le rôle du génie militaire dans la production des villes coloniales en

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REPUBLIQUE ALGERIENNE DEMOCRATIQUE ET POPULAIRE MINISTERE DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR & DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE UNIVERSITE MENTOURI FACULTE DES SCIENCES DE LA TERRE, DE GEOGRAPHIE ET DE L’AMENAGEMENT DU TERRITOIRE DEPARTEMENT D’ARCHITECTURE ET D’URBANISME N° d’Ordre…………… Série………………… THESE POUR L’OBTENTION DU DIPLOME DE DOCTORAT ES-SCIENCES OPTION : URBANISME Présentée par Khédidja BOUFENARA Le rôle du Génie militaire dans la production des villes coloniales en Algérie. Annaba et Constantine Sous la direction de Pr. Belkacem LABII Jury d’examen : Président : Pr. Salah Eddine CHERRAD, Université Mentouri Constantine. Rapporteur : Pr. Belkacem LABII, Université Mentouri Constantine. Membre : Pr. Djamel ZOUGHAÏLECH, Université Mentouri Constantine. Membre : Pr. Hamza ZEGHLACHE, Université Ferhat Abbas Sétif. Membre : Dr. Cherif ADDAD, Université Larbi Ben M’Hidi Oum El Bouaghi Soutenue le

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REPUBLIQUE ALGERIENNE DEMOCRATIQUE ET POPULAIRE

MINISTERE DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR

& DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE

UNIVERSITE MENTOURI

FACULTE DES SCIENCES DE LA TERRE, DE GEOGRAPHIE

ET DE L’AMENAGEMENT DU TERRITOIRE

DEPARTEMENT D’ARCHITECTURE ET D’URBANISME

N° d’Ordre……………

Série…………………

THESE

POUR L’OBTENTION DU DIPLOME DE DOCTORAT ES-SCIENCES

OPTION : URBANISME

Présentée par Khédidja BOUFENARA

Le rôle du Génie militaire

dans la production des villes coloniales en Algérie.

Annaba et Constantine

Sous la direction de Pr. Belkacem LABII

Jury d’examen :

Président : Pr. Salah Eddine CHERRAD, Université Mentouri Constantine.

Rapporteur : Pr. Belkacem LABII, Université Mentouri Constantine.

Membre : Pr. Djamel ZOUGHAÏLECH, Université Mentouri Constantine.

Membre : Pr. Hamza ZEGHLACHE, Université Ferhat Abbas Sétif.

Membre : Dr. Cherif ADDAD, Université Larbi Ben M’Hidi Oum El Bouaghi

Soutenue le

« En vérité, tu ne dois rien à aucun Homme

Mais tu dois tout à tous les hommes ».

Djibran Khalil Djibran

À Papa

À Mama

À Lamine et Maria

À ma famille

À mes amis

Remerciements

Au Professeur Belkacem LABII, pour son encadrement rigoureux, toute son aide, sa patience et surtout ses encouragements et sans qui ce travail n’aurait pas été.

À Siham Bestandji, pour sa présence et conseils. Aux personnels de la Bibliothèque d’Alcazar section « Fonds

patrimoniaux », du CDU, des Archives de Vincennes, et ceux de la municipalité de Annaba.

Au Docteur Bouziane Semmoud. À Mr Jean Batiste Lecchia. À Nacer Bourrafa. À Messieurs les professeurs membres du jury de soutenance.

Le rôle du Génie militaire

dans la production des villes coloniales en Algérie.

Annaba et Constantine. SOMMAIRE.

Introduction Générale. 1

Problématique. 5

Méthodologie. 9

Première Partie. Historique des armées et des villes militaires. 12

Introduction de la première partie 12

Chapitre premier. Des armées et villes de l’antiquité aux armées contemporaines. 14

Chapitre deuxième. La colonisation romaine : peuplement et urbanisation. 64

Chapitre troisième. L’architecture et l’urbanisme militaires de l’antiquité au Moyen Âge. 85

Conclusion de la première partie. 110

Deuxième Partie. Le contexte géopolitique et social de la colonisation. 112

Introduction de la Deuxième Partie. 112

Chapitre premier. l’Algérie sous la Régence. 113

Chapitre deuxième. La France et le contexte de l’occupation de l’Algérie. 131

Chapitre troisième. L’urbanisation en France au XVIIIème et XIXème siècles, un référent

pour l’établissement des français en Algérie.

163

Chapitre quatrième. Les militaires français et les préalables à un système de santé en

Algérie.

191

Conclusion de la deuxième partie. 213

Troisième partie. Les casernements et fortifications et leurs impacts à Annaba et

Constantine.

215

Introduction de la troisième partie. 215

Chapitre premier. Les casernements et les fortifications et leurs impacts à Annaba. Une 218

implantation intramuros

Chapitre deuxième. Les casernements et fortifications et leurs impacts à Constantine. Des

implantations stratégiques extramuros.

253

Conclusion de la troisième partie. 305

Quatrième partie. Les interventions sanitaires du Génie à Annaba et Constantine. 307

Introduction à la quatrième partie. 307

Chapitre premier. Les réalisations sanitaires du Génie militaire à Annaba. Une couverture

sanitaire d’ensemble.

309

Chapitre deuxième. Les réalisations sanitaires du Génie militaire à Constantine. Des

hôpitaux d’envergure.

344

Conclusion de la quatrième partie. 379

Conclusion générale 381

Bibliographie 388

Table des figures 399

Table des Matières 403

Annexes

Introduction Générale

1

INTRODUCTION GÉNÉRALE

Le sujet proposé ici est inspiré de récents regains d’intérêt pour le patrimoine architectural et

urbain colonial et sa revalorisation. En effet, depuis quelques années, nombre de recherches ont

été menées par les architectes et les urbanistes sur ce patrimoine qui a marqué nos villes, et des

opérations de restauration du cadre bâti sont venues concrétiser cet intéressement.

La ville coloniale constitue aujourd’hui un patrimoine national tout autant que la médina ; elle

commence notamment à bénéficier de plans permanents et de mise en valeur des secteurs

sauvegardés (PPSMVSS)1 après avoir connu des signes de vieillissement. Cependant, pour

pouvoir la préserver, il est nécessaire de la comprendre, ou du moins de comprendre l’esprit dans

lequel elle a été créée.

Parallèlement à cet objectif de sauvegarde, s’impose la volonté d’extension de la ville qui est

devenue une ville engorgée et qui manque de terrains constructibles. Afin de dégager des

assiettes foncières, les regards des gouvernants se portent très souvent vers les équipements

militaires qu’ils voudraient délocaliser. Or ces équipements militaires sont des entités tout aussi

urbaines et tout autant liées à notre histoire puisqu’ils sont les « Visuel Signifiers 2» d’un pouvoir

installé durant une période donnée. Le patrimoine urbain est un révélateur de la place que le

pouvoir économique et politique occupe dans l’histoire de la construction et de l’urbanisme. Les

équipements militaires se retrouvent ainsi intégrés dans le patrimoine national.

Avant d’aborder notre sujet à savoir le rôle du Génie militaire dans les réalisations et les effets

induits dans les villes de Annaba et Constantine, il est primordial de définir et de présenter les

éléments constitutifs et les contextes dans lesquels s’inscrit ce travail, et dans un premier temps

l’armée et son fonctionnement. Ceci sera complété par un historique marquant les évolutions des

armées durant les différents âges militaires : asiatiques, grecque, romaine et européennes. Il sera

abordé en parallèle les villes créées dans un contexte militaire et les formes spatiales de ces

dernières, tout en mettant en évidence les raisons d’implantation de ces villes dans le territoire.

L’armée romaine nous intéressera particulièrement pour les innovations qu’elle a introduites

dans son organisation, et à l’armée française acteur de la colonisation et donc de ses réalisations,

objet de notre intéressement. L’évolution de l’armée française depuis la conquête jusqu’à

1 Décret exécutif N° 03-324 du 05 octobre 2003 portant modalités d’établissement du Plan Permanent de

Sauvegarde et de Mise en Valeurs des Secteurs Sauvegardés. 2 John Merriman, « Le rôle de l’histoire dans la fabrication du patrimoine », in Actes des Entretiens du

Patrimoine sous la présidence de François Loyer ; Entretiens du Patrimoine, Chaillot, Paris, les 24, 25 et 26 janvier

2000, p85-93.

Introduction Générale

2

l’Independence sera traité en général mais nous nous attarderons de manière plus détaillée sur les

deux services qui nous concernent : le Génie militaire et le service de santé.

Par ailleurs, l’armée romaine et l’armée française présentent des similitudes du fait qu’elles ont

conquis le même territoire et ont eu la même stratégie d’occupation et le même objectif

militaire : le peuplement de l’Algérie. À travers son empire en général et l’Algérie en particulier

Rome a en effet grandement influencé les français par ses réalisations, principalement le mode

d’urbanisation, ainsi que leur système hydraulique, hygiénique et de voies de communication.

Les réseaux routier et urbain entre autres ont servi de modèle à l’installation française.

L’objectif de notre travail étant les réalisations militaires, un retour historique sur l’architecture

et l’urbanisme militaires grec, romain, européen puis musulman, et donc depuis l’antiquité

jusqu’au Moyen Âge s’impose. En effet, nous verrons que du point de vue de l’architecture il

existe beaucoup de similitudes entre fort ou Qal’a, ribat, donjons et autres ; les villes quant à

elles sont toujours entourées d’enceintes fortifiées. La topographie des sites ressort comme étant

la première logique d’implantation de ces villes en réponse aux stratégies de défense et

d’attaque. La présence de voies de communication est également un élément primordial à cette

installation.

À la conquête française, l’Algérie se trouvait sous la dominance ottomane ; un historique de la

régence du point de vue politique, du découpage administratif du territoire, social et de gestion

nous permettra de comprendre les conditions de la conquête, en particulier le beylik de

Constantine qui comprend les deux villes Annaba et Constantine, terrain de notre travail. Comme

ce dernier portera sur le côté sanitaire, nous approcherons les conditions sanitaires et l’exercice

de la médecine qui prévalaient en Algérie durant la régence, en mettant en exergue leurs

réalisations dans le domaine militaire, et sanitaire.

Par ailleurs, il est utile de comprendre, autant que pour l’Algérie, le contexte et les conditions de

cette conquête en France. Cette dernière en pleine révolution politique, a connu en effet

différents régimes durant la période de conquête et de colonisation.

Une attention particulière sera portée aux savoirs et savoir faire qui ont prévalu aux réalisations

architecturales et urbaines ; en effet les XVIIIème et XIXème siècles ont apporté beaucoup

d’innovations dans le domaine technique mais ce furent aussi les siècles des nouvelles idées

humanistes hygiénistes et scientifiques. Nous nous intéresserons à celles qui ont touché le

domaine de la construction au sens le plus large notamment à travers l’exemple de Paris, comme

nous aborderons le métier d’architecte qui commença à évoluer, mais aussi et surtout le métier

d’ingénieur. Les ingénieurs des Ponts-et-Chaussées, des services des Bâtiments Civils, et plus

Introduction Générale

3

encore les Ingénieurs du Génie militaire ont joué un rôle prépondérant dans les plus grandes

réalisations. Leur formation, leurs principes de conception et d’approche aux projets vont se

retrouver lors des édifications en Algérie ; leur rigueur, leur adaptation aux sites et situations,

leur souci de l’économie d’ordre financier ou spatial ainsi que leurs exigences en matière de

fonctionnalité, font des ingénieurs du Génie un corps compétant en matière d’organisation des

travaux. Ce qui nous amènera à aborder leurs outils de conception tels la régularité, la géométrie

des dispositions, le découpage des sols, etc.

Notre intéressement va aussi aux conditions et de la couverture sanitaires qui existaient en

« métropole », qui nous éclaireront sur l’état de santé des populations « importées », puisque

nous savons que les épidémies introduites en Algérie au XIXème siècle sont arrivées avec les

bateaux des militaires mais aussi ceux des civils. Quant à l’intérêt porté à la médecine et à son

mode de fonctionnement, il trouve sa justification dans les mêmes raisons. Ainsi la France a

connu de la seconde moitié du XIXème siècle jusqu’à la première moitié du XXème siècle une

militarisation de la médecine à cause du manque de médecins et de personnels soignants. Aussi

la couverture sanitaire se trouva-t-elle à la charge des militaires.

Ces actions et réalisations sont illustrée dans notre travail dans deux villes étudiées à cet effet,

Annaba et Constantine aux conditions de prise différentes, à la topographie différente, aux

fonctions différentes mais ayant subi toutes deux l’installation des militaires français et leurs

réalisations.

La chute des villes s’est automatiquement accompagnée de la réquisition des édifices les plus

importants qu’ils soient militaires ou civils, allant des casernements jusqu’aux habitations en

passant par les mosquées en vue d’héberger les hommes de troupes et les différents services de

l’armée tels que postes de commandement des places, services d’intendance, de Génie et de

santé mais aussi les chevaux, forges et attelages…

Installant les différents casernements selon le type d’Arme, dans Annaba intramuros et à

l’extérieur de l’enceinte à Constantine selon la topographie des deux villes mais aussi selon la

fonction donnée à chacune d’elle au vue de leurs potentialités respectives, les ingénieurs du

Génie obéissent dans les deux cas aux principes de stratégie militaire qui devait assurer la

défense des villes. C’est ainsi que le port de Annaba confère à celle-ci son caractère fonctionnel

de commerce et d’échange avec la métropole, et par delà même dicte l’installation de

fortifications à son niveau, alors que Constantine va garder son caractère militaire du à son site et

Introduction Générale

4

à sa situation dans le territoire ; elle fut la base d’où partaient les expéditions militaires vers

l’intérieur du pays. Elle sera une ville de garnison.

Le Génie restructura l’espace intramuros des villes mais aussi leur espaces extramuros. Par

ailleurs, l’arrivée des colons et leur installation provoquera l’extension des deux cités. C’est

encore une fois le Génie qui aura à projeter les nouvelles villes européennes et à les protéger.

Prenant en considération la vocation des deux villes, c’est vers la plaine Ouest asséchée et

intégrant le port que Annaba sera agrandie ; alors que l’extension de Constantine obéira à la

stratégie sécuritaire en développant les nouvelles zones urbaines à proximité des quartiers

militaires.

C’est le Génie qui prendra encore en charge la couverture sanitaire des populations militaires, en

jouant un rôle indéniable dans l’installation des hôpitaux militaires de Annaba et Constantine

selon des principes propre à leurs objectifs et selon les contextes : l’hôpital installé sur la

mosquée Sidi Marouane à Annaba, l’hôpital nouvellement construit dans la casbah pour

Constantine. Ces édifications auront des impacts certains sur l’architecture et l’urbanisme

existants.

Nous aurons ainsi abordé la question de la production militaire coloniale, du point de vue du

choix du site, de la conception et de la réalisation des équipements militaires objectif premier

sans conteste, qui auront engendré la ville coloniale par leurs impacts sur les anciennes villes et

sur les extensions de celles-ci. Le Génie apparait comme la force de construction de l’armée

française et donc de la France, puisqu’il a été maître d’œuvre et maître d’ouvrage des plus

importants édifices érigés durant le XIXème siècle par la France en Algérie.

Problématique

5

PROBLÉMATIQUE.

La fonction de pouvoir, et plus précisément la fonction militaire, a toujours été partie intégrante

du fonctionnement de la ville, et partie prenante de son édification voire de sa naissance puis de

son développement.

Notre intéressement à la fonction militaire et au-delà aux équipements militaires et au rôle de ces

derniers dans la production de la ville, a été suscité par un certain nombre d’observations, dont

l’implantation urbaine de ces équipements avec toutes les stratégies de différentes époques, puis

l’impact de ces implantations sur la ville, sur sa structuration et son fonctionnement.

Un fait nous vient à l’esprit à ce sujet, est que lors de réunions au sujet de l’extension de la ville

de Constantine, la problématique a souvent été posée en termes de recherche de terrains

urbanisables. Et systématiquement, les regards étaient tournés vers Le Mansourah et autres

espaces militaires aujourd’hui occupant le centre ville, toujours convoités pour des besoins

urbains pressants. Actuellement la récupération des terrains militaires urbains est à l’ordre du

jour et entre dans la stratégie globale d’aménagement de la ville de Constantine, cependant qu’à

Annaba le terrain connu sous le toponyme du « 19 juin », après avoir servi de parking, puis de

marché et de station de transports urbains, vient d’être cédé à des investisseurs étrangers afin de

servir d’assiette à un centre multifonctionnel alors qu’il appartenait à la zone de servitude du

casernement, situé Bd Victor Hugo, et de la citadelle.

Cela est un fait historique incontournable depuis l’antiquité, l’obligation de présence militaire

correspond à une fonction de la ville parmi les plus anciennes. Cette fonction est la protection

contre les intrusions étrangères et les troubles internes, donc une fonction d’ordre et de sécurité

et, plus conceptuellement, une fonction de pouvoir. Peut-on imaginer une ville non protégée ?

L’histoire de l’architecture et de l’urbanisme universelle est truffée d’exemples de villes connues

pour leurs systèmes de protection : ville citadelle, de garnison, ville fortifiée, Kalaa, etc.

Revenons à cette interaction entre la ville et les bâtiments militaires. En Algérie par exemple, les

casernes ont toujours été associées à la guerre et à la répression, ce qui a pu nourrir un sentiment

de répulsion de ces édifices chez la population. Or, lors d’émeutes ou de catastrophes naturelles,

la population est bien aise de trouver aide et sécurité auprès de ces militaires sortis de ces mêmes

casernes.

Problématique

6

Une autre observation est celle de travaux que nous avons menés sur l’histoire de la ville de

Annaba, où l’emplacement de différentes casernes militaires à travers la ville pose la

problématique de la logique de leur implantation. Ainsi on trouve une caserne à la limite nord de

la vieille ville, une autre sur le port et un poste de commandement sis au Champ de Mars, et donc

une situation centrale. Or, cette dernière situation résulte de l’extension de la ville, qui a intégré

les équipements militaire lesquels, à l’origine, devaient être implantés en périphérie. D’un autre

point de vue, la taille, l’importance et le rôle de ces casernes ne nous donnent pas suffisamment

d’indications sur la logique de leur implantation.

Ce qui nous amène à rechercher cette logique dans une ville de plus grande importance, c’est-à-

dire la ville chef de région militaire et qui de plus a été une ville citadelle guerrière depuis Rome

puis ville de garnison lors de la période coloniale française : Constantine. Nous ajouterons à cela

que c’est la ville de résistance : elle a tenu un siège de sept années face à la conquête Française.

C’est d’ailleurs ce fait d’armes qui a fait de cette ville un bastion militaire durant toute la

colonisation, justifiant une implantation militaire conséquente avec toute sa logistique :

Casernes, hôpitaux, résidences militaires, infrastructures routières… Cependant, la ville de

Annaba a connu une occupation différente et avec d’autres stratégies à préciser, ce qui a pu

donner lieu à un autre type d’édification urbaine.

Ces considérations nous ramènent, en fait, à situer notre recherche dans le temps : la période

coloniale française, avec un rappel de l’ordre militaire du temps du Beylik.

Si la conquête française apparaissait dans un premier temps comme juste une expédition

militaire, et si la Monarchie de juillet n’avait pas de vue conquérante, le général Clauzel, pour

faire triompher sa politique de conquête, voulait s’emparer de la Capitale du beylik de l’Est,

Constantine où le Bey refusait toujours de reconnaître la souveraineté française. C’est ainsi que

le 13 octobre 1837, Constantine fut occupée et le dernier représentant du régime antérieur

vaincu. Ce qui conférera à Constantine, en plus de sa position géostratégique, une importance

particulière aux yeux des colonisateurs qui en feront une ville de garnison.

Tout comme la création de centres de colonisation, surtout depuis de Sénatus Consulte, allait

enclencher l’urbanisation du territoire. En effet, la conquête de l’Algérie eut pour corollaire la

colonisation du pays. La politique de colonie de peuplement était le moyen le plus efficace de

consolider la conquête et cette politique ne fut possible que par les militaires. Trois quart de

siècle ont été nécessaires aux militaires pour s’imposer en Algérie, qui furent accompagnés de

réalisations et d’interventions de tous genres.

Problématique

7

Durant cette période, la France se voit obligée de renforcer son armée pour assurer les places

prises et avancer dans sa conquête. Dans sa politique de guerre, elle est contrainte alors de

construire des bâtiments militaires pour abriter son armée et pour assurer la logistique de

conquête, ce qui se fera aussi par des interventions urbaines.

La conquête fut ainsi suivie de l’établissement du pouvoir qui d’abord fut militaire avec la

construction des infrastructures de base qui lui sont nécessaires. Ce n’est qu’en 1854 que le

pouvoir sera cédé aux civils. Mais si le pays était conquis, les révoltes ne cessèrent pas ; il fallait

donc assurer la conquête et la sécurité de la population colonisatrice. Ce qui sera matérialisé

différemment dans le temps et dans l’espace par les constructions militaires réparties dans la

ville selon la politique et les besoins du moment, mais surtout par une gestion de la ville par les

militaires avec leur logique de maintien de l’ordre et d’expansion. Les actions urbaines générées

alors, devaient impérativement répondre à l’ordre et au pouvoir militaires. La remise du pouvoir

aux civils dès 1854 à Constantine fait de ceux-ci les principaux acteurs de la production de la

ville, mais n’en amoindrit pas moins le rôle des militaires. L’on relèvera que cette remise de

pouvoir a été tardive par rapport à celle de Annaba qui s’est effectuée six années auparavant, en

1848. Ce qui laisse supposer des stratégies différentes d’une ville à une autre, et des

interventions également différentes ; Constantine ayant été de fait, plus que Annaba, une place

forte militaire et de départ des expéditions.

Il est ainsi admis que la conquête de l’Algérie ayant été militaire, les premières place fortes

conquises étaient les villes, dans lesquelles l’armée s’est installée avec sa logistique de guerre

comprenant le Génie et son savoir faire, ouï l’intervention de ce dernier sur la ville et au-delà,

pour asseoir la colonisation et préparer le peuplement.

De ce point de vue, notre problématique se pose dans les termes de l’apport et du rôle des

militaires dans la production de la ville que ce soit en matière d’édifices proprement dits et de

leur impact sur la ville, ou par leurs interventions structurelles et fonctionnelles sur cette ville ;

ces interventions allant jusqu’à la dénomination des rues et places telles que : la place

Lamoricière, Rue Damrémont, Place d’Armes ; et même encore celle d’agglomérations :

Bugeaud….

Parmi ces réalisations, celle des hôpitaux est d’une très grande importance, non seulement en

tant qu’édifices qui ont eu des impacts sur la ville autant que les casernements, mais dans les

termes de l’instauration d’un système sanitaire d’abord militaire pour des raisons propres à la

Problématique

8

logique de guerre et de conquête, qui a mis en place les bases de toute l’infrastructure de santé

qui a encore ses impacts jusqu’à nos jours.

Aussi, notre problématique englobe-t-elle les édifications militaires (casernements et hôpitaux)

dans une même logique des débuts de la conquête puis du peuplement.

A ce stade notre problématique se précise ainsi :

Quel a été le rôle des militaires français dans l’édification de la ville à un moment donné ?

C’est à dire que nous rechercherons d’abord comment les militaires ont intervenu sur la

ville avant l’institution de la municipalité et même au delà ?

Quelle est l’expression architecturale de ce pouvoir conquérant, et quels en sont les impacts

sur la ville ?

Enfin, ce questionnement est posé dans le cas de Constantine comme dans celui de Annaba,

car une comparaison pourra établir la différenciation des enjeux territoriaux de

colonisation, puis la différenciation des influences et des interventions qui mettront en

place différentes configurations urbaines puis les sens du déploiement urbain.

Autrement dit, nous aurons à répondre à une série de questions aux fins de reconnaître le rôle de

l’armée française dans ce qu’elle a entrepris pour préparer la colonisation puis de l’accompagner,

à travers les actions d’envergure du Génie.

Quels types de projets ont été élaborés et réalisés, dans quelles circonstances locales et de

« métropole » ? Quels outils juridiques en place et d’accompagnement de la conquête ont permis

ces interventions, et quels ont été les moyens techniques mis en place pour cela ? Quelles

logiques et stratégies ont été mises en place par les militaires en tant que maître d’œuvre et

maître de l’ouvrage, et quels ont été leurs choix en matière d’implantations ? Pourquoi y a-t-il eu

des percées avant les alignements ? Quelle a été la part du sanitaire dans leurs interventions ?

Enfin et surtout, quels ont été les impacts des nouvelles édifications sur l’architecture et

l’urbanisme des deux villes objet de notre recherche : destructions, transformations, ouvertures,

extensions… ? Tels sont les objectifs de notre travail.

Méthodologie

9

MÉTHODOLOGIE.

La méthodologie qu’inspirent le sujet et les questionnements émis, s’inscrit dans les processus

historiques de production de la ville. Au-delà d’un sujet sur l’architecture militaire en tant que

représentant d’un pouvoir conquérant, notre intéressement va à l’impact de cette architecture et

de ses représentations sur la ville, qui ont marqué et continuent de marquer l’urbain.

De ce fait, la méthodologie que nous nous proposons d’adopter puise dans la recherche

historique diachronique, c’est à dire à la fois générique et historique. Il s’agit, à ce niveau, de la

construction théorique du sujet, qui définisse et mette en place la notion de « Pouvoir » dans la

ville coloniale, et la place du pouvoir militaire en tant qu’acteur incontournable, du fait de sa

présence, de ses édifices et de ses réalisations de pouvoir.

S’agissant d’un pouvoir instauré par l’armée française organisée selon un mode qui lui est

particulier, nous reviendrons sur la composition et l’organisation de cette armée d’un point

historique. Puisant dans la documentation se rapportant à l’histoire universelle des armées, nous

essayerons de mettre en exergue l’évolution des armées en général et celle de la France en

particulier, dans le temps et ce depuis l’antiquité. Cette recherche sera axée sur les réalisations

spécifiques en matière de construction et d’urbanisme militaires. Nous nous référerons

particulièrement au manuels d’histoire de l’architecture se rapportant à la période romaine du fait

que le territoire conquis puis colonisé est le même et que la colonisation fut de peuplement.

L’acteur principal étant européen, une prospection dans l’histoire de l’architecture et l’urbanisme

militaire européen, depuis l’antiquité jusqu’au Moyen Âge, s’impose comme référent et acquis

technique de l’armée française.

Comme nous allons traiter aussi des réalisations sanitaires militaires, nous explorerons dans la

bibliographie, les documents relatifs à l’organisation du service de la santé dans les armées et la

prise en charge de celle-ci en matière de soins et d’équipements.

Dans la même perspective, nous aborderons l’histoire de l’armée, de l’architecture, de

l’urbanisme musulman. Cet intéressement est complété par un autre se rapportant à

l’organisation générale de l’Algérie et de la couverture sanitaire en particulier durant la régence

ottomane.

Méthodologie

10

Dans le même volet contextuel de la colonisation, une recherche bibliographique nous permettra

de voir les conditions dans lesquelles se trouvait la France du point de vue politique, militaire et

sanitaire. Cette dernière ayant connu différents régimes successifs, il importe de rechercher au

niveau des lois et règlements ceux se rapportant à la colonisation puis au peuplement.

Cette rétrospective sera parachevée par une autre se rapportant aux méthodes de conception et à

l’évolution de l’enseignement reçu par les ingénieurs du Génie en tant que maitres d’œuvres et

par celle se rapportant au domaine de la construction durant les XVIIIème et XIXème siècles.

Celles-ci nous permettront de reconstituer le contexte politique, juridique et technique des

réalisations militaires à Constantine et à Annaba.

Une recherche bibliographique se rapportant à l’histoire des villes, avant et durant la période

coloniale, permettra quand à elle de cerner le terrain d’étude du point de vue politique, social,

économique, sanitaire, urbain et architectural, puis les prédispositions de ces villes à être des

villes citadelle ou commerciale et portuaire, soit un « back ground » physique, historique,

sociologique. Ce qui revient à arrêter de façon précise les réalisations coloniales depuis la chute

des deux villes.

Les conditions sanitaires vécues par les troupes françaises lors de la conquête puis de la

colonisation, nous poussent à des investigations dans ce thème et sa prise en charge par les

dirigeants militaires. Au-delà des casernements nous nous intéresserons particulièrement aux

équipements sanitaires militaires en tant qu’outils de colonisation et à leurs impacts sur les tissus

existants. Il s’agit là de dresser un état des lieux et d’en effectuer une analyse architecturale et

urbaine, aux fins d’en déterminer l’importance et l’impact sur la ville (aujourd’hui).

Jusque là, nous nous sommes intéressées à l’impact des réalisations militaires sur la ville :

importance, fonctions, fonctionnement, structuration,…

Ce travail qui est le corps de la thèse est alors rétrospectif et puise dans la méthode historique. Il

sera nécessaire d’établir une chronologie et donc de dater les différentes réalisations afin de bien

comprendre l’évolution de la ville en relation avec la situation des équipements militaires dans

celle-ci, et surtout les conditions stratégiques et politiques de cette évolution.

Ce travail d’histoire utilisera les méthodes d’exploitation des archives, à mettre au point, d’autant

que ces archives sont variées et dispersées : les archives militaires (locales ou celles se trouvant à

Aix et à Paris), les archives de willaya (ex département de Constantine) et des municipalités.

Méthodologie

11

L’étude des archives militaires3 nous permettra de cerner l’intervention des militaires dans la

construction de la ville non point uniquement comme acteur mais encore comme entrepreneur,

comme pourvoyeur de moyens techniques et humains : le Génie militaire a en effet joué un

grand rôle dans la prise en mains de la ville, dans la préparation du peuplement et dans la

création de centres nouveaux à travers tout le territoire.

Ce travail dans son ensemble sera effectué parallèlement à l’étude cartographique où nous

utiliserons les plans des villes de Constantine et Annaba établis à différentes périodes de la

colonisation. Il sera nécessaire d’établir une chronologie et donc de dater les différentes

réalisations afin de bien comprendre le processus de production de la ville en relation avec la

situation des équipements militaires dans celle-ci, puis les réalisations civiles dans lesquelles les

militaires ont été impliqués d’une manière ou d’une autre.

Dans la pratique, notre travail se présente en quatre parties et onze chapitres.

La première partie comprend trois chapitres qui traitent de l’histoire des armées et des villes

militaires.

La deuxième partie traite du contexte géopolitique de la colonisation de l’Algérie en quatre

chapitres

La troisième partie en deux chapitres s’intéresse aux casernements et fortifications militaires et

de leurs impacts sur les villes de Annaba et de Constantine.

La quatrième partie, sur deux chapitres traitera enfin des édifications sanitaires militaires et de

leurs impacts sur les villes de Annaba et Constantine.

3 Nous avons exploité les archives des municipalités et celles d’Aix en Provence et de Vincennes, dont on trouvera

les détails en première annexe.

Première Partie Introduction

12

PREMIÈRE PARTIE

HISTORIQUE DES ARMÉES ET DES VILLES MILITAIRES

Introduction.

Afin d’aborder notre sujet d’intérêt à savoir les réalisations ou les actions, ayant eu une

influence sur le domaine de la construction et du développement des villes algériennes, des

militaires français , il convient de définir et de présenter l’armée4 et son fonctionnement.

Le terme « armée » peut désigner l'institution toute entière, regroupant tous les militaires du

pays, ou un ensemble plus restreint composé d'hommes placés sous la direction d'un

commandant militaire.

Dans ce qui suit nous insisterons notamment sur la composition, l’évolution et l’organisation des

armées d’un coté et de l’autre sur les principales édifications de ces dernières afin de bien assoir

notre analyse du processus de production militaire en milieu urbain.

Pour bien comprendre le système militaire, un aperçu historique des armées s’avère nécessaire.

On distingue quatre âges militaires déterminés par rapport à l’armement 5:

- Le premier correspond à l'époque de la guerre primitive des petites hordes ;

- Le deuxième va des civilisations protohistoriques à la Renaissance ; c'est un cycle de

plus de quatre mille ans d'évolution lente, comprenant de longs paliers d'immobilisme, et

4 Armée : forces militaires d'un pays, rassemblées, entraînées, structurées et équipées de façon à pouvoir

entreprendre des manœuvres guerrières à caractère offensif (conquête de territoire ennemi) ou défensif. Microsoft®

Encarta® 2008.

Le terme « armée » provient du bas latin armata. À l'origine, il signifie l'armement des navires, d'où le nom

espagnol armada : flotte, armée de mer. Par analogie et dérogation, on a désigné, sous le vocable d'armée, l'armée de

terre ; la marine prenant le nom de flotte de guerre, de flotte de commerce, etc. Au Moyen Âge, le terme ost

remplace celui d'armée que l'on trouve cependant dans les textes de Froissart. Dans son sens le plus général, le terme

d'armée s'applique aux moyens d'un État, d'un peuple, d'une collectivité sociale, politique, religieuse ou économique,

moyens comprenant des effectifs organisés, hiérarchisés, armés, équipés, administrés et militairement instruits ; leur

fin est d'imposer la volonté de l'autorité supérieure par la force, ou la menace de son exercice, soit à l'extérieur, soit à

l'intérieur des territoires, mouvants ou fixes, de la collectivité considérée, in Encyclopædia Universalis , version 10,

France S.A-2004, CD. 5 Paul Devautour, « Typologie historique de l’ARMEE », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-

2004.

Première Partie Introduction

13

des alternances de périodes cuirassées et non cuirassées, de périodes de cavalerie et

d'infanterie ;

- Le troisième s'étend de la Renaissance à la fin de la Seconde Guerre mondiale ; il

correspond à un nouveau stade de grandes découvertes, à l'apparition de techniques

inédites et à l'accélération de l'histoire qui s'ensuit ; il est essentiellement dynamique ;

c'est celui de l'explosif et du canon, ainsi que du moteur ;

- Le quatrième débute à la fin de la Seconde Guerre mondiale, avec l'application de

l'énergie atomique à des fins militaires.

À l'intérieur de chacun de ces âges, les armées présentent des caractères communs tels que

l’organisation, les stratégies d’attaque et de défense et les armes. Il existe cependant d'importants

décalages, selon les quatre foyers de civilisation mondiale : Moyen-Orient, Méditerranée et

Occident, Extrême-Orient, Amérique précolombienne6. Dans ce chapitre nous nous intéresserons

particulièrement à l’Armée romaine et française toutes deux conquérantes de l’Algérie. La

première servit d’exemple à la seconde dans sa stratégie d’occupation mais aussi dans l’objectif

militaire : le peuplement de l’Algérie.

6 Paul Devautour, « Typologie historique de l’ARMEE », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-

2004.

Première Partie Chapitre Premier

14

CHAPITRE PREMIER

LES ARMÉES ET LES VILLES DE L’ANTIQUITÉ À L’ÉPOQUE CONTEMPORAINE.

Introduction.

Aborder notre travail sur les réalisations militaires ne pourrait se faire sans traiter de l’évolution

de l’armée dans le temps. Les corps constituants de l’armée doivent trouver leur explication dans

l’origine du besoin de leur fonction. Suivre donc l’évolution des armées à travers le monde et les

siècles, nous permet de restituer la logique des formations militaires qui ont contribué à la

conquête de l’Algérie puis aux réalisations effectuées.

Dans ce premier chapitre nous traiterons de l’évolution des armées les plus importantes depuis

l’antiquité à nos jours. Notre intérêt va aux armées qui ont laissé un patrimoine non seulement

militaire mais aussi architectural et urbanistique témoignage de connaissances et de savoir faire :

armées chinoise, grecque, romaine, française. Ces deux dernières armées nous intéresseront en

particulier ; l’armée française, parce qu’elle est l’acteur principal de la production de l’espace

objet de notre étude et l’armée romaine parce qu’elle a précédé l’armée française sur le territoire

algérien et dans l’objectif de colonisation par peuplement.

Par ailleurs, toutes ces armées ont effectué des réalisations sur l’espace qu’elles ont occupé. Les

fortifications des villes à défendre furent leurs premiers accomplissements avec le choix

d’implantation de ces villes. S’en suivirent des formes d’urbanisation et de réalisations

architecturales certes répondant à un objectif militaire mais ayant des répercussions sur la vie

sociale ; le gymnase romain créé pour les exercices des soldats fut utilisé à des fin hygiénistes de

tous les citoyens romains ; la ville en damier grecque est encore en usage actuellement. Revoir

toutes ces réalisations nous permettra de distinguer le propre de l’apport des militaires français

sur le territoire algérien de ce qui ressort du patrimoine mondial en matière de connaissances

utilisées par l’armée.

1. Les armées et villes de l’antiquité.

C’est durant cette période que se formèrent les premières armées. Ces dernières n’eurent pas

toutes la même importance et donc ne laissèrent pas les mêmes traces sur l’espace. Hormis les

armées du premier âge militaire, les armées asiatiques, grecque et romaines sont celles qui ont le

Première Partie Chapitre Premier

15

plus laissé de traces et celles qui ont amené le plus d’innovations que ce soit dans l’organisation

des armées, l’invention des armes et armements ou dans les travaux de fortifications des édifices

purement militaires ou des villes. Nous traiterons dans ce qui suit des plus importantes d’entres

elles et de leurs réalisations.

1.1 Les premières armées correspondant au premier âge militaire.

Ni la préhistoire ni le début de notre ère n'ont connu d'armées telles qu'elles existent aujourd'hui ;

la défense ou la volonté de conquérir des terres nécessaires aux pâturages ou à la chasse

conduisait à de simples regroupements d'hommes en armes, menant des combats isolés. L'emploi

de citoyens-soldats commence avec la montée de la sédentarisation, se traduisant par la

multiplication de villages permanents dans la vallée du Tigre et de l'Euphrate, et le long du Nil.

Peut-on dire alors que le surgissement d’une armée organisée coïncide avec la sédentarisation et

l’urbanisation ?

En Mésopotamie, la création d'armées permanentes, munies d'arcs et de lances, intervient en

3200 av. J.-C. Aux environs de 2500 av. J.-C., l'introduction de chars tirés par des ânes et des

chevaux révolutionne l'art de la guerre. Au XXe siècle av. J.-C., en Égypte, Sésostris I

er entretient

une armée régulière ; il divise son royaume en trente-six provinces militaires, met en place une

milice nationale, attribue des terrains aux militaires, et utilise cette armée à des fins tant

offensives que défensives. Au milieu du VIe siècle av. J.-C., sous Cyrus le Grand, les Perses

apportent une amélioration au concept de l'armée permanente en organisant le déploiement de

troupes d'infanterie et de cavalerie, et en établissant un système disciplinaire.

1.2. Les armées et villes du deuxième âge.

Durant l’antiquité deux grandes armées se font connaître : l’armée grecque et l’armée romaine

qui, pour la première fois prend l’adjectif d’armée impériale. La première nous intéresse par la

raison que c’est en Grèce antique que nous retrouvons les premières villes militaires. Celle de

Macédoine introduit des innovations dans son organisation. L’armée romaine de par ses

qualifications ( républicaine puis impériale), puis du fait de sa conquête de l’Algérie, et du rôle

qu’elle a tenu dans l’armée française présente un intérêt particulier dans cette étude.

Bien que les armées asiatiques soient loin de notre sujet d’étude, il est intéressant de voir

brièvement leur apport dans le domaine armé.

Première Partie Chapitre Premier

16

1.2.1. Les Armées et villes asiatiques.

Le monde antique asiatique se développa loin de celui de l’ancien monde, ce qui laisserait penser

à un développement de l’armée différent, or elles se rapprochent énormément dans leur

organisation et moyens.

L’une des constructions militaires les plus connues au monde et qui devint merveille du monde

se trouve en Asie : la muraille de Chine, c’est dire l’importance de cette armée.

1.2.1.1. L’armée et les réalisations militaires de Chine.

La Chine antique bénéficie également d’un système militaire, défini par le général Sun Zi dans

son traité de stratégie militaire, l'Art de la guerre (vers 500 av. J.-C.) ; il y fait la description des

usages chinois, en termes d'armes, de système de commandement, de communications, de

discipline, de grades, de stratégie et de moyens logistiques. L’armée du premier empereur de

Chine était l’une des plus puissantes (plus de 600 000 hommes). Elle fut la première à fabriquer

en série ses armes (chaque casernement comprenait sa propre manufacture, nous lui devons aussi

la gâchette). C’est 228 ans avant Jésus Christ que la construction de la muraille de chine débuta7.

Les généraux de la dynastie Zhou installèrent des commanderies militaires le long de la Grande

Muraille, qui avait été construite par Shi Huangdi8, et qu’ils étendent, en bordure du désert de

Gobi pour protéger les grandes caravanes de marchands des incursions menées par les tribus

nomades (Xiongnu). Leurs ingénieurs construisent des routes et des canaux comparables à ceux

des Romains qui améliorent les communications et le commerce9. En dehors de la Grande

Muraille, la Chine recèle encore aujourd’hui des constructions typiquement militaires. Parmi les

plus connues la Tour de la Grue jaune et les Tulou.

La Tour de la Grue Jaune (Huáng Hè Lóu) est une pagode édifiée à Wuhan, province de Hubei.

Elle est considérée comme l'une des 3 merveilles architecturales du sud du Yangtze. La pagode

située au sommet de Sheshan (Colline du Serpent) est devenue le symbole de la ville . La tour de

5 étages initialement construite sur une place appelée "rocher de la grue jaune", s'élève à 51

mètres. Elle est couverte de 100 000 tuiles jaunes émaillées et est soutenue par 72 énormes

piliers. La Tour de la grue jaune a été reconstruite de nombreuses fois (plus de 20 fois). Le

premier bâtiment en bois a été édifié en 223, au cours de la période des Trois Royaumes (220 -

280). En raison de la position idéale, il a été construit par Sun Quan (182 - 252, le roi de Wu),

7 Le premier Empereur de Chine, un documentaire diffusé par ARTE le 31 janvier 2009 à 19h.

8 Shi Huangdi

8 : général du premier empereur de Qin.

9 « Les anciennes civilisations d’Asie », in Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.

Première Partie Chapitre Premier

17

comme tour de guet pour son armée. La construction actuelle date de 1985 et a l'apparence d'une

tour ancienne mais est faite de matériaux modernes. Au fil des siècles, sa fonction militaire a été

peu à peu oubliée10

.

Les Tulou sont les imposantes habitations, semblables à des forteresses, de la minorité chinoise

hakka. Ces bâtiments à hauts murs élevés en terre uniquement percés de fenêtre à la lisière du

toit sont des habitations traditionnelles. L'origine de ce type d'habitat communautaire remonte à

la fin du Xème siècle et servait entre autre à se défendre des agressions des autres peuples de la

région. Il n'y a qu'une seule porte dans l'enceinte qui peut atteindre plusieurs mètres d'épaisseur.

Les cloisons en briques ou en pierres empêchaient le feu de se propager dans l'ensemble du

bâtiment. Au centre d'un Toulu se trouve une cour, qui équivaut à la place du village. Les

familles vivent dans les niveaux aménagés dans le mur d'enceinte auxquels elles accèdent par des

escaliers en bois. Le rez de chaussé de ces zones d'habitat est occupé par les cuisines et la basse-

cour. Le premier étage sert de zone de stockage tandis que les derniers étages sont des chambres.

La toiture des Tulou est couverte de tuiles grises ou l'on sèche les légumes au printemps11

.

La Chine et les régions incluses dans sa sphère d’influence développèrent une haute culture

urbaine, le gouvernement central chinois utilisant les villes comme une arme administrative. Le

style d’urbanisme fut déterminé par Chang’an (aujourd’hui Xi'an), capitale des dynasties Han et

Tang. Dès la fin du VIe siècle, elle était disposée en damier et entourée par un mur de terre battue

d’une circonférence de 36,7 km avec de larges avenues (jusqu’à 155 m) allant du nord au sud et

d’est en ouest. Ce plan fut repris pour les villes de nombreux autres pays influencés par la Chine,

notamment pour la capitale impériale japonaise Heiankyo (aujourd’hui Kyoto), fondée en

794 apr. J.-C. Le développement du commerce et d’une économie monétaire en Chine sous la

dynastie Song favorisa l’essor des cités qui, pour la plupart, s’efforcèrent de reprendre le même

plan. D’autres pays d’Asie orientale (le Tibet, l’ancien empire Mongol) se sont inspirés du

modèle chinois tout en le modifiant afin de corriger sa trop grande rigidité12

.

Si cette armée ne servit pas d’exemple aux armées européennes cela est du au fait de

l’éloignement (les distances n’ont pas la même dimension qu’actuellement), mais aussi du fait

que les vestiges du tombeau de l’empereur ne firent mis à jour qu’en 1970. Par la suite, le mode

d'organisation des armées chinoises et japonaises se rapproche de celui de leurs homologues

10

www.chine-information.com/guide/chine-tour-de-la-grue-jaune.2434.html. 11

www.chine-informations.com/images/upload2/tulou.jpg. 12

« L’urbanisme en Asie », in Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.

Première Partie Chapitre Premier

18

d'Europe et du Moyen-Orient, après que l'invention asiatique des étriers (aux alentours du

IIe siècle av. J.-C.) a révolutionné la guerre à cheval, rendant les chars obsolètes. L’édifice le plus

connu reste la muraille de chine jamais égalée dans ses dimensions.

1.2.1.2. L’armée de Mongolie.

Utilisant comme base d'opérations un cercle semi-mobile constitué de chariots, le chef mongol

Gengis Khan puis ses successeurs, conduisent, au début du XIIIe siècle, la conquête d’un empire

s’étendant du désert de Gobi jusqu'au cœur de l'Europe. Accomplies avec des effectifs

relativement faibles, mais grâce à des techniques militaires très innovantes, ces conquêtes

s'appuient sur une formation élémentaire de dix mille guerriers à cheval, le touman. Les armes

spéciales incluent principalement de redoutables projectiles explosifs. Les communications se

font grâce à des pavillons de signalisation et des tambours. Les hordes mongoles vivent des

ressources du pays conquis, et leur déploiement tactique repose sur des attaques surprises

poussées sur le flanc et les arrières de l'ennemi, précédant de grands assauts de cavalerie.

En dehors de temples bouddhistes, de la Mongolie ancienne, seules les yourtes ou « Ger » et la

tente « Maikhan », sont restées. Le peuple et ses dirigeants nomades ont très peu influencé

l’urbanisation dans l’empire mongol.

1.2.2. L’armée et les villes grecques.

Sparte et Athènes ayant tour à tour eu la prépondérance en Grèce, l’organisation de leurs armées

a nécessairement servi de modèle à celles des autres républiques grecques. A Sparte, tous les

citoyens devaient le service entre vingt et soixante ans ; mais ils étaient classés d’après leur âge,

et on ne les appelait que successivement, suivant la nécessité de la conjoncture. Ainsi les

hommes de vingt à trente-cinq ans avaient seuls servi à Leuctres, mais après la bataille on appela

ceux de trente-cinq à quarante ans. Cette armée était divisée en plusieurs corps, qui se

subdivisaient eux-mêmes en plusieurs compagnies : ces cadres ne représentaient pas toutefois un

nombre fixe de soldats, et les corps aussi bien que leurs subdivisions pouvaient être plus ou

moins nombreuses suivant les circonstances13

.

13

René Ménard, La vie privée des Anciens, Tome IV : les institutions de l’Antiquité, Édit veuve A. Morel, Paris,

1880-1883.

Première Partie Chapitre Premier

19

Les cités grecques utilisent les citoyens pour former leur armée. La discipline stricte de ces

citoyens-soldats, ou hoplites, leur permet de remporter de grandes victoires, comme celles de

Marathon et de Platées pendant les guerres médiques, au Ve siècle av. J.-C. Au milieu du

VIe siècle av. J.-C., les Spartiates — peuple guerrier par excellence — inventent la phalange,

La structure de la Cité-État, caractérise la Grèce antique. La cité attique a pu expérimenter la

démocratie directe, c’est-à-dire la forme de démocratie la plus élémentaire et la plus simple à

conceptualiser. Il fallait pour cela une unité de lieu — ce qui limite la taille du territoire

couvert — et une population point trop importante (sur une population de 350 000 habitants,

seuls 40 000 hommes sont citoyens). Les grecs sont parmi les premiers à créer la ville militaire :

Sparte où tous les citoyens sont des militaires dévoués à vie à leur cité (entre vingt et soixante

ans, tous les Spartiates étaient obligés de servir comme hoplite (fantassins)). Sparte fut, en effet,

la rivale permanente d'Athènes et incarnait dans le monde grec un idéal politique opposé à la

démocratie athénienne : une société guerrière et aristocratique exaltant la force masculine et une

morale d'austérité. Elle incarnait aussi la puissance terrienne, et s'opposait à l'impérialisme

maritime d'Athènes. Toutes fois la cité militaire ne s’est pas étendue à tout l’empire grec mais

s’est catonnée à la Grèce antique à l’inverse de la ville militaire romaine14

.

À l’exception de Sparte, qui n’en eut que très tard (195 av. J.-C.), affichant que ses citoyens

lui en tenaient lieu, toutes les cités grecques eurent leurs remparts, plus ou moins développés

suivant leurs ressources : c’est souvent seulement par quelques segments de leurs modestes

murailles que les plus humbles, dont le nom même s’est perdu, se signalent encore dans le

paysage. À ces petites enceintes rustiques en pierre locale, souvent d’appareil négligé,

s’opposent les remparts en appareil à bossage des grandes cités, dont le tracé excède souvent

de beaucoup la zone urbaine pour épouser des lignes de terrain favorables, englobant un point

d’eau ou une aire de refuge pour la population rurale.

Syracuse, avec un périmètre fortifié de 27 kilomètres et 1 500 hectares de terrain non

urbanisé, et Athènes, avec les « Longs Murs » qui la relient au Pirée, fortifié même du côté de

la mer, sont à ce point de vue des cas limites. L’essor des engins balistiques amena d’une part

un renforcement de l’épaisseur des courtines15

(en moyenne de 3-4 mètres, avec, entre les

deux parements appareillés, un remplissage de moellons noyés dans un ciment très dur) et

14

« Histoire des villes », in Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. 15

Courtine : nf, partie d’un rempart située entre deux tours ou de bastions, Microsoft® Encarta® 2008.

Première Partie Chapitre Premier

20

d’autre part un développement des tours, aménagées en plates-formes de tir pourvues de

larges baies pour balistes et catapultes, ou de minces meurtrières pour les archers et les

oxybèles (lance-flèches).

Les murailles les plus anciennes, par exemples celles de Tirynthe se composaient de quartiers

à peine dégrossis, des pierres de petite dimension remplissaient les interstices que les grands

blocs avaient laissés entre eux.

On vit ensuite des pierres polygonales assemblées avec un grand soin, et parfaitement reliées

entre elles, quoique sans ciment ; mais elles étaient toujours de forme et de grandeur irrégulièr

es, quoique taillées avec une certaine précision. Les murailles de Mycènes, de Platée et de Ch

éronée nous montrent la forme la plus perfectionnée de l'appareil pélasgique. Lespierres com

mencent à prendre la forme quadrangulaire16

.

Les portes qui donnaient accès à travers ces murailles ne sont pas toutes de la même forme.Q

uelquefois elles sont ogivales comme on le voit dans la galerie de Tirynthe ou dans l’acropole

L'Arpinum, en Italie, et alors elles sont bâties en encorbellement. Dans d'autres cas, elles ont

la forme d'une pyramide tronquée, comme dans la porte de Norba, ou dans celle du

trésor des Atrides à Mycènes .L’articulation des portes, souvent avec avant-cour et tours de

flanquement, donne lieu à des dispositifs complexes où la volonté monumentale se combine

aux soucis défensifs (portes à reliefs sculptés de Thasos, porte d’Arcadie à Messène, Grande

Porte de Sidé).

Tandis qu’un espace libre d’au moins 5 mètres est laissé en arrière du rempart pour permettre

les déplacements rapides d’hommes et de matériel, certaines enceintes présentent en plaine

des terrassements avancés destinés à ralentir l’approche de l’ennemi : un fossé plus ou moins

large et profond est surplombé par une levée de terre courant au pied du rempart.

Outre le réduit défensif que constituent les remparts de la ville, les cités grecques ont très

souvent implanté des tours ou des fortins sur les confins de leur territoire : simples tours de

guet, comme dans les îles, pour prévenir les incursions des pirates ; forts gardés par une petite

garnison permanente et munis d’une enceinte de refuge pour la population rurale d’alentour.

Elles étaient parfois même de véritables places fortes (Phylè et Rhamnonte aux frontières de

l’Attique, et plus encore Eleuthère et Aegosthènes aux confins de la Béotie), qui, avec leur

16

René Ménard, La vie privée des Anciens, Tome III : le travail dans l’Antiquité, Édit veuve A. Morel, Paris, 1880-

1883.

Première Partie Chapitre Premier

21

garnison nombreuse et leur vaste périmètre, constituaient autant de points de fixation que des

envahisseurs éventuels ne pouvaient se permettre de laisser incontrôlés sur leurs arrières.

Toutes ces fortifications, qui sont la griffe de l’histoire sur le paysage grec, festonnant les

collines de leurs lignes austères, n’ont pas seulement une valeur fonctionnelle et

documentaire : le sens de la pierre qu’avaient les Grecs s’y manifeste autant que dans

l’architecture religieuse, quoique différemment17

.

L'art grec frappe l'imagination autant que la raison. L'emplacement d'une ville ou d'un tem-

ple semble choisi pour faire une décoration. Le plus souvent, c’est sur une éminence naturelle

que l’édifice déploie toute sa splendeur ; la nature et son environnement semblent faire partie

de son architecture. Athènes, Agrigente, Syracus, présentent l’exemple type d’intégration au

site. C’est la nécessité de défense qui a fait choisir l’emplacement, mais c’est le sentiment de

l’architecte qui a su opérer ce mariage18

.

L’art d’animer les parements par stries, bossages et piquetages, de souligner les angles par des

feuillures, de rythmer courtines et tours par des assises de hauteur ou de pierre différente ou

par de discrètes moulures donne à ces ouvrages une qualité esthétique dépouillée à laquelle

l’époque contemporaine est plus sensible que le XIXe siècle, qui parlait encore le langage des

ordres d’architecture religieuse19

.

1.2.3. L’armée de Macédoine.

Au IVe siècle av. J.-C., Philippe II de Macédoine établit une vaste armée permanente, dans

laquelle les phalanges sont complétées par des forces de cavalerie, et utilisent la longue pique.

Son fils, Alexandre le Grand, vainqueur de l'Empire perse, organise le premier système

d'approvisionnement militaire et met en place l'infanterie légère, qui fait le lien entre la phalange

et la cavalerie. L'utilisation d'archers, de catapultes légères, de toutes les pièces nécessaires à un

siège, l'émission de fumée et de signaux sonores à des fins tactiques, l'établissement d'un service

de soins sont autant d'améliorations apportées au système et à l'organisation militaires.

17

Bernard Holtzmann, « Architecture militaire, Grèce antique », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10,

France S.A-2004. 18

René Ménard, La vie privée des Anciens, Tome IV : les institutions de l’Antiquité, Édit veuve A. Morel, Paris,

1880-1883. 19

Pierre Vidal-Naquet, « LA GRECE ANTIQUE, Civilisation-la cité grecque », in Encyclopædia Universalis,

version 09 France S.A.-2003, CD.

Première Partie Chapitre Premier

22

L’armée de macédoine fut une armée de conquête et non de colonisation et ne nous intéresse que

par l’introduction, dans son organisation, du service d’intendance et du système de santé attaché

à l’armée. Dans ses constructions défensives elle tire ses connaissances et applications de la

Grèce. Toute fois c’est en Macédoine que l’on voit apparaitre la voûte. Elle servit notamment à

couvrir les tombeaux beaucoup plus grands que ceux des grecs. Le mode d’urbanisation de ces

derniers fut élargi à tout l’empire de l’Est grâce aux conquêtes d’Alexandre le Grand.

Ainsi la Macédoine contribua non pas à l’évolution de cette forme d’urbanisation mais à son

expansion sur des territoires plus vastes à la mesure des conquêtes réalisées.

1.2.4. L’armée Romaine.

Le génie du général carthaginois Hannibal permet à ses armées de traverser les Alpes, de la

Gaule vers la péninsule italique ; pendant la deuxième guerre punique, la marche sur Rome

rassemblant trente mille hommes, chevaux et éléphants, se solde par la défaite des Romains, à la

bataille de Cannes, en 216 av. J.-C20

.

Face à la stratégie offensive d’Hannibal, Rome oppose une armée calquée sur celle des cités

grecques : tous les citoyens de 17 à 46 ans doivent porter les armes (juniores). L'armée romaine

a atteint un point de perfection exceptionnel : peu d'États, dans le passé de l'humanité, peuvent se

vanter d'avoir disposé d'un instrument aussi efficace et aussi redoutable. Cet organe acquit assez

d'importance pour jouer un rôle essentiel dans l'histoire de l'Empire, et son influence se

manifesta également dans la vie matérielle et dans la vie spirituelle.

Nous nous intéresserons spécialement à cette dernière armée car elle fut la première à se

constituer en une armée de métier, à se doter de médecins militaires rattachés aux centurions, à

établir des campements et des casernements selon ses besoins mais aussi à s’établir en armée de

colonisation. La période romaine se subdivise en trois : la période royale qui s’étend de 753 av.

JC jusqu’à l’an 510 av. J-C, la période républicaine de 510av. J-C à l’an 27 av. J-C et l’impériale

de l’investiture de l’empereur Auguste à la chute de Rome en l’an 476. C’est durant cette

dernière période que fut remaniée l’armée et que la colonisation romaine connut son apogée21

.

C’est donc à la Rome impériale que nous nous intéresserons.

20

« Armée », in Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. 21

Raymond Bloch, « Rome et Empire Romain, les origines », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France

S.A-2004.

Première Partie Chapitre Premier

23

1.2.4.1. L’organisation de l’armée impériale romaine.

L'armée romaine a atteint un point de perfection exceptionnel : peu d'États, dans le passé de

l'humanité, peuvent se vanter d'avoir disposé d'un instrument aussi efficace et aussi redoutable.

Cet organe acquit assez d'importance pour jouer un rôle essentiel dans l'histoire de l'Empire, et

son influence se manifesta également dans la vie matérielle notamment dans l’organisation des

villes et des frontières ainsi que dans la vie spirituelle22

.

En 107 av. J.-C., le général Marius réforma profondément l'armée : tous y furent admis sans

distinction de classe pour répondre à la crise du recrutement consécutive à l'appauvrissement

généralisé des petits propriétaires latins et à l'extension de l'espace romain. Marius permit ainsi

aux prolétaires (les Romains non propriétaires) et même à certains pérégrins (étrangers) d'Italie

d'entrer dans la légion : l'engagement y étant de vingt ans, la légion se professionnalisa. C’est la

naissance de l’armée de métier.

L'armée impériale romaine fut la première grande armée de métier. Le nombre d'hommes que

l'armée Romaine entretenait était d'environ 330 000 hommes (165 000 légionnaires et 165 000

auxiliaires)23

.

1.2.4.1.1. La hiérarchie de l'armée impériale romaine.

L’armée impériale étant organisée, elle se trouve donc hiérarchisée selon les fonctions et

attributs de chacun de ses membres.

L'Empereur est le général en chef qui a sous ses ordres toutes les forces militaires composant

l'armée.

Les préfets de camps administrent les camps fixes installés sur les frontières. Chaque préfet a

donc plusieurs légions à administrer, et il commande les réserves qui demeurent au camp

pendant les combats.

Les officiers d'état-major sont les légats (général d'armée) et il y a 1 légat par légion, certains

étaient membres de la classe sénatoriale.

Pour chaque légion il y a 6 tribuns militaires (titre honorifique sous l'Empire) qui sont des

officiers supérieurs choisis par l'Empereur et 59 centurions.

Chaque centurion (officier subalterne) avait pour adjoint 1 optione (sous-officier) et un

groupe de sous-officiers (le porte-enseigne ou signifer, l'instructeur ou campidoctor, le

22

Paul Petit, Yann Le Bohec, « Rome et Empire Romain, Le Haut-Empire », in Encyclopædia Universalis, DVD

EUV10, France S.A-2004. 23

« Armées Romaines », in Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.

Première Partie Chapitre Premier

24

préposé aux subsistances ou pecuarius), l'architecte, le médecin militaire, un tesserarius

qui chaque nuit recevra le mot de passe inscrit sur une tablette (tessera), le chef de musique

et ses musiciens, des sonneurs de cor ou de trompette qui annonceront les exercices, les tours

de gardes, le réveil et l'extinction des feux.

Dans chaque cohorte, le 1er centurion, ou pilus prior, commande sa centurie et l'ensemble de

la cohorte. L'insigne des centurions est le cep de vigne. De la même manière, toute unité

auxiliaire a un chef, des centurions (dans l'infanterie) ou des décurions (dans la cavalerie)24

.

1.2.4.1.2. La légion impériale.

Les légions sont au nombre, durant le siège d’Alésia, de 12 légions, 28 sous l'Empereur Auguste

et jusqu'à 33 sous le règne de Sévère. Une légion varie de 5000 hommes à 6000 hommes répartis

dans 10 cohortes (1 cohorte = environ 600 hommes) de 6 centuries chacune (1 centurie = environ

100 hommes). Chaque homme appartient à une centurie.

Deux centuries forment une manipule, reconnaissable pendant le combat à son étendard et 6

centuries constituent une cohorte. Les cohortes sont numérotées de I à X (la 1ere étant la plus

prestigieuse). A chaque légion est attaché un corps de cavalerie d'environ 120 hommes (jusqu’à

300). Le corps d'élite est la légion.

Elle se voit adjoindre des troupes légères et mobiles recrutées dans les Provinces (les auxiliaires),

et des troupes recrutées à la frontière de l'Empire et qui conservent leurs armements et leurs

usages de combats (les numéri). Les soldats s'engagent dans la légion pour une durée de 20 ans

pour les légionnaires ou de 25 ans pour les auxiliaires. Le recrutement des légions se fait surtout

parmi les provinciaux qui, depuis Auguste, y trouvent toute une série d'avantages : solde

importante augmentée de primes diverses, une retraite et pour les soldats des auxiliaires le droit

de cité en fin de service25

.

1.2.4.1.3. Les cohortes prétoriennes.

Elles dérivent de la garde d'honneur du général et deviennent la garde personnelle de l'Empereur.

Corps d'élite formé en principe d'italiens éprouvés, les cohortes prétoriennes prendront souvent

une importance considérable dans la proclamation des Empereurs. Les effectifs varieront de

5000 soldats à 10 000 soldats qui sont répartis au sein de 10 cohortes prétoriennes. Chaque

cohorte est divisée en 10 centuries d'infanteries flanquées chacune d'une turme de cavalerie.

24

. www.unrv.com/empire.php. 25

Henri de Nanteuil, « Infanterie », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004.

www.fr.wikipedia.org/wiki/Légion_ romaine

Première Partie Chapitre Premier

25

L'encadrement est effectué par 2 préfets du prétoire, des tribuns, et des centurions assistés

d'optiones. La solde du soldat est élevée et le service n'est que de 16 ans26

.

1.2.4.1.4. Les cohortes urbaines.

Ceux sont des milices de citoyens romains pour veiller à la garde de la cité. Leur nombre est de 4

à Rome (6000 hommes), une à Lyon et une à Carthage. L'encadrement est effectué par 1 préfet

de la ville, et de 4 ou 6 tribuns. La solde du soldat est moins importante que celle des soldats des

cohortes prétoriennes et le service est de 20 ans. Les miliciens des cohortes urbaines sont

considérés comme inférieurs aux prétoriens mais supérieurs aux légionnaires27

.

1.2.4.1.5. Les cohortes de vigiles.

Ceux sont des milices composées d'esclaves puis d'affranchis pour lutter contre les incendies.

Pour faciliter le recrutement, le droit de cité est accordé aux vigiles après 6 ans de service (plus

tard 3 ans seulement). L'effectif des cohortes de vigiles est de 7000 hommes. Le nombre des

cohortes de vigiles est de 7 à Rome qui est divisée en 14 régions (chaque cohorte de vigiles

surveille 2 régions). Chaque cohorte est divisée en 7 centuries. L'encadrement est effectué par 1

préfet des vigiles, et de tribuns.

Chaque centurie comprend plusieurs sections spécialisées comme l'alimentation en eau, la

manœuvre des pompes, l'extinction des incendies au moyen de couvertures imbibées de vinaigre,

la manœuvre de matelas destinés à amortir la chute des sinistrés, ou la protection des prisons, des

magasins et des thermes28,

.

1.2.4.1.6. La cavalerie.

Au début de l'Empire, la cavalerie fut organisée en régiments ou alae de 500 hommes. Puis,

comme dans l'infanterie, des unités de 1000 hommes furent créées à la fin du 1er siècle après

J.C. Ces alae étaient divisées en turmae de 30 à 40 hommes. Chaque turma était commandée par

un décurion. Les alae étaient commandées par des préfets. La cavalerie n'était pas le fort de

l'armée romaine. Elle fut souvent battue par des ennemis possédant une meilleure force montée.

26

Joël Schmidt, « Prétoriens », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004. 27

Paul Petit, Yann Le Bohec, « Rome et Empire Romain, Le Haut-Empire », in Encyclopædia Universalis, DVD

EUV10, France S.A-2004. 28

Paul Petit, Yann Le Bohec, « Rome et Empire Romain, Le Haut-Empire », in Encyclopædia Universalis, DVD

EUV10, France S.A-2004.

www.fr.wikipedia.org/wiki/Légion_ romaine

Première Partie Chapitre Premier

26

Les Romains n'étaient pas bons cavaliers, leur cavalerie fut donc surtout composée d'alliés. La

cavalerie romaine se compose de 4 corps différents : les cohortes mixtes (1/4 de cavaliers pour

3/4 de fantassins, combattants mêlés), la cavalerie légionnaire (120 à 300 citoyens par légion), la

cavalerie des ailes (engagés volontaires citoyens et provinciaux), et les corps indigènes (unités

qui ne sont pas permanentes)29

.

1.2.4.1.7. La marine.

Le modèle du navire de guerre était la galère, un bateau à rames. Les premiers navires romains

furent des quinquirèmes (galères à 5 rangs de rames) inspirées des navires carthaginois. Une

flotte permanente est créée sous AUGUSTE qui sert à la police navale, à la protection des

convois de ravitaillements, et au convoyage des hommes et des matériels lors des expéditions

orientales, mais jamais ces flottes n'auront à livrer de batailles rangées.

Cette marine romaine comprend 8 escadres (Misène et Ravenne en Italie, Fréjus en Gaule,

Bretagne, Libye, Alexandrie, Syrie et Pont) et 3 flottilles (Rhin, Lac de Constance et Danube).

Les navires sont des vaisseaux longs (2, 3, 4, 5 ou 6 rangs de rameurs avec éperon), des navires

de transports (environ 100 hommes par bateau) et des avisos (petits navires de guerre chargés de

porter des paquets, des ordres, ou des avis).

Les Romains se sentant plus vulnérables en mer, mirent au point un dispositif pour rapprocher le

combat naval du combat de terre : le corvus, une passerelle d'abordage articulée, fixée à la proue

du bateau. Sur chaque navire, il y a un capitaine, un pilote, des décurions et des soldats. Les

rameurs sont des esclaves. On compte 300 rameurs et 120 soldats sur un bateau. Les romains

savaient construire des navires exceptionnels par leur volume, leurs qualités lors des manœuvres,

et leur armement. Les vaisseaux de guerre romains ont été les plus gros que l'Antiquité ait

connus, mais aussi les plus solides. Les navires de guerre romains étaient bien armés : un éperon

en bronze, installé sous l'étrave, permettait de détruire tout navire ennemi qui était heurté de

flanc. Sur le pont, étaient disposées des pièces d'artillerie qui projetaient des flèches ou des

pierres.

Les Romains faisaient aussi usage de projectiles inflammables. Des tours permettaient de

dominer l'ennemi au moment de l'abordage. Chaque navire recevait, en plus de son équipage, des

troupes qui pouvaient intervenir depuis le pont du navire, et qui servaient de forces de

débarquement. La flotte de guerre aura un rôle essentiel au IIIème siècle, en garantissant la

sécurité des mers, face à la recrudescence de la piraterie, et en assurant rapidement les transports

29

Paul Devautour, « Cavalerie », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004.

Première Partie Chapitre Premier

27

de troupes qui deviennent vitaux pour l'Empire. Les soldats s'engagent pour 26 ans au bout

desquels les non-citoyens reçoivent le droit de cité. Le recrutement s'effectue essentiellement

parmi les provinciaux.

Le commandement de chaque escadre revient à un praefecti (amiral) qui est souvent un

chevalier, mais il peut être aussi un affranchi. Les officiers de marine sont peu considérés. Un

commandant d'un bateau de la marine, le triérarque, est assimilé au centurion de l'armée de terre.

Tout au long du principat se mit en place un réseau de ports destinés à abriter les diverses flottes

et leurs détachements ; le dispositif adopté privilégiait l'Italie. Les deux principales escadres,

appelées « prétoriennes » à partir de l'époque des Flaviens, étaient basées l'une à Misène (pour la

Méditerranée occidentale) et l'autre à Ravenne (pour l'Orient). Et les provinces n'étaient pas

négligées : on vit se constituer les flottes de Bretagne (mer du Nord), de Germanie (Rhin), de

Pannonie et de Mésie (Danube), du Pont (mer Noire), de Syrie et d'Alexandrie. Au total,

l'Empire employait quelque quarante mille marins30

.

Ces militaires avaient pour première fonction, bien entendu, de faire la guerre. Pourtant, leur

importance dans l'Empire dépasse largement cet aspect, et ils jouaient un grand rôle dans deux

domaines majeurs, tout d'abord la vie matérielle. La présence de l'armée garantissait un

minimum de sécurité, la fameuse « paix romaine », conjoncture toujours favorable au

développement de l'économie. En outre, les opérations de surveillance menées au-delà du

« limes », souvent improprement appelées de nos jours « explorations », ouvraient de nouvelles

voies aux commerçants romains. Enfin, les routes tracées par les légions, les ponts qu'elles

construisaient étaient également utilisés par les civils31

.

1.2.4.1.8. L'armée des frontières.

Forte de deux cent cinquante à trois cent mille combattants, elle supportait le poids de la guerre.

Elle était constituée pour moitié, approximativement, par une trentaine de légions. Chacune de

ces unités d'infanterie d'élite comptait environ cinq mille hommes organisés en dix cohortes de

six centuries, sauf la première cohorte qui ne comptait que cinq centuries, mais était à effectifs

30

Claude Lepelley, « L’Histoire de la Méditerranée », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-

2004. 31

Michel Mollat Du Jourdin, « L’Histoire de la navigation », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France

S.A-2004.

Première Partie Chapitre Premier

28

doubles. C'est sur ces soldats que reposait la défense de l'Empire, et aussi ses capacités

offensives. Ils en représentaient la principale force de choc32, 33

.

1.2.4.2. Le service et rôle de l’armée.

L'armée impériale devenue permanente connait des périodes d'inactivités. On les met à profit

pour instruire les soldats et leur faire accomplir manœuvres militaires et exercices : marches,

abattages d'arbres et creusement de fossés, sports et maniement d'armes. En outre, les soldats

sont employés à des travaux aux frontières (fortifications et à « l’exploration ») et à la

construction de routes et de ponts utilisés par les civils.

Parfois, ils travaillent sur les chantiers publics et aident à élever aqueducs ou amphithéâtres. De

la sorte s'était créée tout autour de l'Empire une zone d'économie monétaire, chaque camp

représentant un marché, chaque homme étant un consommateur. Cette bande étroite se gonflait

de civils : la sécurité et l'argent liquide attiraient des paysans, des artisans, des commerçants... et

tout ce qu'il faut pour le repos du soldat.

Ainsi, auprès de chaque forteresse se créait une agglomération, simple village (canabae) ou vraie

ville ; c'est ainsi qu'est née par exemple Strasbourg. Le recrutement provoquait, surtout au 1er

siècle, des migrations accentuées par la suite par les mouvements des civils qui se dirigeaient

vers cette région de prospérité. La présence de l'armée provoquait donc en outre un phénomène

d'urbanisation34

.

La zone dynamique ainsi créée présentait un autre aspect non moins important : sa

romanisation : les soldats diffusaient la culture autour d'eux.

Le latin demeurait la seule langue de commandement possible, pour tous, même pour les soldats

des numeri ethniques, car c’était la langue des vainqueurs. L'armée fonctionnait comme une

machine à diffuser la citoyenneté : ceux qui ne la possédaient pas, les pérégrins, la recevaient

avant d'entrer dans les légions quand, en cas de besoin, on les y appelait ; ou bien alors elle leur

était octroyée vers la fin de leur temps de service quand ils avaient été enrôlés dans des unités

auxiliaires ou dans la marine, et ce bienfait s'étendait le plus souvent à la femme et aux enfants

du militaire. Le droit fait d'ailleurs partie des éléments qui constituent les mentalités collectives

32

Noureddine Harrazi, « Afrique romaine », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004. 33

Paul Devautour, « Typologie historique de l’ARMEE », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-

2004. 34

Christian J Guyonvarc’h, « Religion gallo romaine », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-

2004.

Première Partie Chapitre Premier

29

des soldats .Il se souciait des familles des militaires, de leur carrière, des officiers et de

l'empereur, et des loisirs.

Cette romanisation se retrouve dans le domaine religieux : les soldats ne privilégiaient en aucune

manière les dieux indigènes ou les divinités orientales. Comme le montrent les inscriptions et les

papyrus (« calendrier de Dura-Europos »), le panthéon honoré venait d'Italie dans une large

mesure. Ils s'attachaient d'abord, bien entendu, aux dieux militaires, Mars, Janus, les Enseignes,

la Victoire..., puis à la Triade capitoline protectrice de Rome, surtout à Jupiter. Ils se montraient

plus réservés à l'égard du culte impérial, comme faisaient d'ailleurs en général les citoyens

romains et les Italiens. Ils ne pratiquaient qu'avec parcimonie les cultes locaux ou orientaux.

Seuls les combattants des numeri, restés profondément attachés à leurs patries d'origine, faisaient

exception et se montraient plus respectueux de leurs propres traditions, plus réservés à l'égard de

la religion romaine, sauf en ce qui concerne les cérémonies officielles. Ajoutons que,

contrairement à ce qu'ont affirmé certains Pères de l'Église, en particulier Tertullien, les camps

n'étaient pas peuplés de chrétiens, surtout en Occident, mais bien plutôt de persécuteurs. En

conclusion, on voit que les soldats se faisaient les zélateurs de la tradition sous ses deux aspects,

religion et romanisation ; dans ce domaine, ils se conduisaient en conservateurs35

.

L'armée n'assurait pas seulement la défense de l'Empire. Elle y jouait aussi un rôle important

dans les principaux domaines de la vie des hommes : l'économie, la démographie, la culture, la

religion36

. Elle joua aussi un rôle très important dans l’architecture essentiellement basée à ses

débuts, sur les moyens techniques : les romains furent les premiers à développer et à généraliser

l’usage des matériaux rouges (briques et tuiles) et du ciment résistant à l’eau. Ils excellèrent dans

l’art de l’appareillage de blocs (naturels ou non) et du parement.

Mais c’est surtout la voûte (en remplacement de la charpente de bois combustible) qui

révolutionna les systèmes structurels et qui fit reculer le système grec (entablement et colonnes).

Ce sont les grands chefs militaires qi mirent de l’ordre dans l’urbanisme des villes. Vitruve était

lui-même officier du génie sous Auguste.

35

Noureddine Harrazi, op.cit. 36

Paul Petit, Yann Le Bohec, « Rome et Empire romain-le haut empire », in Encyclopædia Universalis, France S.A-

2004, CD.

Première Partie Chapitre Premier

30

La fin de l'Empire fut marquée par l'entrée de plus en plus massive des provinciaux dans la

légion : sous Auguste, plus des deux tiers des légionnaires étaient originaires d'Italie ; à la fin du

IIe siècle de notre ère, ils n'étaient plus que 9 p. 100. Durant près de huit siècles, l'armée romaine

constituée autour de la légion fut l'atout décisif de l'impérialisme romain.

2. Les armées et villes médiévales.

La chute de Rome au Ve siècle, suivie par l'invasion des peuples d'Europe du Nord, jette les

bases sur lesquelles se développe le système féodal. L’apparition de ce dernier marque la

disparition, pour plusieurs siècles, des grandes armées permanentes d'Europe.

Elles marquent la fin de la seconde période de l’histoire des armées. C’est de cette période que

reste la grande partie d’ouvrages militaires de défense. Le développement des villes durant cette

époque était étroitement lié aux systèmes de défense militaire.

2.1. Les armées et les villes du Moyen Âge en Europe.

Le système féodal repose sur le principe de défense locale : chaque seigneur ou propriétaire

dispose librement de ses propres forces, recrutées parmi ses vassaux (l’ost médiéval). En

contrepartie, chaque seigneur, ainsi que ses sujets, doit un service annuel au monarque, lequel

peut convoquer le ban de l’ost dans certaines circonstances, tels que la défense de la chrétienté

qui donne lieu aux croisades. Ainsi, des armées royales commencent à se constituer. Les

croisades révèlent le besoin fondamental d'organisation et de discipline pour la lutte contre un

ennemi commun ; il en résulte la constitution de forces importantes de fantassins.

Malgré le changement de la nature de la guerre, causé par l'apparition de la poudre à canon,

l'usage des arbalètes et d'autres armes nouvelles, c'est l'ambition du chevalier, le poussant à

s'engager individuellement dans des combats d'épée, qui diminue l'utilisation effective de l'armée

comme force unifiée37

.

Durant cette période nous assistons à l’apparition de cités que les historiens appellent les bonnes

villes : places fortes assurant la sécurité des citadins et des habitants du pays environnant, elles

doivent au souverain, en contrepartie de privilèges octroyés par ce dernier, le service

militaire comme elles le prouvent efficacement lors de la bataille de Bouvines (1214). Points

d’appui pour les structures monarchiques en plein essor, les bonnes villes — qui, de surcroît,

assurent l’entretien des murailles à partir du XIIIe siècle — sont aussi d’excellents remparts dans

37

Paul Devautour, « Typologie historique de l’ARMEE », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-

2004.

Première Partie Chapitre Premier

31

les régions frontalières, comme c’est le cas des riches cités artésiennes et normandes exposées

aux dangers flamand et anglo-normand.

Profitant de ces avantages indéniables et avec pour objectif de limiter le pouvoir des grands

féodaux, les souverains français favorisent donc, dès le règne de Philippe II Auguste (1180-

1223), le mouvement communal entrepris par les élites urbaines38

.

Au XIVe siècle, lorsque les armes à feu font leur apparition à travers toute l'Europe, des soldats

mercenaires professionnels sont recrutés par le plus offrant. Ces compagnies, dont les effectifs

vont de quelques dizaines à plusieurs milliers d’hommes, sont les précurseurs des armées

professionnelles modernes : la Garde suisse, en service aujourd'hui au Vatican, est le successeur

direct d'une compagnie de mercenaires du XVe siècle.

L’architecture militaire du moyen âge a des caractères beaucoup moins précis que l’architecture

religieuse ou civile.

Les constructions défensives ne comportent que peu d’ornementations ; c’est l’étude

des détails ornés que l’on parvient à déterminer l’âge d’un édifice.

Avant le perfectionnement de l’artillerie (découverte de la poudre), les moyens de

défense ne se sont modifiés que d’une manière assez peu sensible.

Le développement des moyens de défense s’est fait, en général, par additions des

dispositions primitives39

.

Devant cet état de fait les chercheurs, architectes ou anthropologistes se sont heurtés au problème

de datation des édifices et donc de classification. Ils se basent, en général sur la forme des arcs,

les différents appareils, les voûtes, les fenêtres, sur les écrits descriptifs, les différences entre les

constructions primitives et les additions pour faire leur analyse.

L’architecture militaire, du fait de sa solidité et de sa durée dans le temps est restée plus massive

et plus sévère que l’architecture religieuse ou civile.40

La « cité idéale » ne peut devenir réalité concrète que dans des conditions bien particulières : par

exemple, dans les installations militaires, les villes forteresses dont Vauban est le grand artisan.

38

« Bonnes villes », in Microsoft® Études 2008 [DVD]. Microsoft corporation, 2007 39

Bernard Holtzmann, « Architecture militaire, Grèce antique », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10,

France S.A-2004. 40

MM Mérimée et A Lenoir, Instructions du comité historique des arts et monuments ; architecture militaire, Édit

Imprimerie Impériale, Paris, 1837-1849.

Première Partie Chapitre Premier

32

Enfermée à l'intérieur de ses murailles, la ville moyenâgeuse a cherché à minimiser les espaces

inutilisés : les rues sont étroites, les ponts encombrés d'échoppes, et les places de taille réduite ; à

Paris, de nombreuses rues ne dépassent pas 1 à 2 mètres de largeur. Les conditions de circulation

y sont difficiles et la sécurité toute relative.

La croissance urbaine conduit la ville à sortir de ses murailles et entraîne l'apparition des

faubourgs. Très différents des banlieues du XIXe siècle, les faubourgs forment des bourgs situés

à l'extérieur des remparts, le plus souvent autour d'une abbaye ou d'un lieu de pèlerinage. Les

caractéristiques des rues médiévales sont toutefois variées : tortueuses et étroites dans les villes

anciennes, elles sont larges et droites dans les villes nouvellement construites. La ville

médiévale, si elle est caractérisée par ses remparts, voit apparaître pour la première fois un

édifice alors inconnu : la cathédrale, symbole glorieux de la puissance économique et religieuse

de la cité41

.

Fig.1 : Enceintes fortifiées de trois villes de Gaulles du IIIe et IVe siècle : Perrégaux, Senlis et

Tours ; comprenant châteaux, cathédrale et parfois amphithéâtre.

Source : Léonardo BENEVOLO42

,

L’intérêt pour l’hygiène n’étant pas encore développé, les égouts n’existent pas ; on jette les

déchets ménagers et sanitaires dans la rue. Ces détritus dégagent une odeur pestilentielle, mais ils

alimentent les animaux domestiques, dont le porc. Ces conditions créent un véritable foyer de

41

Léonardo Benevolo, « Ville (urbanisme et architecture).La ville Nouvelle », in Encyclopædia Universalis, France

S.A- 2004, CD 42

Léonardo Benevolo, Histoire de la ville, Édit Parenthèses, Marseille, 1983.

Première Partie Chapitre Premier

33

maladies, qui se développent à vive allure. Ainsi meurt-on beaucoup plus à la ville qu’à la

campagne. Cette originalité démographique explique pourquoi les villes ne doivent leur maintien

et leur croissance qu’à l’apport continu de populations en provenance des campagnes voisines.

De ce point de vue, les villes écoulent le trop-plein démographique des campagnes.

La morphologie de la ville va se transformer sous l'influence des ingénieurs militaires, et les

villes nouvelles, bâties pour leur intérêt stratégique, se situent le plus souvent dans les plaines et

possèdent des rues larges, parfois de forme radioconcentrique autour de la place d'armes. Il est

important de pouvoir y faire circuler aisément les troupes et les pièces d'artillerie. Les

perspectives monumentales, destinées à mettre en scène le pouvoir politique, président de plus en

plus à l'organisation de la ville43

.

La ville européenne n’était aussi que le fait du prince, elle se construisait à l’intérieur des

remparts autour ou à côté du château. Du fait qu’elle devait se défendre et défendre les citoyens

qui y vivaient, les villes médiévales se revêtaient d’un caractère militaire. Les maisons étaient

soudées entre elles et les monuments perdirent leur autonomie pour s’enraciner dans le tissu

urbain. Les villes se développèrent à la façon d’un palimpseste ; elles procédaient en effet d’une

accumulation sédimentaire, se reconstruisant en permanence sur elles-mêmes à la suite des

guerres ou des incendies qui les ravageaient périodiquement.

La ville médiévale, limitée par ses fortifications, progressait selon un modèle concentrique,

ajoutant à la première enceinte, historique, une deuxième enceinte de défense militaire qui

distinguait clairement l’espace ville de l’espace rural44

.

2.2. Les armées royales française et européennes.

L'Espagne est le premier pays européen moderne qui a établi une armée permanente. Au cœur de

cette armée du XVIe siècle se trouvent quatre régiments d'infanterie rassemblant 7 000 hommes

dotés d'armes à feu et de lances. Sous le roi Gustave II Adolphe, la Suède recrute une armée par

conscription pour conduire la guerre de Trente Ans. Le régiment, en tant qu'unité militaire, date

de Charles IX, Henri IV, puis Richelieu, régulariseront cette innovation organique, en y

affermissant la discipline. L'armée se démocratisera quelque peu dans son mode de recrutement.

43

Pierre Chuvin, « Ville (urbanisme et architecture) », in Encyclopædia Universalis, version 10, France S.A- 2004,

CD. 44

« Urbanisme. », in Microsoft® Études 2008 [DVD]. Microsoft Corporation, 2007.

Première Partie Chapitre Premier

34

Destinée à compenser les faiblesses du système féodal de l’ost, l’armée royale est créée par la

« grande ordonnance » de 1445.

C’est durant la guerre de Cent Ans que de Grandes Compagnies sont levées et rémunérées par un

impôt à l’origine extraordinaire, la taille. Progressivement, l’armée royale améliorera son

fonctionnement.

L’affaiblissement des armées privées des princes, du XVe au XVI

e siècle, en fait le seul

instrument de guerre lors des conflits qui opposent François Ier et Henri II à Charles Quint. Elle

est dotée d’une artillerie de plus en plus considérable.

François Ier

tente même d’en améliorer l’unité en créant une « légion » sur le modèle romain.

À partir du XVIIIe siècle, l’armée royale est organisée en régiments de soldats professionnels,

français ou étrangers (suisses, hussards, reîtres et lansquenets), recrutés par les sergents des

différents régiments. Ceux-ci, rattachés au moins par le nom à une province (le Royal-

Champagne, le Royal-Artois), sont confiés à des princes de haut lignage (comme Condé,

Turenne, Saxe) et casernés dans des citadelles fixes en temps de paix. Le roi décide de la guerre

et, jusqu’à Louis XIV au moins, de sa conduite45

.

Sous le roi Louis XIV, l'armée française se dote d'un département d'intendance chargé de

l'approvisionnement et de l'entraînement. En 1678, les effectifs permanents de l'armée française

dépassent 250 000 soldats. L'ingénieur militaire Vauban conçoit un système pour l'attaque des

places fortifiées, améliore les systèmes de défense des fortifications, et crée le premier corps

moderne d'ingénieurs. C’est à Vauban que l’on doit le premier tracé de ville.

45

« Armée », in Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.

Première Partie Chapitre Premier

35

Fig.2 : Le fort de la Rade selon le projet de Vauban à l’île d’Aix.

Source : Site web46

Entre 1667 et 1707, Vauban est l'artisan de l'amélioration des fortifications de nombreuses villes

et ports français, travaux gigantesques permis par la richesse du pays. Il révolutionne aussi bien

la défense des places fortes que leur capture47

. Il systématise les techniques de siège offensives

par l'approche à couvert via un plan complexe de tranchées, et défensives en maximisant la

couverture d'artillerie pour rendre les assauts frontaux plus complexes. Une de ses réalisations

les plus connue est la citadelle de Besançon48

.

Au milieu du XVIIème siècle, L'administration militaire a également accompli des progrès

colossaux comme dans l'approvisionnement en vivres, habillement, équipement et armements

dont la régularité est sans égal.

De fait, la France se sert de la standardisation en devenant la première armée à donner à ses

soldats les uniformes nationaux dans les années 1680 et 1690. Sous le règne de Louis XIV,

Louvois fait de la maison militaire du roi une sorte d'école de formation des futurs cadres,

officiers et sous-officiers. Il rend le port de l'uniforme militaire obligatoire et impose, de manière

administrative, un équipement uniforme de toutes les unités en matière d'armement. Il crée aussi

des milices provinciales. Entre autres innovations importantes, il instaure un système

d'avancement par ordre de tableau, permet que la Croix Saint-Louis soit attribuée au mérite et

46

www.perso.orange.fr/groupejarc/surfer/lesforts4.htm. 47

Jean Delmas, « Fortifications », in Encyclopædia Universalis, version 10, France S.A- 2004, CD. 48

Catherine Brisac, « Vauban (Sébastien de Preste, marquis de) », in Encyclopædia Universalis, version 10, France

S.A- 2004, CD.

Première Partie Chapitre Premier

36

crée l'institution de l'Hôtel des invalides, destiné à accueillir les vieux soldats et les grands

mutilés de guerre.

En Grande-Bretagne, la première armée permanente est mise en place par Cromwell en 1645 ;

elle rassemble 14 000 fantassins, 7 600 cavaliers, ainsi qu'une artillerie lourde. L'utilisation de la

baïonnette à anneau (inventée aux environs de 1689), attachée par des anneaux libres à la gueule

d'un mousquet à platine à silex, permet au duc de Marlborough, de se passer des lanciers et

d'augmenter le nombre de ses mousquetaires. Doté d'une panoplie complète, le fantassin devient

ainsi autonome49

.

Les techniques de la guerre moderne évoluent rapidement au cours du XVIIIe siècle, grâce aux

théories et aux stratagèmes du grand chef de guerre prussien, Frédéric le Grand. Sous ses ordres,

l'armée prussienne devient l'une des forces militaires les plus efficaces et les plus mobiles de

cette époque.

2.3. L’armée et les villes ottomanes.

Nous ne pouvons pas traiter de deux villes qui étaient sous la dominance ottomane (Annaba et

Constantine) sans parler de l’armée et des villes de cette époque. Près de trois siècles de présence

ottomane en Algérie ne furent certainement pas sans impact sur l’espace. L’Algérie dans son

ensemble était régie par les ottomans, c’est donc cette organisation militaire et administrative et

leur impact sur l’espace ottoman en général et algérien en particulier que nous verrons dans ce

qui suit.

L’empire (XIVe siècle-1923) est édifié par une dynastie de Turcs oghouz et qui a perduré

jusqu’au lendemain de la Première Guerre mondiale. C’est vers 1280, qu’Osman hérite de la

charge de son père Ertoğrul. En juillet 1302, il défait les Byzantins et se trouve par cette victoire

à la tête d’un émirat couvrant le nord-ouest de l’Anatolie. Pour avoir créé ce petit émirat, Osman

est reconnu comme le premier membre de la dynastie des Osmanlis (ou Ottomans).

L’événement qui ancre la puissance ottomane est la prise de Constantinople, symbole de la chute

du dernier empire issu de la splendeur romaine en 1453 (29 mai). L’ancienne capitale chrétienne

de l’Empire byzantin devient, en 1458, la capitale musulmane de l’Empire ottoman sous le nom

d’Istanbul — l’usage, cependant, conserve le nom de Constantinople jusqu’en 1923.

L’empire atteint son apogée sous le règne de Soliman le Magnifique. L’Irak vient encore

49

Roland Marx, « Grande Bretagne, Histoire de la Grande Bretagne », in Encyclopædia Universalis, version 10,

France S.A- 2004, CD.

Première Partie Chapitre Premier

37

s’ajouter à l’empire en 1534, tandis que les navires ottomans dominent la Méditerranée et les

États barbaresques d’Afrique du Nord50

.

La puissance de l’État ottoman repose sur l’armée. Les premières forces ottomanes sont

constituées par les cavaliers ghazis (spahis), motivés par leur idéal religieux et par une

rémunération tirée des terres conquises. Mais bien qu’habiles et vaillants, les ghazis ne suffisent

pas à fonder une puissante armée. Ce sont surtout les jeunes chrétiens des territoires passés sous

domination ottomane, enlevés dans leurs foyers et entraînés au métier des armes, qui confèrent

sa puissance à l’armée ottomane.

L’enlèvement est utilisé dès le règne d’Ohrhan Gazi (v. 1324-1362). Son successeur Murat Ier,

véritable fondateur de l’empire, fonde le corps d’élite des janissaires, constitué par ces esclaves,

qui vont bientôt également fournir des fonctionnaires à l’administration. La marine fut l’arme

forte de l’empire, elle domina la mer méditerranée durant des siècles.

Fig.3 :L’empire ottoman en 1683.

Source : Encyclopédie Encarta51

50

M.J.M. Bourget, « l’Algérie jusqu’à la pénétration saharienne », cahiers du centenaire de l’Algérie, Édit

Publication du comité national métropolitain du centenaire de l’Algérie, 1932. 51

« Empire ottoman », in Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.

Première Partie Chapitre Premier

38

Les janissaires commencent à se rebeller sous le règne de Murat III (1574-1595). Les révoltes se

multiplient dans l’empire, le pouvoir du sultan est de plus en plus contesté. À partir de 1622,

lorsque Osman II (1618-1622) est assassiné par les janissaires après sa déposition, l’autorité des

sultans est contestée à la fois par ceux-ci et par les vizirs, qui exercent le pouvoir de fait. En

août 1648, Ibrahim Ier (1640-1648) subit le même sort. C’est sous le règne de son successeur

Mehmet IV (1648-1687) que se termine ce que les historiens ottomans appellent la « période des

catastrophes ». Il ne cesse de décliner jusqu’à sa chute totale en 192352

.

Les grandes réalisations ottomanes sont surtouts des mosquées, palais, tombeaux, bâtiments

municipaux, des fontaines et des ouvrages d’art notamment des aqueducs. La majorité des plus

belles réalisations se situent en Turquie. L’architecte de l’empire fut surement Mimar Sinan

(1489-1578) à qui on attribue plus de trois cents réalisations53

.

Vu l’importance de l’armée les villes ottomanes étaient, à l’image des villes européennes,

entourées de remparts. Implantées sur d’anciennes cités, elles comportaient des citadelles, lieu de

casernement haut placé, qui assuraient la défense à l’intérieur des cités. Les villes militaires

telles que Mila prés de Constantine, étaient des villes de garnison protégeant les campagnes mais

aussi les grandes villes d’éventuelles attaques de l’extérieur. La population ottomane était

essentiellement constituée de militaires ou fonctionnaires.

La religion de l’empire ottoman étant l’islam, les villes sous sa dominance ont gardé l’aspect et

le cachet de villes de l’islam. Tous les éléments du bâti forment une série d’enceintes, où tous les

bâtiments s’ouvrent sur l’intérieur. Les places constituant des enceintes plus grandes, ne se

confondent pas avec les rues étroites (sept pieds de large selon la sunna) et irrégulières. Les

maisons à un étage (un autre précepte du prophète Mohamed qui préconise la discrétion, la

modération et la modestie), les palais et les mosquées constituent l’essentiel des édifices de la

ville. L’hygiène étant aussi un précepte de l’islam, les bains publics y sont nombreux.

A l’exemple des villes romaines, les maisons ont aussi leur citerne de récupération des eaux

pluviales. Si les égouts sont rares dans les villes européennes, durant la même période du VIIe au

52

« Empire ottoman », in Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. 53

Gabriel Hanotaux & Alfred Martineau, Histoire des colonies françaises et de l’expansion de la France dans le

monde, Tome 2, Algérie par Augustin Bernard, Livre Premier, Vue générale de L’Algérie jusqu’au XVIIIème siècle,

Édit Librairie Plon, Paris, Date inconnue.

Première Partie Chapitre Premier

39

XIIe siècle, ils sont présents dans les villes d’islam où la relation avec l’eau et donc avec sa

nature se revêt de l’aspect sacré (eau propre- eau sale).

Les hammams remplacent les thermes romains ; toutes les cités islamiques en comprennent

plusieurs la beauté et le nombre des hammams étaient un sujet d'orgueil pour la cité. Le

programme architectural du hammam comporte les éléments classiques :

l'apodyterium est la salle de déshabillage et de repos, communiquant avec des latrines ; il

est relié par des couloirs en chicane, plus ou moins étroits, à la partie centrale du bain qui

comprend trois salles dont la disposition et les dimensions varieront au cours des siècles ;

le frigidarium est une salle de transition non chauffée dans laquelle on se déshabille en

hiver ; ce n'est plus, comme dans l'Antiquité, la pièce principale réservée aux exercices

physiques ; la piscine et la palestre ont disparu. Il y a deux pièces chauffées, l'une tiède,

le tepidarium, l'autre chaude, le caldarium, qui sera pourvue d'exèdres utilisées pour les

soins donnés au baigneur par le personnel. Les dimensions des deux dernières pièces

dénotent une évolution des habitudes. Si la salle de déshabillage est couverte d'une

coupole surmontée d'un lanternon et reposant sur un tambour percé de fenêtres, la partie

centrale n'a aucun orifice de ventilation : la chaleur est conservée par des murs fort épais

sur lesquels reposent des voûtes ou des coupoles incrustées de culs-de-bouteille disposés

suivant un motif géométrique et permettant l'éclairage.

en annexe, une chaufferie et un dépôt de combustible. Le chauffage se fait, jusqu'au

XIIe siècle, par un circuit de distribution d'eau chaude dont les ramifications en tuyaux de

poterie encastrés sont placées dans le sol (hypocaustes) et dans les murs ; ce système sera

abandonné ensuite et remplacé par des conduites de cheminée, ce qui amènera à disposer

les pièces centrales suivant l'axe du conduit de fumée partant du foyer54,

.

La ville ottomane compacte est enfermée dans un ou plusieurs murs d’enceinte, la partageant

ainsi en différents espaces dont le plus intérieur est la médina. Le prince réside dans une zone

périphérique proche de la citadelle, protégée des émeutes éventuelles.

La porte d’entrée est souvent un édifice monumental compliqué : composé d’une porte

extérieure, d’une ou plusieurs cours intermédiaires et d’une porte intérieure. Il fonctionne

comme un vestibule pour toute la ville à l’image de la sqifa de la maison.

54

Pierre Deloncle, « La vie et les mœurs », livre XX, cahiers du centenaire de l’Algérie, Publication du comité

national métropolitain du centenaire de l’Algérie, 1932.

Nikita Elisséeff, « Hammam », in Encyclopædia Universalis, version 10, France S.A- 2004, CD.

Première Partie Chapitre Premier

40

La casbah d’Alger est considérée comme exemple d’une ville militaire de l’époque ottomane en

Algérie. Les frères Barberousse mettent un terme à l'occupation espagnole des îlots d'Alger,

rattachés depuis lors à la côte, en s'emparant de leur forteresse, le Penon (1529). Au nom du

sultan ottoman, Alger est érigée en capitale ; une citadelle et une muraille défensive sont érigées.

Tête de pont ottomane en Méditerranée occidentale, la ville fortifiée sera en outre un important

repaire de corsaires barbaresques (XVIIe XVIIIe s.). C'est dans ce contexte, à la fois militaire et

commercial, qu'Alger connaît une grande prospérité économique55

.

La Casbah (mot s'appliquant à toute la ville ancienne alors qu’il désigne la citadelle militaire)

occupe un espace triangulaire entre la citadelle, au sommet de la colline, et le front de mer. Un

réseau serré de rues et de ruelles, étroites et tortueuses, coupées d'escaliers, compose avec le

relief pentu. Il s'ouvre parfois sur des places urbaines, notamment la place Cheik Ben Badis,

centre de la ville ancienne d’Alger.

Dans la Casbah, les principes de l'architecture militaire turque se conjuguent aux traditions

architecturales mauresques et plus largement arabo méditerranéennes. Les maisons blanches, aux

toits plats surmontés de terrasses, se serrent et s'enchevêtrent tout au long de la pente. De grands

monuments, souvent ornés de boiseries sculptées et de faïences, des jardins et des fontaines

ponctuent ce paysage tout en contribuant à son intensité : la Grande Mosquée (XIe XIVe s.), la

mosquée Sidi Abd al-Rahman (XVIIIe s.), la mosquée des Ketchaoua (XVIIIe XIXe s.) et le Dar

Aziza Bent al-Bey (palais du XVIe s.) sont parmi eux56

.

Les citadelles ou casbahs existent dans la majorité des villes algériennes. Elles occupent, comme

à Alger, les hauteurs des médinas. Selon la topographie du site (donc selon leur position

géostratégique), elles peuvent se situer dans l’enceinte de la médina (cas de Constantine) ou à

l’extérieur (cas de Annaba). Ces citadelles sont d’usage exclusivement militaire, mais se

composent de bâtisses de même morphologie que les maisons urbaines. Elles se présentent à

l’identique du tissu des médinas. L’enceinte qui les sépare de ces dernières, la taille des cours

ainsi que l’origine turque de la population qui y réside, les différencient de la médina.

En dehors des fortifications, des mosquées et de quelques palais, la domination turque en Algérie

a laissé peu de réalisations comparées à celles laissées par les romains ; pourtant les durées de

55

« Algérie », in Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. 56

Ministère de l’Information, Alger, Collection Art et Culture, Édit SNED, Madrid, 1970.

Première Partie Chapitre Premier

41

leur présence sur le sol algérien sont semblables. En fait les ottomans se sont peu intéressés au

développement propre du pays, seule l’exploitation par impôts interposés leur importait.

3. L’armée française du XVIIIème siècle à nos jours.

À la fin du règne de Louis XVI, l'armée française est devenue la plus évoluée et la plus moderne

de son temps. Le règlement d'infanterie de 1791, somme des théories de Guibert, confirmées par

des manœuvres et exercices expérimentaux, sera la bible des généraux de la République, de

l'Empire et au-delà.

Cette organisation militaire solide, la Convention en héritera, malgré les désordres de la

Révolution. Forte d'une autorité sans frein et riche de toutes les ressources nationales d'un pays

prospère, elle dispose, par la réquisition, de masses, jusqu'alors inconnues, de près d'un million

d'hommes, réparties en plusieurs armées sur toutes les frontières. En 1793, le système des

divisions mixtes est appliqué :

4 demi-brigades d'infanterie (la demi-brigade est l'ancien régiment).

2 régiments de cavalerie.

1 batterie d'artillerie à 8 pièces.

En 1794, une armée en opération comprend : une avant-garde, un corps de bataille, une arrière-

garde, chaque fraction étant composée en principe de deux divisions57

.

Les armées de l'Europe coalisée contre la Révolution se modèleront sur l'image française,

comme sur celle de Frédéric, quelques décennies plus tôt. Napoléon Bonaparte, Premier consul

de la République puis empereur remanie l'armée, reconstitue en particulier une cavalerie,

subdivisée en cavalerie lourde, ou « grosse cavalerie » (cuirassiers, carabiniers), cavalerie de

ligne (dragons, chevau-légers, lanciers), cavalerie légère (chasseurs, hussards). Il rétablit les

« services », que la sage administration royale avait déjà organisés. La France du XVIIIe siècle a

inventé la division. Il inventera le « corps d'armée », échelon intermédiaire entre l'armée et les

divisions, quand elles excèdent le chiffre de quatre ou six. Cette grande unité nouvelle permet

une meilleure articulation du commandement, lorsque l'armée atteint ou dépasse 100 000

hommes, et l'exécution de missions particulières convergeant pour une action unique.

57

« Histoire militaire de la France », in www.fr.wikipedia.org/histoire_france.

Pierre Gobert, « État Major », in Encyclopædia Universalis, version 10, France S.A- 2004, CD

Catherine Brisac, « Vauban (Sébastien de Preste, marquis de) », in Encyclopædia Universalis, version 10, France

S.A- 2004, CD.

Première Partie Chapitre Premier

42

Le corps d'armée autorise le général commandant l'armée à passer avec rapidité du déploiement

étalé en colonnes de route, selon des itinéraires parallèles, aux dispositifs de combat serrés et

linéaires.

À titre d'exemple, le corps d'armée du maréchal Davout, de 1803 jusqu'au cours de la campagne

de 1806, présente les trois divisions Morand, Friand et Gudin, avec chacune deux brigades de

deux régiments d'infanterie (la division Morand étant renforcée d'un régiment supplémentaire), et

huit ou dix pièces d'artillerie, une brigade de cavalerie à trois régiments de chasseurs, une réserve

d'artillerie de seize pièces, au total vingt-six bataillons, douze escadrons, quarante-quatre canons,

à quoi s'ajoute une compagnie du génie. On sait que cette grande unité culbuta, le 14 octobre

1806, les gros de l'armée prussienne, commandée par le roi en personne et le vieux maréchal de

Brunswick, qui fut tué.

En 1812, l'invasion de la Russie, entreprise avec une armée de près de 600 000 hommes,

nécessite l'innovation d'un nouveau groupement de forces, le « groupe d'armées ».

En réalité, la France du XIXe siècle ne présente pas un effort militaire aussi harmonieux. Entre

avril 1814 et mai 1871, cinq changements de régime, quatre révolutions et un coup d'État

témoignent d'une instabilité politique dont la conséquence logique s'inscrit dans l'équivoque des

institutions militaires, avant le service national obligatoire et universel, dans les avatars de la

société militaire et les fluctuations de l'opinion à l'égard de l'armée. Afin de pallier au manque

d'engagements volontaires, les gouvernements de la Restauration et de la monarchie de Juillet

procèdent à une inscription sélective par tirage au sort. La longue durée du service, maintenant

sept ans sous les drapeaux les appelés malchanceux du contingent, trop pauvres pour se payer un

remplaçant selon la coutume, permet une armée permanente, jeune, instruite, prête à entrer

immédiatement en campagne, avec six contingents exercés, mais sans réserves organisées et

encadrées, hors la garde nationale dont la cohésion est douteuse.

Le second Empire, en instaurant le régime des rengagements, allège encore la charge du service

obligatoire, mais vieillit la troupe. La loi Niel de 1867, qui prévoit une garde nationale mobile,

n'est pas suivie d'effet. L'armée impériale de métier, mal commandée, est battue par une armée

nationale de conscription, dont les troupes sont très inférieures aux siennes. Après cette dure

leçon, le gouvernement de la IIIe République va instaurer le service militaire obligatoire, qui,

Première Partie Chapitre Premier

43

après un régime transitoire, tolérant des dispenses et des limitations de service, sera bientôt

égalitaire et universel58

.

Durant un siècle, de 1814 à 1914, l'armée française est un enjeu pour les partis politiques. De

1814 à 1851, elle demeure loyaliste à l'égard des gouvernements successifs de la Restauration, de

Louis-Philippe et de la IIe République ; en même temps elle cristallise l'attention des libéraux (la

gauche d'alors), qui caressent l'espoir de restaurer, avec elle, les libertés, et d'effacer les traités de

1815. Après les journées de juin 1848 et le coup d'État du 2 décembre 1851, boudée, puis honnie

par les républicains, elle est devenue l'égide des conservateurs. Mais le traité de Francfort et la

mutilation de la patrie réaliseront l'unité fervente des Français en vue de la revanche, jusqu'à

l'affaire Boulanger et surtout jusqu'à l'affaire Dreyfus. Divisées âprement sur l'armée, « gauche »

et « droite » retrouvent cependant l'unanimité patriotique en 1914, face à l'Allemagne.

La durée du service actif passée de cinq ans à trois ans, à deux ans, puis à trois ans de nouveau,

en 1913, est réduite, une fois de plus, après la victoire de 1918, elle s'amenuisera jusqu'à un an,

pour revenir sensiblement à ce qu'elle était en 1913, face au réarmement allemand et aux

ambitions de l'hitlérisme. Le service obligatoire se conjugue à un corps d'officiers et de sous-

officiers d'actifs, doublé d'un corps d'officiers et de sous-officiers de réserve, et à l'entretien de

troupes de métier : Légion étrangère et unités nord-africaines et coloniales. Depuis la démission

des officiers légitimistes en 1830, le corps des officiers de carrière est le plus démocratique de

toute l'Europe, l'éventail de son recrutement demeurant très ouvert. Constatation paradoxale,

sous la IIIe République, les écoles de sous-officiers élèves officiers, créées afin d'améliorer la

qualité des officiers venant de la troupe, restreignent considérablement l'admission directe à l'état

d'officier par le rang59

.

Les autres puissances européennes, à partir de 1815, adoptent des systèmes militaires qui font un

large appel à la conscription, mais le corps des officiers, émanant de la société aristocratique

traditionnelle, en forme l'ossature.

L'armée française qui fit la conquête de l'Algérie est une armée contemporaine. Ce qui nous

incite à présenter les armées proches d'elle dans le temps.

58

Louis Girard, «La Troisième République », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004. 59

Pierre Montagnon, « L’évolution de l’armée française », in www. Air & Space journal, lien : www.af.mil.com

Première Partie Chapitre Premier

44

3.1. Les armées napoléoniennes

Après la déclaration de la république et l'éclatement de la guerre en 1792, le grand nombre

d'ennemis convergeant vers les frontières françaises incite le gouvernement à adopter des

mesures radicales.

En 1792, l'ingénieur militaire Lazare Carnot institue un système de conscription

nationale, incorporant les citoyens dans des divisions associant toutes les armes

(infanterie, artillerie et cavalerie), dont le but principal est la destruction totale de

l'ennemi.

En 1798, la loi Jourdan rend obligatoire la conscription.

Les efforts pour transformer la marine en une arme puissante sous Napoléon Ier sont réduits à

néant aux batailles D'Aboukir en 1798 et de Trafalgar en 1805. Le désastre consacre la

domination britannique sur les mers du globe jusqu'à la Première Guerre mondiale60

.

La maîtrise des mers se révèle en effet un atout fondamental pour les belligérants. Outre que le

nord de l'immense empire français communique moins bien avec ses régions méridionales, c'est

tout le commerce international qui, pour la première fois, devient un enjeu. Il ne s'agit pas encore

de guerre mondiale ; cependant les colonies fournissent des matières premières (et donc

indirectement un certain poids diplomatique) aux pays qui y ont accès : le blocus continental a

ainsi beaucoup défavorisé la France. C'est dans ce contexte que la guerre de course arrive à son

apogée. Le corsaire français Robert Surcouf se couvre de gloire en harcelant les marines

marchandes et militaires anglaises, non seulement sur les mers d'Europe, mais aussi jusque dans

celles des Indes.

Le sénatus-consulte, dit Constitution de l’an XII, est adopté le 18 mai 1804. Entre

cette décision législative et le sacre du 2 décembre, Napoléon Bonaparte prend soin

de ménager l’armée, indispensable appui de son pouvoir qui, sur le plan symbolique,

a créé l’Empire.

Le 19 mai, Napoléon nomme les maréchaux d’Empire.

Napoléon s'attache d'abord à apporter des améliorations à son armée de conscrits dans le

domaine de l'artillerie. Il parvient à rassembler une armée de 200 000 à 500 000 hommes et fait

la preuve que cette force massive peut se déplacer rapidement, en prenant des routes séparées,

vivre sur des terres occupées sans dépôts fixes, et prendre l'ennemi par surprise grâce à des unités

60

« Armée », in Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.

Première Partie Chapitre Premier

45

convergentes. Pour réorganiser l’armée, rebaptisée Grande Armée, Napoléon prend l’armée

romaine comme référence.

Le premier Empire ne connaît guère que quatre années de paix au total (1808, 1809-1813). Ce

qui explique l’importance du développement de la grande armée.

La Grande Armée incorpore ainsi deux millions d’hommes de 1803 à 1815, non seulement des

Français, mais aussi des recrues des pays conquis, encore un point commun avec l’armée

impériale romaine. Vu sa taille, l’intendance de l’armée, confiée à Pierre Bruno Daru, devient un

élément central dans la stratégie impériale. Sous l’empire, la France s’étend sur

130 départements, des Bouches de l’Elbe au Tibre61

.

Sous le Second Empire, les forces françaises sont engagées à plusieurs reprises durant cette

période avec des fortunes diverses ; la guerre de Crimée voit les anciens adversaires français et

britannique, alliés à l'empire Ottoman, vaincre la Russie impériale. C'est finalement la guerre

franco-allemande de 1870, mal préparée par la France, qui sonne le glas du Second Empire62

.

À partir de 1882, le « Directeur de l'Infanterie », le « général-revanche » Georges Boulanger qui

deviendra par la suite ministre de la Guerre établit des réformes militaires d'envergure comme

l'adoption du fusil Lebel modèle 1886 et de nombreuses réorganisations.

