domaine du mariage n’a pas subi les assauts d’une
61
abrogation des coutumes. De ce fait, puisque le domaine de la succession ne fait pas
partie de cette exception, l’on considère alors que l’application des successions
coutumières est interdite par le Code. Et la deuxième remarque est relative à
l’introduction d’un véritable dualisme dans le droit des successions, c’est dans ce sens
que le professeur Guinchard affirme « qu’il n’a pas de pluralité dans le droit des
successions, mais une dualité, car le Code n’offre de choix qu’entre deux systèmes de
dévolution150 ». On remarque alors que le Code a limité le choix à deux systèmes donc il
y a une parfaite éviction des religions traditionnelles dans le Code en matière de
succession. Dès lors, l’un des deux systèmes est déterminé en fonction de la volonté
explicite ou implicite des intéressés, c’est le droit musulman. Le droit commun
s’impose quand aucune intention ne peut être décelée avec certitude chez le défunt de
voir sa succession être dévolue en droit musulman. En effet, le droit musulman
s’applique « aux successions des personnes qui, de leur vivant, ont expressément ou par
leur comportement, indiscutablement manifesté leur volonté de voir leur héritage
dévolu selon les règles du droit musulman 151». Une telle disposition laisse aux
tribunaux un assez large pouvoir d’appréciation. En ce sens on se pose la question de
savoir si le juge doit interpréter le comportement du de cujus ? Tout cela atteste les
limites de la liberté d’option dans le droit successoral sénégalais.
Le juge sénégalais saisi d’une affaire de dévolution successorale dans laquelle le
de cujus n’a pas opté, doit-il appliquer le droit commun de manière automatique, ou
doit-il rechercher l’intention de ce dernier. Dès lors, si l’on se base sur l’esprit du Code
de la famille, à défaut de choix, ce sont les règles de droit commun qui doivent
s’appliquer, car ayant vocation à régir toutes les situations juridiques qui ne font pas
l’objet de règles spéciales. Ainsi, la dévolution selon le droit musulman est une
exception au droit commun et l’application du droit musulman est subordonnée à la
manifestation de la volonté expresse ou du comportement implicite du de cujus.
Toutefois, la liberté d’option entre le droit commun et le droit musulman des
successions a fait beaucoup parler la jurisprudence sénégalaise. En ce sens, dans un
arrêt du 20 juillet 2005152, la haute juridiction applique la dévolution selon les règles du
150 S.Guinchard « Réflexions critiques sur les grandes orientations du Code sénégalais de la famille » .p .
333 151 Article 571 152 Dans cet arrêt la cour de cassation privilégie le droit musulman en décidant de rejeter, le second
moyen soulevé par le demandeur relatif à l’application du droit commun, et avalise ainsi la décision de la
juridiction d’appel ayant appliqué la dévolution musulmane. En l’espèce le demandeur, s’est pourvoi en
62
droit musulman, et déroge ainsi, à la dévolution du droit commun, en l’absence de tout
choix du de cujus .Le juge devient seul interprète du comportement du de cujus. La
volonté du de cujus est appréciée, voire déduite d’après le bon vouloir du juge. Ceci a
poussé certains auteurs153 à dire que l’option n’est plus exercée par les intéressés, mais
par les pouvoirs publics. Ainsi d’aucuns disent que la possibilité de choisir offerte par
l’article 571 n’est pas trop claire que cette disposition montre encore une fois
l’ambigüité de certaines dispositions dans le Code de la famille.
Paragraphe II - Les lacunes du Code reposant sur le critère volontariste de
l’option : l’exemple de l’article 571 du Code de la famille
A ce niveau pour montrer les lacunes du Code suivant le critère volontariste de
l’option il faudra alors faire part de l’imprécision du critère volontariste de l’option
successorale (A) tout en déterminant l’étendue de la volonté par rapport à l’option
successorale (B).
A: L’imprécision du critère volontariste à l’option successorale
Le critère d’applicabilité des successions musulmanes posé par l’article 571CF
devrait donner lieu à des difficultés d’interprétation et par là même à une jurisprudence
abondante. L’ambigüité de cette disposition, qui pose les critères d’applicabilité du droit
musulman à savoir la volonté expresse et le comportement indiscutable du de cujus,
donne au juge sénégalais le pouvoir d’interpréter le comportement du de cujus. En ce
sens peut-on laisser croire qu’en cas d’absence de volonté manifestée du de cujus, le
juge est habilité à déterminer la volonté du de cujus pour pouvoir établir la dévolution à
suivre ? En principe à la lumière de cette disposition cela laisse croire à une telle
interprétation. Mais malheureusement, le juge « pénètre de la sorte dans la sphère la
plus intime de l’individu 154».
cassation, parce que selon lui, les juges du fond, ont eu une vision réductrice des dispositions de l’article
571, en estimant que, la succession devait être dévolue selon le droit musulman dans la mesure où le de
cujus était musulman pratiquant, alors selon l’article 571 CF cette dévolution doit découler d’un choix
qui, bien qu’émanant d’un musulman pratiquant, doit revêtir d’une volonté expresse ou implicite. La cour
de cassation après avoir mentionné que « la volonté de voir sa succession dévolue selon les règles du droit
musulman à défaut d’être expresse doit être déduite de manière tacite du comportement du de cujus de
son vivant » ,s’est ensuite basée non sur le droit mais sur des faits , notamment le comportement du de
cujus de son vivant , et sur des témoignages , pour justifier l’exclu du droit commun , en appliquant le
droit musulman. 153 F.Kiné.CAMARA, précité, p.19 154 F.K. CAMARA, précité, p.19 et s
63
En effet, la volonté du de cujus devra soit résulter d’une manifestation
expresse, soit résulter de son « comportement ». Ainsi, pour le premier cas puisque
seule la manifestation expresse suffit, donc on peut admettre une manifestation verbale,
car on n’est pas dans le cas des successions testamentaires. Par ailleurs, le problème
majeur de cette disposition se trouve au niveau du « comportement indiscutable du de
cujus », car le Code n’ayant pas énuméré les actes de la vie du de cujus dont on pourrait
déduire une volonté de se soumettre au droit musulman. C’est dans ce sens que Fatou
Kiné CAMARA affirme dans son article cité « est musulman (e) celle ou celui qui a
procédé à la profession de foi, la Sha’ada ; pour le reste, Allah reconnaitra les
seins…». Dès lors, la jurisprudence devra, par une méthode casuistique, rechercher cette
volonté, ce qui ne sera pas toujours aisé dans la mesure où une même personne peut
avoir observé certains principes musulmans traditionnels et adopté en même temps un
mode de vie moderne.
Dans son arrêt en date du 21 juillet 1981155, la Cour suprême a décidé de ne pas
appliquer la dévolution musulmane à un sénégalais, car selon elle, ce dernier a commis
des actes qui l’excluent d’office de l’islam. Donc pour se voir appliquer la dévolution
musulmane si l’on suit le raisonnement de la cour, le défunt doit être un musulman
pratiquant, et s’abstenir de commettre des péchés tels que l’adultère, qui pourraient,
selon la cour l’exclure de l’islam. Dans le cas d’espèce , le de cujus avait trois enfants
nés hors mariage , raison pour laquelle le juge n’a pas appliqué la dévolution
musulmane pour cette affaire, car, il estime que pour pouvoir bénéficier de la dévolution
musulmane , il faut en plus des actes de dévotion, ne pas commettre d’actes jugés
graves à l’islam .Ceci fait que l’application du droit au fond du litige dépend en grande
partie de l’attitude du juge . Tout cela est le résultat de l’imprécision qu’apporte cette
disposition 571CF.
