le rôle du génie militaire dans la production des villes coloniales en
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REPUBLIQUE ALGERIENNE DEMOCRATIQUE ET POPULAIRE
MINISTERE DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
& DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE
UNIVERSITE MENTOURI
FACULTE DES SCIENCES DE LA TERRE, DE GEOGRAPHIE
ET DE L’AMENAGEMENT DU TERRITOIRE
DEPARTEMENT D’ARCHITECTURE ET D’URBANISME
N° d’Ordre……………
Série…………………
THESE
POUR L’OBTENTION DU DIPLOME DE DOCTORAT ES-SCIENCES
OPTION : URBANISME
Présentée par Khédidja BOUFENARA
Le rôle du Génie militaire
dans la production des villes coloniales en Algérie.
Annaba et Constantine
Sous la direction de Pr. Belkacem LABII
Jury d’examen :
Président : Pr. Salah Eddine CHERRAD, Université Mentouri Constantine.
Rapporteur : Pr. Belkacem LABII, Université Mentouri Constantine.
Membre : Pr. Djamel ZOUGHAÏLECH, Université Mentouri Constantine.
Membre : Pr. Hamza ZEGHLACHE, Université Ferhat Abbas Sétif.
Membre : Dr. Cherif ADDAD, Université Larbi Ben M’Hidi Oum El Bouaghi
Soutenue le
« En vérité, tu ne dois rien à aucun Homme
Mais tu dois tout à tous les hommes ».
Djibran Khalil Djibran
À Papa
À Mama
À Lamine et Maria
À ma famille
À mes amis
Remerciements
Au Professeur Belkacem LABII, pour son encadrement rigoureux, toute son aide, sa patience et surtout ses encouragements et sans qui ce travail n’aurait pas été.
À Siham Bestandji, pour sa présence et conseils. Aux personnels de la Bibliothèque d’Alcazar section « Fonds
patrimoniaux », du CDU, des Archives de Vincennes, et ceux de la municipalité de Annaba.
Au Docteur Bouziane Semmoud. À Mr Jean Batiste Lecchia. À Nacer Bourrafa. À Messieurs les professeurs membres du jury de soutenance.
Le rôle du Génie militaire
dans la production des villes coloniales en Algérie.
Annaba et Constantine. SOMMAIRE.
Introduction Générale. 1
Problématique. 5
Méthodologie. 9
Première Partie. Historique des armées et des villes militaires. 12
Introduction de la première partie 12
Chapitre premier. Des armées et villes de l’antiquité aux armées contemporaines. 14
Chapitre deuxième. La colonisation romaine : peuplement et urbanisation. 64
Chapitre troisième. L’architecture et l’urbanisme militaires de l’antiquité au Moyen Âge. 85
Conclusion de la première partie. 110
Deuxième Partie. Le contexte géopolitique et social de la colonisation. 112
Introduction de la Deuxième Partie. 112
Chapitre premier. l’Algérie sous la Régence. 113
Chapitre deuxième. La France et le contexte de l’occupation de l’Algérie. 131
Chapitre troisième. L’urbanisation en France au XVIIIème et XIXème siècles, un référent
pour l’établissement des français en Algérie.
163
Chapitre quatrième. Les militaires français et les préalables à un système de santé en
Algérie.
191
Conclusion de la deuxième partie. 213
Troisième partie. Les casernements et fortifications et leurs impacts à Annaba et
Constantine.
215
Introduction de la troisième partie. 215
Chapitre premier. Les casernements et les fortifications et leurs impacts à Annaba. Une 218
implantation intramuros
Chapitre deuxième. Les casernements et fortifications et leurs impacts à Constantine. Des
implantations stratégiques extramuros.
253
Conclusion de la troisième partie. 305
Quatrième partie. Les interventions sanitaires du Génie à Annaba et Constantine. 307
Introduction à la quatrième partie. 307
Chapitre premier. Les réalisations sanitaires du Génie militaire à Annaba. Une couverture
sanitaire d’ensemble.
309
Chapitre deuxième. Les réalisations sanitaires du Génie militaire à Constantine. Des
hôpitaux d’envergure.
344
Conclusion de la quatrième partie. 379
Conclusion générale 381
Bibliographie 388
Table des figures 399
Table des Matières 403
Annexes
Introduction Générale
1
INTRODUCTION GÉNÉRALE
Le sujet proposé ici est inspiré de récents regains d’intérêt pour le patrimoine architectural et
urbain colonial et sa revalorisation. En effet, depuis quelques années, nombre de recherches ont
été menées par les architectes et les urbanistes sur ce patrimoine qui a marqué nos villes, et des
opérations de restauration du cadre bâti sont venues concrétiser cet intéressement.
La ville coloniale constitue aujourd’hui un patrimoine national tout autant que la médina ; elle
commence notamment à bénéficier de plans permanents et de mise en valeur des secteurs
sauvegardés (PPSMVSS)1 après avoir connu des signes de vieillissement. Cependant, pour
pouvoir la préserver, il est nécessaire de la comprendre, ou du moins de comprendre l’esprit dans
lequel elle a été créée.
Parallèlement à cet objectif de sauvegarde, s’impose la volonté d’extension de la ville qui est
devenue une ville engorgée et qui manque de terrains constructibles. Afin de dégager des
assiettes foncières, les regards des gouvernants se portent très souvent vers les équipements
militaires qu’ils voudraient délocaliser. Or ces équipements militaires sont des entités tout aussi
urbaines et tout autant liées à notre histoire puisqu’ils sont les « Visuel Signifiers 2» d’un pouvoir
installé durant une période donnée. Le patrimoine urbain est un révélateur de la place que le
pouvoir économique et politique occupe dans l’histoire de la construction et de l’urbanisme. Les
équipements militaires se retrouvent ainsi intégrés dans le patrimoine national.
Avant d’aborder notre sujet à savoir le rôle du Génie militaire dans les réalisations et les effets
induits dans les villes de Annaba et Constantine, il est primordial de définir et de présenter les
éléments constitutifs et les contextes dans lesquels s’inscrit ce travail, et dans un premier temps
l’armée et son fonctionnement. Ceci sera complété par un historique marquant les évolutions des
armées durant les différents âges militaires : asiatiques, grecque, romaine et européennes. Il sera
abordé en parallèle les villes créées dans un contexte militaire et les formes spatiales de ces
dernières, tout en mettant en évidence les raisons d’implantation de ces villes dans le territoire.
L’armée romaine nous intéressera particulièrement pour les innovations qu’elle a introduites
dans son organisation, et à l’armée française acteur de la colonisation et donc de ses réalisations,
objet de notre intéressement. L’évolution de l’armée française depuis la conquête jusqu’à
1 Décret exécutif N° 03-324 du 05 octobre 2003 portant modalités d’établissement du Plan Permanent de
Sauvegarde et de Mise en Valeurs des Secteurs Sauvegardés. 2 John Merriman, « Le rôle de l’histoire dans la fabrication du patrimoine », in Actes des Entretiens du
Patrimoine sous la présidence de François Loyer ; Entretiens du Patrimoine, Chaillot, Paris, les 24, 25 et 26 janvier
2000, p85-93.
Introduction Générale
2
l’Independence sera traité en général mais nous nous attarderons de manière plus détaillée sur les
deux services qui nous concernent : le Génie militaire et le service de santé.
Par ailleurs, l’armée romaine et l’armée française présentent des similitudes du fait qu’elles ont
conquis le même territoire et ont eu la même stratégie d’occupation et le même objectif
militaire : le peuplement de l’Algérie. À travers son empire en général et l’Algérie en particulier
Rome a en effet grandement influencé les français par ses réalisations, principalement le mode
d’urbanisation, ainsi que leur système hydraulique, hygiénique et de voies de communication.
Les réseaux routier et urbain entre autres ont servi de modèle à l’installation française.
L’objectif de notre travail étant les réalisations militaires, un retour historique sur l’architecture
et l’urbanisme militaires grec, romain, européen puis musulman, et donc depuis l’antiquité
jusqu’au Moyen Âge s’impose. En effet, nous verrons que du point de vue de l’architecture il
existe beaucoup de similitudes entre fort ou Qal’a, ribat, donjons et autres ; les villes quant à
elles sont toujours entourées d’enceintes fortifiées. La topographie des sites ressort comme étant
la première logique d’implantation de ces villes en réponse aux stratégies de défense et
d’attaque. La présence de voies de communication est également un élément primordial à cette
installation.
À la conquête française, l’Algérie se trouvait sous la dominance ottomane ; un historique de la
régence du point de vue politique, du découpage administratif du territoire, social et de gestion
nous permettra de comprendre les conditions de la conquête, en particulier le beylik de
Constantine qui comprend les deux villes Annaba et Constantine, terrain de notre travail. Comme
ce dernier portera sur le côté sanitaire, nous approcherons les conditions sanitaires et l’exercice
de la médecine qui prévalaient en Algérie durant la régence, en mettant en exergue leurs
réalisations dans le domaine militaire, et sanitaire.
Par ailleurs, il est utile de comprendre, autant que pour l’Algérie, le contexte et les conditions de
cette conquête en France. Cette dernière en pleine révolution politique, a connu en effet
différents régimes durant la période de conquête et de colonisation.
Une attention particulière sera portée aux savoirs et savoir faire qui ont prévalu aux réalisations
architecturales et urbaines ; en effet les XVIIIème et XIXème siècles ont apporté beaucoup
d’innovations dans le domaine technique mais ce furent aussi les siècles des nouvelles idées
humanistes hygiénistes et scientifiques. Nous nous intéresserons à celles qui ont touché le
domaine de la construction au sens le plus large notamment à travers l’exemple de Paris, comme
nous aborderons le métier d’architecte qui commença à évoluer, mais aussi et surtout le métier
d’ingénieur. Les ingénieurs des Ponts-et-Chaussées, des services des Bâtiments Civils, et plus
Introduction Générale
3
encore les Ingénieurs du Génie militaire ont joué un rôle prépondérant dans les plus grandes
réalisations. Leur formation, leurs principes de conception et d’approche aux projets vont se
retrouver lors des édifications en Algérie ; leur rigueur, leur adaptation aux sites et situations,
leur souci de l’économie d’ordre financier ou spatial ainsi que leurs exigences en matière de
fonctionnalité, font des ingénieurs du Génie un corps compétant en matière d’organisation des
travaux. Ce qui nous amènera à aborder leurs outils de conception tels la régularité, la géométrie
des dispositions, le découpage des sols, etc.
Notre intéressement va aussi aux conditions et de la couverture sanitaires qui existaient en
« métropole », qui nous éclaireront sur l’état de santé des populations « importées », puisque
nous savons que les épidémies introduites en Algérie au XIXème siècle sont arrivées avec les
bateaux des militaires mais aussi ceux des civils. Quant à l’intérêt porté à la médecine et à son
mode de fonctionnement, il trouve sa justification dans les mêmes raisons. Ainsi la France a
connu de la seconde moitié du XIXème siècle jusqu’à la première moitié du XXème siècle une
militarisation de la médecine à cause du manque de médecins et de personnels soignants. Aussi
la couverture sanitaire se trouva-t-elle à la charge des militaires.
Ces actions et réalisations sont illustrée dans notre travail dans deux villes étudiées à cet effet,
Annaba et Constantine aux conditions de prise différentes, à la topographie différente, aux
fonctions différentes mais ayant subi toutes deux l’installation des militaires français et leurs
réalisations.
La chute des villes s’est automatiquement accompagnée de la réquisition des édifices les plus
importants qu’ils soient militaires ou civils, allant des casernements jusqu’aux habitations en
passant par les mosquées en vue d’héberger les hommes de troupes et les différents services de
l’armée tels que postes de commandement des places, services d’intendance, de Génie et de
santé mais aussi les chevaux, forges et attelages…
Installant les différents casernements selon le type d’Arme, dans Annaba intramuros et à
l’extérieur de l’enceinte à Constantine selon la topographie des deux villes mais aussi selon la
fonction donnée à chacune d’elle au vue de leurs potentialités respectives, les ingénieurs du
Génie obéissent dans les deux cas aux principes de stratégie militaire qui devait assurer la
défense des villes. C’est ainsi que le port de Annaba confère à celle-ci son caractère fonctionnel
de commerce et d’échange avec la métropole, et par delà même dicte l’installation de
fortifications à son niveau, alors que Constantine va garder son caractère militaire du à son site et
Introduction Générale
4
à sa situation dans le territoire ; elle fut la base d’où partaient les expéditions militaires vers
l’intérieur du pays. Elle sera une ville de garnison.
Le Génie restructura l’espace intramuros des villes mais aussi leur espaces extramuros. Par
ailleurs, l’arrivée des colons et leur installation provoquera l’extension des deux cités. C’est
encore une fois le Génie qui aura à projeter les nouvelles villes européennes et à les protéger.
Prenant en considération la vocation des deux villes, c’est vers la plaine Ouest asséchée et
intégrant le port que Annaba sera agrandie ; alors que l’extension de Constantine obéira à la
stratégie sécuritaire en développant les nouvelles zones urbaines à proximité des quartiers
militaires.
C’est le Génie qui prendra encore en charge la couverture sanitaire des populations militaires, en
jouant un rôle indéniable dans l’installation des hôpitaux militaires de Annaba et Constantine
selon des principes propre à leurs objectifs et selon les contextes : l’hôpital installé sur la
mosquée Sidi Marouane à Annaba, l’hôpital nouvellement construit dans la casbah pour
Constantine. Ces édifications auront des impacts certains sur l’architecture et l’urbanisme
existants.
Nous aurons ainsi abordé la question de la production militaire coloniale, du point de vue du
choix du site, de la conception et de la réalisation des équipements militaires objectif premier
sans conteste, qui auront engendré la ville coloniale par leurs impacts sur les anciennes villes et
sur les extensions de celles-ci. Le Génie apparait comme la force de construction de l’armée
française et donc de la France, puisqu’il a été maître d’œuvre et maître d’ouvrage des plus
importants édifices érigés durant le XIXème siècle par la France en Algérie.
Problématique
5
PROBLÉMATIQUE.
La fonction de pouvoir, et plus précisément la fonction militaire, a toujours été partie intégrante
du fonctionnement de la ville, et partie prenante de son édification voire de sa naissance puis de
son développement.
Notre intéressement à la fonction militaire et au-delà aux équipements militaires et au rôle de ces
derniers dans la production de la ville, a été suscité par un certain nombre d’observations, dont
l’implantation urbaine de ces équipements avec toutes les stratégies de différentes époques, puis
l’impact de ces implantations sur la ville, sur sa structuration et son fonctionnement.
Un fait nous vient à l’esprit à ce sujet, est que lors de réunions au sujet de l’extension de la ville
de Constantine, la problématique a souvent été posée en termes de recherche de terrains
urbanisables. Et systématiquement, les regards étaient tournés vers Le Mansourah et autres
espaces militaires aujourd’hui occupant le centre ville, toujours convoités pour des besoins
urbains pressants. Actuellement la récupération des terrains militaires urbains est à l’ordre du
jour et entre dans la stratégie globale d’aménagement de la ville de Constantine, cependant qu’à
Annaba le terrain connu sous le toponyme du « 19 juin », après avoir servi de parking, puis de
marché et de station de transports urbains, vient d’être cédé à des investisseurs étrangers afin de
servir d’assiette à un centre multifonctionnel alors qu’il appartenait à la zone de servitude du
casernement, situé Bd Victor Hugo, et de la citadelle.
Cela est un fait historique incontournable depuis l’antiquité, l’obligation de présence militaire
correspond à une fonction de la ville parmi les plus anciennes. Cette fonction est la protection
contre les intrusions étrangères et les troubles internes, donc une fonction d’ordre et de sécurité
et, plus conceptuellement, une fonction de pouvoir. Peut-on imaginer une ville non protégée ?
L’histoire de l’architecture et de l’urbanisme universelle est truffée d’exemples de villes connues
pour leurs systèmes de protection : ville citadelle, de garnison, ville fortifiée, Kalaa, etc.
Revenons à cette interaction entre la ville et les bâtiments militaires. En Algérie par exemple, les
casernes ont toujours été associées à la guerre et à la répression, ce qui a pu nourrir un sentiment
de répulsion de ces édifices chez la population. Or, lors d’émeutes ou de catastrophes naturelles,
la population est bien aise de trouver aide et sécurité auprès de ces militaires sortis de ces mêmes
casernes.
Problématique
6
Une autre observation est celle de travaux que nous avons menés sur l’histoire de la ville de
Annaba, où l’emplacement de différentes casernes militaires à travers la ville pose la
problématique de la logique de leur implantation. Ainsi on trouve une caserne à la limite nord de
la vieille ville, une autre sur le port et un poste de commandement sis au Champ de Mars, et donc
une situation centrale. Or, cette dernière situation résulte de l’extension de la ville, qui a intégré
les équipements militaire lesquels, à l’origine, devaient être implantés en périphérie. D’un autre
point de vue, la taille, l’importance et le rôle de ces casernes ne nous donnent pas suffisamment
d’indications sur la logique de leur implantation.
Ce qui nous amène à rechercher cette logique dans une ville de plus grande importance, c’est-à-
dire la ville chef de région militaire et qui de plus a été une ville citadelle guerrière depuis Rome
puis ville de garnison lors de la période coloniale française : Constantine. Nous ajouterons à cela
que c’est la ville de résistance : elle a tenu un siège de sept années face à la conquête Française.
C’est d’ailleurs ce fait d’armes qui a fait de cette ville un bastion militaire durant toute la
colonisation, justifiant une implantation militaire conséquente avec toute sa logistique :
Casernes, hôpitaux, résidences militaires, infrastructures routières… Cependant, la ville de
Annaba a connu une occupation différente et avec d’autres stratégies à préciser, ce qui a pu
donner lieu à un autre type d’édification urbaine.
Ces considérations nous ramènent, en fait, à situer notre recherche dans le temps : la période
coloniale française, avec un rappel de l’ordre militaire du temps du Beylik.
Si la conquête française apparaissait dans un premier temps comme juste une expédition
militaire, et si la Monarchie de juillet n’avait pas de vue conquérante, le général Clauzel, pour
faire triompher sa politique de conquête, voulait s’emparer de la Capitale du beylik de l’Est,
Constantine où le Bey refusait toujours de reconnaître la souveraineté française. C’est ainsi que
le 13 octobre 1837, Constantine fut occupée et le dernier représentant du régime antérieur
vaincu. Ce qui conférera à Constantine, en plus de sa position géostratégique, une importance
particulière aux yeux des colonisateurs qui en feront une ville de garnison.
Tout comme la création de centres de colonisation, surtout depuis de Sénatus Consulte, allait
enclencher l’urbanisation du territoire. En effet, la conquête de l’Algérie eut pour corollaire la
colonisation du pays. La politique de colonie de peuplement était le moyen le plus efficace de
consolider la conquête et cette politique ne fut possible que par les militaires. Trois quart de
siècle ont été nécessaires aux militaires pour s’imposer en Algérie, qui furent accompagnés de
réalisations et d’interventions de tous genres.
Problématique
7
Durant cette période, la France se voit obligée de renforcer son armée pour assurer les places
prises et avancer dans sa conquête. Dans sa politique de guerre, elle est contrainte alors de
construire des bâtiments militaires pour abriter son armée et pour assurer la logistique de
conquête, ce qui se fera aussi par des interventions urbaines.
La conquête fut ainsi suivie de l’établissement du pouvoir qui d’abord fut militaire avec la
construction des infrastructures de base qui lui sont nécessaires. Ce n’est qu’en 1854 que le
pouvoir sera cédé aux civils. Mais si le pays était conquis, les révoltes ne cessèrent pas ; il fallait
donc assurer la conquête et la sécurité de la population colonisatrice. Ce qui sera matérialisé
différemment dans le temps et dans l’espace par les constructions militaires réparties dans la
ville selon la politique et les besoins du moment, mais surtout par une gestion de la ville par les
militaires avec leur logique de maintien de l’ordre et d’expansion. Les actions urbaines générées
alors, devaient impérativement répondre à l’ordre et au pouvoir militaires. La remise du pouvoir
aux civils dès 1854 à Constantine fait de ceux-ci les principaux acteurs de la production de la
ville, mais n’en amoindrit pas moins le rôle des militaires. L’on relèvera que cette remise de
pouvoir a été tardive par rapport à celle de Annaba qui s’est effectuée six années auparavant, en
1848. Ce qui laisse supposer des stratégies différentes d’une ville à une autre, et des
interventions également différentes ; Constantine ayant été de fait, plus que Annaba, une place
forte militaire et de départ des expéditions.
Il est ainsi admis que la conquête de l’Algérie ayant été militaire, les premières place fortes
conquises étaient les villes, dans lesquelles l’armée s’est installée avec sa logistique de guerre
comprenant le Génie et son savoir faire, ouï l’intervention de ce dernier sur la ville et au-delà,
pour asseoir la colonisation et préparer le peuplement.
De ce point de vue, notre problématique se pose dans les termes de l’apport et du rôle des
militaires dans la production de la ville que ce soit en matière d’édifices proprement dits et de
leur impact sur la ville, ou par leurs interventions structurelles et fonctionnelles sur cette ville ;
ces interventions allant jusqu’à la dénomination des rues et places telles que : la place
Lamoricière, Rue Damrémont, Place d’Armes ; et même encore celle d’agglomérations :
Bugeaud….
Parmi ces réalisations, celle des hôpitaux est d’une très grande importance, non seulement en
tant qu’édifices qui ont eu des impacts sur la ville autant que les casernements, mais dans les
termes de l’instauration d’un système sanitaire d’abord militaire pour des raisons propres à la
Problématique
8
logique de guerre et de conquête, qui a mis en place les bases de toute l’infrastructure de santé
qui a encore ses impacts jusqu’à nos jours.
Aussi, notre problématique englobe-t-elle les édifications militaires (casernements et hôpitaux)
dans une même logique des débuts de la conquête puis du peuplement.
A ce stade notre problématique se précise ainsi :
Quel a été le rôle des militaires français dans l’édification de la ville à un moment donné ?
C’est à dire que nous rechercherons d’abord comment les militaires ont intervenu sur la
ville avant l’institution de la municipalité et même au delà ?
Quelle est l’expression architecturale de ce pouvoir conquérant, et quels en sont les impacts
sur la ville ?
Enfin, ce questionnement est posé dans le cas de Constantine comme dans celui de Annaba,
car une comparaison pourra établir la différenciation des enjeux territoriaux de
colonisation, puis la différenciation des influences et des interventions qui mettront en
place différentes configurations urbaines puis les sens du déploiement urbain.
Autrement dit, nous aurons à répondre à une série de questions aux fins de reconnaître le rôle de
l’armée française dans ce qu’elle a entrepris pour préparer la colonisation puis de l’accompagner,
à travers les actions d’envergure du Génie.
Quels types de projets ont été élaborés et réalisés, dans quelles circonstances locales et de
« métropole » ? Quels outils juridiques en place et d’accompagnement de la conquête ont permis
ces interventions, et quels ont été les moyens techniques mis en place pour cela ? Quelles
logiques et stratégies ont été mises en place par les militaires en tant que maître d’œuvre et
maître de l’ouvrage, et quels ont été leurs choix en matière d’implantations ? Pourquoi y a-t-il eu
des percées avant les alignements ? Quelle a été la part du sanitaire dans leurs interventions ?
Enfin et surtout, quels ont été les impacts des nouvelles édifications sur l’architecture et
l’urbanisme des deux villes objet de notre recherche : destructions, transformations, ouvertures,
extensions… ? Tels sont les objectifs de notre travail.
Méthodologie
9
MÉTHODOLOGIE.
La méthodologie qu’inspirent le sujet et les questionnements émis, s’inscrit dans les processus
historiques de production de la ville. Au-delà d’un sujet sur l’architecture militaire en tant que
représentant d’un pouvoir conquérant, notre intéressement va à l’impact de cette architecture et
de ses représentations sur la ville, qui ont marqué et continuent de marquer l’urbain.
De ce fait, la méthodologie que nous nous proposons d’adopter puise dans la recherche
historique diachronique, c’est à dire à la fois générique et historique. Il s’agit, à ce niveau, de la
construction théorique du sujet, qui définisse et mette en place la notion de « Pouvoir » dans la
ville coloniale, et la place du pouvoir militaire en tant qu’acteur incontournable, du fait de sa
présence, de ses édifices et de ses réalisations de pouvoir.
S’agissant d’un pouvoir instauré par l’armée française organisée selon un mode qui lui est
particulier, nous reviendrons sur la composition et l’organisation de cette armée d’un point
historique. Puisant dans la documentation se rapportant à l’histoire universelle des armées, nous
essayerons de mettre en exergue l’évolution des armées en général et celle de la France en
particulier, dans le temps et ce depuis l’antiquité. Cette recherche sera axée sur les réalisations
spécifiques en matière de construction et d’urbanisme militaires. Nous nous référerons
particulièrement au manuels d’histoire de l’architecture se rapportant à la période romaine du fait
que le territoire conquis puis colonisé est le même et que la colonisation fut de peuplement.
L’acteur principal étant européen, une prospection dans l’histoire de l’architecture et l’urbanisme
militaire européen, depuis l’antiquité jusqu’au Moyen Âge, s’impose comme référent et acquis
technique de l’armée française.
Comme nous allons traiter aussi des réalisations sanitaires militaires, nous explorerons dans la
bibliographie, les documents relatifs à l’organisation du service de la santé dans les armées et la
prise en charge de celle-ci en matière de soins et d’équipements.
Dans la même perspective, nous aborderons l’histoire de l’armée, de l’architecture, de
l’urbanisme musulman. Cet intéressement est complété par un autre se rapportant à
l’organisation générale de l’Algérie et de la couverture sanitaire en particulier durant la régence
ottomane.
Méthodologie
10
Dans le même volet contextuel de la colonisation, une recherche bibliographique nous permettra
de voir les conditions dans lesquelles se trouvait la France du point de vue politique, militaire et
sanitaire. Cette dernière ayant connu différents régimes successifs, il importe de rechercher au
niveau des lois et règlements ceux se rapportant à la colonisation puis au peuplement.
Cette rétrospective sera parachevée par une autre se rapportant aux méthodes de conception et à
l’évolution de l’enseignement reçu par les ingénieurs du Génie en tant que maitres d’œuvres et
par celle se rapportant au domaine de la construction durant les XVIIIème et XIXème siècles.
Celles-ci nous permettront de reconstituer le contexte politique, juridique et technique des
réalisations militaires à Constantine et à Annaba.
Une recherche bibliographique se rapportant à l’histoire des villes, avant et durant la période
coloniale, permettra quand à elle de cerner le terrain d’étude du point de vue politique, social,
économique, sanitaire, urbain et architectural, puis les prédispositions de ces villes à être des
villes citadelle ou commerciale et portuaire, soit un « back ground » physique, historique,
sociologique. Ce qui revient à arrêter de façon précise les réalisations coloniales depuis la chute
des deux villes.
Les conditions sanitaires vécues par les troupes françaises lors de la conquête puis de la
colonisation, nous poussent à des investigations dans ce thème et sa prise en charge par les
dirigeants militaires. Au-delà des casernements nous nous intéresserons particulièrement aux
équipements sanitaires militaires en tant qu’outils de colonisation et à leurs impacts sur les tissus
existants. Il s’agit là de dresser un état des lieux et d’en effectuer une analyse architecturale et
urbaine, aux fins d’en déterminer l’importance et l’impact sur la ville (aujourd’hui).
Jusque là, nous nous sommes intéressées à l’impact des réalisations militaires sur la ville :
importance, fonctions, fonctionnement, structuration,…
Ce travail qui est le corps de la thèse est alors rétrospectif et puise dans la méthode historique. Il
sera nécessaire d’établir une chronologie et donc de dater les différentes réalisations afin de bien
comprendre l’évolution de la ville en relation avec la situation des équipements militaires dans
celle-ci, et surtout les conditions stratégiques et politiques de cette évolution.
Ce travail d’histoire utilisera les méthodes d’exploitation des archives, à mettre au point, d’autant
que ces archives sont variées et dispersées : les archives militaires (locales ou celles se trouvant à
Aix et à Paris), les archives de willaya (ex département de Constantine) et des municipalités.
Méthodologie
11
L’étude des archives militaires3 nous permettra de cerner l’intervention des militaires dans la
construction de la ville non point uniquement comme acteur mais encore comme entrepreneur,
comme pourvoyeur de moyens techniques et humains : le Génie militaire a en effet joué un
grand rôle dans la prise en mains de la ville, dans la préparation du peuplement et dans la
création de centres nouveaux à travers tout le territoire.
Ce travail dans son ensemble sera effectué parallèlement à l’étude cartographique où nous
utiliserons les plans des villes de Constantine et Annaba établis à différentes périodes de la
colonisation. Il sera nécessaire d’établir une chronologie et donc de dater les différentes
réalisations afin de bien comprendre le processus de production de la ville en relation avec la
situation des équipements militaires dans celle-ci, puis les réalisations civiles dans lesquelles les
militaires ont été impliqués d’une manière ou d’une autre.