L'augmentation de la taille des armées rend essentielle la gestion des déplacements sur de

longues distances. Les Prussiens utilisent les nouvelles voies de chemin de fer pour le transport

de leurs forces armées, annonçant la planification globale, et le général prussien Von Scharnhorst

développe la notion d'état-major se consacrant à la direction des opérations militaires. La

production en masse d'armes et de munitions débute au XIXe siècle. Elle est suivie par le

développement de l'aviation, des véhicules motorisés et de la communication par radio63

.

3.2. Les armées contemporaines.

Les troubles politiques qu’ont connus les pays européens durant les XIXème et XXème siècles

ont beaucoup influencé le développement des armées grâce à la course à l’armement et à

l’évolution de ce dernier. Aussi traiter des armées contemporaines, induit nécessairement l’étude

des guerres, de l’évolution des armements et de leurs conséquences sur les armées. La

61

Jean Tulard, « Premier Empire, 1804-1814», in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004. 62

Roger Dufraise, « Napoléon », Presses universitaires de France, Collection « Que sais-je ?», Paris, 1998. 63

Armel Marin, « Boulangisme », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004.

Première Partie Chapitre Premier

46

technologie ayant son importance dans la production des armes, la révolution industrielle eut des

suites directes sur le développement des armes et donc des armées dans leur constitution.

3.2.1. : Les guerres et le développement des armées.

En 1914, la mitrailleuse est devenue l'arme principale utilisée sur les champs de bataille,

interdisant les déplacements libres, et obligeant l'infanterie à adopter une stratégie de guerre des

tranchées. Les manœuvres d'assaut — les envois de bombes et d'obus sur les positions adverses,

les attaques massives à la baïonnette — ne parviennent pas à enfoncer les défenses ennemies.

Les troupes à cheval sont finalement remplacées par le char d'assaut, qui apparaît lors de la

Première Guerre mondiale, mais trop tard pour influer sur son déroulement.

Les chars de combat sont le fruit de cette guerre, l'aviation militaire (reconnaissance aérienne,

bombardements de position et combats aériens) et les armes chimiques, comme le gaz moutarde,

y sont pour la première fois utilisés massivement. Le lance-flamme, lui, est utilisé de manière

expérimentale.

Le développement de l'aviation se fait par une course aux records pour prendre l'avantage sur

l'ennemi, l'armement est amélioré avec les premières mitrailleuses synchronisées avec les

hélices. Le parachute fait son apparition. Au sol, les aérodromes sont de plus en plus nombreux

et l'avion est fabriqué en série. L'artillerie de campagne, très versatile, a vu son utilisation

étendue pendant la guerre, et sera même utilisée pendant la Seconde Guerre mondiale64

.

La Seconde Guerre mondiale est marquée par le retour de la mobilité ; l'invasion de la Pologne

(blitzkrieg) est réalisée grâce au déferlement de tanks et d'avions allemands sur ses lignes de

défense, ce qui permet à l'infanterie de s'engager en profondeur dans le territoire ennemi. Les

armées effectuent de grands déplacements et sont utilisées dans de vastes opérations aériennes

(parachutages), dont la plus importante est l'atterrissage de trois divisions parachutistes alliées

derrière les lignes allemandes, pour s'emparer de ponts situés sur le Rhin.

3.2.2. L’Armée française contemporaine.

L'armée française en 1940 comptait près de 5 millions d'hommes mobilisés et encadrés par

120 000 officiers. L'armée de terre déployait de la Suisse à la mer du Nord 2 240 000

combattants groupés en 94 divisions dont 20 d'active et 74 de réservistes auquel s'ajoute l'armée

des Alpes à proximité de l'Italie et 600 000 hommes dispersés dans l'empire colonial français.

64

Pierre Montagnon, « L’évolution de l’armée française », in www. Air & Space journal, lien : www.af.mil.com

Première Partie Chapitre Premier

47

Cependant, les tactiques utilisées remontant à la guerre de position sont désuètes et des

évolutions stratégiques dans l'utilisation des blindés (Au contraire de l'Allemagne, la France

utilise à l'époque ses chars d'assaut en soutien des unités d'infanterie, alors que les allemands,

suivant en cela les thèses de Guaderian, rassemblent leurs blindés en grandes unités permettant

de prendre l'avantage localement). L'armée française est écrasée lors de la bataille de France où

elle ne peut faire face à la machine de guerre allemande, ni surtout à sa stratégie de Blitzkrieg.

Les développements dans l'aviation permettent d'attaquer plus loin que la ligne de front : les

bombardements massifs aériens ne visent plus directement les positions adverses mais attaquent

les moyens de productions (usines) ou les voies logistiques adverses (ponts, lignes de chemin de

fer)65

.

L'armistice de Rethondes ne laisse au nouveau régime de Vichy qu'une armée croupion de

100 000 hommes.

L'opération Torch qui voit le débarquement des forces alliées en Afrique du Nord française

permet, à partir du 8 novembre1942, à l'armée d'Afrique de rentrer dans le combat. L'armée

française participe aussitôt à la campagne de Tunisie puis à l'invasion de l'Italie à partir de 1943.

La marine nationale française au 1er juillet 1939 avait l'une des plus belles flottes de son histoire.

Elle était alors composée de 176 navires de guerre d'un tonnage global de 554 422 tonnes. La

majorité de ses navires étaient modernes mais elle ne disposait que d'un porte-avions et d'un

transport d’hydravions et avaient des manques en matière de lutte anti-aérienne.

Elle est sortie quasiment intacte de la défaite de 1940. Mais en 1941, les anglais attaquent la

flotte à Mers El Kebir et en détruit la moitié par crainte du danger potentiel qu'elle représentait.

Le débarquement allié du 6 juin 1944 constitue la plus grande invasion amphibie de tous les

temps. En mai 1945, 1 300 000 hommes étaient sous les drapeaux suite à une nouvelle

mobilisation.

3.2.2.1. L’organisation de l’armée française.

Afin de bien comprendre les impactes de l’armée et en dehors du contexte de guerre, il est

nécessaire de connaitre la composition de celle-ci et le rôle de chacun de ses composants. Il est

tout aussi utile de voir leur évolution dans le temps puisque l’armée française est reste plus d’un

siècle en Algérie ; l’armée qui a conquis l’Algérie est bien différente de celle qui a perdu la

65

Paul Devautour, « Typologie historique de l’ARMEE », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-

2004.

Première Partie Chapitre Premier

48

guerre de libération. C’est dans cette optique que nous allons détailler l’organisation de l’armée

française.

3.2.2.1.1. L’armée de terre66

.

Actuellement, l’organisation territoriale militaire comprend cinq grandes « régions terre » qui ont

leurs états-majors respectifs à Rennes (Région terre nord-ouest), Bordeaux (Région terre sud-

ouest), Lyon (Région terre sud est), Metz (Région terre nord-est) et Paris (Région terre Ile-de-

France).

Pour sa part, l’organisation du commandement des forces comprend :

le commandement de la force d’action terrestre (CFAT) basé à Lille,

le commandement de la force logistique terrestre (CFLT) basé à Montlhéry,

le corps européen (l’Euro for)

le commandement des forces spéciales terre (CFST).

Le CFAT a pour mission d’assurer la préparation opérationnelle des états-majors et des forces

terrestres « projetables » et d’être en mesure de mettre sur pied, pour une opération majeure, un

PC de corps d’armée de classe OTAN ou un PC de théâtre multinational. Le CFAT comprend

quatre état-major de Force (EMF), des brigades (8 brigades interarmes comprenant chacune entre

4 et 7 régiments, 1 brigade aéromobile, 4 brigades d’appuis spécialisés, 1 brigade franco-

allemande).

Le CFLT pour sa part comprend deux brigades logistiques. Sa mission est de conduire le soutien

opérationnel de toutes les actions menées par les forces, en toutes circonstances et en tous lieux.

La loi de programmation prévoit les effectifs suivants en fin de restructuration : 16 000 officiers,

50 000 sous-officiers, 66 500 militaires du rang engagés, 5 500 volontaires, soit un total de

138 000 hommes. Par ailleurs, l’armée de terre comprendra 34 000 personnels civils et

30 000 réservistes67

.

66

Armée de terre : ensemble des forces terrestres qui, en France, ont pour mission d’assurer la sécurité de la

population, la préservation de l’intégrité du territoire national contre toute agression extérieure armée et de participer

à toute intervention extérieure qui leur est éventuellement assignée par les pouvoirs publics. Cette mission s’exerce

en coopération avec les autres armées (marine nationale, armée de l’air et gendarmerie) et en complément des

moyens nucléaires stratégiques et préstratégiques, in Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft

Corporation. 67

www.servicehistorique.sga.defense.gouv.fr.

Première Partie Chapitre Premier

49

3.2.2.1.2. La marine68

.

Les historiens font souvent remonter au cardinal Richelieu la création de la marine française en

tant qu’institution. Pourtant, la France a déjà eu, sous Charles V (1364-1380), une flotte de

guerre. Jean de Vienne (1341-1396) en est la principale figure : amiral de France, chef de guerre

et brillant administrateur, il organise les constructions navales au Clos des Galées à Rouen.

Il faut attendre le XVIIe siècle pour assister à l’émergence d’une véritable marine royale. C’est le

cardinal de Richelieu qui prend l’initiative de construire le port de Brest et d’agrandir ceux de

Toulon et du Havre. Il développe également la Royale, qui prend souvent le dessus dans ses

combats navals contre l’Espagne.

A la mort du cardinal, Colbert, secrétaire d’Etat à la Marine, développe les forces navales et crée

en 1670 le corps des gardes de la marine, qui préfigure le corps des officiers de la marine tel

qu’il existe actuellement. Il crée également les garde-côtes chargés d’assurer la défense du

littoral et le service hydrographique. La marine française remporte dès lors d’importantes

victoires face à l’Angleterre, la Hollande et l’Espagne.

La Révolution met toutefois un terme à cette réorganisation. En 1832, un inventeur français,

Frédéric Sauvage, a l’idée d’utiliser une hélice pour la propulsion des navires mais c’est

Augustin Normand qui la met en pratique en substituant une hélice à trois pales à l’hélice à

spirale entière qui était préconisée. Dans le même temps, Henri Dupuy de Lôme construit le

premier vaisseau de guerre à vapeur (le Napoléon) en 1848-1852 puis le premier cuirassier (la

Gloire) en 1858-1859, offrant ainsi à Napoléon III la marine de guerre la plus moderne de

l’époque. En 1888, l’ingénieur français Gustave Zédé établit les plans du premier sous-marin

français, le Gymnote69

.

La Marine nationale française exerce son action dans les quatre grands domaines que sont la

dissuasion, la prévention, la projection et la protection. Elle comprend deux commandements :

Le commandement des unités de la Marine nationale s’exerce à travers deux chaînes

distinctes : le commandement organique et le commandement opérationnel.

Le commandement organique est chargé de la préparation des forces maritimes à

leurs missions. Ce commandement comprend :

68

Marine nationale : ensemble des forces navales et aéronavales de la Défense, in Microsoft ® Encarta ® 2009. ©

1993-2008 Microsoft Corporation. 69

Michel Mollat du Joudin, « Histoire de la Marine », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-

2004.

Première Partie Chapitre Premier

50

• la Force d’action navale (FAN), qui regroupe la totalité des bâtiments de surface

que l’on peut classer en sept grandes catégories : le groupe aéronaval ; le groupe

amphibie; les frégates qui assurent la protection des groupes dans le domaine anti-aérien

et anti-sous-marins ; les bâtiments de soutien ; les bâtiments de guerre des mines ; les

bâtiments de souveraineté (frégates de surveillance) ; les bâtiments de service public.

• la Force océanique stratégique (FOST), qui est la composante principale de la

force nucléaire stratégique. Elle comprend les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins

(SNLE), le sous-marin nucléaire nouvelle génération (SLE / NG), les sous-marins

d’attaque à propulsion nucléaire (SNA) et les sous-marins d’attaque à propulsion Diesel

(SMD) ;

• l’aviation navale composée de tous les aéronefs en service dans la marine :

avions et hélicoptères embarqués, avions de patrouille maritime, de surveillance,

d’entraînement et de liaison ;

• les fusiliers marins et les commandos destinés à participer à la protection des

installations sensibles de la marine, aux opérations maritimes et aux opérations spéciales ;

• la gendarmerie maritime, unité spécialisée de la gendarmerie nationale, mais

placée sous les ordres du chef d’état-major de la marine pour emploi ;

• le commandement opérationnel responsable de l’emploi des forces sur des zones

maritimes réparties sur l’ensemble des mers et océans70

.

3.2.2.1.3. L’Armée de l’air71

.

L’histoire de l’armée de l’air débute dès 1794, avec la création de l’aérostation. Confiée à ses

débuts aux sapeurs du génie, c’est bien plus tard, en 1910, que l’aviation militaire est confiée à

l’inspection permanente de l’aéronautique militaire. La lutte pour la maîtrise de l’air commence

en 1916. En 1918 est créée la division aérienne regroupant 600 avions de chasse et de

bombardement sous l’autorité d’un seul chef. L’aviation militaire compte alors près de

12 000 appareils, incluant les escadrilles de l’intérieur, celles du front de l’ouest et celles basées

outre-mer.

La loi du 8 décembre 1922 donne officiellement à l’aéronautique militaire le statut d’une arme à

part entière. Cependant, les grands chefs de l’armée et de la marine sont hostiles à l’idée d’une

70

www.servicehistorique.sga.defense.gouv.fr. 71

Armée de l'air : ensemble des forces aériennes participant à la défense d’un pays, in Microsoft ® Encarta ® 2009.

© 1993-2008 Microsoft Corporation.

Première Partie Chapitre Premier

51

armée de l’air autonome. On ne parle alors que de forces aériennes de terre et de forces aériennes

de mer. Ce n’est que le 1er avril 1933 qu’est utilisée pour la première fois dans un décret

l’expression « armée de l’air ». La mission de la nouvelle armée est ainsi définie : elle doit

« participer aux opérations aériennes, aux opérations combinées avec les armées de terre et de

mer et à la défense aérienne du territoire ».

La loi du 2 juillet 1934 fixe quant à elle « l’organisation de l’armée de l’air », découpant le

territoire national en cinq régions aériennes. Les principales bases, dont la première est créée en

1933, sont Metz, Dijon, Nancy, Châteauroux, Lyon, Tours, Pau, le Bourget, Reims et Chartres72

.

Différents décrets promulgués en 1953 et 1954 redéfinissent l’organisation de l’armée de l’air.

Au début des années soixante, il existe sept grands commandements spécialisés :

• le commandement des forces aériennes stratégiques (FAS) ;

• le commandement de la force aérienne tactique (FATAC) ;

• le commandement de la défense aérienne (DA) ;

• le commandement du transport aérien militaire (COTAM) ;

• le commandement des écoles de l’armée de l’air (CEAA) ;

• le commandement des transmissions de l’armée de l’air (CTAA) ;

• le commandement du génie de l’air.

L’armée de l’air comprend un état-major et deux commandements opérationnels. Ces

commandements opérationnels sont responsables de l’emploi des forces.

Le commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA) est

chargé d’une part d’assurer les missions de défense aérienne et d’autre part de la

planification des opérations aériennes et de leur conduite lorsqu’elles se déroulent au-

dessus et à partir du territoire national ;

Le commandement des forces aériennes stratégiques (CFAS) met en œuvre la

composante aéroportée de la force de dissuasion.

L’armée de l’air dispose également de cinq commandements spécialisés :

72

Alain Bru, « Armes et Armements- Histoire des armements », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France

S.A-2004.

Première Partie Chapitre Premier

52

le commandement de la force aérienne de combat, qui regroupe l’ensemble des

moyens aériens conventionnels de combat de l’armée de l’air ;

le commandement de la force aérienne de combat, qui regroupe l’ensemble des

moyens aériens conventionnels de combat de l’armée de l’air ;

le commandement de la force aérienne de projection qui est chargé de projeter et de

déployer les hommes et le matériel nécessaires aux opérations par aérolargage ou

aéroportage d’assaut, mais également d’assurer des missions de ravitaillement en vol

et de prendre en compte les missions de recherche et de sauvetage au combat

(recherche et récupération d’équipages d’avions abattus en zone hostile). En temps de

paix, le commandement de la force aérienne de projection intervient dans des

missions de service public telles que des évacuations sanitaires, des recherches de

personnes, des sauvetages ou des missions humanitaires en France ou dans le monde ;

le commandement air des systèmes de surveillance, d’information et de

communication qui a pour mission la surveillance de l’espace aérien, le contrôle de la

circulation aérienne opérationnelle et la coordination avec la circulation aérienne

civile, la défense sol-air et l’opposition aux intrusions aériennes, ainsi que l’appui

électronique aux forces aériennes ;

le commandement des écoles de l’armée de l’air qui est responsable de la formation

initiale et de la formation continue des personnels de l’armée de l’air ;

le commandement des fusiliers commandos de l’air qui assure la protection et la

défense des points sensibles de l’armée de l’air73

.

3.2.2.1.4. La gendarmerie74

.

Initialement chargée de missions de police et de justice en vue de contrôler les gens de guerre

débandés et pillards, la maréchaussée, efficace et redoutée, se voit confier en 1536 par

François Ier

, la connaissance des « crimes et délits de grands chemins », que leur auteur soit civil

ou militaire.

L’implantation territoriale, commencée sous le régime de Charles VII, est parachevée en 1720

par Louis XV, qui répartit les effectifs dans des petites brigades

73

www.servicehistorique.sga.defense.gouv.fr. 74

Gendarmerie : Force militaire dont la mission est de veiller à la sûreté publique, d’assurer le maintien de l’ordre et

l’exécution des lois, in Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.

Première Partie Chapitre Premier

53

Au moment où la Révolution fait table rase des institutions de la monarchie, la maréchaussée

connaît un soutien populaire qui s’exprime dans les cahiers de doléances. Considérée par les

citoyens comme « le corps le plus utile à la nation », elle doit néanmoins, pour survivre,

abandonner ses missions juridictionnelles incompatibles, en raison de la séparation des pouvoirs,

avec celles dévolues à l’exécutif. Sous l’appellation « gendarmerie nationale », elle est organisée

par la loi de germinal an VI qui constitue la nouvelle base juridique de son action.

Malgré les bouleversements qui marquent le XIXe siècle, la gendarmerie demeure en s’adaptant

à l’évolution économique, sociale et administrative de la nation. Le décret du 20 mai 1903,

modifié depuis (décret N° : 2000-560 du 21 juin 2000 portant organisation générale de la

gendarmerie nationale), réglemente ses missions, codifie ses principes d’action et définit les

rapports qu’elle doit entretenir avec les représentants des pouvoirs constitutionnels75

.

En dehors de ses missions civiles et dans le domaine de la défense militaire, la gendarmerie

participe à la protection des points sensibles présentant un intérêt vital pour la nation. Elle exerce

le contrôle gouvernemental de l’armement nucléaire et assure l’escorte des convois d’armes

nucléaires. Enfin, elle accompagne les forces armées stationnées à l’étranger et en opérations par

la mise en place de détachements de gendarmerie prévôtale. Elle joue un rôle majeur dans le

renseignement de défense, la sûreté des forces, et la circulation routière de défense76

.

La gendarmerie nationale est subordonnée au ministre de la Défense qui dispose de la direction

générale de la gendarmerie nationale et de l’inspection générale de la gendarmerie.

La gendarmerie départementale (reconnaissable à ses galons de couleur argent) est en contact

direct avec la population. Répartie en brigades sur l’ensemble du territoire, dans les quartiers, les

villes et les villages, la gendarmerie départementale est une force de proximité en charge de la

sécurité.

La gendarmerie départementale dispose d’unités spécialisées :

• Les unités de recherches qui se consacrent exclusivement à la police judiciaire ;

• Les pelotons de surveillance et d’intervention, implantés dans les zones les plus

sensibles ;

• Les unités de police de la route, chargées de la surveillance du réseau routier.

• Les unités de montagnes, qui effectuent des missions de surveillance et de secours dans

les principaux massifs de l’Hexagone ;

75

Paul Devautour, « Cavalerie », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004. 76

« Armée de Terre », in Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.

Première Partie Chapitre Premier

54

• Les sections aériennes, équipées d’hélicoptères afin d’apporter ponctuellement un

soutien à d’autres unités dans l’exercice de leurs missions (secours, recherche de

personnes disparues et de criminels, etc.).

La gendarmerie mobile est une force essentiellement destinée à assurer le maintien de l’ordre

public.

Enfin, la gendarmerie nationale dispose de formations spécialisées :

• la garde républicaine qui a pour vocation première d’assurer les missions de sécurité et

des services d’honneur au profit des instances gouvernementales et des hautes autorités

de l’État ;

• La gendarmerie maritime qui assure l’ordre et la sécurité dans les ports militaires, les

arsenaux, les établissements et les bases ;

• La gendarmerie des transports aériens, qui assure la sûreté des aérodromes civils les

plus importants et veille au respect de la législation aéronautique. Elle procède aux

enquêtes judiciaires en matière d’accidents d’aéronefs ;

• La gendarmerie de l’armement qui assure la sécurité des établissements relevant de la

délégation générale pour l’armement ;

• Le groupement de sécurité et d’intervention de la gendarmerie nationale, qui regroupe le

GIGN (Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale), l’EPIGN (Escadrons

parachutistes d’intervention de la gendarmerie nationale) et le GSPR (Groupe de sécurité

de la présidence de la République)77

.

3.2.2.2. Les services communs.

Ensembles de services de gestions et d’administration de l’armée française. Ils comprennent des

militaires mais aussi des civils.

Ils comprennent :

Délégation générale pour l'armement (DGA) ;

Secrétariat général pour l'administration (SGA) ;

État-major des armées (EMA) ;

Service de santé des armées ;

Délégation aux affaires stratégiques ;

Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) ;

77

www.servicehistorique.gendarmerie.defense.gouv.fr.

Première Partie Chapitre Premier

55

Établissement de communication et de production audiovisuelle de la défense

(ECPAD) ;

Conseil supérieur de la réserve militaire (CSRM)78

.

3.2.2.3. Le Génie militaire.

Le Génie militaire est une arme spécialisée dans l’art des fortifications, la construction

d’ouvrages d’art militaire, l’entretien des bâtiments appartenant aux armées et l’aménagement du

terrain. Le génie terrestre, maritime ou aérien désigne également les spécialistes de ces

techniques et les unités qui les mettent en œuvre. C’est l’une des plus anciennes spécialités

militaires. Arme de l’aménagement du terrain, spécialiste de la conception et de la réalisation des

infrastructures des armées, le génie militaire vient tout droit de la première urgence qui s’est

imposée pour la survie de l’homme : aménager le site, construire pour s’abriter, se protéger ou

attaquer. L’abri, la motte, le donjon de pierre, le château fort précéderont les enceintes des villes,

puis le bastion qui transformera pour des siècles le visage des fortifications.

Il est difficile de dater précisément l’origine du génie militaire. Les Britanniques considèrent que

le fondateur du génie de leur pays est l’évêque Gundolf, chef des ingénieurs de Guillaume le

Conquérant (roi d’Angleterre de 1066 à 1087) qui construisit la tour Blanche de la Tour de

Londres, le château de Rochester (Kent) et agrandit la cathédrale de cette ville. Cependant, le

Corps royal du génie britannique ne sera créé officiellement qu’en 1716 par George Ier.

En Allemagne, la première unité du génie apparaît en 1642 en Prusse, sous le règne de

Frédéric II.

En France, certains historiens se réfèrent au règne de Charles VII et à l’esquisse en 1445

d’une organisation relative à l’inspection des fortifications. D’autres situent les origines du

génie un peu plus tard, à l’époque de Henri IV, lorsque Sully, déjà surintendant des Finances,

prend en 1606 le titre de surintendant des Fortifications. Mais ce n’est qu’en 1690 que le

marquis de Vauban crée le Corps royal des ingénieurs militaires. Cette date fixe l’origine de

l’arme du génie militaire français. À la fois ingénieur, stratège et réformateur, Vauban

personnifie la polyvalence et la modernité de l’arme.

Les ingénieurs militaires payeront un lourd tribut au combat. Vauban imposera à ces martyrs

de l’infanterie la lourde cuirasse et le pot-en-tête qui demeurent encore aujourd’hui les signes

distinctifs de tous les sapeurs. Il instaure une nouvelle méthode de fortification : le front

78

www.servicehistorique.sga.defense.gouv.fr.

Première Partie Chapitre Premier

56

bastionné, selon le principe des « trois systèmes ». Pour défendre la place en profondeur, il

détache au devant des courtines, des demi-lunes (ouvrage fortifié en forme de demi-lune) et

des tenailles (premier système). Ce principe de fortification est amélioré par un bastion

détaché en avant de la fortification (deuxième système). Le troisième système, quant à lui, se

caractérise par une demi-lune renforcée par un réduit (petit ouvrage fortifié à l’intérieur d’un

autre). Pour défendre les côtes, Vauban implante, en avant des lieux à défendre, de petits forts

semi-circulaires adaptés au tir rasant sur l’eau.

En Espagne, le génie est créé par décret royal en 1711. Il est essentiellement constitué

d’ouvriers civils et de personnels issus de l’artillerie. Ce n’est toutefois que le 15 mars 1802

seulement que la Constitution du Corps royal du génie est approuvée et le 14 mars 1803 que

le premier régiment du Corps royal du génie est créé.

Le génie jouera un rôle capital pendant la guerre d’indépendance américaine. Un sapeur

français, le général Du Portail, issu de la première école du génie – l’École royale de

Mézières (Ardennes) fondée en 1748 ( qui permet de donner aux officiers du génie une

formation homogène, adaptée aux besoins de l’armée)- sera chargé par le général Washington

de l’organisation du génie américain.

Le 11 mars 1779, le Congrès américain crée le Corps du génie avec Du Portail comme

premier commandant. L’actuel insigne du génie américain comporte toujours la devise des

ingénieurs français « Essayons ». Par la suite, de nombreux ingénieurs français contribueront

à l’organisation de l’infrastructure des États-Unis. Pierre Charles L’Enfant (major du génie

américain) réalise les plans de la ville de Washington et Alexandre Berthier sera chargé de

l’infrastructure du port de New York. Plus tard, en 1822, le général Simon Bernard, qui sera

surnommé le « Vauban du Nouveau Monde », fortifie la côte est des États-Unis et construit

en particulier Fort Monroe, à l’entrée de la baie de Chesapeake en Virginie.

Héritiers du corps des savants et ingénieurs qui ont valu au génie militaire l’appellation d’« arme

savante », les sapeurs ont conduit les premières applications des techniques nouvelles. Ainsi le

génie crée l’aérostation militaire qui donnera naissance à l’armée de l’air. Il crée les premières

unités de chemin de fer. Les frères Chappe, officiers du génie, conduisent les premières études

Première Partie Chapitre Premier

57

sur la télégraphie aérienne. La première unité de « sapeurs télégraphistes » est créée en 1875.

C’est aussi au génie que l’on doit certains bétons spéciaux79

.

Pendant le premier Empire, les sapeurs français écrivent leurs pages de gloire au siège de

Dantzig (1807), au passage de la Vistule (1807) puis de la Berezina, aux côtés des

pontonniers du général Eblé (1812). Après l’Empire apparaissent les premiers régiments du

génie. En Belgique, les premiers bataillons de sapeurs-mineurs se forment au lendemain de

l’indépendance, et, dès 1868, des compagnies spécialisées regroupent diverses activités :

pontonniers, télégraphistes, artificiers, aérostiers.

En 1903, le Corps du génie canadien est formé. Ses origines sont profondément liées aux

génies britannique et français. Lorsque les dernières troupes britanniques quittent le Canada

en 1906, les sapeurs canadiens ont un effectif de 132 personnes. Pendant la Première Guerre

mondiale, 40 000 sapeurs canadiens prendront part aux combats.

Dès la fin du XIXe siècle, le corps du génie, devenu combattant à part entière, a le double

qualificatif de bâtisseur – chargé des infrastructures des armées – et de combattant –

aménageant le terrain pour permettre la manœuvre amie tout en créant des obstacles aux

mouvements ennemis80

.

Au XXe siècle, les deux guerres mondiales se caractérisent en particulier par la guerre des

mines en 1914-1918, la ligne Maginot et le retour de la fortification, l’appui à la guerre de

mouvement avec les opérations de franchissement du Rhin à Spire-Germersheim en 194581

.

Le génie militaire a pour fonction de favoriser la mobilité et la protection des armées alliées et

d’entraver les mouvements ennemis. Fortifier des positions, attaquer des fortifications à l’aide

d’engins ou en creusant des mines (d’où le nom de « sapeurs » donné aux soldats du génie),

faciliter l’installation des troupes, réaliser des obstacles ou maintenir en état les itinéraires

logistiques sont des nécessités aussi anciennes que la guerre elle-même. Le génie militaire a

aussi pour mission de réparer et d’entretenir non seulement les fortifications mais aussi tous les

bâtiments militaires.

79

Jacques Guillerme, « Technologie », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004. 80

« Génie militaire », in Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. 81

Patrice Ventura, « Génie militaire », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004.

Première Partie Chapitre Premier

58

Une des spécificités du génie militaire français est qu’il comprend en outre une composante

secours regroupant la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris et les formations militaires de la

sécurité civile.

À partir de la Révolution française, le génie, jusqu’alors simple corps d’ingénieurs, est

transformé en arme, composée d’officiers et d’hommes de troupe (sapeurs et mineurs), en même

temps qu’est créé un service spécifique, appelé service du génie, chargé de la gestion et de

l’entretien du domaine immobilier de l’armée

Le génie s’est distingué au cours des deux guerres mondiales, particulièrement dans la guerre des

mines, la ligne Maginot et les franchissements du Rhin.

La Brigade des sapeurs-pompiers de Paris, créée en 1811 par Napoléon Ier

, est rattachée à l’arme

du génie depuis 1965. Dans les années soixante-dix sont mises sur pied les unités militaires de la

sécurité civile, également rattachées au génie. Ces unités interviennent, dans leur domaine de

compétence, un peu partout dans le monde (elles sont notamment intervenues, ces dernières

années, lors des tremblements de terre en Turquie, en Grèce et à Taïwan, des cyclones en

Amérique centrale, à la Réunion puis aux Antilles, ou des inondations au Mexique puis dans le

Languedoc-Roussillon)82

.

En temps de guerre, la mission du génie militaire est double. Elle comprend l’appui au combat et

l’aide au déploiement. En temps de paix, le génie intervient régulièrement lors de catastrophes

naturelles, pour aider les populations en détresse, assurer l’approvisionnement en eau ou la

distribution d’énergie ou dégager les zones d’intervention des secours.

En France, le génie dispose de 12 régiments, dont deux régiments de Légion étrangère et un

régiment du génie parachutiste. Il comprend également un régiment du génie de l’air chargé de

l’entretien et de la réfection des pistes d’aviation au profit de l’armée de l’air. Enfin, la brigade

du génie, grande unité de la composante combat, regroupe en son sein un groupe de défense

nucléaire, biologique et chimique, le 28e groupe géographique et des moyens lourds de

franchissement, de déminage ou d’organisation du terrain. Le 28e groupe géographique pour sa

part est chargé de l’établissement de relevés topographiques et de la réalisation de cartes ou de

plans à usage des armées.

82

Jean Tullard, « Napoléon 1er

. 1769-1821 », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004.

Première Partie Chapitre Premier

59

Dans le domaine de l’infrastructure, la mission du génie consiste à entretenir et à gérer le

patrimoine immobilier de la Défense. Pour ce faire, le génie dispose de directions et

d’établissements du génie répartis sur l’ensemble du territoire national et dans les départements

et territoires d’outre-mer, regroupant des ingénieurs en bâtiment et travaux publics, des

architectes, des urbanistes, des techniciens et conducteurs de travaux. En opération, les sapeurs

de la composante infrastructure interviennent dans le cadre de l’aide au stationnement des

troupes mais aussi dans la reconstruction d’un pays à la suite d’un conflit (expertise,

reconnaissance, montage de dossier, recherche de financement, suivi des opérations de

reconstruction…). En temps de paix, les spécialistes de la composante infrastructure sont

également sollicités lors de catastrophes naturelles ou technologiques pour des missions de

reconnaissance ou d’expertise.

Dans le domaine des secours, la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris est chargée d’assurer la

protection des biens dans Paris et dans les trois départements de la petite couronne. Initialement

destinée à lutter contre les incendies, la brigade des sapeurs-pompiers de Paris intervient de plus

en plus dans les secours aux personnes, dans les cas d’accident de la circulation notamment, mais

également lors de fuites d’eau, pour l’aide à des animaux en difficulté ou pour la protection de

biens. Ainsi, au cours de l’année 2000, les sapeurs-pompiers de Paris sont intervenus plus de

430 000 fois. La Brigade participe également aux actions de prévention, sur la demande des

autorités préfectorales et municipales, notamment pour les demandes de construction ou

d’aménagement.

L’école supérieure et d’application du génie (ESAG) est implantée à Angers depuis 1945, elle

assure la formation de l’ensemble des sapeurs de l’armée de terre, dans le domaine du combat

comme dans celui de l’infrastructure. Elle intervient également dans la formation des officiers et

des sous-officiers de la composante secours83

.

L’école du génie a plusieurs pôles d’expertise. Dans le domaine de l’infrastructure, l’école du

génie forme des ingénieurs en bâtiment et travaux publics, des conducteurs de travaux et des

techniciens supérieurs d’étude et de fabrication. L’enseignement comprend l’ensemble des

sciences de l’ingénieur complétées par les règles de marchés publics et d’administration ainsi

qu’une formation militaire opérationnelle.

83

www.servicehistorique.sga.defense.gouv.fr.

Première Partie Chapitre Premier

60

Si les services du génie militaires s’occupèrent de l’édification des infrastructures militaires de

base, du développement des réseaux routiers et des modifications sur la ville, les services de

santé militaires obligatoires dans les différents corps d’armée prirent en charge l’état de santé des

troupes et des civils. Si l’armée française s’est dotée d’un service de génie, l’armée impériale

romaine, deux millénaires plus tôt, avait affecté un architecte à chaque centurion c'est-à-dire

12000 architectes. C’est dire l’importance que les empereurs romains accordaient aux

fortifications, aux campements, à leur cité (dont beaucoup furent érigées pour abriter les légions :

ville garnison telles Constantine et Tébessa) mais aussi aux thermes dont la protection et

l’entretiens revenaient aux militaires.

3.2.2.4. Les services militaires de santé.

Notre intérêt à la question ne peut se faire sans référence à l’histoire du corps médicale et de son

organisation au sein de l’armée impériale romaine, puisque celle-ci avait le même but que

l’armée française à savoir : conquête et colonisation ; mais aussi le même site à conquérir :

l’Algérie. Ses troupes avaient subi les mêmes problèmes endémo-épidémiques à Romulus

(Rome) entourée de marécages et soumise aux débordements du Tigre en hivers ainsi qu’en

Algérie.

C’est à Tarquin l’Ancien que Rome doit le premier égout « cloaca maxima » (de trois mètre de

diamètre en blocs de tuf taillé), construit dans le but de rendre salubre la cité. L’hôpital devint,

sous les romains, un édifice civil obligatoire dans chacune de leur cité. L’état de santé de leur

armée étant un atout de guerre, il fut donc sérieusement pris en charge c’est ainsi que l’armée

impériale compta au plus fort de son apogée environ 12000 médecins militaires attachés aux

différents centurions tout comme les architectes.

Au VIème siècle, lors des guerres contre les barbares, l’armée romaine se dota de cavaliers

chargés d’évacuer les blessés84

. Les guerres de religion virent la création d'ambulances

militaires au rôle identique. Mais il faut attendre deux siècles encore pour voir apparaître

la première prise en charge médicalisée du blessé sur le champ de bataille lors des guerres

napoléoniennes. Jusque-là en effet, les blessés devaient attendre la fin des engagements

avant de recevoir les premiers soins.

84

Raymond Bloch, « Rome et Empire Romain- Les origines », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France

S.A-2004.

Première Partie Chapitre Premier

61

La réorganisation du service de santé date de 1900. Chaque régiment disposait de postes de

secours et de véhicules hippomobiles d'évacuation. Des ambulances divisionnaires étaient

chargées du recueil et du classement des blessés (on ne parlait pas encore de triage). Des

ambulances divisionnaires immobilisées étaient prévues ainsi que des hôpitaux de campagne de

100 lits pour le traitement des blessés graves. Les blessés étaient ensuite évacués par voie ferrée

vers les hôpitaux de l'arrière.

Dès le début de la guerre, le soutien santé reposa alors essentiellement sur les médecins de

bataillons qui firent parvenir les blessés vers les gares les plus proches d'où ils étaient acheminés

vers l'arrière par voie ferrée85

.

Devant les échecs des évacuations de 1914, des ambulances, véritables hôpitaux temporaires,

furent alors crées à distance des lignes hors de portée de l'artillerie.

En 1916 furent créées les ambulances chirurgicales mobiles à trois équipes chirurgicales

s'implantant selon les circonstances. La Croix-Rouge et de nombreuses initiatives privées

multiplièrent hôpitaux et ambulances.

En 1917, l'automobile entra dans le service de santé avec les ambulances chirurgicales

automobiles ou « autochir ». Il s'agissait de petits hôpitaux mobiles, autonomes, munis de salle

d'opération, de laboratoire et de salle de radiologie automobile, préfigurant la conception actuelle

des shelters. Enfin en 1917, le médecin aide major Chassaing modifia un appareil de combat

pour le transport sanitaire, mais celui-ci ne fut jamais utilisé sinon pour des blessés fictifs tant les

conditions de transport étaient précaires86

.

C'est l'expérience de la grande guerre qui permit en 1924, grâce au médecin commandant Cot, de

voir le régiment de sapeurs-pompiers se doter jusqu'en 1935 du premier service médical

d'urgence, au profit des nombreux brûlés et intoxiqués par l'oxyde de carbone du Paris insalubre

d'après-guerre : le service de secours aux asphyxiés87

.

L'entre-deux-guerres vit également le développement de l'aviation sanitaire en liaison avec le

service de santé de l'armée de l'Air. De nombreuses évacuations sanitaires furent effectuées en

Afrique du Nord et au Proche-Orient. De même, lors de la guerre d'Espagne, l'aviation allemande

fit la démonstration des possibilités d'évacuations aériennes massives.

85

www.servicehistorique.sga.defense.gouv.fr. 86

Jean-Pierre Cabonat, « Fondation de La Croix-Rouge (1863) », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10,

France S.A-2004. 87

Marc Ferro, « La Première Guerre Mondiale », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004.

Première Partie Chapitre Premier

62

L'organisation du service de santé à la fin de la grande guerre fut globalement reconduite en

1939. Les moyens d'évacuation primaire étaient représentés par des ambulances automobiles

mais il existait encore de nombreux véhicules sanitaires hippomobiles. De plus, deux sections de

quinze avions lucioles étaient destinées aux évacuations aériennes dans la zone d'opération de

l'Est. Les évacuations vers les hôpitaux de l'arrière devaient se faire par train sanitaire.

En 1943-1944, l'équipement en matériel américain de la 1ère armée française répondit avec une

grande richesse à la nécessité d'adapter le service de santé français aux impératifs de la guerre

moderne : les évacuations se faisaient essentiellement par voie routière dans cette armée

entièrement motorisée (on comptait alors un véhicule pour 4 hommes). Ces moyens de transport

tous terrains dotés d'appareils de transmission s'avérèrent vite indispensables malgré la lenteur

des délais d'évacuation de l'époque (10 heures en moyenne)88

. Néanmoins les évacuations

sanitaires aériennes se développèrent. Durant la guerre d’Algérie, plus de 26 000 blessés et

malades bénéficièrent d'évacuations secondaires, essentiellement par voie maritime.

Conclusion

Dans ce qui précède, nous avons vu comment les armées ont évolué dans le temps en fonction de

l’évolution des armes et armements. Chacune de ces armées a introduit dans son organisation des

améliorations manifestes telles que les unités spécialisées, la hiérarchisation ainsi que des

services annexes essentiels au bon fonctionnement. Subséquemment l’armée macédonienne fut

celle qui joignit à l’armée la médecine que celle de Rome développa et le fit accompagner par

l’architecte qui fut remplacé dans l’armée française royale par les services du Génie militaire.

L’évolution des moyens de locomotion et l’importance que pris la communication dans la

stratégie militaire, engendra le développement des voies de communication dont la plus célèbre

est la voie Appienne que nous verrons dans le prochain chapitre puis l’arme train.

La stratégie de défense et d’attaque mit en exergue l’importance du site d’implantation des villes.

Site qui ne suffisait pas à assurer sa fonction, ce qui conduisit à la création de fortifications

d’abord en intramuros puis en extramuros afin de surveiller les voies pouvant être empruntées

par l’ennemi quelles soient terrestres ou maritimes.

L’armée dès sa formation devient avant-gardiste. Toutes les innovations introduites dans un but

militaire, vont être d’usage civil.

88

René Noto, « Secours Sanitaires », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004.

Première Partie Chapitre Premier

63

L’armée française, lors de la conquête de l’Algérie et durant la période coloniale se présentait

donc comme une armée fortement organisée comprenant des services performants et en avance

techniquement, tels que le Génie militaire dont le concept fut exporté aux États Unis d’

Amérique. L’excellence de la formation de ses ingénieurs fut un exemple pour toutes les armées

modernes.

Nous essayerons de voir dans le prochain chapitre, les provenances des connaissances de cette

armée. L’intérêt porté par les militaires français à la civilisation romaine, a suscité le notre,

d’autant que les deux colonisations ont porté leur vision expansionniste sur le même territoire,

l’Algérie, et que ceux sont les seules qui ont eu un objectif de peuplement.

Première Partie Chapitre Deuxième

64

CHAPITRE DEUXIÈME.

LA COLONISATION ROMAINE : PEUPLEMENT ET URBANISATION.

Introduction

Hormis l’organisation de l’armée romaine qu’elle soit républicaine ou impériale, Rome nous

intéresse par le fait de sa colonisation de l’Afrique du Nord en général et de l’Algérie en

particulier. Cette dernière a connu bon nombre de colonisations, mais c’est avec Rome qu’elle

s’est vu peuplée en premier, par des populations venues d’Europe. Les objectifs de cette

colonisation ont été en majeur partie, des objectifs d’exploitation agricole et minière ; nous

savons que l’Afrique du Nord fut le sellier de Rome. Celle-ci organisa le territoire en fonction

des objectifs établis, d’abord en le partageant en trois provinces, puis en traçant les voies de

communication permettant la circulation des troupes militaires et des matières à exporter vers

Rome, et enfin en réalisant des villes de peuplement aux diverses fonctions militaires et

d’exploitation. Rome finit son œuvre par l’assimilation des populations autochtones à des fins de

pérennité.

A priori, la colonisation française s’est fortement inspirée du modèle romain notamment dans

son application en Afrique du Nord. Parmi les missions des expéditions scientifiques organisées

par la France afin de déterminer les potentialités et les ressources algériennes, la recherche de

vestiges romains était à l’ordre du jour. Reprendre cette organisation et en saisir la logique, nous

permet d’appréhender la logique d’implantation des français sur le territoire algérien, but de

notre travail.

1. La colonisation romaine de l’Afrique du nord.

Jusqu'à l'époque des Sévères et de Dioclétien, les progrès de Rome en Afrique du Nord, quoique

lents, seront constants. Les problèmes sont ceux de la pénétration des massifs montagneux

(Aurès, Nememcha, Atlas tellien), de la construction de voies de communication stratégiques,

enfin (à partir d'Hadrien sans doute), de l'établissement d'un système immense et complexe de

fortifications et en même temps de mise en valeur, le fameux limes. Les progrès de la défense

sont concrétisés par les déplacements des installations militaires : la légion d'Afrique, la

IIIe Auguste, cantonnée à Ammaedra (Haïdra) jusque sous les Flaviens, s'installera d'abord vers

Théveste (Tébessa), puis, sous Hadrien (en 128), au camp de Lambèse, à 30 kilomètres à l'ouest

de Timgad, où une colonie de vétérans avait été fondée vingt ans auparavant.

Première Partie Chapitre Deuxième

65

Jusque-là, l'avance prudente des soldats s'était accompagnée de l'organisation et de la

construction de routes : liaison Carthage-Tébessa, grande rocade qui, de Hippo Regius (Bône,

puis Annaba) et Cirta (Constantine) rejoignait la Tripolitaine (Lepcis Magna), par Tébessa,

Capsa et l'isthme de Tacape, entre les chotts et la mer. En Numidie et en Maurétanie, en

revanche, la pénétration s'arrêtait non loin des côtes : les Hauts Plateaux n'étaient pas effleurés.

C'est seulement à partir des Antonins que commence le lent investissement des Aurès et des

Nememcha, et l'occupation de postes militaires situés au sud, comme Gemellae (Djemila). En

même temps, sans doute, est entreprise la construction du limes, mais aussi une mise en valeur

agricole, avec des travaux d'hydraulique.

Tout le IIe siècle fut ainsi consacré, sur les confins, à un travail de pacification et de

cantonnement des tribus maures. Ces dernières ne cessèrent jamais leurs incursions ; en 122,

Trajan doit les réprimer, il installe des camps dans la région correspondant à l’Algérois

d’aujoutd’hui ; plus tard, c'est en Maurétanie Césarienne et Tingitane ; périodiquement, il faut

faire venir en Afrique des renforts pris en Espagne ou sur le Danube. Parmi ces tribus

turbulentes, la mieux connue est celle des Baquates qui, de Sala (Salé) à Cherchell, harcèle

pendant près d'un siècle les défenses romaines (guerres coupées de trêves solennelles, Rome

menant à leur égard une politique de protectorat, aboutissant, au IIIe siècle, à la conclusion d'un

traité). Toutefois, c'est de la fin du IIe siècle que datent les enceintes de beaucoup de villes de

Maurétanie et de Numidie. Les derniers progrès de Rome seront l'œuvre de la dynastie militaire

des Sévères, eux-mêmes d'origine africaine, qui feront faire au limes de Maurétanie un bond en

avant considérable, en installant un détachement et un camp à Castellum Dimmidi, au nord de

Laghouat, le point le plus méridional de l'occupation militaire romaine89

.

Les Romains n'annexèrent d'abord que le territoire qui appartenait en propre aux Carthaginois ou

à leurs alliés. L'occupation romaine fut longtemps restreinte et l'extension du territoire ne s'opéra

que progressivement. Pendant une période qui dura près de deux siècles (146 av. J.-C.-91 ap. J.-

C.), Rome pratiqua une politique de protectorat et gouverna le pays par l'intermédiaire des rois

berbères, que l'on qualifiait d'une épithète bien caractéristique : on les appelait reges

inservientes, les rois esclaves.

89

Paul Petit, Yann Le Bohec, « Rome et Empire romain-le haut empire », in Encyclopædia Universalis, version 10,

France S.A-2004, CD.

Première Partie Chapitre Deuxième

66

Les possessions des Romains en Afrique étaient divisées en plusieurs provinces. Les romains

divisèrent le Nord de l’Afrique de l’ouest à l’est en Mauritanie, Numidie et Afrique. La province

d'Afrique ou Ifrikia, placée sous l'autorité d'un proconsul, correspondait à la Tunisie et la Lybie

actuelles.

La province de Numidie était gouvernée par un légat qui portait le titre de propréteur et exerçait

en même temps le commandement de toutes les forces militaires ; il résidait au quartier général

de la légion ; elle correspondait à la région de Constantine.

La Maurétanie comprenait le reste jusqu’aux colonnes d’Hercule. Mais les divisions

administratives varièrent plusieurs fois. La Mauritanie se subdivisa en Sitifiène avec Sitifis

(Setif) comme capitale, césarienne avec Césaria (Cherchell) capitale et la Maurétanie tingitane

avec comme capitale Tengis (Tanger). Ces deux dernières étaient administrées par des

procurateurs, représentants civils et militaires de l'empereur.

Cette organisation dura depuis l'année 42 jusque vers 290 après Jésus Christ. Nous assistons

donc à une gérance militaro-civile, donc de la même configuration de gestion des affaires

algériennes durant les premières décennies de colonisation française. C'est-à-dire des

gouverneurs généraux de l’Algérie de profession militaire.

Fig. 4 : L’Algérie romaine

Source : Colonel NIOX 90

90

Colonel NIOX, « Géographie militaire ; Algérie et Tunisie »90

, Édit Librairie Militaire de l. Baudoin et Cie 2

ème

édition, Paris 1890, P 14.

Première Partie Chapitre Deuxième

67

Les frontières méridionales des Romains ne demeurèrent pas immuables ; elles furent reportées

vers le Sud au fur et à mesure que la romanisation du pays progressait. Mais elles ne furent

jamais aussi reculées que celles de l'Algérie française. A l'Est, elles atteignirent bien le Sahara au

Sud des grands chotts tunisiens et de l'Aurès ; mais à l'Ouest, elles laissaient en dehors les

grandes steppes des provinces d'Alger et d'Oran. Des postes, des forts, des camps permanents,

appelés castella ou burgi, étaient échelonnés sur cette frontière qu'on appelait le limes.

2. L’hygiène et la santé chez les romains, un déterminant de l’urbanisme.

Les thermes sont des établissements de bains qui, au-delà de l’hygiène, favorisent le sport,

l’épanouissement du corps et de l’esprit, ainsi que la vie sociale ; par ailleurs, ils offrent une

démonstration brillante des capacités techniques des Romains. S’opposant à la théorie des

humeurs, Asclépiade (médecin grec qui joua un grand rôle dans l’établissement de la médecine

grecque à Rome au premier siècle av. J-C) enseigne que le corps est constitué de particules

discontinues, ou atomes, séparées par des pores. La maladie est, selon lui, causée par les

restrictions apportées aux mouvements ordonnés des atomes ou par le blocage des pores. Il

propose, comme méthode pour parvenir à la guérison, des exercices, des bains, et une

alimentation spécifique plutôt que des médicaments. Cette théorie fut très influente sur la

médecine et la vie sociale sous l’empire romain) et réapparaîtra périodiquement sous des formes

variées jusqu’au XVIIIe siècle

91.

Ces édifices publics ont démontré leur efficacité hygiénique à Rome dont l’insalubrité du site est

fort connue. Avec la civilisation romaine débute l'implantation de l'hygiène du milieu : les

Romains, en effet, construisent des aqueducs permettant d'amener l'eau pure jusqu'aux

agglomérations, installent des égouts permettant aux villes, jusqu'alors fort sales, de s'assainir,

créent et installent des « thermes », qui sont encore bien souvent conservés92

.

L'hygiène du milieu et l'hygiène publique commencent à s'intégrer dans l'urbanisme ; la

civilisation raffinée qui s'instaure, et où le culte de la beauté est pratiqué, conduit au

perfectionnement de l'hygiène individuelle et de l'hygiène publique. Ainsi, au cours de toute

cette période, l'hygiène relève d'idées religieuses ou politiques, elles-mêmes reliées à l'idée du

91

Maurice Maisonnet, « Hygiène », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004.

« Asclépiade », in Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. 92

Pierre Gros, L’ARCHITECTURE ROMAINE, du début du IIIème siècle av.J.-C. à la fin du Haut-Empire,1 les

monuments publics, Collection LES MANUELS D’ART ET D’ARCHÉOLOGIE ANTIQUES dirigée par Gérard

Nicolini, Édit Picard, Paris, 1996.

Première Partie Chapitre Deuxième

68

perfectionnement. Mais la disparition de l'Empire romain entraînera l'effondrement de l'hygiène

publique.

L’état de santé des romains, futurs militaires, étant un élément important dans la politique

globale de l’empire, les thermes furent installés dans toutes les cités romaines et se composaient

de plusieurs locaux placés selon un axe :

Une piscine ou natatio ;

Des bains froids ou frigidarium ;

Des bains tièdes ou tepidarium ;

Des bains chauds ou caldarium ;

Des salles de chauffe à chaleur sèche : le laconium ou le sudatorium équipées

d’une grande vasque centrale : labrum contenant de l’eau fraîche.

De part et d’autre s’agencent deux ensembles symétriques qui comprennent l’un

et l’autre une entrée, un vestiaire ou apodyterium ;

Une grande cour à péristyle sur laquelle donnent de petites pièces, la palestre une

sorte de gymnase.

Les médecins romains avaient élaboré toute une succession d’étapes pour le bain : les exercices

physiques au niveau da la palestre, passage au caladrium puis au tepidarium pour passer à

travers un sas au fregidarium qui mène vers le natatio. A côté de ces espaces, peuvent se trouver

les bains privés, les cours de services, des dépôts d’huiles et de sable de massage ainsi que les

solariums pour les bains de soleil. Ces médecins avaient saisi toute l’importance de l’élimination

des toxines et de la saleté et des peaux mortes dans l’hygiène globale du corps. Le mental n’était

pas pour autant oublié, la détente dans les thermes était de mise. Ainsi étaient construites, pour la

conversation, des petites salles munies de bancs : les exèdres. Pour permettre la réalisation de ce

programme, les architectes vont, à partir de l'époque flavienne, réaliser des établissements de

plus en plus perfectionnés et grandioses grâce à divers progrès techniques : invention de la voûte

d'arêtes qui permet de couvrir d'immense surfaces, invention de la paroi chauffante et

développement des aqueducs fournissant l'eau à volonté93

.

Quant aux soins proprement dits, c’est dans les temples qui servaient aussi d’hôpital, qu’ils

étaient prodigués soit par des médecins utilisant la médecine grecque, soit par les prêtres.

93

Gilbert-Charles Picard, « Thermes », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004.

Première Partie Chapitre Deuxième

69

Ces thermes pouvaient occuper de très grands espaces ; les thermes de Caracalla sur dix hectares

pouvant accueillir 1600 baigneurs comprenaient 64 citernes et présentaient la particularité d’être

équipés de douches. L’utilisation de voûtes permettait la couverture de ces locaux souvent très

décorés. A Rome les bassins sont souvent recouverts de mosaïque. Les thermes sont un lieu de

sociabilité fondamental qui construit l'identité civique et municipale en même temps qu'ils

rendent manifeste les principes de la cité antique : nus et partageant le même bain, les citoyens se

côtoient de manière indifférenciée : les bains sont souvent peu chers, et occasionnellement

gratuits. Leur décoration et leur entretien est aussi l'occasion d'acte d'évergétisme. Toutefois à

partir du deuxième siècle on assiste au développement de bains privés, construits dans les plus

riches demeures, développement qui s'accroit durant l'antiquité tardive. On peut voir dans cette

évolution à la fois le souci d'une plus grande intimité et la recherche d'une distance sociale : le

notable se distingue désormais du commun et peut recevoir ses intimes dans le cadre choisi de

ses bains personnels94

.

Ceux de Timgad sont en très bon état de conservation. Le système de thermes a été repris par les

médecins militaires français dans les hôpitaux en Algérie où ils ont installé des étuves, pour

combattre les fièvres miasmatiques, et les douches comme procédé prophylactique. La

corrélation entre la salubrité de Rome et celle des villes d’Alger et d’Annaba, zones

marécageuses fut vite établie.

Les thermes de Annaba, établissement balnéaire, furent édifiés aux frais de la cité et dédiés à

Septime-Sévère, sous le règne de Caracalla. Ce sont les établissements balnéaires les mieux

conservés et les plus complets que nous aient révélés les villes antiques d'Afrique du Nord.

Sur l'imposant massif de briques et (de maçonnerie) qui, à plus de huit mètres de hauteur,

surplombe l'ensemble des ruines et dont la haute paroi occidentale s'incurve pour donner passage

à la cheminée centrale des foyers, on distingue encore parfaitement les points de départ des

voûtes qui, à l'Est et au Sud, couvraient les salles chauffées.

Tout autour gisent, en blocs énormes, des quartiers de ces voûtes écroulées, sous la chute

desquelles avait été ensevelie la totalité de l'édifice. Il a fallu procéder à leur enlèvement pour

faire reparaître le grand caldarium, avec son laconicum en hémicycle, son labrum, ses deux

étuves latérales, ses salles annexes pareillement chauffées, aux doubles parois garnies (les

bouches permettant la circulation d’air chaud et sec) verticales, au pavé de marbre sont presque

94

« Histoire de l’hygiène », in Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.

Première Partie Chapitre Deuxième

70

intacts. Le tout est encadré par un couloir de service, se prolongeant sous tout l'édifice, à la voûte

en quart de cercle, descendant aux salles souterraines voûtées en arête qui ont résisté à

l’effondrement des étages supérieurs. Elles paraissent bien avoir été, du moins à l'origine, les

chambres d'arrivée des eaux. Au niveau des salles chauffées, on retrouve, après les salles de

transition, le grand frigidarium, dont une partie seulement a pu être jusqu'ici dégagée, les blocs

de maçonnerie qui l'encombrent et dont quelques-uns ont conservé les traces des mosaïques à

éclatantes polychromes qui devaient décorer les voûtes. Cette salle, de dimensions imposantes,

formait un vaste rectangle flanqué de piscines froides en demi-cercle, et prolongé du côté des

salles chauffées par un hémicycle. Le long des parois de marbre safrané, se dressaient des statues

monumentales dont quatre ont déjà été retrouvées : un Esculape médiocre, mais, par contre, une

statue de Minerve signée et une statue d'Hercule rappellent le type de l'Hercule Farnèse, qui

peuvent compter parmi les plus beaux spécimens de la statuaire antique retrouvés en Algérie95

.

Fig.5 : Plan de Hippone

Source : site web96

Les thermes sont une pièce importante sur l’échiquier du plan romain : leur monumentalité parle

en ce sens. Ils possédaient de multiples fonctions : salle de sport, musée restaurant, et leur

95

Erwan Marec, « Hippone La Royale », in www.alger- roi.net/Alger/documents_algeriens/culturel/pages/

/47_hippone.htm. 96

http://www.alger-roi.net/Alger/documents_algeriens/culturel/images/47_hippone_plan.jpg.

Première Partie Chapitre Deuxième

71

fréquentation touchait l’ensemble de la population. Les autres caractéristiques de l’urbanisme

romain sont : la voierie (remarquable par son dallage), le chauffage central, les latrines publiques

et les égouts. Cela dénote de l’importance de la gestion des voies de communication et de

l’hygiène chez les romains.

3. Rome et l’urbanisation.

L'immense Empire romain, comme tous les États de l'Antiquité, était constitué par un nombre

élevé de cités, minuscules cellules de ce grand corps. Le mot « cité » désigne une ville et le

territoire qui en dépend. Chacune bruissait d'une vie municipale intense, un des centres d'intérêt

privilégiés des historiens actuels. Les institutions copient en règle générale le modèle romain,

lui-même proche des structures grecques, avec deux assemblées, une large (populus, dèmos) et

une étroite (décurions, boulè), et des magistrats (questeurs pour les finances, édiles pour la

police, et duumvirs pour le droit en Occident, stratèges, archontes..., en Orient)97

.

La grande révolution occasionnée par Rome en Afrique fut moins le développement du

commerce, qui existait déjà à l'époque punique, que le spectaculaire mouvement d'urbanisation

qui s'étendit jusqu'à l'intérieur du pays. Sans doute Rome trouva-t-elle le noyau des cités

puniques, non seulement les vieilles colonies alliées de Carthage (Utique, Hadrumète, Hippo

Regius, Sabratha, Lepcis, etc.), mais aussi des cités libyco-puniques de l'intérieur, comme

Mactar ; sans doute, également, les rois numides avaient-ils tracé la voie de cette urbanisation,

avec leurs « cités royales », comme Bulla Regia, ou Volubilis en Maurétanie. Mais toute la vie

romaine était centrée autour de la cité : les colonies de César au cap Bon, celles d'Auguste en

Proconsulaire ou en Numidie, celles de Trajan à l'intérieur (Timgad), montrent que, pour Rome,

le peuplement civil ou militaire d'une province conquise se faisait essentiellement par la création

de villes, dont les cadres sociaux et politiques pouvaient seuls assurer à la fois l'ordre public et la

« romanisation », gage de loyalisme98

.

La population romaine résidait en général dans les villes, qui avaient une autonomie plus ou

moins grande ; il y avait, entre elles, toute une hiérarchie de groupements dont les degrés étaient

multipliés à l'infini. Les administrations communales avaient des attributions très étendues. Les

Africains notables, appelés de père en fils à ces fonctions municipales, y prirent l'habitude de

l'administration et furent des agents actifs de romanisation.

97

Gilbert Picard, Empire romain, collection Architecture universelle, Édit Office du Livre, Italie, 1964. 98

Colonel NIOX, op.cit, 1890.

Première Partie Chapitre Deuxième

72

Les inscriptions nous apprennent que bon nombre de tribus n'étaient pas administrées

directement par des fonctionnaires romains, mais par des chefs indigènes, qu'on appelait

principes, principes gentium99

.

3.1. Rome : un modèle d’urbanisation.

C’est sur le modèle de Rome (fonctionnellement et non formellement) que les villes se

développent. Partout, à l’exception de différences ponctuelles relevant de l’histoire, du relief ou

des matériaux disponibles, on retrouve les axes principaux larges (cardo et decumanus), les rues

plus étroites avec leurs intersections à angle droit et les mêmes lieux importants de l’urbanisme.

Tout d’abord, le forum, place dallée, entourée de boutiques et des bâtiments de la vie

municipale ; les bâtiments ont une fonction précise et toujours similaire : la curie abrite les

réunions du sénat local, la basilique héberge les tribunaux, les thermes auxquels s’y ajoutent les

théâtres, les amphithéâtres, les cirques et les aqueducs se retrouvent dans les villes romaines

d’Algérie. Néanmoins si Rome s’est développée, depuis Romulus et Remus, de façon très

irrégulière, ce ne fut pas le cas des villes créées en Afrique du nord.

Son développement irrégulier est probablement du à deux faits :

la topographie du terrain où les zones entre les collines sont marécageuses

difficilement constructibles durant la première période d’évolution de la ville

et donc avant les travaux d’assèchement, et sans cesse inondées par le Tibre.

Étant la première cité, elle s’est édifiée d’abord sur les hauteurs dans un but de

défense.

99

Pierre Salama, « Panorama de l’Algérie Romaine. L’activité industrielle et commerciale », in www.alger-

roi.net/Alger/documents_algeriens/culturel/pages/28_panorama_algerie_romaine.htm.

Première Partie Chapitre Deuxième

73

Fig.6 : Plan de la Rome antique

Source : Léonardo BENEVOLO100

Dans ces villes, s'installent même les grands ou moyens propriétaires des domaines environnants,

qui ne gardent sur leurs terres qu'une « villa rurale ». Les cités s'ordonnent autour d'un noyau

monumental, uniforme dans sa variété, qui en atteste l'autonomie et la dignité : le forum, le

capitole (temple de Rome et d'Auguste ou de Jupiter, etc.), le ou les marchés, la basilique, siège

de la vie judiciaire et civique, le théâtre, les thermes, la palestre, souvent l'amphithéâtre. Tous ces

monuments, qui montrent l'importance de la cité et qui fleurissent du Ier au IIIe siècle en Afrique

(avec un très grand moment, celui des Sévères), sont offerts à la collectivité soit par l'empereur,

lorsqu'il veut marquer sa bienveillance, soit par de riches familles, en remerciement des honneurs

municipaux dont elles sont chargées. Ainsi étaient investis, non sans profits pour les corps de

métier locaux, les surplus de la production agricole. La ville attirait aussi les ruraux, les hommes

libres, par ses spectacles, par ses bains et surtout par le fait que toute réussite sociale, dans

l'Antiquité, ne pouvait se faire qu'en passant par le cadre des statuts municipaux101

.

3.2. L’implantation des cités romaines en Afrique.

L’urbanisation romaine a recours à un plan urbain spécifique qu’on appelle diversement : plan en

échiquier, en damier, à l’équerre, orthogonal ou encore en quadra (en carré) et qui prendra aux

États- Unis d’Amérique le nom de plan en grille (gridiron). Cette configuration de rues se

100

Léonardo Benevolo, 1983 op.cit, 101

Idem.

Première Partie Chapitre Deuxième

74

coupant à angle droit fut théorisée et promu dans le monde grec par Hippodamos de Milet102

, à la

suite des travaux de géomètres coloniaux, conjuguant une réflexion sur l’isonomie (égalité

devant la loi), une ségrégation de l’espace entre les classes et une dissociation des fonctions

urbaines. La colonisation a néanmoins dû s’adapter à la topographie des sites.

Les cités romaines d’Afrique étaient des centuriatio au plan régulier. Le point de concours du

cardo et demanicus considéré comme le centre idéal de la colonie, était aussi le centre de

l’organisation territoriale. Les voies rurales qui partent des portes sont le prolongement des voies

urbaines. Elles sont dessinées à la manière du camp romain103

.

Fig.7 : La ville romaine en échiquier d’après une illustration de 1536 du traité de Vitruve.

Source : Léonardo BENEVOLO104

102

Hippodamos de Milet : Philosophe, théoricien politique, architecte, urbaniste, il représente, au début du ~

Ve siècle, le type achevé des descendants de l'école philosophique de Milet, dont Thalès, au ~ VIe siècle, apparaît

comme l'inspirateur. Nourri de cette tradition, ayant exercé sa réflexion sur les règlements et les constitutions

promulguées au siècle précédent par les législateurs de l'Ouest et de l'Est. Hippodamos de Milet est devenu, en

quelque sorte, le symbole des urbanistes classiques. Le nom d'Hippodamos de Milet symbolise moins le plan urbain

orthogonal, au tracé régulier, connu bien avant lui, que le principe d'une division fonctionnelle du tissu urbain,

prévoyant des zones réservées et adaptées aux fonctions essentielles de la communauté pour laquelle il est implanté

et défini, in Encyclopædia Universalis 2004 103

« Province Romaine d’Afrique », in Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. 104

Léonardo Benevolo, 1983,op.cit.

Première Partie Chapitre Deuxième

75

Les villes romaines étant essentiellement fonctionnelles, il existait une relation très forte entre le

lieu géographique et la fonction de la cité. Ainsi les villes coloniales du littoral furent-elles des

villes d’échange et de commerce alors que celles de l’intérieur étaient soit militaires soit

agricoles. Dans le premier cas les romains, la plus part du temps, se sont installés sur les sites de

très anciennes cités généralement fondées par les phéniciens (comptoirs méditerranéens). Les

villes nouvelles ont donc été dans un but militaire, soit comme postes avancés ou comme villes

de garnison. Dans ce cas c’est l’urbanisme géométrique qui est le plus utilisé. Le développement

anarchique de la ville de Rome ne pouvait constituer un exemple et ne pouvait assurer la sécurité

d’une ville à caractère militaire.

3.3. L’implantation militaire romaine en Algérie.

Les forces militaires romaines, dans la partie soumise de l'Algérie, ne furent jamais

considérables, elles étaient essentiellement formées par une seule légion, la Tertia Augusta, qui,

stationnée sous Auguste à Ammaedara en Tunisie, au nord-est de Tébessa, fut transportée de

bonne heure dans cette dernière ville. La légion était renforcée par des auxiliaires qui, au début,

étaient recrutés dans les autres parties de l'Empire romain, et par des formations autochtones, à

effectifs variables, appelées en cas de besoin.

Ces forces suffisaient pour tenir les régions occupées, dont la frontière, au début du premier

siècle, restait au nord de l'Aurès, englobait les plaines de Sétif et de la Medjana, et était jalonnée

plus à l'ouest par Berrouaghia, le Chélif, Relizane, Mascarra et l'embouchure de la Moulouya.

Par la suite, sous la pression des insoumis et pour mettre les provinces à l'abri de leurs

incursions, la légion fut portée à Lambèse, avec des postes au sud de l'Aurès, qui ne fut réduit

qu'après 50 ans de luttes; et la frontière militaire atteignit (au IIIème

siècle) la région sud-ouest du

Hodna, Boghar, Teniet, Tiaret, Chanzy, Lamoricière, Tlemcen et Maghrnia. Les troupes tenaient

alors le système de défense : le camp romain avec, au moins par place, un remblai ; des voies de

communications permettaient des liaisons faciles entre les postes et les camps. Quelques postes

se trouvaient aux avancées, à Laghouat, Djelfa, Sfissifa105

.

105

Noureddine Harrazi, op.cit.

Première Partie Chapitre Deuxième

76

Les cités n’eurent pas la même fonction. Certaines furent des villes de garnison telles que

Constantine capitale de province , Tébessa( Théveste) sise sur la grande voie stratégique entre

Carthage et Lambèse (Tébessa garda son importance militaire puisqu’elle fut le siège d’une

garnison de janissaires sous l’empire ottoman) ou Timgad alors que d’autres étaient plus

commerçantes ou agricoles installées sur une voie romaine ou sur le littoral telles que Alger

(Icosium), Annaba (Hippone) ou Skikda (Rusicade) fondées par les phéniciens et restaurées par

les carthaginois. C’est de ces ports que partait le blé (tribu des autochtones et contribution des

colons, à titre d’impôts) vers Rome.

3.4. La morphologie des cités militaires romaines en Afrique, cas de Timgad.

La forme précise de la ville romaine correspond, par ailleurs, à celle du camp militaire romain.

Timgad (Thamugas ,100 apr. J.-C.), en offre une bonne illustration : le développement irrégulier

de la ville, au-delà de l’enceinte, montre aussi que ce cadre peut être gênant et transgressé.

C'est en 100 que Trajan fit procéder à la fondation de la cité par la Troisième légion d'Auguste et

son légat Lucius Munatius Gallus. Timgad, était l'incarnation de pouvoir romain mais a aussi

existé dans un autre but politique caché. Quand Timgad a été construite, il a été déclaré que seuls

les citoyens romains seraient autorisés à y vivre. La citoyenneté romaine a été accordée à "tout

homme, ainsi qu’à son fils, qui accomplie 25 années de service militaire."

Les hommes, qui voulaient bénéficier de conditions de vie confortables et par égard pour leurs

enfants se sont engagés volontiers dans l'armée. Timgad, à l’image de Sparte, était une ville

construite pour les soldats qui ont gagné la citoyenneté en combattant pour Rome. La

récompense pour endurer une vie militaire sévère, était la perspective de mener une vie élégante

dans Timgad.

Les habitants de Timgad avaient donc tous la citoyenneté romaine et furent inscrits dans la tribu

Papiria. La colonie prit le nom de colonia Marciana Traiana Thamugadi. On ne sait pas

cependant s'il y avait déjà une agglomération africaine sur place. Le plan initial de Timgad,

quadrangulaire et géométrique atteste de cette fondation suivant les principes des gromatici, les

arpenteurs romains106

. La rigueur de la planification de l'espace urbain fit que Timgad est

souvent cité comme exemple de ville romaine, il serait toutefois erroné de généraliser à partir de

son cas : les plans de villes romaines avaient d'abord pour principe de s'adapter au terrain et aux

106

Christian Courtois, « Timgad » http://www.alger- roi.net/Alger/documents_algeriens/ culturel/pages/

59_timgad.htm.

Première Partie Chapitre Deuxième

77

contraintes du lieu. La forte régularité du plan initial a donc parfois conduit à penser que Timgad

avait pu être un camp militaire avant d'être une ville, la fondation coloniale réutilisant le tracé

des cantonnements militaires : cette hypothèse n'est pas prouvée et rien n'indique que Timgad ait

pu servir de camp provisoire à la troisième légion Auguste. La fondation de Timgad prend

cependant pleinement son sens lorsqu'on la replace dans l'histoire des déplacements de la légion

africaine. La déduction de la colonie se trouve en effet entre la première installation d'une

cohorte légionnaire à Lambèse, en 81, et l'installation définitive de toute la légion vers 115-120.

Si Timgad est remarquablement bien situé, il faut reconnaître au site de Lambèse une meilleure

position stratégique. Il est donc logique de voir les français installer une ville de garnison entre

les deux : Batna.

On a donc souvent vu dans la fondation de Timgad un objectif d'abord purement militaire. Il faut

cependant très fortement relativiser la protection militaire que pouvait apporter une colonie de

vétérans : passé les premières années, les habitants ne pouvaient guère fournir une force militaire

particulière. En revanche la colonie pouvait avoir un rôle militaire indirect : elle pouvait

constituer, à terme, un milieu de recrutement pour la légion voisine et surtout par ses productions

agraires - céréales et olives - assurer une partie non négligeable de son ravitaillement. Une ville

romaine n'est pas concevable sans sa campagne.

C'est de son territoire que la cité romaine tirait ses richesses, et de ces richesses dépendait le

dynamisme des notables qui la dirigeait. Un trait notable de Timgad : toutes les maisons

présentent les mêmes dimensions ; Il en est de même des terres agricoles ce qui dénote d’une

volonté d’égalité entre les citoyens romains et les autochtones dans le but d’une assimilation

complète.

Paul-Albert Février a proposé une reconstitution de la composition du territoire de Timgad afin

d'évaluer la répartition de la propriété agraire sur sa superficie. Il en ressort l'image d'un territoire

finalement assez étroit : 1500 kilomètres carrés, 150 000 hectares qui n'étaient pas tous

exploitables car des reliefs importants existent dans cet espace. Au nord, sur environ 25

kilomètres, les recherches ont révélé un système de centuriations107

sans doute lié à la fondation

de la colonie avec un parcellaire régulier témoignant d'une mise en valeur soignée. Au nord-

ouest la plaine révèle des ruines nombreuses et donc une densité d'occupation importante. Toutes

107

Centuriation : sorte de cadastre divisant la terre en zone plus ou moins apte à la culture, in Microsoft ® Encarta

® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.

Première Partie Chapitre Deuxième

78

ces terres n'appartenaient pas à des particuliers. Au contraire une superficie importante

appartenait à l'empereur. Ces domaines impériaux, répartis en au moins trois ensembles, étaient

gérés par un, ou plusieurs, procurateur affranchis à qui il revenait de louer les terres et de les

faire fructifier. La cité comptait environ 280 décurions qui devaient y posséder une superficie

minimale, si l'on tient compte des propriétés des gens ordinaires et d'éventuelles possessions par

des étrangers à la cité on ne peut imaginer que le territoire était dominé par de nombreuses

grandes propriétés les habitants du territoire de Timgad n'étaient pas de gros exploitants.

L'installation d'un royaume vandale en Afrique, après 429, fut le point de départ d'une série

d'affrontements qui déterminèrent la fin de Timgad.

Timgad jouissait d’un excellent système de gestion des eaux potable et usée. L’importance de

ces systèmes est d’autant plus grande que le climat de la région est à faible pluviométrie et où les

températures estivales peuvent facilement atteindre 40°c. Timgad disposait d’un système de

récupération des eaux pluviales « citernes » afin d’alimenter les thermes, les maisons et

d’irriguer les jardins. Le système permettait aussi de nettoyer les latrines publiques installées le

long des murs d’enceinte. Elles se présentaient sous forme de sièges percés d’un trou rond. Elles

étaient nettoyées par l’eau de pluie coulant dans un canal passant en dessous ce qui permet

d’évacuer les déchets humains.

Comme toutes les villes romaines, Timgad avait ses thermes. Sur une dalle de son forum, une

inscription célèbre résume bien la conception de la vie urbaine romaine : « Venari, lavari,

ludere, ridere, occ est vivere » (chasser, aller au bain, jouer, rire, çà c’est vivre). Par le vaste

dégagement dont elle a fait l'objet Timgad offre une image quasiment unique de la place des

bains dans la cité, même si tous les bains dégagés n'ont pas nécessairement été en service de

manière simultanée et si leurs fouilles ont été souvent - au regard des critères actuels - trop

rapidement conduites : les stratigraphies manquent, les plans ne sont pas toujours sûrs. Il n'en

reste pas moins que l'importance et la diversité de l'équipement balnéaire ressort et que, de ce

point de vue, Timgad peut rivaliser avec une ville comme Ostie.

Les bains de Timgad offrent donc une image remarquable de la prospérité de l'Afrique romaine

et de son insertion dans la communauté culturelle que formait la Méditerranée antique. Les

thermes de Timgad ont fourni un nombre important de mosaïques : 85 sur les 235 de l'inventaire

fait par Suzanne Germain Warot en 1969. Sur les quatorze thermes recensés dans son étude

douze avaient conservé au moins en partie leur pavement. Le décor y est essentiellement

Première Partie Chapitre Deuxième

79

géométrique agrémenté parfois de tableaux comme la représentation de Neptune pour les grands

thermes est ou la représentation de Jupiter pour les thermes des Philadelphes. Les salles annexes

de ces thermes pouvaient aussi avoir des décors non négligeables.

Fig.8 : Plan de Timgad

Source : Site Web108

Fig.9 : Vue aérienne de Timgad

Source Google Earth.

3.5. Les centres de peuplement romains.

Les provinces du nord de l'Afrique, déjà célèbres sous la domination carthaginoise pour la

fertilité de leurs terres, contribuèrent à la prospérité de Rome, qu'elles ravitaillaient en blé

108

http://www.alger-roi.net/Alger/documents_algeriens/culturel/images/59_timgad_plan.jpg.

Première Partie Chapitre Deuxième

80

(annone d'Afrique) et en huile, en produits exotiques et en fauves destinés aux jeux du cirque. À

côté de la petite exploitation rurale existaient de grands domaines, qui, après avoir été confisqués

à leurs propriétaires romains, furent attribués, sous le règne d'Hadrien, à de petits paysans

autochtones c’est déjà la période d’assimilation. La grande propriété agricole était centrée autour

de la villa.

Ces provinces furent celles où, à l'exception de la Gaule, la pénétration de la civilisation romaine

a été la plus profonde. La plupart de leurs institutions étaient inspirées des institutions romaines.

Grâce à un remarquable mouvement de peuplement et d'urbanisation, les provinces d'Afrique

furent ornées de cités pourvues d'installations et de bâtiments publics s'ordonnant autour du

forum. Certains empereurs, tels Septime Sévère, originaire de Leptis Magna, contribuèrent à

l'embellissement des cités. Le développement des communications, la construction d'un réseau

routier permirent de relier entre elles les principales cités et de desservir les plus grands ports109

.

Les centres urbains se multiplièrent ; de beaux monuments, temples, marchés, théâtres,

amphithéâtres, thermes, arcs de triomphe, châteaux d'eau s'y élevèrent ; leurs ruines parsèment

aujourd'hui le sol de l'Algérie, surtout dans la région de Constantine. Les places publiques se

peuplèrent de statues représentant des divinités, des empereurs, des magistrats municipaux.

3.6. Rome et le système hydraulique.

Depuis l'époque romaine, le régime des eaux (pluviométrie) a été modifié par les déboisements

qu'ont entraînés les dévastations provenant des invasions successives. Surtout on a laissé se

dégrader des travaux hydrauliques qui avaient été réalisés non pas à la diligence du

gouvernement central, mais sur l'initiative des Cités (dont le territoire comportait normalement

une banlieue étendue) des particuliers et des grands propriétaires. La distribution de l'eau avait

été l'objet de soins particuliers, et elle était soumise à une réglementation précise empêchant le

gaspillage et l'abus.

Les romains excellent également dans la construction des ponts qui, à partir du milieu du

IIe siècle av. J.-C., font appel à l’arc et à la voûte. Des aqueducs amènent vers les villes l’eau des

sources éloignées. Les fontaines et les thermes en consomment de grandes quantités, de même

certaines installations artisanales comme les moulins et les latrines publiques. En outre, les

maisons riches peuvent être alimentées en eau courante (puisqu’elles comprenaient des bains,

latrines et système de récupération des eaux pluviales avec citerne). L’aqueduc de Carthage

109

Paul Gaffarel, Conquête de l’Algérie jusqu’à la prise de Constantine, Édit Librairie de Firmin-Didot et Cie, Paris,

1888.

Première Partie Chapitre Deuxième

81

(IIe siècle apr. J.-C.) parcourait 132 km. Les ponts (dits « aqueducs ») construits pour leur faire

franchir les vallées, comptent parmi les réalisations les plus impressionnantes de l’architecture

romaine110,111

.

Fig.10 : Tracé de l’aqueduc de Rome

Source : Léonardo Benevolo112

Fig.11 : Détail d’aqueduc

Source : Léonardo Benevolo113

110

Léonardo Benevolo, 1983, op.cit. 111

Philippe Leveau, « Aqueduc (Antiquité) », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004. 112

Léonardo Benevolo, 1983, op.cit. 113

Idem.

Première Partie Chapitre Deuxième

82

Toutes les cités ont leur aqueduc, leurs citernes de récupération des eaux de pluie. Ces dernières

sont importantes aux yeux des romains puisqu’elles se situées en général à l’intérieur des cités

prés des thermes et des casernements. Elles étaient donc bien défendues. Les citernes de Cirta se

trouvent dans les sous sols de la casbah, implantée prés des casernements romains sur la partie la

plus haute du rocher de Constantine. Celles de Annaba toujours implantées au niveau de la

citadelle sur un monticule mais assez loin de Hippone.

Les aqueducs acheminaient l’eau par gravitation en suivant les courbes de niveau avec un

minimum de pente, des sources vers la cité, mais aussi à l’intérieur de celle-ci. Ils étaient en

maçonnerie : extérieur à la cité (où lorsqu’il devait franchir des dépressions, ils reposaient soit

sur des murs pleins soit sur un pont sur arcs) et souvent au dessus du sol, ceux sont les Aqua

Marcia. Lorsqu’il est enterré l’Aqua Appia se présente soit sous forme de tranchées soit sous

forme de tunnels. Quand il est urbain, souvent sous pression (siphon) il est de plomb (plumbum).

Des vestiges des Aqua Marcia de Cirta et de Hippone sont encore visibles114

.

Si les romains ont développé les thermes au niveau des cités, ils connaissaient les vertus

bienfaisantes des eaux thermales naturelles. L’exploitation de ces eaux a donné naissance à des

thermes tels Hammam Righa, Hammam Meskoutine prés de Guelma ou à ceux de Khenchla prés

de Batna dont le natatio est toujours fonctionnel

3.7. Les voies de communications romaines.

Pour contrôler et développer les territoires conquis, et également faire du commerce, les

Romains construisent d’innombrables routes, au tracé rectiligne caractéristique.

Ces voies revêtaient donc un intérêt militaire considérable à la fois offensif et défensif : il ne fut

plus suffisant de tracer des pistes, et un système plus complexe de construction de routes fut

développé, dont l’objectif était de rendre les voies plus durables et mieux à même de supporter

un trafic intense.

Les voies étaient construites à l’aide de pierres de tailles différentes pour créer des fondations

solides, une couche de pierres plus petites étant disposée sur les gros blocs du dessous. Dans

certains cas, généralement sur les routes les plus importantes, une couche de galets ou de pavés

était disposée au-dessus de ces fondations. Les routes étaient légèrement bombées pour permettre

l’évacuation des eaux.

114

Léonardo Benevolo, 1983, op.cit.

Première Partie Chapitre Deuxième

83

Elles étaient, le plus souvent, construites en ligne droite. La première grande route romaine fut la

voie Appienne, construite par Appius Claudius en 312 av. J.-C., qui reliait Rome à Capoue, puis

à Brindisi. Sa construction durât trois siècles115

.

Fig.12 : Voie Appienne

Source : Microsoft116

® Études 2008 [DVD]. Microsoft Corporation, 2007.

Fig.13 : Coupe transversale d’une voie romaine.

Source : Léonardo BENEVOLO117

.

Ce sont ces routes que les français, au début de la colonisation, utilisèrent pour tracer leur propre

réseau. Sachant que leur domination ne pouvait se faire sans la pacification de la campagne

algérienne, une des premières missions des éclaireurs et des observateurs fut de retrouver le tracé

115

« Voies Romaines », in Microsoft® Études 2008 [DVD]. Microsoft Corporation, 2007. 116

« Voie Appienne », in Microsoft® Études 2008 [DVD]. Microsoft Corporation, 2007. 117

Léonardo Benevolo, 1983, op.cit.

Première Partie Chapitre Deuxième

84

des routes et des guérites de surveillance romaines afin de sécuriser le transport de l’armement et

des marchandises. L’armée impériale romaine étant le modèle de l’armée impériale française,

c’est sur les bases de son model que cette dernière s’insurgeât en Algérie.

Conclusion

Rome constitue, avec tout ce qu’elle a ramené comme innovations dans le domaine militaire,

hygiénique, architectural et urbanistique, un modèle pour les civilisations futures. Comme nous

l’avons vu précédemment, l’empire ne s’est pas limité à l’Europe, mais s’est étendu jusqu’en

Afrique du Nord et au moyen Orient. Cette expansion, dans un but de pérennité, a reproduit sur

l’espace des villes à l’exemple de Rome et du camp romain Castra. Cette volonté s’est traduite

par une forme d’urbanisation des territoires occupés. L’implantation de ces villes dépendait de la

fonction qui leur était attribuée, militaire ou d’exploitation. Si la fonction militaire trouve son

explication dans l’expansion, la fonction d’exploitation trouve la sienne dans la volonté de

colonisation par peuplement ; le corollaire en est l’assimilation des populations locales. Cette

urbanisation s’est accompagnée de tous les équipements connus : basiliques, théâtres, thermes,

aqueducs, voies de communications et autres.

Les romains ont réalisé toutes leurs œuvres en Afrique du Nord selon les modes de construction

en usage à Rome. L’empire se trouvait donc représentatif de la civilisation romaine dans toute

l’étendue de son territoire.

Son mode d’expansion et de colonisation, quant à lui, aura peut-être servi d’exemple à la France.

Si l’empire français s’est développé en Europe, son regard s’est vite porté vers la rive Sud de la

méditerranée.

Nous traiterons dans ce qui suit de l’architecture militaire au Moyen Âge, ce dernier constitue la

période intermédiaire entre l’époque romaine et celle de la colonisation de l’Algérie par les

français. Cette architecture représente le patrimoine de référence des savoirs et du savoir faire

des militaires français.

Première Partie Chapitre Troisième

85

CHAPITRE TROISIÈME.

L’ARCHITECTURE ET L’URBANISME MILITAIRES DE L’ANTIQUITÉ AU MOYEN

ÂGE.

Introduction.

Nous avons vu dans les précédents chapitres, l’apport de chacune des armées les plus

importantes depuis l’antiquité. Nous aborderons dans ce qui suit l’architecture militaire en tant

que matérialisation des objectifs militaires sur la construction. Nous insisterons sur l’architecture

antique romaine au regard de l’importance des réalisations laissées en Algérie. L’architecture et

l’urbanisme romains puisant dans ceux de la Grèce antique, c’est donc à ces premiers que nous

porterons notre intérêt.

La proximité temporelle de l’architecture militaire du Moyen Âge avec l’armée de colonisation

française nous incite à nous y intéresser. Jusqu’au début du XIXème siècle, les villes étaient

entourées d’enceintes fortifiées, elles se trouvaient donc cernées dans une enveloppe sécurisée

tout comme l’étaient celles du Moyen Âge. Nous avons vu dans le premier chapitre que Vauban

révolutionna le mode de fortifications. Par ailleurs le dynamisme commercial joue un grand rôle

durant cette période dans le développement des villes d’Europe. Guerres maritimes et commerce

des Indes orientales aboutissent, en revanche, à la création et au développement de grandes villes

nouvelles telles que : Brest et Lorient, villes semi militaires implantées un peu à la manière de

villes coloniales dans un pays peu urbanisé.

Ce développement urbain, sous les tensions politiques et donc militaires, intensifia les

constructions militaires et intégra les fortifications dans l’architecture civile notamment celle des

châteaux, dont certains finirent par prendre le nom de château fort. L’expansion commerciale

avait pour corollaire l’expansion militaire. Le Moyen Âge se présente donc comme une période

de développement de l’architecture militaire.

1. L’Architecture et l’urbanisme militaires grecs.

Les ouvrages de défense - remparts, fortins, tours de guet - dont les vestiges imposants scandent

aujourd'hui la solitude des paysages grecs sont l'autre face, longtemps occultée, d'une

architecture dont on ne voulait voir que la spiritualité épurée, telle que l'expriment les édifices

consacrés dans l'asile des sanctuaires. Ces constructions militaires, importantes et nombreuses à

toutes les phases de la civilisation grecque, sont au contraire le témoin éloquent d'une réalité

Première Partie Chapitre Troisième

86

historique dominée par la guerre, le morcellement politique du pays se trouvant favorisé par la

géographie : chaque plaine ou plateau cultivable, chaque île a tendu à se constituer dès la

protohistoire en entité distincte, et les solidarités ethnique, linguistique, religieuse n'ont que

rarement contrebalancé leur volonté tenace d'autonomie politique.

Dès que les premières agglomérations se reconstituent, au IXe siècle, les remparts

réapparaissent : le plus ancien connu est celui de Smyrne (VIIIe-VIIe s. av. J.-C.), fait de briques

crues sur un socle de pierre, sans tours, si ce n'est pour flanquer les rares portes118

.

Il faut attendre la fin du VIe siècle pour trouver les premiers remparts de pierre, ponctués, sans

doute à l'imitation de l'Orient, de tours carrées saillantes. Un chemin de ronde bordé d'un parapet

de merlons permet de circuler au sommet des courtines, dont la hauteur ne cesse de s'accroître

avec le développement de la poliorcétique : aux échelles de sièges, qui ne dépassent guère 8

mètres, succèdent des tours mobiles en bois, garnies de pièces d'artillerie depuis la fin du Ve

siècle. À partir de ce moment, le progrès incessant des techniques et des tactiques entraîne une

complexité croissante des plans ; architectes et ingénieurs rivalisent d'ingéniosité ; une littérature

spécialisée apparaît, dont quelques classiques nous sont parvenus : le Manuel de poliorcétique

d'Énée le Tacticien (vers 350 av. J.-C.) et les traités sur la poliorcétique et sur les catapultes de

Philon de Byzance (vers 240 av. J.-C.).

Quelques sièges, où la technologie atteignit des sommets, sont restés célèbres : celui de Rhodes

par Démétrios Poliorcète (305-304, infructueux), et celui de Syracuse par les Romains (215-

212), qui finirent par s'en emparer malgré les machines extraordinaires qu'Archimède avait

construites pour les repousser. La conquête progressive de tout le monde grec par Rome mettant

fin aux guerres entre cités, puis entre confédérations et monarchies hellénistiques, amena le

déclin de l'architecture militaire : sous le Haut-Empire, les ouvrages anciens ne furent même plus

entretenus et les cités grecques furent prises au dépourvu par les premières invasions barbares

(incursion des Hérules à Athènes en 267 apr. J.-C.)119

.

Outre le réduit défensif que constituent les remparts de la ville, les cités grecques ont très

souvent implanté des tours ou des fortins sur les confins de leur territoire :

118

François Châtelet, « La Grèce Antique Civilisation Ŕ La cité grecque », in Encyclopædia Universalis, DVD

EUV10, France S.A-2004. 119

Bernard Holtzmann, « La Grèce Antique Histoire ŔLa colonisation », in Encyclopædia Universalis, DVD

EUV10, France S.A-2004.

Première Partie Chapitre Troisième

87

simples tours de guet, comme dans les îles, pour prévenir les incursions des

pirates ;

forts gardés par une petite garnison permanente et munis d'une enceinte de refuge

pour la population rurale d'alentour ;

parfois même véritables places fortes (Phylè et Rhamnonte aux frontières de

l'Attique, et plus encore Éleuthère et Aegosthènes aux confins de la Béotie), qui,

avec leur garnison nombreuse et leur vaste périmètre, constituent autant de points

de fixation que des envahisseurs éventuels ne peuvent se permettre de laisser

incontrôlés sur leurs arrières120

.

L'art d'animer les parements par stries, bossages et piquetages, de souligner les angles par des

feuillures, de rythmer courtines et tours par des assises de hauteur ou de pierre différente ou par

de discrètes moulures donne à ces ouvrages une qualité esthétique dépouillée à laquelle l'époque

contemporaine est plus sensible que le XIXe siècle, qui parlait encore le langage des ordres de

l'architecture religieuse.

La tour, le fortin et l’enceinte représentent les éléments de base d’une place forte. Cette dernière

a été renforcée par le fossé du camp romain. Le plan quadrillé (régularité, aisance de circulation

et emplacement fonctionnel des bâtiments), l’introduction des médecins et des architectes dans

les unités militaires, la stratégie de l’eau et de situation des villes de garnison (intégration à la

topographie et tracé des routes) sont pour leur part les grands modèles pour les plans des villes

du futur.

2. L’architecture et l’urbanisme militaires romains.

Les constructions militaires sous Rome sont celles qui servirent de modèle sur plusieurs siècles

aux différents militaires à travers l’ancien monde. C’est sous Auguste que se firent les plus

grandes constructions avec l’aide d’Agrippa dans le domaine militaire : routes, recensements,

cadastres…

2.1. Les campements ou castra ou castrum.

Les conditions de vie des militaires étaient extrêmement variables. Dès que l'armée est

rassemblée, le soldat vit en dehors du reste de la société romaine : il demeure dans un camp

construit à l'écart des villes. Dans les casernements, les soldats se partageaient à 8 des

120

Bernard Holtzmann, « Architecture Militaire, Grèce antique », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10,

France S.A-2004.

Première Partie Chapitre Troisième

88

chambrées, sortes de tente construite avec des peaux, donc en cuir de 30 à 35 m2 comportant

autant de couchettes que d'occupants, une table et un foyer. Les centurions disposaient, pour eux

et pour leurs serviteurs d'une habitation de plusieurs pièces.

Quand les légionnaires sont affectés quelque part de façon permanente, ils vivent dans une

forteresse aux constructions en pierre. Les règlements de l'armée romaine stipulaient que même

un campement provisoire devait être solide et bien protégé. Chaque soldat portait une pelle-

bêche, car elle servait à creuser un fossé autour du camp de forme carrée ou rectangulaire. La

terre était rejetée vers l'intérieur pour constituer un talus qui était ensuite couvert de gazon et

surmonté d'une solide palissade de pieux.

Le camp est établi à partir de deux axes perpendiculaires, nord-sud et est-ouest, à l'intersection

desquels on trouve le prétoire, la tente du général et à côté de celle-ci un forum où toute la légion

peut se réunir. Des camps plus durables avaient la même forme générale carrée, cependant ils

comportaient des bâtiments en bois ou même en pierre. Tous les camps romains comportaient

des emplacements spécialement réservés aux étables, aux bagages et aux cuisines, situés si

possible toujours au même endroit. À chacun des quatre coins du camp, les soldats fabriquent

une tour pour permettre une surveillance du camp121

’122

.

Fig.14 : Vue reconstituée d’un camp romain.

Source : site web123

121

Jean-Pierre Adam, « Casrum », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004. 122

Léonardo BENEVOLO, 1983, op.cit. 123

Wikipédia, l'encyclopédie libre

Première Partie Chapitre Troisième

89

Fig.15 : Le camp romain selon la description Polubius.

Source : Léonardo BENEVOLO124

Fig.16 : Partie septentrionale du camp de Lambasis.

Source : Léonardo BENEVOLO125

124

Léonardo BENEVOLO, 1983, op.cit.. 125

Léonardo BENEVOLO, 1983, op.cit.

Première Partie Chapitre Troisième

90

Fig.17 : Deux camps romains sur le Danube qui sont devenus le noyau central des villes de

Ratisbonne et vienne.

Source : Léonardo BENEVOLO126

2.2. Les forteresses légionnaires.

Elles couvraient un espace d'environ vingt hectares et étaient entourées par un puissant rempart

dessinant un rectangle aux angles arrondis, percé de quatre portes, surmonté de merlons et de

tours. Au centre, les principia comprenaient deux cours successives bordées de pièces (chapelle

des enseignes, administration, magasins d'armes, etc.). Les officiers étaient logés dans de

véritables maisons, les soldats dans des chambrées. Tous avaient à leur disposition un hôpital,

des magasins, des thermes ; un atelier était attaché à la légion, pour produire et entretenir des

armes ou pour fabriquer des tuiles127

.

Cette importance des travaux ressort mieux encore quand on examine la stratégie. Tout au long

du principat fut mis en place un vaste système défensif connu sous le nom de limes (mais ce mot

n'a fait qu'une apparition tardive et s'employait rarement au sens que les archéologues lui

donnent au XXe siècle). Il s'agit d'une bande de terrain qui entoure l'Empire, et comprend trois

éléments. Le premier, fondamental, est la route (sens précis du mot limes) : une rocade est

complétée par des axes allant les uns vers l'arrière, les autres en territoire ennemi. Elle peut

s'appuyer sur un obstacle naturel (fleuves : Rhin, Danube, Euphrate ; déserts : Syrie, Égypte,

Numidie) ou artificiels (Murs de Bretagne, de Germanie supérieure, par exemple). Dans tous les

cas, elle relie des défenses ponctuelles : des tours, des fortins, des camps.

126

Léonardo BENEVOLO, 1983, op.cit. 127

Paul Petit, Yann Le Bohec, « Rome et Empire Romain, Le Haut-Empire », in Encyclopædia Universalis, DVD

EUV10, France S.A-2004.

Première Partie Chapitre Troisième

91

2 .3. La protection des frontières (le limes).

Au 1er siècle, les limes étaient des routes militaires jalonnées de postes fortifiés et destinées à

favoriser d'éventuelles offensives en pays étrangers. Il s'agit d'une bande de terrain qui entoure

l'Empire, et comprend trois éléments. Le premier, fondamental, est la route (sens précis du mot

limes) : une rocade est complétée par des axes allant les uns vers l'arrière, les autres en territoire

ennemi. Elle peut s'appuyer sur un obstacle naturel (fleuves : Rhin, Danube, Euphrate ; déserts :

Syrie, Égypte, Numidie) ou artificiels (Murs de Bretagne, de Germanie supérieure, par

exemple)128

. Dans tous les cas, elle relie des défenses ponctuelles : des tours, des fortins, des

camps.

Après le 1er siècle, les limes deviennent des frontières défensives. La grande majorité des

effectifs militaires disponibles sont massés dans les provinces frontalières. Les légions sont

toutes réparties le long du limes, à faible distance de la frontière129

, tel est le cas de Tébessa.

Fig.18 : Reconstitution d'une palissade130

.

Source : Site Web131

.

Durant le IIe siècle après J.-C., le mithraïsme s'implante solidement à Rome et en Italie, dans

certains ports de la Méditerranée occidentale, mais surtout dans les colonies militaires, les villes

128

Claude Nicolet, « Afrique romaine », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004. 129

« Tébessa. », in Encyclopédie Encarta, Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. 130

Elle est plantée devant le fossé de défense romaine des frontières de l'empire ou de ses fortifications avancées.

Tour de gué et palissade de troncs d'arbres (chêne) taillés en pointe. Là où le bois manquait déjà suite aux

défrichements entamés dès le néolithique, des murs de pierre étaient élevés, qui bloquaient efficacement les

cavaliers (Mur d'Hadrien). 131

« Le limes », in Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Première Partie Chapitre Troisième

92

de garnison, en Afrique, en Bretagne, en Gaule, sur les bords du Rhin et du Danube, à Doura-

Europos sur l'Euphrate.

3. L’architecture militaire du moyen âge.

Ces modèles ne sont pas les seuls que reprennent les constructeurs militaires français. Ils puisent

aussi dans leur propre patrimoine et culture. Les villes de Vauban sont tout aussi des modèles

dont ils tirent parti. Devant construire pour les militaires mais aussi pour les civils, ils reprennent

à leur compte les méthodes utilisés dans l’architecture civile du XVIIème et XVIIIème siècles.

Simplement les villes militaires édifiées en France par Vauban, comme Neuf-Brisach, n'ont pas

pu émerger. Depuis l'Allemagne et la Suisse, Karlsruhe, Fribourg-en-Brisgau et Bâle rayonnent

de manière conséquente sur l'Alsace. Ceci nous conduit à rechercher les éléments de référence

architecturaux dans toute l’architecture militaire médiévale européenne.

3.1. L’architecture militaire du moyen âge en Europe.

Enfermée à l'intérieur de ses murailles, la ville moyenâgeuse a cherché à minimiser les espaces

inutilisés : les rues sont étroites, les ponts encombrés d'échoppes, et les places de taille réduite. À

Paris, de nombreuses rues ne dépassent pas 1 à 2 mètres de largeur. Les conditions de circulation

y sont difficiles et la sécurité toute relative. La croissance urbaine conduit la ville à sortir de ses

murailles et entraîne l'apparition des faubourgs. Très différents des banlieues du XIXe siècle, les

faubourgs forment des bourgs situés à l'extérieur des remparts, le plus souvent autour d'une

abbaye ou d'un lieu de pèlerinage. Les caractéristiques des rues médiévales sont toutefois

variées : tortueuses et étroites dans les villes anciennes, elles sont larges et droites dans les villes

nouvellement construites.

La morphologie de la ville va se transformer sous l'influence des ingénieurs militaires, et les

villes nouvelles, bâties pour leur intérêt stratégique, se situent le plus souvent dans les plaines et

possèdent des rues larges, parfois de forme radioconcentrique autour de la place d'armes. Il est

important de pouvoir y faire circuler aisément les troupes et les pièces d'artillerie. Les

perspectives monumentales, destinées à mettre en scène le pouvoir politique, président de plus en

plus à l'organisation de la ville.

Première Partie Chapitre Troisième

93

Si Grenoble s'enorgueillit d'être la ville provinciale la plus embellie sous Louis XIII, c'est

manière de reconnaître la grande faiblesse de l'âge classique qui suit. Ville de garnison, face à la

Savoie, aux fonctions essentiellement administratives et religieuses132

Pendant tout le Moyen Âge, Berlin n'était qu'une petite bourgade. Mais l'installation des

Hohenzollern dans le Brandebourg devait marquer un tournant. Ces derniers, en 1617, choisirent

Potsdam comme résidence. Après les destructions de la guerre de Trente Ans, le Grand Électeur

Frédéric-Guillaume ordonna la reconstruction de la ville et l'édification du Schlossort (ou

Résidence). Les huguenots, chassés par la révocation de l'édit de Nantes en 1685, affluèrent et

s'associèrent aux Hollandais pour assurer l'essor économique de la ville. Mais, en 1700, on ne

comptait encore que 1 500 habitants. Avec l'avènement, en 1713, de Frédéric-Guillaume Ier,

Potsdam devint une ville de garnison. En 1740, sur 11 000 habitants, on dénombrait entre 8 000

et 9 000 soldats. La ville se développa surtout vers le nord133

.

L’architecture militaire du moyen âge a des caractères beaucoup moins précis que l’architecture

religieuse ou civile. Les constructions défensives ne comportent que peu d’ornementations ; c’est

l’étude des détails ornés que l’on parvient à déterminer l’âge d’un édifice.

Avant le perfectionnement de l’artillerie (découverte de la poudre), les moyens de défense ne se

sont modifiés que d’une manière assez peu sensible. Le développement de ces moyens s’est fait,

en général, par additions des dispositions primitives, ce qui rend l’appréciation plus difficile.

Devant cet état de fait les chercheurs, architectes ou anthropologistes se sont heurtés à ce

problème. Ils se basent, en général sur la forme des arcs, les différents appareils, les voûtes, les

fenêtres, sur les écrits descriptifs, les différences entre les constructions primitives et les

additions pour faire leur analyse.

L’architecture militaire, du fait de sa solidité et de sa durée dans le temps est restée plus massive

et plus sévère que l’architecture religieuse ou civile.134

La solution des ingénieurs du moyen âge au problème sécuritaire semble être la

suivante : « construire des ouvrages qui puissent se protéger les uns les autres, et cependant

susceptibles d’être isolés, en sorte que la prise de l’un n’entraîne pas celle des ouvrages

132

Jean Delmas, « Fortifications », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004. 133

Léonardo BENEVOLO, 1983, op.cit. 134

MERIMEE et Albert LENOIR, Instructions du comité historique des arts et monuments. Architecture militaire,

Édit Imprimerie Impériale, Paris, 1837.

Première Partie Chapitre Troisième

94

voisin »135

.De ce principe découle le corollaire : les ouvrages intérieurs doivent commander les

ouvrages extérieurs. Aussi, toute place fortifiée se composait :

d’un fossé continu,

d’une enceinte continue,

d’un réduit où la garnison trouvait un refuge après la prise de l’enceinte. Dans les

villes, ce réduit était : une citadelle, dans les châteaux : un donjon.

Les premières enceintes fortifiées du moyen âge, surtout celles des châteaux, ne furent formées

que d’un parapet en terre, bordé d’un fossé et couronné de palissades, de tronc d’arbres, de

fagots d’épines, ou même de fortes haies vives. Au centre s’élevait une tour en maçonnerie,

solidement bâtie et entourée d’un fossé telle l’enceinte extérieure.

Fig.19 : Exemple de plan d’ensemble d’une place fortifié.

Source : MERIMEE et Albert LENOIR136

La situation des places fortifiées prenait une place importante car elle contribuait à la défense de

la place. Ainsi en région montagneuse, le choix se portait sur les caps ou bien sur les plateaux

étroits s’avançant au dessus d’une vallée. Les escarpements s’ils existaient étaient très

recherchés.

135

MERIMEE et Albert LENOIR, op.cit. 136

Idem.

Première Partie Chapitre Troisième

95

Fig.20 : Situation en montagne.

Source : MERIMEE et Albert LENOIR137

En plaine, les bords des rivières, les îles ou presqu'îles faciles à isoler étaient des lieux privilégiés

à cause de la navigation qui permettait le ravitaillement et l’eau formait un rempart naturel que

l’on venait renforcer par de la boue.

Fig.21 : Plan du Château Gaillard (XIIème siècle).

Source : MERIMEE et Albert LENOIR138

Si la topographie du site n’était pas favorable, une butte ou une motte était élevée artificiellement

et servait d’assiette à la place. Dans ce cas, seule la présence de l’eau était indispensable.

137

MERIMEE et Albert LENOIR, op.cit. 138

Idem.

Première Partie Chapitre Troisième

96

Fig.22 : Tour de Montlhéry.

Source : MERIMEE et Albert LENOIR139

Les principales parties et caractéristiques d’une forteresse du moyen âge peuvent être classées

comme suit :

Les fossés. Les plus anciens sont creusés dans la terre et dépourvus de revêtement. Les

plus récents sont recouverts de maçonnerie et débouchent souvent sur un talus (a) mais

peuvent être verticaux (b) retenus par des madriers pour renforcer le coté défensif.

Fig.23 : Coupes sur Fossé

(a) (b)

Source : MERIMEE et Albert LENOIR140

Les ponts portés sur des piles, ou encore mais plus rarement sur une môle traversant le

fossé donnaient accès à la place. Il se devait d’être léger, facile à enlever en cas de besoin

139

MERIMEE et Albert LENOIR, op.cit. 140

Idem.

Première Partie Chapitre Troisième

97

et de faible largeur pour plus de sécurité. Plus tard, le tablier fut doublé : une partie

immobile et l’autre pouvant se relever au besoin : c’est le pont-levis qui fut perfectionné

au fil des âges.

Fig.24 : Porte Saint-Jean à Provins (vue extérieure).

Source : MERIMEE et Albert LENOIR141

Lorsque les ponts devaient traverser une grande rivière ou fleuve ils pouvaient comporter

des tours (qui assuraient aussi les droits de péage) ou pouvaient être en forme de « Z »

pour plus de défense.

Fig.25 : Pont de Sutri (Italie). Fig.26 : Pont de Tavignano (Corse).

Source : MERIMEE et Albert LENOIR142

141

MERIMEE et Albert LENOIR, op.cit. 142

Idem.

Première Partie Chapitre Troisième

98

Les barrières et retranchements extérieurs : au-delà et à la tête de tous les ponts, on

élevait un ouvrage plus ou moins considérable qui se devait de protéger les

reconnaissances et les sorties de la garnison. Il se composait d’une ou de plusieurs tours,

ou même d’un château appelé « Bastille ».

Fig.27 : Château de Vincennes

Source : MERIMEE et Albert LENOIR143

Les portes s’ouvraient à gauche pour obliger l’assiégeant de présenter son flanc droit non

protégé. Cette disposition existait déjà dans les fortifications romaines.

Fig.28 : Accès type : (A : porte, B : pont et C : fossé).

Source : MERIMEE et Albert LENOIR144

143

MERIMEE et Albert LENOIR, op.cit. 144

Idem.

Première Partie Chapitre Troisième

99

Fig.29 : Porte double avec pont-levis : A : porte, B : herse, C : porte et D : corps de garde.

Source : MERIMEE et Albert LENOIR145

Les tours : leur usage principal était de protéger les angles de l’enceinte. Elles s’élèvent

en général au dessus des murailles et formaient ainsi des petites forteresses ou quelques

hommes pouvaient résister. Elles servaient encore de logement ou de magasins. Elles

pouvaient être verticales ou en forme de cône tronque ou encore pyramidale pour plus de

stabilité et donc de résistance. Les murs extérieurs sont lisses. Elles sont de formes

simples rectangulaire ou carrée mais aussi de forme circulaire.

Fig.30 : Formes de tours

Source : MERIMEE et Albert LENOIR146

145

MERIMEE et Albert LENOIR, op.cit. 146

Idem.

Première Partie Chapitre Troisième

100

Fig.31 : Tour verticale de Narbonne. Fig.32 : Tour tronconique du château de Fougères.

Source : MERIMEE et Albert LENOIR147

Fig.33 : Tour pyramidale d’Angoulême.

Source : MERIMEE et Albert LENOIR148

.

Les couronnements, créneaux et plateformes : les créneaux sont des boucliers en

maçonnerie élevés sur un parapet ou plate-forme, servant à couvrir et recevoir les

hommes en faction. C’est à ce niveau que l’on trouve le maximum de formes et

d’éléments décoratifs mais toujours ayant pour fonction la défense : couronnements,

mâchicoulis, moucharabieh, etc.

147

MERIMEE et Albert LENOIR, op.cit. 148

Idem.

Première Partie Chapitre Troisième

101

Fig. . 34 : Créneaux d’Avignon avec meurtrières. Fig.35 : Moucharabieh de l’enceinte

d’Aigues mortes.

Source : MERIMEE et Albert LENOIR149

Fig. 36 : Coupe transversale d’un mâchicoulis : A : rempart, B et D : consoles et C : créneau.

Source : MERIMEE et Albert LENOIR 150

Les courtines : ceux sont les parties du rempart comprises entre les tours. Au sommet de

celles-ci se trouve le chemin de ronde qui communique avec les escaliers (souvent en

spirale d’où le nom de vis) ou des plans inclinés qui conduisent à la cour intérieure.

149

MERIMEE et Albert LENOIR, op.cit. 150

Idem.

Première Partie Chapitre Troisième

102

Fig.37 : Coupe sur courtine (Château de Beaucaire).

Source : MERIMEE et Albert LENOIR 151

Les fenêtres et meurtrières : toutes les ouvertures pratiquées dans le mur d’enceinte sont

très étroites. D’ailleurs nous ne pouvons pas proprement parler de fenêtres. Beaucoup de

tours et de courtines ne présentent pas d’ouvertures si ce ne sont des meurtrières dont la

forme peut varier ou être symbolique (meurtrières en croix).

Fig.38 : Types de meurtrières.

Source : MERIMEE et Albert LENOIR 152

Les cours intérieures : le terrain enclos par les remparts d’une forteresse se nomme : la

basse-cour. Il comprenait toutes les dépendances du château, les magasins, les écuries,

quelques logements et la chapelle.

151

MERIMEE et Albert LENOIR, op.cit. 152

Idem.

Première Partie Chapitre Troisième

103

Fig.39 : Plan du château de Blanquefort (XIIIème siècle).

Source : MERIMEE et Albert LENOIR153

Les donjons : ils occupent en général le lieu le plus élevé et le plus difficile d’accès. Le

donjon peut se trouver au centre (voir le schéma précédent), tangent au rempart (château

de Coucy) ou bien complètement isolé (château de Vincennes). Ses dimensions sont

proportionnelles à celle de la forteresse allant de la simple tour jusqu’à la citadelle. Elles

dépendent de l’importance de la garnison qu’il devra contenir.