En revanche, la reconnaissance d’un enfant naturel par un musulman ne doit plus
être interprétée comme une volonté de renoncer au droit musulman puisque le Code ne
reprend pas cette interdiction, ce dernier c’est-à-dire l’enfant naturel est réputé légataire
d’une part égale à celle qu’il aurait pu prétendre s’il eut été légitime156. Sur ce on estime
155 Cf. La décision très controversée rendue par la cour Suprême du Sénégal dans l’affaire Babacar Diop,
22jullet 1981 156 Art 224 CF
64
dans l’affaire Babacar Diop que le juge est allé trop loin en interprétant la volonté et le
comportement de l’intéressé.
Cependant, cette disposition du Code de la famille nous renseigne sur les critères
d’applicabilité des successions de droit musulman par le biais de deux questions
importantes qui sont : A qui s’appliquent les successions de droit musulman ? Et aussi
comment ? Par ailleurs, le Code ne nous édifie pas sur l’appartenance religieuse des
personnes qui peuvent appliquer le droit musulman, car l’article dispose « Les
dispositions du présent titre s’appliquent aux successions des personnes qui, de leur
vivant, ont… ». Cependant, cette disposition laisse à croire que toute personne de
confession différente a la possibilité de voir sa succession dévolue au droit musulman
par sa volonté manifeste expresse ou tacite. Mais certains auteurs estiment que le droit
musulman est de nature confessionnelle157. Ceci nous pousse à réfléchir sur la question
du sort des personnes des autres confessions comme les adeptes de la religion
traditionnelle. Ce débat nous conduit à réfléchir sur l’étendue du critère volontariste à
l’option successorale.
B : L’étendue du critère volontariste par rapport à l’option successorale
Le critère volontariste à l’option successorale suppose que la détermination du
type de dévolution de la succession du de cujus est subordonnée à la volonté de celui-ci.
De ce fait, eu égard à l’article 571, le choix s’applique à tous les Sénégalais. Le droit
musulman s’applique à celui qui a toujours vécu dans le respect des principes de
l’Islam, il se verra appliquer normalement les règles sénégalaises musulmanes, mais il
peut aussi exprimer une volonté contraire et exiger que sa succession soit dévolue selon
les règles du droit commun. Par ailleurs, le choix du droit musulman est aussi offert à
un non-musulman qui voudrait voir appliquer les règles du droit musulman à sa
succession.
Par ailleurs, si certains auteurs comme GUINCHARD158 admettent que l’article
571 peut s’appliquer à toutes personnes même aux adeptes des coutumes, dans la
mesure où cette disposition est ouverte à toute personne voulant voir sa succession
dévolue au droit musulman. Malheureusement, cette position du professeur n’est pas
157 Voir en ce sens Abdoul Aziz « L’article 571 du code de la famille, les successions musulmanes et le
système juridique sénégalais », Annales Africaine, 2013 158 S.GUINCHARD, « Droit patrimonial de la famille au Sénégal », tome XXXII, NEA, 1980, p 37
65
partagée par certains auteurs. En ce sens, on peut citer Abdoulaye Mathurin Diop qui a
développé un argumentaire allant dans le sens d’une impossibilité d’application des
successions musulmanes au de cujus de confession non islamique159. Pour A.M.DIOP
les musulmans peuvent opter pour le régime successoral musulman. Les autres sont
soumis au régime de droit commun. L’option se pose plutôt pour les musulmans
puisque la règle est le droit commun qui ne diffère pas sensiblement du Code civil.
Dans un jugement rendu par la justice de paix de Dakar en date du 12 juin 1975. En
l’espèce, les magistrats profitant du silence observé par le législateur sénégalais quant à
la vocation successorale de la veuve non musulmane dans une succession musulmane,
ont eu à poser une incapacité fondée sur la religion. Dans cette affaire, il était question
d’une dame de la religion chrétienne mariée à un sénégalais musulman à la mairie de
Dakar le 31 mars 1938, à la célébration de cette première union, ce dernier prit une
seconde femme de confession musulmane. Au décès du mari polygame, la question de
la vocation successorale de la première chrétienne posée aux juges, ces derniers y
répondirent par la négative, en estimant qu’ « en droit musulman, un non-musulman ne
peut hériter d’un musulman et vice versa contrairement aux successions ab intestat de
droit commun ou l’on ne fait état d’aucune confession. En conséquence, la veuve X…du
de cujus doit être exclue de sa succession, car étant la première épouse légale du de
cujus elle n’est pas la veuve visée à l’article 574 ; en revanche la deuxième épouse,
musulmane, est héritière ». Cette décision contestable révèle, la difficulté que les juges
ont à se départir d’une attitude religieuse dans le traitement contentieux des successions
musulmanes.
Il convient d’observer que cette extension des règles successorales musulmanes
au défunt non-musulman n’a qu’un intérêt théorique. Car la pratique successorale n’a
pas encore révélé un choix exprès des successions musulmanes émanant d’un de cujus
de confession non musulmane. Quel intérêt aurait en ce sens qu’un de cujus non
musulman opte pour les successions musulmanes ? On serait tenté de s’opposer à
l’argument relatif au domaine plus élargi dans les successions musulmanes présentant
ainsi des avantages : de garantir une meilleure solidarité. Par ailleurs, si le législateur
sénégalais prétend unifier le droit de la famille sénégalais en méconnaissant le droit des
autres confessions à commencer par la plus ancienne d’entre elles et la seule qui soit
159 A.M.DIOP « La dévolution successorale musulmane : détermination des héritiers dans le Code de la
famille », R.jur.pol.Ind. Coop., t.26, n°4, 1972, p.808
66
vraiment issue du terroir c’est-à-dire la religion négro-africaine qu’on la nomme
fétichiste ou animiste. Peut-on parler alors de laïcité ? Si les règles de droit édictées par
les adeptes de la religion traditionnelle sont mises à l’écart, autrement dit ces règles sont
exclues dans le droit successoral sénégalais. En ce sens pour pallier ces difficultés
d’applicabilité du Code de la famille à l’égard des citoyens, il faut alors préconiser une
réforme éventuelle du Code en matière successorale.
67
Chapitre II - Une réforme éventuelle du Code de la famille sénégalais
en matière successorale
Pour atteindre l’hétérogénéité sociale qui caractérise ce pays, il faudra alors
insérer les coutumes successorales dans le Code de la famille. Car les successions
coutumières font parties de l’environnement culturel des Sénégalais. Elles doivent être
intégrées dans le système juridique reconnu par l’État, à l’instar des successions de droit
musulman et de droit commun (Section I). Par ailleurs, pour que la loi s’applique à tous
les citoyens, cette dernière doit prendre en considération les réalités sociales pour être
bien reçue dans son milieu. Car la loi n’a de sens que si elle est bien acceptée et
appliquée par ses destinataires. Cependant, proposer une intégration des successions
coutumières dans le système juridique sénégalais est-ce la meilleure solution ? Cette
question subtile pose beaucoup de débats. Ainsi, vu la diversité des ethnies qui
composent le pays et la pluralité des pratiques coutumières, le Code ne peut pas se
préoccuper à toutes les pratiques coutumières de chaque ethnie. Cela peut provoquer
une anarchie dans le système juridique sénégalais. C’est pourquoi il est opportun de
mener des séances de sensibilisation du Code, pour que ce dernier puisse être à la portée
de tous les citoyens (Section II) .Car la loi est faite pour être appliquée, de ce fait, elle
doit être connue et être appliquée d’où tout son sens.
Section I - La réintroduction des successions coutumières dans le
corpus juridique sénégalais
À ce niveau il importe d’analyser les fondements de l’intégration des
successions coutumières dans le Code de la famille (Paragraphe I) et en dernier lieu
d’apprécier les conséquences de cette intégration des coutumes successorales dans le
Code (Paragraphe II).
Paragraphe I - Les fondements de l’intégration des successions coutumières dans le
Code
Eu égard aux nombreux débats sur la question de l’éviction des coutumes
successorales dans le Code, la réintroduction de ces pratiques successorales pose
comme fondement le maintien de la laïcité dans l’ordre juridique sénégalais (A), mais
aussi s’intéresse à l’adaptabilité du Code à la réalité sociale (B).
