les paysans de la haute-marne et la révolution française

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Page 1: Les paysans de la Haute-Marne et la Révolution française
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ISSN 0300-7979

MÉMOIRES ET DOCUMENTS

XLIV

RCQ 1993007570

Page 3: Les paysans de la Haute-Marne et la Révolution française

Pour tout renseignement relatif à la rédaction des publications du Comité des travaux historiques et scientifiques, écrire au Comité.

3-5, bd Pasteur, 75015 PARIS

Page 4: Les paysans de la Haute-Marne et la Révolution française

MINISTÈRE DE L'ÉDUCATION NATIONALE

COMMISSION D'HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

J e a n - J a c q u e s C L È R E

LES PAYSANS DE LA HAUTE-MARNE

E T

LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

Recherches sur les structures foncières de la communauté villageoise

(1780-1825)

Préface de Michel Vovelle

PARIS

Éditions du C.T.H.S.

1988

Page 5: Les paysans de la Haute-Marne et la Révolution française

Couverture : « I l lus t ra t ion de l 'At las de Cî teaux p a r le Cistercien É t i enne P r ins t e t (1718-1730).

Archives dépa r t emen ta le s de la Côte-d 'Or, 11H137 (Cliché M. Bathelier) (photogravure : K i n g Photo) .

I S B N : 2-7355-0151-5 @ C.T.H.S. , P A R I S , 1988

Tous droi ts de t raduct ion , d ' a d a p t a t i o n e t de reproduct ion p a r tous procédés, y compris la pho tograph ie et le microfilm, réservés pour tous pays.

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P R É F A C E

p a r MICHEL V O V E L L E

L'histoire de la paysannerie sous la Révolution française n'a point épuisé sa créativité, ni son pouvoir de susciter de fécondes interrogations : la thèse de Jean-Jacques Clère nous en donne la preuve.

Sur un chantier, longtemps le plus important de l'histoire sociale révolutionnaire, illustré au début du siècle par une pléiade de grands découvreurs : Kareïev, Loutchisky, Minzes... puis par la grande synthèse de Georges Lefebvre sur les Paysans du Nord de la France, relancé voici 25 ans avec les problématiques ouvertes par Paul Bois dans ses Paysans de l'Ouest, on aurait pu craindre la lassitude ou la répétitivité. Compléter d'un nouvel apport monographique la carte discontinue de nos connais- sances sur l'appropriation du sol en 1789 ou sur la vente des biens natio- naux, telle qu'elle a été suggérée par les articles-bilans de Georges Lefebvre : l'objectif, sans être mineur, demeurerait limité et l 'auteur du présent travail, à juste titre, affirme une ambition plus large.

Il apporte, certes, et c'est son premier mérite, une précieuse contri- bution à notre connaissance d'une France du Nord-Est — en taillant large — à la fois bien et mal connue. Bien connue si l'on se réfère aux tra- vaux de Roland Marx sur l'Alsace, à ceux de Pierre de Saint-Jacob sur la Bourgogne, précieuse référence, à laquelle il est rendu un hommage mérité. Mais il est vrai aussi qu'en dehors de la Bourgogne, cette aire de l'espace français ne suscite pas aujourd'hui de convergences de curiosités comparables à celles qui se portent sur l'Ouest ou le Midi : sanction immé- ritée pour une France peut-être trop « sage » dans le grand bouleversement révolutionnaire ?

Le cadre choisi par cette étude, la Haute-Marne, dans la diversité de ses pays, mais l'homogénéité relative de sa société rurale, n 'a rien de banal ou d'anonyme. On y relève l'importance en I789 de l'implantation des privilégiés — 48 % du sol — et la solidité d'un système « féodal » qui n 'a pas dit son dernier mot. La faiblesse de l'implantation paysanne — 17 % — est partiellement compensée par les conditions de l'exploita-

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tion des terres aux mains d'une classe moyenne de laboureurs, comme par l'importance des biens communaux.

Autant de conditions historiques qui justifient le parti pris de J.-J. Clère d'une approche volontairement large des problématiques de cette société paysanne : sinon une histoire « totale », ambition sans doute excessive, du moins une histoire sociale ouverte à toutes les questions auxquelles l'épisode révolutionnaire va confronter cette paysannerie. La richesse des sources prospectées, dans les fonds municipaux et surtout départementaux, a focalisé certes cette mise en perspectives larges, ce qui ne diminue en rien, bien au contraire, le mérite de l'auteur, qui a su en tirer parti. Les sources fiscales d'époque révolutionnaire — ces matrices de la foncière ou de la mobilière sur lesquelles s'était appuyé Georges Lefebvre — faisant défaut le plus souvent, c'est des rôles de taille de 1790, source de transition incluant les privilégiés, qu'il a tiré un tableau non seulement de la propriété, mais de l'exploitation au début de la Révolution.

Une série Q, sur la vente des Biens Nationaux, exemplaire, lui a donné la base d'une enquête fouillée sur la propriété des privilégiés, mais aussi bien entendu sur son aliénation, totale dans le cas du clergé, partielle pour la noblesse. Plus ponctuelles, moins connues, des sources telles que les sentences arbitrales de l'an II, ont permis un regard rétrospectif sur les empiètements nobiliaires de la fin de l'Ancien Régime, et par là une approche originale du problème de la réaction nobiliaire, et de ce « vertige physiocratique », dont les communautés rurales ont subi les effets. Mais, pour clore cette revue, les sources de la contestation et de la répression n'ont pas été négligées, permettant de suivre non seulement les étapes spectaculaires du mouvement paysan, à l'été I789, mais aussi le quotidien du mauvais gré paysan.

A partir d'un investissement aussi large et aussi diversifié, les grands problèmes nationaux de la paysannerie révolutionnaire, tels qu'on peut les formuler aujourd'hui, trouvent dans ce cadre monographique précis des éléments de réponse. Confirmations massives ? La mainmise bourgeoise sur la plus grande partie des biens nationaux, dépouilles d'un clergé assez moyennement implanté, d'une noblesse qui a perdu des plumes, mais en préservant l'essentiel. Sans être le lieu d'une spéculation aussi intense que certains départements plus proches de Paris (ainsi l'Eure, récemment étudiée par la thèse de M. Bodinier), la Haute-Marne a fourni, sur le moment du moins, des opportunités intéressantes à une bourgeoisie, ici majoritairement locale. L'affrontement sur les communaux, et sur leur partage prenait, dans ces pays où ils représentaient un sixième du terroir, une importance réelle. Il y eut un mouvement et souvent un conflit, nécessairement alourdi par les objectifs divergents des différentes frac- tions de la paysannerie — laboureurs ou manouvriers — mais pour un bilan modeste, comme sont plus que modestes les résultats des tentatives de l'an II en direction des plus pauvres.

A partir de ces points, les confirmations débouchent sur des interro- gations fructueuses et neuves. J 'en retiendrai, en une sélection inévita- blement appauvrissante, l'accent mis sur les tensions à l'intérieur d'une communauté rurale qui est loin d'être monolithique, bien qu'on ne trouve

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pas ici les très gros exploitants qui constituent ce qu'on a appelé récem- ment la « fermocratie » des plaines de grande culture, ainsi en Picardie. La paysannerie moyenne ici prédominante, si elle ne semble pas avoir tiré un profit immédiat très sensible de la redistribution des terres liée à la vente des biens nationaux, n'en remporte pas moins une victoire différée, aux termes d'un bilan que l 'auteur dresse, aux alentours de 1830. On y prend la mesure de cette mobilisation du patrimoine foncier par le jeu des ventes et achats qui ont été déclenchés dans les décennies suivantes, par les effets différés de la crise révolutionnaire. Globalement, si la bourgeoisie reste stable, triant peu de profits de ses gains momentanés, la disparition de la propriété cléricale et la réduction sensible de l'aristocratie — dont la part, de 30 à 14 % du terroir, s'est réduite de moitié —, ont pour conséquence une progression importante de la paysannerie qui fait plus que doubler sa mise, de I7 à 43 0/0' ce qui se traduit par l'accroissement du nombre des propriétaires.

Plus que consolidée, à terme, par les retombées de la Révolution, qui lui a apporté également la fin du prélèvement féodal, cette paysannerie en est-elle pour cela attachée aux acquis de la période ? Dans l 'attitude des groupes ruraux, on souligne, durant les années de trouble l'importance de la crise religieuse sur une partie de la masse paysanne. Du moins n'a-t-elle pas basculé dans le camp de la Contre-Révolution.

A travers toutes ces notations, un « modèle » de comportement collectif se dessine, qui donne au site haut-marnais toute sa valeur exem- plaire. Exemplarité des conclusions, exemplarité de la démarche : on sou- lignera, pour conclure la convergence dont témoigne cette recherche, entre les interrogations des historiens et des historiens du droit, auxquels se rattache J.-J. Clère, autour d'une problématique de la Révolution paysanne, qui reste bien l'un des chantiers les plus dynamiques de l'his- toire sociale de la Révolution.

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LES PAYSANS DE LA HAUTE-MARNE ET

LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

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A mon père A la mémoire

d'Albert Soboul

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INTRODUCTION

Comme la plupart des départements français, la Haute-Marne ne présente pas une grande unité géographique.

Au nord du département se trouve le Perthois, terrain jurassique tertiaire et quaternaire, traversé par la Marne dont les alluvions forment une couche de limons argileux assez fertile.

Viennent ensuite les pays du Der, composés de terrains tendres et imperméables, argilo-sableux, de l'ère secondaire. Cette composition géologique en fait le pays vert, le pays des terres grasses, des prairies et des étangs.

Plus au sud, s'étend le Barrois, formé de terrains calcaires ou marno- calcaires du Jurassique supérieur. Le nord de cette région s'apparente quelque peu encore à la précédente, mais dans la plus grande partie du Barrois le relief prend la forme de plateaux calcaires assez secs, crevés par des gouffres en certains points, entaillés par les rivières et séparés par de petits bassins marneux. C'est le Haut-Pays que prolongent à l'ouest les plateaux de Basse-Bourgogne. Au sud, ce Haut-Pays se trouve nettement délimité par une sorte de falaise qui traverse tout le département du sud- ouest au nord-est (Ormoy-sur-Aube, Euffigneix, Andelot, Saint-Blin, Liffol-le-Petit).