Fig.40 : Château de Coucy au donjon tangent au rempart.

Source : MERIMEE et Albert LENOIR154

Les tous-terrains : présents dans la plupart des forteresses et de dimensions variées, ils

servaient soit de magasins, de prisons et débouchaient sur la campagne loin de la

153

MERIMEE et Albert LENOIR, op.cit. 154

Idem.

Première Partie Chapitre Troisième

104

forteresse. Ils sont indépendants des caves et des magasins à usages civils. Ils peuvent

comprendre des cachots et des oubliettes.

Fig.41 : Plan des magasins du château du Vivier.

Source : MERIMEE et Albert LENOIR155

Fig.42 : Coupe sur les oubliettes du château Chinon.

Source : MERIMEE et Albert LENOIR156

La « cité idéale » ne peut devenir réalité concrète que dans des conditions bien particulières : par

exemple, dans les installations militaires, les villes forteresses dont Vauban est le grand artisan.

L’armée française allant conquérir un pays arabe se devait de connaitre les places fortes de ce

pays. Elle se devait aussi de bien connaître l’organisation spatiale de ces places. Toutes les villes

de l’Algérie du XIXème siècle se présentaient soit sous forme de ville garnison telles Alger ou

Constantine soit sous forme de ville protégée par une enceinte et comprenant au moins une

casbah ou citadelle. Voilà pourquoi l’intérêt pour l’architecture militaire musulmane.

155

MERIMEE et Albert LENOIR, op.cit. 156

Idem.

Première Partie Chapitre Troisième

105

3.2. L’Architecture militaire musulmane.

On reconnaît d'abord, parmi les fonctions que les villes musulmanes remplirent à l'époque

médiévale, la fonction politique assumée avec plus ou moins d'éclat, soit par les capitales

successives des empires omeyyade, abbasside, fatimide, seldjoukide, séfévide ou ottoman, pour

ne citer que quelques empires choisis parmi les plus illustres, soit par des chefs-lieux de

provinces ou des sièges de principautés indépendantes. Elle se confondait plus ou moins avec la

fonction militaire et défensive assumée par les premières villes-camps, puis par des résidences

royales protégées, enfin par toutes les petites localités fortifiées, élevées ici ou là et ayant

conservé jusqu'à la période moderne leurs enceintes, souvent imposantes.

Utilisé de bonne heure, le terme « ribat » désigne un établissement, à la fois militaire et religieux,

qui semble assez spécifiquement musulman. Édifice conventuel pour les combattants de la foi, le

ribat joue un rôle stratégique certain dans la défense du domaine musulman. Ses occupants, les

al-Murabitun (Almoravides), sont de pieux volontaires, hôtes réguliers ou occasionnels, qui

passent leur temps en exercices militaires et s'adonnent à des pratiques pieuses.

C'est une œuvre pie que de construire un ribat sur son argent ou d'en améliorer les défenses ; il

est méritoire également de lui fournir des vivres et, plus encore, d'y faire un séjour soi-même : la

plupart sont œuvres de souverains. Forteresse et lieu de concentration de troupes sur un point

exposé de la frontière du pays d'Islam, le ribat joue le rôle d'avant-poste pour donner l'alarme à

l'arrière-pays. En cas de danger, il offre refuge aux habitants de la campagne environnante.

Le ribat, dont les dimensions sont variables, comporte une enceinte fortifiée de plan carré ou

rectangulaire avec des tours circulaires aux angles et semi-circulaires au milieu des courtines. À

l'intérieur, une cour centrale est entourée de corps d'habitation à deux étages, avec des magasins

d'armes et de vivres. Les Arabes en construisirent en Transoxiane lors de la conquête musulmane

(VIIIe s.) ; ils jalonnent les côtes de Syrie, de Palestine et d'Afrique du Nord Bouna El Haditha

(actuelle Annaba) avait le sien situé sur le site qu’on appelle la Casbah. On en trouvait aussi dans

le Maghreb extrême et jusqu'au Sénégal. Au XIIe siècle, lorsque la pression des infidèles

diminue en Orient et que le djihad passe du plan militaire au plan spirituel, l'institution du ribat

prend un caractère purement religieux : l'offensive de la mystique succède à celle des armes. La

transformation commence en Iran, et le ribat devient rapidement, un couvent (une khanaqah)

édifié dans les faubourgs des villes : il y aura bientôt des ribats urbains, les uns pour les hommes,

Première Partie Chapitre Troisième

106

d'autres pour les femmes. Le plus connu et le ribat d’Abdoul Moumin appelé « Ribat El Fath »

ou camp de la victoire est l’actuelle Rabat.157

Un autre élément défensif musulman est le Bordj ou Burdj : Élément principal des fortifications

élevées en terre d'Islam dans les années postérieures à la conquête, le burdj subit comme celles-ci

les transformations successives imposées par l'évolution de la technique militaire. Le terme

désigne tantôt une tour qui flanque le rempart, tantôt un ouvrage haut et solide, donjon, bastion

ou tour isolée. Leur origine semble remonter au moins aux Sassanides.

De dimensions restreintes, les tours de ces résidences princières, disposées symétriquement sur

la façade ou encadrant les portes, diffèrent des tours de défense romaines et byzantines qui sont

pourvues à tous les étages de pièces aisément accessibles aux hommes de la garnison. Dans les

fortifications médiévales, nous retrouvons le dispositif déjà employé par les Byzantins des tours

de flanquement. Selon les régions et les époques, ces tours sont carrées et oblongues ou bien

rondes et semi-circulaires158

.

Lorsque les forteresses sont aménagées sur une éminence naturelle elles portent le nom de

Qal’a ; qal’at Baní Hamad à Tlemcen en est un exemple.

Fig.43 : Vieille photographie de Bab El Qarmadin au Nord de la Qal’a

Source : Rachid Bourouiba 159

.

157

Nikita Elisséeff, « Ribat », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004. 158

Marianne Barrueaud, « Islam, Les Expressions de l’Islam Ŕ L’art et L’architecture », in Encyclopædia

Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004. 159

Rachid Bourouiba, L’architecture militaire de l’Algérie médiévale, Édit OPU, Alger, 1983.

Première Partie Chapitre Troisième

107

Fig.44 : Qal’a Baní Hamad : Plan du donjon du Manar

Source : Rachid Bourouiba160

La désagrégation des capitales de l’'empire Omeyyade et du morcellement du monde islamique

lui-même, un autre type de ville naquit, sensiblement différent de la métropole abbasside et plus

proche de la ville féodale de l'Europe occidentale.

Là existèrent en effet des villes repliées sur elles-mêmes auprès de ces impressionnantes

citadelles dont le plus beau spécimen, à côté de celles de Damas, de Homs, de Baalbek ou de

Bosra, est sans doute la majestueuse forteresse d'Alep, dressée encore aujourd'hui au-dessus de

son glacis circulaire161

.

À Pergé notamment, dans le sud de l'actuelle Turquie, la porte monumentale de l'enceinte tardive

reçoit au Ve siècle une avant-cour rectangulaire de 40, 50 m de profondeur, flanquée au sud de

160

Rachid Bourouiba, op.cit. 161

Janine SORDEL, « Évolution de la ville islamique », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-

2004.

Première Partie Chapitre Troisième

108

deux tours ainsi qu'une façade externe de colonnes plaquées d'architraves en remploi où

prenaient place des statues également remployées. On note une disposition analogue des portes

des murailles de Resafa, ville de garnison près de l'Euphrate ; leur décoration est purement

syrienne, mais l'ensemble, proche des fortifications de la garnison voisine de Zenobia, rebâtie

sous la surveillance de deux architectes venus de Constantinople (Isidore le Jeune et Jean),

témoigne sans doute de l'influence de la capitale. C'est à Constantinople en effet qu'ont été bâties

les murailles les plus remarquables de tout l'Empire. Commencées en 412 par Théodose II, les

murailles terrestres de cette ville, longues de 5 632 mètres, comportent, outre une levée de terre

et un fossé, un avant-mur de 8 mètres de hauteur, renforcé de 82 tours, et un mur principal haut

de 12 mètres, large de 4, 80 m et pourvu de 96 tours.

Conclusion

La défense de l’espace est la raison de développement de l’architecture militaire. Si les grecs ont

créé les enceintes, puis les forts et tours de guet, les romains ont renforcé ces systèmes par

l’introduction des fossés de défense, et par la création des premiers casernements, les Camps ou

castra. Cette idée de séparer les soldats est innovatrice comme l’est la hiérarchisation des rangs

qui se concrétisa par une hiérarchie spatiale du castra. La protection des frontières est elle aussi

création romaine, au-delà des frontières naturelles, nous leur devrons les frontières artificielles.

Le plan en damier grec est généralisé à toutes les villes selon la logique politique et militaire des

romains.

Si ce plan en damier est délaissé durant le Moyen Âge, l’enceinte, les forts, les tours, fossés et

autres se voient améliorés et renforcés. L’usage de la pierre se généralise au détriment du bois

réservé aux constructions civiles afin de fuir les incendies. L’architecture militaire s’enrichit de

détails constructifs aux fins militaires. Les remparts comprennent des chemins de rondes, les

murs sont crénelés et ouverts de meurtrières. Créneaux, plateformes, moucharabieh, mâchicoulis

viennent se greffer aux tours, murs et murailles, à des fins défensives et de surveillance. La

forme en plan des villes suivra la même évolution, tout en s’adaptant au site choisi ; elle

s’adaptera au mode de défense adopté : donjons, forts et fortins intramuros ou extramuros. Les

accès aux villes sont de plus en plus fortifiés et contrôlés. La fortification de la porte par le pont

levis tient compte des autres ouvrages de fortification qui viennent la renforcer tels que tour,

poste de garde, fossé, plateforme la surplombant.

Première Partie Chapitre Troisième

109

L’architecture militaire tient lieu de la topographie du site et de l’accessibilité. La ville n’est plus

pensée comme une agglomération de constructions, mais comme un ensemble sur un site fortifié

et autour d’une entité militaire, château ou citadelle. Son enveloppe est aussi militaire que son

site.

Première Partie Conclusion

110

Conclusion de la première partie

Nous avons vu, dans ce qui précède, comment les armées ont évolué dans le temps en fonction

de l’évolution des armes et armements. Chacune de ces armées, qu’elle soit grecque, romaine,

ottomane, européenne ou française, a introduit dans son organisation des améliorations

manifestes telles que les unités spécialisées, la hiérarchisation des corps d’armée ainsi que des

services annexes essentiels à son bon fonctionnement notamment les services de santé et de

construction. L’armée, dès sa formation, devient alors avant-gardiste.

L’armée française, lors de la conquête de l’Algérie et durant la période coloniale se présentait

donc comme une armée fortement organisée comprenant des services performants et en avance

techniquement relativement aux structures et institutions civiles, tel que le Génie militaire dont le

concept fut d’ailleurs exporté aux États Unis d’ Amérique

Les stratégies de défense et d’attaque mirent en exergue l’importance du site d’implantation des

villes ; l’architecture militaire aura tenu compte de la topographie du site et de l’accessibilité à ce

dernier.

Tous les écrits des militaires français, dans leurs rapports font référence aux romains. Avec ses

innovations dans le domaine militaire, hygiénique, architectural et urbanistique, Rome devint un

modèle pour les civilisations futures. L’empire ne s’est pas limité à l’Europe, mais s’est étendu

jusqu’en Afrique du Nord et au moyen Orient. Cette expansion, dans un but de pérennité, a

reproduit sur l’espace des villes à l’exemple de Rome et du camp romain Castra. Cette volonté

s’est traduite par une forme d’urbanisation des territoires occupés.

A l’instar de Rome, l’empire français étendu en Europe, orienta son regard vers la rive Sud de la

méditerranée.

Le Moyen Âge constitue la période intermédiaire entre l’époque romaine et celle de la

colonisation de l’Algérie par les français. L’architecture militaire produite en ce temps,

représente le patrimoine de référence des savoirs et des savoirs faire des militaires français.

Si les grecs ont créé les enceintes, puis les forts et tours de guet, ils ont été une référence pour les

romains. Ces derniers adoptèrent et renforcèrent ces systèmes par l’introduction des fossés de

défense, et par la création des premiers casernements : les Camps ou castra. La protection des

frontières est elle aussi création romaine ; au-delà des frontières naturelles, nous découvrons les

Première Partie Conclusion

111

frontières artificielles. Le plan en damier grec est généralisé à toutes les villes selon la logique

politique et militaire des romains.

Si ce plan en damier est délaissé durant le Moyen Âge, l’enceinte, les forts, les tours, fossés et

autres se voient améliorés et renforcés. L’architecture militaire s’enrichit de détails constructifs

aux fins militaires. Créneaux, plateformes, moucharabieh, mâchicoulis viennent se greffer aux

tours, murs et murailles, à des fins défensives et de surveillance. La forme en plan des villes,

suivra la même évolution, tout en s’adaptant au site choisi, elle s’adaptera au mode de défense

adopté : donjons, forts et fortins intramuros ou extramuros. Les accès aux villes sont de plus en

plus fortifiés et contrôlés.

Cette première partie constitue les référents potentiels des savoirs et savoirs faire pour les

ingénieurs de l’armée française.

Deuxième Partie Introduction

112

DEUXIÈME PARTIE

LE CONTEXTE GÉOPOLITIQUE ET SOCIAL DE LA COLONISATION.

Introduction.

La régence turque d’Alger posait un méchant problème au monde méditerranéen depuis le

XVIème

siècle. C’était la place forte de la piraterie et le plus grand marché aux esclaves du Bassin

méditerranéen. Les Barbaresques attaquaient les navires marchands, s’emparaient des cargaisons

et réduisaient en esclavage les équipages comme les passagers (tel fut le sort de nombreux

européens, dont Cervantès, Regnard, Arago et St Vincent de Paul).

Ils poussaient même l’audace de faire des expéditions sur les côtes françaises, sardes,

espagnoles, pour razzier des jeunes femmes pour leurs harems et des jeunes garçons pour en

faire des janissaires. Les puissances européennes tentèrent de mettre le holà. Plusieurs

expéditions vinrent bombarder Alger et délivrer les captifs (lord Exmouth en 1816 libéra ainsi

mille deux cents prisonniers européens).

Il est primordial de connaître le contexte géopolitique et social avant et durant la période de

colonisation, colonisation qui va se mener différemment selon les régimes en place en métropole

mais aussi selon l’objectif recherché puisqu’elle va passer de conquête à colonisation de

peuplement. Les contextes seront différents en Algérie et en métropole. Le type de relations des

pays voisins, qui existe entre eux et la France ou l’Algérie, aura son influence sur la

colonisation. Il est tout aussi important de connaître les conditions qui prévalaient avant la

colonisation car elles aussi auront leur impact sur la colonisation ou encore sur le peuplement.

Deuxième Partie Chapitre Premier

113

CHAPITRE PREMIER

L’ALGÉRIE SOUS LA RÉGENCE.

Introduction.

L'Algérie, lorsque les Français y arrivèrent en 1830, n'était pas vide ou à peu près vide

d'habitants, comme l'Australie, le Canada, l'Argentine au moment où les Européens s'y établirent,

bien que légèrement peuplée par rapport à sa superficie : deux millions d’habitants si l’on ne

comptabilise que les algériens de souches c’est à dire sans les turcs ou les kouloughlis162

. Elle

était depuis plus de deux siècles sous la dominance des ottomans. Nous verrons dans ce qui suit

comment cette dernière régissait l’Algérie en général et le beylik de Constantine en particulier.

Par ailleurs nous aborderons l’urbanisation avec ce qu’elle comprend comme villes et

populations durant la régence ottomane. L’Algérie se trouvant habitée par les autochtones, par

les turcs et les kouloughlis, nous essayerons de voir comment la vie sociale se présentait et

comment ces populations cohabitaient. Nous tenterons de mette en évidence la gestion spatiale et

sociale du point de vue militaire. Le côté sanitaire faisant partie de notre intéressement, nous

verrons aussi comment se pratiquait la médecine en Algérie sous la régence ottomane.

1. L’Algérie sous les ottomans.

Les Turcs s’établirent en Algérie durant le seizième siècle. Lorsque le vaste empire des califes

commença à se désorganiser, l’Espagne et l’Afrique s’en séparèrent successivement. Dans cette

dernière contrée, la domination arabe se fractionnant encore, deux nouveaux empires se

formèrent, l’un à Fez et l’autre en Égypte, laissant entre eux un vaste espace où surgirent de

petits Etats indépendants. Alger forma un de ces petits Etats, où quelques princes sages firent

fleurir l’industrie et l’agriculture, en ouvrant un asile aux musulmans que les conquêtes des

chrétiens chassaient d’Espagne. Mais, après l’entière destruction de la puissance arabe en

Espagne, les Espagnols poursuivirent jusqu’en Afrique les restes de leurs anciens conquérants.

Ils s’emparèrent d’Oran, de Bougie et d’autres places, et vinrent s’établir sur un rocher situé en

mer en face d’Alger. L’émir de cette ville, nommé Eutémie, fatigué de cet importun voisinage,

eut l’imprudence d’implorer le secours des deux frères Aaroudj et Khair-Eddine contre les

162

Kouloughli : enfant métis de père turc et de mère soit algérienne de souche soit esclave de turc, in Encyclopédie

Encarta, Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.

Deuxième Partie Chapitre Premier

114

Espagnols, qui étaient alors maîtres d’Oran et qui avaient installé des garnisons dans Bougie et

dans la petite île qui est en face d’Alger. Ces deux frères étaient de Mytilène, surnommés

Barberousse. Une valeur entreprenante et beaucoup de succès leur avaient valu un grand pouvoir,

une réputation brillante et un nom illustre dans toute la chrétienté. L’offre fut acceptée par ces

deux hardis capitaines, qui cherchaient depuis longtemps à se procurer un port pour donner plus

de stabilité à leur puissance.

Aaroudj Barberousse, à la tête de cinq mille hommes, entra en ami dans Alger. Mais un allié trop

puissant est souvent pire qu’un ennemi déclaré : l’émir mourut empoisonné, et Barberousse

s’empara du pouvoir. Après sa mort, son frère Khair-Eddine fut nommé pacha d’Alger par la

Porte Ottomane, et le pays fit dès lors partie du vaste empire des Turcs. Mais Khair-Eddine,

quoique satrape du sultan de Constantinople, fut de fait le fondateur d’un État qui ne tarda pas à

devenir indépendant. Cet État était une république militaire dont le chef était électif et dont les

membres devaient être Turcs. Les autochtones étaient sujets ou alliés, selon le plus ou le moins

grand nombre d’actions que les Turcs avaient sur eux ; mais ils ne pouvaient exercer aucune

fonction politique en dehors de la race à laquelle ils appartenaient163

.

1.1. La division politique de la Régence.

Il ne suffit pas, pour connaître l'état de l'Algérie avant la conquête française, d'indiquer les

principaux corps de l'organisation turque, mais d’en saisir les rouages car cette organisation était

en réalité extérieure et étrangère à la vie profonde du pays. Bien que les collectivités autochtones

fussent, théoriquement réparties entre les différents beyliks, pratiquement elles échappaient pour

la plupart et notamment les rurales, à l'administration et même à l'influence des Turcs, qui

avaient fort peu modifié leur structure intime. Seule la collecte des impôts était généralisée à

l’ensemble du pays et était celle qui importait le plus au regard des turcs.

La division politique du royaume d’Alger formait, avant la conquête de 1830, trois provinces :

Oran à l’Ouest, Tittery au Sud, Constantine à l’Est. La province de Tittery a pour bornes, à

l’ouest, la rivière de Mazafran (30° 12’ longitude est), qui la sépare de celle d’Oran ; à l’est, le

Bouberak la sépare de Constantine (4° 15’ de longitude).

163

« Algérie », in Encyclopédie Encarta, Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.

Deuxième Partie Chapitre Premier

115

Fig.45 : L’Algérie sous les ottomans.

Source : Colonel NIOX164

Les trois provinces s’étendent, du sud de la Méditerranée au Sahara. La capitale de ce royaume

est située sur la côte de Tittery (36° 48’ longitude nord, et 3° 30’ longitude est). Trémecen ou

Tlemcen, était autrefois la capitale du royaume de ce nom et une ville très-considérable. Depuis

l’établissement de la domination turque dans ce pays, Tlemcen, malgré les avantages de sa

position, était tombée dans un état complet de décadence. Oran est située à cinquante-quatre

milles nord-est de Tlemcen. Elle fut occupée par les espagnols durant un siècle en vertu d’un

traité avec la régence d’Alger. Elle a un très-bon port dans les saisons ordinaires, et s’étend sur

un isthme dans une étendue de cinq milles au sud-ouest de la belle rade d’Arzew (35° 48’

latitude, et 60° 40’ longitude est). Sa situation dans un pays très-beau et très-fertile, ses deux

belles rades, et le voisinage de Gibraltar et de l’Espagne, en font certainement la seconde place

du royaume. Belidah ou Blida est située au sud de la capitale, sur la limite de la plaine de la

Mitidja, à la distance de vingt-quatre milles. Plus loin et toujours dans la même direction, on

trouve Médéa, capitale de Tittery ; elle a à peu près l’étendue et l’importance de Blida. Le

voisinage de la capitale et leur situation dans les districts les plus fertiles de la Numidie ont

procuré à ces deux villes une grande prospérité agriculturale165

.

164

Colonel NIOX, « Géographie militaire ; Algérie et Tunisie », Édit Librairie Militaire de l. Baudoin et Cie, 2

ème

édition, Paris 1890, p 13. 165

Idem.

Deuxième Partie Chapitre Premier

116

1.2. Les villes algériennes sous la Régence.

L’Algérie comptait de nombreuses villes, où se concentraient les services administratifs et

militaires en même temps que les activités culturelles et économiques : artisanat, commerce….

Certaines de ces grandes villes atteignaient les 100 000 habitants telles Tlemcen et Constantine

au début du XVIème siècle puis Alger à la fin du même siècle. Au début du XIXème siècle, on

évaluait la population de Constantine entre 25 000 et 30 000, celle de Tlemcen entre 12 et

14 000, Oran, Miliana, Médéa et Mascara entre 8 000 et 10 000 alors que Cherchell et Bône ne

comptaient que 2 à 3 000 habitants. La population urbaine de l’Algérie, à la fin du XVIIIème

siècle peut être estimée au dixième de la population totale.

Constantine, capitale de la province orientale, est l’ancienne Cirta. Elle est située sur la rivière

El-Rummel, à quarante milles de la mer (36° 20’ de latitude nord, et 6° 30’ de longitude est) ; sa

position (du point de vue militaire) est certainement une des plus heureuses que l’on puisse

imaginer.

Bona ou Bône, l’ancienne Hippo-Regius, est une ville d’environ trois ou quatre mille habitants,

ayant un port commode (36° 43’ de latitude nord, et 8 de longitude est)166

.

Avant la fin du XVIIIème siècle, Bône, comme ville commerciale, était au-dessus d’Alger.

C’était le rendez-vous de tout le commerce que faisait la Compagnie française d’Afrique, qui

avait obtenu le monopole de la pêche du corail et d’autres privilèges commerciaux qui reparurent

avec la Restauration, mais sans produire une amélioration évidente pour le commerce de

Bône167

.

Boujaiah ou Bougie (située à 36° 45’ de latitude nord et à 9° 24’ de longitude est), possédait le

meilleur port de la côte et était autrefois le principal dépôt naval de la régence. Le pays

avoisinant est montagneux et d’une grande fertilité en olives ; Bougie pouvait être une ville

commerciale d’une très grande importance.

166

Paul Gaffarel, Conquête de l’Algérie jusqu’à la prise de Constantine, Édit Librairie de Firmin-Didot et Cie, Paris,

1888. 167

Maitrot capitaine, Bône Militaire. 44 siècles de luttes du XXIVème avant au XXème siècle après notre ère, Édit

Imprimerie centrale A.-M. Mariani, Bône, 1912.

Deuxième Partie Chapitre Premier

117

1.3. La répartition des populations urbaines selon les ethnies.

Il y a différentes opinions sur l’estimation de la population de l’Algérie168

. Il ne s’agit pas ici

d’un dénombrement exact, on ne peut tout au plus que l’estimer approximativement. La

population du pays est plutôt au-dessous qu’au-dessus d’un million.

On distinguait, on a toujours distingué les gens des villes et les gens des tribus. La composition

de la population urbaine était partout à peu près la même qu'à Alger ; on trouvait dans les villes

des Turcs, des Kouloughlis, des Maures ou hadar, des berranis ou étrangers, des africains noires,

enfin des Israélites et quelques rares Européens, consuls, commerçants ou renégats.

En 1830, il y avait environ 12 000 Turcs répartis entre les résidences des beys et les autres villes

de garnison. L’Odjak ou communauté turque, avec au sommet le dey, les membres de sa cour,

ses ministres et surtout ses janissaires, détenaient la force militaire, le pouvoir administratif et

foncier et de nombreux moyens de productions.

Les Kouloughlis étaient au nombre de 5 à 6 000 et étaient utilisés pour garder les citadelles.

Dans le Constantinois ils formaient une importante colonie notamment à Mila et à Tébessa. Ceux

de la ville de Constantine dispersés par Ahmed Bey en 1830 grossirent la garnison de Bône.

Les Maures, pour la plupart musulmans d’Andalousie constituaient le groupe le plus important

par le nombre. Ils jouèrent un grand rôle économique : propriétaires terriens, ils excellaient en

agriculture (ils dotèrent la ville d’Alger d’aqueducs d’irrigation et d’alimentation en eau potable

dés le XVIème siècle) mais ils détenaient aussi le commerce et exerçaient les divers métiers

(soie, pâtisserie et cuir) et étaient connus pour leur maîtrise du chant. Ils s’installèrent

principalement dans l’Oranie et dans les villes du littoral ; ils pouvaient accéder à la magistrature

et aux fonctions religieuses. Les Berranis, campagnards établis dans les villes, étaient groupés

par pays d'origine et par corporations sous la surveillance d'un Amin ; c'était surtout des Kabyles

et des Mozabites.

Les juifs constituaient l’élément le plus ancien de la population (soit de part leur naissance ou

bien ceux arrivés d’Espagne au XIVème siècle). Ils bénéficiaient d’une liberté de culte, d’écoles

hébraïques et avaient leur propre justice. Ils s’adonnaient au commerce (surtout extérieur) et

excellaient dans certains métiers : échanges de monnaie, bijouterie et ferblanterie. La

168168

Arsène Berteuil, L’Algérie française, Tome Premier, Édit Dentu Libraire-éditeur, Paris, 1856, Ouvrage

téléchargé sur le site : www.algerie-ancienne.com.

Deuxième Partie Chapitre Premier

118

communauté juive livournaise (dont les familles Bouschnak et Bakri faisaient partie) détenait de

nombreux monopoles dont celui du blé, de la cire et de l’huile qu’ils pouvaient exporter169

.

Les chrétiens étaient fort peu nombreux, c’était notamment des agents consulaires commerciaux

ou religieux. Les plus nombreux étaient les captifs.

La citadinité de ces populations, renforcée par l’arrivée des andalous, a été soutenue par les

bénéfices de la course, de l’artisanat et du commerce. L’aisance des populations urbaines a

donné un éclat particulier à la vie citadine170,

.

Il est difficile d'évaluer le chiffre de la population urbaine en 1830 ; il ne dépassait probablement

pas 100 000 âmes, dont 20 000 Israélites. Alger n'avait plus que 33 000 habitants, Constantine 31

000, Tlemcen 9 000, Oran 7 000 et Bona entre 3000 et 4000 ; quant à la population autochtone

entière, elle tournait autour des deux millions d’âmes171

.

1.4. Les populations rurales.

Les tribus étaient autant de petits États, de forces très diverses et de constitutions très disparates.

A la base était la famille très fortement organisée, mettant tout en commun, richesse et pauvreté,

douleurs et joies. Les intérêts de celle-ci prévalaient sur l’intérêt de l'individu .Un assemblage de

familles parentes entre elles, formait le clan, la karouba des Kabyles. Au-dessus du clan venait le

village (thaddert ou dachra) chez les sédentaires, le douar chez les nomades, au-dessus du village

ou du douar, la tribu ou Arch.

Les nécessités de la vie en commun, l'absence, depuis l'antiquité romaine, de tout gouvernement

rassemblant l’ensemble du territoire algérien, avaient créé chez les autochtones un organisme

social rudimentaire, la Djemââ. De même que la famille obéissait à son chef naturel, l'ancêtre, le

cheikh, l'assemblée des cheikhs, des chefs de famille constituait la djemââ, qui régissait la petite

communauté172

.

Très souvent le terme de Caïd est relié à la colonisation alors que nous le retrouvons parmi les

fonctionnaires ottomans. Ce qui nous pousse à rechercher d’éventuels postes administratifs chez

169

Henri Garrot, Les juifs d’Algérie, Édit Librairie Louis Relin, Alger, 1898 170

Abdelhamid Mérad Boudia, La formation sociale algérienne précoloniale : essai d’analyse théorique », Édit

OPU, Alger, 1980.

Mohamed Soualah, La société indigène de l’Afrique du Nord, Édit Typo-Lito et Jules Carbonel , Alger, 1937. 171

Mahfoud Kaddache, l’Algérie durant la période ottomane, Édit OPU, Alger, 2003. 172

Idem.

Deuxième Partie Chapitre Premier

119

les ottomans comme influençant les français soit du point de vue terminologique, soit du point de

vue organisationnel, c'est-à-dire voir si les rôles de ces fonctionnaires eux même étaient repris.

2. L’organisation de la gérance ottomane.

Le gouvernement ottoman se composait ostensiblement d’un chef souverain appelé dey, et d’un

diwan ou grand conseil. Le nombre des membres du diwan n’était pas limité ; ils étaient pris

parmi les anciens militaires qui avaient eu ou avaient encore un commandement. Le diwan élisait

le dey et délibérait sur toutes les affaires que celui-ci voulait bien lui soumettre.

2.1. L’appareil administratif des Deys.

Le dey nommait lui-même ses ministres ; c’étaient :

le khasnadji, qui avait dans ses attributions les finances et l’intérieur ;

l’agha, ou bachagha, qui commandait en chef l’armée, et qu’on pourrait appeler

ministre de la guerre, puisqu’il en avait les attributions ;

le khoja-el-kril ou le khoja de Cavalas, qu’on pourrait désigner sous le nom

d’adjudant général et de surintendant des domaines nationaux ;

l’oukil-el-hardj, ou ministre de la marine et des affaires étrangères ;

le makatadj, ou chef des secrétaires ;

le cheikh-el-islam, ou muphti-el-hanephy, ministre du culte et de la justice.

le beit-el-mal, ou juge des successions, était chargé de l’ouverture des testaments et

de tous les litiges que pouvait entraîner l’exécution. Il était le représentant de tous les

héritiers absents. Il devait faire entrer au domaine, après les prélèvements faits pour

les pauvres et pour quelques autres dépenses spéciales, les successions vacantes et la

partie des biens qui revenaient à l’État dans toutes celles où il n’y avait pas d’héritier

mâle direct, partie qui était quelquefois fort considérable. Il était aussi chargé de la

police des inhumations. Il avait sous lui un cadi et plusieurs agents ; Ce dernier poste

était devenu très-important, à cause des revenus qui y étaient attachés173

.

C’était au moyen de ces divers fonctionnaires que le dey dirigeait les rouages de son

gouvernement. Ses ministres formaient le conseil privé du souverain, et constituaient avec lui le

gouvernement de fait, où n’avait rien à voir le prétendu divan, qui n’était souvent qu’imaginaire ;

ce conseil lui-même n’existait plus que de nom lorsque les français s’emparèrent d’Alger.

173

Mahfoud Kaddache, 2003, op.cit.

Deuxième Partie Chapitre Premier

120

Hussein-Pacha, qui ne l’a pas appelé une seule fois dans toute la durée de son règne, ne lui avait

laissé que des attributions tout à fait insignifiantes ; de sorte que les principes fondamentaux de

ce gouvernement étaient en pleine dissolution lorsque la domination turque s’écroula sous les

coups des Français. L’élection des deys d’Alger devait être confirmée par le Grand Seigneur,

qu’ils reconnaissaient pour leur seigneur suzerain ; mais cette confirmation n’était jamais

refusée, et toujours elle était accompagnée du titre de pacha à trois queues, sorte de

dénomination que le souverain prenait dans ses actes publics ; car le nom de dey est à peine

connu à Alger. Les étrangers seuls s’en servaient174

.

2.2. Les prérogatives du Dey.

Aussitôt après leur élection, les deys d’Alger jouissaient de toutes les prérogatives attachées à

l’autorité souveraine ; mais leur installation solennelle n’avait lieu que lorsqu’ils avaient reçu le

firman du Grand Seigneur, qui approuvait leur élection, et, avec le firman, l’envoi du kaftan et

du sabre d’office, qui leur étaient apportés par un capidji-bachi ou messager d’État.

Tous les trois ans, dans ses jours de prospérité, Alger envoyait au Grand Seigneur un présent qui

était transporté à Constantinople, sur un vaisseau de guerre étranger, avec l’ambassadeur qui

devait l’offrir. Ce présent était toujours magnifique, et s’élevait quelquefois à la valeur de

500,000 dollars. Du reste, il paraît qu’Alger ne reconnaissait pas autrement la suprématie du

gouvernement ottoman et, même dans l’ivresse de son pouvoir imaginaire, il lui est arrivé de ne

pas toujours respecter son pavillon. Comme compensation, la Porte lui envoyait ordinairement

un vaisseau avec des munitions de guerre et de mer, lui accordant en outre la permission de lever

des troupes dans le pays soumis à sa domination.

L’administration de la justice criminelle n’appartenait qu’au dey, qui l’exerçait par lui-même ou

par ses ministres ; les peines suivaient l’islam et étaient la mort, la mutilation, les travaux

publics, la bastonnade et l’amende.

La justice civile était administrée dans chaque grand centre d’administration par deux cadis, l’un

dit el-hanephy pour les Turcs, et l’autre dit el-maleki pour les autochtones (Les hanephys et les

malekis forment deux Madahib musulmanes qui diffèrent sur quelques pratiques insignifiantes

du culte et sur quelques points de jurisprudence). Les Turcs sont du madhab des hanephys ; les

naturels de l’Afrique sont au contraire malekis. Au-dessus des cadis existaient deux muphtis,

174

André Prenant, « Algérie », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004.

Deuxième Partie Chapitre Premier

121

l’un hanephy et l’autre maleki. Le premier, qui comme nous l’avons dit portait le titre de cheikh-

el-islam (chef de l’islamisme), était un fort grand personnage : il recevait les appels des

jugements rendus par les cadis, dans une cour appelée le Madjalis qu’il présidait, et qui se

composait des deux muphtis et des deux cadis. Une affaire civile pouvait être portée par les

parties, soit à Tunis, soit à Fez, où se trouvent les plus célèbres légistes de l’Afrique. En Algérie,

comme dans tous les autres pays musulmans, le code civil se compose du Coran, de ses

commentaires et de quelques coutumes du prophète auxquelles l’expérience a donné force de

loi : la Sunna175

.

L’arrondissement d’Alger était directement administré par le dey et ses ministres ; mais comme

le dey ne pouvait étendre directement son action sur les points éloignés, il avait établi dans les

provinces des gouverneurs avec le titre de ses lieutenants, que l’on nommait beys. Ils y

exerçaient la souveraineté en son nom ; ils étaient par le fait investis de toute son autorité

despotique.

2.3. Le beylicat de Constantine.

Les gouverneurs étaient obligés de venir tous les trois ans à Alger rendre compte de leur

administration. Les beyliks ou provinces étaient au nombre de trois : Constantine à l’est, Oran à

l’ouest, et Tittery au midi. Chaque province était imposée pour une somme déterminée, selon la

capacité qu’on lui supposait pour la payer. Le fisc percevait cette somme par dividende de six

mois.

Tous les trois ans lunaires, les beys étaient donc obligés de venir en personne rendre compte au

siège du gouvernement de leur gestion ; leur entrée était publique, très magnifique, mais la

continuation de leur pouvoir et leur vie même dépendaient du talent qu’ils avaient eu de rassasier

l’avarice des membres de la régence. Chaque visite des beys à Oran et à Constantine ne leur

coûtait pas moins de trois cents dollars ; il leur fallait, dans ces occasions, acheter la faveur des

officiers de la régence, dont le prix était plus ou moins élevé, selon que leur crédit était plus ou

moins grand.

L’Algérie comptait de nombreuses villes où se concentraient les services administratifs et

militaires en même temps que les activités culturelles et économiques.

175

Paul Gaffarel, 1888, op.cit.

Deuxième Partie Chapitre Premier

122

Dans le beylik de Constantine les turcs étaient installés dans la ville de Constantine et dans les

villes garnisons : Mila et Tébessa. Le beylik de Constantine était le plus peuplé des trois beyliks.

La population était égale au deux tiers de celle de l’Algérie. « À la prise de Constantine, Temimi

estimait la population de la province à 1 131 000 habitants 176

».

La ville de Constantine quant à elle comprenait quatre parties : la casbah au Nord, Tabia el Kbira

et Tabia el Barrania et le quartier d’El Kantara au Sud-est et celui de Bab el Djabia au Sud. Les

portes principales se trouvaient au sud, seule possibilité d’accès au rocher : Bab Djedid, Bab el

Oued et Bab el Djabia. Bab el Kantara au Nord donnait sur le pont. Quatre grandes rues

traversaient et coupaient la ville :

de Bab el Djedid à la casbah ;

de Bab el Oued à Souk el Acer ;

de Bab el Djabia à el Kantara ;

de Bab el Djabia en passant par Rahbet Essouf vers E’Charaâ (quartier juif).

La casbah constituait un quartier à part avec casernes, mosquée, magasins et maisons. La ville

comptait une centaine d’établissements de culte musulman entre mosquées et zaouïas ainsi que

beaucoup de Hammams.

Fig.46 : Plan de Constantine au XVIIème siècle.

Sources : Mahfoud KADDACHE177

176

Mahfoud Kaddache, 2003, op.cit. 177

Idem, p 150.

Deuxième Partie Chapitre Premier

123

Fig.47 : Plan de Constantine lors de prise.

Source : Ernest Mercier178

.

L’administration du beylik ressemblait fort à celle du deylik d’Alger, Le bey était secondé par

des hauts fonctionnaires :

le Khalifa qui suppléait le bey dans ses fonctions comme la rentrée des impôts, le

contrôle des Caïds et il disposait d’une milice et des neufs (chiffre changeant selon les

périodes) tribus sous sa coupe ;

Caïd e’Dar ou intendant du palais chargé de l’administration et de la police de la ville de

Constantine. Il administrait aussi les propriétés rurales du beylik ainsi que les immeubles

urbains (en général confisqués aux citoyens). Il veillait à l’emmagasinage des grains

(impôts en nature). Il payait la milice et jugeait les petits délits internes. Il avait à ses

ordres un Moqadem, un Amin, des Caïds (el Aouassi, el Zmala, el Bab, el Souk, el Ain,

el Zbel, el casbah), El- Berrah, Oukil bit el Mal, les Bach Katib et Seyar, et l’Agha es

baihia (commandant des troupes) ;

les Caïds des tribus qui sont, soit nommés par le bey, soit parmi les plus âgés et les plus

riches. Pour les postes inférieurs de Caïd ou de Cheikh, on nomme les notables investis

par l’opinion ou ceux désignés par les khalifas, bachaghas et aghas. Ils ont pour mission

178

Ernest Mercier, Les deux sièges de Constantine 1836-1837, Édit Imprimerie- Librairie L. Poulet, Constantine,

1896.

Deuxième Partie Chapitre Premier

124

de percevoir les impôts arabes : achours et zakats ou turcs : K’okor dans le Constantinois.

Comme rémunération, ils doivent recevoir le dixième de l’impôt et conservent leurs

droits au labour, moisson et transport de grains179

.

A la prise d’Alger, le beylik de Constantine était autrement organisé car Hadj Ahmed, bey de la

ville depuis 1826, s’était autoproclamé Pacha pour être l’égal du bey de Tunis ; son titre ne fut

jamais légitimé par Istanbul. Il put poursuivre en toute indépendance ses projets de réforme et de

réorganisation administrative en même temps qu’il dirigeait la résistance contre les français. Il se

débarrassa des janissaires. Il s’appuya sur une garde de 2000 zouaves constantinois et kabyles en

augmentant leur solde. Il fit construire des casernes er fortifier toutes les places180

.

Considérant le beylik de Constantine comme une province arabe liée à l’empire ottoman par

l’islam, Ahmed Bey voulut faire de Constantine, alors prospère et à la croisée des chemins Nord-

Sud et Est-Ouest, une province moderne et souveraine. Il fit battre ainsi une monnaie (frappée

cinq fois entre 1830 et 1837) et changea de drapeau (rouge orné du sabre bifide). Il gouverna

avec un diwan qui rassemblait outre les deux muftis, les deux cadis, des hauts fonctionnaires et

les chefs des tribus. Aucune décision importante n’était prise sans consultation de ce diwan.

Il fit supprimer tous les impôts non coraniques et procéda à leur remplacement par un seul :

L’Achour, dont les revenus furent consacrés aux dépenses militaires. Il renouvela les cadres de

son administration :

Bach Hamba : sorte de 1er ministre en remplacement du Khalifa.

Deux caïds l’Achour.

Un Agha du Djich (commandant de l’armée).

Un Agha El Asker (commandant des soldats)181

.

L’occupation de l’Algérie par les ottomans était donc une dominance exercée dans les villes et le

reste du pays était resté en l’état. La dominance ottomane en campagne s’exerçait sous forme

d’allégeance avec les tribus berbères ou arabes. Rares étaient les investissements ou édifications

structurelles civiles en dehors des mosquées et aqueducs et Hammams introduits par l’empire

ottoman en l’Algérie. Ce dernier ne s’occupait donc que du prélèvement d’impôts. Les cités ne

l’intéressaient que du point de vue stratégique d’où le développement des villes portuaires et de 179

Mahfoud Kaddache, 2003, op.cit. 180

Ernest Mercier, 1896, op.cit. 181

Abdeldjélil Temimi, Le beylik de Constantine et Hadj Ahmed Bey. 1830-1837, Édit Publication de la revue

d’histoire maghrébine, Tunis, 1978.

Deuxième Partie Chapitre Premier

125

garnisons telles Alger, Bougie, Annaba, Tlemcen, Mila ou Constantine. Ces dernières

constituaient les bases arrières de l’armée ottomane par l’assujettissement des populations

autochtones.

3. La médecine en Algérie pendant la période ottomane (1516-1830)

Au cours de cette période qui s'étendit de 1516 (arrivée des frères Barberousse) jusqu'à 1830,

trois médecines se sont côtoyées, chacune d'elle adaptée à la population à laquelle elle

s'adressait :

la médecine européenne réservée aux captifs en grande partie européens, était dispensée

dans les hôpitaux qui furent érigés dans les bagnes ;

la médecine des turcs, orientée vers les aspects militaires car les turcs venaient en Algérie

en tant que jeunes recrues, en plein force de l'âge et en bonne santé et repartaient en

Turquie une fois leur mission terminée ;

la médecine populaire, continuation de la médecine arabe réservée à la population

autochtone.

3.1. La médecine traditionnelle.

La médecine populaire était synonyme de médecine naturelle. La médecine arabe de la famille

algérienne se basait sur une série de gestes et de pratiques issus donc de la phytothérapie :

fumigation de souffre, cautérisation, réduction, saignées et pratiques kinésithérapiques dans les

bains de vapeur. La connaissance de ces pratiques se transmettait de père en fils ou de mère à

fille. La pratique de la médecine ne présentait pas de caractère commercial car elle est souvent

associée à la religion et au spiritisme182

.

Les médecins appelés Hakim ou sages exerçaient le jour du marché. Les consultations étaient

pratiquées en dehors ou sous la tente. Certaines accoucheuses (kabla) étaient réputées et avaient

le monopole des accouchements. Certaines tribus étaient également connues pour leurs

connaissances en médecine en particulier dans l'art de guérir les coups, les blessures et les

fractures. Plusieurs hôpitaux existaient en Algérie au cours de cette époque, en particulier à

Alger, Tlemcen, Oran et Bejaia. Il est à noter que ces hôpitaux ne correspondent pas à l’image

des hôpitaux modernes et étaient destinés aux plus démunis. Les ressources des établissements à

182

Siham Bestandji, Rites thérapeutiques et bien-être spirituel. Ancrages et résurgences. Pour un projet urbain de

tourisme pèlerin, Thèse de Doctorat es-sciences, sous la direction de Dr Belkacem LABII, Constantine, 2008.

Deuxième Partie Chapitre Premier

126

caractères social provenaient des biens Habous et Waqf. Ces derniers correspondent aux biens de

mainmorte de l’église catholique. Les cinq dixième du territoire algérien étaient consacrés à

l’enseignement et aux œuvres d’utilité publique183

.

D’après Cumston dans l’histoire de la médecine, les médecins musulmans firent trois grands pas

à la science médicale :

ils classifient méthodiquement les éléments épars de la médecine grecque ;

ils créèrent la médecine clinique ;

ils enrichirent la pathologie par la description de maladies nouvelles184

.

Pour de nombreux médecins ils sont considérés comme d’excellents observateurs et de grands

érudits. Pour eux la médecine commence dans les idées et la philosophie en passant par

l’anatomie, la psychologie, le mauvais œil, l’hygiène, la diététique, les pathologies et les sens et

finit par les matières médicales, la toxicologie et le climat. Ils furent les précurseurs de la

musicothérapie.

Parmi les médecins célèbres de cette époque, on peut citer :

El Djazouli, médecin de Tlemcen qui vivait en 1068 de l'hégire.

Mohamed Ibn Ahmed El Hassani qui vécut également à Tlemcen qui a écrit une lettre de

13 pages relative à la prévention des épidémies.

Nour Eddine Ibn Nasr Eddine El Makky, qui a rédigé un traité de médecine intitulé

''Tohfet El Iman''.

Ahmed Ibn Kassem El Bouni (1653-1726), originaire de Annaba qui a rédigé un traité

intitulé ''l'âlem ahlou el kariha fi el adouya essahiha''.

Khalil ibn Ismail el Djazaïri connu pour son livre : ''Les trésors de l'âme pour pallier aux

maladies difficiles''

Abderezak Ibn Hamadouche el Djazaïri, né en 1107 de l'hégire, il officiait dans un

magasin à proximité de la grande mosquée d'Alger. Parmi les ouvrages qu'il a écrits, on

peut citer : ''Errihla ''(le voyage), ''kechf erroumouz'' où l'on peut noter sa parfaite

connaissance des plantes médicinales de l'époque, l'ouvrage en quatre tomes ; ''El jawhar

183

ATIR Mohamed, Consultation à l’étude de l’histoire de la santé en Algérie. Autour d’une expérience vécue en

ALN. Wilaya V, Édit OPU, Alger, Édit N° 1954-01-86. 184

Abdelhamid Mérad Boudia, La formation sociale algérienne précoloniale : essai d’analyse théorique », Édit

OPU, Alger, 1980.

Deuxième Partie Chapitre Premier

127

el maknoun min bahr el kanoun'' (les perles cachés de l'océan du canon) où il traite des

poisons, des maladies et des plantes et drogues médicinales.

Ahmed ibn Ali Erachidi, originaire de Ferdjioua qui composa un dictionnaire médical ''El

Minha el Koudoussia fi el Adwiya el Kamoussia''

Ahmed ben Belkacem, chirurgien qui vécut du temps d'Ahmed Bey de Constantine. Il

excellait en neurochirurgie et traitait les fractures de la boite crânienne. Les turcs avaient

souvent recours à lui185

.

Comme nous venons de l’expliciter précédemment, à l’arrivée des français, la prise en charge

sanitaire des populations d’Algérie était donc traditionnelle et dépourvue de structures modernes

de santé.

3.2. La médecine turque.

Les turcs étant en nombre relativement modeste en Algérie et étant relativement jeunes (adultes

aptes au service militaire), leurs besoins en matière de santé étaient relativement réduits.

Un Bech-Djerrah ou médecin-chef ou Amin des médecins assurait les fonctions de haut

responsable de la santé. Ses bureaux jouxtaient la Djénina, siège du gouverneur (actuellement

CHU Bab El Oued). Les services de ce médecin-chef répondaient aux différents besoins de santé

exprimés aussi bien par les dignitaires turcs que par les janissaires. Il était en outre responsable :

de la pharmacie centrale située près de la Djénina et qui approvisionnait toutes les

structures de santé en médicaments, plantes médicinales et prothèses ;

des médecins militaires turcs qui venaient d'Égypte et de Turquie, pour assurer la

couverture sanitaire du contingent des janissaires.

Si les médecins turcs exerçaient pour une durée déterminée en Algérie, certains d'entre eux ont

exercé à titre privé, une fois leur service militaire terminé.

Il faut signaler que les turcs ont joué un rôle important sur le plan de l'hygiène publique à Alger

et dans les grandes villes. En effet, ce sont eux, aidés des hydrauliciens andalous, qui ont réalisé

les quatre aqueducs et 120 fontaines publiques qui alimentaient la population algéroise. Les

hammams (bains maures) d'Alger (plus de soixante), de Tlemcen et de Constantine étaient

185

ATIR Mohamed, Consultation à l’étude de l’histoire de la santé en Algérie. Autour d’une expérience vécue en

ALN. Wilaya V, OPU, Alger, Édit N° 1954-01-86.

Deuxième Partie Chapitre Premier

128

réputés. La propreté de la ville était confiée à un organisme dirigé par un Caïd El Zbel qui

s'occupait du ramassage des ordures ménagères et de l'entretien des canalisations des eaux usées.

La première structure hospitalière turque fut construite en 1550 par Hassan le fils de Khair-

Eddine Barberousse. Le nom d'asile était souvent donné à ces maisons de soins. Parmi ces

structures on peut citer pour Alger :

l'asile pour malades mentaux de la rue de la flèche ;

l'asile de la rue de l'Aigle qui abritait les turcs impotents et les janissaires invalides ;

l'asile de Boutouil qui servait de refuge aux indigents et qui était situé sur l'emplacement

actuel du lycée émir Abd El Kader de Bab El Oued. ;

l'asile de Sid Ouali Dada situé à la rue du Divan (en face de la mosquée Quetchaoua) qui

recevait les handicapés et les malades et qui a continué à fonctionner jusqu'après

l'occupation française.

Ces maisons de soins, aussi fonctionnelle soient-elles, ne pouvaient constituer des bâtiments

susceptibles de recevoir les entités constituantes d’un hôpital moderne. Ces maisons ne

pouvaient être donc considérées par les français comme hôpitaux.

3.1. La médecine européenne.

La pratique médicale en Algérie est très ancienne et plusieurs écrits témoignent de cette activité

bien avant la colonisation française. Cependant la médecine moderne telle que nous la

connaissons actuellement a débuté avec l'armée française.

Par médecine européenne nous entendons la médecine adressée essentiellement pour les

européens ou bien celle pratiquée par ces derniers. Les tentatives de conquêtes des côtes

algériennes, la position géostratégique du pays ont brassé nombres d’européens qui ont nécessité

ou prodigué des soins.

En 1551, le prêtre espagnol Sébastien Duport créa une maison de soins pour les captifs.

En 1575, un père capucin fonda ''l'hôpital d'Espagne'', le plus important d'Alger.

En 1612, un autre prêtre, Bernard de Monroy fonda ''l'hôpital de la Sainte Trinité' ' dans

la taverne du bagne du Pacha au niveau de la rue Bab Azzoun.

En 1639 un hôpital spécialisé dans les soins aux pestiférés a fonctionné jusqu'en 1750. l

était dirigé par les prêtres de la confrérie de Saint-Roch.

Deuxième Partie Chapitre Premier

129

En 1646 une mission religieuse fonda un hôpital à Alger qui resta ouvert jusqu'en 1827.

En 1665, il existait cinq hôpitaux dans les bagnes d'Alger qui comprenaient un prêtre, un

médecin et un chirurgien (barbier) ainsi que des infirmiers, des cuisiniers et des

domestiques choisis parmi les captifs.

En fait le nombre d'hôpitaux variait selon les périodes (le nombre s'élevait pendant les

épidémies). Ces hôpitaux recevaient principalement les captifs et accessoirement les

marins chrétiens de passage à Alger.

Parmi les médecins captifs célèbres, on peut citer :

Melchior Guillandin, professeur de médecine de l'université de Padoue qui a été captif à

Alger de 1557 à 1561.

Murillo, médecin espagnol de Marbella captif en 1649 et qui gagna sa liberté après avoir

exercé 3 ans à Alger.

Robert Hiérome, maître-chirurgien, natif de Provence, ayant séjourné à Alger de 1689 à

1697.

Pascal Gamissot médecin italien qui était au service de Salah Bey de Constantine en

1713.

Crest Charles, chirurgien, natif de Toulon, qui a exercé à l'hôpital administré par les

prêtres espagnols de 1753 à 1757.

Sanchez, chirurgien espagnol qui exerçait à l'hôpital à Alger en 1786.

Conclusion

La régence ottomane se présentait comme une république militaire dont le chef , le Dey, était

électif et dont les membres devaient être Turcs ; les autochtones étaient sujets ou alliés.

L’Algérie était scindée en trois provinces. C’était au moyen de ses divers fonctionnaires que le

dey dirigeait les rouages de son gouvernement. La population turque était concentrée dans les

villes laissant la campagne aux mains des tribus ; la coordination entre arabes et administration

colonisatrice se faisait par le biais des Caïds. Dans le beylik de Constantine les turcs étaient

installés dans la ville de Constantine et dans les villes garnisons : Mila et Tébessa. Le beylik de

Constantine était le plus peuplé des trois beyliks (deux tiers de celle de l’Algérie). Le beylik de

Deuxième Partie Chapitre Premier

130

Constantine était autrement organisé car Hadj Ahmed, bey de la ville depuis 1826, s’était

autoproclamé Pacha. Il fit construire des casernes er fortifier toutes les places.

Les cités n’intéressaient la régence ottomane que du point de vue stratégique d’où le

développement des villes portuaires et de garnison telles Alger, Bougie, Annaba, Tlemcen, Mila

ou Constantine. Ces dernières constituaient les bases arrière de l’armée ottomane par

l’assujettissement des populations autochtones. Mais il faut préciser que les turcs ont joué un rôle

important sur le plan de l'hygiène publique à Alger et dans les grandes villes par la réalisation de

fontaines, d’aqueduc et de hammams et l’instauration du ramassage des ordures ; ces

équipements prolongeaient le système d’hygiène et de santé en usage. Cette dernière se basait

essentiellement sur la médecine traditionnelle, laquelle commençait dans les idées et la

philosophie en passant par l’anatomie, la psychologie, le mauvais œil, l’hygiène, la diététique,

les pathologies et les sens avec la musicothérapie, et finissait par les matières médicales, la

toxicologie et le climat. L’Algérie ne comportait ainsi pas de structures sanitaires moderne telles

que connues en Europe.

Après avoir vu comment se présentait l’Algérie avant la conquête français, il convient de voir les

conditions politiques, militaires et sociales, dans lesquelles se trouvait la France à la même

période. Nous aborderons aussi, dans le prochain chapitre, les moyens et outils mis en place pour

mener à terme la colonisation.

Deuxième Partie Chapitre Deuxième

131

CHAPITRE DEUXIÈME

LA FRANCE ET LE CONTEXTE DE L’OCCUPATION DE L’ALGÉRIE.

Introduction

La conquête puis la colonisation de l’Algérie sont perçues différemment selon que l’on soit sur la

rive Nord ou Sud de la méditerranée. Nous aborderons dans ce chapitre les conditions politiques

existantes en France. En outre, durant la colonisation, la France a eu à gérer des conflits avec ses

voisins européens. Sa guerre avec la Prusse à engendré la chute du second Empire.

Entre les premiers jours de conquête et la fin du XXIème siècle, la France a connu plusieurs

régimes, allant d’Empire à Monarchie, à République, de nouveau à Empire puis enfin à

République. Ces divers changements ne furent pas sans conséquences sur la conquête et la

colonisation. Nous verrons comment ces modifications se sont matérialisées du point de vue de

la législation applicable à l’Algérie. La gestion des affaires arabes ainsi que celles des territoires

ont fait l’objet de plusieurs projets de lois, parfois concrétisés et d’autres fois restés sur papier.

Ces projets ont provoqué de vives polémiques se rapportant soit au mode de colonisation soit à la

gestion des territoires (militaires et civils), la gestion de l’Algérie dans sa globalité. Pour les

Humanistes, Militaires, philosophes et colons, l’Algérie se présentait comme un champ

d’expérience. Les potentialités de cette dernière furent répertoriées de manière scientifique par

des expéditions militaires ; ces derniers se servirent de l’histoire de l’Algérie et notamment celle

de la période romaine pour s’étendre dans le pays. Nous essayerons de mettre en évidence ce en

quoi la colonisation romaine a pu être bénéfique à la colonisation française.

1. La France et la colonisation de l’Algérie.

Au XIXème siècle, la France, comme les grands empires, se focalise sur la pérennisation de ses

colonies.

La rivalité franco-allemande, qui naît dans le courant du XIXème siècle, aboutit d'abord à la

guerre contre la Prusse, se ravive dans la Première Guerre mondiale, et trouve son paroxysme

avec la Seconde Guerre mondiale, où les Alliés se liguent contre l'Axe Rome-Berlin.

Parallèlement à ces enjeux européens, l'armée française a tenu un rôle important dans la création

d'un vaste empire colonial, qui survécut jusqu’à la fin de la guerre d'Algérie. Par la suite, bien

que toujours engagée au coté du bloc de l'Ouest, elle marque sa différence, en développant sa

propre force de dissuasion nucléaire et en quittant le commandement intégré de l'OTAN en 1966.

Deuxième Partie Chapitre Deuxième

132

1.1. La situation politique en France.

Durant la période de conquête de l’Algérie par la France (1830-1870), trois régimes différents se

sont succédés en Métropole. Ces changements de régimes expliquent la position des militaires,

des hommes politiques français mais aussi les outils juridiques établis pour et lors de la

colonisation et ce avant l’avènement de la deuxième république.

La « Restauration » désigne la période restaurant la monarchie française classique qui s'étale de

la chute du Premier Empire le 6 avril 1814 au 29 juillet 1830. Politiquement, elle se traduit

essentiellement par la rédaction et « l'octroi » de la Charte de 1814. C’est durant cette période

que fut décidée l’expédition d’Alger.

Cette période est entrecoupée par les Cent-jours du 20 mars au 22 juin 1815 pendant lesquels

Napoléon reprend le pouvoir. Cet intermède permet de distinguer la Première Restauration de la

seconde, qui s'achève avec la Révolution de juillet. Dans cette perspective, certains considèrent

que le régime de la Monarchie de Juillet (1830-1848) constitue une troisième Restauration.

Le Second Empire est, en France, le régime bonapartiste de Napoléon III s'étalant de 1852 à

1870, entre la Deuxième et la Troisième République. Alors qu'il est président des Français et en

opposition avec l'assemblée conservatrice, Louis-Napoléon organise le Coup d'Etat du 2

décembre 1851, qui lui permet d'imposer une nouvelle constitution, et bientôt d'imposer

l'Empire. La première moitié de ce « Second Empire » est dite de l'« Empire autoritaire », tandis

que la seconde période est dite de l'« Empire libéral »186

.

Les différentes guerres et combats menés en dehors du territoire français dans un voisinage

proche (Italie, Allemagne … ou lointain Amérique, Haïti…) expliquent l’expérience de l’armée

française et son endurance.

Les forces françaises sont engagées à plusieurs reprises durant cette période avec des fortunes

diverses ; la guerre de Crimée voit les anciens adversaires français et britanniques, alliés à

l'Empire Ottoman, vaincre la Russie impériale. En 1859, l'Empire d'Autriche est défait durant les

Batailles de Magenta187

, où le futur Président de la république française Patrice Mac-Mahon joue

186

Adrien Dansette, « Le Second Empire 1852-1870 », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-

2004. 187

Bataille de Magenta : importante bataille qui a opposé les Franco-Piémontais de Napoléon III aux Autrichiens

durant la campagne d’Italie, le 4 juin 1859 qui dure tout l’après-midi et fait près de 9 000 morts, la ville de Magenta

est finalement enlevée dans la soirée. In Microsoft ® Encarta ® 2008. © 1993-2007.

Deuxième Partie Chapitre Deuxième

133

un grand rôle, et Solferino188

. Cependant, l'expédition française au Mexique, dans le but de

dresser contre les États-Unis un empire catholique allié à la France, tourne en revanche en fiasco

militaire et diplomatique à cause de la guérilla, de la fin de la guerre de Sécession et des

prémices d'une guerre contre la puissance montante de l'Europe qu'est la Prusse d'Otto Von

Bismarck. L'échec de l'expédition décrédibilise le régime de Napoléon III et c'est finalement la

guerre franco-allemande de 1870, mal préparée par la France, qui sonne le glas du Second

Empire.

Au Congrès de Vienne, l'Europe se redéfinit. Les structures de la fin du XVIII° siècle, préalables

aux excès de la Révolution et à l'envolée bonapartiste puis napoléonienne, s'estompent. La

culture de la fin des Lumières se heurte à la matérialité naissante du XIX° siècle. L'avènement

des masses aux décisions se révèle comme inéluctable ; la chute de la monarchie est déclinée par

phases successives. La République renaît de ses cendres, mais ce n'est que pour un court instant.

Bientôt, Louis Napoléon revient pour signer le triomphe des prémisses de la société actuelle.189

La question algérienne a influencé pour sa part et dans l’autre sens, c'est-à-dire Algerie – France,

la politique intérieure de la métropole. Les deux pays faisant partie d’un territoire géographique

bien déterminé, à savoir le bassin méditerranéen, il est intéressant de connaitre la situation

politique qui prévalait dans ce dernier pour déterminer les éventuelles influences sur les pays en

question : France et Algérie.

1.2. L’empire français de 1830 à 1962.

Les puissances riveraines qui ont des côtes au bord de la « mare nostrum » luttent pour leurs

intérêts commerciaux et favorisent le commerce maritime qui connaît une grande expansion par

l'arrivée des navires à vapeur consommateurs de charbon. Les ports sont en compétition par leurs

équipements, non seulement techniques mais aussi par ceux concernant le maintien de la santé

publique. La gestion des quarantaines appliquées aux navires et passagers est en effet l'un des

instruments politiques employés pour consolider un avantage commercial. Pour aider à la

compréhension géographique des luttes qui s'engagent la carte de l’empire colonial français

donne une vue de ce champ clos méditerranéen durant les deux époques clés.

188

Bataille de Solferino : Le 24 juin 1859, durant la campagne d'Italie, les troupes de Napoléon III défont les forces

austro-hongroises à la bataille de Solferino, tandis que les troupes piémontaises de Victor Emmanuel II l'emportent

sur les Autrichiens à San Martino, non loin de Brescia.in Microsoft ® Encarta ® 2008. © 1993-2007. 189

« Chroniques de la Province d’Oran. Synthèse de mes recherches au CAOM, concernant la période de 1830-

1873 », Site : www.pagesperso-orange.fr/jeanpaulmarchand/_frame/bnr.png.

Deuxième Partie Chapitre Deuxième

134

Fig.48 : L'Empire colonial français

Sources : Encyclopédie Encarta190

Carte indiquant le Premier empire colonial français en bleu clair et le Second en bleu foncé.

L'histoire de l'impérialisme colonial français peut être divisée en deux ères majeures :

la première du début du XVIIème au milieu du XVII appelé « Premier espace colonial

français » ;

la seconde du début du XIXème siècle au milieu du XXème siècle appelée « Second

espace colonial français ».

Dans la première phase de son expansion, la France a principalement concentré ses efforts en

Amérique du Nord et en Inde, installant des entreprises commerciales monopolistiques qui ont

été soutenues par la force militaire. Après sa défaite face aux Anglais durant la Guerre de Sept

Ans, la France perd ses possessions en Amérique du nord et en Inde, mais elle parvient à garder

ses îles aux Antilles (la Guadeloupe, la Martinique et surtout Saint-Domingue, considérable

source de richesses pour la couronne de France).

La deuxième étape a vu l'établissement, grâce à l'avance technologique de la France, de

l'Indochine française (Viêt-Nam, Laos et Cambodge modernes) et une suite de succès militaires

en Afrique, où elle contrôle les régions actuelles de la Tunisie, de l'Algérie, du Tchad, de

Madagascar et de Djibouti.

190

« Empire colonial français », in Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.

Deuxième Partie Chapitre Deuxième

135

En 1914, la France a un empire de plus de 10 000 000 km² et de près de 60 millions de

personnes, le deuxième en étendue après l'empire britannique. Après la victoire de la Première

Guerre mondiale, la région du Cameroun a été également ajoutée aux possessions françaises, et

la Syrie et le Liban sont devenus des mandats français. Pour la majeure partie de la période de

1870 à 1945, la France fut territorialement la troisième plus grande nation au monde. Après la

Seconde Guerre mondiale, la France lutte pour préserver ses territoires mais perd la guerre

d'Indochine puis la guerre d'Algérie face aux insurrections nationalistes locales191

.

De son empire colonial, la France tire de nombreuses ressources, de la main d'œuvre et ses

troupes coloniales.

Après plus d’un siècle d’occupation c’est la Guerre d'Algérie qui aura provoqué la chute de la

IVème République française et suscité un profond malaise dans l'opinion publique.

1.3. La question de l’occupation de l’Algérie et les personnalités politiques françaises.

La période coloniale qui s’étale sur six générations (1830 – 1962) peut être scindée en plusieurs

phases :

Quarante années de conquête armée accompagnée d’expropriations massives des

autochtones de leurs terres. C’est la période de gestion purement militaire.

Deux étapes de guerre franche sont connues 1830-1836 et 1840-1847

Plus de trois quarts de siècle (1870-1945) de peuplement plus ou moins sécurisé et de

projets de société européenne en faisant abstraction de la société musulmane.

Sept années de guerre de libération.

L'occupation du pays est cependant enrayée par la résistance – le djihad ou «guerre sainte» – de

l'armée d'Abd el-Kader. C’est avec la défaite de l'émir, en 1847, que la colonisation peut

vraiment commencer : routes et voies ferrées tracées, villes et villages édifiés, mais aussi terres

spoliées, populations refoulées vers les montagnes, inégalité institutionnalisée par le régime de

l'indigénat (instauré en 1881).

Cette conquête puis colonisation ont suscité bien des discours et controverses entre les hommes

politiques d’une tendance ou d’une autre mais aussi entre politiques et militaires occupant des

191

Jean Bruhat, « Empire Colonial Français », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004.

Deuxième Partie Chapitre Deuxième

136

hauts postes. Certains trouvent que la colonisation vide les caisses de l’état français alors que

d’autres jugent opportunes les potentialités agricoles et la position géostratégique de l’Algérie.

La monarchie de Juillet bien qu’ayant une idée d’occupation partielle ou restreinte continue la

conquête alors que le général Clauzel, gouverneur de 1835 à 1837 est partisan d’une conquête

totale de la régence d’Alger et veut transformer l’Algérie en colonie de plantation et de

peuplement. De 1837 à 1840 c’est la politique de l’occupation restreinte qui est prônée en

France. Elle est définie dès 1835 par le gouvernement. Elle est imposée à Damrémont qui en est

partisan. La France entend s’en tenir à l’occupation d’établissements maritimes : Alger, Oran et

Bône avec leurs territoires. Le reste est abandonné et doit être laissé à cinq « indigènes » vassaux

de la France qu’on opposerait entre eux. C’est dans ce cadre que Bugeaud cède le Tittery à

l’Émir Abdelkader. Le traité est violé par les deux parties et Constantine est prise, suivent Biskra

et les Ziban. Après la défaite de Valée en 1839, ce dernier est remplacé par Bugeaud et c’est le

début de la conquête totale (1841 à 1847). Le Général Bugeaud lui-même contre la colonisation

au début de celle-ci finit par s’y allier et en fit l’assujettissement des populations autochtones,

son objectif, « En Afrique il n’y a qu’un intérêt, l’intérêt agricole »192

. Lors de cette séance

André Dupin (chef du mouvement « tiers-parti ») exprima son désaccord avec Bugeaud. Il fut

suivit par Théobald Piscatory.193

Le général St Arnaud tout comme Bugeaud, finit par s’aligner avec les partisans de la

colonisation et écrit : « Le pays des Béni-Menasser194

est superbe et l’un des plus riches que j’ai

jamais vus en Afrique… »195,196

.

La préoccupation constante de Bugeaud fut d'associer l'armée à la colonisation : « L’armée est

tout en Afrique, disait-il ; elle seule a détruit, elle seule peut édifier. Elle seule a conquis le sol,

elle seule le fécondera par la culture et pourra par les grands travaux publics le préparer à

recevoir une nombreuse population civile. »197

Les condamnés militaires, sous la direction du

colonel Marengo, bâtissent les villages de Saint-Ferdinand, de Sainte-Amélie, de Douéra. Bientôt

le système est généralisé l'intérieur qu'une fois construits et plantés ; c'est la main-d'œuvre

192

Discours de BUGEAUD à la Chambre des députés à Paris, 15 janvier 1840. 193

Paul Gaffarel, 1888, op.cit. 194

Pays de Beni-Menasser : est la région qui est comprise entre Cherchell et Miliana 195

Lettre de St Arnaud du 9 mai 1841, op cit. 196

Manceron Gilles, Marianne et les colonies. Une introduction à l’histoire coloniale de la France, Édit La

découverte ; ligue des droits de l’homme, Paris, 2003, op.cit. 197

Discours de BUGEAUD, 15 janvier 1840, op.cit.

Deuxième Partie Chapitre Deuxième

137

militaire qui installera désormais les villages et ils ne seront remis à la direction de.

Cet emploi de l'armée aux travaux préparatoires de la colonisation donna lieu à des réclamations.

Le soldat, disait-on, ne doit que le service militaire ; l'employer à d'autres besognes, c'est

commettre un abus du pouvoir. « Dans les loisirs que lui fait la situation de l'Algérie, répondait

Bugeaud, l'armée doit être appelée à prendre une grande part à l'œuvre de la colonisation. Les

routes qu'elle ouvre, les camps qu'elle bâtit, les défrichements et les cultures qu'elle opère, en

justifiant complètement l'emploi des troupes aux travaux publics, signalent l'armée comme un

des agents les plus énergiques de la colonisation. Ce labeur lui-même, loin de nuire au soldat,

lui est favorable tant au physique qu'au moral. Il entretient sa santé et sa vigueur, le préserve de

la nostalgie, de l'ennui que produit le désœuvrement ».

Malgré ces promesses séduisantes, la plupart des auditeurs de Bugeaud se refusèrent à suivre les

conseils de leur général. Le recrutement des colons, assez médiocre, ne comprenait que peu

d'agriculteurs de profession ; ils arrivèrent sous la conduite de leurs officiers, au roulement du

tambour ; ils reçurent des lots urbains et des lots ruraux, et, déposant le sac et le fusil,

commencèrent à manier la pioche et la charrue. Bugeaud s'occupa de les marier avec des

orphelines de Toulon, auxquelles on donnait une petite dot de 700 francs ; ce furent les "

mariages au tambour ", dont se gaussèrent les contemporains et qui donnèrent, comme il fallait

s'y attendre, des résultats médiocres. Les colons devaient travailler en commun pendant cinq

années, après quoi les terres seraient partagées. Les produits du sol devaient également être

communs pendant la première période. Cette conception à la fois militariste et communiste ne

résista pas à l'épreuve des faits, Bugeaud lui-même en a convenu plus tard. Les colons

demandèrent à être désassociés et à travailler chacun pour son compte ; les deux tiers d'entre eux

partirent et les villages ne réussirent qu'après l'adjonction de colons civils.

En réalité, il faut distinguer entre la colonisation militaire, qui est une utopie, et la colonisation

avec le concours des militaires, qui est possible et désirable. L'armée ne saurait coloniser par

elle-même, mais elle peut de bien des manières aider la colonisation et lui fournir d'excellents

éléments. Il eût suffi sans doute de modifier dans la forme le projet de Bugeaud pour le rendre à

la fois très pratique et très exécutable198

.

Les lieutenants de Bugeaud, La Moricière et Bedeau, ne partageaient pas toutes ses idées en

matière de colonisation. La Moricière avait dressé un vaste plan de colonisation de la province

198

Fernand Armandiès, «Le Maréchal Bugeaud », in site web : www.alger-

roi.net/Alger/documents_algeriens/culturel/pages/45_bugeaud.htm.

Deuxième Partie Chapitre Deuxième

138

d'Oran ; il s'agissait de libérer, entre Oran, Mascara et Mostaganem, 80 000 hectares sur lesquels

on devait installer 5 000 familles ; l'État ne prenait à sa charge que les travaux d'utilité commune

: enceinte du village, nivellement, adduction d'eau, chemins ; le reste devait être exécuté par des

capitalistes à qui on concédait le village à charge d'y installer des familles en nombre fixe. En

1846, on mit en adjudication la concession à l'entreprise de six villages des environs d'Oran ; un

seul, Sainte-barbe-du-Tlélat, trouva preneur et l'adjudicataire ne tarda pas à avouer son

impuissance. Même insuccès l'année suivante avec d'autres villages. A Saint-Denis-du-Sig, en

1846, on concéda 3 000 hectares, près du barrage qu'on venait de construire, à l'Union agricole

que recommandait La Moricière et qui s'engageait à installer 300 familles européennes. On

trouvait dans cette société une combinaison des doctrines Saint-simoniennes et des doctrines

Fouriéristes c'était à la fois un phalanstère et une commune associée ; on espérait échapper ainsi

à la fois aux inconvénients des grandes concessions individuelles et de la petite colonisation ;

2000 actions de 500 francs, divisibles en coupures de 50 francs, furent émises à Lyon et à Oran.

Le capitaine d'artillerie Gautier, qui n'était ni administrateur ni agronome, en prit la direction.

Les colons ne venant pas, on embaucha des salariés. Le travail en commun fut, comme pour les

colonies militaires, la cause principale de l’échec ; l'entreprise fut abandonnée en 1853. De ces

diverses tentatives de collectivisme agraire, il n'est rien resté en Algérie, mais l'étatisme s'y est

conservé sous la forme de la colonisation officielle. En 1841, M. de Courcelles, visitant

l'Algérie, suggéra à Bugeaud d'y appeler les Trappistes. Le gouverneur se montra d'abord peu

enthousiaste, puis se rallia à ce projet qui avait l'appui de la reine Marie-Amélie199

.

Certes certaines voix humanistes se sont levées contres les crimes et les cruautés qui ont été

commises lors de la Conquête ou bien plus tard mais ce ne sont pas celles qui nous intéressent

car elles sont souvent pour la colonisation mais répugnent les crimes. Parmi ces voix celle de

Victor Hugo Humaniste mais aussi homme politique. Il écrit concernant l’Algérie « La

colonisation militaire doit couvrir et envelopper la colonisation civile comme la muraille couvre

et enveloppe la cité…. Quel meilleur obstacle qu’un camp français ? Mettez le soldat en avant

du colon comme vous mettez un fer au bout d’une lance. »200

. Sa femme Adèle rapporte ses

divergences avec Bugeaud et les situait dans le fait que Bugeaud était pour les colonies militaires

alors qu’Hugo était pour une émigration civile. Toujours est-il qu’Hugo plaide nettement en

199

Gabriel Hanotaux & Alfred Martineau, Histoire des colonies françaises et de l’expansion de la France dans le

monde, Tome 2, Algérie par Augustin Bernard, Livre Premier, Vue générale de L’Algérie jusqu’au XVIIIème siècle,

Édit Librairie Plon, Paris, Date inconnue. 200

Note rapportée par Gilles MANCERON, Marianne et les colonies. Une introduction à l’histoire de la France .

Texte inédit, CDU, source : Ligue des droits de l’homme ; p179.

Deuxième Partie Chapitre Deuxième

139

faveur de la colonisation : « je crois que notre nouvelle conquête est chose heureuse et grande.

C’est un peuple éclairé qui va trouver un peuple dans la nuit…. »201

. Lors d’un banquet sur

l’esclavage, le 18 mai 1879, Hugo prône sans détours sa position par rapport à la

colonisation : « L’Asie a son histoire, l’Amérique a son histoire, l’Australie elle-même a son

histoire,…, l’Afrique n’a pas d’histoire ; une sorte de légende vaste et obscure l’enveloppe, … ,

au XIXème siècle le Blanc a fait du Noir un Homme ; au XXème siècle, l’Europe fera de

l’Afrique un Monde. »202

.

Si les premiers socialistes œuvrent durant les XVIIIème et XIXème siècles pour des sociétés

meilleures, leurs positions par rapport à la colonisation sont contradictoires.

Auguste Comte, élève de St Simon, exprime ainsi son opposition à la conquête de l’Algérie dans

son « cours de philosophie positif203

». C’est dans ce livre qu’il réfute la hiérarchie des races.

Prosper Enfantin se montre indigné de la violence de la conquête mais estime qu’un pays comme

l’Algérie pourrait servir de champ d’expériences et de modèle en vue d’une réorganisation de la

société française. Dans sa lettre à Ariès il justifie sa position : « Voici donc l’œuvre de travail, de

culture, d’industrie ; l’œuvre de civilisation, qui elle-même, sera le prélude de l’organisation du

travail en France,.. .., C’est donc la colonisation de la province de Constantine que je considère

comme l’école normale où peuvent se former les vrais organisateurs du travail en France. »204

.

Le mouvement saint-simonien restera toujours partagé face à la colonisation. Nous retrouvons

les mêmes contradictions chez Charles Fourier. Dans son ouvrage « Théorie de l’unité

universelle » (1841)205

. Il dénonce l’esclavagisme et la conquête américaine ; mais il regrette que

les princes d’Europe ne soient pas capables de s’entendre pour se lancer dans des conquêtes

encore plus glorieuses que celle de Bonaparte. Seul Pierre-Joseph Proudhon semble faire

exception et considère inéluctable l’émancipation des colonies. Il juge la colonisation de

l’Algérie comme un échec : « L’Algérie seule est devenue notre conquête ; mais cette conquête,

après trente ans comme après le premier jour, se réduit à une occupation militaire. Rien n’est

d’une assimilation aussi difficile pour des civilisés que la Barbarie et le désert.»206

.

201

Note d’Adèle Hugo écrite alors qu’elle songe donner une suite à «Victor HUGO raconté par un témoin de sa

vie », paru en 1863, in Victor HUGO, Œuvres complètes, Édit Club Français du Livre, Paris, 1967-1970, tome VI 202

Victor Hugo, Discours sur l’Afrique, op. cit , Vol Politique. 203

Auguste Comte, cours de philosophie positive, Paris, 1842. 204

Prosper Enfantin, Lettre à Ariès, 27 avril 1840, in Œuvres de St Simon et d’Enfantin, Édit Dentu, Paris, 1866,

11ème

volume. 205

Charles Fourier, Théorie de l’unité universelle, Édit Anthropos, Paris, 1966. 206

Pierre-Joseph Proudhon, La Guerre et la Paix, Édit Dentu, Paris, 1861, tome II.

Deuxième Partie Chapitre Deuxième

140

2. Les contextes de la conquête de l’Algérie.

La conquête française, suite inattendue d’une affaire commerciale et financière entre la France et

le Dey Hussein, fut dans un premier temps, juste une expédition militaire organisée par Charles

X. La France se trouvant en situation d’insuffisance alimentaire, et ayant des vues

expansionnistes utilisa le prétexte pour conquérir un pays aux fortes potentialités agricoles.

2.1. Les potentialités de L’Algérie vues par les militaires français du XIXème siècle : les

raisons d’une conquête.

Les problèmes économiques de la France et le manque de main-d’œuvre du aux guerres

successives et à une forte mortalité (due aux épidémies) sont les principales raisons de la

colonisation de l’Algérie et de son peuplement. L’intérêt de la France pour l’Algérie est surtout

du aux :

Potentialités de l’Algérie sous peuplée.

Le début de la décadence des ottomans et leur suprématie sur la mer méditerranée.

Bône, Alger et Oran étaient les seules places que visitassent des vaisseaux étrangers, parce qu’ils

y trouvaient un ancrage sûr dans toutes les saisons ordinaires ; mais ils n’y sont pas en sûreté

contre les vents du nord, qui, en l’hiver, y soufflent avec une violence extraordinaire. Dans la

mer d’Alger se trouvent en abondance tous les poissons de la Méditerranée, et sur la côte

orientale le plus beau corail connu.

Le sol de cette partie de l’Afrique n’a rien perdu de sa fécondité autrefois si renommée. Sa

couleur varie : elle est noire dans certaines parties, rouge dans d’autres ; mais c’est partout la

même fertilité, parce qu’elle est fortement imprégnée de nitre et de sel.

« La culture presque unique du pays, c’est l’orge et le blé. Sur une acre de terre, on sème

ordinairement cinq picotins, et elle produit de huit à douze pour un, malgré le peu de

développement de l’agriculture. Le blé d’Alger est d’une espèce commune, la farine qu’on en

tire ressemble assez à du sable et se pétrit difficilement ; mais le pain en est excellent »207

. Dans

les marchés d’Italie, il obtient généralement la préférence, parce qu’on en fait le meilleur

macaroni et les meilleures pâtes. Le pays abonde en palmiers, et les dattes ou bennâtes du désert

sont excellentes. En général, il produit tous les fruits qui appartiennent aux climats tempérés,

207

M.A.C De Lacharière, Du système de la Colonisation suivie par la France, Édit Imprimerie de Auguste Auffray,

Paris, 1832

Deuxième Partie Chapitre Deuxième

141

mais la Figue est toujours d’une qualité inférieure à celle de France ; la grenade y est fort bonne,

et le raisin, y est fort beau, d’une grosseur démesurée.

On trouve dans cette partie de l’Afrique divers métaux dont la France pourrait tirer un immense

parti : on y rencontre le fer, le plomb, l’étain, le cuivre, l’argent et même l’or.

Les Kabyles ont dans leurs montagnes des mines de fer, en exploitent une grande quantité, qu’ils

travaillent eux-mêmes pour leur usage. Ce sont ces mêmes mines qui serviront à fabriquer de

l’armement (canons et projectiles) plus tard telle la fonderie d’el Alelik prés de Berrahal (Ain

Morkha)208

.

Sur le sol algérien on trouve différentes espèces de terres argileuses employées par les

autochtones à la fabrication de vases que les français jugeaient assez grossiers.

Les montagnes renferment des mines inépuisables et le plus beau sel gemme qu’on puisse

rencontrer. On rencontre en Algérie des sources d’eaux salées minérales et thermales. Le

royaume d’Alger est un pays bien arrosé, abondant en sources d’eau vive et en petits ruisseaux ;

mais il n’a pas de fortes rivières. Le pays algérien est donc d’une grande fertilité, susceptible

d’une grande variété de produits et d’un immense développement agricole. Mais il n’a point de

rivière navigable. Cette absence de moyens de navigation intérieure sera toujours un obstacle à

ce que le pays jouisse pleinement de tous les avantages dont la nature lui a donné le germe ; il se

trouve, en cela, dans la même position à peu près que l’Espagne, à laquelle il est bien supérieur

par la beauté et la fertilité de son sol. Les militaires français se sont toujours intéressés aux voies

navigables considérées comme le prolongement des routes donc faisant partie des voies de

communication.

La province de Constantine se présente comme offrant le plus de potentialités car elle était

considérée comme la plus belle région d’Algérie. La position géostratégique de la ville de

Constantine et celle de ses ports en ont fait un point d’appel et donc centre d’intérêt pour

l’armée. Aussi, les plateaux quasiment dépeuplés offraient-ils des sites à urbaniser. La ville de

Bône quand à elle possédait tous les attraits comme futur centre de peuplement. C’est encore une

fois le voisinage de la Seybouse et des plaines qui sont ses principaux atouts. Elle était

208

Colonel NIOX, La géographie militaire, Algérie et Tunisie, Édit Librairie Militaire de l. Baudoin et Cie, 2

ème

édition, Paris, 1890.

Deuxième Partie Chapitre Deuxième

142

considérée comme le jardin de l’Algérie. L’Edough, ses forêts de chêne liège, ses mines de fer

ont fini par parfaire le tableau de cette ville facile d’accès par la mer et à la porte de la Tunisie209

.

Malgré toutes ces potentialités, nous avons vu que les ottomans n’accordaient aucune importance

au développement du pays dans lequel ils étaient établis depuis plusieurs siècles hormis les cités

dans lesquelles ils vivaient. Cette vacuité se retrouvait partout et pour tout : pas de routes, pas de

ports en dehors des abris naturels (criques et baies), pas de commerce privé ni d’industrie (telle

que connue en Europe ou en Amérique du nord en pleine expansion) sinon un artisanat

(rudimentaire mais de qualité), pas de cartographie ni de cadastre, pas d’hôpitaux tels que connus

en Europe, pas d’écoles à part celles coraniques, les zaouïas et les médersas. C’est ainsi que se

présentait l’Algérie aux yeux des français. Un nouveau monde s’offrait à eux. Alors qu’en

France et malgré la puissance de son armée l’économie est au rouge et le peuple en souffrance.

La prise d’Alger en 1830 détermina la chute de la domination turque, mais n’avait en aucun cas

au début, comme but une conquête. La monarchie de juillet n’avait pas de vue conquérante.

Ainsi en 1834, les français, pour pallier aux souhaits des militaires, décidèrent de garder les

possessions déjà acquises. Le général Clauzel, pour faire triompher sa politique de conquête,

voulut s’emparer de la capitale du Beylik de l’Est Constantine. Son expédition de novembre

1836 échoua complètement.

La France abandonna les deux tiers de l’Algérie à l’émir Abdelkader afin de porter ses efforts sur

le Constantinois dont le Bey Salah refusait toujours de reconnaître la souveraineté française. Le

13 octobre 1837, Constantine fut occupée et le dernier des représentants du régime antérieur,

vaincu.

La résistance algérienne prit la forme d’une guerre sainte et il faut attendre 1916 pour parler de

fin de conquête française. Trois quarts de siècle furent nécessaires aux militaires français pour

s’imposer en Algérie.

La conquête de l’Algérie eut pour corollaire la colonisation du pays. La politique de colonie de

peuplement était le moyen le plus efficace de consolider la conquête. Cette politique ne fut

possible qu’avec l’aide des militaires car les hommes politiques français étaient pour le

protectorat, notamment Napoléon III et Jules Ferry.

209

Arsène Berteuil, 1856, op.cit.

Deuxième Partie Chapitre Deuxième

143

L’armée française, dans un but de colonisation et non de conquête simple, s’est vue obligée de

déléguer géographes, médecins et scientifiques de différentes spécialités afin non seulement

d’évaluer le site et les situations socio-économiques existantes à travers le pays, informations

nécessaires à l’avancée de ses troupes mais d’évaluer les potentialités qu’offraient le pays. Ceux

sont les expéditions scientifiques du XIXème siècle. Nous retrouvons des rapports assez détaillés

de ces spécialistes militaires relevant ou non du service du génie. Leur évaluation demeure assez

subjective car faisant référence à leur propre connaissance et faisant abstraction de ce qu’ils ne

comprenaient pas et ne pouvaient admettre. Ces expéditions eurent également, comme objectif,

le relevé non seulement des voies de communication mais aussi de tous les vestiges romains.

2.2. La colonisation française de l’Algérie, sur les traces de Rome.

La ressemblance entre la colonisation romaine et française ne réside pas seulement dans le fait

que le colonisateur est européen et la colonie est nord africaine mais cela s’est fait sous le même

régime : un empire, dans le même but : colonie de peuplement. Le colonel Niox le dit

explicitement : « Après douze siècles, c’est l’œuvre romaine qu’elle (La France) s’efforce de

reprendre et par des procédés assez semblables »210

.

La romanisation est une urbanisation, dans la mesure où ce qui est en jeu, c’est l’extension d’un

modèle urbain à l’espace universel, la généralisation de la cité à l’espace connu, le monde

circumméditerranéen en particulier.

Les contributions romaines originales interviennent dans les domaines de la santé publique et de

l’hygiène. Les méthodes romaines d’assainissement des rues, d’adduction d’eau et

d’hospitalisation publique ont perduré jusqu’à l’ère moderne.

Ces militaires romains avaient pour première fonction, bien entendu, de faire la guerre. Pourtant,

leur importance dans l'Empire dépasse largement cet aspect, et ils jouaient un grand rôle dans

deux domaines majeurs, tout d'abord la vie matérielle. La présence de l'armée garantissait un

minimum de sécurité, la fameuse « paix romaine », offrait une conjoncture toujours favorable au

développement de l'économie. En outre, les opérations de surveillance menées au-delà du

« limes », souvent improprement appelées de nos jours « explorations », ouvraient de nouvelles

voies aux commerçants romains. Enfin, les routes tracées par les légions, les ponts qu'elles

construisaient étaient également utilisés par les civils.

210

Colonel NIOX, 1890, op.cit.

Deuxième Partie Chapitre Deuxième

144

Les militaires français dans leurs différents rapports y font référence211

. Le système de

colonisation proposé par les militaires est en fait la distribution des terres en vue de l’exploitation

et donc de la sédentarisation de colons à travers le territoire. La colonisation par stratégie de

peuplement, dans ce rapport, y est clairement redéfinie. Il n’est pas inutile de préciser que celle-

ci passe forcément par le renforcement de l’armée sur place (19ème corps d’armée constitué des

Zouaves, des Tirailleurs indigènes et de la Légion étrangère pour l’infanterie, des Chasseurs

d’Afrique et des Spahis pour la cavalerie ainsi que des compagnies et des bataillons

disciplinaires). Les militaires estimaient la population européenne en 1874 à 200 000 âmes. Ce

qui est considéré comme largement insuffisant pour un peuplement puisque ce chiffre

correspond en fait à la taille d’une petite agglomération. Il faut préciser que cette population

européenne en début de colonisation était établie essentiellement sur le littoral et à l’intérieur des

cités. Ce qui ne correspond nullement encore une fois à un peuplement effectif. Alors que

l’empire romain s’étendait à l’intérieur du pays (Théveste, Lambèse, Timgad, etc.)

« L'occupation militaire de l'Afrique romaine, dit L Albertini212

, consistait en somme à faire

imposer la paix romaine par des Berbères romanisés à des Berbères non romanisés. »

En Numidie, sous Micipsa (148-118 av. J.-C.), fils et successeur de Massinissa, fut comme lui

tout dévoué aux Romains ; son royaume, qui s'étendait depuis la province romaine d'Afrique

jusqu'à la Moulouya, se couvrit de cultures ; sa capitale, Cirta, s’embellit ; des Romains, des

Italiens, s'établirent dans les villes du littoral comme artisans ou comme négociants ; ils

habituèrent les autochtones à parler le romain.

Les étrangers attirés dans ses États y développèrent l'agriculture, le commerce et l'industrie ; ses

sujets- autochtones, entraînés par l'exemple, les imitèrent. La Numidie et l'Afrique s'enrichirent

aussi. Ce n’est qu’à la mort de Ptolémée, fils de Juba II (19 ans après JC) que la Mauritanie fut

réduite tout entière en province romaine; il n'y eut plus désormais dans l'Afrique du Nord d'États

indépendants. Il convient de noter que cette prise de possession définitive ne fut accomplie que

188 ans après la chute de Carthage.

Les possessions des Romains en Afrique étaient divisées en plusieurs provinces. La province

d'Afrique était placée sous l'autorité d'un proconsul. La province de Numidie était gouvernée par

un légat qui portait le titre de propréteur et exerçait en même temps le commandement de toutes

211

Buzelin, lieutenant colonel, De la colonisation et des réserves de l’Algérie, Nantes, 1874, p 4. 212

Luigi Albertini : auteur, critique littéraire et journaliste italien, directeur du journal : CORRIERE della Serra de

1912 à 1925.

Deuxième Partie Chapitre Deuxième

145

les forces militaires ; il résidait au quartier général de la légion. La Maurétanie césarienne et la

Maurétanie tingitane étaient administrées par des procurateurs, représentants civils et militaires

de l'empereur. Cette organisation dura depuis l'année 42 jusque vers 290 après Jésus Christ. Nous

assistons donc à une gérance militaro civil, donc la même configuration de gestion des affaires

algériennes durant les premières décennies de colonisation française.

Les frontières méridionales des Romains ne demeurèrent pas immuables ; elles furent reportées

vers le Sud au fur et à mesure que la romanisation du pays progressait. Mais elles ne furent

jamais aussi reculées que celles de l'Algérie française. A l'Est, elles atteignirent bien le Sahara au

Sud des grands chotts tunisiens et de l'Aurès ; mais à l'Ouest, elles laissaient en dehors les

grandes steppes des provinces d'Alger et d'Oran. Des postes, des forts, des camps permanents,

appelés castella ou burgi, étaient échelonnés sur ces frontières.

La population romaine résidait en général dans les villes, qui avaient une autonomie plus ou

moins grande ; il y avait, entre elles, toute une hiérarchie de groupements dont les degrés étaient

multipliés à l'infini. Les administrations communales avaient des attributions très étendues. Les

Africains notables, appelés de père en fils à ces fonctions municipales, y prirent l'habitude de

l'administration et furent des agents actifs de romanisation.

Les inscriptions nous apprennent que bon nombre de tribus n'étaient pas administrées

directement par des fonctionnaires romains, mais par des chefs indigènes, qu'on appelait

principes, principes gentium.

Si les cités avaient des droits très inégaux, les conditions faites aux personnes n'étaient pas moins

diverses. La grande division était celle des Romains et des autochtones ; parmi ces derniers, il y

avait des hommes libres, des serfs attachés à la glèbe et enfin une multitude d'esclaves.

La colonisation romaine s'est effectuée par un triple procédé : introduction de colons, unions

entre Romains et autochtones, transformation de ces derniers en Romains.

Même après la réduction complète en provinces, l'apport ethnique des Romains fut extrêmement

faible. Il y avait eu déjà les bandes italiennes de Sittius à Cirta, puis les colonies fondées par

Auguste pour établir ses vétérans : sur la côte Igilgili (Djidjelli), Saldae (Bougie ou Bédjaïa),

Rusazu (Azeffoun), Rusguniae (Matifou), Gunugu (Gouraya), Carteinnae (Ténés), et, à

l'intérieur, Aquae (Hammam Righa), Zucchabar (Miliana), Tubusuctu (Tiklat, au sud-ouest de

Bougie). Dans la plupart des cas, comme les noms mêmes l'indiquent, il s'agit d'établissements

effectués dans des centres autochtones déjà existants. Il en fut de même par la suite. On connaît

Deuxième Partie Chapitre Deuxième

146

Oppidum Novum (Duperie), sur le Chélif, Madauros (au sud de Souk-Ahras), Sitifis (Sétif),

Cuicul (Djemila).

Il est probable que, presque partout, c'est le dernier procédé, qui peut être appelé : assimilation,

qui l’emporta et permit à l’empire romain de rester aussi longtemps dans la province d’Africa

Nova. Nous retrouvons là pratiquement toute la politique française à l’égard des algériens et de

l’Algérie bien que cette dernière étape n’eut pas lieu213

.

Cette assimilation fut à la fois populaire par l’utilisation du divertissement comme procédé et

savante par la construction d’écoles pour l’apprentissage du latin et des arcanes du droit.

L’enseignement public fit en effet son apparition au niveau universitaire à la fin du Ier siècle à

Rome Septime qui est l’exemple type de cette assimilation214

. Les villes de l’empire se

caractérisent donc par une monumentalité remarquable structurant l’espace public dans toutes ses

fonctions : politiques, religieuses, de divertissement et d’hygiène. C’est un cadre diversifié et

standardisé215

.

L'administration romaine en Afrique du Nord se caractérise par le petit nombre des

fonctionnaires. La base de la vie publique était la Cité ; suivant sa politique ordinaire, Rome

reconnaissait plusieurs espèces de cités jouissant de droits particuliers et plus ou moins étendus,

élisant annuellement leurs magistrats assistés d'un conseil de décurions. La collation des diverses

dignités entraînait l'obligation de verser une somme importante au trésor, et les fonctions étaient

exercées gratuitement.

Au-dessus des cadres locaux, l'administration romaine était représentée d'abord par le

gouverneur de la province et sa maison (familia) : son domaine comprend, outre la vérification

de la comptabilité, la justice criminelle, et la justice civile pour les affaires importantes. Il existe

des préfets militaires, chargés des rapports avec les tribus, ou pour mieux dire de leur

surveillance ; des agents du cadastre, des agents du recrutement. Le personnel de l'administration

financière et fiscale est réduit au minimum, les impôts étant affermés.

À l’exemple des romains les français installèrent une garnison à Constantine et érigèrent la ville

de garnison : Batna proche de Lambèse et de Timgad.

213

Noureddine Harrazi, « Afrique Romaine », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004. 214

Septime le Sévère, imperator du IIIème siècle, est d’origine africaine puisque né à Leptis Magna (Lybie) et est à

l’origine d’une des plus importante dynasties de l’empire.

Yann Le Bohec, « Septime Sévère, Lat Lucius septimus Severus (146-211) Empereur Romain (193-211), in

Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004. 215

Anne RAULIN, Anthropologie urbaine, Édit Armand Colin/VUEF, Paris 2001.

Deuxième Partie Chapitre Deuxième

147

Païenne ou chrétienne, grâce aux bienfaits de la paix romaine, l'Algérie connut une prospérité

qu'elle ne retrouva pas avant de longs siècles. Quand on songe à ce qu'était l'Algérie turque, on a

peine à croire que l'Afrique du Nord ait pu fournir à Rome la moitié ou les deux tiers de son blé,

et même la totalité après la fondation de Constantinople (sous la dominance byzantine). C’est

cette Algérie grenier de Rome fournissant huile et vin, que les français ont voulu reconstituer,

grâce au peuplement rural.

La différence est si frappante qu'on s'est demandé s'il n'y avait pas eu changement de climat. On

peut affirmer qu'il n'en est rien, et que la prospérité romaine était due simplement à ce que nous

appelons aujourd'hui une politique de l'eau singulièrement efficace.

En même temps que la culture du blé, s'étaient développées celles de la vigne, de l'olivier, de

l'amandier, du figuier, encouragées par des exemptions d'impôts et dans certains cas par la

concession d'un droit de propriété héréditaire. L'élevage était aussi très florissant, celui du

mouton, du bœuf, et surtout celui du cheval. La petite histoire enregistre des victoires de chevaux

algériens sur les hippodromes de Rome ; ce qui apporte une confirmation à la théorie suivant

laquelle les étalons barbes, loin d'être des descendants du cheval arabe, ont au contraire contribué

à lui donner sa valeur.

Bref, l'Algérie romaine se présentait comme une contrée riche, peuplée, civilisée. Son plus beau

moment se place dans les dernières décades du deuxième siècle et dans la première moitié du

troisième et c’est cette Algérie que les militaires français voulaient recréer et exploiter.

Les différentes parties de l'Algérie étaient reliées entre elles par des routes telles qu'en avait

construit Rome dans toutes les autres parties de son Empire. Pour protéger la région des raids des

tribus nomades, un réseau de voies militaires est construit, reliant entre elles les villes de

garnison, de 5 000 à 10 000 habitants, dotées de tous les attributs des villes romaines216

. Nées de

la conception stratégique qui cherche la sécurité dans le mouvement, ces voies de

communication servaient également au commerce. On en comptait trois principales allant de

l'Est à l'Ouest et complétées par des rameaux détachés et des rocades parallèles. Ce réseau

suffisait parfaitement aux besoins de l'époque.

Ce sont ces routes que les français, au début de la colonisation, utilisèrent pour tracer leur propre

réseau. Sachant que leur domination ne pouvait se faire sans la pacification de la campagne

algérienne, une des premières missions des éclaireurs et des observateurs fut de retrouver le tracé

216

« L’Algérie sous les romains », in Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.

Deuxième Partie Chapitre Deuxième

148

des routes et des guérites de surveillance romaines afin de sécuriser le transport de l’armement et

des marchandises. L’armée impériale romaine étant le modèle de l’armée impériale française,

c’est sur les bases de son modèle que cette dernière s’insurgeât en Algérie.

Vers 290, Dioclétien partagea l'empire en préfectures et en diocèses. La Maurétanie tingitane fut

rattachée au diocèse d’Espagne ; le reste de l'Afrique du Nord forma un diocèse rattaché à la

préfecture d'Italie et divisé en six provinces, dont trois correspondent à l'Algérie actuelle : la

Numidie, chef-lieu Cirta ; la Maurétanie Sitifiène, chef-lieu Sitifis (Sétif) ; la Maurétanie

césarienne, chef-lieu Caesarea (Cherchell). En même temps que s'accomplissait ce remaniement

territorial, on séparait complètement l'autorité civile et le commandement militaire ; dans chaque

province, il y avait un praeses, gouverneur civil, et des duces, chefs militaires, sans liaison ni

subordination des uns aux autres217

. Cette idée de la séparation des pouvoirs (pouvoir civil-

pouvoir militaire), que les français ont reprise lors de la constitution de leur république, est

encore une fois d’origine romaine.

L’influence romaine fut donc importante, car les objectifs étaient semblables. Entre réseau de

voies de communication, des choix des sites d’implantation des viles

2.3. La France en Algérie entre 1830 et 1860.

Il va se passer 10 ans avant que l'État français, , satisfait d'obtenir quelques ports et une bande

côtière, ne se résolve à conquérir le pays. Le manque de continuité des opérations militaires et

l'absence de politique définie par les autorités, font qu'Abdelkader, figure emblématique de cette

époque, va pouvoir résister et temporiser face à l'armée française, pour organiser et conduire la

résistance. Mais peu à peu la force militaire et l'adaptation de Bugeaud à ce type de guerre, va

amener une prise en charge complète du pays. Le territoire intérieur est ravagé et enfin conquis,

mais pas soumis. La colonisation du pays est appliquée presque continûment depuis 1830, par

divers moyens unitaires ou collectifs.

Des dépenses considérables sont consenties par la France pour le structurer et l'organiser,

notamment médicalement. Il y a de grandes souffrances chez les colons, chez les indigènes, chez

les militaires. Tous payent au passage, un tribut énorme aux épidémies successives de choléra et

de paludisme. D'emblée s'établit le quiproquo, puis l'antagonisme. Pour certains français

d'Algérie "l'assimilation" est comprise comme la prolongation des lois et mœurs françaises dans

217

« L’Algérie sous les romains », in Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.

Deuxième Partie Chapitre Deuxième

149

le pays. Pour eux l'Algérie c'est la France, et il ne s'agit pour la population indigène maure et

juive, que de se plier aux us et coutumes de la Métropole. Pour les autres, dont les officiers

français des Bureaux Arabes, il s'agit surtout d'intégrer les indigènes, et de les assimiler dans une

nouvelle société en devenir, en fondant les cultures entre elles218

.

La politique algérienne de Napoléon III est, en la matière, quelque peu plus exemplaire. Contre

l'opinion de ceux-là mêmes qui l'ont plébiscité en 1852, il a vraiment souhaité imbriquer les deux

communautés française et musulmane. Il offre beaucoup et entre autres, la nationalité française

pleine et entière mais sa tentative reste sans résultat. Pendant ce temps, l'infrastructure lourde du

pays, financée de bout en bout par la France, avance à grands pas. Le choix des options

économiques de développement se révèle être une réussite. Le pays découvre les vertus de la

trilogie des cultures méditerranéennes : l'olivier, le blé et le vin. L'implantation des moyens de

communication demande des études puis des budgets colossaux. Tout est décidé et réalisé avec

une méthode militaire. A partir de ce moment date une expansion économique méritée, mais

porteuse de problèmes qui rejailliront un siècle après. En effet, la faille entre les 2 communautés

française et musulmane ne cesse de croître au fur et à mesure que la prospérité s'enracine dans la

terre d'Algérie. En fin de la période, les juifs vont profiter du décret Crémieux de 1870, une

mesure collective à l'initiative de Napoléon III et qui les fait tous français.

L’Algérie n’était pas l’unique problème de la France à l’extérieur. Les pays européens sont tous

en effervescence durant cette période de bouleversements économique et politique. Cela ne se

fait pas sans incidences sur la politique de la France par rapport à ses colonies.

La Monarchie de Juillet limite pendant près de dix ans, l'occupation de l'Algérie à une frange

côtière, en traitant avec les chefs musulmans de l'intérieur : convention de la Tafna de Bugeaud

avec Abdelkader en 1837. La nomination de Bugeaud au poste de gouverneur général en 1840,

provoque la conquête totale menée par des colonnes légères. Pour lutter contre le soulèvement

dirigé par Abdelkader, Bugeaud intervient contre le Maroc qui appuie l'Émir. Il remporte la

victoire de l'Isly en août 1844.

Le duc d'Aumale qui lui succède obtient la reddition d'Abdelkader en décembre 1847. Il reste

encore à soumettre la Kabylie. Le nombre des colons est déjà de 109 000219

.

218

Paul Gaffarel, 1888, op.cit. 219

Arsène Berteuil, 1856, op.cit.

Deuxième Partie Chapitre Deuxième

150

Dans toute l’histoire de la colonisation, l’Algérie est un cas unique. Aucune autre conquête n’a

nécessité l’envoi d’une aussi nombreuse armée, ni des opérations aussi longues. Elle est

importante aussi par l’importance de l’immigration européenne. C’est avec l’Afrique du sud le

seul cas de colonie par peuplement. Lorsque commença cette grande colonisation africaine, la

prépondérance de la France sur les autres puissances du bassin méditerranéen était si bien établie

qu’elle ne pensait pas trouver chez ses voisins des rivaux et encore moins des ennemis. On

pensait que le Maroc était pour les espagnoles, l’Algérie pour la France et la Tunisie pour

l’Italie. Mais ces pays étaient trop préoccupés par leur politique interne tel l’Italie et l’Espagne

trop faibles pour une conquête effective et plus complète malgré les quelques places prises sur

les côtes marocaines.

Il est intéressant de voir succinctement la politique dans le monde à l’époque de la conquête. La

rivalité avec la Grande Bretagne, qui a supplanté la concurrence avec l'Espagne, mène à la perte

des possessions nord-américaines (régions de la baie d’Hudson ,Acadie, puis l'intégralité du

Canada français) et l'esprit de revanche est l'un des motifs qui poussent la France à apporter son

aide aux colons américains en révolte contre Londres lors de la guerre d’indépendance des

futurs États-Unis d’Amérique. Après une période de troubles révolutionnaires, les guerres

napoléoniennes apportent à la France un rayonnement qui reste inégalé. Au XIXème siècle, la

France, comme les grands empires, se concentre sur la pérennisation de ses colonies.

Les décisions colonisatrices, à partir de l’instauration du régime civil, furent partagées entre

militaires et civils. Il faut attendre le début du XXème siècle pour voir la colonisation libre c'est -

à-dire sans interventions ni assistance de l’état. Ceci fut possible grâce à une légalisation qui

permit l’émiettement des propriétés indivises et leur acquisition par les colons.

3. Les instruments juridiques de la colonisation.

Les instruments juridiques sont les lois, les règlements et les édits du Sénatus consulte qui ont

touché au statut des citoyens autochtones mais aussi le statut des terres durant la période de la

conquête. L’avènement de la République apportera, comme en métropole, des changements au

niveau de la législation appliquée en Algérie. Toutefois la colonisation par peuplement demeure

comme objectif, la nouvelle législation suivit la même logique d’expropriation des autochtones

afin de donner une base légale à l’établissement, en Algérie, des nouvelles populations

européennes.

Deuxième Partie Chapitre Deuxième

151

3.1. Le Sénatus Consulte220

.

Les travaux relatifs au Sénatus Consulte, sont suivis directement par le maréchal ministre de la

guerre. Les commissions du conseil du gouvernement sont présidées par le colonel d’état major

chef du bureau politique (1867 - 1870). Les commissions du SC sont constituées de :

Président : Empereur

Membres :

Gouverneur général.

Auxiliaires nommés dans les administrations locales.

Délégués indigènes.

Les principaux Sénatus Consulte concernant la gestion de l’Algérie se résument dans ce qui suit :

S C du 16/06/1851 article 4 : détermine la nature des terres arabes

Beylik : celles dont se compose le domaine de l’état.

Melk : lorsque les particulier ou les groupes de population qui la détiennent ont le

droit de jouir ou d’en disposer à leur gré.

Arch (sébaga) : terres possédées collectivement par une tribu ou une fraction de

tribu. Elle ne s’aliéner et fait en cas de mort ou de disparition des détenteurs,

retour à la communauté.

SC du17/07/1851 : Refus d’indemnisation des ouvriers (civils ou militaires) blessés ou

morts sur chantier en dehors des soins en hôpital (militaire ou civil) arrêté du ministre des

travaux publics du 17/10/1848 signé par le ministre de la guerre en date du17/07/1851

SC du 01/10/1851 : Introduction en Algérie du Conseil Hygiénique sur les directives du

ministre de la guerre

SC du 17/11/1851 : Refus de cette introduction, justifié par la difficulté d’application

signé de Daru – A Roux général chef de services de l’Algérie et E Daumouz

SC du 2 /06/ 1858 créa un ministère de l'Algérie et des Colonies, formé de la direction

des affaires de l'Algérie, détachée du ministère de la Guerre et de la direction des

Colonies, enlevée au ministère de la Marine.

220

Sénatus consulte : décision du sénat conservateur du premier ou du second empire. Dans le Dictionnaire de

français « Littré » online.

Archives d’Outre-mer, AOM, Aix en Provence, Carton : Sénatus Consulte de 184O à 1869

Deuxième Partie Chapitre Deuxième

152

SC du 22/04/1863 qui réglemente la constitution de la propriété en Algérie dans les

territoires occupés par les arabes c’est par ce décret qu’est constitué le cantonnement. Il

vise notamment :

règlements d’administration publique

interdiction de vente-échanges entre terres Melk- Beylik- Biens

communaux- collectif de cultivateurs- Archs ;

interdiction de vente à des particuliers (signé par le Maréchal N Randon)

Pourtant bien avant sa signature et dans la lettre de Napoléon au maréchal Duc de Malakoff

datée du 06/02/1863, celui-ci :

reproche le cantonnement des indigènes dans le projet présenté par les

militaires ;

reprise des droits despotiques du Grand Turc ;

autorisation accordée aux indigènes pour l’élevage des chevaux, bétails et

culture naturelle du sol ;

le gouvernement local est dans l’obligation de prendre soins des intérêts

généraux des indigènes, se doit de développer leur bien-être moral par

l’éducation et leur bien être physique par les travaux publics.

Le Sénatus Consulte de Juillet 1865, relatif à l’état des personnes et à la naturalisation en

Algérie, définit les conditions d’obtention et de jouissance de la nationalité française pour les

autochtones et les étrangers221

. L’article 5 en l’occurrence précise:

1° Les conditions d'admission, de service et d'avancement des indigènes musulmans

et des indigènes israélites dans les armées de mer et de terre

221

Art. 1er. L'indigène musulman est français ; néanmoins il continue à être régi par la loi musulmane. Il peut être

admis à servir dans les armées de terre et de mer. Il peut être appelé à des fonctions et emplois civils en Algérie. Il

peut, sur sa demande, être admis à jouir des droits de citoyen français ; dans ce cas il est régi par les lois civiles et

politiques de la France.

Art 2ème. L'indigène israélite est français ; néanmoins il continue à être régi par son statut personnel. Il peut être

admis à servir dans les armées de terre et de mer. Il peut être appelé à des fonctions et emplois civils en Algérie. Il

peut, sur sa demande, être admis à jouir des droits de citoyen français ; dans ce cas il est régi par les lois civiles et

politiques de la France.

Art 3ème. L'étranger qui justifie de trois années de résidence en Algérie peut être admis à jouir de tous les droits de

citoyen français.

Art 4ème. La qualité de citoyen français ne peut être obtenue, conformément aux articles : 1, 2 et 3 du présent

sénatus-consulte, qu'à l'âge de vingt et un ans accomplis ; elle est conférée par décret impérial rendu en Conseil

d'État.