68
A- Le maintien de la laïcité dans l’ordre juridique sénégalais
L’article premier de la Constitution sénégalaise proclame « La République du
Sénégal est laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous
les citoyens sans distinction d’origine, de race, de sexe, de religion. Elle respecte toutes
les croyances ». La conception de laïcité pouvant aussi en termes génériques se définir
comme la neutralité de l’État vis-à-vis des croyances de ses citoyens. La notion de
laïcité n’a pas de définition universellement reconnue. C’est un concept qui n’est pas
univoque. C’est pourquoi le débat sur la question de la laïcité160 dans l’ordre juridique
sénégalais est très vivace au niveau de la doctrine sénégalaise. Cependant, certains
auteurs comme le professeur Guinchard estiment que le Code de la famille est laïc. En
outre le professeur Guinchard estime que « la souveraineté de l’État sénégalais conçu
comme une République laïque ne pouvait être reconnue et s’exercer pleinement qu’à la
double condition que le droit soit applicable à tous les citoyens sans aucune
discrimination fondée sur la religion (…). Cette laïcisation (du droit successoral) n’est
elle-même que la conséquence de la laïcisation de l’ordre juridique sénégalais (…) ».
C’est dans ce sens que Guinchard161 estime que la laïcisation du droit sénégalais des
successions musulmanes consiste à affirmer la souveraineté de l’État sénégalais et la
mise en œuvre d’une politique de développement. Car le but du législateur n’étant plus
le respect absolu de la tradition, mais la réalisation de certains objectifs jugés essentiels
dans le cadre d’une politique de développement. À la lumière de cette thèse du
professeur Guinchard, on remarque que Guinchard démontre le caractère areligieux du
droit successoral.
160 La laïcité continue d’alimenter les discussions au Sénégal. Une nouvelle fois, c’est le groupe
« Refondation nationale » qui milite pour un débat citoyen qui a engagé la réflexion en vue d’arriver à un
consensus. C’est un débat qui est remis au goût du jour. Ce débat c’est celui de la laïcité, concept que le
président de la République Macky Sall avait voulu, lors du dernier référendum, « rendre intangible » pour
arriver à un consensus sur la question. A cet effet, le Groupe « Refondation nationale », une sorte de
think-tank qui a pour ambition « d’approfondir et de recentrer les débats nationaux autour de questions
d’intérêt général », organise une table ronde sur la question. Le thème « La laïcité en questions » réunit
d’éminents spécialistes, des professeurs d’université et des acteurs de la société civile. Tous sont mus par
une volonté commune de discuter afin de parvenir à « une logique de convergence » sur la question de la
laïcité. « Laïcité au Sénégal : pour une réflexion logique de convergence » publié sur Le soleil online
consulté le 01/02 / 2018.
161 S.GUINCHARD, op.cit., p40
69
Contrairement, à la thèse du professeur Guinchard sur le caractère laïc du Code,
le professeur Amsatou Sow Sidibé162 évoque les lacunes de la notion de laïcité dans le
Code de la famille. Dans ce sens, elle affirme qu’on ne peut pas parler de laïcité dans le
droit successoral sénégalais, car ce dernier a un caractère religieux qui se manifeste dans
le droit musulman des successions. Ce caractère est justifié par l’expression « droit
musulman », dans les successions du droit musulman il y a clairement une considération
des croyances religieuses. Ainsi, le professeur SIDIBE en mettant en rapport le principe
de laïcité et le fait religieux a montré sur ce point les lacunes de la laïcité du Code.
Cependant, pour étayer ses propos sur cette question, elle a montré que les juridictions
sénégalaises n’ont pas hésité à faire appel à la religion pour interpréter l’art 571 du CF
et déterminer le droit applicable à la dévolution successorale. Dans certains cas les juges
s’appuient sur le fait religieux pour apporter les éléments de sa décision, c’est comme
dans l’affaire Babacar Diop.
Eu égard à cette critique, du professeur SIDIBE sur le concept de laïcité du droit
successoral sénégalais, s’ajoute celle du professeur Abdou Aziz DIOUF163, selon
Abdoul Aziz Diouf l’élargissement du champ rationae personae de l’article 571 CF par
la doctrine, procède d’une vision réductrice de la laïcité164. Il estime que les successions
musulmanes sont rattachées directement à la religion musulmane. Elles répondent plus
d’une filiation musulmane que d’une quelconque laïcité. En effet, l’article 571 à travers
l’usage de la notion de « comportement musulman » place le juge au centre d’une
activité religieuse qui déborde ses compétences traditionnelles.
Par ailleurs, la remise en cause de la notion de laïcité dans le droit successoral
sénégalais, a été aussi débattue par le professeur Fatou kiné Camara qui semble aussi
épouser la thèse du professeur DIOUF sur le caractère confessionnel du droit musulman
des successions. En ce sens le professeur CAMARA démontre la violation du principe
de laïcité165, en analysant les dispositions qui sont défavorables aux femmes dans le
162 A. Sow. SIDIBE, op.cit., P100 163 A.Aziz.Diouf, « L’article 571 du code de la famille, les successions musulmanes et le système
juridique sénégalais », Nouvelles annales africaines, 2013, p.272 164 A. Aziz. Diouf, op.cit.p.272 et s 165 F.K.Camara, « Le Code de la famille du Sénégal ou de l’utilisation de la religion comme alibi à la
législation de l’inégalité de genre », communication au 1er Colloque inter-réseaux du programme
thématique « Aspects de l’État de droit de l’Agence universitaire de la francophonie (AUF), Genre,
inégalité et religion, Université Cheikh Anta Diop, IDHP, Dakar 25-27avril 2006
70
Code. Selon, le professeur, les successions de droit musulman sont insérées dans un
ensemble juridique qui ne fait aucune concession à la femme.
Cependant, si autant de critiques ont été apportées à l’égard de la notion de laïcité du
droit successoral sénégalais. En ce sens, faut-il intégrer les pratiques successorales des
adeptes de la religion traditionnelle dans le Code, afin que ce dernier puisse s’adapter
aux réalités sociales ?
B : L’adaptabilité du Code à la réalité sociale
La codification s’apparente à l’adaptabilité du Code à la réalité sociale. La
codification est une voie apparemment plus séduisante et réaliste que la simple
légitimation des coutumes. Mais elle n’est pas sans poser des problèmes extrêmement
complexes. Codifier les coutumes conduites à les recevoir dans le droit législatif, à leur
conférer le sceau de l’État moderne, à les expliquer dans un texte ayant force de loi .En
les faisant passer de l’oralité à l’écrit, on leur donne un support matériel, qui renforce
leurs chances de survie dans un monde où les forces modernistes sont prédominantes.
En les rédigeant, on les fixe pour un avenir, on leur donne une précision qu’elles
n’avaient pas. Ainsi, la codification représente nécessairement un effort de concision et
d’adaptabilité de la loi aux réalités sociales. Le législateur ne peut échapper à la réalité
sociale, chaque société est caractérisée par ses pratiques culturelles. De ce fait, le droit
successoral sénégalais doit être un droit d’intégration nationale, un droit en
considération des réalités sociales puisant dans le droit coutumier.