A partir du flanc méridional de cette falaise, s'étale la Vallée. Cette partie, qui se compose de terrains argilo-marneux, fut, tout autant que le Der, profondément marquée par l'érosion. Son altitude, qui ne dépasse guère 200 mètres dans la région de Châteauvillain, atteint rarement plus de 300 mètres. Cette bande, la plus fertile du département, se prolonge en Bourgogne, par Montigny-sur-Aube, et en Lorraine, par Neufchâteau.

Au sud de la Vallée, le relief change insensiblement pour déboucher sur une région de longs plateaux secs et arides : c'est la Montagne appelée le plus souvent Plateau de Langres. Le calcaire en fait un sol pauvre, envahi par les friches, où culminent les petits sommets les plus élevés du département (510-520 mètres).

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Le rebord sud du Plateau forme une autre falaise au tracé capricieux. Au pied de celle-ci s'étendent les pays du Bassigny et de la Vingeanne où les bancs calcaires alternent avec des terrains argilo-marneux très fertiles.

Enfin le relief des pays de l'Amance et de l'Apance n'est pas sans rappeler celui des Vosges toutes proches : grès et calcaires constituent le sommet de nombreuses collines, alors que les marnes forment le fond de vallées profondes et humides.

Sur le plan historique, au xvme siècle, domine l'extrême complexité des anciennes institutions, le perpétuel enchevêtrement des circonscrip- tions de tous ordres. Quatre généralités : Châlons-sur-Marne, Nancy, Besançon et Dijon se partagent, fort inégalement d'ailleurs, le territoire du futur département de la Haute-Marne. Mais la grande majorité des communautés villageoises dépendaient du gouvernement militaire de Champagne et de Brie et de la généralité de Châlons-sur-Marne. A l'inté- rieur de la Champagne, les enclaves bourguignonnes étaient nombreuses : marquisat d'Arc, région de Fayl-Billot, ainsi que plusieurs villages dispersés dans tout le département qui témoignaient de l'ampleur de la vieille hiérarchie féodale. Aux abords de Bourbonne-les-Bains, Cham- pagne, Franche-Comté et Lorraine s'entremêlaient inextricablement : Saulxures, Malroy relevaient du Barrois mouvant, tandis que Colombey- lès-Choiseul dépendait du Barrois non mouvant1. Les villages de Tulières, Monthureux-le-Sec, Valleroy, étaient des enclaves champenoises en pleine Lorraine.

Quatre bailliages royaux couvraient le futur département. Avec ses cinq cents villages, le bailliage et siège présidial de Chaumont débordait largement sur les actuels départements de l'Aube, de l'Yonne, de la Côte- d'Or, de la Marne, de la Meuse et des Vosges. Les duchés pairies de Châ- teauvillain et de Laferté-sur-Aube dépendaient en revanche de bailliages bourguignons. Les bailliages eux aussi portaient encore la marque du tracé des fiefs. Dans le domaine ecclésiastique, les paroisses du futur département relevaient de cinq diocèses différents : Langres, le plus i m p o r t a n t , C h â l o n s - s u r - M a r n e , T o u l , T r o y e s e t B e s a n ç o n 2 .

N ' i n s i s t o n s p a s t r o p l o n g u e m e n t s u r c e s p r o b l è m e s . L e s c o n t r a s t e s d u

r e l i e f n e s o n t p a s m a r q u é s , l a n a t u r e d e s s o l s n ' e s t p a s d i f f é r e n t e a u p o i n t

q u e l ' o n p u i s s e d i s t i n g u e r e t d i v e r s i f i e r l ' a c t i o n d e s h o m m e s e n f o n c t i o n

d e l e u r l i e u d ' h a b i t a t i o n . E n d é p i t d e s d i v e r s i t é s g é o l o g i q u e s , l e s p a y s a g e s

a g r a i r e s s e r e s s e m b l e n t : p a r t o u t d e s c h a m p s l o n g s , o u v e r t s e t t e r r i b l e -

m e n t m o r c e l é s . P o i n t d e m o n t a g n e e t p a s d e b o c a g e s , m a i s d e s f r i c h e s e t

d e s i m m e n s e s f o r ê t s q u i c o u v r e n t p r è s d u t i e r s d u s o l . L e f a i t q u e t e l l e

p a r o i s s e d é p e n d e d u d i o c è s e d e B e s a n ç o n e t t e l l e a u t r e d u d i o c è s e d e

L a n g r e s n e r e v ê t p a s u n e i m p o r t a n c e d é t e r m i n a n t e . L a r é a l i t é d e b a s e e s t

p a r t o u t l a m ê m e : l ' h a b i t a t g r o u p é d e l a c o m m u n a u t é v i l l a g e o i s e q u ' e n -

s e r r e e t q u e d o m i n e t o u j o u r s l a s e i g n e u r i e . C e t t e u n i t é n ' a p a s r e l â c h é

1. Le Barrois m o u v a n t se t r o u v a i t dans le r oyaume de France (mouvant de la couronne). Le Barrois non m o u v a n t dépenda i t du duché de Lorraine.

2. Sur tou tes ces questions, on consul tera : H. METTRIER, La formation du dépar- tement de la Haute-Marne , Chaumont , 19I1.

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La Haute-Marne : carte géologique.

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une étreinte qui demeure aussi forte que dans la Bourgogne de Pierre de Saint-Jacob.

Nous avons choisi, pour champ d'observation, le cadre départemental parce que sa dimension le rend accessible aux forces limitées d'un seul chercheur. Ni trop vaste, ni trop restreinte, l'aire départementale permet une étude approfondie — mais non pas exhaustive — des questions envi- sagées. Ajoutons que les archives postérieures à I789 sont classées à partir de ce cadre administratif, depuis les fonds de familles jusqu'aux pièces judiciaires.

Deux raisons essentielles nous ont poussé à choisir la Haute-Marne. La première est tout à fait subjective. On s'intéresse toujours davantage — par égocentrisme — au terroir où l'on est né, au milieu dans lequel on a vécu. A la base de tout livre, de toute étude, il existe l'expérience d'une pratique sociale sur laquelle on s'interroge. La deuxième raison est plus universitaire. La Haute-Marne apparaît comme une zone délaissée par les historiens. Au siècle dernier, les érudits locaux ont beaucoup publié ; mais leurs travaux ont mal vieilli ; les préoccupations des historiens ont changé, mais la relève n'a pas été assurée : il n'existe aucun ouvrage important ni sur l'histoire de l'Ancien Régime, ni sur celle de la Révolu- tion. Tout au plus peut-on recenser quelques dizaines d'articles offrant un intérêt très inégal, médiocres le plus souvent.

Nous n'avons pas voulu cependant nous enfermer strictement dans une histoire régionale et locale et privilégier la diversité au détriment du général : « L'idée, malheureusement répandue, selon laquelle la juxtapo- sition de multiples enquêtes régionales ferait jaillir d'elle-même la lumière est d'ailleurs d'une désolante stérilité. Que dirait-on du biologiste qui procéderait de manière analogue ? Il reste que ce type de recherche, animé par une préoccupation d'histoire générale, doit nécessairement s'inscrire dans un cadre ou un champ régional. A cette échelle seulement l ' h i s t o r i e n t r o u v e l e s o u t i l s q u ' e x i g e s o n i n v e s t i g a t i o n 3 . »

Le présent ouvrage se présente comme une contribution aux récentes discussions qui ont porté sur le sens et la portée de la Révolution de I789. Après Barnave, après Saint-Simon, les historiens libéraux de la première moitié du xixe siècle ne se sont point trompés sur la signification générale de la Révolution française. Guizot, en particulier, a remarquablement compris la montée de la classe moyenne, c'est-à-dire de la bourgeoisie4. Mais à la fin du xixe siècle, l'histoire révolutionnaire reste essentiellement politique. Il est vrai que la résurrection de la République y poussait. Il fallait asseoir et légitimer un régime au passé éphémère, lui trouver une symbolique. Le précédent de 1792 fournissait une riche matière. Dans un climat patriotique et revanchard, Valmy devint un mythe. Les jeunes

3. G u y Bois , Crise du féodalisme, Paris, 1976, p. 13. 4. GUIZOT, Histoire de la civilisation en France depuis la chute de l 'Empire

romain, 4 vol., Paris, 1828-1830. Voir aussi : Alph. AULARD, Histoire politique de la Révolution française, Paris, 6e éd. 1926, réimpr. 1977.

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héros Bara et Viala furent proposés comme exemples de courage et de vertu à la jeunesse du pays. Danton personnifia la résistance nationale. L'oeuvre politique et religieuse de la Révolution importait beaucoup plus que la diversité et la complexité des luttes sociales. Les paysans n'appa- raissaient que rarement comme acteurs de cette gigantesque épopée. Par la nuit du 4 août, l'Assemblée nationale seule avait mis fin à la domination séculaire du château.

Parue au début du siècle, l 'œuvre de Jaurès5 détonnait au milieu de l'historiographie dominante. S'inspirant dans une certaine mesure de l'œuvre de Marx, Jaurès donnait à l'histoire de la Révolution française un éclairage nouveau6. Pour la première fois, les cahiers de doléances paysans étaient minutieusement analysés. En des pages remarquables, Jaurès retraça l'histoire de l'abolition des droits féodaux. L'acteur prin- cipal n'était plus la Constituante. Par l'ampleur de ses vues, Jaurès attira l 'attention des historiens sur la vente des biens nationaux, sur la question des communaux7. C'est dans cette lignée que se situe Georges Lefebvre qui publie, en 1924, un ouvrage capital : Les paysans du Nord pendant la Révolution francaise. « Une thèse qui par l'ampleur des conclu- sions dépassait largement le cadre de la monographie départementale8. » Avec la publication, en 1932, de la grande synthèse de Marc Bloch9, puis de L'histoire de la campagne française de Roupnel, l'essor de l'histoire agraire sembla assuré. En effet la période médiévale et la période moderne suscitèrent d'admirables travaux10. Mais s'agissant de la période révolu- tionnaire, les progrès furent extrêmement timides. On continua comme par le passé à étudier dans quelques districts la vente des biens nationaux. Il parut aussi un certain nombre d'ouvrages ou d'articles sur la répartition de la propriété foncière". Mais, jusqu'à ce jour, on ne dispose que de quelques monographies sur l'abolition des droits féodaux12 et sur leur

5. J. JAURÈS, Histoire socialiste de la Révolution française. Le jer vol. parut en 1901.

6. J. JAURÈS, Histoire socialiste de la Révolution française, 6 vol., Paris, 1968- On consultera les présentations d'Albert SOBOUL et d'Ernest LABROUSSE.

