les droits de l'enfant soldat

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UNIVERSITÉ DE LYON UNIVERSITÉ LYON 2 Institut d'Etudes Politiques de Lyon LES DROITS DE L'ENFANT SOLDAT Contribution de l'Union européenne aux efforts de la communauté internationale REYNAUD Oriane Master I - Secteur Affaires Internationales - Parcours Relations Internationales Contemporaines Diplôme Universitaire d'Etudes Européennes (DUEE) Séminaire de Droit International Public Année universitaire: 2008-2009 Sous la direction de M. Kdhir Date de soutenance: 20 Juillet 2009

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UNIVERSITÉ DE LYONUNIVERSITÉ LYON 2

Institut d'Etudes Politiques de Lyon

LES DROITS DE L'ENFANT SOLDATContribution de l'Union européenne aux efforts de lacommunauté internationale

REYNAUD OrianeMaster I - Secteur Affaires Internationales - Parcours Relations Internationales Contemporaines

Diplôme Universitaire d'Etudes Européennes (DUEE)Séminaire de Droit International PublicAnnée universitaire: 2008-2009

Sous la direction de M. KdhirDate de soutenance: 20 Juillet 2009

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Table des matièresEpigraphe . . 5Remerciements . . 6Sigles . . 7Introduction . . 8

Chapitre I - Rétrospective du « phénomène d'enfant soldat » . . 9I. Un phénomène universel ancien . . 9II. Une problématique actuelle . . 10III. Explication de la persistance du phénomène . . 11

Chapitre II – Intervention de la communauté internationale . . 12I. L'enfant en droit international . . 13II. L'enfant soldat en droit international . . 15III. Droits de l'enfant et de l'enfant soldat en droit international . . 17

Partie I – Du droit conventionnel de protection de l'enfant soldat . . 19Chapitre I – Encadrement normatif du comportement des parties aux conflits armés . . 19

I. Portée des normes de droit international humanitaire et de droit international desdroits de l'homme . . 19II. Engagement de l'organisation des nations Unies . . 25Conclusion Chapitre I . . 28

Chapitre II – La responsabilité pénale individuelle . . 29I. Contribution du tribunal spécial pour la Sierra Léone . . 29II. Incrimination du recrutement et de l'utilisation d'enfants soldats par la cour pénaleinternationale . . 33Conclusion Chapitre II . . 39

Partie II – Mise en application de la protection des droits de l'enfant soldat . . 40Chapitre I – Des réticences étatiques africaines envers le droit conventionnel de protection. . 40

I. Des relations de la souveraineté nationale au droit international . . 40II Effets de la lecture africaine du droit international humanitaire sur l'applicationdroits de l'enfant soldat . . 45Conclusion Chapitre I . . 51

Chapitre II – Insertion du « phénomène d'enfant soldat » dans la perspective globale de lapaix et de la sécurité en Afrique . . 51

I L'action politique de l'union européenne . . 52II Portée de l'aide au développement de l'union européenne . . 56Conclusion Chapitre II . . 60

Conclusion générale . . 61Bibliographie . . 62

I) Sources Primaires . . 621- Sources conventionnelles . . 622- Documents de l'Organisation des Nations Unies . . 633- Documents de l'Union Européenne . . 644- Documents d'autres organisations internationales et ONG . . 65

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5- Jurisprudence . . 66II) Sources Secondaires . . 67

1- Ouvrages . . 672- Contributions à des ouvrages collectifs . . 683- Mémoire . . 684- Articles et Revues juridiques . . 695- Documents du CICR . . 696- Entretiens . . 707- Sources Internet . . 70

Annexes . . 71Annexe 1 : Repères chronologiques de la mobilisation internationale contre lerecrutement ou l'utilisation des enfants dans les conflits armés . . 71Annexe 2: Carte « Les enfants soldats: Etat des lieux 2008 » . . 72Annexe 3: États recrutant des enfants de moins de 18 ans dans leurs forces armées(septembre 2001) . . 73Annexe 4: Motifs ayant poussé des enfants à rejoindre une entité armée en RDC, auRwanda et au Congo Brazzaville . . 74Annexe 5: Les mines antipersonnels dans le monde . . 75

Lexique . . 76Résumé . . 78

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Epigraphe

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Epigraphe« Il est immoral que les adultes désirent que les enfants fassent la guerre poureux...Il n'y a simplement pas d'excuse, pas d'argument acceptable, pour armer lesenfants »Archevêque Desmond M. Tutu« Vous dites:- C'est épuisant de s'occuper des enfants.Vous avez raison.Vous ajoutez:- Parce que nous devons nous mettre à leur niveau. Nous baisser, nous pencher,nous courber, nous rapetisser.Là, vous vous trompez. Ce n'est pas tant cela qui fatigue le plus, que le fait d'êtreobligé de nous élever jusqu'à la hauteur de leurs sentiments.De nous élever, nous étirer, nous mettre sur la pointe des pieds, nous tendre.Pour ne pas les blesser ».Janusz Korczak

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RemerciementsEn préambule, je souhaite remercier les personnes qui m'ont apporté le soutien nécessaire à larédaction de ce mémoire.

Je tiens à remercier sincèrement M. Kdhir, qui, en sa qualité de Directeur de mémoire, a faitpreuve d'une grande disponibilité tout au long de l'année, ainsi que pour les conseils qu'il m'adonnés, et sans qui ce mémoire n'aurait jamais vu le jour.

Mes remerciements s'adressent aussi à M. Thélesphore Dikpo : auteur de la thèse « La questiondes enfants soldats : quels problèmes pour la défense du droit, le maintien, la garantie et lapromotion de la sécurité internationale ? », pour le temps qu'il a bien voulu me consacrer.

J'exprime ma gratitude envers la Commission Européenne qui m'a fourni de précieuxrenseignements, et particulièrement Mme. Malgorzata Gorska, spécialistede la protectiondesenfants et Mme. Lâle Wiesner pour sesprécisionsconcernantl'Afriquede l'Ouest.

Je salue l'aide portée par M. Mutoy MUBIALA, fonctionnaire au Haut Commissariat desNations Unies aux droits de l’homme, qui a appuyé mes démarches auprès de l'ONU, ainsi quel'UNICEF Rhône pour les documents généreusement mis à ma disposition.

Enfin, j'adresse toute ma reconnaissance à mes proches, dont mes parents qui ont eu lagentillesse de relire ce travail. Je n'oublie pas mes amis, qui m'ont toujours encouragée au coursde cette formidable expérience.

Merci à toutes et à tous.

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Sigles

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Sigles

ACP Afrique-Caraïbes-PacifiqueADM Armes de Destruction MassiveAG Assemblée Générale des Nations UniesAPIC accord sur les privilèges et immunités de la Cour Pénale InternationaleBIT Bureau International du TravailCICR Comité International de la Croix-RougeCIJ Cour Internationale de JusticeCPI Cour Pénale InternationaleCRC Convention Internationale des Droits de l'EnfantDI Droit InternationalDIDH Droit International des Droits de l'HommeDIH Droit International HumanitaireDDR Démilitarisation-Démobilisation-RéinsertionDDRR Démilitarisation-Démobilisation-Réinsertion-RéhabilitationDG-ECHO Direction Générale de l'Office d'Aide Humanitaire de la Commission

européenneECHO Office d'Aide Humanitaire de la Commission européenneFED Fonds Européen de DéveloppementFPLC Forces patriotiques pour la libération du CongoIEDH Initiative Européene pour la Démocratie et les Droits de l'HommeOIT Organisation Internationale du TravailONU Organisation des Nations-UniesOP-CRC Protocole facultatif de la CRC concernant l'implication des enfants dans les

conflits armésRDC République Démocratique du CongoRSUE Représentant Spécial de l'Union EuropéenneSDN Société des NationsUA Union AfricaineUNICEF Fonds des Nations Unies pour l'Enfance

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Introduction

Le 26 janvier 2009 la Cour Pénale Internationale (CPI) décida de la reprise du procès deThomas Lubanga Dyilo, ancien chef rebelle ayant fondé l'Union des Patriotes Congolais etsa branche armée, les Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC). La poursuitede cet ex-milicien congolais représente un progrès considérable dans la lutte contrel’impunité. En effet, il s'agit du premier procès ouvert par la cour criminelle internationale.

Lubanga est accusé d'avoir supervisé et organisé l'enrôlement et la conscriptiond'enfants de moins de 15 ans au sein des FPLC et de les avoir fait participer activement auxhostilités lors de la guerre civile d’Ituri, province du nord-est de la République démocratiquedu Congo (RDC).

La CPI n’est habilitée à juger que les personnes dont le pays a ratifié son statut oudes personnes accusées de crimes commis sur le territoire d’un État signataire. Cependant,le Conseil de sécurité peut passer outre ces restrictions au nom du maintien de la paix.Ainsi, la structure de l’ordre international public, originairement fondée sur le principe desouveraineté étatique, semble être en proie à une mutation progressive.

Selon Bodin, théoricien émérite de la souveraineté, l’ordre politique impose l’existenced’une autorité souveraine inaliénable et exempte de division. Cette lecture des relationsinternationales reflète le système des États-nations, consacré dès 1648 par les Traités deWestphalie. Néanmoins, le concept de sécurité humaine tend aujourd'hui à se substituer àla sécurité de l'État. De ce fait, il « donne une dimension supplémentaire au développementhumain et aux Droits de l'homme »1. Ainsi, ce sont progressivement dessinées despréoccupations droits de l'hommistes au niveau international.

D'après Amartyia Sen, l'émergence de la sécurité humaine relève d'une logiquepluri-causale. Premièrement, des considérations morales ont souligné l'existence d'une« humanité commune des hommes ». Cette thèse, relayée par le concept kantien de« cosmopolitisme », tend à introduire une transhistoricité au coeur de l'historicité. Ainsi,au-delà de la citoyenneté étatique, l'individu possède une citoyenneté supra-étatiquel'identifiant à l'espèce humaine. La citoyenneté cosmopolitique s'énonce comme « l'histoirede tous les peuples, portée par une même destination, commune à tous les membres denotre espèce »2. Elle s'apparente ainsi à « un devoir du genre humain envers lui-même »3.De sorte que'« une violation des droits commise en un lieu est ressentie partout »4.

Deuxièmement, sur le plan juridique les articles 55 et 56 de la Charte des Nations Uniesimposent aux États de promouvoir le respect universel des Droits de l'homme. Témoignantd'une visée similaire, les États-membres de l'Union Européenne ont reconnu « avoir des

1 SEN (Amartya) cité dans Kaldor (Mary), « La sécurité humaine: une nouvelle politique pour favoriser la sécuritéinternationale », in in ADAM (Bernard), Europe, puissance tranquille?: rôle et identité sur la scène mondiale,Bruxelles: Coédition GRIP- Editions Complexe, 2006, p. 79.

2 CHARLES ZARKA (Yves) – GUIBET LAFAYE (Caroline) sous la direction de, Kant Cosmopolitique, Paris: Editions de l'éclat,2008, p. 35

3 Ibid., p. 35.4 Ibid., p. 35.

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Introduction

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obligations en matière de sécurité humaine en dehors de leurs frontières »5. Cette affirmationest d'autant plus pertinente que la sécurité humaine supplante la notion de « paix ». Eneffet, au-delà d'une approche strictement militaire, elle vise à protéger la vie et les moyensde subsistance de chacun.

Enfin, l'évolution contemporaine de la typologie des conflits armés représente l'ultimeenjeu de la sécurité humaine. Les « nouvelles guerres » s'inscrivent dans un contexte de laglobalisation. La transnationalisation des échanges fait des guerres tant internationales quenon internationales une préoccupation majeure pour tous les acteurs de la communautéinternationale. La sécurité de chaque État dépend de la sécurité globale. Ainsi, l'importanceaccordée aux Droits de l'homme ne saurait être exclusive d'enjeux sécuritaires etgéopolitiques.

Le soutien de la communauté internationale aux droits de l'enfant en situation de guerres'inscrit dans le cadre de cette triple perspective. Il est donc fonction de considérationsmorales, juridiques et géopolitiques. De plus, la médiatisation de cette problématique aparticipé à la sensibilisation générale. En attestent les témoignages d'anciens enfantssoldats tels Ishmael Beah, devenu Ambassadeur auprès du Fonds des Nations Unies pourl'Enfance (UNICEF) et Emmanuel Jal, chanteur de rap et militant en faveur de la non-violence. La prise de conscience mondiale a également été relayée par le cinéma, grâceaux films Blood Diamond (2007) illustrant le cas de la Sierra Léone et Johnny Mad Dog(2008) sur le Liberia.

Dans le cadre de cette introduction, il conviendra d'analyser la problématiquedes enfants soldats selon une approche rétrospective (Chapitre 1), puis de présenterl'engagement de la communauté internationale en vue de l'endiguement du phénomène(Chapitre 2).

Chapitre I - Rétrospective du « phénomène d'enfantsoldat »

Si le recrutement et l'utilisation d'enfants soldats préoccupent aujourd'hui les acteurs de lacommunauté internationale (I), cette réalité se prévaut cependant d'origines lointaines6(II).Aussi, il convient de se pencher sur les motifs de sa persistance au fil du temps (III).

I. Un phénomène universel ancienLe recrutement et l'utilisation d'enfants combattants remonte au IV° siècle avant notre ère,à Sparte. En effet, dès l'âge de sept ans, les jeunes garçons recevaient une éducationguerrière. L'entraînement physique exigeant et la discipline qui leur étaient inculquésvisaient à en faire de robustes défenseurs de la cité dès l'âge de 11 ans.

5 KALDOR (Mary), in ADAM (Bernard), 2006, op. cit., p. 80.6 Pour plus de précisons quant à l'historique du phénomène, voir: SCHMITZ (Marc), « Les enfants-soldats, un phénomène universelde plus en plus préoccupant », in SCHMITZ (Marc) sous la coordination de, Ouvrage Collectif, La guerre: enfants admis, Bruxelles:Coédition GRIP – Éditions Complexe, 2001, pp. 19-41.

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Dans l'empire aztèque du XV°siècle, l'apprentissage technique du combat commençaità six ans. A 12 ans il incombait à l'enfant de capturer son premier prisonnier. Ce riteinitiatique gageait de sa maturité.

A l'époque médiévale, les enfants ne portaient pas les armes en Europe, maisparticipaient aux hostilités en réalisant des tâches annexes, notamment en qualitéd'écuyers. Toutefois, devant l'ampleur de la Guerre de Trente Ans (1618-1648), les arméesde mercenaires eurent recourt aux enfants. Ainsi, des dizaines de milliers d'entre-eux furentchargés par les troupes armées de piller des denrées alimentaires et de voler des chevaux.

Le phénomène perdura au XVIII°siècle, malgré l'avènement de la Philosophie desLumières. Ainsi, beaucoup de moussaillons âgés de 10 à 15 ans périrent lors des bataillesnavales. En 1764, Louis XIV ordonna la création d'une école militaire, afin de former desofficiers entièrement dévoués à la couronne française. En dépit de la rudesse de l'instructiondispensée, l'école des cadets comptait 250 enfants de huit à dix ans à son ouverture. Enfin,en raison du bilan humain désastreux de la campagne de Russie et du nombre croissantd'insoumis, Napoléon élargit la conscription en-deçà de 18 ans.

Malgré sa persistance et son ampleur, la participation des enfants à la guerre alargement été omise des études scientifiques. En attestent, l'examen des guerres des XX° et XXI° siècles marquées par le rôle des enfants.

II. Une problématique actuelleLes Guerres Mondiales ne se départirent pas de la pratique précédemment observée.En témoignent les Jeunesses hitlériennes qui formaient les filles et les garçons dès 11ans au métier de soldat. C'est ainsi que des enfants de 15, puis 14 ans servirent dansl'armée comme auxiliaires de la défense aérienne, soldats de la Wehrmacht ou membresdu Volkssturm 7.

Partout dans le monde, l'enfant a participé au théâtre des opérations militaires: enIndochine sous les ordres des Khmers Rouge comme en Amérique Centrale sous le nomde muchachos. Cependant, le phénomène n'obtint un crédit médiatique qu'à partir de 1980,année de l'éclatement de la guerre entre l'Irak et l'Iran. A cette occasion, le gouvernement deTéhéran envoya des milliers d'enfants au devant des combats pour faire sauter les mines.

Présageant la disparition du système international bipolaire, la chute du mur de Berlinet l'effondrement du bloc soviétique évincèrent certains foyers conflictuels. Cependant,de nouvelles tensions se substituèrent aux précédentes, notamment au Rwanda, où lesenfants furent victimes et acteurs du génocide de 1994. D'où leur appellation « enfantsgénocidaires ». Toujours plus nombreux à participer activement aux conflits armés, lesenfants soldats étaient encore présents en 2001 en Afrique (RDC, Ouganda, SierraLéone...), en Amérique Latine (Colombie, Mexique, Pérou...), en Europe (Balkans),en Russie, au Moyen-Orient (Irak, Israël et territoires palestiniens...), ainsi qu'en Asie(Afghanistan, Pakistan, Sri Lanka)8.

Durant la décennie 1991-2000, 77 millions d'enfants ont été touchés par les ravagesdes guerres et catastrophes naturelles. Parmi eux, le Comité International de la Croix-Rouge(CICR) recense 10 millions de vies mises à mal par les seules retombées des guerres. Lebilan humain des conflits des années 1990 fait état de 90% de civils, dont la moitié était

7 SCHMITZ (Marc) sous la coordination de, 2001, op. cit., p. 22.8 Voir Annexe n°2 : Carte « Les enfants soldats: Etat des lieux 2008 ».

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Introduction

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âgée de moins de 18 ans. En situation de crise humanitaire, les enfants représentent lacible principale.

En effet, les conflits armés ont des répercussions alarmantes sur les enfants. En 10 ans,deux millions d'entre-eux ont perdu la vie, alors que six millions ont subit de graves atteintesà leur intégrité physique. Malgré l es données alarmantes diffusées par l'Organisation desNations Unies (ONU), le phénomène perdure de nos jours. La question est de comprendreles motifs incitant les enfants à s'enrôler et les forces et groupes armés à les recruter 9 .

III. Explication de la persistance du phénomèneAfin de répondre à cette interrogation, l'Assemblée Générale (AG) décida de la rédactiondu rapport sur l'impact des conflits armés sur les enfants, dit « rapport Machel », du nomde sa rédactrice. Le rapport dresse quatre « profils-type » d'enfants susceptibles d'êtrerecrutés ou de s'enrôler volontairement. Les premiers concernés sont les enfants séparésde leur famille ou issus d'une famille brisée tels les orphelins, les enfants non accompagnéset les enfants chefs de famille. Les membres de groupes marginalisés sont égalementdes cibles faciles, étant donné qu'il s'agit de réfugiés, de déplacés, ou de jeunes des ruessouvent livrés à eux-même. Sont également cités, les enfants défavorisés économiquementet socialement, n'ayant pas eu accès à l'éducation ni à une formation professionnelle. Enfin,la probabilité du recrutement d'enfants vivant dans des zones de conflits est élevée10. Defait, l'environnement de violence dans lequel ils grandissent les mène à envisager la guerretelle un mode de vie.

La motivation des enfants à s'enrôler émane de pressions culturelles, socio-économiques et politiques11. A la croisée de ces considérations, se trouve la pauvreté quiaugmente la vulnérabilité des enfants face à l’exploitation et à la violence. Elle les mèneà rejoindre volontairement les rangs des armées étatiques et non étatiques. Toutefois, lecaractère « volontaire » de cet enrôlement, comme nous le détaillerons ultérieurement, est àappréhender à la lumière du contexte socio-économique défavorable dans lequel vit l'enfant.Quand bien même la structure familiale demeure intacte, il peut décider de s'enrôler poursubvenir à ses besoins et à ceux de ses proches. L'enrôlement volontaire est alors perçucomme une opportunité d'emploi et un moyen de subsistance dans la mesure où l'arméefournit vêtements et nourriture.

A cela peut s'ajouter un besoin de protection et d'encadrement accru par le décèsdes parents ou l'éclatement des familles en temps de guerre. L'enfant considère alorsl'armée telle une famille de substitution12. Il peut également être encouragé par le désir devengeance naissant suite au massacre de ses proches ou autre évènement traumatisant.

Néanmoins, la misère n'est pas un critère inconditionnel justifiant l'enrôlement. En effet,beaucoup d'enfants pauvres ne font pas ce choix. La pauvreté agit plutôt tel un facteur

9 Reprenant la terminologie de l'article 1 (1) du Protocole Additionnel I de 1977, la présenté étude identifie les « groupesarmés » aux « forces armées dissidentes ou groupes armés organisés, qui, sous la conduite d'un commandement responsable,exercent sur une partie (du) territoire (de l'État) un contrôle tel qu'il leur permette de mener des opérations militaires continues etconcertées ». Les « forces armées » sont définies comme les troupes armées régulières nationales.10 Rapport sur l'impact des conflits armés sur les enfants – dit « Rapport Machel », UN Doc. A/51/306, 26 août 1996, pp. 16-17.

11 Voir Annexe 4: Motifs ayant poussé des enfants à rejoindre une entité armée en RDC, au Rwanda et au Congo Brazzaville12 Entretien avec Marie Claude DESCHAMPS, Antenne UNICEF Rhône le 03/02/09.

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catalyseur. A l'inverse cependant, il est peu fréquent que des enfants non touchés par lapauvreté s'enrôlent. Leur niveau d'instruction leur permet de briguer d'autres emplois.

En marge de ces considérations, se distinguent des raisons culturelles telles l'idéologieet la fascination que suscite le culte du guerrier. Ceci concerne principalement les sociétésdans lesquelles l'activité militaire ou guerrière est glorifiée.

Eu égard à ces observations, d'aucun peut percevoir l'enjeu de l'utilisation d'enfants parles groupes et forces armés qui les considèrent telles des proies faciles à dominer. En effet,leur jeune âge les rend obéissants et dociles. Ils ne contestent pas les ordres et désertentrarement. En outre, du fait de leur manque de maturité, ils n'ont que faiblement consciencedu danger et sont considérés à ce titre comme les soldats les plus téméraires. Ne réclamantpas de solde, ils engendrent des charges financières moindres pour leurs recruteurs.

Aussi, une forte pression psychologique est exercée sur eux afin de briser leur identité.C'est ainsi que certains se voient contraints à tuer ou abuser sexuellement d'un membre deleur famille ou à attaquer leur village13. Ceci dans le but de rompre les liens qui les unissentà leur communauté d'origine. Exclus, les enfants cèdent plus aisément au recrutement.Drogués par leurs supérieurs hiérarchiques, ils perpétuent des exactions et perdent toutepeur au combat14. Ainsi, en réalité l'enrôlement « volontaire » est la conséquence d'unecontrainte insidieuse.

Enfin, ces enfants sont « utilisés » comme des moyens et objets de la guerre. Ils peuventservir de « chair à canon », notamment lors de la traversée de champs de mines. De même,ils renflouent les effectifs armés en remplaçant les adultes tués au combat lorsque le conflitse prolonge. Quant aux filles-soldats, nombre d'entre elles sont exploitées quotidiennementcomme esclaves sexuelles. Outre les souffrances psychologiques qu'elles connaissent, cesjeunes filles sont affectées par des maladies sexuellement transmissibles. Au sortir de laguerre civile Sierra-léonaise, 90% des filles-soldats étaient contaminées.

En dépit de ce constat, les acteurs de la scène internationale tardèrent à réagir.C'est en 1990, lors du Sommet mondial de New-York que les États participants clamèrentexpressément leur volonté de « protéger les enfants du fléau de la guerre [...] pour assureraux enfants n'importe où dans le monde un avenir sûr et pacifique ». Et d'ajouter: « Noussommes disposés à dégager les ressources nécessaires pour ces engagements ». En 2001,Kofi Annan examina la mise en œuvre des engagements pris. Il souligna alors que « lacommunauté internationale a manqué la plupart des objectifs fixés lors du Sommet mondialpour les enfants [...] non pas parce que ces objectifs étaient trop ambitieux ou techniquementirréalisables : l'insuffisance des investissements est largement responsable de cet échec ».

Chapitre II – Intervention de la communautéinternationale

Le statut de l'enfant soldat peina à s'ériger parmi les préoccupations de la scène mondiale(I). En cause, la considération tardive du statut juridique de l'enfant en droit international

13 MAYSTRE (Magali), Les enfants soldats en Droit International, 2007, p. 13.14 Pour approfondir cette question, voir le témoignage de BEAH (Ishmael), Le chemin Parcouru: mémoires d'un enfant soldat,

New York: Presses de la Cité Étranger, 2008, 276 p.

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Introduction

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(II). Or, cette prise en compte en tant que sujet est indispensable à l'octroi de garantiesjuridiques (III).

I. L'enfant en droit internationalL'engagement international envers les enfants s'est dessiné en 1924 lors de la Déclarationde Genève de la Société des Nations (SDN). De nature non contraignante, elle reprenaitun texte conçu par les organisations non gouvernementales (ONG) Save the Children etRädda Barnen et soulignait la nécessité d'une protection et de soins spéciaux pour l'enfant.Mais, la question des enfants en situation de conflit armé ne fut pas mentionnée.

Un premier projet de Convention pour la protection de l'enfant dans les conflits armés,initié par le CICR et l'Union Internationale de Secours aux Enfants, avorta en raison del'avènement de la Seconde Guerre Mondiale. Malheureusement suite à ces quelquestentatives la communauté internationale se dégagea de la problématique des enfants.

L'ONU ne s'intéressa à la question qu'à partir de 1959, par la résolution 1386 (xiv)de l'Assemblée Générale (AG), dite « Déclaration des droits de l'enfant ». Énonçant10 principes à valeur non contraignante, elle rappelle dès son préambule la nécessitéd'accorder une protection spéciale à l'enfant du fait de son manque de maturité physique etintellectuelle. Les droits incluent notamment l'éducation et les soins, ainsi que la protectionet les secours. La lecture en filigrane du dixième principe présage l'intérêt majeur que l'ONUoctroiera par la suite aux enfants-soldats. Celui-ci dispose que:

« L'enfant doit être protégé contre toute forme de négligence, de cruauté etd'exploitation, il ne doit pas être soumis à la traite, sous quelque forme que ce soit. L'enfantne doit pas être admis à l'emploi avant d'avoir atteint un âge minimum approprié; il ne doiten aucun cas être astreint ou autorisé à prendre une occupation ou un emploi qui nuise à sasanté ou à son éducation, ou qui entrave son développement physique, mental ou moral »15.

Quinze années s'écoulèrent avant que l'ONU ne se penche sur le sort des enfants enproie à la guerre. L'attention que leur porta l'AG donna lieu à la résolution 3318 (xxxix) de1974, dite « Déclaration sur la protection des femmes et des enfants en période d'urgence etde conflits armés ». Cependant, les enfants étaient seulement appréhendés selon leur statutde civil. Au-delà de cette omission de l'enfant combattant, la communauté internationale nes'accorda que tardivement sur une définition de l'enf ant en droit international.

De plus, cette première percée des droits de l'enfant sur la scène internationale seheurta à une impasse majeure. Issues de la « première vague » du droit international desDroits de l'homme (DIDH), les déclarations susmentionnées n'étaient pas contraignantes.Le DIDH concédait une grande latitude aux États dans la manière de se conformer auxengagements solennels. A ce propos, l'esprit de l'époque a pu transparaître dans l'arrêtÉlections de Nolay d'avril 1951 du Conseil d'État français, qui considérait ces documentstels des programmes d'action fixant des horizons, dépourvus d'effet juridique16.