Cependant, pour avoir un discours sur le droit, un discours sur ce que doit être le
droit pour assurer sa normativité dans un système juridique. Dans ce sens, deux voies
classiques de la philosophie du droit sont empruntées à savoir le positivisme et
l’idéalisme166. Selon la première conception, le droit se réduit à une réalité
expérimentale, positive, le droit doit se soustraire de toutes théologies, à toutes réalités
métaphysiques, religieuses, morales, idéologiques167. C’est le positivisme juridique qui
s’oppose au positivisme sociologique. Ce dernier quant à lui subordonne la science
juridique au phénomène social. Et que le droit n’est qu’une reproduction ou une
inspiration de la réalité sociale. Le concept du positivisme sociologique s’approche de
l’idéalisme que le droit sénégalais devrait un peu plus s’intéresser pour avoir un système
166 J.F.Kervégan, « Raison philosophique et positivisme juridique », Cahiers de philosophie politique et
juridique, 13, 1989, p.47-68 167 A.Aziz.Diouf, cours de philosophie du droit, Université Cheikh Anta DIOP, 2014-2015, inédit
71
juridique qui correspond parfaitement à son pays. L’un des traits caractéristiques du
droit dans la pensée négro-africaine s’observe à travers une vision unitaire de
l’obligatoire sociale. En effet, dans l’Afrique noire traditionnelle, le droit ne se dissocie
nullement de la religion, de la morale, de la justice, de l’éthique.
En Afrique traditionnelle la vie sociale impose de faire coïncider les règles légales et
l’ordre public. Le droit de la pensée négro-Africaine emprunte ainsi une forme
coutumière. En tenant compte de l’importance de la vie sociale, des croyances
religieuses aussi bien en législation qu’en jurisprudence. C’est ce qu’affirme Ripert
« qu’il n’est pas facile d’être laïque dans un pays où la religion chrétienne a bâti les
cathédrales, où la majorité des hommes sont baptisés, mariés, ensevelis avec les prières
d’une église. Le culte n’est peut-être plus pour beaucoup d’entre eux qu’une pratique
traditionnelle, mais le droit ne saurait faire abstraction des coutumes qui dirigent
encore la vie quotidienne168». De ce fait, pour obtenir une hétérogénéité de notre
système juridique il faut adapter le droit à la réalité sociale.
Paragraphe II -Les conséquences de l’intégration des successions coutumières dans
le code
L’intégration des successions coutumières dans le code nous conduit à avoir
un droit successoral à triple branche(A), mais aussi le système juridique sénégalais
risque une instabilité(B).
A : L’existence d’un droit successoral sénégalais à triple branche
Il est évident que l’intégration des successions coutumières dans le code de la
famille aura comme conséquence principale la coexistence de trois régimes de
dévolution. A savoir le droit commun des successions, le droit musulman des
successions et les successions coutumières. De ce fait, on assiste à un pluralisme du
droit successoral sénégalais. Le système successoral coutumier constitue le régime de
droit d’une partie de la population, l’ignorer c’est bafouer les droits de certains citoyens
de la République. Les différents systèmes de droit seraient juridiquement traités sur un
pied d’égalité à l’exclusion de toute hiérarchie établie entre eux. Chaque citoyen se
reconnaitrait alors dans la législation en place et les frustrations ne seraient pas à
craindre.
168 Ripert, « Les forces créatrices du droit » .Paris, 2edition, L .G.D.J, n°8 1955, p.24
72
À cet égard, semble-t-il que l’identité du système juridique sénégalais est
directement liée à un principe d’unité reliant différents éléments pour en faire un
système. Comme nous l’avons vu, cependant, ce principe d’unité peut être lui-même de
nature différente c’est un principe à géométrie variable. À quoi l’on peut ajouter, en
fonction de l’autonomie relative juridique par rapport au social, que cette unité est aussi
largement déterminée par l’existence d’un groupe social dont le système juridique
constitue un sous ensemble. Cependant, dans la mesure où aucun de ces principes
d’unité ne parait rendre compte à lui seul de la spécificité d’un système juridique, il
parait logique d’admettre également une pluralité de critères susceptibles de déterminer
l’identité d’un système juridique concret.
Pour une meilleure prise en compte de la complexité des rapports qui se nouent
entre système juridique169 et système social170, on devrait également permettre une
appréhension plus exacte de la diversité des fonctions exercées par le droit .S’il y a sans
doute quelque idéalisme à ramener ainsi l’ensemble des fonctions assumées par le droit
à l’unique dessein de favoriser l’épanouissement individuel, du moins cette présentation
a-t-elle le mérite de prendre le contre-pied de la conception classique, unilatéralement
prescriptive, qui en est généralement donnée ? Si on voulait cependant s’affranchir à la
fois de cette perspective et de la conception individualiste qu’on lui oppose.
Cependant, suite à la diversité il est possible de dire que les systèmes juridiques
sont amenés à exercer dans nos sociétés modernes éminemment complexes171. En ce
sens l’efficacité des interventions du droit est, au titre des divers rôles qu’il tient dans la
société. On observera par ailleurs l’efficacité attendue du système juridique peut relever
autant de l’ordre de l’instrumentalité ; ainsi une loi peut être adoptée soit pour modifier
un état de chose donné et atteindre directement une finalité déterminée, soit au
contraire, en vue de réaliser une finalité autre, le but n’étant pas réellement désiré.
De ce fait si les premières fonctions du système juridique visent à réaliser la
structuration et l’intégration sociale, on relèvera dans cet ordre d’idée que si à chaque
fois le droit se soucie des pratiques coutumières de chaque ethnie en prenant en
169 Un système juridique est l’ensemble des structures et des modes de fonctionnement des instances liées
à l’application des règles de droit dans un pays donné. 170 Voir Henri Janne « Le système social » Essai de théorie générale, éditions universités de Bruxelles,
1976, p.560 171 Orianne « Introduction au système juridique », Bruxelles –Louvain-La –Neuve, Bruylant .1982.p. 259-
302
73
considération ses pratiques coutumières dans notre ordre juridique, il se pose dès lors la
question de savoir si ce mécanisme d’intégration des successions coutumières dans
l’ordre juridique ne va-t-il pas affaiblir notre système juridique voir même provoquer
une insécurité juridique. La réponse nous semble être affirmative dans la mesure où les
coutumes sont réputées être non constantes.
B : Le risque d’insécurité juridique
En promouvant l’application du code de la famille en matière successorale,
afin d’obtenir un droit successoral applicable à tous les citoyens de droit sans distinction
de sexe, de race et de religion172, l’intégration des successions coutumières dans le
corpus juridique fragilise paradoxalement un principe fondamental de la jurisprudence
sénégalaise : la sécurité juridique. En effet, les rédacteurs du code, les jurisprudences et
les doctrines nationales ont patiemment façonné un droit successoral à l’image de la
population sénégalaise, malheureusement, le Comité islamique pour la réforme du code
de la famille au Sénégal (Circofs) ne se soucie pas des longues années de travail de la
commission de codification pour uniquement mettre en place un code qui sera
applicable à tous les citoyens, un code qui sera source de stabilité des situations
juridiques et de tranquillité face aux actions en justice intempestives. Par contre, le
Circofs justifie la réforme comme suit « Il serait … faux et dangereux de se contenter
de simples modifications de tel ou tel article de l’actuel code de la famille…, il convient
de respecter la liberté de conscience de chacun inscrite dans notre constitution en
substituant au code de la famille un code de statut personnel , c’est-à-dire qui soumet
les musulmans à la charia, les chrétiens et les non-musulmans à leur loi personnelle173»
Soucieux du nombre des contentieux successoraux qui sont presque tous liés à des
problèmes d’indétermination et d’adaptabilité du code de la famille. En effet,
l’intégration des successions coutumières dans le code de la famille fragilisera le
système successoral sénégalais. Ceci s’explique, en grande partie à cause de la nature
même des coutumes et du contentieux successoral sénégalais. Dans ce contexte, il y a
lieu de s’intéresser au rôle du juge. En effet, nombre de successions lui échappent parce
que les familles se saisissent de leur reproduction. Le juge chargé du statut personnel
172 Ceci renforce la sécurité juridique dans un Etat de droit, la notion même de droit repose sur la sécurité
juridique. C’est la raison pour laquelle notre droit est fondé sur des règles écrites qui doivent être
accessibles et intelligibles. Par contre le constat de l’insécurité juridique est justifié par l’inflation des
textes, leur mutabilité chronique sont des facteurs d’insécurité juridique. 173 Circofs, Projet de code de statut personnel, Dakar, Institution islamique de Dakar, 2002, 2édition, p3.