7. Pour être tout à fait juste, reconnaissons que le premier changement ne vint pas des « gallocentristes » mais d'un certain nombre d'intellectuels d'origine russe. La question agraire avait pris une telle importance dans ce pays que quelques histo- riens, exilés pour la plupart, s'interrogèrent sur l'avenir d'une paysannerie dominée par les rapports féodaux. Ils ne manquèrent pas de solliciter l'exemple de la Révolu- tion de 1789. Malgré des confusions juridiques et des erreurs, Kowalewsky et Kareïev imposèrent l'étude de la répartition de la propriété foncière que fit grande- ment avancer Loutchisky.

8. A. SOBOUL, « Georges Lefebvre », dans Réflexions sur l'histoire, Paris, 1978, p. 16.

9. M. BLOCH, Les caractères originaux de l'histoire rurale française, Ire éd., Oslo, 1932.

10. La liste serait assez longue. Parmi les auteurs les plus importants, citons les « médiévistes » : R. Boutruche, G. Duby, Ch. Edmond-Perrin, les « modernistes » : P. Goubert, Pierre de Saint-Jacob, E. Leroy-Ladurie, R. Baehrel, G. Frèche, A. Poi- trineau, qui sont cités dans la bibliographie.

11. Cf. Bibliographie. 12. J. MILLOT, L'abolition des droits féodaux dans le département du Doubs et la

région comtoise, Besançon, 1941 ; Ph. GOUJARD, « L'abolition de la féodalité dans

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rachat13. Le problème de la propriété communale ainsi que celui des usages communautaires sont à peu près totalement délaissés et l'on sait fort peu de choses sur l'évolution de la répartition de la propriété paysanne depuis la fin de l'Ancien Régime jusqu'au premier cadastre. La vente des biens nationaux elle-même ne doit pas faire illusion. La première période, surtout, a été étudiée, mais on cerne beaucoup moins bien l'importance de la vente des biens des émigrés et la période directoriale. Pour les paysans, celles-ci sont tout aussi capitales.

La plupart des auteurs s'accordent à reconnaître le rôle primordial de ces questions agraires dans la transition du féodalisme au capitalisme. Après un combat de quatre ans, la révolte paysanne abattit radicalement la féodalité. A la différence des autres pays, les anciens rapports sociaux furent promptement abolis. Cette suppression aurait dû accélérer le rythme d'une révolution bourgeoise qui avait balayé les cadres juridiques et politiques du féodalisme. C'est le contraire qui se passa. Dans la voie du développement capitaliste, la France ne put pas, durant le xixe siècle, combler le handicap qui la séparait de l'Angleterre. Bien plus, elle se vit dépassée par des nations qui présentaient, fortement accusées, les marques de leur passé féodal : l'Allemagne et le Japon. De là à dire que les mouve- ments populaires qui sous-tendent l'histoire de la Révolution ont revêtu un caractère passéiste et influencé le mouvement dans un sens rétrograde, il n 'y avait qu'un pas qui fut allègrement franchi. Pour F. Furet et D. Richet14, les Lumières se caractérisent par la naissance des élites qui rassemblent les éléments les plus éclairés de la noblesse et de la bourgeoisie. Ces élites qui avaient considérablement modifié l'économie qu'elles diri- geaient, seraient probablement parvenues à réformer l 'État, comme en témoigne le passage des Physiocrates au pouvoir. Mais la Révolution française éclate. Le déchaînement des passions populaires, que Richard Cobb prétend expliquer en recourant à une pseudo-psychologie collective à b a s e d ' h y s t é r i e 1 5 , m e t f i n à t o u t e s p o i r d e r é f o r m e s s é r i e u s e s . E n s ' a p -

p u y a n t s u r l e p e u p l e , l e s g o u v e r n a n t s r é v o l u t i o n n a i r e s e t p o s t - r é v o l u t i o n -

n a i r e s d u r e n t f a i r e d e m u l t i p l e s c o n c e s s i o n s e t , e n p a r t i c u l i e r , m a i n t e n i r

l a p e t i t e p r o d u c t i o n r é t r o g r a d e , f r e i n à t o u t p r o g r è s é c o n o m i q u e 1 6 . L a

d é m o n s t r a t i o n e s t d ' a u t a n t p l u s s é d u i s a n t e q u e l e s c o n c l u s i o n s s o n t g é n é -

r a l e m e n t a c c e p t é e s . Q u e l ' o n p e n s e à l ' a s s e z r é c e n t r a p p o r t V e d e l , a u p l a n M a n s h o l t . . .

le d is t r ic t de Neufchâte l (Seine-Inférieure) », dans A. SOBOUL (sous la dir. de), Contributions à l'histoire paysanne de la Révolution française, Paris, 1977, p. 353-375.

13. A. FERRADOU, Le rachat des droits féodaux dans le département de la Gironde, Paris, 1928 ; R. GARRAUD, Le rachat des droits féodaux et des dîmes inféodées en Haute-Vienne, Poitiers, 1939; J . -N. L u c «, Le r a c h a t des droits féodaux dans le d é p a r t e m e n t de la Charente- Infér ieure (1789-1793) », dans A. SOBOUL (sous la dir. de), Contributions à l'histoire paysanne de la Révolution française, p. 309-352 ; P. HERLIHY, « L 'abol i t ion de la dîme inféodée », ibid., p. 377-399.

14. F. FURET, D. RICHET, L a Révolution française, 2 vol., Paris, 1965-1966 ; G. CHAUSSINAND-NOGARET, La noblesse du X V I I I e siècle: de la féodalité aux lumières, Paris, 1976.

15. R. COBB, L a protestation populaire en France — 1780-1820, Paris, 1974- 16. N. POULANTZAS, Pouvoir politique et classes sociales, 2 vol., Paris, 1970,

t o u t en ne su ivan t pas le même chemin, arr ive f inalement aux mêmes conclusions.

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Il y a pourtant quelque mauvaise foi à raisonner ainsi. On ne peut postuler le caractère révolutionnaire de la seule haute bourgeoisie et de la noblesse libérale et oublier les mécanismes complexes d'une longue accumulation précapitaliste qui ne repose pas seulement sur le commerce lointain, les manufactures royales et les fermes générales. A la base de l'accumulation, on ne peut trouver que la production et son essor. Le vrai capitalisme ne se contente pas d'extraire un profit, autrement il aurait été de tous les temps et de tous les pays. Il aurait même été particulièrement florissant à Rome. Le vrai capitalisme contrôle et dirige la production basée sur le travail salarié. Il ne se réalisa pas dans les échanges mar- chands qui ne représentent qu'un aspect, mais dans la grande industrie. Pour ces motifs, on ne peut imputer un certain retard dans le développe- ment capitaliste de la France aux survivances de la petite et de la moyenne production, dans l'agriculture ou dans l'artisanat. Ces formes ne sont pas contradictoires avec le capitalisme. Surtout avec le capitalisme naissant, car elles permettent une différenciation qualitative17 au sein de la masse des producteurs dont une minorité finit par se muer en capitalistes. Le développement du capitalisme ne nous a pas semblé tributaire du main- tien de la petite production agricole. Si le retard est incontestable, on doit d'abord rendre responsables ses contradictions internes. Le présent livre ne prétend pas résoudre cette vaste question : il faudrait connaître dans le détail la composition des fortunes bourgeoises, l'ensemble des mécanismes de la transformation — ou de la non-transformation — de l'argent en capital. Plus simplement nous avons essayé de montrer, qu'au sens littéral du terme, le capitalisme a colonisé l'agriculture. Qu'il ne s'est emparé d'abord que de certains secteurs, parce que les autres n'étaient pas jugés rentables18. La démocratisation limitée de la propriété foncière que l'on constate ne signifie pas l'impuissance de la classe bourgeoise. Bien au contraire, elle est la base de sa domination. Les paysans ont abattu la partie la plus visible des rapports sociaux féodaux : les droits innombrables qui pesaient sur le sol et les personnes, la propriété éminente du seigneur. Mais ils n'ont pu abattre la domination bourgeoise empreinte des vieilles pratiques précapitalistes : l'usure et l'hypothèque notamment qui dans l'immédiat rapportaient davantage. Durant la première moitié du xixe siècle, il était beaucoup plus profitable d'être propriétaire foncier, marchand ou (et) usurier que fermier capitaliste. La rente foncière a ralenti le développement capitaliste dans l'agriculture.

Ces considérations générales ne doivent pas faire oublier les nécessités de la recherche érudite : « Quelle tentation pour l'écrivain de ne brosser que les vastes panoramas suggérés par des idées préconçues, rapidement exécutés, parés des agréments du talent littéraire ! Quelle séduction pour le professeur que de s'élever au-dessus du brouillamini harassant des évé-

17. Voir en par t icul ier : M. DOBB, Études sur le développement du capitalisme, Paris, 1970 ; M. DOBB, M. SWEEZY, D u féodalisme au capitalisme. Problèmes de la transition, 2 vol., Paris, 1977.