Progressivement, les Droits de l'homme devinrent l'objet de pactes et conventions d'unenature plus contraignante. Ainsi la déclaration de 1959 entra dans le droit positif en 1989,année de l'adoption de la Convention relative aux Droits de l'enfant (CRC). Il s'agit dupremier texte international considérant l'enfant comme une personne à part entière, dotée

15 Assemblée générale de l'ONU, résolution 1386 (XIV), « Déclaration des droits de l'enfant », 20 novembre 1959, disponiblesur le site du Haut-Commissariat aux Droits de l'homme de l'ONU: http://www.unhchr.ch/french/html/menu3/b/25_fr.htm

16 ROCHE (Jean-Jacques), Relations Internationales, Paris: LGDJ, 2° édition, « Collection Manuel », 2001, p. 233.

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d'un statut juridique propre. En tant que sujet de droits, il peut dès lors prétendre aux Droitsde l'homme par lui-même, sans l'intermédiaire de son représentant légal.

Toutefois, la définition du terme « enfant » est omise en droit international humanitaire(DIH). En effet, les Conventions de Genève (CG) se reportent simplement à des limitesd'âge et utilisent des termes voisins flous comme « adolescents » et « mineurs »17. Ellesdéfinissent simplement un âge limite de 15 ans au-delà duquel les dispositions relatives auxenfants ne sont plus applicables. Les références faites à l'âge de l'individu ne constituent pastant des limites temporelles que des degrés différents de vulnérabilité de l'enfant au cours deson développement18. Ainsi, le DIH admet des garanties supplémentaires selon que l'enfanta plus ou moins de 15 ans et plus ou moins de 12 ans. L'âge de 18 ans est le seuil limitede la condition spéciale de vulnérabilité et de protection. Loin d'un oubli, cette absence dedéfinition vise à obtenir un nombre maximal de ratification des normes, au détriment de laqualité de leur contenu.

En général, les traités relatifs aux Droits de l'homme ne produisent des effets que pourles États qui les acceptent. Néanmoins, en raison du consensus quasi-universel autour deses dispositions la CRC est considérée tel le standard de référence. Adoptée par 193 états,elle constitue le traité multilatéral ayant obtenu le plus de ratifications depuis sa création.Elle apporte la première véritable clarification de la notion d'enfant, qu'elle identifie à « toutêtre humain âgé de moins de 18 ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt, en vertu de lalégislation qui lui est applicable »19.

Bien que d'autres instruments internationaux se prévalent de cette définition, laréférence aux législations nationales freine l'affirmation d'une règle coutumière20. En effet,la législation interne peut modifier la limite d'âge selon le système juridique auquel elle serattache et qui dépend lui-même de l'environnement économique, social et culturel du pays.D'aucuns peuvent alors s'inquiéter de la latitude de décision consentie aux États.

Le terme « enfant » est dénué d'acception universelle et est sujet à diversesinterprétations. Aussi, le souci majeur des rédacteurs de la convention fut d'établir desnormes dépassant les divergences culturelles. Ceci démontre qu'en dépit des expériencescommunes de l'enfance, celle-ci est fragmentée par la diversité des vécus individuels. Dansde nombreux États africains la majorité ne s'acquiert pas en fonction l'âge, mais par des« rites de passage » de la puberté à l'âge adulte. Ceci concerne notamment les cérémoniestraditionnelles des sociétés Poro et Sande, par lesquelles les garçons et filles de 13 et 15ans sont investis du statut et des obligations de leurs aînés21. Ce débat entre relativismeet universalisme imprégna fortement les négociations relatives à la CRC. Au-delà de cetteconsidération culturelle, il importe de prendre en compte des facteurs sociaux. De nombreuxenfants orphelins de 15 ans à peine revêtent de facto les obligations de l'âge adulte, suiteau décès de leurs parents. Confrontés aux fléaux des guerres, ils sont contraints de jouerde nouveaux rôles et nous mènent à reconsidérer la définition de l’enfance elle-même.

17 ARZOUMANIAN (Naïri) et PIZZUTELLI (Francesca), « Victimes et Bourreaux: questions de responsabilité liées à laproblématique des enfants-soldats en Afrique », in Revue Internationale de la Croix Rouge, Décembre 2003, Vol. 85, n° 852, p. 830.

18 ARZOUMANIAN (Naïri) et PIZZUTELLI (Francesca), Décembre 2003, op. cit., p. 830.19 Art. 1 de la Convention relative aux droits de l'enfant, 20 novembre 1989.20 Ceci est le cas de la Convention n°182 de l'Organisation Internationale du Travail concernant l'interdiction des pires formes

de travail des enfants et l'action immédiate en vue de leur élimination, 17 juin 1999.21 FRANCIS (David J.), « Paper protection mechanisms: child soldiers and the international protection of children in Africa's

conflict zones », in Journal of African Studies, Cambridge University Press, Vol. 45, n° 2, 2007, p. 223.

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Introduction

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Toutefois, le Comité de surveillance de la CRC, nommé Comité des droits de l'enfant,a précisé que la limite d'âge doit s'accorder avec les principes de base de la convention.De plus, l'acception très avancée du terme par la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant de 1990 nuance cette crainte. En effet, les 35 États parties ont accepté defixer à 18 ans l'âge définissant le mineur dans leur législation nationale. La portée de cettecharte est d'autant plus pertinente qu'elle constitue l'unique traité régional ayant trait auxenfants soldats. Elle esquisse ainsi un droit coutumier régional concevant l'enfant commetout individu de moins de 18 ans.

Un an après l'avènement de la CRC, le Sommet Mondial pour les Enfants prit place àNew-York à l'initiative de six États22. Soutenue par l'UNICEF et inscrite sous les auspices duSecrétaire Général (SG) de l'ONU, cette conférence internationale aboutit à la Déclarationmondiale en faveur de la survie, de la protection et du développement de l'enfant23. Dèslors, 71 chefs d'États et de gouvernements dressèrent un plan d'action à atteindre d'icià l'an 2000. Il s'agissait d'assurer à tous les enfants de la planète l'accès aux soins, àl'alimentation, à l'éducation, à l'eau potable et à des conditions sanitaires décentes.

Or, le DIH, aussi dénommé « droit de la guerre » ou « droit des conflits armés »,alongtemps écarté la question de la participation de l'enfant aux hostilités, pour ne s'intéresserqu'à son statut de civil et victime de la guerre. Ceci semble paradoxal au vu de son objet,à savoir la restriction des moyens et méthodes de la guerre.

II. L'enfant soldat en droit internationalL'enfant-soldat ne correspond à aucun statut juridique spécifique au vu du DIH. A défautd'une définition de l'« enfant » faisant figure de lex specialis en DIH, il convient de sereporter au droit international général. Force est de constater que l'absence d'un « profile-type » complexifie les tentatives de définition juridique du statut d' « enfant soldat » et freinel'édification d'une protection juridique propre.

Malgré cela, il est nécessaire de clarifier l'expression « enfant soldat ». Dans cette étudenous adopterons le point de vue de l'UNICEF, en identifiant comme tel toute personne demoins de dix-huit ans qui, à travers le monde, est utilisée illégalement par des groupes et desforces armés. Ce, quelle que soit la fonction qu’elle y exerce. Ce ne sont donc pas seulementles enfants portant une arme, mais aussi ceux qui remplissent des missions d'espionnage,de cuisiniers, de messagers24. Étant donné la complexité des situations envisageables, cettedéfinition ne saurait être exhaustive.

Face aux effets dévastateurs des crises sur les enfants, le Groupe de travail des ONGsur la Convention relatives aux droits de l’enfant et l’UNICEF ont organisé un symposium auCap en avril 1997. En découlèrent les « Principes du Cap et meilleures pratiques concernantle recrutement d'enfants dans les forces armées et la démobilisation et la réinsertion socialedes enfants soldats en Afrique ». Ces principes de protection visent la prévention durecrutement en amont du conflit et la réinsertion sociale en temps de paix. Ils appréhendentla thématique des enfants-soldats telle l'une des trois priorités relatives aux enfants en

22 Les six États en question sont le Canada, l'Égypte, le Mali, le Mexique, le Pakistan, et la Suède.23 Pour plus de renseignements sur le Sommet de New-York, voire: Département de l'information des Nations Unies, « Sommet

Mondial pour les Enfants », Site de l'Organisation des Nations Unies, 23 Mai 1997, disponible à: http://www.un.org/french/events/childfr.htm

24 Rapport sur l'impact des conflits armés sur les enfants, 26 août 1996, op. cit., Ch. II,p. 16.

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situation de crise, parallèlement aux enfants séparés et non accompagnés et à l'éducationd'urgence.

L'ampleur du problème fut soulignée par l'ONG Human Rights Watch. Selon sesestimations, quelques 250.000 à 300.000 filles et garçons s'apparenteraient à des enfantssoldats, répartis dans 20 conflits de part le monde. A titre d'exemple, 40% des enfantssoldats vivent en Afrique, dont près de la moitié sont des filles25. Aussi, en Ougandal'Armée de Résistance du Seigneur enleva 10.000 enfants pour en faire des combattants,des porteurs et des esclaves sexuels. En 2001, 5.000 d'entre-eux étaient décédés selonl'UNICEF26.

Les Principes du Cap de 1997 initièrent l'engagement de l'Union Européenne (UE).Grâce à la direction générale de son office d'aide humanitaire (DG-ECHO), elle créa desprogrammes post-conflit d'aide aux ex-enfants soldats d'Afrique de l'Ouest et d'Ouganda.A ce titre, furent initiés au Liberia et en Côte d'Ivoire une assistance psychosociale,des formations professionnelles courtes, des cours de rattrapage scolaire, ainsi que desopérations de sensibilisation des communautés pour empêcher la réintégration dans lesforces armées. En Ouganda, furent prévus des mécanismes de réunification familiale etde formations professionnelles courtes par le biais d'un soutien financier et la création decentres d'accueil.

La Commission européenne s'affirma contre le recrutement et l'utilisation des enfantsen situation de conflit armé en émettant en décembre 2006 un document conjoint enlien avec le Conseil. Intitulé « Le concept européen de soutien aux démilitarisation-démobilisation-réinsertion (DDR) des anciens combattants des pays-tiers », il se réfère àplusieurs reprises à la situation des enfants-soldats.

Agissant ainsi, l'UE a scellé son engagement pour la paix et la sécurité internationalestelle une perspective d'avenir. En tant que « continent des valeurs humanistes, de la MagnaCarta, du Bill of Rights, de la Révolution française (et) de la chute du mur de Berlin »,l'Europe s'est octroyée le rôle de puissance stabilisatrice au sein du nouvel ordre mondial.Décidée à lutter contre les injustices criantes au niveau mondial, elle « part résolument enguerre contre toute violence, toute terreur, tout fantasme ». Et d'ajouter, « maintenant que laGuerre Froide est terminée et que nous vivons dans un monde éclaté, le moment est venupour l'Europe de prendre ses responsabilités dans la gouvernance de la globalisation »27.

Par la suite, l'évolution du droit conventionnel de protection et l'essor de la jurisprudenceont permisla révision des Principes de 1997. Ils furent reconsidérés suite au consensus deNew-York d'octobre 2006 sous l'impulsion de l'UNICEF et d'un financement thématique dela DG-ECHO. S'en suivit la Conférence ministérielle de Paris de février 2007, par laquelle 59États approuvèrent les « Principes de Paris relatifs aux enfants associés aux forces arméeset aux groupes armés » auxquels furent associés les « Engagements de Paris »28. Fortedu soutien politique de ses États membres, la Commission s'engagea à faire respecter ces

25 FRANCIS (David J.), 2007, op.cit., p. 208.26 Chiffres de l'UNICEF cités par, AYISSI (Anatole), « Protéger les enfants dans les conflits armés: concrétiser les engagements

pris », in VIGNARD (Kerstin) et COMPAGNION (Valérie) sous la direction de, Forum du désarmement: les enfants et la sécurité,Genève: UNIDIR, n°3, Novembre 2002, p. 10.

27 Déclaration de Laeken sur l'avenir de l'Union Européenne, 15 Décembre 2001, p. 2.28 De leur nom officiel, « Engagements de Paris relatifs à la protection des enfants contre le recrutement ou l'utilisation illicites

par les forces armées ou les groupes armés ».

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Introduction

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principes dans le cadre des relations qu'elle entretient avec ses partenaires. A l'exceptionde la Lettonie, l'ensemble des États européens figuraient parmi les pays participants29.

Inscrit au cœur de l'étude contemporaine des conflits, l'enfant dispose de garantiesjuridiques spécifiques. La question est de savoir si l'enfant soldat peut lui-aussi s'enprévaloir.

III. Droits de l'enfant et de l'enfant soldat en droit internationalDans leur acception large, les droits de l'enfant désignent l'ensemble des droits dont lemineur est titulaire. Au sens strict, ce sont les droits spécifiques qui lui sont reconnus. Entant que sujet juridique, il dispose des mêmes droits et libertés fondamentales que l'adulte.Et en raison de son manque de maturité il bénéficie également d'une protection spéciale,liée aux Droits de l'homme-enfant. Elle répond à ses besoins propres d'être en devenir.Ainsi, par son double statut, il fait l'objet de conventions générales et spécifiques30.

Avant d'entrer dans de plus amples considérations, il convient de préciser la définitiondu DIH admise par la présente étude. A l'instar du CICR, nous désignons comme telle les:

« règles internationales d'origine conventionnelle ou coutumière qui sontspécifiquement destinées à régler les problèmes humanitaires découlant directement desconflits armés internationaux ou non internationaux et qui restreignent pour des raisonshumanitaires le droit des parties au conflit d'utiliser les méthodes et moyens de guerre deleur choix ou protègent les personnes et les biens affectés, ou pouvant être affectés parle conflit »31.

Le DIH a largement omis la définition du terme « enfant-soldat » et a fortiori de sesdroits. De c e fait, beaucoup d'enfants-combattants ont été exclus des programmes de DDR.De même, en cas de participation à un conflit armé international, l'enfant revêt le statut decombattant et perd sa protection spéciale.

Le combattant « légal » désigne les membres des forces armées d’un État partie àun conflit armé international, et ceux des milices associées qui remplissent les conditionsnécessaires, à engager directement des hostilités. Ils ne peuvent pas être poursuivis pourleur participation aux hostilités, sauf transgression du DIH. S’ils sont capturés, ils bénéficientdu statut de prisonnier de guerre. Lorsqu'un civil participe directement aux hostilités, ildevient un combattant « illégal » susceptible d'être poursuivi en droit interne32. Qu'en est-ilalors de la protection juridique des droits de l'enfant soldat?

En outre, le DIH distingue traditionnellement les règles applicables aux conflits armésinternationaux et non internationaux. Il est nécessaire de définir ces deux notions. L'enfant-soldat bénéficie-t-il des mêmes garanties dans les deux situations?

29 Bureau du représentant spécial du Secrétaire Général pour les enfants et les conflits armés,“Free Children from War”, 5-6février 2007, disponible à: http://www.un.org/children/conflict/french/parisprinciples.html30 ANDRIANTSIMBAZOVINA (Joël), GAUDIN (Hélène), MARGUENAUD (Jean-Pierre), RIALS (Stéphanie) et SUDRE (Frédéric)sous la direction de, Dictionnaire des Droits de l'homme, Paris: Presses Universitaires de France, 2008, pp. 369-370.

31 DJIENA WEMBOU (Michel-Cyr) et FALL (Daouda), Droit International Humanitaire: théorie générale et réalités africaines,Paris: L'Harmattan, 2000, p. 32.

32 Définition du CICRdisponible sur http://www.icrc.org/web/fre/sitefre0.nsf/htmlall/terrorism-ihl-210705

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Le conflit armé international désigne l'affrontement de deux ou plusieurs entitésétatiques. L'antagonisme armé entre une entité étatique et un mouvement de libérationnationale fait figure d'exception assimilable à cette catégorie de conflit33.

Un conflit armé non international se déroule sur le territoire d'un seul état, entre lesforces armées régulières et un ou des groupe(s) armé(s) dissident(s) ou entre factionsarmées indépendantes de l'État. Le critère essentiel est ainsi celui de la frontière, puisqu'uneguerre principalement ancrée sur le territoire d'un état est dite non internationale, malgré lesoutien éventuel de puissances extérieures34.

Il convient de se demander p ourquoi, en dépit d'un cadre juridique internationalétabli, la protection des droits de l'enfant-soldat se heurte à une impasse lors de sonapplication dans les conflits armés africains. Cette question sera examinée à la lumièrede l'engagement européen dans le cadre des conflits armés Africains. Après avoir étudié ledroit conventionnel de protection existant (Partie I), nous analyserons la mise en applicationconcrète des droits de l'enfant soldat (Partie II).

33 DJIENA WEMBOU (Michel-Cyr) et FALL (Daouda), 2000, op. cit., p. 78.34 DJIENA WEMBOU (Michel-Cyr) et FALL (Daouda), 2000, op. cit., p.17.

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Partie I – Du droit conventionnel de protection de l'enfant soldat

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Partie I – Du droit conventionnel deprotection de l'enfant soldat

Le droit conventionnel de protection découle de normes générales édictées par le DIH. LeDIDH conforta ces acquis en formulant des règles spécifiques au statut d'enfant soldat.L'essor du droit conventionnel de protection procéda en deux temps. Le DIH et le DIDHs'attelèrent à l'encadrement du comportement des parties au conflit, soit les États et lesforces et groupes armés non étatiques (Chapitre 1). Puis, ils codifièrent la responsabilitépénale individuelle, affinant ainsi le droit pénal international existant (Chapitre 2).

Chapitre I – Encadrement normatif du comportementdes parties aux conflits armés

L'interdiction du recrutement et de la participation des enfants aux hostilités sous-tend laquestion du respect de cette interdiction par les parties en présence (I). Habilitées à recourirà la force en vertu du Chapitre 7 de la Charte de San Francisco, les Nations Unies ont établiun mécanisme de sanction confortant l'observance des normes (II).

I. Portée des normes de droit international humanitaire et de droitinternational des droits de l'homme

En l'absence d' une définition précise de l'enfant soldat, le DIH procède d'une approcheparallèle consistant à réglementer le comportement des états et groupes non-étatiques. Ilproscrit le recrutement et l'utilisation d'enfants lors de conflits armés. En tendant à éradiquerle phénomène et non plus à parfaire le statut juridique de l'enfant-soldat, le DIH s'inscritdans une perspective plus déterminante.

Alors que le DIH n'est applicable qu'en situation de conflit armé (I.1), le DIDH neconnaît pas de limite temporelle (I.2). Ainsi, ces deux branches du DI s'auto-alimentent etse complètent en vue d'endiguer le phénomène d'« enfant soldat » .

I.1 Des Conventions de Genève de 1949 et Protocoles Additionnels I et II de1977Les protocoles additionnels I et II (PA) aux Conventions de Genève (CG) de 1977représentent le premier instrument juridique contraignant se référant à l' « enfant participantaux conflits armés ». Aucune disposition relative à l'enfant-soldat ne figure dans les CGde 1949. A l'époque de leur élaboration, la majorité de la doctrine estimait que l'objetdu DIH n'était pas de s'interposer entre l'état et ses ressortissants, dans la mesure oùcela constituerait une violation du principe de souveraineté étatique. Ce principe d'égalité

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souverain était alors omniprésent du fait de sa réaffirmation à l'article 2 de la Charte de SanFransisco de 1945.

Les CG interdisent le recrutement d'enfants en vertu de leur statut de « personneprotégée » et non de leur protection spécifique. Elles ne constituent donc pas une avancéedu droit relatif aux enfants soldats. Les PA, quant à eux, témoignent d'une compréhensionlarge de la participation aux hostilités, incluant l'aide aux combattants et le recrutementd'enfants soldats par les forces armées étatiques et les groupes armés non étatiques.

En cas de conflit armé international, l'enfant dispose du statut juridique de combattantet de celui de prisonnier de guerre en cas de capture, statut régi par la CG III. Juridiquement,le statut de combattant lui fait perdre le droit à la protection spéciale. Ainsi, il a le droit detuer et peut faire l'objet d'attaques militaires en tant que cible licite. Ceci rend légalementpossible le jugement et la condamnation de l'enfant par les juridictions nationales du paysconcerné. La législation interne doit cependant apprécier et tenir compte de la capacitérestreinte de discernement inhérente à son jeune âge. De plus, le droit admet une exceptionpour l'enfant de moins de 15 ans, qui conserve sa protection spéciale. Il ne peut être ni jugé,ni sanctionné, car l'interdiction de sa participation aux hostilités ne s'adresse pas à lui maisà l'état en vertu de l'article 77(2) du Protocole Additionnel I (PA I).

La protection de l'enfant soldat lors d'un conflit armé non-international est pluspréoccupante encore. Dans ces circonstances le DIH ne reconnaît ni le statut de combattant,ni son corollaire le statut de prisonnier de guerre. Qu'advient-il de son statut juridique?L'enfant soldat dispose alors d'une protection très faible et non spécifique, découlant del'article 3 commun aux CG, soit la garantie d'être traité avec humanité. Il bénéficie égalementdu droit aux soins et à l'aide dont peut se prévaloir tout enfant quelque soit le conflit, envertu de l'article 77(1) du PA I et l'article 4 du Protocole Additionnel II (PA II).

Le recrutement d'en fant de moins de 15 ans fut tout d'abord adressé aux seuls États,dans le cadre des conflits armés internationaux . A cet effet, la disposition centrale estcomprise à l 'article 77(2) du PA I, qui interdit le recrutement d'enfants de moins de 15 ans:

« Les Parties au conflit prendront toutes les mesures possibles dans la pratiquepour que les enfants de moins de quinze ans ne participent pas directement auxhostilités, notamment en s'abstenant de les recruter dans leurs forces armées. Lorsqu'ellesincorporent des personnes de plus de quinze ans mais de moins de dix-huit ans, les Partiesau conflit s'efforceront de donner la priorité aux plus âgées ».

Il en découle tout d'abord une obligation de moyen, imposant par définition un certaincomportement aux États. En effet, au-delà de l'interdiction du recrutement, les États sonttenus de prendre toutes les mesures dans la pratique pour que les enfants de moins de15 ans ne participent pas par d'autres moyens, directement aux hostilités. L'article induitégalement une obligation de résultat, en vertu de laquelle la responsabilité de l'état pourraêtre engagée si le résultat attendu (le non recrutement d'enfants de moins de 15 ans) n'estpas observé.

La juxtaposition d'obligations de natures différentes a une incidence particulière enmatière de responsabilité juridique des parties au conflit. De fait, les États seront tenusresponsables en cas de recrutement d'enfants de moins de 15 ans, mais ne le seront passi la participation relève de la mise en place de mesures inefficaces.

Outre ces considérations juridiques, des questions « techniques » émanent des termesde l'article. De fait, une difficulté réside dans l'expression « recruter », figurant à l'article 77du PA I. Cette formulation inclut-elle l'enrôlement volontaire?

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Partie I – Du droit conventionnel de protection de l'enfant soldat

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L'interprétation doit être faite à la lumière de l'article 31(1) de la Convention de Viennesur le droit des traités de 1969, arguant du principe pacta sunt servanda. Ce principeimpose une interprétation de bonne foi, dans le contexte et à la lumière de l'objet et du butdu traité. Le recrutement est donc à interpréter selon son sens ordinaire, comprenant la« conscription » et l'« enrôlement volontaire ». Cette interprétation est confortée par l'objetet le but du PA I, soit la protection des victimes des conflits armés. Le champ d'application,définissant les destinataires du texte ne saurait donc être exhaustif.

Quant à la « participation directe », la question est de savoir si la formulation comprendseulement les enfants soldats participant effectivement aux combats ou si elle admetune position plus générale, incluant les enfants-soldats exerçant d'autres fonctions. Lecommentaire du CICR observe que « la participation directe aux hostilités implique un liendirect de cause à effet entre l'activité exercée et les coups qui sont portés à l'ennemi, aumoment où cette activité s'exerce et là où elle s'exerce »35. De plus l'article 51(3) du PAI entend la participation directe comme « les actes de guerre que leur nature ou leur butdestinent à frapper concrètement le personnel et le matériel des forces armées adverses »36.

Il distingue également la participation directe « aux hostilités » et « à l'effort de guerre »pour ne retenir que la première proposition. Sa position a été corroborée par la jurisprudencedu TPIR « Procureur c/ Georges Andersen Nderubumwe Rutaganda » du 06 décembre199937. Le PA I n'impose pas d'interdiction quant aux activités annexes au combat tellesque le transport de matériel, l'espionnage, le sabotage, le ravitaillement des troupes, latransmission d'informations militaires et les fonctions d'assistant aux postes de contrôlemilitaire. Or, ces charges incombent souvent aux enfants qui, par leur taille sont moinsrepérables et plus efficaces que ne le sont les adultes38.

L'expression « participation directe » est de nature à affaiblir les garanties accordéesà l'enfant, étant donnée que l'interdiction de participation n'est pas absolue. Cette lacunedu DIH s'avère préjudiciable aux enfants participant indirectement aux hostilités, dans lamesure où ses tâches sont étroitement liées avec celles du champs de bataille. Qui plusest, les enfants sont difficilement dissociables des combattants et encourent des risquessimilaires aux personnes participant aux hostilités, sans pour autant bénéficier des mêmesconditions statutaires et garanties juridiques.

Dans le cadre des conflits armés non internationaux, le DIH témoigne d'une avancéesignificative, puisqu'il impose une obligation de résultat aux parties aux conflits. L'article 4(3) (c) du PA II énonce que « les enfants de moins de 15 ans ne devront pas être recrutésdans les forces ou groupes armés, ni autorisés à prendre part aux hostilités ». L'interdictioncomprend ainsi deux obligations de résultat. Elle prohibe le recrutement d'enfants de moinsde 15 ans par les forces armées non étatiques et la participation directe et indirecte.

L'extension de l'interdiction témoigne de l'adaptation du DIH à la typologiecontemporaine des conflits, marquée par la prédominance des guerres civiles. De fait, sesdispositions s'adressent tant aux états belligérants qu'aux « forces armées dissidentes » et

35 Les Protocoles additionnels aux Conventions de Genève du 12 août 1949, Genève, CICR, 1977.36 SANDOZ (Yves), SWINARSKI (Christophe) et ZIMMERMANN (Bruno), Commentaires des Protocoles additionnels du 8 juin

1977 aux Conventions de Genève du 12 août 1949, Genève/Dordrecht: CICR/Martinus Nijhoff Publishers, 1986, p. 633, §§ 1944-1945.37 TPIR, Le Procureur c/ Georges Andersen Nderubumwe Rutaganda, Affaire n° ICTR-96-3-T,Jugement, Chambre de première

instance I, 6 décembre 1999, § 100.38 LARRALDE (Jean-Manuel), « Les réponses du droit international à la question des enfants soldats », in Cahiers de la

Recherche sur les Droits Fondamentaux, , n°5 « L'enfant », Caen: Presses Universitaires de Caen, 2006, p.71

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« groupes armés organisés ». Néanmoins, ses modalités ne concernent pas les situationsoù deux factions armées indépendantes de l'état entrent en conflit. Dans une telle situation,le droit applicable assure la plus faible protection à l'enfant-combattant telles que découlantde l'article 3 commun aux CG.

Si le DIH fournit des droits fragiles aux enfants-soldats, il est nécessaire d'étudier lesavancées induites par les normes de DIDH.

I.2 Apport des normes relevant du Droit International des Droits de l'Homme

I.2.1 La Convention relative aux droits de l'enfant et son Protocole facultatifconcernant l'implication des enfants dans les conflits armésA ce jour, la CRC demeure l'unique instrument contraignant spécifique à l'enfant etdemeure à ce jour la référence normative minimale s'appliquant à tous les états. Ellen'engendre pas pour autant de progrès significatif en matière de protection. Dans le cadredes conflits armés internationaux, elle reprend les termes du PA I. Elle se cantonne ainsià l'interdiction de la participation directe d'enfants de moins de 15 ans, comme le figurel'obligation de moyen prévue par son article 38 (2):

« Les États parties prennent toutes les mesures possibles dans la pratique pour veillerà ce que les personnes n'ayant pas atteint âge de 15 ans ne participent pas directementaux hostilités ».