Dans la pratique, notre travail se présente en quatre parties et onze chapitres.
La première partie comprend trois chapitres qui traitent de l’histoire des armées et des villes
militaires.
La deuxième partie traite du contexte géopolitique de la colonisation de l’Algérie en quatre
chapitres
La troisième partie en deux chapitres s’intéresse aux casernements et fortifications militaires et
de leurs impacts sur les villes de Annaba et de Constantine.
La quatrième partie, sur deux chapitres traitera enfin des édifications sanitaires militaires et de
leurs impacts sur les villes de Annaba et Constantine.
3 Nous avons exploité les archives des municipalités et celles d’Aix en Provence et de Vincennes, dont on trouvera
les détails en première annexe.
Première Partie Introduction
12
PREMIÈRE PARTIE
HISTORIQUE DES ARMÉES ET DES VILLES MILITAIRES
Introduction.
Afin d’aborder notre sujet d’intérêt à savoir les réalisations ou les actions, ayant eu une
influence sur le domaine de la construction et du développement des villes algériennes, des
militaires français , il convient de définir et de présenter l’armée4 et son fonctionnement.
Le terme « armée » peut désigner l'institution toute entière, regroupant tous les militaires du
pays, ou un ensemble plus restreint composé d'hommes placés sous la direction d'un
commandant militaire.
Dans ce qui suit nous insisterons notamment sur la composition, l’évolution et l’organisation des
armées d’un coté et de l’autre sur les principales édifications de ces dernières afin de bien assoir
notre analyse du processus de production militaire en milieu urbain.
Pour bien comprendre le système militaire, un aperçu historique des armées s’avère nécessaire.
On distingue quatre âges militaires déterminés par rapport à l’armement 5:
- Le premier correspond à l'époque de la guerre primitive des petites hordes ;
- Le deuxième va des civilisations protohistoriques à la Renaissance ; c'est un cycle de
plus de quatre mille ans d'évolution lente, comprenant de longs paliers d'immobilisme, et
4 Armée : forces militaires d'un pays, rassemblées, entraînées, structurées et équipées de façon à pouvoir
entreprendre des manœuvres guerrières à caractère offensif (conquête de territoire ennemi) ou défensif. Microsoft®
Encarta® 2008.
Le terme « armée » provient du bas latin armata. À l'origine, il signifie l'armement des navires, d'où le nom
espagnol armada : flotte, armée de mer. Par analogie et dérogation, on a désigné, sous le vocable d'armée, l'armée de
terre ; la marine prenant le nom de flotte de guerre, de flotte de commerce, etc. Au Moyen Âge, le terme ost
remplace celui d'armée que l'on trouve cependant dans les textes de Froissart. Dans son sens le plus général, le terme
d'armée s'applique aux moyens d'un État, d'un peuple, d'une collectivité sociale, politique, religieuse ou économique,
moyens comprenant des effectifs organisés, hiérarchisés, armés, équipés, administrés et militairement instruits ; leur
fin est d'imposer la volonté de l'autorité supérieure par la force, ou la menace de son exercice, soit à l'extérieur, soit à
l'intérieur des territoires, mouvants ou fixes, de la collectivité considérée, in Encyclopædia Universalis , version 10,
France S.A-2004, CD. 5 Paul Devautour, « Typologie historique de l’ARMEE », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-
2004.
Première Partie Introduction
13
des alternances de périodes cuirassées et non cuirassées, de périodes de cavalerie et
d'infanterie ;
- Le troisième s'étend de la Renaissance à la fin de la Seconde Guerre mondiale ; il
correspond à un nouveau stade de grandes découvertes, à l'apparition de techniques
inédites et à l'accélération de l'histoire qui s'ensuit ; il est essentiellement dynamique ;
c'est celui de l'explosif et du canon, ainsi que du moteur ;
- Le quatrième débute à la fin de la Seconde Guerre mondiale, avec l'application de
l'énergie atomique à des fins militaires.
À l'intérieur de chacun de ces âges, les armées présentent des caractères communs tels que
l’organisation, les stratégies d’attaque et de défense et les armes. Il existe cependant d'importants
décalages, selon les quatre foyers de civilisation mondiale : Moyen-Orient, Méditerranée et
Occident, Extrême-Orient, Amérique précolombienne6. Dans ce chapitre nous nous intéresserons
particulièrement à l’Armée romaine et française toutes deux conquérantes de l’Algérie. La
première servit d’exemple à la seconde dans sa stratégie d’occupation mais aussi dans l’objectif
militaire : le peuplement de l’Algérie.
6 Paul Devautour, « Typologie historique de l’ARMEE », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-
2004.
Première Partie Chapitre Premier
14
CHAPITRE PREMIER
LES ARMÉES ET LES VILLES DE L’ANTIQUITÉ À L’ÉPOQUE CONTEMPORAINE.
Introduction.
Aborder notre travail sur les réalisations militaires ne pourrait se faire sans traiter de l’évolution
de l’armée dans le temps. Les corps constituants de l’armée doivent trouver leur explication dans
l’origine du besoin de leur fonction. Suivre donc l’évolution des armées à travers le monde et les
siècles, nous permet de restituer la logique des formations militaires qui ont contribué à la
conquête de l’Algérie puis aux réalisations effectuées.
Dans ce premier chapitre nous traiterons de l’évolution des armées les plus importantes depuis
l’antiquité à nos jours. Notre intérêt va aux armées qui ont laissé un patrimoine non seulement
militaire mais aussi architectural et urbanistique témoignage de connaissances et de savoir faire :
armées chinoise, grecque, romaine, française. Ces deux dernières armées nous intéresseront en
particulier ; l’armée française, parce qu’elle est l’acteur principal de la production de l’espace
objet de notre étude et l’armée romaine parce qu’elle a précédé l’armée française sur le territoire
algérien et dans l’objectif de colonisation par peuplement.
Par ailleurs, toutes ces armées ont effectué des réalisations sur l’espace qu’elles ont occupé. Les
fortifications des villes à défendre furent leurs premiers accomplissements avec le choix
d’implantation de ces villes. S’en suivirent des formes d’urbanisation et de réalisations
architecturales certes répondant à un objectif militaire mais ayant des répercussions sur la vie
sociale ; le gymnase romain créé pour les exercices des soldats fut utilisé à des fin hygiénistes de
tous les citoyens romains ; la ville en damier grecque est encore en usage actuellement. Revoir
toutes ces réalisations nous permettra de distinguer le propre de l’apport des militaires français
sur le territoire algérien de ce qui ressort du patrimoine mondial en matière de connaissances
utilisées par l’armée.
1. Les armées et villes de l’antiquité.
C’est durant cette période que se formèrent les premières armées. Ces dernières n’eurent pas
toutes la même importance et donc ne laissèrent pas les mêmes traces sur l’espace. Hormis les
armées du premier âge militaire, les armées asiatiques, grecque et romaines sont celles qui ont le
Première Partie Chapitre Premier
15
plus laissé de traces et celles qui ont amené le plus d’innovations que ce soit dans l’organisation
des armées, l’invention des armes et armements ou dans les travaux de fortifications des édifices
purement militaires ou des villes. Nous traiterons dans ce qui suit des plus importantes d’entres
elles et de leurs réalisations.
1.1 Les premières armées correspondant au premier âge militaire.
Ni la préhistoire ni le début de notre ère n'ont connu d'armées telles qu'elles existent aujourd'hui ;
la défense ou la volonté de conquérir des terres nécessaires aux pâturages ou à la chasse
conduisait à de simples regroupements d'hommes en armes, menant des combats isolés. L'emploi
de citoyens-soldats commence avec la montée de la sédentarisation, se traduisant par la
multiplication de villages permanents dans la vallée du Tigre et de l'Euphrate, et le long du Nil.
Peut-on dire alors que le surgissement d’une armée organisée coïncide avec la sédentarisation et
l’urbanisation ?
En Mésopotamie, la création d'armées permanentes, munies d'arcs et de lances, intervient en
3200 av. J.-C. Aux environs de 2500 av. J.-C., l'introduction de chars tirés par des ânes et des
chevaux révolutionne l'art de la guerre. Au XXe siècle av. J.-C., en Égypte, Sésostris I
er entretient
une armée régulière ; il divise son royaume en trente-six provinces militaires, met en place une
milice nationale, attribue des terrains aux militaires, et utilise cette armée à des fins tant
offensives que défensives. Au milieu du VIe siècle av. J.-C., sous Cyrus le Grand, les Perses
apportent une amélioration au concept de l'armée permanente en organisant le déploiement de
troupes d'infanterie et de cavalerie, et en établissant un système disciplinaire.
1.2. Les armées et villes du deuxième âge.
Durant l’antiquité deux grandes armées se font connaître : l’armée grecque et l’armée romaine
qui, pour la première fois prend l’adjectif d’armée impériale. La première nous intéresse par la
raison que c’est en Grèce antique que nous retrouvons les premières villes militaires. Celle de
Macédoine introduit des innovations dans son organisation. L’armée romaine de par ses
qualifications ( républicaine puis impériale), puis du fait de sa conquête de l’Algérie, et du rôle
qu’elle a tenu dans l’armée française présente un intérêt particulier dans cette étude.
Bien que les armées asiatiques soient loin de notre sujet d’étude, il est intéressant de voir
brièvement leur apport dans le domaine armé.
Première Partie Chapitre Premier
16
1.2.1. Les Armées et villes asiatiques.
Le monde antique asiatique se développa loin de celui de l’ancien monde, ce qui laisserait penser
à un développement de l’armée différent, or elles se rapprochent énormément dans leur
organisation et moyens.
L’une des constructions militaires les plus connues au monde et qui devint merveille du monde
se trouve en Asie : la muraille de Chine, c’est dire l’importance de cette armée.
1.2.1.1. L’armée et les réalisations militaires de Chine.
La Chine antique bénéficie également d’un système militaire, défini par le général Sun Zi dans
son traité de stratégie militaire, l'Art de la guerre (vers 500 av. J.-C.) ; il y fait la description des
usages chinois, en termes d'armes, de système de commandement, de communications, de
discipline, de grades, de stratégie et de moyens logistiques. L’armée du premier empereur de
Chine était l’une des plus puissantes (plus de 600 000 hommes). Elle fut la première à fabriquer
en série ses armes (chaque casernement comprenait sa propre manufacture, nous lui devons aussi
la gâchette). C’est 228 ans avant Jésus Christ que la construction de la muraille de chine débuta7.
Les généraux de la dynastie Zhou installèrent des commanderies militaires le long de la Grande
Muraille, qui avait été construite par Shi Huangdi8, et qu’ils étendent, en bordure du désert de
Gobi pour protéger les grandes caravanes de marchands des incursions menées par les tribus
nomades (Xiongnu). Leurs ingénieurs construisent des routes et des canaux comparables à ceux
des Romains qui améliorent les communications et le commerce9. En dehors de la Grande
Muraille, la Chine recèle encore aujourd’hui des constructions typiquement militaires. Parmi les
plus connues la Tour de la Grue jaune et les Tulou.
La Tour de la Grue Jaune (Huáng Hè Lóu) est une pagode édifiée à Wuhan, province de Hubei.
Elle est considérée comme l'une des 3 merveilles architecturales du sud du Yangtze. La pagode
située au sommet de Sheshan (Colline du Serpent) est devenue le symbole de la ville . La tour de
5 étages initialement construite sur une place appelée "rocher de la grue jaune", s'élève à 51
mètres. Elle est couverte de 100 000 tuiles jaunes émaillées et est soutenue par 72 énormes
piliers. La Tour de la grue jaune a été reconstruite de nombreuses fois (plus de 20 fois). Le
premier bâtiment en bois a été édifié en 223, au cours de la période des Trois Royaumes (220 -
280). En raison de la position idéale, il a été construit par Sun Quan (182 - 252, le roi de Wu),
7 Le premier Empereur de Chine, un documentaire diffusé par ARTE le 31 janvier 2009 à 19h.
8 Shi Huangdi
8 : général du premier empereur de Qin.
9 « Les anciennes civilisations d’Asie », in Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.
Première Partie Chapitre Premier
17
comme tour de guet pour son armée. La construction actuelle date de 1985 et a l'apparence d'une
tour ancienne mais est faite de matériaux modernes. Au fil des siècles, sa fonction militaire a été
peu à peu oubliée10
.
Les Tulou sont les imposantes habitations, semblables à des forteresses, de la minorité chinoise
hakka. Ces bâtiments à hauts murs élevés en terre uniquement percés de fenêtre à la lisière du
toit sont des habitations traditionnelles. L'origine de ce type d'habitat communautaire remonte à
la fin du Xème siècle et servait entre autre à se défendre des agressions des autres peuples de la
région. Il n'y a qu'une seule porte dans l'enceinte qui peut atteindre plusieurs mètres d'épaisseur.
Les cloisons en briques ou en pierres empêchaient le feu de se propager dans l'ensemble du
bâtiment. Au centre d'un Toulu se trouve une cour, qui équivaut à la place du village. Les
familles vivent dans les niveaux aménagés dans le mur d'enceinte auxquels elles accèdent par des
escaliers en bois. Le rez de chaussé de ces zones d'habitat est occupé par les cuisines et la basse-
cour. Le premier étage sert de zone de stockage tandis que les derniers étages sont des chambres.
La toiture des Tulou est couverte de tuiles grises ou l'on sèche les légumes au printemps11
.
La Chine et les régions incluses dans sa sphère d’influence développèrent une haute culture
urbaine, le gouvernement central chinois utilisant les villes comme une arme administrative. Le
style d’urbanisme fut déterminé par Chang’an (aujourd’hui Xi'an), capitale des dynasties Han et
Tang. Dès la fin du VIe siècle, elle était disposée en damier et entourée par un mur de terre battue
d’une circonférence de 36,7 km avec de larges avenues (jusqu’à 155 m) allant du nord au sud et
d’est en ouest. Ce plan fut repris pour les villes de nombreux autres pays influencés par la Chine,
notamment pour la capitale impériale japonaise Heiankyo (aujourd’hui Kyoto), fondée en
794 apr. J.-C. Le développement du commerce et d’une économie monétaire en Chine sous la
dynastie Song favorisa l’essor des cités qui, pour la plupart, s’efforcèrent de reprendre le même
plan. D’autres pays d’Asie orientale (le Tibet, l’ancien empire Mongol) se sont inspirés du
modèle chinois tout en le modifiant afin de corriger sa trop grande rigidité12
.
Si cette armée ne servit pas d’exemple aux armées européennes cela est du au fait de
l’éloignement (les distances n’ont pas la même dimension qu’actuellement), mais aussi du fait
que les vestiges du tombeau de l’empereur ne firent mis à jour qu’en 1970. Par la suite, le mode
d'organisation des armées chinoises et japonaises se rapproche de celui de leurs homologues
10
www.chine-information.com/guide/chine-tour-de-la-grue-jaune.2434.html. 11
www.chine-informations.com/images/upload2/tulou.jpg. 12
« L’urbanisme en Asie », in Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.
Première Partie Chapitre Premier
18
d'Europe et du Moyen-Orient, après que l'invention asiatique des étriers (aux alentours du
IIe siècle av. J.-C.) a révolutionné la guerre à cheval, rendant les chars obsolètes. L’édifice le plus
connu reste la muraille de chine jamais égalée dans ses dimensions.
1.2.1.2. L’armée de Mongolie.
Utilisant comme base d'opérations un cercle semi-mobile constitué de chariots, le chef mongol
Gengis Khan puis ses successeurs, conduisent, au début du XIIIe siècle, la conquête d’un empire
s’étendant du désert de Gobi jusqu'au cœur de l'Europe. Accomplies avec des effectifs
relativement faibles, mais grâce à des techniques militaires très innovantes, ces conquêtes
s'appuient sur une formation élémentaire de dix mille guerriers à cheval, le touman. Les armes
spéciales incluent principalement de redoutables projectiles explosifs. Les communications se
font grâce à des pavillons de signalisation et des tambours. Les hordes mongoles vivent des
ressources du pays conquis, et leur déploiement tactique repose sur des attaques surprises
poussées sur le flanc et les arrières de l'ennemi, précédant de grands assauts de cavalerie.
En dehors de temples bouddhistes, de la Mongolie ancienne, seules les yourtes ou « Ger » et la
tente « Maikhan », sont restées. Le peuple et ses dirigeants nomades ont très peu influencé
l’urbanisation dans l’empire mongol.
1.2.2. L’armée et les villes grecques.
Sparte et Athènes ayant tour à tour eu la prépondérance en Grèce, l’organisation de leurs armées
a nécessairement servi de modèle à celles des autres républiques grecques. A Sparte, tous les
citoyens devaient le service entre vingt et soixante ans ; mais ils étaient classés d’après leur âge,
et on ne les appelait que successivement, suivant la nécessité de la conjoncture. Ainsi les
hommes de vingt à trente-cinq ans avaient seuls servi à Leuctres, mais après la bataille on appela
ceux de trente-cinq à quarante ans. Cette armée était divisée en plusieurs corps, qui se
subdivisaient eux-mêmes en plusieurs compagnies : ces cadres ne représentaient pas toutefois un
nombre fixe de soldats, et les corps aussi bien que leurs subdivisions pouvaient être plus ou
moins nombreuses suivant les circonstances13
.
13
René Ménard, La vie privée des Anciens, Tome IV : les institutions de l’Antiquité, Édit veuve A. Morel, Paris,
1880-1883.
Première Partie Chapitre Premier
19
Les cités grecques utilisent les citoyens pour former leur armée. La discipline stricte de ces
citoyens-soldats, ou hoplites, leur permet de remporter de grandes victoires, comme celles de
Marathon et de Platées pendant les guerres médiques, au Ve siècle av. J.-C. Au milieu du
VIe siècle av. J.-C., les Spartiates — peuple guerrier par excellence — inventent la phalange,
La structure de la Cité-État, caractérise la Grèce antique. La cité attique a pu expérimenter la
démocratie directe, c’est-à-dire la forme de démocratie la plus élémentaire et la plus simple à
conceptualiser. Il fallait pour cela une unité de lieu — ce qui limite la taille du territoire
couvert — et une population point trop importante (sur une population de 350 000 habitants,
seuls 40 000 hommes sont citoyens). Les grecs sont parmi les premiers à créer la ville militaire :
Sparte où tous les citoyens sont des militaires dévoués à vie à leur cité (entre vingt et soixante
ans, tous les Spartiates étaient obligés de servir comme hoplite (fantassins)). Sparte fut, en effet,
la rivale permanente d'Athènes et incarnait dans le monde grec un idéal politique opposé à la
démocratie athénienne : une société guerrière et aristocratique exaltant la force masculine et une
morale d'austérité. Elle incarnait aussi la puissance terrienne, et s'opposait à l'impérialisme
maritime d'Athènes. Toutes fois la cité militaire ne s’est pas étendue à tout l’empire grec mais
s’est catonnée à la Grèce antique à l’inverse de la ville militaire romaine14
.
À l’exception de Sparte, qui n’en eut que très tard (195 av. J.-C.), affichant que ses citoyens
lui en tenaient lieu, toutes les cités grecques eurent leurs remparts, plus ou moins développés
suivant leurs ressources : c’est souvent seulement par quelques segments de leurs modestes
murailles que les plus humbles, dont le nom même s’est perdu, se signalent encore dans le
paysage. À ces petites enceintes rustiques en pierre locale, souvent d’appareil négligé,
s’opposent les remparts en appareil à bossage des grandes cités, dont le tracé excède souvent
de beaucoup la zone urbaine pour épouser des lignes de terrain favorables, englobant un point
d’eau ou une aire de refuge pour la population rurale.
Syracuse, avec un périmètre fortifié de 27 kilomètres et 1 500 hectares de terrain non
urbanisé, et Athènes, avec les « Longs Murs » qui la relient au Pirée, fortifié même du côté de
la mer, sont à ce point de vue des cas limites. L’essor des engins balistiques amena d’une part
un renforcement de l’épaisseur des courtines15
(en moyenne de 3-4 mètres, avec, entre les
deux parements appareillés, un remplissage de moellons noyés dans un ciment très dur) et
14
« Histoire des villes », in Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. 15
Courtine : nf, partie d’un rempart située entre deux tours ou de bastions, Microsoft® Encarta® 2008.
Première Partie Chapitre Premier
20
d’autre part un développement des tours, aménagées en plates-formes de tir pourvues de
larges baies pour balistes et catapultes, ou de minces meurtrières pour les archers et les
oxybèles (lance-flèches).
Les murailles les plus anciennes, par exemples celles de Tirynthe se composaient de quartiers
à peine dégrossis, des pierres de petite dimension remplissaient les interstices que les grands
blocs avaient laissés entre eux.
On vit ensuite des pierres polygonales assemblées avec un grand soin, et parfaitement reliées
entre elles, quoique sans ciment ; mais elles étaient toujours de forme et de grandeur irrégulièr
es, quoique taillées avec une certaine précision. Les murailles de Mycènes, de Platée et de Ch
éronée nous montrent la forme la plus perfectionnée de l'appareil pélasgique. Lespierres com
mencent à prendre la forme quadrangulaire16
.
Les portes qui donnaient accès à travers ces murailles ne sont pas toutes de la même forme.Q
uelquefois elles sont ogivales comme on le voit dans la galerie de Tirynthe ou dans l’acropole
L'Arpinum, en Italie, et alors elles sont bâties en encorbellement. Dans d'autres cas, elles ont
la forme d'une pyramide tronquée, comme dans la porte de Norba, ou dans celle du
trésor des Atrides à Mycènes .L’articulation des portes, souvent avec avant-cour et tours de
flanquement, donne lieu à des dispositifs complexes où la volonté monumentale se combine
aux soucis défensifs (portes à reliefs sculptés de Thasos, porte d’Arcadie à Messène, Grande
Porte de Sidé).
Tandis qu’un espace libre d’au moins 5 mètres est laissé en arrière du rempart pour permettre
les déplacements rapides d’hommes et de matériel, certaines enceintes présentent en plaine
des terrassements avancés destinés à ralentir l’approche de l’ennemi : un fossé plus ou moins
large et profond est surplombé par une levée de terre courant au pied du rempart.
Outre le réduit défensif que constituent les remparts de la ville, les cités grecques ont très
souvent implanté des tours ou des fortins sur les confins de leur territoire : simples tours de
guet, comme dans les îles, pour prévenir les incursions des pirates ; forts gardés par une petite
garnison permanente et munis d’une enceinte de refuge pour la population rurale d’alentour.
Elles étaient parfois même de véritables places fortes (Phylè et Rhamnonte aux frontières de
l’Attique, et plus encore Eleuthère et Aegosthènes aux confins de la Béotie), qui, avec leur
16
René Ménard, La vie privée des Anciens, Tome III : le travail dans l’Antiquité, Édit veuve A. Morel, Paris, 1880-
1883.
Première Partie Chapitre Premier
21
garnison nombreuse et leur vaste périmètre, constituaient autant de points de fixation que des
envahisseurs éventuels ne pouvaient se permettre de laisser incontrôlés sur leurs arrières.
Toutes ces fortifications, qui sont la griffe de l’histoire sur le paysage grec, festonnant les
collines de leurs lignes austères, n’ont pas seulement une valeur fonctionnelle et
documentaire : le sens de la pierre qu’avaient les Grecs s’y manifeste autant que dans
l’architecture religieuse, quoique différemment17
.
L'art grec frappe l'imagination autant que la raison. L'emplacement d'une ville ou d'un tem-
ple semble choisi pour faire une décoration. Le plus souvent, c’est sur une éminence naturelle
que l’édifice déploie toute sa splendeur ; la nature et son environnement semblent faire partie
de son architecture. Athènes, Agrigente, Syracus, présentent l’exemple type d’intégration au
site. C’est la nécessité de défense qui a fait choisir l’emplacement, mais c’est le sentiment de
l’architecte qui a su opérer ce mariage18
.
L’art d’animer les parements par stries, bossages et piquetages, de souligner les angles par des
feuillures, de rythmer courtines et tours par des assises de hauteur ou de pierre différente ou
par de discrètes moulures donne à ces ouvrages une qualité esthétique dépouillée à laquelle
l’époque contemporaine est plus sensible que le XIXe siècle, qui parlait encore le langage des
ordres d’architecture religieuse19
.
1.2.3. L’armée de Macédoine.
Au IVe siècle av. J.-C., Philippe II de Macédoine établit une vaste armée permanente, dans
laquelle les phalanges sont complétées par des forces de cavalerie, et utilisent la longue pique.
Son fils, Alexandre le Grand, vainqueur de l'Empire perse, organise le premier système
d'approvisionnement militaire et met en place l'infanterie légère, qui fait le lien entre la phalange
et la cavalerie. L'utilisation d'archers, de catapultes légères, de toutes les pièces nécessaires à un
siège, l'émission de fumée et de signaux sonores à des fins tactiques, l'établissement d'un service
de soins sont autant d'améliorations apportées au système et à l'organisation militaires.
17
Bernard Holtzmann, « Architecture militaire, Grèce antique », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10,
France S.A-2004. 18
René Ménard, La vie privée des Anciens, Tome IV : les institutions de l’Antiquité, Édit veuve A. Morel, Paris,
1880-1883. 19
Pierre Vidal-Naquet, « LA GRECE ANTIQUE, Civilisation-la cité grecque », in Encyclopædia Universalis,
version 09 France S.A.-2003, CD.
Première Partie Chapitre Premier
22
L’armée de macédoine fut une armée de conquête et non de colonisation et ne nous intéresse que
par l’introduction, dans son organisation, du service d’intendance et du système de santé attaché
à l’armée. Dans ses constructions défensives elle tire ses connaissances et applications de la
Grèce. Toute fois c’est en Macédoine que l’on voit apparaitre la voûte. Elle servit notamment à
couvrir les tombeaux beaucoup plus grands que ceux des grecs. Le mode d’urbanisation de ces
derniers fut élargi à tout l’empire de l’Est grâce aux conquêtes d’Alexandre le Grand.
Ainsi la Macédoine contribua non pas à l’évolution de cette forme d’urbanisation mais à son
expansion sur des territoires plus vastes à la mesure des conquêtes réalisées.
1.2.4. L’armée Romaine.
Le génie du général carthaginois Hannibal permet à ses armées de traverser les Alpes, de la
Gaule vers la péninsule italique ; pendant la deuxième guerre punique, la marche sur Rome
rassemblant trente mille hommes, chevaux et éléphants, se solde par la défaite des Romains, à la
bataille de Cannes, en 216 av. J.-C20
.
Face à la stratégie offensive d’Hannibal, Rome oppose une armée calquée sur celle des cités
grecques : tous les citoyens de 17 à 46 ans doivent porter les armes (juniores). L'armée romaine
a atteint un point de perfection exceptionnel : peu d'États, dans le passé de l'humanité, peuvent se
vanter d'avoir disposé d'un instrument aussi efficace et aussi redoutable. Cet organe acquit assez
d'importance pour jouer un rôle essentiel dans l'histoire de l'Empire, et son influence se
manifesta également dans la vie matérielle et dans la vie spirituelle.
Nous nous intéresserons spécialement à cette dernière armée car elle fut la première à se
constituer en une armée de métier, à se doter de médecins militaires rattachés aux centurions, à
établir des campements et des casernements selon ses besoins mais aussi à s’établir en armée de
colonisation. La période romaine se subdivise en trois : la période royale qui s’étend de 753 av.
JC jusqu’à l’an 510 av. J-C, la période républicaine de 510av. J-C à l’an 27 av. J-C et l’impériale
de l’investiture de l’empereur Auguste à la chute de Rome en l’an 476. C’est durant cette
dernière période que fut remaniée l’armée et que la colonisation romaine connut son apogée21
.
C’est donc à la Rome impériale que nous nous intéresserons.
20
« Armée », in Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. 21
Raymond Bloch, « Rome et Empire Romain, les origines », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France
S.A-2004.
Première Partie Chapitre Premier
23
1.2.4.1. L’organisation de l’armée impériale romaine.
L'armée romaine a atteint un point de perfection exceptionnel : peu d'États, dans le passé de
l'humanité, peuvent se vanter d'avoir disposé d'un instrument aussi efficace et aussi redoutable.
Cet organe acquit assez d'importance pour jouer un rôle essentiel dans l'histoire de l'Empire, et
son influence se manifesta également dans la vie matérielle notamment dans l’organisation des
villes et des frontières ainsi que dans la vie spirituelle22
.
En 107 av. J.-C., le général Marius réforma profondément l'armée : tous y furent admis sans
distinction de classe pour répondre à la crise du recrutement consécutive à l'appauvrissement
généralisé des petits propriétaires latins et à l'extension de l'espace romain. Marius permit ainsi
aux prolétaires (les Romains non propriétaires) et même à certains pérégrins (étrangers) d'Italie
d'entrer dans la légion : l'engagement y étant de vingt ans, la légion se professionnalisa. C’est la
naissance de l’armée de métier.