18. E n agriculture, le capi tal isme s ' empare d ' abord de cer ta ins secteurs tels que les forêts, l 'élevage.

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nements et de la description rébarbative des institutions pour portraiturer à grands traits une époque ou embrasser à vol d'oiseau les perturbations contrastées d'une période mouvante, dans un discours qu'une parole brillante orne de sa clarté et de son éclat ! Quel enthousiasme chez les lecteurs et les auditeurs, et combien d'entre eux ne rêveront plus désor- mais que de synthèses précipitamment échafaudées et prendront en dégoût la persévérance obscure du chercheur... Je ne cesse de défendre les méthodes de l'érudition et de soutenir que sans elle il n'est point d'histoire, que pour dominer les événements il faut d'abord les connaître aussi minutieusement qu'il est possible19. »

L'érudition seule permet d'éviter la spéculation et le dogmatisme : « Les impasses d'une historiographie si largement imprégnée du positi- visme du siècle dernier suscitent aujourd'hui de violentes réactions sou- vent stimulantes, mais parfois victimes d'un idéalisme spéculatif. Le glissement menace dès que l'effort théorique prend le pas sur le travail d'historien au détriment « d'une pénétration directe dans la matière historique » pour reprendre une formule de Pierre Vilar dans un article récent et important. L'influence du structuralisme, celle aussi d'une pra- tique dogmatique du marxisme, peuvent être à l'origine de tels faux pas. Il n'est pas vrai que l'on puisse élaborer des modèles de fonctionnement des systèmes économiques précapitalistes en glanant ici et là les maté- riaux accumulés par les historiens20. » Mais inversement l'érudition ne peut être considérée comme une fin en soi. Malgré sa complexité, ses contradictions, l'histoire est une matière pensable. L'individuel et le c o n t i n g e n t d o i v e n t ê t r e r e m i s à l e u r j u s t e p l a c e 2 1 . E m p r u n t o n s e n c o r e à

G u y B o i s l e s d e u x r è g l e s f o n d a m e n t a l e s d e l a r e c h e r c h e :

« — P r i m a t d e l a m é t h o d e h i s t o r i q u e : p a r u n e i n v e s t i g a t i o n a u s s i

f o u i l l é e q u e p o s s i b l e d e s f a i t s é c o n o m i q u e s e t p a r l a c o n f r o n t a t i o n p e r m a -

n e n t e d e s h y p o t h è s e s t h é o r i q u e s p a r t i e l l e s a v e c l a r é a l i t é : c e l a p o u r s e

p r é s e r v e r d u r i s q u e s p é c u l a t i f .

— M a i n t i e n d u c a p d e l a r e c h e r c h e v e r s s o n o b j e c t i f u l t i m e : l a

c o m p r é h e n s i o n g l o b a l e d ' u n s y s t è m e s o c i o - é c o n o m i q u e ; c a r d è s l o r s q u e

l ' o n s ' é c a r t e , u n t a n t s o i t p e u , d e c e t o b j e c t i f , l ' e n l i s e m e n t d a n s l ' e m p i -

r i s m e n e t a r d e g u è r e 2 2 . »

P o u r r é a l i s e r c e s o b j e c t i f s n o u s a v o n s p r i v i l é g i é l ' e n q u ê t e l o n g u e p a r

r a p p o r t à l ' e n q u ê t e l a r g e . L e s o u s - t i t r e n ' e s t p a s u n e s i m p l e p r é c a u t i o n

d e l a n g a g e . N o u s a v o n s e s s a y é d e c e r n e r t o u t e s l e s q u e s t i o n s f o n c i è r e s ,

m a i s e l l e s s e u l e m e n t . L e s c o n s é q u e n c e s d e l a R é v o l u t i o n n e p e u v e n t ê t r e

a p p r é h e n d é e s d a n s l e c o u r t t e r m e . L ' h i s t o r i e n n e p e u t a c c e p t e r l a f a m e u s e

a p o s t r o p h e d e B o n a p a r t e : « C i t o y e n s ! l a R é v o l u t i o n e s t f i x é e a u x p r i n -

c i p e s q u i l ' o n t c o m m e n c é e . E l l e e s t f i n i e . » L a f r a c t u r e f u t i m m e n s e e t e l l e

a d é r o u l é s e s e f f e t s p e n d a n t l o n g t e m p s . L e s r é p e r c u s s i o n s s o c i a l e s d e l a

19. G. LEFEBVRE, « Réflexions sur l 'histoire », dans Réflexions sur l'histoire, Paris, 1978, p. l I 2 - I I 3 .

20. G. Bois , Crise du féodalisme, p. 18. 21. P. LACOMBE, De l'histoire considérée comme science, Paris, 1906. 22. G. Bois , Crise du féodalisme, p. 18-19.

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vente des biens nationaux ne peuvent pas être saisies seulement au travers des procès-verbaux d'adjudication, ou même des reventes immé- diates. Le mouvement même de la Révolution a entraîné des mutations foncières considérables dont rendent compte le premier cadastre et les tables des vendeurs. L'histoire de la restitution des biens communaux ne prend pas fin avec la chute des Montagnards ou avec les Thermidoriens. La réaction se précise dès le Directoire et ses effets s'étendent jusqu'à la fin du premier tiers du xixe siècle. C'est parce qu'il fallait dépasser le cadre chronologique de la Révolution que certaines questions, relevant surtout de l'histoire des mentalités, n'ont pas été étudiées23.

Les changements importent plus à l'historien que les états. L'étude des états constitue un point de départ pour une étude suivie et complète des phénomènes qui seule peut fournir une explication24. La nécessité s'im- pose de privilégier les mouvements, ou, selon l'heureuse expression de Pierre de Saint-Jacob, « la perspective cinématique ». L'individu n'a pas été retenu dans ce qu'il a de particulier ou d'exceptionnel. Les groupes s o c i a u x , l e s c l a s s e s s o c i a l e s , s e u l s , d o i v e n t o c c u p e r l a s c è n e d e l ' h i s t o i r e 2 5 :

« Il est entendu que l'histoire sociale ne peut pas ignorer l'événement, l'individu. Mais certains domaines de l'histoire sociale leur seront plus ou moins accueillants. Certains sujets par nature seront rétifs à l'homme, à l'homme en tant qu'individu isolé... Structures et conjonctures qui constituent comme le milieu naturel de l'histoire sociale sont des phéno- mènes collectifs que l'aventure individuelle ne crée ni ne transforme26. »

Une étude des mécanismes sociaux ne peut se dispenser du recours au quantitatif. Il faut compter. On sait les critiques formulées à l'égard des statistiques. Un certain nombre d'historiens ont ironisé sur ces prétentions scientistes. La comparaison du prix de la rosse avec celui d'un bel étalon est évidemment une belle absurdité que Marc Bloch dénonça en son temps27. Inversement, d'autres ont fait du chiffre la panacée. Il faut garder la juste mesure. Comme les témoignages des contemporains, les chiffres doivent être soumis à la critique historique. On ne peut les solliciter en tous domaines. D'une manière générale, les résultats chiffrés ne constituent jamais une certitude absolue. Ils indiquent des approximations, des ten- dances, qui permettent d'expliquer et de comprendre le mouvement social. Il faut « se garder des illusions des chiffres et du vertige du nombre ; l'historien ne doit pas être dupe de leur trompeuse certitude ni de leur

23. A la différence de Georges Lefebvre qui, dans sa thèse, a passé au peigne fin tou te l 'histoire révolut ionnaire paysanne .

24. Alber t SOBOUL écri t : « L 'his toire sociale est su r tou t a t t en t ive a u x mouve- ments e t aux changements , par t icu l iè rement a u x oscillations de moyenne ampli- t u d e qui réduisent ou qui aggraven t les écar ts e t qui usen t les mécanismes sociaux. » « A propos d 'histoire sociale », dans L'histoire sociale, sources et méthodes, Paris, 1967, p. 13.

25. TOCQUEVILLE a lancé : « on peu t m 'opposer sans doute des individus, je parle des classes : elles seules doivent occuper l 'historien », dans L 'Ancien Régime et la Révolution, Paris, 1952, p. 179.

26. E rnes t LABROUSSE, « Conclusion », dans L'histoire sociale, sources et méthodes, p. 286.

27. M. BLOCH, Apologie p o u r l 'histoire ou métier d'historien, Paris, 1964.

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précision apparente. Les résultats statistiques obtenus n'ont souvent qu'une valeur approximative, ils suggèrent un ordre de grandeur, ils s'éclairent par comparaison, ils sont précieux par les antagonismes qu'ils soulignent entre les différentes catégories sociales, par les spécificités de temps et de lieu qu'ils révèlent entre les diverses sociétés28. » Le quanti- tatif ne peut être dissocié du qualitatif. Il faut éclairer l'un par l'autre car les nombres absolus ne permettent pas de saisir la complexité du réel historique. Pierre Vilar a démontré l'ineptie de la comparaison des niveaux de vie dans des sociétés différentes. Le quantitatif doit être apprécié sans anachronisme et qualifié sans contresens. Pour utiliser pleinement le quan- titatif il faut disposer de bons outils conceptuels. « Les classes sociales ne se distinguent pas par la consommation et les revenus, mais par la situa- tion dans le procès productif. Les riches, les pauvres, voilà l'aspect exté- rieur. Il est important. Il détermine des psychologies. Il n'est pas un moteur des changements et des luttes. Le problème n'est pas de savoir à partir de quel seuil on est riche ou pauvre mais comment on le devient. Accumulations, paupérisations : voilà les problèmes majeurs de l'histoire sociale. On devient riche ou pauvre par la façon dont on participe à la production, dont on se situe par rapport à la production, soit en position de force, soit en position de faiblesse. C'est le mode de prélèvement sur la production, c'est le mécanisme de l'accumulation qui constitue le fait social éclairant. Ne plus étudier des richesses et des pauvretés mais des enrichissements et des appauvrissements, non plus des pauvres et des riches mais des producteurs de valeur et des accumulateurs de plus- value29. »

L'histoire du droit doit s'extraire d'une explication purement logique et intellectuelle des institutions et des phénomènes. Le droit n'est pas un système clos et isolé que l'on peut étudier in vitro, mais il constitue un aspect majeur de la pratique sociale qui ne peut être réduit à l'étude de la doctrine ou même de la jurisprudence. Les arrêts et les jugements tra- duisent certains aspects pathologiques de la société mais ils ne permettent pas de restituer la vie sociale et juridique. On peut être séduit par la rigueur des raisonnements de Merlin mais on ne peut oublier que ce grand juriste était d'abord au service d'une classe dont il avait les œillères. Dans la lutte qu'il entreprit contre les lois de 1793, son raisonnement ne peut être accepté que si l'on se réfère à certains principes : le primat du droit de propriété, quelle qu'en soit l'origine, et le caractère exceptionnel des lois rétroactives. S'agissant des hypothèques, l'historien peut étudier les origines grecques ou romaines de cette institution. Il peut reconstituer la logique interne de cette technique mais il peut aussi s'attacher aux moda- lités de son fonctionnement, à ses conséquences sociales. On ne peut comprendre le droit d'une société que l'on ne connaît pas et il ne faut pas oublier qu'à côté du droit applicable élaboré aux échelons supérieurs de la

28. A. SOBOUL, « D e s c r i p t i o n e t m e s u r e e n h i s t o i r e s o c i a l e », d a n s L h i s to i r e socia le , sou rces et mé thodes , p . 16-17 .