Quant à l'enrôlement, elle ajoute une obligation de résultat identique à celle visée parle PA I, dans son article 38 (3):

« Les États parties s'abstiennent d'enrôler dans leurs forces armées toute personnen'ayant pas atteint âge de 15 ans. Lorsqu'ils incorporent des personnes de plus de 15 ansmais de moins de 18 ans, les États parties s'efforcent d'enrôler en priorité les plus âgées ».

En situation de conflit armé non international, la protection qu'elle octroie est mêmeplus faible que celle du DIH existant, puisqu'elle se base sur les dispositions du PA I quiprohibent uniquement la participation directe. Cependant, l'article 38 (1) prévoit une clausede renvoi aux règles du DIH en vigueur dans l'état concerné, si celles-ci s'avèrent pluspropices à la réalisation des droits de l'enfant.

D'autre part, la CRC compte parmi les 12 instruments de l'ONU relatifs aux Droits del'homme comprenant un organe de surveillance39.L'application de la CRC est assurée parle Comité des droits de l'enfant. Toutefois, par souci de respect de la souveraineté étatique,le contrôle du Comité est basé sur les informations fournies par les États eux-mêmes. Lesmanquements d'état n'engendrent aucune sanction.

Malgré ses faiblesses la CRC témoigne toutefois d'une démarche plus globale que lesPA, en affirmant la nécessité d'une protection au-delà du conflit. En effet, les États doivent« prendre toutes les mesures appropriées pour faciliter la réadaptation et la réinsertionsociale de l'enfant ». Aussi, à la différence du DIH, elle est également applicable en tempsde paix.

Le Protocole facultatif à la CRC (OP-CRC), concernant l'implication d'enfants dansles conflits armés date du 25 mai 2000. Il est le premier traité à se consacrer à part entièreaux enfants impliqués dans les conflits armés. Il enrichit les dispositions de la CRC en

39 Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'homme, Statut des instruments internationaux relatifs aux Droits del'homme, 10 Janvier 2003, disponible sur le site de l'UNHCR: http://www.unhchr.ch/pdf/reportfr.pdf

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réhaussant l'âge minimum du recrutement et de la participation directe aux hostilités de 15à 18 ans et comble ainsi la lacune de l'article 38 de la CRC.

Concernant la question de la participation, il est regrettable que ce texte reprenne lasubstance des dispositions de la CRC, qui n'impose à cet égard qu'une obligation de moyen.Quant au recrutement, les avancées s'avèrent également hésitantes dans la mesure oùl'interdiction d'enrôler des enfants de moins de 18 ans n'est obligatoire que pour les groupesarmés non étatiques, comme le stipule son article 4:

« Les groupes armés qui sont distincts des forces armées d’un État ne devraienten aucune circonstance enrôler ni utiliser dans les hostilités des personnesâgées de moins de dix-huit ans ».

Néanmoins, l'innovation de cette article 4 est d'affirmer l'applicabilité des dispositions encas de conflit entre groupes armés distincts des forces armées officielles. « En aucunecirconstance » les parties au conflit ne peuvent recruter ou utiliser dans les hostilités desenfants de moins de 18 ans. L'expression « aucune circonstance » impose ainsi les mêmesobligations quelque soit la typologie du conflit. Elle marque une rupture avec la distinctionentre conflit armé international et non international.

Au vu de ces observations, il semble que la portée de l'OP-CRC soit à nuancer.L'analyse de son contenu suggère en réalité que « la mention de la limite de 18 ans aété obtenue au prix d'une distinction entre le régime du recrutement obligatoire et celui del'engagement volontaire »40. De fait, en distinguant le recrutement obligatoire qu'il interdit,de l'engagement obligatoire qu'il admet, l'OP-CRC ne renforce pas la protection de l'enfantsoldat. De plus, à l'instar de la CRC il ne dispose d'aucun mécanisme de sanction en casde manquement aux obligations des Parties au conflit.

Par ailleurs, l'OP-CRC souffre d'une double dérogation. Tout d''abord, s'il interdit auxétats parties d'accepter l'enrôlement volontaire des enfants de moins de 15 ans, il ne leurimpose pas une obligation absolue. En effet, il admet le recrutement volontaire d'enfantsde 15 à 18 ans dans les écoles militaires, sous respect des conditions fixées à l'article 4.Il faut que :

« a) Cet engagement soit effectivement volontaire; b) Cet engagement ait lieu avec leconsentement, en connaissance de cause, des parents ou gardiens légaux de l’intéressé;c) Les personnes engagées soient pleinement informées des devoirs qui s’attachent auservice militaire national; d) Ces personnes fournissent une preuve fiable de leur âge avantd’être admises au service militaire. »

En admettant l'incorporation dans les écoles militaires, l'OP-CRC ne protège pas unefrange d'enfants combattants, qui, quelque soit leur âge, sont assimilés à des cibles légales.Défaits de la protection particulière qui leur est accordée en tant qu'enfants, leur statutest alors régi par le DIH relatif aux combattants41. Ceci s'explique par les réticences d'uneminorité d'états, dont les États-Unis et le Royaume-Uni, lors de la rédaction de l'OP-CRC àmodifier la pratique par laquelle les enfants de 17 ans peuvent être intégrés à l'armée42.

40 ARZOUMANIAN (Naïri) et PIZZUTELLI (Francesca), Décembre 2003, op. cit., p. 835.41 HAPPOLD (Matthew), « Child recruitment as crime under the rome statute of the ICC », in The Legal Regime of the

International Criminal Court: Essays in Memory of Igor Blischenko, DORIA (José), GASSER (Hans-Peter) et BASSIOUNI (Cherif)Bassiouni, Leiden: Editions Brill, 2007, p. 70.

42 Voir Annexe n°3: États recrutant des enfants de moins de 18 ans dans leurs forces armées (septembre 2001).

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La deuxième exception concerne l'abaissement à 15 ans de l'âge légal de l'engagementvolontaire. Bien que les États parties doivent en garantir le caractère volontaire, l'expression« engagement volontaire » attise la polémique en raison de son ambiguïté. Comme nousl'avons évoqué dans l'introduction, l'absence de structure familiale et la quête de sécuritéen situation de conflit infirment sa nature volontaire43. Les craintes ont été formulées avecclarté en ces termes: « la frontière entre un enrôlement volontaire et un enrôlement forcé estsans doute claire sur le plan analytique ou en temps de paix. En pratique et en situation deconflit, elle est fréquemment à peine perceptible. Il n'y a pas de choix sans alternative »44.

Il est regrettable que les dispositions les plus contraignantes soient indexées dans l'OP-CRC qui, en raison de son caractère facultatif, est soumis à une approbation parallèle à laCRC. Agissant ainsi les États réduisent considérablement la portée du droit conventionnelde protection. D'aucun distingue dans cette pratique étatique un moyen détourné d'atténuerla portée des engagements internationaux en matière de Droits de l'homme 45 . Ainsi, 68États n'ont pas ratifié le protocole à ce jour. La situation est d'autant plus dommageable que23 de ces pays se situent sur le continent africain, région la plus affectée par le phénomèned'enfants soldats. A titre indicatif, la République centrafricaine et la Somalie n'ont pasencore ratifié le protocole. Or, ces deux États figurent sur la « liste noire » de l'ONU en tantque pays sévèrement touchés par l'utilisation et le recrutement d'enfants soldats.

Bien que l'OP-CRC se rattache à la CRC, le CICR insiste sur son appartenance au DIH.En se consacrant exclusivement aux enfants engagés dans les conflits armés il s'apparentebien à une source du droit de la guerre et vise à limiter les effets des conflits armés. Ainsi,il n'est applicable qu'en situation de conflit armé. Cependant, à la différence des autressources de DIH, il ne distingue pas entre conflit armé international et national. Il témoigneainsi d'une position « à mi-parcours » entre le DIH et le DIDH.

D'autres instruments ont reflété les avancées du DIDH en matière de protection. Ceciest le cas de l'Organisation Internationale du Travail (OIT).

1.2.2 Convention n°182 de l'Organisation Internationale du Travailconcernant l'interdiction des pires formes de travail des enfants et l'actionimmédiate en vue de leur éliminationL'Organisation Internationale du Travail (OIT) a condamné quatre formes de travail desenfants par sa Convention n°182 , adoptée à l'unanimité de ses 174 États membres en1999. Elle considère le recrutement forcé ou obligatoire d'enfants de moins de 18 anstel l'une des « pires formes de travail des enfants » et une forme d'esclavage 46 . Ils'agit du premier instrument conventionnel à vocation universelle interdisant la participationd'enfants de moins de 18 ans aux hostilités47. Elle pointe notamment le besoin d'établir desmesures de suppression immédiate de toutes les formes extrêmes de travail des enfants,accompagnées de sanctions pénales en cas de non respect des dispositions.

43 Pour motivations de l'enrôlement volontaire, voir : BRETT (Rachel), « Adolescents volunteering for armed forces or armedgroups », in Revue internationale de la Croix Rouge, 2003, Vol. 85, ° 852, pp. 857-866.

44 BUGNION François, 2000, op. cit., p.262.45 Cette position a notamment été défendue par: ROCHE (Jean-Jacques), Relations Internationales, Paris: LGDJ, 2001, 2°

édition, « Collection Manuel », p. 233.46 La Convention n°182 suit la convention n°138, dite « convention sur l'âge minimum» de 1973. Elle visait l'abolition générale dutravail des enfants, et stipulait que l'âge minimum d'accès à l'emploi ne pouvait être inférieur à l'âge de fin de scolarité obligatoire.47 169 États sont parties à la Convention n°182 en date du 05/06/09.

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Depuis son entrée en vigueur, la convention est devenue source de droit international.Il en résulte l'obligation, pour les états ayant adopté son statut, de prendre des mesurespositives et d'établir des programmes d'action visant notamment à enrayer la participationdes enfants de moins de 18 ans aux hostilités. Ils sont tenus de transposer les dispositionsde la convention dans la législation et la pratique nationales et doivent, de surcroît, fournirau directeur général du Bureau International du Travail (BIT) des renseignements sur lesmesures prises à cet effet48.

Par ailleurs, l'article 22 de la Convention dispose que les États doivent transmettre desrapports périodiques, illustrant les mesures prises pour aux allégations de violation49. Ellesouligne également la nécessité de la coopération et de l'assistance mutuelle dont les Étatsdoivent faire preuve afin de renforcer la protection juridique de l'enfant soldat.

La convention est à l'origine d'un effort d'harmonisation de la législation nationale deplusieurs états africains, tels que le Kenya qui a élaboré une stratégie nationale sur le travaildes enfants et le Sénégal qui opère également une harmonisation de sa législation nationale

et de son Code du travail avec la convention n o 182. Enfin, l'Ouganda a modifié son Codedu travail afin d'assurer son adéquation avec les conventions n° 138 et 182 de l'OIT50.

Bien que la convention ne fasse pas état de l'enrôlement volontaire, le fait d'associerdans un même texte l'esclavage, le recrutement et l'utilisation d'enfants-soldats constitueune innovation majeure. En effet, cela permet d'incriminer le recrutement et l'utilisation endroit international en tant que crimes d'esclavage constitutifs de crimes contre l'humanité51.

L'observation de la pratique des parties aux conflits met en lumière l'incapacité desnormes de DIH et de DIDH à mettre fin aux violations des droits de l'enfant-soldat. Afind'y remédier, l'ONU propose des modalités nouvelles d'actions relatives au statut del'enfant-soldat. Outre les agissements étatiques qu'elle sanctionne, l'organisation adopteune démarche singulière en considérant l'enfant-soldat en tant que victime de violationdes Droits de l'homme. Ainsi, elle tend à renforcer les droits de l'enfant combattant en luiaccordant un statut plus protecteur. En 2000, l'ONU a même élargi ses capacités d'actionen considérant la violation des droits de l'enfant soldat telle une menace à la paix et à lasécurité internationales, qualification qui l'habilite à recourir aux dispositions du Chapitre 7de sa Charte constitutive52.

II. Engagement de l'organisation des nations UniesAfin de renforcer le respect des obligations internationales, l'ONU s'est progressivementpositionnée sur la question des enfants soldats. Son effort s'est traduit par l'intervention del'Assemblée Générale (AG), principal organe délibérant, directeur et représentatif de l’ONU(II.1). Puis, le Conseil de Sécurité (CS) s'est saisi de la question, en sa qualité d'organe

48 Art. 19 (5) (b) et (c), Convention n°182 de l'OIT, 17 juin 1999.49 ROUGET (Didier), Le guide de la protection des Droits de l'homme, Paris: Editions La Pensée Sauvage, 2000, p. 18350 OIT, communiqué de presse BIT/00/43 « Entrée en vigueur de la convention de l'OIT sur les pires formes de travail

des enfants », 17/11/2000, disponible sur le site de l'OIT: http://www.ilo.org/global/About_the_ILO/Media_and_public_information/Press_releases/lang--fr/WCMS_008289/index.htm

51 Pour de plus amples considérations, voire le mémoire suivant: MAYSTRE (Magali), Les enfants soldats en Droit International,2007, p. 49.

52 En vertu de la résolution 1314 (2000) du Conseil de Sécurité.

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chargé de la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales.Le CS est tenu d'intervenir lorsqu'un différend se transforme en conflit armé et d'y mettre findans les délais les plus brefs. Aussi, il a émis des déclarations juridiquement contraignantes,dites résolutions, en faveur des enfants soldats (II.2).

II.1 Prise de conscience de la communauté internationale au sein del'Assemblée GénéraleL'intervention de l'AG en faveur des enfants fut annoncée par la résolution 1386 (XIV)du 20 Novembre 1959, dite « Déclaration des droits de l'enfant ». Cependant, celle-ci nes'adressait pas spécifiquement aux situations de guerre.

L'incursion véritable du « droit de l'ONU » dans la sphère humanitaire du « droit duCICR » fut entamée par la conférence de Téhéran de 1968, qui englobait dans une mêmedynamique le DIDH et le DIH53. L'ONU enfanta ainsi une nouvelle perspective de sécuritécollective dominée par des considérations humanitaires.

En 1974, l'AG se prononça à nouveau dans le cadre de la résolution 3318 (xxxix), dite« Déclaration sur la protection des femmes et des enfants en période d'urgence et de conflitsarmés ». Finalement, ce n'est que le 20 décembre 1993 que la thématique des enfantstouchés par les conflits armés fut inscrite spécifiquement à l'ordre du jour des débats de l'AG.

En vertu de sa résolution 48/157, elle enjoignit les États à respecter les dispositionsdu DIH et du DIDH et leur demanda de prendre des « mesures concrètes appropriées ».Afin d'identifier les mesures nécessaires, elle pria le SG de désigner un expert chargéd'une étude approfondie sur la participation des enfants aux conflits armés. L'expert désignédevait faire des recommandations spécifiques sur les moyens d’empêcher les enfants d’êtretouchés par les conflits armés, en vue de mieux les protéger dans les conflits armés,ainsi que sur les mesures propres à assurer leur protection effective54. Ce rapport devaitégalement permettre d'évaluer l'adéquation des normes existantes.

Ces recommandations se sont concrétisées en 1996 au travers de la présentationdu rapport de Graça Machel, expert désignée par le SG. Le « Rapport Machel », intitulé« Impact des conflits armés sur les enfants » réclame l'effort de tous les États, dans lamesure où «l'impact des conflits armés sur les enfants doit être le souci de chacun et est laresponsabilité de chacun». Il fait état d'un programme d'action détaillé, visant une meilleureapplication des normes de protection des enfants. Le rapport témoigne des inquiétudes desa rédactrice quant à la situation des enfants soldats, qu'elle considère telle « l'une despriorités les plus alarmantes des conflits armés ». Elle demande aux États de mettre fin aurecrutement forcé et d'inscrire les enfants sur un registre d'état civil à leur naissance, afinde déterminer leur âge avec certitude.

Sur les conclusions du rapport, l'AG désigna en 1997 un représentant spécial duSecrétaire Général pour les enfants et les conflits armés en la personne d'Olara Otunnu,auquel succédera Radhika Coomaraswamy en 2006. Cette nomination a eu deux effetsappréciables, soit la sensibilisation de l'opinion au sort des enfants soldats et l'incitation àl'édification de normes supplémentaires. Ainsi, en mai 2002 les dirigeants de la communautéinternationale ont renouvelé leurs engagements envers les enfants lors de la Sessionextraordinaire que l’AG a consacrée aux enfants. Par le biais d'un document final intitulé

53 DJIENA WEMBOU (Michel-Cyr) et FALL (Daouda), 2000, op. Cit., p. 142.54 Un Doc. A/RES/48/157, « Protection des enfants touchés par les conflits armés », 07/03/1994, disponible à: http://

daccessdds.un.org/doc/UNDOC/GEN/N94/120/22/PDF/N9412022.pdf?OpenElement

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« Un monde digne des enfants », ils ont affirmé vouloir «mettre un terme au recrutementet à l’utilisation d’enfants dans les conflits armés, en contravention du droit international,assurer leur démobilisation et leur désarmement effectif et appliquer des mesures efficacespour assurer leur réadaptation physique et psychologique et leur réinsertion sociale. »55

Si par définition la Charte attribue la question des Droits de l'homme et des droitsde l'enfant à l'AG, le CS s'est lui aussi engagé progressivement56. Aussi, il a affirmé lapertinence de son rôle dans la protection des droits de l'enfant depuis la fin des années1990.

II.2 Résolutions du Conseil de SécuritéDès les origines de son implication, le CS dépassa la distinction entre forces arméesétatiques et acteurs non étatiques. Ses résolutions visent ainsi toutes les Parties aux conflits.

Dans un premier temps, le CS traita sans grand effet de la question des enfants-soldats dans le cadre de conflits spécifiques. Puis, en 1998 il se détacha des situationsparticulières pour exhorter de manière générale les parties concernées à cesser derecruter et utiliser des enfants soldats. Un an plus tard, il émet une première résolution(1261), ayant spécifiquement trait aux enfants dans les conflits armés. Il « condamneénergiquement » les enlèvements et le recrutement d’enfants dans les conflits armés57.L’année suivante, en août 2000, il incite les états par la résolution 1314, à signer et ratifierl'OP-CRC. L'innovation majeure de cette résolution réside dans l'identification des violationssystématiques, flagrantes et généralisées des droits de l'enfant à « une menace pour lapaix et la sécurité internationales ». Dès lors, le CS peut employer les mesures coercitivesprévues à l'article 41 de la Charte pour garantir la protection des droits de l'enfant. Bien qu'iln'ait pas eu recours à de telles dispositions, il poursuivit ses efforts en demandant au SG delui transmettre une liste nominative des parties à des conflits armés recrutant ou utilisant desenfants soldats. Par ce mécanisme de la « liste d'infamie », 23 parties à des conflits armésfurent identifiées58. Jamais auparavant les parties à des conflits armés, impliquées dans lerecrutement ou l'utilisation d'enfants soldats n’avaient été ainsi nommément désignées. Dèslors, s'ouvre un dialogue entre le CS et les Parties concernées dans l'optique d'établir desprogrammes d'action « clairs et assortis d'échéances ». Le SG mit également en exergueneuf autres situations, parmi lesquelles figurait le cas européen de l'Irlande du Nord59. Ilsemble ainsi que la présence de deux états européens au sein des Membres permanentsdu CS, soit le Royaume-Uni et la France, n'ait pas « immunisé » les États de l'Union contreles critiques.

Enfin, la résolution 1379 témoigne d'une compréhension globale du problème ensoulignant la nécessité de mécanismes post-conflictuels, dont les « programmes DDR ».En effet, la prise en compte des droits de l'enfant soldat ne se limite alors plus aux situationsconflictuelles, mais comprend également les situations de rétablissement de la paix.

55 Fonds des Nations Unies pour l'enfance, Guide du protocole facultatif concernant l'implication d'enfants dans les conflitsarmés, New York, 2004 p. 9.

56 La question des Droits de l'homme est confiée à l'AG aux termes de l'art. 13 (2) de la Charte de San Fancisco.57 Résolution 1261, S/RES/1261, relative aux enfants dans des situations de conflit armé, 25/08/1999.58 LARRALDE (Jean-Manuel), 2006, op. Cit., p. 72.59 Ceci est dû à la situation de l'Irlande du Nord. Elle disparaît du rapport du SG du 9/02/05.

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Par ses résolutions, le CS a marqué un tournant dans le développement du DIH. Ils'octroie le pouvoir de punir ou d'extrader les auteurs présumés en vertu du principe autdedere aut judicare 60. La répression des violations n'incombe plus exclusivement aux États.

Suite à la résolution 1379, plusieurs rapports sur les droits des enfants dans lessituations de conflit ont été dressés depuis par des ONG. Par exemple, la Coalition contrel’utilisation d’enfants soldats a publié un rapport « parallèle » sur le recrutement et l’utilisationd’enfants soldats. Celui-ci est révisé tous les trois ans. Le suivi des rapports est égalementopéré par l'ONG, Watchlist on Children and Armed Conflict qui signale les violations desdroits de l'enfant intervenant dans certains pays.

De plus, le CS témoigne d'une approche holistique du phénomène d'enfant soldat,en élargissant la question aux « liens qui existent entre les conflits armés et leterrorisme, la contrebande de minéraux précieux, le trafic des armes légères et d’autresactivités criminelles, qui sont susceptibles de prolonger ces conflits ou d’en aggraver lesconséquences pour les populations civiles, enfants compris »61.

Suite à cela, le CS vota en 2003 la résolution 1460 sur les enfants dans les conflitsarmés, qui l'habilite à « prendre des mesures appropriées pour résoudre ce problème »62.Cette résolution marque une avancée supplémentaire, en envisageant l'idée de sanctionsen cas de non respect du droit en vigueur. Ainsi, le CS fait du recrutement et del'utilisation d'enfants soldats des actes pénalement répréhensibles en vue de l'endiguementdu phénomène. Il exprime la possibilité de sanctionner les États inscrits en annexe durapport du SG, si les progrès accomplis par les parties nommées dans le rapport s'avèrentinsuffisants.

A ce propos, il convient de préciser que du fait des dispositions de la Charte des NationsUnies, le CS est habilité à engager des mesures contre les États contrevenant au droitinternational. A ce titre, il peut décider de mesures d'exécution, de sanctions économiques(telles que les embargos commerciaux) ou d'actions militaires collectives. Un État Membrepeut ainsi se voir provisoirement privé de l'exercice de ses droits et privilèges de Membre parl'AG, sur recommandation du Conseil. En cas de persistance des violations des dispositionsde la Charte, l'état visé, peut être exclu de l'organisation par l'AG sur recommandation duCS.

Conclusion Chapitre IL'approche combinée du DIH et du DIDH témoigne d'une avancée juridique indéniableen termes de protection des droits de l'enfant, en définissant tant son statut que lescomportements légalement autorisés des États. Toutefois, la portée de ces normes estaffectée par l'imprécision des termes utilisés. Cette difficulté a été remarquablementtraduite par Meyrowitz, en ces termes: « ce qui rend malaisée la synthèse des opinionsdoctrinales, c'est le fait que la confusion conceptuelle se double d'une terminologie des plusindécises »63.

60 DJIENA WEMBOU (Michel-Cyr) et FALL (Daouda), 2000, op. Cit., p.154.61 Résolution 1379, S/RES/1379, « Les enfants et les conflits armés », 20/11/2001.62 Résolution 1460, S/RES/1460, « Les enfants dans les conflits armés », 30/01/03.

63 MEYROWITZ (Henri), cité dans DJIENA WEMBOU (Michel-Cyr) et FALL (Daouda), op. cit., 2000, p. 17.

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La médiatisation des crimes perpétrés durant les conflits a provoqué l’indignation de lacommunauté internationale, qui pria l'ONU d'agir. Ainsi, le CS intervint en vertu du ChapitreVII de la Charte de l'ONU. Par sa résolution 827 du 25 mai 1993, il créa le Tribunal pénalinternational pour l’ex-Yougoslavie (TPIY). Celui-ci fut chargé de juger les responsables descrimes de guerre commis dans les Balkans au début des années 1990. Le TPIY est lepremier tribunal international compétent pour juger les auteurs de crimes de guerre depuisles tribunaux de Nuremberg et de Tokyo64. Sous couvert du Chapitre VII également, le CSémit la résolution 955, créant le 8 novembre 1994 le Tribunal pénal international pour leRwanda (TPIR). Celui-ci visait la réconciliation nationale et le maintien de la paix dans larégion. Il fut créé pour juger les personnes ayant commis des violations graves du DIH surle territoire rwandais et les citoyens rwandais ayant commis de tels actes sur le territoired’États voisins entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994.

Ces tribunaux ont radicalement transformé le paysage du droit international humanitaireet permis aux victimes d’être prises en considération et de témoigner. Leurs jurisprudencesrespectives ont contraint les principaux responsables de crimes à répondre de leurs actesdevant la justice. Ainsi, ils ne peuvent plus se servir de leurs fonctions officielles commerempart contre les poursuites judiciaires. De plus, en traduisant en justice des personnalitésde haut rang pour répondre de violations massives des Droits de l’Homme, ces tribunauxont donné l’exemple à suivre dans d’autres parties du monde où ces crimes ont égalementété perpétrés65.

Fortement imprégné de ses deux prédécesseurs, le Tribunal Spécial pour la SierraLéone (TSSL) vit le jour suite à un accord adopté le 16 janvier 2002 entre l'ONU et legouvernement sierra-léonais. Fondé sur la résolution 1315 du CS du 14 août 2000, leTSSL fut la première juridiction pénale internationale à traiter du crime de conscription oud'enrôlement d'enfants de moins de 15 ans dans les forces ou groupes armés ou sur le faitde les faire participer activement à des hostilités.

Chapitre II – La responsabilité pénale individuelleLa lutte contre l'impunité et la poursuite des responsables de crimes de guerre et crimesabominables commis contre les enfants devint l'une des priorités du CS dès 200166. Ledroit international a procédé en deux temps, en reconnaissant tout d'abord la responsabilitéde l'État en cas de recrutement et d'utilisation d'enfants-soldats, puis en engageant laresponsabilité des individus se livrant à de tels agissements.

Aussi, le statut et la jurisprudence du TSSL ont renforcé la procédure de mise en causede la responsabilité individuelle (I). L'avènement d'une cour criminelle internationale en1998, sous les traits de la CPI, consacre les fondements juridiques de l'incrimination de laresponsabilité individuelle en cas de recrutement et d'utilisation d'enfants-soldats (II).

I. Contribution du tribunal spécial pour la Sierra Léone64 Voir Compétences et Statut du TPIY, sur le site du tribunal: http://www.icty.org/sections/LeTribunalenbref65 « Tribunal Pénal International pour le Rwanda : Présentation Générale », site du TPIR: http://www.ictr.org/FRENCH/index.htm

66 Résolution 1379, S/RES/1379, « Les enfants et les conflits armés », 20/11/2001.

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Il convient d'expliquer pourquoi, en dépit de la compétence universelle des États, le CSa décidé de la constitution du TSSL, soit une juridiction mixte combinant droit national etdu DI (I.1). L'analyse des motifs constitutifs de la cour est nécessaire à la lecture de sajurisprudence. Dès lors, la question est de savoir si le TSSL a permis d'établir le recrutementet d'utilisation d'enfants soldats de moins de 15 ans comme crime de droit coutumier (I.2).