L'armée impériale romaine fut la première grande armée de métier. Le nombre d'hommes que
l'armée Romaine entretenait était d'environ 330 000 hommes (165 000 légionnaires et 165 000
auxiliaires)23
.
1.2.4.1.1. La hiérarchie de l'armée impériale romaine.
L’armée impériale étant organisée, elle se trouve donc hiérarchisée selon les fonctions et
attributs de chacun de ses membres.
L'Empereur est le général en chef qui a sous ses ordres toutes les forces militaires composant
l'armée.
Les préfets de camps administrent les camps fixes installés sur les frontières. Chaque préfet a
donc plusieurs légions à administrer, et il commande les réserves qui demeurent au camp
pendant les combats.
Les officiers d'état-major sont les légats (général d'armée) et il y a 1 légat par légion, certains
étaient membres de la classe sénatoriale.
Pour chaque légion il y a 6 tribuns militaires (titre honorifique sous l'Empire) qui sont des
officiers supérieurs choisis par l'Empereur et 59 centurions.
Chaque centurion (officier subalterne) avait pour adjoint 1 optione (sous-officier) et un
groupe de sous-officiers (le porte-enseigne ou signifer, l'instructeur ou campidoctor, le
22
Paul Petit, Yann Le Bohec, « Rome et Empire Romain, Le Haut-Empire », in Encyclopædia Universalis, DVD
EUV10, France S.A-2004. 23
« Armées Romaines », in Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.
Première Partie Chapitre Premier
24
préposé aux subsistances ou pecuarius), l'architecte, le médecin militaire, un tesserarius
qui chaque nuit recevra le mot de passe inscrit sur une tablette (tessera), le chef de musique
et ses musiciens, des sonneurs de cor ou de trompette qui annonceront les exercices, les tours
de gardes, le réveil et l'extinction des feux.
Dans chaque cohorte, le 1er centurion, ou pilus prior, commande sa centurie et l'ensemble de
la cohorte. L'insigne des centurions est le cep de vigne. De la même manière, toute unité
auxiliaire a un chef, des centurions (dans l'infanterie) ou des décurions (dans la cavalerie)24
.
1.2.4.1.2. La légion impériale.
Les légions sont au nombre, durant le siège d’Alésia, de 12 légions, 28 sous l'Empereur Auguste
et jusqu'à 33 sous le règne de Sévère. Une légion varie de 5000 hommes à 6000 hommes répartis
dans 10 cohortes (1 cohorte = environ 600 hommes) de 6 centuries chacune (1 centurie = environ
100 hommes). Chaque homme appartient à une centurie.
Deux centuries forment une manipule, reconnaissable pendant le combat à son étendard et 6
centuries constituent une cohorte. Les cohortes sont numérotées de I à X (la 1ere étant la plus
prestigieuse). A chaque légion est attaché un corps de cavalerie d'environ 120 hommes (jusqu’à
300). Le corps d'élite est la légion.
Elle se voit adjoindre des troupes légères et mobiles recrutées dans les Provinces (les auxiliaires),
et des troupes recrutées à la frontière de l'Empire et qui conservent leurs armements et leurs
usages de combats (les numéri). Les soldats s'engagent dans la légion pour une durée de 20 ans
pour les légionnaires ou de 25 ans pour les auxiliaires. Le recrutement des légions se fait surtout
parmi les provinciaux qui, depuis Auguste, y trouvent toute une série d'avantages : solde
importante augmentée de primes diverses, une retraite et pour les soldats des auxiliaires le droit
de cité en fin de service25
.
1.2.4.1.3. Les cohortes prétoriennes.
Elles dérivent de la garde d'honneur du général et deviennent la garde personnelle de l'Empereur.
Corps d'élite formé en principe d'italiens éprouvés, les cohortes prétoriennes prendront souvent
une importance considérable dans la proclamation des Empereurs. Les effectifs varieront de
5000 soldats à 10 000 soldats qui sont répartis au sein de 10 cohortes prétoriennes. Chaque
cohorte est divisée en 10 centuries d'infanteries flanquées chacune d'une turme de cavalerie.
24
. www.unrv.com/empire.php. 25
Henri de Nanteuil, « Infanterie », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004.
www.fr.wikipedia.org/wiki/Légion_ romaine
Première Partie Chapitre Premier
25
L'encadrement est effectué par 2 préfets du prétoire, des tribuns, et des centurions assistés
d'optiones. La solde du soldat est élevée et le service n'est que de 16 ans26
.
1.2.4.1.4. Les cohortes urbaines.
Ceux sont des milices de citoyens romains pour veiller à la garde de la cité. Leur nombre est de 4
à Rome (6000 hommes), une à Lyon et une à Carthage. L'encadrement est effectué par 1 préfet
de la ville, et de 4 ou 6 tribuns. La solde du soldat est moins importante que celle des soldats des
cohortes prétoriennes et le service est de 20 ans. Les miliciens des cohortes urbaines sont
considérés comme inférieurs aux prétoriens mais supérieurs aux légionnaires27
.
1.2.4.1.5. Les cohortes de vigiles.
Ceux sont des milices composées d'esclaves puis d'affranchis pour lutter contre les incendies.
Pour faciliter le recrutement, le droit de cité est accordé aux vigiles après 6 ans de service (plus
tard 3 ans seulement). L'effectif des cohortes de vigiles est de 7000 hommes. Le nombre des
cohortes de vigiles est de 7 à Rome qui est divisée en 14 régions (chaque cohorte de vigiles
surveille 2 régions). Chaque cohorte est divisée en 7 centuries. L'encadrement est effectué par 1
préfet des vigiles, et de tribuns.
Chaque centurie comprend plusieurs sections spécialisées comme l'alimentation en eau, la
manœuvre des pompes, l'extinction des incendies au moyen de couvertures imbibées de vinaigre,
la manœuvre de matelas destinés à amortir la chute des sinistrés, ou la protection des prisons, des
magasins et des thermes28,
.
1.2.4.1.6. La cavalerie.
Au début de l'Empire, la cavalerie fut organisée en régiments ou alae de 500 hommes. Puis,
comme dans l'infanterie, des unités de 1000 hommes furent créées à la fin du 1er siècle après
J.C. Ces alae étaient divisées en turmae de 30 à 40 hommes. Chaque turma était commandée par
un décurion. Les alae étaient commandées par des préfets. La cavalerie n'était pas le fort de
l'armée romaine. Elle fut souvent battue par des ennemis possédant une meilleure force montée.
26
Joël Schmidt, « Prétoriens », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004. 27
Paul Petit, Yann Le Bohec, « Rome et Empire Romain, Le Haut-Empire », in Encyclopædia Universalis, DVD
EUV10, France S.A-2004. 28
Paul Petit, Yann Le Bohec, « Rome et Empire Romain, Le Haut-Empire », in Encyclopædia Universalis, DVD
EUV10, France S.A-2004.
www.fr.wikipedia.org/wiki/Légion_ romaine
Première Partie Chapitre Premier
26
Les Romains n'étaient pas bons cavaliers, leur cavalerie fut donc surtout composée d'alliés. La
cavalerie romaine se compose de 4 corps différents : les cohortes mixtes (1/4 de cavaliers pour
3/4 de fantassins, combattants mêlés), la cavalerie légionnaire (120 à 300 citoyens par légion), la
cavalerie des ailes (engagés volontaires citoyens et provinciaux), et les corps indigènes (unités
qui ne sont pas permanentes)29
.
1.2.4.1.7. La marine.
Le modèle du navire de guerre était la galère, un bateau à rames. Les premiers navires romains
furent des quinquirèmes (galères à 5 rangs de rames) inspirées des navires carthaginois. Une
flotte permanente est créée sous AUGUSTE qui sert à la police navale, à la protection des
convois de ravitaillements, et au convoyage des hommes et des matériels lors des expéditions
orientales, mais jamais ces flottes n'auront à livrer de batailles rangées.
Cette marine romaine comprend 8 escadres (Misène et Ravenne en Italie, Fréjus en Gaule,
Bretagne, Libye, Alexandrie, Syrie et Pont) et 3 flottilles (Rhin, Lac de Constance et Danube).
Les navires sont des vaisseaux longs (2, 3, 4, 5 ou 6 rangs de rameurs avec éperon), des navires
de transports (environ 100 hommes par bateau) et des avisos (petits navires de guerre chargés de
porter des paquets, des ordres, ou des avis).
Les Romains se sentant plus vulnérables en mer, mirent au point un dispositif pour rapprocher le
combat naval du combat de terre : le corvus, une passerelle d'abordage articulée, fixée à la proue
du bateau. Sur chaque navire, il y a un capitaine, un pilote, des décurions et des soldats. Les
rameurs sont des esclaves. On compte 300 rameurs et 120 soldats sur un bateau. Les romains
savaient construire des navires exceptionnels par leur volume, leurs qualités lors des manœuvres,
et leur armement. Les vaisseaux de guerre romains ont été les plus gros que l'Antiquité ait
connus, mais aussi les plus solides. Les navires de guerre romains étaient bien armés : un éperon
en bronze, installé sous l'étrave, permettait de détruire tout navire ennemi qui était heurté de
flanc. Sur le pont, étaient disposées des pièces d'artillerie qui projetaient des flèches ou des
pierres.
Les Romains faisaient aussi usage de projectiles inflammables. Des tours permettaient de
dominer l'ennemi au moment de l'abordage. Chaque navire recevait, en plus de son équipage, des
troupes qui pouvaient intervenir depuis le pont du navire, et qui servaient de forces de
débarquement. La flotte de guerre aura un rôle essentiel au IIIème siècle, en garantissant la
sécurité des mers, face à la recrudescence de la piraterie, et en assurant rapidement les transports
29
Paul Devautour, « Cavalerie », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004.
Première Partie Chapitre Premier
27
de troupes qui deviennent vitaux pour l'Empire. Les soldats s'engagent pour 26 ans au bout
desquels les non-citoyens reçoivent le droit de cité. Le recrutement s'effectue essentiellement
parmi les provinciaux.
Le commandement de chaque escadre revient à un praefecti (amiral) qui est souvent un
chevalier, mais il peut être aussi un affranchi. Les officiers de marine sont peu considérés. Un
commandant d'un bateau de la marine, le triérarque, est assimilé au centurion de l'armée de terre.
Tout au long du principat se mit en place un réseau de ports destinés à abriter les diverses flottes
et leurs détachements ; le dispositif adopté privilégiait l'Italie. Les deux principales escadres,
appelées « prétoriennes » à partir de l'époque des Flaviens, étaient basées l'une à Misène (pour la
Méditerranée occidentale) et l'autre à Ravenne (pour l'Orient). Et les provinces n'étaient pas
négligées : on vit se constituer les flottes de Bretagne (mer du Nord), de Germanie (Rhin), de
Pannonie et de Mésie (Danube), du Pont (mer Noire), de Syrie et d'Alexandrie. Au total,
l'Empire employait quelque quarante mille marins30
.
Ces militaires avaient pour première fonction, bien entendu, de faire la guerre. Pourtant, leur
importance dans l'Empire dépasse largement cet aspect, et ils jouaient un grand rôle dans deux
domaines majeurs, tout d'abord la vie matérielle. La présence de l'armée garantissait un
minimum de sécurité, la fameuse « paix romaine », conjoncture toujours favorable au
développement de l'économie. En outre, les opérations de surveillance menées au-delà du
« limes », souvent improprement appelées de nos jours « explorations », ouvraient de nouvelles
voies aux commerçants romains. Enfin, les routes tracées par les légions, les ponts qu'elles
construisaient étaient également utilisés par les civils31
.
1.2.4.1.8. L'armée des frontières.
Forte de deux cent cinquante à trois cent mille combattants, elle supportait le poids de la guerre.
Elle était constituée pour moitié, approximativement, par une trentaine de légions. Chacune de
ces unités d'infanterie d'élite comptait environ cinq mille hommes organisés en dix cohortes de
six centuries, sauf la première cohorte qui ne comptait que cinq centuries, mais était à effectifs
30
Claude Lepelley, « L’Histoire de la Méditerranée », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-
2004. 31
Michel Mollat Du Jourdin, « L’Histoire de la navigation », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France
S.A-2004.
Première Partie Chapitre Premier
28
doubles. C'est sur ces soldats que reposait la défense de l'Empire, et aussi ses capacités
offensives. Ils en représentaient la principale force de choc32, 33
.
1.2.4.2. Le service et rôle de l’armée.
L'armée impériale devenue permanente connait des périodes d'inactivités. On les met à profit
pour instruire les soldats et leur faire accomplir manœuvres militaires et exercices : marches,
abattages d'arbres et creusement de fossés, sports et maniement d'armes. En outre, les soldats
sont employés à des travaux aux frontières (fortifications et à « l’exploration ») et à la
construction de routes et de ponts utilisés par les civils.
Parfois, ils travaillent sur les chantiers publics et aident à élever aqueducs ou amphithéâtres. De
la sorte s'était créée tout autour de l'Empire une zone d'économie monétaire, chaque camp
représentant un marché, chaque homme étant un consommateur. Cette bande étroite se gonflait
de civils : la sécurité et l'argent liquide attiraient des paysans, des artisans, des commerçants... et
tout ce qu'il faut pour le repos du soldat.
Ainsi, auprès de chaque forteresse se créait une agglomération, simple village (canabae) ou vraie
ville ; c'est ainsi qu'est née par exemple Strasbourg. Le recrutement provoquait, surtout au 1er
siècle, des migrations accentuées par la suite par les mouvements des civils qui se dirigeaient
vers cette région de prospérité. La présence de l'armée provoquait donc en outre un phénomène
d'urbanisation34
.
La zone dynamique ainsi créée présentait un autre aspect non moins important : sa
romanisation : les soldats diffusaient la culture autour d'eux.
Le latin demeurait la seule langue de commandement possible, pour tous, même pour les soldats
des numeri ethniques, car c’était la langue des vainqueurs. L'armée fonctionnait comme une
machine à diffuser la citoyenneté : ceux qui ne la possédaient pas, les pérégrins, la recevaient
avant d'entrer dans les légions quand, en cas de besoin, on les y appelait ; ou bien alors elle leur
était octroyée vers la fin de leur temps de service quand ils avaient été enrôlés dans des unités
auxiliaires ou dans la marine, et ce bienfait s'étendait le plus souvent à la femme et aux enfants
du militaire. Le droit fait d'ailleurs partie des éléments qui constituent les mentalités collectives
32
Noureddine Harrazi, « Afrique romaine », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004. 33
Paul Devautour, « Typologie historique de l’ARMEE », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-
2004. 34
Christian J Guyonvarc’h, « Religion gallo romaine », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-
2004.
Première Partie Chapitre Premier
29
des soldats .Il se souciait des familles des militaires, de leur carrière, des officiers et de
l'empereur, et des loisirs.
Cette romanisation se retrouve dans le domaine religieux : les soldats ne privilégiaient en aucune
manière les dieux indigènes ou les divinités orientales. Comme le montrent les inscriptions et les
papyrus (« calendrier de Dura-Europos »), le panthéon honoré venait d'Italie dans une large
mesure. Ils s'attachaient d'abord, bien entendu, aux dieux militaires, Mars, Janus, les Enseignes,
la Victoire..., puis à la Triade capitoline protectrice de Rome, surtout à Jupiter. Ils se montraient
plus réservés à l'égard du culte impérial, comme faisaient d'ailleurs en général les citoyens
romains et les Italiens. Ils ne pratiquaient qu'avec parcimonie les cultes locaux ou orientaux.
Seuls les combattants des numeri, restés profondément attachés à leurs patries d'origine, faisaient
exception et se montraient plus respectueux de leurs propres traditions, plus réservés à l'égard de
la religion romaine, sauf en ce qui concerne les cérémonies officielles. Ajoutons que,
contrairement à ce qu'ont affirmé certains Pères de l'Église, en particulier Tertullien, les camps
n'étaient pas peuplés de chrétiens, surtout en Occident, mais bien plutôt de persécuteurs. En
conclusion, on voit que les soldats se faisaient les zélateurs de la tradition sous ses deux aspects,
religion et romanisation ; dans ce domaine, ils se conduisaient en conservateurs35
.
L'armée n'assurait pas seulement la défense de l'Empire. Elle y jouait aussi un rôle important
dans les principaux domaines de la vie des hommes : l'économie, la démographie, la culture, la
religion36
. Elle joua aussi un rôle très important dans l’architecture essentiellement basée à ses
débuts, sur les moyens techniques : les romains furent les premiers à développer et à généraliser
l’usage des matériaux rouges (briques et tuiles) et du ciment résistant à l’eau. Ils excellèrent dans
l’art de l’appareillage de blocs (naturels ou non) et du parement.
Mais c’est surtout la voûte (en remplacement de la charpente de bois combustible) qui
révolutionna les systèmes structurels et qui fit reculer le système grec (entablement et colonnes).
Ce sont les grands chefs militaires qi mirent de l’ordre dans l’urbanisme des villes. Vitruve était
lui-même officier du génie sous Auguste.
35
Noureddine Harrazi, op.cit. 36
Paul Petit, Yann Le Bohec, « Rome et Empire romain-le haut empire », in Encyclopædia Universalis, France S.A-
2004, CD.
Première Partie Chapitre Premier
30
La fin de l'Empire fut marquée par l'entrée de plus en plus massive des provinciaux dans la
légion : sous Auguste, plus des deux tiers des légionnaires étaient originaires d'Italie ; à la fin du
IIe siècle de notre ère, ils n'étaient plus que 9 p. 100. Durant près de huit siècles, l'armée romaine
constituée autour de la légion fut l'atout décisif de l'impérialisme romain.
2. Les armées et villes médiévales.
La chute de Rome au Ve siècle, suivie par l'invasion des peuples d'Europe du Nord, jette les
bases sur lesquelles se développe le système féodal. L’apparition de ce dernier marque la
disparition, pour plusieurs siècles, des grandes armées permanentes d'Europe.
Elles marquent la fin de la seconde période de l’histoire des armées. C’est de cette période que
reste la grande partie d’ouvrages militaires de défense. Le développement des villes durant cette
époque était étroitement lié aux systèmes de défense militaire.
2.1. Les armées et les villes du Moyen Âge en Europe.
Le système féodal repose sur le principe de défense locale : chaque seigneur ou propriétaire
dispose librement de ses propres forces, recrutées parmi ses vassaux (l’ost médiéval). En
contrepartie, chaque seigneur, ainsi que ses sujets, doit un service annuel au monarque, lequel
peut convoquer le ban de l’ost dans certaines circonstances, tels que la défense de la chrétienté
qui donne lieu aux croisades. Ainsi, des armées royales commencent à se constituer. Les
croisades révèlent le besoin fondamental d'organisation et de discipline pour la lutte contre un
ennemi commun ; il en résulte la constitution de forces importantes de fantassins.
Malgré le changement de la nature de la guerre, causé par l'apparition de la poudre à canon,
l'usage des arbalètes et d'autres armes nouvelles, c'est l'ambition du chevalier, le poussant à
s'engager individuellement dans des combats d'épée, qui diminue l'utilisation effective de l'armée
comme force unifiée37
.
Durant cette période nous assistons à l’apparition de cités que les historiens appellent les bonnes
villes : places fortes assurant la sécurité des citadins et des habitants du pays environnant, elles
doivent au souverain, en contrepartie de privilèges octroyés par ce dernier, le service
militaire comme elles le prouvent efficacement lors de la bataille de Bouvines (1214). Points
d’appui pour les structures monarchiques en plein essor, les bonnes villes — qui, de surcroît,
assurent l’entretien des murailles à partir du XIIIe siècle — sont aussi d’excellents remparts dans
37
Paul Devautour, « Typologie historique de l’ARMEE », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-
2004.
Première Partie Chapitre Premier
31
les régions frontalières, comme c’est le cas des riches cités artésiennes et normandes exposées
aux dangers flamand et anglo-normand.
Profitant de ces avantages indéniables et avec pour objectif de limiter le pouvoir des grands
féodaux, les souverains français favorisent donc, dès le règne de Philippe II Auguste (1180-
1223), le mouvement communal entrepris par les élites urbaines38
.
Au XIVe siècle, lorsque les armes à feu font leur apparition à travers toute l'Europe, des soldats
mercenaires professionnels sont recrutés par le plus offrant. Ces compagnies, dont les effectifs
vont de quelques dizaines à plusieurs milliers d’hommes, sont les précurseurs des armées
professionnelles modernes : la Garde suisse, en service aujourd'hui au Vatican, est le successeur
direct d'une compagnie de mercenaires du XVe siècle.
L’architecture militaire du moyen âge a des caractères beaucoup moins précis que l’architecture
religieuse ou civile.
Les constructions défensives ne comportent que peu d’ornementations ; c’est l’étude
des détails ornés que l’on parvient à déterminer l’âge d’un édifice.
Avant le perfectionnement de l’artillerie (découverte de la poudre), les moyens de
défense ne se sont modifiés que d’une manière assez peu sensible.
Le développement des moyens de défense s’est fait, en général, par additions des
dispositions primitives39
.
Devant cet état de fait les chercheurs, architectes ou anthropologistes se sont heurtés au problème
de datation des édifices et donc de classification. Ils se basent, en général sur la forme des arcs,
les différents appareils, les voûtes, les fenêtres, sur les écrits descriptifs, les différences entre les
constructions primitives et les additions pour faire leur analyse.
L’architecture militaire, du fait de sa solidité et de sa durée dans le temps est restée plus massive
et plus sévère que l’architecture religieuse ou civile.40
La « cité idéale » ne peut devenir réalité concrète que dans des conditions bien particulières : par
exemple, dans les installations militaires, les villes forteresses dont Vauban est le grand artisan.
38
« Bonnes villes », in Microsoft® Études 2008 [DVD]. Microsoft corporation, 2007 39
Bernard Holtzmann, « Architecture militaire, Grèce antique », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10,
France S.A-2004. 40
MM Mérimée et A Lenoir, Instructions du comité historique des arts et monuments ; architecture militaire, Édit
Imprimerie Impériale, Paris, 1837-1849.
Première Partie Chapitre Premier
32
Enfermée à l'intérieur de ses murailles, la ville moyenâgeuse a cherché à minimiser les espaces
inutilisés : les rues sont étroites, les ponts encombrés d'échoppes, et les places de taille réduite ; à
Paris, de nombreuses rues ne dépassent pas 1 à 2 mètres de largeur. Les conditions de circulation
y sont difficiles et la sécurité toute relative.
La croissance urbaine conduit la ville à sortir de ses murailles et entraîne l'apparition des
faubourgs. Très différents des banlieues du XIXe siècle, les faubourgs forment des bourgs situés
à l'extérieur des remparts, le plus souvent autour d'une abbaye ou d'un lieu de pèlerinage. Les
caractéristiques des rues médiévales sont toutefois variées : tortueuses et étroites dans les villes
anciennes, elles sont larges et droites dans les villes nouvellement construites. La ville
médiévale, si elle est caractérisée par ses remparts, voit apparaître pour la première fois un
édifice alors inconnu : la cathédrale, symbole glorieux de la puissance économique et religieuse
de la cité41
.
Fig.1 : Enceintes fortifiées de trois villes de Gaulles du IIIe et IVe siècle : Perrégaux, Senlis et
Tours ; comprenant châteaux, cathédrale et parfois amphithéâtre.
Source : Léonardo BENEVOLO42
,
L’intérêt pour l’hygiène n’étant pas encore développé, les égouts n’existent pas ; on jette les
déchets ménagers et sanitaires dans la rue. Ces détritus dégagent une odeur pestilentielle, mais ils
alimentent les animaux domestiques, dont le porc. Ces conditions créent un véritable foyer de
41
Léonardo Benevolo, « Ville (urbanisme et architecture).La ville Nouvelle », in Encyclopædia Universalis, France
S.A- 2004, CD 42
Léonardo Benevolo, Histoire de la ville, Édit Parenthèses, Marseille, 1983.
Première Partie Chapitre Premier
33
maladies, qui se développent à vive allure. Ainsi meurt-on beaucoup plus à la ville qu’à la
campagne. Cette originalité démographique explique pourquoi les villes ne doivent leur maintien
et leur croissance qu’à l’apport continu de populations en provenance des campagnes voisines.
De ce point de vue, les villes écoulent le trop-plein démographique des campagnes.
La morphologie de la ville va se transformer sous l'influence des ingénieurs militaires, et les
villes nouvelles, bâties pour leur intérêt stratégique, se situent le plus souvent dans les plaines et
possèdent des rues larges, parfois de forme radioconcentrique autour de la place d'armes. Il est
important de pouvoir y faire circuler aisément les troupes et les pièces d'artillerie. Les
perspectives monumentales, destinées à mettre en scène le pouvoir politique, président de plus en
plus à l'organisation de la ville43
.
La ville européenne n’était aussi que le fait du prince, elle se construisait à l’intérieur des
remparts autour ou à côté du château. Du fait qu’elle devait se défendre et défendre les citoyens
qui y vivaient, les villes médiévales se revêtaient d’un caractère militaire. Les maisons étaient
soudées entre elles et les monuments perdirent leur autonomie pour s’enraciner dans le tissu
urbain. Les villes se développèrent à la façon d’un palimpseste ; elles procédaient en effet d’une
accumulation sédimentaire, se reconstruisant en permanence sur elles-mêmes à la suite des
guerres ou des incendies qui les ravageaient périodiquement.
La ville médiévale, limitée par ses fortifications, progressait selon un modèle concentrique,
ajoutant à la première enceinte, historique, une deuxième enceinte de défense militaire qui
distinguait clairement l’espace ville de l’espace rural44
.
2.2. Les armées royales française et européennes.
L'Espagne est le premier pays européen moderne qui a établi une armée permanente. Au cœur de
cette armée du XVIe siècle se trouvent quatre régiments d'infanterie rassemblant 7 000 hommes
dotés d'armes à feu et de lances. Sous le roi Gustave II Adolphe, la Suède recrute une armée par
conscription pour conduire la guerre de Trente Ans. Le régiment, en tant qu'unité militaire, date
de Charles IX, Henri IV, puis Richelieu, régulariseront cette innovation organique, en y
affermissant la discipline. L'armée se démocratisera quelque peu dans son mode de recrutement.
43
Pierre Chuvin, « Ville (urbanisme et architecture) », in Encyclopædia Universalis, version 10, France S.A- 2004,
CD. 44
« Urbanisme. », in Microsoft® Études 2008 [DVD]. Microsoft Corporation, 2007.
Première Partie Chapitre Premier
34
Destinée à compenser les faiblesses du système féodal de l’ost, l’armée royale est créée par la
« grande ordonnance » de 1445.
C’est durant la guerre de Cent Ans que de Grandes Compagnies sont levées et rémunérées par un
impôt à l’origine extraordinaire, la taille. Progressivement, l’armée royale améliorera son
fonctionnement.
L’affaiblissement des armées privées des princes, du XVe au XVI
e siècle, en fait le seul
instrument de guerre lors des conflits qui opposent François Ier et Henri II à Charles Quint. Elle
est dotée d’une artillerie de plus en plus considérable.
François Ier
tente même d’en améliorer l’unité en créant une « légion » sur le modèle romain.
À partir du XVIIIe siècle, l’armée royale est organisée en régiments de soldats professionnels,
français ou étrangers (suisses, hussards, reîtres et lansquenets), recrutés par les sergents des
différents régiments. Ceux-ci, rattachés au moins par le nom à une province (le Royal-
Champagne, le Royal-Artois), sont confiés à des princes de haut lignage (comme Condé,
Turenne, Saxe) et casernés dans des citadelles fixes en temps de paix. Le roi décide de la guerre
et, jusqu’à Louis XIV au moins, de sa conduite45
.
Sous le roi Louis XIV, l'armée française se dote d'un département d'intendance chargé de
l'approvisionnement et de l'entraînement. En 1678, les effectifs permanents de l'armée française
dépassent 250 000 soldats. L'ingénieur militaire Vauban conçoit un système pour l'attaque des
places fortifiées, améliore les systèmes de défense des fortifications, et crée le premier corps
moderne d'ingénieurs. C’est à Vauban que l’on doit le premier tracé de ville.
45
« Armée », in Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.
Première Partie Chapitre Premier
35
Fig.2 : Le fort de la Rade selon le projet de Vauban à l’île d’Aix.
Source : Site web46
Entre 1667 et 1707, Vauban est l'artisan de l'amélioration des fortifications de nombreuses villes
et ports français, travaux gigantesques permis par la richesse du pays. Il révolutionne aussi bien
la défense des places fortes que leur capture47
. Il systématise les techniques de siège offensives
par l'approche à couvert via un plan complexe de tranchées, et défensives en maximisant la
couverture d'artillerie pour rendre les assauts frontaux plus complexes. Une de ses réalisations
les plus connue est la citadelle de Besançon48
.