29. P i e r r e VILAR, « H i s t o i r e s o c i a l e e t p h i l o s o p h i e d e l ' h i s t o i r e », d a n s L a P e n s é e , n o v . - d é c . 1964 , p . 64 .

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hiérarchie sociale, il existe le droit appliqué et vécu. Entre les deux, souvent surgissent des conflits.

Parce que le récit reste au cœur de l'histoire, le plan de ce livre sera d'abord chronologique. On ne peut mêler sans cesse l'Ancien Régime et la Révolution et jongler avec les événements afin d'en dégager un tout harmonieux. Mais à l'intérieur de ce rythme binaire nous avons traité les questions qui nous ont paru essentielles pour la compréhension de l'histoire agraire.

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LISTE DES ABRÉVIATIONS UTILISÉES

Les cotes sans indications de dépôt se rapportent aux Archives dépar- tementales de la Haute-Marne.

A.B. : Annales de Bourgogne A. G. : Annales de Géographie

A.H.E.S. : Annales d'Histoire économique et sociale A.E.S.C. : Annales, Économies, Sociétés, Civilisations

A.H.R.F. : Annales historiques de la Révolution française B.C.T.H. : Bulletin du Comité des Travaux historiques et scientifiques B.S.H.M. : Bulletin de la Société d'Histoire moderne C.H.M. : Cahiers Haut-Marnais

C.R.P.D.R. : Commission de recherches et de publication des documents rela- tifs à la vie économique de la Révolution

I.H. : Information historique M.S.H.D.B. : Mémoires de la Société d'histoire du droit des pays bourguignons,

comtois et romans

R.H.D. : Revue historique de droit français et étranger R.H. : Revue historique R.C.C. : Revue des cours et conférences R.H.E.S. : Revue d'Histoire économique et sociale R.H.M.C. : Revue d'Histoire moderne et contemporaine R.S.H. : Revue de synthèse historique

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LES ANCIENNES MESURES AGRAIRES

Avant la Révolution, la diversité est la règle. Le territoire du futur département connaît treize mesures différentes dont il est difficile d'expli- quer l'origine. Plusieurs explications se combinent. Le journal peut se définir par rapport à l'attelage mais aussi en fonction de la quantité de grains nécessaire à l'ensemencement (d'où les appellations septiers, bichets, mencaudées, etc...). Quoi qu'il en soit, il semble que très tôt les autorités seigneuriales, puis royales, aient imposé une mesure commune à des régions soumises à leur pouvoir : il est question du journal de Bour- gogne, du journal du bailliage de Langres, d'arpent du roi, etc... Ces tenta- tives n'aboutirent jamais complètement et de nombreuses contrées conservèrent leurs anciennes mesures.

Le journal de terre, la fauchée de pré et l 'arpent de bois (360 perches de 8 pieds 3 pouces), en usage à Langres, Recey-sur-Ource, Giey-sur- Aujon, Prez-sous-Lafauche, valent 0,25839 hectare.

Le journal de terre, la fauchée de pré (400 perches de 8 pieds 3 pouces), en usage à Montsaugeon, Bourbonne-les-Bains, Grancey-le-Château, valent 0,2871 hectare.

Le journal ou arpent de terre, la fauchée de pré (450 toises de 8 pieds 3 pouces), en usage à Chaumont, Nogent-en-Bassigny, Clef mont, Monti- gny-le-Roi, Longchamp-lès-Millières, Oudincourt, Ormoy, valent 0,3229 hectare.

Le journal de terre et de pré (480 toises ou perches de 8 pieds 3 pouces), en usage à Vignory, vaut 0,34452 hectare.

L'arpent de terre, bois et pré (600 perches de 8 pieds 3 pouces), en usage à Choiseul, vaut 0,43065 hectare.

Le journal de terre, la fauchée de pré (250 perches de 8 pieds 4 pouces), en usage à Laneuville-aux-Bois, Lezeville, valent 0,18307 hectare.

Le journal de terre et la fauchée de pré (480 chaînes ou cordes de 8 pieds 4 pouces), en usage à Montier-en-Der, Ambonville, Cirey, Les- chères, Cerisières, Boussancourt, valent 0,3515 hectare.

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L'arpent de terre, pré et bois (250 perches de 9 pieds), en usage à Bourmont, Breuvannes, Huilliécourt, Liffol-le-Petit, Sommerécourt, vaut 0,21355 hectare.

Le journal de terre, la fauchée de pré (360 toises ou perches de 9 pieds 6 pouces), en usage à Fayl-Billot, Giey-sur-Aujon, valent 0,34262 hectare.

Le journal de terre (250 perches de 10 pieds 12 pouces), en usage à Orges, vaut 0,26362 hectare.

Le journal de terre, la fauchée de pré (60 cordes de 20 pieds), en usage à Nully, Trémilly et autres environs de Sommevoire, valent 0,25308 hectare.

Le journal de terre et la fauchée de pré (80 cordes de 20 pieds), en usage à Saint-Dizier, Wassy, Joinville, valent 0,3374 hectare.

L'arpent de bois, vigne et pré et le journal de terre (100 cordes de 20 pieds), en usage aussi à Saint-Dizier, Wassy, Giey-sur-Aujon, valent 0,4218 hectare.

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PREMIÈRE PARTIE

LA PHYSIOCRATIE ET LES DERNIÈRES MANIFESTATIONS

DE LA CRISE AGRAIRE :

SEIGNEURS, BOURGEOIS ET PAYSANS

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C H A P I T R E I

LA RÉPARTITION DE LA PROPRIÉTÉ FONCIÈRE ET DE L'EXPLOITATION

A LA FIN DE L'ANCIEN RÉGIME

Les interrogations sont nées à la fin du siècle dernier. Kareïev, Kowa- lewsky et Loutchiskyl se sont attelés à la tâche et depuis, de nombreuses études ont été consacrées à ce problème. L'absence de méthode commune, la disproportion entre les résultats et les efforts ont entraîné une réaction hypercritique assez vive. P. de Saint-Jacob déclarait en 1960 :

« Depuis trois quarts de siècle les historiens poursuivent assez vai- nement ce fantôme insaisissable. Les efforts ont échoué pour plusieurs raisons : d'abord parce que la notion de propriété est assez fluide sous l'Ancien Régime mais surtout parce que nous ne possédons pas et nous ne posséderons jamais les documents qui nous seraient nécessaires. L'étude de la propriété ne peut vraiment commencer qu'avec la fiscalité d'état sans privilège, c'est-à-dire au début de la Révolution, avec le vingtième de 1790. Ordinairement un terrier ne recouvre pas un finage ; il ne men- tionne pas les alleux ni les terres à champart (en Bourgogne du moins). Sauf pour quelques régions privilégiées, des surfaces considérables échappent à l'inventaire. Dès lors peut-on parler de " répartition " ? Et même si le chiffre des surfaces était exact aurait-il une valeur écono- mique ? Trop de pourcentages sont établis sans précautions. La fertilité des fonds varie beaucoup dans un terroir. Un arpent de friche médiocre ne ressemble pas à un arpent de chènevière. E t quelle diversité dans les charges seigneuriales qui pèsent sur la terre ! Une vieille censive dévaluée ne ressemble pas à une censive récente. Économiquement une surface ne

I. N. KAREÏEV, Les paysans et la question paysanne en France dans le dernier quart du X V I I I e siècle, t rad . française, Paris, 1899 ; M. KOWALEWSKY, L a France économique à la veille de la Révolution, t rad . française, Paris, 1909 ; J. LOUTCHISKY, De la petite propriété en France avant la Révolution et de la vente des biens nat ionaux, Paris, 1897, e t aussi, L'état des classes agricoles en France à la veille de la Révolution principalement en Limousin, Paris, 1912. — Les deux derniers au t eu r s o n t su r tou t contr ibué à embrouil ler la ques t ion en ne cons idérant comme propr ié ta i res que les seuls alleutiers.

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signifie pas ce que l'on croit habituellement. Les privilégiés possédaient souvent des terres sans charge à valeur intégrale et aussi de très bonnes terres, les meilleures prairies. Il est dangereux de comparer des taux respectifs de surface à l 'état brut et de mettre en circulation des chiffres faux dans leur réalité. La surface est une chose et son potentiel en est une autre. On peut se demander s'il ne vaudrait pas mieux substituer cette dernière notion à celle de propriété, étudier avant tout la répartition des moyens de production et de vie. Certes cela n'est pas facile mais on pour- rait peut-être arriver, au moins, à déterminer des classes d'exploitants, des types dominants. Ce serait une optique à définir, difficile mais combien plus riche et plus vraie que la vision traditionnelle. A bien des égards la répartition de la propriété sous l'Ancien Régime peut apparaître comme un faux problème2. »

Remarques judicieuses qu'il convient de méditer. Nous tentons une approximation parce que le point de départ de notre travail se situe à la fin de l'Ancien Régime et que nous disposons de documents dignes de foi (même s'ils ne sont pas aussi nombreux que nous l'eussions souhaité). D'abord, en ce qui concerne la propriété privilégiée — ecclésiastique et nobiliaire — nous pouvons nous appuyer sur les états estimatifs envoyés par les communes aux administrations de district à partir de 17903. Ces sources peuvent être éclaircies et complétées par les rôles d'imposition de 1789 et 1790 (tailles et vingtièmes) qui pour la première fois englobent l'ensemble des privilégiés. Enfin nous disposons, pour la dernière décennie de l'Ancien Régime et les débuts de la Révolution, de pieds de taille, rôles de vingtième et états de section4.

Mais surtout nous nous garderons de séparer le problème de l'exploi- tation de celui de la propriété et nous n'oublierons pas les charges qui pèsent sur la terre et le paysan.

La répartition globale peut être ainsi présentée, étant entendu qu'il ne s'agit que d'une approximation, car il n'existe pas de documents exhaustifs.

Clergé 18 % Noblesse 30 % Bourgeoisie 18 % Paysans 17 % Communes 17 %

2. P. de SAINT-JACOB, Intervention à la suite de la communication de Jean JACQUART, « Propriété et exploitation rurales au sud de Paris dans la seconde moitié du xvie siècle », dans 12e série, n° 15-16, 1960.