I.1 Enjeux de l'édification du Tribunal Spécial pour la Sierra LéoneDans la mesure où les CG de 1949 ne prévoient pas le jugement des auteurs présumésdes violations par un tribunal international, les États doivent en principe respecter lesdispositions de l'article 146 de la CG IV, qui leurs imposent de:

« rechercher les personnes prévenues d'avoir commis, ou d'avoir ordonné decommettre, l'une ou l'autre (des) infractions graves » définies à l'article 147, dont «le fait de contraindre une personne protégée à servir dans les forces armées de laPuissance ennemie ». « Elle devra les déférer à ses propres tribunaux, quelle que soit leurnationalité »67.

Ceci découle de la compétence universelle, soit une règle de droit internationalqui habilite l'État à poursuivre les auteurs de certains crimes, sans égard au lieu oùils ont été commis, ni à la nationalité des auteurs ou des victimes. Néanmoins, desdoutes subsistent quant au caractère coutumier de la compétence en raison d'une pratiqueinsuffisamment répandue et d'une opinio jurispeu claire. Par conséquent, le recours auxjuridictions nationales est demeuré lettre morte. L'État participant à un conflit armé survenuà l'étranger est souvent réticent à juger son propre personnel. En outre, lorsque l'État neprend pas part au conflit, il privilégie souvent les considérations politiques et diplomatiquesqui le lient à l'autre état, au détriment du respect de la compétence universelle68.

Or, comme l'a déploré le Comité des Droits de l'homme, les amnisties sontgénéralement incompatibles avec le devoir des États d'examiner de telles violations69.Afind'y remédier, le CS a mis en place des tribunaux ad hoc en vertu de son pouvoir de déciderdes mesures nécessaires au maintien et à la restauration de la paix et de la sécuritéinternationales. Soucieux des critiques formulées à l'égard d'une justice internationalenégligeant le recours au juge interne, il a établit le TSSL en accord avec le gouvernement dela Sierra Léone. Celui-ci est compétent pour juger les principaux responsables de violationsgraves du DIH et du droit sierra-léonais commis sur le territoire de cet État depuis le 30Novembre 1996.

L'existence d'un crime est conditionnée par le principe de non rétroactivité de la loipénale qui demande que l'acte reproché ait été criminalisé en droit avant le moment desa commission70. Dès lors, se pose la question de l'existence du crime de recrutement etd'utilisation d'enfants-soldats en DI coutumier au 30 Novembre 1996, date à laquelle débute

67 Selon l'art. 147, CG IV : le cas échéant « elle pourra aussi, si elle le préfère, et selon les conditions prévues par sapropre législation, les remettre pour jugement à une autre Partie contractante intéressée à la poursuite, pour autant que cette Partiecontractante ait retenu contre lesdites personnes des charges suffisantes ».

68 CASSESE (Antonio), « On the current trends towards Criminal Prosecution and punishment of breaches of internationalhumanitarian law », in European Journal of International Law, Vol. 9, n°1, 1998, p. 5.

69 CASSESE (Antonio),1998,op.cit., p. 6.70 ARZOUMANIAN (Naïri) et PIZZUTELLI (Francesca),2003, op. cit., p. 841.

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la compétence ratione temporis du TSSL. Il convient de se demander si le TSSL a contribuéà la formulation d'un crime nouveau au regard du droit pénal international.

I.2 De l'existence d'un crime de droit coutumierBien que le TSSL ait criminalisé le recrutement et l'utilisation d'enfants de moins de 15 ans,l'étude des travaux préparatoires de son statut témoigne d'une condamnation très restrictive.Pour cause, seuls étaient considérés comme violations graves du DIH l'« enlèvement etenrôlement forcés d'enfants âgés de moins de 15 ans dans des forces ou groupes armésen vue de les faire participer activement aux hostilités ». Faire participer les enfants auxhostilités n'était ainsi pas considéré tel un crime per se, mais tel un élément subjectifissu des crimes que constituent l'enlèvement et l'enrôlement forcés. Selon le SG, ce choixaurait été conforté par le caractère contestable en droit coutumier du crime défini parle tribunal71. Au lieu de définir les éléments spécifiques d'un crime nouveau, les travauxpréparatoires portaient sur des actions constituant des crimes existants au préalables enDI. La formulation fut néanmoins refusée par le CS, qui opta pour celle qui figure aujourd'huidans le statut de Rome instituant la CPI. Le TSSL est ainsi habilité à juger les personnesaccusées derecrutement et enrôlement d’enfants de moins de 15 ans dans des forces ougroupes armés afin de les faire participer activement aux hostilités.

Bien que la portée de la formulation définitive soit plus large, la première version amis en lumière la question de la nature coutumière du crime. Il est essentiel de clarifier lapréséance d'une règle coutumière, faute de quoi les auteurs de tels actes pourraient se voiracquittés en vertu du principe de non rétroactivité.

Sur ce point, il est intéressant de noter que certains États incriminaient déjà lerecrutement et l'utilisation avant 1996, notamment l'Espagne par la loi organique 10/1995du 23 Novembre 199572. Toutefois, à l'époque ni la pratique ni l'opinio juris n'auraient pujustifier de l'émergence d'une norme coutumière. C'est ainsi que la défense de Sam HingaNorman, coordinateur des forces de défense civile de la Sierra Léone pendant le conflit, acontesté l'idée d'une règle coutumière73. A l'appui de sa position, la défense rappela que ledroit conventionnel de protection issu des protocoles additionnels et de la CRC interdisait lerecrutement d'enfants soldats sans toutefois l'incriminer. Et d'ajouter que la criminalisationde cet acte par le statut de Rome ne codifiait pas le droit international coutumier.

Afin de se prononcer, la Chambre d'Appel du TSSL s'est appuyée sur l'affaire Tadic duTPIY, qui répertoriait quatre conditions d'incrimination, soit:

« i) la violation doit porter atteinte à une règle du DIH; ii) la règle doit être de caractèrecoutumier ou, si elle relève du droit conventionnel, les conditions requises doivent êtreremplies; iii) la violation doit être grave, c'est-à-dire qu'elle doit constituer une infractionaux règles protégeant des valeurs importantes et cette infraction doit entraîner de gravesconséquences pour la victime. [...]; iv) la violation de la règle doit entraîner, aux termes du

71 ARZOUMANIAN (Naïri) et PIZZUTELLI (Francesca), décembre 2003, op. cit., p. 839.72 Loi Organique 10/1995, Code Pénal espagnol de 1995, Titre XXIV «Délits contre la communauté internationale », Ch. III

«Des délits contre les personnes et biens protégés en cas de conflit armé», art. 612(3)73 TSSL, Le Procureur c/ Sam Hinga Norman, Affaire n° SCSL-2003-08-PT, motion préliminaire basée sur l'inexistence du

crime en droit international coutumier lors de sa commssion, 26 Juin 2003. Sam Hinga Norman était ministre des affaires intérieuresde Sierra Leone lors de son arrestation. Il fut arrêté le 10 mars 2003, puis transféré au TSSL où son procès fut ouvert le 3 juin 2004.Il est décédé le 22 février 2007, alors que le jugement sur sa culpabilité était en délibéré.

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droit international coutumier ou conventionnel, la responsabilité pénale individuelle de sonauteur. »74

Le quatrième critère mentionné, relatif à la règle de droit codifiant l'infraction, nécessited'être explicité. Alors que le droit pénal national applique le principe de spécificité, ditnullum crimen sine lege stricta, le droit pénal international ne détaille pas les élémentsspécifiques du crime. Les règles de DI comprennent plus généralement des catégorieslarges de crimes sans délimitation particulière du comportement prohibé. Pour être engagéeen DI, la responsabilité pénale individuelle requiert deux éléments. Tout d'abord, elle nepeut être engagée qu'à condition que la violation de la règle de DI ait été établie. Puis, ilfaut qu'une règle secondaire généralement d'ordre coutumier attribue cet effet spécial à larègle générale75.

Afin de trancher la responsabilité pénale de Sam Hing Norman, la Chambre d'appel adu mettre en lumière l'existence d'une règle secondaire. Sur la base de la jurisprudence etdes Statuts du TPIY et du TPIR, elle a conclu que « les violations de l'article 3 commun aux[CG] et de l'article 4 [du PA II] ..., depuis l'établissement des deux Tribunaux internationaux,ont été reconnues comme constituant des violations du droit coutumier engageant laresponsabilité pénale individuelle de l'accusé »76. La Chambre d'appel a considéré quel'interdiction de recruter des enfants soldats, bien que non mentionnée dans le statut duTPIR, s'apparente à d'autres violations de règles tout aussi fondamentales incriminées enDI.

Cependant, à l'instar du TPIY et du TPIR, le TSSL s'est heurté à quantité d'obstacles. Lepremier découle de l'absence d'un code international de procédure criminelle. A la différencedu droit national basé sur un code de procédure pénal unique, le régime pénal internationalest composé de normes éparses. En outre, de nombreux États se sont montrés réticentsà l'idée de transférer la répression pénale à des tribunaux internationaux, car cela toucheà la juridiction criminelle, domaine sacré de la souveraineté étatique77. A ce propos, l'onpeut citer ici le juriste allemand Niemeyer qui illustra en 1932 ces préoccupations, parla métaphore suivante: « le droit international est un édifice construit sur un volcan, lasouveraineté étatique »78. Reprenant cette figure de style, Antonio Cassese souligna en1998 que l'effet du manque de coopération étatique est tel que la lave se propageant surles fondations du droit international79. Dès lors, l'on perçoit l'importance de la coopérationdes États au bon fonctionnement des juridictions internationales.

C'est dans le cadre des difficultés rencontrées par les tribunaux internationaux et leTSSL qu' est née la CPI. En tant que juridiction criminelle internationale habilitée à juger les

74 TPIY, Le Procureur c/ Dusko Tadic, alias « Dule », Affaire n° IT-94-1-A, « Arrêt relatif à l'appel de la défense concernantl'exception préjudicielle d'incompétence », Chambre d'appel, 2 octobre 1995, §§ 86-137.

75 CASSESE (Antonio), « The statute of the International Criminal Court: some preliminary reflections », in European Journalof International Law, Vol. 10, n°1, 1999, p. 148.

76 « Rapport du Secrétaire Général au Conseil de sécurité sur l'établissement d'un Tribunal Spécial pour la Sierra Léone »,S/2000/915, 04/10/2000.

77 CASSESE (Antonio), 1998, op. cit., p. 10.78 CASSESE (Antonio), 1998, op. cit., p. 11.79 CASSESE (Antonio), 1998, op. cit., p. 12.

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individus, elle contribue à modifier la portée du principe de souveraineté. A ce titre, elle estqualifiée d'« institution révolutionnaire »80.

II. Incrimination du recrutement et de l'utilisation d'enfants soldats parla cour pénale internationale

Le 17 juillet 1998 se tint la Conférence de Rome par laquelle 120 des 160 É tatsparticipants approuvèrent le traité constituant une cour criminelle internationale. Alorsque la jurisprudence du TSSL inaugura l'incrimination du recrutement et de l'utilisationd'enfants soldats, le Statut de Rome et les affaires portées devant la CPI ont permis d'affinerla définition du crime et d'en préciser les éléments constitutifs. Ainsi, il est nécessaired'expliciter la portée de l'action de la CPI (I.1).

Le Statut et la jurisprudence de la CPI témoignent d'innovations majeures. La Cour tendà jouer un rôle décisif dans la répression internationale des infractions du DIH. Cependant,la répression pénale nationale des crimes de guerre revient fondamentalement aux É tats.Ceci remet en cause les avancées de la Cour. Consciente de cette fragilité, l'UE s'estengagée à faire respecter le Statut et l'activité de la CPI dès 2001 (I.2).

II.1 Éléments constitutifs du crime de recrutement d'enfants soldats

II.1.1 Apport mitigé du Statut de RomeTout d'abord, l e Statut a permis de clarifier, voire de reconsidérer le sens donné au terme« enrôlement ». Contrastant avec l'approche du PA 1 et de la CRC, il dépasse l'acceptiongénérale de ce terme. Il qualifie l'enrôlement comme élément du crime de guerre, qu'ilsoit volontaire, obligatoire ou forcé, et qu'il découle d'une politique gouvernementale, d'uneinitiative individuelle ou du consentement de l'enfant à être enrôlé. Par conséquent, leconsentement des recrues ne fournit pas de défense au crime 81 .

Par ailleurs, l'article 8 différencie les normes applicables aux conflits armésinternationaux et non internationaux. La doctrine est alors partagée sur les conclusionsà en tirer. En effet, cette nuance terminologique semble rétrograde dans la mesure où latendance actuelle vise l'abolition de la distinction et le développement d'un corpus normatifapplicable à tous les conflits. D'autres néanmoins saluent le fait que la criminalisation nesoit pas restreinte aux conflits armés internationaux, mais et qu'elle couvre les crimes deguerre commis dans le cadre d'un conflit armé non international.

Toutefois, des lacunes subsistent dans le statut de Rome. En premier lieu, il convientde se tourner sur les dispositions de l'article 8 (2), par lequel le statut de Rome dresse laliste des crimes de guerre relevant de sa compétence. L'article inscrit en tant que tels « laconscription et l'enrôlement d'enfants de moins de 15 ans » et la participation active à deshostilités dans les forces armées nationales82 et les forces et groupes armés non étatiques83.Malheureusement, il précise que les violations graves des lois et coutumes sont définies« dans le cadre établi du droit international ». Cette référence au « cadre établi » témoigne

80 CASSESE (Antonio), 1999, op. cit.,, p. 145.81 HAPPOLD (Matthew), 2007, op. cit. , p. 8.

82 Statut de Rome, Art. 8 (2) (b) (xxvi)83 Statut de Rome, Art. 8 (2) (e) (vii)

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d'une incrimination hésitante. Reflet du droit international pénal, le statut de la CPI ne visepas la création de normes nouvelles. Agissant ainsi, il cristallise l'interdiction du recrutementet de l'utilisation d'enfants soldats, plutôt qu'il ne les érige en crimes de guerre.

Par ailleurs, au titre de l'article 120, le Statut n'admet aucune réserve. Or, il autorisedes déclarations provisoires par lesquelles « un État qui devient partie au présent Statutpeut déclarer que, pour une période de sept ans à partir de l'entrée en vigueur du Statut àson égard, il n'accepte pas la compétence de la Cour en ce qui concerne la catégorie decrimes visée à l'article 8 lorsqu'il est allégué qu'un crime a été commis sur son territoire oupar ses ressortissants ».

Selon le Statut de Rome, le Procureur peut ouvrir une enquête sur une situation déféréepar un État partie ou par le CS. Il peut agir de sa propre initiative s'il reçoit de la partde personnes ou organisations des renseignements concernant des crimes relevant de lacompétence de la CPI. Actuellement, trois États parties ont déféré des affaires concernantdes faits s’étant déroulés sur leur territoire: l’Ouganda, la République centrafricaine et laRDC. De plus, le CS lui a déféré la situation du Darfour, bien que le Soudan n'ait pas adoptéle Statut de Rome. L'examen des affaires en cours permet d'évaluer l'apport de la CPI à lapromotion des droits de l'enfant soldat.

II.1.2 Examen des affaires portées devant la CourLa CPI a contribué de manière significative à l'avancée du droit, en délivrant sept mandatsd'arrêt relatifs au recrutement et à l'utilisation d'enfants soldats de moins de 15 ans. Dansle cadre de l'affaire Le Procureur c/ Joseph Kony, Vincent Otti, Okot Odhiambo et DominicOngwen, la responsabilité de trois leaders de l'armée de Résistance du Seigneur a été miseen cause pour « enrôlement d'enfants constituant des crimes de guerre » et « enrôlementd'enfants dans (un) camp de déplacés constituant des crimes de guerre ». Ces actes sontsanctionnés par les articles 8(2)(e)(vii) et 25(3)(b) du Statut. Toutefois, les trois auteursprésumés demeurent en liberté. Parallèlement, trois affaires relatives à la situation en RDCsont en cours d'examen, soit: Le Procureur c/Thomas Lubanga Dyilo ; Le Procureur c/Bosco Ntaganda ; et Le Procureur c/Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui .

Dans le cadre de l'affaire Le Procureur c/Thomas Lubanga Dyilo , les charges retenuescontre M. Lubanga le tiennent responsable des crimes de guerre suivants:

« l'enrôlement et la conscription d'enfants de moins de quinze ans dans lesForces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC) », et leur participationactive « à des hostilités, dans le cadre d'un conflit armé international de débutseptembre 2002 au 2 juin 2003 »84.

Ces actes sont sanctionnés par l'article 8(2)(b)(xxvi) du Statut de Rome. En outre, il estaccusé de l'enrôlement et la conscription d'enfants de moins de 15 ans dans les FPLC, et deleur participation active à des hostilités, dans le cadre d'un conflit armé ne présentant pasun caractère international du 2 juin 2003 au 13 août 2003 », comme visé l'article 8(2)(e)(vii).

Quant à M. Ntaganda, il est suspecté d'être responsable en vertu de l'article 25(3)(a) pour crimes de guerre consistant à procéder à l'enrôlement et la conscription et à laparticipation active aux hostilités d'enfants de moins de 15 ans ».

84 CPI, « Situations et affaires », disponible sur le site de la CPI: http://www.icccpi.int/Menus/ICC/Situations+and+Cases/

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Enfin dans l'affaire Le Procureur c/Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui , lesdeux suspects sont poursuivis pour avoir commis des crimes de guerre par l'intermédiaired'autres personnes, incluant la participation d'enfants de moins de 15 ans à des hostilités ».

Bien que le Statut de Rome souffre d'insuffisances, la jurisprudence de la Cour favorisela formulation d'éléments constitutifs du crime. En effet, la décision du Procureur contreM. Lubanga a mis à jour la contradiction inhérente au terme « nationales », caractérisantles forces armées telles qu'elles sont définies par le DIH. Comme le rappelle la Chambrepréliminaire, « le cadre du conflit armé international n'est pas uniquement limité à l'utilisationde la force entre deux États mais comprend également certaines situations dans lesquellesdes parties au conflit peuvent être des forces ou groupes armés organisés »85. La portéede cet adjectif n'est-elle applicable qu'aux forces armées « gouvernementales »?

Se référant à la Convention de Vienne de 1969, la Chambre préliminaire a estimé quele sens ordinaire du terme n'était pas limité aux forces armées gouvernementales. Afind'entériner cette position, elle se référa à la jurisprudence du TPIY relative à la définitionde « personnes protégées » comme prévue à l'article 4 de la CG IV. Selon le TPIY,lorsqu'une personne protégée tombe aux mains d'une partie au conflit, aucune considérationde nationalité ne saurait être justifiée. Ainsi, les dispositions de l'article 4 sont applicablessans considération de la nationalité de la personne protégée, ni de la partie au conflitconcernée86.

De plus, la Chambre préliminaire estime que l'assimilation des termes « nationales »et « gouvernementales » pourrait conduire le juge à un dangereux paradoxe87. Pour cause:

« Il serait amené à considérer qu'un auteur présumé peut être tenu pourresponsable s'il appartient à une partie au conflit qui est rattachée a un État maisqu'il ne serait pas poursuivi s'il appartient à une partie au même conflit qui seraitqualifiée de groupe armé [...]. De fait, des considérations élémentaires d'humanitéet de bon sens rendent absurde que le crime d'enrôlement ou de conscriptiond'enfants de moins de quinze ans puisse engager la responsabilité de ThomasLubanga Dyilo uniquement dans le cadre d'un conflit interne du seul fait que lesFPLC, en tant que force armée, ne pourrait être qualifiées de « forces arméesnationales » au sens de l'art 8-2-b-xvxvi du statut ».

Eu égard à l'élément matériel du crime, il est à noter que la notion de « participation active »figura pour la première fois dans le texte du Statut de Rome et fit l'objet d'une interprétationpar la Cour dans le cadre de l'affaire Lubanga.

Bien que l'expression « active participation » apparu dans la version anglaise del'article 3 commun aux CG, la version française lui avait préféré celle de « participationdirecte ». Rappelons ici que cette dernière s'identifie comme l'a confirmé le TPIR, au faitde « commettre des actes de guerre que leur nature ou leur objet destinent à frapperconcrètement le personnel ou le matériel des forces armées de l'adversaire »88. Elle sedistingue de la « participation aux hostilités », admise à l'article 4(3)(c) du PA II, qui inclut

85 CPI, Affaire Le Procureur c/Thomas Lubanga Dyilo, Affaire n° ICC-01/04-01/06-803, Chambre Préliminaire I, Décision surla confirmation des charges, 29 janvier 2007, § 275.

86 TPIY, Le Procureur c/ Tadic, Affaire n° IT-94-1-A, Chambre d'Appel, Jugement, 15 juillet 1999, § 164-6 et affaire Le Procureurc/ Delalic et consorts , Affaire n° IT-96-21-A, Chambre d'Appel, Jugement, 20 février 2001, §§ 56-84.

87 CPI, Le Procureur c/Thomas Lubanga Dyilo, 29 janvier 2007, op. cit., §§ 282-4.88 TPIR, Le Procureur c/ Georges Andersen Nderubumwe Rutaganda, 6 décembre 1999, op. cit., § 100.

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de manière plus générale des activités telles le transport d'armes et de munitions et leravitaillement89.

Alors que le TPIR avait estimé dans l'affaire Akayesu 90 que les notions de participationdirecte et participation active étaient analogues, le Comité préparatoire pour la création dela CPI avait précisé dans son rapport que:

« Les mots "utilisation" et "participation" sont employés de manière à couvrir à la foisla participation directe au combat et la participation active à des activités en rapport avecle combat, telles que la reconnaissance, l'espionnage, le sabotage, ainsi que l'utilisationd'enfants comme leurres, comme messagers [...] l'emploi d'enfants comme porteurs pourapprovisionner le front ou à toutes autres activités sur le front même est couvert par cetteterminologie ».

L'interprétation faite par le Comité fut consolidée par la Chambre préliminaire quiconsidéra dans l'affaire Lubanga que:

« Le fait de "participer activement" à des hostilités signifie non seulementune participation directe aux hostilités, c'est-à-dire aux combats, telles quela reconnaissance, l'espionnage, le sabotage, ainsi que l'utilisation d'enfantscomme leurres ou messagers ou leur utilisation aux postes de contrôlemilitaires »91.

Ainsi, la formulation « participation active » admet une acception plus large que celle de« participation directe ». Elle semble s'apparenter à la participation aux hostilités per se. Laportée de la « participation active » ne se limite pas au cadre des combats.

Cette interprétation large a le mérite de criminaliser en droit international pénal dessituations où des enfants de moins de 15 ans furent utilisés et recrutés, alors qu'elles nefiguraient pas dans les normes de protection relatives aux enfants soldats. Jusque là, cessituations n'engageaient pas la responsabilité pénale de l'État92.

A ceci s'ajoute les conclusions du TSSL qui, aux termes de son jugement du 20 mai2007, a réalisé un pas supplémentaire quant à la définition de « participation active ». Eneffet, il a été clairement admis que celle-ci n'était pas limitée au combat. Dans la cadre dela guerre civile sierra-léonaise, La Chambre de première instance II du TSSL a égalementreconnu que l'utilisation d'un enfant pour garder une mine de diamant est une mise endanger suffisante pour constituer une utilisation illégale, au regard de l'article 4 (c) duStatut du TSSL. Et d'ajouter que la présence d'enfants aux endroits où des crimes étaientmassivement commis était illégale quelque soit les activités incombant à l'enfant93.

Néanmoins, le caractère prétendument révolutionnaire de la Cour est infirmé par le rôleimportant concédé aux É tats. A titre d'exemple, rappelons le principe de complémentaritévis-à-vis des juridictions nationales, en tant que frein à la compétence de la CPI.

89 MAYSTRE (Magali), 2007, op. cit., pp. 134-13590 TPIR, Le Procureur c/ Jean-Paul Akayesu, Affaire n° ICTR-96-4-T, Chambre de première instance I, Jugement, 2 septembre

1998, para. 629.91 CPI, Le Procureur c/ Thomas Lubanga Dyilo, 29 janvier 2007, op. cit., pp. 76-77, § 261.

92 HAPPOLD (Matthew), Child soldiers in international law, Manchester University Press, Manchester, 2005, p. 134.93 TSSL, Le Procureur c/ Alex Tamba Brima, Brima Bazzy Kamara, Santigie Borbor Kanu, Affaire n° SCSL-2004-16-T, Chambre

de première instance, Jugement, 20 juin 2007, p. 228, §§ 737.

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Selon ce principe, une affaire est jugée irrecevable par la CPI si elle fait ou a faitl’objet d'une enquête ou de poursuites de la part d’un État ayant compétence en l’espèce.La solution retenue est donc différente de celle qui avait prévalu lors de la création destribunaux pénaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda94. En effet, bien que les juridictionsnationales et les tribunaux internationaux aient été déclarés concurremment compétents,les TPI disposent de la primauté sur les juridictions nationales. Quelque soit le stade de laprocédure, le TPIY ou le TPIR peuvent demander aux juridictions nationales de se dessaisiren leur faveur, selon l'article 9 du statut du TPIY et l'article 8 du statut du TPIR.

En vertu de la règle non bis in idem, nul ne peut être jugé par la Cour s’il a été jugé parune autre juridiction pour les mêmes faits à moins que la procédure devant cette juridictionait été un moyen de soustraire la personne à sa responsabilité pénale ou qu'elle ait servi àdémentir la traduction de l’intéressé en justice.

Face aux obstacles infirmant la portée de la CPI, l'UE adopta en 2001 une positioncommune visant à soutenir son fonctionnement et à promouvoir la ratification universelle deson Statut. Il convient d'analyser l'engagement européen dans le cadre des relations de sesÉtats-membres avec la Cour, ainsi que des relations de l'Union avec l'ONU et les États tiers.

II.2 Soutien de l'Union Européenne à la Cour Pénale InternationaleLe soutien de l'UE à la CPI s'explique par la proximité de leurs principes d'action etobjectifs. Agissant en conformité avec la Charte des Nations Unies, toutes deux visent laconsolidation de l'état de droit, le respect des Droits de l'homme, la préservation de la paixet le renforcement de la sécurité internationale. Le Traité de Maastricht, traité constitutif del'UE inscrit la lutte contre l'impunité des crimes sanctionnés par la CPI, dans son article 11.

En 2002 le Conseil dressa dans ses conclusions des principes directeurs, requérant desÉtats-membres qu'ils respectent les dispositions du Statut de Rome. Désireux de renforcerla coopération aux enquêtes et jugements de la Cour, le Conseil adopta en 2002 et 2003 desdécisions relatives aux crimes contre l'humanité, crimes de guerre et crimes de génocide.Il fournit ainsi aux États de l'Union les éléments nécessaires à une approche nationale deces crimes internationaux graves95.

Suite à la position commune adoptée en 2001 et révisée en 2003, l'UE adoptaun plan d'action dressant les trois priorités suivantes: la coordination des activitésde l'Union, l'universalisation et l'intégrité du Statut de Rome et l'indépendance et lefonctionnement efficace de la Cour. D'autre part, l'UE a marqué une étape supplémentaireen devenant en 2006 la première organisation régionale signataire d'un accord decoopération et d'assistance avec la Cour criminelle internationale. Celui-ci concernel'échange d'informations des États membres de l'Union avec la CPI.

La coopération de l'UE s'est traduite au niveau des efforts engagés par ses États-membres, au niveau des actions européennes menées envers des États-tiers et desorganisations internationales (OI) et enfin au niveau de ses relations avec l'ONU.

Les États-membres se sont engagés à respecter les dispositions du Statut de Rome.Leur coopération aux enquêtes de la Cour s'est traduite selon de nombreuses modalités.