Au milieu du XVIIème siècle, L'administration militaire a également accompli des progrès
colossaux comme dans l'approvisionnement en vivres, habillement, équipement et armements
dont la régularité est sans égal.
De fait, la France se sert de la standardisation en devenant la première armée à donner à ses
soldats les uniformes nationaux dans les années 1680 et 1690. Sous le règne de Louis XIV,
Louvois fait de la maison militaire du roi une sorte d'école de formation des futurs cadres,
officiers et sous-officiers. Il rend le port de l'uniforme militaire obligatoire et impose, de manière
administrative, un équipement uniforme de toutes les unités en matière d'armement. Il crée aussi
des milices provinciales. Entre autres innovations importantes, il instaure un système
d'avancement par ordre de tableau, permet que la Croix Saint-Louis soit attribuée au mérite et
46
www.perso.orange.fr/groupejarc/surfer/lesforts4.htm. 47
Jean Delmas, « Fortifications », in Encyclopædia Universalis, version 10, France S.A- 2004, CD. 48
Catherine Brisac, « Vauban (Sébastien de Preste, marquis de) », in Encyclopædia Universalis, version 10, France
S.A- 2004, CD.
Première Partie Chapitre Premier
36
crée l'institution de l'Hôtel des invalides, destiné à accueillir les vieux soldats et les grands
mutilés de guerre.
En Grande-Bretagne, la première armée permanente est mise en place par Cromwell en 1645 ;
elle rassemble 14 000 fantassins, 7 600 cavaliers, ainsi qu'une artillerie lourde. L'utilisation de la
baïonnette à anneau (inventée aux environs de 1689), attachée par des anneaux libres à la gueule
d'un mousquet à platine à silex, permet au duc de Marlborough, de se passer des lanciers et
d'augmenter le nombre de ses mousquetaires. Doté d'une panoplie complète, le fantassin devient
ainsi autonome49
.
Les techniques de la guerre moderne évoluent rapidement au cours du XVIIIe siècle, grâce aux
théories et aux stratagèmes du grand chef de guerre prussien, Frédéric le Grand. Sous ses ordres,
l'armée prussienne devient l'une des forces militaires les plus efficaces et les plus mobiles de
cette époque.
2.3. L’armée et les villes ottomanes.
Nous ne pouvons pas traiter de deux villes qui étaient sous la dominance ottomane (Annaba et
Constantine) sans parler de l’armée et des villes de cette époque. Près de trois siècles de présence
ottomane en Algérie ne furent certainement pas sans impact sur l’espace. L’Algérie dans son
ensemble était régie par les ottomans, c’est donc cette organisation militaire et administrative et
leur impact sur l’espace ottoman en général et algérien en particulier que nous verrons dans ce
qui suit.
L’empire (XIVe siècle-1923) est édifié par une dynastie de Turcs oghouz et qui a perduré
jusqu’au lendemain de la Première Guerre mondiale. C’est vers 1280, qu’Osman hérite de la
charge de son père Ertoğrul. En juillet 1302, il défait les Byzantins et se trouve par cette victoire
à la tête d’un émirat couvrant le nord-ouest de l’Anatolie. Pour avoir créé ce petit émirat, Osman
est reconnu comme le premier membre de la dynastie des Osmanlis (ou Ottomans).
L’événement qui ancre la puissance ottomane est la prise de Constantinople, symbole de la chute
du dernier empire issu de la splendeur romaine en 1453 (29 mai). L’ancienne capitale chrétienne
de l’Empire byzantin devient, en 1458, la capitale musulmane de l’Empire ottoman sous le nom
d’Istanbul — l’usage, cependant, conserve le nom de Constantinople jusqu’en 1923.
L’empire atteint son apogée sous le règne de Soliman le Magnifique. L’Irak vient encore
49
Roland Marx, « Grande Bretagne, Histoire de la Grande Bretagne », in Encyclopædia Universalis, version 10,
France S.A- 2004, CD.
Première Partie Chapitre Premier
37
s’ajouter à l’empire en 1534, tandis que les navires ottomans dominent la Méditerranée et les
États barbaresques d’Afrique du Nord50
.
La puissance de l’État ottoman repose sur l’armée. Les premières forces ottomanes sont
constituées par les cavaliers ghazis (spahis), motivés par leur idéal religieux et par une
rémunération tirée des terres conquises. Mais bien qu’habiles et vaillants, les ghazis ne suffisent
pas à fonder une puissante armée. Ce sont surtout les jeunes chrétiens des territoires passés sous
domination ottomane, enlevés dans leurs foyers et entraînés au métier des armes, qui confèrent
sa puissance à l’armée ottomane.
L’enlèvement est utilisé dès le règne d’Ohrhan Gazi (v. 1324-1362). Son successeur Murat Ier,
véritable fondateur de l’empire, fonde le corps d’élite des janissaires, constitué par ces esclaves,
qui vont bientôt également fournir des fonctionnaires à l’administration. La marine fut l’arme
forte de l’empire, elle domina la mer méditerranée durant des siècles.
Fig.3 :L’empire ottoman en 1683.
Source : Encyclopédie Encarta51
50
M.J.M. Bourget, « l’Algérie jusqu’à la pénétration saharienne », cahiers du centenaire de l’Algérie, Édit
Publication du comité national métropolitain du centenaire de l’Algérie, 1932. 51
« Empire ottoman », in Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.
Première Partie Chapitre Premier
38
Les janissaires commencent à se rebeller sous le règne de Murat III (1574-1595). Les révoltes se
multiplient dans l’empire, le pouvoir du sultan est de plus en plus contesté. À partir de 1622,
lorsque Osman II (1618-1622) est assassiné par les janissaires après sa déposition, l’autorité des
sultans est contestée à la fois par ceux-ci et par les vizirs, qui exercent le pouvoir de fait. En
août 1648, Ibrahim Ier (1640-1648) subit le même sort. C’est sous le règne de son successeur
Mehmet IV (1648-1687) que se termine ce que les historiens ottomans appellent la « période des
catastrophes ». Il ne cesse de décliner jusqu’à sa chute totale en 192352
.
Les grandes réalisations ottomanes sont surtouts des mosquées, palais, tombeaux, bâtiments
municipaux, des fontaines et des ouvrages d’art notamment des aqueducs. La majorité des plus
belles réalisations se situent en Turquie. L’architecte de l’empire fut surement Mimar Sinan
(1489-1578) à qui on attribue plus de trois cents réalisations53
.
Vu l’importance de l’armée les villes ottomanes étaient, à l’image des villes européennes,
entourées de remparts. Implantées sur d’anciennes cités, elles comportaient des citadelles, lieu de
casernement haut placé, qui assuraient la défense à l’intérieur des cités. Les villes militaires
telles que Mila prés de Constantine, étaient des villes de garnison protégeant les campagnes mais
aussi les grandes villes d’éventuelles attaques de l’extérieur. La population ottomane était
essentiellement constituée de militaires ou fonctionnaires.
La religion de l’empire ottoman étant l’islam, les villes sous sa dominance ont gardé l’aspect et
le cachet de villes de l’islam. Tous les éléments du bâti forment une série d’enceintes, où tous les
bâtiments s’ouvrent sur l’intérieur. Les places constituant des enceintes plus grandes, ne se
confondent pas avec les rues étroites (sept pieds de large selon la sunna) et irrégulières. Les
maisons à un étage (un autre précepte du prophète Mohamed qui préconise la discrétion, la
modération et la modestie), les palais et les mosquées constituent l’essentiel des édifices de la
ville. L’hygiène étant aussi un précepte de l’islam, les bains publics y sont nombreux.
A l’exemple des villes romaines, les maisons ont aussi leur citerne de récupération des eaux
pluviales. Si les égouts sont rares dans les villes européennes, durant la même période du VIIe au
52
« Empire ottoman », in Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. 53
Gabriel Hanotaux & Alfred Martineau, Histoire des colonies françaises et de l’expansion de la France dans le
monde, Tome 2, Algérie par Augustin Bernard, Livre Premier, Vue générale de L’Algérie jusqu’au XVIIIème siècle,
Édit Librairie Plon, Paris, Date inconnue.
Première Partie Chapitre Premier
39
XIIe siècle, ils sont présents dans les villes d’islam où la relation avec l’eau et donc avec sa
nature se revêt de l’aspect sacré (eau propre- eau sale).
Les hammams remplacent les thermes romains ; toutes les cités islamiques en comprennent
plusieurs la beauté et le nombre des hammams étaient un sujet d'orgueil pour la cité. Le
programme architectural du hammam comporte les éléments classiques :
l'apodyterium est la salle de déshabillage et de repos, communiquant avec des latrines ; il
est relié par des couloirs en chicane, plus ou moins étroits, à la partie centrale du bain qui
comprend trois salles dont la disposition et les dimensions varieront au cours des siècles ;
le frigidarium est une salle de transition non chauffée dans laquelle on se déshabille en
hiver ; ce n'est plus, comme dans l'Antiquité, la pièce principale réservée aux exercices
physiques ; la piscine et la palestre ont disparu. Il y a deux pièces chauffées, l'une tiède,
le tepidarium, l'autre chaude, le caldarium, qui sera pourvue d'exèdres utilisées pour les
soins donnés au baigneur par le personnel. Les dimensions des deux dernières pièces
dénotent une évolution des habitudes. Si la salle de déshabillage est couverte d'une
coupole surmontée d'un lanternon et reposant sur un tambour percé de fenêtres, la partie
centrale n'a aucun orifice de ventilation : la chaleur est conservée par des murs fort épais
sur lesquels reposent des voûtes ou des coupoles incrustées de culs-de-bouteille disposés
suivant un motif géométrique et permettant l'éclairage.
en annexe, une chaufferie et un dépôt de combustible. Le chauffage se fait, jusqu'au
XIIe siècle, par un circuit de distribution d'eau chaude dont les ramifications en tuyaux de
poterie encastrés sont placées dans le sol (hypocaustes) et dans les murs ; ce système sera
abandonné ensuite et remplacé par des conduites de cheminée, ce qui amènera à disposer
les pièces centrales suivant l'axe du conduit de fumée partant du foyer54,
.
La ville ottomane compacte est enfermée dans un ou plusieurs murs d’enceinte, la partageant
ainsi en différents espaces dont le plus intérieur est la médina. Le prince réside dans une zone
périphérique proche de la citadelle, protégée des émeutes éventuelles.
La porte d’entrée est souvent un édifice monumental compliqué : composé d’une porte
extérieure, d’une ou plusieurs cours intermédiaires et d’une porte intérieure. Il fonctionne
comme un vestibule pour toute la ville à l’image de la sqifa de la maison.
54
Pierre Deloncle, « La vie et les mœurs », livre XX, cahiers du centenaire de l’Algérie, Publication du comité
national métropolitain du centenaire de l’Algérie, 1932.
Nikita Elisséeff, « Hammam », in Encyclopædia Universalis, version 10, France S.A- 2004, CD.
Première Partie Chapitre Premier
40
La casbah d’Alger est considérée comme exemple d’une ville militaire de l’époque ottomane en
Algérie. Les frères Barberousse mettent un terme à l'occupation espagnole des îlots d'Alger,
rattachés depuis lors à la côte, en s'emparant de leur forteresse, le Penon (1529). Au nom du
sultan ottoman, Alger est érigée en capitale ; une citadelle et une muraille défensive sont érigées.
Tête de pont ottomane en Méditerranée occidentale, la ville fortifiée sera en outre un important
repaire de corsaires barbaresques (XVIIe XVIIIe s.). C'est dans ce contexte, à la fois militaire et
commercial, qu'Alger connaît une grande prospérité économique55
.
La Casbah (mot s'appliquant à toute la ville ancienne alors qu’il désigne la citadelle militaire)
occupe un espace triangulaire entre la citadelle, au sommet de la colline, et le front de mer. Un
réseau serré de rues et de ruelles, étroites et tortueuses, coupées d'escaliers, compose avec le
relief pentu. Il s'ouvre parfois sur des places urbaines, notamment la place Cheik Ben Badis,
centre de la ville ancienne d’Alger.
Dans la Casbah, les principes de l'architecture militaire turque se conjuguent aux traditions
architecturales mauresques et plus largement arabo méditerranéennes. Les maisons blanches, aux
toits plats surmontés de terrasses, se serrent et s'enchevêtrent tout au long de la pente. De grands
monuments, souvent ornés de boiseries sculptées et de faïences, des jardins et des fontaines
ponctuent ce paysage tout en contribuant à son intensité : la Grande Mosquée (XIe XIVe s.), la
mosquée Sidi Abd al-Rahman (XVIIIe s.), la mosquée des Ketchaoua (XVIIIe XIXe s.) et le Dar
Aziza Bent al-Bey (palais du XVIe s.) sont parmi eux56
.
Les citadelles ou casbahs existent dans la majorité des villes algériennes. Elles occupent, comme
à Alger, les hauteurs des médinas. Selon la topographie du site (donc selon leur position
géostratégique), elles peuvent se situer dans l’enceinte de la médina (cas de Constantine) ou à
l’extérieur (cas de Annaba). Ces citadelles sont d’usage exclusivement militaire, mais se
composent de bâtisses de même morphologie que les maisons urbaines. Elles se présentent à
l’identique du tissu des médinas. L’enceinte qui les sépare de ces dernières, la taille des cours
ainsi que l’origine turque de la population qui y réside, les différencient de la médina.
En dehors des fortifications, des mosquées et de quelques palais, la domination turque en Algérie
a laissé peu de réalisations comparées à celles laissées par les romains ; pourtant les durées de
55
« Algérie », in Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. 56
Ministère de l’Information, Alger, Collection Art et Culture, Édit SNED, Madrid, 1970.
Première Partie Chapitre Premier
41
leur présence sur le sol algérien sont semblables. En fait les ottomans se sont peu intéressés au
développement propre du pays, seule l’exploitation par impôts interposés leur importait.
3. L’armée française du XVIIIème siècle à nos jours.
À la fin du règne de Louis XVI, l'armée française est devenue la plus évoluée et la plus moderne
de son temps. Le règlement d'infanterie de 1791, somme des théories de Guibert, confirmées par
des manœuvres et exercices expérimentaux, sera la bible des généraux de la République, de
l'Empire et au-delà.
Cette organisation militaire solide, la Convention en héritera, malgré les désordres de la
Révolution. Forte d'une autorité sans frein et riche de toutes les ressources nationales d'un pays
prospère, elle dispose, par la réquisition, de masses, jusqu'alors inconnues, de près d'un million
d'hommes, réparties en plusieurs armées sur toutes les frontières. En 1793, le système des
divisions mixtes est appliqué :
4 demi-brigades d'infanterie (la demi-brigade est l'ancien régiment).
2 régiments de cavalerie.
1 batterie d'artillerie à 8 pièces.
En 1794, une armée en opération comprend : une avant-garde, un corps de bataille, une arrière-
garde, chaque fraction étant composée en principe de deux divisions57
.
Les armées de l'Europe coalisée contre la Révolution se modèleront sur l'image française,
comme sur celle de Frédéric, quelques décennies plus tôt. Napoléon Bonaparte, Premier consul
de la République puis empereur remanie l'armée, reconstitue en particulier une cavalerie,
subdivisée en cavalerie lourde, ou « grosse cavalerie » (cuirassiers, carabiniers), cavalerie de
ligne (dragons, chevau-légers, lanciers), cavalerie légère (chasseurs, hussards). Il rétablit les
« services », que la sage administration royale avait déjà organisés. La France du XVIIIe siècle a
inventé la division. Il inventera le « corps d'armée », échelon intermédiaire entre l'armée et les
divisions, quand elles excèdent le chiffre de quatre ou six. Cette grande unité nouvelle permet
une meilleure articulation du commandement, lorsque l'armée atteint ou dépasse 100 000
hommes, et l'exécution de missions particulières convergeant pour une action unique.
57
« Histoire militaire de la France », in www.fr.wikipedia.org/histoire_france.
Pierre Gobert, « État Major », in Encyclopædia Universalis, version 10, France S.A- 2004, CD
Catherine Brisac, « Vauban (Sébastien de Preste, marquis de) », in Encyclopædia Universalis, version 10, France
S.A- 2004, CD.
Première Partie Chapitre Premier
42
Le corps d'armée autorise le général commandant l'armée à passer avec rapidité du déploiement
étalé en colonnes de route, selon des itinéraires parallèles, aux dispositifs de combat serrés et
linéaires.
À titre d'exemple, le corps d'armée du maréchal Davout, de 1803 jusqu'au cours de la campagne
de 1806, présente les trois divisions Morand, Friand et Gudin, avec chacune deux brigades de
deux régiments d'infanterie (la division Morand étant renforcée d'un régiment supplémentaire), et
huit ou dix pièces d'artillerie, une brigade de cavalerie à trois régiments de chasseurs, une réserve
d'artillerie de seize pièces, au total vingt-six bataillons, douze escadrons, quarante-quatre canons,
à quoi s'ajoute une compagnie du génie. On sait que cette grande unité culbuta, le 14 octobre
1806, les gros de l'armée prussienne, commandée par le roi en personne et le vieux maréchal de
Brunswick, qui fut tué.
En 1812, l'invasion de la Russie, entreprise avec une armée de près de 600 000 hommes,
nécessite l'innovation d'un nouveau groupement de forces, le « groupe d'armées ».
En réalité, la France du XIXe siècle ne présente pas un effort militaire aussi harmonieux. Entre
avril 1814 et mai 1871, cinq changements de régime, quatre révolutions et un coup d'État
témoignent d'une instabilité politique dont la conséquence logique s'inscrit dans l'équivoque des
institutions militaires, avant le service national obligatoire et universel, dans les avatars de la
société militaire et les fluctuations de l'opinion à l'égard de l'armée. Afin de pallier au manque
d'engagements volontaires, les gouvernements de la Restauration et de la monarchie de Juillet
procèdent à une inscription sélective par tirage au sort. La longue durée du service, maintenant
sept ans sous les drapeaux les appelés malchanceux du contingent, trop pauvres pour se payer un
remplaçant selon la coutume, permet une armée permanente, jeune, instruite, prête à entrer
immédiatement en campagne, avec six contingents exercés, mais sans réserves organisées et
encadrées, hors la garde nationale dont la cohésion est douteuse.
Le second Empire, en instaurant le régime des rengagements, allège encore la charge du service
obligatoire, mais vieillit la troupe. La loi Niel de 1867, qui prévoit une garde nationale mobile,
n'est pas suivie d'effet. L'armée impériale de métier, mal commandée, est battue par une armée
nationale de conscription, dont les troupes sont très inférieures aux siennes. Après cette dure
leçon, le gouvernement de la IIIe République va instaurer le service militaire obligatoire, qui,
Première Partie Chapitre Premier
43
après un régime transitoire, tolérant des dispenses et des limitations de service, sera bientôt
égalitaire et universel58
.
Durant un siècle, de 1814 à 1914, l'armée française est un enjeu pour les partis politiques. De
1814 à 1851, elle demeure loyaliste à l'égard des gouvernements successifs de la Restauration, de
Louis-Philippe et de la IIe République ; en même temps elle cristallise l'attention des libéraux (la
gauche d'alors), qui caressent l'espoir de restaurer, avec elle, les libertés, et d'effacer les traités de
1815. Après les journées de juin 1848 et le coup d'État du 2 décembre 1851, boudée, puis honnie
par les républicains, elle est devenue l'égide des conservateurs. Mais le traité de Francfort et la
mutilation de la patrie réaliseront l'unité fervente des Français en vue de la revanche, jusqu'à
l'affaire Boulanger et surtout jusqu'à l'affaire Dreyfus. Divisées âprement sur l'armée, « gauche »
et « droite » retrouvent cependant l'unanimité patriotique en 1914, face à l'Allemagne.
La durée du service actif passée de cinq ans à trois ans, à deux ans, puis à trois ans de nouveau,
en 1913, est réduite, une fois de plus, après la victoire de 1918, elle s'amenuisera jusqu'à un an,
pour revenir sensiblement à ce qu'elle était en 1913, face au réarmement allemand et aux
ambitions de l'hitlérisme. Le service obligatoire se conjugue à un corps d'officiers et de sous-
officiers d'actifs, doublé d'un corps d'officiers et de sous-officiers de réserve, et à l'entretien de
troupes de métier : Légion étrangère et unités nord-africaines et coloniales. Depuis la démission
des officiers légitimistes en 1830, le corps des officiers de carrière est le plus démocratique de
toute l'Europe, l'éventail de son recrutement demeurant très ouvert. Constatation paradoxale,
sous la IIIe République, les écoles de sous-officiers élèves officiers, créées afin d'améliorer la
qualité des officiers venant de la troupe, restreignent considérablement l'admission directe à l'état
d'officier par le rang59
.
Les autres puissances européennes, à partir de 1815, adoptent des systèmes militaires qui font un
large appel à la conscription, mais le corps des officiers, émanant de la société aristocratique
traditionnelle, en forme l'ossature.
L'armée française qui fit la conquête de l'Algérie est une armée contemporaine. Ce qui nous
incite à présenter les armées proches d'elle dans le temps.
58
Louis Girard, «La Troisième République », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004. 59
Pierre Montagnon, « L’évolution de l’armée française », in www. Air & Space journal, lien : www.af.mil.com
Première Partie Chapitre Premier
44
3.1. Les armées napoléoniennes
Après la déclaration de la république et l'éclatement de la guerre en 1792, le grand nombre
d'ennemis convergeant vers les frontières françaises incite le gouvernement à adopter des
mesures radicales.
En 1792, l'ingénieur militaire Lazare Carnot institue un système de conscription
nationale, incorporant les citoyens dans des divisions associant toutes les armes
(infanterie, artillerie et cavalerie), dont le but principal est la destruction totale de
l'ennemi.
En 1798, la loi Jourdan rend obligatoire la conscription.
Les efforts pour transformer la marine en une arme puissante sous Napoléon Ier sont réduits à
néant aux batailles D'Aboukir en 1798 et de Trafalgar en 1805. Le désastre consacre la
domination britannique sur les mers du globe jusqu'à la Première Guerre mondiale60
.
La maîtrise des mers se révèle en effet un atout fondamental pour les belligérants. Outre que le
nord de l'immense empire français communique moins bien avec ses régions méridionales, c'est
tout le commerce international qui, pour la première fois, devient un enjeu. Il ne s'agit pas encore
de guerre mondiale ; cependant les colonies fournissent des matières premières (et donc
indirectement un certain poids diplomatique) aux pays qui y ont accès : le blocus continental a
ainsi beaucoup défavorisé la France. C'est dans ce contexte que la guerre de course arrive à son
apogée. Le corsaire français Robert Surcouf se couvre de gloire en harcelant les marines
marchandes et militaires anglaises, non seulement sur les mers d'Europe, mais aussi jusque dans
celles des Indes.
Le sénatus-consulte, dit Constitution de l’an XII, est adopté le 18 mai 1804. Entre
cette décision législative et le sacre du 2 décembre, Napoléon Bonaparte prend soin
de ménager l’armée, indispensable appui de son pouvoir qui, sur le plan symbolique,
a créé l’Empire.
Le 19 mai, Napoléon nomme les maréchaux d’Empire.
Napoléon s'attache d'abord à apporter des améliorations à son armée de conscrits dans le
domaine de l'artillerie. Il parvient à rassembler une armée de 200 000 à 500 000 hommes et fait
la preuve que cette force massive peut se déplacer rapidement, en prenant des routes séparées,
vivre sur des terres occupées sans dépôts fixes, et prendre l'ennemi par surprise grâce à des unités
60
« Armée », in Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.
Première Partie Chapitre Premier
45
convergentes. Pour réorganiser l’armée, rebaptisée Grande Armée, Napoléon prend l’armée
romaine comme référence.
Le premier Empire ne connaît guère que quatre années de paix au total (1808, 1809-1813). Ce
qui explique l’importance du développement de la grande armée.
La Grande Armée incorpore ainsi deux millions d’hommes de 1803 à 1815, non seulement des
Français, mais aussi des recrues des pays conquis, encore un point commun avec l’armée
impériale romaine. Vu sa taille, l’intendance de l’armée, confiée à Pierre Bruno Daru, devient un
élément central dans la stratégie impériale. Sous l’empire, la France s’étend sur
130 départements, des Bouches de l’Elbe au Tibre61
.
Sous le Second Empire, les forces françaises sont engagées à plusieurs reprises durant cette
période avec des fortunes diverses ; la guerre de Crimée voit les anciens adversaires français et
britannique, alliés à l'empire Ottoman, vaincre la Russie impériale. C'est finalement la guerre
franco-allemande de 1870, mal préparée par la France, qui sonne le glas du Second Empire62
.
À partir de 1882, le « Directeur de l'Infanterie », le « général-revanche » Georges Boulanger qui
deviendra par la suite ministre de la Guerre établit des réformes militaires d'envergure comme
l'adoption du fusil Lebel modèle 1886 et de nombreuses réorganisations.
L'augmentation de la taille des armées rend essentielle la gestion des déplacements sur de
longues distances. Les Prussiens utilisent les nouvelles voies de chemin de fer pour le transport
de leurs forces armées, annonçant la planification globale, et le général prussien Von Scharnhorst
développe la notion d'état-major se consacrant à la direction des opérations militaires. La
production en masse d'armes et de munitions débute au XIXe siècle. Elle est suivie par le
développement de l'aviation, des véhicules motorisés et de la communication par radio63
.
3.2. Les armées contemporaines.
Les troubles politiques qu’ont connus les pays européens durant les XIXème et XXème siècles
ont beaucoup influencé le développement des armées grâce à la course à l’armement et à
l’évolution de ce dernier. Aussi traiter des armées contemporaines, induit nécessairement l’étude
des guerres, de l’évolution des armements et de leurs conséquences sur les armées. La
61
Jean Tulard, « Premier Empire, 1804-1814», in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004. 62
Roger Dufraise, « Napoléon », Presses universitaires de France, Collection « Que sais-je ?», Paris, 1998. 63
Armel Marin, « Boulangisme », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004.
Première Partie Chapitre Premier
46
technologie ayant son importance dans la production des armes, la révolution industrielle eut des
suites directes sur le développement des armes et donc des armées dans leur constitution.
3.2.1. : Les guerres et le développement des armées.
En 1914, la mitrailleuse est devenue l'arme principale utilisée sur les champs de bataille,
interdisant les déplacements libres, et obligeant l'infanterie à adopter une stratégie de guerre des
tranchées. Les manœuvres d'assaut — les envois de bombes et d'obus sur les positions adverses,
les attaques massives à la baïonnette — ne parviennent pas à enfoncer les défenses ennemies.
Les troupes à cheval sont finalement remplacées par le char d'assaut, qui apparaît lors de la
Première Guerre mondiale, mais trop tard pour influer sur son déroulement.
Les chars de combat sont le fruit de cette guerre, l'aviation militaire (reconnaissance aérienne,
bombardements de position et combats aériens) et les armes chimiques, comme le gaz moutarde,
y sont pour la première fois utilisés massivement. Le lance-flamme, lui, est utilisé de manière
expérimentale.
Le développement de l'aviation se fait par une course aux records pour prendre l'avantage sur
l'ennemi, l'armement est amélioré avec les premières mitrailleuses synchronisées avec les
hélices. Le parachute fait son apparition. Au sol, les aérodromes sont de plus en plus nombreux
et l'avion est fabriqué en série. L'artillerie de campagne, très versatile, a vu son utilisation
étendue pendant la guerre, et sera même utilisée pendant la Seconde Guerre mondiale64
.
La Seconde Guerre mondiale est marquée par le retour de la mobilité ; l'invasion de la Pologne
(blitzkrieg) est réalisée grâce au déferlement de tanks et d'avions allemands sur ses lignes de
défense, ce qui permet à l'infanterie de s'engager en profondeur dans le territoire ennemi. Les
armées effectuent de grands déplacements et sont utilisées dans de vastes opérations aériennes
(parachutages), dont la plus importante est l'atterrissage de trois divisions parachutistes alliées
derrière les lignes allemandes, pour s'emparer de ponts situés sur le Rhin.
3.2.2. L’Armée française contemporaine.
L'armée française en 1940 comptait près de 5 millions d'hommes mobilisés et encadrés par
120 000 officiers. L'armée de terre déployait de la Suisse à la mer du Nord 2 240 000
combattants groupés en 94 divisions dont 20 d'active et 74 de réservistes auquel s'ajoute l'armée
des Alpes à proximité de l'Italie et 600 000 hommes dispersés dans l'empire colonial français.
64
Pierre Montagnon, « L’évolution de l’armée française », in www. Air & Space journal, lien : www.af.mil.com
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47
Cependant, les tactiques utilisées remontant à la guerre de position sont désuètes et des
évolutions stratégiques dans l'utilisation des blindés (Au contraire de l'Allemagne, la France
utilise à l'époque ses chars d'assaut en soutien des unités d'infanterie, alors que les allemands,
suivant en cela les thèses de Guaderian, rassemblent leurs blindés en grandes unités permettant
de prendre l'avantage localement). L'armée française est écrasée lors de la bataille de France où
elle ne peut faire face à la machine de guerre allemande, ni surtout à sa stratégie de Blitzkrieg.