74
doit appliquer les règles des régimes successoraux de droit commun ou de droit
musulman contenues dans le code de la famille. Tel est son rôle officiel. Il est cependant
confronté à des réalités qui l’obligent à trouver des solutions.
Comme le note le juge de grande instance d’Oussouye « lorsque les familles
règlent leurs successions en se basant sur leurs coutumes successorales, il n’y a pas de
problème pour le juge, car ce dernier ne peut être saisi pour une raison quelconque, si
le juge est saisi dans ce cas le juge applique le droit commun ou le droit musulman », et
le juge de grande instance d’Oussouye affirme aussi que « le tribunal n’a connu de cas
en matière successorale concernant des coutumes ».
En réalité, c’est à l’occasion des conflits que le juge du département d’Oussouye
est saisi par les membres des communautés. Le juge est alors désorienté, pour la simple
et bonne raison que ces conflits concernent en général la terre, richesse principale du
paysan. Il ne faut pas oublier que les familles ont leur coutume : les modèles de
comportement de leurs ancêtres et que, dans la société diola, la transmission entre
générations de la terre se fait entre vifs. De ce fait , le juge saisi d’un conflit de terre ne
peut appliquer la coutume des parties qu’il ne connait pas et que, de toute manière,
l’article 830 du code de la famille n’a pas de réponse au type de conflit que les
« justiciables » des communautés de vie habitant les communautés rurales soumettent
au juge.
En effet, ces conflits ne concernent pas la terre considérée comme un bien,
élément d’un patrimoine, mais comme partie d’un espace lignager dont la gestion est
confiée à des responsables désignées selon la coutume. Dans ce contexte, le droit des
biens n’est d’aucun secours dans ces cas, puisque, dans la logique de la coutume
qu’Etatique, la terre n’est pas susceptible d’appropriation.
Section II- La solution préconisée pour le maintien, l’application et le
respect du code
Eu égard, aux différents constats des conséquences de l’intégration des coutumes
successorales dans le code de la famille, il est opportun d’apporter des solutions
possibles pour remédier à l’incompatibilité des pratiques coutumières successorales face
au droit successoral sénégalais. En ce sens, il nous semble nécessaire d’opter pour une
solution efficace qui permettra à la loi d’être appliquée par les citoyens, la loi elle est
faite pour être appliquée, dès lors pendant 45 années d’existence du Code de la famille,
75
il n’est pas préférable de toucher au code pour des considérations purement
traditionnelles. C’est pourquoi, on préconise une vulgarisation du contenu du code dans
l’ensemble du territoire sénégalais (Paragraphe I) de plus il faut mettre des
mécanismes d’application du code pour remédier à l’ineffectivité du code en matière
successorale (Paragraphe II).
Paragraphe I - La vulgarisation du contenu du code dans l’ensemble du territoire
sénégalais
Le code de la famille étant jusqu’à présent mal connu par une partie de la
population sénégalaise, ceci montre encore une fois une défaillance dans les travaux de
l’élaboration du code174. De ce fait le peuple était-il prêt de recevoir un droit étranger,
un droit largement influencé par le droit français ? Ainsi des mesures
d’accompagnement pour l’application du code ont été entreprises. Malheureusement la
réception du code par la population sénégalaise n’est pas totale, dans la mesure où,
malgré l’éviction des successions coutumières dans le code de la famille, une partie de
la population n’applique pas le code en matière successorale, elle fait fi du code. Ce
phénomène peut être justifié par l’ignorance du code par cette partie de la population ou
bien par une simple résistance des successions coutumières face au droit successoral.
C’est pourquoi pour assurer une effectivité du code175 en matière successorale on
propose un renforcement des mécanismes de vulgarisation du contenu du code (A) en
s’intéressant à l’impact de la vulgarisation du contenu du code (B).
174 Voir en ce sens P. Mbow « Contexte de la réforme du Code de la famille au Sénégal », Droit et
cultures, 59, 2010.p. 87-96 175 P. Amselek, « Perspectives critiques d’une réflexion épistémologie sur la théorie du droit », Paris,
LGDJ, 1964, p.340. Ici la notion d’effectivité du code en matière successorale se rapporte à une
application totale du code dans ce domaine. Cette effectivité-là n’est point celle du droit lui-même. Elle
désigne une situation de fait dont la règle de droit va tenir compte. Ainsi que l’écrit Paul Amselek, l’étude
de l’effectivité statuée par les normes juridiques interroge sur le contenu même d’une norme juridique,
tandis que l’analyse de l’effectivité des règles de droit porte sur la question de leur application.
76
A : Le renforcement des mécanismes de vulgarisation du contenu du code
Le renforcement des mécanismes de vulgarisation176 du contenu du code ne
peut se faire que par une mise en œuvre des mécanismes de sensibilisation du code dans
toutes les langues. La vulgarisation du code nécessite cependant des moyens efficaces
pour permettre au code d’être connu et appliqué par tous les citoyens de la république.
En réalité, l’inapplicabilité du code est due en partie par une méconnaissance du code
par la majorité de la population. Ainsi, le code ne doit pas être méconnu par ses
récepteurs, il doit être accessible, être à la connaissance de tous. C’est pourquoi en ce
sens il faut préconiser des méthodes de vulgarisation très répandues favorisant ainsi
l’application et l’adaptation du code à la population. Car connaissant ainsi la loi, elle est
l’affaire de tous et de chacun. Certes, elle possède ses serviteurs attitrés, légistes,
jurisconsultes, des praticiens, ceux-ci contribuent à sa diffusion pour permettre aux
personnes qui sont des profanes du droit de mieux comprendre d’abord le pourquoi du
code ?, ensuite pourquoi doit-on appliquer le code ? Et enfin de mieux comprendre les
avantages à l’application du code.
Cependant, la réponse apportée à toutes ces questions permettra alors aux
destinataires du code de mieux comprendre le contenu de celui-ci. De ce fait, l’on
considère que le droit est le résultat tangible de l’expérience accomplie par une société,
il est aussi quelque part considéré comme un ensemble de règles sociales qui prescrivent
des conduites externes et qui sont considérées comme susceptibles d’application
judiciaire. En ce sens, la loi est une norme juridique donc elle doit s’appliquer à tous, et
la norme juridique177 de la loi emporte la norme sociale. De ce fait, tous les sujets de
droit devraient se conformer à la loi, ainsi pour atteindre l’efficacité du code178, il faudra
176 Le terme « vulgarisation », d’ailleurs est à prendre avec quelques pincettes. Il peut être envisagé
comme une manière d’informer le public sur des questions très techniques, du type « quels sont vos droits
face à votre bailleurs », « le droit social pour tous », etc. Il peut aussi s’agir d’une manière, pour une
communauté scientifique de diffuser un savoir, une méthode, des résultats, etc. de la manière la plus large
possible.
Le droit c’est soit le débat sur des questions relevant du contenu du droit et ses cas difficiles (qui sont
toutes évoquées : affaire Perruche, bioéthique, licenciements, transposition d’une directive, etc.), c’est la
question de l’organisation judiciaire, c’est celle de l’accès au droit, du droit au droit. Et ce faisant, le Droit
c’est une affaire de contenant : qu’est-ce que le droit, pourquoi obéir au droit, le droit se réduit-il à la loi,
le droit est-il un commandement, est-il spontané, a-t-il un rapport avec la morale, l’éthique, etc. Toutes
ces questions fondamentales qui font la richesse du droit et qui, pour le coup, passionnent les juristes. 177E. MILLARD, Cahier du Conseil Constitutionnel N°21 (Dossier : La normativité), janvier 2007 178R. LEGENDRE, « Dictionnaire actuel de l’éducation », Paris, Eska, 2édition, 1993, pp 476-477. En
outre L’efficacité du code est la capacité à parvenir à l’effet attendu ou souhaité par le biais de la
réalisation d’une action.