Deuxième Partie Chapitre Deuxième

153

2° Les fonctions et emplois civils auxquels les indigènes musulmans et les indigènes

israélites peuvent être nommés en Algérie ;

3° Les formes dans lesquelles seront instruites les demandes prévues par les articles :

1, 2 et 3 du présent sénatus-consulte.

La commission du S C de 1868 :

recense les terres algériennes : Beylik : 263 901 ha dont 60 395 ha

attribués à 25 722 indigènes soit 2, 35 ha/tête ; restant plus de 80 000 ha

à la disposition de la société générale algérienne. (réserves foncières) ;

Les tribus ne peuvent se défendre devant les tribunaux ou ester en

justice : le gouverneur général est leur seul mandataire.

La construction des prisons militaires et civiles est soumise aux Travaux

Publics et au Maréchal de camp Commandant Supérieur du Génie.

La construction des édifices diocésains est soumise à l’architecte attaché

aux services des édifices diocésains

Les appels d’offres en France métropolitaines ne peuvent être appliquées

en Algérie qu’aux communes régulièrement instituées avec approbation

du ministre de la marine et des colonies représenté par le conseiller de

l’état général de division, directeur des Affaires de l’Algérie222

.

L’application de la loi sur les habitations insalubres ne peut servir de

règle en Algérie.

Ces lois et édits constituent les bases pour la réalisation des projets coloniaux en Algérie. Ils

permettront notamment les expropriations. Le foncier était un obstacle à surmonter dans un tissu

dense où les réserves sont pratiquement inexistantes à l’intérieur des enceintes des cités.

l’Avènement de la IIIème république y mit fin.

3.2. 1870 : L’avènement de la République : un nouveau cadre juridique.

La guerre de 1870 et les bouleversements administratifs qui suivirent, stoppèrent l'application du

Sénatus Consulte, considéré comme un legs de l'Empire déchu (circulaire du 19 décembre

222

Gabriel Hanotaux & Alfred Martineau, op.cit.

Deuxième Partie Chapitre Deuxième

154

1870)223

. A cette date 372 tribus avaient été "Sénatus Consultées" (selon le néologisme alors en

usage) c’est à dire dont l’histoire avait été rédigée, et donc les biens recensés.

L’Algérie est gérée par le ministre de la guerre durant la République. On verra l’établissement

d’une nouvelle législation concernant les travaux à exécuter. Elle concernera essentiellement la

reprise de la libéralisation de la passation des marchés relatifs à des fournitures nécessaires aux

travaux civils exécutés en Algérie par dépêche du 19/09 /1847.

Si le Sénatus Consulte de 1865 relatif au statut des personnes fut rédigé par Mr Crémieux, dont il

porte d’ailleurs le nom ; Mr Crémieux ne s’arrêta pas à celui-ci puisqu’en octobre 1870 il en

rédigea plusieurs. Le programme de Crémieux était fort simple, du moins en apparence et tenait

en peu de mots : « Détruire le détestable régime militaire, fléau de notre riche colonie et y

substituer le gouvernement civil, assimiler en un mot complètement l'Algérie à la France »224

tel

était le but qu'il se proposait. Pendant les cinq mois qu'il fut au pouvoir, il ne prit pas moins de

cinquante-huit décrets concernant toutes les branches de l'administration algérienne ; quelques-

uns de ces décrets ne furent d'ailleurs jamais appliqués, d'autres furent rapidement abrogés225

.

Le décret du 24 octobre 1870 bouleversa tout ce qui touchait au gouvernement de l'Algérie. Le

gouverneur, le sous-gouverneur, le secrétaire général, le conseil supérieur, le conseil de

223

Dés l’instauration de la république, le Sénat a été chargé d'élaborer la constitution de l'Algérie ; les sénatus-

consultes de 1863 et de 1865 avaient déjà commencé cette élaboration, le moment semblait venu de poursuivre cette

oeuvre et de donner des garanties nouvelles aux populations européennes. La Commission, présidée par le maréchal

Randon, comprenait MM. Barot, Armand Béhic, le général Allard, Paulin Talabot, le général Desvaux, Gresley,

Tassin ; elle choisit comme rapporteur M. Armand Béhic ; ses conclusions sont un des documents les plus

importants de l'histoire de l'Algérie. C'est un projet complet de constitution algérienne. Sans s'engager dans les

controverses sur les divers systèmes d'administration essayés dans la colonie, la Commission, prenant une position

intermédiaire entre ceux qui affirmaient que tout était mal et ceux qui pensaient que tout y était pour le mieux,

reconnaissait que de profondes modifications étaient nécessaires. Le projet consacrait la division de l'Algérie en

deux parties, le territoire civil et le territoire militaire ; mais le territoire civil était étendu et formait un tout complet,

une zone comprenant 800 000 habitants au lieu de 478 000 ; son périmètre n'était pas immuable et devait être révisé

tous les cinq ans. En ce qui concernait le gouvernement de l'Algérie, la Commission estimait qu'il n'était pas

possible d'appliquer à ce pays les formules qui répondaient à un état de civilisation plus avancé. Quelques services

d'intérêt général, la justice française, l'enseignement supérieur et secondaire, les grands travaux publics, les finances,

la marine, l'armée seraient rattachés aux ministères correspondants. Tout le reste serait du domaine du gouvernement

local. Le gouvernement de l'Algérie devait être autonome, exercé par un haut fonctionnaire ayant rang de ministre ;

c'était la conception du ministère de l'Algérie, mais avec deux différences capitales : le siège de l'administration était

à Alger et non à Paris, et les colonies n'étaient pas jointes à ce ministère. L'Algérie comprendrait des départements

civils administrés par des fonctionnaires civils et des départements indigènes placés sous l'autorité militaire et

soumis à un régime spécial. Les préfets n'étaient plus subordonnés aux généraux. Les conseils généraux et les

conseils municipaux des communes de plein exercice des départements étaient élus 224

Cité dans, Buzelin, lieutenant colonel, De la colonisation et des réserves de l’Algérie, édit inconnue, Nantes,

1874, 225

Henri Garrot, Les juifs d’Algérie, édit librairie Louis Relin, Alger, 1898.

Deuxième Partie Chapitre Deuxième

155

gouvernement furent supprimés : « L'Algérie, disait le décret, renferme 3 départements, ce qui

établit 92 départements dans la République française»226

.

Outre les édits et lois du Sénatus Consulte la gestion des affaires algériennes est aussi importante

dans la gestion du foncier. L’administration mise en place ainsi que la justice permettront de

gérer les litiges en rapport avec le foncier et donc de faciliter l’avancement des projets.

4. Les outils administratifs.

Pour pouvoir mener à bien sa politique de colonisation puis de peuplement la France se devait de

mettre en place toute une organisation administrative chargée de gérer ses affaires en Algérie.

C’est ce que les historiens appellent « la politique indigène ». Celle-ci, jusqu’en 1847, est un

motif à discussions académiques passionnées. Mais la politique arabe est finalement

empiriquement décidée sur place. La révolution de 1848 apporta des modifications considérables

à l'organisation de l'Algérie et à la politique algérienne. Le pays fut dotée du suffrage universel

en même temps que la France ; elle élit quatre représentants à la Constituante, trois à la

Législative ; les plus notables de ces élus furent MM. de Rancé, Émile Barrault, Henri Didier. La

Constitution de 1848 déclara l'Algérie territoire français ; elle ajoutait, il est vrai, qu'elle serait

régie par des lois particulières, mais des arrêtés du chef du pouvoir exécutif détachèrent du

ministère de la Guerre les cultes, l'instruction publique, la justice, les douanes, pour les rattacher

aux ministères compétents227

. La direction de l'Algérie au ministère de la Guerre fut plusieurs

fois réorganisée ; de mars 1848 à avril 1850, elle changea cinq fois de titulaire ; on vit s'y

succéder le général Randon, 1e général Charon, M. Germain, M. Blondel, enfin le général

Daumas (voir annexe 2).

4.1. Le découpage militaire et administratif de l’Algérie.

Les trois provinces sont partagées en subdivisions militaires sur le modèle des Khalifa

d’Abdelkader et en cercles comprenant un ou deux aghaliks. L’unité de base reste la tribu, elle-

même composée d’un ou plusieurs douars.

Comme intermédiaire, entre le commandant français et le chef arabe, des bureaux des affaires

arabes sont constitués avant l’arrêté du 1er février 1844. Les officiers et les interprètes qui les

226

Gabriel Hanotaux & Alfred Martineau,op.cit. 227

Les constitutions de la France depuis 1789, édité par J. Godechot, Édit Garnier Flammarion, Paris, 1970.

Deuxième Partie Chapitre Deuxième

156

composent, parlent l’arabe et doivent se familiariser avec la société musulmane. Ils sont tentés

par l’administration directe mais Bugeaud et Daumas la leur refusent228

.

Les Bureaux se répartissent en Bureaux de Cercle (deuxième classe) et Bureaux de Subdivision

(première classe). Il existe également des Bureaux Divisionnaires au niveau des provinces ainsi

qu’une Direction Centrale. A tous les échelons cette organisation est subordonnée à l’autorité

militaire. On comptera 40 Bureaux en 1850, une cinquantaine en 1870, avec 150 à 200 officiers.

Les Bureaux disposent d’un secrétaire arabe (khoja), souvent d’un médecin. La sécurité est

assurée par un peloton à cheval (spahis).

Les missions des Bureaux Arabes évolueront au fil du temps : il s’agit au départ de faciliter la

pénétration grâce au renseignement, par le contact avec la population et la compréhension de ses

ressorts politiques. Il s’agit ensuite d’administrer le pays. Les officiers des Bureaux Arabes se

feront juges de paix, percepteurs des impôts. La question des terres est souvent à l'origine des

querelles. Vivant comme des petits émirs, ils s’attirent la jalousie des autres officiers et la haine

tenace des colons en défendant les tribus contre la rapacité et l’injustice. La direction des

bureaux arabes est dénoncée à la Chambre comme manifestant un parti pris en faveur des arabes.

Il faut ajouter que les officiers des bureaux arabes, préposés à la tutelle des autochtones, avaient

à les défendre, eux et leurs terres, contre bien des convoitises. C'était une des causes profondes

du conflit entre eux et les colons. Une série de brochures, reflétant les idées courantes et jusqu'à

un certain point la pensée même de l'Empereur, présentaient les colons comme des spéculateurs,

des agioteurs qui demandaient le cantonnement des tribus pour spéculer sur les biens ruraux.

L'aristocratie indigène, menacée dans ses privilèges, faisait cause commune avec les adversaires

de la colonisation.

A partir de 1845, la politique de "cantonnement" des terres, au nom de la productivité, conduit à

réduire les espaces où nomadisent les indigènes que l'on tente de sédentariser : les terres libérées,

souvent les meilleures, sont acquises par les Européens sous le contrôle d'un Conseil du

Contentieux puis d'une Commission des Transactions qui leur est particulièrement favorable.

Cette opposition naissante entre les Bureaux Arabes et les colons va grandir avec le second

Empire. En effet, si la deuxième République marque en 1848 un pas vers l'intégration, la

228

Gabriel Hanotaux & Alfred Martineau, op.cit.

Deuxième Partie Chapitre Deuxième

157

Constitution du 4 Novembre 1848229

déclare « l’Algérie partie intégrante de la France ». Les

trois départements d'Alger, Constantine et Oran sont créés.

A partir de 1860 le second Empire amorce une politique tout à fait différente. Dans la pratique,

une série de décisions tend à bloquer la politique de "cantonnement". Napoléon III dessaisit

l'administration civile de son rôle dans la délimitation des terres au profit de commissions

provinciales placées sous l'autorité des Bureaux Arabes. En 1865, Napoléon III va jusqu'à écrire :

"Il faut cantonner les Européens et non les indigènes".

A partir de 1870 les Bureaux Arabes sont progressivement démantelés. L’administration des

terres revient à l’autorité civile et la politique du "cantonnement" repart de plus belle.

L’expérience des bureaux arabes n’est cependant pas oubliée. Ils réapparaîtront dans le

protectorat Français du Maroc, sous le nom d’Affaires Indigènes. .

On exagérait lorsqu'on prétendait que les colons en territoire militaire vivaient sous le régime de

l’arbitraire ; les lois civiles étaient les mêmes dans les deux zones. D'ailleurs, en 1858, sur

189000 Européens, 170 000 étaient placés sous l'autorité civile ; la zone militaire ne comptait

donc que moins de 6 pour 100 d'entre eux ; il est vrai que les Européens n'avaient accès au

territoire militaire que dans un but d'utilité publique et en vertu d'autorisations spéciales et

personnelles. Mécontents, aigris, les colons rendaient l'autorité militaire responsable de toutes

leurs déceptions et de tous leurs échecs230

.

La population civile réclamait un gouvernement civil, l'assimilation politique, l'assimilation

douanière, le cantonnement des Arabes, la constitution de la propriété privée dans les tribus, la

vente des terres, la suppression de la réglementation des concessions, l'assimilation des indigènes

et la suppression du régime administratif spécial auquel ils étaient soumis.

En parallèle à la politique des bureaux arabes, est pratiquée la politique de l’assimilation. En

territoire civil, les administrations et les juges se comportent comme en France métropolitaine.

Une justice calquée sur le modèle français est instaurée en 1841-1842. Elle n’applique que le

droit français. La première conséquence est la suppression de la juridiction répressive des Caïds.

229

www.presidencedelarepublique.fr/...constitutionnels.../la_constitution_du_4_novembre_1848.22383.html. 230

Arsène Berteuil, 1856, op.cit.

Deuxième Partie Chapitre Deuxième

158

Cette assimilation détruit les institutions musulmanes. Elle va devenir le Laborum de la

colonisation231

.

4.2. Le cantonnement.

La question foncière se posant à chaque fois que l’on voulait poursuivre ou développer la

colonisation, le cantonnement apparut au départ comme la solution recherchée. Mais ce système

ne pouvait perdurer car pratiqué sur simples instructions administratives. C’est le maréchal

Pélissier qui dés 1862-1863 initia avec le Conseil Supérieur du Gouvernement un projet destiné à

donner une forme légale à ce système. Mais l’opinion publique s’y opposa et à leur tête Saint

Simonien.

Il faut attendre 1870 avec l’instauration du pouvoir civil pour trouver un système global de

gestion du foncier. L’Algérie fut découpée en trois territoires : civil, militaire et mixte. Donc à

chacune des deux parties son propre territoire et un territoire à gestion commune.

Cette séparation ne donna pas aux civils toute la latitude qu’ils espéraient puisque la question

sécuritaire était toujours posée au niveau des projets.

La même année les décrets Crémieux furent lancés. Ce fut une cause déterminante de

l’insurrection de 1871 à Constantine, l’un des décrets provoquant la colère et des discussions

chez les militaires.

C’est avec la loi du Sénatus Consulte de 1863 qu’on géra le foncier et ce jusqu’en 1873 où un

autre projet de loi « warrines » fut l’objet d’études pour la gestion des territoires civils indigènes

mais celle-ci ne fit pas l’unanimité et n’atteignit pas son but. Bien qu’amendée en 1887, elle fut

suspendue par mesure sécuritaire. Il faut dire qu’elle était surtout destinée à la gestion du foncier

agraire232

.

Le cantonnement ne faisait pas l’unanimité même chez les militaires. Ainsi dans sa lettre à

Napoléon III du 6 février 1863, le maréchal Pélissier jugeait de son inutilité : « Établissons les

faits : on compte en Algérie 3 millions d’Arabes et 200.000 Européens, dont 120.000 Français.

Sur une superficie d’environ 14 millions d’hectares dont se compose le Tell, 2 millions sont

cultivés par les indigènes. Le domaine exploitable de l’État est de 2 millions 600 mille hectares,

dont 890.000 propres à la culture […]. Enfin 420.000 hectares ont été livrés à la colonisation

231

Charles Robert Agéron, l’Algérie contemporaine, Centre des Archives Outre-mer, AOM 40208, in site web :

WWW.etudescoloniales.canalblog.com/.../10512087.html 232

E Pellisier, Annales Algériennes, Tome 1, Édit Auselin et Gaultier-Laguionie, Paris, 1836.

Deuxième Partie Chapitre Deuxième

159

européenne […] sur [lesquels] une grande partie a été revendue ou louée aux Arabes par les

concessionnaires, et le reste est loin d’être entièrement mis en rapport. En présence de ces

résultats, on ne peut admettre qu’il y ait utilité à cantonner les indigènes, c’est-à-dire prendre

une certaine portion de leurs terres pour accroître la part de la colonisation. Aussi est-ce d’un

consentement unanime que le projet de cantonnement soumis au Conseil d’État a été retiré. »233

Cependant c’est ce cantonnement qui a généré les idées les plus folles comme les murailles qui

devaient entourer la Mitidja afin de faciliter et de sécuriser les travaux agricoles et les

aménagements hydrauliques de la plaine à l’usage des colons.

4.3. Le Régime Foncier.

En Algérie, contrairement à ce qu'on imagine, la grande difficulté a toujours été, non pas de se

procurer des colons, mais de se procurer des terres pour doter ces colons. Bien qu'il y ait dans le

pays de grandes étendues de terres cultivables et non cultivées, il n'y a jamais eu, en raison des

obstacles auxquels on se heurte pour l'acquisition des terres indigènes, de marché des terres

comme au Canada, aux États-Unis, en Australie, en Argentine. Pour accroître les surfaces

disponibles, l'ancien domaine du beylik ne suffisant pas, on confisqua les terres des tribus

révoltées du Sahel et de la Mitidja ; par un arrêté ministériel du 24 mars 1843, qui n'était

d'ailleurs que la reproduction d'un arrêté de Clauzel, les biens habous furent réunis

définitivement au domaine, l'État se chargeant de pourvoir aux services d'assistance,

d'enseignement et de culte qu'assuraient les revenus de ces biens. De 1830 à 1840, au point de

vue de la propriété, on avait positivement vécu dans le chaos. Les transactions immobilières

entre indigènes et Européens étaient tantôt autorisées, tantôt interdites. Une commission fut

nommée en 1842 en vue de sortir de ce gâchis et l'ordonnance du 1er octobre 1844, complétée et

modifiée par celle du 21 juillet 1846, essaya pour la première fois de régler la question de la

propriété foncière. On commença par régulariser la situation résultant des transactions

antérieures ; pour le reste du territoire, l'ordonnance prescrivit une vérification des titres de

propriété et déclara que toutes les terres incultes devaient être réunies au domaine234

Cette idée de l'expropriation pour cause d'inculture était d'ailleurs conforme au droit musulman,

qui déclare que la terre doit appartenir à celui qui la vivifie. Les deux ordonnances furent

appliquées seulement dans le Sahel, dans une partie de la Mitidja, dans les environs de Bône et

233

Lettre publié dans le Moniteur Universel du 7 février 1863. 234

Gabriel Hanotaux & Alfred Martineau, op.cit.

Deuxième Partie Chapitre Deuxième

160

d'Oran, en tout sur 200 000 hectares, dont 168 000 dans la province d’Alger ; 55 000 hectares

furent attribués aux Européens, 32 000 aux indigènes, 95 000 à l'État235

.

Les ordonnances espéraient procurer à la colonisation des terres en abondance, mais, comme les

formalités qu'elles prescrivaient pour la vérification des titres étaient fort longues, le but ne fut

pas atteint et les transactions se trouvèrent plutôt ralenties.

4.4. Le Régime Des Concessions.

Le régime des concessions de terres fut déterminé par l'arrêté du 18 avril 1841. Le colon recevait

un titre provisoire qui fixait les conditions qu'il devait remplir et le délai qu'on lui accordait ;

lorsqu'il avait exécuté les travaux de mise en valeur, il recevait un titre définitif ; jusque là, ses

droits étaient limités ; il ne pouvait se substituer que des personnes agréées par l'administration et

souscrivant aux conditions exigées par celle-ci; il ne pouvait hypothéquer que pour dépenses de

construction ou de mise en valeur et avec une autorisation spéciale. Tout colon français ou

européen justifiant de 1 200 à 1 500 francs de ressources disponibles recevait dans un des

nouveaux centres un lot à bâtir et un lot de culture de 4 à 12 hectares selon ses moyens ; il avait

droit au passage gratuit pour lui et les siens, pouvait toucher en France des vivres de route,

trouvait en arrivant des abris provisoires, recevait des matériaux pour bâtir, des bêtes de labour,

des semences, des instruments agricoles. Le colon était entièrement dans les mains de

l'administration, mais celle-ci en revanche était amenée à lui consentir un appui très large

pendant cette période.

C'était le gouverneur qui décidait les créations de centres et donnait les concessions. La

direction de l'Intérieur était chargée de la formation des nouveaux centres, du choix de leur

emplacement, de l'allotissement des terres, du placement des familles. Le titulaire de cette

direction, de 1838 à 1847, fut le comte Guyot, un des administrateurs les plus remarquables

qu'ait eus l'Algérie. Fils d'un général de l'Empire, d'abord sous-intendant militaire, Guyot était

plein de zèle pour la colonisation, dont il fut un des meilleurs artisans. Le maréchal agit d'abord

en plein accord avec lui, mais cet accord fit place au conflit et à une hostilité très âpre, lorsque

l'ordonnance du 20 juillet 1845 eut retiré au gouverneur la faculté d'accorder les concessions

235

Buzelin, lieutenant colonel, De la colonisation et des réserves de l’Algérie, Édit inconnue, Nantes, 1874.

Deuxième Partie Chapitre Deuxième

161

même les plus petites ; cette faculté était désormais réservée en droit au ministre en fait à Guyot,

puisqu'il était seul chargé de l'administration du territoire civil236

.

4.5. La gestion des affaires arabes.

Pour préparer les décisions en France et afin de gérer les affaires locales, les gouverneurs

instituent successivement :

un agha des arabes tour à tour musulman ou français,

un bureau arabe animé d’abord par Lamoricière en 1833-1834. En 1833, le

bureau arabe dirigé par La Moricière avait été créé pour centraliser les

affaires indigènes, réunir les documents, traduire la correspondance,

transmettre les décisions du commandement. Un vieux savant, chef des

interprètes, M. Delaporte, avait bientôt succédé à La Moricière.

En 1834, on avait supprimé le bureau arabe et ses attributions étaient passées au lieutenant-

colonel Marey, pour lequel on avait rétabli la charge turque d'agha des Arabes.

En 1837, on avait créé une direction des affaires arabes confiée à Pélissier de Reynaud, il donna

sa démission en 1839 et ses attributions furent jointes à celles de l'état-major général.

Un arrêté du 16 avril 1841 rétablit la direction des affaires arabes et la confia à Daumas. Cette

direction qui inspire le système de protectorat adopté par Valée dans le Constantinois ainsi que la

division de l’Algérie en territoires civils ouverts aux européens et militaires et interdits à la

colonisation. Les successeurs de Valée étendent ses formules à l’ensemble de l’Algérie conquise.

Bugeaud, à sa nomination revient au système des maghzens (juridiction chérifienne) et des beys

ottomans. Daumas directeur des affaires arabes (1841-1847) convertit Bugeaud au système du

développement indirect c’est-à-dire : confier à des chefs arabes appartenant à la noblesse

militaire ou religieuse. Le général Bugeaud maintient celle de l’Émir Abdelkader à Oran et Alger

et celle des ottomans dans le Constantinois237

.

Le mouvement imprimé par Bugeaud aux affaires « indigènes » s'est continué jusqu’en 1858.

Puis, peu à peu, le personnel des bureaux arabes a fini par recevoir des sujets d'un mérite

236

E Pellisier, Annales Algériennes, Tome 1, Édit Auselin et Gaultier-Laguionie, Paris, 1836.

Gabriel Hanotaux & Alfred Martineau, op.cit. 237

Idem.

Deuxième Partie Chapitre Deuxième

162

moindre. En même temps, les bureaux arabes, contrairement aux intentions formelles de

Bugeaud, se rendaient indépendants du commandement238

.

Les arabes, très bons observateurs de tout ce qui les intéresse directement, ont très bien aperçu

cette transformation ; ils distinguent les bureaux arabes makhzenia ou de gouvernement, ceux de

la première période, des bureaux arabes hekkam ou d'administration qui leur sont succédé.

Conclusion.

Au début du XIXème siècle, malgré la puissance de son armée, l’économie de l’empire Français

était au rouge et le peuple est en souffrance. Les problèmes économiques de la France et le

manque de main-d’œuvre du aux guerres successives et à une forte mortalité (due aux

épidémies) sont les principales raisons de la colonisation de l’Algérie et de son peuplement.

Cette dernière présentait beaucoup de potentialités et était sous peuplée. Par ailleurs on assistait

au début de la décadence des ottomans et leur suprématie sur la mer méditerranée.

L’influence romaine (colonisation par peuplement) se résume essentiellement en la division de

l’Algérie en trois provinces, en sa politique d’assimilation et de création des centres de

peuplement. Par ailleurs les réseaux de voies de communication, des sites des villes, des

fonctions de celles-ci servirent de base pour l’installation des français.

Les changements de régimes que connut la France durant la période de conquête expliquent les

controverses et polémiques engagées entre les militaires, hommes politiques français mais aussi

les réaménagements des outils juridiques et administratifs établis pour et lors de la colonisation

et ce jusqu’au début du XXème siècle. Ces lois et édits constituent les bases pour la réalisation

des projets coloniaux en Algérie. Ils permettront notamment les expropriations. Le foncier était

un obstacle à surmonter dans un tissu dense où les réserves sont pratiquement inexistantes à

l’intérieur des enceintes des cités. Ils toucheront aussi au statut des autochtones dans l’État

français. L’Avènement de la IIIème république mit fin à ces changements.

238

Fernand Armandiès, «Le Maréchal Bugeaud »,in site web : www.alger-

roi.net/Alger/documents_algeriens/culturel/pages/45_bugeaud.htm

Deuxième Partie Chapitre Troisième

163

CHAPITRE TROISIÈME

L’URBANISATION EN FRANCE AU XVIIIÈME ET XIXÈME SIÈCLES, UN

RÉFÉRENT POUR L’ÉTABLISSEMENT DES FRANÇAIS EN ALGÉRIE

Introduction.

Avant la deuxième moitié du XVIIIème siècle, l’ingénieur se considère comme constructeur,

terme générique qui englobe les architectes, les officiers du génie et les entrepreneurs. A la fin de

ce siècle, la France comptait un millier de cadres dans la construction, parmi lesquels 350

ingénieurs du Génie et 300 des Ponts-et-Chaussées. La fin de ce siècle connait les premiers

mouvements ouvriers dans le secteur du bâtiment. Afin de juguler ces mouvements, Napoléon

crée des chantiers : excavation pour la conduite des eaux, aménagement des places,

terrassements et plantations. Ce n’est qu’au XIXème siècle que le métier d’architecte commence

à évoluer dans son enseignement puis dans sa pratique. La révolution industrielle qui avait mis

en avant les ingénieurs, donne de nouveaux outils aux architectes qui s’intéressent aux aspects

techniques.

Les idées hygiénistes apparaissent en même temps que les nouveaux matériaux. Leur application

à la construction change la morphologie globale des villes, notamment Paris. Cette dernière

devient un exemple à suivre.

Par ailleurs c’est aussi l’ère des expansions colonisatrices, les grandes puissances voient leurs

frontières s’étendre. La France confère alors au Génie militaire les travaux de fortifications et de

défense de ses frontières. Le mouvement des troupes militaires, à travers les territoires, engendre

le développement des voies de communication que le Génie militaire prend en charge ; tous ces

travaux ont eu comme corolaire l’évolution de ce service de l’armée. Ce dernier s’est imposé

comme acteur déterminant dans la construction non seulement des édifices militaires, des voies

et ouvrages d’art mais aussi dans celle des nouvelles villes de colonisation.

Les méthodes d’urbanisation utilisées en France, vont-elles être reprises en Algérie ? C’est ce

que nous allons voir dans ce chapitre.

1. Les innovations dans le domaine de la construction aux XVIIIème et XIXème siècles.

La deuxième moitié du XVIIIème siècle et le XIXème voient apparaître de nouveaux corps de

métier, l’évolution du rôle de l’architecte passe de constructeur applicateur des règles esthétiques

à celui de concepteur et applicateur des règles techniques et d’hygiène, il devient maître

d’ouvrage. Durant cette période il partagera avec l’ingénieur civil ou militaire, le médecin, les

Deuxième Partie Chapitre Troisième

164

joies et les fatigues que procurent les découvertes se rapportant à la construction depuis la

conception, les matériaux, les systèmes d’assainissement jusqu’à l’organisation de chantiers pour

une meilleure productivité et l’établissement des premières théories relatives à l’ergonomie.

1.1. Le métier d’architecte aux XVIIIème et XIXème siècles.

Le métier d’architecte n’existait pas vraiment, hormis les architectes du roi (formés au sein de

l’académie). Ils avaient pour mission essentielle l’entretien des monuments de la couronne. Ces

derniers connurent des difficultés lors de l’avènement de la Première République. Les archives

municipales et départementales françaises recèlent une multitude d’architectes « temporaires ».

L’enseignement de l’architecture est fort peu scientifique mais porte essentiellement sur le côté

esthétique. Il était long et couteux et les architectes sortant sont souvent inexpérimentés ; c’est

pourquoi le métier était peu prisé et mal jugé par les ingénieurs.

Sous la Restauration l’ingénieur domine et l’architecte suit. Le fontainier, maître des tuyaux et

des dessous de la ville, côtoie le charpentier maître des airs. La technique commence à s’imposer

aux bâtiments

C’est au cours su XIXème siècle que le métier d’architecte tente de s’élaborer autour de la

maîtrise de l’œuvre du bâtiment. Seuls quelques rares scientifiques s’ingèrent dans

l’enseignement : Rondelet (mathématiques et mécanique), Dufourny (théorie de l’esthétique). Il

restera lacunaire jusqu’à la deuxième moitié du XIXème siècle. Les principes de l’hygiène sont

ignorés alors que plusieurs architectes sont chargés de la police des constructions dans les

grandes villes. A la fin de la Restauration on trouve trois types d’architectes :

les professeurs jouissant d’une grande considération ;

les architectes moins brillants mais très compétents issus de l’École Royale ou celle

Spéciale d’architecture. Ils sont scindés en deux catégories :

ceux destinés à la direction (architectes-experts) ;

ceux chargés de l’exécution comme entrepreneurs de bâtiments. Ils sont

installés dans les grandes villes ;

les architectes chargés des travaux publics de province239,240

.

Les projets pouvaient être conçus indifféremment par les architectes ou par des ingénieurs ou

parfois même par des charpentiers ou des maîtres maçons. En province la décision et le choix du

239

André Guillerme, Bâtir la ville. Révolutions industrielles dans les matériaux de construction France- Grande

Bretagne (1760-1840), Edit Champ Vallon, 1995 240

Daniel Rabreau, « ARCHITECTURE- architecte », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-

2004.

Deuxième Partie Chapitre Troisième

165

projet revient au préfet ou au maire. Deux institutions dépendant du ministère de l’intérieur

examinent et visent les projets d’aménagement : le conseil des Bâtiments civils (institué le 17

avril 1791) et le conseil général des Ponts-et-Chaussées (créé le 7 fructidor de l’an XII

correspondant au 25 août 1804).

1.2. L’émergence de nouveaux corps de métier du bâtiment.

La révolution industrielle n’a pas seulement apporté de nouveaux matériaux mais a vu

l’apparition et le développement des métiers. Dans ce qui suit nous verrons ceux relatifs à la

construction et au savoir lié à l’espace.

Durant la période allant de 1760 à 1840 on assiste à l’émergence de nouveaux corps de métiers

dans le bâtiment :

Pour le civil : des agents de maîtrise dans la construction, des contrôleurs, des

vérificateurs et des conducteurs de travaux.

Pour l’armée : des gardes du génie, des géomètres du cadastre241

.

Ces nouveaux corps vont apporter des changements notoires dans l’organisation des chantiers et

dans la précision des études et dossiers de construction. Ils permettront aussi le maillage du

territoire français pour l’établissement des actes. C’est à partir de cette époque que l’on voit

apparaitre les devis descriptifs et estimatifs chez les ingénieurs militaires du Génie ; ces devis

sont alors nommés mémoires.

1.3. La dédensification de Paris ou le modèle d’alignement.

Afin de bien saisir le nouveau système d’urbanisation mis en place durant ce siècle, nous

prenons le cas de Paris, d’abord comme capitale de la France mais aussi comme ville Phare en

Europe. Les travaux d’embellissement sur la ville de Paris relevaient du premier Homme de

l’état à savoir le roi, l’empereur ou encore le président de la république selon le système

politique en place.

La capitale elle aussi est à défendre. Ce n’est qu’en 1840 que l’enceinte de Paris est déclarée

d’utilité publique. Elle se compose : d’une enceinte de 34 Km, large de 140m et de 94 bastions et

forts détachés casematés. La construction de celle-ci durera cinq années.

Ainsi il n’était pas rare de voir s’ouvrir des rues à Paris sur la demande de simples citoyens

propriétaires. Tel est le cas de la rue Delta dont l’ouverture (douze mètres de largeur) est

autorisée par Charles X le 2 février 1825, demandée par Messieurs Loubin et Louis Guillaume

241

André Guillerme, 1995, op.cit.

Deuxième Partie Chapitre Troisième

166

afin d’assurer la communication entre la rue du Faubourg Poissonnière et la rue Rochechouart. Il

en est de même pour la rue d’Alger (21/07/ 1830) ouverte par les frères Cherouet’ qui relie la rue

Rochefoucauld et La bruyère, ou bien encore la rue de Tlemcen ouverte en 1839 et la rue Cochin

en 1840. La largeur des rues ouvertes par des particuliers sur leur propriété est proposée par les

impétrants ; les rues ainsi ouvertes sont cédées à la ville comme voie publique,qui s’occupera de

leur entretien et de l’hygiène242

.

La dénomination des rues ouvertes par les particuliers peut être proposée par ces derniers lors du

dépôt des projets d’ouverture telle la rue Lavoisier ouverte par Mr Léon de Chazelle qui reçue

l’approbation de dénomination par le préfet de Paris, du ministre secrétaire d’état de l’intérieur.

L’intérêt historique ou ce que nous nommons actuellement le Patrimoine a été, aussi, pris en

considération dans les projets d’alignement et de dénomination de certaines rues telles la rue de

L’Ile Bouviers ou bien celle Des Juges et Consuls.

L’ouverture de certaines voies ou ouvrages d’art est directement liée à des évènements politiques

tels le Pont Iéna et les voies qui le desservent dont la construction, l’ouverture et le financement

furent décidés à Varsovie par Napoléon243

. C’est aussi sur décision impériale que la rue

Impériale fut projetée par décret en 1806 (26/ 02/ 1806) bien qu’elle n’ait jamais été exécutée.

L’extension ou l’amélioration d’un édifice public peuvent engendrer des alignements aux abords

de ces derniers comme ce fut le cas de l’Hôtel de ville en 1836.

1.4. Les plans d’alignement et de redressement.

La dédensification des villes françaises, le développement des moyens de transport ont

occasionné les tracés des voies de communication. Ces tracés ont concerné en premier lieu les

anciens tissus, nous les connaissons sous l’appellation de plans d’alignement et de redressement.

Les plans d’alignement sont dressés par les ingénieurs des départements et sont soumis à

l’approbation :

des ingénieurs des Ponts et Chaussées ;

du Conseil municipal ;

du maire ;

du public après exposition durant huit jours à la mairie ;

242

M Alphan (directeur), A Deville et Hocherau, Recueil des lettres patentes, ordonnances royales concernant les

voies publiques, Édit Imprimerie Nouvelle (association ouvrière), Paris, 1886. 243

Extrait des minutes de la secrétairerie en date du 13 janvier 1807, in M Alphan (directeur), A Deville et

Hocherau, Recueil des lettres patentes, ordonnances royales concernant les voies publiques, Édit Imprimerie

Nouvelle (association ouvrière), Paris, 1886.

Deuxième Partie Chapitre Troisième

167

du préfet ;

du comité de l’intérieur du Conseil d’Etat.

Avant approbation, les projets sont d’abords vérifiés par des hommes de lois pour vérifier s’ils

répondent aux règlements juridiques, administratifs et aux instructions ministérielles.

Lorsque l’ouverture de rues, de chemins vicinaux est nécessaire, c’est la ville de Paris qui doit

dédommager les propriétaires des terrains servant d’assiette à ces voies. La loi du

16septembre1807 permet l’expropriation pour utilité publique ; la loi du 07 juillet 1833 viendra

établir les formalités d’enquête pour justifier l’utilité publique244

. Ce sont ces deux lois que les

autorités françaises vont utiliser en Algérie lors des plans d’alignement ou des percements dans

les médinas.

L’ouverture des passages couverts carrossables ou piétonniers seront soumis à la même

procédure que les rues puisqu’ils sont considérés comme voies de communication, mais ils

doivent répondre aux règlements de commodité et de sécurité : « d’air et de lumière, d’éclairage,

de pavage ou dallage, et d’écoulement des eaux », accès sécurisés et restrictifs aux seuls

riverains et hauteurs de façade. Ces passages bien que considérés comme voies de

communication donc balayés et entretenus, sont soumis à des règlements de circulation selon

leur statut piétonnier ou carrossable assez stricts établis par la mairie. Ils ont métamorphosé les

villes non seulement dans leur réseau de voies mais aussi dans la morphologie globale des

édifices qui se sont vus réglementés.

2. La transformation de l’immeuble parisien.

Nous nous intéressons à la morphologie des bâtiments dans le sens d’une meilleure

compréhension des plans d’alignement dont les services du génie auront la charge en Algérie.

La limitation de la surface de la ville est la règle d’or de l’occupation de l’espace, la densité est

une conséquence directe de ce principe. Dans l’ensemble de la ville, les activités sont mélangées.

Seules certaines sont rejetées hors du centre de par leur spécialisation ou leur nocivité, mais

toujours à proximité de l’enceinte. A titre d’exemple les maraichers ne sont jamais loin. La ville,

à l’intérieur de son enveloppe, englobe les activités nécessitant de grands espaces tel le stockage

des denrées ou des véhicules. Paris est une place forte qu’il faut préserver.

244

M Alphan (directeur), A Deville et Hocherau, Recueil des lettres patentes, ordonnances royales concernant les

voies publiques, Édit Imprimerie Nouvelle (association ouvrière), Paris, 1886.

Deuxième Partie Chapitre Troisième

168

La typologie architecturale du Paris du XVIIIème siècle reflète une imbrication par superposition

du commerce et de l’habitat et leur juxtaposition avec des activités artisanales rejetées au fond

des parcelles.245

A la fin de l’Ancien Régime, l’immeuble présentant une façade en pierre de taille,

soubassements entresolés à arcades avec boutiques et logements au dessus (deux étages nobles

dont le premier est plus grand que le second) et un comble mansardé, était le plus chic mais rare.

Les immeubles de second ordre se présentaient avec un abaissement de l’arcade à un seul niveau

(celui de la boutique) et trois étages d’habitation à surface égale et comble aménagé. L’immeuble

de troisième catégorie est une réduction économique du précédent, disparition du soubassement à

arcades au profit de simples linteaux droits sur un Rez de chaussée écrasé (même hauteur qu’un

étage normal), égalisation des quatre étages et remplacement de la pierre par des pans en bois

enduits de plâtre. L’ensemble donnait un aspect sévère mais uniforme et de plus en plus cohérent

avec le temps. Immeubles et maisons respectent la continuité du bâti en bordure de rue exigée

par la règlementation.

La réglementation appliquée à l’immeuble ne concerne pas uniquement sa façade ou son volume.

Les notions d’hygiène et de salubrité accompagnèrent la « révolution urbanistique », ce qui eut

pour corollaire l’apparition de nouveaux espaces dans les logements tels que cuisine et autres

alors exclusivement réservés aux maisons de maîtres.

2.1. L’apparition de nouveaux espaces dans l’immeuble parisien.

A Paris, le XIXème siècle se caractérise par une révolution profonde des formes définissant la

typologie de l’immeuble. La nouveauté sera la répartition des logements par niveau dont l’unité

de base était formée par le couple : chambre plus cabinet246

. Ces espaces prenaient les fonctions

selon les besoins et les moyens de l’occupant. Les immeubles de rapport seront complètement

différents puisque constitués par la superposition de cellules identiques définissant, à chaque

niveau, les principaux volumes d’une habitation traditionnelle : cuisine, salle, chambres et gardes

robes. Malgré la nouveauté dans la conception, l’élévation suivra celle des anciens immeubles :

soubassement, étages nobles (dont un haut et les autres moyens) dont le dernier est traité en

attique et pris entre l’entablement et la corniche du toit, et le comble mansardé incliné à 45°. Le

développement de l’immeuble a transformé la silhouette de Paris en portant ses constructions de

3 à 6 étages en moyenne. La surélévation était le principal procédé de densification de la ville

245

François Loyer, Paris XIXème siècle. L’immeuble et la rue, Édit Hazan, 1994

Deuxième Partie Chapitre Troisième

169

cernée par son enceinte ; cette densification s’est aussi faite par l’augmentation des réserves en

fond de parcelle247

. La réutilisation des matériaux de démolition, la réhabilitation si elles sont

possible, sont aussi de mise durant ce XIXème siècle. La surélévation par construction en pans

de bois était déjà connue, mais la surélévation en maçonnerie rencontre de plus en plus une

grande faveur248

.

La Restauration voit le retiré, par rapport à la façade, du dernier étage se multiplier. Il sera

construit en briques et bois et couvert selon une douce pente, du nouveau matériau : le zinc. On

voit apparaitre les terrasses en retiré, couvertes de plomb et accessibles. Les premières

surélévations respectent le principe de la gradation des hauteurs, alors que pour les nouvelles

(vers la fin du XIXème et début du XXème siècle) la tendance est pour la régularité des hauteurs.

Les plans d’alignement, les transformations spatiales et volumiques connurent leur apparition

dés les années 1840 et leur apogée avec le Baron Haussmann préfet de Paris. C’est ce que nous

appelons l’urbanisme régularisateur du XIXème siècle249

.

Très souvent en Algérie, nous parlons de percées haussmannienne pour désigner les plans

d’alignement et de redressement qui ont touché les médinas. Nous verrons plus bas que les

percées haussmannienne ne furent que le développement de ce qui a été testé en Algérie.

2.2. Les percées et l’immeuble haussmanniens.

C’est à partir de 1842 que l’on voit apparaitre de façon subite la typologie qui sera celle de

l’haussmannisme (antérieur donc au baron Haussmann de plus de 10ans). À l’invention de

l’immeuble répond celle de la percée, avec son tracé, son échelle et ses plantations. A la fin des

années 1840, le Boulevard Strasbourg est le premier exemple de ce qui sera par la suite la figure

urbaine de Paris.

Si François Loyer pense que Paris fut le laboratoire d’une nouvelle typologie250

: immeubles

bourgeois et la ville qui l’accompagne, nous rejoignons l’avis de Picard et Malverti pour dire que

c’est en Algérie que l’on testa cette typologie. Les percées sont antérieures à la fin des années

1840. Les plans d’alignement sont tout aussi rigoureux et les percées au travers de la médina sont

dictées par l’objectif militaire.

Ce dernier prend son application dans la voie large. Si la largeur des premiers boulevards variait

entre 22 (bd Sébastopol) et 24m celle du boulevard haussmannien sera de 34m. Il sera constitué

247

François Loyer, 1994, op.cit. 248

Jean-Pierre Babelon, « Paris », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004. 249

Françoise Choay, « URBANISME- Théories et réalisation », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France

S.A-2004. 250

François Loyer, 1994,op.cit.

Deuxième Partie Chapitre Troisième

170

d’une voie centrale de 12m et de deux voies secondaires de 6 à 8m séparées de la voie centrale

par les plantations.

Il faut dire qu’au XVIIIème siècle, les rues ne présentaient pas de trottoirs. En les adoptant, la

largeur se voit automatiquement augmentée.

Fig.49 : Hiérarchies des rues de Paris251

Catégorie 1 Catégorie2 Catégorie3 Largeur/hauteur Décret

XVIIIème ˂4 toises (7.80) ˂5 toises

(9.75)

˃5 toises

(9.75)

12/18 25/08/1784

XIXème 6m : petites

communications

transversales

10m :

communications

intermédiaires

12m : les

traverses

intérieures

14 m : les

grandes

routes

2.3. Les lotissements de Paris.

C’est durant la première partie de ce XIXème siècle que Paris connait les premiers grands

lotissements résidentiels créés selon le modèle londonien. Après l’âge minéral, paris se met au

vert avec les plantations sur les alignements des futurs boulevards.

La hiérarchie des voies commence à se mettre en place. C’est celle qu’utilisera l’haussmannisme

ultérieurement. Elle est accompagnée par la dissociation entre les carrefours de communication

et les places-pivots qui structurent l’intérieur des quartiers. Dés la fin du XVIIIème siècle, on

voit apparaitre les passages couverts, commerçants, éclairés. Le passage couvert peut être

considéré comme l’ancêtre des galeries marchandes ; déjà connu dans la médina, il sera réutilisé

à Constantine et Annaba.

La périphérie, le parcellaire suit soit une trame orthogonale simple (Beau grenelle) soit le réseau

poly-étoilé (Passy). Les quartiers ainsi créés se présentent comme des villages dans la ville

(apparition d’une typologie pavillonnaire avec intercalation de la verdure). De la continuité du

paysage urbain on passe à la discontinuité du bâti avec une diminution graduelle des gabarits.

251

François Loyer, 1994, op.cit.

Deuxième Partie Chapitre Troisième

171

Le parcellaire large de 6 à 8 m, passera à 12m (trois pièces en façade) à la moitié du XIXème

siècle et à 20m à la fin du siècle. Les quartiers sur ou proches des grandes voies de la rive droite

sont les plus chics. Dés que l’on en s’éloigne, ils font place à de vastes étendues de constructions

identiques : pas de grandes voies plantées ni de place publique ni édifices de caractères252,253

.

L’Algérie a connu aussi lors de la période de peuplement, l’installation de ce type de

lotissements à la périphérie des villes par la création de faubourgs tels Sidi Mabrouk et Lamy à

Constantine et St Cloud à Bône. Elle s’est présentée comme un champ d’expérience aux

nouveaux modes d’urbanisation.

2.4. L’industrialisation et les problèmes d’hygiène à Paris.

Les conditions économiques ont ralenti le lancement des grandes initiatives urbaines (percées,

jardins et parcs) ; les efforts se sont portés sur la gestion urbaine (adduction d’eau et éclairage au

gaz), à l’établissement du cadastre et au relevé des égouts et des carrières souterraines.

Le rapport entre densité et salubrité a été mis en avant par les médecins hygiénistes ; ils

remarquaient que sur un cinquième du territoire urbain se regroupait la moitié de la population.

C’est dans la Cité et autour de l’Hôtel de Ville que la mortalité était la plus importante. Ils

préconisent alors le desserrement de la ville et l’assainissement urbain qui passe par

l’amélioration du réseau d’égouts. C’est dans ce but que la notion de percement sera valorisée.

La distribution de l’eau potable est encore une innovation du début du XIXème siècle. Les

parisiens puisaient leur eau des fontaines publiques ; en 1825 et suivant l’exemple anglais, c’est

le préfet de Paris, le comte de Chabrol, qui conçut avec les ingénieurs Mallet, Genieys et

Anderson254

, le plan général d’alimentation en eau de la capitale. Durant la conception, ils eurent

à résoudre les problèmes de diamètre, de pression mais aussi de pertes de charges255

.

La Grande Bretagne connut avant la France l’éclairage au Gaz. Il a fallut attendre 1830, et sur les

conseils de l’Académie, pour voir Paris adopter le Gaz (résidu de l’industrie) comme moyen

d’éclairage d’abord public, avant de l’adapter aux habitations. Pourtant, en 1798, l’ingénieur des

Ponts-et-Chaussées Lebon invente les « thermo lampes » consommant l’hydrogène carboné

252

François Loyer, 1994, op.cit. 253

Léonardo Benevolo, « VILLE (urbanisme et architecture) Ŕ La ville Nouvelle », in Encyclopædia Universalis,

DVD EUV10, France S.A-2004. 254

Anderson : directeur de la compagnie anglaise de distribution des eaux potables : la New-River Compagny 255

Samir Amin, « INDUSTRIE-Industrialisation et formes de sociétés », in Encyclopædia Universalis, DVD

EUV10, France S.A-2004.

Deuxième Partie Chapitre Troisième

172

provenant de la distillation du bois. Avant la fin du siècle, pratiquement toutes les villes

françaises avaient leur usine à Gaz256

.

L’hygiène et la salubrité prirent des proportions supérieures en Algérie du fait de l’acclimatation

difficile des populations européennes.

3. Les compétences dans le bâtiment et les infrastructures.

La conquête et la colonisation de l’Algérie se sont déroulées durant une période d’évolution

technique dans divers domaines. Le XIXème siècle a apporté des innovations dans le domaine de

la construction que ce soit du point de vue théorique ou technique. Les ingénieurs militaires

suivis de ceux des Ponts-et-Chaussées puis de ceux des Bâtiments civils introduisirent ces

innovations dans leurs réalisations. Nous verrons dans ce qui suit en quoi diffèrent ces ingénieurs

et quels sont leurs prérogatives respectives dans les réalisations d’abord en France puis en

Algérie.

3.1. Les maîtres d’œuvre.

L’administration de l’Algérie se caractérise dans les débuts de la colonisation par une dualité

entre le pouvoir civil et le pouvoir militaire. L’ordonnance du 18 avril 1845 a divisé l’Algérie en

trois provinces comprenant des territoires civils et militaires. En matière de travaux publics, la

coexistence des deux pouvoirs se fait ressentir parfois négativement (divergence d’idées et de

méthodes. Les premières années, les travaux publics sont confiés au génie militaire (période qui

nous intéresse). Toutefois, dès 1832, un architecte est nommé à Alger ; provisoirement, il se voit

chargé des travaux d’autres localités.

En 1843, est créé le service des Bâtiments civils et de la voirie. En 1845, les travaux publics

relèvent des attributions du directeur de l’intérieur. L’arrêté du 27 janvier 1846 définit les

attributions du Génie et des services civils ; en territoire civil, le génie n’est plus responsable que

des travaux relevant du ministère de la Guerre.

Les travaux publics sont répartis en quatre services distincts : les Ponts-et-chaussées, les mines et

forages, le génie et les Bâtiments civils. L’ordonnance du 22 avril 1846 crée une direction des

Travaux publics. Le service des Bâtiments civils est placé dans chacune des provinces sous les

256

André Guillerme, 1995, op.cit.

Deuxième Partie Chapitre Troisième

173

ordres d’un architecte, chef de service, et celui des Ponts-et-Chaussées, sou ceux d’un ingénieur

chef ou ordinaire257

.

En vertu du décret du 18 août 1897, le gouverneur général a autorité sur toute question relative

au personnel et à l’organisation des services s’occupant des travaux publics. Une direction des

Travaux publics est mise en place, elle dépend du secrétaire général et porte suivant les époques

des noms différents : Direction des Travaux publics et des mines ; Direction des Travaux

publics, des chemins de fer et des mines ; Direction des Travaux publics et des transports258

.

Lorsque les travaux concernent les places fortes, les lignes de défense, ils sont exécutés par les

ingénieurs du Génie pour le ministère de la Guerre, mais en concertation avec les ingénieurs des

Ponts-et-Chaussées et en informant le Préfet. Les travaux concernant les rades, les ports

militaires et l’aménagement des côtes relèvent du ministère de la Marine, mais sont pour

l’essentiel confié aux ingénieurs des Ponts-et-Chaussées, au détriment des ingénieurs de la

Marine.

Les différences de formation entre ingénieurs du Génie, ceux des Ponts-et-Chaussées et des

architectes Bâtiments Civils expliquent les différences de méthodes d’approche et de

propositions aux projets. Si l’on ne peut comparer architectes (École des Beaux Arts de Paris) et

ingénieurs un bref aperçu sur le profil des deux corps d’ingénieurs est nécessaire. L’école du

Génie à Metz259

forme des ingénieurs en trois années. Elle est une école d’application de l’école

polytechnique de Paris. Les deux cours principaux sont ceux des fortifications et de construction.

Ils sont suivis d’enseignements de topographie, de mécanique appliquée et d’art militaire. Les

ingénieurs sont bien formés en représentation graphique, au dessin à main levée et au croquis.

Ceux-ci leur sont nécessaires en campagne.

Pour s’imprégner de la philosophie et de la manière de penser des architectes, ingénieurs du

Génie et des Ponts-et-Chaussées, il faut revenir aux écrits publiés avant et durant la période

concernée. Ces écrits concernent l’histoire, l’architecture ou l’art de bâtir ou de construire, étant

donné que l’urbanisme tel que nous le concevons aujourd’hui n’existait pas encore. Les

257

Collection complète des lois, décrets, ordonnances, règlements de 1788 à 1830, Sur Avis du Conseil d’état,

Tome 3, 2ème édit ; Édit Guyot et Scribe, Paris, 1834. 258

Isabelle BADOR, L’architecture du culte en Algérie au XIXème siècle, mémoire de DEA d’histoire de

l’architecture occidentale au XIXème siècle, sous la direction de Jean-Michel Leniaud, Source Paris : EPHE, 1997 259

L’école d’artillerie et de Génie de Metz est créée par arrêté du 04 octobre 1802. Elle est destinée à former des

officiers pour le service des corps royaux de l’artillerie et du Génie. Les élèves sont pris parmi ceux de L’école

Polytechnique de Paris (15%) reconnu admissibles dans les services publics. Les élèves officiers (sous-lieutenant)

de l’artillerie et du Génie sont assujettis à l’école d’application aux régimes d’instruction et de discipline. La durée

des études est de deux ou trois années au plus. Les élèves ayant réussi obtiennent le brevet de sous-lieutenant

d’artillerie et de Génie. Ils sont alors placés dans les corps de ces deux armes pour occuper l’emploi de lieutenant. ;

« ALMANACH ROYAL pour l’an 1830 », Édit A Guyot et Scribe, Paris, 1830.

Deuxième Partie Chapitre Troisième

174

interventions étaient ponctuelles dans le temps et destinées à embellir les villes ou à les

améliorer : places royales et autres.

Selon Picard et Malverti, les ingénieurs du Génie semblent appliquer leurs modèles avec un

souci plus grand des spécificités locales que ce soit par rapport au site ou par rapport au tissu

existant260

. L’ingénieur des Ponts-et-Chaussées est avant tout et deviendra surtout un dirigeant

public et administratif à la fois économiste et grand bâtisseur261

.

3.1.1. Le Génie militaire.

Vauban disait : « le parfait ingénieur français est celui qui sait traiter à la fois la fortification

défensive et offensive »262

. Les ingénieurs du génie avaient la responsabilité de défendre les

places fortifiées ou non. Le génie militaire est considéré comme éminemment urbain à ses

origines. Il a la ville à défendre – surprendre ou à assiéger. Selon Guillerme A263

, « au XVIIIème

siècle, la place fortifiée est une vile plus ville que les autres »264

.

Dans son ambition conquérante, Napoléon renforce les places fortes. Dans une autre stratégie de

défense, la Révolution et l’Empire démantèlent les défenses les plus éloignées pour accentuer

leurs efforts de modernisation des points stratégiques.

À la colonisation Le service du Génie est désigné comme Maître d’œuvre de tous les travaux

nécessaires pour les territoires mixtes et militaires ; il conserve toutefois un contrôle important

sur les projets dans les territoires civils. Ainsi nous verrons les ingénieurs du Génie siégeant dans

les commissions les plus importantes ; ceci va avec la politique globale de colonisation : assurer

la sécurité aux colons et maintenir l’ordre ; l’ennemi est partout dans le territoire occupé.

Dans les premières décennies de l’occupation, l’Algérie est entièrement administrée par les

militaires. Durant les trente premières années les gouverneurs sont issus du corps militaire Les

officiers du Génie obéissent à une discipline de travail militaire et hiérarchisée, c’est ce que nous

260

Xavier Malverti et Aleth PICARD, Les Traces de ville et le Savoir des ingénieurs du Génie, Travaux de

recherches, École d’architecture de Grenoble, Ministère de l’Équipement et du Logement, Direction de

l’Architecture et de l’Urbanisme, Grenoble, 1988. 261

Les principaux ouvrages de base pour les ingénieurs des Ponts-et-Chaussées sont : Les cours de mécanique

appliquée de M Navier, Traité de construction des ponts de M Gauthey, La science des ingénieurs, La science des

ingénieurs dans la conduite des travaux de fortification et l’architecture civile architecture hydraulique de B F

Bélidor, 262

Lettre de Vauban à Louvois du 17 février 1693, in de Rochas, « Vauban, sa famille et ses écrits », Paris, 1910, II,

p.379 263

André Guillerme, 1995, op.cit. p. 37 264

« Je suis destiné à passer ma vie dans des villes plus villes que les autres », lettre de Carnot au chevalier de

Bouillet », Arras, 24 août 1787, in Révolution et Mathématique, Paris, Édit l’Herne, 1985, p. 415.

Deuxième Partie Chapitre Troisième

175

avons observé lors de notre recherche aux archives militaires de Vincennes265

ou bien celles se

trouvant à Aix en Provence266

Les ingénieurs du Génie sont sur le terrain. Ils sont à la fois arpenteurs, gestionnaires et

administrateurs des villes occupées ou bien celles nouvellement créées entre 1840 et1860 (Sidi

Bel Abbes, Batna...). Ils font preuve dans leur travail d’un grand pragmatisme (grâce au coup

d’œil militaire)267

; ils ont la capacité de se projeter dans l’avenir et d’envisager, dès la

conception du projet, l’évolution des plans au cours du temps.

Leur mission est importante. Ils doivent permettre l’installation militaire tout en pacifiant et

défendant le pays, mais aussi, il leur faut organiser le territoire pour l’accueil des civils et

l’exploitation économique du pays. Ces ingénieurs du Génie sont formés à la fortification

permanente et à l’art militaire ils ont appris à être précis dans la conception des projets car ils

savent que des vies en dépendent. Leurs règles générales sont la rigueur et la simplicité des

réalisations.

3.1.1.1 les prérogatives du Génie Militaire en Algérie

A leur arrivée en Algérie, leur préoccupation principale repose sur la satisfaction des besoins

militaires. Le Génie, en Algérie, est chargé de plusieurs missions.

En premier lieu des travaux qui lui sont habituellement destinés, réalisation des

fortifications permanentes ou provisoires et constructions des établissements

militaires.

En tant qu’outil de colonisation, il s’occupe des travaux publics tels que la création du

réseau routier, l’alimentation en eau des localités, le drainage des zones marécageuses

soit dans un but d’assainissement ou bien de culture et la création de villes et de

villages et les centres de colonisation.

Dans les villes, les ingénieurs sont chargés d’étudier le terrain par le dressage de

carte, des plans de terrains, l’établissement des projets d’attaque et de défense des

places268

, mais aussi des plans d’alignement et de distribution. Ils doivent notamment

procéder aux premiers travaux : pavage des rues (dans un but de salubrité et de les

rendre carrossables afin de faciliter la circulation des militaires), plantation,

265

Le service historique de la Défense de Vincennes à Paris, comprend les archives du génie militaire. Celles

concernant l’Algérie sont classées dans la section « 1 » série « H », tel que présenté en méthodologie. 266

Le centre d’archives d’Outre-mer (CAOM), Aix en Provence. 267

Coup d’œil militaire : qualité d’un officier du Génie, qui consiste en l’application particulière de principes

généraux modifiant, selon les circonstances de toutes espèces, le type uniforme que la théorie fait connaître. 268

Ces projets comprennent une pièce écrite appelé mémoire et des plans. Dans le mémoire on retrouve la

description de la situation en place, des travaux nécessaires, des dépenses envisagées ainsi que les avantages et

inconvénients des différentes propositions.

Deuxième Partie Chapitre Troisième

176

alimentation en eau, réseau d’égouts et à la construction des premiers équipements et

parfois même à la construction de quelques maisons de colons.

C’est dans l’art militaire que les ingénieurs du Génie puisent les connaissances nécessaires pour

le dessin des plans d’aménagement des villes occupées ou des villes et villages nouveaux

indispensables aux colons. C’est dans les cours enseignés aux ingénieurs, notamment la

castramétation269

que nous retrouvons les explications aux plans d’alignements, gabarits,

longueurs des rues…, proposés par le Génie.

3.1.1.2. L’enseignement suivi par les ingénieurs du Génie Militaire.

À l’école de Metz, les ingénieurs reçoivent une formation hautement scientifique qui les pousse à

définir la guerre comme une science de la géométrie. On leur y enseigne en dehors de

l’architecture militaire et civile, la stéréotomie, le dessin, les coupes, la charpenterie, la poussée

des terres, la résistance des matériaux, l’hydraulique et la géométrie appliquée. Les élèves

ingénieurs apprennent à améliorer une place de guerre avec un souci d’économie maximum de

l’emploi des matériaux et de main d’œuvre. Rondelet, Monge, Carnot seront parmi les

professeurs de l’école du génie de Metz.

Les premières expériences ergonomiques sont réalisées dans les chantiers militaires en 1797 à

Fort de France et à Bordeaux. La productivité des ouvriers en fortifications (jugés comme

fainéants et immoraux) est l’une des préoccupations principales des ingénieurs. C’est ce qui

poussera ces derniers à vouloir les remplacer ou du moins à les aider par la mécanisation. C’est

donc la gestion des « masses de production » (c'est-à-dire la main d’œuvre souvent assimilée à

des machines), qui engendrent les premières recherches ergonomiques connues.

Vauban instaurera les devis descriptifs et estimatifs ; ces devis sont les plus précis possibles. Les

ingénieurs des Ponts-et-Chaussées les adopteront par la suite alors que les architectes, même

ceux des Bâtiments Civils dévalorisent cette expertise et en confient la tâche aux plus jeunes.

La fortification étant un art fondé sur une théorie certaine et évidente, tirée de la nature même

(situation, limite et morphologie), de l’expérience (des ingénieurs du génie), du raisonnement et

des mathématiques, elle exige une axiomatique que précise le maréchal de camp.

Pour bien se défendre à la faveur des obstacles factices, ou de la fortification, il faut

absolument qu’il se rencontre un certain équilibre numérique entre l’étendue ou la

quantité des ouvrages et les travaux destinés à les défendre.

269

Castramétation : art d’établir un camp militaire. Du latin castra, « camp », et metari « mesurer ».Dictionnaire

Hachette 2005, Édit HACHETTE LIVRE, 2004, Paris.

Deuxième Partie Chapitre Troisième

177

Le trop d’ouvrages affaiblit une petite place ; le trop de troupe affaiblit une place.

Le principe de communications très sûres est une application générale, et sans aucune

exception, à tout ouvrage séparé de l’enceinte d’une place ou d’un poste fortifié.

L’objet des troupes et des munitions ne peut donc jamais être séparé de la fortification

Toute défense doit être relative à l’attaque, l’attaque reçoit nécessairement ses lois des

précautions qu’aura prises l’ennemi pour sa défense.

Le temps est devenu un des principes naturels de la fortification : plus elle procure de

temps à ceux qui la défendent, meilleure elle est. D’où l’on déduit le temps de défense

assuré par la fortification est la juste et naturelle mesure de sa force.270

Devant différentes situations par rapport au relief des différents sites, les ingénieurs du Génie ont

du inventer de nouvelles formes d’implantation (toujours pour répondre au système ou à la

stratégie tels que les peignes, redans271

ou rangées que l’on retrouve dans les bâtiments

d’habitations collectives et les édifices construits après la première guerre mondiale (1920-1930)

en métropole et en Algérie.

La conquête française est souvent associée à l’idée d’une colonisation destructrice pour

l’installation de l’armée et des premiers colons (il est vrai que les villes ne présentent pas la

même morphologie urbaine que celle des villes européennes et ne permettent pas la progression

militaire ni la défense de la cité). Pourtant, les officiers du Génie ont souvent œuvré contre les

colons pour protéger l’espace « indigène » restant272

. De par leur formation d’origine et leur

appartenance à une arme savante, les ingénieurs du Génie s’intéressent à l’histoire et la

géographie des territoires à conquérir (chacun des premiers rapports sur les places débute par une

présentation de l’histoire et de la géographie de la place). Ils apprennent la langue, observent les

mœurs des habitants et les espaces où ils vivent. C’est cet intérêt pour l’histoire de l’Algérie qui

leur a permis de retrouver les traces de la colonisation romaine qu’ils ont utilisé pour le tracé des

routes, l’établissement des villes stratégiques, la connaissance plus approfondie des potentialités

réelles des régions. Les ingénieurs du Génie restent sensibles aux spécificités locales et

demeurent concrets.

270

Marquis de Montalembert, Mémoires sur la fortification perpendiculaire, Tome 1, Édit Imprimerie de Philippe-

Denys Pierres, Paris, 1776, pp. 16-18. 271

Redan : nm. Ouvrage de fortification constitué de deux murs formant un angle saillant. Dictionnaire Hachette

2005, Édit HACHETTE LIVRE, Paris, 2004

Redan : nm. Architecture militaire : ouvrage de retranchement formant angle aigu. Architecture : Ressauts qu’on

forme de distance en distance en construisant un mur sur un terrain en pente. Dictionnaire Quillet de la Langue

Française, Librairie Aristide Quillet, Paris, 1948 272

Xavier MALVERTI et Pierre PINON, « La ville régulière, Modèles et Traces », communication, actes du

colloque organisé par le CEA en « Architecture urbaine » et la fondation Gulbenkian, Édit Picard, Paris, 1997

Deuxième Partie Chapitre Troisième

178

Ce sont la castramétation et le coup d’œil militaire qui expliquent la non adaptation des idées

St Simoniennes273

en vogue aux XIX siècle.

Les troupes et le service du Génie sont, en Algérie, placés sous les ordres d’un général

commandant supérieur du Génie résident à Alger. A partir de1846, il existe trois directions :

Blida, Constantine et Oran. L’ensemble du service est sous les ordres du ministre de la Guerre à

Paris. Le comité du Génie, domicilié dans la capitale française, est une instance technique

chargée de contrôler les projets, de donner des ordres et des conseils aux directions

départementales et aux chefferies, et de conserver tous les documents techniques : plans,

maquettes, machines.

Le chef du Génie de chaque place a sous ses ordres des subalternes, sergents de leur grade qui

dessinent les plans et rédigent les devis. Le service comprend enfin des troupes pour la

réalisation des travaux. En 1851, l’Algérie comprend trois régiments qui fourniront deux

compagnies réservées au Génie. Les ouvriers militaires ne pouvaient officiellement être utilisés

qu’en temps de guerre et pour des travaux militaires. La main d’œuvre militaire est longuement

sollicitée pour des travaux civils à cause de son faible coût. L’utilisation de cette main d’œuvre

suscite bien des problèmes lors de l’avènement de la commune pour le payement.

Le service du Génie en Algérie est excessivement centralisé. Le projet, proposé par le chef du

Génie, est contrôlé par le directeur du Génie de la province, puis par le commandant supérieur de

l’Algérie. Le projet est en même temps soumis à l’approbation des autorités civiles, enfin au

conseil d’administration et au gouverneur général. Ces services consultés, le projet est envoyé

dans la métropole pour être consulté par le comité du Génie et le ministre de la Guerre. Pour

certains projets stratégiques (percée de rue, établissement de casernes) le chef des fortifications

de la Place274

peut présenter un contre projet à sa hiérarchie. La décision finale se trouve toujours

à Paris.

Ce cheminement des dossiers est très long et la décision est prise par des personnes qui sont très

loin et peuvent ne pas connaître le terrain. Ce qui explique les détails donnés dans le mémoire.

273

Saint-Simon, Claude Henri de Rouvroy, comte de (1760-1825), théoricien socialiste français. Ses travaux

plaident pour une organisation sociale dirigée par des hommes issus des sciences et de l'industrie, œuvrant au bien-

être de toute la société. Après sa mort, les étudiants de Saint-Simon font connaître ses idées, qui fondent la

philosophie saint-simonienne., in Microsoft ® Encarta ® 2008. 274

Place : lieu fortifié destiné à parer à une attaque éventuelle. Dans ce contexte il désigne les grandes villes, in

Microsoft ® Encarta ® 2008.

Deuxième Partie Chapitre Troisième

179

Le service du Génie est organisé selon une hiérarchie militaire. Les méthodes toutes aussi

militaires sont rationnelles et permettent la transmission facile, d’un projet en cours d’élaboration

d’un ingénieur à un autre sans que le projet ne se trouve perturbé. Les dessins sont normalisés

selon les règles arrêtées par le comité du Génie. Cette même instance envoie aux directeurs de

province et aux chefs des Places des ordres et des conseils concernant le tracé des villes, la

répartition des quartiers militaires et civils, la largeur des rues, le profil de l’enceinte, le dessin

des portes, la répartition des équipements, les dimensions des places d’armes, etc. Les ingénieurs

ne demeurent que deux ou trois années dans une même Place. Ces changements ne semblent pas

perturber l’avancée des projets.

Nous ne nous attarderons pas sur les autres services du bâtiment mais une présentation succincte

est nécessaire afin de comprendre les interrelations des ces services aves le Génie. En France, les

ingénieurs civils sont fonctionnaires. Ils ont l’appui des officiers du génie qui préfèrent composer

avec eux plutôt qu’avec une multitude d’interlocuteurs.

3.1.2. Le service des Ponts-et-Chaussées.

Le service des Pont-et-Chaussées agit en territoire civil. Il comprend quatre espèces de travaux

publics : les aqueducs, les ouvrages maritimes, les routes et les bâtiments civils.

Indépendamment des ouvrages courants comme les réparations et l’entretien des immeubles

affectés aux services publics, le service des Ponts-et-chaussées est chargé de la rectification de

toutes les rues pour lesquelles il dresse des projets d’alignement, de terrassement, de pavage.

Le service des Ponts-et-chaussées s’organise à Alger le 7 octobre 1831275

. Il se compose comme

suit :

un ingénieur en chef,

deux ingénieurs ordinaires,

deux ingénieurs de deuxième classe,

deux ingénieurs de troisième clase,

un secrétaire, chef de comptabilité,

un secrétaire expéditionnaire de troisième classe,

un dessinateur de deuxième classe.

Dans un pays où tout est à créer, l’ingénieur en chef, chargé de la direction du service, doit

d’abord s’occuper des premières utilités comme les routes, les travaux de l’embarcadère sur le

275

Archives d’Outre-mer d’Aix en Provence : F80/1752, « Rapport sur les travaux exécutés dans les possessions

françaises du Nord de l’Afrique depuis l’organisation des Ponts-et-Chaussées ».

Deuxième Partie Chapitre Troisième

180

port, la viabilisation et l’assainissement des rues et la répartition des conduites d’eau. A Oran, le

service est installé fin avril 1832. En premier lieu les ingénieurs se préoccupent de l’installation

de la sous intendance civile et de la maison qui sert d’établissement des Ponts-et-Chaussées276

.

Ensuite, le service se met progressivement en place dans les autres villes, comme Bône en 1833.

Jusqu’en 1851, les travaux communaux sont dirigés par les Ponts-et-Chaussées.

L’arrêté du 28 avril 1852 confie aux Ponts-et-Chaussées des travaux précédemment dévolus aux

Bâtiments civils à savoir les fontaines, abreuvoirs, lavoirs et embranchements d’aqueducs ou de

conduits destinés à les alimenter tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des villes et des villages ;

travaux d’installation de nouveaux centres de population, nivellement, construction de l’enceinte

des édifices publics et des maisons destinées aux premiers colons, distribution des eaux et

travaux qui s’y rapportent ; plantation sur les rues et plans des nouveaux villages.

A l’origine, l’essentiel du savoir des ingénieurs des Ponts-et-Chaussées est issu des Militaires.

L’ouvrage de Bélidor277

est incontournable dans l’École des Ponts-et-Chaussées. Les ingénieurs

des Ponts-et-Chaussées, en préparant les projets des travaux qu’ils dirigent, suivent

ordinairement une démarche analogue à ce que l’on nomme dans les sciences « la méthodes de la

fausse position », c’est-à-dire qu’après avoir conçu et décrit par le dessin la disposition d’un

ouvrage, ils examinent s’ils ont satisfait aux conditions du site.

La carrière d’un ingénieur des Ponts-et-Chaussées se satisfait mieux du projet complexe d’un

ouvrage de génie civil que du simple travail d’arpenteur ou de la gestion quotidienne de la ville

car l’école des Ponts-et-Chaussées préfère à l’art urbain, la mécanique et l’hydraulique. Les

ingénieurs des Ponts-et-Chaussées, très portés sur la mécanique, considèrent les voix de

communication comme des chemins fluides. Quelque soit la taille de l’agglomération, cette

dernière est appréciée par l’ingénieur. Ils prônent l’agrandissement des villes comme moyen de

développement ce celle-ci.

Cette compétence étendue que l’Etat reconnaît ainsi au corps des Ponts-et-Chaussées consacre la

stratégie de l’école, fondée à l’origine sur la compétence au projet, y compris architectural. Son

276

Site Web : « Chroniques de la province française d’Oran et de St Cloud, sur la période de 1830 à 1860», synthèse

de travaux de recherches au CAOM. 277

B. Forest de BELIDOR : professeur d’art militaire à l’école d’artillerie dont le livre : La science des ingénieurs

dans la conduite des travaux de fortification et l’architecture civile, sera régulièrement publié entre 1728 et 1830.

Deuxième Partie Chapitre Troisième

181

importance croît surtout au lendemain de la révolution, avec le peu de confiance que l’on pouvait

alors accorder aux cadres militaires de l’ancien régime : gentilshommes de noblesse278

.

Les ingénieurs des Ponts-et-Chaussées français sont si reconnus à travers le monde que les États-

Unis font appel à eux pour l’enseignement à West Point. La Grande Bretagne prend comme

modèle l’École Polytechnique. Suivent l’Italie, le Danemark, puis Berlin avec la Bau-Akadémie

pour les futurs ingénieurs-architectes.

3.1.3. Le service des Bâtiments civils.

Le conseil des Bâtiments civils est créé en France en 1795 pour entretenir et construire les

édifices publics. Il est placé sous la tutelle du ministère de l’intérieur. Son rôle est défini par

l’instruction ministérielle du 11 décembre 1795279

. Il est chargé :

d’empêcher qu’il ne se fasse aucun ouvrage au frais de la nation sans qu’au préalable

l’utilité, la nécessité ou les avantages en aient été bien constatés ;

de s’assurer que tous les ouvrages dont l’exécution est ordonnée se font avec toute la

perfection, la solidité et l’économie dont ils sont susceptibles ;

de constater la légitimité de toutes les demandes en paiement et des réclamations

relatives aux ouvrages des bâtiments.

Le service des Bâtiments civils s’installe en Algérie en 1843 sur les décisions ministérielles du

25 mars et 5 août 1843. Auparavant, les ingénieurs du Génie et les ingénieurs des Ponts-et-

Chaussées se répartissaient les travaux de façon plus ou moins définie. Le Génie continue à

assurer les travaux dans les territoires où l’administration n’est pas encore installée (surtout en

territoire militaire). Le service s’installe dans les arrondissements les plus importants des

provinces algériennes ; il demeure sous la tutelle du ministère de la Guerre (alors qu’en

métropole, comme nous l’avons vu plus haut, il est sous la tutelle du ministère de l’intérieur).

Chacun de ces corps, lors de l’exercice de sa fonction utilisera les outils techniques qu’il aura

appris lors de sa formation. Ces outils de par leur forme et leur logique marqueront de façon

certaine les projets. Leur connaissance s’avère donc nécessaire afin de mieux juger des travaux

effectués par les différents corps constructeurs à savoir : Génie militaire, ingénieurs des Ponts-et-

Chaussée et architectes des Bâtiments Civils.

278

Xavier MALVERTI, « Ville et Régularité. Le corps du Génie », Communication, actes du colloque organisé par

le CEA en « Architecture urbaine » et la fondation Gulbenkian, Édit Picard, Paris, 1997. 279

Charles GOURLIER, Notice historique sur les services des travaux des Bâtiments civils à Paris et dans les

départements, Paris, 2ème

édition revue et augmentée par Charles QUESTEL, 1886 (1ère éd 1848), p.19.

Deuxième Partie Chapitre Troisième

182

Au-delà des outils techniques utilisés par les militaires lors de la construction ou la

transformation des villes en Algérien, il convient de faire un retour sur l’architecture militaire

dans l’histoire et plus précisément celle qui a eu le plus d’influence sur la formation de ces

militaires. C’est cette architecture militaire que doivent connaître les ingénieurs du génie, et

ensuite l’adapter aux contextes qui se présentent à eux.

3.2. Le Génie Militaire force française de construction.

Dès sa création, le Génie militaire se voit investi du devoir de construction des fortifications à

travers toute la France. La construction militaire obéit à ses propres lois à savoir les stratégies

d’attaque et de défense. L’Armée fixe ou en déplacement, depuis le XVIIème siècle, prévoit une

unité de sapeurs du Génie. Ils doivent créer les voies d’accès aux autres unités.

3.2.1. Les constructions défensives en France à la charge du Génie militaire.

Sous Napoléon, la France s’agrandit ; ce qui augmente les travaux de défense des frontières. La

France est découpée géographiquement en deux territoires : deux tiers au ministère de la guerre

(les places fortes, voies et canaux) avec les neufs dixième des richesses auxquels s’ajoutent le

partage des attributions entre les deux services (guerre et intérieur) pour la mise en place des

infrastructures et des bâtiments publics des villes nouvelles. Les ponts-et-Chaussées sont maîtres

de la voirie et des édifices publics, le génie conçoit les aménagements et les équipements

militaires. Les frontières sont défendues par des places fortes ; leur nombre, leur force ainsi que

leur situation obéissent obligatoirement à la stratégie de défense. Elles forment une chaine de

façon qu’aucun maillon de celle-ci ne puisse être touché sans que la chaine entière réagisse. La

chaine ainsi formée, constitue l’enveloppe du territoire à défendre.

La loi des Ponts-et-Chaussées du 19 janvier 1791280

soumet les projets des travaux (voix de

communication, ports de commerce recevant la marine) à une assemblée mixte composée de

commissaires des assemblées des Ponts-et-Chaussées et du corps du génie. Les résultats sont

soumis aux comités militaires et des Ponts-et-Chaussées de l’Assemblée Nationale. Jugulés dans

leurs actions, les ingénieurs des Ponts-et-Chaussées voient leur pouvoir diminuer.

De défensive la place forte est devenue offensive ; la nouvelle place forte napoléonienne bouge.

Le territoire aménagé militairement passe au mouvement. Ce qui hier était la solution militaire,

devient problématique : La nécessité de voies de communication nouvelles s’impose, la liaison

280

Collection complète des lois, décrets, ordonnances, règlements de 1788 à 1830, Sur Avis du Conseil d’état,

Tome 3, 2ème édit ; Édit Guyot et Scribe, Paris, 1834.

Deuxième Partie Chapitre Troisième

183

des villes entre elles urge. Les voies sont utiles à l’armée. L’ancienne théorie de la chaine

obsolète car elle exigeait une distance maximale de 150 Km (trois jours de cheval) entre l’armée

et ses magasins, est largement dépassée. C’est pourquoi sont créées des nouvelles villes (places

fortes). Le cordon des places se mue en réseau, en un système de gestion totale des

interconnections : nœuds urbains, carrefours et embouchures. La route est considérée comme

moyen de contrôle territorial mais aussi comme un agent économique porteur de développement

industriel.

Le XIXème siècle introduira un autre type de voie : le chemin de fer. L’intérêt porté à ce dernier

est dû à son faible coût par rapport à la route pavée. Il rivalise avec le canal car plus rapide et ne

subit pas les affres des intempéries. Dés 1818 et après la Grande Bretagne, la France commence

à installer le chemin de fer mais sur des grandes sécantes car elle veut rentabiliser ses houillères.

Pourtant au début de ce siècle, l’état des routes françaises est désastreux. L’entretien et la

création de nouvelles voies coutent cher à l’État.

Dés 1802, en milieu rural, la vicinalité remet en valeur les liens entre bourgs, villages et

hameaux. Ce sont les municipalités qui en ont la charge. En 1825, les préfets confient la charge

de la vicinalité aux architectes-voyers. Ces derniers souvent surchargés, déclinent l’offre des

préfets et les travaux sont confiés à un agent principal qui réside au chef lieu et qui correspond

avec des agents en sous-ordre. En 1837, seuls 13 départements en métropole ont institué des

agences de vicinalité281

.

En Algérie, territoire militaire, ces derniers comme toutes les voies de communication sont à la

charge du génie militaire.

Vu le développement des communications, les plans reliefs établis par les ingénieurs du génie

(mode de représentation du à Vauban), sont remplacés progressivement par les « tables-rases »

de Cormontaigne où tout est porté par coordonnées polaires et où l’on applique les découvertes

du calcul différentiel et intégral. Les directeurs des fortifications doivent se familiariser avec les

nouvelles techniques des géomètres et des hydrauliciens. Les ingénieurs du génie tracent ainsi de

nouvelles voies de communications reliant les places fortes ; les ingénieurs géographes analysent

ainsi et de façon rationnelle l’espace à parcourir et à occuper.

281

Arsène Berteuil, op.cit.

Deuxième Partie Chapitre Troisième

184

Le décret du 13 fructidor de l’an XIII (13 août 1805)282

redéfinie les charges du Génie militaire :

C’est le ministère de la guerre et de l’intérieur qui apprécient les projets des voix et

des travaux sur les frontières.

Les préfets des départements et les directeurs des fortifications seront consultés.

L’inspecteur général du génie militaire et le comité Ponts-et-Chaussées donnent

ensuite leur avis sur les projets.

S’ils ne peuvent s’accorder, ils dresseront des procès-verbaux qu’ils soumettront à Sa

Majesté et dont le double sera adressé à leur ministre respectif.

Les travaux de routes, canaux de navigation, fleuves et rivières navigables, qui

traversent les places de guerre ou des portions de leurs fortifications, continueront à

faire partie des attributions du ministre de la Guerre, dans l’étendue même de ces

fortifications, ainsi qu’à cinq cents toises de la crête des chemins couverts.

Ces travaux seront exécutés par les officiers du génie militaire.

En cas de siège d’une place de guerre et pendant la durée du siège les officiers du

génie militaire seront exclusivement chargés dans ladite place, du service dévolu aux

ingénieurs des Ponts-et-Chaussées.

Il est nécessaire de bien connaître les méthodes de projection du Génie pour saisir la logique

globale d’urbanisation qui a découlé de la colonisation. Ces méthodes sont directement tirées de

l’architecture militaire en premier lieu et cela pour des raisons simples de sécurité, de contrôle et

d’économie. L’histoire des conquêtes ou expéditions passées sont aussi des leçons que vont

utiliser les ingénieurs du Génie pour concrétiser leur objectif.

3.2.2. Les outils techniques de conception du Génie militaire.

Les ingénieurs du Génie suivant des cours au niveau de l’école du Génie de Metz, adoptent dans

leurs conceptions les préceptes enseignés au niveau de l’école. Nous verrons plus loin, que la

régularité, l’économie dans tous ces aspects (budgétaire, gestion des sols et rationalité des

surfaces), fonctionnalité et visions globales des projets en sont les plus importants principes.

3.2.3.1. La régularité.

La première règle pour les ingénieurs du Génie est de se rapprocher le plus possible d’une figure

régulière pour tracer le périmètre de la ville (il faut se remettre dans le contexte de l’époque où la

ville est encore entourée d’une enceinte de défense). La forme de l’enceinte et l’emplacement

282

Collection complète des lois, décrets, ordonnances, règlements de 1788 à 1830, Sur Avis du Conseil d’état, Tome

3, 2ème édit ; Édit Guyot et Scribe, Paris, 1834.

Deuxième Partie Chapitre Troisième

185

des portes de la ville dont est responsable le service du Génie, déterminent la régularité du tracé

des rues et des places. La ligne droite étant la plus courte donc la moins chère c’est elle qui sera

préférée aux courbes. Cette régularité sera plus facilement obtenue dans des sites plats. Si le

relief ne le permet pas, les ingénieurs du génie essayeront de s’en rapprocher le plus.

Dans la définition de la régularité283

nous retrouvons tous les concepts utilisés par le service du

Génie : répétition, constance et stabilité ; conformité aux dispositions légales, équilibre et

harmonie. Elle se confond avec la proportion, la symétrie et l’ordre. C’est dans un souci

d’économie et de rationalité spatiale que la régularité est recherchée. Elle prend son aspect le

plus rigoureux et le plus expressif dans le tracé de Sidi Bel Abbes284

: camp définitif militaire dès

1842. La régularité recouvre non seulement son sens géométrique : symétrie, orthogonalité et

égalité mais aussi un sens moral que suivent les ingénieurs du Génie. La symétrie sera, comme

dans les villes françaises, de mise dans les places mais aussi dans les façades des bâtiments

publics.

Les officiers du Génie s’efforcent de dessiner des ilots orthogonaux, de limiter les contraintes

d’ordonnancement et d’arcades afin de réduire les dépenses de construction.

Bélidor énonce clairement les règles à suivre pour la projection d’une ville régulière : « Quand

l’espace que l’on veut fortifier n’est pas occupé par des anciennes habitations, on ne doit rien

négliger pour faire régner dans l’intérieur de la place la plus grande régularité possible »285

.

Pour le Génie, il est indispensable de s’éloigner le plus possible des formes irrégulières qui

génèrent à leur tour un tracé irrégulier de la ville. Cette régularité permet, en cours de réalisation,

de modifier la position d’un édifice sans affecter le tracé d’ensemble. C’est cette même

régularité qui permet la transmission d’un projet engagé d’un ingénieur à un autre sachant que

ces derniers demeurent environ deux ans dans une Place. Le côté défensif n’est jamais oublié et

est pris en charge dans la conception dès le départ.

3.2.2.2. Le découpage du sol et les dimensionnements.

283

Régularité : Nom commun féminin, Caractère régulier et répété, Caractère constant et stable, Conformité aux

dispositions légales, Caractère équilibré et harmonieux, in Microsoft® Encarta® 2008. © 1993-2007 Microsoft

Corporation. 284

Xavier Malverti et Aleth PICARD, « Les Traces de ville et le Savoir des ingénieurs du Génie », Travaux de

recherches, École d’architecture de Grenoble, Ministère de l’Équipement et du Logement, Direction de

l’Architecture et de l’Urbanisme, Grenoble, 1988. 285

B. Forest de BELIDOR, «La science des ingénieurs dans la conduite des travaux de fortification et l’architecture

civile », Paris, 1728, p 223.

Deuxième Partie Chapitre Troisième

186

Les ingénieurs du Génie en traçant les villes, respectent les canons esthétiques du XVIIIème

siècle, proposant des plans répondant aux exigences techniques mais donnent une importance

particulière au dimensionnement des différentes parties de la ville : largeur des rues (largeur

suffisante au passage de trois chariots; dimension proposée par Vauban ) répondant à un souci

sécuritaire, mais aussi aux conseils des premiers hygiénistes dont la pluparts sont médecins,,

superficies des places ou des concessions particulières.

La ville étant entourée d’une enceinte, chaque mètre carré a une grande valeur ; c’est ainsi que

les surfaces sont rationnellement réparties. Les éléments de la ville sont minutieusement

quantifiés selon les objectifs visés.

Dans les villes déjà existantes, il leur faudra détruire en partie le tissu ancien (en plus des

destructions dues aux bombardements, s’ils ont eu lieu, notamment à Alger et Constantine), pour

tracer les rues que l’on voulait en réseau quadrillé. Le découpage du sol sera plus régulier dans

les villes nouvelles et les centres de colonisation. Il sera beaucoup plus difficile à réaliser dans

les anciens centres urbains (que l’on ne voulait pas entièrement détruire) où une population

existante in-situ, risque de se révolter à tout moment, mais aussi dont on a besoin comme main

d’œuvre à bon marché qu’il fallait préserver. Le découpage du sol tient compte du coté défensif

dans ces cas là. La place centrale étant de mode, sera traversée par les grands axes menant vers

les portes des enceintes ; ces mêmes portes sont le point de départ des grandes routes reliant les

villes les unes aux autres.

Si la topographie du site le permet, le quadrillage est aisément réalisé ; mais dans les villes

comme Alger ou Constantine les courbes de niveaux et la défense sont les premiers éléments

avec lesquels les ingénieurs du Génie composent. Les grands axes sont parallèles aux courbes de

niveau (plus larges donc plus chers à réaliser) alors que les axes secondaires leurs sont

orthogonaux.

3.2.2.3. La géométrie des dispositions.

Les centres de colonisation sont constitués de deux espaces : le quartier militaire et le quartier

civil de grandeurs et de conception différentes mais qu’il fallait relier. Ce problème de liaison est

d’autant plus accru lorsqu’il s’agit d’une ville déjà existante cas de notre étude. C’est en 1840

que les ingénieurs du Génie désignent le quartier militaire par « Plan de Masse » ; il ne sera

réutilisé qu’en 1950 pour nommer les plans des grands ensembles.

Deuxième Partie Chapitre Troisième

187

En règle générale les principes de solution pour les quartiers européens sont les suivant :

les ilots de résidence ont une dimension correspondant à deux maisons dos à dos ;

connaissant exactement le plan et l’assiette de chaque bâtiment militaire (de plus

grande dimension que les ilots de résidence). Les ingénieurs proposaient plusieurs

solutions de liaisons des deux quartiers :

le mur d’enceinte peut limiter les deux quartiers avec une large esplanade séparant

et reliant les deux ;

les établissements militaires occupant des surfaces plus petites sont placés en

bordure du quartier civil et les plus grands bâtiments sont placés le long de

l’enceinte pour plus de sécurité.

3.2.2.4. Les percées dans les tissus anciens.

Afin d’arriver au maillage désiré, des transformations des tissus anciens dans les villes

s’imposent. Ces transformations se matérialisent par des percées à travers le tissu. Très souvent

appelées « percées haussmanniennes », ces percées datent de bien avant l’arrivée du Baron

Haussmann à la préfecture de Paris le 23 juin 1853. Cette destruction partielle mais parfois

importante, plus de 70% de la ville d’Annaba permet le tracé facile des rues à travers les villes

ottomanes pour mieux les assujettir et les contrôler. En tant qu’entité dominante, les militaires

ont tous les droits d’exproprier les arabes pour des sommes assez minimes (loi du 16/09/1807).

Les indemnisations mettront plusieurs années à être allouées quand elles le sont. Les façades des

maisons arabes étant aveugles, elles ne présentent que peu d’intérêt architectural aux yeux des

européens en général et à ceux des ingénieurs du Génie en particulier. Ce qui permet la

destruction totale de certaines maisons et partielle d’autres maisons. Des techniques de

raccordement des anciennes rues aux nouvelles sont développées par le Génie.

3.2.2.5. Les arcades.

Les arcades ont fait leur preuve dès le moyen âge dans les villes européennes comme moyen de

protection contre les intempéries. Le fort ensoleillement de l’Algérie, et la présence des arcades

dans les maisons des médinas ont dans une certaine mesure officialisé leur usage durant le

XIXème siècle.

La solution des arcades en rez-de-chaussée le long des rues principales et des grandes places

(notamment à Alger) est proposée comme mesure économique puis comme protection solaire et

contre les intempéries. Cette solution est plus difficile à réaliser en Algérie vu le manque de

Deuxième Partie Chapitre Troisième

188

technicité sur place (les ouvriers qualifiés sont rares alors que la réalisation des arcades nécessite

la maîtrise des appareils de maçonnerie). Pour répondre aux colons qui voient la surface de leurs

magasins diminuer, c’est le trottoir qui est reporté sous les arcades et la largeur des rues

diminuée. Les arcades sont orientées vers Est et Sud-est, les trottoirs orientés vers le Nord et

l’Ouest ne comprennent pas d’arcades. Elles ne sont placées que dans les rues larges susceptibles

d’être fortement ensoleillées. C’est le cas des arcades du Cour de la révolution (ex cour

Napoléon puis Bertagna) ou de la Place d’Armes à Annaba et celles de la rue Abane Ramdane

(ex Rouault de Fleury) à Constantine.

3.2.2.6. Les plantations.

Afin de recréer le paysage familier mais aussi de se protéger contre le fort ensoleillement ou un

trop haut taux d’hygrométrie, les services du Génie sont chargés de planter des arbres bordant les

rues et au niveau des places et ce dans le même esprit de hiérarchisation des voies.

L’entretien de ces plantations revient au service du Génie et est comptabilisé aux municipalités

après leur instauration. A titre d’exemple l’entretien des arbres de la ville de Bône coûtait entre

100 et 150 francs par an286

. La plantation d’arbres revient moins chère que les arcades. Les

plantations sont préconisées par les architectes du XVIIème siècle comme un élément de confort

mais aussi de décoration extérieur pour les places, parvis au devant des édifices publics mais

aussi des trottoirs pour faciliter la déambulation l’été.

C’est dans ce but que les pépinières dotent les grandes villes algériennes. Les essences sont

soigneusement choisies par rapport au climat, à la consommation en eau des arbres (zones

pluvieuses et arides), la profondeur des racines (risque de contamination des soubassements et

fondations), gabarits et surfaces de couverture. Ces arbres confèrent aujourd’hui, dans les

quartiers coloniaux, un certain pittoresque au paysage. Ils sont d’autant plus appréciés en été.

3.2.2.7. Les plans d’alignement.

La forme organique de la ville arabe traditionnelle et l’étroitesse de ses rues ne sont pas pour

faciliter le travail des militaires. Le système d’égouts ou d’adduction collective de l’eau ne sont

pas généralisés dans la ville arabe. Ce sont autant de raisons pour l’application des plans

286

P.V de délibération de la municipalité de la ville de Bône années 1865 à 1877, archives municipales de la ville de

Annaba.

Deuxième Partie Chapitre Troisième

189

d’alignement des constructions. S’il a été aisé de les appliquer dans les villes coloniales, les

ingénieurs du génie ont eu recours aux percements dans les tissus anciens. Deux grands types de

percement ont eu lieu selon la largeur de la voie projetée :

les grands axes se devaient d’être complètement européens. Les hauteurs de façades, des

ouvertures et leurs alignements sont respectés. C’est le cas des rues de France, Caraman,

Nationale à Constantine ou les rues de Constantine et Danrémont à Annaba ;

les petits axes où les transformations sur le bâti n’ont concerné que les façades et les

ouvertures parfois.

Afin de mener à bien leur projet de construction de la ville coloniale qu’elle soit située sur un

ancien centre urbain ou bien nouvellement projetée comme centre de colonisation, le problème

du foncier s’est toujours posé aux différents intervenants d’abord militaires puis civils. Si au

départ ils ont considéré la ville prise comme butin de guerre, passé les premiers mois, les

militaires habitués à travailler dans un cadre formel, légal et rigoureux, se sont retrouvés face à

un vide juridique. Les correspondances à ce sujet sont fort nombreuses entre les commandants

des places et les autorités en France. Les litiges avec les arabes mais aussi entre municipalité et

militaires étaient nombreux et ont duré plusieurs décennies.

Conclusion

Le XIXème siècle fut le siècle où l’on enregistra d’énormes développements et d’évolutions dans

la pratique et dans la gestion spatiale. La révolution industrielle s’accompagna d’une

transformation dans les corps de métiers relatifs à la construction qu’ils soient ingénieurs

techniciens ou architecte. La construction tient désormais compte des évolutions des idéologues,

des médecins, des hydrauliciens et autres. Les ingénieurs du Génie ralliés par ceux des Ponts-et-

Chaussées vont adopter les nouvelles techniques. Ces ingénieurs qui avaient en charge la

construction des fortifications et des voies de communications se voient responsables des

constructions dans une Algérie nouvellement conquise. Ils eurent en charges le ces constructions

militaires mais aussi civiles durant les premières décennies et partagèrent ce rôle avec ceux des

ponts-et-Chaussées et des Bâtiments Civils ultérieurement. Ils y appliquèrent toutes leurs

connaissances et savoirs faire. Leurs réalisations obéissaient aux principes et enseignements

reçus à l’école du Génie de Metz. Parmi leurs premières réalisations, les hôpitaux militaires

normalement nécessaires en tant de guerre mais que les conditions sanitaires rendirent encore

plus importants.

Deuxième Partie Chapitre Troisième

190

Nous aborderons dans le chapitre suivant les conditions sanitaires qui sévissaient en France et en

Algérie lors de la conquête et durant les premières décennies de colonisation. Par ailleurs nous

traiterons également du système sanitaire établi en Algérie par la France.

Deuxième Partie Chapitre Quatrième

191

CHAPITRE QUATRIÈME

LES MILITAIRES FRANÇAIS ET LES PRÉALABLES À UN SYSTÈME DE SANTÉ EN

ALGÉRIE.

Introduction.

L’un des outils de propagande de la France lors de la colonisation fut la santé. Déclarant l’état de

santé des autochtones comme étant désastreux, se plaignant de l’inexistence d’infrastructures

sanitaires telles que connues en Europe, la France dès son arrivée en Algérie se voit contrainte de

pourvoir à la santé de ses soldats en premier lieu puis de ses citoyens en second lieu.

L’acclimatation des militaires et des civils ne fut pas sans conséquences sur leur état de santé.

Les épidémies que connut l’Europe durant cette période suivirent les contingents de l’armée. La

France se trouvait dans l’obligation d’assurer la couverture sanitaire de sa population en

métropole mais aussi de celle qui se trouvait en Algérie. Si les médecins militaires avaient à

soigner les blessures de guerre des soldats lors des campagnes menées en Europe, en Algérie ils

devaient faire face aux épidémies importées et aux endémies locales.

L’Algérie fut un large champ d’expérience pour ces médecins. Travaillant dans des conditions

très difficiles, ils eurent à soigner aussi les populations locales dont l’état de santé était devenu

un facteur économique. Une main d’œuvre à bon marché, n’était intéressante que si elle était

saine. La politique sanitaire d’une France déjà malade chez elle, devait être menée vers l’objectif

politique visé, à savoir le peuplement de l’Algérie par une population européenne saine qui

devait nourrir celle restée en France. Dans ce chapitre, nous verrons les conditions sanitaires qui

prévalaient dans les deux pays, l’organisation de la médecine en France durant les périodes de

conquête et de peuplement. Nous terminerons ce chapitre par les investissements de la France en

matière de santé en Algérie.

1. La santé en France.

Avant de nous intéresser à la politique sanitaire de la France en Algérie, il convient de connaitre

la situation sanitaire qui prévalait en France et en Algérie ainsi que le type de médecine qui

Deuxième Partie Chapitre Quatrième

192

s’exerçait dans les deux pays et cela durant la période de conquête mais aussi durant celle qui

suivra.

1.1. Les conditions sanitaires en France.

L’état de santé en France était tout aussi désastreux qu’en Algérie : tuberculose (pratiquement

inconnue en Algérie), maladies vénériennes, grippe, santé mentale, etc. L’Etat français se devait

de s’organiser à travers l’ensemble du pays. Si en Algérie, l’on avait peur des épidémies

militaires, en métropole c’était les endémies ordinaires qui dominaient.

L’insalubrité des logements était fort connue et était prise théoriquement en charge par l’Etat.

Depuis le décret du 14 décembre 1789, conformé par la loi du 16 – 24 août 1790, la compétence

en matière de salubrité appartient à l’autorité municipale par conseils sanitaires interposés. Cette

dernière forme la base de l’organisation sanitaire en France. La salubrité, si elle est prise en

considération par le gouvernement, cela s’est fait de manière très épisodique bien que par arrêté

(du 20 septembre 1831) ; une commission centrale (chargée de la salubrité et de l’hygiène287

publique) fut installée. Elle était constituée de 200 médecins, 60 pharmaciens et 13 architectes,

mais toujours en prévision du choléra qui s’annonçait.

La France connait, durant le XIXème siècle, différents régimes entre monarchies, empires et

républiques. Sous les différents régimes, le maire se verra soit élu soit nommé. Son statut d’élu

ou de nommé avait une incidence directe sur l’hygiène publique d’autant qu’il ne disposait pas

d’outils juridiques suffisants pour lui permettre d’être efficace. Il faut attendre la troisième

république pour voir le poste de maire définitivement pourvu par suffrage.

Sous le Second Empire, ceux sont les conseils sanitaires toujours les conseils sanitaires qui

gèrent la santé publique. Mais ces derniers étaient souvent constitués de membres étrangers à la

médecine. Seuls quelques conseils sanitaires des grandes villes comprenaient des médecins.

287

Hygiène : nf. : Du grec Hygieina (qui concerne la santé) : science qui traite de santé humaine, des règles et des

conditions d’existence nécessaires pour la conserver et l’améliorer. Hygiène publique : moyens dont les pouvoirs

publics se servent pour lutter contre la maladie, pour protéger la vie humaine. Hygiéniste : médecin s’occupant

particulièrement de l’hygiène.

Médecine : pendent longtemps, l’hygiène se limita à un ensemble de conseils et d’expériences que l’on retrouve

jusque dans les prescriptions des religions de l’Antiquité. Ce n’est qu’au XIXème siècle que l(hygiène devint une

véritable science, importante branche de la médecine.

Droits et économie sociale : l’importance croissante de l’hygiène a conduit les pouvoirs publics à se préoccuper de

plus en plus de la santé publique, dont la surveillance a été confiée à des organismes compétents. Contre la

tuberculose, des dispensaires et des sanatoriums ont été créés et d’importantes mesures de dépistage ont été prises.

La lutte antivénérienne et la lutte contre le cancer ont été également entreprises. La santé des enfants fait désormais

l’objet d’examens périodiques durant la scolarité. Les observations faites s’inscrivent sur le fascicule scolaire du

carnet de santé individuel. Plusieurs vaccinations sont obligatoires, Dictionnaire Pratique Quillet, Librairie Quillet,

Paris, 1974.

Deuxième Partie Chapitre Quatrième

193

Ceux sont les conseils généraux qui subviennent aux frais des conseils sanitaires (arrêté du 15

février 1849). Les budgets alloués aux services de santé, sous les différents régimes, sont très

maigres. Ces conseils sanitaires sont consultatifs et non exécutifs ce qui finit par les rendre tout à

fait inopérants. En 1853 on comptait 223 commissions de logements insalubres réparties sur les

43 départements de France. En 1883 seules cinq villes voyaient ces commissions fonctionner :

Paris, Lille, Le Havre, Roubaix et Nancy.

La loi du 5 avril 1884 relative aux communes les responsabilisait encore une fois de la

couverture sanitaire de la population, puisqu’elles comprenaient une commission du logement

insalubre. Cette loi ne protégeait nullement les propriétaires des logements : elle ne s’appliquait

que pour les logements mis en location. Les travaux de salubrité concernaient notamment :

le curage des puits et des fosses à purin ;288

le blanchiment des murs ;

les réfections d’enduits ;

les percements des croisées289

.

On reprochait notamment aux logements insalubres leur manque d’air, de lumière et de soleil.

C’est sous la Troisième République qu’apparaissent les premières lois effectives sur la santé

publique : 1873- répression de l’ivresse publique, 1874- protection du 1er âge, 1889- protection

des enfants moralement abandonnées ou maltraités. Les lois ainsi établies étaient l’œuvre du

docteur Théophile Roussel.290

La loi de 1902 mettait en place pour la première fois le Directeur de l’Assistance publique et de

l’hygiène au niveau du ministère de l’intérieur ; mais toujours sans instruments juridiques

effectifs qui lui permettraient d’être pratique. Les médecins siégeant au niveau des conseils

départementaux ne sont guère efficaces et loin du peuple.

L’armée ne devait pas s’occuper uniquement des corps constituants mais avait comme seconde

charge la préservation de la population civile contre les épidémies. Ce qui lui donna un statut

pour lequel elle n’était pas faite.

1.2. La militarisation de la santé en France.

288

Purin : partie liquide du fumier, Microsoft® Encarta® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. 3 Croisée : fenêtre à croisillons ou à meneaux, Microsoft® Encarta® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.

290

Théophile Roussel : Docteur, député de 1849 à 1871 puis de 1876 à 1877, Sénateur de 1883 à 1903.

Deuxième Partie Chapitre Quatrième

194

L’armée en Afrique ne fut pas la seule proie des épidémies mais en Europe aussi elle connut ses

épisodes épidémiques. La guerre de 1870, avec le brassage des populations, fut lourde de

conséquences pour l’armée. Aucune épidémie ne fut connue sur le front Ouest (durant la

Première guerre Mondiale) ce qui fit baisser l’attention sur le côté sanitaire. La fièvre typhoïde,

durant la première guerre mondiale et dès le début des combats, provoqua de vives alertes :

45 000 cas dont 8170 décès. C’est cette dernière épidémie qui rend obligatoire, en milieu

militaire grâce à la loi Léon Labbé (du 28 mars 1814) la vaccination anti typhique. Elle fut

régulièrement effectuée à partir de 1915. C’est la vaccination de l’ensemble du corps de l’armée

ainsi que des ouvriers des usines de guerre qui sauva l’armée française. Seul le paludisme

présentait encore de gros risques après 1918 : nous assistons là, à une inégalité face à la

protection sanitaire des populations civile et militaire.

Le service de santé militaire reçut dans ces circonstances, la tâche la plus lourde : réception des

blessés et simultanément, organisation de la lutte contre les épidémies que ce soit en milieu

militaire ou civil.

Toutefois devant cette mission ardue, le service de santé militaire fut mis à l’index pour son

manque d’hygiène, son abus de pouvoir envers le corps médical civil (lors des guerres), son

manque d’effectifs humain et matériel et son manque d’organisation. C’est pour ces raisons que

le parlement et le sénat mirent fin (18 juillet 1915) aux fonctions du Médecin Inspecteur

Troussains (Directeur du service de santé) pour le remplacer par un sous-secrétaire d’Etat,

autorité civile, Justin Goddard (du 18 juillet 1915 au 2 février 1918).

C’est en janvier 1917 que les médecins entrent dans les états-majors en tant que conseillers

obligatoires- nomination subséquentes auprès de chaque armée, avec le titre d’Inspecteurs

Techniques, de professeurs de faculté nommés en autant de « missi-dominici ». Mais, même la

politique socialiste de Goddard ne fait pas l’unanimité. On lui reproche sa lenteur dans la prise

en charge des blessés, la débâcle dans le service sanitaire, sa routine, l’insuffisance d’hôpitaux

d’évacuation et l’abandon des grands blessés sur le front. Il sera remplacé par Louis Mourier.

Pourtant, le corps de santé militaire ne formait plus sous le règne de Goddard, que l’ossature

d’un service de santé national puisque formé de 90% de praticiens mobilisés.

Le règlement du service de santé de 1890 édictait que les médecins militaires seraient appelés à

faire partie des conseils départementaux d’hygiène avec voix consultative. Nous assistons là à

une militarisation de l’hygiène publique : le médecin de l’armée est le « Maître ». Dans leur

Deuxième Partie Chapitre Quatrième

195

livre, L Murard et P Zylberman stipulent, à propos de ce décret : « plus généralement, le décret

resserrait les liens de l’organisation civile départementale en créant auprès des chefs de région

militaire, des adjoints techniques médicaux aux pouvoirs exceptionnellement étendus, supérieurs

à ceux des maires, et en mettant à la charge du budget de l’Etat les dépenses afférentes. »291

A cette fin, une circulaire invitait le 22 août 1914, les préfets à organiser des circonspections

sanitaire - environ 2000 – dirigées par un médecin délégué sous l’autorité des adjoints

techniques.

C’est ainsi que la protection de l’eau potable, l’enlèvement des immondices et spécialement des

fumiers et la suppression des causes permanentes des souillures du sol furent réalisés pour la

plupart des communes par l’armée. A l’arrière des lignes de front, la médecine militaire prend

pied dans la médecine civile.

En 1910, on comptait dans l’armée française un vétérinaire pour 264 chevaux alors qu’un seul

médecin militaire est prévu pour 421 hommes d’effectif. En 1914, il manque à l’armée plus de

700 médecins. Devant l’ampleur de sa tâche et ce manque d’effectif, l’armée fut contrainte de

mobiliser la majorité des médecins civils : plus de 80%. À l’armistice, l’armée disposera de

21 181 praticiens dont 1707 actifs et 19474 mobilisés. Ce sont les civils qui à leur tour se

retrouvent manquant de couverture médicale. Malgré cela, le gouvernement donne encore la

priorité à l’armée, personnel mais aussi hôpitaux, équipements médicaux, laboratoire, etc.

Cela se solde par des hécatombes civiles dues essentiellement à la tuberculose puis à la grippe

venue des États-Unis. La grippe s’avéra plus grave car n’étant pas considérée comme une

épidémie, elle n’était pas soumise à la déclaration obligatoire. Les déplacements des populations

civiles (migration et colonisation) et militaires ne fit qu’aggraver la propagation. C’est suite à

cela que le ministère de la santé et de l’hygiène publique fut créé en 1920.

Ce dernier héritera des 219 fonctionnaires municipaux ou départementaux ; ils sont parfois

pharmaciens ou praticiens. Pour les médecins cela se présentait fort souvent plus comme un

honneur personnel que comme mission publique. Cette dernière se résumait en :

l’assainissement des localités et des habitations ;

la prévention des épidémies, épizooties et endémies ;

la propagation de la vaccination ;

291

Lion Murard et Patrick Zylberman, L’hygiène publique dans la République. La santé en France, ou l’utopie

contrariée 1870-1918, Édit Fayard, Paris 1996, p 543.

Deuxième Partie Chapitre Quatrième

196

l’organisation des secours aux malades indigents ;

les conditions sanitaires des populations ;

la salubrité des ateliers, casernes, écoles, prisons et asiles ;

les enfants trouvés ;

aliments et boissons ;

grands travaux d’utilité publique : ports, canaux, fontaines, égouts,

cimetières et voiries.

Du point de vue technique, la construction doit beaucoup aux médecins de grande culture

générale. Certaines de leurs techniques, comme l’injection (injection de béton pour

l’étanchement des canaux) sont utilisées. C’est à un médecin que nous devons les formules de

flexion et le module d’élasticité : Thomas Young.

Au reste, les veillées d’arme et les champs de batailles de la Révolution et de l’Empire sont des

lieux où se côtoient les ingénieurs, chirurgiens et médecins. Ces derniers sont porteurs d’une

nouvelle idéologie médicale : l’hygiène. Elle fut mise peu à peu en application par les

techniciens, sous l’égide des conseils de salubrité et grâce aux nouveaux matériaux et aux

nouvelles techniques de fondations (étanchéité donc salubrité).

2. Les conditions sanitaires en Algérie à la colonisation.

Les rapports des différents médecins militaires en poste en Algérie décrivent l’état sanitaire des

populations comme étant désastreux ! La mortalité infantile était égale pratiquement à la moitié

des naissances. Le pays souffrait de Dysenterie, de Paludisme, de Variole, de Trachome et de

Syphilis, à l’état endémique et de temps à autre d’épidémies de Peste et de Choléra.

Vu les conditions climatiques auxquelles les français n’étaient pas habitués ces endémies furent

la raison d’une mortalité importante parmi les civils et les militaires.

La promiscuité des camps puis des villages de colonisation, le manque d'hygiène élémentaire

entraîné par le manque d'eau ou par sa mauvaise qualité, le défrichage des zones de marécages,

l'importation en Afrique du Nord du choléra venu d'Europe et du Levant vont provoquer des

hécatombes successives chez colons, les militaires et les autochtones292

.

292

Louis Pozzo di Borgo, Les paquebots de la malle d’Algérie 1830-1962, Édit Atlantis, 2000.