94 BADINTER (Robert), Projet de loi constitutionnelle relatif à la cour pénale internationale, n°318/1998-99, Paris, Sénat, in LaDocumentation Française, Le rôle des juridictions nationales, disponible à: http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/justice-penale-internationale/juridictions-nationales.shtml

95 Conseil de l'Union Européenne,The European Union and the International Criminal Court, Consilium, Bruxelles, février 2008,p. 6.

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Par exemple, quatre États européens ont signé des accords de protection de témoins avecla CPI. La France a participé au transfert de Thomas Lubanga Dyilo de la RDC vers La Haye,siège de la Cour. L'Autriche et le Royaume-Uni, suivis par la Belgique et la Finlande, ontquant à eux signé des accords relatifs à l'exécution des sanctions prononcées par la Cour96.

Les efforts de l'UE ont également transparu dans ses relations avec l'ONU. En effet,elle soutient les rapports annuels de la CPI à l'AG depuis le premier rapport fourni le 08novembre 2005. De plus, l'UE contribua à l'adoption de la résolution 1593, habilitant le CS àréférer du cas particulier du Darfour à la Cour. Agissant ainsi, l'UE a contribué indirectementà la saisie par la CPI de trois affaires soudanaises par la Cour 97 .

Enfin, afin de soutenir sa position commune dans le monde, l'UE a mené 275démarches auprès de 110 États-tiers et OI entre 2002 et 2008. Par ce biais, elle a encouragéla ratification et l'application du Statut de Rome et promu l'accord sur les privilèges etimmunités de la CPI (APIC)98. Cet accord, entré en vigueur en 2004, garantit aux officiers etpersonnel de la Cour certains privilèges et immunités indispensables à l'exécution de leurfonction de manière indépendante et inconditionnelle. D'une importance fondamentale pourla procédure judiciaire, l'APIC vise la préservation de l'intégrité des dispositions du Statut99.

Parallèlement les neuf représentants spéciaux de l'UE participent à l'application de laposition commune. Ils sont tenus à la promotion des politiques et intérêts de l'Union dansdes régions instables telles la région des Grands Lacs africains et le Soudan. Certainsd'entre eux disposent d'un mandat clairement associé aux activités de la CPI. Ceci est lecas du représentant au Soudan qui est chargé du suivi de la situation du pays, dont il réfèrerégulièrement au Bureau du Procureur de la CPI. De même, la sensibilisation aux travauxde la CPI est l'une des priorités d'action du représentant pour la région des Grands Lacs.

En outre, l'UE promeut la Cour dans le cadre de l'Accord de Cotonou révisé de 2005.Celui-ci tend à enrayer la pauvreté et à favoriser l'intégration des pays d'Afrique, Pacifique etCaraïbes, dits pays ACP, dans l'économie mondiale sur la base du respect des objectifs dudéveloppement durable. Il s'agit du premier instrument légalement contraignant à inscrireune clause relative à la CPI (« standard clause »). La révision de l'accord a permis l'insertiondu paragraphe suivant dans l'article 11:

« En promouvant le renforcement de la paix et de la justice internationale, lesparties réaffirment leur détermination à partager des expériences concernantl'adoption d'amendements juridiques nécessaires pour permettre la ratificationet la mise en œuvre du Statut de Rome de la CPI » et à « lutter contre lacriminalité internationale conformément au DI, en tenant dûment compte dustatut de Rome ». De plus, il est attendu que « les parties s'efforcent de prendreles mesures en vue de ratifier et mettre en œuvre le Statut de Rome et lesinstruments connexes ».

96 Conseil de l'Union Européenne, février 2008, op. cit., p. 23.97 Voir affaires : CPI, Le Procureur c/Ahmad Muhammad Harun et Ali Muhammad Ali Abd-Al-Rahman , Affaire n°

ICC-02/05-01/07, 02/05/2007; Le Procureur c/Bahr Idriss Abu Garda , Affaire n° ICC-02/05-02/09, 18/05/2009; Le Procureurc/ Omar Hassan Ahmad Al Bashir , ICC-02/05-01/09, 04/03/2009.

98 Journal officiel de l'Union européenne, L 150/67, « Position commune 2003/444/PESC du Conseil du 16 juin 2003concernant la Cour pénale internationale », Luxembourg, 18/06/2003.

99 Site de la CPI, « Accords sur les privilèges et les immunités », disponible à : http://www.iccnow.org/?mod=apic&lang=fr

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Dans l'optique de l'application de la position commune l'Union ne se contenta pas d'un pland'action, mais tenta par de nombreuses déclarations de soutenir des initiatives politiquesen faveur de la CPI. Ainsi, la Cour fut mise en avant par l'UE lors de sommets et réunionsde chefs d' É tats et de gouvernements. En atteste notamment le Sommet de Lisbonneorganisé entre l'UE et l'Afrique les 8 et 9 décembre 2007, par lequel fut opérée un premierrapprochement entre l'Afrique et les objectifs de la Cour. Fier de cet accomplissement, leConseil de l'Union fit allusion à une « étape historique » 100 .

Conclusion Chapitre IIL'élaboration d'une cour criminelle permanente témoigne d'une avancée incontestable pourla répression du crime de recrutement d'enfants soldats. Toutefois, le droit internationalpénal demeure lacunaire. De fait, la compétence de la CPI est partiellement remise encause par les réticences des États, peu enclins à lui conférer des pouvoirs relevant jusqu'icide leurs prérogatives. Cette difficulté illustre le rapport conflictuel entre le principe desouveraineté étatique et l'exécution du jugement, dilemme qu'il conviendrait néanmoins dedépasser101.

Dans son Rapport à l'assemblée du millénaire, l'ancien SG des Nations Unies, KofiAnnan émit des doutes quant au bon vouloir des États d'assurer le respect au niveaunational du droit conventionnel de protection. Ainsi, il déclara que:

«Premièrement, les États sont parfois les premiers à s’en prendre à leurs citoyensqu’ils ont pourtant l’obligation de protéger. Deuxièmement, les parties non étatiques ignorentsouvent le droit humanitaire, ou le méprisent, en particulier lorsque l’État a implosé. Enfin,les conventions internationales ne traitent pas de façon adéquate les besoins spécifiques decertains groupes comme les personnes déplacées ou les femmes et les enfants se trouvantdans des situations d’urgence complexes. »102

Ainsi, à l'heure actuelle l'enjeu n'est plus de renforcer le cadre normatif de protectiondes enfants dans les conflits armés mais d'en assurer la mise en application103.

100 Dans le texte original il est fait référence à « a historical landmark », cf. Conseil de l'Union Européenne, février 2008, op. cit., p. 11.101 CASSESE (Antonio), 1998, op. cit., p. 16.

102 ANNAN (Kofi), Nous les peuples: Le rôle des Nations Unies au XXI° siècle, Chapitre IV: « Un monde libéré de la peur »,in 53ème session de l'Assemblée Générale de l'ONU, 1998, disponible sur le site de l'ONU: http://www.un.org/french/millenaire/sg/report/full.htm

103 Résolution 1299, S/RES/1299 (2000),« Report of the Secretary-General on children and armed conflict », 19/05/2000.

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Partie II – Mise en application de laprotection des droits de l'enfant soldat

Les réticences africaines à l'égard du DIH ont été illustrées par la non ratification des normes« standard » de protection et par le recourt aux réserves de portée générale.

Ceci sous-tend la relation conflictuelle entre le droit interne et le droit international. Leprincipe de souveraineté étatique est au cœur des réticences étatiques envers l'applicationdes droits de l'enfant-soldat dans les ordres internes africains (chapitre I).

Toutefois, suite à l'adoption des résolutions 1261, 1314 et 1379plusieurs organisationsrégionales et accords régionaux ont fait de la question des enfants dans les conflits armésl'une des priorités de leur agenda politique. Aussi, nous traiterons des efforts de l'UE autravers des instruments et programmes d'action qu'elle a déployés104 (Chapitre II).

Chapitre I – Des réticences étatiques africaines enversle droit conventionnel de protection

En 2009 le SG dénombrait uniquementsix situations africaines dans lesquelles des partiesau conflit recrutaient ou utilisaient des enfants soldats. Etant donné la minorité d'Étatsdirectement concernés par le phénomène d'enfant soldat, nous nous interrogerons sur lescauses des réticences africaines tenaces envers le DIH105 (I). Puis, nous analyserons leseffets de cette lecture africaine du DIH au regard des garanties juridiques accordées àl'enfant soldat (II).

I. Des relations de la souveraineté nationale au droit internationalAfin d'aborder la question de l'applicabilité du droit conventionnel en droit interne, noustraiterons des traditions constitutionnelles prééminentes en Afrique (I.1). Nous souligneronsla lecture africaines particulière du DIH, découlant de motifs historiques et socio-culturels.Puis nous invoquerons l'inadéquation des dispositifs internes aux exigences du DI.L'insuffisante répression pénale des crimes par l'État attise un climat d'impunité. Ceciconstitue une brèche dans l'incrimination internationale des comportements délictueux (I.2).

104 Résolution 1299, (2000), op. cit., p. 6.105 Selon l'UNICEF, on trouve des enfants soldats en: Ouganda, République Centrafricaine, RDC, Somalie, Soudan, Tchad. 5 d'entre-eux utilisent des enfants dans leurs forces armées ou soutiennent le recrutement d'enfants par des groupes armés dans leurs frontièresou en territoire voisin : l'Ouganda, la RDC, le Rwanda, le Soudan et le Tchad. Source, Human Rights Watch, « ONU: renforcer lesactions visant à mettre fin à l'utilisation des enfants soldats », 12.02.09, disponible à: http://www.hrw.org/en/news/2009/02/12/onu-renforcer-les-actions-visant-mettre-fin-l-utilisation-des-enfants-soldats

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I.1 Enjeux des choix constitutionnels opérés par les États africains

I.1.1 Regards divergents du monisme et du dualisme sur le droitinternationalPour saisir les réponses constitutionnelles retenues par les États africains, nous devonstraiter de la controverse doctrinale opposant le monisme au dualisme. Ces schémasthéoriques s'opposent dans leur conception des rapports entre DI et droit interne. Ilséclairent la position des États sur l'immédiateté des conventions internationales qu'ils ontratifiées. En réalité, si l'ordre interne et l'ordre international sont différents, ils n'en demeurentpas moins interdépendants, l'un ne pouvant exister sans l'autre106.

La théorie moniste affirme qu'un traité international fait entièrement partie de l'ordrejuridique interne du fait de l'interpénétration des deux ordres juridiques. A l'inverse de lathéorie dualiste, elle considère que ces ordres sont de même nature et argue de leur unitéde principe. Inspirée de la pyramide des normes de Kelsen, elle défend la primauté du DI surle droit interne. Ainsi, le juge interne doit appliquer le DI de manière immédiate et obligatoire.

La théorie dualiste admet que le DI produise des effets dans l'ordre interne, àcondition qu'il soit reçu et transposé dans le droit national. Un premier acte interne doitintroduire la norme dans l'ordonnancement juridique interne, alors qu'un second permetde la rendre efficace à l'égard des sujets de droit interne. Réfutant l'unité de principe, cesystème s'accorde de la juxtaposition des deux ordres. De sorte que « la norme interneinternationalement contraire n'est pas illégale, elle ne peut être qu'un fait dommageable »107.

Consacré tel le sujet fondamental du DI, l'État national s'est toujours montré réticentà accorder des droits directs à d'autres sujets de DI tels que les OI et, comme lapratique internationale tend à admettre aujourd'hui, les individus. Ainsi, lors des conférencesdiplomatiques au cours desquelles furent adoptées les CG de 1949, les États ontvolontairement limité les normes d'applicabilité directe. En outre, les dispositions desprotocoles additionnels de 1977 ne sont pas considérées comme des normes d'applicabilitédirecte108. Il convient à présent de se pencher sur la définition de l'applicabilité directe.

I.1.2 Applicabilité directe et indirecteL'incorporation du DIH dans les législations nationales s'opère différemment, selon quela norme est ou n'est pas d'applicabilité directe. Les règles internationales d'applicabilitédirecte sont dites « self-executing ». Par définition, leur transposition dans l'ordre nationalne requière aucunement l'adoption de normes supplémentaires de droit interne. Toutefois,de telles normes se font rares en DIH étant donné le primat de la souveraineté étatique etle caractère souvent imprécis des normes du DI. C'est pour cela que la transposition endroit interne nécessite au préalable l'adoption de mesures nationales visant à en assurerle respect.

Concernant la CRC, la nature de l'applicabilité de ses dispositions fait l'objet de débatsau sein de la communauté internationale. La problématique est d'autant plus sensible quele DIDH se caractérise par une évolution permanente. Bien que nous analysions la mise

106 VIRALLY (Michel), in DJIENA WEMBOU (Michel-Cyr) et FALL (Daouda), 2000, op. Cit., p.194.107 DJIENA WEMBOU (Michel-Cyr) et FALL (Daouda), 2000, op. Cit., p.194.108 VANDAELE (Arne), «Quelques réflexions sur l’effet direct de la Convention relative aux droits de l’enfant», Journal du Droit

des Jeunes, février 2001, p. 24.

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en application nationale de la CRC ultérieurement, nous pouvons mentionner l'orientationactuelle des jurisprudences nationales envers la Convention.

La Cour de Cassation française a récemment confirmé l'application directe de deuxarticles de la CRC dans ses arrêts successifs du 18 mai et du 24 juin 2995, soitrespectivement les articles 3§1 relatif à la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfantdans toutes les décisions qui le concernent et 12§2, sur la possibilité qu'a l'enfant d'êtreentendu dans toute procédure judiciaire ou administrative le concernant. Agissant ainsi, laCour s'est ralliée à la position du Conseil d'État, qui fut le premier à statuer dans le sensde l'application directe des dispositions109. L'ordre judiciaire français admet dorénavant queces deux articles soient invoqués par des particuliers à l'appui de demandes et recoursindividuels.

L'applicabilité directe des dispositions de la CRC a aussi été débattue en Belgique.Il est aujourd'hui reconnu que les dispositions comprenant les termes «reconnaître», «s'engager à» , «respecter» , «assurer » , «garantir»sont juridiquement contraignantes et peuvent directement être invoquées devant le jugebelge. Les autres dispositions sont considérées telles des déclarations d'intention n'ayantpas d'effet direct. Toutefois, afin que ces dernières ne demeurent pas sans effet, des loisspécifiques d'application visant à adapter la législation nationale aux exigences de laConvention, sont requises 110 . Cet impératif illustre le principe de la hiérarchie desnormes qui veut que toute norme inférieure respecte la normes supérieure.

Beaucoup de règles d'applicabilité indirecte issues du DIH ne visent que desobligations de comportement. Or, comme nous l'avons mis en exergue précédemment, lesobligations de comportements consacrent des garanties plus ténues que les obligationsde résultats. De plus, les obligations de résultats « demeurent en général confinées auniveau des seuls organes étatiques »111. En cause, l'impossibilité pour le DIH d'imposer lesmodalités de sa mise en œuvre dans l'ordre interne. Il s'agit là d'une caractéristique de cedroit, exclusivement chargé de définir et codifier les atteintes aux libertés fondamentales.En raison du principe de souveraineté, la répression des actes incriminés relève de l' État. Cet obstacle s'explique par la nature du DIH, fruit de négociations inter-étatiques.

En cas de violations des CG les sanctions pénales sont établies dans le cadre deslégislations nationales112. Ainsi, il devient clair que l' É tat joue un rôle de premier planen matière de répression des infractions graves. En Afrique, les réticences étatiques, lecaractère trop général de certaines normes et la capacité limitée du juge interne à maîtriserle contenu du DIH infléchissent la mise en œuvre du régime des peines113. Il existe donc uneinadéquation des dispositions internes vis-à-vis de la protection des droits de l'enfant soldat.

I.2 Inadéquation des dispositions internes au droit conventionnel deprotection

109 Cour de Cassation, Affaire n°02-20-613, Chambre civile I, Audience publique, 18 mai 2005,et Affaire n°04-16-942, 14 juin2005.

110 VANDAELE (Arne), février 2001, op. cit. , p. 32.111 Dominique Carreau, in DJIENA WEMBOU (Michel-Cyr) et FALL (Daouda), 2000, op. Cit.,p. 193.112 Leur effet repose sur le principe nullum crimen nulla poena sine lege, dit en droit pénal « Principe de légalité des délits et

des peines ». Il dispose que nul ne peut être condamné qu'en vertu d'un texte pénal précis et clair.113 DJIENA WEMBOU (Michel-Cyr) et FALL (Daouda), 2000, op. Cit., pp. 198-202.

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I.2.1 Obstacles historiques et socio-culturelsL'étude de l'interprétation du DIH par les É tats africains permet d'établir des hypothèsesjustifiant le non respect ou la mauvaise application des droits de l'enfant soldat. Ontété avancées à ce titre, des justifications d'ordre historique et socio-culturel, ayant pourconséquence l'instauration d'une répression pénale partielle au niveau national114.

L'extranéité supposée du droit conventionnel de protection spécifique de la femme etde l'enfant repose sur une justification historique. Elle découlerait de la marginalisation desÉ tats africains lors de l'élaboration des normes essentielles du DIH, soit le droit de La Hayeet le droit de Genève. Ces règles qui constituent le noyau dur du droit conventionnel desconflits armés ont été établies avant que les É tats africains n'accèdent à l'indépendance.En effet, la première vague de décolonisation africaine eut lieu à la fin des années 1950. Ilen est de même des références principales du DIDH telles la Déclaration universelle desDroits de l'homme énoncée en 1948.

Par conséquent, le DIH aurait été perçu en tant que « droit d'adhésion » ou « droitvécu », par opposition à un « droit voulu »115. Cette mise à l'écart des pays africains auraitainsi justifié la faible réception du DIH dans l'ordre interne et l'application partielle desnormes. De plus, ce droit a également été discrédité d'une certain mesure par ses artisans,les pays occidentaux, qui l'ont dénigré à plusieurs reprises au profit de leur droit interne.En somme, le DIH s'apparenterait à « la branche la plus faible, la plus inapplicable nonseulement du DI, mais du droit tout court »116.

Un second argument tend à justifier la mauvaise application du DIH par la pertinenceencore vivace des croyances mystico-religieuses en Afrique. Bien que cet argument ne soitpas développé dans cette étude, il importe de le mentionner à titre indicatif. Ces croyancesont pu mettre a mal la réception des normes en la soumettant au principe « d'authenticitéafricaine », qui fait des coutumes religieuses le propre du droit africain117. Cependant, leprincipe d'authenticité ne peut revendiquer aucune légalité. En effet, la Conférence deVienne de juin 1993 a rappelé le caractère universel et incontestable des Droits de l'homme.Par son document final, elle rappelle que l' É tat a pour devoir de protéger les Droitsde l'homme et les libertés fondamentales dans leur intégralité, en dépit de l'importance desparticularismes nationaux et régionaux et de la diversité historique, culturelle et religieuse118.

Enfin, le dernier argument étudié ici a trait à l'instrumentalisation des Droits de l'hommepar les É tats. Cette considération n'est pas propre aux É tats africains, mais concernel' É tat en général. Le principe de volonté souveraine, principe originel du DI, a tropfréquemment servi de prétexte au non respect des obligations en matière de Droits del'homme. Pour cause, il n'existe pas de moyen de contrainte absolue des É tats au planinternational, en dépit de l'existence du principe pacta sunt servanda .

De plus, la ratification des conventions relatives aux droits de la personne humaine aparfois été motivée par le conformisme et le mimétisme institutionnel, plutôt que par une

114 Voir l'étude de BIRUKA (Innocent), La protection de la femme et de l'enfant dans les conflits armés en Afrique, Paris: L'Harmattan,2006, pp. 101-117.

115 BIRUKA (Innocent), 2006, op. cit., p. 102 et p. 108.116 Professeur OWONA (Joseph), in BIRUKA (Innocent), 2006, op. cit., p.103.117 BIRUKA (Innocent), 2006, op. cit., pp. 103-104.118 Conférence mondiale des Droits de l'homme, « Déclaration de Vienne et Programme d'action », A/CONF.157/23, 14-25

juin 1993, Article 2§5.

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volonté réelle de protection. Certains états africains ont ratifié des conventions dans leseul but de satisfaire au principe de conditionnalité, qui régit l'octroie de subventions audéveloppement, l'emprunt, le transfert de technologie et le soutien politique de pays-tiers.

L'application du DIH et du DIDH s'est souvent révélée insuffisante. Ceci porte atteinteau statut juridique de l'enfant soldat et à ses droits. L'inadéquation du droit interne pèsed'autant plus sur la répression pénale des crimes qu'elle incombe aux juridictions nationales.

I.2.2 Du mécanisme de répression nationale des crimes et violations gravesdu droit international humanitaireLa répression des violations graves des droits de l'enfant soldat requiert l'intégration dudroit conventionnel de protection dans le code de procédure pénale et le code civil internes.Or, l'administration de la justice répressive s'avère encore relativement lacunaire lorsquesurviennent des conflits en Afrique, et perpétue de ce fait un climat d'impunité. A cejour aucun É tat Africain n'a pleinement intégré les dispositifs répressifs requis auniveau interne. Ainsi, malgré l'interdiction du recrutement et de l'utilisation d'enfants soldatsfigurant en DI, les dispositions d'application intra-étatiques n'ont pas suivi. En l'absence derépondant dans le code pénal national des É tats africains l'incrimination des violationsgraves demeure en suspens. Ceci est d'autant plus préjudiciable à la protection des droits del'enfant soldat que les normes de DIH et de DIDH concernées sont dépourvues de caractère« self-executing ».

Si le DI a énoncé les actes répréhensibles, rares sont les dispositions internespermettant au juge national de les réprimer. Ainsi, les violations telles que les pires travauxde l'enfant (dont l'enrôlement forcé), l'exploitation sexuelle des enfants, ainsi que lesprivations des droits afférents à leur survie, à leur développement et à leur épanouissementsont prohibés par le DI mais pas systématiquement sanctionnés en droit interne. Ces actesont fréquemment été qualifiés de simples « dommages collatéraux » inhérents à la guerre119.

De surcroît, il existe des contradictions tenaces entre le droit pénal national et le droitpénal international. Tout d'abord, le droit répressif intra-étatique organise la répression desviolations individuelles mais demeure mal adapté aux crimes collectifs. Or, ceux-ci sontfréquents lors des conflits armés non étatiques, notamment entre des factions arméesindépendantes de l'état. Dans pareille situation, il est compliqué d'identifier avec certitudele ou les auteur(s) de l'infraction commise.

De plus, les débats relatifs à la peine de mort sont vivaces. Quand bien même lestribunaux pénaux internationaux l'ont écarté de leurs procédures, les forces rebelles s'enprévalent toujours. Il semble peu probable qu'une justice organisée puisse être aisémentappliquée aux forces rebelles, étant donné que par nature ces groupes se développent entoute illégalité et à l'insu de l' É tat. Plus alarmantes encore sont les constitutions decertains É tats n'ayant pas abrogé cette violation flagrante des Droits de l'homme. A titred'exemple, le Tribunal Pénal International pour le Rwanda n'était pas habilité à prononcerla peine capitale à l'inverse des tribunaux nationaux rwandais.

Il revient aux É tats de définir la législation pénale qui habilite les juges à réprimer cescrimes. Bien que les tribunaux pénaux ad hoc et la CPI jouent un rôle de premier ordre dansla répression internationale des infractions, la répression pénale nationale des violations duDIH demeure la condition majeure du respect du DIH et de la répression des crimes. Aussi,certains É tats demeurent en-deçà de leurs engagements internationaux. La question

119 ROCHE (Jean-Jacques), 2001, op. cit., pp. 114-115.

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est alors d'identifier le savoir selon quels procédés un É tat peut se tenir à l'écart de laportée du droit conventionnel de protection.

II Effets de la lecture africaine du droit international humanitaire surl'application droits de l'enfant soldat

Les réticences émises par les états africains ont des retombées nuisibles pour le droitconventionnel de protection. En effet, la ratification des normes fondamentales de protectionn'est pas achevée à ce jour. De plus, l' É tat recoure aux réserves et déclarationsinterprétatives afin de se dégager partiellement des engagements internationaux auxquelsil est tenu. Nous évaluerons l'impact de la ratification et des réserves sur la portée des droitsde l'enfant soldat (I.1). Puis, nous nous attacherons à illustrer le positionnement de l'UEenvers les réserves formulées par les É tats africains (II.2).

II.1 Impact de la ratification et des réserves sur la portée des droits del'enfant soldat

II.1.1 RatificationLe CICR a dressé un état de la ratification des règles de DIH et de DIDH, mettant à jour deszones d'ombre quant à la protection des droits de l'enfant en situation de conflit armé. Or,par leur refus de ratifier les normes « standard » de protection, les É tats infirment laportée des obligations auxquelles ils ont consenti au niveau international.

Tous les É tats africains ont ratifié les CG. Malheureusement, il est regrettable quel'Erythrée et la Somalie n'aient pas ratifié les protocoles de 1977, pierres angulaires du droitdes conflits armés. L'Angola n'est pas non plus partie au PA II120. L'absence de ratificationuniverselle des protocoles fragilise le cadre normatif de protection, dont la portée est déjàlimitée par le caractère restrictif des obligations adressées aux É tats.

Les réticences étatiques sont lourdes de conséquences pour les droits des enfantssoldats. Dans son rapport au CS du 26 novembre 2002, le SG rappelait que le cessez-le-feud'avril 2002 en Angola n'avait pas réglé le sort des 6.000 à 8.000 enfants soldats de moinsde 18 ans recrutés par le groupe armé UNITA (Union Nationale pour l'Indépendance Totalede l'Angola) durant la guerre121. La situation en Somalie est d'autant plus préoccupanteque le pays figurait dans le premier rapport du SG, en tant que l'un des quatre É tatsrecrutant ou utilisant des enfants soldats dans leurs forces armées122. Par le biais de larésolution 1299123 le SG dénonça d'ailleurs le gouvernement national de transition ainsi quequatre groupes armés non étatiques, soit l'Alliance de la Vallée de la Djouba, le Conseilpour la réconciliation et le relèvement de la Somalie, le Conseil pour la réconciliation et lerelèvement de la Somalie-Mogadishu et l'Armée de Résistance Rahanwein124. La protection

120 Voir état de la ratification des principaux traités de DIH sur le site du CICR: CICR, « Etats parties aux principaux traités deDIH », 20/05/2009, disponible à: http://www.icrc.org/web/fre/sitefre0.nsf/html/party_main_treaties

121 Résolution 1299, 2000, op. cit.,p. 10.122 Les trois autres sont le Burundi, le Liberia et la RDC. Comme il a été mentionné dans la Partie I Ch.I, la constitution de

la liste faite suite à la résolution 1379 du Conseil de Sécurité.123 Résolution 1299, S/RES/1299, 2000, op. cit., p. 14.124 Rapport du Secrétaire Général sur les enfants et les conflits armés, UN Doc. S/2002/1299, 26/11/2002, pp. 9-10, §§ 41-47.

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des droits de l'enfant-soldat en Somalie est très faible, voire inexistante dans la mesure oùle pays n'est pas non plus lié par les dispositions de la CRC, ni a fortiori de l'OP-CRC.

De plus, 22 autres É tats ne se sont pas non plus engagés à ratifier l'OP-CRC125. Laréticence des É tats africains à adopter les normes de protection existantes a des effetsdéplorables au vu des garanties octroyées à l'enfant dans les conflits armés. En effet, lenombre inquiétant de pays ayant refusé d'adhérer à l'OP-CRC infirme les avancées promuespar ce dernier. Ceci empêche l'édification d'une norme coutumière confortant l'âge de 18ans comme élément de définition universelle de l'« enfant ».