Les développements dans l'aviation permettent d'attaquer plus loin que la ligne de front : les
bombardements massifs aériens ne visent plus directement les positions adverses mais attaquent
les moyens de productions (usines) ou les voies logistiques adverses (ponts, lignes de chemin de
fer)65
.
L'armistice de Rethondes ne laisse au nouveau régime de Vichy qu'une armée croupion de
100 000 hommes.
L'opération Torch qui voit le débarquement des forces alliées en Afrique du Nord française
permet, à partir du 8 novembre1942, à l'armée d'Afrique de rentrer dans le combat. L'armée
française participe aussitôt à la campagne de Tunisie puis à l'invasion de l'Italie à partir de 1943.
La marine nationale française au 1er juillet 1939 avait l'une des plus belles flottes de son histoire.
Elle était alors composée de 176 navires de guerre d'un tonnage global de 554 422 tonnes. La
majorité de ses navires étaient modernes mais elle ne disposait que d'un porte-avions et d'un
transport d’hydravions et avaient des manques en matière de lutte anti-aérienne.
Elle est sortie quasiment intacte de la défaite de 1940. Mais en 1941, les anglais attaquent la
flotte à Mers El Kebir et en détruit la moitié par crainte du danger potentiel qu'elle représentait.
Le débarquement allié du 6 juin 1944 constitue la plus grande invasion amphibie de tous les
temps. En mai 1945, 1 300 000 hommes étaient sous les drapeaux suite à une nouvelle
mobilisation.
3.2.2.1. L’organisation de l’armée française.
Afin de bien comprendre les impactes de l’armée et en dehors du contexte de guerre, il est
nécessaire de connaitre la composition de celle-ci et le rôle de chacun de ses composants. Il est
tout aussi utile de voir leur évolution dans le temps puisque l’armée française est reste plus d’un
siècle en Algérie ; l’armée qui a conquis l’Algérie est bien différente de celle qui a perdu la
65
Paul Devautour, « Typologie historique de l’ARMEE », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-
2004.
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48
guerre de libération. C’est dans cette optique que nous allons détailler l’organisation de l’armée
française.
3.2.2.1.1. L’armée de terre66
.
Actuellement, l’organisation territoriale militaire comprend cinq grandes « régions terre » qui ont
leurs états-majors respectifs à Rennes (Région terre nord-ouest), Bordeaux (Région terre sud-
ouest), Lyon (Région terre sud est), Metz (Région terre nord-est) et Paris (Région terre Ile-de-
France).
Pour sa part, l’organisation du commandement des forces comprend :
le commandement de la force d’action terrestre (CFAT) basé à Lille,
le commandement de la force logistique terrestre (CFLT) basé à Montlhéry,
le corps européen (l’Euro for)
le commandement des forces spéciales terre (CFST).
Le CFAT a pour mission d’assurer la préparation opérationnelle des états-majors et des forces
terrestres « projetables » et d’être en mesure de mettre sur pied, pour une opération majeure, un
PC de corps d’armée de classe OTAN ou un PC de théâtre multinational. Le CFAT comprend
quatre état-major de Force (EMF), des brigades (8 brigades interarmes comprenant chacune entre
4 et 7 régiments, 1 brigade aéromobile, 4 brigades d’appuis spécialisés, 1 brigade franco-
allemande).
Le CFLT pour sa part comprend deux brigades logistiques. Sa mission est de conduire le soutien
opérationnel de toutes les actions menées par les forces, en toutes circonstances et en tous lieux.
La loi de programmation prévoit les effectifs suivants en fin de restructuration : 16 000 officiers,
50 000 sous-officiers, 66 500 militaires du rang engagés, 5 500 volontaires, soit un total de
138 000 hommes. Par ailleurs, l’armée de terre comprendra 34 000 personnels civils et
30 000 réservistes67
.
66
Armée de terre : ensemble des forces terrestres qui, en France, ont pour mission d’assurer la sécurité de la
population, la préservation de l’intégrité du territoire national contre toute agression extérieure armée et de participer
à toute intervention extérieure qui leur est éventuellement assignée par les pouvoirs publics. Cette mission s’exerce
en coopération avec les autres armées (marine nationale, armée de l’air et gendarmerie) et en complément des
moyens nucléaires stratégiques et préstratégiques, in Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft
Corporation. 67
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Première Partie Chapitre Premier
49
3.2.2.1.2. La marine68
.
Les historiens font souvent remonter au cardinal Richelieu la création de la marine française en
tant qu’institution. Pourtant, la France a déjà eu, sous Charles V (1364-1380), une flotte de
guerre. Jean de Vienne (1341-1396) en est la principale figure : amiral de France, chef de guerre
et brillant administrateur, il organise les constructions navales au Clos des Galées à Rouen.
Il faut attendre le XVIIe siècle pour assister à l’émergence d’une véritable marine royale. C’est le
cardinal de Richelieu qui prend l’initiative de construire le port de Brest et d’agrandir ceux de
Toulon et du Havre. Il développe également la Royale, qui prend souvent le dessus dans ses
combats navals contre l’Espagne.
A la mort du cardinal, Colbert, secrétaire d’Etat à la Marine, développe les forces navales et crée
en 1670 le corps des gardes de la marine, qui préfigure le corps des officiers de la marine tel
qu’il existe actuellement. Il crée également les garde-côtes chargés d’assurer la défense du
littoral et le service hydrographique. La marine française remporte dès lors d’importantes
victoires face à l’Angleterre, la Hollande et l’Espagne.
La Révolution met toutefois un terme à cette réorganisation. En 1832, un inventeur français,
Frédéric Sauvage, a l’idée d’utiliser une hélice pour la propulsion des navires mais c’est
Augustin Normand qui la met en pratique en substituant une hélice à trois pales à l’hélice à
spirale entière qui était préconisée. Dans le même temps, Henri Dupuy de Lôme construit le
premier vaisseau de guerre à vapeur (le Napoléon) en 1848-1852 puis le premier cuirassier (la
Gloire) en 1858-1859, offrant ainsi à Napoléon III la marine de guerre la plus moderne de
l’époque. En 1888, l’ingénieur français Gustave Zédé établit les plans du premier sous-marin
français, le Gymnote69
.
La Marine nationale française exerce son action dans les quatre grands domaines que sont la
dissuasion, la prévention, la projection et la protection. Elle comprend deux commandements :
Le commandement des unités de la Marine nationale s’exerce à travers deux chaînes
distinctes : le commandement organique et le commandement opérationnel.
Le commandement organique est chargé de la préparation des forces maritimes à
leurs missions. Ce commandement comprend :
68
Marine nationale : ensemble des forces navales et aéronavales de la Défense, in Microsoft ® Encarta ® 2009. ©
1993-2008 Microsoft Corporation. 69
Michel Mollat du Joudin, « Histoire de la Marine », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-
2004.
Première Partie Chapitre Premier
50
• la Force d’action navale (FAN), qui regroupe la totalité des bâtiments de surface
que l’on peut classer en sept grandes catégories : le groupe aéronaval ; le groupe
amphibie; les frégates qui assurent la protection des groupes dans le domaine anti-aérien
et anti-sous-marins ; les bâtiments de soutien ; les bâtiments de guerre des mines ; les
bâtiments de souveraineté (frégates de surveillance) ; les bâtiments de service public.
• la Force océanique stratégique (FOST), qui est la composante principale de la
force nucléaire stratégique. Elle comprend les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins
(SNLE), le sous-marin nucléaire nouvelle génération (SLE / NG), les sous-marins
d’attaque à propulsion nucléaire (SNA) et les sous-marins d’attaque à propulsion Diesel
(SMD) ;
• l’aviation navale composée de tous les aéronefs en service dans la marine :
avions et hélicoptères embarqués, avions de patrouille maritime, de surveillance,
d’entraînement et de liaison ;
• les fusiliers marins et les commandos destinés à participer à la protection des
installations sensibles de la marine, aux opérations maritimes et aux opérations spéciales ;
• la gendarmerie maritime, unité spécialisée de la gendarmerie nationale, mais
placée sous les ordres du chef d’état-major de la marine pour emploi ;
• le commandement opérationnel responsable de l’emploi des forces sur des zones
maritimes réparties sur l’ensemble des mers et océans70
.
3.2.2.1.3. L’Armée de l’air71
.
L’histoire de l’armée de l’air débute dès 1794, avec la création de l’aérostation. Confiée à ses
débuts aux sapeurs du génie, c’est bien plus tard, en 1910, que l’aviation militaire est confiée à
l’inspection permanente de l’aéronautique militaire. La lutte pour la maîtrise de l’air commence
en 1916. En 1918 est créée la division aérienne regroupant 600 avions de chasse et de
bombardement sous l’autorité d’un seul chef. L’aviation militaire compte alors près de
12 000 appareils, incluant les escadrilles de l’intérieur, celles du front de l’ouest et celles basées
outre-mer.
La loi du 8 décembre 1922 donne officiellement à l’aéronautique militaire le statut d’une arme à
part entière. Cependant, les grands chefs de l’armée et de la marine sont hostiles à l’idée d’une
70
www.servicehistorique.sga.defense.gouv.fr. 71
Armée de l'air : ensemble des forces aériennes participant à la défense d’un pays, in Microsoft ® Encarta ® 2009.
© 1993-2008 Microsoft Corporation.
Première Partie Chapitre Premier
51
armée de l’air autonome. On ne parle alors que de forces aériennes de terre et de forces aériennes
de mer. Ce n’est que le 1er avril 1933 qu’est utilisée pour la première fois dans un décret
l’expression « armée de l’air ». La mission de la nouvelle armée est ainsi définie : elle doit
« participer aux opérations aériennes, aux opérations combinées avec les armées de terre et de
mer et à la défense aérienne du territoire ».
La loi du 2 juillet 1934 fixe quant à elle « l’organisation de l’armée de l’air », découpant le
territoire national en cinq régions aériennes. Les principales bases, dont la première est créée en
1933, sont Metz, Dijon, Nancy, Châteauroux, Lyon, Tours, Pau, le Bourget, Reims et Chartres72
.
Différents décrets promulgués en 1953 et 1954 redéfinissent l’organisation de l’armée de l’air.
Au début des années soixante, il existe sept grands commandements spécialisés :
• le commandement des forces aériennes stratégiques (FAS) ;
• le commandement de la force aérienne tactique (FATAC) ;
• le commandement de la défense aérienne (DA) ;
• le commandement du transport aérien militaire (COTAM) ;
• le commandement des écoles de l’armée de l’air (CEAA) ;
• le commandement des transmissions de l’armée de l’air (CTAA) ;
• le commandement du génie de l’air.
L’armée de l’air comprend un état-major et deux commandements opérationnels. Ces
commandements opérationnels sont responsables de l’emploi des forces.
Le commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA) est
chargé d’une part d’assurer les missions de défense aérienne et d’autre part de la
planification des opérations aériennes et de leur conduite lorsqu’elles se déroulent au-
dessus et à partir du territoire national ;
Le commandement des forces aériennes stratégiques (CFAS) met en œuvre la
composante aéroportée de la force de dissuasion.
L’armée de l’air dispose également de cinq commandements spécialisés :
72
Alain Bru, « Armes et Armements- Histoire des armements », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France
S.A-2004.
Première Partie Chapitre Premier
52
le commandement de la force aérienne de combat, qui regroupe l’ensemble des
moyens aériens conventionnels de combat de l’armée de l’air ;
le commandement de la force aérienne de combat, qui regroupe l’ensemble des
moyens aériens conventionnels de combat de l’armée de l’air ;
le commandement de la force aérienne de projection qui est chargé de projeter et de
déployer les hommes et le matériel nécessaires aux opérations par aérolargage ou
aéroportage d’assaut, mais également d’assurer des missions de ravitaillement en vol
et de prendre en compte les missions de recherche et de sauvetage au combat
(recherche et récupération d’équipages d’avions abattus en zone hostile). En temps de
paix, le commandement de la force aérienne de projection intervient dans des
missions de service public telles que des évacuations sanitaires, des recherches de
personnes, des sauvetages ou des missions humanitaires en France ou dans le monde ;
le commandement air des systèmes de surveillance, d’information et de
communication qui a pour mission la surveillance de l’espace aérien, le contrôle de la
circulation aérienne opérationnelle et la coordination avec la circulation aérienne
civile, la défense sol-air et l’opposition aux intrusions aériennes, ainsi que l’appui
électronique aux forces aériennes ;
le commandement des écoles de l’armée de l’air qui est responsable de la formation
initiale et de la formation continue des personnels de l’armée de l’air ;
le commandement des fusiliers commandos de l’air qui assure la protection et la
défense des points sensibles de l’armée de l’air73
.
3.2.2.1.4. La gendarmerie74
.
Initialement chargée de missions de police et de justice en vue de contrôler les gens de guerre
débandés et pillards, la maréchaussée, efficace et redoutée, se voit confier en 1536 par
François Ier
, la connaissance des « crimes et délits de grands chemins », que leur auteur soit civil
ou militaire.
L’implantation territoriale, commencée sous le régime de Charles VII, est parachevée en 1720
par Louis XV, qui répartit les effectifs dans des petites brigades
73
www.servicehistorique.sga.defense.gouv.fr. 74
Gendarmerie : Force militaire dont la mission est de veiller à la sûreté publique, d’assurer le maintien de l’ordre et
l’exécution des lois, in Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.
Première Partie Chapitre Premier
53
Au moment où la Révolution fait table rase des institutions de la monarchie, la maréchaussée
connaît un soutien populaire qui s’exprime dans les cahiers de doléances. Considérée par les
citoyens comme « le corps le plus utile à la nation », elle doit néanmoins, pour survivre,
abandonner ses missions juridictionnelles incompatibles, en raison de la séparation des pouvoirs,
avec celles dévolues à l’exécutif. Sous l’appellation « gendarmerie nationale », elle est organisée
par la loi de germinal an VI qui constitue la nouvelle base juridique de son action.
Malgré les bouleversements qui marquent le XIXe siècle, la gendarmerie demeure en s’adaptant
à l’évolution économique, sociale et administrative de la nation. Le décret du 20 mai 1903,
modifié depuis (décret N° : 2000-560 du 21 juin 2000 portant organisation générale de la
gendarmerie nationale), réglemente ses missions, codifie ses principes d’action et définit les
rapports qu’elle doit entretenir avec les représentants des pouvoirs constitutionnels75
.
En dehors de ses missions civiles et dans le domaine de la défense militaire, la gendarmerie
participe à la protection des points sensibles présentant un intérêt vital pour la nation. Elle exerce
le contrôle gouvernemental de l’armement nucléaire et assure l’escorte des convois d’armes
nucléaires. Enfin, elle accompagne les forces armées stationnées à l’étranger et en opérations par
la mise en place de détachements de gendarmerie prévôtale. Elle joue un rôle majeur dans le
renseignement de défense, la sûreté des forces, et la circulation routière de défense76
.
La gendarmerie nationale est subordonnée au ministre de la Défense qui dispose de la direction
générale de la gendarmerie nationale et de l’inspection générale de la gendarmerie.
La gendarmerie départementale (reconnaissable à ses galons de couleur argent) est en contact
direct avec la population. Répartie en brigades sur l’ensemble du territoire, dans les quartiers, les
villes et les villages, la gendarmerie départementale est une force de proximité en charge de la
sécurité.
La gendarmerie départementale dispose d’unités spécialisées :
• Les unités de recherches qui se consacrent exclusivement à la police judiciaire ;
• Les pelotons de surveillance et d’intervention, implantés dans les zones les plus
sensibles ;
• Les unités de police de la route, chargées de la surveillance du réseau routier.
• Les unités de montagnes, qui effectuent des missions de surveillance et de secours dans
les principaux massifs de l’Hexagone ;
75
Paul Devautour, « Cavalerie », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004. 76
« Armée de Terre », in Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.
Première Partie Chapitre Premier
54
• Les sections aériennes, équipées d’hélicoptères afin d’apporter ponctuellement un
soutien à d’autres unités dans l’exercice de leurs missions (secours, recherche de
personnes disparues et de criminels, etc.).
La gendarmerie mobile est une force essentiellement destinée à assurer le maintien de l’ordre
public.
Enfin, la gendarmerie nationale dispose de formations spécialisées :
• la garde républicaine qui a pour vocation première d’assurer les missions de sécurité et
des services d’honneur au profit des instances gouvernementales et des hautes autorités
de l’État ;
• La gendarmerie maritime qui assure l’ordre et la sécurité dans les ports militaires, les
arsenaux, les établissements et les bases ;
• La gendarmerie des transports aériens, qui assure la sûreté des aérodromes civils les
plus importants et veille au respect de la législation aéronautique. Elle procède aux
enquêtes judiciaires en matière d’accidents d’aéronefs ;
• La gendarmerie de l’armement qui assure la sécurité des établissements relevant de la
délégation générale pour l’armement ;
• Le groupement de sécurité et d’intervention de la gendarmerie nationale, qui regroupe le
GIGN (Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale), l’EPIGN (Escadrons
parachutistes d’intervention de la gendarmerie nationale) et le GSPR (Groupe de sécurité
de la présidence de la République)77
.
3.2.2.2. Les services communs.
Ensembles de services de gestions et d’administration de l’armée française. Ils comprennent des
militaires mais aussi des civils.
Ils comprennent :
Délégation générale pour l'armement (DGA) ;
Secrétariat général pour l'administration (SGA) ;
État-major des armées (EMA) ;
Service de santé des armées ;
Délégation aux affaires stratégiques ;
Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) ;
77
www.servicehistorique.gendarmerie.defense.gouv.fr.
Première Partie Chapitre Premier
55
Établissement de communication et de production audiovisuelle de la défense
(ECPAD) ;
Conseil supérieur de la réserve militaire (CSRM)78
.
3.2.2.3. Le Génie militaire.
Le Génie militaire est une arme spécialisée dans l’art des fortifications, la construction
d’ouvrages d’art militaire, l’entretien des bâtiments appartenant aux armées et l’aménagement du
terrain. Le génie terrestre, maritime ou aérien désigne également les spécialistes de ces
techniques et les unités qui les mettent en œuvre. C’est l’une des plus anciennes spécialités
militaires. Arme de l’aménagement du terrain, spécialiste de la conception et de la réalisation des
infrastructures des armées, le génie militaire vient tout droit de la première urgence qui s’est
imposée pour la survie de l’homme : aménager le site, construire pour s’abriter, se protéger ou
attaquer. L’abri, la motte, le donjon de pierre, le château fort précéderont les enceintes des villes,
puis le bastion qui transformera pour des siècles le visage des fortifications.
Il est difficile de dater précisément l’origine du génie militaire. Les Britanniques considèrent que
le fondateur du génie de leur pays est l’évêque Gundolf, chef des ingénieurs de Guillaume le
Conquérant (roi d’Angleterre de 1066 à 1087) qui construisit la tour Blanche de la Tour de
Londres, le château de Rochester (Kent) et agrandit la cathédrale de cette ville. Cependant, le
Corps royal du génie britannique ne sera créé officiellement qu’en 1716 par George Ier.
En Allemagne, la première unité du génie apparaît en 1642 en Prusse, sous le règne de
Frédéric II.
En France, certains historiens se réfèrent au règne de Charles VII et à l’esquisse en 1445
d’une organisation relative à l’inspection des fortifications. D’autres situent les origines du
génie un peu plus tard, à l’époque de Henri IV, lorsque Sully, déjà surintendant des Finances,
prend en 1606 le titre de surintendant des Fortifications. Mais ce n’est qu’en 1690 que le
marquis de Vauban crée le Corps royal des ingénieurs militaires. Cette date fixe l’origine de
l’arme du génie militaire français. À la fois ingénieur, stratège et réformateur, Vauban
personnifie la polyvalence et la modernité de l’arme.
Les ingénieurs militaires payeront un lourd tribut au combat. Vauban imposera à ces martyrs
de l’infanterie la lourde cuirasse et le pot-en-tête qui demeurent encore aujourd’hui les signes
distinctifs de tous les sapeurs. Il instaure une nouvelle méthode de fortification : le front
78
www.servicehistorique.sga.defense.gouv.fr.
Première Partie Chapitre Premier
56
bastionné, selon le principe des « trois systèmes ». Pour défendre la place en profondeur, il
détache au devant des courtines, des demi-lunes (ouvrage fortifié en forme de demi-lune) et
des tenailles (premier système). Ce principe de fortification est amélioré par un bastion
détaché en avant de la fortification (deuxième système). Le troisième système, quant à lui, se
caractérise par une demi-lune renforcée par un réduit (petit ouvrage fortifié à l’intérieur d’un
autre). Pour défendre les côtes, Vauban implante, en avant des lieux à défendre, de petits forts
semi-circulaires adaptés au tir rasant sur l’eau.
En Espagne, le génie est créé par décret royal en 1711. Il est essentiellement constitué
d’ouvriers civils et de personnels issus de l’artillerie. Ce n’est toutefois que le 15 mars 1802
seulement que la Constitution du Corps royal du génie est approuvée et le 14 mars 1803 que
le premier régiment du Corps royal du génie est créé.
Le génie jouera un rôle capital pendant la guerre d’indépendance américaine. Un sapeur
français, le général Du Portail, issu de la première école du génie – l’École royale de
Mézières (Ardennes) fondée en 1748 ( qui permet de donner aux officiers du génie une
formation homogène, adaptée aux besoins de l’armée)- sera chargé par le général Washington
de l’organisation du génie américain.
Le 11 mars 1779, le Congrès américain crée le Corps du génie avec Du Portail comme
premier commandant. L’actuel insigne du génie américain comporte toujours la devise des
ingénieurs français « Essayons ». Par la suite, de nombreux ingénieurs français contribueront
à l’organisation de l’infrastructure des États-Unis. Pierre Charles L’Enfant (major du génie
américain) réalise les plans de la ville de Washington et Alexandre Berthier sera chargé de
l’infrastructure du port de New York. Plus tard, en 1822, le général Simon Bernard, qui sera
surnommé le « Vauban du Nouveau Monde », fortifie la côte est des États-Unis et construit
en particulier Fort Monroe, à l’entrée de la baie de Chesapeake en Virginie.
Héritiers du corps des savants et ingénieurs qui ont valu au génie militaire l’appellation d’« arme
savante », les sapeurs ont conduit les premières applications des techniques nouvelles. Ainsi le
génie crée l’aérostation militaire qui donnera naissance à l’armée de l’air. Il crée les premières
unités de chemin de fer. Les frères Chappe, officiers du génie, conduisent les premières études
Première Partie Chapitre Premier
57
sur la télégraphie aérienne. La première unité de « sapeurs télégraphistes » est créée en 1875.
C’est aussi au génie que l’on doit certains bétons spéciaux79
.
Pendant le premier Empire, les sapeurs français écrivent leurs pages de gloire au siège de
Dantzig (1807), au passage de la Vistule (1807) puis de la Berezina, aux côtés des
pontonniers du général Eblé (1812). Après l’Empire apparaissent les premiers régiments du
génie. En Belgique, les premiers bataillons de sapeurs-mineurs se forment au lendemain de
l’indépendance, et, dès 1868, des compagnies spécialisées regroupent diverses activités :
pontonniers, télégraphistes, artificiers, aérostiers.
En 1903, le Corps du génie canadien est formé. Ses origines sont profondément liées aux
génies britannique et français. Lorsque les dernières troupes britanniques quittent le Canada
en 1906, les sapeurs canadiens ont un effectif de 132 personnes. Pendant la Première Guerre
mondiale, 40 000 sapeurs canadiens prendront part aux combats.
Dès la fin du XIXe siècle, le corps du génie, devenu combattant à part entière, a le double
qualificatif de bâtisseur – chargé des infrastructures des armées – et de combattant –
aménageant le terrain pour permettre la manœuvre amie tout en créant des obstacles aux
mouvements ennemis80
.
Au XXe siècle, les deux guerres mondiales se caractérisent en particulier par la guerre des
mines en 1914-1918, la ligne Maginot et le retour de la fortification, l’appui à la guerre de
mouvement avec les opérations de franchissement du Rhin à Spire-Germersheim en 194581
.
Le génie militaire a pour fonction de favoriser la mobilité et la protection des armées alliées et
d’entraver les mouvements ennemis. Fortifier des positions, attaquer des fortifications à l’aide
d’engins ou en creusant des mines (d’où le nom de « sapeurs » donné aux soldats du génie),
faciliter l’installation des troupes, réaliser des obstacles ou maintenir en état les itinéraires
logistiques sont des nécessités aussi anciennes que la guerre elle-même. Le génie militaire a
aussi pour mission de réparer et d’entretenir non seulement les fortifications mais aussi tous les
bâtiments militaires.
79
Jacques Guillerme, « Technologie », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004. 80
« Génie militaire », in Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. 81
Patrice Ventura, « Génie militaire », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004.
Première Partie Chapitre Premier
58
Une des spécificités du génie militaire français est qu’il comprend en outre une composante
secours regroupant la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris et les formations militaires de la
sécurité civile.
À partir de la Révolution française, le génie, jusqu’alors simple corps d’ingénieurs, est
transformé en arme, composée d’officiers et d’hommes de troupe (sapeurs et mineurs), en même
temps qu’est créé un service spécifique, appelé service du génie, chargé de la gestion et de
l’entretien du domaine immobilier de l’armée
Le génie s’est distingué au cours des deux guerres mondiales, particulièrement dans la guerre des
mines, la ligne Maginot et les franchissements du Rhin.
La Brigade des sapeurs-pompiers de Paris, créée en 1811 par Napoléon Ier
, est rattachée à l’arme
du génie depuis 1965. Dans les années soixante-dix sont mises sur pied les unités militaires de la
sécurité civile, également rattachées au génie. Ces unités interviennent, dans leur domaine de
compétence, un peu partout dans le monde (elles sont notamment intervenues, ces dernières
années, lors des tremblements de terre en Turquie, en Grèce et à Taïwan, des cyclones en
Amérique centrale, à la Réunion puis aux Antilles, ou des inondations au Mexique puis dans le
Languedoc-Roussillon)82
.
En temps de guerre, la mission du génie militaire est double. Elle comprend l’appui au combat et
l’aide au déploiement. En temps de paix, le génie intervient régulièrement lors de catastrophes
naturelles, pour aider les populations en détresse, assurer l’approvisionnement en eau ou la
distribution d’énergie ou dégager les zones d’intervention des secours.
En France, le génie dispose de 12 régiments, dont deux régiments de Légion étrangère et un
régiment du génie parachutiste. Il comprend également un régiment du génie de l’air chargé de
l’entretien et de la réfection des pistes d’aviation au profit de l’armée de l’air. Enfin, la brigade
du génie, grande unité de la composante combat, regroupe en son sein un groupe de défense
nucléaire, biologique et chimique, le 28e groupe géographique et des moyens lourds de
franchissement, de déminage ou d’organisation du terrain. Le 28e groupe géographique pour sa
part est chargé de l’établissement de relevés topographiques et de la réalisation de cartes ou de
plans à usage des armées.
82
Jean Tullard, « Napoléon 1er
. 1769-1821 », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004.
Première Partie Chapitre Premier
59
Dans le domaine de l’infrastructure, la mission du génie consiste à entretenir et à gérer le
patrimoine immobilier de la Défense. Pour ce faire, le génie dispose de directions et
d’établissements du génie répartis sur l’ensemble du territoire national et dans les départements
et territoires d’outre-mer, regroupant des ingénieurs en bâtiment et travaux publics, des
architectes, des urbanistes, des techniciens et conducteurs de travaux. En opération, les sapeurs
de la composante infrastructure interviennent dans le cadre de l’aide au stationnement des
troupes mais aussi dans la reconstruction d’un pays à la suite d’un conflit (expertise,
reconnaissance, montage de dossier, recherche de financement, suivi des opérations de
reconstruction…). En temps de paix, les spécialistes de la composante infrastructure sont
également sollicités lors de catastrophes naturelles ou technologiques pour des missions de
reconnaissance ou d’expertise.
Dans le domaine des secours, la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris est chargée d’assurer la
protection des biens dans Paris et dans les trois départements de la petite couronne. Initialement
destinée à lutter contre les incendies, la brigade des sapeurs-pompiers de Paris intervient de plus
en plus dans les secours aux personnes, dans les cas d’accident de la circulation notamment, mais
également lors de fuites d’eau, pour l’aide à des animaux en difficulté ou pour la protection de
biens. Ainsi, au cours de l’année 2000, les sapeurs-pompiers de Paris sont intervenus plus de
430 000 fois. La Brigade participe également aux actions de prévention, sur la demande des
autorités préfectorales et municipales, notamment pour les demandes de construction ou
d’aménagement.
L’école supérieure et d’application du génie (ESAG) est implantée à Angers depuis 1945, elle
assure la formation de l’ensemble des sapeurs de l’armée de terre, dans le domaine du combat
comme dans celui de l’infrastructure. Elle intervient également dans la formation des officiers et
des sous-officiers de la composante secours83
.