Deuxième Partie Chapitre Quatrième

197

La première épidémie de choléra apparaît en France en 1830, au Portugal en 1832 et en 1833 en

Espagne. En 1834 les immigrants l’introduisent à Mers El Kabîr. L’épidémie se propage vers

l’est. En 1835, c’est au pénitencier d’Alger qu’on dénombre 600 victimes puis à l’hôpital du

Jardin du Dey alors hôpital militaire, puis ce sont les casernes qui subissent le même sort. En

1835 c’est au tour de Bône de connaître l’épidémie venue encore une fois par la mer. Elle y

réapparaît en 1837 importée cette fois-ci de Marseille. Le régiment contamine le corps

expéditionnaire de Constantine puis la ville elle-même ; elle est nommée épidémie militaire.

Les puissances riveraines qui ont des côtes au bord de la mare nostrum luttent pour leurs intérêts

commerciaux et favorisent le commerce maritime qui connaît une grande expansion par l'arrivée

des navires à vapeur consommateurs de charbon. Les ports sont alors en compétition par leurs

équipements, non seulement techniques mais aussi par ceux concernant le maintien de la santé

publique en installant dans les villes portuaires des lazarets (Alger, Oran et Bône). La gestion des

quarantaines appliquées aux navires et passagers est en effet l'un des instruments politiques

employés pour consolider un avantage commercial.

Au début de 1833, sur les 5500 hommes de la garnison de Bône, cernée par les marais de la

Boudjimah et l’embouchure marécageuse de la Seybouse, 4.000 ont été admis, pour des périodes

plus ou moins longues, à l'hôpital militaire pour fièvre intermittente, et du 15 juin au 15 août on

avait enregistré 300 décès. La situation dans les autres régions du pays était également très

préoccupante : dans tous les corps de troupe, " un fiévreux sur seize en mourait.

Ceci a été un argument de taille pour les politiques français qui prônaient " l'occupation

restreinte " de l’Algérie voire même le rapatriement du corps expéditionnaire et " l'abandon de

l'Algérie ".Face à l’état de santé de ses troupes, même Bugeaud se prononça alors contre la

conquête qu'il estimait politiquement et économiquement, stérile.

Si nous tenons à relater ici les différentes épidémies c’est qu’elles ont joué un grand rôle comme

nous venons de le voir dans l’installation d’une infrastructure sanitaire considérée comme large

par les français293

.

2.1. La médecine.

L’essentiel de l’action sanitaire des militaires français a été fait durant la période qui s’étale de la

colonisation jusqu’à la première guerre mondiale. Le XIXème fût le siècle où la médecine a été

293

L. Abid, « Les épidémies de choléra en Algérie au cours du 19ème siècle », Site www. santemaghreb.com, 4

décembre 2006.

Deuxième Partie Chapitre Quatrième

198

utilisée comme moyen de propagande, de pénétration et d'information. Le XXème siècle et

jusqu'au recouvrement de l'indépendance, marque la marginalisation progressive de la population

locale et l'accès de quelques musulmans aux études médicales.

2.2. Les établissements sanitaires.

A la colonisation, la fondation d'un véritable réseau sanitaire se précise avec l’implantation de

123 hôpitaux, de très nombreux laboratoires de recherche, d'innombrables dispensaires,

d'antennes médicales itinérantes, avec des médecins – il est vrai qu'à l'origine, on les appelait

médecins de « colonisation » - se répandant dans les douars et les mechtas, et payant trop

souvent de leur vie (puisque eux-mêmes soumis aux conditions climatiques et environnementales

identiques), le recul, voire l'éradication des épidémies, des maladies endémiques: paludisme,

trachome, choléra, typhus294

. C'est ainsi que naissent et se développent des institutions médicales

telles :

hôpitaux295

militaires ;

dispensaires296

contre la propagation de la syphilis et des MST et contre la variole ;

lazarets297

au niveau des ports d’Alger, Oran et Bône ;

294

A-M.Moulin, « Expatriés français sous les tropiques. Cent ans d’histoire de la santé », in Paris. La santé des

expatriés et des immigrés, actes de la 2ème

journée française de la médecine des voyages organisée par L’institut

Pasteur, Paris, 3 mai 1996. 295

Hôpital : nom commun - masculin (hôpitaux). ADMINISTRATION établissement public apte à recevoir en

consultation et à soigner les personnes nécessitant des soins ou une intervention chirurgicale. Institution charitable

qui recevait gratuitement les pauvres ou les malades (vieilli), Microsoft Encarta, 2009, 1993-2008 Microsoft

Corporation.

Hôpital : n.m. (du latin hospitale (bâtiment où l’on reçoit des hôtes)) ; lieu aménagé pour recevoir les malades, les

blessés. HISTOIRE : les établissements hospitaliers sont d’origine purement chrétienne. Primitivement destinés aux

pèlerins, ils existent d’abords à Jérusalem, où, au IVème siècle, des nobles dames romaines retirées là pour pratiquer

les vertus chrétiennes sous la direction de St Jérôme, accueillirent en deux établissements les malades et les

convalescents. Elles furent imitées en de nombreuses villes de le IVème siècle. En occident, aux V, VI, VIIème

siècles, de grands personnages rivalisèrent avec le clergé dans la fondation d’hôpitaux, notamment à Lyon, Reims,

Paris. La lèpre venue d’orient, lors des croisades, accrut la nécessité de ces initiatives charitables (2000 léproseries

en France au XIIIème siècle). Nombre de congrégations d’hommes ou de femmes se formèrent pour soigner les

malades. Le Concile de Vienne, au XIVème siècle ordonna la sécularisation des établissements hospitaliers qui

commencèrent à être régis par les laïques. Les léproseries disparurent avec la cause de leur création, mais d’autres

fondations ne cessèrent de s’organiser, Dictionnaire Pratique Quillet, Librairie Quillet, Paris, 1974. 295

Dispensaire : nom commun - masculin (dispensaires) : établissement public ou privé donnant des soins médicaux

gratuits, Microsoft Encarta. 2009. 1993-2008 Microsoft Corporation.

Dispensaire : n.m : centre de diagnostic et de traitement où les assurés sociaux peuvent recevoir tous les soins ne

nécessitant pas une hospitalisation. Ceux-ci sont parfois délivrés aux personnes nécessiteuses de façon gratuite. Le

dispensaire joue un rôle important dans le dépistage de certaines maladies (syphilis, tuberculose). Il suit l’office

public d’hygiène sociale (OPHS), Dictionnaire Pratique Quillet, Librairie Quillet, Paris, 1974.

297

Lazaret : nom commun, masculin (lazarets). MÉDECINE secteur réservé au contrôle sanitaire et à l'isolement des

contagieux dans un port ou un aéroport. Secteur d'isolement des malades contagieux (dans un hôpital), Microsoft

Encarta. 2009. 1993-2008 Microsoft Corporation.

Deuxième Partie Chapitre Quatrième

199

Dès le début de la colonisation, les français ont développé un système hospitalier militaire

suivant la présence de leurs troupes et/ou colons. Les progrès des troupes à l'intérieur du pays

exigèrent la création de nouveaux hôpitaux dans les garnisons. Ces hôpitaux militaires étaient

ouverts aux fonctionnaires, aux colons et aux autochtones. On en comptait 38 en 1845.

1830 : hôpital du Dey à Alger d'une capacité de 1200 lits. Alger : 1er

Hôpital militaire,

réaménagement de la maison de plaisance d’Hussein Pacha dernier Dey d’ Alger

appelée : Jardin du Dey ;

Fig.50 : Premier hôpital militaire « Jardins du dey »

Source : Jean-Marie Millerin298

.

1831, pour les besoins du corps d'occupation décimé par le paludisme, la dysenterie, s'est

ouvert l'hôpital de la Salpêtrière et le lazaret de la rue Bab-Azzoun

Lazaret : de l’italien Lazareto : m.s, dans les ports, établissement pour isoler pendent un temps plus ou moins

lonlong, appelé quarantaine, les personnes et les marchandises susceptibles d’introduire une maladie contagieuse

dans un pays. HISTOIRE : les lazarets apparaissent à Venise au Moyen Âge et à la fin du XVème siècle, en France,

où, destinés à lutter contre la peste, ils furent établis sur la méditerranée. ÉTYMOLOGIE : le mot trouve son origine

dans l’évangile selon Saint Luc pour désigner le pauvre lépreux de la parabole du mauvais riche. Nous le retrouvons

sous ST Lazare, nom de l’ancienne léproserie créée au faubourg St Martin, à Paris, aujourd’hui démolie,

Dictionnaire Pratique Quillet, Librairie Quillet, Paris, 1974. 298

Jean-Marie Millerin, La médecine militaire en cartes postales 1880-1930, édition Jacques Gandine, Paris, 2002

Deuxième Partie Chapitre Quatrième

200

Fig.51 : Alger : caserne de La Salpêtrière

(Construite sur une mosquée et une fabrique de salpêtre)

Source : Jean-Marie Millerin299

1832 : hôpital d'Oran ;

1833 : hôpital de Bône transformation de la mosquée Abou Marouane ;

1835 : hôpitaux de Douéra et de Mostaganem ;

1837 : Hôpital de Guelma ;

1843 : 22 hôpitaux, 15 dans l'algérois, 5 dans l'Oranie et 1 dans le Constantinois ;

1/08/1854 : Inauguration de l'hôpital civil de Mustapha Pacha où un cours de médecine

fut organisé en mai 1855.

Fig.52 : Hôpital Mustapha Pacha : les pavillons

Source : Jean-Marie Millerin300

299

Jean-Marie Millerin, 2002, op.cit. 300

Idem.

Deuxième Partie Chapitre Quatrième

201

Les médecins militaires furent rapidement épaulés par des médecins de colonisation avant que

les civils puissent assurer un service suffisant. L’effort se porta à la fois sur l’équipement

hospitalier (objet de notre intéressement) et sur des campagnes prophylactiques (vaccinations,

distribution de quinine, cuti-réactions, gouttes, etc.…) en ville et dans l’arrière pays.

Fig.53 : Ain Beida : Hôpital militaire

Source : Jean-Marie Millerin301

Fig.54 : Ain Djelfa : Hôpital militaire

Source : Jean-Marie Millerin302

301

Jean-Marie Millerin, 2002, op.cit. 302

Idem.

Deuxième Partie Chapitre Quatrième

202

2.3. Fonctionnement des équipements sanitaires.

Ces hôpitaux s'adressaient d'abord aux européens ; les algériens autochtones devaient bénéficier

d'infirmeries indigènes implantées près des regroupements de tribus. Très peu disposaient d'un

médecin permanent. En 1845, 18 médecins sont affectés dans les principales villes d'Algérie. Ils

étaient secondés par 14 praticiens ruraux.

En 1845 une ordonnance instituant des médecins de colonisation a été signée suivie le 30 juin

1847 par une circulaire créant un service de santé auprès des bureaux arabes et imposant la tenue

d'un registre d'observations médicales. Trois médecins sont affectés au niveau des bureaux

arabes dans les rois provinces du pays.

Devant une situation sanitaire très précaire, la population autochtone continuait donc à faire

appel à la médecine populaire traditionnelle telle qu'elle se pratiquait avant l'occupation

française. Cette population dont le niveau de vie était bien en deçà de celle des européens était

considérée comme indigente par la France ; après l’installation de la municipalité, cette dernière

prenait en charge pécuniairement et les indigents et le salaire du personnel médical civil affecté

dans les hôpitaux militaires et les dispensaires303

.

Il faut toutefois rappeler que la population autochtone faisait rarement appel à la médecine

française durant cette période et considérait les hôpitaux comme moratoires des plus démunis.

Par ailleurs l’hospitalisation d’un malade arabe était soumise au passage obligatoire aux douches

avec rasage du crâne et habillage de camisoles ; ces actions étaient perçues comme avilissantes

par les arabes. Si les européens avaient droit à un lit les malades arabes ne disposaient, durant

cette fin du 19ème

siècle que de sommaires couches à même le sol dans des dortoirs appelés salles

communes. Cette ségrégation finissait par rendre les hôpitaux répulsifs aux yeux des arabes.

2.4. L’assistance publique.

Lors du débarquement des troupes françaises en 1830, aucune organisation d'assistance n'existait

en Algérie. Les médecins ne suffisaient même pas à la population européenne. Devant cette

pénurie, un appel des autorités coloniales fut adressé aux missions caritatives :

les sœurs de la Doctrine Chrétienne s'installèrent à Constantine ;

les sœurs Trinitaires à Oran ;

les sœurs de Saint Joseph à Alger.

303

Archives municipales de la ville de Annaba, P.V et Budgets des municipalités de Bône des années 1865-92

Deuxième Partie Chapitre Quatrième

203

Fig.55 : Alger : Asile de vieillards de Bouzaréah

Source : Jean-Marie Millerin304

,

La première tentative d'organisation méthodique d'assistance aux indigènes, fut faite à Boufarik

qui n'était pas alors la perle de la Mitidja, mais fut longtemps célèbre comme le tombeau des

colons. Un médecin militaire, le Docteur BRISCARD, en 1834, donna des soins et délivra des

médicaments aux populations qui accouraient en foule et en 1835 ; lors de la fondation du

village, le Docteur POUZON installa une tente avec 15 lits pour l'hospitalisation.

Plus tard, avec la stabilité et la tranquillité, l'assistance publique s'intensifie. En 1850 est créé à

Alger, rue Zama, sur l'initiative du docteur BERTHERAND, un hospice musulman ; jusqu'alors

l'assistance était assurée presque complètement par les médecins militaires qui ont rendu des

services appréciables.

De nombreux hôpitaux civils furent créés : celui de Mustapha en 1853, celui de Bône en 1858,

celui d'Ain-Temouchent et de Saint-Denis-du-Sig en 1861, celui de Constantine en 1869, celui

de Bougie en 1870, de Ménerville en 1875 etc.,. Il faut préciser que ces premiers hôpitaux civils

étaient faiblement équipés en matériel et en personnel soignant qualifié. Très souvent établis

dans d’anciens bâtiments sommairement réaménagés, ils fonctionnaient à l’aide de dons émanant

de l’église et les membres de celle-ci.

304

Jean-Marie Millerin, 2002, op.cit.

Deuxième Partie Chapitre Quatrième

204

En 1867 et 68 le choléra, le typhus, déciment la population mais font naître un généreux

mouvement d'assistance. Le Cardinal LAVIGERIE recueille de nombreux orphelins et les

installe dans des villages de la plaine du Chéliff. Après la guerre de 1870, en accord avec le

gouvernement général, il crée les hôpitaux uniquement indigènes de Saint-Cyprien-les Attafs et

de Biskra avec installation et nourriture adaptées à leurs mœurs. En 1893 le gouverneur général

CAMBON demande aux Pères Blancs de créer d'autres hôpitaux semblables dans l'Aurès et les

territoires du Sud. En 1930 l'Assistance Publique en Algérie comprend : 19 hôpitaux civils, 33

hôpitaux militaires, 83 hôpitaux auxiliaires, 70 infirmières visiteuses.

Les infirmières visiteuses faisaient partie d'un plan de Monsieur le Gouverneur Général

VIOLLETTE qui, à la cession extraordinaire de 1925 présenta un projet d'assistance aux

nourrissons et aux femmes indigènes en couches, par des sages-femmes qui devaient parcourir

les douars à dos de mulet pour assurer les accouchements. Il y avait aussi 97 auxiliaires

médicaux, 104 médecins de colonisation. Le nombre total de médecins d'Algérie est de 702.

Extraits de textes 1930305

.

2.5. La formation médicale.

Janvier 1832 : les médecins militaires français qui ont évidemment du pain sur la planche avec

les soins aux armées auxquels vient s'ajouter la prise en charge d'une population totalement

démunie, décident alors de se constituer des renforts en formant eux-mêmes, sur place, les cadres

médicaux dont ils ont un besoin criant. Ils improvisent donc, à Alger, un premier « Hôpital

Militaire d'Instruction » avec des bénévoles militaires. C'est cette École qui engendrera cette

brillante Université qui, un siècle plus tard, rivalisait honorablement avec les meilleurs

établissements de France. À la fin des années 50, juste avant la grande explosion universitaire,

près de 10000 étudiants se répartissaient déjà, chaque année, dans les différentes Facultés

d'Alger, malgré l'émigration vers la métropole de bien des étudiants arabes

L'enseignement médical européen a démarré en 1833 où un cours de pathologie fut dispensé à

Alger. Il était bien sur réservé aux européens et se déroulât à l'hôpital militaire du Dey (Bab El

Oued)306

.

1849 la société de médecine d'Alger fut créée ;

1850 (et jusqu'en 1959) un cours d'accouchement a également été ouvert ;

305

« L’assistance publique en Algérie », in www.afn.collections.free.fr. 306

Mediana Delaye-Lastrajoli, « Alger, son hôpital du Dey futur hôpital Maillot, naissance de l’université d’Alger »,

in Université d’Alger- cinquantenaire 1909-1959- historique des chaires, Revue du Gamt, N° 79, mars 2002.

Deuxième Partie Chapitre Quatrième

205

enfin l'école de médecine d'Alger fut créée par décret le 3 avril 1857.Théoriquement

ouverte également aux algériens, elle ne comptait que 5 arabes inscrits en 1865 ;

de 1875 à 1878, l’école a enregistré l'inscription de 85 étudiants en médecine qui ne

pouvaient effectuer que les deux premières années d'étude. A partir de la troisième année,

ils étaient obligés de se rendre en métropole ;

de 1879 à 1909 un seul diplômé algérien en médecine ;

En 1939, on comptait 200 diplômés universitaires d'origine autochtone dont 41 médecins,

22 pharmaciens et 9 dentistes ;

en 1954, à la veille du déclenchement de la révolution, le nombre de diplômés était de

165 médecins, pharmaciens et chirurgiens dentistes.

2.6. La recherche et les médecins militaires en Algérie.

Le terrain fût aussi favorable pour le développement de la recherche et l’établissement d’une

renommée mondiale (allant jusqu’au prix Nobel) de certains médecins militaires, notamment le

Dr Maillot a qui on attribue le premier remède à la malaria ancien nom du paludisme. Il fut

appelé comme Médecin Ordinaire à Alger le 20 août 1832. Nommé médecin Chef à l’Hôpital

Militaire de Bône307

, le 4 mars 1834, il est confronté à une hécatombe de malaria dans toute

l’armée d’Algérie.

Le Docteur Maillot fut un des premiers à rechercher la nature et les causes du mal et en trouva le

traitement et la guérison. A la suite de nombreuses observations, il en vint à conclure au

caractère palustre (dû au paludisme) des fièvres d’Algérie qui jusqu’alors avaient été traitées

comme la fièvre typhoïde. Rompant avec les idées de l’École, il abandonna les saignées tant

prônées par le Docteur François Broussais (1772-1838) et prescrivit le sulfate de quinine à haute

dose, substance découverte sans doute avant lui, mais peu connue et peu employée jusqu’alors

toujours à faible dose. Il quitte Bône à la fin de l’hiver 1835308

.

D’autres historiens algériens tels que Hassen Derdour dans son livre 25 siècles de vie

quotidienne à Annaba, attribue la découverte du remède du paludisme à Ibn Sina ou à Er- Razi.

Le Dr Maillot médecin militaire en poste à Bône durant l’épidémie de 1833 avait remarqué

l’immunisation que semblaient développer les musulmans face à la malaria. Après enquête, il

307

Dr Jean Tremal, Un siècle de médecine colonial française en Algérie (1830-1929), deuxième édition, Imprimerie

J. Aloccio, Tunis, 1929 308

« Clément Maillot », in biographie- archives de l’Institut pasteur, in www.pasteur.fr.

Deuxième Partie Chapitre Quatrième

206

découvrait que ces derniers prenaient un remède appelé « Dakhoua » qui consistait en du sulfate

de quinine ; ce dernier était déjà connu et utilisé par les populations d’Amérique latine309

.

Le travail du Dr Maillot sera poursuivit par le Dr Laveran en poste à l’hôpital militaire de

Constantine et obtinrent ainsi tous les honneurs que nous connaissons. En 1878, Laveran est

affecté aux hôpitaux de la division de Constantine, et successivement à ceux de Bône, Biskra et

Constantine, où il est promu en 1879, médecin major de 1ère classe. C'est à Constantine, en

1880, que Laveran décrit dans le sang d'un soldat paludéen, des corps sphériques pigmentés

identifiés à l'hématozoaire du paludisme, découverte fondamentale aussitôt rapportée à

l'Académie de Médecine et à l'Académie des Sciences.310

Le médecin-Major Alexandre Cassagne, en disgrâce, affecté à Sétif dans un régiment de

« joyeux », se lance dans l’interprétation des tatouages puis dans l’anthropologie en utilisant les

mensurations des soldats de son régiment afin d’établir le profil de « l’homme criminel ». Ce qui

lui permet d’accéder à la chaire d’hygiène et de médecine légale au Val De Grâce. De retour en

Algérie, il se consacre à la formation médicale311

.Ces travaux sur la médecine légale et

d’hygiène ainsi que sur la criminologie seront de grande renommée.

Le médecin-Major Henry Foley occupa différents postes dans les hôpitaux militaires en Algérie

du nord et du sud. Il est reconnu pour ses travaux sur la fièvre récurrente et le typhus il fut

surnommé le « médecin du Sahara » ; ceci le menèrent jusqu’au poste civil de responsable de

l’institut Pasteur d’Alger312

.

L’Algérie offrait toutes les conditions de recherche sur les maladies dites de colonies pour les

médecins, pharmaciens et bactériologistes militaires. Toutefois nous retiendrons les noms

(d’ailleurs ancrés dans la mémoire populaire algérienne) des deux médecins Maillot et Laveran :

militaires en poste en Algérie et spécialement à Constantine et Annaba.

2.7. Les militaires et le thermalisme (cas de Hammam Meskoutine et Béni-Khalil).

Très peu de temps après leur entrée en Algérie, les militaires ne tardèrent pas à avoir

connaissance des eaux d’Hammam-Meskoutine et de Hammam El Louane. Nous rapportons ici

le plus important des écrits de deux médecins officiers militaires ayant contribué au

développement des deux stations thermales dans un but médical.

309

H’sen Derdour, Annaba 25 siècles de vie quotidienne et de luttes, SNED, Alger 1982. 310

« Alphonse Laveran », in biographie- archives de l’Institut pasteur, in www.pasteur.fr. 311

« Alexandre Cassagne », in biographie- archives de l’Institut pasteur, in www.pasteur.fr. 312

« Henry Folley », in biographie- archives de l’Institut pasteur, in www.pasteur.fr.

Deuxième Partie Chapitre Quatrième

207

En 1837, la colonne expéditionnaire qui devait faire le siège de Constantine installait un camp

permanent à Medjez-Amar, à 5 kilomètres des sources.

Hammam-Meskoutine fut exploré et, en1831, M. le pharmacien aide major Tripier était chargé

par M. Guyon, chirurgien en chef de l’armée d’Afrique, de faire l’analyse des eaux ; savant

consciencieux et chimiste de talent, il fit de cette analyse une étude remarquable, à laquelle ses

successeurs eurent peu de chose à ajouter.

En 1843, M. le médecin inspecteur Bégin, président du Conseil de santé des armées, se trouvant

en tournée d’inspection en Algérie, vint visiter Hammam-Meskoutine. Il fut frappé de

l’importance de ces eaux thermales et, un an après, sur son rapport, le Ministre de la Guerre

décidait la création d’un hôpital militaire. Cet hôpital fut installé sur la rive gauche du Chedakra,

d’oliviers séculaires. Composé d’abord de baraques en planches, destinées, les unes à loger les

malades et le personnel, les autres à recouvrir les piscines et les bains de vapeur, il se

perfectionna petit à petit; l’hôpital proprement dit fut construit en maçonnerie, et plus tard, en

1872, le génie militaire installait au-dessus des piscines une construction solide; celle-ci abrite

des piscines romaines restaurées.

Cet établissement était ouvert pendant trois mois au printemps, il recevait en dehors des malades

militaires, les fonctionnaires et employés des différentes administrations ainsi que les malades de

l’Assistance publique. Ceux qui ne pouvaient pas y trouver place se logeaient sous les tentes.

En 1858, M. le docteur Moreau, ancien médecin de l’armée, demanda et obtint la concession de

l’exploitation de l’eau thermale.

Ce fut le premier fondateur de l’établissement civil, qu’il plaça sur la rive droite du Chedakra,

assez loin des cours d’eau pour ne pas craindre l’infection palustre, et sur un plateau tufacé

absolument sec ; l’emplacement était on ne peut mieux choisi, le moment l’était peut-être moins

bien. M. Moreau devançait de beaucoup les événements ; il avait imaginé, de faire d’Hammam-

Meskoutine un établissement thermal de premier ordre, à l’instar des plus somptueux d’Europe,

il y aurait réuni, avec tous les perfectionnements et tout le confort désirable en hydrothérapie,

tous les raffinements de plaisir, de distraction et d’amusements que recherche généralement le

baigneur en même temps que sa guérison, et peut-être bien même, avant celle-ci.

Deuxième Partie Chapitre Quatrième

208

L’Algérie était alors une terre lointaine et peu visitée ; les voies de communication y étaient rares

et difficiles ; un établissement de ce genre ne pouvait pas réussir ; aussi M. Moreau succomba-t-

il à la peine en 1870, sans avoir vu réaliser une de ses chères illusions.

Son tombeau est situé à deux pas de l’hôtel dans une grotte naturelle formée par des sédiments

anciens de l’eau thermale ; il repose, d’après sa dernière volonté, dans un sarcophage romain

trouvé dans les environs.

Les deux établissements fonctionnèrent concurremment jusqu’en 1881, date à laquelle le

Ministre de la Guerre remit au propriétaire civil l’exploitation complète des sources, avec ses

constructions et ses appareils balnéaires, en lui imposant de recevoir chaque année à charge de

remboursement un certain nombre de militaires; au lieu du nombreux personnel qui était envoyé

auparavant, un seul médecin-major fut détaché chaque année pour soigner les militaires

hospitalisés313

.

Parmi les productions géognostiques que le sol algérien pourra offrir aux investigations des

naturalistes, il en existe un peu éloigné d’Alger.

Il s’agit de la source d’eaux thermales et minérales qui se trouve sur les terres de la tribu de Béni

Khalil, à l’extrémité est sud est de la Mitidja.

Cette source, connue depuis longtemps par les autochtones, et dont le docteur Méardi a été lui-

même à portée d’apprécier les effets salutaires pendant les huit années qu’il a passées à Alger en

qualité de médecin attaché au consulat de Sardaigne, s’échappe d’un vallon arrosé par une

branche de l’Harrach, et entouré de montagnes escarpées et arides à l’est, d’une pente douce et

d’une fertilité remarquable au sud.

Ce lieu est nommé par les autochtones : Hammam-El Louan (bain de couleur), en raison peut-

être de la couleur légèrement opaline de l’eau de la source, et d’une incrustation blanchâtre

qu’elle dépose aux environs. Sa saveur est très salée, mais sans amertume ; sa température est de

25 à 26 degrés Réaumur. « Les personnes qui l’ont fréquentée disent qu’il règne dans cet endroit

une odeur de soufre très prononcée, et néanmoins l’analyse aussi exacte que possible qui a été

faite de cette eau n’a révélé aucune parcelle de cette substance. Il serait possible cependant qu’à

l’état gazeux elle s’évaporât en sortant de la terre.

313

J Moreau : Médecin-major de l’Hôpital militaire de Bône, Eaux thermales d’Hammam-Meskoutine, Imprimerie

Dagand, Bône, 1858.

A Piot : Médecine de l’hôpital militaire de Constantine, Trois saisons à Hammam-Meskoutine 1890-1891-1892,

Société d’éditions scientifiques, Parie, 1893.

Deuxième Partie Chapitre Quatrième

209

Son analyse, à laquelle le docteur Méardi a procédé d’accord avec M. Marie, pharmacien major

de l’hôpital militaire du Dey, a donné les résultats suivants :

Son poids spécifique est à l’eau distillée comme 1,000 est à 1,025.

Un litre d’eau a donné les produits suivants :

1° Hydrochlorate de soude (sel de cuisine)..............0,022 000 gr ;

2° Hydrochlorate de chaux.......................................0,001 000 gr ;

3° Carbonate de chaux..............................................0,000 500 gr ;

4° Sulfate de chaux...................................................0,001 000 gr ;

5° Silice.....................................................................0,000 500 gr ;

6° Trace d’oxyde de fer, à peine perceptible.................................

Total sur le litre............................0,025 000 gr.

« Partant de ce résultat, et, en supposant même qu’il ne soit pas de la dernière exactitude, je

n’hésiterais pas moins à affirmer que l’usage de ces eaux peut à peu près égaler celui des eaux

thermales de France, telles que celles connues de Plombières, de Bourbonne-les-Bains

(analysées par Bosq et Bezu), dont on a fait en tout temps un pompeux éloge, et celles de

Balarue (analysées par M. Brougniart). Il me serait difficile d’énumérer ici les vertus

thérapeutiques de cette source, dont les habitants du pays, même ceux des contrées les plus

éloignées, viennent chercher les effets salutaires pour guérir les diverses maladies dont ils sont

atteints. Je me bornerai à dire que sa réputation est méritée, puisque le docteur Méardi a été à

même de constater ses propriétés énergiques dans le traitement d’un grand nombre d’individus

musulmans ou juifs, et que ses résultats ont toujours été satisfaisants ».

Elle offrit à l’armée et à la population des moyens curatifs plus forts et plus prompts que ceux

que la médecine mit à leur disposition. Elle parût surtout propre à combattre les affections

cutanées rebelles, et particulièrement une espèce de dartre assez commune dans le pays, qui

paraît avoir quelque analogie avec le « yaws » des Éthiopiens; les douleurs rhumatismales ou

arthritiques, les engorgements des articulations dans les affections chroniques de l’utérus, et dans

les obstructions abdominales314

.

Si le thermalisme était connu depuis toujours en Algérie, c’est aux militaires français que revient

sa forme moderne et son utilisation scientifique à but thérapeutique.

314

Arsen Berteuil : Pharmacien en chef des Hôpitaux militaires de l’armée d’Afrique, L’Algérie française, Tome 1,

Dentu libraire-éditeur, Paris, 1856.

Deuxième Partie Chapitre Quatrième

210

2.8. Architecture et urbanisme sanitaires.

Les plans d’alignement, les premières opérations d’urbanisation étant du ressort des militaires,

nous essayerons donc de mettre en exergue le rôle de ces derniers lors de l’installation du

système sanitaire dans les différents corps constituants (médinas et ville coloniale) Constantine

et Annaba ; certes proches géographiquement mais différentes non seulement dans leurs

fonctions militaire et civiles mais aussi dans l’intérêt qu’elles avaient aux yeux des colons.

Les militaires peuvent être considérés comme « hygiénistes » selon la terminologie en usage

chez les architectes et urbanistes. En dehors du système destruction / construction, une autre

forme de politique militaire fut adoptée la ségrégation des populations.

La politique des percées étant à la mode en France et ayant fait ses preuves militaires, elle fut

adoptée en Algérie. La morphologie du site ainsi que celle de la médina de Constantine ont

contribué fortement à cette séparation. Ainsi la population musulmane et juive (avant

l’apparition du décret Crémieux octroyant des avantages à la population judaïque)315

ont été

cantonnées dans le périmètre de la vieille cité, quant à la population européenne elle s’est vu

attribuée les logements de type européen nouvellement construits sur les percées avant

l’extension de la ville européenne.

La prise de Annaba a eu pour résultat la désertion de celle-ci par la majorité de la population

locale quelque soit sa religion, et la venue massive, et ce dès le mois d’avril de l’année qui suivit

sa prise, d’étrangers appelés en grand nombre et ayant des différentes origines comme

corailleurs, ouvriers spécialisés ou agriculteurs afin de pourvoir à la colonisation par peuplement.

A la fin da même année, Annaba française comptait 6000 habitants dont plus de la moitié étaient

européenns, avec 500 arabes, l000 turcs (donc 1500 autochtones) et 1 français civil. En 1897 elle

comptait 33 000 européens (hors français de souche au nombre de 6600)316

, qu’il fallait loger et

protéger mais dont il fallait aussi se protéger.

Si à Constantine les décisions étaient simples - Arabes et judaïques à l’intérieur de la médina et

européens dans les logements construits pour eux - il n’en est pas de même à Annaba où nous

assistons à une autre forme de ségrégation : français de souche séparés des autres européens. De

nouveaux quartiers sont construits mais de façon spécifique aux différentes nationalités : quartier

315

Archives d’Outre Mer, Dossier F80/ 524 et 525 traitant du Sénatus-consulte. 316

Archives municipales de la ville de Constantine, Recensements de la population en Algérie années : 1897.

Deuxième Partie Chapitre Quatrième

211

Ste Anne aux maltais, quartier Mercis aux espagnols, Joinonville aux Italiens, la ville moderne

aux français de souche (corses compris) et la médina aux arabes et aux judaïques.

Il est aisé de comprendre que les différentes populations ne bénéficièrent pas de façon égale des

idées hygiénistes des ingénieurs du génie militaire. Ce sont les logements arabes qui eurent droit

en dernier au système d’égouts, de la nécessité de salles d’eau dans tous les logements. Si

l’exigence de l’ensoleillement des logements était de mise dans les logements nouvellement

construits, ceci n’était plus le cas dans les maisons arabes qui ne se trouvaient pas sur les

percées. Ce qui nous pousse à poser la question suivante : est-ce vraiment dans un but hygiéniste

que les ouvertures des façades arabes sont agrandies ? Ou bien est-ce juste pour un souci

esthétique des percées ?

Les plans d’alignements avec tout ce qu’ils comportaient comme idées hygiénistes ont d’abord

été appliqués aux quartiers européens. Là aussi il fait remarquer que les immeubles destinés aux

français de souches (d’une certaine classe) sont de meilleure qualité non seulement du point de

vue architectural mais aussi du point de vue hygiène : les toilettes ne sont pas exigées pour

chaque logement mais pour un immeuble ; nous relèverons qu’il en était de même en métropole.

Il en est de même pour la plantation d’arbres le long des nouvelles artères (dont les essences sont

soigneusement choisies en fonction des microclimats des villes) et du pavage des rues en

remplacement du macadam jugé insalubre.

Nous comprenons que le souci porté à la santé des autochtones était secondaire. Par ailleurs ces

derniers ont beaucoup perdu avec le système des percées car leurs logements correspondaient à

leur climat et à leur mode de vie. Tous ces changements ne sont pas sans effet sur la santé

physique et morale de la population arabe.

Un programme de M Jonnart devait permettre de doter les arabes des tribus et des villes , d’un

système d’assistance médicale mettant à leur portée et à l’aide de ressource budgétaires

relativement peu importante, les conseils de praticiens et les médicaments.

Conclusion

Ainsi que nous venons de le voir, les conditions sanitaires des français étaient désastreuses aussi

bien en France qu’en Algérie. Les épidémies connues en Europe au XIXème siècle, furent

transportées en Algérie par les bateaux des contingents militaires. Par ailleurs les conditions

climatiques furent difficiles à supporter par les populations non habituées au climat chaud de

Deuxième Partie Chapitre Quatrième

212

l’Algérie. En outre ce n’est que durant ce siècle que l’on voit apparaitre les premières règles

d’hygiène, qui étaient auparavant rudimentaires.

Cette méconnaissance de l’hygiène et des moyens de propagation des maladies n’ont fait

qu’aggraver l’ampleur des épidémies. Si la France connaissait des difficultés pour une bonne

couverture sanitaire sur son propre territoire et avait e recours aux médecins militaires afin

d’assurer le minimum, il est clair qu’elle en rencontrerait de plus grandes dans un pays avec

lequel elle était en guerre et au climat différent.

Nous avons vu précédemment pourquoi l’investissement des français en matière de santé en

Algérie était important. Le peuplement de l’Algérie étant son objectif, elle se devait d’assurer

une prise en charge médicale, non seulement de ses propres citoyens mais aussi des autochtones

considérés comme main d’œuvre à bon marché. Les investissements de la France, en matière de

santé en dehors des hôpitaux, touchèrent aussi l’enseignement de la médecine et le thermalisme.

Deuxième Partie Conclusion

213

Conclusion de la deuxième partie.

Sous la régence ottomane, l’Algérie était divisée en trois provinces. Elle était gérée par le dey et

ses deux beys installés dans chacune des provinces. La coordination ente ces derniers et les

autochtones se faisait par l’intermédiaire des Caïds. Les turcs étaient installés dans les cités alors

que les garnisons, essentiellement des kouloughlis, étaient installées dans les villes de garnison à

l’instar de Mila dans le beylik de Constantine. Ces villes de garnison formaient les bases arrière

de l’armée ottomane. Si les ottomans ont très peu investi dans l’urbanisation et la création de

voies, nous leur reconnaissons leur apport en matière d’hygiène par la construction de fontaines,

bains mais aussi d’aqueducs et l’ l’instauration de ramassage des ordures. De même religion que

les autochtones ces introductions ne furent qu’une continuation naturelle du système sanitaire

arabe. La médecine arabe en générale et la musulmane en particulier est fondée sur l’hygiène, la

diététique mais aussi sur les idées , la philosophie, l’anatomie, la psychologie , la superstition, les

pathologie, la toxicologie et le climat et les sens dont la musicologie entrait en thérapie.

À la conquête, l’Algérie ne possédait pas d’hôpitaux tels que connus en Europe. Ce qui rendait la

couverture sanitaire en matières de soins d’abords militaires puis civils, difficiles.les besoins

normaux se sont vu accentués par une acclimatation pénibles pour les civils et militaires d’une

par et par les endémies locales et les épidémies venues d’Europe d’autres parts. Par ailleurs la

France elle-même était en manque de personnel soignant sur son propre territoire. Elle se

trouvait donc contrainte à prodiguer des soins aux militaires, aux civils européens amenés dans le

cadre du peuplement et aux civils algériens en tant que main d’œuvre à bon marché et

susceptibles de transmettre les maladies. Malgré cela l’Algérie offrait d’énormes potentialités

économiques à une France dont l’économie se trouvait en difficulté.

Durant La période de conquête puis de colonisation, la France connut plusieurs régimes lesquels,

afin de réglementer la colonisation puis le peuplement, établirent des lois et règlements qui se

sont vu réaménagés au fil des changements politiques. Seulement ces derniers avaient le même

objectif expansionniste qui leur permettait de réaliser leurs projets de colonisation et de

peuplement. Le foncier fut à la base de ceux-ci, notamment en intramuros où la densité du tissu

est extrême. Ces lois et règlements affectèrent aussi le statut des autochtones dans l’État français.

L’Avènement de la IIIème république mit fin à ces changements.

Deuxième Partie Conclusion

214

Le XIXème siècle fut le siècle où l’on enregistra d’énormes développements et d’évolutions dans

le domaine de la construction. La révolution industrielle engendra de nouveaux corps de métiers

relatifs à la réalisation mais aussi un revirement dans l’enseignement et la pratique de

l’architecture et des espaces urbains ; il vit la genèse de l’architecture moderne et de l’urbanisme

opérationnel. Ceux-ci prennent particulièrement en considération les notions des idéologues, des

médecins hygiénistes, des hydrauliciens et autres ingénieurs dans les conceptions. Ce sont ceux

du Génie militaires et ceux des Ponts-et-Chaussées qui vont adopter en premier les nouvelles

techniques.

Les services du Génie ayant en charge la construction des fortifications et des voies de

communications en Algérie appliquèrent ces idées nouvellement acquises. Ils furent suivis dans

leur action par ceux des Ponts-et-Chaussées et des Bâtiments Civils plus tard.

Les ingénieurs du Génie avaient reçu un enseignement spécifique dans l’École de Metz. Cet

enseignement prônait la régularité, l’économie dans la gestion des budgets et des espaces, la

fonctionnalité et un regard globalisant des projets concernant la place à fortifier ou à aménager.

Leurs actions acquirent plus d’importance au regard des problèmes sanitaires rencontrés en

Algérie.

Ces derniers ne furent pas spécifiques à l’Algérie, car la France connaissait aussi les épidémies,

la tuberculose, la syphilis mais aussi le manque de médecins. Elle faisait appel aux médecins

militaires pour assurer la couverture sanitaire des civils, durant une période où les idées

hygiénistes commençaient à s’imposer au Monde même de façon rudimentaire.

Les militaires durent faire face aux endémies locales, à l’acclimatation, aux blessures de guerre

mais aussi aux épidémies importées avec les contingents militaires et civils appelés dans une

visée de peuplement. Ce qui eu pour corolaire les investissements de la France, en matière de

santé qui touchèrent aussi l’enseignement de la médecine et le thermalisme.

Troisième Partie Introduction

215

TROISIÈME PARTIE

LES CASERNEMENTS ET FORTIFICATIONS ET LEURS IMPACTS

À ANNABA ET Constantine.

Introduction.

La conquête armée d’un pays en vue d’une colonisation induit automatiquement l’installation du

conquérant dans le pays conquis. L’armée après les campagnes se sédentarise et occupe les lieux.

L’armée française, comme nous l’avons vu dans la première partie, constituée de plusieurs corps

avait un besoin pressant de bâtiments pour abriter ses soldats. Elle agit en Algérie comme toute

autre armée conquérante et victorieuse, c'est-à-dire en s’appropriant en premier lieu les anciens

casernements puis les bâtiments civils qu’elle trouve sur place317

. L’édification des fortifications

obéit à des règles, comme nous l’avons vu dans la seconde partie318

, auxquelles les maréchaux de

camps ne peuvent déroger et que nous essayerons de retrouver lors de notre analyse.

Les équipements militaires se différencient par la fonction qu’ils abritent. Sous le terme

d’équipements militaires nous entendons tout équipement appartenant à l’armée. Ils peuvent

relever du système défensif (fortifications 319

, blockhaus et forts, etc.), de logements (les

casernements320

), de l’arme train (les écuries pour chevaux, ânes ou abris pour leurs attelages) et

tous les équipements de service et annexes que nous retrouvons sous la forme civile (les

tribunaux, prisons, hôpitaux, clubs, etc.), permettant à la société militaire de fonctionner en

autarcie (forges, ateliers d’entretiens, dépôts, fours à chaux, poudrerie, abattoirs et boucherie,

etc.). Certains sont intégrés aux différents casernements des différents corps d’armée, d’autres

sont isolés et au service de l’ensemble des corps d’armée.

Si dans les nouveaux projets les concepteurs sont membres du Génie ou de la direction des

fortifications, il n’en est pas de même dans les projets de rénovation et de développement. Dans

317

Place : nf. Place ou place forte, ville de guerre, forteresse. Fortifier, assiéger, attaquer une place.- Bureau de

commandement d’une place.- Place d’armes, lieu spacieux destiné à des revues, à des exercices militaires.

Dictionnaire Quillet de la Langue Française, Librairie Aristide Quillet, Paris, 1948. 318

Cf. Supra, Deuxième Partie, Chapitre Troisième, Sous-chapitre 3.1.1.2 l’Enseignement suivi par les ingénieurs

du Génie militaire. 319

Fortification : nf. Ouvrage de défense (tranchées, abris, boyaux, fortins, forts, etc.) ou ensemble des ouvrages de

défense d’une ville, d’une contrée. Dictionnaire Quillet de la Langue Française, Librairie Aristide Quillet, Paris,

1948. 320

Casernement : nm. Ensemble des bâtiments d’une caserne. Dictionnaire Quillet de la Langue Française, Librairie

Aristide Quillet, Paris, 1948.

Troisième Partie Introduction

216

une même caserne chaque commandent de corps est responsable du projet de son bâtiment (dans

les cas d’amélioration, de développement, etc.). Seulement, il doit se soumettre au Directeur des

Fortifications (pour des raisons de sécurité intérieure, défense extérieure et attaque) puis au Chef

du Génie (pour des raisons de stratégie globale, de technique et d’économie). Ces deux derniers

ont une vision plus générale de la Place.

La prise de deux villes, Constantine et Annaba, s’est déroulée de manière tout à fait différente.

L’une s’est rendue et l’autre a été conquise par les armes après deux expéditions. Cette conquête

n’est pas sans conséquences sur le bâti (destruction partielle de la ville de Constantine) ni sur le

nombre de soldats en place. Par ailleurs la topographie du site, jouant un rôle déterminant lors

des campagnes militaires, est totalement différente d’une ville à une autre : Annaba est situé en

bordure de mer alors que Constantine est juchée sur un rocher avec comme limite un canyon de

grande profondeur (variant de 50m à 180m). Les limites naturelles des deux cités vont avoir des

implications importantes dans leur développement spatial.

En outre, Annaba et Constantine diffèrent dans leur statut durant la période ottomane et sont

donc différemment aménagées. Les ottomans comme nous l’avons vu précédemment n’ont pas

effectué de grand travaux de construction en Algérie, se limitant aux casernements et à quelques

palais et mosquées. Ce sont donc peu de bâtiments de grande ampleur que trouveront les français

à leur venue.

Constantine, ville de garnison, chef lieu du beylik, inclut en son enceinte le palais du Bey, la

citadelle de la Casbah et la caserne des janissaires. Alors que Annaba, simple ville portuaire et de

transit, ne comprend que quelques forts le long de l’enceinte face à la mer et une citadelle (plus

petite que celle de Constantine) extramuros et surplombant la ville. Chacune des deux villes

conquises, comprend une citadelle qui sera donc le premier bâtiment militaire français dans la

ville conquise. L’armée française, pour loger ses troupes, réquisitionnera tous les bâtiments qui

lui sont nécessaires : casernes, palais, mosquées, maisons et caravansérails (fondouks). Il est à

noter que la garnison de la Place de Constantine, sous les ottomans, est située à Milla. Cette

dernière joua le rôle de base arrière de l’armée ottomane ; elle comprenait malgré sa petite taille

une casbah abritant son armée de kouloughlis. C’est de Milla que partaient les troupes lors des

campagnes offensives, les troupes se trouvant à Constantine n’assuraient que la défense de la

cité. La casbah de Mila représentait au regard de l’armée française une même importance qu’elle

eut durant la période ottomane.

Troisième Partie Introduction

217

Le renforcement de la Place de Constantine incluait ainsi celle de Mila. Nous tenons à le préciser

afin de comprendre comment et pourquoi les casernements de la ville de Constantine au début de

la colonisation se sont établis dans et autour de la ville.

Dans cette partie nous essayerons de voir comment les militaires français ont agit sur l’espace

bâti et non bâti puisque les villes se sont développées en premier lieu à l’intérieur des enceintes

puis ont débordé. Les espaces intramuros se sont vite révélés insuffisants vu la politique

française de développer le peuplement même si à l’origine cette idée n’était pas le but en soi de

la conquête. L’évolution de l’idée politique est immédiatement suivie d’une évolution spatiale.

Nous étudierons, à travers les casernements et les fortifications comment se sont effectuées

l’installation des troupes puis l’édification des équipements militaires. L’impact sur le bâti et le

non bâti serra traité conséquemment. Si les plans d’alignement et de redressement ont libéré des

assiettes qui ont servi à la construction de nouveaux immeubles, ces derniers ne suffisaient plus à

contenir une population européenne de plus en plus importante, mais aussi réticente au

côtoiement des autochtones. L’extension des villes s’est imposée de fait et c’est aux militaires de

prévoir et de concevoir les villes européennes.

Troisième Partie Chapitre Premier

218

CHAPITRE PREMIER

LES CASERNEMENTS ET FORTIFICATIONS ET LEURS IMAPCTS À ANNABA.

UNE IMPLANTATION INTRAMUROS.

Introduction.

La présence des français à Annaba est antérieure à la conquête française puisque de 1801 à 1815,

le Dey accepte la présence française à Annaba. En 1830, le général Danrémont prit la ville mais

ne la conserva pas suite à une campagne organisée par le Bey Ahmed de Constantine. Il faut aux

français, attendre mars 1832, pour occuper définitivement la ville. Cette dernière devint la base

d’opérations pour les français. Elle ouvrait une voie d’accès dans l’intérieur et permettait

d’atteindre Constantine par l’Est. « Bône avait tout intérêt à échapper à l’emprise du Bey Ahmed

Ben Cheikh de Constantine »321

.

Le port de la ville constitue depuis plusieurs siècles le principal atout. Il est le plus important du

beylik de Constantine. « Bône, était une place de premier ordre aux points de vue maritime,

militaire et commercial322

». Au point de vue commercial, c’était le débouché de toutes les

richesses de l’intérieur : cuirs, laines, grains,….

Annaba ottomane, se présentait comme une petite ville du littoral sécurisée par son enceinte, par

la citadelle qui la surplombait et par une série de petits forts installés le long de la côte.

La ville de Bône est située au fond d’une rade. Elle était un refuge pour les navires de cette côte

abrupte et elle permettait de surveiller la pêche de corail. Bône se présente comme un

« mouillage d’été » alors que les sites voisins du fort génois se présentent comme un « mouillage

d’hivers ». Bône apparait donc accessible de la mer quelque soit la saison et sans frais immédiats

d’aménagement de ces deux mouillages.

En dehors de la citadelle de la casbah, qui est située à l’extérieur de l’enceinte, et de quelques

sanctuaires et mosquées, la ville ne comprend pas de bâtiments importants.

1. La ville de Bône : atouts et contraintes.

Dans le mémoire militaire de 1832323

, la ville est décrite dans son cadre physique naturel et bâti.

La ville de par sa position géographique et sa topographie ne présente aucune similarité avec

321

Maitrot capitaine, Bône Militaire. 44 siècles de luttes du XXIVème avant au XXème siècle après notre ère, Édit

Imprimerie centrale A.-M. Mariani, Bône, 1912. 322

Idem. 323

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 847, Article 1, N° 03, en date du 24

juin 1832.

Troisième Partie Chapitre Premier

219

Constantine. Sa position géographique lui confère une fonction toute autre que celle de

Constantine et qui est directement liée au port.

L’enceinte de la ville ayant environ 1600 mètres de développement, est un quadrilatère irrégulier

dont deux cotés sont baignés par la mer. Elle est qualifiée de mauvaise muraille, pourtant elle est

flanquée de tours multiples et extrêmement petites avec quelques décrochements lui donnant un

meilleur flanquement ; cette muraille est percée de quelques créneaux dans sa partie supérieure,

sa hauteur varie de six à dix mètres. Des arceaux qui y sont appuyés intérieurement, ou bien des

surépaisseurs, supportent dans une grande partie de son développement un rempart dont la

largeur varie de 0.5 à 2 mètres. En plusieurs endroits ce rempart n’existe pas et la circulation est

interrompue.

Fig.56 : Plan de Bône entre 1832 et 1836

Source : site web324

La partie de l’enceinte qui relie la porte de Constantine au fort Cigogne, est bâtie sur la plage et

apparait comme la plus sûre.

D’après ce mémoire, l’enceinte disparait au-delà de ce fort sous des maisons dont elle a été

encombrée et à travers les ruines desquelles existent plusieurs sentiers qui descendent jusqu’à la

mer et qui sont très propices à faciliter des attaques surprises. C’est par cette partie de l’enceinte,

que les ottomans de Constantine ont enlevé la place au mois de mars 1832.

324

www.kolea-bone.net,

Troisième Partie Chapitre Premier

220

Les deux fronts du côté de la terre sont précédés d’un petit fossé qui parait avoir été creusé plutôt

comme égout que comme réelle défense.

Cette enceinte est percée de quatre portes :

la porte de la mer ou Bab Bhar renommée : Porte de la marine donnant sur la plage ;

la porte de la casbah située sur le point le plus élevé de l’enceinte de terre à sa jonction

avec l’enceinte de mer. Cette porte débouche sur le chemin qui mène au fort génois ;

la porte Zikhan sur le front nord-ouest renommée ; Porte Damrémont et qui mène vers les

sanctuaires des sept santons : « Sabaa Er-Rgoud » ;

la Porte de Constantine situé dans l’angle ouest de l’enceinte sur le front de la plaine. Elle

est protégée, à l’extérieur, par un fortin ou « Bordj ». la route de Constantine y aboutie.

En avant de cette porte se trouve un caravansérail.

Si nous reprenons ce descriptif c’est qu’il induit tous les travaux de fortification à faire et dans

l’ordre d’urgence.

2. Les casernements et Les fortifications.

Les premiers travaux des militaires français concerneront les fortifications et les casernements.

Dans son livre « Bône militaire », Maitrot décrit la première organisation militaire de la ville.

« On fit remise à l’artillerie de 4 canons en batterie dans la casbah….. l’officier du Génie,

capitaine Ballard, fit aménager le logement des soldats, déblayer les rues et ouvrir des voies de

communications de dix mètres de largeur….. ; il y eut aussi les rues d’Armandy, Yussuf, du

Couëdid…le médecin organisa un hôpital dans la mosquée de Sidi Marouane…l’officier

d’administration des subsistances installa ses magasins près de la porte de la Marine…. On

établie un marché du côté de la route de Constantine avec un poste d’un peloton…. ». Le 15 mai

1832 le général Mok d’Uzer pris le commandement de la place.

Les fortifications existantes avant la prise, se composaient de la casbah, des batteries des

Caroubiers et des Cazarins, du fortin des Santons et du fort Génois. La ville n’ayant pas la même

fonction que Constantine sous l’empire ottoman, n’était pas organisée et ne comportait pas les

mêmes édifices. Aussi les équipements trouvés sur place n’ont pas l’ampleur.

La qualité de l’enceinte ainsi que la fragilité de la place due à sa topographie et à la présence de

marécages, engendrent les travaux suivant :

Troisième Partie Chapitre Premier

221

réparation du mur d’enceinte fortifiée par des blockhaus envoyés de France tous faits. Ils

étaient construits en planches et avaient la forme d’un carré de 6m de côté avec 44

créneaux à l’étage supérieurs ;

installation du premier poste fortifié de blockhaus au pied de l’Edough pour protéger

l’aqueduc, le deuxième en avant du pont des Khérasas ( au niveau de la plaine ouest), le

troisième sur le mamelon est d’Hippone et un quatrième au pied de la casbah afin de

protéger le premier Lazaret situé au delà de la Grenouillère ;

agrandissement du rempart et construction de celui-ci dans les parties où il est inexistant

induisant la destruction de certaines maisons ;

création du chemin de ronde qui devra cerner la cité ;

construction du mur d’enceinte dans sa partie la plus haute à la suite de la démolition des

maisons qui recouvraient l’ancien mur ;

renforcement du fortin de la porte de Constantine ;

élargir et approfondir le fossé sur les fronts de terre. Les terres qui proviennent de cet

agrandissement serviront à couvrir les pieds de la muraille ;

construction d’un retranchement au niveau de la colline des Santons. Ce retranchement

est insuffisant et la construction d’un fortin est nécessaire ;

fortifications des sanctuaires dont trois font partie de l’enceinte. Ces deniers sont

crénelés. le plus avancé des trois sera surmonté d’un étage de manière à former un

blockhaus ;

aménagement du caravansérail occupé par les hommes de troupe ;

aménagement d’un chemin couvert entre le caravansérail et la porte.

2.1. La logique d’implantation des casernements et fortifications.

Le mémoire325

décrit ici aussi un scénario d’attaques soit par les arabes venant des terres

intérieures soit par les européens venant de mer. Ce scénario permet au Génie de justifier

l’emplacement des futurs équipements militaires mais aussi les améliorations et travaux de

réfection à faire. Bône étant située sur le littoral se trouve non seulement en position de faiblesse

par rapport à l’intérieur du pays non encore entièrement conquis, mais aussi face à un ennemi

européen venu de la mer.

325

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 847, Article 1, N° 03, en date du 24

juin 1832.

Troisième Partie Chapitre Premier

222

Les travaux prévus pour la porte de Constantine et le caravansérail apparaissent comme

suffisants pour défendre la place sur son front ouest. Par contre le chef du Génie et le directeur

des fortifications de la place redoutent tous deux la colline des Santons ainsi que les sanctuaires

qui s’y trouvent, jugés petits « Ribat » et donc soumis à la volonté musulmane et par de la même

au Bey de Constantine. Le front Nord-ouest devrait être plus fortifié. « On peut dire sans

exagérer que de l’occupation de ce point dépend la conservation de Bône »326

. Nous comprenons

ainsi l’installation d’une redoute sur la colline ainsi que celle du casernement de la cavalerie en

amont de cette redoute et face à la porte Danrémont. Cette redoute et les baraquements des

Santons seront cédés temporairement en 1860 aux Bâtiments Civils, pour une jouissance sans

redevances. Cette cession n’a pu être faite que lorsque le magasin à poudre de la Régie a pu être

construit sur le plateau des Santons.

Ce front se retrouve renforcé par la présence du retranchement, du blockhaus de la porte

Danrémont et de la redoute et du casernement situés entre les deux. Cet ensemble permet non

seulement de défendre la place dans sa partie faible mais aussi de surveiller la plaine. Il est à mi-

chemin entre la casbah et la porte de Constantine.

La casbah dont le mur d’enceinte se développe sur une longueur de 600m, est jugée d’assez

bonne défense. Sa situation, couronnant le mamelon, ainsi que sa forme orientée vers la mer font

qu’elle répond aux attentes défensives d’un fortin situé sur le littoral mais défendant une place.

Le mémoire la décrit comme ayant le même caractère architectural que les constructions de la

ville. Cependant son enceinte est jugée de meilleure qualité et le rempart présente assez de

largeur en certains endroits permettant de recevoir de l’artillerie. Son seul point faible est son

petit côté au Nord. Le génie le protègera par l’installation d’une batterie.

Le front de mer sera donc fortifié et ce jusqu’au fort gigogne. Au-delà de la ville et jusqu’au fort

génois, l’installation de batteries d’artillerie dirigées vers la mer trouve son explication dans la

peur d’une attaque européenne. Le fort génois assisté d’une batterie (29) assurera la défense des

plages de mouillage. Car les plages de la côte ouest sont très peu profondes ce qui empêche tout

débarquement à leur niveau.

Les travaux prévus à l’extérieur de la ville permettent aux militaires de défendre dans l’immédiat

la place d’une attaque qu’elle vienne de la mer ou de la terre.

326

Maitrot capitaine, 1912, op.cit.

Troisième Partie Chapitre Premier

223

La casbah et les casernements et le caravansérail existants ne peuvent accueillir de nouveaux

hommes de garnison comme l’exige le système de défense d’une ville aussi importante du point

de vue stratégique et économique. Ce qui exigeait donc l’appropriation de maisons en attendant

la construction de nouveaux casernements et de nouvelles fortifications.

Dans l’apostille de 1839, concernant le budget alloué à la location de maisons pour le

casernement et les services nous avons relevé le nombre de 44 maisons réquisitionnées pour le

logement des officiers. Cette appropriation a été menée de façon à obéir à la logique de guerre,

c’est-à-dire cerner la ville par la garnison. Donc à la ceinture physique de l’enceinte se superpose

la ceinture humaine. Une ville qui s’est rendue ne présente pas de danger réel. L’ennemi venant

de l’extérieur, c’est donc sur le pourtour de la ville que vont camper les hommes. Bône est ainsi

ceinturée trois fois.

Même si physiquement, nous n’avons pas la même configuration qu’à Constantine, nous

retrouvons la même logique : une surveillance et une défense intramuros, une ceinture physique

défensive qu’est l’enceinte et une autre ceinture créée par le réseau des fortifications extramuros.

La fortification du mur d’enceinte ainsi que celle des portes sera encore à l’ordre du jour dans les

différents mémoires militaires et ce jusqu’en 1846 où le Génie projette de joindre la casbah à la

ville.

La porte de Constantine recevra encore deux bastions avec arceaux. L’un des deux recevra de

l’artillerie située sur un couronnement crénelé. La porte serait précédée d’un pont dormant en

remplacement du pont levis construit en 1839327

, au dessus du fossé. Les améliorations de

fortifications vont dépendre du projet du port et de l’agrandissement de l’enceinte ; la ville ne

peut plus contenir de nouveaux équipements qu’ils soient civils ou militaire.

Ainsi en 1847, le Génie propose de reprendre les réparations des fortifications notamment la

brèche qui a été formée sur le front de Constantine à droite de la porte et celle qu'a nécessité la

mise en état des batteries de côte provisoires. Ces réparations sont jugées nécessaires et urgentes

afin d'éviter l’écroulement du mur d'enceinte. Le mauvais sol de fondation du à la présence des

marécages est la principale raison des travaux à mener sur le front Ouest.

Il est aussi question de construire un escalier en maçonnerie qui mène à la casbah pour racheter

le ressaut qui existe au niveau du mamelon. La jonction d’un équipement militaire est aussi

327

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 848, Article 2, N° 21, en date du 1er

mai 1839.

Troisième Partie Chapitre Premier

224

primordiale. Un équipement perd de son efficacité défensive s’il se trouve isolé. Il semble que la

pente ne permettait pas de construire une voie directe entre le casernement et la casbah.

Sur la carte qui suit nous retrouvons les équipements militaires nouvellement créés longeant le

mur d’enceinte. Le mémoire militaire328

que la carte accompagne donne assez de renseignements

sur l’état de fortifications de la place

Fig.57 : Les principaux équipements militaires de la Place de Bône en 1848

Source : archives SHD, Vincennes, Paris, traité par l’auteur 329

Établissements permanents : A : quartier de la cavalerie casernement, B : quartier pour l'artillerie, le génie et le

train des équipages, cc : établissement du campement et des lits militaires, D : conseil de guerre en projet, E : prison

militaire en projet, F : arsenal d'artillerie, G : manutention en construction, H : hôtel du commandant supérieur,

I : logement du chef du Génie et bureaux en projet (n), K : Hôpital en construction, L : caserne d'Orléans, M :

caserne Damrémont, N : caserne de la marine, O : logement du commandant de Place et bureaux en projet, P :

redoute des Santons ; R : annexe d’artillerie et poudrière ; S : fortin de la porte de Constantine

Casbah: Q : magasin à poudre, R : pavillons d'officiers, S : magasin pour le régiment d'infanterie, T : caserne

d'infanterie, 142 D. logement d'un sous- lieutenant militaire

Établissements civils : U. mosquée ; V. église ; X. administration des ponts et chaussées ; Y. douane ; Z. Hôtel du

directeur de l'intérieur.

328

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 848, Article 2, N° 39 ; en date du 14

avril 1848. 329

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 847, Article 1, N° 09, en date du 20

avril 1845.

Troisième Partie Chapitre Premier

225

La place de Bône est entièrement fermée sur tout son pourtour. Les portions d'enceinte écroulés

tant à l'intérieur qu'à l'extérieur ont été reconstruits. Les parements de ce mur d'enceinte ont été

réparés depuis la porte de la casbah jusqu'à le porte de Constantine il reste à faire le même travail

sur le front maritime depuis la porte de Constantine à la porte de la casbah. Le front maritime

comporte non seulement le siège de commandement mais aussi l’hôpital militaire : il y a lieu de

protéger les casernements et autres équipements.

La circulation a été rétablie sur tout le pourtour de la place ; dans le petit nombre d'endroits où la

banquette en maçonnerie n'existe plus, les militaires ont établi une banquette en charpente ; à

gauche de la porte de Constantine une partie des casemates qui supportent le chemin de ronde est

en très mauvais état et nécessite une reconstruction partielle. Nous retrouvons la logique militaire

dans l’ouverture des rues au niveau de la médina. Ainsi tous les équipements militaires sont

reliés par une trame de rues carrossables. Il est vrai que la rue du rempart permettait déjà cette

liaison mais la ligne droite demeure le meilleur tracé. La rue Louis Philippe joindra la porte de

Constantine à l’hôpital.

2.2. Les équipements militaires, une deuxième ceinture à la ville.

La ville est complètement cernée par les équipements militaires. Un chemin de ronde les sépare

du mur d’enceinte. Les équipements militaires extramuros les plus proches sont : les quartiers de

la cavalerie et de l’artillerie ainsi que la casbah, externes à la ville ; ils viennent renforcer comme

nous l’avons vu précédemment la porte Danrémont et celle de la casbah jugées vulnérables. La

topographie du site a joué ici aussi son rôle, puisque la plaine a été évitée non seulement pour sa

faible altitude (altitude recherchée pour une meilleure surveillance) mais aussi pour la mauvaise

qualité de ses sols marécageux.

Toutefois leurs emplacements leur permettent de croiser leurs feux. La faible qualité des sols

posera des problèmes constructifs aux fortifications situées sur le front de la plaine

marécageuse ; Le génie devra faire des travaux de réfection au cours des années avant

l’assèchement de la plaine.

Le port étant le principal atout de la place de Bône, ainsi qu’une population assujettie et calme,

ont fait que la ville prospère assez rapidement.

Troisième Partie Chapitre Premier

226

La population se trouve comme les militaires à l’étroit ; aussi l’administration civile a-t-elle

introduit dès 1840 une demande d’extension de la ville. Durant plusieurs années cette extension a

fait l’objet de diverses études et donc de propositions. La topographie du site ne permet que deux

éventualités : soit vers la plaine soit vers le Nord. En définitive c’est la première éventualité qui

fut adoptée et réalisée comme nous le voyons sur la carte civile de 1888 qui comporte en rouge

le tracé de la nouvelle enceinte et en bleu les vestiges de l’ancienne. Nous verrons plus en

détails, ultérieurement comment s’est effectuée cette extension.

En comparant la précédente carte et la suivante qui montre le nouveau mur d’enceinte, nous

constatons que les bâtiments existants sur le front de la plaine ont disparu. Leur présence n’était

donc que défensive.

La défense qui leur était impartie, a été reportée sur les autres équipements qui ont été fortifiés.

L’arsenal qui se trouvait au niveau de la porte de Constantine a été transféré vers la caserne

Yussuf. Le fait de transformer le parc à fourrages en champs de manœuvres en le rapprochant de

la nouvelle enceinte protège celle-ci dans sa partie ouest. La citadelle de la casbah a aussi été

intégrée dans le nouveau tracé du mur d’enceinte car la défense du côté Nord se trouve affaibli

par la transformation du fort Génois en lazaret. À l’extrême Nord (non représenté dans la carte

suivante) l’enceinte forme une petite boucle au niveau de la batterie du lion.

Fig.58 : Plan de Bône en 1888 comprenant les équipements militaires et la nouvelle enceinte

Source : Lemercier

330, Bône, 1888, Traité par l’auteur

330

Lemercier, Bône, 1888.

Troisième Partie Chapitre Premier

227

1 : la casbah ; 2 caserne Yussuf et caserne des Santons ; 3 : Annexe d’artillerie, gymnase militaire ; 4 : caserne

d’Orléans ; 5 : Caserne Danrémont ; 6 : Hôpital militaire ; 7 : Champs de manœuvres ; 8 : Poudrière.

L’enceinte est percée de quatre portes : deux au niveau du champ de manœuvres donnant vers les

routes de la Calle et de Constantine, une autre au Nord-ouest et qui permet de joindre la route

menant vers le mont de l’Edough et la dernière qui s’ouvre vers le chemin des Caroubiers qui

mène vers le cimetière musulman et le lazaret. Obéissant au même principe, le chemin de ronde

cerne la ville le long du mur d’enceinte. Les liaisons entre les casernements et les portes sont

pratiquement en ligne droite.

Le port est partie intégrante de la ville de Bône, il est aussi protégé que la cité. Il a été l’objet

d’amorce du développement urbain de la ville. Celle-ci le protège et se tourne vers lui. La

surface globale de celle-ci se retrouve ainsi doublée en un demi-siècle de présence. La ville de

création coloniale se juxtapose à la médina.

À l’exemple de Constantine, le mur d’enceinte disparait avec l’avènement de l’aviation, ce qui

libère la ville de ses limites artificielles. Les travaux d’assèchement de la plaine permettent

l’extension de la cité vers l’ouest puis vers le Nord au relief plus accidenté mais plus beau. La

présence des équipements militaires cernant la ville n’étant plus nécessaire : soit ils s’intègrent

au tissu urbain pour devenir eux-mêmes urbains, soit ils sont rejetés à l’extérieur de ce tissu en

dépendance de leur fonction (DCA, Champ de manœuvres, etc.)

Fig.59 : Les équipements militaires de Bône en 1922

Source : Archives SHD, Vincennes, Paris, traité par l’auteur331

331

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 862, Article 6/2, Plan Terrier de 1922.

Troisième Partie Chapitre Premier

228

1 : casbah, Prison militaire, casernement de la DCA ; 2 : Parcs aux fourrages ; 3 : Caserne de la Garde ; 4 : Annexe

d’artillerie, gymnase militaire ; 5 : Poudrière ; 6 : caserne Yussuf, caserne des santons ; 7 : Usine et carrière

militaires ; 8 : caserne d’Orléans ; 9 : Caserne Danrémont ; 10 : Hôpital militaire ; 11 : Place militaire

(commandement) ; 12 : Annexes de la Place ; 13 : Aviation ; 14 : Ancienne Batterie ; 15 : DCA. ; a : Batterie ; b :

Batterie du Lion.

La stabilité ressentie génère une cession de terrains appartenant au domaine militaire à la ville.

La volonté politique étant une colonisation par peuplement, les colons reprennent la priorité en

Algérie. Ainsi une large partie du champ de manœuvres est cédée à la municipalité en vue d’une

extension urbaine : c’est le futur quartier du Champ de Mars.

Fig.60 : Équipements militaires de Bône en 1958

Source : Carte d’état major 1958, traité par l’auteur

Troisième Partie Chapitre Premier

229

1 : Champ de manœuvre ; 2 : Caserne des gardes mobiles ; 3 : annexe de la caserne d’Orléans ; 4 : Caserne

d’Orléans ; 5 : Caserne Danrémont ; 6 Secteur militaire ; 7 : quartier de la Casbah ; 8 : la Marine et la batterie du

Lion ; 9 : Batterie des Caroubiers.

De la même manière qu’à Constantine, les équipements militaires, toutefois sans grande

extension, se sont retrouvés intégrés au tissu urbain ; les batteries sur le front de mer sont

maintenues. Le développement de la ville est de loin supérieur à celui des équipements. La ville

a gardé son statut de sous-préfecture et dépend militairement de la place de Constantine. Ce qui

explique la petite taille et le nombre des équipements présents.

Fig.61 : Les équipements militaires de Annaba Actuels

Source : INC, traité par l’auteur

Troisième Partie Chapitre Premier

230

Annaba indépendante va garder son statut de ville commerciale et portuaire tout en développant

l’industrie. Sa garnison dépend toujours de la 5ème

région militaire installée à Constantine ce qui

explique sans doute le peu de casernement urbain. La caserne d’Orléans a été démolie et

déménagée vers de nouveaux casernements installés en dehors de la commune mais toujours à

proximité de la ville : L’Allélick et Sidi Harb.

3. Impacts des installations militaires sur les tissus urbains existants.

En dehors de la prise de la ville de Annaba qui s’est faite de manière beaucoup plus douce que

celle de Constantine, l’installation de l’armée à Annaba a tout de même été de l’ordre de

l’agression destructrice. Une ville dense où l’espace libre est banni, ne présente en effet pas

beaucoup d’opportunités d’installation.

Il est vrai que la ville a été désertée depuis la première expédition en 1830 elle ne comptait que

1500 habitants après en avoir eu 10 000 en 1810332

. Ont-ils trouvé des maisons vacantes ? Nous

ne saurions y répondre, il n’existe pas de descriptif à ce sujet. La garnison en 1832 était de 5 500

hommes qu’il fallait loger. Le casernement a été le premier objectif militaire et celui qui a eu le

plus d’impact sur la médina et son architecture. Les interventions sur les mosquées ont elles

aussi contribué à affecter la médina.

3.1. Impacts sur le plan architectural.

L’installation d’un fort contingent d’hommes dans une cité où les casernements et les grands

édifices pouvant les contenir sont peu nombreux, ne pouvait se faire sans la réquisition suivie

dans certains cas d’appropriation de maisons personnelles. Comme nous l’avons vu plus haut, en

1848, 44 maisons étaient toujours louées à l’armée française qui y logeait ses officiers. Dans les

différents mémoires militaires et à l’instar de ceux de Constantine, il n’est donné que très peu de

renseignements de celles qui furent détruites.

3.1.1. La transformation des maisons.

Si à Constantine, les maisons ont été détruites essentiellement lors des percées, à Annaba il en a

été autrement. Nous avons vu que pour ouvrir le chemin de ronde il a fallu détruire, que pour

construire le mur d’enceinte dans la partie Nord il a fallut aussi détruire,que pour construire tous

les casernements intramuros il a fallut encore détruire et bien sûr, que pour le tracé des rues il a

332

Maitrot capitaine, 1912, op.cit.

Troisième Partie Chapitre Premier

231

aussi fallu évidemment détruire, même partiellement. La ville de Annaba n’étant pas de grande

importance (12 hectares), le bâti originel s’est vu amoindri dans une large proportion.

Le relevé de l’état des lieux effectué lors d’une étude POS de la médina de Annaba333

, estime

que seuls 30% des maisons encore existantes sont d’origine arabo-ottomane. Il est difficile du

point de vue constructif et vu les moyens, les matériaux et les procédés de construction de

l’époque, de sectionner une maison partiellement. La médina de Annaba a beaucoup perdu de

son caractère architectural originel ; l’ouverture des façades, l’introduction du fer notamment

dans le renforcement des planchers touchés lors des percées et des arcs, l’utilisation de ce

matériau pour les gardes corps en remplacement du bois sont autant d’éléments aptes à

dénaturaliser les maisons. Très peu de maisons à Annaba, présentent, jusqu’à nos jours, les

caractères de la maison arabo-ottomane introvertie.

La cour de la maison arabo-ottomane est à ciel ouvert. Dans une des maisons utilisées par les

services du Génie, nous constatons l’introduction d’une verrière pour couvrir cette cour. La

terrasse de cette maison a été complètement couverte d’un comble utilisé comme espace de

stockage.

Avant les percées et afin de mieux loger leurs hommes les militaires ont réaménagé les maisons

par l’introduction de salles de bains et de toilettes aux étages. La séparation qui existait entre

espace sale et espace propre dans une hiérarchie verticale et sacrée a disparu avec ses

introductions. Par ailleurs, les descentes d’eau usée se font très souvent en façades, ce qui n’est

pas sans impact esthétique. Par ces introductions le lissé de la façade a disparu.

La maison arabo-ottomane est citadine dans le sens où les animaux n’y sont introduits que s’ils

sont considérés comme propres (chats et oiseaux). L’utilisation de certaines parties d’entre-elles

ou encore dans certains cas l’intégralité de la maison, comme écuries n’est pas sans dommages

importants sur leur architecture. C’est le cas de la maison adjacente au service du génie dont le

rez de chaussée a été transformé en écurie pour chevaux et mulets du service. Ses étages ont

servi à l’entreposage.

*Cas du pavillon des officiers.

À travers le projet du pavillon des officiers nous essayerons de voir comment les maisons ont été

transformées pour répondre aux besoins de l’armée française. Le plan d’ensemble permet de

constater que la transformation architecturale est pratiquement accompagnée d’une action sur le

333

Abderahim Hafiane, POS de la vieille Ville, Bureau d’Études A-U-A, Annaba 2001.

Troisième Partie Chapitre Premier

232

tissu urbain. Le côté économe du génie se retrouve dans ce genre d’actions fussent-elles

minimes.

Ainsi après la réquisition de la maison pour abriter les officiers, l’ouverture de la rue sera

l’occasion pour le génie de transformer la maison jugée inconfortable et insalubre. La petite

partie de l’autre côté de la rue sera réservée aux chevaux (de 08 à 12 chevaux) et à l’entreposage.

La plus grande partie recevra trois logements (deux capitaines et un lieutenant), elle verra son

plan rectifié selon la bonne géométrie régulière du génie. Alors que les maisons de la médina ne

comprennent qu’une seule entrée en chicane, cette maison se voit percée dans son flanc gauche

pour ouvrir une porte donnant directement sur la cour. Cette ouverture n’est possible que grâce à

la construction d’un escalier car la rue latérale (rue Bonnefoi) est en pente. Le seuil des maisons

de la médina est très marqué, souvent d’une marche, mais un tel type d’escalier droit est

inexistant. Il est créé en remplacement de la galerie à trame unique, une nouvelle galerie sur

deux trames de colonnes.

Cette dernière correspond donc plus à un préau qu’à une galerie. Le volume de la maison,

comme nous le voyons sur la façade ne forme pas un bloc unique, seule une partie de la maison

est sur deux étages ; il s’en dégagera une grande terrasse que le génie semble apprécier. Deux

logements ont été créés au rez de chaussée dont le plus petit réservé au lieutenant possède son

propre accès donnant sur la rue de La Surprise par une petite cour.

Les deux capitaines se voient affectés des logements, dont un au rez de chaussée et le deuxième

à l’étage, avec chambre de domestique, cuisine, salle à manger, salon et trois chambres avec

cabinet. Les latrines, la sellerie et le bucher sont communs et se trouvent en rez de chaussée. La

chicane « skifa » d’entrée est fermée et transformée en chambre. En dehors de la grande terrasse

à l’étage, une cour est aménagée pour le logement de l’étage. La création de cours particulières

transforme la maison à usage commun en un bâtiment de rapport tel qu’il en existe en France à

l’époque. La cour originelle perd ainsi sa fonction primaire et ne garde que celle d’un puits d’air

et de lumière. La multiplication des cours répond plus à un besoin d’hygiène qu’à un besoin

fonctionnel. La polyvalence des espaces de la maison disparait au profit d’une spécialisation

spatiale.

Tous les espaces donnant sur les rues seront percés de grandes ouvertures. Du fait de la pente,

certaines se retrouveront presque au niveau du sol extérieur ; à travers l’ouverture de ces fenêtres

c’est toute la maison qui se trouve ouverte et accessible (visuellement) depuis les rues.

Troisième Partie Chapitre Premier

233

L’affectation de la fonction aux espaces ainsi créés dans une bâtisse arabo-ottomane dénote de

l’importance des changements apportés à celle-ci. Elle ne gardera de son caractère que les arcs

sur galeries et coursives et son percement vertical. Ces éléments sont reconnus par le génie

comme améliorant la qualité de vie en hiver (par la couverture des circulations centrées) et en été

par l’ombre qu’ils reportent.

L’ouverture de caves n’existe pas dans les médinas. Lorsque le terrain est en pente, c’est la

maison entière qui épouse la forme en pente. Certes, il existe des petits espaces en sous-pente

appelés « Dehliz » mais leurs dimensions restent modestes. Les caves sur lesquelles est construit

le logement des officiers sont de grandes dimensions. Ce mode de construction correspond

encore une fois à un mode européen qui préfère s’éloigner du sol naturel à cause du froid.

Fig.62 : Transformation du Pavillon des officiers.

Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris334

La maison ainsi transformée n’a rien gardé de son essence propre. Son introversion, la

polyvalence de ses espaces, sa discrétion et sa hiérarchisation spatiale ont disparu avec

l’ouverture des façades, les accès directs et l’introduction de spécificités spatiales. La maison

arabo-ottomane n’a de valeur que par la valeur du foncier qu’elle génère. De toute son

334

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, projet de restauration du pavillon des officiers.

Document non classé mais retrouvé dans le Dossier 1H 857, l’Article 6/1, il comporte une note stipulant que le

croquis accompagne le rapport, il est daté du 30 avril 1861.

Troisième Partie Chapitre Premier

234

architecture seules les galeries à arcades et les cours trouvent indulgence aux yeux du Génie. Ces

dernières sont très largement utilisées en France comme puits d’air et de lumière. Elles ont été

préconisées par les hygiénistes comme permettant la dédensification de Paris au XIXème siècle.

Les ingénieurs du génie ont-ils suivi le courant hygiéniste ? Nous sommes tentés de le confirmer

quand nous connaissons l’état de santé des populations européennes durant cette période. Ce sont

ces éléments architecturaux qui seront repris en premier dans le mouvement néo-mauresque que

connaîtra l’Algérie plus tard.

3.1.2. La transformation de la mosquée du Bey.

Les maisons n’ont pas été les seules à être touchées dans leur essence mais les deux plus grandes

mosquées de la ville ont subi partiellement le même sort. La mosquée de Sidi Marouane (que

nous traiterons plus bas) a abrité l’hôpital militaire. Elle a été relevée d’un étage puis les

militaires lui ont juxtaposé des annexes neuves.

Quant à la mosquée du Bey, lors de la régularisation de la forme de la place d’armes, elle a subi

des transformations qui régularisent sa forme générale par rapport à la place mais aussi pour

contenir des annexes administratives et militaires.

Fig.63 : Plan de la Mosquée du Bey portant les modifications à apporter

Source : archives SHD, Vincennes, Paris

335

335

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 847, Article 1, N°8, mémoire militaire

de la place de Bône et dépendances en date du 28 avril 1839.

Troisième Partie Chapitre Premier

235

Mosquée : A : Sanctuaire pour les cérémonies religieuses ; B : Minaret ; C : Cour des dépendances ; E : Cabinet

d'aisance ; F : Pièces destinées aux ablutions ; G : Cour principale ; H : Galerie couverte autour ce cette cour ; I :

Entrée de la mosquée par la galerie à arcades sur la place ; J : Entrée par la rue St Louis dans la cour des

dépendances ; K : Entrée par la rue du cadi ; L : Galerie à arcades sur la place ;

Corps de garde : M : Chambre de l'officier ; N : Poste des hommes de garde ; O : Violon336

; P : Cabinet d'aisance

du violon, Q : Cabinet d'aisance du poste ; R : Descente de cour337

pour la rue du cadi338

.

Ce projet daté de 1857339

comprend deux types de travaux à mener : la restauration de la

mosquée et son extension par un ajout d’une galerie à arcades donnant sur la place D’Armes et

d’un corps de garde pour celle-ci. Ces travaux ont exigé la démolition d’une partie de la mosquée

et de maisons attenantes à celle-ci. Si la note accompagnant le plan fait référence aux

constructions à démolir, aucun détail concernant ces démolitions n’est donné.

La lecture du plan nous permet d’avancer que cette restauration correspond en fait à une

régularisation de la forme en plan de la cour et des galeries qui l’entourent. La salle de prière n’a

pas été touchée. Par contre le minaret fut consolidé par un mur.

Le rôle que tient une place d’armes dans la démonstration du nouveau pouvoir en place, confère

à cette dernière une affectation plutôt militaire que civile.

La régularité de la nouvelle place exige une régularité de façade. La mosquée dans la médina,

présente aussi peu d’ouvertures que les maisons elles mêmes. La mosquée est dirigée vers le

Mihrab et donc la façade présente peu d’intérêt. L’importance qu’a prise la place d’Armes dans

la médina coloniale impose aux ingénieurs du génie un traitement de façade qui « s’inspire » de

l’architecture locale. La reprise de la galerie à arcades est symbolique, elle ne trouve dans

l’usage de la mosquée aucun justificatif.

Les directives données au génie pour sauvegarder le caractère architectural de la médina se

traduisent dans la reprise des galeries à arcades et des cours. La régularité du tracé et celle des

336

Violon : nm. Prison attenant à un corps de garde ou à un poste de police, Dictionnaire Quillet de la Langue

Française, Librairie Aristide Quillet, Paris, 1948. 337

Descente : nf. Chemin incliné. Dictionnaire Quillet de la Langue Française, Librairie Aristide Quillet, Paris,

1948. 338

Nota :

les teintes noires indiquent les constructions de la mosquée à conserver

les teintes jaunes indiquent les constructions particulières de la mosquée et autres à démolir

les teintes rouges toutes celles à reconstruire. 339

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Article 6/1, Dossier 1H 857, N°99, en date du 28

février 1857, P.V de réunion rassemblant : le receveur des domaines Gassiot, chef de bataillon chef du génie : L

Bailleul, pour copie conforme au chef du bataillon chef du génie : j javain, vu à Constantine le 04 octobre 1859 par

le chef de bataillon directeur des fortifications (dont le nom est illisible). Ce sous-dossier n’existe pas dans la

nomenclature générale des archives du génie.

Troisième Partie Chapitre Premier

236

travées des arcs est le référent des conceptions du génie. Le fait de jouxter le poste de garde à la

mosquée derrière la colonnade, n’est pas innocent ; la surveillance d’un tel lieu s’impose de fait.

De par sa position en arrière plan par rapport à la galerie, il lui est conféré une certaine

discrétion.

D’une mosquée intégrée dans un tissu urbain normalement indivisible dans son entité et ce

quelque soit la fonction des éléments qui la forment, nous passons à un équipement à devanture

et exposé. La discrétion adoptée dans l’architecture arabo-ottomane a disparu au profit d’une

exhibition voulue. La façade de la mosquée n’appartient plus à cette dernière mais à la place

qu’elle cerne en partie. Intégrer la mosquée à la place fait d’elle un monument et non un

sanctuaire. Son exposition obéit à la même logique qui intègre l’église à la place ; le rejet de la

mosquée en arrière plan, aurait été parfait sans la présence, quoique réservée, du minaret. Nous

assistons à une dualité dans cette intégration : exposer la mosquée en tant qu’édifice public mais

la rejeter comme entité ne correspondant pas à la vie européenne.

La destruction d’une grande majorité du tissu urbain, et la construction de nouveaux édifices

qu’ils soient militaires ou civils selon des principes de conception autres que ceux qui ont permis

d’ériger la médina, ont affecté la morphologie de celle-ci. D’opaque et pratiquement aveugle

(notamment en rez de chaussée), elle est devenue transparente et percée. De courbe et lisse, elle

est devenue rectiligne et présentant des excroissances. D’introvertie, elle est devenue extravertie.

De fermée et discrète, elle est devenue ouverte et exhibée. Obéissant à une hiérarchie spatiale

tenant compte d’un mode de vie spécifique regroupant le sacré et le profane, elle est devenue

assujettie à des normes et règlements édictés par la stratégie, la politique et l’hygiène.

3.2. Impacts sur le plan urbain.

La ville de Annaba cernée par son mur d’enceinte, est devenue pendant plus de cinq ans la plus

importante base militaire française de l’Est algérien. L’installation des troupes à Annaba était

nécessaire à la stratégie militaire qui visait la prise de Constantine à partir de Annaba. Les

principes du génie lors de l’installation des hommes de troupes dans une ville, ont été appliqués

comme nous l’avons vu et relevé plus haut pour le cas de Constantine. Nous verrons dans ce qui

suit comment ces principes ont eu des incidences urbaines lors de leur application sur la médina

de Annaba. Afin de situer ces incidences nous devrons prendre en considération l’installation du

port, en dehors des équipements militaires. Ce dernier en dehors de son importance militaire, a

Troisième Partie Chapitre Premier

237

été fédérateur dans l’augmentation de la population coloniale et par delà même l’agrandissement

de la ville.

La présence de marécage dans la partie qui jouxte la ville n’a pas été aussi sans conséquence

pour les constructions futures et sur l’état de santé des populations comme nous le verrons.

L’assèchement de ces marécages a été un travail préalable nécessaire à tous les travaux

ultérieurs. L’un des plus importants projets que le Génie entamé dès 1834 est l’assèchement de la

plaine par l’installation d’un canal exutoire qui se jette au niveau de l’embouchure de la

Boudjimah. Annaba connaitra d’autres canaux exutoires lors de son agrandissement du côté

ouest.

La ville est jugée par les militaires français comme mal percée, tout autant que mal bâtie, la

largeur des rues variant de 1 à 3 mètres. Les français reconnaissent avoir beaucoup démoli

depuis leur arrivée, pour ouvrir la rue du Rempart, des places et des voies de communications

d'une utilité absolue. En 1839340

ils comptaient encore démolir pour « aérer » la ville jugée

insalubre. Les maisons ne comprenaient, en général, qu'un simple rez de chaussée, sans

ouvertures sur la rue autres que celles des portes. Ce manque d’ouvertures fait dire aux français

que les maisons sont humides et malsaines et les façades affreuses. Ils préconisent de

reconstruire la majorité d’entres-elles pour les adapter à leurs besoins. Aussi ne craignent-ils pas

les élargissements des rues en prenant leurs deux côtés. Nous comprenons qu’à l’état actuel, il

existe très peu de maisons n’ayant pas été touchées par les transformations françaises.

3.2.1. La place d'Armes, régulation géométrique et représentation.

La place d’Armes n’est pas d’ouverture française mais existait avant leur arrivée et était connue

sous le nom de « Bataht Sidi Chraïet ». Considérée comme point de réunion des troupes et des

habitants, elle a été fixée comme le point principal de la ville. Son tracé a été rectifié par le génie

et selon son mode et savoir, symétriquement par rapport à un plan vertical mené

perpendiculairement à la façade du pavillon des officiers. La longueur de la place est de 71 m et

sa largeur fait 55 m. Comme nous l'avons vu plus haut l'angle avant de la grande mosquée a été

doté d'une galerie à arcades qui selon le rapport de 1833341

, doit régner tout autour de la place

340

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 847, Article 1, N°8, mémoire militaire

de la place de Bône et dépendances en date du 28 avril 1839. 341

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 854, Article 3, N°5, projet

d’alignement des principales rues de la ville de Bône, en date du 25 novembre 1833.

Troisième Partie Chapitre Premier

238

d'armes sans toucher au péristyle342

de cette mosquée. Le projet de corps de garde de la place

avec galerie à construire en avant de la grande mosquée a été rédigé par le chef du génie qui l’a

fait parvenir au Ministre de la Guerre avec les projets pour 1834343

. La place fut donc entourée

de galeries à colonnade sur trois de ses côtés Nord, Ouest et Sud. Elle représente le centre

géométrique de la ville. Dés le début de la colonisation elle prit ce rôle de centre de la ville. Tous

les grands axes y aboutissent.

L’octroi de la fonction par dénomination à la place lui confère le caractère militaire. Créée par

eux, pour eux dans un premier temps elle garde toujours, après plus d’un siècle, la centralité de

la médina à laquelle elle a donné son nom militaire. Après le Cour Napoléon centre européen

civil, elle demeure le second centre de la ville de Bône. L’ancrage physique est doublé d’un

ancrage mental. Sa création, pourtant subordonnée à celles des équipements militaires, a dépassé

en représentation mentale celle des équipements militaires. Ceci est notamment du à la mutation

de sa fonction et à son emplacement géographique ainsi qu’à son accessibilité.

Fig.64 : Plan des rues et places de Bône Fig.65 : Projet de façade de la mosquée du Bey

A344

B345

Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris

342

Péristyle : nm. Galerie formée par des colonnes isolées faisant le tour d’un édifice. Ensemble de colonnes qui

ornent la façade d’un monument. Partie postérieure des maisons romaines comportant une cour entourée d’une

colonnade. Vestibule monumental. 343

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 847, Article 1, N°8, mémoire militaire

de la place de Bône et dépendances en date du 28 avril 1839. 344

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 847, Article 1, N° 09, en date du 20

avril 1845, traité par l’auteur. 345

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 847, Article 1, N°8, mémoire militaire

de la place de Bône et dépendances en date du 28 avril 1839.

Troisième Partie Chapitre Premier

239

A : Rues et Places publiques de Bône en 1848 : A : rue de Constantine ; B : rue Louis Philippe ; C : rue de

l’Arsenal ; D : rue Fréart ; E : rur Bonnefoi ; F : rue Danrémont ; G : rue Napoléon ; H : rue Danrémont ; I : rue de

la Comédie ; J : rue d’Armandy ; K : rue de l’Hôpital ; L : rue des Nomades.

1 : Place du Commerce ; 2 : porte de la Marine ; 3 : Porte de la casbah ; 4 : Place Danrémont ; 5 : Porte de

Constantine ; 6 : Place de Constantine ; 7 : Place d’armes ; 8 : Place Rovigo, 9 : Place des Nomades.

B : Traitement de Façade proposé par le génie pour les édifices entourant la place.

Le plan ‘A’ de la ville de Bône qui donne l’emplacement des équipements militaires sur lequel

nous avons repris les places et les rues ouvertes indique comment à l’aide de ses percements, la

ville a été quadrillée. Les voies (de A à L) entre les équipements sont aussi directes que le

permet la topographie. Elles joignent non seulement les équipements entre eux mais joignent

aussi les places créées (de 1 à 9). Certaines ruelles ont elles aussi été redressées pour faciliter

l’accès aux maisons réquisitionnées ou appropriées. Pouvons-nous considérer que ce mode de

conception urbaine constitue les prémices d’un mode de conception qui aurait influencé les

ouvertures haussmanniennes ? Nous en retrouvons en effet la logique, même si la forme est

encore en esquisse. Dans ce cas l’Algérie n’a-t-elle pas été un champ d’expérimentation durant le

siècle des découvertes ?

Si nous avons repris le plan de 1848 c’est pour bien reprendre la logique militaire avant les

percées suivantes répondant aux alignements civils auxquels sont soumises toutes les

municipalités.

Quant au tracé, le comité s'est arrête en dernier lieu, sauf quelques observations de détail, à celui

du projet de 1849, que le commandant supérieur a fait reporter sur le plan annexé au procs verbal

du 19 Août 1849. Le tracé des rues Fréart et Bouffreau fut antérieur à celui des rues Louis

Philippe, de Constantine, de l’arsenal, de la casbah, des Santons, de la Béarnaise, de la Marine,

de l’artillerie, du Croissant, de l’Hôpital, d’Armandy. Ces deux rues donnent sur le port et ce

dernier est l’atout principal de la ville. Tous les équipements se devaient de communiquer avec

lui. C’est par ce port que venait tous les équipements et matériaux nécessaires aux casernes.

L’ouverture de ces deux rues est donc aussi nécessaire que les équipements eux-mêmes.

3.2.2. Le port : fortifications, construction et aménagements.

La position stratégique de Annaba lui confère une autre fonction que celle de Constantine et

directement liée à la présence d’un port. Dans une vision globale de colonisation, la relation avec

Troisième Partie Chapitre Premier

240

la France se devait d’être régulière et sécurisée ; l’échange entre les deux rives allait être

important. L’import-export ne concernait pas uniquement le commerce cible importante certes

mais dans une première phase de colonisation, il était directement lié à « l’importation »

d’hommes nécessaires à la colonisation qu’ils soient civils ou militaires. Dès septembre 1832, on

comptait au niveau de la ville de Annaba 800 européens maltais ou mahonnais en plus des

soldats libérés du service et qui s’installèrent dans la ville346

.

La conquête et l’installation des militaires n’étant pas complètes, l’arrivée de France d’armement

et de matériels nécessaires à la concrétisation de l’objectif militaire et politique, se devait d’être

facilitée et protégée. La construction d’un port se trouvait donc être une des priorités de l’armée .

Avant l’arrivée des français, Annaba ne présentait que des plages de mouillage protégées

naturellement. L’ambition commerciale et militaire française exigeait donc la construction du

port.

Fig.66 : Bône, La Boudjimah et les plages de mouillage en 1832

Source : Site web347

Dès la première année de leur installation et attendant des études plus approfondies, le génie

aménagea un quai d’accostage. Pour cela, il choisit la partie sud de la médina en deçà de la

pointe cigogne. L’intégration du port à la médina est un choix sécuritaire : les casernements

installés sur cette partie de la ville ainsi que la batterie du fort cigogne permettaient cette

sécurité.

346

Maitrot capitaine, 1912, op.cit., p. 323. 347

www.alger-roi/Alger/documents_algériens/ecoomique/images/94_port_bone_plan1.jpg.

Troisième Partie Chapitre Premier

241

Fig.67 : Projet du nouveau quai Fig.68 : Le Port de Bône en 1875

Source : archives du SHD, Vincennes, Paris348 Source : Site web

349

Lors de l'agrandissement de l'enceinte, la défense du port a été l'objet d'une conférence entre les

services du génie, de l'artillerie, de la marine et des Ponts-et-Chaussées en date du 8 janvier

1862350

.

L’installation de ce quai dans cette partie eut pour résultat la condamnation de la porte Bhar et

l’ouverture un peu plus vers l’Ouest de la porte de la Marine (1 sur le plan suivant) qui donne

accès direct sur le front de quai. Cet accès engendre à son tour le redressement d’une voie

perpendiculaire au quai et reliant la ville à la place d’Armes et donc avec le reste des

équipements militaires et civils intégrés à la ville : la rue Fréart (2) en continuité de la rue

Bouffreau (3).

Ces rues croisent la rue Louis Philippe qui mène de la porte de Constantine à l’hôpital militaire.

Aux termes de l'article 7 du décret du 16 août 1853, les alignements et le tracé des rues

communiquant des places publiques aux établissements militaires et aux remparts, sont de la

compétence de la commission mixte351

.

348

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Projet du nouveau port de Bône, non répertorié

dans la nomenclature générale du Génie mais trouvé en annexe du document, Dossier 1H 857, Article 6/1, N°156,

en date du 21 aout 1877. 349

www.alger-roi/Alger/documents_algériens/ecoomique/images/94_port_bone_plan1.jpg. 350

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 862, Article 6/2, N°6, rapport sur le

Plan de la nouvelle ville de Bône, le document n’existe pas dans la nomenclature générale des archives du génie

mais a été trouvé en annexe du sous- dossier N°6 en date du 27 août 1857. Il ne porte aucune référence de

classement. 351

La Commission Mixte comprend le chef du Génie, le Directeur des fortifications et le premier responsable de la

municipalité, le maire, lorsque cette dernière est instaurée.

Troisième Partie Chapitre Premier

242

Fig.69 : Ouverture des rues Fréart et Bouffreau à partir du quai vers la place d’Armes.

Source : archives du SHD, Vincennes, Paris, traité par l’auteur 352

La décision d’intégrer le port à la ville ne fut pas définitive. Dés 1844, la construction d’un

nouveau port s’avère nécessaire ; les problèmes d’envasement que posait l’embouchure de la

rivière Boudjimah retardaient les études du nouveau port. Il fut pendant plusieurs années

question de le déplacer vers le Fort Génois.

Seulement son éloignement par rapport à la ville et donc par rapport aux principaux équipements

militaires n’allait pas dans le sens de cette logique. Il faut attendre le projet de l’ingénieur en

chef des Ponts-et-Chaussées Lessore pour voir le port installé définitivement au sud de la ville353

.

Ce projet proposait la construction d’une darse354

amorcée sur le bout de quai déjà construit

devant la porte de la marine. Il palliait à l’inconvénient causé par la présence de la Boudjimah en

prévoyant l’utilisation de l’embouchure du cours d’eau comme arrière-port355

.

Ce projet fut soumis à la commission mixte de 1855 à Alger. Le ministre de la marine l’ayant

amandé, son exécution ne commença qu’en 1856 pour finir en 1870. Mais cette solution ne fut

352

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 847, Article 1, N° 09, en date du 20

avril 1845 353

Louis Arnaud, Bône, Edition LA Grande Imprimerie Danrémont, Constantine, Date inconnue. 354

Darse : nf. : Un bassin ouvert dans un port. Dictionnaire Quillet de la Langue Française, Librairie Aristide

Quillet, Paris, 1948. 355

Arrière-port : nm. Partie reculée d’un port où sont amarrés des navires spéciaux. Dictionnaire Quillet de la

Langue Française, Librairie Aristide Quillet, Paris, 1948.

Troisième Partie Chapitre Premier

243

pas des plus heureuse car l’embouchure continua à envaser l’arrière-port, le rendant inutilisable

pendant les quelques mois de l’année qui suivent la saison des pluies.

Fig.70 : Plan montrant le comblement de l’embouchure de la Boudjimah

Source : archives du SHD, Vincennes, Paris356

Au-delà de l’envasement cette embouchure posait un problème de salubrité par la stagnation des

eaux durant la période estivale, augmentant le nombre des paludéens.

Le port se devait d’être rattaché au chemin de fer qui allait relier Guelma à Annaba. Le projet de

construction de la gare de chemin de fer date de 1874 ; il était lui aussi soumis à l’assèchement

de la plaine déjà entamé en 1834 par l’installation du canal exutoire mais qui n’arrivait pas à

absorber les eaux de la Boudjimah.

Il fut ainsi décidé de dévier ce cours d’eau de son lit. Les premières études datent de 1863357

,

quant aux travaux ils débutèrent en 1874 et durèrent jusqu’en 1876358

. La gare occupe

exactement le centre de l’ancienne embouchure de la rivière.

356

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Projet du nouveau port de Bône, non répertorié

dans la nomenclature générale du Génie mais classé, Dossier 1H 857, Article 6/1, N°1161, en date du 10 octobre

1877. 357

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 852, Article 3, N° 106, en date du 07

novembre 1861. 358

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 864, Article 7/1, N° 20, projet de

dérivation de l’oued Boudjimah 1873-1874.

Troisième Partie Chapitre Premier

244

Fig. 72 et 72 : le Port dans la ville de Bône en 1900 et 1950

Sources : Site web359

La construction de ce port permit l’extension de la ville qui ne pouvait contenir le flot

d’européens immigrés. Dés 1840 les autorités civiles demandèrent l’extension de la ville. Cette

extension induisait, elle aussi, l’extension ou plutôt la construction d’une nouvelle enceinte : la

ville et son port se devaient d’être protégés.

Après changement du projet du port dont la nouvelle emprise va du canal exutoire au Fort

cigogne, le projet d’extension de la ville qui était proposé vers le nord va changer. Ainsi on

propose une extension vers l’ouest c'est-à-dire vers la petite plaine.

3.2.3. L’extension de la ville de Bône : des impératifs militaire, politique et technique.

Bien que les militaires jugeaient cette extension nécessaire dès les années 1840, il ne pouvait

décider de manière ferme en proposant un projet définitif. L'agrandissement de l'enceinte de

Bône fit l'objet de plusieurs projets qui ont été examinés dans les avis de fonds de cette place, et

ce en 1844, 1845, 1846 et 1847.

La nécessité de cette extension de la place, réclamée par les autorités civiles afin de pourvoir aux

besoins de commerce et de la population, a été reconnue dans son principe par le Ministre de la

Guerre en date du 12 juillet et 27 aout 1844 (dépêche)360

. Une conférence a eu lieu le 19 août

1849 entre le chef du génie de la place de Bône, le sous-préfet et le maire de cette localité

conformément au directives du Gouverneur Général du 2 juillet 1949, à l'effet d'établir d'un

commun accord les bases qui doivent servir à arrêter définitivement le projet d'agrandissement

de l'enceinte de cette place, de manière à concilier le mieux possible les intérêts de la défende

avec les besoins de commerce et ceux de la population civile.

359

www.alger-roi/Alger/documents_algériens/ecoomique/images/94_port_bone_plan2.jpg. 360

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, dépêche citée dans le PV de séance du comité des

fortifications du 13 Novembre 1850, référencié Article 9/1, N° 99, mais trouvé dans le Dossier 1H 862,.l’article 6/3,

Dossier 1H 862.

Troisième Partie Chapitre Premier

245

Relativement aux extensions à donner aux enceintes des différentes villes, le Directeur des

fortifications estima qu'une grande partie de la dépense devrait être soldée par la caisse coloniale,

puisque les travaux seraient faits, non dans l'intérêt de la défense mais dans celui de la

population.

3.2.3.1. Le nouveau mur d’enceinte.

Le nouveau mur d'enceinte du projet de 1850 englobe :

à l'ouest la totalité de la petite plaine qui va jusqu'au canal exutoire ;

à l'est il est érigé de la tour 3 qui jouxte la porte de la casbah jusqu'à la casbah vers la

batterie 14 (en aval de la casbah) du littoral suivant l'arête du contrefort qui domine les

fours à chaux du génie.

Le nouveau projet envoyé à l'examen du comité a été érigé en conformité des avis du 25 février

et 29 avril 1848 émis par le conseil supérieur d'administration siégeant à Alger, avis dans

lesquels le conseil reconnait les grandes difficultés que présenterait l'exécution de la partie

d'enceinte projetée le long du canal exutoire.

La nouvelle enceinte aurait 3000 m de développement, ce qui correspond d’après les normes

militaires à une enceinte de grande ville ; alors que l'administration civile proposait la démolition

de l'ancienne enceinte. Le génie, chargé de la fortification de la ville, propose donc de garder

l’ancien mur d’enceinte. La ville comprendrait ainsi deux enceintes concentriques. Le deuxième

mur serait de construction simple, crénelé d’une hauteur de 5 m, ce qui suffirait à défendre la

place des arabes jugés militairement faibles ; ce qui induirait une augmentation de l’effectif de la

garnison. C’est ainsi que le projet du génie qui a été adopté au détriment de ceux présentés par

l’administration civile et érigés par les ingénieurs des Pont-et-Chaussées.

C’est le Ministre de la Guerre qui a pris le 30 juin 1850 la décision suivante : « l'enceinte

actuelle de la place de Bône sera conservée sur tout son pourtour qui ont été restaurés

convenablement, l'on donnera suite au projet d'agrandissement demandé par l'administration

civile. Mais on se bornera à faire suivant le tracé rectifié par le comité des fortifications et

conformément à son avis du 14 mai1845 une très faible enceinte ne consistant, pour ainsi dire

qu'en un simple mur d'octroi avec créneaux ».c’est ce dernier qui a été réalisé ».

Troisième Partie Chapitre Premier

246

3.2.3.2. La ville retournée.

Le projet d’extension de la ville de Bône étant tourné vers la mer avec le projet du port, ne

pouvait se faire sans la création d’une grande place en remplacement de la place d’Armes. La

place ainsi créée se devait de se tourner elle aussi vers la mer. La nouvelle ville de création

française obéissait au mode de projection en usage en France.

La séparation entre la médina et la nouvelle ville s’imposait dans un objectif simple de

ségrégation. Une nouvelle place concrétisait cette séparation ; le projet du Cour Napoléon a été

conçu dans cette logique.

Le cour Napoléon tourné vers la mer, comprenait les édifices classiques d’une place française :

l’église, l’Hôtel de ville, le Théâtre et les principaux commerces pour lesquels cette extension a

été réalisée. La grande partie du terrain nécessaire à l’assise du cour provenait du domaine

militaire.

Des bâtiments militaires ont été détruits en même temps que le mur d’enceinte côté Ouest. Le

Génie proposa plusieurs projets avant d’avoir l’accord final pour le projet englobant le cour, le

port, l’église et la gare de chemin de fer ainsi que le tracé de la nouvelle ville. Le centre de la

ville se trouve ainsi déplacé face à la mer et séparant le vieux du neuf.

Fig.73 : Projet du Cour Napoléon avec les terrais cédés par les militaires à la municipalité 1865

Source : archives du SHD, Vincennes, Paris361

361

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 862, Article 6/2, il n’existe pas dans la

nomenclature générale des archives du Génie mais a été trouvé en annexe du N°6, en date du 27 août 1858.

Troisième Partie Chapitre Premier

247

Dans le plan de 1888, nous ne retrouvons que quelques pans de ce mur. Le développement

commercial de la ville accompagné d’une stabilité relative du contexte sécuritaire, ont eu leur

impact sur la conservation de ce mur.

3.2.3.3. L’assainissement en vue de l’extension.

Cette extension vers l’ouest s’avère une tâche ardue. Selon les avis du conseil supérieur

d’administration, le chef du génie propose de s’éloigner du canal exutoire afin d’éviter les zones

marécageuses qui l’avoisinent mais qui réduit de beaucoup l’extension de la ville de Bône vers

cette direction.

Quant aux autorités civiles, elles veulent une plus grande extension que celles proposées dans les

projets de 1848 et 1849. Seulement le chef du génie réfute ces propositions à cause du coût des

fondations que le mauvais sol exigerait dans cette partie de la plaine.

L’embouchure de la Boudjimah ainsi que le canal exutoire, asséchant de marécages jouxtant la

médina, il a fallu trouver des solutions techniques pour enterrer la partie du canal au niveau de la

porte de Constantine et de la place attenante. La solution urbaine est donc soumise aux solutions

techniques liées aux problèmes d’hydrologie.

Fig.74 : Plan de Bône comprenant les travaux d’assèchement de la plaine Ouest.

Source ; Archives du SHD, Vincennes, Paris362

362

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 864, Article 7/1, N° 20, projet de

dérivation de l’oued Boudjimah 1873-1874.

Troisième Partie Chapitre Premier

248

1 : La Boudjimah, 2 et 2’ : Canaux de déviation de la Boudjimah vers la Seybouse, 3 : Premier canal exutoire, 4 :

Canal exutoire central, 5 : Nouvelle enceinte, 6 : Cour Napoléon.

Fig.75 : Tracé de la nouvelle enceinte au niveau de la darse et du canal exutoire

Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris363

C’est ainsi que le nouveau tracé a évité les zones dont l’altitude est inférieure à deux mètres afin

d’éviter les sur couts de fondations sur mauvais sol. Le problème de fondations profondes est le

principal obstacle de l’extension de la ville de ce côté, il propose de gagner du terrain vers le

Nord ouest tout en respectant les chemins et routes existants.

3.2.3.4. La contrainte de la nature du sol.

En évitant les terrains accidentés, le génie se retrouve confronté à un problème d’un autre ordre,

non seulement celui des zones marécageuses qu’il est facile de localiser mais aussi à celui de la

présence de nappes phréatiques assez élevées : puisque certaine constructions existantes en

dehors de l’ancien mur d’enceinte, notamment le caravansérail et le moulin à vapeur dont

l’altitude est respectivement de 1,5 et 5m présente des fondations à différentes profondeurs.

Celles du caravansérail sont de 1,4m alors que celles du moulin pourtant plus haut sont à 4,8m.

363

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 852, Article 3, N° 41, Plan de la ville

de Bône en date du 14 mars 1850.

Troisième Partie Chapitre Premier

249

L’extension de la ville est donc assujettie à une étude détaillée du sol, ce qui retarde l’exécution

du projet. Toutefois malgré les problèmes techniques le projet d’extension de la ville est admis.

L’ancien mur devrait être détruit après la fin des travaux de nouveau et sa fortification. Cette

destruction permet la récupération de terrains à l’intérieur de l’enceinte : une partie du cour

Napoléon et de la rue du même nom sont situées sur l’emplacement de l’ancienne enceinte.

La nouvelle enceinte se ferra aussi au détriment de particuliers expropriés à titre d’utilité

publique. La nouvelle enceinte sera doublée d’une rue de rempart de 15m de large à l’intérieur.

Les terrains extérieurs à l’enceinte et jusqu’au canal exutoire appartiennent de fait au domaine

militaire comme zones de servitudes nécessaires à la défense de la place.

3.2.4. Les plans d’alignements et de redressement : des objectifs militaires.

Dans une dépêche de 1844, le chef commandant de la place reçoit l’ordre via le Ministre de la

Guerre de part le ministre de l’intérieur de demander aux autorités civiles locales de dresser les

plans d’alignement de la ville de Bône y compris les plans des nouveaux quartiers. Pourtant les

militaires n’ont pas attendu ces directives pour rectifier le tracé de certaines rues. Au-delà des

leurs propres besoins, les militaires sur place ne peuvent que suivre les directives de leur

hiérarchie. Aussi certains percements n’obéiront qu’à des objectifs civils.

Les alignements effectués dans la ville de Bône obéissent à la règlementation établie pour la ville

d’Alger364

. C’est le service du génie qui en établit les plans en attendant l’application du projet

de décret de 1853 établissant les attributions des Maires en matière de voirie et de constructions

en Algérie365

.

364

Après beaucoup de discussions administratives entre le préfet d’Alger et le maire de la même ville ; il a fallu

l’intervention du Ministre de la guerre (dépêche du 21 janvier 1852 signée pour le ministre Le Directeur des affaires

de l’Algérie) pour réactiver la rédaction du projet de la réglementation qui prend le nom : Projet de règlements pour

les constructions urbaines. Le règlement était applicable à toutes les localités et ce fut le cas jusqu’à ce que

l’Architecte Chef du service des Bâtiments civils l’ait jugé inapplicable à l’ensemble des localités. Il fut le seul du

comité consultatif à apporter son refus. 365

Projet de décret sur les attributions des Maires en matière de voirie et de constructions en Algérie (1853) : Sous

Napoléon empereur des français

Vu le rapport du Ministre secrétaire d’état au département de la Guerre

Vu l’ordonnance Royale du 28 novembre 1847 concernant l’organisation municipale en Algérie

Vu la délibération du Conseil de Gouvernement de 1853

Considérant que la première apostille de l’article 27 de l’ordonnance précitée charge le maire de la voirie municipale

Considérant que cette disposition porte seulement sur la question de principe ce qui oblige à recourir aux lois si

nombreuses de la métropole en pareille matière pour l’application du droit que la dite disposition confère aux maires

de l’Algérie, d’où peuvent naître des complications et des difficultés qu’il importe de prévenir en réglant l’exercice

de cette attribution ;

Avons décrété décrétons ce qui suit :

Troisième Partie Chapitre Premier

250

Dès 1860 (application du décret) ce sont des commissions mixtes qui examinèrent les projets

d’alignement. La loi sur les habitations insalubres en application en France ne pouvait servir de

règle en Algérie. Pourtant selon une dépêche du Ministre de la guerre en date du 1 octobre

1851366

, le Gouverneur Général reçut des directives d’introduction en Algérie du conseil

hygiénique. Ce que le comité consultatif de l’Algérie refusa le 17 novembre 1851 en justifiant

son refus par les difficultés d’application en Algérie. Les alignements des constructions urbaines

effectués avant le règlement, c'est-à-dire avant 1861, obéissaient donc à la seule logique du

génie.