La Somalie est le seul É tat africain à ne pas avoir ratifié la CRC. Cette convention estainsi le traité multilatéral ayant fait l'objet du plus large consensus au niveau international.Malgré l'adoption quasi-universelle de cette norme de DIDH, ses dispositions demeurentpartiellement appliquées aujourd'hui. Comment expliquer ce paradoxe apparent? Une telleinterrogation requiert l'examen des réserves et clauses interprétatives formulées à l'égarddes articles, voire de l'esprit d'ensemble de la Convention.

II.1.2 Réserves et déclarations interprétativesPar définition, l'interprétation est une activité positive et non un exercice abstrait,déterminant le sens et la portée des règles en vigueur126. Elle s'articule autour d'unobjet particulier et d'un but pratique. L' É tat détient un droit d'interprétation desdispositions du traité qu'il peut exercer à tout moment. En dépit d'une centralisation duprocessus interprétatif des normes de la CRC par un organe juridictionnel supranational,cette compétence d'interprétation est « éclatée » au sein de la communauté des É tats127.

La réserve permet à l' É tat de ne souscrire que partiellement aux termes d'un traité.La Convention de Vienne de 1969 définit la « réserve » en son article 2 (1) (d) telle:

« Une déclaration unilatérale, quel que soit son libellé ou sa désignation, faite parun É tat quand il signe, ratifie, accepte ou approuve un traité ou y adhère, parlaquelle il vise à exclure ou à modifier l’effet juridique de certaines dispositionsdu traité dans leur application à cet É tat ».

La déclaration interprétative, quant à elle, est à entendre selon l'observation qu'en a fait leComité des Droits de l'homme des Nations Unies, qui considère que le libellé de réserveou de déclaration interprétative importe peu dans la mesure où seul le contenu permetd'apprécier la volonté de l' É tat128.

La réserve et la déclaration interprétative précisent le sens ou modifient l'effet decertaines dispositions à l'égard de l' É tat auteur de la réserve129. Procédant en quelquesorte à une réécriture du texte, les É tats infirment l'intégrité du traité et son unité juridique.Dans la mesure où la CRC représente le catalogue minimal des garanties concédées àl'enfant combattant, les retombées en sont d'autant plus dommageables.

125 Afrique du Sud, Cameroun, Côte d'ivoire, Comores, Djibouti, Ethiopie, Guinée Equatoriale, Gabon, Gambie, Ghana, Malawi,Mauritanie, Niger, Nigéria, République Centre Africaine, Somalie, Swaziland, Zambie, Zimbabwe. Source: CICR, 20/05/2009, op. cit.,disponible à: http://www.icrc.org/web/fre/sitefre0.nsf/html/party_main_treaties126 COMBACAU (Jean) et SUR (Serge), Droit International Public, 8° édition, Paris: Editions Montchrestien, 2008, p. 170.127 COMBACAU (Jean) et SUR (Serge), 2008, op. cit., p. 171.128 Définition donnée par le Comité des Droits de l'homme des Nations Unies, Observation Générale 24, doc. NU CCPR/C/21/Rev/Add.6 (1994), § 3.

129 ROUGET (Didier), 2000, op. cit., p. 74.

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Néanmoins, la formulation de réserves à la CRC est conditionnée par l'article 51 (2).Elles doivent être conformes à ses but et objet et ne peuvent être émises qu'au momentde la ratification ou de l'accession. De plus, bien que les É tats puissent émettre desréserves, il est attendu d'eux qu'ils modifient les éléments de leur droit non conformes à sesexigences. L'encadrement de la réserve fut rappelé par la Conférence mondiale des Droitsde l'homme de 1993, qui pria les É tats parties de retirer les réserves contraires à l'objetet au but de la CRC130.

La portée des réserves est également conditionnée par la Convention de Vienne de1969, qui énumère trois critères fondamentaux en son article 19, soit:

« a) Que la réserve ne soit interdite par le traité; b) Que le traité ne dispose queseules des réserves déterminées, parmi lesquelles ne figure pas la réserve enquestion, peuvent être faites; ou c) Que, dans les cas autres que ceux visés auxalinéas a et b, la réserve ne soit incompatible avec l’objet et le but du traité ».

Ces observations sous-tendent la question de l'appréciation de la compatibilité des réservesavec le traité. D'après le principe de conformité, un É tat ayant formulé une réserve noncompatible avec le cadre fixé par l'article 19 demeure lié par les termes de la disposition,car la réserve ne produit pas d'effet 131 . La Cour Internationale de Justice (CIJ) avait déjàsouligné ce principe dans son avis du 28 mai 1951 sur les Réserves à la Convention pourla prévention et la répression du crime de génocide132.

L'appréciation de la compatibilité requiert de dégager clairement l'objet et le but de laCRC. Cette tâche revient à un organe indépendant des É tats, assimilé en l'occurence auComité des droits de l'enfant. Dès sa mise en place, le Comité s'est dit apte à se prononcersur l'émission de réserves. Dans son rapport de 1994, il se positionna ainsi:

« le fait que chacun de ces droits constitue un élément fondamental de la dignité del'enfant et qu'il influe sur la jouissance d'autres droits doit être pris en compte dans l'examende la question des réserves et déclarations »133.

En d'autres termes et en raison de la nature même de la convention, il convientd'adopter une lecture globale des garanties octroyées à l'enfant. En effet, les articlesde la Convention consacrent une approche holistique des droits de l'enfant, illustrantl'interdépendance des garanties énoncées. Ainsi, sans condamner directement le recoursétatique à la réserve, le Comité argue de la primauté des intérêts supérieurs de l'enfant.Dans cette mesure, il engage les É tats à ne pas formuler de réserves ou le cas échéantà les retirer.

Le Comité requiert des É tats un rapport initial fourni dans un délai de deux ansaprès l'entrée en vigueur de la CRC à leur égard. S'en suivent des rapports quinquennaux,auxquels peuvent s'ajouter des rapports complémentaires sur demande du Comité134.

130 Conférence mondiale des Droits de l'homme, 14-25 juin 1993, op. cit., Partie II, §46.131 Voir sur ce point SCHABAS (William A.), « Les réserves des Etats-Unis d'Amérique au Pacte international relatif aux droits civilset politiques en ce qui à trait à la peine de mort », Revue Universelles des Droits de l'homme, 1994, Vol. 4, n°6, pp. 137-150132 Cour Internationale de Justice, Avis Consultatif 1951/21, « Réserves à la Convention sur la Prévention et la Répression du Crimede Génocide », 28/05/1951.

133 « Rapport du comité des droits de l'enfant », AG des Nations Unies, doc. A/49/41, 1994, §529.134 Pour plus de précision quant aux modalités des rapports, cf. ROUGET (Didier), 2000, op. cit., pp. 198-199.

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L'identification de l'objet et du but de la convention se dégage des remarques émisespar le Comité. Au vu des remarques formulées, on distingue des réserves sujettes à critiqueset des réserves sujettes à condamnation. Les premières ne provoquent pas de jugement,sinon l'expression de regrets par le Comité. Les secondes engendrent des doutes, exprimésde manière claire mais prudente par le Comité135. Ceci est le cas notamment des réservesémises pour des motifs propres au système juridico-religieux de certains É tats.

Au-delà des remarques, le Comité a énoncé certains critères de formulation desréserves. Il considère que les réserves à un nombre d'articles trop important ou à laconvention dans son intégralité ne sont pas recevables, car le statut de la CRC serait remisen cause. Il en est de même des réserves portant sur des considérations générales et maldéfinies telles que les valeurs traditionnelles d'un É tat, et des réserves risquant dediscriminer une partie de la population pour des motifs religieux.

Par conséquent, il apparait que les droits consacrés sont d'égale valeur et ne sauraientêtre sujets à hiérarchisation. Le fait d'identifier des normes capitales reviendrait à infirmerla valeur des autres dispositions.

Peinant à circonscrire l'objet et le but de la convention, le Comité a consacré dans sespremiers travaux la lattitude d'action des É tats. Cette frilosité du Comité fut notammentmise en perspective lors de la remise du rapport soudanais de 1991. Le rapport énonçaitque:

« la loi pénale de 1991 protège le droit de l'enfant à la vie, condamnant parexemple l'homicide, sauf dans les cas où celui-ci est légal comme résultant del'exécution d'une peine ou d'un cas de légitime défense »136.

Alors que le rapport mettait ostensiblement en cause le principe du droit de l'enfant à la vie,le Comité s'est contenté de recommander une adaptation du système judiciaire soudanaisaux exigences des articles 37 et 40 de la convention.

Etant donné la faible réaction du Comité à l'égard des réserves, les É tats ont eurecours à cette modalité. D'autant plus que la convention demeure silencieuse quant à l'effetlégal des réserves et qu'il n'existe aucun mécanisme contraignant pouvant juger de leurconformité.

L'analyse des réserves et déclarations émises par les É tats permet d'évaluer leuradéquation aux critères indiqués par le Comité. Notre étude étant circonscrite à la protectiondes droits de l'enfant-soldat sur le continent africain, il est utile d'axer l'examen sur cephénomène et cette aire géographique.

Les « mesures d'opportunité », fréquemment employées, dérogent à l'application dela convention sous prétexte du respect de coutumes locales ou en raison des difficultés liéesau sous-développement. Le Comité s'est pourtant clairement exprimé sur cette catégoriede réserve, dont l'économie du traité ne peut s'accorder. Afin de dépeindre l'utilisation« tacticienne » de certaines réserves par les É tats, trois illustrations sont ici détaillées137:

- Le gouvernement de la République de Djibouti a déclaré ne pas être lié par lesdispositions contrevenant à sa religion et à ses valeurs traditionnelles. Or, le primat

135 LÜCKER-BABEL (Marie-Françoise), « Les réserves à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant et lasauvegarde de l'objet et du but du traité international », in European Journal of International Law, 1997, Vol. 8, n°4, pp. 676-677.136 LÜCKER-BABEL (Marie-Françoise), 1997, op. cit., p. 681.

137 L'analyse suivante s'appuie sur: « Déclarations et Réserves », Nations Unies, Collection des Traités, 08/02/2002, disponibleà: http://www.unhchr.ch/french/html/menu3/b/treaty15_asp_fr.htm

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des valeurs religieuses fut explicitement critiqué par le Comité comme relevant deconsidérations trop générales et mal définies.

- Le poids de la religion fit également l'objet d'une réserve de la République Islamiquede Mauritanie, qui avança le principe de la primauté de la religion d' É tat. Aussi, a-t-elleformulé « des réserves à l'égard des articles ou dispositions susceptibles d'aller à l'encontredes croyances et des valeurs de l'Islam, religion du Peuple et de l' É tat ». Or, dès sespremiers travaux le Comité s'est opposé à ce type de réserve, discriminatoire de certainesminorités.

- Enfin, le gouvernement de la République du Botswana a formulé une réserve d'ordregénéral, relative à la définition de l'enfant comme admise aux termes de l'article 1. Or, cetarticle est à l'origine de l'ensemble des droits garantis. Une telle réserve nuit donc au statutde la convention. L' É tat a affirmé ne pas se considérer « lié par les dispositions de cetarticle, dans la mesure ou celles-ci seraient en conflit avec les lois du Botswana ». Cetteposition illustre le caractère volontariste de la diplomatie des Droits de l'homme, au nomduquel un document diplomatique ne produit d'effet dans l'ordre juridique interne qu'autantque la constitution spécifie sa supériorité sur la loi138. L' É tat demeure le commanditairede la mise en oeuvre de la convention, malgré les rapports qu'il doit fournir périodiquementau Comité.

En outre, la diversité des réserves formulées témoigne d'une appréciation nonunivoque, sinon fragmentée du contenu de la CRC. Si les réserves restreignent la portéedes engagements conventionnels, elles participent également de la compréhension que lesÉ tats ont de l'objet et du but du traité.

En dépit de leur apparente objectivité, l'objet et le but sont des critères de naturesubjective, étant conditionnés par l'interprétation qu'en font les É tats. L'incompatibilité dela réserve avec l'objet et le but du traité, ne découle donc pas uniquement de son contenu,mais de la réaction provoquée chez les autres parties. Le droit coutumier s'accorde de cettelogique d'opposabilité et non d'illicéité de la réserve139.

Etant donné que la compatibilité des réserves au traité tient essentiellement desréactions qu'elles suscitent de la part des autres É tats, la question est de savoir quellesont été les réactions des É tats de l'UE vis-à-vis des réserves émises par les É tatsafricains.

II.2 Positionnement de l'Union Européenne à l'égard des réserves

II.2.1 Intérêt supérieur de l'enfant selon l'Union EuropéenneL'interprétation de la CRC dressée par l'UE sous-tend deux observations majeures.Premièrement, les É tats membres de l'UE ont exprimé des regrets allant jusqu'àl'objection à certaines réserves. Deuxièmement, plusieurs d'entre-eux ont réitéré leurrespect des droits de l'enfant en situation de conflit armé, en réévaluant à la haussel'interdiction de la participation d'enfants soldats dans leurs forces armées. Ainsi, loin dedemeurés silencieux les É tats de l'Union ont émis des objections aux dispositions qu'ilsjugeaient incompatibles avec l'objet et le but du traité et ont étendu le droit conventionnelde protection à une acception plus générale de la notion d'« enfant ».

138 ROCHE (Jean-Jacques), 2001, op. cit., p. 234.139 COMBACAU (Jean) et SUR (Serge), 2008, op. cit., pp. 135 et 138.

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L'engagement des É tats européens envers l'intérêt supérieur de l'enfant s'estnotamment traduit par la reconsidération de l'article 38 de la Convention. Celui-ci imposeaux É tats parties de prendre « toutes les mesures possibles dans la pratique pour veillerà ce que les personnes n'ayant pas atteint âge de 15 ans ne participent pas directementaux hostilités ». L'article condamne également leur enrôlement dans les forces arméesétatiques. Lorsqu'ils recrutent des enfants de 15 à 18 ans, les É tats parties doivents'efforcer d'enrôler en priorité les enfants les plus âgées. Enfin, l'article soutient le droit desenfants à une protection et des soins lorsqu'ils sont en proie à des conflits armés.

Dans ce cadre, l'Autriche a déclaré qu'elle « n'appliquera pas le paragraphe 2 de l'article38, qui donne la possibilité de faire participer a ux hostilités les personnes ayant atteintl'âge de 15 ans. En cause, l'incompatibilité de cette règle avec l'article 3§1, qui prévoitque l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ». L'Espagne aégalement marqué sa désapprobation quant à la limite d'âge, « limite qui lui paraît tropbasse car elle permet d'enrôler et de faire participer à des conflits armés des enfants à partirde 15 ans ». De même, le Royaume-Uni des Pays-Bas a déploré le contenu de l'article38 qui, en fixant l'interdiction à 15 ans, ne gage pas de l'application des « dispositions lesplus propices à la protection des droits de l'enfant conformément au droit international ».En conséquence, son gouvernement a précisé que les dispositions de l'article 41 doiventprévaloir lors des conflits armés. Ce dern ier admet le primat de la législation d'un É tatpartie ou du DI en vigueur pour cet É tat sur la convention, si ces dispositions sont pluspropices à la réalisation des droits de l'enfant. La déclaration des Pays-Bas est pertinente,car elle permettrait d'appliquer les normes plus protectrices du PA II en situation de conflitarmé non étatique.

L'analyse de l'intérêt supérieur de l'enfant selon l'UE permet de mieux cerner la réactiondes É tats de l'Union face à l'application lacunaire et hésitante des normes par les É tatsafricains. L'engagement européen envers la promotion du droit conventionnel de protectiondes enfants dans les conflits armés s'est illustré par les objections émises à l'égard decertains pays. La question est alors de savoir quelles ont été les réactions suscitées par lesréserves africaines, et notamment celles de Djibouti.

II.2.2 Réaction des États de l'Union Européenne aux réservesLe Portugal, l'Irlande et le Royaume-Uni des Pays-Bas se sont prononcés respectivementen 1992, 1995 et 1996 sur les réserves faites par Djibouti lors de la ratification du traité.Comme il a été indiqué précédemment, Djibouti a émis une réserve dite « d'opportunité »,dans le sens où cet É tat privilégie le respect de ses valeurs religieuses sur l'applicationde la CRC. Les trois É tats européens ont émis une critique acerbe du comportement deDjibouti et ont clairement mis en doute sa volonté d'appliquer les règles de protection. C'estainsi que le Gouvernement du Portugal a considéré que:

« Les réserves par lesquelles un É tat limite les responsabilités qui lui incombenten vertu de la Convention en invoquant des principes généraux de la législation nationalepeuvent susciter des doutes quant aux engagements de l' É tat auteur desdites réservesà l'égard des objectifs de la Convention et contribue à saper les fondements du droitinternational »140.

De manière analogue, l'Irlande a estimé que des comportements tels que celui deDjibouti « peuvent susciter des doutes quant aux engagements de ces É tats aux buts

140 Même objection portée contre les réserves du Myanmar lors de son adhésion; du Bangladesh, de l'Indonésie, du Koweïtet du Pakistan lors de leur ratification; et la Turquie lors de la signature de la CRC.

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et aux objectifs de la Convention »141. Les Pays-Bas ont aussi mis en cause la pratique deDjibouti, qui contribue « à saper les fondements du droit international »142. Les Pays-Basformulèrent des objections similaires à l'égard des réserves du Botswana, qui avait affirméla prééminence de sa législation nationale en cas de conflit avec les dispositions de l'article1 de la CRC143.

La CRC est au cœur des débats sur la sécurité des enfants. Elle énonce les conditionsnécessaires à la dignité et à la sécurité humaine des enfants. Aussi, le fait que certains Étatsse dégagent des engagements auquels ils sont tenus contribue à l'insécurité des enfants.

Conclusion Chapitre ILe souci du DIH est d'établir des principes généraux et les infractions à réprimer. Il octroieaux É tats le droit d'élaborer les mesures de sa mise en oeuvre. Or, pour assurer saviabilité tout système jurdique doit de prévoir la manière dont ses dispositions s'appliquentà ses destinataires. Au vu de cette affirmation, il apparaît que le DIH est un droit imparfaitet incomplet. Etant donné la prévalence du principe de souveraineté étatique, le DI ne peutimposer aux É tats les modalités de son application. Il s'en remet donc aux juridictionsnationales pour réprimer les crimes de guerre et autres violations du droit international.

Par ailleurs, la CRC constitue une étape de la compréhension des menacesfondamentales pour la vie, la survie et le développement des enfants. Toutefois, « laconcrétisation des droits des enfants ne consiste pas seulement à répondre à leurs besoinsfondamentaux en matière de sécurité »144. En effet, la sécurité humaine des enfants doitêtre comprise dans la perspective plus globale de la paix et de la sécurité en Afrique, visantà endiguer les conflits armés.

Chapitre II – Insertion du « phénomène d'enfantsoldat » dans la perspective globale de la paix et de lasécurité en Afrique

L'engagement de l'UE envers les enfants en situation de conflit armé en Afrique n'estpas dénuée d'intérêts particuliers. En effet, à l'ère de la mondialisation, l'UE souligne

141 Même objection à l'encontre du Bangladesh, de l'Indonésie, de la Jordanie, du Koweït et de la Tunisie lors de la ratification,du Myanmar et de la Thaïlande lors de l'adhésion, du Pakistan lors de la signature et de la ratification, ainsi que de la Turquie lorsde la signature.

142 Même objection aux réserves de : Djibouti, l'Indonésie, le Pakistan, la République arabe syrienne et la République islamiqued'Iran lors de la ratification.

143 Objection néérlandaise formulée le 14.06.96 lors de l'adhésion du Botswana et de la ratification de la Turquie.144 STICHICK (Theresa) et BRUDERLEIN (Claude), « Les enfants face à l’insécurité : nouvelles stratégies de survie à

l'ère de la mondialisation », Harvard Program on Humanitarian Policy and Conflict Research, Mai 2001, disponible sur: http://www.humansecuritynetwork.org/docs/report_may2001_2-f.php

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que « les aspects internes et externes de la sécurité sont indissolublement liés »145.Au titre des principales menaces justifiant son engagement préventif, l'Union inclut leterrorisme, la prolifération des armes de destruction massive (ADM), les conflits régionaux,la déliquescence des É tats et la criminalité organisée. Parmi les défis mondiaux, ellecomprend les guerres, la pauvreté et le sous-développement.

Face aux nouvelles menaces, l'Union souhaite s'attaquer « aux racines de l'instabilité,notamment en poursuivant et en intensifiant ses efforts dans les domaines de conflitpolitique, d'aide au développement, de la réduction de la pauvreté et de la promotiondes Droits de l'homme ». Charge à elle pour y parvenir de coordonner « l'ensemble desinstruments en matière de gestion de crises et de prévention des conflits dont [elle] dispos[e],y compris les actions au plan politique, diplomatique, militaire et civil, commercial et dansle domaine du développement »146.

La réflexion européenne sur les guerres se déploie ainsi dans le cadre de ses relationsextérieures au niveau politique (I), ainsi qu'au niveau de la coopération et de l'aide audéveloppement (II). Ce second aspect est lié au volet commercial des relations UE-Afrique,comme en témoigne le principe de conditionnalité régissant les accords commerciaux UE-ACP. C'est donc sur ces bases qu'il convient d'étudier la promotion des droits de l'enfantsoldat par l'UE.

I L'action politique de l'union européenneAfin de traiter de la problématique des enfants soldats, l'UE a tout d'abord engagé uneréflexion globale sur les effets néfastes des conflits armés sur les populations. A ce titre,elle engagea de nombreuses mesures visant à remonter aux racines de l'instabilité. Laprésente étude se focalise sur l'une des sources majeures de la persistance des conflits,soit la prolifération d'armes légères et de petit calibre. Si l'UE s'avère respectueuse desperspectives dressées par l'ONU (I.2), elle a précédé ces recommandations onusiennesen recourant à diverses conventions encadrant l'emploi et la diffusion des armesprémentionnées (I.1).

I.1 De l'initiative européenne contre la prolifération des armes légèresS elon un groupe d'experts de l'ONU, 30 millions d'inidividus ont perdu la vie au cours 300conflits armés depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Dans ce contexte, l'utilisationd'armes légères aurait provoqué entre 80% et 90% des décès, soit 500.000 victimes paran dans le monde. Les cibles les plus touchées sont les femmes et enfants 147 . Si lesarmes légères ne sont pas à l'origine des conflits, leur prolifération contribue cependant àexacerber les antagonismes armés et à les rendre plus meurtriers 148 .

145 PAILHE (Caroline), « Une Europe sûre dans un monde meilleur: l'ambiguité de la stratégie européenne de sécurité », in ADAM(Bernard), Europe, puissance tranquille?: rôle et identité sur la scène mondiale,Bruxelles: Coédition GRIP - Editions Complexe, 2006,p. 104.

146 PAILHE (Caroline), in ADAM (Bernard) sous la direction de, 2006, op. cit., p. 105.147 ADAM (Bernard) et WERY (Michel), Armes Légères: destructions massives, Bruxelles: Coédition GRIP - Editions Complexe,2004, p. 11.148 ADAM (Bernard) et WERY (Michel), 2004, op. cit., p. 8.

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Selon le Représentant Spécial du Secrétaire Général pour les enfants et les conflitsarmés, la disponibilité des armes légères « est directement liée à la montée spectaculairede la violence, à l'exacerbation des conflits et au phénomène des enfants-soldats » 149 .Pour preuve , les conflits en Côte d'Ivoire, au Liberia et en Sierra Léone, où le commerceillicite de ces armes est alimenté par les bénéfices de l'exploitation diamantifère illicite.

Les armes légères, peu coûteuses et très maniables, prolifèrent dans les régionsafricaines où le phénomène d'enfant soldat est répandu. La dissémination incontrôlée desarmes légères, dont 100 millions circulent en Afrique, touche directement les 120.000enfants soldats recensés sur le continent 150 . En outre, la nature transrégionale du traficd'armes légères a exacerbé les conflits dans la région des Grands Lacs. Il importe doncd'établir une coordination à tous les niveaux, afin d'éliminer les effets désastreux de cesarmes sur les enfants. Ceci est d'autant plus préoccupant que le Service de lutte antiminesde l'ONU recense 15 à 20.000 victimes de mines terrestres chaque année, dont la moitiésont des enfants 151 .

Les efforts régionaux ont donné lieu en Afrique Australe au Protocole sur la maîtrisedes armes à feu. En Europe, l' Organisation pour la sécurité et la coopération a élaboré leManuel des meilleures pratiques relatives aux armes légères.

Les effets des conflits armés sont décuplés par la facilité d’accès aux armes légères.Elles ne visent pas seulement à tuer, mais aussi à intimider et à contraindre à commettre desviols, à enrôler de force des enfants soldats et à provoquer le déplacement de populations152.

Il est nécessaire de fournir quelques éléments de définition. Selon le CICR, lesarmes légères sont « les armes militaires conçues pour être utilisées par un combattant(fusils d’assaut, mitrailleuses, grenades à main...) », incluant également les armes à feucommerciales telles que les armes de poing et les fusils de chasse. Les armes de petitcalibre sont « les armes portatives conçues pour être utilisées par plusieurs personnestravaillant en équipe : mitrailleuses lourdes, lance-grenades montés, canons aériensportatifs, canons antichars portatifs, lance-missiles antichars portatifs et mortiers »153.

L'Union s'intéressa à la question des armes légères en amont de la Conférence de NewYork des Nations Unies du 13 Juillet 2001. Son implication se dessina dès la conclusion del'Accord des Forces Conventionnelles en Europe.

La Convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfertdes mines antipersonnel et sur leur destruction, dite « Traité d'Ottawa », représentait le seulaccord international ayant trait aux armes légères dans les années 1990154. En cause, la

149 Bureau du Représentant Spécial du SG des Nations Unies pour les enfants et les conflits armés, « Impact sur les enfantsdu trafic d'armes légères, de mines terrestres et de munitions non explosées », disponible à: http://www.un.org/children/conflict/french/small-arms-landmines-and-unexploded-ordinance.html.

150 WERY (Michel), « Lutter contre les armes légères: un moyen de prévention », in SCHMITZ (Marc) sous la coordinationde, 2001, op. cit., p175.

151 Voir annexe n°5 : Les mines antipersonnels dans le monde.152 Rapport du CICR, « La disponibilité non réglementée des armes, les armes légères et de petit calibre et le processus

engagé par les Nations Unies », 26/05/06, disponible sur le site du CICR, http://www.ikrk.org/web/fre/sitefre0.nsf/html/small-arms-paper-250506#a2.

153 Op. cit., Rapport du CICR, 26/05/06.154 Le Traité d'Ottawa est entré en vigueur le 16.09.98.

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Guerre Froide qui mit l'accent sur la réglementation et le contrôle des ADM au détrimentdes armes conventionnelles, dont les armes légères sont une sous-catégorie.

Le Traité d'Ottawa fut suivi par plusieurs initiatives européennes, dont le Code deconduite de l'UE en matière d'exportation d'armements de mai 1998. Cet engagementpolitique non contraignant, établit des normes communes pour l'exportation d'armes desÉtats membres. L'action commune de décembre 1998 relative à la contribution de l'UEcontre l'accumulation et la diffusion déstabilisatrices des armes légères dicta des normessupplémentaires aux É tats de l'Union. Ils s'engagèrent à restreindre la vente d'armesde petit calibre aux gouvernements. L'action comprenait aussi une assistance financièreet technique à des programmes de collecte d'armes, de démobilisation et de réinsertiond'anciens combattants et une réforme du secteur de la sécurité et de l'assistance auxvictimes155. Révisée en juillet 2002, la portée de l'action commune fut élargie aux munitionspar un second document.