77
assurer une diffusion du contenu du code permettant à tous les citoyens d’appliquer le
code.
Dans ce processus de vulgarisation, on assiste à une problématique du rôle
d’une partie de la population conservatrice. Dans ce contexte, puisque la coutume
désigne alors un ordre implicite, propre à chaque culture, qui se manifeste dans des
modèles profits de comportements, ou dans les façons dont le groupe réagit aux conflits
qui surviennent en son sein. Cette communauté diola très conservatrice n’est pas prête à
délaisser ses pratiques coutumières pour appliquer la loi. De ce fait, si on vulgarise le
code, il sera mieux connu et ne posera pas de problème d’application, en effet, si le code
pendant des années d’existence est confronté aux coutumes c’est parce que quelque part
les mécanismes de vulgarisation du code n’ont pas été efficace. Si toutefois de par des
conférences, des sensibilisations à l’intérêt du code ont été menées dans l’ensemble du
pays. On pourra avoir un code qui est très réceptif et appliqué par les citoyens. De toute
évidence, on ne peut imaginer un État sans un groupement humain relativement uni qui
dépend juridiquement de lui et accepte que lui soit imposé. Plus cette population
constitue un groupe homogène, plus elle tend à former un droit unique qui s’applique à
tout le monde sans distinction.
B : L’impact de la vulgarisation du contenu du code
L’émiettement du code dans la vie sociale de la population facilite
l’appropriation et l’acceptation de ce dernier. La connaissance du code dans toute
langue de la population sénégalaise, permettra ainsi le respect et l’application du code.
Ce mécanisme de vulgarisation du code aura un effet sur le système juridique
sénégalais, mais aussi sur les individus. Concernant le système juridique sénégalais, il
sera marqué par l’unité de la succession, ainsi l’identification de la loi sénégalaise en
matière successorale se résume en dualisme de régimes. En ce sens, une des cinq
directives adressées par le ministre de la Justice au comité des options était libellée en
ces termes : « Dans l’impossibilité d’imposer une règle uniforme à tous les citoyens,
aménager de rares dérogations ». À s’en tenir à cette directive, il convient de constater
que le dualisme était tout de même inscrit dans l’agenda du législateur familial .Ainsi, la
combinaison des articles 114 et 830 du code de la famille en offre une parfaite
illustration. Si l’article 830 CF tout en supprimant l’application du CC français au
Sénégal et procédant à l’abrogation des coutumes, avait maintenu celles relatives aux
78
formalités du mariage ; l’article 114 dudit Code quant à lui validait le mariage
coutumier.
En effet, concernant le domaine successoral, la vulgarisation du contenu du
code en toute langue doit donner une possibilité relative à l’application du droit
successoral à savoir une volonté expresse du de cujus, elle peut résulter de témoignage
ou d’écrit. En réalité, cela va permettre de montrer à ses adeptes des pratiques
coutumières que le code de la famille est là pour eux et aussi ils sont tous concernés par
l’application du code. Car le code ne s’adresse pas à une partie de la population
sénégalaise, mais à l’ensemble des citoyens. La réflexion qui les sous-tend ouvre la voie
à une unification des règles du statut personnel. Toutefois, comme « le Circofs plaide
pour une adéquation du droit à l’obédience religieuse de chacun, en faisant un
impératif théologique, mais également démocratique179», la population sénégalaise
dispose du droit de vivre et d’organiser son foyer conformément aux préceptes de sa foi.
Tel doit être le cas aussi pour les adeptes des pratiques coutumières de se conformer au
droit. Car, après tout, « les rédacteurs du code de la famille, au sein de la commission de
codification, avaient reçu pour instruction de procéder à l’unification des règles du
statut personnel, sauf à conserver les principes qui constituent des dogmes selon le
fiq 180». Par ailleurs, ce mécanisme de sensibilisation du contenu du code doit être
poursuivi par une mise en œuvre de l’application du code par les citoyens.
Paragraphe II - La mise en œuvre de l’application du code de la famille
sénégalais : remède à l’ineffectivité du code en matière successorale
La mise en œuvre de l’application du code de la famille sénégalais se justifie par
l’établissement de contraintes plus efficaces pour le respect du code (A) qui doit être
suivi dans sa mise en œuvre (B).
A: L’établissement de contraintes plus efficaces pour le respect du code
Tout système juridique, pour avoir quelque chance d’être valablement appliqué,
doit pouvoir être sanctionné, en cas de violation. Le but ici est l’accomplissement d’une
norme, de ce fait par la contrainte on maintient l’ordre dans la société. Cependant, le
droit est une règle d’action, les individus doivent agir conformément au droit. En effet,
la méconnaissance d’une disposition légale ou réglementaire est susceptible de sanction.
179 M. Brossier, op.cit. P.78 180 K.MBAYE, «De la filiation naturelle en droit sénégalais », R .jur.pol.ind.coop. 1977, n°2, p.415
79
En plus de se soucier de l’inapplicabilité du code de la famille, les successions
coutumières sont anticonstitutionnelles ceci mérite alors d’établir des sanctions à
l’inconstitutionnalité de ces pratiques coutumières. Ainsi, du point de vue strictement
juridique, elle est critiquable. « La République du Sénégal est laïque, démocratique et
sociale .Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction
d’origine, de race, de sexe, de religion. Elle respecte toutes les croyances » Cette
disposition est prise telle quelle dans la constitution de janvier 2001, ou elle figure
encore à l’article 1er. Le Sénégal a ratifié beaucoup de textes internationaux qui
prohibent les discriminations fondées sur le genre et pourtant les coutumes
successorales, violent les engagements de l’État du Sénégal, plus particulièrement à la
convention des Nations Unies pour l’élimination de toutes formes de discrimination à
l’égard des femmes181.Car concernant les successions coutumières des diolas
d’Oussouye les femmes n’ont pas droit à la succession de leur père. La succession selon
la tradition diola est patrilinéaire. Cela atteste, l’inconstitutionnalité des coutumes
successorales, de ce fait ces pratiques méritent d’être sanctionnées.
B : Le suivie de la mise en œuvre des contraintes pour le respect du code
Pour assurer le suivie de la mise en œuvre des contraintes pour le respect du
code, il faudrait associer tous les acteurs judiciaires pour le maintien du code de la
famille et de veiller strictement au respect et l’application du code par tous les citoyens.
De ce fait, l’efficacité du code fait allusion à son renforcement en termes de sécurité et
d’objectivité, ce qui s’exprime à travers le code de la famille par la modernisation et
l’uniformisation du droit de la famille sénégalais. Cependant, les perspectives dans
lesquelles s’inscrivent, l’application du code de la famille est constatée par le
renforcement, des mécanismes de contrainte voire même des sanctions.
Toujours dans cette quête d’efficacité, un mécanisme permettant aux intéressés en
situation de conflit successoral, de saisir le juge facilement afin que ce dernier statut sur
l’affaire, lorsque le droit de certains héritiers sont violés. L’application de la règle de
droit par les juges à travers les litiges qu’on leurs soumettent, permet d’avoir une idée
précise sur la véritable portée des règles appelées à régir l’opération successorale.
Cependant, pour pallier les difficultés de la réception de la loi et faciliter l’application
du code de la famille, il faut alors l’intervention des pouvoirs publics, car l’application
181 Le Sénégal adhère le 5 février 1985
80
réelle de la loi dépend de l’action et des initiatives des agents publics, parfois des juges
eux-mêmes.
En plus de l’intervention des pouvoirs publics, il faut procéder à une extension
des juridictions compétentes dans certaines zones reculées, pour ce faire, il importera
d’élaborer une stratégie d’aménagement de la répartition des compétences en droit
successoral. Dans la pratique, cette solution contribuerait à rapprocher la justice du
justiciable. Dans ce sens que Papa Assane TOURE « parle d’une nécessité d’une
nouvelle répartition des compétences en matière successorale 182». Ici, il affirme qu’il
est d’urgence de procéder à un aménagement des compétences entre les juges régionaux
et départementaux en matière successorale. Car l’éparpillement des compétences entre
ces deux tribunaux a des effets perturbateurs du fonctionnement du service public de la
justice.