Conclusion.

Les équipements militaires furent installés selon la stratégie de défense de la Place, en prenant

toutefois en compte la présence du port, lui aussi à protéger ; ils formèrent avec l’enceinte

fortifiée une double ceinture de sécurité. L’exigüité des terrains libres les amena à installer sur

les points dits faibles d’autres casernements et fortifications tout en fortifiant les anciens fortins

par les batteries. Par ailleurs cette forme d’installation obéit incontestablement au principe

militaire : le trop de troupes affaiblit une place.

Article 1 : aucune rue, non comprise au plan de distribution et d’alignement d’une localité, aucun passage

public, établi sur une propriété particulière, ne peuvent être ouverts sans l’autorisation du maire ou de

l’autorité en remplissant les fonctions.

Aucune construction quelconque, soit urbaine, soit rurale, même en dehors de la voie publique, ne peut être

élevée sans la même autorisation. Toute fois il suffira d’une simple déclaration, faite à la mairie huit jours à

l’avance, pour les bâtiments d’exploitation et les maisons en dehors des villes et villages, dont la hauteur ne

dépassera pas le rez de chaussée.

Le présent article ne préjudicie en rien aux droits de services des ponts et chaussées et de l’administration

supérieure en ce qui concerne la grande voirie.

Article 2 : le maire peut ordonner la démolition de tout bâtiment menaçant de compromettre la sûreté

publique.

Article 3 : le maire a le droit de faire des règlements de voirie qui comprendront, l’alignement des rues, la

hauteur des maisons, la nature et l’emploi des matériaux, l’épaisseur des murs, les saillies, balcons,

auvents, enseignes et généralement tout ce qui concerne les constructions, même en dehors de la voie

publique et dans l’intérieur des bâtiments.

Ces règlements sont soumis à l’approbation du Préfet.

Article 4 : le recours contre les décisions du maire sera porté devant le Préfet qui peut prendre lui-même,

les mesures de polices autorisées par le présent décret

Article 5 : les propriétaires, architectes, entrepreneurs ou ouvriers qui ne se conformeront pas aux

prescriptions du présent décret seront garants et responsables de tous évènements, condamnés aux peines

de droit et tenus de tous dommages et intérêts, sans préjudice de droit de faire démolir les constructions

vicieuses ou reconnues contraires aux règlements.

Cette démolition sera ordonnée par le tribunal de simple police, chargé de prononcer sur toutes les

contraventions en matière de petite voirie.

Article 6 : il sera pourvu à l’exécution du présent décret par arrêté du gouverneur Général. 366

Archives d’Outre-mer, AOM, dossier 1N 30, année 1852, Aix en Provence.

Troisième Partie Chapitre Premier

251

Ces installations intramuros eurent comme effets la destruction de maisons ou leur

transformation, l’ouverture de voies et de places ainsi que le redressement de certaines rues les

rendant carrossables. La jonction des bâtiments militaires entre eux et avec les portes de la ville

s’affiche comme une priorité militaire.

La présence du port et l’activité qui en découle ont participé à l’essor de la ville dès les

premières années d’occupation, ce qui mit la population européenne à l’étroit dans la cité ; le

Génie militaire se vit ainsi confier l’extension de celle-ci. La topographie aidant, c’est vers la

plaine Ouest que la ville devait se développer, mais la présence de marais et de la Boudjimah

devenait un obstacle à surmonter.

La ville de Annaba vit son extension donc assujettie d’abord à l’assèchement de la plaine Ouest,

puis à la construction du port et enfin à la déviation de l’embouchure de la Boudjimah. Les villes

naissant en s’adaptant à la topographie, la ville de Bône répondait à une volonté politique et

économique, et a eu recours aux différents systèmes techniques pour pouvoir être réalisée. Cette

réalisation revêt le caractère donc technique des ingénieurs qui l’ont conçue dans la même

logique que lorsqu’on se trouve devant un mauvais sol de fondation ; devant le mauvais sol de la

plaine freinant l’extension de la ville, les ingénieurs du génie en ont créé un artificiel pouvant

permettre cette extension.

La ville de Bône comprenait donc deux entités séparées par le Cour Napoléon, l’une hybride née

d’une transformation européanisante par destruction-reconstruction partielle d’une médina et

l’autre érigée dans un caractère totalement européen et obéissant à une règlementation importée.

Les transformations amenées au tissu urbain de la médina de Annaba , par l’ouverture de voies

de communication, de places, par l’appropriation, puis l’adaptation à leurs besoins des maisons

ou des mosquées ont défiguré ce tissu. La petite taille de la médina à laquelle viennent s’ajouter

toutes les destructions consécutives à l’installation d’une importante garnison dans une ville ne

comprenant pas d’édifices pouvant la recevoir, ont joué en défaveur de la pérennité des

caractères, de l’originalité et de la richesse de la médina.

Troisième Partie Chapitre Premier

252

Fig.76 : Typologie des constructions de la vieille ville de Annaba

Sources : Bureau d’Étude A-U-A,367

Une ville faiblement peuplée, d’un grand attrait économique (commerçant, agricole ou

industriel) jumelé à une volonté politique de colonisation par peuplement ont été les facteurs

déterminants pour un afflux de population de diverses origines, milieu et conditions. Des

maisons autrement structurées que les immeubles de rapport connu en Europe, ne pouvaient

absorber ces populations célibataires et aux mœurs pas toujours bonnes, ce qui a exigé une

extension de la ville. L’extension rapide générée par le caractère commerçant et portuaire de la

ville a fini par lui octroyer le cachet européen grâce aux transformations qui ont touché la

majeure partie de la médina par l’érection d’une nouvelle ville plus grande européenne tournée

vers la mer et donc vers la métropole source de sa création.

367

Abderahim Hafiane, 2001, op.cit.

Troisième Partie Chapitre Deuxième

253

CHAPITRE DEUXIÈME.

LES CASERNEMENTS ET FORTIFICATIONS ET LEURS IMPACTS À

CONSTANTINE. DES IMPLANTATIONS STRATEGIQUES EXTRAMUROS.

Introduction.

Ce n’est qu’au bout du second siège que la ville de Constantine fut prise en 1837. C’était une

ville fortifiée, comprenant dans son enceinte la citadelle de la casbah. À l’inverse de Annaba,

Constantine comprenait des équipements militaires et en tant que capitale du beylik, le palais du

bey. La ville était aussi défendue par la garnison ottomane qui se trouvait à Mila.

Juchée sur le rocher, la ville n’a pu être prise que par son flanc Sud-est. C’est donc dans un

contexte autre que celui de Annaba que les français vont s’installer et créer leur propres

équipements et préparer le peuplement ; la topographie qui avait joué un rôle défensif va encore

une fois jouer ce même rôle lors de l’installation des français.

La ville déjà militaire sous les romains puis sous les turcs va voir, comme nous le verrons plus

bas, sa fonction s’intensifier avec l’installation des militaires français. À l’instar des autres villes

algérienne, Constantine était dense, ses voies de communication très étroites et très peu étaient

carrossables ; c’est donc à l’extérieur de l’enceinte que vont être placé les nouveaux équipements

militaires nécessaires à une ville de garnison et cela après la fortification de la place et

l’installation du commandement et des premières troupes. Nous verrons dans ce qui suit

comment le choix des différents sites extramuros a été défini. Nous verrons aussi que les

installations intramuros ou extramuros auront des répercussions sur le tissu de la ville. La ville se

verra transformée par les destructions et réaménagements successifs opérés sur la citadelle, les

palais et maisons dans un premier temps, puis celles engendrées par les ouvertures et

redressements des voies dans un deuxième temps. Ces dernières sont nécessaires à

l’acheminement des troupes, matériels et matériaux de construction.

Très vite, le besoin d’extension de la ville s’est instauré. Le Génie se voit donc confier la

conception d’une nouvelle ville européenne et de son enceinte. Le choix stratégique du coudiat

Aty comme extension s’impose et le projet se dessine en attendant sa réalisation.

Ce chapitre est destiné à l’exposé des différents projets militaires et de leurs impacts sur la ville

de Constantine et de son extension.

Troisième Partie Chapitre Deuxième

254

1. Les atouts stratégiques de Constantine.

Dans une note de 1840, émanant du Directeur Général des Fortifications de la Place de

Constantine368

, il est dit l’importance de la province de Constantine pour la France, elle se

résume dans ce qui suit :

le site imprenable ;

sa situation géographique dans le pays : proximité du port de Philippeville (Skikda) et

carrefours des voies de communications Est-ouest et Nord-sud ;

la richesse de ses tribus ;

sa population nombreuse ;

sa population arabe assujettie à la domination française et dont le caractère diffère de

celui des Kabyles de la région d’Alger plus rebelles. « Les arabes voient dans l’armée

l’instrument du pouvoir civil » ;

son commerce considérable avec le désert (non encore conquis en 1837) ;

son échange commercial avec Tunis ;

l’influence de Constantine sur les populations de l’est.

Sur les justifications suscitées, Constantine devient, pour l’armée française, une Place à fortifier

selon les particularités de son site, à savoir le coudiat Aty, la Place de la casbah et le plateau du

Mansourah :

sur son front Ouest : le coudiat Aty, point faible du site puisque c’est par cette position

que les français ont attaqué et réussi à prendre Constantine. Le coudiat Aty fera l’objet de

plusieurs études approfondies pour en premier lieu sa fortification et par la suite son

urbanisation ;

la place de la Casbah par une série de constructions et d’améliorations en vue de fortifier

la citadelle. Cette Place doit être impérativement protégée car elle abrite les troupes en

campement intra-muros et dont la mission première est de défendre la ville et d’abriter

l’hôpital militaire provisoire en attendant la construction prévue pour 1841 de l’hôpital

définitif ;

le plateau du Mansourah pour installer l’arme Train dans un premier temps, plateau ayant

déjà servi durant la prise de la ville pour cantonner cette même arme mais ayant aussi été

368

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 805, Article 2, N° 07, en date du 28

février 1840.

Troisième Partie Chapitre Deuxième

255

le siège du cantonnement tunisien lors de la campagne du Dey de Tunis sur Constantine.

Ce plateau comprend « la Redoute369

tunisienne »370

.

De tous ces sites seule la casbah est intramuros, de ce fait l’armée française est contrainte

d’occuper toutes les bâtisses qu’elle jugea nécessaires à son implantation dans la ville de

Constantine. La manière dont s’est effectuée cette implantation et son impact sur la ville seront

traités dans ce qui suit.

Fig.77 : Plan de Constantine lors de la prise

Source : archives SHD, Vincennes, Paris371

A casbah ; B Palais du Bey ; C porte d’El Kantara ; D porte El Gébia ; E porte Valée ; F porte Ed Djedid ; G

caserne retranchée du coudiat Aty.

La lecture de cette carte nous confirme que la casbah et le palais du Bey étaient les édifices les

plus importants de la ville. Le site de la casbah atteignait pratiquement le 1/8 de la superficie de

la cité. La citadelle se trouvant sur la partie la plus haute de la ville, présentait les avantages

d’une citadelle retranchée et dominante mais proche des populations à contenir ou à défendre.

369

Redoute : nf. Lieu de fortification isolé. Dictionnaire Quillet de la Langue Française, Librairie Aristide Quillet,

Paris, 1948. 370

Les différents mémoires militaires qui comportent un historique de la Place comme introduction donnent deux

versions à l’attaque du Bey de Tunis. 1/En 1705, Mourad Bey de Tunis vint assiéger Constantine. Après un siège de

six mois, la place fut sauvée par des renforts venus d'Alger et Mourad Bey fut battu et fait prisonnier. La tradition

désigne la redoute du Mansourah comme datant de cette époque.2/ en 1803, Constantine fut assiégée par Mohand

Be-el Harch qui fut rejoint par le bey de Tunis. Le bey de Constantine reçu les renforts du dey Hussein et les

tunisiens durent se retirer. 371

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, carte de la zone de servitude de la ville de

Constantine, Dossier 1H 805, Article 2, N° 05, en date du 1er octobre 1838.

Troisième Partie Chapitre Deuxième

256

Comme l’indique la carte le mur d’enceinte n’englobe pas la totalité de la cité. Il partage avec le

canyon naturel, la défense de la cité. Il protège le flanc Ouest de la ville (le plus vulnérable) de la

porte Ed Gébia372

en allant vers le Nord jusqu’au précipice Nord. Le canyon forme enceinte sur

les trois autres flancs Nord, Est et Sud. Les trois portes Ouest font face au coudiat Aty. Il est

donc aisé de comprendre que ce coudiat présente une position stratégique qu’il faut fortifier.

Le palais du bey situé en plein cœur de la ville, dans sa partie haute, offre les avantages d’un

poste de commandement, voire la proximité avec la citadelle et la porte Vallée tout en préservant

une centralité nécessaire à la démonstration de présence, de dominance et de pouvoir.

Toutefois ces deux équipements ne suffisent pas à abriter l’ensemble des corps armés. La

construction de nouveaux bâtiments s’avèrent obligatoire dès les premières années d’occupation.

Or les équipements militaires exigent pour leur implantation beaucoup d’espaces qui doivent être

autonomes pour des raisons évidentes de défense.

Ainsi, à titre d’exemple, la poudrerie373

comprend les zones de stockage et l’usine à poudre ; les

conditions de sécurité à l’intérieur de l’établissement nécessitent énormément d’espace. Il faut

ajouter à cela les zones de servitudes à l’intérieur et à l’extérieur du mur de clôture, car ne

présentent pas les mêmes dimensions. Ces dernières dépendent du corps de caserne mais aussi de

la topographie du site, de son accessibilité, etc. Les dimensions sont décidées en France au

niveau du ministère de la guerre et sont très réglementées. La réglementation change selon les

conjonctures de défense, d’attaque ou de stabilité. Cette réglementation tient compte de la

politique de la France vis-à-vis de l’Algérie, qui attribue les zones aux domaines civil ou

militaires.

2. Les casernements et Les fortifications.

La place de Constantine, telle qu'elle était dans ses limites lors de la prise de la ville, devait être

puissamment réorganisée pour la défense. C’est-à-dire que son côté vulnérable, celui par lequel

les français ont pu prendre la ville et qui fait face au coudiat Aty, devait être renforcé par des

ouvrages importants, et que les escarpements obstacles déjà presque infranchissables devaient

être préservés de tout accès. Le génie et la direction des fortifications proposent pour la

372

Porte Gébia, communément appelée Bab El Djébia, mais retrouvé dans les archives dans cette orthographe. 373

Poudrerie : nf. Établissement où l’on fabrique de la poudre à canon, des explosifs. Dictionnaire Quillet de la

Langue Française, Librairie Aristide Quillet, Paris, 1948.

La poudrerie est différente de la poudrière qui, elle, est un magasin à poudre, à explosifs isolé et gardé.

Troisième Partie Chapitre Deuxième

257

surveillance et la défense des escarpements un chemin de ronde et de batteries flanquantes

agissant sur les points attaquables.

L’une des premières opérations a été la restauration du mur d’enceinte et la réparation avec

agrandissement du chemin de ronde. La fortification des quatre portes a aussi été une urgence

dans les travaux à effectuer sur la place de Constantine. La fortification de la casbah, site

principal de casernement, sera elle aussi parmi les premières opérations à mener. Dans le

mémoire militaire de 1838374

, nous retrouvons tous les travaux à exécuter afin de fortifier la ville

d’autant qu’Ahmed Bey continue de mener sa résistance dans le Constantinois. Ces travaux se

résument ainsi :

construction d’un petit bastion au niveau de la brèche : la face droite et le flanc adjacent

seront élevés sur les anciennes fondations ; le flanc et la face gauche seront en

encorbellement375

sur le mur actuel. Les deux faces seront assez élevées pour que tout

l'intérieur du petit bastion soit bien couvert aux vues des maisons de la ville ;

la communication du bastion au réduit376

de la casbah se fera à couvert des vues de la

ville par la porte en suivant une rampe puis un escalier et la zone de terre plein couverte

par le relief du mur. La contrescarpe377

devra être relevée en conséquence pour que la

communication soit bien dérobée au vue du dehors ;

restauration des murs d'enceinte et installation de mâchicoulis378

sur encorbellement pour

surveiller le pied du mur ;

installation de guérite379

sur encorbellement. La hauteur des maisons obligera sans doute

de créneler380

le mur de cette guérite ;

cavalier381

en terre au pied du bastion et comprenant des pièces d’artillerie comme moyen

dissuasif pour les habitants ;

374

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 805, Article 1, N°7, mémoire militaire

de la place de Bône et dépendances de 1838, non répertorié dans la nomenclature générale du Génie, mais retrouvée

en annexe de celui du 28 avril 1839. 375

Encorbellement : nm. (De corbeau, pierre saillante). Architecture : construction en saillie soutenue par des

consoles, des corbeaux. Dictionnaire Quillet de la Langue Française, Librairie Aristide Quillet, Paris, 1948. 376

Réduit : nm. Retraite, petit logement. Fortification : petit ouvrage à l’intérieur d’un autre, et qui peut servir

d’abri. Dictionnaire Quillet de la Langue Française, Librairie Aristide Quillet, Paris, 1948 377

Contrescarpe : nf. Fortification : partie du fossé d’un ouvrage située du côté de la campagne. Dictionnaire Quillet

de la Langue Française, Librairie Aristide Quillet, Paris, 1948. 378

Mâchicoulis : nm. Architecture : encorbellement extérieur formant des galeries continues au sommet des murs et

murailles des châteaux-forts, et dont le plancher était percé d’ouvertures par lesquelles on pouvait lancer des

projectiles sur les assaillants. Dictionnaire Quillet de la Langue Française, Librairie Aristide Quillet, Paris, 1948. 379

Guérite : nf. Abri en bois ou en maçonnerie dans lequel une sentinelle se met à couvert. Dictionnaire Quillet de la

Langue Française, Librairie Aristide Quillet, Paris, 1948. 380

Créneler : v. tr. Munir de créneaux (fortification : échancrure pratiquée au sommet d’une muraille ou d’une tour

pour tirer sur les assaillants. Dictionnaire Quillet de la Langue Française, Librairie Aristide Quillet, Paris, 1948.

Troisième Partie Chapitre Deuxième

258

passage à établir entre le mur d'enceinte et le café de la casbah ;

remplacement d'un toit d'une maison par une terrasse avec mur crénelé du coté de la ville

et de l'esplanade ;

restauration des bâtiments à l'intérieur de la casbah avec fortification du corps de

garde382

;

construction d'une caserne pour un bataillon avec utilisation des anciennes fondations

romaines pour élever la façade nord avec passage entre le pignon et l'enceinte de 2m ;

installation des latrines de la caserne, les autres dépendances de la caserne : cuisines, etc.

seront disposées en dehors de l'alignement des bâtiments afin de ne pas rétrécir la cour ;

construction d'un mur de séparation entre la cour de la caserne et la cour de l'hôpital ce

mur sera percé d'une porte qui sera habituellement fermée ;

construction de la cuisine de la caserne ;

construction d'un hôpital de 200 à 300 malades. Les deux façades seront dans

l'alignement des façades correspondantes de la caserne les élévations doivent présenter le

même caractère architectural : les fenêtres du coté nord devront être grillées de manières

à ce que de la cour de la caserne on ne puisse rien faire passer aux malades ;

étude du sol de la casbah et du rocher ;

porte de secours donnant sur un fossé :

construction d'un petit pont pour les gens de pied à retirer en cas de siège ou de blocus

restauration de l'escalier romain au niveau du pallier de porte ;

le chemin de ronde reste de mise pour assurer la surveillance des rochers qui peuvent être

escaladés ;

restauration et fortification du mur d'enceinte de la casbah ;

installation de la salle d'artifice ;

installation du magasin à poudre ;

construction d'un mur entre la tour et le bastion dont la hauteur doit être supérieure à 6m

avec un parapet de 1,10 à 1,20 mètre surmontant le terre plein au delà de la tour. La

381

Cavalier : nm. Architecture militaire : ouvrage de fortification. Dictionnaire Quillet de la Langue Française,

Librairie Aristide Quillet, Paris, 1948.

Cavalier : nm : militaire : ouvrage de fortification en arrière du corps principal et le dominant. Dictionnaire Hachette

2005, Édit HACHETTE LIVRE 2004, Paris, 2005. 382

Corps de garde : nm. Lieu où se tient un poste de soldats. Dictionnaire Quillet de la Langue Française, Librairie

Aristide Quillet, Paris, 1948.

Troisième Partie Chapitre Deuxième

259

casbah est inviolable seulement il est nécessaire de construire un mur pour éviter les

accidents ;

installation d'un futur promontoire pour la déambulation des convalescents sans

interruption de la circulation autour du mur d'enceinte ;

construction d'un cavalier en terre au niveau de la casbah qui comportera des pièces

d'artillerie afin de surveiller le pont et la porte d'El Kantara ;

réquisition d'une maison attenante à la casbah (mur mitoyen) et affectée au service de

l'hôpital ;

séparation par un mur d'une maison attenante à la casbah que l'on propose d'acquérir pour

la détruire pour annexer le terrain à la casbah ;

installation de la manutention à l'intérieur de la casbah ;

installation à la casbah de fours ;

toutes les ouvertures comprises dans le mur d'enceinte de la casbah seront soit bouchées

soit rétrécies par des bars de fer ;

emplacements pour le bois de la manutention ;

réquisitions de maisons affectées au casernement ;

les murs seront relevés pour couvrir des vues des maisons attenantes ;

construction de deux murs en contrescarpe en fermant une rue qui sera convertie en

fossé ;

démolition de maisons voisines ;

construction d'un petit bastion afin de compléter la fermeture de la casbah avec des

passages par les souterrains découverts (citernes romaines) ;

organisation d’un réduit de la casbah.

De ce mémoire, nous retenons que l’objectif principal des militaires, après la prise, est de

fortifier la ville. Cette opération consiste essentiellement en la reconstruction du mur d’enceinte

démoli lors de la prise de la ville et dans la fortification de la casbah car cette dernière doit être

imprenable. Toutes les fortifications ont été mises à niveau et selon le modèle militaire français.

Les éléments de fortifications ne nous intéressent que dans la mesure où ils touchent la

morphologie globale de la médina ou bien la morphologie des maisons et édifices existants.

Troisième Partie Chapitre Deuxième

260

Le Génie et la Direction des fortifications soulèvent la difficulté de réaliser des angles saillants

aux jointures des murs d’enceinte, or ce procédé est utilisé par l’armée française depuis Vauban.

Il permet entre autre de créer les cavaliers, fortifications nécessaires à la défense d’une place.

2.1. La logique d’implantation des casernements et fortifications.

Afin de mieux assoir leur choix de sites à défendre, la direction des fortifications et le Génie

militaire dessinent, dans le mémoire militaire, un scénario d’attaque de la ville de Constantine

par un ennemi imaginaire. Prenant en considération la topographie de la place et les routes y

menant, ils décèlent les points stratégiques faibles ou forts des environs de Constantine. Après le

coudiat Aty, c’est le plateau du Mansourah et son parc de Sidi Mabrouk qui apparaissent à leurs

yeux les points à défendre.

Sidi Mabrouk sera suivi du site de Sidi M’cid, du polygone d’artillerie et celui de Bardo. Le

franchissement de l’oued Rummel est alors assujetti à la construction d’un pont reliant les deux

rives. Ce sont donc les résultats de ce scénario qui convainquirent Paris, puisque ce sont ces

mêmes emplacements qui recevront les futurs équipements militaires de la place de Constantine.

A travers ce scénario, nous apprenons que l’armée française s’est déjà établie sur le site du

polygone d’artillerie383

. D’autre part les colons français n’ont pas attendu la stabilité et la

sécurité pour s’installer en Algérie, puisque des moulins Rouquonyrolles existent déjà sur la rive

droite du Rummel. Toutefois nous ne savons pas si ces moulins sont antérieurs ou non à la

colonisation.

La précédente logique associée à l’un des principes militaires qu’est la hiérarchisation dans la

construction des différents bâtiments militaires selon les priorités défensives nous mènent à

vérifier et à retrouver in-situ comment se sont implantés les équipements et dans quel ordre.

La carte de 1875 confirme que tous les équipements militaires construits par l’armée française

sont en dehors de l’enceinte de la ville.

Les maisons sont réquisitionnées pour abriter des fonctions primaires militaires comme le

logement des officiers et pour contenir des fonctions annexes qui ne nécessitent pas d’espaces

importants mais qui exigent d’être proches soit de la citadelle soit de la Place (commandement)

dont le siège a été installé dans le Palais du bey.

383

Polygone : nm. Architecture militaire : lieu où les artilleurs s’exercent au tir des bouches à feu. Dictionnaire

Quillet de la Langue Française, Librairie Aristide Quillet, Paris, 1948.

Troisième Partie Chapitre Deuxième

261

Fig.78 : Les principaux équipements militaires de la place de Constantine 1875

Source :site internet traité par l’auteur384

1 : casbah (arsenal, hôpital militaire, casernement et prison militaire), 2 : palais du Bey, 3 : porte Valée, 4 : porte

Djébia, 5 : porte EdDjid, 6 : fort de Bellevue, 7 : porte El Kantara, 8 : Batterie, 9 : Tribunal militaire, 10 :

Intendance, 11 : fort de Sidi M’cid.

384

www.constantine.free.fr/images/divers/

Troisième Partie Chapitre Deuxième

262

2.2. Le palais du Bey, nouveau poste de commandement.

Le mémoire militaire de 1878385

nous donne plus de renseignements que le précédent. Ces

renseignements concernent notamment les fonctions hébergées dans le palais et l’état de ce

dernier. Ainsi en 1878 le palais comprenait :

l’Hôtel de la division et ses dépendances, y compris le logement du chef d’état

major ;

le logement du chef du Génie, bâtiment M de construction française ;

les bureaux du Génie ;

les bureaux de recrutement organisés en 1876 pour former l’Armée d’Afrique, sont

installés dans la partie du Palais qui donne sur la rue Desmoyens ;

le logement du Directeur des fortifications ;

les bureaux des fortifications ;

deux logements de capitaines et un logement d’adjoint au Génie ;

jusqu’en 1878, l’Hôtel de la subdivision y était installé, mais jugé à l’étroit et

manquant d’air et de lumière, cette subdivision fut déménagée et dispatchée entre un

logement rue Caraman, un : rue Négrier et un autre place Négrier ;

un magasin à orge dans le palais côté rue Caraman et un autre magasin installé dans

l’entresol du palais « Dar el Bey » ;

les spahis et leurs 79 chevaux sous des hangars (le reste des 46 spahis et leurs

chevaux est cantonné à Sidi Makhlouf : sanctuaire situé au N°47 de la rue de la Tour).

Les maisons réquisitionnées, appropriées ou non, ne sont pas indiquées sur la carte, elles

comprennent les logements des officiers et différentes annexes.

Les casernements du Bardo, du Mansourah n’ont pas été représentés car ils sont encore sous

forme de baraquements.

Le mur d’enceinte n’existe que sur la demi circonférence allant de la casbah jusqu’à mi-chemin

entre la porte Gébia et la porte El Djdid. La topographie joue ainsi le rôle de fortification

naturelle. Le projet de 1838 se trouve ainsi réalisé puisque le mur d’enceinte cerne le boulevard

de l’Abîme qui arrive jusqu’à la casbah. La liaison Porte Vallée – citadelle se trouve ainsi

385

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, plan du Palais du Bey, Dossier 1H 805, Article 1,

N° 10, en date du 12avril 1878.

Troisième Partie Chapitre Deuxième

263

doublement réalisée ; la boulevard de l’Abîme présente l’avantage de ne pas traverser la cité,

quand nos savons l’importance de la discrétion et du secret militaire.

Ceci revêt un autre degré d’importance quand la citadelle renferme l’arsenal de la garnison de

Constantine ; créer une voie de communication pour l’armée, c’est desservir en toute sécurité ses

équipements. Le chemin de ronde initial est transformé en boulevard : c’est la première partie du

boulevard de l’Abîme. La casbah se retrouve accessible de deux côtés différents sans passage par

la ville. Elle retrouve ainsi l’isolement d’une citadelle tout en sauvegardant la proximité voulue.

Fig.79 : Plan de Constantine dressé en 1878

Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris386

386

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Partie du Plan de Constantine joint au mémoire

militaire de 1878, Dossier 1H 805, Article 1, N° 10, en date du 12avril 1878.

Troisième Partie Chapitre Deuxième

264

La casbah en 1878 comprenait les principaux établissements militaires dont les casernements

contiennent 2070 hommes, des écuries pour 44 chevaux, l’hôpital militaire, la manutention,

l’arsenal d’artillerie et les magasins à poudre qui en dépendent.

2.3. Le Quartier de la casbah, un espace militaire polyvalent.

Fig.80 : Plan de la casbah 1878

Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris387

1er Bâtiment à gauche C: logement de 412 hommes, une infirmerie partagée en trois sections

(zouaves, tirailleurs et détachements ou corps de faible effectif, un de casernier, deux cantines,

une salle de rapport, une cuisine pour 600 hommes, des latrines communes et d’autres

particulière, un bureau d’habillement, des magasins installés dans les combles pour l’armée

active et pour l’armée territoriale et un magasins des lits militaires. Sous ce bâtiment se trouve

des citernes d’une capacité de 4150m3

2ème Bâtiment à gauche D : le logement de 210 hommes, une cantine, des magasins, des

ateliers, un logement du chef armurier, le logement de secrétaire architecte de la division, des

cuisines et une citerne de 1750m3

387

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Plan de Constantine joint au mémoire militaire de

la place de Constantine, Article 1, Dossier 1H 805, N° 9, en date du 20 février 1853.

Troisième Partie Chapitre Deuxième

265

1er Bâtiment à droite F : le logement de 779 hommes, une école régimentaire, les ateliers et le

logement de deux maîtres armuriers et des magasins d’armes

2ème Bâtiment à droite G : le logement de 668 hommes, deux cantines, des magasins, des

ateliers, une école régimentaire et une bibliothèque. Sous ce bâtiment se trouvent les citernes de

la ville d’une contenance de 11 000m3. Ces citernes après avoir été transformées en magasins,

ont finit par retrouver leur fonction première après avoir été curées et restaurées. Un entresol a

été construit entre celles-ci et le rez de chaussée pour recevoir les vivres du casernement.

Cuisine HH', Latrines h'', Magasin aux manutentions bi, Remise du matériel roulant i', Bâtiment

d'entrée K, Forge et Hangar à ferrer L', Manutention N

Écurie L : d’une contenance de 44 chevaux à la disposition des sapeurs conducteurs. Ce n’est

pas la seule écurie intramuros de Constantine ; des maisons ayant servies au logement des

officiers e en magasin de manutention, et se trouvant libérées par les casernements ont été

transformées en écuries pouvant contenir 55chevaux avec logement pour 09 soldats-

ordonnances.

Au dessous de la casbah, se trouve un gymnase régimentaire dont la superficie est de 900m2.

2.4. Le Quartier du Bardo, casernement de l’Arme train.

C’est un casernement destiné à la cavalerie exclusivement, réservé au train d’équipages

militaires et à quelques spahis. Cependant, le quartier n’est pas encore entièrement terminé : il

est constitué d’une caserne et de baraquements. Il contient 634 hommes et 618 places de

chevaux, ainsi que des annexes : train d’équipages, une chambre d’adjoint-major, une infirmerie

pour les hommes, des magasins, des ateliers des logements de maîtres ouvriers, une école

régimentaire, une cantine, une écurie-infirmerie et une pharmacie vétérinaire. les spahis occupe

une chambre qui sert de bureau et de magasin.

Ce quartier permettra, en outre, la surveillance des rives et de la vallée du Rhummel ;

l’installation de cette caserne dans ce site n’est pas fortuite mais découle du scénario global de

défense.

Troisième Partie Chapitre Deuxième

266

Fig.81 : Plan d’ensemble du quartier du Bardo.

Source : archives SHD, Vincennes, Paris388

(d : 1er Bâtiment de droite, e : 2ème Bâtiment de droite, f : 1ère Écurie de gauche, g : 1ère Écurie de droite, i 2ème

Écurie et sellerie de gauche, k 3ème Bâtiment de droite, l : Salle de police et Prison, m : 3ème Écurie de gauche, n :

1er Bâtiment de gauche, o : Écurie et Corps de garde, q : Magasin du génie, yy'' : 4ème Bâtiment de droite et lits

militaires, y' : Cuisines et latrines).

2.5. Le Quartier du Mansourah, siège de l’État Major et du 3ème

régiment des Chasseurs

d’Afrique.

Des trois forts c’est le plus ancien. Sa construction a débuté en 1867 et s’est terminée en 1874. Il

était destiné à loger le 3ème

Régiment de chasseurs d’Afrique, dont 4 escadrons et l’état major

sont présents à Constantine ; il pouvait contenir jusqu’à 709 hommes et 600 chevaux. Il a la

forme d’un rectangle de dimensions considérables où sont comprises les casernes et les écuries.

Il présente une large cour qui peut être elle-même une assiette à de nouveau équipements ; il

comprend une infirmerie régimentaire, deux cuisines pour 600 hommes chacune, les ateliers et

magasins de dépôt du corps et de l’escadron territorial, le logement des maîtres-ouvriers, 04

388

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 805, Article 1, N°9, mémoire militaire

de la place de Constantine et dépendances en date du 20 février 1853.

Troisième Partie Chapitre Deuxième

267

cantines, une écurie infirmerie, des forges, des magasins à fourrage et de distribution, une

pharmacie vétérinaire avec table de dissection, des locaux disciplinaires, un corps de garde et le

logement du casernier.

Ce fort comprend en son enceinte la redoute tunisienne ; son site avait déjà été utilisé lors du

siège de Constantine. Il se devait de défendre la rive sud du Rhummel.

Fig.82 : Plan d’ensemble du projet de casernement du Mansourah pour 1866-1867.

Source : archives SHD, Vincennes, Paris389

Cependant le plateau du Mansourah demeure vulnérable puisqu’il est exposé au feu des pièces

qui éventuellement seraient établies sur les hauteurs de Djebel- Ouahch. Ce qui a poussé l’armée

française à installer des batteries sur ces hauteurs et à armer le quartier de pièces de gros calibre.

2.6. Le Quartier de Sidi Mabrouk, siège de la Remonte.

Le quartier est réservé au service de la remonte et des étalons, il a été installé sur l’ancien parc

aux bœufs. Il pouvait contenir jusqu’à 112 hommes et 353 chevaux. Il contenait un corps de

389

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Projet du casernement du Mansourah, document

non répertorié dans la nomenclature générale du Génie mais trouvé dans le Dossier 1H 806, Article 1, en date du 14

mai 1866.

Troisième Partie Chapitre Deuxième

268

garde, une cuisine, une salle de police, une forge, un hangar à ferrer et une pharmacie vétérinaire.

Le quartier est encore l’objet d’un projet d’agrandissement et de construction en maçonnerie afin

d’amener sa capacité à 238 hommes et 10 sous-officiers.

Fig.83 et 84 : Plans d’ensemble du quartier de Sidi Mabrouk.

A/ Projet de 1868390

B/ Projet réalisé en 1878391

Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris

a : 1er Bâtiment de gauche, b : 2ème Bâtiment de gauche, c : 3ème Bâtiment de gauche, d :

Magasin aux fourrages, z : Écurie et Forge, h : 1ere Écurie de gauche, m : 4ème Écurie de

gauche, n : 3ème Écurie de gauche, o : 4ème

Bâtiment de gauche, p : 3ème Écurie de droite, q :

2ème Écurie de droite, r : 1ere Écurie de droite.

L’implantation dans le site s’est effectuée de manière la plus rationnelle possible, les ingénieurs

suivent, selon leur principe, les courbes de niveau pour implanter les bâtiments.

390

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, projets pour 1868-1869 non répertorié dans la

nomenclature générale du Génie mais retrouvé dans le Dossier 1H 806, Article 1, en date du 08 avril 1868. 391

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Partie du Plan de Constantine joint au mémoire

militaire de 1878, Dossier 1H 805, Article 1, N° 10, en date du 12avril 1878.

Troisième Partie Chapitre Deuxième

269

Les quartiers du Mansourah et de Sidi Mabrouk présentent en commun une grande zone de

servitude qui sera plantée comme nous le verrons ultérieurement.

2.7. Le Fort de Bellevue, siège de l’artillerie.

C’est en 1877 que l’artillerie et le train d’artillerie sont évacués vers le fort de Bellevue alors

construit.

C’est le casernement des troupes d’artillerie, le troisième à être construit ; il se présente sous la

forme d’un long trapèze qui comprend six bastions : quatre aux angles et deux vers le milieu des

grands côté du trapèze. La position de ce fort est commandée à des distances variant de 3500 à

4000 mètres par les collines qui se trouvent entre le Bou-Merzoug et le Rhummel. Il est

puissamment armé de 09 bouches à feu dont deux pièces de sortie.

Fig.85 : Projet du Fort Bellevue 1868-1869.

Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris392

392

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 805, Article 2, N°46, les documents ne

sont pas répertoriés dans la nomenclature générale du Génie mais troucé dans les dossier susnommé, en date du 27

avril 1881

Troisième Partie Chapitre Deuxième

270

Fig.86 : projet d’agrandissement du fort de Bellevue en 1878

Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris 393

Ce fort assure la défense du coudiat Aty et du flanc Ouest de la ville. Ce dernier connut des

aménagements successifs : il a été destiné à l’artillerie. Il constitua le catalyseur de l’urbanisation

du Constantine européen.

2.8. Le Fort du coudiat Aty.

Compris à mi-chemin entre le fort de Bellevue et la Place, ce fort se présente comme une redoute

qui a perdu toute son importance défensive depuis la construction du fort de Bellevue. Il est,

cependant, maintenu pour un cas de force majeur pour abriter deux pièces de campagne. Il garde

son utilité dans le réseau défensif de la place. Il contient 41 places de sous-officiers et de soldats.

Ce fort se trouvant sur la voie qui mène au fort de Bellevue depuis la porte Valée, est un poste de

surveillance de cette voie.

La redoute demeurera sur le coudiat jusqu’à l’urbanisation complète de ce dernier ; il disparut au

profit de la Place de la Pyramide. Cette voie comprendra ultérieurement la gendarmerie et la

prison civile, qui prendront la forme du tracé initial du Génie.

393

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 805, Article 2, N°46, les documents ne

sont pas répertoriés dans la nomenclature générale du Génie mais troucé dans les dossier susnommé, en date du 27

avril 1881.

Troisième Partie Chapitre Deuxième

271

Fig.87 : Situation de la redoute du coudiat Aty comprenant l’aménagement de la rue de Fleury.

Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris394

2.9. Le fort de Sidi M’cid.

Sa construction a débuté en 1874 et a été terminée en 1877. Il peut contenir 55 hommes et 4

sous-officiers. Il comprend deux logements d’officiers, une cuisine, une citerne, un magasin aux

vivres, des magasins pour les effets et les munitions, un corps de garde, des locaux de punition et

des latrines.

Installé au Nord-nord-est de la place, ce fort permet la surveillance des routes de Philippeville,

de Ain-el-Bey, de Sétif, le pont d’Aumale ainsi que la ligne de chemin de fer. Il commande toute

la vallée du Rhummel en aval et bat les pentes de Djebel-ouahch ; il présente l’avantage d’avoir

des vues très étendues sur les collines du Mridj et des deux vallées de Bou-Merzoug et du

Rhummel.

394

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Partie du Plan de Constantine joint au mémoire

militaire de 1878, Dossier 1H 805, Article 1, N° 10, en date du 12avril 1878.

Troisième Partie Chapitre Deuxième

272

Fig.88 : Plan de masse du Fort de Sidi M’cid et sa zone de servitude

Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris395

2.10. Les portes, un système d’accessibilité fortifiée.

En dehors des casernements, la fortification de la Place passe nécessairement par celle des

portes. Celles ci constituent non seulement les points d’accès à la ville mais aussi les points par

lesquelles débutent les principales rues de la ville.

Nous n’avons pas pu retrouver dans les mémoires militaires les travaux de transformation qui

auraient pu concerner la porte Ed-Djedid. Alors que sur les plans de la place, cette porte apparait

comme appartenant au domaine militaire puisque comprise dans le mur d’enceinte, au voisinage

de la Porte Valée. D’où la question suivante : est-ce Bab el Oued qui est remplacé par la porte

Valée d’autant qu’elle a disparu de la carte ? Et dans ce cas pourquoi le terme Ed-Djedid qui

signifie nouveau ou nouvelle porte ?

395

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, projet de construction d’une batterie au fort de Sidi

M’cid, Dossier 1H 806, Article 1, N° 64, en date du 12 mai 1890.

Troisième Partie Chapitre Deuxième

273

Les transformations qu’a subies l’enceinte de la médina, avec la proximité de la porte Valée avec

Bab Ed-Djedid, sont la raison de la disparition de cette dernière port, qui donnaient sur la place

Nemours.

En dehors de Bab Ed-Djedid, les trois autres noms arabes des portes sont restés dans le langage

courant malgré leur disparition physique ; ils désignent l’emplacement des portes. Par ailleurs, si

d’autres noms d’origine française sont restés, ce n’est pas le cas de la porte Valée.

2.10.1. La Porte d’El Kantara.

La porte par laquelle la première expédition a échoué demeure vulnérable, d’autant qu’elle est le

seul accès à la ville de ce côté. C’est plus le pont qui est défendu que la porte en elle-même. Il est

flanqué de trois batteries ; présentant un réel danger, il est muni d’un dispositif de mines (quatre

fourneaux de 150kg sont préparés dans la culée de la rive gauche) qui permettraient de faire

sauter la première travée.

C’est le seul moyen de défense de la Place de ce côté car le ravin du Rhummel est pratiquement

impossible à l’escalade.

Fig.89 : Porte et Place d’El Kantara.

Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris396

2.10.2. La Porte Djébia.

De construction très ancienne, elle se présente comme une porte très bien organisée du point de

vue défensif. Elle est constituée d’une double porte : le passage est fermé par une porte

396

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Partie du Plan de Constantine joint au projet

d’exécution d’une rue carrossable de la porte Vallée à la Casbah, Dossier 1H 805, Article 1, N° 08 , en date du 21

septembre 1840.

Troisième Partie Chapitre Deuxième

274

extérieure en bois puis se retourne un peu plus loin à angle droit pour se retrouver sur une

deuxième porte qui protège l’accès à la rue.

Seulement, la surveillance de cette porte est difficile car les maisons voisines avancent jusqu’au

bord de l’escarpement du Rhummel, ce qui la rend vulnérable et explique l’ouverture de la porte

Vallée.

Très ancienne, elle a du être complètement restaurée et remise à niveau au début du siècle. Sa

surélévation a été certainement due aux travaux effectués par les français sur les chaussées

(macadam puis pavage et redressement des rues).

Fig.90 : Élévations de la porte El-Djébia.

A/ Vue de l’extérieur B/ vue de l’intérieur

Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris397

Ces élévations nous présentent comment le service du Génie a repris les caractères de

l’architecture arabo-ottomane que suggère le contexte. Nous retrouvons, à l’extérieur, la

superposition des deux types d’arcs usités dans les constructions à savoir l’arc surhaussé et l’arc

en ogive. Le premier repose sur des chapiteaux du même style, alors qu’à l’intérieur, le

397

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Projet de relèvement du seuil et du remplacement

de la porte El-Djébia, Dossier 1H 806, Article 2, N° 97, en date du 20 mars 1900.

Troisième Partie Chapitre Deuxième

275

traitement architectural est substitué par les contraintes sécuritaires, ce n’est plus qu’une porte

rectangulaire fortifiée.

Cependant la régularité, principe de conception du Génie, apparait dans le traitement constructif

de cette porte par les rapports égaux entre les barres de consolidation. Cette même dimension est

reprise dans la hauteur de la grille supérieure de la porte. Cette dernière reprend le principe du

‘Manfes’ (soupirail) que l’on retrouve assez souvent au dessus des portes des maisons de la

médina. Ainsi la porte, à l’extérieur, se présente comme une réplique de la configuration des

encadrements des portes locales

2.10.3. La Porte Vallée.

De construction française, elle remplace Bab-El-Oued détruite lors de la prise. Elle est orientée

de la même manière que l’ancienne porte. C’est à cet endroit qu’a été faite la brèche à l’enceinte.

Cette porte représente l’entrée principale de la ville et c’est la plus importante à défendre

puisqu’elle est située sur le front le plus vulnérable.

Elle est pourvue de deux passages dont un seul possède une deuxième porte intérieure. De

chaque côté de celle-ci se trouve un corps de garde. En 1878 la porte n’est pas encore bien

défendue malgré la présence d’un bastion élevé en même temps que la porte.

Ce bastion se limite à un simple mur crénelé sans trop de résistance an cas d’attaque. Cette porte

à fait l’objet d’une demande de réorientation par la municipalité qui n’a pas fourni le budget

nécessaire à sa reconstruction. Ce projet est donc abandonné.

Une partie de l’enceinte, à droite de la porte Vallée, est toujours manquante et c’est le magasin

aux grains qui forme obstacle et joue le rôle d’enceinte. La porte Ed-Djedid se voit donc

définitivement obstruée..

La ville de Constantine se trouve ainsi doublement ceinturée. La première ceinture se matérialise

par un mur fortifié sud-ouest /ouest-nord ouest et par le ravin du Rhummel sur ses autres flancs ;

la seconde ceinture est celle qui relie les différents quartiers militaires situés extramuros. Si cette

dernière parait comme ponctuelle ceux les trajectoires des tirs éventuels qui constituent le lien

entre les différents points d’arme.

Troisième Partie Chapitre Deuxième

276

2.11. Les équipements militaires et la ville : une défense intramuros et extramuros.

En implantant extramuros les différents quartiers de la garnison, les militaires n’ont fait qu’obéir

aux principes qu’ils ont reçus lors de leur enseignement : le trop d’ouvrages et de troupe affaiblit

une place.

Ce n’est donc pas uniquement le manque de terrains d’assiette qui les a conduits à l’extérieur de

Constantine mais une stratégie globale qui évite la concentration de moyens de défense en un

même lieu. En créant les chemins de ronde, les voies de communications entre leurs équipements

au sein de la ville et en dehors est aussi une application d’un de leur principe de base. Si les

transformations au niveau de la ville sont claires, les communications de celle-ci avec les autres

équipements extramuros le sont encore plus, c'est-à-dire après pratiquement un siècle

d’extension urbaine.

La construction du viaduc sur le Rhummel, ou le développement en première phase de la ville

vers le coudiat Aty sont le résultat de ce principe.

C’est le schéma de développement d’une ville le long de voies de communication sures : La rue

Rouhault de Fleury est la voie qui relie la porte Valée au coudiat Aty. La fortification du pont

d’El Kantara et plus tard la construction du viaduc de Sidi Rached, expriment la volonté

d’assurer le passage entre la ville et le plateau du Mansourah.

D’autant que ce dernier présente une double importance aux yeux des militaires ; il est le siège

d’un important quartier et comprend la carrière de pierres nécessaires aux constructions de la

ville ; il est aussi le point de jonction avec Sidi Mabrouk.

Le fait de placer l’arsenal et de le maintenir au niveau de la casbah obéit aussi à un autre

principe : l’objet de munition ne doit pas être séparé de la fortification398

. Si l’arsenal constitue

en soi un danger au sein de la ville, il représente aussi l’objet de défense et donc l’objet à

défendre. A l’inverse d’une ville de garnison française, à Constantine l’ennemi est intérieur et à

l’extérieur de la forteresse. La surveillance doit donc être menée à l’intérieur comme à

l’extérieur.

398

B. Forest de BELIDOR, La science des ingénieurs dans la conduite des travaux de fortification et l’architecture

civile, Paris, 1728, p 223.

Troisième Partie Chapitre Deuxième

277

Fig.91 : Plan d’ensemble de la Place de Constantine en 1881.

Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris399

La présence du ravin limitant la cité allège de manière importante cette surveillance et les

travaux qu’aurait exigés une ville à la topographie accidentée.

Le développement de la ville vers l’est voit les quartier du Mansourah et de Sidi Mabrouk

intégrés dans son tissu. En prolongement de ces équipement sera installée l’aviation à Oued

H’mim. Le développement du tissu urbain vers le sud comprend les quartiers de Bellevue, de

Bardo, des Testanieres et du parc militaire.

399

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, document trouvé en annexe de Projet de la mise en

état de défense du fort de Belle Vue , Dossier 1H 805, Article 2, N° 46, en date du 27 avril 1881.

Troisième Partie Chapitre Deuxième

278

Le polygone d’artillerie vient en continuité le long de la route de Sétif vers Alger. Nous

assisterons plus tard donc à une spécialisation des sites. L’arme train et l’aviation à l’est et

l’artillerie au sud. Cette partie de la ville coloniale est fortement peuplée de colons nantis

(notables ou propriétaires) par rapport à la partie Est siège des ouvriers (cité ouvrière des

chemins de fer principalement) et des petits fonctionnaires.

Le fort de Sidi M’cid perdra graduellement avec le mur d’enceinte son importance stratégique

avec le développement des armes à feu et l’apparition de l’aviation.

Ces implantations militaires à l’extérieur de la ville vont trouver encore plus de sens lorsque le

mur d’enceinte deviendra inutile avec l’introduction de nouvelles armes telles que l’aviation, les

chars et les canons aux longues trajectoires de tir.

La ville beaucoup plus aérée et moins dense comprendra toujours les équipements militaires en

son sein. Elle gardera donc son épithète de ville fortifiée et ce malgré la disparition du mur

d’enceinte. Les équipements proches des populations joueront leur rôle auprès de celles-ci : un

rôle de protection et de sécurité pour les populations françaises et un rôle de surveillance, de

dissuasion et de domination auprès des populations autochtones.

Fig.92 : Les équipements militaires de la place de Constantine 1958

Source : Carte d’état Major de 1958 traitée, par l’auteur

Troisième Partie Chapitre Deuxième

279

1 : Gendarmerie, 2 : Arsenal, Casbah, Hôpital et Prison militaires Nouvelle Cité militaire, 3 : Tribunal militaire

Quartier de la Remonte, 4 : Cercle militaire, 5 : S.A.S de Sidi M' Cid, 6 : Fort de Sidi M'Cid, 7 : Quartier de La

Remonte et la caserne des gardes mobiles, 8 : Quartier Galliffet, 9 : Cité colonel Fabian, 10 : Parc militaire, 11 :

Caserne Testanieres, 12 : Fort de Bellevue, 13 : Caserne du Bardo et son parc, 14 : poudrière.

Nous constatons qu’il n’y eut plus d’installation de nouveaux équipements. Seulement, les

anciens équipements se sont développés et fortifiés. Les deux rives du Rhummel sont toujours

aussi bien protégées et surveillées.

L’extension de la ville s’est faite selon les prévisions du XIXème siècle, elle suit les voies

d’accès aux différents sites militaires. Une « planification urbaine » basée sur des données

scientifiques, à savoir la topographie du site, a porté ses fruits. Les deux axes de développement

de la ville de Constantine, Sud et Est prévus par le Génie militaire (selon les emplacements des

casernements et donc les grands axes de communication) continuent d’être de mise jusqu’à nos

jours.

C’est ainsi que ces équipements conçus et construits au XIXème siècle se trouvent maintenant

enclavés dans le tissu actuel, ce qui leur confère le statut d’équipements militaires urbains.

Fig.93 : Les équipements militaires actuels de Constantine

Sources : INC, Alger, 1994, traité par l’auteur

Troisième Partie Chapitre Deuxième

280

1 et 2 : cités militaires, 3 : Quartier de la Remonte, 4 : Caserne du Mansourah, 4 bis : Caserne du Mansourah, 5 :

Fort de sidi M’cid, 6 : Prison militaire, 7 : Tribunal militaire, 8 : Caserne de Belle Vue, 9 : Caserne de la Cinquième

Région militaire.

L’Algérie indépendante a gardé les principaux quartiers militaires hérités. Leur implantation ne

présente plus le caractère stratégique d’autrefois mais leur proximité est encore nécessaire

nécessaires en cas de catastrophes naturelles (inondations, séismes, ou incendies) ou d’instabilité

politique ; ils génèrent un sentiment de sécurité effective aux populations urbaines. Les

populations algériennes l’ont vécu ces deux dernières décennies lors des inondations d’Alger, du

séisme Boumerdes ou encore durant la période de « terrorisme ». Pourtant pendant quelques

années (1980-1990) le plateau du Mansourah qui présentait beaucoup de surface « libre » mais

sous servitudes militaires était largement convoité comme espace urbanisable avec une option de

délocalisation des casernements s’y trouvant.

2.1. Impacts des interventions militaires sur les tissus urbains existants.

La transformation du palais du bey, de la casbah, la construction de batteries et de redoutes,

l’appropriation de maisons à des fins militaires ou civiles, ont provoqué des transformations sur

les anciennes constructions. Nous verrons plus bas en quoi et comment ces transformations ont

touché l’existant. Les transformations architecturales, les plus importantes, sont certainement

celles qui ont été introduites au niveau de la casbah et au niveau du palais du Bey. Alors que les

installations intramuros et extramuros ont touché la structure générale de la cité de Constantine

par la création de nouvelles voies de communication et par la transformation des places et portes.

2.2.1. Impacts sur le plan architectural.

Du point de vue architectural, les premières réalisations se sont limitées comme nous l’avons vu

plus haut aux transformations de la casbah, du Palais du bey et des maisons. Nous étudieront en

détails comment ces réalisations ont métamorphosé le caractère local de ces édifices.

2.2.1.1 Le quartier de la casbah, une nouvelle citadelle.

La casbah en 1878 comprenait les principaux établissements militaires dont les casernements

contenaient 2070 hommes, des écuries pour 44 chevaux, l’hôpital militaire, la manutention,

l’arsenal d’artillerie et les magasins à poudre qui en dépendent. Cet effectif et ses établissements

ne pouvaient être logés dans l’ancienne citadelle sans des transformations et des

Troisième Partie Chapitre Deuxième

281

réaménagements de celle-ci. La casbah a fait l’objet de différents projet depuis 1838 avant de

connaitre la forme que nous lui connaissons encore aujourd’hui c'est-à-dire celle de 1878. Nous

traiterons également plus loin ce quartier car il comprend l’hôpital militaire.

Le quartier de la casbah présente à la ville sa façade principale qui n’est autre que son mur

d’enceinte. C’est donc ce mur et la porte d’accès au quartier qui vont symboliser le pouvoir en

place. Le mur d’enceinte de la casbah donnant sur la ville fut relevé de 1,5 à 1,6 mètre selon les

endroits afin de défendre l’enceinte. Cette surélévation en pierres de taille provenant des pierres

de récupération, projette la façade de la casbah au-delà des façades des maisons avoisinantes ce

qui lui confère une monumentalité dissuasive. Sa hauteur varie de 6 à 14m dans sa partie la plus

haute. Ce mur est flanqué400

dans toutes ses parties.

Le fait que la casbah comprenne la prison militaire, le mur du côté de la rue Damrémont a été

crénelé pour une meilleure surveillance, lui rajoutant ainsi au caractère de dominance et de

pouvoir. La porte à deux voies d’accès est flanquée de deux corps de garde. Elle a fait l’objet

d’un projet de rénovation et de renforcement. Ce mur devait dissuader toute envie d’émeute ou

de soulèvement.

Les transformations effectuées sur la casbah n’ont été seulement de l’ordre des fortifications

mais ont aussi touché les bâtiments qu’elle comprend, et ce dans leur profondeur. Il suffit de

comparer les plans de la place en différentes époques pour voir que la casbah telle qu’elle se

présente en 1878 n’a rien de celle qui existait lors de la prise. Le plan dressé en 1838 mais

représentant la ville à la conquête indique clairement que la citadelle était autrement organisée.

Sa forme est aussi irrégulière que l’est celle des maisons.

Les bâtiments la constituant s’imbriquent comme le font les maisons en créant des passages

irréguliers. Le croquis de 1838 représente le quartier avec les transformations qui ont été

apportées depuis la prise et celles en cours. La citadelle ottomane est loin de la régularité des

bâtiments militaires organisés depuis Vauban. Elle reproduit la trame urbaine de la médina. Les

anciens bâtiments enchevêtrés comprennent des cours intérieures de différentes dimensions.

Parfois ils s’organisent autour d’une place. Cependant, dans le mémoire 401

concernant le quartier

de la casbah, aucune description de l’existant n’est mentionnée.

400

Flanquer : v r : (Fortification), se dit d’une partie d’une fortification qui en voit une autre de flanc, et qui lui sert

de défense. Dictionnaire Quillet de la Langue Française, Librairie Aristide Quillet, Paris, 1948. 401

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Article 2, Dossier 1H 806, N° 05, en date du 1er

octobre 1838.

Troisième Partie Chapitre Deuxième

282

Ainsi il nous est impossible de connaître les dimensions de celui-ci et les fonctions que chaque

bâtiment abritait. Seule la grandeur des cours pourrait indiquer celles qui, éventuellement,

servaient comme cour d’exercice aux soldats. Ce dernier plan indique toutefois que les travaux

de transformations ont débuté, vu le bâtiment régulier en jaune (en projet) et noté B et C.

Fig.94, 95, 96 : Plans de la casbah à différentes périodes 1853, 1838, 1840

A402

B403

C404

Sources : Archives du SHD, Vincennes, Paris

402

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 806, Article 2, N° 05, en date du 1er

octobre 1838. Date du 20 février 1853. 403

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, carte de la zone de servitude de la ville de

Constantine, Dossier 1H 806, Article 2, N° 05, en date du 1er octobre 1838.

404 Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 806, Article 2, N° 07, en date du 08

février 1840.

Troisième Partie Chapitre Deuxième

283

La comparaison des deux plans 1838 et 1840 nous permet d’avancer que les militaires français

ont pratiquement démoli l’ensemble du bâti existant afin de libérer les terrains devant servir

d’assiette aux futures constructions. La casbah française de 1840 est constituée essentiellement

de trois grands bâtiments à forme régulière et alignés. Aucune trace de l’ancien bâtiment

n’apparait. Vu l’ampleur des démolitions, il est aisé de comprendre pourquoi les militaires

français relève, dans leur rapport de budget (ce dernier correspond à notre devis estimatif actuel),

l’économie faite sur le coût des matériaux de construction.

Ainsi les citernes romaines présentes dans le sous-sol ont été transformées en magasins dans un

premier temps pour retrouver leur fonction première en 1875. Les citernes étant très hautes (elles

présentaient une échappée supérieure à 4,50 m par endroit) cela a permis aux militaires

d’installer en entresol sous la voûte fortifiée (à l’épreuve de bombes) les magasins qui leur

étaient nécessaires. La découverte de ces citernes dont l’armée française a récupéré en partie les

pierres ont mené cette dernière à rechercher l’origine géologique de ces pierres : c’est sur le

plateau du Mansourah que la carrière de pierre ayant déjà servi aux romains fut mise à jour et

exploitée. Cette découverte induit le percement et le tracé d’une voie carrossable entre la porte

d’el Kantara et la Casbah. L’acheminement de pierres à bras d’hommes est en effet lent et

couteux.

Présentant l’avantage d’une place forte, le quartier cerné par son mur avait ses limites en terrains

disponibles à la construction de nouveaux bâtiments devant être défendus. Les bâtiments

existants au niveau de la citadelle sont jugés par le Génie comme insuffisants et mal adaptés au

fonctionnement d’une armée moderne, leur destruction devient ainsi impérative.

C’est ainsi qu’en 1840, le temple chrétien existant eu Nord de la citadelle est démoli pour

recevoir le nouvel hôpital militaire405

devant contenir 800 malades ; le génie récupéra les

matériaux pour les travaux de l’hôpital. Ces démolitions viennent à contre-sens de la volonté

gouvernementale qui désire rechercher puis conserver les monuments et bâtiments historiques

notamment romains406407

. Il est vrai que la régularité tant recherchée par le Génie remonte à

405

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, mémoire militaire de la place de Constantine,

Dossier 1H 805, Article 1, N° 9, en date du 20 février 1853 406

Le ministre de la Guerre avait constitué la commission de l’exploration scientifique de L’Algérie en 1839,

composée de 20 académiciens et officiers de l’armée d’Afrique. En dehors des recherches des potentialités

algériennes (faunes, flores, etc.) et l’établissement de relevé topographiques et géologiques, elle avait pour mission

de répertorier les sites archéologiques de l’Algérie.

Troisième Partie Chapitre Deuxième

284

l’époque romaine où l’organisation du camp matérialise cette régularité. Pour des raisons

purement militaires, la préservation du patrimoine, qui était sensé devenu le leur, apparait

comme secondaire. Si l’usage des citernes en magasins a été sans incidences majeurs sur celles-

ci (malgré la fortification de la voûte), ce n’est pas le cas des édifices pas seulement transformés

mais démolis. Ils n’hésitent donc pas à détruire face aux enjeux stratégiques.

Le Génie projette donc la construction de bâtiments à plusieurs niveaux. Les mémoires ne

donnent aucune indication sur les hauteurs des bâtiments de la citadelle ottomane. Les bâtiments

construits encore existants à nos jours et comprenant deux étages, sont le témoin physique de

cette conception. Ils correspondent à une architecture militaire austère et sans artifices.

L’alignement connu et appliqué au tissu urbain, est un des principes lors de la conception de

projet d’équipement militaire. Malgré leur hauteur, ces bâtiments sont visibles de l’extérieur de

la cité. Mais ils restent invisibles à partir de l’intérieur.

2.2.1.2. Incidences des transformations sur le Palais du Bey et son environnement.

La deuxième transformation architecturale importante est celle qui a touché le Palais du bey

siège de la place. Le plan de Constantine lors de la prise représente le palais comme un ensemble

monolithe, compact et dense. On peut y relever la présence de trois cours intérieur, ce qui laisse

supposer que le palais était constitué de trois entités distinctes mais solidaires.

Sa forme en plan est irrégulière et il ne présente qu’un seul accès ; le palais est complètement

intégré dans le tissu, il est mitoyen avec toutes les maisons qui le cernent, il ne se présente pas

comme les demeures seigneuriales des autres villes musulmanes, c’est-à-dire retranché et

fortifié.

407

L’intérêt des militaires pour les vestiges est important que ce soit du point de vue stratégique soit du point de vue

culturel. C’est ainsi que, durant le mois d'aout de 1847, Mer Texier est nommé en tant qu’inspecteur des Bâtiments

civils et ce jusqu'à la fin de l'année407

. Il était déjà en poste en Algérie et ce depuis le début de l'année en vue de

recenser les vestiges et monuments anciens. Ce dernier avait déjà été chargé de l'exploitation et de la découverte de

monuments anciens dans le midi de la France, en Italie (comprise dans l'Empire), en Asie mineure et en Perse. Cette

nomination est venue donner suite à l’intérêt qu’avaient suscité les vestiges trouvés par les géographes et ingénieurs

du génie. En dehors du recensement des sites il devait assurer la levée des plans préconiser les dispositions à prendre

afin de les préserver.

Ce n'est qu'en octobre de la même année soit moins d'un trimestre de la fin de sa mission, que les prérogatives de

l'inspecteur furent formalisées. Elles furent adressées au Général Bugeaud alors Gouverneur Général de l’Algérie.

Cet inspecteur est placé sous les ordres immédiats de ce dernier.

Troisième Partie Chapitre Deuxième

285

Sur le plan de 1853, le palais se présente comme un ensemble de constructions autour d’une

place assez importante. La forme de certains bâtiments est régulière, seules les parties en bleu, J

et J’ apparaissent encore monolithes. Le palais a donc subi beaucoup de transformations qui sont

plutôt de l’ordre de la destruction que de la simple transformation.

Fig.97 et 98 : Plans de masse du Palais du bey

A408

B409

Source, Archives du SHD, Vincennes, Paris

En comparant les deux plans, nous pouvons dire que le palais de 1853 englobe des parties de

l’ancien palais mais aussi des maisons mitoyennes qui lui ont été annexées notamment dans la

partie J. Aussi, c’est la première cour et donc la première maison qui a été détruite pour être

remplacées par la place et le Bâtiment M.N actuellement siège du Collège d’enseignement

moyen Fatima Zohra. La tradition rapporte que c’était la maison de la fille du Bey.

Nous n’avons pu retrouver, dans les mémoires, les premiers travaux concernant les parties à

détruire ou à annexer. De la même manière, les mémoires militaires sont très précis lorsqu’il

s’agit de travaux français et sont dépourvus de la moindre information concernant le bâti existant

avant leur arrivée. Ils se limitent à localiser sur plan ou sur carte et à donner une référence à

l’édifice. Lorsqu’il est question d’une maison à annexer ou à détruire, peu de références ou

408

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Partie du Plan de Constantine joint au projet

d’exécution d’une rue carrossable de la porte Vallée à la Casbah, Dossier 1H 805, Article 1, N° 08 , en date du 21

septembre 1840. 409

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Plan de Constantine joint au mémoire militaire de

la place de Constantine, Article 1, Dossier 1H 805, N° 9, en date du 20 février 1853.

Troisième Partie Chapitre Deuxième

286

d’éléments concernant son état ou ses dimensions ou encore son propriétaire sont données. La

maison ne revêt d’intérêt que par la récupération du foncier et par sa situation dans le tissu

militaire.

Le plan du palais de 1856410

indique que ce dernier comprend notamment : les bureaux de la

direction du Génie, le bureau du Général de division, la salle de la commission consultative, les

logements des officiers. Les travaux ont porté sur les ouvrages suivant :

Construction d’un mur de contrefort pour empêcher la poussée de terre ;

Reconstruction des murs des galeries et remplacement des colonnes avec pose de tirants ;

Reprises-en sous-œuvre des murs de fondations avec contreforts ;

Maçonnerie reprise en sous-œuvre ;

Reprises-en sous-œuvre par la galerie ;

Les colonnes qui ont été repassé avancent de quelques marches par le pied vers le jardin

de 5 à 15cm et même davantage vers le milieu des galeries ;

Les murs de galeries déjà désagrégés commençaient à surplomber et à se renvoyer

forçant le sol des galeries ;

Pose de tirants en fer reliant le pied des colonnes.

Ces transformations indiquent que la consolidation du palais tenait une place prépondérante dans

le budget mais aussi dans les perspectives d’usage de ce palais. Il est considéré comme

casernement provisoire durable. Le fait d’ajouter des contreforts, qui existent jusqu’à nos jours,

ne sont pas sans conséquence sur la façade mais aussi sur la largeur des rues (ex : rue

Desmoyens) où se situent ces contreforts car tous ne sont pas intérieur ou situés en sous-œuvre.

Le plan indique que certains contreforts sont apparents au niveau du jardin du palais. La

pérennité d’un tel bâtiment leur permet d’éviter la construction immédiate d’un nouveau siège de

la Place et de garder la centralité du pouvoir et de la dominance.

Une partie du palais serra ainsi détruite lors de l’alignement de la rue Sassy par la municipalité

mais une autre serra construite et annexée à l’édifice original afin d’y loger le Génie.

410

Archives du Service Historique De la Défense de Vincennes, Apostille du Chef du Génie, document classé mais

non répertorié dans la nomenclature générale du Génie, Dossier 1H 805, Article 2, N° 7, en date du 28 février 1840.

Troisième Partie Chapitre Deuxième

287

Aussi la partie régulière de construction française ne fait pas partie de l’actuel Palais. Certes, elle

a été construite dans l’esprit architectural du palais à savoir sur cour intérieure et galeries, mais

présente une forme très régulière s’adaptant au terrain disponible. Les ouvertures sont plus larges

pour un meilleur ensoleillement et une meilleure aération. Elle se rapproche plus de

l’architecture française qu’ottomane.

L’alignement des colonnes permet non seulement l’élargissement des galeries et donc le

rétrécissement du jardin mais c’est la régularité qui est recherchée vu que ces colonnes ont été

déplacées différemment. Si les colonnes ont été déplacées cela suppose que les arcs eux aussi ont

subi des transformations que nous ne pouvons apprécier vu que nous ne possédons pas de

documents nous permettant de le faire. La forme irrégulière du plan du Palais leur pose

problème. Le palais présente de l’irrégularité dans sa forme globale mais la largeur des galeries

elles mêmes est irrégulière, certaines sont curvilignes. Cette régularité sera recherchée à

l’extérieur du bâtiment par un alignement des rues attenantes au palais. La communication par

voie carrossable est aussi nécessaire au palais qu’à la casbah.

Fig.91 : Plan du Palais du Bey

Source :Archives du SHD, Vincennes, Paris411

411

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Plan du Palais, document classé et non répertorié

dans la nomenclature générale du Génie, Dossier 1H 808, Article 3, N°78, en date du 04 mars 1856.

Troisième Partie Chapitre Deuxième

288

De nouveaux matériaux sont introduits notamment le fer. Ce dernier était pratiquement inexistant

dans les anciennes constructions. Les tirants en fer que le Génie a utilisés pour stabiliser les arcs

et colonnes existent bien dans les maisons mais en bois : El Watr.

Fig.100 : Elévations du palais

Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris412

412

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Plan du Palais, document classé et non répertorié

dans la nomenclature générale du Génie, Dossier 1H 808, Article 3, N°78, en date du 04 mars 1856.

Troisième Partie Chapitre Deuxième

289

Ainsi le palais du Bey s’est trouvé :

transformé dans son volume par la construction d’une aile, par la destruction d’une autre

et par l’annexion de maisons mitoyennes ;

transformé dans sa forme en plan par une régularisation de celle-ci ;

transformé dans sa façade (intérieure ou extérieure) par l’agrandissement des ouvertures

et l’introduction d’éléments structurels tels que les contreforts ;

transformé dans sa structure profonde par la consolidation des murs et des arcs.

Bien que jugé original, sa façade est tout au contraire trouvée laide. Seuls les jardins entourés des

galeries présentent aux yeux des militaires un attrait mais ayant un défaut d’irrégularité qu’ils

s’empressent de corriger. Nous remarquons que dans le cas du palais du bey de Constantine pour

les travaux concernant la restauration ou encore la consolidation, beaucoup de détails

constructifs sous forme de schémas et de descriptifs sont donnés. Or pour le cas de la mosquée

du Bey de Annaba, nous n’avons rien trouvé de semblable mis à part la construction d’un mur de

consolidation au pied du minaret.

Le palais du bey transformé par les français est, dans sa forme et dans son volume, loin du palais

original.

2.2.1.3. La transformation des maisons.

Ce qui précède indique comment le Génie militaire français a agi sur le bâti. Nous avons vu que

les maisons n’ont pas échappé à la destruction et cela bien avant et pour d’autres raisons que

l’alignement des rues. Lorsqu’elles sont jugées utiles elles sont réquisitionnées, mais pas

toujours appropriées, pour être annexées dans le cas du Palais du Bey et de la casbah, pour

abriter des fonctions pas toujours inertes.

La maison doit s’adapter à la fonction qu’elle abrite ; c’est cette dernière qui génère les

transformations à faire en cas de nécessité. Lorsqu’il s’agit de logements, très peu de

transformations s’en suivent, sauf pour celles occupées par des haut- gradés.

Celles qui abritent des fonctions comme l’administration (tribunal ou préfecture) ou de service

tel l’hôpital civil ou la prison ont du être réaménagées ou transformées pour permettre l’exercice

de cette fonction. Les maisons peuvent être jumelées pour recevoir une seule fonction qui

nécessite une grande surface ; celles affectées aux services dits annexes comme les écuries ont

du subir des détériorations sérieuses du bâti.

Troisième Partie Chapitre Deuxième

290

Aussi, les maisons gênant la sécurité se trouvent soit détruites soit transformées. Le gabarit de

certaines d’entre-elles se trouve changé par surélévation des murs de façades crénelées

(destruction des toitures et leur remplacement par des terrasses au garde-corps surélevé). Alors

qu’à l’inverse de Annaba et d’Alger où les terrasses étaient généralisées dans les maisons, les

couvertures à Constantine sont des toitures inclinées couvertes de tuiles et lorsque les terrasses

existent elles sont en demi-niveau par rapport au faîte et ne recouvrent que partiellement la

maison. L’introduction de terrasses défigure ainsi l’harmonie qui existait grâce à une

homogénéité de couverture, alors que les bâtiments construits sont couverts de toitures inclinées

couvertes de tuiles. Nous ne pensons pas que ce choix ait été dicté par l’intégration au tissu

ancien mais plutôt par la logique de surveillance et une reconduction de conception française ou

une méconnaissance du climat.

Les français n’accordaient d’importance à ces maisons que lors des transformations à effectuer et

lors de l’établissement des budgets en vue d’achat, de cession ou de location. Nous n’avons

retrouvé aucune indication ou descriptif quant à leur état, surfaces ou dimensions dans les

mémoires relatifs aux projets. Alors que les mémoires militaires se montrent très précis lorsqu’il

s’agit de travaux français, ils sont dépourvus de la moindre information concernant le bâti

existant avant leur arrivée qu’il s’agisse de la citadelle, du palais du Bey ou des maisons. Ils se

limitent à localiser les bâtiments, sur plan ou carte et à donner une référence à l’édifice. Lorsqu’il

est question d’une maison à annexer ou à détruire, peu de références ou d’éléments concernant

son état ou ses dimensions ou encore son propriétaire. La maison ne revêt d’intérêt que par la

récupération du foncier et par sa situation dans la trame militaire.

Tout autant que les maisons, les lieux de culte ne furent pas épargnés. Nous avons vu plus haut

l’usage d’un sanctuaire (Sidi Makhlouf) affecté au logement de spahis avec leurs chevaux. La

proximité de Djamaa El Bey du palais a fait que ce dernier est transformé en église. Ces édifices

ont sûrement être affectés par ces utilisations mais nous ne pouvons nous prononcer à ce sujet

par manque de documents.

Du point de vue architectural, le Génie a agi sans aucune prise en considération de l’existant. Les

édifices d’origine romaine ou ottomane ont subi le même sort quelque soit leur importance

historique ou culturelle. Jugés utiles, ils ont été transformés, dans le cas contraire ou présentant

Troisième Partie Chapitre Deuxième

291

un danger quelconque, ils ont été détruits. Seul l’avantage que ces édifices pouvaient présenter

importait. Le Génie, connu pour sa précision, devenait très vague par rapport à ces édifices. La

description est très sommaire lorsqu’elle existe. Les principes d’adaptation à l’existant et la

sauvegarde du caractère architectural préconisé lors de la conception de nouveaux projets

n’apparaissent que sous la forme de la cour et des galeries. Ce sont plutôt les principes militaires

et les prémices de l’hygiénisme qui émergent de l’architecture des différents projets. Nous

retrouvons donc rationalité, répétition, équilibre et économie dans les projets superposés à

l’ancien bâti.

2.2.2. Impacts sur le plan urbain.

Le fait de reprendre en partie le mur d’enceinte de la casbah, de transformer une rue en fossé, de

détruire palais et maisons ou de les transformer n’est pas sans impact sur le tissu urbain. En

comprenant comment l’armée a agi dans la ville, et en prenant en considération les équipements

militaires et les accès, il nous est aisé de reprendre la même logique quand au tracé des futurs

voies de communication entre la ville et les différents équipements militaires construits au

niveau du coudiat Aty avec le fort de Bellevue, du casernement de Bardo ou ceux du Mansourah

et de Sidi Mabrouk.

Connaissant l’importance du facteur temps pour les militaires du XIXème siècle, ces voies

doivent être les plus directes possibles pour permettre une intervention rapide. Seule la

topographie du site est l’élément qui pourrait gêner la ligne droite chère au Génie ; suivre les

courbes de niveau est alors une des solutions adoptées. Le tracé devra, toutefois, être sécurisant

(visibilité dégagée en évitant au maximum les boucles obligées en contre-pente) et sécurisé (par

l’implantation des batteries ou des postes de garde). Si nous nous limitons au service du Génie

(sans inclure le service des fortifications) c’est que, comme nous l’avons vu dans la seconde

partie, ce dernier est responsable de la forme de l’enceinte et de l’emplacement des portes ainsi

que de la régularité du tracé des rues.

Enfin le décret du 13 fructidor de l’an XIII (13 août 1805) qui redéfinit les charges du Génie

militaire et qui stipule : « en cas de siège d’une place de guerre et pendant la durée du siège les

officiers du génie militaire seront exclusivement chargés dans ladite place, du service dévolu aux

ingénieurs des Ponts-et-Chaussées » donne au service du Génie tous les pouvoirs de décision

dans la projection d’édifices publics et dans la conception de plan d’alignement. Constantine se

Troisième Partie Chapitre Deuxième

292

trouvait être une place en état de siège pour une longue période et ce avant et après l’instauration

du pouvoir civil.

2.2.2.1 Ouverture des voies de communication et des places.

L’implantation des équipements dans la ville de Constantine eut comme corollaire l’ouverture ou

l’agrandissement de certaines rues. La communication étant très importante lors des

déplacements des troupes ou du matériel nécessaire à celles-ci, la taille ainsi que l’état des rues

pouvaient gêner et retarder l’avancement des troupes ou des travaux effectués dans l’enceinte de

la ville.

Aussi, l’ouverture des rues dans une ville qui était très dense fut l’un des premiers projets auquel

s’attela le Génie militaire. Il suit encore une fois l’enseignement de Bélidor lorsqu’il s’agit des

règles à suivre pour la projection d’une ville régulière : « Quand l’espace que l’on veut fortifier

n’est pas occupé par des anciennes habitations, on ne doit rien négliger pour faire régner dans

l’intérieur de la place la plus grande régularité possible »413

. Certes l’espace ici est occupé par

les maisons et ce n’est pas une ville nouvelle qu’ils ont à projeter mais la recherche de cette

régularité militaire se fait ressentir dans toutes leurs décisions et actions.

Nous avons vu plus haut que les militaires, pour atteindre leur but, n’en faisaient pas grand cas.

Si les populations avaient pu être évacuées à l’extérieur de l’enceinte Constantine ne serait peut

être pas ce qu’elle est aujourd’hui. Il s’agit ici de faire la ville sur la ville ; nous retrouvons là le

processus d’évolution de la ville par stratification, comme dans les villes du Moyen Âge cernées

d’une enceinte fortifiée.

L’impact de l’installation des français sur le tissu urbain de Constantine est à deux niveaux

d’échelle. Le premier est à l’échelle de la ville alors que le second est à l’échelle du territoire

limitrophe et déterminé par l’emplacement des équipements militaires.

C’est au travers des deux exemples suivant que nous essayerons de retrouver les logiques

technique et stratégique de projection du Génie à l’échelle de la ville.

413

B. Forest de Belidor, La science des ingénieurs dans la conduite des travaux de fortification et l’architecture

civile, Paris, 1728, p 223.

Troisième Partie Chapitre Deuxième

293

2.2.2.1.1. Ouverture d’une voie carrossable entre la casbah et la porte Valée.

Comme la casbah de Constantine représentait le plus important équipement militaire, l’ouverture

de voies de communications y menant était de première urgence. Dés 1939, un projet

d’ouverture d’une voie de communication reliant la casbah à la porte Valée fut introduit par la

Direction des fortifications. Ce dernier stipulait que la communication entre la porte Valée et la

casbah se ferait par la rue Damrémont. Ce projet n’ayant pas satisfait le Génie, ce dernier

introduisit un second en 1840414

.

Le financement du projet ainsi introduit serait largement couvert en partie par les bénéfices

résultant du transport de matériaux nécessaires à la construction de l’hôpital militaire qui se

situerait dans l’enceinte de la casbah. Le reste du budget serait à la charge du Ministère de la

Guerre. Le budget de financement de ce projet (1840) tient compte des deux solutions (sur la

base d’un comparatif d’estimation des deux projets). Il tient aussi compte du prix d’achat des

terrains susceptibles de recevoir l’une ou l’autre des solutions de tracé mais aussi de l’ouverture

de la rue.

Le Génie estimait que les maisons à détruire dans le nouveau projet avaient moins de valeur.

Leur nombre aussi était moins important. Le gain découle non seulement du bénéfice effectué

lors de l’achat mais aussi des procédures de démolitions et déblaiements moins importantes.

Le changement du tracé est notamment du à la topographie du site, les ingénieurs du Génie

jugeant la pente trop importante et relevant l’existence d’étranglements importants entre la place

Nemours et la rue d’Orléans. Ces derniers rendraient la rue ainsi créée impraticable par les

voitures (tirées par mulets ou chevaux). Le nouveau projet présenterait une rue à pente plus

douce (1/15) ; les maisons détruites lors de l’ouverture étaient une source non négligeable de

matériaux de construction gratuits. Nous retrouvons ici l’esprit d’économie du Génie : la

récupération in situ permettait d’économiser sur le prix des matériaux eux-mêmes mais aussi sur

le prix de transport de ceux-ci.

En outre, plus les étranglements sont nombreux, plus le nombre de maisons à détruire

augmentait. Le Génie prend aussi en considération les spécificités de la morphologie des

maisons traditionnelles. Leur forme irrégulière, pas toujours à tendance carrée, ainsi que les

procédés de construction traditionnels ne permettent pas le découpage en biais. Ce genre de

414

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Apostille du Chef du Génie, Dossier 1H 805,

Article 1, N° 7, en date du 28 février 1840.

Troisième Partie Chapitre Deuxième

294

coupe effectué sur les maisons de la médina équivaut à une destruction totale. Comme reloger les

autochtones n’était pas de leur ressort, puisqu’ils indemnisaient le propriétaire, la destruction de

maisons ne posait aucun problème tel que nous pourrions le ressentir.

Le nouveau tracé proposé pour la rue la rend plus pénétrante dans le cœur de la ville : le Palais

du Bey siège de commandement se verrait rapproché de la casbah. Ce second projet ajusté au

bâti existant permet l’établissement de futurs projets de communications. Nous assistons là, à la

conception de projets édifiés dans l’urgence mais qui n’excluent pas une vision future plus

complète.

Dans la note du Génie jointe à l’apostille de 1840415

, nous relevons les facteurs suivants : prix

des terrains, topographies, destruction, reconstruction, pénétration, distribution. Tous ces facteurs

rentrent dans le cadre d’un aménagement urbain. Seulement, ces éléments ne peuvent être retirés

de leur logique : économie, rationalité, ordre , sécurité et stratégie globale.

La même note stipule le désaccord du Chef des Fortifications avec le nouveau projet, s’alliant le

Maréchal commandant de la Place. Il rétorque que la jonction Palais / casbah peut être obtenue

ultérieurement par élargissement de la rue d’Orléans.

Cette note dévoile une véritable discussion assez objective entre le chef du Génie qui avance des

arguments techniques et le Chef des Fortifications qui avance des raisons budgétaires et

sécuritaires au détriment de la qualité de la rue en projet, sur un terrain à topographie difficile.

Toutefois les deux s’accordent à exprimer l’indispensabilité d’une voie carrossable entre la

casbah et la Porte Valée. Cet accord n’est qu’un effet de résurgence de l’enseignement militaire :

les portes doivent être reliées par voie rapide aux équipements militaires intramuros.

Nous retenons que nonobstant le grade des militaires en poste en Algérie, ces derniers n’ont pas

de pouvoir de décision. Paris reste incontournable malgré l’éloignement, alors que l’on sait

l’importance de la connaissance du terrain dans ce genre de projet.

A cette note, est joint un P.V de délibération du conseil municipal dans lequel la ville prend en

charge les travaux de la partie comprise entre la Place Nemours et la casbah. L’étude de cette

ouverture a été effectuée par les services du Génie ; la loi est donc respectée. La ville de

415

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 805, Article 1 N° 07, en date du 28

février 1840.

Troisième Partie Chapitre Deuxième

295

Constantine est bien considérée en état de siège puisque c’est le Génie qui a la charge des études

d’ouverture de voies.

A travers les détails de budget que comprend cette note, nous relevons le fait que les terrains sur

lesquels s’effectueront les travaux appartiennent soit au domaine civil soit au domaine militaire.

Les particuliers propriétaires « arabes » sont indemnisés quand le tracé passe par leur

demeure416

.

2.2.2.1.2. Ouverture d’une voie carrossable de la porte d’El Kantara à la casbah

Le précédent projet est fait en parallèle avec celui de la voie entre la porte d’El Kantara et la

casbah. La jonction de cette porte aux différents équipements militaires revêt toute son

importance quand on sait que le pont d’El Kantara était le seul pont carrossable joignant les deux

rives du Rummel. À travers le projet de la voie carrossable joignant El Kantara à la casbah, les

militaires sur place attirent l’attention des autorités sur la nécessité de construire un nouveau

pont carrossable qui assurerait la liaison entre les deux rives du Rummel.

Cette même note comprend le projet d’ouverture d’une voie carrossable entre la Porte d’El

Kantara et la casbah. Comme nous l’avons cité plus haut cette dernière comprend l’arsenal de la

place de Constantine et comprendra le futur hôpital militaire ; ce qui confère à la casbah une

importance stratégique.

L’accessibilité par la porte d’EL Kantara, à la casbah est jusqu’alors problématique. C’est ce qui

explique l’urgence dans laquelle s’inscrit le projet.

Comme nous venons de le notifier plus haut, l’importance de cette rue est d’autant plus grande

que le pont d’El Kantara est l’unique pont carrossable alors que la voie qui y mène depuis la

casbah ne l’est pas, elle est, alors, de l’ordre du sentier.

Ce pont revêt une plus grande importance lorsque l’on sait qu’il constitue le point de jonction

avec la route de Philippeville, le port le plus proche sur la méditerranée et donc avec la

métropole. C’est aussi de l’autre côté du pont que sera installée la gare de chemin de fer. Aussi,

Le pont assure-t-il la liaison entre le plateau du Mansourah et la ville et entre la ville et la France.

C’est par ce pont qu’arrive le matériel nécessaire au fonctionnement de la place militaire :

armement, outils, denrées et médicaments.

416

Les militaires ont le droit d’exproprier les arabes pour des sommes assez minimes (loi du 16/09/1807).

Troisième Partie Chapitre Deuxième

296

Le plateau du Mansourah présente une double importance au regard des militaires français : il est

un site de casernement mais aussi le site de carrières de pierres. Il se présente donc comme le

pourvoyeur de matériaux de construction de la ville que ce soit pour les édifications militaires ou

pour les constructions civiles dont les projets ont commencé à prendre forme. Il est à rappeler

que ce sont ces carrières qui ont fourni les pierres aux romains pour la construction de la voûte

des citernes de la casbah.

Aussi l’édification de l’hôpital par le Génie militaire est-elle soumise à l’extraction de la pierre

du plateau du Mansourah au-delà de la récupération des pierres des constructions romaines

trouvées sur le site de la casbah.

Dans ce projet le Chef des Fortifications rejoint le Chef du Génie mis à part quelques détails. Le

tracé du Génie comprenant des sections où la pente avoisine les 1/1O (cotes à 10%) ce qui est

relativement élevé notamment pour des voitures hippomobiles. Le tracé comprend aussi des

sinuosités très serrées (jugées et redoutées pour leur manque de sécurité).

L’idée du Chef des Fortifications était d’ajouter, sans trop de frais de terrain, une batterie417

entre

les deux branches de la rue. Cette batterie servirait de point de surveillance du pont et donc de

l’accès à la ville.

La note418

comporte une remarque du Chef des Fortifications qui désigne le Génie militaire

comme l’acquéreur des maisons à démolir ou des terrains pour le tracé et le percement de cette

rue.

Le Chef des Fortifications suggère un changement de législation afin de mandater la ville comme

acquéreur. Il justifie cette proposition par l’éventuel bénéfice que ferait la ville suite à la vente de

terrains non utilisés lors des ouvertures de voies étant donné que ces dernières donneraient une

plus value aux terrains. L’état actuel des lieux prouve que ces rues ont bien été réalisées même si

la batterie a disparue. Il va de soi que les futurs acquéreurs de ces terrains seraient des colons

nantis.

Le même processus a accompagné la transformation du palais du Bey. Cette dernier n’a pas été

seulement de l’ordre architectural mais a touché la forme du tissu urbain.

417

Batterie : nf. Militaire : subdivision d’artillerie d’un groupe ; matériel composant l’armement de cette unité,

Dictionnaire Hachette 2005, Édit HACHETTE LIVRE 2004, Paris, 2004.

Batterie : nf. Architecture militaire : réunion de canons, de bouches à feu, soit dans l’armée de terre, soit dans la

marine, Dictionnaire Quillet de la Langue Française, Librairie Aristide Quillet, Paris, 1948. 418

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 805, Article 2, N° 07, en date du 28

février 1840.

Troisième Partie Chapitre Deuxième

297

2.2.2.1.3. La place du Palais

Le plan de 1853 relatif au palais du Bey419

, révèle la création d’une grande place à forme

régulière au niveau de l’accès principal et une plus petite au niveau de sa façade postérieure.

Nous noterons aussi l’ouverture de rues convergeant vers la place et l’alignement de rues : la rue

d’Orléans et la rue d’Aumale qui rejoignent la rue Damrémont qui mène vers la casbah. La rue

d’Aumale débute au niveau de la rue Caraman qui elle mène vers la porte Valée. La structure

géométrique a effacé la structure organique originelle420

.

Le palais qui faisait partie intégrante du tissu avec un seul point d’accès par une ruelle voit ses

limites Nord-ouest et Sud-ouest devenir des rues. Le volume important du nouveau palais a sans

doute induit la création d’une ruelle à partir de la place et pénétrant ce volume : la rue du Palais.

Les voies ainsi créées ne sont pas toutes carrossables puisqu’une voie piétonne avec escalier

permet de joindre la rue Caraman à la place du palais.

Les carrefours ainsi obtenus sont agrandis et forment des places. La transformation du bâti est

menée en parallèle avec celle de la trame urbaine. Ces deux transformations obéissent à la règle

qui semble d’or pour le Génie : la régularité. Avant les plans d’alignement, l’ouverture des rues

par le Génie est dictée par la logique de jonction des équipements militaires aux principales

portes de la ville : la porte Valée et la porte d’El Kantara et la jonction des deux équipements

militaires, la casbah et le palais du bey. La jonction des deux portes engendra, elle, l’ouverture

de la rue Nationale. Ce que nous nommons ouverture va être réutilisé plus tard sous le terme de

« percée ». Nous sommes en 1840, et à Paris c’est le premier boulevard qui est entrain d’être

réalisé : le boulevard Strasbourg.

Nous tenons à préciser que les percées effectuées à Constantine n’ont rien d’haussmannien, elles

lui sont antérieures de plus de 13 années : les percées au travers de la médina sont dictées par

l’objectif militaire. Le tracé de grandes rues est accompagné du tracé de rues plus petites (cas du

palais du Bey) permettant la connexion des grandes rues les unes aux autres. Si le grand maillage

(rues importantes) obéit comme nous l’avons vu plus haut à un objectif militaire (joindre les

équipements entre eux et aux portes et les portes entre elles), le petit maillage (petites rues) obéit

419

Cf.. Supra, illustration, N°99 Plans du palais du bey 420

Cf., Supra, illustrations, N°97 : Plan de masse du Palais du bey de 1840, N° 98 : Plan de masse du Palais du bey

1853

Troisième Partie Chapitre Deuxième

298

tout autant à un objectif militaire à savoir la pénétration dans le tissu existant afin de mieux le

surveiller et donc mieux le contrôler.

Les plans d’alignement produits par le Génie sont d’une régularité et d’une rigueur extrêmes. Or

les principes de projection utilisés par le service du Génie sont : répétition, constance et stabilité ;

conformité aux dispositions légales, équilibre et harmonie. Ces principes se confondent avec la

proportion, la symétrie et « l’ordre ».

Fig.101 : Plan des Voies principales de communication et Places de Constantine en 1878.

Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris, traité par l’auteur 421

Place : A : place d’El Kantara ; B : Place du Palais ; C : Place Valée ; D : Square ; E : Place de la Gare.

Portes : x : Porte Valée ; y : Porte d’El Kantara ; z : Porte El Djabia

Rues : 1 : rue National ; 2 : rue de France ; 3 : rue Danrémont ;4 : Boulevard de l’Abime ; 5 : rue Thiers

Rues et routes extramuros : a : rue Rouhault de Fleury ; b : route de Philippeville ; c : route de Sétif ; c : avenue de

Roumanie ; e : Route du Mansourah ; 5 : route de Bardo ; 6 : route de Sidi Mabrouk.

421

Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Mémoire militaire de la Place de Constantine,

Dossier N° 805, Article 1, N° 10, en date du 30 septembre 1878.

Troisième Partie Chapitre Deuxième

299

Dans Constantine intramuros, les rues ont été percées de porte à porte et de porte à équipement

militaire et d’équipement militaire à un autre. Elles obéissaient donc à la simple loi de

communication directe entre points militairement stratégiques. Elles ont partagé la médina en

quatre zones : la plus basse étant la plus ancienne et celle qui a subi le moins de transformations

puisque la plus ancienne est la plus éloignée de la casbah. Le fait de partager la ville en portions

permettait de partager les risques d’insurrection intramuros. Ces premiers percements n’ont fait

que régulariser l’ancien tracé.

Si les deux tracés se superposent c’est qu’ils obéissent tous deux aux exigences du site. Ils

suivent les courbes de niveau, comme dans toute urbanisation vernaculaire et comme méthode

utilisée par le génie comme étant la plus économique.

La concentration en deux points des équipements a certainement facilité le choix des voies

puisque ces équipements existaient déjà mais ne prenaient pas la même importance stratégique.

Certes c’étaient déjà les équipements les plus importants de la cité mais l’armée ottomane n’avait

pas les mêmes rapports avec la population et l’organisation et le mode de fonctionnement de

cette armée ne ressemblaient pas à celle de l’armée française.

La taille de la ville ainsi que sa densité, le choix des militaires de situer en extramuros les

nouveaux équipements ont permis la préservation d’une importante partie de la médina. Les

plans d’alignements édictés par les civils se devaient d’obéir à la logique militaire. Le tracé des

premières rues structurera à jamais la ville ; les autres percements devenaient annexes.

2.2.2.2. L’extension de la ville.

Prévue sur le coudiat, Aty, l’extension fut un choix militaire. L’installation du fort de Bellevue et

du fortin du coudiat Aty assurait la défense du quartier européen comme l’exigeait la conception

militaire. Comme les limites de la ville telle qu’elle se présentait aux français sont très restreintes

et probablement insuffisantes pour contenir le développement présumé de la cité, le

commandement de la place, en guise d’extension, propose à l'extérieur un grand quartier, une

ville annexe nouvelle en quelque sorte qui ne serait protégée que par un mur de sureté. « Il est

certain d'ailleurs qu'une telle enceinte sous la protection d'une place formidable telle que nous

voulons constituer la place actuelle, acquerra elle même une consistance sérieuse même devant

une armée européenne. En sorte que cette enceinte annexe pourra recevoir sans danger non

Troisième Partie Chapitre Deuxième

300

seulement l'excédent de la population mais encore les grands établissements militaires qui ne

pourraient contenir les limites étroites de la place actuelle» 422

.

Ainsi au-delà des fortifications de défense, le projet de la ville de colonisation française de

Constantine se dessinait déjà en 1838.

Fig.102: Projet d’agrandissement de l’enceinte de Constantine avec le nouveau quartier du

coudiat Aty.

Sources : Archives du SHD, Vincennes, Paris423

.

Le projet d'un quartier extérieur sur le coudiat Aty, adopté dans son principe par arrêté

ministériel424

, réalise en partie les dispositions qui paraissent aux militaires français devoir être

prises pour compléter les propriétés générales que doit offrir la place de Constantine. Cependant

pour les militaires sur place, le problème des fortifications reste le plus urgent.

422

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 805, Article 2, N° 09, en date du 1er

octobre 1838. 423

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Projet d’ensemble des établissements militaires

Dossier 1H 808, Article 3, N° 64, en date du 08 avril 1853, traité par l’auteur. 424

Nous n’avons pas pu retrouver cet arrêté de 1838 mentionné dans le mémoire et adoptant le quartier du coudiat

Aty comme extension de la place de Constantine.

Troisième Partie Chapitre Deuxième

301

Ce n’est qu’en avril 1852425

, que le comité de la Place de Constantine a introduit un projet

d'extension de la ville de Constantine

Le projet est proposé sous deux variantes, l'une émanant du chef du Génie et l'autre du directeur

des fortifications. Le comité a opté pour le premier projet jugé beaucoup plus avantageux du

point de vue économique et sécuritaire. Cette extension se ferait par l'établissement d'un nouveau

quartier européen sur le coudiat Aty.

Ce quartier se verrait encerclé par une nouvelle enceinte afin d'assurer sa sécurité.

L'emplacement a obéi aux conditions premières du Génie à savoir l'économie et la défense. Si le

projet a été jugé non urgent, les études concernant le tracé de la nouvelle enceinte sont quant à

elles considérées comme utiles afin de délimiter les terrains et les zones de servitudes

nécessaires ; ces dernières sont d’une largeur de 30m à partir du pied du mur d’enceinte.

Ce tracé a fait l'objet comme pour les établissements militaires de scénarios de défense et

d'attaque. Dés le départ la caserne du Bardo a été rejetée en dehors de la nouvelle enceinte pour

former une défense extérieure. Le fort de Bellevue viendra protéger la limite Sud-est de

l'enceinte ; cette dernière comprendrait deux portes donnant sur les routes de Philippeville et de

Sétif. L’enceinte serait constituée d'un mur crénelé d'une hauteur de 4 mètres, de 0,40 mètre

d'épaisseur dans sa partie haute et 0,70 mètre dans sa partie basse.

Le plan du quartier est d'un tracé régulier en damier obéissant ainsi au mode de conception du

Génie. L’emplacement du quartier engendra le dérasement de la colline du coudiat.

Fig.103 et 104 : cartes postales montrant les travaux de dérasement du coudiat Aty

A/ Remblai sur la route de Philippeville B/ Remblai sur l’assiette de la place de la Brèche, et

square Vallée

Source : Site web426

425

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Projet d’ensemble des établissements militaires

Dossier 1H 808, Article 3, N° 64, en date du 08 avril 1853.

Troisième Partie Chapitre Deuxième

302

Afin de relier les deux villes, deux rampes sont prévues à partir du point le plus bas de la place

de la Brèche en projet, l'une menant vers le coudiat et l'autre vers la porte Valée.

La forte déclivité du terrain est prise en charge dans la solution générale d’aménagement du

Génie : mur de Soutènement, déblais et remblais. C’est ce dernier qui provoquera plus tard, des

conflits entre le Génie et la municipalité qui deviendra le principal acteur de réalisation du

nouveau quartier dont les travaux ne débuteront que quinze ans plus tard. Les premiers remblais

au niveau de la pointe de Sidi Rached ont provoqué un changement de la topographie du site, ce

qui a posé des problèmes d'ordre défensif au Génie. À défaut de payer les travaux de

réaménagement de nouveaux systèmes de défense, la municipalité s'est vue donc contrainte

d'obéir aux directives des services du Génie. Le remblai a servi pour combler le dénivelé de la

nouvelle Place de la Brèche et des Squares et la partie Sud du nouveau quartier.

Le projet d’extension de la ville de Constantine aura connu presque un demi-siècle de

pourparlers entre les différents services avant de connaitre sa réalisation complète. Les rues du

Faubourg St-Jean et Rouhault de Fleury remplaceront le mur d’enceinte qui n’a jamais été

réalisé.

2.2.2.3. L’évolution de la ville européenne.

Le tracé des routes par le génie, qui mènent soit vers les équipements militaires extramuros

(Bellevue, Bardo, Mansourah et Sidi Mabrouk) soit vers les villes voisines a engendré les

nouveaux quartiers de la ville dans le temps et selon les besoins de la population et du

commerce. Seul le plateau du Mansourah, dont la zone de servitude était importante, fut épargné

pendant longtemps d’une urbanisation civile. Sidi mabrouk, où les chemins de fer ont installé

leurs ateliers, accueillit donc les cheminots mais aussi les populations militaires et paramilitaires

(cités militaire, de police et des gardes mobiles).

Il est devenu l’annexe du quartier militaire du Mansourah. Le développement d’un équipement

engendre, dans la ville, d’autres zones urbaines au service de cet équipement : le cas de Sidi

Mabrouk en est un bon exemple. Il se présente comme une zone urbaine au service des militaires

et des chemins de fer.

426

www.constantine.free.fr/images/photos1900/travaux_Coudiat

Troisième Partie Chapitre Deuxième

303

Constantine a acquis par les équipements militaires, une structure urbaine répondant surtout aux

exigences militaires. Elle devient par ce fait une ville militaire par excellence.

Avant l’extension de Constantine et grâce aux percements militaires, la ville européenne est

venue se superposer à la ville arabe sans pour autant l’absorber ou l’anéantir. La médina par sa

densité et sa population a résisté à l’emprise militaire. Si en apparence elle s’est européanisée,

elle a gardé son caractère de médina dés que l’on quitte les axes.

Dans ce qui précède, nous avons vu l’intervention du Génie à l’échelle sur la ville et ses environs

immédiats. Il convient de voir, ne serrait-ce que brièvement, comment a agi le Génie à l’échelle

du territoire.

Le projet de 1840 pour la place de Constantine ne se limitait pas à la ville elle-même puisqu’il

est question de fortifier les casbahs de Sétif et de Mila considérées non seulement comme arrière

base Nord-ouest de Constantine mais aussi comme la Porte de la petite Kabylie. Mila l’était déjà

sous les romains. D’ailleurs les citadelles de Mila et de Sétif remontent à l’époque romaine. Les

militaires français utilisaient donc la trame romaine lors de la conquête puis lors de la défense

des Places. Si Mila concernait la direction Nord-est, Sétif pour sa part était un point stratégique

de la direction Nord-ouest et sur la voie vers la capitale. Ces petites places devront être jointes et

se raccorder à la trame territoriale dessinée par les voies de communication. Ces dernières seront

surveillées par des guérites et postes de garde avancée généralement installés.

Conclusion.

La ville de Constantine, avec les implantations des français, voit sa fonction militaire s’accroitre.

Leur nombre et leur importance lui confèrent désormais le statut de ville de garnison. De par

cette fonction, la ville devait être défendue, non plus par la nature du relief, mais par les

établissements militaires grandement fortifiés. Or les équipements militaires et leur zone de

servitude nécessitent de grandes assiettes. Ces dernières ne se trouvaient pas dans une ville à

forte densité minérale.

Dans ce cas, leur implantation nécessitait des destructions. Ces dernières, en dehors de celles

dues à la prise de la ville, touchèrent non seulement les résidences mais aussi les casernements

établis. La casbah, malgré sa taille ne pouvait contenir toutes les troupes et les différents

services de l’armée française. Par ailleurs la forme de casernement y existant ne correspondait

pas à celle en usage en France. À l’image de ce qui se passa à Annaba, les maisons, palais siège

du bey, mosquées et casernements furent réquisitionnés en tant que tribut de guerre. Dès la

Troisième Partie Chapitre Deuxième

304

première année, les projets se dessinent afin d’établir les troupes et les quartiers militaires. Les

maisons de la casbah sont détruites au fur et à mesure des réalisations de nouveaux bâtiments.

Les citernes romaines sont transformées et le temple chrétien détruit pour récupérer les terrains

mais aussi les pierres comme matériau de construction. L’importance de ces réalisations est telle

que des voies carrossables ont été jugées de la plus haute urgence et ont été ouvertes afin

d’acheminer matériaux et matériel venant des ports voisins.

Les transformations ont touché le palais du bey afin d’y installer le poste de commandement et

les différents services attenants. La place du bey fut régularisée selon la méthode du Génie

militaire, et jointe aux portes de la ville et à la casbah.

La ville transformé et commençant à être peuplée devait être défendue non seulement par toutes

les batteries installées le long du canyon, par le mur d’enceinte fortifié, mais surtout par les forts

et quartiers installés à l’extérieur de ce mur. L’implantation de ces derniers obéissait encore une

fois aux préceptes militaires. Le choix des sites était stratégique, il devait pourvoir à la défense

comme à l’attaque (le pays n’étant pas entièrement conquis). C’est pour défendre la position de

Constantine, que le fort de Bellevue fut installé au sud, le quartier de Sidi Mabrouk à l’est, le

quartier du Mansourah au nord est et le fort de sidi M’cid dans la vallée du Rhummel.

L’extension de la ville se vit dictée, comme à Bône par la topographie. Ce fut le coudiat Aty qui

fut dérasé pour recevoir le nouveau quartier européen défendu par la redoute s’y trouvant et par

le fort de Bellevue. Dans la logique de conception du Génie, les déblais servirent à combler les

pentes qu’il jugeait urbanisables : Faubourg St Jean, La place de la Brèche et les rives du

Rhummel.

L’extension de la ville se fit selon les axes de communication joignant Constantine ancienne et

les casernements, à la recherche d’une sécurité. De fait, les équipements militaires finirent par

devenir urbains, intégrés aux tissus ancien ou nouveau.

Troisième Partie Conclusion

305

Conclusion de la troisième partie.

Au travers de ce que nous venons de voir plus haut et à travers les deux exemples de villes aux

dimensions, à la topographie, aux potentialités et aux fonctions différentes, nous pouvons

retrouver la logique d’implantation des militaires dans un tissu urbain dans un premier temps et

leur logique de conception d’extension dans un second temps.

Comme pour toutes les armées victorieuses et conquérantes la première installation s’est

effectuée par une appropriation des grands édifices quelque soit leur fonction. C’est l’installation

du poste de commandement, des troupes et de l’hôpital militaire qui apparaissent comme les plus

urgentes. D’après Maitrot, les premiers travaux effectués au lendemain de la prise de Bône

étaient le nettoyage des rues, l’élargissement d’autres et l’installation des troupes à l’intérieur de

l’enceinte. C’est donc l’appropriation des édifices susceptibles de comprendre les fonctions

militaires qui émerge comme première action. Elle sera suivie de la destruction d’autres édifices

dont la seule valeur aux yeux des militaires était foncière.

Les transformations et les constructions suivront, selon les urgences et les budgets alloués. Ces

transformations tiennent rarement compte de la valeur architecturale ou historique de l’édifice,

l’objectif militaire demeure l’unique préoccupation. Ces transformations ont définitivement

altéré les édifices originaux. Si beaucoup de maisons ont disparu ou subi des transformations, la

plus importante est celle qui a touché le Palais du Bey de Constantine.

Les bâtiments militaires, joints par des voies de communication, vont structurer les villes

originelles puis les extensions de ces dernières. Pensés puis réalisés dans un but militaire, durant

une période donnée, ils ont continué à structurer le tissu urbain au-delà de cette période et dans

un tout autre contexte. Est-ce La vision du Génie militaire qui est aussi longue ? Ou est-ce la

démarche de conception du Génie, intégrant l’ensemble des projets, qui apparait comme les

prémices d’un urbanisme opérationnel ?

Les transformations effectuées sur les villes par les percements et les redressements puis les

extensions des villes sont destinées aux européens. Les villes nouvelles ont fait l’objet de

protection même si elles sont restées au niveau des études comme ce fut le cas pour Constantine.

Tracées selon une grande régularité, elles correspondaient aux modes européens. Tous les

principes de conception du Génie militaire furent appliqués selon le site.

Les cours, arcades et citernes sont les principaux éléments qui ont été repris. Est-ce parce qu’ils

convenaient au climat ? Ou est-ce parce que préconisés par les hygiénistes ? Probablement pour

Troisième Partie Conclusion

306

les deux raisons mais nous ne confirmons pas les écrits des militaires qui conseillaient une prise

en considération du caractère architectural des constructions autochtones. La conservation des

monuments anciens ne s’appliquait-elle qu’aux édifices antérieurs à la période musulmane ?

L’intérêt porté aux vestiges romains est très relatif, nous avons vu comment les ingénieurs du

Génie n’ont pas hésité à détruire ceux compris dans l’enceinte de la casbah afin de récupérer

terrain et matériaux. Face à l’objectif militaire tout intérêt quelque soit sa nature disparait. Enfin,

nous retiendrons le fait important que les percées dans la ville sont le fait des militaires et surtout

ante haussmanniennes.

Quatrième Partie Introduction

307

QUATRIÈME PARTIE

LES INTERVENTIONS SANITAIRES DU GÉNIE

À ANNABA ET CONSTANTINE.

Introduction.

À la conquête de l’Algérie, la France déplorait l’absence d’infrastructures sanitaires de base.

L’hôpital, durant une guerre est un équipement fondamental pour les armées, les besoins en soins

sont en effet très importants. Il se doit d’être le plus proches possible du corps d’armée.

L’acheminement des blessés n’est pas toujours possible ou aisés.

Dans cette partie nous essaierons de mettre en exergue le rôle des militaires français dans

l’installation du système sanitaire dans les médinas et villes coloniales, Constantine et Annaba.

En effet, en dehors de la médecine de guerre, et dans un but de colonisation puis de peuplement

les différents gouvernements français ont beaucoup investi dans la santé en Algérie. Ils se

devaient d’assurer sécurité et assistance médicales à leurs citoyens puis aux autochtones comme

main d’œuvre à bon marché. Par ailleurs ils s’impliquèrent, du point de vue urbanistique, dans

l’établissement des règles d’hygiène s’appliquant aux bâtiments.

L’essentiel de l’action sanitaire des militaires français a été fait durant la période qui s’étale de la

colonisation jusqu’à la première guerre mondiale.

Le premier effort français se porta à la fois sur l’équipement hospitalier et sur des campagnes

prophylactiques (vaccinations, distribution de quinine, cuti-réactions, gouttes, etc.…) en ville et

dans l’arrière pays.

Vu les conditions climatiques auxquelles les français n’étaient pas habitués, les endémies locales

(malaria, typhus,) furent la raison d’une mortalité importante parmi les civils et les militaires.

Elle était aggravée par les épidémies dues notamment à la promiscuité des camps puis des

villages de colonisation où régnait le manque d'hygiène élémentaire entraîné par le manque

d'eau ou par sa mauvaise qualité comme par la présence de marécages, et l'importation en

Afrique du Nord du choléra venu d'Europe et du Levant.

Les plans d’alignement effectués en Algérie obéissaient certainement aux exigences hygiéniques.

Mais il est aisé de comprendre que les différentes populations ne bénéficièrent pas de façon égale

des idées hygiénistes des ingénieurs du génie militaire. Les logements arabes eurent droit en

Quatrième Partie Introduction

308

dernier au système d’égouts, à la nécessité de salles d’eau. Si l’exigence de l’ensoleillement des

logements était de mise dans les logements nouvellement construits, il ne l’était plus dans les

maisons arabes qui ne se trouvaient pas sur les percées.

Les premiers équipements sanitaires des militaires ont été les hôpitaux. Les épidémies quant à

elles, ont entrainé l’installation de dispensaires et de lazarets.

Dans cette partie, nous allons traiter des actions des militaires français en matière de santé, qui se

sont concrétisées par la construction d’équipements de conception différentes selon que l’on soit

à Annaba ou à Constantine, pour des considérations différentes relevant du climat comme des

conditions d’occupation.

Nous verrons aussi comment le Génie militaire s’est comporté comme un véritable maitre

d’œuvre avec une extrême rigueur, et comment il a négocié avec tous les acteurs de l’occupation

et la métropole toutes les phases de la conception à la réalisation des dits équipements. Nous

verrons enfin, quelles ont pu être les impacts de ces réalisations sur l’architecture et sur

l’urbanisme des deux villes étudiées.