3. A la suite de la confiscation des biens du clergé puis des biens des émigrés les administrations ont demandé aux communes de leur envoyer un état exact de ces propriétés et de leurs revenus. Les réponses, parfois apparaissent sommaires, mais dans l'ensemble, à la suite de divers recoupements, on peut les considérer comme vraisemblables.

4. G. LEFEBVRE, Les paysans du Nord pendant la Révolution Française, 2e éd., Paris, 1972. « Introduction », p. xiv et suiv. « Notes sur l'étude des documents fon- ciers ». Georges Lefebvre est le premier auteur qui utilisa les « états de sections » de 1791-1792 sur une grande échelle.

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Cette évaluation ne tranche pas avec ce que l'on connaît déjà. La Haute-Marne s'intègre dans le groupe des régions du nord et de l'est qui connaissent une forte propriété ecclésiastique et nobiliaire. L'origina- lité résiderait plutôt dans l'importance des biens communaux. En dépit des importantes dépossessions, les communautés rurales ont conservé un patrimoine forestier que l'on peut évaluer à 11 % de la surface du futur département. Les friches, les terres incultes particulièrement importantes sur le Plateau de Langres expliquent le reste.

I. — LA PROPRIÉTÉ ECCLÉSIASTIQUE

Près de deux mille cinq cents établissements ecclésiastiques se par- tagent les 120 ooo hectares de biens fonds. Excepté de très rares cas, chaque commune comprend au moins deux propriétaires ecclésiastiques : la cure et la fabrique auxquelles s'ajoutent les chapelles des différentes fondations. A Baissey, on trouve treize établissements dont six chapelles, dix-sept à Balesmes, vingt à Bannes, huit à Bonnecourt, dix à Bourg, neuf à Bussières, douze à Celsoy, onze à Chalindrey, quinze à Champigny- lès-Langres5. Mais ces chiffres ne peuvent illusionner. Les biens des cures et des fabriques dont les paysans admettaient le mieux l'existence repré- sentent une très faible part. i 398 hectares dans le district de Langres, soit moins de 4 0/06. Un peu plus de 3 000 hectares avec les biens des hôpitaux.

La propriété ecclésiastique se concentre en quelques établissements. Les évêchés de Langres et de Châlons-sur-Marne ; les chapitres : Langres, Chaumont, Bourmont, Joinville, Châteauvillain ; les grandes abbayes : Auberive, La Crête, Montier-en-Der, Morimond, Clairvaux, Le Val-des- Écoliers, Saint-Urbain, Longuay, Beaulieu, Poulangy, Belmont, Lacha- pelle-aux-Planches, Boulancourt... auxquelles il faut ajouter quelque quarante-quatre prieurés et un ordre de Malte qui a su conserver une situation privilégiée. Trois grands établissements représentent plus de la moitié des propriétés ecclésiastiques du district de Langres : l 'abbaye d'Auberive avec 5 400 hectares de bois et 3 450 hectares de terre, l'évêché de Langres avec 2 350 hectares de bois et 2 420 hectares de terre, le

5. 1 Q 324 à 333. 6. Ibid. La s i tua t ion est d 'ai l leurs t rès var iable su ivan t les lieux. Si le bouvero t

de la cure ne dépasse pas 20 ares à Aujeurres, le curé de Balesmes jou i t de 46 hectares de terre plus une por t ion de dîme évaluée à 475 livres. Au to t a l un revenu annuel de plus de 2 070 livres, sans compte r le casuel. A Bannes, 9,40 hectares de terre et pré mais 960 livres dans les dîmes ; à Bussières 1 l hectares e t 500 livres dans les dîmes ; 42 hectares à Mont l andon ; à Chal indrey 44 hectares e t 1 089 livres dans les dîmes, 13 hectares à Chauffourt , 7 hectares à Cohons e t 340 livres dans les dîmes, 11 hec- ta res à Corgirnon e t 430 livres dans les dîmes, 9,30 hectares à Corlée plus 630 livres de dîmes ; Dampier re 14 hectares plus 900 livres de dîmes ; Dommar i en 13 hectares mais 1 700 livres dans les dîmes ; Giey-sur-Aujon 6 hectares e t 1 250 livres dans la dîme... Le plus gros bénéfice curial est p robab lemen t R o l a m p o n t avec 10 hectares de terre mais 6 668 livres de dîme e t de droi ts seigneuriaux. Sans p rendre en compte le casuel, près de la moitié des cures dépassent les i ooo livres de revenu.

Page 35: Les paysans de la Haute-Marne et la Révolution française

chapitre cathédral de Langres avec 2 500 hectares de bois et 2 660 hec- tares de terre7. Si l'on ajoute l'ordre de Malte et les abbayes de Beaulieu et Belmont, on s'aperçoit que six établissements religieux possèdent près des 2/3 des propriétés ecclésiastiques du district. Les 30 % restants reviennent aux couvents langrois : Annonciades, Ursulines, Visitandines, Carmes, Jacobins et aux séminaires8. D'une façon un peu moins tranchée on retrouve la même situation dans les autres districts. Même si la région langroise est particulièrement riche en biens ecclésiastiques, aucun des autres districts n'en est dépourvu. Probablement supérieure à 20 % de la surface du district de Langres, la propriété ecclésiastique tomberait à 10 % dans le district de Bourbonne mais elle varie de 15 à 18 % seulement dans les districts de Chaumont, Bourmont, Joinville et Saint-Dizier. Dans le district de Bourbonne, à Fresnoy, l'abbaye de Morimond possède près de 180 hectares de terre et pré et 351 hectares de bois9. L'ensemble de ses propriétés dépasse les 2 ooo hectares. L'abbaye de Vaux-la-Douce, une des plus petites du futur département, possède quand même 750 hec- tares10. Le chapitre de Joinville, bien modeste comparativement aux Vénérables de Langres, atteint les i ooo hectares".

Grande propriété signifie presque toujours concentration. Certes l'évêché de Langres est propriétaire dans trente-six communautés, le chapitre cathédral dans soixante-deux paroisses et parfois leurs biens sont de peu d'ampleur : 3,5 hectares à Bonnecourt, 4 hectares à Brennes, 2,8 hectares à Chatoillenot pour ceux qui relèvent du chapitre. Mais d'une part il s'agit de cas exceptionnels (10 % de l'ensemble). D'autre part il s'agit de l'éparpillement maximum12. Aucune abbaye (pas même Montier-en-Der ou Morimond) n'étale ses propriétés sur plus de quinze paroisses. Bien au contraire leur domaine proche absorbe la quasi-totalité d'un territoire communal. La communauté villageoise d'Auberive, ainsi que ses habitants, se trouve totalement privée de propriétés alors que les bois de l'abbaye couvrent I I 600 arpents et les fermes 3 500 hectares13. A Vaux-la-Douce, Beaulieu, La Crête, les habitants sont pareillement dépourvus de propriétés individuelles14. A plus de 15 kilomètres de son

7. 1 Q 323 à 336. 8. Ibid. Il n ' e s t pas facile d ' app réhende r l 'ensemble des possessions terr i toriales

d ' u n g rand é tab l i ssement ecclésiastique, encore moins la to ta l i té de ses revenus. Les b a u x d ' une p a r t n ' i nd iquen t pas la superficie, d ' a u t r e p a r t les impôts, les décimes pr incipalement , font que le haut-clergé dans son ensemble minimise ses revenus. I l f audra i t avoir la chance de t rouve r des documents réservés à l 'usage in terne d ' une abbaye, d ' u n chap i t re ou d ' u n évêché. Or ce son t ceux qui o n t le plus souvent disparu. Concernan t le chapi t re de Langres les recet tes sont comptabilisées sous q u a t r e rubr iques : un compte en argent , les revenus de la « greneterie », les anni- versaires, les fondat ions diverses.

P a r les hasa rds de la Providence, des p ré tendus comptes généraux du chapi t re de Langres se t r o u v e n t dans la série 3 J des Arch. dép.

9. 1 Q 203. Morimond. 10. 1 Q 203. Vaux-la-Douce. 11. 1 Q 355. Chancenay. 12. 1 Q 324 à 333. 13. 1 Q 324. 14. 1 Q 203. « Tous les biens si tués sur le terr i toire de Vaux-la-Douce sont

d é p e n d a n t s de l ' abbaye de ce n o m ».

Page 36: Les paysans de la Haute-Marne et la Révolution française

siège, à Latrecey, l'abbaye de Longuay possède encore deux grandes fermes : la ferme de Foiseul et la ferme du Pressoir avec respectivement 1 6 3 h e c t a r e s e t 9 0 h e c t a r e s 1 5 . A M i l l i è r e s , l ' a b b a y e d e L a C r ê t e p o s s è d e u n e

f e r m e d e p l u s d e 3 0 0 h e c t a r e s 1 6 . L ' a b b a y e d e M o r i m o n d d i s p o s e d e

2 70o hectares à Vaudinvilliers et de 2IO hectares à Romain-sur-Meuse17. L'ordre de Malte a des possessions tout aussi groupées : plus de 440 hec- tares de terre divisés en huit fermes sur le territoire de Bussières-les-Bel- mont"' ; à Beauchemin 270 hectares, à Leffonds 400 hectares de terre, sans compter les bois19 ; il possède à Jonchery la plus grande ferme du département : la ferme de Bonnevaux (350 hectares) 2°.

On retrouvera plus loin les conséquences politiques et sociales de cet état lorsqu'il s'agira de la vente des biens nationaux.

I I . — L A P R O P R I É T É N O B I L I A I R E

La structure de la propriété nobiliaire s'avère un peu différente. A l'inverse du clergé, le deuxième ordre n'a pas sa plèbe ; aussi les proprié- taires nobles sont-ils moins nombreux et la propriété encore plus concen- trée. Sur trente états estimatifs communaux que nous a gardés le district de Bourmont, vingt-quatre accusent une propriété noble supérieure à 100 hectares. Dans aucune commune elle ne descend au-dessous de 10 hectares.