L’école du génie a plusieurs pôles d’expertise. Dans le domaine de l’infrastructure, l’école du
génie forme des ingénieurs en bâtiment et travaux publics, des conducteurs de travaux et des
techniciens supérieurs d’étude et de fabrication. L’enseignement comprend l’ensemble des
sciences de l’ingénieur complétées par les règles de marchés publics et d’administration ainsi
qu’une formation militaire opérationnelle.
83
www.servicehistorique.sga.defense.gouv.fr.
Première Partie Chapitre Premier
60
Si les services du génie militaires s’occupèrent de l’édification des infrastructures militaires de
base, du développement des réseaux routiers et des modifications sur la ville, les services de
santé militaires obligatoires dans les différents corps d’armée prirent en charge l’état de santé des
troupes et des civils. Si l’armée française s’est dotée d’un service de génie, l’armée impériale
romaine, deux millénaires plus tôt, avait affecté un architecte à chaque centurion c'est-à-dire
12000 architectes. C’est dire l’importance que les empereurs romains accordaient aux
fortifications, aux campements, à leur cité (dont beaucoup furent érigées pour abriter les légions :
ville garnison telles Constantine et Tébessa) mais aussi aux thermes dont la protection et
l’entretiens revenaient aux militaires.
3.2.2.4. Les services militaires de santé.
Notre intérêt à la question ne peut se faire sans référence à l’histoire du corps médicale et de son
organisation au sein de l’armée impériale romaine, puisque celle-ci avait le même but que
l’armée française à savoir : conquête et colonisation ; mais aussi le même site à conquérir :
l’Algérie. Ses troupes avaient subi les mêmes problèmes endémo-épidémiques à Romulus
(Rome) entourée de marécages et soumise aux débordements du Tigre en hivers ainsi qu’en
Algérie.
C’est à Tarquin l’Ancien que Rome doit le premier égout « cloaca maxima » (de trois mètre de
diamètre en blocs de tuf taillé), construit dans le but de rendre salubre la cité. L’hôpital devint,
sous les romains, un édifice civil obligatoire dans chacune de leur cité. L’état de santé de leur
armée étant un atout de guerre, il fut donc sérieusement pris en charge c’est ainsi que l’armée
impériale compta au plus fort de son apogée environ 12000 médecins militaires attachés aux
différents centurions tout comme les architectes.
Au VIème siècle, lors des guerres contre les barbares, l’armée romaine se dota de cavaliers
chargés d’évacuer les blessés84
. Les guerres de religion virent la création d'ambulances
militaires au rôle identique. Mais il faut attendre deux siècles encore pour voir apparaître
la première prise en charge médicalisée du blessé sur le champ de bataille lors des guerres
napoléoniennes. Jusque-là en effet, les blessés devaient attendre la fin des engagements
avant de recevoir les premiers soins.
84
Raymond Bloch, « Rome et Empire Romain- Les origines », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France
S.A-2004.
Première Partie Chapitre Premier
61
La réorganisation du service de santé date de 1900. Chaque régiment disposait de postes de
secours et de véhicules hippomobiles d'évacuation. Des ambulances divisionnaires étaient
chargées du recueil et du classement des blessés (on ne parlait pas encore de triage). Des
ambulances divisionnaires immobilisées étaient prévues ainsi que des hôpitaux de campagne de
100 lits pour le traitement des blessés graves. Les blessés étaient ensuite évacués par voie ferrée
vers les hôpitaux de l'arrière.
Dès le début de la guerre, le soutien santé reposa alors essentiellement sur les médecins de
bataillons qui firent parvenir les blessés vers les gares les plus proches d'où ils étaient acheminés
vers l'arrière par voie ferrée85
.
Devant les échecs des évacuations de 1914, des ambulances, véritables hôpitaux temporaires,
furent alors crées à distance des lignes hors de portée de l'artillerie.
En 1916 furent créées les ambulances chirurgicales mobiles à trois équipes chirurgicales
s'implantant selon les circonstances. La Croix-Rouge et de nombreuses initiatives privées
multiplièrent hôpitaux et ambulances.
En 1917, l'automobile entra dans le service de santé avec les ambulances chirurgicales
automobiles ou « autochir ». Il s'agissait de petits hôpitaux mobiles, autonomes, munis de salle
d'opération, de laboratoire et de salle de radiologie automobile, préfigurant la conception actuelle
des shelters. Enfin en 1917, le médecin aide major Chassaing modifia un appareil de combat
pour le transport sanitaire, mais celui-ci ne fut jamais utilisé sinon pour des blessés fictifs tant les
conditions de transport étaient précaires86
.
C'est l'expérience de la grande guerre qui permit en 1924, grâce au médecin commandant Cot, de
voir le régiment de sapeurs-pompiers se doter jusqu'en 1935 du premier service médical
d'urgence, au profit des nombreux brûlés et intoxiqués par l'oxyde de carbone du Paris insalubre
d'après-guerre : le service de secours aux asphyxiés87
.
L'entre-deux-guerres vit également le développement de l'aviation sanitaire en liaison avec le
service de santé de l'armée de l'Air. De nombreuses évacuations sanitaires furent effectuées en
Afrique du Nord et au Proche-Orient. De même, lors de la guerre d'Espagne, l'aviation allemande
fit la démonstration des possibilités d'évacuations aériennes massives.
85
www.servicehistorique.sga.defense.gouv.fr. 86
Jean-Pierre Cabonat, « Fondation de La Croix-Rouge (1863) », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10,
France S.A-2004. 87
Marc Ferro, « La Première Guerre Mondiale », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004.
Première Partie Chapitre Premier
62
L'organisation du service de santé à la fin de la grande guerre fut globalement reconduite en
1939. Les moyens d'évacuation primaire étaient représentés par des ambulances automobiles
mais il existait encore de nombreux véhicules sanitaires hippomobiles. De plus, deux sections de
quinze avions lucioles étaient destinées aux évacuations aériennes dans la zone d'opération de
l'Est. Les évacuations vers les hôpitaux de l'arrière devaient se faire par train sanitaire.
En 1943-1944, l'équipement en matériel américain de la 1ère armée française répondit avec une
grande richesse à la nécessité d'adapter le service de santé français aux impératifs de la guerre
moderne : les évacuations se faisaient essentiellement par voie routière dans cette armée
entièrement motorisée (on comptait alors un véhicule pour 4 hommes). Ces moyens de transport
tous terrains dotés d'appareils de transmission s'avérèrent vite indispensables malgré la lenteur
des délais d'évacuation de l'époque (10 heures en moyenne)88
. Néanmoins les évacuations
sanitaires aériennes se développèrent. Durant la guerre d’Algérie, plus de 26 000 blessés et
malades bénéficièrent d'évacuations secondaires, essentiellement par voie maritime.
Conclusion
Dans ce qui précède, nous avons vu comment les armées ont évolué dans le temps en fonction de
l’évolution des armes et armements. Chacune de ces armées a introduit dans son organisation des
améliorations manifestes telles que les unités spécialisées, la hiérarchisation ainsi que des
services annexes essentiels au bon fonctionnement. Subséquemment l’armée macédonienne fut
celle qui joignit à l’armée la médecine que celle de Rome développa et le fit accompagner par
l’architecte qui fut remplacé dans l’armée française royale par les services du Génie militaire.
L’évolution des moyens de locomotion et l’importance que pris la communication dans la
stratégie militaire, engendra le développement des voies de communication dont la plus célèbre
est la voie Appienne que nous verrons dans le prochain chapitre puis l’arme train.
La stratégie de défense et d’attaque mit en exergue l’importance du site d’implantation des villes.
Site qui ne suffisait pas à assurer sa fonction, ce qui conduisit à la création de fortifications
d’abord en intramuros puis en extramuros afin de surveiller les voies pouvant être empruntées
par l’ennemi quelles soient terrestres ou maritimes.
L’armée dès sa formation devient avant-gardiste. Toutes les innovations introduites dans un but
militaire, vont être d’usage civil.
88
René Noto, « Secours Sanitaires », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004.
Première Partie Chapitre Premier
63
L’armée française, lors de la conquête de l’Algérie et durant la période coloniale se présentait
donc comme une armée fortement organisée comprenant des services performants et en avance
techniquement, tels que le Génie militaire dont le concept fut exporté aux États Unis d’
Amérique. L’excellence de la formation de ses ingénieurs fut un exemple pour toutes les armées
modernes.
Nous essayerons de voir dans le prochain chapitre, les provenances des connaissances de cette
armée. L’intérêt porté par les militaires français à la civilisation romaine, a suscité le notre,
d’autant que les deux colonisations ont porté leur vision expansionniste sur le même territoire,
l’Algérie, et que ceux sont les seules qui ont eu un objectif de peuplement.
Première Partie Chapitre Deuxième
64
CHAPITRE DEUXIÈME.
LA COLONISATION ROMAINE : PEUPLEMENT ET URBANISATION.
Introduction
Hormis l’organisation de l’armée romaine qu’elle soit républicaine ou impériale, Rome nous
intéresse par le fait de sa colonisation de l’Afrique du Nord en général et de l’Algérie en
particulier. Cette dernière a connu bon nombre de colonisations, mais c’est avec Rome qu’elle
s’est vu peuplée en premier, par des populations venues d’Europe. Les objectifs de cette
colonisation ont été en majeur partie, des objectifs d’exploitation agricole et minière ; nous
savons que l’Afrique du Nord fut le sellier de Rome. Celle-ci organisa le territoire en fonction
des objectifs établis, d’abord en le partageant en trois provinces, puis en traçant les voies de
communication permettant la circulation des troupes militaires et des matières à exporter vers
Rome, et enfin en réalisant des villes de peuplement aux diverses fonctions militaires et
d’exploitation. Rome finit son œuvre par l’assimilation des populations autochtones à des fins de
pérennité.
A priori, la colonisation française s’est fortement inspirée du modèle romain notamment dans
son application en Afrique du Nord. Parmi les missions des expéditions scientifiques organisées
par la France afin de déterminer les potentialités et les ressources algériennes, la recherche de
vestiges romains était à l’ordre du jour. Reprendre cette organisation et en saisir la logique, nous
permet d’appréhender la logique d’implantation des français sur le territoire algérien, but de
notre travail.
1. La colonisation romaine de l’Afrique du nord.
Jusqu'à l'époque des Sévères et de Dioclétien, les progrès de Rome en Afrique du Nord, quoique
lents, seront constants. Les problèmes sont ceux de la pénétration des massifs montagneux
(Aurès, Nememcha, Atlas tellien), de la construction de voies de communication stratégiques,
enfin (à partir d'Hadrien sans doute), de l'établissement d'un système immense et complexe de
fortifications et en même temps de mise en valeur, le fameux limes. Les progrès de la défense
sont concrétisés par les déplacements des installations militaires : la légion d'Afrique, la
IIIe Auguste, cantonnée à Ammaedra (Haïdra) jusque sous les Flaviens, s'installera d'abord vers
Théveste (Tébessa), puis, sous Hadrien (en 128), au camp de Lambèse, à 30 kilomètres à l'ouest
de Timgad, où une colonie de vétérans avait été fondée vingt ans auparavant.
Première Partie Chapitre Deuxième
65
Jusque-là, l'avance prudente des soldats s'était accompagnée de l'organisation et de la
construction de routes : liaison Carthage-Tébessa, grande rocade qui, de Hippo Regius (Bône,
puis Annaba) et Cirta (Constantine) rejoignait la Tripolitaine (Lepcis Magna), par Tébessa,
Capsa et l'isthme de Tacape, entre les chotts et la mer. En Numidie et en Maurétanie, en
revanche, la pénétration s'arrêtait non loin des côtes : les Hauts Plateaux n'étaient pas effleurés.
C'est seulement à partir des Antonins que commence le lent investissement des Aurès et des
Nememcha, et l'occupation de postes militaires situés au sud, comme Gemellae (Djemila). En
même temps, sans doute, est entreprise la construction du limes, mais aussi une mise en valeur
agricole, avec des travaux d'hydraulique.
Tout le IIe siècle fut ainsi consacré, sur les confins, à un travail de pacification et de
cantonnement des tribus maures. Ces dernières ne cessèrent jamais leurs incursions ; en 122,
Trajan doit les réprimer, il installe des camps dans la région correspondant à l’Algérois
d’aujoutd’hui ; plus tard, c'est en Maurétanie Césarienne et Tingitane ; périodiquement, il faut
faire venir en Afrique des renforts pris en Espagne ou sur le Danube. Parmi ces tribus
turbulentes, la mieux connue est celle des Baquates qui, de Sala (Salé) à Cherchell, harcèle
pendant près d'un siècle les défenses romaines (guerres coupées de trêves solennelles, Rome
menant à leur égard une politique de protectorat, aboutissant, au IIIe siècle, à la conclusion d'un
traité). Toutefois, c'est de la fin du IIe siècle que datent les enceintes de beaucoup de villes de
Maurétanie et de Numidie. Les derniers progrès de Rome seront l'œuvre de la dynastie militaire
des Sévères, eux-mêmes d'origine africaine, qui feront faire au limes de Maurétanie un bond en
avant considérable, en installant un détachement et un camp à Castellum Dimmidi, au nord de
Laghouat, le point le plus méridional de l'occupation militaire romaine89
.
Les Romains n'annexèrent d'abord que le territoire qui appartenait en propre aux Carthaginois ou
à leurs alliés. L'occupation romaine fut longtemps restreinte et l'extension du territoire ne s'opéra
que progressivement. Pendant une période qui dura près de deux siècles (146 av. J.-C.-91 ap. J.-
C.), Rome pratiqua une politique de protectorat et gouverna le pays par l'intermédiaire des rois
berbères, que l'on qualifiait d'une épithète bien caractéristique : on les appelait reges
inservientes, les rois esclaves.
89
Paul Petit, Yann Le Bohec, « Rome et Empire romain-le haut empire », in Encyclopædia Universalis, version 10,
France S.A-2004, CD.
Première Partie Chapitre Deuxième
66
Les possessions des Romains en Afrique étaient divisées en plusieurs provinces. Les romains
divisèrent le Nord de l’Afrique de l’ouest à l’est en Mauritanie, Numidie et Afrique. La province
d'Afrique ou Ifrikia, placée sous l'autorité d'un proconsul, correspondait à la Tunisie et la Lybie
actuelles.
La province de Numidie était gouvernée par un légat qui portait le titre de propréteur et exerçait
en même temps le commandement de toutes les forces militaires ; il résidait au quartier général
de la légion ; elle correspondait à la région de Constantine.
La Maurétanie comprenait le reste jusqu’aux colonnes d’Hercule. Mais les divisions
administratives varièrent plusieurs fois. La Mauritanie se subdivisa en Sitifiène avec Sitifis
(Setif) comme capitale, césarienne avec Césaria (Cherchell) capitale et la Maurétanie tingitane
avec comme capitale Tengis (Tanger). Ces deux dernières étaient administrées par des
procurateurs, représentants civils et militaires de l'empereur.
Cette organisation dura depuis l'année 42 jusque vers 290 après Jésus Christ. Nous assistons
donc à une gérance militaro-civile, donc de la même configuration de gestion des affaires
algériennes durant les premières décennies de colonisation française. C'est-à-dire des
gouverneurs généraux de l’Algérie de profession militaire.
Fig. 4 : L’Algérie romaine
Source : Colonel NIOX 90
90
Colonel NIOX, « Géographie militaire ; Algérie et Tunisie »90
, Édit Librairie Militaire de l. Baudoin et Cie 2
ème
édition, Paris 1890, P 14.
Première Partie Chapitre Deuxième
67
Les frontières méridionales des Romains ne demeurèrent pas immuables ; elles furent reportées
vers le Sud au fur et à mesure que la romanisation du pays progressait. Mais elles ne furent
jamais aussi reculées que celles de l'Algérie française. A l'Est, elles atteignirent bien le Sahara au
Sud des grands chotts tunisiens et de l'Aurès ; mais à l'Ouest, elles laissaient en dehors les
grandes steppes des provinces d'Alger et d'Oran. Des postes, des forts, des camps permanents,
appelés castella ou burgi, étaient échelonnés sur cette frontière qu'on appelait le limes.
2. L’hygiène et la santé chez les romains, un déterminant de l’urbanisme.
Les thermes sont des établissements de bains qui, au-delà de l’hygiène, favorisent le sport,
l’épanouissement du corps et de l’esprit, ainsi que la vie sociale ; par ailleurs, ils offrent une
démonstration brillante des capacités techniques des Romains. S’opposant à la théorie des
humeurs, Asclépiade (médecin grec qui joua un grand rôle dans l’établissement de la médecine
grecque à Rome au premier siècle av. J-C) enseigne que le corps est constitué de particules
discontinues, ou atomes, séparées par des pores. La maladie est, selon lui, causée par les
restrictions apportées aux mouvements ordonnés des atomes ou par le blocage des pores. Il
propose, comme méthode pour parvenir à la guérison, des exercices, des bains, et une
alimentation spécifique plutôt que des médicaments. Cette théorie fut très influente sur la
médecine et la vie sociale sous l’empire romain) et réapparaîtra périodiquement sous des formes
variées jusqu’au XVIIIe siècle
91.
Ces édifices publics ont démontré leur efficacité hygiénique à Rome dont l’insalubrité du site est
fort connue. Avec la civilisation romaine débute l'implantation de l'hygiène du milieu : les
Romains, en effet, construisent des aqueducs permettant d'amener l'eau pure jusqu'aux
agglomérations, installent des égouts permettant aux villes, jusqu'alors fort sales, de s'assainir,
créent et installent des « thermes », qui sont encore bien souvent conservés92
.
L'hygiène du milieu et l'hygiène publique commencent à s'intégrer dans l'urbanisme ; la
civilisation raffinée qui s'instaure, et où le culte de la beauté est pratiqué, conduit au
perfectionnement de l'hygiène individuelle et de l'hygiène publique. Ainsi, au cours de toute
cette période, l'hygiène relève d'idées religieuses ou politiques, elles-mêmes reliées à l'idée du
91
Maurice Maisonnet, « Hygiène », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004.
« Asclépiade », in Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. 92
Pierre Gros, L’ARCHITECTURE ROMAINE, du début du IIIème siècle av.J.-C. à la fin du Haut-Empire,1 les
monuments publics, Collection LES MANUELS D’ART ET D’ARCHÉOLOGIE ANTIQUES dirigée par Gérard
Nicolini, Édit Picard, Paris, 1996.
Première Partie Chapitre Deuxième
68
perfectionnement. Mais la disparition de l'Empire romain entraînera l'effondrement de l'hygiène
publique.
L’état de santé des romains, futurs militaires, étant un élément important dans la politique
globale de l’empire, les thermes furent installés dans toutes les cités romaines et se composaient
de plusieurs locaux placés selon un axe :
Une piscine ou natatio ;
Des bains froids ou frigidarium ;
Des bains tièdes ou tepidarium ;
Des bains chauds ou caldarium ;
Des salles de chauffe à chaleur sèche : le laconium ou le sudatorium équipées
d’une grande vasque centrale : labrum contenant de l’eau fraîche.
De part et d’autre s’agencent deux ensembles symétriques qui comprennent l’un
et l’autre une entrée, un vestiaire ou apodyterium ;
Une grande cour à péristyle sur laquelle donnent de petites pièces, la palestre une
sorte de gymnase.
Les médecins romains avaient élaboré toute une succession d’étapes pour le bain : les exercices
physiques au niveau da la palestre, passage au caladrium puis au tepidarium pour passer à
travers un sas au fregidarium qui mène vers le natatio. A côté de ces espaces, peuvent se trouver
les bains privés, les cours de services, des dépôts d’huiles et de sable de massage ainsi que les
solariums pour les bains de soleil. Ces médecins avaient saisi toute l’importance de l’élimination
des toxines et de la saleté et des peaux mortes dans l’hygiène globale du corps. Le mental n’était
pas pour autant oublié, la détente dans les thermes était de mise. Ainsi étaient construites, pour la
conversation, des petites salles munies de bancs : les exèdres. Pour permettre la réalisation de ce
programme, les architectes vont, à partir de l'époque flavienne, réaliser des établissements de
plus en plus perfectionnés et grandioses grâce à divers progrès techniques : invention de la voûte
d'arêtes qui permet de couvrir d'immense surfaces, invention de la paroi chauffante et
développement des aqueducs fournissant l'eau à volonté93
.
Quant aux soins proprement dits, c’est dans les temples qui servaient aussi d’hôpital, qu’ils
étaient prodigués soit par des médecins utilisant la médecine grecque, soit par les prêtres.
93
Gilbert-Charles Picard, « Thermes », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004.
Première Partie Chapitre Deuxième
69
Ces thermes pouvaient occuper de très grands espaces ; les thermes de Caracalla sur dix hectares
pouvant accueillir 1600 baigneurs comprenaient 64 citernes et présentaient la particularité d’être
équipés de douches. L’utilisation de voûtes permettait la couverture de ces locaux souvent très
décorés. A Rome les bassins sont souvent recouverts de mosaïque. Les thermes sont un lieu de
sociabilité fondamental qui construit l'identité civique et municipale en même temps qu'ils
rendent manifeste les principes de la cité antique : nus et partageant le même bain, les citoyens se
côtoient de manière indifférenciée : les bains sont souvent peu chers, et occasionnellement
gratuits. Leur décoration et leur entretien est aussi l'occasion d'acte d'évergétisme. Toutefois à
partir du deuxième siècle on assiste au développement de bains privés, construits dans les plus
riches demeures, développement qui s'accroit durant l'antiquité tardive. On peut voir dans cette
évolution à la fois le souci d'une plus grande intimité et la recherche d'une distance sociale : le
notable se distingue désormais du commun et peut recevoir ses intimes dans le cadre choisi de
ses bains personnels94
.
Ceux de Timgad sont en très bon état de conservation. Le système de thermes a été repris par les
médecins militaires français dans les hôpitaux en Algérie où ils ont installé des étuves, pour
combattre les fièvres miasmatiques, et les douches comme procédé prophylactique. La
corrélation entre la salubrité de Rome et celle des villes d’Alger et d’Annaba, zones
marécageuses fut vite établie.
Les thermes de Annaba, établissement balnéaire, furent édifiés aux frais de la cité et dédiés à
Septime-Sévère, sous le règne de Caracalla. Ce sont les établissements balnéaires les mieux
conservés et les plus complets que nous aient révélés les villes antiques d'Afrique du Nord.
Sur l'imposant massif de briques et (de maçonnerie) qui, à plus de huit mètres de hauteur,
surplombe l'ensemble des ruines et dont la haute paroi occidentale s'incurve pour donner passage
à la cheminée centrale des foyers, on distingue encore parfaitement les points de départ des
voûtes qui, à l'Est et au Sud, couvraient les salles chauffées.
Tout autour gisent, en blocs énormes, des quartiers de ces voûtes écroulées, sous la chute
desquelles avait été ensevelie la totalité de l'édifice. Il a fallu procéder à leur enlèvement pour
faire reparaître le grand caldarium, avec son laconicum en hémicycle, son labrum, ses deux
étuves latérales, ses salles annexes pareillement chauffées, aux doubles parois garnies (les
bouches permettant la circulation d’air chaud et sec) verticales, au pavé de marbre sont presque
94
« Histoire de l’hygiène », in Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.
Première Partie Chapitre Deuxième
70
intacts. Le tout est encadré par un couloir de service, se prolongeant sous tout l'édifice, à la voûte
en quart de cercle, descendant aux salles souterraines voûtées en arête qui ont résisté à
l’effondrement des étages supérieurs. Elles paraissent bien avoir été, du moins à l'origine, les
chambres d'arrivée des eaux. Au niveau des salles chauffées, on retrouve, après les salles de
transition, le grand frigidarium, dont une partie seulement a pu être jusqu'ici dégagée, les blocs
de maçonnerie qui l'encombrent et dont quelques-uns ont conservé les traces des mosaïques à
éclatantes polychromes qui devaient décorer les voûtes. Cette salle, de dimensions imposantes,
formait un vaste rectangle flanqué de piscines froides en demi-cercle, et prolongé du côté des
salles chauffées par un hémicycle. Le long des parois de marbre safrané, se dressaient des statues
monumentales dont quatre ont déjà été retrouvées : un Esculape médiocre, mais, par contre, une
statue de Minerve signée et une statue d'Hercule rappellent le type de l'Hercule Farnèse, qui
peuvent compter parmi les plus beaux spécimens de la statuaire antique retrouvés en Algérie95
.
Fig.5 : Plan de Hippone
Source : site web96
Les thermes sont une pièce importante sur l’échiquier du plan romain : leur monumentalité parle
en ce sens. Ils possédaient de multiples fonctions : salle de sport, musée restaurant, et leur
95
Erwan Marec, « Hippone La Royale », in www.alger- roi.net/Alger/documents_algeriens/culturel/pages/
/47_hippone.htm. 96
http://www.alger-roi.net/Alger/documents_algeriens/culturel/images/47_hippone_plan.jpg.
Première Partie Chapitre Deuxième
71
fréquentation touchait l’ensemble de la population. Les autres caractéristiques de l’urbanisme
romain sont : la voierie (remarquable par son dallage), le chauffage central, les latrines publiques
et les égouts. Cela dénote de l’importance de la gestion des voies de communication et de
l’hygiène chez les romains.
3. Rome et l’urbanisation.
L'immense Empire romain, comme tous les États de l'Antiquité, était constitué par un nombre
élevé de cités, minuscules cellules de ce grand corps. Le mot « cité » désigne une ville et le
territoire qui en dépend. Chacune bruissait d'une vie municipale intense, un des centres d'intérêt
privilégiés des historiens actuels. Les institutions copient en règle générale le modèle romain,
lui-même proche des structures grecques, avec deux assemblées, une large (populus, dèmos) et
une étroite (décurions, boulè), et des magistrats (questeurs pour les finances, édiles pour la
police, et duumvirs pour le droit en Occident, stratèges, archontes..., en Orient)97
.
La grande révolution occasionnée par Rome en Afrique fut moins le développement du
commerce, qui existait déjà à l'époque punique, que le spectaculaire mouvement d'urbanisation
qui s'étendit jusqu'à l'intérieur du pays. Sans doute Rome trouva-t-elle le noyau des cités
puniques, non seulement les vieilles colonies alliées de Carthage (Utique, Hadrumète, Hippo
Regius, Sabratha, Lepcis, etc.), mais aussi des cités libyco-puniques de l'intérieur, comme
Mactar ; sans doute, également, les rois numides avaient-ils tracé la voie de cette urbanisation,
avec leurs « cités royales », comme Bulla Regia, ou Volubilis en Maurétanie. Mais toute la vie
romaine était centrée autour de la cité : les colonies de César au cap Bon, celles d'Auguste en
Proconsulaire ou en Numidie, celles de Trajan à l'intérieur (Timgad), montrent que, pour Rome,
le peuplement civil ou militaire d'une province conquise se faisait essentiellement par la création
de villes, dont les cadres sociaux et politiques pouvaient seuls assurer à la fois l'ordre public et la
« romanisation », gage de loyalisme98
.
La population romaine résidait en général dans les villes, qui avaient une autonomie plus ou
moins grande ; il y avait, entre elles, toute une hiérarchie de groupements dont les degrés étaient
multipliés à l'infini. Les administrations communales avaient des attributions très étendues. Les
Africains notables, appelés de père en fils à ces fonctions municipales, y prirent l'habitude de
l'administration et furent des agents actifs de romanisation.
97
Gilbert Picard, Empire romain, collection Architecture universelle, Édit Office du Livre, Italie, 1964. 98
Colonel NIOX, op.cit, 1890.
Première Partie Chapitre Deuxième
72
Les inscriptions nous apprennent que bon nombre de tribus n'étaient pas administrées
directement par des fonctionnaires romains, mais par des chefs indigènes, qu'on appelait
principes, principes gentium99
.
3.1. Rome : un modèle d’urbanisation.
C’est sur le modèle de Rome (fonctionnellement et non formellement) que les villes se
développent. Partout, à l’exception de différences ponctuelles relevant de l’histoire, du relief ou
des matériaux disponibles, on retrouve les axes principaux larges (cardo et decumanus), les rues
plus étroites avec leurs intersections à angle droit et les mêmes lieux importants de l’urbanisme.
Tout d’abord, le forum, place dallée, entourée de boutiques et des bâtiments de la vie
municipale ; les bâtiments ont une fonction précise et toujours similaire : la curie abrite les
réunions du sénat local, la basilique héberge les tribunaux, les thermes auxquels s’y ajoutent les
théâtres, les amphithéâtres, les cirques et les aqueducs se retrouvent dans les villes romaines
d’Algérie. Néanmoins si Rome s’est développée, depuis Romulus et Remus, de façon très
irrégulière, ce ne fut pas le cas des villes créées en Afrique du nord.