Enfin, en décembre 2000 l'UE adopta une position commune en vue de la conférencedes Nations unies prévue l'année suivante. Elle visait à enrayer le commerce illégal desarmes légères. Aussi, lors de la Conférence de 2001 l'ONU encouragea les gouvernementsà adopter de nouvelles mesures nationales de contrôle sur les armes légères et de petitcalibre.

I.2 Portée de l'engagement de l'Union Européenne envers les Nations UniesAyant conscience des enjeux, l'ONU organisa en 2001 la « Conférence mondiale sur lecommerce illicite des armes légères sous tous ses aspects », au cours de laquelle fut misen lumière « le lien étroit qui existe entre le terrorisme, la criminalité organisée, le traficde drogues et de minéraux précieux et le commerce illicite d'armes légères » 156 . Il endécoula un Programme d’action en vue de prévenir, combattre et éliminer le commerceillicite des armes légères sous tous ses aspects. Bien qu'il ne s'agisse pas d'un instrumentjuridiquement contraignant, il dresse une série de recommandations aux É tats visantà réduire l'offre d'armes.

Le Programme leur demande de « répondre aux besoins particuliers des enfantstouchés par des conflits armés », d'« appliquer, dans les situations d’après-conflit, desprogrammes efficaces de désarmement, de démobilisation et de réinsertion, comprenantdes mesures appropriées pour la collecte et la destruction des armes légères », de « mettreen place, au niveau national, des contrôles sur la production et les transferts d’armes », etde « prendre des mesures contre les violations des embargos sur les armes imposés par lesNations Unies ». L'application de ce programme fut soutenue par deux réunions biennalesdes États en juillet 2003 et juillet 2005. Parallèlement, une seconde déclaration politique dejuin 2005 porta sur l’identification et le traçage des armes légères et de petit calibre illicitespar les É tats. Son suivi fut assuré par la conférence mondiale des Nations Unies dejuillet 2006.

Entre temps, le CS pointa dans sa résolution 1379 le lien étroit existant entre ces armeset les enfants soldats. S'adressant à toutes les parties aux conflits armés, il leur demanda de:

« respecter pleinement les dispositions pertinentes des normes juridiquesinternationales relatives aux droits et à la protection des enfants dans les

155 ADAM (Bernard) et WERY (Michel), 2004, op. cit., p. 74.156 « Rapport de la Conférence des Nations Unies sur le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects », A/CONF.192/15,New York, 9-20 juillet 2001, chap. IV, Préambule, § 7.

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conflits armés, en particulier [...] le Protocole II à la Convention sur l’interdictionou la limitation de l’emploi de certaines armes classiques qui peuvent êtreconsidérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou commefrappant sans discrimination, tel qu’amendé,[...] ainsi que la Convention d’Ottawasur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert desmines antipersonnel et sur leur destruction »157.

Témoignant de son engagement envers la résolution, l’UE a consacré 40 millions d’euros àla lutte contre les mines antipersonnel au cours des seules années 2000-2002.158 Commel'a souligné l'ONU, il s'agit d'une priorité absolue en vue de la paix et de la stabilité desrégions affectées par la guerre. L'UE a aussi adopté une position commune sur le contrôlede courtage en armements en juin 2003, invitant ses É tats membres a adapter leurlégislation. Elle répondit ainsi aux recommandations de la Conférence de New York qui avaitsouligné la nécessité d' « élaborer une législation visant à réglementer les activités descourtiers en armements ».

Un mois plus tard le Parlement européen appela:« tous les É tats membres à signer, ratifier et mettre en œuvre immédiatementles instruments légaux internationaux garantissant la protection des droitsde l'enfant, tels que [...] le Traité d'Ottawa sur l'interdiction des minesantipersonnel ».

Toutefois, à ce jour l'UE ne s'est pas encore doté d'un système de traçabilité des armeseuropéenes. Ceci soulève la question de sa volonté d'agir. D'autant plus que trois de sesÉ tats membres figurent parmi les 10 premiers producteurs d'armement mondiaux159. A cetitre, l'industrie européenne de l'armement a pu être qualifiée d'« enchevêtrement complexede participations croisées, joint-ventures et collaborations, dans lequel il est bien difficile decomprendre qui contrôle quoi »160.

Au vu des initiatives susmentionnées, il apparaît que la communauté internationale necherche pas à endiguer le recours aux armes légères, sinon plus modestement à luttercontre leur prolifération. Or, les faits ont démontré que la surabondance d'armes légèresengendre des souffrances humaines accrues et des violations fréquentes des règles de DIHet de DIDH. L'endiguement du recours à ces armes légères participerait à la stabilisationinterne des É tats, à l'établissement de structures démocratiques et contribuerait aussila réduction de l'insécurité internationale. Il est regrettable que l'UE, à l'instar de nombreuxgouvernements de part le monde, ait adopté une telle approche à l'égard des armes légères.

Soucieux de concrétiser les orientations prises en faveur des enfants soldats, leParlement européen invita le Conseil et la Commission à travailler « à la mise en œuvrede la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, dans le cadre de leur

157 Résolution 1379, 20/11/2001.158 Délégation de la Commission Européenne, « Un acteur mondial: Les relations extérieures de l’Union européenne », Juillet 2004,disponible sur le site de la Commission européenne: http://www.delrca.ec.europa.eu/fr/ue_acteur_mondial/index.htm site Europa-159 En quatrième position figure BAE Systems (Royaume-Uni), dont 79% du chiffre d'affaires total découlait de l'armement en 2005;le septième rang est occupé par EADS (Pays-Bas), dont 22,5% du chiffre d'affaires résultait de l'armement; enfin la neuvième placerevient à Thales (France), dont la part du chiffre d'affaires tirée de l'armement s'élevait à 70%. Source: MAMPAEY (Luc), « Industriesde l'armement et logique financière: la PESD confisquée? », in ADAM (Bernard), Europe, puissance tranquille?: rôle et identité sur lascène mondiale, Bruxelles: Coédition GRIP - Editions Complexe, 2006, p. 132.160 MAMPAEY (Luc), in ADAM (Bernard), 2006, op. cit., p. 135.

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dialogue politique avec les pays tiers et notamment avec les partenaires ACP dans le cadrede l'Accord de Cotonou »161. Cet accord commercial tisse ainsi des relations inextricablesentre l’aide au développement et les aspects politiques des échanges, dont la préventiondes conflits.

II Portée de l'aide au développement de l'union européenneAfin d'exercer une pression sur les É tats partenaires, l'Union a organiséson aide au développement autour du principe de conditionnalité (II.1). Fidèle à sesengagements, elle a poursuivi cette politique d'aide au développement en édifiant unenouvelle orientation spécifique aux enfants en situation de conflit armé (II.2). L'UE participeainsi à l'universalisation du droit conventionnel de protection des enfants soldats.

II.1 Impact de la conditionnalité de l'aide au développementC'est dans le cadre de son partenariat commercial avec les pays ACP que l'UE adopta leprincipe de conditionnalité. Ce procédé consiste à faire dépendre une aide, telle l'aide audéveloppement, au respect des droits de l'homme.

Dès les années 1970, la politique commerciale commune des communautéseuropéennes donna lieu à une aide humanitaire aux populations du monde entier setrouvant dans le besoin. L'assistance et la coopération au développement ont bénéficié àl'Afrique, rejointe ensuite par l'Asie, l'Amérique latine et les pays de l'est et du sud de laMéditerranée. Il s'agissait de soutenir le développement durable et d'enrayer la pauvretédans ces régions 162 .

La promotion des Droits de l’homme et de la démocratie fut progressivement inséréeau sein des échanges économiques eurafricains, grâce aux Conventions de Lomé.Les premières conventions de Lomé s'apparentaient à des relations essentiellementéconomiques. Mais, une première étape fut franchie lors de la signature de la quatrièmeConvention, dite Lomé IV en 1989 et de sa révision de 1995 (Lomé IV bis). La consécrationde ces orientations droit de l'hommistes intervint véritablement avec l'Accord de Cotonou de2000, accordant une attention particulière au fléau des conflits. Il renforça la conditionnalitépolitique de l’aide au développement en inserrant deux critères: la paix et le respect desDroits de l’homme163.

L'Accord de Cotonou est alimenté par l'aide financière au développement issue duneuvième Fonds Européen de Développement (FED). Cet instrument financier constitueune aide de 250 millions d'euros à des É tats africains pour une durée de trois ansdans l'optique du soutien à la paix en Afrique. Principal instrument financier d'aide audéveloppement, il est financé par des aides non remboursables à des programmes decoopération avec les pays ACP signataires de l'Accord de Cotonou164. Engagement positif:

161 Parlement européen, Résolution du Parlement Européen sur la traite des enfants et les enfants soldats, Journal Officielde l'Union Européene, 3 juillet 2003.

162 MAMPAEY (Luc), in ADAM (Bernard), 2006, op. cit., p. 132.163 RAPPORT DU GRIP 2003/3, « Enfants soldats, armes légères et conflits en Afrique: les actions de la coopération au

développement de l'Union Européenne et de la Belgique », Bruxelles: GRIP, 2003.164 Délégation de la Commission européenne, « Accord de Cotonou: Le nouvel accord de partenariat ACP-UE », disponible

sur le site de la Commission européenne: www.delcaf.ec.europa.eu/fr/accord_cotonou:FED_resume.htm

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en 2003 le Parlement a souligné la nécessité d'engager l'enveloppe budgétaire du FED pourles enfants soldats165.

L'Union s'élève au premier rang des donateurs et au premier rang des puissancescommerciales mondiales, générant un quart des richesses de la planète. Elle doit saposition de principal bailleur de fonds aux financements issus de ses deux premiers piliersconstitutifs166. Il s'agit du pilier communautaire et du pilier de la politique étrangère et desécurité commune. Près de la moitié des fonds d'aide au développement proviennent del'UE ou de ses É tats membres, qui y consacrent 30 milliards d'euros par an. Sur cettesomme, quelques six milliards sont dégagés des institutions de l'Union167. Par conséquent,l'impact du principe de conditionnalité est des plus retentissants.

Ainsi, le partenariat UE-ACP se distingue d'une relation contractuelle internationaleclassique. En effet, il inclut une dimension humaine au travers de la question des Droits del’homme, de la prévention des conflits, de l’ É tat de droit et de la promotion d’une bonnegestion des affaires publiques.

La conditionnalité du partenariat illustre l'approche européenne transversale de laprévention des conflits et de la promotion de la paix. Trois éléments s'avèrent essentielsdans ce cadre : les Droits de l’homme, la démocratie et l’état de droit. En cas de non respectdes dispositions, le dialogue politique issu des accords peut conduire à la suppression del'aide, à son annulation ou à d’autres sanctions de type économique vis-à-vis de pays enconflit. A titre d'exemple, l’UE a supprimé son aide au Zimbabwe en raison des violationsrépétées des Droits de l'homme dans le cadre de la situation quasi-conflictuelle du pays.

Par ailleurs, en juillet 2003, le Parlement européen a demandé que:« dans tous les accords de partenariat que l'Union Européenne est amenée ànégocier, la situation des enfants fasse explicitement partie de l'accord politique,au même titre que le développement des institutions démocratiques ».

Forte de cette déclaration, l'Union décida la même année d'insérer une nouvelle clauseconditionnant l'aide à la non prolifération des ADM. Agissant ainsi, l'UE témoigna de sonengagement en faveur des dispositions de la résolution 1540 du CS, qui soulignait lesmenaces que les actes de terrorisme induisent pour la paix et la sécurité internationales.

A l'orée du XXI° siècle, le Parlement européen a rappelé la pertinence de l'aide audéveloppement en tant que vecteur de l'application des droits de l'enfant soldat en invitant« la Commission et le Conseil à mettre en œuvre leur engagement d'intégrer les droits del'enfant dans les instruments de coopération au développement »168. Dans le sillage tracépar le Parlement, l'Union a décidé en 2003 de la mise en place d'une orientation spécifiqueaux enfants en situation de conflit armé.

II.2 La nouvelle orientation européenne pour les enfants en situation deconflit armé

165 Résolution du Parlement Européen sur la traite des enfants et les enfants soldats, op. cit.,3 juillet 2003.166 BELL (Edward) et WATSON (Charlotte), « DDR: supporting security and development: the EU's added values », International

Alert, Septembre 2006, p. 21.167 Op. cit., Délégation de la Commission Européenne, Juillet 2004.168 Op. cit., Résolution du Parlement Européen, 3 juillet 2003.

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En 2003 L'UE mit au point des lignes directrices concernant les enfants, qui furent réviséesen 2008. Dans un premier temps, elle identifia ainsi 13 pays vers lesquels ses effortsdevaient se concentrer en priorité. Cette liste fut révisée en 2007, pour inclure six nouveauxÉ tats. Actuellement, elle comprend: l'Afghanistan, le Burundi, le Tchad, la Colombie, laCôte d'Ivoire, la RDC, Haïti, l'Iraq, Israël et les territoires palestiniens occupés, le Liban, leLibéria, le Myanmar, l'Ouganda, les Philippines, la Somalie, le Soudan et le Sri Lanka.

L'UE a entrepris un dialogue politique personnalisé avec chacun de ces É tats, lesencourageant à mettre en place des politiques et institutions nationales pour les enfants,ainsi qu'à ratifier la CRC et la « Convention contre la torture et autres peines ou traitementscruels, inhumains ou dégradants » d'avril 2006.

Parmi les huit É tats africains qualifiés de « pays prioritaires » par l'Union,sept d'entre-eux sont parties à la CRC. Mais deux de ces pays eux n'ont pas ratifié sonprotocole facultatif169. Seule la Somalie n'a adhéré à aucune de ces dispositions. Quantà la « Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains oudégradants », elle a été ratifiées par sept d'entre-eux170 et seulement signée par le Soudan.

L'effet de cette orientation européenne nouvelle et spécifique est combinée à celuid'instruments financiers européens préexistants. En effet, l'Union déploie des activités dedéfense des Droits de l'homme à travers ses différentes lignes budgétaires. En cela ellerépond en partie à la demande du Parlement européen qui soutient que:

« la lutte contre la traite des enfants et l'utilisation des enfants soldats doit constituerune priorité politique pour l'Union Européenne, qui doit se traduire dans les arbitragesbudgétaires par une allocation budgétaire adéquate, sur une ligne spécifique à créer afinde renforcer l'efficacité et la lisibilité de l'action de l'Union en ce domaine, ainsi que dans lecadre du FED et notamment de ses programmes de financements régionaux »171

Il n'existe malheureusement aucune ligne budgétaire spécifique aux enfants. Toutefois,l'appui de l'UE aux droits de l'enfant soldat s'est inscrit dans le cadre de plusieurs outilsd'aide au développement et de maintien de la paix et de la sécurité en Afrique172.

Il en est ainsi de l'initiative européenne pour la démocratie et les Droits de l'homme(IEDH), créée en 1994 par le Parlement européen pour réunir les lignes budgétaires visantla démocratie et les Droits de l'homme. L'IEDH a attribué 560 millions d'euros à sa stratégie2007-2010. Cette dernière s'articule selon cinq objectifs, que sont : le renforcement durespect des Droits de l'homme et des libertés fondamentales; le renforcement de la sociétécivile dans la promotion des Droits de l'homme et des réformes démocratiques; le soutienaux actions liées aux Droits de l'homme; ainsi que la promotion de l'état de droit et de laconfiance dans les processus électoraux.

L'IEDH a inscrit le respect des lignes directrices européennes pour les enfants au titredu troisième objectif de la stratégie 2007-2010. L'UE s'efforce de répondre aux critiques

169 Le Burundi, l'Ouganda, la République Démocratique du Congo, le Soudan, le Tchad ont adopté la CRC et l'OP-CRC; tandisque la Côte d'Ivoire et le Libéria sont seulement parties à la CRC. Source: « Déclarations et Réserves », Nations Unies, Collectiondes Traités, 08/02/2002.

170 Burundi, Côte d'Ivoire, Libéria, Ouganda, République Démocratique du Congo, Somalie, Tchad171 Op. cit., Résolution du Parlement Européen, 3 juillet 2003.172 Informations obtenues par entretien téléphonique avec GORSKA (Malgorzata), en sa qualité de International Relations

Officer-Policy Desk Officer, de l'Unité « Droits de l'homme et Démocratisation », de la Direction Générale des Relations Extérieuresde la Commission Européenne, 23/01/09.

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de ses détracteurs en conférant la gestion des projets aux délégations de la Commissionimplantées dans les É tats concernés. Il lui est fréquemment reproché de restreindreson aide à un simple appui financier, alors que l'envoi d'un personnel formé constitue unemesure indispensable173. Aussi, les projets sont directement gérés par les délégations de laCommission européene dans les pays concernés et mis en œuvre par les ONG sur place.

De plus, l'adoption de la base juridique du programme successeur de l'IEDH en 2006témoigne d'une politique européenne envisagée sur le long terme. Cet instrument financier,entré en vigueur en 2007, vise la promotion de la démocratie et des droits de l'homme dansle monde sous couvert de la Commission et du Parlement.

En outre, l'UE a prévu d'accorder cinq millions d'euros de financements à des projetsd'organisations présentes dans les 19 pays dits « prioritaires ». En janvier 2009, elle a appeléles ONG et OI à formuler des propositions relatives aux lignes directrices dans le cadre duprojet « investing in people », auquel ont été octroyés quelques neuf millions d'euros. Al'heure actuelle, certains projets ont déjà donné lieu à la signature de contrats174.

En tant que principal bailleur public d'aide humanitaire dans le monde, l'UE a sudévelopper un partenariat durable avec 150 ONG. Depuis 1992, elle a instauré unecoopération poussée avec celles-ci, notamment au sein de l'Office humanitaire de laCommission européenne (ECHO). Par ce biais, elle a progressivement constitué unsystème évolutif de contractualisation avec des ONG, à caractère humanitaire notamment.Le financement des projets intervient dans le cadre de « contrats cadre de partenariat »,régis selon des critères détaillés qui furent révisés le 1er janvier 2004175. Les critères sontorientés dans le sens d'une amélioration du travail effectué, d'une meilleure gestion desfonds attribués et d'une transparence plus efficace du financement public européen del'aide humanitaire. De plus, les ONG retenues doivent signer des accords d'indépendance,d'impartialité et de non discrimination. Dans le cadre de ses activités de bailleur de fonds,l'UE tend à élargir la consultation et le dialogue existants aux acteurs non étatiques.

La politique de l'Union envers les enfants est soutenue par le travail de la Commission.Elle est habilitée à mettre en place des programmes thématiques et géographiquesévoluant au gré des perspectives financières de l'UE. Elle a ainsi permis de dégager deslignes budgétaires dans le cadre d'accords d'assistance bilatérale avec des partenairesgouvernementaux, sous couvert du mécanisme de réaction rapide et d'autres programmesadditionnels.

La Commission contribue aussi à des initiatives spécifiques au rétablissement de lapaix, ayant trait à la « démilitarisation, la démobilisation et la réinsertion » (DDR), en faveurd'ex-combattants. A ce titre, elle a conclu un partenariat financier avec la Banque Mondialepour la paix et de la sécurité dans la région des Grands Lacs. Ainsi, elle a engagé 20 millionsd'euros dans le fonds fiduciaire à bailleurs multiplesde la Banque Mondiale (MDRP).

Dans la perspective du dixième FED, l'UE a également élargi son aide à la réintégrationà long terme, complément indispensable de la réussite des « projets DDR ». Afin de

173 Au sujet des critiques adressées à l'UE, voir : BELL (Edward) et WATSON (Charlotte), 2006, op. cit., p. 21.174 Informations obtenues par entretien téléphonique avec GORSKA (Malgorzata), en sa qualité de International Relations

Officer-Policy Desk Officer, de l'Unité « Droits de l'homme et Démocratisation », de la Direction Générale des Relations Extérieuresde la Commission Européenne, 23/01/09.

175 RYFMAN (Philippe), « Les ONG: un acteur incontournable de la scène humanitaire », in Revue Internationale de la CroixRouge, 2007, p. 43.

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participer à l'effort de DDR, la Commission européene a détaché une délégation d'expertsconsidérable sur le terrain176.

Cependant, en 2003, le Parlement a déploré l'état du soutien européen aux droits del'enfant soldat, en précisant que:

« l'action de l'Union Européenne est largement insuffisante et qu'elle ne fait plusl'objet d'une priorité budgétaire, avec un nombre en déclin de projets financésdans ce domaine (10 en 1999 et 2 en 2002) »177.

De plus, à l'instar de ses autres engagements au travers de mécanismes multilatéraux, l'UEconnaît des difficultés à conserver la maîtrise de ses financements. Elle se révèle plus oumoins apte à surveiller la manière dont les activités envisagées sont mises en place. Parconséquent, à l'avenir les espoirs portent sur l'adoption d'une approche plus participativede la part de l'Union.

Conclusion Chapitre IIConsciente du fait que les guerres sont alimentées par la prolifération des armes légères,des ADM et par le contrôle de ressources naturelles, l'UE développe une perspective globalepour la paix et la sécurité. Afin de renforcer son engagement envers les enfants en situationde conflit armé, le Parlement a suggéré à la Commission et au Conseil de « nommer chacunun représentant de haut niveau pour les droits de l'enfant ». Cependant, à ce jour aucuneréalisation concrète n'a été opérée en ce sens.

Bien que des lacunes persistent, il convient de saluer les efforts de l'Union Européenneenvers les enfants en situation de conflit armé, dont les enfants soldats. En effet, malgrél'engagement tardif de l'Union en leur faveur, les réalisations récentes se sont avéréesnombreuses et efficaces. En soutien à cette affirmation, il est intéressant de mentionner lamise en place d'un partenariat stratégique entre l'UE et l'Afrique depuis 2005.

176 Pour plus d'informations sur le programme MDRP de la Banque Mondiale, voir: http://www.mdrp.org/177 Parlement européen, Résolution du Parlement Européen sur la traite des enfants et les enfants soldats, Journal

Officiel de l'Union Européene, 3 juillet 2003.

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Conclusion générale

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Conclusion générale

VERS UNE NOUVELLE STRATEGIE CONTRE LES CONFLITSL'approche classique de la sécurité suggérait que si l’État était en sécurité, ses

ressortissants le seraient de manière automatique et systématique. Cependant, aujourd'huila prééminence des conflits armés non internationaux infirme cette position, étant donnéque la majorité des victimes sont des civils. Les civils s'apparentent même à des ciblesstratégiques. Certains États ne sont plus en mesure de garantir la sécurité de leur populationet sont ainsi devenus sources d’insécurité humaine. En outre, il est difficile d'imposer auxforces armées non étatiques le respect du DIH et du DIDH. Les enfants patissent gravementde ce recul du respect des normes internationales.

Aussi, l’Union européenne et l’Union africaine (UA) ont initié un nouveau dialogue. Ilvise la prévention et la résolution des conflits et le soutien européen au maintien de la paixengagé par l’UA et l'ONU. La stratégie de l'UE dans le contexte des É tats fragiles adonné lieu à la rédaction du document « Stratégie de l'UE pour l'Afrique: vers un pacte euro-africain pour accélérer le développement de l'Afrique » d'octobre 2005. Par celui-ci, l'UEreconnaît la paix et la sécurité comme éléments essentiels du développement durable.

Bien que ce nouvel instrument ne cible pas spécifiquement les enfants soldats, ilvise à améliorer l'environnement global des É tats en proie aux conflits armés.L'innovation majeure de la stratégie réside dans le fait qu'elle couvre l'ensemble des phasesdu conflit. En effet, elle concerne des stratégies nationales et régionales de démilitarisation,démobilisation, réinsertion et réintégration (DDRR), la lutte contre la prolifération des armesde destruction massive, et le soutien aux réformes du secteur de la sécurité. Ainsi, cepartenariat s'inscrit dans la continuation des instruments développés par l'UE pour prévenirles conflits potentiels.

Espérons que cette nouvelle stratégie s'avère concluante dans un futur proche.

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Bibliographie

I) Sources Primaires

1- Sources conventionnelles

- Convention (IV) de la Haye concernant les lois et coutumes de la guerre sur terreet son Annexe: Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre,18/10/1907.

- Charte des Nations Unies du 26/061945.- Conventions de Genève (I) pour l'amélioration du sort des blessés et des malades

dans les forces armées en campagne, 12/08/1949.- Convention de Genève (II) pour l'amélioration du sort des blessés, des malades et des

naufragés des forces armées sur mer, 12/08/1949.- Convention de Genève (III) relative au traitement des prisonniers de guerre,

12/08/1949.- Convention de Genève (IV) relative à la protection des personnes civiles en temps de

guerre, 12/08/1949.- Convention de Vienne sur le droit des Traités, 23/05/1969.- Convention (n°138) concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi, 26/06/1973.- Déclaration sur l'identité européenne, dite « Déclaration de Copenhague »,

14/12/1973.- Protocole Additionnel (I) aux Conventions de Genève du 12/08/1949 relatif à la

protection des victimes des conflits armés internationaux, 08/06/ 1977.- Protocole Additionnel (II) aux Conventions de Genève du 12/08/1949 relatif à la

protection des victimes des conflits armés non internationaux, 08/06/1977.- Convention relative aux droits de l'enfant, 20/11/1989.- Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant, 11/07/1990.- Statut du Tribunal Pénal International pour l'Ex-Yougoslavie, 25/05/1993.- Statut du Tribunal Pénal International pour le Rwanda, 08/11/1994.- Loi Organique 10/1995 du Code Pénal espagnol de 1995, 23/11/1995.- Principes du Cap et meilleures pratiques concernant le recrutement d'enfants dans

les forces armées et la démobilisation et la réinsertion sociale des enfants soldats enAfrique, 30/04/1997.

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Bibliographie

REYNAUD Oriane_2009 63

- Convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfertdes mines antipersonnel et sur leur destruction, « Traité d'Ottawa », en vigueur le18/09/1997.

- Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale, 17/07/1998.

- Convention n°182 de l'Organisation Internationale du Travail concernant l'interdictiondes pires formes de travail des enfants et l'action immédiate en vue de leurélimination, 17/06/1999.

- Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernantl'implication d'enfants dans les conflits armés, 25/05/2000.

- Déclaration de Laeken sur l'avenir de l'Union Européenne, 15/12/2001.

- Statut du Tribunal Spécial pour la Sierra Léone, 16/01/2002.

- Engagements de Paris relatifs à la protection des enfants contre le recrutement oul'utilisation illicites par les forces armées ou les groupes armés, 06/02/2007.

- Principes et lignes directrices sur les enfants associés aux forces armées ou auxgroupes armés, « Principes de Paris », 06/02/2007.

2- Documents de l'Organisation des Nations Unies

Rapports et Résolutions de l'Assemblée Générale

- Conférence mondiale des Droits de l'Homme, A/CONF.157/23, « Déclaration deVienne et Programme d'Action », 14-25/06/1993.

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- Rapport du comité des droits de l'enfant, doc. A/49/41, 1994.

- Rapport sur l'impact des conflits armés sur les enfants, UN Doc.A/51/306, 26/08/1996.

-Rapport de la Conférence des Nations Unies sur le commerce illicite des armeslégères sous tous ses aspects », A/CONF.192/15, New York, 9-20/07/2001.

Résolutions du Conseil de Sécurité

- Résolution 1261, S/RES/1261, relative aux enfants dans des situations de conflitarmé, 25/08/1999.

- Résolution 1299, S/RES/1299,« Report of the Secretary-General on children andarmed conflict », 19/05/2000.

- Résolution 1379, S/RES/1379, « Les enfants et les conflits armés », 20/11/2001.

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LES DROITS DE L'ENFANT SOLDAT

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- Résolution 1460, S/RES/1460, « Les enfants dans les conflits armés », 30/01/03.