A la veille de la Révolution une haute noblesse étrangère à la région, et qui ne réside pas, dispose de domaines considérables. En tête le roi avec quelque 2 500 hectares dans la région de Saint-Dizier et de Wassy, son frère le comte d'Artois avec 3 536 hectares de bois dans la même région21, le duc d'Orléans, le futur Philippe Égalité qui possède, avec son domaine engagé, plus de 14 200 hectares de bois répartis sur vingt-cinq communautés22, le duc de Penthièvre, propriétaire de 11 935 hectares de bois, énorme masse, presque d'un seul tenant d'Arc-en-Barrois à Château- v i l l a i n , à q u o i s ' a j o u t e n t p l u s d e 4 o o o h e c t a r e s d e t e r r e 2 3 . E n s u i t e

v i e n n e n t l e s g r a n d s c o u r t i s a n s : l e m a r é c h a l V i c t o r A m é d é e d e B r o g l i e

p r o p r i é t a i r e d e s 3 7 0 0 h e c t a r e s d e l a b a r o n n i e d e L a f a u c h e ; l a v e u v e d e

B é t h u n e , p r o p r i é t a i r e d e s 3 6 0 0 h e c t a r e s d e l a b a r o n n i e d e l a M a r n e 2 4 .

Les Choiseul dans le Bassigny, le duc du Châtelet à Cirey-sur-Blaise et ses

15. E 312. Arch. comm. 16. 1 Q 218. Millières. 17. 1 Q 208. Romain-sur-Meuse. 18. 1 Q 324. 19. 1 Q 324 et i Q 256. 20. 1 Q 30. 21. 1 Q 1I57 ; i Q 1625. Le comte d 'Artois possède p a r exemple 4 375 a rpen t s

dans la forêt d u Val. 22. 1 Q 955. Sur ce t o t a l les biens engagés représen ten t 4 500 hectares . 23. 1 Q 956. Après les confiscations révolut ionnaires e t poli t iques (1848) le

domaine d 'Arc et de Châteauvi l la in est redevenu domaine pr ivé j u squ ' en 1970. Penth ièvre ava i t épousé une Orléans.

24. 1 J 55.

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environs, le comte de Damas à Donjeux, Desmier d'Archiac gouverneur de la Franche-Comté, Pouthier comte de Sâone à Laneuvelle, autant de propriétaires qui dépassent les i ooo voire les 2 000 hectares25. Les dix principaux propriétaires nobles possèdent 10 % de la surface du départe- ment. Ils ne sont pas les seuls à posséder des domaines bien groupés. D'après les confiscations révolutionnaires il ressort que les propriétés de la noblesse sont bien concentrées. Dans le district de Bourbonne, Latour du Pin Gouvernet, lieutenant général de Bourgogne, possède le marquisat de Laferté-sur-Amance qui comprend quatre communautés très proches (Laferté, Anrosey, Soyers, Velles). Marguerite Chevalier de la Rivière se trouve possessionnée à Rançonnières, Parnot et Vicq26. Le fait d'avoir plusieurs co-seigneurs ne morcelle pas à outrance la propriété nobiliaire. Ainsi à Audeloncourt, le vicomte de Laval possède 150 hectares de terre, M. Aubertot, écuyer, 41 hectares de terre et M. de Clinchamp 68 hectares de terre27. Il n'est guère que dans le district de Langres où l'on trouve un éparpillement des propriétés d'une noblesse qui sent encore la roture28. Pourtant si la propriété nobiliaire dans ce district recule proportionnelle- ment à la propriété ecclésiastique, elle est loin d'être négligeable.

S T R U C T U R E D E LA P R O P R I É T É N O B I L I A I R E — T A B L E A U P A R T I E L

25. 1 Q 401 à 406 ; 1 Q 450-451 ; 1 Q 488 à 490 ; 1 Q 525-27 ; 1 Q 545-546. 26. 1 Q 401 à 406. 27. C 155. 28. Sur tous ces points, nous renvoyons au tableau ci-contre.

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M A L R O Y , 7 9 , 1 4 1 . M A N D R E S - L A - C Ô T E , 3 3 , 8 5 , 9 6 , 1 5 0 , 1 5 9 ,

1 6 7 , 2 2 0 , 2 2 1 , 2 5 0 . M A N O I S , 4 4 , 1 9 1 , 2 4 8 . M A R A C , 3 3 , 3 6 , 8 8 , 1 3 9 ( n . 3 9 ) , 1 7 3 , 1 7 8 ,

1 8 4 . M A R A N V I L L E , 3 2 , 3 3 , 2 5 1 .

M A R A U L T , 3 3 , 4 4 , 1 7 9 , 1 8 3 ( n . 2 2 6 ) , 1 8 6 ,

1 9 7 ( n . 3 1 4 ) , 2 5 1 , 3 0 6 . M A R B É V I L L E , 1 8 7 , 2 6 4 ( n . 4 1 1 ) . M A R C I L L Y - E N - B A S S I G N Y , 1 2 4 , 1 2 7 , 1 3 1 ,

1 3 5 , 1 3 6 , 1 8 1 , 3 4 3 -

M A R D O R , 1 2 4 , 1 2 6 . M A R E I L L E S , 4 4 , 8 2 , 8 5 .

M A R M E S S E , 3 2 , 1 8 7 , 2 4 9 . M A R N A Y - S U R - M A R N E , 7 6 , 1 2 4 , 1 5 0 , 1 6 0 ,

1 6 4 , 1 7 0 . M A T H O N S , 1 8 3 , 1 9 7 ( n . 3 1 4 ) .

M A U L A I N , 3 1 , 9 6 , 1 2 4 , 1 4 2 , 1 6 1 , 1 7 8 ,

2 1 6 ( n . 4 3 ) .

M E L A Y, 1 7 8 . M E N N O U V E A U X , 3 1 , 4 4 , 9 1 , 9 2 , 9 5 , 1 1 4 ,

1 2 6 , 1 3 6 , 2 4 8 , 2 6 0 . M E R R E Y , 3 0 , 3 1 , 5 1 , 1 1 4 , 1 2 6 , 2 3 6 , 2 4 7 ,

3 2 2 , 3 2 3 . M E R T R U D , 1 3 7 , 2 5 9 .

M E U R E S , 4 4 , 8 5 , 1 3 4 , 1 8 3 ( n . 2 2 6 ) , 1 9 7

( n . 3 1 6 ) , 3 0 6 . M E U S E , 3 1 , 2 1 6 ( n . 4 3 ) , 2 8 8 .

M E U V Y , 3 1 , 1 2 7 , 2 4 7 .

M I L L I È R E S , 2 9 , 4 5 , 1 3 6 , 1 3 7 , 1 5 0 , 1 6 0 ,

1 7 1 , 2 4 8 . M I R B E L , 1 2 1 , 1 8 3 ( n . 2 2 6 ) , 1 9 7 ( n . 3 1 4 ) ,

2 4 9 . M O N T H E R I E S , 4 5 , 2 1 4 ( n . 3 7 ) , 2 5 0 .

M O N T I E R - E N - D E R , 5 6 , 7 1 , 9 1 , 9 2 , 1 0 7 ,

l I 8 , 1 3 7 ( n . 3 6 ) , 1 8 0 , 2 4 3 , 2 4 5 . M O N T I G N Y - L E - R O I , 5 0 , 7 6 , 1 2 4 , 1 6 0 ,

1 6 1 , 1 7 2 , 1 8 7 , 2 0 0 , 2 3 1 .

M O N T L A N D O N , 1 2 3 .

M O N T O T - S U R - R O G N O N , 4 5 , 8 5 , 2 2 1 , 2 6 4

( n . 4 1 ) , 3 1 0 . M O N T R E U I L - S U R - T H O N N A N C E , 3 2 , 8 6 ,

1 3 4 , 3 1 1 .

M O N T R I B O U R G , 3 2 , 2 1 4 ( n . 3 7 ) .

M O N T S A O N , 3 3 , 4 5 , 1 7 9 .

M O N T S A U G E O N , 3 5 , 1 4 0 , 1 7 8 .

M O R A N C O U R T , 1 7 9 , 2 5 2 .

M O R I M O N D , 2 7 , 2 8 , 5 2 ( n . 6 8 ) , 9 2 , 2 6 1 , 2 6 2 .

M O R I O N V I L L I E R S , 4 5 .

M O R T E A U , 4 5 , 3 1 0 . M U S S E A U , 1 1 2 , 1 1 3 , 1 1 5 , 1 3 2 .

M U S S E Y - S U R - M A R N E , 8 6 , 2 2 5 , 2 3 3 , 2 5 3 .

N

N A R C Y , 8 8 .

N E U I L L Y L ' É V Ê Q U E , 1 2 4 , 1 2 6 , 1 2 8 , 1 8 0 ,

3 0 8 , 3 1 2 , 3 4 3 .

N E U I L L Y - S U R - S U I Z E , 4 5 , 1 1 2 , 1 1 3 , 1 1 5 ,

1 4 3 . 2 5 0 . N I J O N , 3 8 , 1 2 6 , 1 5 2 , 2 4 7 . N I N V I L L E , 2 4 8 . N O G E N T - E N - B A S S I G N Y , 1 5 0 , 1 5 9 , 1 7 0 ,

1 8 1 , 2 4 1 , 2 5 0 . N O I D A N T - C H Â T E N O Y , 9 5 , 1 2 4 , 3 4 7 . N O I D A N T - L E - R O C H E U X , 9 5 , 1 1 2 , 1 2 4 ,

1 2 8 , 1 3 1 , 1 7 9 . N O M É C O U R T , 2 5 2 . N O N C O U R T - S U R - L E - R O N G E A N T , 8 7 , 1 5 0 ,

1 5 8 , 1 6 3 , 1 6 7 , 2 5 2 , 3 0 9 . N O Y E R S , 9 2 , 9 5 , 1 3 5 , 2 4 7 , 2 6 1 .

N U L L Y , 3 3 , 8 8 , 1 8 3 ( n . 2 2 6 ) , 1 8 5 , 1 8 7 ,

1 8 8 , 1 8 9 , 1 9 3 , 1 9 7 ( n . 3 1 4 ) , 2 0 8 .

o

O C C E Y , 3 5 , 1 1 4 , 1 2 4 .

O R B I G N Y - A U - M O N T , 1 2 4 , 3 0 7 . O R B I G N Y - A U - V A L , 5 1 , 5 4 , 5 8 , 1 2 4 , 1 2 8 ,

1 3 1 , 1 3 5 , 2 9 8 , 3 2 3 , 3 5 3 .