Son développement irrégulier est probablement du à deux faits :
la topographie du terrain où les zones entre les collines sont marécageuses
difficilement constructibles durant la première période d’évolution de la ville
et donc avant les travaux d’assèchement, et sans cesse inondées par le Tibre.
Étant la première cité, elle s’est édifiée d’abord sur les hauteurs dans un but de
défense.
99
Pierre Salama, « Panorama de l’Algérie Romaine. L’activité industrielle et commerciale », in www.alger-
roi.net/Alger/documents_algeriens/culturel/pages/28_panorama_algerie_romaine.htm.
Première Partie Chapitre Deuxième
73
Fig.6 : Plan de la Rome antique
Source : Léonardo BENEVOLO100
Dans ces villes, s'installent même les grands ou moyens propriétaires des domaines environnants,
qui ne gardent sur leurs terres qu'une « villa rurale ». Les cités s'ordonnent autour d'un noyau
monumental, uniforme dans sa variété, qui en atteste l'autonomie et la dignité : le forum, le
capitole (temple de Rome et d'Auguste ou de Jupiter, etc.), le ou les marchés, la basilique, siège
de la vie judiciaire et civique, le théâtre, les thermes, la palestre, souvent l'amphithéâtre. Tous ces
monuments, qui montrent l'importance de la cité et qui fleurissent du Ier au IIIe siècle en Afrique
(avec un très grand moment, celui des Sévères), sont offerts à la collectivité soit par l'empereur,
lorsqu'il veut marquer sa bienveillance, soit par de riches familles, en remerciement des honneurs
municipaux dont elles sont chargées. Ainsi étaient investis, non sans profits pour les corps de
métier locaux, les surplus de la production agricole. La ville attirait aussi les ruraux, les hommes
libres, par ses spectacles, par ses bains et surtout par le fait que toute réussite sociale, dans
l'Antiquité, ne pouvait se faire qu'en passant par le cadre des statuts municipaux101
.
3.2. L’implantation des cités romaines en Afrique.
L’urbanisation romaine a recours à un plan urbain spécifique qu’on appelle diversement : plan en
échiquier, en damier, à l’équerre, orthogonal ou encore en quadra (en carré) et qui prendra aux
États- Unis d’Amérique le nom de plan en grille (gridiron). Cette configuration de rues se
100
Léonardo Benevolo, 1983 op.cit, 101
Idem.
Première Partie Chapitre Deuxième
74
coupant à angle droit fut théorisée et promu dans le monde grec par Hippodamos de Milet102
, à la
suite des travaux de géomètres coloniaux, conjuguant une réflexion sur l’isonomie (égalité
devant la loi), une ségrégation de l’espace entre les classes et une dissociation des fonctions
urbaines. La colonisation a néanmoins dû s’adapter à la topographie des sites.
Les cités romaines d’Afrique étaient des centuriatio au plan régulier. Le point de concours du
cardo et demanicus considéré comme le centre idéal de la colonie, était aussi le centre de
l’organisation territoriale. Les voies rurales qui partent des portes sont le prolongement des voies
urbaines. Elles sont dessinées à la manière du camp romain103
.
Fig.7 : La ville romaine en échiquier d’après une illustration de 1536 du traité de Vitruve.
Source : Léonardo BENEVOLO104
102
Hippodamos de Milet : Philosophe, théoricien politique, architecte, urbaniste, il représente, au début du ~
Ve siècle, le type achevé des descendants de l'école philosophique de Milet, dont Thalès, au ~ VIe siècle, apparaît
comme l'inspirateur. Nourri de cette tradition, ayant exercé sa réflexion sur les règlements et les constitutions
promulguées au siècle précédent par les législateurs de l'Ouest et de l'Est. Hippodamos de Milet est devenu, en
quelque sorte, le symbole des urbanistes classiques. Le nom d'Hippodamos de Milet symbolise moins le plan urbain
orthogonal, au tracé régulier, connu bien avant lui, que le principe d'une division fonctionnelle du tissu urbain,
prévoyant des zones réservées et adaptées aux fonctions essentielles de la communauté pour laquelle il est implanté
et défini, in Encyclopædia Universalis 2004 103
« Province Romaine d’Afrique », in Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. 104
Léonardo Benevolo, 1983,op.cit.
Première Partie Chapitre Deuxième
75
Les villes romaines étant essentiellement fonctionnelles, il existait une relation très forte entre le
lieu géographique et la fonction de la cité. Ainsi les villes coloniales du littoral furent-elles des
villes d’échange et de commerce alors que celles de l’intérieur étaient soit militaires soit
agricoles. Dans le premier cas les romains, la plus part du temps, se sont installés sur les sites de
très anciennes cités généralement fondées par les phéniciens (comptoirs méditerranéens). Les
villes nouvelles ont donc été dans un but militaire, soit comme postes avancés ou comme villes
de garnison. Dans ce cas c’est l’urbanisme géométrique qui est le plus utilisé. Le développement
anarchique de la ville de Rome ne pouvait constituer un exemple et ne pouvait assurer la sécurité
d’une ville à caractère militaire.
3.3. L’implantation militaire romaine en Algérie.
Les forces militaires romaines, dans la partie soumise de l'Algérie, ne furent jamais
considérables, elles étaient essentiellement formées par une seule légion, la Tertia Augusta, qui,
stationnée sous Auguste à Ammaedara en Tunisie, au nord-est de Tébessa, fut transportée de
bonne heure dans cette dernière ville. La légion était renforcée par des auxiliaires qui, au début,
étaient recrutés dans les autres parties de l'Empire romain, et par des formations autochtones, à
effectifs variables, appelées en cas de besoin.
Ces forces suffisaient pour tenir les régions occupées, dont la frontière, au début du premier
siècle, restait au nord de l'Aurès, englobait les plaines de Sétif et de la Medjana, et était jalonnée
plus à l'ouest par Berrouaghia, le Chélif, Relizane, Mascarra et l'embouchure de la Moulouya.
Par la suite, sous la pression des insoumis et pour mettre les provinces à l'abri de leurs
incursions, la légion fut portée à Lambèse, avec des postes au sud de l'Aurès, qui ne fut réduit
qu'après 50 ans de luttes; et la frontière militaire atteignit (au IIIème
siècle) la région sud-ouest du
Hodna, Boghar, Teniet, Tiaret, Chanzy, Lamoricière, Tlemcen et Maghrnia. Les troupes tenaient
alors le système de défense : le camp romain avec, au moins par place, un remblai ; des voies de
communications permettaient des liaisons faciles entre les postes et les camps. Quelques postes
se trouvaient aux avancées, à Laghouat, Djelfa, Sfissifa105
.
105
Noureddine Harrazi, op.cit.
Première Partie Chapitre Deuxième
76
Les cités n’eurent pas la même fonction. Certaines furent des villes de garnison telles que
Constantine capitale de province , Tébessa( Théveste) sise sur la grande voie stratégique entre
Carthage et Lambèse (Tébessa garda son importance militaire puisqu’elle fut le siège d’une
garnison de janissaires sous l’empire ottoman) ou Timgad alors que d’autres étaient plus
commerçantes ou agricoles installées sur une voie romaine ou sur le littoral telles que Alger
(Icosium), Annaba (Hippone) ou Skikda (Rusicade) fondées par les phéniciens et restaurées par
les carthaginois. C’est de ces ports que partait le blé (tribu des autochtones et contribution des
colons, à titre d’impôts) vers Rome.
3.4. La morphologie des cités militaires romaines en Afrique, cas de Timgad.
La forme précise de la ville romaine correspond, par ailleurs, à celle du camp militaire romain.
Timgad (Thamugas ,100 apr. J.-C.), en offre une bonne illustration : le développement irrégulier
de la ville, au-delà de l’enceinte, montre aussi que ce cadre peut être gênant et transgressé.
C'est en 100 que Trajan fit procéder à la fondation de la cité par la Troisième légion d'Auguste et
son légat Lucius Munatius Gallus. Timgad, était l'incarnation de pouvoir romain mais a aussi
existé dans un autre but politique caché. Quand Timgad a été construite, il a été déclaré que seuls
les citoyens romains seraient autorisés à y vivre. La citoyenneté romaine a été accordée à "tout
homme, ainsi qu’à son fils, qui accomplie 25 années de service militaire."
Les hommes, qui voulaient bénéficier de conditions de vie confortables et par égard pour leurs
enfants se sont engagés volontiers dans l'armée. Timgad, à l’image de Sparte, était une ville
construite pour les soldats qui ont gagné la citoyenneté en combattant pour Rome. La
récompense pour endurer une vie militaire sévère, était la perspective de mener une vie élégante
dans Timgad.
Les habitants de Timgad avaient donc tous la citoyenneté romaine et furent inscrits dans la tribu
Papiria. La colonie prit le nom de colonia Marciana Traiana Thamugadi. On ne sait pas
cependant s'il y avait déjà une agglomération africaine sur place. Le plan initial de Timgad,
quadrangulaire et géométrique atteste de cette fondation suivant les principes des gromatici, les
arpenteurs romains106
. La rigueur de la planification de l'espace urbain fit que Timgad est
souvent cité comme exemple de ville romaine, il serait toutefois erroné de généraliser à partir de
son cas : les plans de villes romaines avaient d'abord pour principe de s'adapter au terrain et aux
106
Christian Courtois, « Timgad » http://www.alger- roi.net/Alger/documents_algeriens/ culturel/pages/
59_timgad.htm.
Première Partie Chapitre Deuxième
77
contraintes du lieu. La forte régularité du plan initial a donc parfois conduit à penser que Timgad
avait pu être un camp militaire avant d'être une ville, la fondation coloniale réutilisant le tracé
des cantonnements militaires : cette hypothèse n'est pas prouvée et rien n'indique que Timgad ait
pu servir de camp provisoire à la troisième légion Auguste. La fondation de Timgad prend
cependant pleinement son sens lorsqu'on la replace dans l'histoire des déplacements de la légion
africaine. La déduction de la colonie se trouve en effet entre la première installation d'une
cohorte légionnaire à Lambèse, en 81, et l'installation définitive de toute la légion vers 115-120.
Si Timgad est remarquablement bien situé, il faut reconnaître au site de Lambèse une meilleure
position stratégique. Il est donc logique de voir les français installer une ville de garnison entre
les deux : Batna.
On a donc souvent vu dans la fondation de Timgad un objectif d'abord purement militaire. Il faut
cependant très fortement relativiser la protection militaire que pouvait apporter une colonie de
vétérans : passé les premières années, les habitants ne pouvaient guère fournir une force militaire
particulière. En revanche la colonie pouvait avoir un rôle militaire indirect : elle pouvait
constituer, à terme, un milieu de recrutement pour la légion voisine et surtout par ses productions
agraires - céréales et olives - assurer une partie non négligeable de son ravitaillement. Une ville
romaine n'est pas concevable sans sa campagne.
C'est de son territoire que la cité romaine tirait ses richesses, et de ces richesses dépendait le
dynamisme des notables qui la dirigeait. Un trait notable de Timgad : toutes les maisons
présentent les mêmes dimensions ; Il en est de même des terres agricoles ce qui dénote d’une
volonté d’égalité entre les citoyens romains et les autochtones dans le but d’une assimilation
complète.
Paul-Albert Février a proposé une reconstitution de la composition du territoire de Timgad afin
d'évaluer la répartition de la propriété agraire sur sa superficie. Il en ressort l'image d'un territoire
finalement assez étroit : 1500 kilomètres carrés, 150 000 hectares qui n'étaient pas tous
exploitables car des reliefs importants existent dans cet espace. Au nord, sur environ 25
kilomètres, les recherches ont révélé un système de centuriations107
sans doute lié à la fondation
de la colonie avec un parcellaire régulier témoignant d'une mise en valeur soignée. Au nord-
ouest la plaine révèle des ruines nombreuses et donc une densité d'occupation importante. Toutes
107
Centuriation : sorte de cadastre divisant la terre en zone plus ou moins apte à la culture, in Microsoft ® Encarta
® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.
Première Partie Chapitre Deuxième
78
ces terres n'appartenaient pas à des particuliers. Au contraire une superficie importante
appartenait à l'empereur. Ces domaines impériaux, répartis en au moins trois ensembles, étaient
gérés par un, ou plusieurs, procurateur affranchis à qui il revenait de louer les terres et de les
faire fructifier. La cité comptait environ 280 décurions qui devaient y posséder une superficie
minimale, si l'on tient compte des propriétés des gens ordinaires et d'éventuelles possessions par
des étrangers à la cité on ne peut imaginer que le territoire était dominé par de nombreuses
grandes propriétés les habitants du territoire de Timgad n'étaient pas de gros exploitants.
L'installation d'un royaume vandale en Afrique, après 429, fut le point de départ d'une série
d'affrontements qui déterminèrent la fin de Timgad.
Timgad jouissait d’un excellent système de gestion des eaux potable et usée. L’importance de
ces systèmes est d’autant plus grande que le climat de la région est à faible pluviométrie et où les
températures estivales peuvent facilement atteindre 40°c. Timgad disposait d’un système de
récupération des eaux pluviales « citernes » afin d’alimenter les thermes, les maisons et
d’irriguer les jardins. Le système permettait aussi de nettoyer les latrines publiques installées le
long des murs d’enceinte. Elles se présentaient sous forme de sièges percés d’un trou rond. Elles
étaient nettoyées par l’eau de pluie coulant dans un canal passant en dessous ce qui permet
d’évacuer les déchets humains.
Comme toutes les villes romaines, Timgad avait ses thermes. Sur une dalle de son forum, une
inscription célèbre résume bien la conception de la vie urbaine romaine : « Venari, lavari,
ludere, ridere, occ est vivere » (chasser, aller au bain, jouer, rire, çà c’est vivre). Par le vaste
dégagement dont elle a fait l'objet Timgad offre une image quasiment unique de la place des
bains dans la cité, même si tous les bains dégagés n'ont pas nécessairement été en service de
manière simultanée et si leurs fouilles ont été souvent - au regard des critères actuels - trop
rapidement conduites : les stratigraphies manquent, les plans ne sont pas toujours sûrs. Il n'en
reste pas moins que l'importance et la diversité de l'équipement balnéaire ressort et que, de ce
point de vue, Timgad peut rivaliser avec une ville comme Ostie.
Les bains de Timgad offrent donc une image remarquable de la prospérité de l'Afrique romaine
et de son insertion dans la communauté culturelle que formait la Méditerranée antique. Les
thermes de Timgad ont fourni un nombre important de mosaïques : 85 sur les 235 de l'inventaire
fait par Suzanne Germain Warot en 1969. Sur les quatorze thermes recensés dans son étude
douze avaient conservé au moins en partie leur pavement. Le décor y est essentiellement
Première Partie Chapitre Deuxième
79
géométrique agrémenté parfois de tableaux comme la représentation de Neptune pour les grands
thermes est ou la représentation de Jupiter pour les thermes des Philadelphes. Les salles annexes
de ces thermes pouvaient aussi avoir des décors non négligeables.
Fig.8 : Plan de Timgad
Source : Site Web108
Fig.9 : Vue aérienne de Timgad
Source Google Earth.
3.5. Les centres de peuplement romains.
Les provinces du nord de l'Afrique, déjà célèbres sous la domination carthaginoise pour la
fertilité de leurs terres, contribuèrent à la prospérité de Rome, qu'elles ravitaillaient en blé
108
http://www.alger-roi.net/Alger/documents_algeriens/culturel/images/59_timgad_plan.jpg.
Première Partie Chapitre Deuxième
80
(annone d'Afrique) et en huile, en produits exotiques et en fauves destinés aux jeux du cirque. À
côté de la petite exploitation rurale existaient de grands domaines, qui, après avoir été confisqués
à leurs propriétaires romains, furent attribués, sous le règne d'Hadrien, à de petits paysans
autochtones c’est déjà la période d’assimilation. La grande propriété agricole était centrée autour
de la villa.
Ces provinces furent celles où, à l'exception de la Gaule, la pénétration de la civilisation romaine
a été la plus profonde. La plupart de leurs institutions étaient inspirées des institutions romaines.
Grâce à un remarquable mouvement de peuplement et d'urbanisation, les provinces d'Afrique
furent ornées de cités pourvues d'installations et de bâtiments publics s'ordonnant autour du
forum. Certains empereurs, tels Septime Sévère, originaire de Leptis Magna, contribuèrent à
l'embellissement des cités. Le développement des communications, la construction d'un réseau
routier permirent de relier entre elles les principales cités et de desservir les plus grands ports109
.
Les centres urbains se multiplièrent ; de beaux monuments, temples, marchés, théâtres,
amphithéâtres, thermes, arcs de triomphe, châteaux d'eau s'y élevèrent ; leurs ruines parsèment
aujourd'hui le sol de l'Algérie, surtout dans la région de Constantine. Les places publiques se
peuplèrent de statues représentant des divinités, des empereurs, des magistrats municipaux.
3.6. Rome et le système hydraulique.
Depuis l'époque romaine, le régime des eaux (pluviométrie) a été modifié par les déboisements
qu'ont entraînés les dévastations provenant des invasions successives. Surtout on a laissé se
dégrader des travaux hydrauliques qui avaient été réalisés non pas à la diligence du
gouvernement central, mais sur l'initiative des Cités (dont le territoire comportait normalement
une banlieue étendue) des particuliers et des grands propriétaires. La distribution de l'eau avait
été l'objet de soins particuliers, et elle était soumise à une réglementation précise empêchant le
gaspillage et l'abus.
Les romains excellent également dans la construction des ponts qui, à partir du milieu du
IIe siècle av. J.-C., font appel à l’arc et à la voûte. Des aqueducs amènent vers les villes l’eau des
sources éloignées. Les fontaines et les thermes en consomment de grandes quantités, de même
certaines installations artisanales comme les moulins et les latrines publiques. En outre, les
maisons riches peuvent être alimentées en eau courante (puisqu’elles comprenaient des bains,
latrines et système de récupération des eaux pluviales avec citerne). L’aqueduc de Carthage
109
Paul Gaffarel, Conquête de l’Algérie jusqu’à la prise de Constantine, Édit Librairie de Firmin-Didot et Cie, Paris,
1888.
Première Partie Chapitre Deuxième
81
(IIe siècle apr. J.-C.) parcourait 132 km. Les ponts (dits « aqueducs ») construits pour leur faire
franchir les vallées, comptent parmi les réalisations les plus impressionnantes de l’architecture
romaine110,111
.
Fig.10 : Tracé de l’aqueduc de Rome
Source : Léonardo Benevolo112
Fig.11 : Détail d’aqueduc
Source : Léonardo Benevolo113
110
Léonardo Benevolo, 1983, op.cit. 111
Philippe Leveau, « Aqueduc (Antiquité) », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004. 112
Léonardo Benevolo, 1983, op.cit. 113
Idem.
Première Partie Chapitre Deuxième
82
Toutes les cités ont leur aqueduc, leurs citernes de récupération des eaux de pluie. Ces dernières
sont importantes aux yeux des romains puisqu’elles se situées en général à l’intérieur des cités
prés des thermes et des casernements. Elles étaient donc bien défendues. Les citernes de Cirta se
trouvent dans les sous sols de la casbah, implantée prés des casernements romains sur la partie la
plus haute du rocher de Constantine. Celles de Annaba toujours implantées au niveau de la
citadelle sur un monticule mais assez loin de Hippone.
Les aqueducs acheminaient l’eau par gravitation en suivant les courbes de niveau avec un
minimum de pente, des sources vers la cité, mais aussi à l’intérieur de celle-ci. Ils étaient en
maçonnerie : extérieur à la cité (où lorsqu’il devait franchir des dépressions, ils reposaient soit
sur des murs pleins soit sur un pont sur arcs) et souvent au dessus du sol, ceux sont les Aqua
Marcia. Lorsqu’il est enterré l’Aqua Appia se présente soit sous forme de tranchées soit sous
forme de tunnels. Quand il est urbain, souvent sous pression (siphon) il est de plomb (plumbum).
Des vestiges des Aqua Marcia de Cirta et de Hippone sont encore visibles114
.
Si les romains ont développé les thermes au niveau des cités, ils connaissaient les vertus
bienfaisantes des eaux thermales naturelles. L’exploitation de ces eaux a donné naissance à des
thermes tels Hammam Righa, Hammam Meskoutine prés de Guelma ou à ceux de Khenchla prés
de Batna dont le natatio est toujours fonctionnel
3.7. Les voies de communications romaines.
Pour contrôler et développer les territoires conquis, et également faire du commerce, les
Romains construisent d’innombrables routes, au tracé rectiligne caractéristique.
Ces voies revêtaient donc un intérêt militaire considérable à la fois offensif et défensif : il ne fut
plus suffisant de tracer des pistes, et un système plus complexe de construction de routes fut
développé, dont l’objectif était de rendre les voies plus durables et mieux à même de supporter
un trafic intense.
Les voies étaient construites à l’aide de pierres de tailles différentes pour créer des fondations
solides, une couche de pierres plus petites étant disposée sur les gros blocs du dessous. Dans
certains cas, généralement sur les routes les plus importantes, une couche de galets ou de pavés
était disposée au-dessus de ces fondations. Les routes étaient légèrement bombées pour permettre
l’évacuation des eaux.
114
Léonardo Benevolo, 1983, op.cit.
Première Partie Chapitre Deuxième
83
Elles étaient, le plus souvent, construites en ligne droite. La première grande route romaine fut la
voie Appienne, construite par Appius Claudius en 312 av. J.-C., qui reliait Rome à Capoue, puis
à Brindisi. Sa construction durât trois siècles115
.
Fig.12 : Voie Appienne
Source : Microsoft116
® Études 2008 [DVD]. Microsoft Corporation, 2007.
Fig.13 : Coupe transversale d’une voie romaine.
Source : Léonardo BENEVOLO117
.
Ce sont ces routes que les français, au début de la colonisation, utilisèrent pour tracer leur propre
réseau. Sachant que leur domination ne pouvait se faire sans la pacification de la campagne
algérienne, une des premières missions des éclaireurs et des observateurs fut de retrouver le tracé
115
« Voies Romaines », in Microsoft® Études 2008 [DVD]. Microsoft Corporation, 2007. 116
« Voie Appienne », in Microsoft® Études 2008 [DVD]. Microsoft Corporation, 2007. 117
Léonardo Benevolo, 1983, op.cit.
Première Partie Chapitre Deuxième
84
des routes et des guérites de surveillance romaines afin de sécuriser le transport de l’armement et
des marchandises. L’armée impériale romaine étant le modèle de l’armée impériale française,
c’est sur les bases de son model que cette dernière s’insurgeât en Algérie.
Conclusion
Rome constitue, avec tout ce qu’elle a ramené comme innovations dans le domaine militaire,
hygiénique, architectural et urbanistique, un modèle pour les civilisations futures. Comme nous
l’avons vu précédemment, l’empire ne s’est pas limité à l’Europe, mais s’est étendu jusqu’en
Afrique du Nord et au moyen Orient. Cette expansion, dans un but de pérennité, a reproduit sur
l’espace des villes à l’exemple de Rome et du camp romain Castra. Cette volonté s’est traduite
par une forme d’urbanisation des territoires occupés. L’implantation de ces villes dépendait de la
fonction qui leur était attribuée, militaire ou d’exploitation. Si la fonction militaire trouve son
explication dans l’expansion, la fonction d’exploitation trouve la sienne dans la volonté de
colonisation par peuplement ; le corollaire en est l’assimilation des populations locales. Cette
urbanisation s’est accompagnée de tous les équipements connus : basiliques, théâtres, thermes,
aqueducs, voies de communications et autres.
Les romains ont réalisé toutes leurs œuvres en Afrique du Nord selon les modes de construction
en usage à Rome. L’empire se trouvait donc représentatif de la civilisation romaine dans toute
l’étendue de son territoire.
Son mode d’expansion et de colonisation, quant à lui, aura peut-être servi d’exemple à la France.
Si l’empire français s’est développé en Europe, son regard s’est vite porté vers la rive Sud de la
méditerranée.
Nous traiterons dans ce qui suit de l’architecture militaire au Moyen Âge, ce dernier constitue la
période intermédiaire entre l’époque romaine et celle de la colonisation de l’Algérie par les
français. Cette architecture représente le patrimoine de référence des savoirs et du savoir faire
des militaires français.
Première Partie Chapitre Troisième
85
CHAPITRE TROISIÈME.
L’ARCHITECTURE ET L’URBANISME MILITAIRES DE L’ANTIQUITÉ AU MOYEN
ÂGE.
Introduction.
Nous avons vu dans les précédents chapitres, l’apport de chacune des armées les plus
importantes depuis l’antiquité. Nous aborderons dans ce qui suit l’architecture militaire en tant
que matérialisation des objectifs militaires sur la construction. Nous insisterons sur l’architecture
antique romaine au regard de l’importance des réalisations laissées en Algérie. L’architecture et
l’urbanisme romains puisant dans ceux de la Grèce antique, c’est donc à ces premiers que nous
porterons notre intérêt.
La proximité temporelle de l’architecture militaire du Moyen Âge avec l’armée de colonisation
française nous incite à nous y intéresser. Jusqu’au début du XIXème siècle, les villes étaient
entourées d’enceintes fortifiées, elles se trouvaient donc cernées dans une enveloppe sécurisée
tout comme l’étaient celles du Moyen Âge. Nous avons vu dans le premier chapitre que Vauban
révolutionna le mode de fortifications. Par ailleurs le dynamisme commercial joue un grand rôle
durant cette période dans le développement des villes d’Europe. Guerres maritimes et commerce
des Indes orientales aboutissent, en revanche, à la création et au développement de grandes villes
nouvelles telles que : Brest et Lorient, villes semi militaires implantées un peu à la manière de
villes coloniales dans un pays peu urbanisé.
Ce développement urbain, sous les tensions politiques et donc militaires, intensifia les
constructions militaires et intégra les fortifications dans l’architecture civile notamment celle des
châteaux, dont certains finirent par prendre le nom de château fort. L’expansion commerciale
avait pour corollaire l’expansion militaire. Le Moyen Âge se présente donc comme une période
de développement de l’architecture militaire.
1. L’Architecture et l’urbanisme militaires grecs.
Les ouvrages de défense - remparts, fortins, tours de guet - dont les vestiges imposants scandent
aujourd'hui la solitude des paysages grecs sont l'autre face, longtemps occultée, d'une
architecture dont on ne voulait voir que la spiritualité épurée, telle que l'expriment les édifices
consacrés dans l'asile des sanctuaires. Ces constructions militaires, importantes et nombreuses à
toutes les phases de la civilisation grecque, sont au contraire le témoin éloquent d'une réalité
Première Partie Chapitre Troisième
86
historique dominée par la guerre, le morcellement politique du pays se trouvant favorisé par la
géographie : chaque plaine ou plateau cultivable, chaque île a tendu à se constituer dès la
protohistoire en entité distincte, et les solidarités ethnique, linguistique, religieuse n'ont que
rarement contrebalancé leur volonté tenace d'autonomie politique.
Dès que les premières agglomérations se reconstituent, au IXe siècle, les remparts
réapparaissent : le plus ancien connu est celui de Smyrne (VIIIe-VIIe s. av. J.-C.), fait de briques
crues sur un socle de pierre, sans tours, si ce n'est pour flanquer les rares portes118
.
Il faut attendre la fin du VIe siècle pour trouver les premiers remparts de pierre, ponctués, sans
doute à l'imitation de l'Orient, de tours carrées saillantes. Un chemin de ronde bordé d'un parapet
de merlons permet de circuler au sommet des courtines, dont la hauteur ne cesse de s'accroître
avec le développement de la poliorcétique : aux échelles de sièges, qui ne dépassent guère 8
mètres, succèdent des tours mobiles en bois, garnies de pièces d'artillerie depuis la fin du Ve
siècle. À partir de ce moment, le progrès incessant des techniques et des tactiques entraîne une
complexité croissante des plans ; architectes et ingénieurs rivalisent d'ingéniosité ; une littérature
spécialisée apparaît, dont quelques classiques nous sont parvenus : le Manuel de poliorcétique
d'Énée le Tacticien (vers 350 av. J.-C.) et les traités sur la poliorcétique et sur les catapultes de
Philon de Byzance (vers 240 av. J.-C.).
Quelques sièges, où la technologie atteignit des sommets, sont restés célèbres : celui de Rhodes
par Démétrios Poliorcète (305-304, infructueux), et celui de Syracuse par les Romains (215-
212), qui finirent par s'en emparer malgré les machines extraordinaires qu'Archimède avait
construites pour les repousser. La conquête progressive de tout le monde grec par Rome mettant
fin aux guerres entre cités, puis entre confédérations et monarchies hellénistiques, amena le
déclin de l'architecture militaire : sous le Haut-Empire, les ouvrages anciens ne furent même plus
entretenus et les cités grecques furent prises au dépourvu par les premières invasions barbares
(incursion des Hérules à Athènes en 267 apr. J.-C.)119
.