182 P .A.TOURE, op .cit, p.250
81
CONCLUSION
L’étude du code de la famille à l’épreuve des successions coutumières : cas des
diolas à Oussouye, nous a permis d’appréhender, le déphasage existant entre le droit
positif successoral et les successions coutumières, dans sa globalité. Ainsi, pour ce faire
il faudra prendre en compte les considérations politiques et traditionnelles à
l’élaboration du code de la famille sénégalais. Celle-ci a été marquée par une réflexion
sur la gestion étatique des rapports entre les différents membres de la société au sein de
la cellule familiale et, aussi a été marquée par une conception ouverte du droit. Ce code
entend en effet moderniser les rapports au sein de la famille en impulsant la
nucléarisation du noyau familial. Alors que dans la société traditionnelle la famille
étendue est le plus fréquent. Cependant, par de longues années de réflexion sur la
codification du code de la famille sénégalais, cette dernière fut le terrain d’affrontement
entre le droit traditionnel et le droit moderne. Le droit moderne s’imposant à tous les
citoyens sans exception, mais une partie de la population se noue avec leur tradition.
C’est dans cette logique que les rédacteurs du code voulant obtenir un code de la famille
applicable à tous les citoyens ont procédé à un travail d’élaboration consensuel du code.
Cela se manifeste par l’existence d’une cohabitation entre le droit moderne et les règles
traditionnelles. Cette cohabitation est beaucoup plus vivace dans le domaine du mariage
avec la possibilité du mariage coutumier, c’est en matière successorale que cette
synthèse est moins vivace. Dans la mesure où, dans le domaine du droit positif
successoral toutes les coutumes ont été abrogées d’où donc il n’y a pas de possibilité
d’opter pour les successions coutumières. Ainsi, malgré l’éviction des successions
coutumières dans le code de la famille, les pratiques coutumières successorales
continuent d’être appliquées par les adeptes de la religion traditionnelle comme les
diolas d’Oussouye. De ce fait, les coutumes successorales sont en total déphasage avec
le droit positif successoral. C’est pourquoi on note une incompatibilité des successions
coutumières des diolas d’Oussouye au droit successoral consacré par le code de la
famille sénégalais.
Le débat concernant la question de la non-conformité des successions
coutumières avec le droit successoral et, aussi la question de l’éviction de ces coutumes
dans le Code, est loin d’être terminé, dans la mesure où, la doctrine semble être très
vivace dans ce domaine. C’est pourquoi on note des positions différentes concernant la
82
question. Cependant, certains auteurs comme Amsatou Sow SIDIBE pensent que le
droit traditionnel doit être réactualisé dans les consciences, pour cela le professeur
SIDIBI préconise une réconciliation du droit « vécu » et le droit « voulu »183, en ce sens
la coutume doit être étudiée en réalisant une synthèse qui permettra de dégager les
composantes positives et compatibles de la coutume successorale avec le droit
successoral sénégalais. Ainsi, selon SIDIBE pour ne pas bafouer la croyance et les
droits de certains citoyens de la république, il faudra alors introduire dans le corpus
juridique sénégalais, les successions coutumières. En outre, considérant que c’est la
meilleure voie d’unification du droit successoral sénégalais. Par ailleurs, la thèse du
professeur SIDIBE qui est celle d’intégrer les successions coutumières dans le corpus
juridique sénégalais, semble être adoptée par Fatou Kiné CAMARA, qui semble
répondre à la question célèbre de KOUASSIGNAN « Quelle est ma loi ? ». Madame
CAMARA pour répondre à cette question épineuse, fait appel à nos valeurs culturelles,
de renoncer au droit qui nous est imposé par les colonisateurs. En ce sens Madame
Camara préconise alors une adoption du droit au fait. Ainsi pour une parfaite
application du droit successoral sénégalais, il faudra prendre en considérations les
pratiques coutumières de certaines parties de la population afin chacun y trouve son
intérêt. L’appel à la réforme du Code de la famille sénégalais suscite cependant
plusieurs débats, en ce sens Wakhabe NDIAYE parle d’un renouveau du Code de la
famille en intégrant nos valeurs dans l’élaboration d’une législation idéale.
Cependant, pour avoir une législation idéale, devrons-nous intégrer à nouveau
les coutumes dans notre corpus juridique ? Serait-il remettre en cause ou anéantir les
longues années de réflexion du comité de codification du droit de la famille sénégalais ?
Pourrait-on intégrer les coutumes successorales dans le droit successoral Sénégal ? Pour
cette question la réponse nous semble être négative dans la mesure où, l’on considère
que la coutume est naturellement imprécise et qu’elle ne peut pas être considérée
comme source de droit en matière de succession du fait de son instabilité. Dès lors, si le
législateur sénégalais cède aux caprices de chaque ethnie composant la population
sénégalaise qu’adviendra-t-il alors de notre système juridique ? Sans doute notre
système juridique serait exposé à une insécurité juridique déstabilisant ainsi notre
système. Cependant l’exclusion des successions coutumières à l’égard du Code de la
famille sénégalais ne garantit guère l’efficacité du droit successoral sénégalais c’est
183 Voir en ce sens Amsatou. SOW. SIDIBE, précité, page.488
83
pourquoi des solutions possibles seront apportées pour remédier à cette incompatibilité
des successions coutumières face au Code. Ceci étant il serait éventuellement opportun
d’étudier la corrélation possible entre les successions coutumières et le droit musulman
pour une meilleure clarification et d’interprétation sur chaque étape de la transmission
successorale dans un domaine beaucoup plus élargie.
84
BIBLIOGRAPHIE
I. DOCUMENTS OFFICIELS
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Constitution
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de procédure civile, modifié par le décret n°2013-1071 du 6 aout 2013
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juin 1976 portant Code des obligations civiles et commerciales du Sénégal
Loi 2014-26 du 03 novembre 2014 fixant l’organisation judicaire du Sénégal
Loi n°72-61 du 12 juin 1972, JORS du 12 aout 1972
Décret n°16-145 du 12 avril 1961, JORS du 29 avril 1961
Décret du 23 décembre 1965, JORS du 8 janvier 1966, p. 22
Décret n° 2015-1145 du 03 Aout 2015 fixant la compétence et la composition
des cours d’appel, des tribunaux de grande instance et des tribunaux d’instance
85
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89
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CORREA Jean Louis, cours, « Droit des obligations, Théorie Générale des
contrats » Université Assane SECK de Ziguinchor, inédit
DIENG Françoise, Cours, « Le Droit des Successions du Sénégal »,2015-2016,
Université Cheikh Anta DIOP de Dakar, inédit
DIOUF Abdou Aziz, cours, « Philosophie du Droit », Université Cheikh Anta
Diop de Dakar 2013-2014, inédit
NDIAYE Isaac Yankhoba, cours, « Droit des obligations », Université Cheikh
Anta Diop de Dakar, inédit
VII.WEBOGRAPHIE
Hpps//www.érudit.org
Hpps//www.idref.fr
www.horizon.documentation.ird.fr
www.UMS.SN
Hpps//juricaf.org
90
ANNEXES
GUIDE D’ENTRETIEN
1 : Comment définissez-vous la notion de succession ?
2 : Qui est compétent pour désigner les héritiers ?
3 : Quels sont les successibles ?
4 : Quel est le sort de l’enfant naturel dans la succession de son père ?
5 : Quelle est la situation des filles dans la succession de leur père ?
7: Quelle est la situation de la conjointe du défunt dans la succession de son mari ?