Rapports et documents du Secrétariat Général

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Document du Fonds des Nations Unies pour l'Enfance (UNICEF)

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- « Déclarations et Réserves », Nations Unies, Collection des Traités, 08/02/2002,disponible sur: http://www.unhchr.ch/french/html/menu3/b/treaty15_asp_fr.htm

- Département de l'information des Nations Unies, « Sommet Mondial pour lesEnfants », Site de l'Organisation des Nations Unies, 23/05/1997, disponible à:http://www.un.org/french/events/childfr.htm

- Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme, Statut des instrumentsinternationaux relatifs aux Droits de l'Homme, 10/01/2003, disponible sur le site del'UNHCR: http://www.unhchr.ch/pdf/reportfr.pdf

3- Documents de l'Union Européenne

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Bibliographie

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Commission Européenne

- Délégation de la Commission Européenne, « Un acteur mondial: Les relationsextérieures de l’Union européenne », 07/2004, disponible sur le site de laCommission européenne: http://www.delrca.ec.europa.eu/fr/ue_acteur_mondial/index.htm

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Parlement Européen

- Parlement européen, Résolution du Parlement Européen sur la traite des enfants etles enfants soldats, Journal Officiel de l'Union Européene, 3/07/2003.

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4- Documents d'autres organisations internationales et ONG

Banque Mondiale

- Informations relatives le Programme Multi-pays de Démobilisation et de Réintégration(MDRP) de la Banque Mondiale, disponibles sur : http://www.mdrp.org/

Human Rights Watch

- « ONU: renforcer les actions visant à mettre fin à l'utilisation des enfants soldats »,12.02.09, disponible sur: http://www.hrw.org/en/news/2009/02/12/onu-renforcer-les-actions-visant-mettre-fin-l-utilisation-des-enfants-soldats

Organisation Internationale du Travail (OIT)

- Communiqué de presse BIT/00/43 « Entrée en vigueur de la convention de l'OITsur les pires formes de travail des enfants », 17/11/2000, disponible sur le site

Page 66: LES DROITS DE L'ENFANT SOLDAT

LES DROITS DE L'ENFANT SOLDAT

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de l'OIT: http://www.ilo.org/global/About_the_ILO/Media_and_public_information/Press_releases/lang--fr/WCMS_008289/index.htm

- Renseignements concernant l'état des ratifications disponible sur le site Internet del'OIT, 05/07/2009: http://www.ilo.org/ilolex/cgi-lex/ratifcf.pl?C182

5- Jurisprudence

Affaires du Tribunal Pénal International pour l'Ex-Yougoslavie (TPIY)

- TPIY, Le Procureur c/ Dusko Tadic, alias « Dule », Affaire n° IT-94-1-A, « Arrêt relatif àl'appel de la défense concernant l'exception préjudicielle d'incompétence », Chambred'appel, 02/10/1995.

- TPIY, Le Procureur c/ Tadic , Affaire n° IT-94-1-A, Chambre d'Appel, Jugement,15/07/1999

- TPIY, Le Procureur c/ Delalic et consorts , Affaire n° IT-96-21-A, Chambre d'Appel,Jugement, 20/02/2001.

- Références tirées du site Internet du TPIY, disponibles sur : http://www.icty.org/sections/LeTribunalenbref

Affaires du Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR)

- TPIR, Le Procureur c/ Georges Andersen Nderubumwe Rutaganda, Affaire n°ICTR-96-3-T, Chambre de première instance I,Jugement, 06/121999.

- TPIR, Le Procureur c/ Jean-Paul Akayesu, Affaire n° ICTR-96-4-T, Chambre depremière instance I, Jugement, 02/09/1998.

- TPIR, Le Procureur c/ Georges Andersen Nderubumwe Rutaganda, Affaire n°ICTR-96-3-T,Jugement, Chambre de première instance I, 06/12/1999.

- Références tirées du site Internet du TPIR, disponibles sur : http://www.ictr.org/FRENCH/index.htm

Affaires du Tribunal Spécial pour la Sierra Léone (TSSL)

- TSSL, Le Procureur c/ Sam Hinga Norman, Affaire n° SCSL-2003-08-PT, motionpréliminaire basée sur l'inexistence du crime en droit international coutumier lors desa commission, 26/06/2003.

- TSSL, Le Procureur c/ Alex Tamba Brima, Brima Bazzy Kamara, Santigie BorborKanu, Affaire n° SCSL-2004-16-T, Chambre de première instance, Jugement,20/06/2007.

Affaires de la Cour Pénale Internationale (CPI)

Page 67: LES DROITS DE L'ENFANT SOLDAT

Bibliographie

REYNAUD Oriane_2009 67

- CPI, Affaire Le Procureur c/Thomas Lubanga Dyilo, Affaire n° ICC-01/04-01/06-803,Chambre Préliminaire I, Décision sur la confirmation des charges, 29/01/2007.

- CPI, Affaire Le Procureur c/Ahmad Muhammad Harun et Ali Muhammad Ali Abd-Al-Rahman, Affaire n° ICC-02/05-01/07, 02/05/2007.

- CPI, Affaire Le Procureur c/Bahr Idriss Abu Garda, Affaire n° ICC-02/05-02/09,18/05/2009.

- CPI, Le Procureur c/ Omar Hassan Ahmad Al Bashir , ICC-02/05-01/09,04/03/2009.

- « Situations et affaires », disponible sur le site Internet de la CPI :http://www.icc-cpi.int/Menus/ICC/Situations+and+Cases/

- Coalition pour la Cour Pénale Internationale, « Accord sur les privilèges et lesimmunités », 09/10/2002, disponible sur: http://www.iccnow.org/?mod=apic&lang=fr

Autres jurisprudences

- Cour Internationale de Justice, Avis Consultatif 1951/21, « Réserves à la Conventionsur la Prévention et la Répression du Crime de Génocide », 28/05/1951.

- Cour de Cassation française, Affaire n°02-20-613, Chambre civile I, Audiencepublique, 18/05/2005.

- Cour de Cassation française, Affaire n°04-16-942, Chambre civile I, Audience publique14/06/2005.

II) Sources Secondaires

1- Ouvrages

- ADAM (Bernard) et WERY (Michel), Armes Légères: destructions massives, Bruxelles:Coédition GRIP - Editions Complexe, 2004, 120 p.

- ANDRIANTSIMBAZOVINA (Joël), GAUDIN (Hélène), MARGUENAUD (Jean-Pierre),RIALS (Stéphanie) et SUDRE (Frédéric) sous la direction de, Dictionnaire des Droitsde l'homme, Paris: Presses Universitaires de France, 2008, 1074 p.

- BEAH (Ishmael), Le chemin Parcouru: mémoires d'un enfant soldat, New York:Presses de la Cité Etranger, 2008, 276 p.

- BIRUKA (Innocent), La protection de la femme et de l'enfant dans les conflits armésen Afrique, Paris: L'Harmattan, 2006, 500 p.

- COMBACAU (Jean) et SUR (Serge), Droit International Public, 8° édition, Paris:Editions Montchrestien, 2008, 813 p.

- DJIENA WEMBOU (Michel-Cyr) et FALL (Daouda), Droit International Humanitaire:théorie générale et réalités africaines, Paris: L'Harmattan, 2000, 432 p.

Page 68: LES DROITS DE L'ENFANT SOLDAT

LES DROITS DE L'ENFANT SOLDAT

68 REYNAUD Oriane_2009

- HAPPOLD (Matthew), Child soldiers in international law, Manchester: ManchesterUniversity Press, 2005, 183 p.

- LOUYOT (Alain), « Les enfants soldats », Paris: Editions Perrin, Collection Tempus,2007, 216 p.

- ROCHE (Jean-Jacques), Relations Internationales, Paris: LGDJ, 2° édition,« Collection Manuel », 2001, 382 p.

- ROUGET (Didier), Le guide de la protection des Droits de l'Homme, Paris: Editions LaPensée Sauvage, 2000, 381 p.

- SANDOZ (Yves), SWINARSKI (Christophe) et ZIMMERMANN (Bruno), Commentairesdes Protocoles additionnels du 8 juin 1977 aux Conventions de Genève du 12 août1949, Genève/Dordrecht: CICR/Martinus Nijhoff Publishers, 1986, 1647 p.

- SCHMITZ (Marc) sous la coordination de, Ouvrage Collectif, La guerre: enfants admis,Bruxelles: Coédition GRIP – Editions Complexe, 2001, 192 p.

2- Contributions à des ouvrages collectifs

- AYISSI (Anatole), « Protéger les enfants dans les conflits armés: concrétiser lesengagements pris », in VIGNARD (Kerstin) et COMPAGNION (Valérie) sous ladirection de, Forum du désarmement: les enfants et la sécurité, Genève: Institut desNations Unies pour la Recherche sur le Désarmement (UNIDIR), n°3, 11/2002.

- HAPPOLD (Matthew), « Child recruitment as crime under the rome statute of theICC », in The Legal Regime of the International Criminal Court: Essays in Memoryof Igor Blischenko, DORIA (José), GASSER (Hans-Peter) et BASSIOUNI (Cherif)Bassiouni, Leiden: Editions Brill, 2007.

- LARRALDE (Jean-Manuel), « Les réponses du droit international à la question desenfants soldats », in Cahiers de la Recherche sur les Droits Fondamentaux, , n°5« L'enfant », Caen: Presses Universitaires de Caen, 2006, 132 p.

- MAMPAEY (Luc), « Industries de l'armement et logique financière: la PESDconfisquée? », in ADAM (Bernard), Europe, puissance tranquille?: rôle et identité surla scène mondiale, Bruxelles: Coédition GRIP - Editions Complexe, 2006, 190 p.

- PAILHE (Caroline), « Une Europe sûre dans un monde meilleur: l'ambiguité de lastratégie européenne de sécurité », in ADAM (Bernard) sous la direction de, Europe,puissance tranquille?: rôle et identité sur la scène mondiale, Bruxelles: CoéditionGRIP-Editions Complexe, 2006, 190 p.

3- Mémoire

- MAYSTRE (Magali), Les enfants soldats en Droit International: problématiquescontemporaines au regard du Droit International Humanitaire et Droit InternationalPénal, Université de Genève – Institut Universitaire de Hautes Etudes Internationalesde Genève, 2007, 175 p.

Page 69: LES DROITS DE L'ENFANT SOLDAT

Bibliographie

REYNAUD Oriane_2009 69

4- Articles et Revues juridiques

- BADINTER (Robert), « Projet de loi constitutionnelle relatif à la cour pénaleinternationale », n°318/1998-99, Paris, Sénat, in La Documentation Française, Le rôledes juridictions nationales, disponible sur: http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/justice-penale-internationale/juridictions-nationales.shtml

- BALD (Stéphanie H.) , « Searching for a lost childhood: will the Special Court of SierraLeone find justice for its children? », in American University International Law Review,2002, Vol.18,n°2.

- BELL (Edward) et WATSON (Charlotte), « DDR: supporting security and development:the EU's added values », International Alert, 09/2006.

- BUGNION (François), « Les enfants soldats, le droit international humanitaire etla Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant », in African Journal ofInternational and Comparative Law, 2000, Vol. 12, n°2.

- CASSESE (Antonio), « On the current trends towards Criminal Prosecution andpunishment of breaches of international humanitarian law », in European Journal ofInternational Law, 1998, Vol. 9, n°1.

- CASSESE (Antonio), « The statute of the International Criminal Court: somepreliminary reflections », in European Journal of International Law, 1999, Vol. 10, n°1.

- FRANCIS (David J.), « Paper protection mechanisms: child soldiers and theinternational protection of children in Africa's conflict zones », in Journal of AfricanStudies, Cambridge University Press, 2007, Vol. 45, n°2.

- GRIP (Groupe de Recherche et d'Information sur la Paix et la Sécurité), Rapport GRIP2003/3, « Enfants soldats, armes légères et conflits en Afrique: les actions de lacoopération au développement de l'Union Européenne et de la Belgique », Bruxelles:GRIP, 2003.

- LÜCKER-BABEL (Marie-Françoise), « Les réserves à la Convention des NationsUnies relative aux droits de l'enfant et la sauvegarde de l'objet et du but du traitéinternational », in European Journal of International Law, 1997, Vol. 8, n°4.

- SCHABAS (William A.), « Les réserves des États Unis d'Amérique au Pacteinternational relatif aux droits civils et politiques en ce qui à trait à la peine de mort »,Revue Universelles des Droits de l'Homme, 1994, Vol. 4, n°6.

- VANDAELE (Arne), «Quelques réflexions sur l’effet direct de la Convention relativeaux droits de l’enfant», Journal du Droit des Jeunes, 03/2003, n°223. 2001.

5- Documents du CICR

- ARZOUMANIAN (Naïri) et PIZZUTELLI (Francesca), « Victimes et Bourreaux:questions de responsabilité liées à la problématique des enfants-soldats en Afrique »,

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LES DROITS DE L'ENFANT SOLDAT

70 REYNAUD Oriane_2009

in Revue Internationale de la Croix Rouge, Décembre 2003, Vol. 85, n° 852, pp.827-856.

- BRETT (Rachel), « Adolescents volunteering for armed forces or armed groups », inRevue internationale de la Croix Rouge, 2003, Vol. 85, n°852, pp. 857-866.

- RYFMAN (Philippe), « Les ONG: un acteur incontournable de la scène humanitaire »,in Revue Internationale de la Croix Rouge, 2007, n° 865, pp. 21-46.

- Rapport du CICR, « La disponibilité non réglementée des armes, les armes légères etde petit calibre et le processus engagé par les Nations Unies », 26/05/06, disponiblesur le site du CICR, http://www.ikrk.org/web/fre/sitefre0.nsf/html/small-arms-paper-250506#a2.

- Les Protocoles additionnels aux Conventions de Genève du 12 août 1949, Genève,CICR, 1977.

Site Internet- CICR, « Etats parties aux principaux traités de DIH », 20/05/2009, disponible à:http://www.icrc.org/web/fre/sitefre0.nsf/html/party_main_treaties

6- Entretiens

- Entretien téléphonique avec GORSKA (Malgorzata), en sa qualité de Desk –Officier du Bureau des Relations Internationales, de l'Unité « Droits de l'hommeet Démocratisation », de la Direction Générale des Relations Extérieures de laCommission Européenne, 23/01/09.

- Entretien avec Marie Claude DESCHAMPS, Antenne UNICEF Rhône, 03/02/09.

7- Sources Internet

- Coalition to stope the use of child soldiers, « Enfants soldats », 2007, disponible sur:http://www.child-soldiers.org/fr/enfants-soldats

- STICHICK (Theresa) et BRUDERLEIN (Claude), « Les enfants face à l’insécurité:nouvelles stratégies de survie à l'ère de la mondialisation », Harvard Programon Humanitarian Policy and Conflict Research, 05/2001, disponible sur: http://www.humansecuritynetwork.org/docs/report_may2001_2-f.php

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Annexes

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Annexes

Annexe 1 : Repères chronologiques de la mobilisationinternationale contre le recrutement ou l'utilisationdes enfants dans les conflits armés

D'après, UNICEF, « Qu'est-ce qu'un enfant soldat? », France, juin 2004 (ouvrage nonpublié), pp. 75-76 ; LOUYOT (Alain), « Les enfants soldats », Paris: Editions Perrin,Collection Tempus, 2007, pp. 205-207.

- Les Protocoles Additionnels I et II, 1977:Article 77 (2), Protocle Additionnel IArticle 4 (3c), Protocole Additionnel IILe DIH essaie de conrtôler le recrutement des enfants tant dans les forces armées

régulières que dans les groupes d'opposition.1. Il impose aux belligérants de faire en sorte que les enfants de mons de 15 ans ne

participent pas aux hostilités.2. Il impose aux belligérants de faire en sorte que, si des enfants de moins de 18 ans

sont recrutés, les enfants les plus âgés aient la priorité.3. Il interdit le recrutement d'enfants de moins de 15 ans dans les forces ou les groupes

armés.- La CRC, 1989:Articles 38 et 391. Elle recommande aux États de ne pas enrôler des enfants de moins de 15 ans dans

les forces armées et d'enrôler en priorité les plus âgés entre 15 et 18 ans.2. Elle impose aux États d'assurer la réadaptation physique et psychologique des

enfants victimes de la guerre, sous toutes les formes possibles : sévices sexuels, totures,traitements cruels ou dégradants.

1996: Publication du Rapport de Mme Garça Machel, intitulé « Les conséquences desconflits armés sur les enfants ».

1997:- Nomination du premier Représentant spécial du secrétaire général pour les enfants

et les conflits armés, M. Olara Otunu.- Adoption des « Principes du Cap » par l'UNICEF et plusieurs ONG.1998: Création de « La Coalition pour mettre fin à l'utilisation des enfants soldats »,

dont les membres fondateurs sont Amnesty International, Terres des hommes, Human

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LES DROITS DE L'ENFANT SOLDAT

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Rights Watch, l'Alliance internationale Save the Children, le Service jésuite pour les réfugiés,et le Bureau Quaker auprès des Nations Unies.

- La Convention n° 182 de l'OIT, 1999:1. Elle dispose que l'emploi d'enfants soldats constitue l'une des pires formes de travail

des enfants.2. Elle interdit le recrutement forcé et obligatoire des enfants de moins de 18 ans, en

vue de leur utilisation dans les conflits armés.- L'OP-CRC, 2000:1. Il fixe à 18 ans l'âge minimum de la conscription et de la participation directe aux

conflits armés. 2. Il interdit l'engagement volontaire d'enfants de moins de 16 ans.3. Il oblige en outre les États à faciliter la démobilisation et la réinsertion des enfants

soldats.- La CPI, 2002:1. Elle qualifie de crime de guerre la conscription ou l'engagement d'enfants de moins

de 15 ans dans les conflits armés.2. Elle qualifie de crime de guerre le fait de faire participer de façon active des enfants

de moins de 15 ans à des hostilités internes aux États ou entre États.3. Elle qualifie de crimes de guerre les actes de violence sexuelle contre les enfants.2006: Mme Radhika Coomaraswamy remplace M. Olara Otunu au poste de

Représentant spécial du secrétaire général pour les enfants et les conflits armés.2007: Conférence internationale « Libérons les enfants de la guerre », organisée

à Paris par l'UNICEF et le ministère français des Affaires étrangères. Adoption des« Engagements de Paris » pour protéger les enfants illégalement récrutés ou utilisés pardes groupes ou forces armés.

Annexe 2: Carte « Les enfants soldats: Etat des lieux2008 »

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Annexes

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Source: Coalition to stop the use of child soldiers, 2008.

Annexe 3: États recrutant des enfants de moins de 18ans dans leurs forces armées (septembre 2001)

Source: SCHMITZ (Marc) sous la coordination de, Ouvrage Collectif, La guerre: enfantsadmis, Bruxelles: Coédition GRIP – Editions Complexe, 2001, p. 28.

(Le recrutement obligatoire comprend la conscription, l'enrôlement ou toute autre formed'engagement d'une personne dans les forces armées)

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LES DROITS DE L'ENFANT SOLDAT

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État Age minimum recrutementparticipation

État Age minimum recrutementparticipation

Allemagne Angola Australie Bangladesh Belgique Bosnie-Herzégovine Brésil Burundi Canada Chili Chypre Croatie Cuba ElSalvador Estonie Etats-Unis France Inde Iran Iraq Irlande Israël Italie

17 18 17 17 18 16 16 18 17 17 16 1618 16 17 16 18 16 18 16 17 17 17 18 16 18 16 15 17 17 17

Japon Jordanie Laos Libye Luxembourg Macédoine Mauritanie Mexique Nouvelle-Zélande Nicaragua Norvège Pakistan Pays-Bas Pérou Pologne Rép.Féd. deYougoslavie Royaume-Uni Slovaquie Slovénie Soudan Suisse

16 18 17 15 16 17 17 16 16 17 18 17 1718 16 16 18 16 17 17 1617 16 17 17 17

Annexe 4: Motifs ayant poussé des enfants à rejoindreune entité armée en RDC, au Rwanda et au CongoBrazzaville

D'après, UNICEF, « Qu'est-ce qu'un enfant soldat? », France, juin 2004 (ouvrage nonpublié), p. 25.

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Annexes

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Annexe 5: Les mines antipersonnels dans le monde

Source: Landmine report, 2003.

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LES DROITS DE L'ENFANT SOLDAT

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Lexique

C onflit armé international: il désigne l'affrontement de deux ou plusieurs entitésétatiques. L'antagonisme armé entre une entité étatique et un mouvement de libérationnationale fait figure d'exception assimilable à cette catégorie de conflit178.

Conflit armé non international: il se déroule sur le territoire d'un seul état, entre lesforces armées régulières et un ou des groupe(s) armé(s) dissident(s) ou entre factionsarmées indépendantes de l'État. Le critère essentiel est ainsi celui de la frontière, puisqu'uneguerre principalement ancrée sur le territoire d'un état est dite non internationale, malgré lesoutien éventuel de puissances extérieures179.

Désarmement/Démobilisation/Réinsertion (DDR):Désarmement : La collecte d'armes légères et de petit calibre et d'armes lourdes dans

une zone en conflit. Il s'agit fréquemment de procéder à la collecte des armes, de rassemblerles combattants et d'élaborer des programmes visant à gérer ces armes, notamment enles entreposant de manière sécurisée et en procédant parfois à leur destruction. Dans lamesure où un grand nombre d'enfants soldats ne portent pas d'armes, le désarmement nedevrait pas être une condition préalable pour la démobilisation et la réinsertion des enfantssoldats.

Démobilisation : La libération officielle et encadrée de soldats intégrés à l'arméeou un groupe armé. Les objectifs poursuivis lors de la démobilisation des enfants devraientêtre de déterminer la participation de l'enfant au conflit armé, de collecter des informationsde base permettant d'établir l'identité de l'enfant de façon à retrouver sa famille, d'évaluerses besoins urgents, et de fournir à l'enfant des informations sur la façon dont les chosesseront susceptibles de se dérouler par la suite.

Réinsertion/Réintégration/Réhabilitation: processus à long terme visant à offrir auxenfants des alternatives viables à leur implication dans un conflit armé et les aider à seréintégrer au sein de leur communauté. Ce processus consiste notamment à réunir l'enfant àsa famille (ou à trouver un placement alternatif, si la réunification est impossible), fournir uneéducation et une formation, élaborer des stratégies appropriées pour apporter aux enfantsun soutien économique afin qu'ils puissent subvenir à leurs besoins, et dans certains cas,fournir un soutien psycho-social.

Désarmement/Démobilisation/Réinsertion/Réhabilitation (DDRR) 180 :Réhabilitation:Le terme "réhabilitation" désigne les programmes visant à normaliser

la vie des anciens enfants soldats. Il est rarement défini et peut comprendre aussi biendes projets d'éducation que des approches cliniques traitant des conséquences desévénements traumatisants. Le mot "réhabilitation" met l'accent sur les conséquences dela participation au conflit sur le comportement des enfants. Ces conséquences sont les

178 DJIENA WEMBOU (Michel-Cyr) et FALL (Daouda), 2000, op. cit., p. 78.179 DJIENA WEMBOU (Michel-Cyr) et FALL (Daouda), 2000, op. cit., p.17.180 Coalition to stope the use of child soldiers, « Enfants soldats », 2007, disponible sur: http://www.child-soldiers.org/fr/enfants-

soldats

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Lexique

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effets psychologiques des événements traumatisants que les enfants ont vécus. La prise encharge des enfants nécessite souvent l'utilisation de modèles d'intervention thérapeutiqueset médicaux. L'enjeu consiste à adapter ces mesures au contexte socio-culturel particulierdans lequel vit l'enfant, sa famille et sa communauté.

Droit International Humanitaire: selon le CICR, le DIH est constitué de l'ensemble des« règles internationales d'origine conventionnelle ou coutumière qui sont spécifiquementdestinées à régler les problèmes humanitaires découlant directement des conflits armésinternationaux ou non internationaux et qui restreignent pour des raisons humanitaires ledroit des parties au conflit d'utiliser les méthodes et moyens de guerre de leur choix ouprotègent les personnes et les biens affectés, ou pouvant être affectés par le conflit »181.

Enfant: selon la CRC, l'enfant s'identifie à « tout être humain âgé de moins de dix-huit,sauf si la majorité est atteinte plus tôt, en vertu de la législation qui lui est applicable »182.

Enfant soldat: selon l'UNICEF, il s'agit de toute personne de moins de dix-huit ans qui,à travers le monde, est utilisée illégalement par des groupes et des forces armés. Ce, quelleque soit la fonction qu’elle y exerce. Ce ne sont donc pas seulement les enfants portantune arme, mais aussi ceux qui remplissent des missions d'espionnage, de cuisiniers, demessagers183.

Forces armées: troupes armées régulières nationales.Groupes armés: « forces armées dissidentes ou groupes armés organisés, qui, sous

la conduite d'un commandement responsable, exercent sur une partie (du) territoire (del'État) un contrôle tel qu'il leur permette de mener des opérations militaires continues etconcertées » (article 1 (1) du PA I).

Hostilités: Actes de violence exercés par un belligérant contre l'adversaire aux finsd'anéantir sa résistance et de l'amener à subir sa propre volonté184.

181 DJIENA WEMBOU (Michel-Cyr) et FALL (Daouda), Droit International Humanitaire: théorie générale et réalités africaines,Paris: L'Harmattan, 2000, p. 32.

182 Article 1 de la Convention relative aux droits de l'enfant, 20 novembre 1989.183 Rapport sur l'impact des conflits armés sur les enfants – dit « Rapport Machel », UN Doc. A/51/306, 26 août 1996, Chapitre

II,p. 16.184 DJIENA WEMBOU (Michel-Cyr) et FALL (Daouda), 2000, op. cit., p. 87.

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Résumé

Bien que le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats perdurent depuis le IVème siècleavant notre ère, le phénomène n’est devenu source de préoccupations internationales qu’aucours des années 1990.

L’évolution contemporaine des conflits témoigne de deux caractéristiques : laprolifération des armes légères, simples à utiliser pour un enfant et l’exacerbation desconflits armés intra-étatiques. Ces deux données ont accru le bilan civil des hécatombes etfavorisé la participation des femmes et des enfants.

Le droit conventionnel de protection des enfants soldats comprend des normes deDIH et des normes de DIDH, ayant trait à la codification du comportement des Parties auxconflits. Il est interdit à ces dernières de recruter et d’utiliser des enfants soldats. Toutefois,la portée des dispositions internationales est mise à mal par l’absence de définition claireet universelle de l’ « enfant soldat ».

Aujourd’hui, un consensus mondial tend à s’ériger en faveur de la définition formuléepar l’UNICEF, lors de la Conférence du Cap de 1997. Est ainsi considéré comme tel : toutepersonne, garçon ou fille, âgée de moins de 18 ans membre d’une armée gouvernementaleou d’un groupe armé, quel que soit son rôle, ou accompagnant de tels groupes, autrementqu’en tant que simple membre de la famille, ainsi que les filles recrutées à des fins sexuellesou pour des mariages forcés. Loin de s’identifier exclusivement aux porteurs d’armes,l’enfant soldat revêt de multiples visages.

La communauté internationale s’est engagée à lutter contre ce fléau au travers del’institution onusienne. Consciente de l’urgence de la question, l’Union européenne a mis aupoint une politique globale pour la paix et la sécurité internationales, ainsi qu’une nouvelleorientation spécifique aux enfants dans les conflits armées à l’orée du XXI° siècle. Stratégiesd’autant plus nécessaires en raison de la mondialisation, qui fait de la sécurité de chacunl’affaire de tous.

Mots clés : armes légères, convention relative aux droits de l’enfant, conflit arméinternational / non-international, Cour Pénale Internationale, Droit International Humanitaire,Droit International des Droits de l’Homme, enfant, enfant soldat, Nations Unies, TribunalSpécial pour la Sierra Léone, Union Européenne.