Nous noterons que l’action minérale du Génie militaire dans les villes de Annaba et Constantine

est associée à une action végétale qui consiste en la plantation d’arbres et leur entretien. Ces

plantations étaient préconisées comme moyen de protection contre le fort ensoleillement, de

régulation de l’hygrométrie et de rappel paysager de la métropole. Elles étaient à la charge du

service du Génie militaire avant l’instauration des municipalités.

Quatrième Partie Chapitre premier

309

CHAPITRE PREMIER

LES RÉALISATIONS SANITAIRES DU GÉNIE MILITAIRE À ANNABA.

Introduction.

Au début de la conquête, les militaires français habitués à d’autres conditions de guerre ont sous-

évalué les capacités des hôpitaux. Leurs expériences passées leur édictaient des capacités

équivalentes au dixième de leurs garnisons ; deux années en Algérie leur ont fait revoir leur ratio

de programmation à la hausse.

Face à la situation sanitaire de leurs troupes ce sont des hôpitaux devant contenir le cinquième de

la garnison qui sont proposés aux autorités. L’épidémie de choléra d’Alger de 1832, menaçait

les troupes installées à Annaba ; le mal venant de la mer, par le biais de contingents et des

navires de commerce qui alimentaient la ville (matériel de guerre et de construction). Il fallait

pallier à la demande en lits de façon la plus urgente.

Il faut noter que les médecins militaires dans leur rapport n’ont pas omis de mentionner les

risques de besoins en lits pour les populations civiles sans différenciation d’origine ou de

confession. ; la prise en charge sanitaire des civils venant de l’étranger fut la raison de

l’installation du lazaret au Fort Génois. Il fallut, par ailleurs prendre en charge cette même

population après son installation, c’est la raison de l’ouverture aux civils de l’hôpital militaire,

mais aussi du dispensaire.

Nous verrons comment l’installation de ces équipements à Bône a impliqué des actions sur le

bâti existant. Dans la logique hygiéniste, nous aborderons en final, la question des plantations et

de leur usage comme moyen d’assainissement de l’air.

1. L’hôpital militaire.

Lors de la prise de la ville de Bône qui ne possédait pas de d’hôpital tel que connu en Europe ou

de bâtiment militaire susceptible d’abriter un hôpital, les militaires français se sont vus forcés de

pourvoir au plus urgent. Les rapports des militaires font apparaître que l’état désastreux des

troupes n’est pas seulement du aux effets du climat auquel ils n’étaient pas habitués et aux

épidémies mais aussi à l’état de la ville et de ses environs qu’ils jugeaient malsains : présence de

marais, manque de salubrité des routes, etc.427

427

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 851, Article 3, N° 18 ; en date du 08

avril 1837. Note émanant de la Direction générale de l’administration et de la comptabilité ; 2ème

Division, Bureau

des hôpitaux et destinée à la Direction générale du personnel et des opérations militaires (Bureau du Génie).

Quatrième Partie Chapitre premier

310

1.1. Logique de choix des implantations.

En 1831, l’hôpital militaire de la place de Bône a été installé dans la trame de la belle mosquée

Sidi Marouane dans la partie haute de la ville. Son emplacement a été heureusement choisi pour

son air pur428

. Les terrasses serviront pour la déambulation des malades avec vue sur mer. Ainsi,

le site a été choisi, en premier lieu, du point de vue hygiénique. Le bon air a été recherché, fuyant

l'air "vicié" des marais proches de la partie basse de la ville ; son emplacement sur les hauteurs

lui faisait bénéficier d’un ensoleillement tout aussi recherché.

Comme nous venons de le voir plus haut, la forte densité de la médina, surtout en sa partie basse,

ne convenait nullement à l’emplacement d’un bâtiment sanitaire. Il faut ajouter que la partie

haute, la plus ancienne, comprenait des maisons dont l’état vétuste permettait leur démolition

(partielle ou totale) et donc un dégagement de terrain constructible.

Les remparts de la place de Bône ne contenant pas assez d’espaces pour recevoir tous les

établissements militaires, cela a poussé les militaires à une parcimonie de l’utilisation de l’espace

dans une logique d’efficacité et de rentabilité et d’optimisation des potentialités foncières.

L’espace urbain intra-muros a été privilégié pour l’infrastructure sanitaire. Ces services se

devaient d’être le plus proches des populations quelque soit leur statut (militaire ou civil) d’une

part, et d’être protégés d’autre part. Leur emplacement répondait donc aux impératifs de

proximité et de sécurité. Ce qui n’exclut pas quelques autres implantations du genre : artillerie,

poste de commandements, etc. que nous avons traité plus haut.

L’emplacement de l’hôpital dans la mosquée Sidi Marouane était donc en réponse adéquate aux

exigences d’hygiène, de proximité et de sécurité.

1.2. La capacité de l’hôpital.

La mosquée hôpital bien qu'ayant réuni la majorité des services de l'hôpital et malgré les

avantages que présente cette dernière, les militaires ne pouvaient y réunir l'ensemble des malades

de la garnison en temps ordinaire. Les annexes de cet important établissement peuvent toutes se

trouver réunies à la mosquée ou très prés d'elle.

En 1831 la grande salle de l'hôpital ne peut contenir au plus que 105 malades ; une baraque

provisoire a été construite d'une capacité de 65 malades. C'est ainsi qu’une maison a été

428

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 851, Article 3, N° 1, en date du 25 août

1832. Apostille émanant du chef du Génie.

Quatrième Partie Chapitre premier

311

réquisitionnée pour 8 officiers et 22 soldats, ce qui portait la capacité de l'hôpital à 200 malades.

Ce qui demeure toujours insuffisant429

.

Les fonds nécessaires à la construction n'ayant pas été débloqués, et vu le nombre de malades

sans cesse croissant (inaptitudes au climat et aux conditions locales, apparition des épidémies), le

génie militaire opte pour la construction en rez de chaussée d'une seconde salle provisoire pour

60 malades. Il prévoit pour 1832 de doubler la capacité de l'hôpital en construisant un étage

supérieur afin de porter sa capacité à 390 malades dont 8 officiers.

En 1832, la capacité totale de l'Hôpital militaire de la place de Bône est de 29O lits (105 à Sidi

Marouane, et le reste dispatché dans les maisons)430

. Cette capacité est en deçà des besoins sans

cesse croissants. La garnison de Bône comptant 3000 hommes, cette capacité demeurait

inférieure au 1/10ème

préconisé par les pratiques militaires en usage lors des campagnes menées

en Europe par l’armée française ; alors même qu’en Europe l’armée trouvait in situ des

établissements sanitaires telles que conçues en ces pays.

Si nous prenons en compte le 1/5ème

conseillé par les médecins militaires en poste à Bône, pour

une vraie couverture il s’agissait de doubler cette capacité et cela en ne comptabilisant pas les

besoins en lits pour les civils quelque soit leur origine, sachant que la population civile

autochtone (aucune référence trouvée concernant l’estimation de la population européenne) était

estimée entre 2000 et 3000.

Chaque année, aux mois de mars et de novembre les hommes de garnison et la population

européenne se trouvent terrassés par la malaria et le typhus. La commission de santé met sur le

compte des marais de Kherraza et ceux du bassin de la Seybouse le mauvais état de santé qui

sévit dans la région. Sur les 3000 hommes de la garnison, durant la période des fièvres, 900 ont

été hospitalisés en 1835 et ceci sans compter ceux alités dans l’hôpital de campagne installé dans

le camp de Dréan, vu l’ampleur de l’épidémie.

Cet état de fait a poussé le génie à augmenter le nombre de transformations des maisons arabes

en succursales de l'hôpital. Ce qui n'est commode ni dans la gestion des soins et de l’intendance

ni dans les procédures de quarantaines nécessaires dans le cas d'épidémie.

429

Archives du Service Historique De La Défense De Vincennes, Dossier 1 H 857, Article 3, N° 02 et 03 du 24

septembre 1831. 430

Archives du Service Historique De La Défense De Vincennes, Dossier 1 H 857, Article 3, N° 01 du 25 août

1832.

Quatrième Partie Chapitre premier

312

En 1832, alors que la salle ne peut contenir que 105 malades, des maisons arabes proches d’elle

ont été réquisitionnées (sous couvert d’un loyer) en s’appuyant sur la loi du 16 septembre1807

qui permet l’expropriation pour utilité publique. La loi du 07 juillet 1833 viendra établir les

formalités d’enquête pour justifier l’utilité publique431

.

Ce sont ces deux lois que les autorités françaises vont utiliser en Algérie lors des plans

d’alignement ou des percements dans les médinas.

Les principales maisons transformées en annexes de l'hôpital sont :

une maison au 141 rue Jemmapes où huit (08) lits pour Officiers et vingt deux (22)

autres pour soldats, furent installés ;

une maison, rue Kleber devait contenir 65 lits ;

une maison, rue Clémentine devait contenir 40 lits ;

une maison, rue Caraman, devait contenir 55lits ;

d’autres maisons furent transformées en intendance, magasins relevant de l’hôpital,

etc.

Le total des lits installés dans les maisons est donc de 190 ; ce qui correspond, à peu prés, au

double de la capacité de l’hôpital lui-même.

L’épidémie de 1833 incite le génie à construire des baraques provisoires (appelées par les

médecins militaires : ambulances cholériques) aux approches et dans la cour de la mosquée

pouvant contenir jusqu’à 460 malades.

C'est dans ce climat épidémique qu'un projet de réaménagement de la mosquée Sidi Marouane a

été établi par le génie à la demande de l'Intendant général de l'armée de la place de Bône, dans

une note du 1er

mars 1837432

. La mosquée entièrement réaménagée pourrait selon le projet

proposé contenir 390 malades dont 8 officiers433

.

431

M Alphan (directeur), A Deville et Hocherau, Recueil des lettres patentes, ordonnances royales concernant les

voies publiques, Édit Imprimerie Nouvelle (association ouvrière), Paris, 1886. 432

Archives du Service Historique De La Défense De Vincennes, Dossier 1 H 851, Article 3, N° 20, en date du 1er

mars 1837. Demande de l’intendant militaire officier de santé en chef, officier d’administration de l’hôpital militaire

de Bône est écrite par le capitaine du génie, faisant état des améliorations et réparations urgentes nécessaires à

l’hôpital militaire de Bône. Cette note classifie les opérations à effectuer selon l’urgence. 433

Archives du Service Historique De La Défense De Vincennes, Dossier 1 H 851, Article 3, N° 2, en date du 16

janvier 1833. P.V de réunion entre le directeur de l’hôpital, chef du Génie et le commandant de la place de Bône.

Quatrième Partie Chapitre premier

313

1.3. Le processus de transformation de la mosquée.

En 1836, le mémoire sur la place de Bône, émanant du génie militaire, dévoile que ce dernier

n'était pas encore achevé et ceci pour des raisons budgétaires434

.

C’est dans ce contexte d’épidémie, que des bains d’eau et qu’une étuve furent installés dans la

mosquée. Ces équipements faisaient partie du protocole thérapeutique de l’époque dans le

traitement des cholériques.435

Dans le projet présenté en 1836, le génie a tenté de sauvegarder le caractère architectonique de la

mosquée. Il propose de couvrir le bâtiment d'une terrasse la jugeant à la mode du pays mais aussi

pour rechercher la fraicheur au 1er étage et se prémunir des vents, et pour conserver un étuvage

(chauffage) et une promenade à l’air libre, jugé nécessaire aux malades. Le budget de ce projet

est estimé à 36 000 FR. Seulement il demandé un surcout de 60 000 FR vu le manque de

matériaux in situ et qu'il faut commander à Alger.

Suite à la demande de réfection datant du 1er mars 1837

436 constitué et émanant de l’intendant de

l’hôpital militaire de Bône il serait aisé de reconstituer l’état dans lequel se trouvait cet hôpital.

Cette note stipule la nécessité de réaménagement de cet hôpital en attendant la construction d’un

nouveau dont la demande a été introduite déjà en 1835 mais dont la construction a été reportée à

1838. Les réaménagements demandés tiennent compte de ce futur hôpital et se limitent donc aux

besoins d’extrême urgence. Elle donne la capacité du futur hôpital, la situant entre 1200 et 1500

malades.

L’hôpital en 1837 ne souffre pas de vétusté mais est simplement de l’ordre du rudimentaire.

Ainsi la note pré citée le décrit comme étant de baraques en bois et dont la couverture est en

planches de bois recouvert de joncs. La couverture devait être changée en tuiles mais celles ci

sont commandées et sont attendues d’Alger. Ce qui nous pousse à supposer qu’il n’existait pas

de manufacture sur la place de Bône et que la briquèterie qui existe est postérieure à la

colonisation.

Nous retrouvons dans les notes concernant la construction de l’hôpital des besoins de

construction de briqueterie et de fours à chaux par les services du génie militaire afin de

434

Archives du Service Historique De La Défense De Vincennes, Dossier 1H851, Article 3, N° 16 en date du 16

janvier 1833. En sous dossier de L’article N° 8 en date du 28 avril 1839. 435

Archives du Service Historique De La Défense De Vincennes, Dossier 1H851, Article 3, N° 6 en date du 16

janvier 1833. Note du commandant de la Place de Bône. 436

Archives du Service Historique De La Défense De Vincennes, Dossier 1H848, Article 2, N° 14 en date du 10

août 1836, apostille émanant du chef du Génie.

Quatrième Partie Chapitre premier

314

diminuer les couts de construction mais aussi les délais ; le temps et le budget sont deux

éléments fondamentaux dans la conception d’un projet. Le Génie militaire travaille dans

l’urgence et c’est ce dernier facteur qui entrave la réalisation des travaux urgents.

Aussi, dans le projet proposé, il est demandé l’aménagement et /ou l’agrandissement d’une salle

de chirurgie, d’une pharmacie et du laboratoire, d’une salle de garde, d’un garde manger, de

lieux d’aisance etc. Nous ne pouvons pas juger, à la lecture de cette note, de l’importance qui est

accordée au laboratoire ni à spécifier sa fonction : à savoilabor r atoire de pharmacie (préparation

in situ de remèdes) ou laboratoire de recherche. Si la première parait comme certaine la seconde

n’est pas une éventualité à ignorer car comme nous l’avons vu les médecins militaires ont

recherché les causes mais aussi les remèdes au paludisme.

Cette note étant cosignée par le directeur de l’hôpital, médecin de l’armée de son état, ainsi que

du chirurgien et du pharmacien, dénote d’un travail d’équipe et où la responsabilité de chacun est

engagée. Les besoins de chaque service sont décrits et justifiés.

L’hygiène et la salubrité y tiennent une place prépondérante. Ainsi il est demandé l’installation

des latrines, ces mêmes latrines ont déjà fait partie du projet approuvé de 1833 mais n’ont jamais

été réalisés par manque de budget, en remplacement des baquets installés au niveau de chaque

salle de malades qui devaient traverser cours et coursives sous différentes conditions climatiques

pour atteindre les lieux d’aisance dans une apostille du Génie militaire437

.

Le fait de ne pas considérer les latrines comme une urgence, dénote probablement du manque de

connaissances médicales en matière de transmission et donc de traitement du choléra. Nous

retrouvons ici les mêmes hésitations des décideurs face aux problèmes que relevaient les

médecins concernant l’hygiène. Ces derniers avaient des convictions qu’ils ne pouvaient pas

prouver. C’est d’ailleurs dans un contexte identique que se trouvaient certains quartiers de la

capitale française. Dans cette même logique d’hygiène le directeur de l’hôpital recommande

l’installation d’une buanderie pour le lavage du linge de corps et de literie.

D’un tout autre point de vue, celui du confort du malade et d’une meilleure fonctionnalité, il est

demandé l’installation de fourneaux couverts (pour une meilleure hygiène de l’air et pour la

protection contre l’humidité) au niveau des salles pour le chauffage et la préparation de

437

Archives du Service Historique De La Défense De Vincennes, Dossier 1H848, Article 2, N° 14 en date du 10

août 1836, apostille émanant du chef du Génie.

Quatrième Partie Chapitre premier

315

cataplasmes et de boissons chaudes très usités en la période. Nous avons vu plus haut l’intérêt

que portaient les ingénieurs à la productivité et à l’organisation du travail ; c’est dans ce sens que

ces fourneaux et leur emplacement spécifique ont été recommandés. Nous assistons là aux

prémices d’une programmation spatio-fonctionnelle rationnelle.

A la lecture de cette apostille nous décelons, aussi, une divergence d’idée quant à l’aménagement

de certains espaces tels que la salle de bains déjà aménagée mais nécessitant un agrandissement ;

les médecins le préconise en justifiant sa nécessité et en rappelant son usage lors de l’épidémie

de choléra alors que l’intendance n’en voit pas l’utilité immédiate.

La même apostille souligne l’urgence des travaux à effectuer puisqu’il est stipulé déjà un

aménagement de fortune d’une salle pour les consignés438

et une pour les galeux (la gale exigeait

alors une hospitalisation), chacune des deux salles ayant une capacité de trente lits.

Elle nous renseigne sur la gestion de l’hôpital et sur la catégorie de malades hébergés dans cet

hôpital. Elle fait référence à la maison attenante voisine (N° 141, rue Jemmapes) réquisitionnée

pour abriter les officiers malades. Les maisons avoisinantes n’hébergent pas seulement les

malades, officiers ou non, mais on y a aussi installé les dépendances de l’hôpital, telles que

l’intendance, le logement des infirmiers. Les magasins de pharmacie et de matériel sont installés

dans la maison du directeur de l’hôpital, probablement pour une question de sécurité. Pour

comprendre l’importance spatiale que prend l’hôpital dans la ville, il suffit de se référer au nom

proposé à la rue projetée au voisinage de celui-ci : Rue de l’hôpital.

A aucun moment il n’est stipulé que l’hôpital est strictement réservé aux militaires, ce qui peut

être jugé comme inhabituel pour les hôpitaux de campagne et dévoile que ces hôpitaux sont

ouverts aux civils quelque soit leur nationalité ou leur catégorie sociale. Ce même intendant

propose l’utilisation de certains locaux existants au sein de la demeure réservée aux infirmiers,

comme cachots pour les prisonniers malades et d’y aménager une salle de police dont la présence

au sein de l’hôpital se justifie. En abritant toutes les catégories sociales c’est à dire militaires ou

civiles quelque soit leur origine, prisonniers, cet hôpital se présente sous la configuration plutôt

d’un hôpital civil que militaire bien que géré et financé par le ministère de la guerre.

438

Consigné : adj. : Militaires privés de sortie par mesure disciplinaire, Dictionnaire Hachette, Édit HACHETTE

LIVRE 2004, Paris, 2005.

Quatrième Partie Chapitre premier

316

L’apostille précédemment citée peut être considérée comme une première analyse critique du

premier hôpital militaire de Bône. Si elle est relativement exigeante, elle tient néanmoins compte

du coté économique puisqu’elle ne considère que les besoins immédiats et préfère la réfection

par points en attendant la construction en maçonnerie du futur projet.

En 1839, l’hôpital ne pouvant toujours pas contenir l’ensemble des malades, la construction de

baraques provisoires est encore de mise439

.

Le projet du futur hôpital connait plusieurs versions. C’est, en premier lieu, sa capacité qui

déclenche la polémique entre les services du génie et ceux des fortifications. Le projet présenté

en 1845 s'est basé sur une capacité de 800 lits alors que la commission des hôpitaux a admis le

chiffre de 600 lits. Le problème qui se posait alors était l'indisponibilité de terrains susceptibles

de servir d'assiette à l’hôpital ; la réquisition puis l’expropriation s'imposaient encore une fois.

La différence d'appréciation de cette capacité émanait aussi du fait de l'évacuation de certains

malades vers la France.

Fig.105 : Plan d’ensemble de l’hôpital et de ses annexes : projet pour 1845.

Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris

440

439

Archives du Service Historique De La Défense De Vincennes, Dossier 1 H 847, Article 1, en sous dossier N° 8

en date du 28 avril 1839. Note pour travaux annexes émanant de l’intendant de la place de Bône.

Quatrième Partie Chapitre premier

317

Bâtiment. F hôpital militaire sur la mosquée Sidi Marouane agrandie, Projet du pavillon des officiers rue

Jemmapes, construction, rue de la Comédie, en dur d’un bâtiment contenant les dépendances de l’hôpital et le

logement des infirmiers, B. Bains (publics transformés en annexe de l’hôpital) pour les soldats, D. construction rue

de la Comédie en dur de la salle annexe pour 210 malades, 147 D. Intendance de l’hôpital.

Le projet d’ouverture d’une rue joignant la rue Jemmapes à celle de la Comédie, appelée rue de

l’hôpital n’a jamais été réalisé.

Fig. 106 : Plan d’ensemble de l’hôpital et de ses annexes : projet pour 1852.

Source, Archives du SHD, Vincennes, Paris441

137 D. Maison affectée au service des douanes, 147 D. Logement et bureau de l’intendant militaire, 238 D/ 148 D.

Logement et bureau du lieutenant intendant militaire, 239 D. Logement du médecin chef.

Les bains et une salle des malades se situent sur la rue de la Comédie. Quant au logement du

Directeur de l’hôpital, il se situe Rue Jemmapes dans la maison anciennement affectée aux

officiers et soldats malades. Le terrain libéré par la destruction d’une maison expropriée, au

croisement de la rue Jemmapes et de la rue de la Comédie est réservé à un jardin. Nous

retrouvons ici la volonté d’aération et de dédensifcation ainsi que la place que prennent les

440

Archives du Service Historique De La Défense De Vincennes, Dossier 1 H 857, Article 6/1, N° 9 du 20 avril

1845. 441

Archives du Service Historique De La Défense De Vincennes, Dossier 1 H 857, Article 6/1, N° 44 du 05 mars

1852.

Quatrième Partie Chapitre premier

318

plantations dans les idées hygiénistes. Les projets sont ainsi conçus non pas isolément mais dans

une problématique et une vision globales de la ville. Le projet de l’hôpital est assorti d’actions

annexes qui vont avoir un impact sur la configuration urbaine future de la ville. Nous assistons là

aux prémices de l’aménagement urbain moderne.

Fig.107 : Plan d’ensemble de l’hôpital et de ses annexes : projet pour 1864.

Source : archives SHD de Vincennes, Paris 442

147 D. Sous-intendant militaire, 240 D. Maison annexée à la maison 259 D, 257 D. Maison réservée au casernier443

,

259 D. Logement du Capitaine (dont la fonction n’est pas spécifiée dans le document), M. Maison en cours de

reconstruction et dont l’affectation n’est pas spécifiée.

Nous assistons à une affectation des maisons avec un réaménagement qui est non seulement du

au changement de fonction de ces maisons mais aussi à leur alignement en vue de la création de

la rue D’Armandy. Celle-ci a été précédemment projetée sous le nom de rue de la Comédie mais

en de plus petites dimensions et dont le tracé n’est pas régulier, avec beaucoup de

rétrécissements. L’évolution globale des projets successifs a un impact certain sur la trame

442

Archives du Service Historique De La Défense De Vincennes, Dossier 1 H 857, Article 6/1, N° 127 du 04 juin

1867. 443

Casernier : nm. Agent militaire chargé du matériel d’une caserne, Dictionnaire Hachette, Édit HACHETTE

LIVRE, Paris15, 2004.

Quatrième Partie Chapitre premier

319

urbaine. La nécessité d’ouverture d’une rue découle de la forme générale et du contenu en

espaces du projet mère.

Aussi la maison réquisitionnée rue Jemmapes pour le logement du Directeur de l’hôpital se verra

libérée puisque ce dernier sera être logé à l’intérieur de l’hôpital (projet de 1864).

Nous assistons à une continuité d’idées dans la conception malgré le fait que les ingénieurs

concepteurs du Génie ont changé. C’est la même logique donc, de conception et de vision des

choses dans l’approche architecturale ou urbanistique au projet.

La construction de cet hôpital se fera donc par à-coups et nous retrouvons différents projets pour

le même établissement. Même si les idées maitresses demeurent identiques, il sera apporté des

améliorations successives, qui tiendront compte des plans d’alignement. Mais nous verrons

apparaitre de nouveaux espaces non programmés au départ, qui améliorent soit les conditions de

vie des malades, soit celles du fonctionnement intérieur, ou bien encore émanant des nouvelles

exigences en matière d’hygiène et de santé. De nouvelles fonctions furent créées telle la partie

dissection au niveau de la salle des morts (morgue). Serait-ce dans un but d’autopsie légale ou

dans un but de recherche scientifique vu les résultats des travaux des médecins militaires en

poste tel le Dr Maillot ?

1.4. Le projet de 1846.

Des améliorations apportées à l’hôpital construit, et ce jusqu’en 1870. Mais c’est le projet de

1846 qui reflète le mieux le projet global de l’hôpital militaire de la place de Bône ; toutes les

autres améliorations sont considérées comme minimes par rapport à l’idée maîtresse. Bien que ce

projet prévoie la construction de deux étages, la mosquée actuelle n’en présente qu’un seul. La

réalisation ne dépend donc pas de la projection mais du budget alloué par Paris.

Nous ne disposons pas de plans détaillés du corps de l’hôpital installé sur la mosquée, c’est-à

dire la partie dénommée bâtiment F (fig. 109 et 110). Le programme que nous avons porte sur le

réaménagement de ce dernier, introduisant les fonctions annexes qui étaient externes à l’hôpital.

Toutefois dans un plan annexe au mémoire descriptif de l’état des lieux de l’hôpital, bien que

non détaillé en partie et datant de 1843444

, nous pouvons établir, bien que partiellement : le

programme suivant.

444

Archives du Service Historique De La Défense De Vincennes, de, Dossier 1 H 857, Article 6/1, N° 9, le

document n’est pas répertorié mais se trouve en sous dossier, en date du 20 avril 1845.

Quatrième Partie Chapitre premier

320

Fig.108 et 109 : Projet de l’Hôpital Sidi Marouane.

A : état des lieux

B : projet.

Source : archives SHD de Vincennes, Paris445

Programme d’agrandissement de l’Hôpital militaire de la Place de Bône dans le projet de 1846 :

Bâtiment F : 1.1 : Adjudant Barbier ; 2 : Pharmacie ; 3 : Magasin de la pharmacie ; 4 : Préparation ; 5 :

Tisanerie ; 6 : Pharmacie de garde ; 7 : Magasin ; 8 : Magasin ; 999 : Vestibule ; 10 : Chirurgien de garde ;

11 : Dépôt de médicament ; 12.12.12 : Magasin ; 13 : Lingerie ; 14 : Atelier de réparation

Pavillon en rez de chaussée : A : Corps de garde ; b.b : Concierge ; c : Magasin des effets des militaires ; d :

Vestiaire ; e : Escalier ; f : Vestibule ; g. Latrines ; h : Magasin aux sacs ; i : Bureau des entrées ; k :

Logement du pharmacien en chef

Pavillon en 1er

étage : l : Localier ; m.m : Logement du médecin chef ; n : Bureau de l’adjudant ; o : Bureau

du Directeur ; p.p. : Logement du Directeur ; l.l : Localier ; g.g : Latrines ; k.k : Logement du pharmacien

en chef ; H : Salle de conférence ; U : Bibliothèque ; t.t : Chambre du sous aide.

445

Archives du Service Historique De La Défense De Vincennes, de, Dossier 1 H 857, Article 6/1, N° 9, le

document n’est pas répertorié mais se trouve en sous dossier, en date du 20 avril 1845.

Quatrième Partie Chapitre premier

321

La lecture de ce programme laisse supposer que le bâtiment F est réservé aux seuls militaires

alors que les bâtiments D et G peuvent abriter des civils (sans statut particulier). Il existe bien

donc une ségrégation (militaires / civils) à l’intérieur de l’hôpital. L’esprit fonctionnel et

rationnel du génie militaire apparait comme faisant partie intégrale du processus de conception

des projets.

Ce programme indique également que l’hôpital, après avoir atteint la capacité voulue, intègre

toutes les fonctions d’un hôpital adapté aux normes de l’époque. La présence de la salle de

conférence et de la bibliothèque dénote de la prise en charge scientifique de l’hôpital. Les

ingénieurs du génie militaire, dans une logique de productivité, réduisent les distances et les

pertes de temps en intégrant les logements à l’hôpital, ce qui a pour incidence directe une qualité

de gestion et une meilleure prise en charge des malades.

La répartition des lieux d’aisance sur tous les niveaux, ainsi que leur affectation au corps médical

ou aux malades indique une meilleure prise en considération de l’hygiène des personnes saines.

La fonction de barbe (rasage du crâne et de la barbe) était considérée comme une pratique de

décontamination (poux) et donc d’hygiène. Elle était obligatoire à l’entrée d’un malade ; elle

était suivie par celle des bains ou douches d’hospitalisation. Elles seront transposées

ultérieurement dans les hôpitaux civils, alors qu’elles n’existaient pas auparavant. Elles seront

cependant, ultérieurement, uniquement réservées aux malades entrants musulmans ; elles ont

marqué de manière indélébile les mémoires de plusieurs générations d’algériens : Hafaf Esbaitar.

Dans un premier temps et avant l’installation de deux baignoires dans l’hôpital, les médecins ont

utilisé les bains maures se trouvant au voisinage de la mosquée (Hammam Chouklaiba, hammam

El Kaid) se trouvant au voisinage, pour l’hygiène des malades.

La commission de santé avait son mot à dire dans l’aménagement des salles de malade : ainsi il

fut décidé de placer les chevets des malades sur les murs de face afin de libérer le maximum

d’espace ; on prévoit 1,65m2 par lit et donc 1,85 m

2 avec chevet. Nous retrouvons là le

phénomène qui commençait à émerger à savoir l’ergonomie jointe à la rationalisation suite à la

révolution industrielle. Toutes les salles comprennent des ouvertures sur l’extérieur que ce soit

sur la cour ou sur la rue, à la recherche d’air, de soleil et de lumière. Les façades indiquent de

grandes dimensions de baies, le tout d’une régularité militaire.

Si la conservation de la cour a été un facteur d’adaptation architecturale (préconisée et

recommandée), l’ouverture des façades ne le fut point. Une façade sans ouverture sur l’extérieur

Quatrième Partie Chapitre premier

322

ne peut être comprise et encore moins adoptée par des militaires aux vues hygiénistes, et aux

méthodes de conceptions très européennes.

Celle-ci se retrouvait aussi bien dans la gestion spatiale à l’intérieur des immeubles qu’à

l’extérieur de ceux-ci. Ainsi le génie prévoit l’allongement du bâtiment D. La dimension entre le

bâtiment D et les bains étant de 3m, Il sera allongé pour que le bâtiment G puisse reposer sur lui.

La cour H se verra ainsi diminuée mais sans inconvenant majeur. Une économie d’espace

extérieur et de matériaux résulte de ce réaménagement qui présente l’avantage d’agrandir le

bâtiment D.

La cour derrière le bâtiment recevra une largeur d’arbres ; cette proposition rejoint dans son

principe, le déambulatoire sous arcade : la promenade des malades se ferait donc à l’ombre. Les

plantations sont là, utilisées pour l’ombrage et la fraicheur qu’elles offrent, mais aussi pour leur

bienfait hygiénique. La prise en considération du site et de son climat ressurgit dans toutes les

actions des ingénieurs du génie militaire.

Fig. 110 : Projet d’agrandissement de la mosquée hôpital de 1846.

Source : Archives du SDH, Vincennes, Paris446

446

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Projet de l’hôpital joint au rapport sur la position

défensive de la place de Bône et les postes qui en dépendent et sur les travaux les plus urgents à faire

Quatrième Partie Chapitre premier

323

1.5. Le projet de réaménagement de 1870.

Un autre projet de réaménagement datant de 1870 est introduit ; cet aménagement concerne le

corps de l’hôpital situé sur la mosquée, et cité plus haut comme étant le bâtiment F comprenant

lui-même plusieurs bâtiments. Il s’agit d’un réaménagement de l’existant.

Fig.111 et 113 : plan de réaménagement de l’hôpital.

Source : archives SHD de Vincennes, Paris447

447

Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, document non classé dans la nomenclature générale

du Génie militaire mais existant en sous document de, Article 3, Dossier 1 H 857, N° 71/a du 13 mars 1858.

Quatrième Partie Chapitre premier

324

Bâtiment a : b. L'affectation d'une chambre pour les grands malades civils ; c. Un cabinet de débarras qui résulte

d’un réaménagement par cloisonnement de la grande salle de malades située en rez de chaussée ; d. Un bureau de

l'officier comptable installé par cloisonnement à l'est de la chapelle donnant sur la coursive au sud de la cour.

Bâtiment g : e et f. Deux chambres pour les grands malades militaires, sur un simple cloisonnement effectué dans

les grandes salles de malades. Au premier étage et au deuxième étage, installation de compartiments semblables

pour les grands malades fiévreux et blessés.

Ce réaménagement abonde dans le même sens que les précédents, c’est-à-dire une intégration de

fonctions annexes mais nécessaires à l’intérieur de l’hôpital et une amélioration des conditions

de vie des malades hospitalisés.

Les plans de réaménagement de l’hôpital militaire de Bône nous apportent de nouvelles

informations sur les espaces compris dans l’hôpital, notamment la présence de la chapelle à

l’intérieur de la mosquée. Le service religieux est compris dans tous les équipements sanitaires

pour accompagner et donner les derniers sacrements aux mourants. Cette présence s’explique par

le fait que la laïcité n’était pas encore établie en France et que le service religieux était encore

intégré aux actions étatiques.

Par ailleurs, les premiers hôpitaux sont de charité chrétienne et ont appartenu par le passé à

l’église. Ce qui est corroboré par la prise en charge de l’aumônier par les militaires qui lui ont

réquisitionné une maison au niveau de l’ensemble hospitalier.

Ces plans donnent aussi des informations concernent le système constructif porteur, nous

remarquons l’utilisation d’une structure mixte avec l'apparition de poteaux porteurs

intermédiaires aux murs.

L’aménagement des salles de malades révèle une rationalité dans la gestion spatiale tout en

tenant compte de la fonctionnalité. Cependant la présence des ouvertures en têtes de lits, révèle

la méconnaissance de ce type d’aménagement. Les premiers conseils hygiéniques préconisent le

renouvellement d’air dans les salles, mais du point de vue confort, cet aménagement est

fortement déconseillé.

Les différents mémoires accompagnants les premiers graphiques, font ressortir les problèmes

d’approvisionnement en matériaux de construction notamment les produits rouges et gypseux

(chaux). Les derniers rapports en font état et nous poussent à supposer que la briquèterie et les

fours à chaux de Bône ont été réalisés. La préservation de la cour de la mosquée et des terrasses

Quatrième Partie Chapitre premier

325

ainsi que la généralisation des coursives448

(comme déambulatoires et espaces de distribution)

dans l’hôpital, dévoile la volonté du Génie de garder le caractère architectonique de la mosquée

dans le projet. Ceci nous interpelle quant à la raison réelle de cette volonté : adaptation au site (y

compris le corpus architectural) ou un prise de conscience des avantages de l’architecture arabo-

mauresque par rapport au climat ? Les recommandations des hygiénistes au sujet de l’utilisation

de cour intérieure comme amenée d’air frais et de soleil sont ultérieures aux réalisations du

Génie.

2. Le lazaret

Le règlement international sur la police sanitaire est rendu exécutoire en Algérie par décret du 12

avril 1854. Il a déterminé la distribution intérieure des lazarets et indiqué la nécessité de créer

des établissements de cette nature sur tous les points de quelque importance du littoral

Jusqu’au début de l'année 1855, en l'absence d'affectations spéciales, pour parer aux éventualités

de contagions, l'armée française n'a eu recours qu'à des installations essentiellement provisoires

faites sous le coup de l'urgence et ne répondant qu'imparfaitement aux besoins qu’il s'agissait de

pourvoir tout en étant très onéreux pour l'État français.

C’est ainsi qu’une étude de projets de création de lazarets définitifs dans les trois provinces, fut

décidée. Le Ministre de la guerre saisit les militaires en place pour rechercher les sites les plus

favorables à l'installation de ces établissements449

. Trois sites furent proposés : Bône, Stora et

Bougie. Sur les sites proposés, seul celui de Bône au fort Génois fut retenu par le Ministre sur

proposition du conseil de gouvernement450

.

Le fort Génois se trouve en dehors de la cité et assez loin des casernements extérieurs (casbah,

caserne d’Orléans, ou caserne des Santons). Situé sur un piton rocheux en bord de la mer,

surplombant l’anse de la plage « La Caroube », il présente l’avantage d’une bonne aération et

d’un bon ensoleillement (deux critères toujours recherchés pour l’implantation des bâtiments

sanitaires) tout en étant protégé par le relief des vents dominant Nord-ouest.

448 Les coursives initiales de la mosquée, ont été agrandies afin de recevoir les salles en rez de chaussée au détriment

de la circulation 449

Archives du Service Historique De La Défense De Vincennes, Dossier 1H851, Article 3, N° 343. Dépêche

émanant du ministère de la Guerre vers le commandant de la place de Bône en date du 13 janviers 1855 spéciale à la

province de Constantine. 450

Archives du Service Historique De La Défense De Vincennes, Dossier 1H851, Article 3, N° 344 du 27 décembre

1855.

Quatrième Partie Chapitre premier

326

Le fort présentait l’avantage d’être un poste de garde avancée et pouvait aussi se défendre, donc

il n’avait aucune utilité de défense extérieure. La partie centrale du fort servit d’assiette au

lazaret tandis que la partie extérieure sera affectée aux militaires en faction. Le fort gardait sa

fonction première tout en abritant le lazaret.

Fig.113 : Situation du Lazaret de Bône.

Source : Archives du SDH, Vincennes, Paris451

Nous supposons que le fort Génois a été choisi vu son éloignement de la cité et son accessibilité

par la route carrossable des Caroubiers. Le lazaret étant prévu pour les malades contagieux ou

ceux devant être en quarantaine, la distance entre les populations se devait d’être la plus grande

possible. La route Des Caroubiers mène directement du port au lazaret sans passer par la ville, ce

qui est aussi avantageux dans un contexte prophylactique.

Les études du projet ont été faites d'après le programme dressé par la commission de santé452

sur

les bases réglementaires et approuvées. Toutefois et à la lecture du mémoire, le lazaret d’une

capacité de 130 lits, est projeté de manière à être transformé si besoin, et/ou en cas de disparition

totale des épidémies ou de changements dans les lois sanitaires internationales, en bâtiment de

douanes ou en bâtiments annexes ou simplement en casernement. Nous retrouvons là encore

l’esprit d’adaptation aux exigences momentanées ou ponctuelles du génie militaire. Le projet

451 Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 847, Article 1, N° 09, en date du 20

avril 1845. 452 Archives du Service Historique De La Défense De Vincennes, Dossier 1H847, Article 3, article N° 4. Rapport

sur la commission de santé établie à la place de Bône par l’arrêté de Monsieur le Duc de Rovigo Général en chef, en

date du 26 janvier 1833.

Quatrième Partie Chapitre premier

327

prévoyait ainsi la transformation du bâtiment pour d’autres fonctions en cas d’éradication des

épidémies, donc dans la situation où la fonction génératrice devient obsolète. Ainsi des

possibilités d’adaptation à d’autres fonctions étaient déjà prises en charges dans l’étude,

inscrivant de fait le bâtiment dans une forme de durabilité.

Le fort Génois qui se présentait sous une forme quadrangulaire de 13 mètres de longueur sur 9 de

largeur, ne suffisait pas à abriter l'ensemble des services du lazaret. Comme nous l’avons vu dans

le précédent chapitre, les architectures militaires adoptent les formes géométriques simples en

favorisant les impératifs fonctionnels et économiques.

Aussi le projet proposé est-il un agrandissement de ce rectangle avec une tendance à la

régulation de la forme. Le mémoire préconise, comme le veut le caractère du génie, une

simplicité de forme et d’aménagement ainsi que l’utilisation du bâti existant avec les

transformations nécessaires. Le projet ainsi conçu répond aux caractères de l’architecture

militaire, c’est - à - dire répondre aux besoins dans une logique d’efficacité et de rentabilité sans

recherche esthétique.

Fig.114 : Plan du Rez de Chaussée du lazaret du Fort Génois.

Source : archives SHD de Vincennes, Paris 453

453

Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Dossier 1 H 857, Article 3, N° 71/a du 13 mars

1858.

Quatrième Partie Chapitre premier

328

Présentation du projet :

Le lazaret était constitué des espaces suivants :

Rez de chaussée :

une entrée avec vestibule flanquée de part et d’autre par la salle de barbe (pour le rasage

de crane) et la salle de fumigation : deux mesures d’hygiène et de prophylaxie ;

une salle d’isolement du linge avec dépôt et buanderie ;

deux salles pour « indigènes » (hommes et femmes) ;

une pharmacie ;

une infirmerie ;

deux magasins ;

deux latrines : hommes /femmes ou bien malades / infirmiers ;

des bains (quatre baignoires) ;

une partie restauration comprenant : cuisine, office, dépôt de denrées, réfectoire et

chambre de restauration pour le personnel.

Les espaces sont disposés par entité fonctionnelle autour d’une cour centrale (déjà existante)

assortie d’une galerie. La construction de cette galerie se justifierait par le fait que les médecins

militaires prenaient en considérations les aléas climatiques lors du traitement de leurs malades

et/ou par le fait que les ingénieurs du génie essayaient de garder dans leur projet le caractère

architectural des constructions algériennes. La quarantaine était de rigueur par rapport au milieu

extérieur, mais elle l’était aussi à l’intérieur de l’établissement. Les règles d’hygiène interdisaient

les déplacements directs entre les différentes chambres de malades, les galeries servaient donc à

la circulation du corps médical à travers le bâtiment. L’air libre était supposé sain et donc

assainir les personnes qui y circulent.

L’adaptation au bâti existant ne se limite pas au plan mais aussi aux hauteurs : la salle de treize

lits est à un niveau plus haut que l’étage au dessus de la partie extérieure du fort, réservée aux

militaires en faction. De même les vestiaires ont été placés sur la partie extérieure. Ainsi le

volume global se trouve partagé selon le besoin entre le lazaret et le casernement mais dans un

clivage hygiénique total.

Les fonctions de barbe, de fumigation et de bains apparaissent comme nécessaires dans la

logique de décontamination à l’entrée du lazaret.

Quatrième Partie Chapitre premier

329

1er étage :

douze (12) chambres de différentes capacités (1x20lits, 1x18lits, 1x13lits, 1x12lits,

1x5lits, 2x4lits, 1x3lits, 2x2lits, 2x 1lits). Les chambres de faibles capacités sont peut être

réservées aux officiers malades ou aux civils nantis ou bien aux malades les plus

contagieux ;

logements du pharmacien et du médecin ;

vestiaires non fermés (air libre sain) ;

deux (02) latrines probablement réservées au médecin et au pharmacien.

Fig.115 : Plan du premier étage du lazaret du Fort Génois.

Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris454

L’agrandissement du fort a permis aux ingénieurs de prévoir 67 lits en plus des logements pour

infirmiers, médecins et pharmaciens et de l’entité restauration.

Nous remarquons ainsi la ségrégation physique entre européens (à l’étage jugé plus sain) et

autochtones (en rez de chaussée), même si ces derniers sont pris en charge médicalement. Les

européens sont séparés les uns des autres selon leur maladie et leur état de santé, alors que les

454

Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Dossier 1 H 857, Article 6/1, N° 71, en date du 13

mars 1858.

Quatrième Partie Chapitre premier

330

autochtones sont logés dans une salle unique selon leur sexe. Le nombre de lits réservés aux uns

et aux autres vient corroborer cette différence puisque cinquante (50) lits sont destinés aux

autochtones (25 lits par salle tout type de malades confondus) et quatre vingt lits prévus pour les

européens avec distinction de maladies. Nous notons un système de soins différencié selon qu’il

s’adresse aux européens ou aux autochtones. Le terme « indigènes » sur les plans ou mémoire,

intègre aussi bien les autochtones juifs et musulmans. Le décret Crémieux accordant la pleine

naturalisation aux premiers est postérieur au projet du lazaret.

Les mesures de quarantaine sont respectées puisque les militaires en faction au fort n’ont pas

accès au lazaret, la surveillance est extérieure. Elles s’appliquent cependant au personnel

soignant.

La pierre est le matériau essentiel utilisé dans la construction des murs porteurs. L’épaisseur des

murs extérieurs varie de 1m à 1,5 m alors que celle des murs intérieurs varie de 0,4 à 0,6m. Lors

de l’agrandissement, ces épaisseurs seront fortement réduites. Les ouvertures sont petites et de

forme en usage de l’époque à savoir plus larges à l’intérieur qu’à l’extérieur.

L’étage supérieur du fort initial est de superficie réduite par rapport au rez de chaussée ; il est

couvert en partie de terrasses dénivelées (différence de niveau variant de 0,5m à 1, 5m) qui

serviront de plancher, après réparation, au deuxième niveau du lazaret, qui sera couvert de

terrasses et de toits.

Par ailleurs, le fort comprend déjà une citerne creusée dans la cour pour la récupération des eaux

pluviales venant du toit et des terrasses, réglant ainsi le problème d’approvisionnement en eau ;

ce système est fort connu et utilisé dans les maisons de la médina : le Madjen.

Le lazaret du fort Génois obéit à la logique sanitaire globale de prévention en s’inscrivant dans la

règlementation internationale concernant les ports de la méditerranée ; il vient en réponse à la

nécessité de protection du littoral et de la colonie. Localement, le lazaret du fort Génois s’est

accommodé de l’infrastructure du fort en adoptant ses dispositions morphologiques et en

optimisant les avantages de site et de situation de ce dernier. Le projet du lazaret du fort Génois

répond donc aux exigences hygiéniques en vigueur de l’époque tout en s’inscrivant dans une

forme de durabilité en suivant les règles de conception du génie militaire (régularité, économie et

fonctionnalité). Son fonctionnement intérieur et extérieur répond tout autant aux impératifs

sécuritaires et maintient une volonté ségrégative propre à la logique de colonisation française.

Quatrième Partie Chapitre premier

331

Le lazaret du fort Génois sera le premier à être réalisé dans la province de Constantine ; les

lazarets ultérieurs feront partie des hôpitaux civils comme un service de mise en quarantaine des

malades contagieux lors d’épidémies ou simplement d’endémies locales.

3. Le dispensaire.

Le dispensaire est un équipement sanitaire civil. Prévu pour les populations civiles, il a à sa

charge les consultations des personnes indigentes mais surtout la surveillance de l’état sanitaire

des populations à risques, plus particulièrement celle des filles publiques. Les maladies

vénériennes (dont les traitements n’étaient pas encore connus) sont redoutées par les médecins

quand nous connaissons le rôle de ces filles à proximité des casernements ou au sein d’une

population immigrantes à majorité masculine dans ses débuts. Le dispensaire se verra chargé,

beaucoup plus tard, des opérations de vaccination des populations.

Son emplacement a sans doute été choisi par rapport à l’hôpital militaire. Nous assistons à un

regroupement des services de santé aux abords de la mosquée Sidi Marouane. Le dispensaire

occupe, comme les annexes de l’hôpital militaire, une maison réquisitionnée.

En 1882, alors que l’hôpital militaire est devenu civil, une demande de cession de terrain est faite

par la commission administrative de l'hôpital civil de Bône455

. Cette demande pose le problème

d’accès commun au dispensaire des filles publiques qui empruntent la rue Jemmapes, ce que les

militaire reprouvent car le terrain en question rentre dans le tracé d’alignement prévu par la

municipalité. Ce tracé change le caractère d’intimité qu’avait l’accès du dispensaire. Bien que

ces derniers approuvent le tracé d’alignement, nous relevons le fait qu’ils étaient les gardiens de

la bonne morale : acceptant la nécessité de présence de ces filles, ils tenaient à les dissimuler et

donc à observer une discrétion.

Par ailleurs la municipalité demande la cession de la maison occupée par l’aumônier de l’hôpital

et précédemment occupée par le sous intendant de l’hôpital.

L’immeuble rue Jemmapes, servant de dispensaire est domanial et n'est régulièrement affecté ni

à l'hôpital civil ni à la commune ; cette dernière est en instance auprès de l'administration des

domaines pour en obtenir la cession. Aucune décision n'étant intervenue, le génie propose une

solution dans la gestion du foncier afin de faciliter le travail de la municipalité et éviter les futurs

455

Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Dossier 1 H 857, Article 6/1, N° 171 en date du 26

octobre 1882.

Quatrième Partie Chapitre premier

332

problèmes qui pourraient survenir suite au tracé d’alignement proposé par la municipalité. Cette

solution se résume dans ce qui suit : « La propriété Lemma est frappée d'alignement et ne doit

pas avoir une très grande valeur, toutes fois la partie à droite du passage devra disparaitre et il

sera sans doute facile à la commune, si elle devient propriétaire de l'immeuble occupé par le

dispensaire de traiter avec le propriétaire voisin pour faire disparaitre de suite cette partie de sa

maison dont le sol dépend de la voie publique et que la ville devra acheter dans tous les cas. Le

passage en question ne pourrai être l'objet d'un litige avec le voisin »456

.

Toutefois dans un second rapport, il pose le problème d’accessibilité de l’aumônier de l’hôpital

au jardin ainsi que l’arrosage de ce dernier457

. Si nous relevons ce type de détails c’est dans le

but de révéler l’importance de l’avis des militaires lors de la structuration de la ville et ceci après

instauration de la municipalité. Cette dernière était assujettie à l’avis du Génie dans ses actions

les plus locales.

En dehors de ces deux rapports et du plan d’ensemble du dispensaire, nous n’avons pas trouvé de

trace de ce dispensaire dans les différents articles constituant les archives du génie sur la place de

Bône.

Fig.116 : Plan de situation du dispensaire.

Source : archives SHD Vincennes Paris458

456 Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Dossier 1 H 857, Article 6/1, N° 171 en date du 26

octobre 1882. 457 Ce second rapport n’est pas classé dans la nomenclature générale des documents du génie mais a été retrouvée en

annexe au document précédent. 458

Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Dossier 1 H 857, Article 6/1, N° 171 en date du 26

octobre 1882.

Quatrième Partie Chapitre premier

333

4. Les infirmeries.

Le sept août 1868, la commission du casernement459

, comprenant le commandant de la place,

le sous-intendant militaire ainsi que le capitaine du génie remplaçant le commandant du

génie absent460

, s'est réunie sur la demande du général commandant la subdivision, à l'effet

d'examiner quel serait, dans les bâtiments militaires de la ville de Bône, le local le plus

convenable pour l'installation d'une infirmerie et d'une salle de convalescents.

Le génie ayant déjà fait une proposition dans ce sens attend l’approbation du budget

nécessaire à cette installation et qui s'élève à 3000 FR. Le local (sans croquis ni plan) se

trouvant dans le casernement intérieur à la ville est désigné comme étant proche des latrines.

Cette infirmerie et la salle des convalescents devaient donnaient sur un cheminement

permettant la déambulation des malades (le déambulatoire est déjà proposé dans l'hôpital et

le lazaret).

Ce réaménagement exige cependant le transfert des latrines ailleurs dont la proximité est

jugée nocive aux malades et convalescents. Le choix du Génie pour ce casernement est

probablement du au fait que ce dernier se trouve à l’intérieur de l’enceinte et est donc proche

de l’hôpital militaire, ce qui faciliterait le visites des médecins ; par ailleurs la sécurité des

malades se trouverait ainsi assurée.

La commission, vu les transformations exigées, demande de revoir la possibilité immédiate

d'installation de l'infirmerie et de la salle des convalescents afin de soulager l'hôpital sans

frais : le souci d’économie est toujours de rigueur dans les décisions militaires. La question

de temps est aussi prise en considération puisque la décision revient au Ministre de la guerre

à Paris et donc retarde souvent l’exécution des projets. Lorsque un aménagement ne nécessite

pas de frais, l’action est immédiatement réalisable et donc efficace.

La caserne des Santons (après visite de la commission en présence du médecin chef de

l'hôpital) fut choisie pour sa salubrité (isolement par rapport aux habitations), ainsi que pour

la disponibilité d'espaces (libérés par une troupe en campement sur l'Edough) ne nécessitant

pas de transformation. La caserne, comprenant un poste de garde, règle la question de

sécurité des malades. La caserne des Santons se présentait donc comme la mieux à même

459

Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Dossier 1 H 852, Article 3, N° 124 P.V. de la

commission de chargée de l’installation de l’infirmerie et de la salle de convalescents, en date du 7 août 1868. 460

Le Procès verbal est cosigné par le chef du bataillon commandant du Génie.

Quatrième Partie Chapitre premier

334

d'accueillir l'infirmerie de la garnison. C'est la partie droite de la caserne qui devait être ainsi

appropriée et pouvait comprendre :

au rez de chaussée, une cantine qui servirait de salle de visite, de tisanerie, et des

chambres pour les hommes attachés à l'infirmerie ;

au rez de chaussée toujours, une petite pièce contigüe à la première pouvant servir de

salle de bains ;

au premier étage au dessus de la cantine, une grande pièce de 20 lits destinés à

coucher les blessés et les vénériens ;

une petite pièce contigüe réservée au logement du caporal ou du sergent chargé de

l'infirmerie ;

de l'autre côté de l'escalier une petite pièce pouvant recevoir deux galeux ;

contigüe à la précédente, une grande chambre de 20 lits pour les convalescents.

Après jugement de la commission, tous ces locaux peuvent être rendus indépendants du reste du

casernement, au moyen d'une simple porte ; la cuisine et la latrine461

seraient communs à la

troupe et aux malades. Le contact qui pourra en résulter présente moins d'inconvénients sur ce

point que dans toute autre caserne par suite de l'absence de cantine dans le casernement.

Cette infirmerie, ainsi que la salle pour convalescents, seraient communes à tous les

détachements de la garnison.

En raison des avantages, cette installation doit pourvoir au service :

en n'éloignant pas des hommes de leurs détachements qui ne sont que légèrement

indisposés ou blessés ;

en évitant l'encombrement à l'hôpital résultant de l'envoi que les militaires sont obligés

d'y faire ;

en prodiguant des soins aux militaires qui pourraient être traités au corps ;

en diminuant les frais de traitement pour tous ces motifs.

Une lettre émanant du Ministre secrétaire d’État à la Guerre et pour le Ministre, jointe au procès

verbal, approuve la proposition de la commission462

. Dans les mémoires postérieurs à cette date,

461 Le vocable « Latrine » est utilisé au singulier dans le P.V de la commission de casernement, alors que dans

d’autres documents et dans les dictionnaires il est utilisé au pluriel .cf. Latrines. 462 Constantine. Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Dossier 1 H 852, Article 3, N° 16,

Lettre du Ministre secrétaire d’état à la Guerre et pour le Ministre adressée au général commandant la province en

date du 20 septembre 1868.

Quatrième Partie Chapitre premier

335

et concernant les fortifications de la place de Bône, nous apprenons que cette infirmerie ainsi que

la salle pour convalescents ont bien été réalisées et que la troupe a été affectée à un autre

casernement dès son retour du campement.

Ainsi l’hôpital s’est vu soulagé et une quarantaine de lits ont été libérés. Sachant que la capacité

de l’hôpital n’atteint pas, durant cette période, 600 lits, on comprend l’importance de cette

installation. Par ailleurs, nous avons vu plus haut que l’hôpital n’était pas réservé aux seuls

militaires, les lits ainsi dégagés par cette action ont un impact certain sur la couverture sanitaire

des civils.

L’hôpital militaire de la place de Bône à été cédé à l’administration civile le 16 juillet 1880 par

le Ministre de la guerre suite à une demande émanant de celle-ci463

.

5. Les plantations à Bône : un complément à l’hygiène.

Les premières plantations qu’a connues Bône sont celles introduites dans la cour de la mosquée

Sidi Marouane afin de l’ombrager. C’est toujours l’hôpital militaire qui engendra celles

extérieures aux édifices.

Comme nous l’avons vu précédemment, la volonté de dédensifier la médina aux abords

immédiats de l’hôpital afin d’y apporter air et soleil, s’est matérialisée par la création d’un jardin

face à ce dernier, en 1845.

Fig. 117 : Plan de situation du jardin de la médina.

Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris464

463

. Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Article 6/1, Dossier 1 H 857, N° 167, Lettre du

Ministre de la Guerre au général commandant chef du génie à Alger en date du 16 juillet 1880.

Quatrième Partie Chapitre premier

336

Le Génie n’hésitera pas à démolir une maison pour l’aménager ; ce jardin sera mitoyen au

dispensaire et au logement de l’aumônier de l’hôpital militaire. Lors de l’alignement des rues

Armandy et Jemmapes, il prendra une situation d’angle et deviendra de ce fait une petite place

verte sur les hauteurs de la médina.

La Place d’Armes reçut également ses rangées d’arbres. Mais la majorité des plantations ne

seront pas plantés dans la médina, mais dans la nouvelle ville européenne. Les idées hygiénistes

s’appliquent en premier lieu aux espaces réservés aux européens. Le Cour Napoléon, l’avenue

Randon connurent les plus belles plantations. L’avenue Randon prit le nom Des Allées, qui

demeure jusqu’à présent.

Toutes les places nouvellement créées, ainsi que les grands axes de la ville, reçurent leur

couverture végétale. A l’exemple de Paris les boulevards et avenues constituèrent des

promenades pour les européens.

Lorsque la ville éclatera au-delà de son nouveau mur d’enceinte, des squares seront projetés dans

la ville. Le premier square réalisé (1822) est le square Randon à l’ouest de la nouvelle ville ;

situé en lisière de la ville sur l’ancien marché à bestiaux, il constitue la jonction entre deux

équipements militaires et à coté de la nouvelle Porte Ouest de la ville.

Fig.118 : Plan de situation du square Randon.

Source : Archives SHD, Vincennes, Paris465

464

Archives du Service Historique De La Défense De Vincennes, Dossier 1 H 857, Article 6/1, N° 44 du 05 mars

1852.

465 Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 862, Article 6/2, Plan Terrier de 1922.

Quatrième Partie Chapitre premier

337

Les casernements reçurent aussi des arbres plantés dans les cours ou dans les zones de servitudes

intérieures. Le Génie proposa aussi la plantation des zones de servitudes intérieures au mur

d’enceinte ; ces plantations devinrent une seconde ceinture de protection. La vision futuriste du

Génie nous indique dans le plan suivant, que le projet du nouvel hôpital civil sera implanté dans

un terrain boisé, orienté vers la mer et bénéficiant donc des bons ‘airs’ et ensoleillement tant

recherchés dans une ville à la population sujette au paludisme.

Fig.119 : Croquis des plantations à Bône.

Source : Archives SHD, Vincennes, Paris466

466 Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 862, Article 6/2, Plan Terrier de 1922

Quatrième Partie Chapitre premier

338

Les plantations de ces arbres ont été préconisées pour absorber l’eau du sol, source de maladies ;

le choix des essences abonde dans ce sens. Ainsi le Cour Napoléon se vit planté de Ficus, les

hauteurs de la ville reçurent les chênes et les pins maritimes. Beaucoup d’essences tropicales

furent introduites afin de contrer l’humidité du climat.

Assainir l’air aux abords des cours d’eau et des eaux stagnantes a été une solution à la

prolifération des infections dues à ces dernières et qui étaient étant fort redoutées. De même,

l’implantation des arbres au niveau des berges était sensée assainir l’air ambiant. Nous avons vu

plus haut que l’expérience romaine était un exemple pour les militaires. Rome a été assainie par

les plantations (assèchement des marais qui l’encerclaient), introduites comme solution aux

fièvres des marais. Les plantations suggérées par les hygiénistes trouvèrent leur application dans

les projets des nouvelles villes et donnèrent un cachet européen à des villes algériennes.

La première enceinte fut minérale, la seconde fut végétale. Bône précoloniale était minérale,

alors que Bône postcoloniale est largement végétale.

6. Impacts des réalisations sanitaires sur le tissu existant.

Comme nous venons de le voir plus haut, la construction des équipements sanitaires intra-muros

à la médina de Bône ne sont pas sans incidence sur l’espace environnant qu’il soit extérieur ou

intérieur. Les transformations apportées sur le bâti existant de manière partielle ou la destruction

pour libérer des terrains d’assiette aux projets sont autant d’actions physiques qui défigurèrent

profondément la médina

6.1. Impacts sur le plan architectural.

Si la mosquée servit de base à l’hôpital militaire de Bône, ce ne fut pas sans incidences sur sa

forme initiale et sur son originalité. Les différentes transformations et améliorations successives

ont transformé radicalement la morphologie de cette mosquée : l’introduction de deux étages et

de toitures en tuiles ainsi que la destruction des deux coupoles comprises au niveau du masdjid,

le dédoublement des coursives et la reprise (en toiture) en partie des terrasses ont détruit le

volume originel.

Quatrième Partie Chapitre premier

339

Fig. 120 et 121 : Plans d’ensemble de la mosquée en 1833 et 1845.

A467

: Plan de masse de la mosquée en 1833 comportant

encore les deux coupoles.

B468

: Plan de masse de la mosquée en 1845, les

coupoles ont disparu. La taille de la cour a diminué par

agrandissement des coursives.

Source : Les archives du SHD, Vincennes, Paris.

Si la cour a été maintenue, l’introduction d’arbres dégénère la spécificité de celle-ci. Aussi la

conservation de la cour qui a été un facteur d’adaptation architecturale ne répond plus aux

recommandations et préconisations préalables. Les salles introduites en rez de chaussée, par

agrandissement des trois coursives qui entourent la cour, ont rétréci celle-ci.

La comparaison des plans précédents montrent le changement volumétrique de la mosquée. Les

toitures inclinées introduites nous permettent de dire que la terrasse tant conseillée ne couvre, en

réalité qu’une infime partie de l’hôpital ; les coupoles ont disparu au profit de la construction

d’un étage. Le discours de préservation du caractère architectural est rarement retrouvé dans les

projets,

La perte du caractère architectural de la mosquée n’est pas seulement du au changement

morphologique mais aussi aux percements effectués en façade, qui finissent par dénaturer le

467 Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Dossier 1 H 847, Article 1, N° 4, Plan de la Place de

Bône, en date du 26 janvier 1833. 468

Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Dossier 1 H 847, Article 1, N° 9, Plan de la Place de

Bône, en date du 20 avril 1845.

Quatrième Partie Chapitre premier

340

volume. La mosquée n’échappe pas aux transformations globales qui vont toucher les maisons se

trouvant en alignement, la régularité des façades ne tient pas compte de la pente.

Fig. 122 : Carte postale ancienne représentant une vue sur la médina de Annaba avec la mosquée

de Sidi Marouane en haut à droite et la casbah en haut à gauche.

Source : Site internet469

La conservation de bâtiments anciens exige un entretien très rigoureux des lieux, nous ne

pouvons pas espérer retrouver la mosquée telle qu’elle aurait pu être sans sa transformation. En

effet l’installation de fourneaux à l’intérieur des salles, de buanderie pour le lavage et le séchage

de grandes quantités de linges correspondant à un usage normal dans un hôpital, n’est pas sans

impacts directs sur la construction ; nous connaissons les effets de l’humidité sur les produits en

plâtre ou en bois. Or ces matériaux sont largement utilisés dans les constructions traditionnelles,

aussi leur état a été surement altéré par l’usage de combustibles et par les dégagements

d’humidité.

Bien avant les plans d’alignement, les premières maisons ont été transformées et réaménagées

selon les besoins à pourvoir. Les transformations ainsi introduites, sont différentes. Une maison

sensée contenir du matériel sera transformée de toute autre manière que celle devant abriter des

officiers malades ou des prisonniers. Les transformations ont été importantes puisque l’on voit

qu’une maison a été réaménagée afin de contenir jusqu’à 65 lits.

469

www.annabacity.net/galerie.

Quatrième Partie Chapitre premier

341

Les cours ont été agrandies afin de recevoir des attelages, les terrasses ont été transformées pour

recevoir et abriter du matériel ; les transformations ont aussi touché le sous sol pour y aménager

des magasins.

Toutes ces transformations furent possibles grâce à l’introduction de nouveaux procédés

constructifs (poutres en aciers, planchers en briques pleines) et de nouveaux matériaux

notamment l’acier et la pierre apparente. Même si l’arc a été maintenu parfois, la morphologie

globale obtenue aux moyens précités est assez loin de l’originale.

Les lieux d’aisance qui étaient uniques en rez de chaussée se retrouvent au niveau des étages

dans les maisons transformées. Nous leur reconnaissons leur caractère hygiénique, mais nous

déplorons leur manque de discrétion et la visibilité des canalisations en façades ou sur cour.

Tout autant que la mosquée, le Fort Génois n’a pas échappé aux transformations puisqu’il se voit

élevé en hauteur et sa forme régularisée.

L’adaptation et la conservation des caractères architectoniques que prône le Génie, sont loin

d’une préservation des spécificités qui font la richesse et la beauté de l’architecture de la médina.

Le souci de régularité, de fonctionnalité et de rationalité du Génie vont à l’encontre d’une forme

organique adaptée et adoptée pour des besoins spécifiques d’une société vivant dans un milieu

qu’elle connait depuis des siècles. Ainsi les façades obtenues sont loin d’une intégration au bâti

existant et d’une prise en considération de l’architecture de la médina.

Toutefois le Génie militaire français sait reconnaitre les atouts et les bienfaits d’un élément.

Nous l’avons vu reconduire la cour (même transformée), les coursives, les terrasses et les

réserves de pluie creusées dans les cours.

6.2.Impacts sur le plan l’urbain.

La réquisition de la mosquée et son réaménagement en hôpital d’abord, puis son agrandissement

ensuite sont les principales actions du génie militaire français sur la morphologie globale de la

médina. En effet une surélévation de la mosquée sur deux étages n’est pas sans conséquences sur

le profil urbain (puisque la mosquée est située sur la partie haute de la ville) et sur la façade

urbaine. Cette surélévation est d’autant plus accentuée par la topographie du site, puisque la

mosquée est située sur les hauteurs de la ville.

Le choix des maisons réquisitionnées dépend de leur état, de leurs dimensions (en adéquation

avec les besoins des militaires) et de leur emplacement dans la ville et par rapport à l’enceinte.

Quatrième Partie Chapitre premier

342

L’accessibilité à ces maisons, selon la fonction qui s’y déroule, va engendrer des transformations

soit au niveau de la maison elle-même soit au niveau des routes qui y mènent.

Ainsi Les projets d’ouverture d’une rue vont dépendre des équipements à desservir : plus

l’équipement est important plus la route est large, régulière et carrossable. Nous avons vu plus

haut comment le projet de l’hôpital (en dépendance avec sa capacité) générait des

transformations au niveau des projets de rue : rue de la Comédie puis rue d’Armandy.

L’évolution d’un projet faisait évoluer les projets des rues, le génie a pris en considération les

volontés de la municipalité quand il s’agissait des projets d’alignement.

Toutefois le tracé de ces alignements tiendra compte des conditions sécuritaires et de santé. Le

principal facteur dans le tracé des rues étant la communication entre différents points de la ville,

c’est donc ce facteur qui sera déterminant dans le projet d’alignement.

En nous référant au dernier plan général de la ville de Bône présenté dans le précédent chapitre,

nous remarquons le tracé de la rue Louis Philippe qui joint directement la porte de Constantine à

l’hôpital Militaire. Ce dernier communique avec l’ensemble des bâtiments militaires se trouvant

intramuros soit par le biais de rues carrossables soit par le chemin de ronde de l’enceinte qui a

été élargi et restauré dès les premières années d’occupation.

Joindre les équipements entre eux de manière sécurisée, économique ,telle est la logique urbaine

du Génie militaire.

Le jardin qui peut être considéré comme une annexe (zone de servitude de l’hôpital) est aménagé

dans une cité où le végétal n’est connu qu’à l’intérieur des maisons. Les grands jardins sont

toujours extérieurs aux enceintes des médinas ; il vient donc aérer un espace voulu et conçu de

manière dense. Les bathat des médinas sont fonctionnelles alors que le jardin se présente comme

un creux vert, dans un ensemble monolithe, minéral et compact. Il matérialise sur l’espace la

décision d’hygiène du Génie militaire, par l’aération et l’ensoleillement.

La morale peut elle aussi avoir des répercutions sur l’urbain. La volonté de discrétion d’usage du

dispensaire par les filles publiques rejoint la présence de chapelle dans un équipement. Il est

aussi vrai que le dispensaire est attenant au logement de l’aumônier et que l’accès au dispensaire

par ces filles doit être pris en charge lors du tracé de l’alignement. Ce dernier, bien que projet de

la municipalité, est suivi de prés par le Génie militaire.

Quatrième Partie Chapitre premier

343

Conclusion.

Dans ses projets, le Génie militaire adopte toutes les solutions qui répondent aux critères de base

de son enseignement à savoir : adaptation au site, utilisation optimale des potentialités existantes

dans le site, économie par une rationalisation spatiale et une fonctionnalité multiple.

Lors de la conception, le côté esthétique est délaissé au profit du fonctionnement et à l’économie.

Dans les mémoires, bien qu’il s’agisse d’architecture, aucune remarque n’a été relevée par

rapport à la composition ou au volume. Les dimensions sont considérées dans un point de vue

strictement économico-fonctionnel. Le rallongement de bâtiments est traité par rapport aux

avantages spatiaux et économiques qu’il apporte.

En étudiant l’évolution des projets successifs de l’hôpital militaire et des annexes sanitaires, nous

avons noté leur impact sur la trame urbaine existante, en générant une nouvelle qui découle de la

morphologie et des usages de ces équipements sanitaires.

A travers les équipements de la ville de Annaba durant le XIXème siècle, nous avons pu déceler

la logique globale d’un aménagement urbain. Les améliorations introduites au fur et à mesure

des capacités temporelles (urgence ou non) et matérielles (budgétaires et matériaux de

construction) suivent une idée maîtresse unique et ce malgré les changements des concepteurs.

Nous reconnaissons là « l’École du Génie ». Les projets ne sont pas indépendants mais réfléchis

dans une perspective générale englobant l’hygiène, la sécurité, l’économie de terrains et de

matériaux et un fonctionnement rigoureux.

Ce sont ces mêmes règles qui introduisirent l’usage des plantations comme moyen

d’assainissement de l’air considéré comme vicié de la ville de Bône et de ces environs. Certes les

plantations au niveau de la ville ancienne furent rares par manque de terrains, les squares et

allées ombragées ont donné à la ville un plus à son cachet européen. Le choix des essences

répondait au but imparti et au climat humide de la région.

Quatrième Partie Chapitre Deuxième

344

CHAPITRE DEUXIEME

LES RÉALISATIONS SANITAIRES DU GÉNIE MILITAIRE À CONSTANTINE.

DES HÔPITAUX D’ENVERGURE.

Introduction.

Dès la prise de Constantine, les premiers blessés et malades ont été placés dans des maisons

réquisitionnées à cet effet et dans la caserne du Khalifat. Mais cette solution ne pouvait être

considérée comme définitive étant donné que la conquête du pays n’était pas complète et que les

français savaient par expérience que leurs besoins en lits d’hospitalisation étaient supérieurs à

ceux connus dans les campagnes en Europe. Défendre la place n’est pas aussi l’unique

préoccupation des militaires puisque, dés 1838, ces derniers pensent à la construction en

maçonnerie de l’hôpital au. Compris dans le quartier de la casbah, l’hôpital militaire de

Constantine de conception et de réalisation française est considéré comme l’un des premiers

bâtiments français sur le sol constantinois.

Le climat sec et chaud de la ville, l’évacuation des eaux usées dans le Rhummel en contrebas,

ont protégé la population européenne civile ou militaire des endémies locales. À l’inverse de

Bône, Constantine verra, dès la prise, une séparation dans l’installation des malades. Les

militaires, ainsi que nous le verrons, réquisitionnèrent deux maisons afin d’y loger les malades

civils. Cette ségrégation demeurera jusqu’à la construction d’un hôpital moderne civil. Ce qui

confère au quartier de la casbah un caractère exclusivement militaire.

Cependant, les méthodes de conceptions étant celles du Génie où qu’il soit, nous verrons

comment l’air, le soleil et les plantations font parties des principes de cette conception.

1. L’hôpital militaire.

Le processus de création de l’hôpital militaire de Constantine est complètement différent de celui

de Bône. La construction de l’hôpital militaire de Constantine s’est effectuée dans des conditions

autres que celles de Bône. Ces différences se situent d’abord dans le choix du site ou du bâtiment

affecté à l’hôpital (la casbah), et dans le fait qu’il est une création nouvelle. L’impact

architectural et urbain de cet hôpital ne peut être dissocié de celui de l’ensemble du quartier

militaire de la casbah auquel il est intégré. Cependant l’hôpital ajoute à l’importance du quartier

de par sa fonction et l’urgence de sa construction.

La construction de l’hôpital militaire de Constantine fait partie du projet d’aménagement général

du quartier de la casbah de 1838.

Quatrième Partie Chapitre Deuxième

345

1.1. Le projet d’hôpital de 1838.

Dés 1838, le site de l’hôpital militaire est choisi, il est intégré à la citadelle. La hauteur du site,

son exposition et sa sécurité ont été les facteurs déterminants de ce choix.

Fig.123 : Partie du plan d’ensemble de la casbah de 1838 comprenant le projet de l’hôpital

militaire.

Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris.470

K, K’, K’’ et H : hôpital pour 400 malades ; a : hôpital et manutention (maison Amin Khodja) ; X : logement du

concierge et bureau des entrées ; c et d : maisons occupés par les malades (la note spécifie qu’elles seront rendues

dans deux ans).

Dans ce plan, les parties en rose sont de création ancienne, alors que les autres édifices

représentent le projet d’aménagement de la casbah. Ce qui nous permet d’avancer que le projet

de l’hôpital militaire fait partie des premiers objectifs des militaires. L’appropriation de maisons

470

Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Note explicative du projet d’organisation de la

casbah, Article 1, Dossier 1 H 805, N° 5 en date du 1er octobre 1838.

Quatrième Partie Chapitre Deuxième

346

particulières telles que les maisons de Salah bey (en K’ et K’’) et d’Amine Khodja (en a, c et d),

n’est qu’une solution temporaire, elles ne pouvaient contenir le nombre de malades prévu.

1.2. Le projet de 1840.

Le mémoire militaire de 1840471

contient la première note explicative et détaillée du projet de

construction de l’hôpital militaire de Constantine. Il donne une description assez complète du

projet proposé et revu par le chef du Génie militaire et a été avalisé dans son ensemble par le

directeur des fortifications.

Fig.124 : Plan de la Casbah daté de 1840.

Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris472

Cette note ayant été rédigée par la direction des fortifications comporte une autocritique de la

part du Génie militaire quant à l'emplacement des bâtiments annexes473

considérés trop proches

de la poudrerie et qu'il est important d’isoler. C’est dans cette perspective que le Génie

propose les opérations suivantes.

1.2.1. Le système constructif.

Cette note comprend le descriptif nous permettant de reconstituer le système constructif ; ce

descriptif est donné à des fins de justification économique avec les principes de :

471 Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Note relative à un projet d’hôpital pour la place de

Constantine, Article 2, Dossier 1 H 807, N° 5 en date du 4 décembre 1839. 472 Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Plan de la Place de Constantine : Assiette pour

logements, Article 3, Dossier N° 807, N° 8, en date du 21 septembre 1840. 473 Annexes : terme qui remplace celui de « accessoires » utilisé par les militaires

Quatrième Partie Chapitre Deuxième

347

pratiquer dans les pieds droits prolongés des portes absolument semblables à celles du rez

de chaussée et de l'étage, afin de conserver la facilité de relever plus tard le bâtiment d'un

étage, si le besoin s'en faisait senti ;

donner à ces pieds droits la forme de pignon pour supporter des pannes de 0,30 sur

0,20m. Ces pieds seraient espacés de mètre en mètre de milieu en milieu ;

prévoir un plancher qui supporterait le toit serait cloué de faite en goute sur les pannes

sous chevron ;

ne pas construire de corniche en pierre de taille. Le bâtiment serait couronné d'une simple

génoise de deux ou trois rangs de tuiles creuses ;

prévoir la naissance des petites voûtes en plein cintre à 1,20 m du sol pour que l'épaisseur

soit tout entière en dessous de la naissance des voûtes principales qui seront à 3,00 m du

sol.

construire les grandes voûtes en arc de cercle avec 1,00m de flèche de sorte que la

hauteur sous chef soit de 4,00m. Ils donneraient aux voûtes une seule brique d'épaisseur

ce qui avec le carrelage porterait l'épaisseur totale à la clé à environ 0,40 mètre.

élever le carrelage du rez de chaussée de 0,50 m au dessus des cours, on y monterait par

trois marches ;

asseoir le sous bassement de l'édifice sur une ou au plus deux assises en pierres de tailles

selon l'épaisseur et la quantité de matériaux dont ils pourraient disposer ;

construire les angles et les encadrements de croisées en pierre de taille (dans le cas où

elles seraient disponibles), mais en pierres sans saillie dépassant le moellon de 0,1m pour

araser parfaitement avec le crépissage. Cette façon, leur permettait de suivre un appareil

régulier dans lequel ils pourraient employer des pierres de toutes longueurs et de toutes

épaisseurs ;

construire les fenêtres en briques ; ainsi ils ne se verraient pas obligés d'en relever le seuil

(appui) qui sera tenu à 1,20m seulement au dessus du sol. Des bâtées seront ménagées

extérieurement dans les encadrements des fenêtres pour pouvoir, outre les châssis à

vitres, les garnir de persiennes jugées nécessaires ;

prévoir l’intervalle entre les fenêtres (trumeau) du rez de chaussée et de l'étage, qui serait

divisé par un cordon en pierre de taille ou à défaut en briques. Ce cordon qui régnerait sur

tous le pourtour de l'édifice réglerait la hauteur des petits bâtiments des servitudes et des

murs de clôture. L’unique fenêtre de chaque extrémité des travées, donnant dans l'allée

serait comprise entre deux rangs de lits.

Quatrième Partie Chapitre Deuxième

348

Selon le projet dessiné, il est supposé que le Génie disposerait de pierres de taille pour construire

un escalier d'appareil, comme le directeur en a fait construire plusieurs. Si la pierre venait à

manquer, ils y suppléeraient soit en construisant des voûtes rampantes en briques sous les

marches, soit en construisant des murs d'échiffre pour porter les abouts, mais qui ne règneraient

pas devant les paliers ; dans tous les cas la disposition de l'escalier en deux rampes474

serait

conservée. Il est inutile de renforcer les pieds droits des voûtes des paliers arcboutants dans la

cage d'escaliers, car la grande voûte et la masse des rampes feraient contrefort dans l'espace de

quatre mètres où les voûtes serraient interrompues. Le Génie par son choix du système de

construction et des matériaux selon leur disponibilité, démontre, à travers ce projet, son sens

pratique et son adaptation aux conditions du site. S’il remplace la pierre par la brique, c’est parce

qu’il connait sa disponibilité proche au niveau des fours de Mila.

1.2.2. Disposition générale des espaces.

Le descriptif du projet de l’hôpital, nous permet de reconstituer l’aménagement spatial de ce

dernier. Le Génie propose de réserver le rez de chaussée aux annexes de l’hôpital et les étages à

l’hébergement. Par ailleurs, le Génie donne une place prépondérante à la circulation et à la

distribution des espaces par rapport à celle-ci. Il sépare, notamment la circulation des médecins

de celle des infirmiers. Ainsi l’escalier central est destiné aux premiers alors que les deux

latéraux sont réservés aux infirmiers et malades. De manière identique, il sépare les cours

conservant celle du centre pour les médecins et le staff administratif.

Les espaces annexes et l’administration sont regroupés dans le centre du bâtiment.

À des fins d’hygiène les latrines sont rejetées à l’extérieur et en position postérieure au corps de

bâtiment. Elles sont implantées en demi-niveau afin de faciliter l’usage et l’accessibilité à partir

des deux niveaux (inférieur et supérieur). Une galerie communiquant avec les latrines pourrait

être fermée et ouverte à volonté suivant les saisons permettant l’aération de celles-ci. Dans la

même logique, il rejette les bains et les logements des infirmiers aux extrémités du bâtiment.

L'espace, compris entre la façade du derrière du bâtiment et l'escarpement, servirait à placer la

buanderie et la salle des morts et de dissection qu'il importe d'éloigner des malades.

Dans le projet, le Génie, prévoit la construction de petits bâtiments au niveau de la cour, en

façade, qui abriteraient les fonctions se rapportant à l’entrée des malades : le portail, le corps de

474 Dans le corpus actuel, nous utilisons le terme de volée pour désigner les rampes.

Quatrième Partie Chapitre Deuxième

349

garde, le vestiaire, le magasin aux sacs (effets des malades) , le bureau d'entrée et le logement de

l'agent comptable.

Tenant compte de la sécurité, l’hôpital se voit entouré d’un mur d’enceinte intérieur, avec un

chemin de rondes nécessaire pour la surveillance entre ce dernier et l'escarpement.

Les dispositions générales de ce projet, répondent non seulement aux exigences fonctionnelles

mais aussi aux contraintes du terrain. L‘intérêt porté à la disposition générale des espaces par le

Génie, nous incite à dire que nous assistons là, aux prémices de la conception fonctionnelle des

hôpitaux. Les entités : accueil, hébergement, soins, annexes, apparaissent clairement dans la

conception générale mais ne sont pas identifiées en tant que telles

Dans le cas où le chef du Génie aurait quelques modifications à proposer, il devra les faire

préalablement approuvé par le directeur.

1.2.3. Le mode d’exécution.

Le projet contient les détails concernant le mode d’exécution. Ces derniers concernent les types

de coffrages et de cintres nécessaires à l’exécution des voûtes, l’organisation du chantier en

matière de matériaux, de coffrage/décoffrage, la chronologie d’exécution des travaux. Le génie

ne connaissant pas la nature exacte des sols de fondation, prévoit les solutions aux diverses

éventualités en cas de bon ou mauvais sol.

En procédant ainsi le Génie emploie toujours les mêmes maçons au même travail qui va mieux et

plus vite. Nous retrouvons là le mode d’organisation de chantier du Génie militaire qui permet

un gain de temps et une économie dans les matériaux de coffrage.

Le caractère économiste du génie réapparait au niveau de chaque détail de construction. C’est

dans la même optique économique qu’il propose de construire le grand bâtiment dans

l’immédiat, les accessoires se feraient plus tard. Il préfère ne pas perdre les déblais en les jetant

en bas de l'escarpement mais bien en profiter pour relever les parties basses de la casbah. Ces

dernières devaient renfermer la manutention dans la casbah sans augmenter le développement

des ouvrages.

Le projet global de l’hôpital était estimé à 491 700 Fr. La note concernant ce projet spécifie

cependant que les travaux ne peuvent être réalisés en une année, mais se termineraient après

1845.

Quatrième Partie Chapitre Deuxième

350

En 1841, vu la recrudescence des épidémies et un état sanitaire préoccupant, une commission est

chargée d’évaluer la situation des locaux de l'hôpital ainsi que les travaux de construction et

d'appropriation qu'il y aurait lieu d’exécuter ; pour augmenter le nombre de places existant sans

nuire aux autres exigences du service. Cette commission a été réunie en exécution de la

dépêche475

de Mr le Ministre de la Guerre.

Le P.V de réunion476

,477

de cette commission comprend les observations faites lors de la visite

par les membres, des divers établissements affectés au service de l’hôpital. Ces observations se

résument en ce qui suit.

1° : que la capacité globale des services de l’hôpital est de 401 places se répartissant

ainsi :

o à Salah bey : la maison arabe, construite en maçonnerie de mauvaise qualité,

contenait 89 places ;

o à Amine khodja : la maison arabe, d'une construction semblable à la précédente

contenait 119 places ;

o dans les deux pavillons situés dans la cour attenant à Amine Khodja, construits en

brique creuse et contenant 52 places ;

o dans les baraques en planches (couvertes d'un double rang de planches) contenant

60 places ;

o la mosquée de la casbah478

construite en maçonnerie de médiocre qualité,

contenait 81 places.

2° Qu'en conséquence il n'y avait pas lieu d'augmenter la contenance des bâtiments ci

dessus désignés, lesquels ne doivent être considérés que comme hôpital provisoire.

475

Dépêche en date du 08 janvier 1841, ayant trait à la situation des locaux de l'hôpital militaire de Constantine.

Document non retrouvé dans les archives. 476

Réunion ayant eu lieu le 22 février 1841 entre le sous intendant militaire à la Résidence de Constantine Ferus

Joseph François, Les officiers de Santé Eusèbe Deleau et Ambroise Hial, le commandant Chef du Génie Joseph

Simon et l’officier d’administration comptable Joseph Melin. 477

Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, P.V de réunion, document non répertorié dans la

nomenclature générale du Génie mais classé, Article 3, Dossier 1 H 807, N° 9 en date du 26 février 1841. 478

Nous n’avons pu ni situer, ni retrouver d’autres écrits se rapportant à cette mosquée dans les rares descriptifs

concernant la casbah.

Quatrième Partie Chapitre Deuxième

351

Fig.125 : Plan de situation de la caserne du Khalifat.

Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris479

Dans cette évaluation, n'était pas comprise la caserne du Khalifat, momentanément consacrée à

former une amorce de l'hôpital et pouvant contenir 130 malades. Le P.V stipule que cette caserne

serait désormais rendue à sa destination par suite de l'avancement de travaux de l'hôpital définitif

dont une partie pourrait être occupée en 1841.

La commission s’est ensuite transportée à l'hôpital définitif situé dans la casbah sur le bord de

l'escarpement du Rummel, et a reconnu que d'après l'état d'avancement constaté des travaux et

les explications données par le commandant du Génie, cet édifice serait susceptible , au mois de

juillet 1841, époque de la recrudescence des maladies, de contenir au moins 600 places .

Par ailleurs, les membres de la commission ont reconnu qu'à la fin du mois de septembre suivant,

au moment où le nombre des malades atteint son maximum, ils pourraient disposer de plus de

700 places. Ils estimèrent qu’une partie des services des vivres et de casernements pourrait par la

suite occuper une partie des bâtiments provisoirement affectés à l’hôpital.

La commission a reconnu que les dépendances de l'hôpital ne remplissaient qu'imparfaitement

leur objet. Cependant, en considérant l'abandon prochain des bâtiments provisoires, ces

accessoires pouvaient être considérés comme suffisants et qu'enfin il n'y avait pas lieu d'agrandir

ou créer immédiatement : la pharmacie, la salle de bains, la cuisine, la dépense (l'économat), le

magasin du mobilier, le magasin aux sacs, le magasin du chauffage, les bureaux de

479

Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Article 3, Dossier N° 807, N° 8, Plan de la Place

de Constantine : Assiette pour logements, en date du 21 septembre 1840.

Quatrième Partie Chapitre Deuxième

352

l'administration, le logement des officiers de santé, le casernement des infirmiers, la buanderie,

les latrines, les jardins, les promenoirs, les séchoirs.

C’est ainsi que la commission décida que toutes les dépenses à faire en 1841 devraient être

entièrement consacrées aux travaux de l'hôpital définitif. Le commandant du génie a fait

observer que le bâtiment principal, long de 171 m, sur une largeur de 15 m dans œuvre, composé

d'un rez de chaussée et de deux étages, devrait comprendre en tout 960 lits, sans compter 18

chambres réservées pour les accessoires, et des compartiments 480

pouvant contenir 16 lits

chacun.

Par ailleurs La commission a estimé que les travaux en rez de chassée sont pratiquement

terminés alors que le premier étage serait complètement fini au mois de juillet 1841, alors que la

fin des travaux du deuxième était pour le mois de novembre suivant. Les étages étant voûtés,

l’hébergement des malades ne devait donc pas attendre la fin de la réalisation de la toiture.

En outre la commission nota le fait que les bâtiments destinés aux dépendances définitives de cet

hôpital n'étaient point commencés et pourraient à peine l'être en 1841. Le Génie militaire devait

revoir la disposition d'appuyer, sur le pourtour des murs de clôture (développé sur 240 m) des

bâtiments à rez de chaussée. Cette disposition fournissait des emplacements bien au delà des

dépendances règlementaires et permettrait en outre de loger bon nombre d'officiers de santé et

d'administration.

Cependant, en attendant l'exécution de ces bâtiments accessoires ; les dépendances

indispensables seraient placées, en partie dans le corps de bâtiment principal, et d’autres dans des

maisons arabes voisines de l'hôpital.

Enfin le chef du Génie a déclaré qu'une somme de 298 000 Fr serait nécessaire pour terminer le

grand bâtiment destiné aux malades et que pour exécuter ceux destinés aux accessoires, il

faudrait ajouter à la somme ci-dessus environ 164 000Fr. Au total 462 000 FR.

Une circulaire en 1842481

vient à son tour demander un rapport sur les hôpitaux.

Ce rapport482

nous permet de connaitre la capacité de l’hôpital et l’évolution de la construction

des accessoires. Il stipule que le corps du bâtiment principal destiné exclusivement aux malades

480 Le nombre des compartiments n’est pas spécifié dans ce P.V. 481

Circulaire du 22 avril 1842 et portant le numéro 364, cette circulaire n’existe pas dans les archives mais le

rapport y fait référence.

Quatrième Partie Chapitre Deuxième

353

a commencé vers le mois de janvier 1840, et a été terminé au 31 décembre 1841. Au mois de

juillet 1841, le bâtiment a pu accueillir de 500 à 600 malades. Et mai 1842, les militaires

pouvaient y placer règlementairement 960. Cette capacité ne tient pas compte des trente petites

chambres placées dans les volées et sous les paliers ; lesquelles étaient réservées pour le service

journalier et pourraient être fort utilisées pour placer au besoin quelques malades qu'il convenait

d'isoler.

En ce qui concerne les accessoires, le travail définitif n’avait point commencé et la majeure

partie des accessoires était encore placée dans l'hôpital provisoire d'Amine-Khodja (maisons

réquisitionnées). Cependant pour faciliter le service, le génie a établi, en 1841, la cuisine dans

une maison arabe attenant au bâtiment neuf de l'Hôpital.

Ce rapport mentionne également les travaux à mener pour terminer l’hôpital à savoir : construire

tous les accessoires de l'hôpital jugés trop éloignés et donc gênant le service et les murs de

clôture, les accessoires étaient encore établis provisoirement dans les bâtiments de l'Amine

Khodja.

Cependant le Génie ne propose pas de commencer les nouvelles constructions en 1844 et ne

demande que les fonds nécessaires pour quelques démolitions, parce que le service le plus en

souffrance était encore celui du casernement, et qu'il importe d’activer le plus possible les

travaux. Il justifie sa proposition par le fait que la construction de la caserne est des plus

urgentes.

Les projets présentés dans ce rapport pour 1843 par le Directeur des fortifications et le chef du

Génie sont adoptés par le comité, bien qu’ils ne satisfassent pas dans toute leur globalité aux

conditions demandées par les inspecteurs médicaux et par la commission spéciale instituée à

Alger483

. Ainsi l’obligation de régler la contenance des chambres de manière à avoir 25,00m3

d'air par malade ne permettait d’aménager que 13 lits au niveau de l'étage.

Le projet du Directeur des fortifications ne fait que compléter celui des services du Génie

militaire mais c’est pour ce dernier qu’a été dressé un devis estimatif.

482 Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Article 3, Dossier N° 807, N° 15, rapport sur les

hôpitaux d’Algérie, non répertorié dans la nomenclature générale du Génie militaire, mais classé, en date du 9 mai

1842.

Rapport signé par le chef de bataillon commandant du génie Simon le 03 mai 1842. 483

Conditions établies par la commission spéciale instituée à Alger pour poser les bases de l'organisation des

hôpitaux, conditions adoptées par le ministre de la guerre, le 28 septembre 1843.

Quatrième Partie Chapitre Deuxième

354

1.3. Le Projet de 1845.

Le projet de l’hôpital est présenté sous deux variantes. L’une émanant du service du Génie et la

seconde du Directeur des fortifications. Comme pour les projets précédents cette seconde

variante ne présente que des différences légères comparativement au projet du Génie.

Cependant ce projet connaitra trois variantes. Le génie ne se montre pas satisfait de son projet et

y joint la critique suivante.

Il résulte de cette disposition un ensemble peu satisfaisant :

les deux cours extrêmes seraient mal aérées, et par suite, les salles des malades donnant

sur ces cours, ne seraient point saines ;

la hauteur obligée des deux bâtiments transversaux limitant la cour du milieu fait un effet

disgracieux dans l'élévation ;

le service est peu commode en ce sens que la pharmacie est placée tout à fait à une

extrémité du grand bâtiment que les infirmiers ont leur dortoir en partie trop rapprochés

des salles des malades ;

il faut un outre traverser ces dortoirs pour arriver aux chambres affectées aux

hydrophobes484

et aux maniaques.

Cette critique met en exergue les préoccupations majeures du Génie militaire se rapportant à

l’hygiène amenée par le bon air et le bon ensoleillement, aux proportions volumiques et à la

fonctionnalité.

Cet avis est rejoint par celui du Directeur des fortifications ; ces divers inconvénients ont forcé le

directeur à chercher un dispositif différent. Le directeur s'est efforcé dans la combinaison qu'il a

indiquée de conserver les dispositions d'ensemble principales adoptées précédemment par le

comité. Ce dernier propose un croquis d'ensemble et de détail indiquant les changements à faire ;

c’est d'après ce croquis que le chef du génie a rédigé la deuxième variante du projet.

Ainsi les deux bâtiments latéraux extrêmes ont été conservés mais le bâtiment d'entrée a été

séparé en deux, ce qui a permis de supprimer les petits bâtiments perpendiculaires adoptés

précédemment qui avaient été admis en principe. Ces deux bâtiments sont parallèles au mur de

clôture et séparés de celui-ci par une petite cour. Cette disposition d'ensemble a paru satisfaisante

484

Hydrophobe : terme en usage chez les médecins avant le XXème siècle pour désigner les personnes atteintes de

la rage. L’hydrophobie est un symptôme de la rage.

Quatrième Partie Chapitre Deuxième

355

au chef du Génie, à l’intendant, à l'administration et au service de santé et a donc été sans

objection.

Fig.126 : Projet de l’hôpital de Constantine pour 1845.

Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris485

Dans cette seconde variante :

le bâtiment principal est uniquement consacré aux malades et en contiendrait 722 ;

le nombre des bâtiments transversaux est donc réduit à deux, mais n’ont qu'un seul étage

au dessus du rez de chaussée. Ils ont été placés de manière à ce que leurs façades

extérieures soient dans le prolongement du mur de pignon du bâtiment A ;

le bâtiment d'entrée est constitué de deux bâtiments parallèle au mur de clôture et séparé

de celui par une petite cour ;

le bâtiment principal A est uniquement consacré aux malades et on contiendra 722 ;

les deux bâtiments transversaux B et E sont destinés aux logements des infirmiers, des

officiers de santé, d'administration, ils renferment la chapelle.

485

Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Dossier N° 807, Article 2, N° 12, Projet pour 1845,

non répertorié dans la nomenclature générale du Génie militaire, en date du 30 août 1844.

Quatrième Partie Chapitre Deuxième

356

les deux petits bâtiments C et D renferment les accessoires, tels que le bureau des entrées,

le vestiaire, le magasin aux sacs, cuisines, bains, pharmacie et les chambres des officiers

malades. Ce bâtiment n'a qu'un étage au dessus du rez de chaussée ;

des galeries établissent une communication couverte entre tous ces bâtiments et une

galerie placée dans l'axe principal sépare la vaste cour de l'hôpital en trois autres qui

seront plantées d'arbres et auront une fontaine. Le chef du génie prévoit d’y planter des

arbres et d’y construire une fontaine ;

un corridor placé dans l'axe longitudinal donne accès aux diverses pièces. Le premier sont

placés les chambres des officiers malades et des magasins ;

la circulation de l'air ne sera point gênée par cette galerie du milieu qui aura 4,60 m de

hauteur ;

quant au bâtiment coté Ouest, il est le même dans les deux projets, il renferme la salle des

morts et celle d'autopsie, ainsi qu'une chapelle funéraire.

Deux pavillons sont prévus pour le corps de garde et le logement du portier. Leur construction

n’étant pas urgente le chef du Génie la prévoit pour 1846.

Comme il existe une différence de niveau de trois mètres environ entre la cour de l'hôpital et le

sol de la rue, le chef du Génie propose d’installer des caves pour utiliser les maçonneries, et qui

serviraient de magasin aux liquides pour l'administration des subsistances qui en éprouve le

besoin.

1.4. Les projets ultérieurs à 1850.

Une proposition émanant du Commandant de la Place, sur les directives du Chef du Génie

militaire et avalisée par le Directeur des fortifications, est adressée au Maréchal486

. Elle

préconise la construction des murs de clôture et les accessoires ainsi que l'achèvement du

bâtiment principal.

Le mur de clôture devait être construit en 1851 sans pour cela démolir les bâtiments provisoires

qui sont encore utilisés. La disposition des bâtiments devant contenir les annexes a été approuvée

par le directeur des fortifications. Par contre l’assiette proposée par le génie militaire pour le

486

Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, en Dossier 1 H 807, Article 2, N° 7, Note non

répertoriée dans la nomenclature générale du Génie militaire mais classée en date du 28 février 1840.

Quatrième Partie Chapitre Deuxième

357

bâtiment devant contenir le logement des officiers, donna lieu à des observations de la part du

directeur des fortifications.

Dans une apostille de 1851487

, il est aussi question de la partie devant contenir l’administration,

question non encore réglée. Son emplacement (proposé par le Génie) a été adopté. Elle ne

stipule pas si les travaux de l’hôpital ont débuté ou pas.

Un P.V de conférence entre le service des Ponts-et-Chaussées488

et celui du Génie militaire,

datant de juin 1851489

nous informe que l’hôpital militaire ne recevait l’eau que transportée à dos

de mulet. Ce moyen de transport étant jugé coûteux (entre 4 000 et 5 000Fr), le service du Génie

demande l’extraction de l’eau des grandes citernes de la casbah à l’aide d’une pompe qui

reverserait l’eau dans un réservoir. La redistribution se ferait au moyen d’un tuyau de plomb

jusqu’au robinet d’une fontaine située au milieu de la cour de l’hôpital. La situation de cette

fontaine au centre de la masse des bâtiments construits ou à construire permettait la distribution

de l’eau de manière équivalente à l’ensemble des services de l’hôpital.

La position du réservoir est aussi judicieuse car elle est prévue sous les escaliers de la caserne

attenante au bâtiment principal. La capacité de ce réservoir est de 16m3

ce qui correspond à la

consommation moyenne de deux jours, la quantité minimale nécessaire à l’hôpital étant fixée à

10m3. Le reste du volume d’eau des citernes est mis à la disposition du service des Ponts-et-

Chaussées. Le remplissage de ce réservoir nécessite 3 à 4 heures de travail à la pompe. Les

citernes de la casbah auront servi à l’hôpital avant tout autre établissement.

Un deuxième P.V de réunion entre le service d’administration et celui du Génie militaire490

, nous

renseigne sur l’état de l’hôpital et de l’avancement des travaux le concernant. Ce P.V contredit

en partie les précédentes notes quant à la capacité de l’hôpital et les travaux déjà effectués. Il

stipule que la contenance prévue est de 650 malades mais que cette dernière pouvait être portée,

487 Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Dossier N° 808, Article 3, N° 56, P.V de

conférence non répertorié dans la nomenclature générale du Génie mais classé, en date du 23 juillet 1851.

Conférence tenue le 29 juillet 1851, entre le service de l’Administration représenté par le sous-intendant Mallarmé

et le capitaine du Génie militaire Darves, P.V portant avis du Directeur des fortifications et de l’Intendant militaire

Darrieau. 488 Le service des Ponts-et-Chaussées a la charge de la gestion et la distribution de l’eau de la ville. 489

Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Dossier N° 808, Article 3, N° 55, P.V de

conférence non répertorié dans la nomenclature générale du Génie mais classé, en date de mai 1851.

Conférence tenue le 19 juin 1851, entre le service des Ponts-et-Chaussées représenté par Daumier (ingénieur) et le

service du Génie militaire représenté par Le Baron Lieutenant-colonel, au sujet d’une prise d’eau pour l’hôpital

militaire. . 490

Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Dossier N° 808, Article 3, N° 55, P.V de

conférence non répertorié dans la nomenclature générale du Génie mais classé, en date de mai 1851.

Quatrième Partie Chapitre Deuxième

358

en cas d’urgence à 800 en dehors des officiers malades (dont le nombre n’a pas été donné) et des

120 infirmiers.

Ce qui nous permet de dire qu’en matière de prise en charge des malades, les services militaires

de santé en Algérie étaient au-delà des normes, puisque un infirmier avait entre 5 et 7 malades à

charge. Les normes actuelles de l’OMS préconisent un infirmier pour 3000 habitants491

.

Sachant que la garnison de Constantine était de 4770 hommes et considérant l’état de guerre qui

prévalait nous estimons que cette couverture infirmière était trop importante. Nous supposons

que cette sur-couverture était nécessitée par le manque de médecins que ce soit en Algérie ou en

France.

Cette capacité a été fixée pour l’hôpital de Constantine par un avis de la commission supérieure

des hôpitaux de l’Algérie en date du 13 janvier 1848492

. Par ailleurs ce P.V donne des précisions

sur l’existant et les travaux à mener en vue d’améliorer l’hôpital :

l’hôpital prévu pour 1851, serait entouré d’une clôture infranchissable, y compris au

niveau des pentes abruptes situées au bord des escarpements ;

le terre-plein, servant de promenoir le long de la façade serait élargi et planté ; les pentes

irrégulières qui rachètent ce terre-plein avec le chemin de rondes (prévu le long du mur

de clôture) situées sur le bord de l’escarpement seraient elles-aussi plantées. Ces pentes

seraient sillonnées de sentiers en lacet, qui permettraient le parcours et ajouteraient ainsi

une sorte de jardin anglais au promenoir de l’hôpital ;

la buanderie, annexe de l’hôpital est placée à un niveau très inférieur à celui des citernes

afin d’y amener l’eau par gravitation.

L’hôpital se présentait donc sous la forme d’un bâtiment d’une longueur de 170m. Cette

dimension présentait l’inconvénient de rendre l’exécution du service lente, difficile et

incommode :

les aliments arrivaient froids aux malades ;

les bains étaient trop éloignés et quelques fois inaccessibles. Les médecins préféraient y

renoncer même s’ils sont jugés utiles, si l’état du malade ne lui permettait pas un aussi

long parcours ;

491 Ligue Burundaise des Droits de l’Homme Iteka, « La santé », in www.ligue-iteka.africa-web.org . 492

Cet avis a été retrouvé en référence dans le P.V suscité. Le projet comprend la référence de l’Avis de la

commission des hôpitaux de l’Algérie. Cet avis n’a pas été retrouvé dans les archives du Génie.

Quatrième Partie Chapitre Deuxième

359

la pharmacie était, elle aussi trop éloignée.

C’est dans la perspective d’améliorer le service, que le Chef du Génie propose de rapprocher les

principales annexes : cuisines, bains et pharmacie en les plaçant au centre du bâtiment principal.

Alors que le service d’administration propose que le bâtiment des annexes doit être construit face

à l’escalier, dans le promenoir des malades entre le chemin de rondes en supprimant les latrines

du rez de chaussée.

Cette proposition a été réfutée par le Génie militaire en relevant les problèmes qui se poseraient

par :

la suppression des latrines du rez de chaussée et donc de celles des étages ;

l’emplacement désigné considéré comme restreint et de forte pente ce qui rendrait sa

construction coûteuse à cause des fondations profondes nécessaires ;

l’isolement et la difficulté d’accès du bâtiment proposé (bois et autres matériaux à

transporter).

Le Chef du génie préfère garder la solution initialement proposée en la justifiant par :

la position des trois escaliers et donc des distances parcourues par les malades ;

le fait que l’aile gauche était rarement utilisée ;

les surcoûts relatifs à la construction sur l’emplacement proposé par les services

d’Administration.

Le Directeur des fortifications et l’Intendant militaire de la division se rangèrent à l’avis du chef

du Génie. Nous retrouvons là encore une fois, l’esprit de conception du Génie militaire qui tient

compte dans ses projets, non seulement du fonctionnement général d’un établissement (toutes

annexes comprises) mais aussi de la gestion des terrains disponibles à la construction, et de

l’économie.

Dans le projet d’ensemble des établissements militaires de 1853493

, nous relevons encore une

fois des discordances dans les chiffres avancés pour la capacité de l’hôpital. Si le bâtiment

principal a été terminé en 1842, des travaux restent encore à mener, avant que l’hôpital ne soit

fini, à savoir :

construire les deux bâtiments de l'entrée destinés au logement du concierge et au corps

de garde et au bureau des entrées ;

493 Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Dossier N° 808, Article 3, N° 64, Projet

d’ensemble des établissements militaires pour la Place de Constantine, en date du 08 avril 1853.

Quatrième Partie Chapitre Deuxième

360

finir la chapelle ;

finir la salle des morts ;

finir un hangar au bois avec caves ;

finir la buanderie qui doit occuper un emplacement bas près de l'escarpement et recevoir

l'eau des citernes de la caserne G.

Fig.127 : Plan d’ensemble de la Casbah en 1853.

Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris494

, traité par l’auteur

E : hôpital militaire construit, E’ : bâtiment des accessoires de l’hôpital en construction, E’’ : bâtiment des bains et

des logements, b : buanderie rue Pothier

Le budget local et municipal pour 1847, contient un récapitulatif de la contenance de l’hôpital

militaire.

494 Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, budget local et municipal pour 1847, annexé au

dossier des nouveaux projets d’agrandissements de la Place de Constantine, Article 2, Dossier N° 805, N° 2O , en

date de 1846.

Quatrième Partie Chapitre Deuxième

361

Fig.128 : récapitulatif de la contenance de l’hôpital militaire de Constantine en 1847495

.

Personnel soignant Malades

Officiers de

santé

Infirmiers Officiers Soldats

Bâtiment permanent 1 112 24 640

Bâtiment provisoire // 3 // //

Totaux 1 115 24 640

Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris496

Ce tableau nous laisse supposer que des infirmiers (trois) ont été affectés en dehors de l’hôpital

militaire. Ont-ils été affectés dans les casernements extérieurs à la ville ? Cette possibilité est

plausible puisque l’on a vu que pour désengorger l’hôpital de Bône une infirmerie a été installée

dans la caserne des Santons. Le plan d’ensemble des casernements de la ville de Constantine en

1878 comporte une légende détaillée dans laquelle nous avons retrouvé une infirmerie au niveau

du Fort du Mansourah. Seul ce casernement en contient. Ont-ils été affectés dans un

dispensaire comme à Bône ? Dans les documents consultés, nous n’avons pas trouvé l’affection

des ces trois infirmiers.

Dans le mémoire militaire de 1858497

, relatif aux travaux à exécuter au niveau de la casbah, des

observations par le comité ont été émises quant à l'organisation du logement du comptable dans

les pavillons d'entrée. À cet effet, la rédaction d’un croquis d'urgence a été demandée en urgence,

au chef du génie. Il devrait faire connaitre le changement apporté à l'évaluation première de cette

section du projet suite aux nouvelles dispositions. Le directeur devait adresser ce croquis avec

son avis, en y joignant les projets représentant le projet primitif. Le projet d’amélioration et de

complément de l’hôpital militaire est estimé à 124 000 Fr dont 23 000 pour l'exercice de 1857,

47 000Fr pour 1858 et 50 000 Fr pour 1859.

495

Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Plan de la Place de Constantine, Article 1, Dossier

N° 805, N° 09, en date du 20 février 1853. 496

Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Plan de la Place de Constantine, Article 1, Dossier

N° 805, N° 09, en date du 20 février 1853. 497

Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Mémoire non répertorié dans la nomenclature

générale du Génie et non classé. Il est signé par le Général de brigade commandant supérieur du Génie en Algérie et

daté du 13 août 1858. Il a té retrouvé dans le carton Dossier 808 contenant les archives de l’article 3.

Quatrième Partie Chapitre Deuxième

362

Ces travaux concernent notamment l'appropriation498

pour installer les sœurs au pavillon ‘’E’’ et

rétablir la salle de conférence, avec une salle d'attente au rez de chaussée du bâtiment principal

en reculant la chapelle d'une travée. Ces travaux sont prévus pour 1858, pour une somme de

3200 Fr.

Le P.V de réunion499

entre le Génie militaire et l'Intendance au sujet des projets présentés pour

l'hôpital militaire de Constantine montre que l’hôpital militaire n’est pas encore fini en 1860. Le

service du Génie, conformément aux ordres de l'inspecteur, a présenté les projets d’amélioration

de l’hôpital dans l’ordre d’urgence par rapport à la sécurité et la salubrité générale de l’hôpital.

Fig.129 : Projet d’amélioration de l’hôpital pour 1860.

Source ; Archives du SHD, Vincennes, Paris500

498

Appropriation terme en usage pour désigner l’aménagement spatial. 499 Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, P.V de conférence entre le service du Génie

militaire représenté par le lieutenant colonel Lacoste et celui de l’Administration représenté par le sous-intendant

Palisot suivant l'article 43 de l'instruction du 26 février 1855 sur la rédaction des projets des bâtiments militaires,

Article 2, Dossier N° 806, N° 33, en date du 12 avril 1860. 500 Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Dossier N° 806, Article 2, N° 33, Annexe au P.V

de conférence entre le service du Génie celui de l’Administration, en date du 12 avril 1860.

Quatrième Partie Chapitre Deuxième

363

Les travaux d’amélioration de l’hôpital concernent essentiellement :

La proximité à donner à la construction du mur destiné à clore l'établissement, cette clôture est

considérée de la plus grande urgence et le travail si peu important, eu égard surtout au résultat à

obtenir ; C’est au niveau de la clôture sud de l'hôpital sur la grande cour et sur la grande rue, que

la surveillance est la plus difficile. Cette clôture est liée au projet de caserne d’infirmiers.

L'hôpital de Constantine n'étant pas fermé, il n'y pas de surveillance et de sureté possible dans un

établissement qui contient plus de 400 000 Fr de matériel de toute espèce et dans lequel il y a eu

comme en 1859 jusqu'à 800 hommes , malades et infirmiers.

La construction de l'égout de ceinture a été jugée comme urgente ou du moins, elle peut être

menée de front avec la première. Cet égout devrait recevoir toutes les matières du genre de

l'hôpital pour les conduire dans le grand égout de la ville située en avant du bastion 1. Il serait

prolongé jusqu'à la cour de la buanderie pour recevoir les eaux sales de cet établissement et du

bâtiment funéraire. Ce travail est considéré des plus urgents pour débarrasser l'hôpital et les

cours de la casbah des miasmes qui les infestent.

Le bâtiment funéraire tout incomplet qu'il est peut attendre que la buanderie soit terminée, alors

que la construction d'un escalier pour les officiers militaires, et celle des galeries extérieures à

chaque étage s’avère urgente.

La caserne des infirmiers est placée sur la grande cour des casernes à l'angle Sud-ouest de

l'hôpital. Elle devait contenir 300 infirmiers et les accessoires plus des caves pour l’hôpital.

En vue d'isoler la partie de l'hôpital occupée par les officiers, afin de leur permettre de descendre

dans la cour et le jardin sans passer par le grand escalier communs avec les soldats, le génie

prévoit d’établir un escalier dans la culée Sud-ouest du bâtiment principal.

En outre, il prévoit de placer la buanderie à l'est sur la rue qui longe l'arsenal. Elle renferme à son

rez de chaussée : une grande pièce pour lessiver et laver, un bûcher pouvant contenir 130 litres

de bois pour l'approvisionnement de l'hôpital et de la buanderie, un magasin de linge sale, un

logement d'un gardien et un magasin d'ustensiles, et à l’étage : un séchoir couvert. Les deux

bassins seront alimentés par une conduite venant des citernes de la ville où le point d'arrivée de

l'eau est plus élevé, les eaux sales seront jetées dans le grand égout ceinture. L’emplacement

Quatrième Partie Chapitre Deuxième

364

anciennement proposé considéré comme peu venté donc impropre à l’étendage du linge.se trouve

sur la zone de servitude501

intérieure de la casbah (arsenal et poudrerie).