O R G E S , 3 2 , 4 5 , 1 7 7 , 2 4 9 , 2 6 5 ( n . 4 1 ) ,

2 9 2 .

O R M A N C E Y , 8 8 , 8 9 , 1 2 4 , 1 2 6 , 1 2 8 , 1 6 0 ,

1 7 1 . O R M O Y - S U R - A U B E , 1 8 9 ( n . 2 8 6 ) .

O R Q U E V A U X , 3 1 , 4 5 , 1 6 0 , 1 7 1 , 2 4 8 , 2 9 4

( n . 1 5 6 ) . O S N E - L E - V A L , 2 5 1 .

O U D I N C O U R T , 1 2 7 , 2 0 9 , 2 4 2 , 2 4 9 , 3 0 6 .

O U T R E M É C O U R T , 7 9 , 2 4 6 , 2 4 7 , 2 5 9 .

O Z I È R E S , 2 4 7 .

P

P A L A I S E U L , 3 5 , 1 2 4 , 1 4 1 , 2 9 2 .

P A N C E Y , 3 2 , 2 6 4 ( n . 4 1 ) .

P A R N O T , 3 0 , 9 7 , 1 5 0 , 1 6 1 , 1 7 2 , 2 0 3 , 2 3 6 ,

2 8 7 , 2 8 8 . P A R O Y - S U R - S A U L X , 3 2 , 1 5 2 , 2 5 2 , 2 9 8 .

P A U T A I N E S , 1 5 2 , 2 1 4 ( n . 3 7 ) .

P E I G N E Y , 3 4 7 . P E R C E Y - L E - P A U T E L , 3 4 .

P E R C E Y - L E - P E T I T , 3 4 . P E R R A N C E Y - L E S - V I E U X - M O U L I N S , 1 2 4 .

P E R R O G N E Y - L E S - F O N T A I N E S , 1 2 4 , 1 3 6 ,

2 1 4 ( n . 3 7 ) .

P E R R U S S E , 3 1 , 1 2 4 . P I E R R E F A I T E S , 8.3, 2 1 6 ( n . 4 3 ) .

P I E R R E F O N T A I N E S , 1 2 4 .

P I S S E L O U P , 3 0 , 3 1 , 1 5 0 , 1 5 6 , 1 6 4 , 1 6 5 ,

1 6 8 , 1 7 1 , 1 7 8 . P L E S N O Y , 5 1 , 5 4 , 5 8 , 1 2 4 , 1 3 Ï , 1 3 6 , 1 8 1 ,

1 8 3 , 3 2 4 . P O I N S O N - L È S - F A Y L , 8 7 .

P O I N S O N - L È S - G R A N C E Y , 1 4 1 .

P O I N S O N - L È S - N O G E N T , 3 3 , 1 7 2 , 1 7 3 .

P O I S E U L , 3 3 .

Page 41: Les paysans de la Haute-Marne et la Révolution française

P O I S S O N S , 8 6 , 1 5 0 , 1 5 9 , 1 6 5 , 1 6 7 , 1 6 9 ,

1 7 0 , 1 7 2 , 2 2 5 , 2 5 2 , 2 6 4 ( n . 4 1 ) . P O N T - L A - V I L L E , 3 2 , 4 5 , 2 3 6 , 2 4 1 , 2 4 9 .

P O U I L L Y - E N - B A S S I G N Y , 3 1 , 5 4 , 6 1 .

P O U L A N G Y , 7 9 , 9 2 , 1 3 5 , 1 5 0 , 1 5 9 , 1 7 0 ,

2 5 0 .

P R A N G E Y , 3 4 .

P R A S L A Y , 1 1 4 ( n . 3 8 ) , 1 2 9 , 2 1 4 ( n . 3 7 ) . P R A T Z , 1 1 3 , 1 2 1 , 1 2 7 . P R A U T H O Y , 9 6 .

P R E S S I G N Y , 3 5 , 3 6 , 8 3 , 1 4 3 . P R E Z - S O U S - L A F A U C H E , 3 1 , 4 5 , 7 5 , 1 2 1

( n . 7 6 ) , 1 3 2 , 1 7 5 , 2 4 8 , 3 3 5 . P R E Z - S U R - M A R N E , 8 8 , 2 1 4 ( n . 3 7 ) .

P R O V E N C H È R E S - S U R - M A R N E , 3 2 , 4 5 , 8 6 ,

2 5 2 . P U E L L E M O N T I E R , 3 1 .

R

R A C H E C O U R T - S U R - M A R N E , 2 5 2 .

R A N Ç O N N I È R E S , 3 0 , 7 5 , 8 3 , 2 1 6 ( n . 4 3 ) , 2 2 0 , 2 8 0 .

R A N G E C O U R T , 1 2 4 , 1 3 6 , 1 3 7 ( n . 3 6 ) , 2 4 8 . R A V E N N E F O N T A I N E S , 3 0 , 5 4 , 9 7 , 1 6 1 .

R E C L A N C O U R T , 4 6 , 1 1 3 , 2 4 8 .

R É C O U R T , 1 8 5 . R E N N E P O N T , 3 2 , 5 5 , 1 7 7 .

R E Y N E L , 4 6 , 8 1 , 8 2 , 8 4 , 2 4 8 , 3 3 3 .

R I A U C O U R T , 4 6 , 8 5 , 1 1 5 , 1 2 1 ( n . 7 6 ) ,

1 8 3 ( n . 2 2 6 ) , 1 9 7 ( n . 3 1 4 ) , 2 4 6 , 2 5 1 . R I C H E B O U R G , 3 2 , 8 5 , 1 7 9 , 2 1 4 ( n . 3 7 ) ,

2 9 1 ( n . 1 3 6 ) . R I M A U C O U R T , 4 6 , 7 5 , 8 4 , 2 4 6 , 2 4 8 , 2 6 0 ,

3 0 7 . 3 3 3 . R I V I È R E S - L E S - F O S S E S , 9 6 .

R I Z A U C O U R T , 2 4 9 , 2 6 5 ( n . 4 1 ) . R O B E R T - M A G N Y , 6 2 , 1 3 7 ( n . 3 6 ) , 2 4 2 .

R O C H E F O R T - S U R - L A - C Ô T E , 4 6 , 2 0 0 , 2 0 1 ,

2 5 1 . R O C H E S - B E T T A I N C O U R T ( v o i r B E T T A I N -

C O U R T ) . R O C H E S - S U R - R O G N O N , 4 6 , 1 5 0 , 2 6 4

( n . 4 1 ) . R O C H E T A I L L É E , 3 5 .

R O L A M P O N T , 2 7 , 3 5 , 5 1 , 9 6 , 1 2 4 , 1 3 5 ,

1 3 6 , 3 2 4 , 3 2 5 . R O M A I N - S U R - M E U S E , 2 9 , 3 1 , 3 2 , 1 1 8 ,

1 2 6 , 2 4 7 , 3 1 0 . R O Ô C O U R T - L A - C Ô T E , 4 6 , 8 5 , 1 8 3 ( n . 2 2 6 ) ,

2 0 9 , 2 2 1 . R O S O Y - S U R - A M A N C E , 1 4 0 .

R O U E L L E S , 2 4 2 .

R O U G E U X , 1 2 4 , 1 5 0 , 1 5 6 , 1 6 7 , 1 7 0 , 1 8 6 , 2 0 8 .

R O U V R E S , 3 5 , 1 2 4 . R O U V R O Y - S U R - M A R N E , 2 5 3 .

R O Z I È R E S , 1 1 8 .

R U P T , 2 5 3 .

S

SAILLY, 87, 252 , 291 (n. 136). SANTENOGE, 35, 51, 87, 325 . SARCEY, 33, 221 . SARCICOURT, 46, 189 (n. 286) , 197

(n. 314), 250 . SARREY, 35, 83, 97 , 98 , 124, 142, 343. SAUCOURT-SUR-ROGNON, 34, 252. SAUDRON, 252, 2 6 4 (n. 41). SAULXURES, 82, 83, 150, 161, 174, 2 1 6

(n. 43)- SAVIGNY, 98, 183. SEMILLY, 31, 46, 84, 248 , 2 9 4 (n. 156). SEMOUTIERS, 33, 55, 113, 182 (n. 221) ,

187, 249. SERQUEUX, 185, 194. SEXFONTAINES, 46, 93 , 183 (n. 226) ,

189 (n. 286) , 197 (n. 314), 250. SIGNÉVILLE, 46, 250. SILVAROUVRES, 32, 83, 85, 221, 246 ,

251, 291 (n. 136). SOMMERÉCOURT, 32, 273. SOMMERMONT, 252, 264 (n. 41). SOMMEVILLE, 86, 251 . SOMMEVOIRE, 118, 137 (n. 36), 246. SONCOURT-SUR-MARNE, 183 (n. 226) ,

186, 193, 197 (n. 314) . 249. SOULAINCOURT, 32, 84, 246, 259. SOULAUCOURT-SUR-MOUZON, 247 , 2 5 2 ,

270 , 299. SOYERS, 30, 83, 150, 156, 236 , 298 . ST BLIN, 46, 185, 204, 220, 248 , 335 ,

337. ST BROINGT-LE-BOIS, 34, 136. ST BROINGT-LES-FOSSES, 297. ST CIERGUES, 124, 345 , 348. ST DIZIER, 29, 127, 175. ST GEOSMES, 94, 124, 127, 128, 259 ,

348. ST LOUP-SUR-AUJON, 183. ST MARTIN-LÈS-LANGRES, 106, 343. ST MARTIN-SUR-LA-RENNE, 33, 46, 95 ,

250, 265 (n. 41) . ST MAURICE, 131. ST MICHEL, 348. ST THIÉBAULT, 84, 231, 247. ST URBAIN, 71, 150, 164, 165, 167, 170,

171, 172, 252. ST V ALLIER-SUR-MARNE, 101, 124, 131. SUZANNECOURT, 252.

T

TERNAT, 32. THILLEUX, 68, 75, 240, 242 , 292. THIVET, 33, 108, 173, 187, 188, 193,

194, 221 , 306. THONNANCE-LÈS-JOINVILLE, 32, 222 . (n. 64), 251 .