8 : Après la désignation des héritiers comment procédez-vous au partage des biens du
de cujus ?
9: Quels sont les biens à hériter du patrimoine du de cujus ?
10 : Quelle est la nature des biens à hériter ?
11 : Existe-t-il souvent des cas de conflit lors du partage et de la liquidation des biens
du de cujus ?
12 : En cas de conflit lors du partage et de la liquidation des biens du de cujus, Quel est
l’organe compétent pour régler l’affaire ?
13 : Connaissez-vous le code de la famille sénégalais ?
14 : Souhaitez-vous qu’on vous applique le code de la famille du Sénégal ?
91
TABLE DES MATIERES
DÉDICACES ....................................................................................... II
REMERCIEMENTS ............................................................................ III
SOMMAIRE ..................................................................................... IV
LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS .................................................. VI
INTRODUCTION .................................................................................. 1
TITRE I- L’INCOMPATIBILITÉ DES SUCCESSIONS COUTUMIÈRES DES DIOLAS
D’OUSSOUYE AVEC LE DROIT SUCCESSORAL CONSACRÉ PAR LE CODE DE LA
FAMILLE SENEGALAIS ....................................................................... 10
CHAPITRE I - LA NON-CONFORMITE DES DEUX SYSTEMES SUCCESSORAUX A
LA TRADITION SUCCESSORALE DES DIOLAS D’OUSSOUYE ...................... 12
SECTION I : LE CARACTERE OBLIGATOIRE DE LA COUTUME EN MATIERE SUCCESSORALE .... 12
Paragraphe I -Une obligation issue des règles coutumières ............................................ 13
A : Une obligation singulièrement vivace en matière successorale ............................ 13
B : La sanction de la violation de la coutume successorale des diolas ....................... 15
Paragraphe II - La finalité du caractère obligatoire de la coutume successorale ............ 17
A: Le maintien de l’ordre social traditionnel .............................................................. 17
B : Le maintien de la cohésion et de l’harmonie dans la famille ................................ 18
SECTION II : L’APPLICATION DE LA COUTUME EN CAS DE SUCCESSION A OUSSOUYE ........... 19
Paragraphe I - La désignation d’un collège sous l’avis de la famille du de cujus ............. 20
A : La composition du collège en matière successorale .............................................. 20
B : La décision irrévocable du collège ........................................................................ 22
Paragraphe II - La répartition des héritiers en ordre ....................................................... 26
A : Les différents ordres d’héritiers dans les successions coutumières des diolas
d’Oussouye .................................................................................................................. 26
B : La dévolution successorale entre les différents ordres d’héritiers ......................... 31
CHAPITRE II : LE REFUS PAR LES COUTUMES SUCCESSORALES DU
CARACTERE INDIVIDUALISTE DU DROIT SUCCESSORAL SENEGALAIS ...... 35
92
SECTION I - LA CONCEPTION COMMUNAUTAIRE DE LA SUCCESSION COUTUMIERE A
OUSSOUYE ............................................................................................................................... 36
Paragraphe I - Une conception communautaire de la propriété des biens du patrimoine
familial ............................................................................................................................ 36
A : Le retour des biens au sein de la famille ............................................................... 36
B : L’indivision des biens appartenant au lignage ...................................................... 38
Paragraphe 2 : L’attachement des individus à leur famille d’origine .............................. 41
A : Le principe de la continuation de la personne du défunt par l’héritier .................. 41
B : La gestion communautaire de l’ensemble du patrimoine lignager ........................ 43
SECTION II : LA TRANSMISSION DES BIENS DANS LE CADRE DE LIGNAGE .............................. 45
Paragraphe I : Les biens collectifs appartenant au lignage ............................................. 45
A : L’inaliénabilité des biens collectifs appartenant au lignage .................................. 45
B : La transmission perpétuelle des biens aux générations successives ...................... 46
Paragraphe 2 : La nature et le sort des biens du patrimoine familial .............................. 47
A : La nature des biens du patrimoine familial ........................................................... 47
B : Le sort des biens du patrimoine familial ............................................................... 49
TITRE II- LES CONSÉQUENCES DE L’INCOMPATIBILITÉ DES SUCCESSIONS
COUTUMIÈRES DES DIOLAS D’OUSSOUYE A L’ÉGARD DU CODE DE LA
FAMILLE SENEGALAIS ....................................................................... 51
CHAPITRE I - L’EXCLUSION DES SUCCESSIONS COUTUMIERES PAR LE CODE
DE LA FAMILLE : UNE CAUSE D’INEFFECTIVITE DU CODE DE LA FAMILLE EN
MATIERE SUCCESSORALE .................................................................. 52
SECTION I - LA RECEPTION PARTIELLE DU CODE DE LA FAMILLE SENEGALAIS PAR UNE PARTIE
DE LA POPULATION .................................................................................................................. 52
Paragraphe I - Déphasage des coutumes successorales des diolas d’Oussouye avec le
système successoral sénégalais ....................................................................................... 52
A - Déphasage lié à la transmission et à la liquidation des biens successoraux .......... 53
B- Déphasage lié au partage des biens successoraux .................................................. 54
Paragraphe II - Une cohabitation impossible entre le droit moderne et les règles
successorales coutumières ............................................................................................... 56
A : L’inadéquation entre le droit prescrit et le droit vécu ........................................... 57
B - L’absence de synchronie entre le droit successoral et les successions coutumières
..................................................................................................................................... 58
SECTION II - LA REMISE EN CAUSE DE L’UNIFICATION DU CODE DE LA FAMILLE EN MATIERE
SUCCESSORALE ........................................................................................................................ 59
93
Paragraphe I - La remise en cause de la liberté d’option par rapport au régime
successoral applicable ..................................................................................................... 59
A : Le contenu de la notion d’option dans le droit successoral sénégalais ................. 59
B : Les limites de la liberté d’option dans le droit successoral sénégalais .................. 60
Paragraphe II - Les lacunes du Code reposant sur le critère volontariste de l’option :
l’exemple de l’article 571 du Code de la famille ............................................................ 62
A: L’imprécision du critère volontariste à l’option successorale ................................ 62
B : L’étendue du critère volontariste par rapport à l’option successorale ................... 64
CHAPITRE II - UNE REFORME EVENTUELLE DU CODE DE LA FAMILLE
SENEGALAIS EN MATIERE SUCCESSORALE ........................................... 67
SECTION I - LA REINTRODUCTION DES SUCCESSIONS COUTUMIERES DANS LE CORPUS
JURIDIQUE SENEGALAIS ........................................................................................................... 67
Paragraphe I - Les fondements de l’intégration des successions coutumières dans le
Code ................................................................................................................................ 67
A : Le maintien de la laïcité dans l’ordre juridique sénégalais ................................... 68
B : L’adaptabilité du Code à la réalité sociale ............................................................ 70
Paragraphe II -Les conséquences de l’intégration des successions coutumières dans le
code ................................................................................................................................. 71
A : L’existence d’un droit successoral sénégalais à triple branche ............................. 71
B : Le risque d’insécurité juridique ............................................................................. 73
SECTION II- LA SOLUTION PRECONISEE POUR LE MAINTIEN, L’APPLICATION ET LE RESPECT DU
CODE ........................................................................................................................................ 74
Paragraphe I - La vulgarisation du contenu du code dans l’ensemble du territoire
sénégalais ........................................................................................................................ 75
A : Le renforcement des mécanismes de vulgarisation du contenu du code ............... 76
B : L’impact de la vulgarisation du contenu du code .................................................. 77
Paragraphe II - La mise en œuvre de l’application du code de la famille sénégalais :
remède à l’ineffectivité du code en matière successorale ............................................... 78
A: L’établissement de contraintes plus efficaces pour le respect du code .................. 78
B : Le suivie de la mise en œuvre des contraintes pour le respect du code................. 79
CONCLUSION .................................................................................... 81
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................ 84
ANNEXES ......................................................................................... 90
94