Il manque à l'hôpital de Constantine un magasin pour le matériel que l'on ne sait où placer depuis

l'évacuation du local destiné aux sœurs. Le matériel est ainsi délocalisé vers les ateliers de la

compagnie. L’hôpital de Constantine prenant de l’importance, la construction d’un amphithéâtre

attenant à la salle des morts, s’avère nécessaire. Partant d’une logique identique et bien que le

futur bâtiment contenant la salle des morts et ses annexes ne fassent pas partie des projets prévus

pour 1860 et 1861, le service du Génie a estimé devoir les présenter pour parfaire l’organisation

générale de l’hôpital.

Ce bâtiment se trouverait placé à la suite de la buanderie vers le Nord. On descend dans son

enceinte de la cour de l'hôpital par une rampe dont la pente est de 1/8. Il serait établi dans la

proportion la plus simple. Il renfermerait une chapelle funéraire, une salle des morts et

d'autopsie, un atelier de bière et une remise pour la voiture des morts sur la rue. Les

mouvements de funéraires suivraient cette rue, loin de la rue des malades. Le Génie ne prévoit

pas la démolition de l’ancien petit bâtiment funéraire le considérant comme utile pour contenir

un accessoire de l'hôpital.

Le chef du génie, conformément aux ordres de l'inspecteur avait préparé le projet pour une

caserne d'infirmiers, son emplacement était sur la grande cour des casernes à l'angle Sud-ouest

de l'hôpital ; sa façade, en prolongement de celle du pignon ouest de la caserne F devait contenir

300 infirmiers et les accessoires plus des caves pour l'hôpital. La construction de cette caserne

fut sujette à discussion.

Le Ministre de la guerre avait proposé son transfert vers Philippeville, afin de libérer des salles

de malades occupées par les infirmiers dans l’aile Nord du bâtiment principal.

Ce que les services d’administration, du Génie et la direction des fortifications réfutèrent en bloc.

Ils avancèrent les arguments suivants :

ce dépôt a toujours été au chef-lieu de la division ;

il doit être placé directement sous la main de l'intendant de la division qui peut alors

faire exécuter rapidement les mesures d'urgence si communes en Afrique : car

l'ambulance divisionnaire est à Constantine ;

501 Zone de servitudes établie selon la loi du 22 juin 1854.

Quatrième Partie Chapitre Deuxième

365

les infirmiers peuvent y trouver un élément d'instruction qui ne se présentera pas à

Philippeville

il est d'ailleurs à observer que les infirmiers indispensables au service de l'hôpital de

Constantine, ne sont pas logés ; ils occupent des chambres de malades qu'ils sont

obligés d'évacuer une partie de l'année. Ils sont alors placés sous la tente dans la cour

même de l'hôpital au détriment du service hospitalier. De toute manière il faut une

caserne à Constantine ;

les ateliers de confection doivent pourvoir à l'habillement de la 14ème Section, dont la

portion centrale est à Constantine. Les déplacer serait créé des embarras et des

dépenses inutiles pour le transport des effets confectionnés.

Cette polémique retarde la construction du casernement destiné aux infirmiers mais aussi les

autres travaux car le Génie estime que la décision doit porter sur l’ensemble du projet.

Dans les apostilles militaires concernant le budget de 1864 et 1865 nous apprennent que les

annexes dont la construction était prévue pour 1861-1862 n’était pas achevée puisqu’il est

demandé de construire l’établissement funéraire qui occuperait l'extrémité ouest du terrain bas

situé au pied du pignon nord de l'hôpital, à la suite de la buanderie récemment construite. Il

consisterait en deux bâtiments distincts mais donnant sur une même cour, à savoir : le bâtiment

contenant la salle des morts, l'amphithéâtre et ses annexes, les bâtiments contenant la chapelle

funéraire et les locaux accessoires.

La légende du plan d’ensemble de la casbah répond au questionnement posé en début de notre

travail concernant l’existence de la salle de dissection au niveau de la salle des morts. En effet

une salle de cours d’anatomie à coté de cette dernière et un amphithéâtre ont été aménagés au

sein de l’hôpital.

Ainsi l’enseignement faisait partie des fonctions des officiers de santé. Par ailleurs

l’aménagement d’une bibliothèque attenante à la salle de conférence, dénote de l’intérêt que

portaient ces officiers à la recherche scientifique. C’est donc dans des conditions pratiquement

similaires à celles existantes en France que le Dr Laveran fit ses recherches.

Quatrième Partie Chapitre Deuxième

366

Fig.130 : Plan d’ensemble du quartier de la casbah en 1872.

Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris502

C’est ce dernier plan qui montre que l’hôpital militaire de Constantine est terminé et que tous les

espaces introduits au fur et à mesure des différents projets ont été intégrés à l’équipement de

base réalisé en 1841. Cet hôpital aura donc connu pendant trente ans des réaménagements

successifs ; ce retard est essentiellement du au budget alloué chaque année. Ce budget comme

nous l’avons vu tient compte des priorités militaires. Il joua un rôle certain non seulement dans la

couverture de soins, dans la formation d’infirmiers et de médecins mais aussi dans la recherche.

L’amphithéâtre, les salles de cours et le laboratoire en sont le témoignage physique.

1.5. L’édification de l’hôpital civil.

Si à Annaba, la population civile fut prise en charge par l’hôpital militaire, ce ne fut pas le cas

pour Constantine. Dès la prise de la ville, deux maisons au niveau de la place du Caravansérail

(Souk El Acer) furent réquisitionnées pour servir d’hôpital civil provisoire. Comme pour Bône,

502 Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Dossier N° 812, l’Article 3, N° 121, Plan du

quartier de la casbah, non répertorié dans la nomenclature générale du Génie, trouvé en sous article dans, en date du

11septembre 1872.

Quatrième Partie Chapitre Deuxième

367

aucune description des maisons concernant leurs dimensions donc leur capacité, leur

appartenance, n’existe dans les documents consultés. Seul l’emplacement de ces maisons dans la

ville nous permet de retrouver les raisons du choix de ces maisons.

Fig.131 : Plan de situation du premier hôpital civil en 1840 à Souk el Acer

Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris503

Placées sur la partie la plus haute de la ville et donnant sur la place, elles répondent ainsi aux

exigences d’hygiène d’alors à savoir : être bien aérées et bien ensoleillées. Leur proximité avec

la casbah comprenant l’hôpital militaire n’est sans doute pas fortuite, elle résoudrait les

problèmes de services car les médecins en service au début de la colonisation étaient militaires.

Cette logique se retrouve dans le choix du terrain d’assiette proposé en 1869504

pour assoir le

nouvel hôpital civil. Il se trouve sur la rive Nord du Rhummel, pratiquement dans l’alignement

de la casbah. Situé en hauteur, il dispose ainsi d’une très bonne aération et d’un bon

ensoleillement. Son isolement semble avoir été recherché car le développement de la ville

comme nous l’avons vu précédemment s’est effectué vers le coté opposé : coudiat Aty.

503 Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Dossier N° 807, Article 3, N° 8, Plan de la Place

de Constantine : Assiette pour logements, en date du 21 septembre 1840. 504

Dr Jean Tremal, Un siècle de médecine coloniale française en Algérie (1830-1929), deuxième édition,

Imprimerie J Aloccio, Tunis, 1929.

Quatrième Partie Chapitre Deuxième

368

Fig.132. : Plan de situation de l’hôpital civil en1878.

Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris505

Ce dernier plan datant de 1878, et compris dans le mémoire militaire nous interpelle quant à la

décision de ce choix. La ville de Constantine étant une commune civile, est-ce la municipalité où

les Militaires qui ont opté pour ce terrain ? Ce terrain appartenait-il au domaine militaire en étant

compris dans la zone de servitude du casernement du Mansourah proche ? Ce sont autant de

questions auxquelles nous ne pouvons répondre dans l’immédiat.

L’absence de Lazaret dans la ville de Constantine durant la période étudiée, s’explique par le fait

que seules les villes portuaires en l’occurrence Alger, Oran et Bône et obéissant au règlement

international506

, ont bénéficié de l’installation de cet équipement. Cependant l’armée française

installa en 1922 un lazaret pour chevaux au niveau du polygone d’artillerie (actuel club

hippique). Ceci s’explique par l’importance que représentaient les chevaux pour une garnison

militaire au XIXème siècle. Ils constituaient l’essentiel de l’Arme Train.

L’absence de documents dans les archives du Génie concernant les infirmeries et dispensaires,

nous interpelle quand à leur importance durant la période concernée. Ces équipements sont soit

505 Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Dossier N° 805, Article 1, N° 10, Mémoire militaire

de la Place de Constantine, en date du 30 septembre 1878. 506

Archives d’Outre-mer, Aix en Provence, Centre d’Archives d’Outre Mer, F/80, Règlement international sur la

police sanitaire rendu exutoire en Algérie par décret du 12 avril 1854,

Quatrième Partie Chapitre Deuxième

369

pris en charge par les autorités civiles, soit antérieurs au XIXème siècle. Cette dernière

supposition trouverait une explication dans l’état sanitaire global de la ville de Constantine. Le

climat plus sec et la topographie abondent dans ce sens.

La médina, bien qu’étant aussi dense que celle de Annaba est juchée sur le rocher, ce qui lui

permet d’évacuer les eaux usées dans le Rhummel sans les voir stagner dans son enceinte ou aux

alentours ; l’absence de marécages environnants fait que l’air y est beaucoup plus sain. La ville

de Constantine ne connaissait pas les mêmes endémies qu’à Annaba. Par ailleurs l’hôpital civil

pouvait éventuellement prendre en charge les malades civils, ce qui rendrait éventuellement les

infirmeries et le dispensaire non pas inutiles mais ne faisant pas partie des urgences. La logique

du Génie militaire étant de parer au plus urgent cette dernière supposition entre dans cette

logique.

1.6. Les Plantations à Constantine.

Constantine aussi eut ses plantations, elles débutèrent d’abord au niveau des casernements et

fortifications. Nous avons vu plus haut comment au niveau de la casbah la Place, les cours, les

chemins et zones de servitudes intérieures ont été plantés.

Vu l’exigüité de la médina et le nombre de services militaires que la ville de Constantine devait

contenir, cette dernière n’a pas vu ses rues et places plantées, en dehors de la Place du Palais qui

reçut quelques arbres. Les jardins de ce dernier furent par contre entretenus.

C’est Constantine extramuros qui a été plantée. Les premiers projets d’extension de la ville

comprenaient deux squares limitrophes à la porte Valée.

Quatrième Partie Chapitre Deuxième

370

Fig.133 : Les deux squares de la Place de la Brèche.

Source, Archives SHD, Vincennes, Paris507

L’essentiel des plantations furent d’abord faites au niveau des casernements dont les plus grands

se virent dotés de jardins pour les officiers. Les murs d’enceinte de ces casernements étaient

doublés d’arbres.

Le climat de Constantine étant plus sec, ce sont les rives des oueds et les ravins qui furent

plantés. Le plan suivant montre explicitement la logique de plantation dans le Constantine

extramuros et ses environs..

Les zones de servitudes extérieures aux casernements sont elles aussi plantées comme à Annaba.

La plus grande surface verte connue à Constantine est celle du Mansourah, l’écran vert vient

renforcer l’écran minéral des murs de fortifications. Ainsi le Mansourah, Bardo et le coudiat Aty

seront couvert d’arbre de différentes essences.

507

Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 805, Article 1, N° 10, Plan du Palais

du Bey, en date du 12avril 1878.

Quatrième Partie Chapitre Deuxième

371

Fig. 134 : Projet d’entretien des plantations aux abords de Constantine (1847).

Source : archives CAOM, Aix en Provence508

508 Archives d’Outre-mer d’Aix en Provence, CAOM, Dossier N 80.

Quatrième Partie Chapitre Deuxième

372

Les arbres étaient la solution première aux problèmes de stabilisation des terrains. La

constitution géologique du site édictait tous les terrains à stabiliser ainsi une partie du plateau du

Mansourah (en dehors de la zone rocheuse), le coudiat Aty futur terrain d’assiette au fort de

Belle Vue, les vaux de Sidi Mabrouk et du Bardo qui comprenait déjà un casernement furent

plantés.

Les routes tout autant que les oueds ont été bordées d’arbres. Le Génie militaire joint ainsi l’utile

par la rétention des sols, à l’agréable par l’ombrage et la fraicheur que procurent les arbres

Lors de la construction des nouvelles routes de Philippe Ville (Skikda), dont le tracé passait par

un terrain présentant un fort risque de glissement accentué par la présence de sources, la

plantation d’arbres venait réduire ce risque. Les routes de Batna et de Sétif furent aussi bordées

d’arbres ce qui porte à penser que la rétention du sol n’était pas le sol motif de plantation.

L’arbre étant un repère mais aussi une limite qui facilitait la perception de la route en tout temps.

Par ailleurs, les plantations étant en usage pour masquer les cimetières chrétiens en métropole,

elles furent introduites dans les cimetières musulmans.

Chacune de ces fonctions était spécifiquement établie selon les besoins. Il est recherché un usage

multiple aux plantations : rétention des sols et délimitation, rétention et ombrage, etc. cette

réponse multiple est d’autant plus recherchée que les plantations étaient assez onéreuses dans le

temps puisqu’elles exigeaient un entretien continu durant de longues années. Le génie militaire

premier décideur de l’utilisation des plantations, décida de leur emplacement, des essences à

choisir mais aussi fut responsable de leur entretien avant l’avènement des municipalités. Quand

les territoires civils furent instaurés il partagea durant un premier temps la responsabilité de leur

entretien avec la municipalité puis facturât à ces dernières ce service.

2. Impact des réalisations sanitaires sur le tissu existant.

Bien que l’hôpital militaire de Constantine soit une réalisation nouvelle, son installation et sa

construction n’ont pas été sans incidence sur le tissu existant. D’abord installé dans des maisons

arabes, puis construit à l’intérieur de la casbah qui ne se présentait pas comme un terrain vierge

de toute construction, cet important équipement de par son emplacement a changé la façade Nord

du rocher.

Quatrième Partie Chapitre Deuxième

373

Fig.135 : Vue aérienne de la casbah actuellement.

Source : Google earth

L’installation de l’hôpital militaire dans des maisons réquisitionnées à cet usage ne fut pas sans

conséquences sur ces dernières. Leur emplacement à proximité de la casbah a sûrement été la

raison qui a poussé les militaires français à les choisir. C’est encore cet emplacement qui a

poussé, après la fin des travaux de construction de l’hôpital militaire, à leur destruction en vu de

récupérer l’assiette foncière.

Fig.136 : Nouveau tracé de l’enceinte de la casbah (en jaune l’ancien tracé, en rouge le nouveau).

Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris

509, traité par l’auteur

509

Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Dossier N° 807, Article 3, N° 8, Plan de la Place

de Constantine : Assiette pour logements, en date du 21 septembre 1840.

Quatrième Partie Chapitre Deuxième

374

L’annexion au quartier militaire, des maisons réquisitionnées pour héberger les malades, puis les

annexes de l’hôpital ainsi que d’autres services militaires ont occasionné le changement

d’emplacement de l’enceinte de la casbah dans sa partie Nord.

L’hôpital militaire de Constantine fait corps avec le reste des bâtiments compris dans l’enceinte

de la casbah, il ne peut donc être analysé séparément. Les bâtiments qui le constituent ne se

distinguent pas des autres bâtiments du quartier ; c’est l’ensemble du quartier militaire de la

casbah qui domine le rocher dans sa partie Est.

De la rive droite du Rummel, c’est la topographie du rocher qui le met en évidence ; évidence de

pouvoir, évidence de suprématie du colonisateur et supériorité sur le colonisé. La santé fut un

outil de propagande de colonisation, l’hôpital civil s’exhibe tout autant sur l’autre rive du

Rummel à hauteur similaire.

Fig.137 et 138 : Photographies de la casbah.

Source : collection privée de Mr Azzedine Belahcen

Source : l’auteur510

Cependant il peut être considéré comme étant le premier hôpital moderne de l’Est algérien.

L’analyse se voit donc orientée vers l’analyse des espaces qui le constituent. À travers

510 Boufenara Khedidja Photographie prise du campus Ahmed Hamani, le 27 juin 2009.

Quatrième Partie Chapitre Deuxième

375

l’historique de sa construction que nous venons de relater, nous pouvons relever l’évolution de

cet équipement.

3. L’hôpital militaire de Constantine aux normes du XIXème siècle

Le Génie a conservé la forme en plan, pour cet hôpital, proposée par Vauban à savoir le

rectangle ouvert à ses angles. Cette forme linéaire est simple et commode, elle permet de séparer

les quartiers par sexe ou par services, elle obéit aux exigences du terrain et à l’exposition. La

forme de Vauban favorise également le chauffage et la conservation calorique.

Le choix du site ainsi que la conception de cet hôpital obéissaient à une combinaison entre le

programme rédigé (et formulé par l’illustre Tenon) en 1786, par l’Académie française des

sciences pour les hôpitaux et les préconisations de Vauban. Ce qui se traduit essentiellement par

une bonne aération, un bon ensoleillement (N.NO / S.SE), une bonne distribution et des espaces

spécialisés pour chaque fonction. Les discussions à propos des différentes capacités de l’hôpital,

proposées par les officiers de l’inspection sanitaire ou par ceux des différents services de la

division de Constantine (Fortifications, Administration et Génie) trouvent leurs sources dans les

normes conseillées par les hygiénistes à savoir 200 à 600 malades par hôpital. Les officiers de la

garnison étaient plus au courant des besoins réels de cette dernière en relation avec l’état de santé

qui prévalait en Algérie.

Nous avons vu plus haut, dans le cas de l’hôpital de Bône, comment des officiers de Santé

avaient réévalué à la hausse, le ratio nombre de lits/ capacité de la garnison. Le ratio nombre de

malades par salle dans le projet de l’hôpital de Constantine est inférieur à celui conseillé par le

système à savoir 15 à 20 malades par salle.

Il intégrait les bains sous leurs différentes formes (simples ou de vapeur), la lingerie, la

buanderie, les amphithéâtres de cours et d’autopsie à l’hôpital. Les premiers espaces répondaient

aux exigences des hygiénistes dont les travaux sur l’hygiène et la salubrité avaient commencé à

influencer les autres médecins notamment les militaires. Nous avons vu plus haut que ces

derniers avaient été les premiers à prendre en considération les travaux des hygiénistes. Ils ont

été, aussi, les premiers à appliquer leurs conseils car les casernements et les hôpitaux

(équipements à forte densité de population) subissaient en premier les ravages des épidémies.

Quatrième Partie Chapitre Deuxième

376

Tollet511

, l’ingénieur des hôpitaux disait : les militaires se faisaient les interprètes des

hygiénistes512

.

Bien que construit avant que le système Tollet ne soit généralisé à la fin du XIXème siècle,

l’hôpital militaire de Constantine obéit largement aux préconisations de ce système. Le système

de Tollet se basait sur les conseils et directives établies dans un but hygiéniste par la Société de

Chirurgie de Paris lors des études pour la rénovation de l’Hôtel Dieu513

. Ainsi le choix du terrain

abondait dans le sens hygiéniste, par l’option des militaires d’installer l’hôpital éloigné des

agglomérations populeuses, sur un terrain découvert, décliné et sec. La première proposition du

Génie militaire de donner un seul étage au bâtiment principal est aussi un principe de Tollet qui

conseillait le nombre de superposition de lit à deux.

Si la longueur du bâtiment a paru importante au Directeur des fortifications, nous comprenons

pourquoi le Chef du Génie militaire a tenu à la garder, puisqu’un des principes de Tollet est

d’étendre au maximum les surfaces en contact avec l’air extérieur. La création de cours, idée

hygiéniste, est reprise dans le projet pour donner du soleil et de l’air au bâtiment principal. C’est

pour la même raison que la surface vitrée est quantifiée par lit ; Tollet propose 2,5m2/ lit. A

l’aide de l’échelle graphique nous avons estimé la surface des fenêtres proposées pour les salles

de malades à peu près à 3,2m2 (1,6 x 2m) soit 1,8m

2/ lit. Ce qui est en dessous des 2,5m

2/ lit.

Cependant depuis Vauban, le Génie projette une fenêtre entre deux lits514

.

Nous retrouvons aussi la réduction des surfaces d’absorption conseillée dans le but de diminuer

les surfaces infectées, lorsque le Génie élimine les greniers et les corridors.

La distribution dissociée des espaces selon les fonctions, tant défendue par le Chef du Génie

abonde aussi dans ce sens. Les observations faites à propos de la longueur des parcours par les

officiers de santé confirment à leur tour les conseils des chirurgiens de Paris. La proposition

émise par le Génie de positionner l’escalier des officiers de santé au centre a permis de réduire ce

parcours. Connaissant l’esprit de rigueur et la volonté d’efficacité du Génie, nous comprenons

511 C Tollet, ingénieur, est considéré comme le premier à se spécialiser dans la construction des hôpitaux modernes.

A partir de 1872, c’est le programme et le système Tollet qui servirent de base à la construction des hôpitaux. Il tient

notamment compte des avis et conseils des hygiénistes. Au XIXème siècle, 12 hôpitaux furent construits en France

et en Algérie selon le système et programme Tollet. 512

C Tollet, Les Hôpitaux Modernes au XIXème siècle, Description des principaux hôpitaux français et étrangers,

Édit Chez L’Auteur, Paris, 1894, Page 153 513

Cf. 81 514

Cf. 81, page 143

Quatrième Partie Chapitre Deuxième

377

l’introduction d’un projet spécifique à cet escalier. Il en est de même pour la buanderie qui a

suscité beaucoup de discussions ; la fonction de cet espace lui a octroyé toute son importance

durant une période où l’hygiène n’était pas considérée comme nécessité.

Dans la même logique prônée Tollet, la construction par voûtes (quoique non ogivales)

augmentant la capacité des salles en air ainsi que le rejet d’emploi du bois (afin d’éviter les

incendies) ont été suivies par le service du Génie. La hauteur de 4,5m des salles permettait

d’atteindre le cubage en air requis (30m3)

.

Si les latrines ont provoqué autant de polémiques, c’est en raison de la méconnaissance au début

du XIXème siècle, du mode transmission des maladies en de pareils espaces. Il faut attendre

Tollet pour connaître la première norme : 1wc / 15 lits515

. Toutefois le Génie a toujours posé le

problème des latrines comme espace à construire nécessairement.

La construction de l’égout va dans le même sens des hygiénistes qui en France réfutent l’ancien

système de fosses sceptiques fixe ou mobile. Les tuyaux d’égout proposés étaient généralement

constitués de tuyaux en terre cuite vernissée de petits diamètres variant de 0,20 à 0,60 mètre

selon les pentes et la quantité de matière à évacuer. Les ‘miasmes’ étaient craints car véhiculant

les maladies.

Conclusion.

L’installation de l’hôpital de Constantine au niveau du quartier de la casbah et l’exclusivité de

soins aux militaires, ont consacré le statut militaire de ce dernier. Sa réalisation a nécessité, ainsi

que nous l’avons vu, la destruction de plusieurs maisons. Le site choisi répond aux directives

d’aération et d’ensoleillement des hygiénistes. Entièrement conçu et adapté à un mode européen,

il se présente tel un hôpital moderne du XIXème siècle.

Réalisé au gré des budgets accordés, il a fini par comprendre l’essentiel en espaces aménagés

non seulement pour les malades mais aussi pour les cours en vu de la formation des médecins et

infirmiers mais aussi pour la recherche médicale.

Le génie dans sa logique rationnelle, a procédé aux divers changements selon les conseils des

médecins en poste, mais aussi selon les décisions du Directeur des fortifications et du

Commandant de la Place. Sa vision plus générale, englobant tous les projets, lui permet de

soumettre des variantes qui satisfassent l’ensemble des protagonistes. Il tient compte des zones

515

C Tollet, Les Hôpitaux Modernes au XIXème siècle, Description des principaux hôpitaux français et étrangers,

Édit Chez L’Auteur, Paris, 1894, Page 153.

Quatrième Partie Chapitre Deuxième

378

de servitudes internes et des possibilités de juxtaposition d’espaces aux fonctions différentes et

parfois dangereuses. Cependant cette vision ne lui fait pas oublier les détails les plus infimes.

Ainsi son souci d’économie est retrouvé dans l’utilisation des eaux des citernes de la casbah. Sa

gestion de l’eau et sa distribution sont des plus rationnelles.

En fusionnant deux objectifs, qui au départ apparaissent bien distincts, il conçoit des espaces

répondant aux deux objectifs initiaux. Ainsi que nous l’avons vu, l’introduction de cours et

d’arbres au niveau du quartier de la casbah, lui permet de pallier à l’impératif de

l’ensoleillement, de donner aux usagers des espaces de promenade et de déambulation, mais

aussi de sauvegarder la distance d’écart nécessaire entre les bâtiments de différentes fonctions.

La plantation d’arbres et l’aménagement d’espaces verts sont pour le Génie un moyen technique

pour retenir les sols meubles à forte déclivité, mais aussi un moyen d’assainir les berges des

cours d’eau. Le climat de Constantine étant différent de celui de Annaba, les essences choisies

sont elles aussi différentes. Le rôle du Génie va au-delà de la plantation puisqu’il a la charge de

l’entretien des espaces plantés après l’instauration de la municipalité.

Quatrième Partie Conclusion

379

CONCLUSION DE LA QUATRIÈME PARTIE.

Dans cette partie, nous avons vu que le rôle joué par le Génie militaire dans l’installation des

équipements et de la couverture sanitaire des deux villes Constantine et Annaba était

prépondérant. L’hôpital étant un équipement militaire de première nécessité, l’intérêt porté par le

Génie aux projets des établissements sanitaires se justifie. Car leur préoccupation majeure est

d’assurer la santé à l’ensemble des hommes de troupes. En outre, les épidémies importées et les

endémies locales, sont venues étendre cette préoccupation à l’ensemble des populations civiles,

d’abord aux colons appelés à s’installer définitivement en Algérie en réponse à la politique de

peuplement, et ensuite aux autochtones en tant que « source de propagation » des maladies mais

aussi en tant que main d’œuvre à bon marché.

Nous avons vu à travers les processus de conception puis de réalisation des divers

établissements, comment les services du Génie ont démontré leur compétence en matière de

construction. Cette compétence se traduit par la rigueur dans la programmation spatiale, par leur

capacité d’organisation non seulement d’un chantier mais aussi par l’attribution des priorités et

des urgences. Ce même caractère de rigueur se retrouve lors de la réalisation des projets et dans

leur souci d’économie. Par ailleurs, nous avons vu comment pour des raisons de fonctionnalité,

les ingénieurs du Génie ont négocié leurs solutions de distribution des espaces de l’hôpital non

seulement avec le pouvoir militaire en place mais aussi avec les utilisateurs : médecins et

pharmaciens militaires. Cette manière de faire fait de l’hôpital une partie intégrante de l’armée.

L’objectif du génie n’est pas la ville mais l’équipement sanitaire en lui-même, cependant les

impacts de ces équipements sur la ville (ouverture de rues, démolition/construction, etc.) ont

transformé celle-ci. La ville ainsi remodelée n’est qu’une résultante de l’installation des

équipements de santé, du moins aux alentours de ces derniers.

La différence entre les divers projets émane des contextes de réalisation. Ces derniers sont

d’abord naturels, en effet nous avons vu que les conditions sanitaires dans les deux villes sont

différentes à cause du climat et de la présence de marécages dans le cas de Annaba, mais aussi

que l’apparition des épidémies changeait les données de programmation en terme de capacité. De

la même manière la présence du port impose l’installation de lazaret et de dispensaire.

En outre, les fonctions militaires des villes sont tout aussi différentes, ce qui se traduit par des

effectifs de contingents différents et qui influe sur la capacité des hôpitaux et sur leur fonction

(hôpital d’enseignement et/ou de soins).

Quatrième Partie Conclusion

380

Les conditions de prise des deux villes n’étant pas identiques, la nature résignée ou révoltée des

populations autochtones ont influencé à leur tour le choix des sites des hôpitaux et la catégorie

de malades soignés : intégration de l’hôpital militaire au tissu urbain à Annaba, intégration de

l’hôpital de Constantine dans le quartier militaire de la casbah.

Pour toutes ces raisons, les réalisations sanitaires ont été le fait de l’armée française par le biais

du service du Génie dans un objectif d’installation permanente des colons en Algérie.

Nous relèverons encore qu’il s’agissait là d’infrastructures lourdes ayant leur propre objectif

mais qui ont eu des impacts considérables sur les deux villes, et que l’on retrouve jusqu’à

aujourd’hui.

Conclusion Générale

381

CONCLUSION GÉNÉRALE

Dans notre travail nous avons vu dans un premier temps comment les armées ont évolué en

fonction des armes et armements. Ceci nous a permis de voir comment les innovations en

matière d’organisation générale, de services spécialisés ont été introduites par les armées les plus

importantes : grecque, romaine et française : l’armée, dès sa formation, devient avant-gardiste.

L’armée française, lors de la conquête de l’Algérie et durant la période coloniale se présentait

donc comme une armée fortement organisée comprenant des services compétents tels que le

Génie militaire en avance techniquement sur les structures et institutions civiles,

Par ailleurs nous avons vu comment Rome avec ses innovations dans le domaine militaire,

hygiénique, architectural et urbanistique, devint un modèle pour les civilisations ultérieures,

notamment par l’introduction des castra dans les territoires sous sa dominance. Ceci s’est traduit

par une forme d’urbanisation des territoires occupés. Le plan en damier grec est généralisé à

toutes les villes selon la logique politique et militaire des romains

Le Moyen Âge quant à lui constitue la période intermédiaire entre l’époque romaine et celle de

la colonisation de l’Algérie par les français ; l’architecture militaire produite en ce temps,

représente un référent et un acquis des savoirs et des savoir faire des militaires français. Durant

cette période l’architecture militaire s’enrichit de détails constructifs aux fins militaires. Les

villes ainsi fortifiées ont évolué par leur adaptation au site et par la fortification de leurs points

d’accès.

On retient ainsi que l’architecture et l’urbanisme militaires tenant compte de la topographie du

site et de l’accessibilité à ce dernier, obéissent aux stratégies de défense et d’attaque.

Cependant, la conquête française s’est installée sur les structures de la régence ottomane, dans

tous ses aspects militaire, politique, administratif, social et sanitaire, laquelle avait très peu

investi dans les infrastructures de bases et s’est limitée à une colonisation d’exploitation. Mais

elle n’a maintenu que le découpage territorial ottoman et le recours aux caïds comme

intermédiaires avec les autochtones.

Par ailleurs, à la conquête française, l’Algérie ne possédait pas d’hôpitaux tels que connus en

Europe. Ce qui rendait la couverture sanitaire en matière de soins d’abords militaires puis civils,

difficiles. Les besoins normaux se sont vu accentués par une acclimatation pénible pour les civils

et militaires d’une part et par les endémies locales et les épidémies venues d’Europe d’autre part.

Pourtant les populations trouvaient un équilibre sanitaire du notamment à la religion, à la

Conclusion Générale

382

médecine traditionnelle et au recours à l’hygiène, la philosophie, la superstition, la psychologie

et la musicologie.

Néanmoins, l’objectif de la colonisation puis du peuplement de l’Algérie ont amené les militaires

à prodiguer des soins aux hommes de troupe comme aux civils, puis aux autochtones.

Le Génie militaire étant le principal agent des réalisations françaises en Algérie au début de la

colonisation, sa formation faisait ressortir ses principes dans la conception et la réalisation des

projets qui sont : la régularité, l’économie, la fonctionnalité et l’intégration au site dans une

perspective globale de l’ensemble des projets concernant une place.

Suite à la prise deux villes, c’est l’installation du poste de commandement, des troupes et de

l’hôpital militaire qui apparait comme la plus urgente. Comme pour toutes les armées

victorieuses et conquérantes, la première installation s’est effectuée par une appropriation des

grands édifices que leur caractère civil ou militaire, leur fonction cultuelle, résidentielle ou de

pouvoir. Les casbahs furent investies comme édifices militaires. Si Constantine comprend une

autre caserne intramuros ce ne fut pas le cas de Annaba dont la fonction était plus commerciale

que militaire. La taille même de ces citadelles étant différente va influer sur les réaménagements

que les ingénieurs du Génie vont y introduire. Ainsi la casbah de Annaba ne fut qu’un bastion

militaire alors que celle de Constantine fut transformée en un important quartier comprenant

casernement, hôpital, prison, arsenal et poudrerie. L’implantation de différentes cours et jardins

finit par lui conférer ce caractère de quartier. L’intégration de l’hôpital dans celle-ci, lui défère

une importance plus grande, vu l’urgence dans laquelle s’inscrit ce dernier. Ce qui a abouti à

l’ouverture de deux voies carrossables dès les premières années de colonisation.

La conception de l’hôpital de Constantine suivit donc les préceptes de Vauban, tout en obéissant

aux conseils avant-gardistes des hygiénistes par le biais des officiers du service du Génie et de

santé. Régulièrement, le projet connut des réaménagements en fonction des sommes allouées et

des urgences fonctionnelles à combler. La décision de peuplement occasionna un tournant au

projet car il s’est vu aménagé au fil du temps, en hôpital d’enseignement pour les infirmiers dont

le contingent était important et pour les médecins en service à Constantine. Des améliorations

successives furent apportées aux espaces et à la fonctionnalité générale de l’hôpital.

A titre d’exemple, l’arc comme système de construction, dans l’hôpital de Constantine ne fut pas

repris pour préserver le caractère architectural local mais simplement édicté par les exigences

économiques, sanitaires et de rationalité, principes du Génie. Il ne sera qu’un bâtiment de style

Conclusion Générale

383

européen et à la rigueur militaire, alors que celui de Bône, installé sur la mosquée, se présente

comme un édifice hybride combinant trois styles : arabe, turc et français. On note que cette

mosquée, bâtiment unique séparé des autres et intégrée totalement dans le tissu urbain annabi,

induira l’intégration de l’hôpital militaire dans la vie civile. Cependant que le choix du site est

conséquent à la volonté des hygiénistes avec son exposition à l’air et au soleil, sur les hauteurs

de la ville en dehors du tissu dense et loin des marécages.

La topographie joue un rôle primordial dans le choix des sites d’implantation des équipements

militaires car suggérant les points faibles ou forts du point de vue stratégique.

Les deux villes vont voir l’installation de nouveaux bâtiments militaires puisque les édifices

existants, en général des maisons, en dehors du palais du bey, dans le cas de Constantine sont

vite jugés non seulement insuffisants mais aussi mal adaptés aux fonctions qui leurs sont

attribuées.

Annaba mal défendue par son site, fut cernée par une série d’équipements militaires qui vont

former ainsi une deuxième enceinte sécuritaire intramuros. Un seul quartier fut installé à

l’extérieur vu l’exiguïté de la ville et le manque de terrains vierges.

Constantine que son rocher défend sur trois flancs, vit, afin de défendre son flanc Ouest, le

coudiat Aty fortifié dans un premier temps puis renforcé par l’implantation du fort de Bellevue.

Constantine devant contenir la garnison principale de l’est algérien, devait être défendue de

l’extérieur, c’est dans cette logique que furent installés les autres quartiers militaires installés sur

des points stratégiques selon leurs fonctions spécifiques.

Ces nouveaux équipements ne furent installés que progressivement en fonction des budgets

accordés par Paris en fonction des impératifs militaires.

C’est pour pourvoir aux besoins urgents des militaires que l’appropriation des édifices

susceptibles de contenir les fonctions militaires s’impose comme première action. Elle sera

suivie de destruction d’autres édifices. En majeur partie, ceux des maisons dont la seule valeur,

aux yeux des militaires, est foncière.

Les transformations et les constructions suivront selon les exigences et les budgets alloués. Ces

transformations tiennent rarement compte de la valeur architecturale ou historique de l’édifice,

l’objectif militaire y compris la santé demeure l’unique préoccupation. Ainsi beaucoup de

vestiges romains ont disparu au profit d’un terrain libéré.

Si beaucoup de maisons ont disparu ou subi des transformations, la plus importante demeure

celle qui a touché le Palais du Bey de Constantine. Malgré la taille du Palais, sa transformation

en poste de commandement comprenant différents autres services, va engendrer l’annexion

Conclusion Générale

384

d’autres maisons à celui-ci. Comme elle va lui faire perdre sa fonction originelle et son

architecture, et ce jusque dans son environnement immédiat puisque la place existante sera

régularisée selon les principes militaires. Au-delà, des voies redressées ou nouvellement ouvertes

lui permettront de communiquer avec les portes de la ville mais aussi avec la casbah, seul

équipement intramuros. Ces voies seront prolongées à partir des différentes portes pour mener

vers les autres quartiers militaires (Bellevue, Mansourah, Bardo,..) ou vers Philippeville, Bône,

ou Sétif. Chaque ouverture de voies intramuros donne naissance à des bâtiments de style colonial

et répondant aux nouvelles exigences des hygiénistes intégrées aux règlements de voierie

régissant les alignements.

Les deux villes furent vite jugées restreintes pour un développement du peuplement. C’est alors

toujours les services du Génie militaire qui vont établir les limites des nouvelles villes et

concevoir le tracé global des quartiers d’extension. Les deux villes poseront, selon leur site des

problèmes aux ingénieurs du Génie. Pour Bône ce furent l’intégration du port à la ville, et la

présence des marais et de l’embouchure de la Boudjimah et donc la mauvaise qualité des sols

dans la zone urbanisable qui posèrent des difficultés aux ingénieurs. L’extension de la ville se vit

dès lors assujettie à l’assèchement des marais, à la déviation de l’embouchure de la Boudjimah et

à l’utilisation de fondations spéciales pour les nouveaux bâtiments.

Le premier développement de Constantine, s’est naturellement tourné quant à lui vers le coudiat

Aty. Le projet des militaires prévoyant le dérasement du coudiat, ce sont les zones où les déblais

devaient être déposés qui engendrèrent des problèmes entre civils et militaires. C’est ainsi que

les voies de chemins de fer, certains quartiers et squares furent construits sur les remblais

provenant du Coudiat Aty.

En outre, le Génie s’occupa des plantations qu’il jugea nécessaires que ce soit à Bône ou à

Constantine. Elles servirent dans les deux villes à procurer ombres et ambiance. À Annaba, les

essences choisies furent celles qui absorbent le plus d’humidité et ce afin d’assécher sols et air.

Alors qu’à Constantine ce furent celles qui retenaient les sols, les berges des cours d’eau et

accotements furent plantés. En outre les plantations furent utilisées comme second écrans aux

équipements militaires puisque les zones de servitudes extérieures aux quartiers militaires furent

plantées. Le beau-séjour de Bône avec le plateau du Mansourah constituèrent de jolis parcs avec

ceux beaucoup plus urbains aménagés dans les villes européennes.

Pensés puis réalisés dans un but militaire, durant une période donnée, les équipements militaires

ont continué à structurer le tissu urbain au-delà de cette période et dans un tout autre contexte.

Est-ce la vision du Génie militaire qui est aussi longue ? Ou est-ce la démarche de conception du

Conclusion Générale

385

Génie, intégrant l’ensemble des projets, qui apparait comme les prémices d’un urbanisme

opérationnel ?

Les transformations effectuées sur les villes par les percements et les redressements puis les

extensions sont destinées aux européens. Les villes nouvelles ont fait l’objet de protection même

si elles sont restées au niveau des études comme ce fut le cas pour Constantine.

En définitive, nous aurons montré dans ce travail que les militaires français ont été à l’origine de

transformations majeures dans la production des villes conquises du fait de leur installation sur la

place et de leur préoccupation sanitaire, et que ce rôle s’est perpétué après que le pouvoir ait été

passé aux civils. Nous pensons que cela a été une politique globale pour toutes les villes

algériennes de l’époque mais cela a pris des formes que nous ne pouvons définir dans ce travail,

et qui restent à rechercher dans des travaux futurs. Nous savons par exemple que des villes

comme Batna ou Sidi Bel Abbès ont été des créations nouvelles et que cela répondait, avec la

même politique, à une stratégie d’encadrement du territoire ; et c’est là encore un autre sujet. A

une autre échelle, l’entrée des militaires à Mila s’est heurtée à l’exiguïté de la ville et en dehors

de l’occupation de la caserne (d’époque byzantine) il a été créé carrément une ville nouvelle ex

nihilo avec le damier classique que l’on retrouvera un peu partout ; l’on notera que toutes les

créations nouvelles sont l’œuvre du Génie. Ceci pour dire que notre travail n’est pas une fin en

soi mais qu’il laisse l’opportunité à l’ouverture vers d’autres recherches autour de la même

thématique.

Dans le tableau qui suit, nous avons récapitulé les principales interventions effectuées dans les

deux villes objet de notre travail, et qui montrent la prépondérance des militaires et

particulièrement du Génie non seulement au moment de la conquête mais au-delà et même

lorsque les pouvoirs ont été délégués aux civils.

Conclusion Générale

386

Conclusion Générale

387

Bibliographie

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répertorié dans la nomenclature générale du Génie mais trouvé dans le dossier précité en

date du 14 mai 1866.

8. Dossier 1H 806, Article 1, projets pour 1868-1869 non répertorié dans la nomenclature

générale du Génie mais retrouvé dans ce dossier, en date du 08 avril 1868.

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en date du 1er octobre 1838.

10. Dossier 1H 805, Article 2, N° 7, Apostilles du Chef du Génie, document classé mais non

répertorié dans la nomenclature générale du Génie, en date du 28 février 1840.

11. Dossier 1H 805, Article 2, N° 09, en date du 1er octobre 1838.

12. Dossier 1H 805, Article 2, N° 46, document trouvé en annexe du Projet de la mise en état

de défense du fort de Belle Vue, en date du 27 avril 1881.

13. Dossier 1H 806, Article 2, N° 97, Projet de relèvement du seuil et du remplacement de la

porte El-Djébia, en date du 20 mars 1900.

14. Dossier 1H 808, Article 3, N° 64, Projet d’ensemble des établissements militaires en date

du 08 avril 1853.

15. Dossier 1H 808, Article 3, N°78, Plan du Palais, document classé et non répertorié dans

la nomenclature générale du Génie, en date du 04 mars 1856.

16. Dossier 1H 847, Article 1, N° 03, en date du 24 juin 1832.

17. Dossier 1H 847, Article 1, N°7, mémoire militaire de la place de Bône et dépendances de

1838, non répertorié dans la nomenclature générale du Génie, mais retrouvée en annexe

de celui du 28 avril 1839.

18. Dossier 1H 847, Article 1, N°8, mémoire militaire de la place de Bône et dépendances en

date du 28 avril 1839.

19. Dossier 1H 847, Article 1, N° 09, en date du 20 avril 1845.

20. Dossier 1H 848, Article 2, N° 21, en date du 1er mai 1839.

21. Dossier 1H 848, Article 2, N° 39 ; en date du 14 avril 1848.

22. Dossier 1H 852, Article 3, N°5, projet d’alignement des principales rues de la ville de

Bône, en date du 25 novembre 1833.

23. Dossier 1H 852, Article 3, N° 41, Plan de la ville de Bône en date du 14 mars 1850

24. Dossier 1H 852, Article 3, N° 106, en date du 07 novembre 1861.

25. Dossier 1H 857, Article 6/1, N°99, en date du 28 février 1857, P.V de réunion

rassemblant : le receveur des domaines Gassiot, chef de bataillon chef du génie : L

Bailleul, pour copie conforme au chef du bataillon chef du génie : j javain, vu à

Bibliographie

389

Constantine le 04 octobre 1859 par le chef de bataillon directeur des fortifications (dont

le nom est illisible). Ce dossier n’existe pas dans la nomenclature générale des archives

du génie.

26. Dossier 1H 857, Article 6/1, N°156, en date du 21 aout 1877, Projet du nouveau port de

Bône, non répertorié dans la nomenclature générale du Génie mais trouvé en annexe du

document précité.

27. Dossier 1H 857, l’Article 6/1 en date du 30 avril 1861.

28. Dossier 1H 857, Article 6/1, N°161, en date du 10 octobre 1877, Projet du nouveau port

de Bône, non répertorié dans la nomenclature générale du Génie mais classé, dans le

précédent dossier.

29. Dossier 1H 862, Article 6/2, il n’existe pas dans la nomenclature générale des archives du

Génie mais a été trouvé en annexe du N°6, en date du 27 août 1858.

30. Dossier 1H 862, Article 6/2, N°6, rapport sur le Plan de la nouvelle ville de Bône, le

document n’existe pas dans la nomenclature générale des archives du génie mais a été

trouvé en annexe du sous- dossier N°6 en date du 27 août 1857. Il ne porte aucune

référence de classement.

31. Dossier 1H 862, Article 6/2, Plan Terrier de 1922.

32. Dossier 1H 862, l’article 6/3, dépêche citée dans le PV de séance du comité des

fortifications du 13 Novembre 1850, référencié Article 9/1, N° 99, mais trouvé dans le

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Table des figures

399

TABLE DES FIGURES.

Intitulé Page

Fig.1 : Enceintes fortifiées de trois villes de Gaulles du IIIe et IVe siècle : Perrégaux,

Senlis et Tours ; comprenant châteaux, cathédrale et parfois amphithéâtre.

32

Fig.2 : Le fort de la Rade selon le projet de Vauban à l’île d’Aix. 35

Fig.3 :L’empire ottoman en 1683. 37

Fig.4 : L’Algérie ROMAINE. 66

Fig.5 : Plan de Hippone. 70

Fig.6 : Plan de la Rome antique. 73

Fig.7 : La ville romaine en échiquier d’après une illustration de 1536 du traité de

Vitruve.

74

Fig.8 : Plan de Timgad. 79

Fig.9 : Vue aérienne de Timgad. 79

Fig.10 : Tracé de l’aqueduc de Rome. 81

Fig.11 : Détail d’aqueduc. 81

Fig.12 : Voie Appienne 83

Fig.13 : Coupe transversale d’une voie romaine. 83

Fig.14 : Vue reconstituée d’un camp romain. 88

Fig.15 : Le camp romain selon la description Polubius. 89

Fig.16 : Partie septentrionale du camp de Lambasis. 89

Fig.17 : Deux camps romains sur le Danube qui sont devenus le noyau central des villes

de Ratisbonne et vienne.

90

Fig.18 : Reconstitution d'une palissade. 91

Fig.19 : Exemple de plan d’ensemble d’une place fortifié. 94

Fig.20 : Situation en montagne. 95

Fig.21 : Plan du Château Gaillard (XIIème siècle). 95

Fig.22 : Tour de Montlhéry. 96

Fig.23 : Coupes sur Fossé. 96

Fig.24 : Porte Saint-Jean à Provins (vue extérieure). 97

Fig.25 : Pont de Sutri (Italie). 97

Fig.26 : Pont de Tavignano (Corse). 97

Fig.27 : Château de Vincennes. 98

Fig.28 : Accès type : (A : porte, B : pont et C : fossé). 98

Fig.29 : Porte double avec pont-levis : A : porte, B : herse, C : porte et D : corps de

garde.

99

Fig.30 : Formes de tours. 99

Fig.31 : Tour verticale de Narbonne. 100

Fig.32 : Tour tronconique du château de Fougères. 100

Fig.33 : Tour pyramidale d’Angoulême. 100

Fig.34 : Créneaux d’Avignon avec meurtrières. 101

Fig.35 : Moucharabieh de l’enceinte d’Aigues mortes. 101

Fig.36 : Coupe transversale d’un mâchicoulis : A : rempart, B et D : consoles et C :

créneau.

101

Fig.37 : Coupe sur courtine (Château de Beaucaire). 102

Fig.38 : Types de meurtrières. 102

Fig.39 : Plan du château de Blanquefort (XIIIème siècle). 103

Fig.40 : Château de Coucy au donjon tangent au rempart. 103

Fig.41 : Plan des magasins du château du Vivier. 104

Table des figures

400

Fig.42 : Coupe sur les oubliettes du château Chinon. 104

Fig.43 : Vieille photographie de Bab El Qarmadin au Nord de la Qal’a. 106

Fig.44 : Qal’a Baní Hamad : Plan du donjon du Manar. 107

Fig.45 : L’Algérie sous les ottomans. 115

Fig.46 : Plan de Constantine au XVIIème siècle. 122

Fig.47 : Plan de Constantine lors de prise. 123

Fig.48 : L'Empire colonial français. 134

Fig.49 : Hiérarchies des rues de Paris. 170

Fig.50 : Premier hôpital militaire « Jardins du dey ». 199

Fig.51 : Alger : caserne de La Salpêtrière. 200

Fig.52 : Hôpital Mustapha Pacha : les pavillons. 200

Fig.53 : Ain Beida : Hôpital militaire. 201

Fig.54 : Ain Djelfa : Hôpital militaire. 201

Fig.55 : Alger : Asile de vieillards de Bouzaréah. 203

Fig.56 : Plan de Bône entre 1832 et 1836. 219

Fig.57 : Les principaux équipements militaires de la Place de Bône en 1848. 224

Fig.58 : Plan de Bône en 1888 comprenant les équipements militaires et la nouvelle

Enceinte.

226

Fig.59 : Les équipements militaires de Bône en 1922. 227

Fig.60 : Équipements militaires de Bône en 1958. 228

Fig.61 : Les équipements militaires de Annaba, actuels. 229

Fig.62 : Transformation du Pavillon des officiers. 233

Fig.63 : Plan de la Mosquée du Bey portant les modifications à apporter. 234

Fig.64 : Plan des rues et places de Bône. 238

Fig.65 : Projet de façade de la mosquée du Bey. 238

Fig.66 : Bône, La Boudjimah et les plages de mouillage en 1832. 240

Fig.67 : Projet du nouveau quai. 241

Fig.68 : Le Port de Bône en 1875 241

Fig.69 : Ouverture des rues Fréart et Bouffreau à partir du quai vers la place d’Armes. 242

Fig.70 : Plan montrant le comblement de l’embouchure de la Boudjimah. 243

Fig.71 : Le Port dans la ville de Bône en 1900. 244

Fig.72 : Le Port dans la ville de Bône en 1950. 244

Fig.73 : Projet du Cour Napoléon avec les terrais cédés par les militaires à la

municipalité 1865.

246

Fig.74 : Plan de Bône comprenant les travaux d’assèchement de la plaine Ouest. 247

Fig.75 : Tracé de la nouvelle enceinte au niveau de la darse et du canal exutoire. 248

Fig.76 : Typologie des constructions de la vieille ville de Annaba. 252

Fig.77 : Plan de Constantine lors de la prise. 255

Fig.78 : Les principaux équipements militaires de la place de Constantine 1875. 261

Fig.79 : Plan de Constantine dressé en 1878. 263

Fig.80 : Plan de la casbah 1878 264

Fig.81 : Plan d’ensemble du quartier du Bardo. 266

Fig.82 : Plan d’ensemble du projet de casernement du Mansourah pour 1866-1867. 267

Fig.83 : Plan d’ensemble du quartier de Sidi Mabrouk en 1868. 268

Fig.84 : Plan d’ensemble du quartier de Sidi Mabrouk en 1878. 268

Fig.85 : Projet du Fort Bellevue 1868-1869. 269

Fig.86 : projet d’agrandissement du fort de Bellevue en 1878. 270

Fig.87 : Plan de situation de la redoute du coudiat Aty comprenant l’aménagement de la

rue de Fleury ;

271

Table des figures

401

Fig.88 : Plan de masse du Fort de Sidi M’cid et sa zone de servitude. 272

Fig.89 : Porte et Place d’El Kantara. 273

Fig.90 : Élévations de la porte El-Djébia. 274

Fig.91 : Plan d’ensemble de la Place de Constantine en 1881. 277

Fig.92 : Les équipements militaires de la place de Constantine 1958. 278

Fig.93 : Les équipements militaires actuels de Constantine. 279

Fig.94 : Plan de la casbah en 1853. 282

Fig.95 : Plan de la casbah en 1838. 282

Fig.96 : Plan de la casbah en 1840. 282

Fig.97 : Plan de masse du Palais du bey en 1840. 285

Fig.98 : Plan de masse du Palais du bey en 1853. 285

Fig.99 : Plan du Palais du Bey. 287

Fig.100 : Elévations du palais. 288

Fig.101 : Plan des Voies principales de communication et Places de Constantine en

1878.

298

Fig.102: Projet d’agrandissement de l’enceinte de Constantine avec le nouveau quartier

du coudiat Aty.

300

Fig.103 : carte postale montrant les travaux de dérasement du coudiat Aty : Remblai sur

la route de Philippeville

301

Fig.104 : carte postale montrant les travaux de dérasement du coudiat Aty : Remblai sur

l’assiette de la place de la Brèche, et square Vallée

301

Fig.105 : Plan d’ensemble de l’hôpital et de ses annexes : projet pour 1845. 316

Fig.106 : Plan d’ensemble de l’hôpital et de ses annexes : projet pour 1852. 317

Fig.107 : Plan d’ensemble de l’hôpital et de ses annexes : projet pour 1864. 318

Fig.108 : Projet de l’Hôpital Sidi Marouane, A : état des lieux. 320

Fig.109 : Projet de l’Hôpital Sidi Marouane, B : projet. 320

Fig.110 : Projet d’agrandissement de la mosquée hôpital de 1846. 322

Fig.111 : plan de réaménagement de l’hôpital. 323

Fig.112 : plan de réaménagement de l’hôpital. 323

Fig.113 : Situation du Lazaret de Bône. 326

Fig.114 : Plan du Rez de Chaussée du lazaret du Fort Génois. 327

Fig.115 : Plan du premier étage du lazaret du Fort Génois. 329

Fig.116 : Plan de situation du dispensaire. 332

Fig.117 : Plan de situation du jardin de la médina. 335

Fig.118 : Plan de situation du square Randon. 336

Fig.119 : Croquis des plantations à Bône. 337

Fig.120 : Plan d’ensemble de la mosquée en 1833. 339

Fig.121 : Plan d’ensemble de la mosquée en 1845. 339

Fig.122 : Carte postale ancienne représentant une vue sur la médina de Annaba avec la

mosquée de Sidi Marouane en haut à droite et la casbah en haut à gauche.

340

Fig.123 : Partie du plan d’ensemble de la casbah de 1838 comprenant le projet de

l’hôpital militaire.

345

Fig.124 : Plan de la Casbah daté de 1840. 346

Fig.125 : Plan de situation de la caserne du Khalifat. 351

Fig.126 : Projet de l’hôpital de Constantine pour 1845. 355

Fig.127 : Plan d’ensemble de la Casbah en 1853. 360

Fig.128 : récapitulatif de la contenance de l’hôpital militaire de Constantine en 1847. 361

Fig.129 : Projet d’amélioration de l’hôpital pour 1860. 362

Fig.130 : Plan d’ensemble du quartier de la casbah en 1872. 366

Table des figures

402

Fig.131 : Plan de situation du premier hôpital civil. 367

Fig.132. : Plan de situation de l’hôpital civil en1878. 368

Fig.133 : Les deux squares de la Place de la Brèche. 370

Fig.134 : Projet d’entretien des plantations aux abords de Constantine (1847). 371

Fig.135 : Vue aérienne de la casbah actuellement. 373

Fig.136 : Nouveau tracé de l’enceinte de la casbah. 373

Fig.137 : Photographies de la casbah. 374

Fig.138 : Photographie de la casbah. 374

Fig.139 : Actes du Génie sur Annaba et Constantine. 384

Table des Matières

403

TABLE DES MATIÈRES.

SOMMAIRE

INTRODUCTION GENERALE. 1

PROBLEMATIQUE. 5

METHODOLOGIE. 9

PREMIÈRE PARTIE. HISTORIQUE DES ARMÉES ET DES VILLES

MILITAIRES.

12

Introduction de la première partie. 12

CHAPITRE PREMIER : DES ARMÉES ET VILLES DE L’ANTIQUITÉ

AUX ARMÉES CONTEMPORAINES.

14

Introduction 14

1. Les armées et villes de l’antiquité 14

1.1 Les premières armées correspondant au premier âge militaire. 15

1.2. Les armées et villes du deuxième âge. 15

1.2.1. Les Armées et villes asiatiques. 16

1.2.1.1. L’armée et les réalisations militaires de Chine. 16

1.2.1.2. L’armée de Mongolie. 18

1.2.2. L’armée et villes grecque. 18

1.2.3. L’armée de Macédoine. 21

1.2.4. L’armée Romaine. 22

1.2.4.1. L’organisation de l’armée impériale romaine. 23

1.2.4.1.1. La hiérarchie de l'armée impériale romaine. 23

1.2.4.1.2. La légion impériale. 24

1.2.4.1.3. Les cohortes prétoriennes. 24

1.2.4.1.4. Les cohortes urbaines 25

1.2.4.1.5. Les cohortes de vigiles. 25

1.2.4.1.6. La cavalerie. 25

1.2.4.1.7. La marine. 26

1.2.4.1.8. L'armée des frontières. 27

1.2.4.2. Le service et rôle de l’armée. 28

2. Les armées et villes médiévales. 30

2.1. Les armées et les villes du Moyen Âge en Europe. 30

2.2. Les armées royales française et européennes. 33

2.3. L’armée et les villes ottomanes. 36

3. L’armée française du XVIIIème siècle à nos jours. 41

3.1. Les armées napoléoniennes. 44

3.2. Les armées contemporaines. 45 3.2.1. Les guerres et le développement des armées. 46

3.2.2. L’Armée française contemporaine. 46

3.2.2.1. L’organisation de l’armée française. 47

Table des Matières

404

3.2.2.1.1. L’armée de terre. 48

3.2.2.1.2. La marine. 49

3.2.2.1.3. Armée de l’air. 50

3.2.2.1.4. La gendarmerie. 52

3.2.2.2. Les services communs. 54

3.2.2.3. Le génie militaire. 55

3.2.2.4. Les services de santé militaires. 60

Conclusion. 62

CHAPITRE DEUXIÈME. LA COLONISATION ROMAINE :

PEUPLEMENT ET URBANISATION.

64

Introduction. 64

1. La colonisation romaine de l’Afrique du nord. 64

2. L’hygiène et la santé chez les romains, un déterminant de l’urbanisme. 67

3. Rome et l’urbanisation. 71

3.1. Rome : un modèle d’urbanisation. 72

3.2. L’implantation des cités romaines en Afrique. 73

3.3. L’implantation militaire romaine en Algérie. 75

3.4. La morphologie des cités militaires romaines en Afrique, cas de Timgad. 76

3.5. Les centres de peuplement romains. 79

3.6. Les romains et le système hydraulique. 80

3.7. Les voies de communications romaines. 82

Conclusion. 84

CHAPITRE TROISIÈME. L’ARCHITECTURE ET L’URBANISME

MILITAIRES DE L’ANTIQUITÉ AU MOYEN ÂGE.

85

Introduction. 85

1. L’Architecture et l’urbanisme militaires grecs. 85

2. L’architecture et l’urbanisme militaires romains. 87

2.1. Les campements ou castra ou castrum. 87

2.2. Les forteresses légionnaires. 90

2.3. La protection des frontières (le limes). 91

3. L’architecture militaire du moyen âge. 92

3.2. L’architecture militaire du moyen âge en Europe. 92

3.2. L’Architecture militaire musulmane. 105

Conclusion. 108

Conclusion de la première partie 110

DEUXIÈME PARTIE : LE CONTEXTE GÉOPOLITIQUE ET SOCIAL DE

LA COLONISATION.

112

Table des Matières

405

Introduction de la Deuxième Partie. 112

CHAPITRE PREMIER : L’ALGÉRIE SOUS LA RÉGENCE 113

Introduction. 113

1. L’Algérie sous les ottomans. 113

1.1. La division politique de la Régence. 114

1.2. Les villes algériennes sous la régence. 116

1.3. La répartition des populations urbaines selon les ethnies. 117

1.4. Les populations rurales. 118

2. L’organisation de la gérance ottomane. 119

2.1. L’appareil administratif des Deys. 119

2.2. Les prérogatives du Dey. 120

2.3. Le beylicat de Constantine. 121

3. La médecine en Algérie pendant la période ottomane (1516-1830). 125

3.1. La médecine traditionnelle. 125

3.2. La médecine turque. 127

3.3. La médecine européenne. 128

Conclusion. 129

CHAPITRE DEUXIÈME. LA FRANCE ET LE CONTEXTE DE

L’OCCUPATION DE L’ALGÉRIE.

131

Introduction. 131

1. La France et la colonisation de l’Algérie. 131

1.1. La situation politique en France. 132

1.2. L’empire français de 1830 à 1962. 133

1.3. La question de l’occupation française et les personnalités politiques françaises. 135

2. Les contextes de la conquête de l’Algérie. 140

2.1. Les potentialités de L’Algérie vues par les militaires français du XIXème

siècle : les raisons d’une conquête.

140

2.2. La colonisation française de l’Algérie, sur les traces de Rome. 143

2.3. La France en Algérie entre 1830 1860. 148

3. Les instruments juridiques de la colonisation. 150

3 .1. Le Sénatus Consulte. 151

3.2. 1870 : L’avènement de la République : un nouveau cadre juridique. 153

4. Les outils administratifs. 155

4.1. Le découpage militaire et administratif de l’Algérie. 155

4.2. Le cantonnement. 158

4.3. Le Régime Foncier. 159

4.4. Le Régime Des Concessions. 160

4.5. La gestion des affaires arabes. 161

Table des Matières

406

Conclusion. 162

CHAPITRE TROISIÈME. L’URBANISATION EN FRANCE AU XVIIIÈME

ET XIXÈME SIÈCLES, UN RÉFÉRENT POUR L’ÉTABLISSEMENT DES

FRANÇAIS EN ALGÉRIE.

163

Introduction. 163

1. les innovations dans le domaine de la construction aux XVIIIème et XIXème

siècles.

164

1.1. Le métier d’architecte aux XVIIIème et XIXème siècle. 164

1.2. L’émergence de nouveaux corps de métier du bâtiment. 165

1.3. La dédensification de Paris ou le model d’alignement. 165

1.4. Les plans d’alignement et de redressement. 166

2. La transformation de l’immeuble parisien. 167

2.1. L’apparition de nouveaux espaces dans l’immeuble parisien. 168

2.2. Les percées et l’immeuble haussmanniens. 169

2. 3. Les lotissements de Paris. 170

2.4. L’industrialisation et les problèmes d’hygiène à Paris. 171

3. Les compétences dans le bâtiment et les infrastructures. 172

3.1. Les maîtres d’œuvre. 172

3.1.1. Le Génie militaire. 174

3.1.1.1 les prérogatives du Génie Militaire en Algérie. 175

3.1.1.2. L’enseignement suivi par les ingénieurs du Génie Militaire. 176

3.1.2. Le service des Ponts-et-Chaussées. 179

3.1.3. Le service des Bâtiments civils. 181

3.2. Le Génie Militaire force française de Construction. 182

3.2.1. Les constructions défensives en France à la charge du Génie militaire. 182

3.2.2. Les outils techniques de conception du Génie militaire. 184

3.2.2.1. La régularité. 184

3.2.2.2. Le découpage du sol et les dimensionnements. 186

3.2.2.3. La géométrie des dispositions. 186

3.2.2.4. Les percées dans les tissus anciens. 187

3.2.2.5. Les arcades. 187

3.2.2.6. Les plantations. 188

3.2.2.7. Les plans d’alignement. 188

Conclusion. 189

CHAPITRE QUATRIÈME : LES MILITAIRES FRANÇAIS ET LES

PRÉALABLES À UN SYSTÈME DE SANTÉ EN ALGÉRIE.

191

Introduction. 191

1. La santé en France. 191

1.1. Les conditions sanitaires en France. 192

1.2. La militarisation de la santé en France. 193

2. Les conditions sanitaires en Algérie à la colonisation. 196

2.1. La médecine. 197

Table des Matières

407

2.2. Les établissements sanitaires. 198

2.3. Fonctionnement des équipements sanitaires. 202

2.4. L’assistance publique. 202

2.5. La formation médicale. 204

2.6. La recherche et les médecins militaires en poste en Algérie 205

2.7. Les militaires et le thermalisme (cas de Hammam Meskoutine et Béni-Khalil). 206

2.8. Architecture et urbanisme sanitaires. 210

Conclusion. 211

Conclusion de la deuxième partie. 213

TROISIÈME PARTIE : LES CASERNEMENTS ET FORTIFICATIONS ET

LEURS IMPACTS À ANNABA ET CONSTANTINE.

215

Introduction de la troisième partie. 215

CHAPITRE PREMIER : LES CASERNEMENTS ET LES

FORTIFICATIONS ET LEURS IMPACTS À ANNABA. UNE

IMPLANTATION INTRAMUROS

218

Introduction 218

1. La ville de Bône : atouts et contraintes. 218

2. Les casernements et Les fortifications. 220

2.1. La logique d’implantation des casernements et fortifications. 221

2.2. Les équipements militaires, une deuxième ceinture à la ville. 225

3. Impacts des installations militaires sur les tissus urbains existants. 230

3.1. Impacts sur le plan architectural. 230

3.1.1. La transformation des maisons. 230

3.1.2. La transformation de la mosquée du Bey. 234

3.2. Impacts sur le plan urbain. 236

3.2.1. La place d'Armes, régulation géométrique et représentation. 237

3.2.2. Le port : fortifications, construction et aménagement. 239

3.2.3. L’extension de la ville de Bône : des impératifs militaire, politique et

technique.

244

3.2.3.1. Le nouveau mur d’enceinte. 245

3.2.3.2. La ville retournée. 246

3.2.3.3. L’assainissement en vue de l’extension. 247

3.2.3.4. La contrainte de la nature du sol. 248

3.2.4. Les plans d’alignements et de redressement : des objectifs militaires. 249

Conclusion. 250

CHAPITRE DEUXIÈME. LES CASERNEMENTS ET FORTIFICATIONS

ET LEURS IMPACTS À CONSTANTINE. DES IMPLANTATIONS

SRATÉGIQUES EXTRAMUROS

253

Introduction. 253

Table des Matières

408

2.11. Les équipements militaires et la ville : une défense intramuros et extramuros. 276

3. Impacts des interventions militaires sur les tissus urbains existants. 280

3.1. Impacts sur le plan architectural. 280

3.1.1. Le quartier de la casbah, une nouvelle citadelle. 280

3.1.2. Incidences des transformations sur le Palais du Bey et son environnement. 284

3.1.3. Les transformations des maisons. 289

3.2. Impacts sur le plan urbain. 291

3.2.1 Ouverture des voies de communication et des places. 292

3.2.1.1. Ouverture d’une voie carrossable entre la casbah et la porte Valée. 293

3.2.1.2. Ouverture d’une voie carrossable de la porte d’El Kantara à la casbah. 295

3.2.1.3. La place du Palais. 297

3.2.2. L’extension de la ville. 299

3.2.3. L’évolution de la ville européenne. 302

Conclusion. 303

Conclusion de la troisième Partie. 305

QUATRIÈME PARTIE. LES INTERVENTIONS SANITAIRES DU GÉNIE

À ANNABA ET CONSTANTINE.

307

Introduction de la quatrième partie 307

CHAPITRE PREMIER. LES RÉALISATIONS SANITAIRES DU GÉNIE

MILITAIRE À ANNABA. UNE COUVERTURE SANITAIRE

D’ENSEMBLE.

309

Introduction 309

1. L’hôpital militaire. 309

1.1. Logique de choix des implantations. 310

1.2. La capacité de l’hôpital. 310

1.3. Le processus de transformation de la mosquée. 313

1. Les atouts stratégiques de Constantine. 254

2. Les casernements et Les fortifications. 256

2.1. La logique d’implantation des casernements et fortifications. 260

2.2. Le palais du Bey, nouveau poste de commandement. 262

2.3. Le Quartier de la casbah, un espace militaire polyvalent. 264

2.4. Le Quartier du Bardo, casernement de l’Arme train. 265

2.5. Le Quartier du Mansourah, siège de l’État Major et du 3ème

régiment des

Chasseurs d’Afrique.

266

2.6. Le Quartier de Sidi Mabrouk, siège de la Remonte. 267

2.7. Le Fort de Bellevue, siège de l’artillerie. 269

2.8. Le Fort du coudiat Aty. 270

2.9. Le fort de Sidi M’cid. 271

2.10. Les portes, un système d’accessibilité fortifiée. 272

2.10.1. La Porte d’El Kantara. 273

2.10.2. La Porte Djébia . 273

2.10.3. La Porte Valée. 275

Table des Matières

409

1.4. Le projet de 1846. 319

1.5. Le projet de réaménagement de 1870. 323

2. Le lazaret. 325

3. Le dispensaire. 331

4. Les infirmeries. 333

5. Les plantations à Bône : un complément à l’hygiène. 335

6. Impacts des réalisations sanitaires sur le tissu existant. 338

6.1. Impacts sur le plan architectural. 338

6 .2. Impacts sur le plan urbain. 341

Conclusion. 343

CHAPITRE DEUXIÈME. LES RÉALISATIONS SANITAIRES DU GÉNIE

MILITAIRE À CONSTANTINE. DES HÔPITAUX D’ENVERGURE.

344

Introduction. 344

1. L’hôpital militaire. 344

1.1. Le projet d’hôpital de 1838. 345

1.2. Le projet de 1840. 346

1.2.1. Le système constructif. 346

1.2.2. Disposition générale des espaces. 348

1.2.3. Le mode d’exécution. 349

1.3. Le Projet de 1845. 354

1.4. Les projets ultérieurs à 1850. 356

2.5. L’édification de l’hôpital civil. 366

1.6. Les Plantations à Constantine. 369

2. Impact des réalisations sanitaires sur le tissu existant. 372

3. L’hôpital militaire de Constantine aux normes du XIXème siècle. 375

Conclusion 377

Conclusion de la Partie 379

Conclusion générale 381

Bibliographie 388

Table des figures 399

Table des matières 403

Annexes

Annexe 1 : Exploitation des archives. I

Table des Matières

410

Annexe 2 : Les autorités ayant gouverné l’Algérie de 1834 à 1962. VII

Annexe 3 : Listes des responsables du beylik de Constantine. XII

Annexe 4 : Composition De L’armée De Terre Lors de la conquête de l’Algérie. XIII

Annexe 5 : Consultation des archives de Vincennes. XX

Annexe 6 : Nomenclature générale du Génie, SHD. XXI

Annexe 7 : Consultations des archives d’Aix en Provence. XLII

Annexe 8 : Spécimen d’une fiche de recherche du CAOM XLIII

Annexe 9 : Copie du rapport sur le projet de règlement de voirie pour la ville

d’Alger.

XLV

Annexe 10 : Copie d’un procès verbal de conférence. XLVI

Annexe 11 : Copie d’Apostilles. XLVII

Annexe 12 : Copie de Mémoire militaire, Archive du Génie, Vincennes, Paris. XLVIII

Annexes

I

Annexe 1

Exploitation des archives

La prospection au niveau des archives adopte la méthode d’exploitation des documents

manuscrits à savoir la description de la forme et du contenu du document archivé.

1. Exploitation des Procès verbaux de la municipalité de Bône.

Bien que la municipalité ait été instaurée en 1848, les archives les plus anciennes retrouvées

couvrent la période de 1865 à 1877.

Les archives sont classées dans des cartons comportant selon le nombre, une à deux années de

gérance. Les cartons sont disposés sur des rayonnages chronologiquement.

Les archives ne sont pas répertoriées. Pour les retrouver, le recours à l’aide de l’archiviste a été

nécessaire.

Le P.V se présente en doubles feuilles de couleur ocre, dont la page est de format 21x31cm. La

double feuille externe se distingue du reste. Seule la première feuille est imprimée. Lorsqu’il

s’agit de P.V de Budget, les feuillets intérieurs et la deuxième page sont imprimés sous forme de

tableaux à deux colonnes. Pour les autres P.V, les feuillets intérieurs ainsi que la deuxième page

sont imprimés d’un fond surligné. Il débute par une page de garde. Le nombre de pages dépend

du contenu. Il arrive qu’il s’achève par une ou deux pages vierges. Les pages sont structurées en

marges à gauche et corps de texte516

.

Les marges peuvent comprendre des annotations du type : approuvé ou alloué, rejeté ou ajourné.

La page de garde comporte l’entête du Ministère de la guerre et celui de la municipalité. Elle

comporte, en outre, le nom et prénoms et la qualité de chacun des membres du Conseil

Municipal et du Commandant de la Place et du Chef du Génie ou de son représentant s’il est

partie prenante. Les membres absents sont signalés avec leur justification si elle existe.

Elle comprend la date, le type de séance, ordinaire ou extraordinaire, et l’ordre du jour. La page

de garde des budgets consultés présente et ce jusqu’en 1870 des détails sur la constitution de la

516

Nous n’avons pas pu produire une copie de ces procès verbaux car ils sont interdits au prêt et la municipalité de

Annaba ne dispose pas au niveau du service d’Archives de matériel de reprographie.

Annexes

II

population bônoise. Il n’est cependant pas spécifié sur le document si cette population couvre la

ville ou la municipalité.

La dernière page du texte, comporte la date, les noms et signatures des participants. Par ailleurs,

elle nous renseigne sur les personnalités qui ont lu et/ou approuvé le PV, En général ceux sont

les noms et prénoms du Préfet de Constantine, du Gouverneur Général (Alger) et du Ministre

secrétaire d’État à la guerre (Paris). Chacune de leur signature est suivie de la date de

consultation du dit PV.

Les PV concernant les budgets annuels ou exceptionnels, de 1865 à 1872, comprennent au

niveau de la page de garde un tableau de répartition de la population qui est détaillée selon son

origine c'est-à-dire européenne ou autochtone (sans différence de pays ou de religion) comme

suit :

Population totale ;

Garnison ;

Pénitentiaire ;

Prisons militaire et civile ;

Hôpitaux militaire et civil ;

Orphelinat ;

Population flottante.

A partir de 1873 la population n’est plus classée qu’en : population européenne, autochtone et

autre.

De 1865 à 1877 la population européenne dépasse en nombre la population autochtone (plus du

double en 1877)

De 1865 à 1870, la garnison en place est essentiellement constituée d’européens mais comporte

déjà des autochtones

Si les autochtones sont plus nombreux dans les prisons qu’elles soient civile ou militaire, il sont

en revanches moins nombreux dans les hôpitaux dans l’orphelinat ou dans les ateliers

pénitenciers. Le détail des budgets nous permet d’établir les relations qui existent entre génie

militaire et municipalité puis militaires et la municipalité517

.

517

Ainsi le génie militaire facture à cette dernière chaque année 300 fr pour l’entretien des plantations des Santons.

Annexes

III

2. Exploitation des Archives du Centre des Archives d’Outre-mer : CAOM

Les archives nationales d’outre-mer à Aix en Provence contiennent deux séries se rapportant aux

édifications réalisées en Algérie : les séries « N » et « F14 ».

La série « N » concerne les travaux publics et la sous-série « 1N1 » à « 1N30 » concerne les

bâtiments civils et la voirie urbaine. La série « F14 » contient les plans des villes.

La série « F80 » concerne le Sénatus Consulte concernant l’Algérie.

Nous avons très peu utilisé les archives du CAOM, car elles se rapportent comme nous l’avons dit aux

travaux réalisés par les services civils de la construction à savoir les Ponts-et-Chaussées et les Bâtiments

Civils. Par ailleurs il nous a été pénible de les consulter, car sans l’aide de l’agent chargé des archives, la

nomenclature est difficile à décrypter.

3. Exploitation des Archives du Service Historique de la Défense, Vincennes : SHD

Le fond d’archives consulté est conservé par le Service Historique de l’Armée de Terre, SHAT,

au niveau du château de Vincennes, il est constitué de deux séries qui concernent les villes.

Les archives disposent de documents concernant tous les travaux dont le génie militaire avait la

charge.ces dossiers sont classés « 1H ».Toutes les régions d’Algérie y figurent.

Les dossiers concernant Constantine sont répertoriés « 1H 805 à 1H 832 » et concernent la

période allant de 1838 à 1958

Nous relevons beaucoup de rapports de litige quant à l’utilisation des militaires comme mains d’œuvre à payer par la

municipalité. La politique de colonisation se voulant de peuplement, l’Algérie se présentait comme un grand

chantier à ciel ouvert et donc comme absorbant du chômage existant en métropole.

Seulement la main d’œuvre qui se présentait alors était sous qualifiée, sous alimentée et fortement indisciplinée. Ce

qui poussait les entreprises de réalisation quelque soit leur nature, à préférer la main d’œuvre militaire plus

disciplinée, mieux nourrie et souvent moins chère. Les politiques et militaires au niveau local ou en haut lieu se

trouvaient devant un dilemme :

Employer les civils afin de favoriser le peuplement et résorber le chômage en métropole mais provoquer

des retards, surcoûts et des malfaçons.

Employer de la main d’œuvre militaire avec tous les avantages économiques mais freinant le peuplement.

La commune est redevable aux militaires en loyer pour l’occupation de certains terrains militaires (45 / 150 Fr.)

Les militaires jusqu’en 1877 (dernier budget en notre disposition) consommaient l’eau de la commune

gratuitement ; mais les civils veulent les faire payer.

Les hôpitaux et médecins militaires prenaient en charge la population civile surtout celle considérée comme

indigente par la municipalité.

Les budgets de la commune sont soumis à l’approbation du Préfet de Constantine (3ème

département d’Algérie) puis

au gouverneur général d’Alger puis au ministre secrétaire d’état de la guerre.

Le salaire annuel alloué à l’architecte de la municipalité dont le service change de nom (petites voieries, bâtiments

communaux,,,,) est égale à la moitié de celui du maire mais demeure important ( variant de 2600 Fr à 3600 Fr).

Les israélites ont bénéficié de l’école avant les musulmans avant leur naturalisation par la loi Crémieux de 1864

Bien qu’en 1877 la république revendiquait et prônait la laïcité, la municipalité accordait une aide au culte israélite à

partir de 1865.La première école destinée aux musulmans voit le joue en 1872 .

Annexes

IV

Les dossiers concernant Annaba « Bône » sont répertoriés « 1H 864 » et couvrent la période

allant de 1832 à 1954.

Chaque place militaire comprend plusieurs articles :

Article 1 : généralités allant de 1838 à 1922 pour Constantine et de1830 à 1912 pour

Bône ;

Article 2 : fortifications allant de 1838 à 1818 pour Constantine et de 1832 à 1825 pour

Bône ;

Article 3 : bâtiments militaires et casernements, construction et entretien allant de 1838 à

1941 pour Constantine et de 1832 à 1941 pour Bône ;

Article 4 : marchés pour l’exécution des travaux allant de 1842 à 1938 pour Constantine

et 1844 à 1933 pour Bône ;

Article 5 : comptabilité des travaux allant de 1838 à 1941 pour Constantine et de 1832 à

1941 pour Bône ;

Article 6 : domaine militaire :

o Article 6/1 : domaine militaire allant de 1840 à 1942 pour Constantine et de 1834

à 1941 pour Bône ;

o Article 6/2 : domaine militaire allant de 1843 à 1914 pour Constantine et de 1832

à 1922 pour Bône ;

o Article 6/3 : Affermages et locations allant de 1843 à 1923 pour Constantine et de

1837 à 1941 pour Bône ;

o Article6/4 : Inventaires, États des Propriétés Domaniales pour les années 1846 et

1847 et allant de 1834 à 1848 pour Bône ;

Article 7 : servitudes défensives subdivisé en deux sous-articles 7/1 et 7/2 pour

Constantine et allant respectivement de 1847 à 1936 et de 1848 à 1922. alors que le 7/1

va de 1838 à 1934 pour Bône qui ne comprend pas de sous-article 7/2 ;

Article 8 : travaux mixtes Seule Constantine comprend cet article et il va de 1846 à 1938.

Chacun des articles peut comporter selon la place plusieurs sous-articles. Le détail de chaque

article est répertorié. Tout document existant dans les dossiers est nommé, daté et numéroté, à

titre d’exemple : note explicative du projet d’organisation de la Casbah (n° 5, 1er

octobre 1838).

Annexes

V

Chaque dossier « 1H –X » peut contenir plusieurs cartons, comme plusieurs dossiers « 1H-X »

peuvent être contenus dans un même carton. Il n’existe pas de classement ou répertoire par

carton.

Notre consultation s’est donc basée sur le titre des articles selon notre intérêt. Toute fois la

consultation d’autres articles selon le détail de leur contenu nous ont permit soit le recoupement

d’informations soit le complément de ces informations par rapport à la stratégie générale afin de

comprendre certains faits.

Les documents consultés sont de cinq types : les mémoires518

militaires, les apostilles519

qui

accompagnent ces derniers, les minutes520

, les procès verbaux de conférences et des lettres. Les

documents antérieurs à 1900 sont de format 21x31cm, alors que ceux postérieurs à cette date,

sont de formats A4. Tandis que les premiers sont en papier ocre, les derniers sont parfois en

papier pelure de différentes couleurs. Ces derniers sont dactylographiés alors que les premiers

sont manuscrits.

À l’instar des procès verbaux de la municipalité, ils portent tous l’entête du ministère de la

guerre, et sont imprimés de la même sorte sauf pour les feuillets comprenant les détails

d’estimation d’un projet. Ce type de documents est présent dans les apostilles.

Les documents sont différemment imprimés. Les mémoires ne sont que surlignés alors que les

apostilles présentent deux colonnes à droite de la page. Ces deux dernières sont réservées aux

montants demandés par le Chef du Génie de la place en première colonne et en seconde colonne

aux montants demandés par le Commandant de la place. Les deux montants peuvent être

différents, comme ces deux premiers responsables de la Place peuvent ne pas demander de

budget pour le même chapitre. La colonne de gauche est réservée quant à elle au descriptif de

l’objet. Cependant certains projets sont détaillés plus finement et c’est sous forme de grand

tableau (dont la taille va dépendre de celle des projets) que sont mentionnés les différents

chapitres et sous-chapitres. Ce type de tableau est réservé à récapituler l’ensemble des travaux

pour l’année en cour. En outre, il existe des apostilles spéciales portant la mention « Ordre

d’Urgence » qui concernent un point particulier d’un projet nécessitant une rallonge de budget.

518

Mémoire ; nm. Écrit sommaire destiné à exposer l’essentiel d’une affaire. Dresser un mémoire// états des

sommes dues pour les honoraires, pour des fournitures, etc.// Mémoire de travaux , état définitif, détaillé et chiffré,

établi par l’entreprise indiquant les travaux exécutés. Dictionnaire Pratique Quillet, Librairie Quillet, Paris, 1974. 519

Apostille : nf. Annotation ou recommandation en marge d’un écrit, d’une pétition, d’un mémoire. Dictionnaire

Pratique Quillet, Librairie Quillet, Paris, 1974. 520

Minute : nf. Lettre, écriture très fine.//Original, brouillon de ce que l’on écrit d’abord pour en faire ensuite une

copie au net.//Plan levé sur le terrain. Dictionnaire Pratique Quillet, Librairie Quillet, Paris, 1974.

Annexes

VI

Les documents graphiques quand ils existent accompagnent les mémoires lesquels débutent par

la description de la Place et finissent par les travaux à engager. Le projet du Génie et le contre-

projet du Directeur des Fortifications ne sont pas toujours présents dans le mémoire.

Les documents sont signés conjointement par le Chef du Génie de la Place et par le commandant

de la Place et par le Directeur des Fortifications.

Si la classification générale est faite, nous avons, cependant, retrouvé des documents non

répertoriés, d’autres répertoriés mais non classés. Dans ce cas, nous le mentionnons dans la note

de bas de page qui accompagne le document.

Annexes

VII

Annexe 2

Les autorités ayant gouverné l’Algérie de 1834 à 1962 :

- gouverneurs généraux de l’Algérie, 19ème corps d'armée, 19ème région militaire ;

- gouverneurs généraux de l’Algérie, 10ème région militaire ;

- ministres résidants en Algérie ;

- délégué général et commandant en chef des forces en Algérie ;

- délégués généraux du gouvernement en Algérie ;

- haut-commissaire de la République en Algérie ;

- délégué du haut-commissaire ;

- ambassadeur de France au moment de l’indépendance de l’Algérie.

Liste des Commandants de la 10ème région militaire, Commandants supérieurs interarmées,

Commandants en chef en Algérie, Commandants en chef des forces en Algérie et Commandants

supérieurs des forces en Algérie de 1954 à 1964.

Les autorités ayant gouverné l’Algérie de 1834 à 1962.

Comte DROUET d'ERLON (Lieutenant Général) 27 juillet 1834

Comte CLAUZEL (Maréchal de France) 8 juillet 1835

Général RAPATET (pi.521

) 12 février

1837

Comte DENYS de DAMREMONT (Lieutenant Général) 12 avril 1837

Général NEGRIER (pi.) 4 octobre 1837

Comte VALEE (Maréchal de France) 1er décembre 1837

Lieutenant Général SCHRAMM (pi.) 19 janvier 1841

Lieutenant Général BUGEAUD 22 février 1841

Général de La MORICIERE (pi.) 15 novembre 1844

Lieutenant général BUGEAUD 12 juin 1845

Général de La MORICIERE (pi.) 1er septembre 1845

Lieutenant général BUGEAUD 15 octobre 1845

Général BAR (pi.) 18 juillet 1846

Maréchal BUGEAUD 5 novembre 1846

Général BAR (pi.) 5 juin 1847

521

Pi : par intérim

Annexes

VIII

Général BEDEAU (p.i.) 29 juin 1847

Duc d'AUMALE (Lieutenant Général) 11 septembre 1847

Général de division CAVAIGNAC 25 février 1848

Général de division CHANGARNIER 29 avril 1848

Général MAREY-MONG (p.i.) 20 juin 1848

Général de division CHARON 9 septembre 1848

Comte d'HAUTPOUL (général de division) 22 octobre 1850

Général de division PELISSIER (p.i.) 22 avril 1851

Gouverneurs généraux de l’Algérie, 19ème corps d'armée, 19ème région militaire :

Général de division Antoine CHANZY 10 juin 1873

Albert GREVY 15 mars 1879

Louis TIRMAN 26 novembre 1881

Jules CAMBON 18 avril 1891

Louis LEPINE 31 octobre 1897

Édouard LAFERRIERE 31 août 1898

Célestin JONNART 3 octobre 1900

Paul REVOIL 18 juin 1901

Célestin JONNART 5 mai 1903

Charles LUTAUD 22 mai 1911

Célestin JONNART 29 janvier 1918

Jean-Baptiste ABEL 31 juillet 1919

Théodore STEEG 28 juillet 1921

Maurice VIOLETTE 12 mai 1925

Pierre BORDES 19 novembre 1927

Jules CARDE 3 octobre 1930

Georges Jacques LE BEAU 21 septembre 1935

Vice-amiral Jean-Marie Charles ABRIA 19 juillet 1940

Général d'armée Maxime WEYGAND 16 juillet 1941

Yves Charles CHATEL 19 novembre 1941

Marcel PEYROUTON 17 janvier 1943

Général d'armée Georges CATROUX 3 juin 1943

Annexes

IX

Gouverneurs généraux de l’Algérie, 10ème région militaire :

Yves CHATAIGNEAU 8 septembre 1944

Marcel Edmond NAEGELEN 25 février 1948

Roger LEONARD 16 mai 1951

Jacques SOUSTELLE 15 février 1955

Ministres résidants en Algérie :

Georges CATROUX 1er février 1956

Robert LACOSTE 9 février 1956

Délégué général et commandant en chef des forces en Algérie :

Raoul SALAN 9 juin 1958

Délégués généraux du gouvernement en Algérie :

Paul DELOUVRIER 16 décembre 1958

Jean MORIN 23 novembre 1960

Haut-commissaire de la République en Algérie :

Christian FOUCHET 19 mars 1962

Délégué du haut-commissaire :

Bernard TRICOT 23 mars 1962

Ambassadeur de France au moment de l’indépendance de l'Algérie (03.07.1962) :

Jean-Marcel JEANNENEY 5 juillet 1962

Liste des Commandants de la 10ème région militaire, Commandants supérieurs interarmées,

Commandants en chef en Algérie, Commandants en chef des forces en Algérie et

Commandants supérieurs des forces en Algérie de 1954 à 1964 :

Commandants de la 10ème région militaire :

Général de division Jean CALLIES 09 mai 1950 au 23 septembre1954

Général de corps d'armée Paul CHECHERRIERE 24 septembre 1954 au 2 juillet 1955

Annexes

X

Commandant de la 10ème région militaire et commandant supérieur interarmées :

Général de division Henri LORILLOT 03 juillet 1955 au 11 novembre 1956

Commandant en chef en Algérie :

Général d'armée Raoul SALAN 12 novembre 1956 au 15 décembre 1958

Commandants en chef des forces en Algérie :

Général d'armée aérienne Maurice CHALLE 16 décembre 1958 au 12 avril 1960

Général de corps d'armée Jean CREPIN 13 avril 1960 au 7 février 1961

Général de corps d'armée Fernand GAMBIEZ 08 février 1961 au 12 juin 1961

Commandants supérieurs des forces en Algérie :

Général de corps d'armée Charles AILLERET 13 juin 1961 au 25 avril 1962

Général de corps d'armée Michel FOURQUET 26 avril 1962 au 17 juillet 1962

Commandants supérieurs des forces armées françaises :

Général de corps d'armée Michel de BREBISSON 18 juillet 1962 au 07 novembre 1963

Général de division Philippe MALIVOIRE-FILHOL de CAMAS 08 novembre 1963 au 15

juin1964

L’Algérie étant sous la seule responsabilité de l’armée jusqu’en 1870, nous nous intéressons à

tous les ministres de la guerre français jusqu’à cette date :

De CHAISNE de BOURMONT Louis, comte, chef de l’expédition sur Alger 8 août 1829

SOULT, duc, de DALMATIE, maréchal 29 octobre 1840

MOLINE de SAINT YON, lieutenant général 10 novembre 1845

SUBVERNIC, baron 25 février 1848

ARAGO, membre du conseil provisoire de l’IIème république 08 avril 1848

CAVAGNAC, général de division, devient chef du gouvernement 17 mai 1848

De La MORICIERE, général de division 28 juin 1848

RULHIERE, général de division 20 décembre 1848

D’HAUTPOUL, comte 31 octobre 1849

De SHRAMM, vicomte 22 octobre 1850

Annexes

XI

REGNAULT de SAINT JEAN d’ANGELY, général de division 09 janvier 1851

RANDON, général de division 24 janvier 1851

De SAINT ARNAUD, général de division 26 octobre 1851

VAILLANT, général de division 11 mars 1854

BONAPARTE NAPOLEON, prince, général de division 24 juin 1858

RANDON, comte, maréchal 16 juin 1858 au 05 mars 1859

De CHASSELOUP LAUBAT Prosper, comte rappelé 24mars 1859

Annexes

XII

Annexe 3

Listes des responsables du beylik de Constantine.

Amin ou syndic des corporations des différents métiers qui se devait de surveiller les ouvriers et

de régler les contestations

Moqadem

Caïd el Bab qui récoltait les droits d’octroi et de douane

Caïd el Souk qui avait le contrôle des marchés

Caïd el Ain à qui revenait la gestion des eaux du beylik

Caïd el Zbel qui assurait la propreté de la ville

Caïd el casbah qui gérait la police et surveillait les filles de joie

Berrah qui annonçait les décisions officielles

Oukil bit el Mal qui administrait les biens habous au profit des nécessiteux et s’occupait de

l’entretien des cimetières

Deux Cadis qui siégeaient au Madjalis présidé par le bey ou Caïd ed Dar et aidés par des

Muphtis et des Adouls pour les jugements qui avaient lieu le vendredi

Bach Katib ou secrétaire général qui supervisait lettres et procès verbaux écrits par les autres

secrétaires (Koutab) et y apposait son sceau

Bach Seyar ou chef des estafettes qui remettait le courrier au dey et au pacha

Caïd el Aouassi dauphin ou prétendant à l’autorité

Caïd el Zmala ou chef des soldats

Agha es baihia ou commandant des troupes de la province. Il a aussi le commandement des

tribus, de la cavalerie. Il a sous ses ordres :

un chaouch jouant le rôle d’adjudant

un Bach Alam ou chef des porte-étendards

un Bach Tobal ou chef des tambours

un Bach Mkahli ou chef de la garde particulière du bey

un Bach Khaznadji ou surveillant des convois de transport d’argent

un Bach Manga ou pourvoyeur des bêtes de somme

un Khoja el Kheyl ou chargé de la marche des chevaux et mulets

un Bach Seradj ou chef des écuries du bey.

Annexes

XIII

Annexe 4

Composition De L’armée De Terre Lors de la conquête de l’Algérie.

L’infanterie formait trois divisions, et chaque division trois brigades522

.

1 ère DIVISION : MM. le

baron Berthezène, lieutenant

général commandant ;

Brossard, colonel, chef d’état-

major ; Reveux, chef de

bataillon, sous-chef : Sergent

de Champigny, sous-intendant

militaire

2e DIVISION : MM. de

Loverdo, lieutenant général,

commandant ; Jacobi, colonel,

chef d’état-major ; Aupick,

chef de bataillon, sous-chef

;Béhaghel, sous-intendant

militaire.

3e DIVISION : MM. le duc

d’Escars, lieutenant général,

commandant ; Petiet, colonel,

chef d’état-major ; Prelot,

chef de bataillon, sous-chef ;

d’Arnaud, sous-intendant

militaire.

1ère BRIGADE : M. Poret de

Morvan, maréchal de camp.

*1er bataillon du 2e léger :

M. de Frescheville, colonel.

*1er bataillon du 4e léger :

M. de Frescheville, colonel.

*3e régiment de ligne : M.

Roussel, colonel.

1ère BRIGADE : M. de

Damrémont, maréchal de

camp.

*6e régiment de ligne : M. de

Laville-Gilles, colonel.

*49e régiment de ligne : M.

Magnan, colonel.

1ère BRIGADE : M. Berthier

de Sauvigny, maréchal de

camp.

*1er bataillon du 9e léger :

M. de Neuchèze, colonel.

*1er régiment du 9e léger : M.

de Neuchèze, colonel.

*35e régiment de ligne : M.

Rulhières, colonel.

2e BRIGADE : M. Achard,

maréchal de camp.

*14e régiment de ligne : M.

d’Armaillé, colonel.

*37e régiment de ligne : M.

de Feuchères, colonel.

2e BRIGADE : M. Monck

d’Uzer, maréchal de camp.

*15e régiment de ligne : M.

Mangin, colonel.

*48e régiment de ligne : M.

de Léridant, colonel.

2e BRIGADE : M. Hurel,

maréchal de camp.

*17e régiment de ligne : M.

Duprat, colonel.

*30e régiment de ligne : M.

Ocher de Beaupré, colonel.

3e BRIGADE : M. Clouet,

maréchal de camp.

*20e régiment de ligne : M.

3e BRIGADE : M. Colomb

d’Arsine, maréchal de camp.

*21e régiment de ligne : M.

3e BRIGADE : M. de

Montlivault, maréchal de

camp.

522 Les chiffres généraux de la composition de l’armée sont tirés des notes de M. le lieutenant général Berthezène

Annexes

XIV

Horric de la Hotte, colonel.

*28e régiment de ligne : M.

Mounier, colonel.

Goutefrey, colonel.

*29e régiment de ligne : M.

de Lachau, colonel.

*25e régiment de ligne : M.

de Montboissier, colonel.

*34e régiment de ligne : M.

de Roucy, colonel.

Effectif : Dix mille deux cents

quatre-vingt quatre hommes et

quatre-vingt-cinq chevaux.

Effectif : Dix mille deux cent

quatre-vingt-quatre hommes

et quatre-vingt-quatre chevaux

Effectif : Dix mille deux cent

quatre-vingt-quatre hommes

et quatre-vingt-cinq chevaux.

La cavalerie n’était forte que de cinq cents chevaux des 13e et 17e chasseurs, sous les ordres du

colonel Bontemps-Dubarry.

L’artillerie de siège et de campagne, commandée par le général de Lahitte, conduisait cent douze

bouches à feu, avec un matériel porté par trois cent cinquante-six voitures. Son effectif était de

deux mille trois cent vingt sept hommes et treize cent neuf chevaux.

Deux compagnies de mineurs, six de sapeurs et une demi-compagnie du train (treize cent dix

hommes et cent trente-trois chevaux) formaient les troupes du génie, dirigées par le général

Valazé.

L’administration comptait dix-sept cent vingt-quatre hommes et treize cent quatre-vingt-cinq

chevaux ; la gendarmerie, cent vingt-sept hommes et trente-cinq chevaux.

L’effectif général des combattants s’élevait, officiers compris, à trente-cinq mille hommes.

L’infanterie était approvisionnée de cinq millions de cartouches ; l’artillerie pouvait tirer cent

soixante-trois mille coups. Des réserves considérables de poudre et d’armes complétaient ce

matériel.

La flotte, rassemblée dans les ports de Marseille et de Toulon, était prête à la fin d’avril; elle

comptait soixante-dix-sept vaisseaux de guerre à voiles ou à vapeur et trois cent quarante-sept

navires de transport, sans y comprendre les bâtiments, au nombre de deux cent trente, destinés au

débarquement de l’artillerie, du matériel et des troupes.

Composition de l’armée navale

Vaisseaux : La Provence, portant pavillon

amiral, et commandée par M. Villaret de

Joyeuse ; le Trident, commandé par M. Casy,

Frégates : L’Amphitrite, commandant, Le

Serec ; l’Aréthuse, commandant de Moges ;

l’Artémise, commandant, Cosmao-Dumanoir ;

Annexes

XV

capitaine de vaisseau, et monté par le contre-

amiral Ramel ; l’Algésiras, commandant,

Ponée ; la Conronne, commandant, de Rossy ;

le Duquesne, commandant, Basoche ; le

Marengo, commandant, Duplessis-Parseau ; le

Nestor, commandant, Latreyte ; le Scipion,

commandant, Émeric ; le Superbe,

commandant, Cuvillier ; la Ville-de-Marseille,

commandant, Robert.

la Belle-Gabrielle, commandant, Laurens de

Choisy ; la Bellone, commandant, Gallois ; la

Cybèle, commandant, Robillard la Circé,

commandant, Rigodit ; la Didon, commandant

,de Villeneuve-Bargemont ; la Duchesse-de-

Berry, commandant ,de Kerdrain ; l’Herminie,

commandant, Leblanc ; l’Iphigénie,

commandant, Christy de la Pallière ; la

Jeanne-d’Arc, commandant, Lettré ;la

Magicienne, commandant, Régné ; la Médée,

commandant, de Plantys ;la Melpomène,

commandant, Lamarche ; la Marie-Thérèse,

commandant, Billard; la Guerrière,

commandant, Rabaudy ; la Pallas,

commandant, de Forsams ; la Proserpine,

commandant, de Reverseaus ; la Surveillante,

commandant ,Trotel ; la Sirène, commandant,

Massier de Clerval ; la Thémis, commandant,

Legoaran de Tromelin ; la Thétis,

commandant, Lemoine ; la Vénus,

commandant, Russel de Bedfort.

Corvettes : L’Adour, commandant, Lemaitre ; la

Bayonnaise, commandant, Ferrin ; la Bonite,

commandant, Parnajon ; la Cornélie, commandant,

Savy de Montdiol ; la Caravane, commandant,

Denis ; la Créole, commandant, de Péronne, et

montée par M. Hugon, commandant supérieur de

la flottille ; la Dordogne, commandant, Mathieu

;l’Écho, commandant Groëb ; le Lybio,

commandant Coste ; l’Orithye, commandant,

Luneau ; la Perle, commandant, Villencau; le

Rhône, commandant, Febvrier-Despointes le Tarn,

commandant, Fleurine de Lagarde ; la Victorieuse,

commandant, Guérin des Essarts.

Bricks : L’Actéon, commandant ,Hamelin ;

l’Adonis, commandant, Huguet ; l’Alacrity,

commandant, Lainé ; l’Alcibiade, commandant

Garnier ;l’Alsacienne, commandant Hanet-

Cléry ; l’Aventure, commandant

d’Assigny;l’Alerte, commandant Andréa de

Nerciat ; la Badine, commandant Guindez ;la

Cigogne, commandant Barbier ; la Comète,

commandant Ricard ; le Cuirassier,

commandant de la Rouvraye ; la Capricieuse,

commandant Brindjoue-Tréglodé ; le Cygne,

commandant Ronger ; le Dragon,

Annexes

XVI

commandant Leblanc ; le d’Assas,

commandant Pujol ; le Ducouëdic,

commandant Gay de Taradel ; l’Endymion,

commandant Nonay ; l’Euryale, commandant

Perceval ; le Faune, commandant Couhitte ; le

Griffon, commandant Dupetit-Thouars ; le

Hussard, commandant Thoulon ; le Lézard,

commandant Herpin de Fremont ; le Lynx,

commandant Armand ; le Rusé, commandant

Jonglas ;le Silène, commandant Bruat ; le

Voltigeur, commandant Robert ; le Zèbre,

commandant Le Férec.

Goélettes. : La Daphné, commandant, Robert-

Dubreuil ; l’Iris, commandant Guérin.

Bombardes. : L’Achéron, commandant,

Lévêque ; le Cyclope, commandant, Texier ; la

Dore, commandant, Long ; le Finistère,

commandant, Rolland ; l’Hécla, commandant,

Ollivier ; le Vésuve, commandant, Mallet; le

Volcan, commandant, Brait ; le Vulcain,

commandant Dandin.

Gabare : L’Africaine, commandant, Lautier ;

l’Astrolabe, commandant, Verniac de Saint-

Maur ; le Bayonnais, commandant, Lefebvre

d’Abancourt; le Chameau, commandant,

Coudein ; la Désirée, commandant, Daunac ;la

Garonne, commandant, Aubry de la Noé ; la

Lamproie, commandant, Dussaut ;le

Marsouin, commandant, de Forget ;le Robuste,

commandant, Delasseaux ;la Truite,

commandant ,Miégeville ; la Vigogne,

commandant, de Sercey.

Bateaux à vapeur : Le Coureur, commandant,

Lugeol ; le Nageur, commandant, Louvrier ; le

Pélican, commandant, Janvier ; le Rapide,

commandant, Gatier ; le Souffl eur,

commandant, Grandjean de Fouchy ; le

Sphinx, commandant, Sarlat ; la Ville-du-

Havre, commandant, Turiault.

Annexes

XVII

Les choix des généraux commandant les troupes furent aussi bons que possible523

. Si quelques-

uns n’inspiraient pas d’abord une parfaite confiance, si certains noms se recommandaient plus

par leur fortune de courtisan que par les services du passé, tous, par leur belle conduite, se

montrèrent digues de l’armée.

M. de Bourmont devait à la faveur du Dauphin le commandement en chef de l’expédition ; et, si

des préventions regrettables existaient dans l’opinion publique contre cet officier général, il sut

prendre une glorieuse revanche.

Son état-major fut composé de :

MM. le lieutenant général Desprez, chef d’état-major général;

Tholozé, maréchal de camp, sous-chef;

Denniée, intendant en chef ;

Firino, payeur général et commissaire des postes.

Le vice-amiral Duperré fut placé à la tête de la flotte, partagée en trois escadres qui portaient les

divisions et l’artillerie, et suivie d’un convoi en trois flottilles chargé du matériel et des

transports.

Un conseil d’amirauté avait été investi du soin d’examiner les plans d’opérations. Le

gouvernement ne possédait à cet égard d’autres documents que les rapports du colonel du génie

Boutin, qui avait fait autrefois, par ordre de l’Empereur, une reconnaissance détaillée des côtes

barbaresques524

.

Personnel De Santé De L’armée De Terre Qui Faisait Partie De L’expédition D’Alger.

Médecin en chef : Roux.

Médecin

principal :Stéphanopoli.

Médecins

ordinaires. :Peysson,

Vinciguera, Vignes, Vignard,

Jourdain, Monard (Pascal),

Monard (Charles), Pallas.

523

Le général Berthezène, dont les services datent du siège de Toulon, avait conquis tous ses grades à la pointe de

l’épée. M. de Loverdo, à qui nous devons d’excellentes études sur l’Afrique septentrionale, s’était distingué dans les

guerres de la République et de l’Empire. M. le duc d’Escars n’avait, dit-on, jamais fait la guerre ; mais c’était un

homme du plus honorable caractère, fort instruit, et dont la bravoure, la haute intelligence autant que ses qualités

personnelles, justifièrent ce que la naissance et la faveur avaient fait pour lui. Les généraux de Lafitte et Valazé,

commandant l’artillerie et le génie, sont deux officiers du mérite le plus éprouvé

524 P. Christian, « De l’Afrique française » , liv. 1er, p. 27

Annexes

XVIII

Médecins adjoints :

Antonini, Delpech, Faure,

Vaillant, Mas, Aulaguier,

Férat, Surau, Payen,

Goedorp, Rollet, Marseilhan.

Chirurgien en chef :

Maurichau-Beaupré

Chirurgien principal :

Chevereau.

Chirurgiens-majors : Pointis,

Demeyer, Pierron, Fléchut,

Girardin, Devaux, Huet,

Brée,

Delasalle, Durand, Guérin,

Molinard, Chambolle,

Renucci,

Chaudron.

Chirurgiens aides-majors

brevetés : Bougeois, Hutin,

Collin

Chirurgiens aides-majors

commissionnés : Bagré,

Baudens, Damblard,

Soucelyer,Lacroix, Ceccaldi,

Gercet, Guilhery, Godard,

Villaret,Montera, Philippe,

Saiget, Veret, Habaïbi,

Agnès, Bagard, Hamond,

Riche, Leignel.

Chirurgiens sous-aides

brevetés :

Cooche, Plouviez, Squalard,

Rosaire.

Chirurgiens sous-aides

commissionnés : Marque,

Prévost,

Derriey, Grallan, Dulac,

Hecquin, Brémond, Masson,

Joseph, Jourdain, Beau,

Clergeault, Morel, Bouchez,

Rivaud, Chambellan, Viguer,

Lacouchie, Secourgeou,

Ranquet, Julienne,

Teinturier, Maupin, Valet,

Gingibre, Gaudon, Grégoire,

Beving, Faseuille, Royer,

Leloire, Lesâas, Guérin,

Lange-de-Beaujour, Santilli,

Renaud, Bresset, Lagèze,

Rampons, Rosier,

Decourthille,

Chenu,Rosimont, Leclert,

Ducroquet, Descamp,

ittelmayer, Mathiot, Fuet,

Sabatier, Vilette, Bailleux,

Dundas, Cousin, Finot,

Darolles, Viguerie,

Mestre,Ducastaing, Gravier,

Laurans, Achard, Turny,

Judey, acquin, Heich,

Triolle,Leroi, Bessèdes,

Dautcour, Caboche, Géri,

Lambert, Vison, Charpentier,

Serrand, Masské, Blasé,

Cochard, Richard, Lalé,

Pharmacien en chef :

Charpentier.

Annexes

XIX

Mevnier, Thyllaye,

Lustreman, Tulpain, Dancel,

Jean-Lagrave, Bonnafont,

Duboy, evineau, Munier,

Lefrançois, Certain, Royer,

Goult, Goffré, Blein, Meyer,

jacques, Belloc, Bousquet,

Deslandes, Drouault,

Delacroix, Ducreux, Crapez,

Boullard, Pierreschi,Carelli,

Grand, Deshoulieres.

Pharmacien principal :

Juving.

Pharmaciens-majors :

Herbin, Borde, Frosté,

Sauret, Bougleux, Lesieur-

Desbrière, Nicole, Dupairé.

Pharmaciens aides-

majors :Gourdon, Horeau,

Thiriaux, Duroch,Plumet,

Hélion, Erckelbout Berteuil,

Rollin, Rathelot, Vial, Bailly

de Roncière, Guyotat, Henry,

Meurdefroid, Marce,

Galabert, Méquignon,

Parisot, Bataille, André.

Pharmaciens sous-aides-

majors brevetés : Lelaissant,

Faseuille, Rol, Fortier,

Bubbe.

Pharmaciens sous-aides-

majors commissionnés:

Gallois, Dissez,Duffort,

Royer, Dupérier, Froté,

Demonts, Lejeune, Vidal,

Grise, Claude,Meley,

esplanque, Batigne, Gault,

Cardaillac, Contois,

Quéhery-ugravier, Danneker,

Martin-Lassus, Coursand,

Laprévotte, Lacordaire,

Gralan, Meurice,Grimal,

Vècle, Nichault, Normand,

Marc, Audouard, Juving,

Dieu, Ernest, Charton,

Forcioli, Gillet, Frasette,

Boisbarron, Gugelot, Léger,

Martin, Cicora, Poggiale,

Becco,

Noël, Vico, Collignon,

Varlet, Dusseuil.

Annexes

XX

Annexe 5

Consultation des archives de Vincennes.

Ce fond d’archives est conservé par le SHAT au niveau du château de Vincennes, il est constitué

de deux séries qui concernent les villes.

Les archives disposent de documents concernant tous les travaux dont le génie militaire avait la

charge.ces dossiers sont classés « 1H ».Toutes les régions d’Algérie y figurent.

Les dossiers concernant Constantine sont répertoriés « 1H 805 à 1H 832 » et concernent la

période allant de 1838 à 1958

Les dossiers concernant Annaba « Bône » sont répertoriés « 1H 864 » et couvrent la période

allant de 1832 à 1954.

Chaque place militaire comprend plusieurs articles :

Article 1 : généralités ;

Article 2 : fortifications

Article 3 : bâtiments militaires et casernements, construction et entretien

Article 4 : marchés pour l’exécution des travaux

Article 5 : comptabilité des travaux

Article 6 : domaine militaire

Article 7 : servitudes défensives

Article 8 : travaux mixtes

Chacun des articles peut comporter selon la place plusieurs sous-articles. Le détail de chaque article est

répertorié. Tout document existant dans les dossiers est nommé, daté et numéroté.

Chaque dossier « 1H –X » peut contenir plusieurs cartons, comme plusieurs dossiers « 1H-X» peuvent

être contenus dans un même carton. Il n’existe pas de classement ou répertoire par carton.

Annexes

XXI

Annexe 6

Nomenclature générale du Génie, SHD.

Annexes

XXII

Annexes

XXIII

Annexes

XXIV

Annexes

XXV

Annexes

XXVI

Annexes

XXVII

Annexes

XXVIII

Annexes

XXIX

Annexes

XXX

Annexes

XXXI

Annexes

XXXII

Annexes

XXXIII

Annexes

XXXIV

Annexes

XXXV

Annexes

XXXVI

Annexes

XXXVII

Annexes

XXXVIII

Annexes

XXXIX

Annexes

XL

Annexes

XLI

Annexes

XLII

Annexe 7

Consultations des archives d’Aix en Provence.

Les archives nationales d’outre-mer à Aix en Provence contiennent trois séries qui nous

concernent « N », « F14 » et « F80 ».

La série « N » concerne les travaux publics et la sous-série « 1N1 » à « 1N30 » concerne les

bâtiments civils et la voirie urbaine.

La série « F14 » contient les plans des villes.

La série « F80 » contient des plans et des cartes de 1847 à 1895.

Ces archives comprennent les documents suivants les services civils : Ponts-et-Chaussées et

Bâtiments civils. Ceux sont celles rapatriées et appartenant au gouvernement général de

l’Algérie.

Annexes

XLIII

Annexe 8

Spécimen d’une fiche de recherche du CAOM.

Annexes

XLIV

Annexes

XLV

Annexe 9

Copie du rapport sur le projet de règlement de voirie pour la ville d’Alger.

Annexes

XLVI

Annexe 10

Copie d’un procès verbal de conférence.

Annexes

XLVII

Annexe 11

Copie d’Apostilles

Annexes

XLVIII

Annexe 12

Copie de Mémoire militaire, Archive du Génie, Vincennes, Paris.