Outre le réduit défensif que constituent les remparts de la ville, les cités grecques ont très
souvent implanté des tours ou des fortins sur les confins de leur territoire :
118
François Châtelet, « La Grèce Antique Civilisation Ŕ La cité grecque », in Encyclopædia Universalis, DVD
EUV10, France S.A-2004. 119
Bernard Holtzmann, « La Grèce Antique Histoire ŔLa colonisation », in Encyclopædia Universalis, DVD
EUV10, France S.A-2004.
Première Partie Chapitre Troisième
87
simples tours de guet, comme dans les îles, pour prévenir les incursions des
pirates ;
forts gardés par une petite garnison permanente et munis d'une enceinte de refuge
pour la population rurale d'alentour ;
parfois même véritables places fortes (Phylè et Rhamnonte aux frontières de
l'Attique, et plus encore Éleuthère et Aegosthènes aux confins de la Béotie), qui,
avec leur garnison nombreuse et leur vaste périmètre, constituent autant de points
de fixation que des envahisseurs éventuels ne peuvent se permettre de laisser
incontrôlés sur leurs arrières120
.
L'art d'animer les parements par stries, bossages et piquetages, de souligner les angles par des
feuillures, de rythmer courtines et tours par des assises de hauteur ou de pierre différente ou par
de discrètes moulures donne à ces ouvrages une qualité esthétique dépouillée à laquelle l'époque
contemporaine est plus sensible que le XIXe siècle, qui parlait encore le langage des ordres de
l'architecture religieuse.
La tour, le fortin et l’enceinte représentent les éléments de base d’une place forte. Cette dernière
a été renforcée par le fossé du camp romain. Le plan quadrillé (régularité, aisance de circulation
et emplacement fonctionnel des bâtiments), l’introduction des médecins et des architectes dans
les unités militaires, la stratégie de l’eau et de situation des villes de garnison (intégration à la
topographie et tracé des routes) sont pour leur part les grands modèles pour les plans des villes
du futur.
2. L’architecture et l’urbanisme militaires romains.
Les constructions militaires sous Rome sont celles qui servirent de modèle sur plusieurs siècles
aux différents militaires à travers l’ancien monde. C’est sous Auguste que se firent les plus
grandes constructions avec l’aide d’Agrippa dans le domaine militaire : routes, recensements,
cadastres…
2.1. Les campements ou castra ou castrum.
Les conditions de vie des militaires étaient extrêmement variables. Dès que l'armée est
rassemblée, le soldat vit en dehors du reste de la société romaine : il demeure dans un camp
construit à l'écart des villes. Dans les casernements, les soldats se partageaient à 8 des
120
Bernard Holtzmann, « Architecture Militaire, Grèce antique », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10,
France S.A-2004.
Première Partie Chapitre Troisième
88
chambrées, sortes de tente construite avec des peaux, donc en cuir de 30 à 35 m2 comportant
autant de couchettes que d'occupants, une table et un foyer. Les centurions disposaient, pour eux
et pour leurs serviteurs d'une habitation de plusieurs pièces.
Quand les légionnaires sont affectés quelque part de façon permanente, ils vivent dans une
forteresse aux constructions en pierre. Les règlements de l'armée romaine stipulaient que même
un campement provisoire devait être solide et bien protégé. Chaque soldat portait une pelle-
bêche, car elle servait à creuser un fossé autour du camp de forme carrée ou rectangulaire. La
terre était rejetée vers l'intérieur pour constituer un talus qui était ensuite couvert de gazon et
surmonté d'une solide palissade de pieux.
Le camp est établi à partir de deux axes perpendiculaires, nord-sud et est-ouest, à l'intersection
desquels on trouve le prétoire, la tente du général et à côté de celle-ci un forum où toute la légion
peut se réunir. Des camps plus durables avaient la même forme générale carrée, cependant ils
comportaient des bâtiments en bois ou même en pierre. Tous les camps romains comportaient
des emplacements spécialement réservés aux étables, aux bagages et aux cuisines, situés si
possible toujours au même endroit. À chacun des quatre coins du camp, les soldats fabriquent
une tour pour permettre une surveillance du camp121
’122
.
Fig.14 : Vue reconstituée d’un camp romain.
Source : site web123
121
Jean-Pierre Adam, « Casrum », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004. 122
Léonardo BENEVOLO, 1983, op.cit. 123
Wikipédia, l'encyclopédie libre
Première Partie Chapitre Troisième
89
Fig.15 : Le camp romain selon la description Polubius.
Source : Léonardo BENEVOLO124
Fig.16 : Partie septentrionale du camp de Lambasis.
Source : Léonardo BENEVOLO125
124
Léonardo BENEVOLO, 1983, op.cit.. 125
Léonardo BENEVOLO, 1983, op.cit.
Première Partie Chapitre Troisième
90
Fig.17 : Deux camps romains sur le Danube qui sont devenus le noyau central des villes de
Ratisbonne et vienne.
Source : Léonardo BENEVOLO126
2.2. Les forteresses légionnaires.
Elles couvraient un espace d'environ vingt hectares et étaient entourées par un puissant rempart
dessinant un rectangle aux angles arrondis, percé de quatre portes, surmonté de merlons et de
tours. Au centre, les principia comprenaient deux cours successives bordées de pièces (chapelle
des enseignes, administration, magasins d'armes, etc.). Les officiers étaient logés dans de
véritables maisons, les soldats dans des chambrées. Tous avaient à leur disposition un hôpital,
des magasins, des thermes ; un atelier était attaché à la légion, pour produire et entretenir des
armes ou pour fabriquer des tuiles127
.
Cette importance des travaux ressort mieux encore quand on examine la stratégie. Tout au long
du principat fut mis en place un vaste système défensif connu sous le nom de limes (mais ce mot
n'a fait qu'une apparition tardive et s'employait rarement au sens que les archéologues lui
donnent au XXe siècle). Il s'agit d'une bande de terrain qui entoure l'Empire, et comprend trois
éléments. Le premier, fondamental, est la route (sens précis du mot limes) : une rocade est
complétée par des axes allant les uns vers l'arrière, les autres en territoire ennemi. Elle peut
s'appuyer sur un obstacle naturel (fleuves : Rhin, Danube, Euphrate ; déserts : Syrie, Égypte,
Numidie) ou artificiels (Murs de Bretagne, de Germanie supérieure, par exemple). Dans tous les
cas, elle relie des défenses ponctuelles : des tours, des fortins, des camps.
126
Léonardo BENEVOLO, 1983, op.cit. 127
Paul Petit, Yann Le Bohec, « Rome et Empire Romain, Le Haut-Empire », in Encyclopædia Universalis, DVD
EUV10, France S.A-2004.
Première Partie Chapitre Troisième
91
2 .3. La protection des frontières (le limes).
Au 1er siècle, les limes étaient des routes militaires jalonnées de postes fortifiés et destinées à
favoriser d'éventuelles offensives en pays étrangers. Il s'agit d'une bande de terrain qui entoure
l'Empire, et comprend trois éléments. Le premier, fondamental, est la route (sens précis du mot
limes) : une rocade est complétée par des axes allant les uns vers l'arrière, les autres en territoire
ennemi. Elle peut s'appuyer sur un obstacle naturel (fleuves : Rhin, Danube, Euphrate ; déserts :
Syrie, Égypte, Numidie) ou artificiels (Murs de Bretagne, de Germanie supérieure, par
exemple)128
. Dans tous les cas, elle relie des défenses ponctuelles : des tours, des fortins, des
camps.
Après le 1er siècle, les limes deviennent des frontières défensives. La grande majorité des
effectifs militaires disponibles sont massés dans les provinces frontalières. Les légions sont
toutes réparties le long du limes, à faible distance de la frontière129
, tel est le cas de Tébessa.
Fig.18 : Reconstitution d'une palissade130
.
Source : Site Web131
.
Durant le IIe siècle après J.-C., le mithraïsme s'implante solidement à Rome et en Italie, dans
certains ports de la Méditerranée occidentale, mais surtout dans les colonies militaires, les villes
128
Claude Nicolet, « Afrique romaine », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004. 129
« Tébessa. », in Encyclopédie Encarta, Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. 130
Elle est plantée devant le fossé de défense romaine des frontières de l'empire ou de ses fortifications avancées.
Tour de gué et palissade de troncs d'arbres (chêne) taillés en pointe. Là où le bois manquait déjà suite aux
défrichements entamés dès le néolithique, des murs de pierre étaient élevés, qui bloquaient efficacement les
cavaliers (Mur d'Hadrien). 131
« Le limes », in Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Première Partie Chapitre Troisième
92
de garnison, en Afrique, en Bretagne, en Gaule, sur les bords du Rhin et du Danube, à Doura-
Europos sur l'Euphrate.
3. L’architecture militaire du moyen âge.
Ces modèles ne sont pas les seuls que reprennent les constructeurs militaires français. Ils puisent
aussi dans leur propre patrimoine et culture. Les villes de Vauban sont tout aussi des modèles
dont ils tirent parti. Devant construire pour les militaires mais aussi pour les civils, ils reprennent
à leur compte les méthodes utilisés dans l’architecture civile du XVIIème et XVIIIème siècles.
Simplement les villes militaires édifiées en France par Vauban, comme Neuf-Brisach, n'ont pas
pu émerger. Depuis l'Allemagne et la Suisse, Karlsruhe, Fribourg-en-Brisgau et Bâle rayonnent
de manière conséquente sur l'Alsace. Ceci nous conduit à rechercher les éléments de référence
architecturaux dans toute l’architecture militaire médiévale européenne.
3.1. L’architecture militaire du moyen âge en Europe.
Enfermée à l'intérieur de ses murailles, la ville moyenâgeuse a cherché à minimiser les espaces
inutilisés : les rues sont étroites, les ponts encombrés d'échoppes, et les places de taille réduite. À
Paris, de nombreuses rues ne dépassent pas 1 à 2 mètres de largeur. Les conditions de circulation
y sont difficiles et la sécurité toute relative. La croissance urbaine conduit la ville à sortir de ses
murailles et entraîne l'apparition des faubourgs. Très différents des banlieues du XIXe siècle, les
faubourgs forment des bourgs situés à l'extérieur des remparts, le plus souvent autour d'une
abbaye ou d'un lieu de pèlerinage. Les caractéristiques des rues médiévales sont toutefois
variées : tortueuses et étroites dans les villes anciennes, elles sont larges et droites dans les villes
nouvellement construites.
La morphologie de la ville va se transformer sous l'influence des ingénieurs militaires, et les
villes nouvelles, bâties pour leur intérêt stratégique, se situent le plus souvent dans les plaines et
possèdent des rues larges, parfois de forme radioconcentrique autour de la place d'armes. Il est
important de pouvoir y faire circuler aisément les troupes et les pièces d'artillerie. Les
perspectives monumentales, destinées à mettre en scène le pouvoir politique, président de plus en
plus à l'organisation de la ville.
Première Partie Chapitre Troisième
93
Si Grenoble s'enorgueillit d'être la ville provinciale la plus embellie sous Louis XIII, c'est
manière de reconnaître la grande faiblesse de l'âge classique qui suit. Ville de garnison, face à la
Savoie, aux fonctions essentiellement administratives et religieuses132
Pendant tout le Moyen Âge, Berlin n'était qu'une petite bourgade. Mais l'installation des
Hohenzollern dans le Brandebourg devait marquer un tournant. Ces derniers, en 1617, choisirent
Potsdam comme résidence. Après les destructions de la guerre de Trente Ans, le Grand Électeur
Frédéric-Guillaume ordonna la reconstruction de la ville et l'édification du Schlossort (ou
Résidence). Les huguenots, chassés par la révocation de l'édit de Nantes en 1685, affluèrent et
s'associèrent aux Hollandais pour assurer l'essor économique de la ville. Mais, en 1700, on ne
comptait encore que 1 500 habitants. Avec l'avènement, en 1713, de Frédéric-Guillaume Ier,
Potsdam devint une ville de garnison. En 1740, sur 11 000 habitants, on dénombrait entre 8 000
et 9 000 soldats. La ville se développa surtout vers le nord133
.
L’architecture militaire du moyen âge a des caractères beaucoup moins précis que l’architecture
religieuse ou civile. Les constructions défensives ne comportent que peu d’ornementations ; c’est
l’étude des détails ornés que l’on parvient à déterminer l’âge d’un édifice.
Avant le perfectionnement de l’artillerie (découverte de la poudre), les moyens de défense ne se
sont modifiés que d’une manière assez peu sensible. Le développement de ces moyens s’est fait,
en général, par additions des dispositions primitives, ce qui rend l’appréciation plus difficile.
Devant cet état de fait les chercheurs, architectes ou anthropologistes se sont heurtés à ce
problème. Ils se basent, en général sur la forme des arcs, les différents appareils, les voûtes, les
fenêtres, sur les écrits descriptifs, les différences entre les constructions primitives et les
additions pour faire leur analyse.
L’architecture militaire, du fait de sa solidité et de sa durée dans le temps est restée plus massive
et plus sévère que l’architecture religieuse ou civile.134
La solution des ingénieurs du moyen âge au problème sécuritaire semble être la
suivante : « construire des ouvrages qui puissent se protéger les uns les autres, et cependant
susceptibles d’être isolés, en sorte que la prise de l’un n’entraîne pas celle des ouvrages
132
Jean Delmas, « Fortifications », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004. 133
Léonardo BENEVOLO, 1983, op.cit. 134
MERIMEE et Albert LENOIR, Instructions du comité historique des arts et monuments. Architecture militaire,
Édit Imprimerie Impériale, Paris, 1837.
Première Partie Chapitre Troisième
94
voisin »135
.De ce principe découle le corollaire : les ouvrages intérieurs doivent commander les
ouvrages extérieurs. Aussi, toute place fortifiée se composait :
d’un fossé continu,
d’une enceinte continue,
d’un réduit où la garnison trouvait un refuge après la prise de l’enceinte. Dans les
villes, ce réduit était : une citadelle, dans les châteaux : un donjon.
Les premières enceintes fortifiées du moyen âge, surtout celles des châteaux, ne furent formées
que d’un parapet en terre, bordé d’un fossé et couronné de palissades, de tronc d’arbres, de
fagots d’épines, ou même de fortes haies vives. Au centre s’élevait une tour en maçonnerie,
solidement bâtie et entourée d’un fossé telle l’enceinte extérieure.
Fig.19 : Exemple de plan d’ensemble d’une place fortifié.
Source : MERIMEE et Albert LENOIR136
La situation des places fortifiées prenait une place importante car elle contribuait à la défense de
la place. Ainsi en région montagneuse, le choix se portait sur les caps ou bien sur les plateaux
étroits s’avançant au dessus d’une vallée. Les escarpements s’ils existaient étaient très
recherchés.
135
MERIMEE et Albert LENOIR, op.cit. 136
Idem.
Première Partie Chapitre Troisième
95
Fig.20 : Situation en montagne.
Source : MERIMEE et Albert LENOIR137
En plaine, les bords des rivières, les îles ou presqu'îles faciles à isoler étaient des lieux privilégiés
à cause de la navigation qui permettait le ravitaillement et l’eau formait un rempart naturel que
l’on venait renforcer par de la boue.
Fig.21 : Plan du Château Gaillard (XIIème siècle).
Source : MERIMEE et Albert LENOIR138
Si la topographie du site n’était pas favorable, une butte ou une motte était élevée artificiellement
et servait d’assiette à la place. Dans ce cas, seule la présence de l’eau était indispensable.
137
MERIMEE et Albert LENOIR, op.cit. 138
Idem.
Première Partie Chapitre Troisième
96
Fig.22 : Tour de Montlhéry.
Source : MERIMEE et Albert LENOIR139
Les principales parties et caractéristiques d’une forteresse du moyen âge peuvent être classées
comme suit :
Les fossés. Les plus anciens sont creusés dans la terre et dépourvus de revêtement. Les
plus récents sont recouverts de maçonnerie et débouchent souvent sur un talus (a) mais
peuvent être verticaux (b) retenus par des madriers pour renforcer le coté défensif.
Fig.23 : Coupes sur Fossé
(a) (b)
Source : MERIMEE et Albert LENOIR140
Les ponts portés sur des piles, ou encore mais plus rarement sur une môle traversant le
fossé donnaient accès à la place. Il se devait d’être léger, facile à enlever en cas de besoin
139
MERIMEE et Albert LENOIR, op.cit. 140
Idem.
Première Partie Chapitre Troisième
97
et de faible largeur pour plus de sécurité. Plus tard, le tablier fut doublé : une partie
immobile et l’autre pouvant se relever au besoin : c’est le pont-levis qui fut perfectionné
au fil des âges.
Fig.24 : Porte Saint-Jean à Provins (vue extérieure).
Source : MERIMEE et Albert LENOIR141
Lorsque les ponts devaient traverser une grande rivière ou fleuve ils pouvaient comporter
des tours (qui assuraient aussi les droits de péage) ou pouvaient être en forme de « Z »
pour plus de défense.
Fig.25 : Pont de Sutri (Italie). Fig.26 : Pont de Tavignano (Corse).
Source : MERIMEE et Albert LENOIR142
141
MERIMEE et Albert LENOIR, op.cit. 142
Idem.
Première Partie Chapitre Troisième
98
Les barrières et retranchements extérieurs : au-delà et à la tête de tous les ponts, on
élevait un ouvrage plus ou moins considérable qui se devait de protéger les
reconnaissances et les sorties de la garnison. Il se composait d’une ou de plusieurs tours,
ou même d’un château appelé « Bastille ».
Fig.27 : Château de Vincennes
Source : MERIMEE et Albert LENOIR143
Les portes s’ouvraient à gauche pour obliger l’assiégeant de présenter son flanc droit non
protégé. Cette disposition existait déjà dans les fortifications romaines.
Fig.28 : Accès type : (A : porte, B : pont et C : fossé).
Source : MERIMEE et Albert LENOIR144
143
MERIMEE et Albert LENOIR, op.cit. 144
Idem.
Première Partie Chapitre Troisième
99
Fig.29 : Porte double avec pont-levis : A : porte, B : herse, C : porte et D : corps de garde.
Source : MERIMEE et Albert LENOIR145
Les tours : leur usage principal était de protéger les angles de l’enceinte. Elles s’élèvent
en général au dessus des murailles et formaient ainsi des petites forteresses ou quelques
hommes pouvaient résister. Elles servaient encore de logement ou de magasins. Elles
pouvaient être verticales ou en forme de cône tronque ou encore pyramidale pour plus de
stabilité et donc de résistance. Les murs extérieurs sont lisses. Elles sont de formes
simples rectangulaire ou carrée mais aussi de forme circulaire.
Fig.30 : Formes de tours
Source : MERIMEE et Albert LENOIR146
145
MERIMEE et Albert LENOIR, op.cit. 146
Idem.
Première Partie Chapitre Troisième
100
Fig.31 : Tour verticale de Narbonne. Fig.32 : Tour tronconique du château de Fougères.
Source : MERIMEE et Albert LENOIR147
Fig.33 : Tour pyramidale d’Angoulême.
Source : MERIMEE et Albert LENOIR148
.
Les couronnements, créneaux et plateformes : les créneaux sont des boucliers en
maçonnerie élevés sur un parapet ou plate-forme, servant à couvrir et recevoir les
hommes en faction. C’est à ce niveau que l’on trouve le maximum de formes et
d’éléments décoratifs mais toujours ayant pour fonction la défense : couronnements,
mâchicoulis, moucharabieh, etc.
147
MERIMEE et Albert LENOIR, op.cit. 148
Idem.
Première Partie Chapitre Troisième
101
Fig. . 34 : Créneaux d’Avignon avec meurtrières. Fig.35 : Moucharabieh de l’enceinte
d’Aigues mortes.
Source : MERIMEE et Albert LENOIR149
Fig. 36 : Coupe transversale d’un mâchicoulis : A : rempart, B et D : consoles et C : créneau.
Source : MERIMEE et Albert LENOIR 150
Les courtines : ceux sont les parties du rempart comprises entre les tours. Au sommet de
celles-ci se trouve le chemin de ronde qui communique avec les escaliers (souvent en
spirale d’où le nom de vis) ou des plans inclinés qui conduisent à la cour intérieure.
149
MERIMEE et Albert LENOIR, op.cit. 150
Idem.
Première Partie Chapitre Troisième
102
Fig.37 : Coupe sur courtine (Château de Beaucaire).
Source : MERIMEE et Albert LENOIR 151
Les fenêtres et meurtrières : toutes les ouvertures pratiquées dans le mur d’enceinte sont
très étroites. D’ailleurs nous ne pouvons pas proprement parler de fenêtres. Beaucoup de
tours et de courtines ne présentent pas d’ouvertures si ce ne sont des meurtrières dont la
forme peut varier ou être symbolique (meurtrières en croix).
Fig.38 : Types de meurtrières.
Source : MERIMEE et Albert LENOIR 152
Les cours intérieures : le terrain enclos par les remparts d’une forteresse se nomme : la
basse-cour. Il comprenait toutes les dépendances du château, les magasins, les écuries,
quelques logements et la chapelle.
151
MERIMEE et Albert LENOIR, op.cit. 152
Idem.
Première Partie Chapitre Troisième
103
Fig.39 : Plan du château de Blanquefort (XIIIème siècle).
Source : MERIMEE et Albert LENOIR153
Les donjons : ils occupent en général le lieu le plus élevé et le plus difficile d’accès. Le
donjon peut se trouver au centre (voir le schéma précédent), tangent au rempart (château
de Coucy) ou bien complètement isolé (château de Vincennes). Ses dimensions sont
proportionnelles à celle de la forteresse allant de la simple tour jusqu’à la citadelle. Elles
dépendent de l’importance de la garnison qu’il devra contenir.
Fig.40 : Château de Coucy au donjon tangent au rempart.
Source : MERIMEE et Albert LENOIR154
Les tous-terrains : présents dans la plupart des forteresses et de dimensions variées, ils
servaient soit de magasins, de prisons et débouchaient sur la campagne loin de la
153
MERIMEE et Albert LENOIR, op.cit. 154
Idem.
Première Partie Chapitre Troisième
104
forteresse. Ils sont indépendants des caves et des magasins à usages civils. Ils peuvent
comprendre des cachots et des oubliettes.
Fig.41 : Plan des magasins du château du Vivier.
Source : MERIMEE et Albert LENOIR155
Fig.42 : Coupe sur les oubliettes du château Chinon.
Source : MERIMEE et Albert LENOIR156
La « cité idéale » ne peut devenir réalité concrète que dans des conditions bien particulières : par
exemple, dans les installations militaires, les villes forteresses dont Vauban est le grand artisan.
L’armée française allant conquérir un pays arabe se devait de connaitre les places fortes de ce
pays. Elle se devait aussi de bien connaître l’organisation spatiale de ces places. Toutes les villes
de l’Algérie du XIXème siècle se présentaient soit sous forme de ville garnison telles Alger ou
Constantine soit sous forme de ville protégée par une enceinte et comprenant au moins une
casbah ou citadelle. Voilà pourquoi l’intérêt pour l’architecture militaire musulmane.
155
MERIMEE et Albert LENOIR, op.cit. 156
Idem.
Première Partie Chapitre Troisième
105
3.2. L’Architecture militaire musulmane.
On reconnaît d'abord, parmi les fonctions que les villes musulmanes remplirent à l'époque
médiévale, la fonction politique assumée avec plus ou moins d'éclat, soit par les capitales
successives des empires omeyyade, abbasside, fatimide, seldjoukide, séfévide ou ottoman, pour
ne citer que quelques empires choisis parmi les plus illustres, soit par des chefs-lieux de
provinces ou des sièges de principautés indépendantes. Elle se confondait plus ou moins avec la
fonction militaire et défensive assumée par les premières villes-camps, puis par des résidences
royales protégées, enfin par toutes les petites localités fortifiées, élevées ici ou là et ayant
conservé jusqu'à la période moderne leurs enceintes, souvent imposantes.
Utilisé de bonne heure, le terme « ribat » désigne un établissement, à la fois militaire et religieux,
qui semble assez spécifiquement musulman. Édifice conventuel pour les combattants de la foi, le
ribat joue un rôle stratégique certain dans la défense du domaine musulman. Ses occupants, les
al-Murabitun (Almoravides), sont de pieux volontaires, hôtes réguliers ou occasionnels, qui
passent leur temps en exercices militaires et s'adonnent à des pratiques pieuses.
C'est une œuvre pie que de construire un ribat sur son argent ou d'en améliorer les défenses ; il
est méritoire également de lui fournir des vivres et, plus encore, d'y faire un séjour soi-même : la
plupart sont œuvres de souverains. Forteresse et lieu de concentration de troupes sur un point
exposé de la frontière du pays d'Islam, le ribat joue le rôle d'avant-poste pour donner l'alarme à
l'arrière-pays. En cas de danger, il offre refuge aux habitants de la campagne environnante.
Le ribat, dont les dimensions sont variables, comporte une enceinte fortifiée de plan carré ou
rectangulaire avec des tours circulaires aux angles et semi-circulaires au milieu des courtines. À
l'intérieur, une cour centrale est entourée de corps d'habitation à deux étages, avec des magasins
d'armes et de vivres. Les Arabes en construisirent en Transoxiane lors de la conquête musulmane
(VIIIe s.) ; ils jalonnent les côtes de Syrie, de Palestine et d'Afrique du Nord Bouna El Haditha
(actuelle Annaba) avait le sien situé sur le site qu’on appelle la Casbah. On en trouvait aussi dans
le Maghreb extrême et jusqu'au Sénégal. Au XIIe siècle, lorsque la pression des infidèles
diminue en Orient et que le djihad passe du plan militaire au plan spirituel, l'institution du ribat
prend un caractère purement religieux : l'offensive de la mystique succède à celle des armes. La
transformation commence en Iran, et le ribat devient rapidement, un couvent (une khanaqah)
édifié dans les faubourgs des villes : il y aura bientôt des ribats urbains, les uns pour les hommes,
Première Partie Chapitre Troisième
106
d'autres pour les femmes. Le plus connu et le ribat d’Abdoul Moumin appelé « Ribat El Fath »
ou camp de la victoire est l’actuelle Rabat.157
Un autre élément défensif musulman est le Bordj ou Burdj : Élément principal des fortifications
élevées en terre d'Islam dans les années postérieures à la conquête, le burdj subit comme celles-ci
les transformations successives imposées par l'évolution de la technique militaire. Le terme
désigne tantôt une tour qui flanque le rempart, tantôt un ouvrage haut et solide, donjon, bastion
ou tour isolée. Leur origine semble remonter au moins aux Sassanides.
De dimensions restreintes, les tours de ces résidences princières, disposées symétriquement sur
la façade ou encadrant les portes, diffèrent des tours de défense romaines et byzantines qui sont
pourvues à tous les étages de pièces aisément accessibles aux hommes de la garnison. Dans les
fortifications médiévales, nous retrouvons le dispositif déjà employé par les Byzantins des tours
de flanquement. Selon les régions et les époques, ces tours sont carrées et oblongues ou bien
rondes et semi-circulaires158
.
Lorsque les forteresses sont aménagées sur une éminence naturelle elles portent le nom de
Qal’a ; qal’at Baní Hamad à Tlemcen en est un exemple.
Fig.43 : Vieille photographie de Bab El Qarmadin au Nord de la Qal’a
Source : Rachid Bourouiba 159
.
157
Nikita Elisséeff, « Ribat », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004. 158
Marianne Barrueaud, « Islam, Les Expressions de l’Islam Ŕ L’art et L’architecture », in Encyclopædia
Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004. 159
Rachid Bourouiba, L’architecture militaire de l’Algérie médiévale, Édit OPU, Alger, 1983.
Première Partie Chapitre Troisième
107
Fig.44 : Qal’a Baní Hamad : Plan du donjon du Manar
Source : Rachid Bourouiba160
La désagrégation des capitales de l’'empire Omeyyade et du morcellement du monde islamique
lui-même, un autre type de ville naquit, sensiblement différent de la métropole abbasside et plus
proche de la ville féodale de l'Europe occidentale.
Là existèrent en effet des villes repliées sur elles-mêmes auprès de ces impressionnantes
citadelles dont le plus beau spécimen, à côté de celles de Damas, de Homs, de Baalbek ou de
Bosra, est sans doute la majestueuse forteresse d'Alep, dressée encore aujourd'hui au-dessus de
son glacis circulaire161
.
À Pergé notamment, dans le sud de l'actuelle Turquie, la porte monumentale de l'enceinte tardive
reçoit au Ve siècle une avant-cour rectangulaire de 40, 50 m de profondeur, flanquée au sud de
160
Rachid Bourouiba, op.cit. 161
Janine SORDEL, « Évolution de la ville islamique », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-
2004.
Première Partie Chapitre Troisième
108
deux tours ainsi qu'une façade externe de colonnes plaquées d'architraves en remploi où
prenaient place des statues également remployées. On note une disposition analogue des portes
des murailles de Resafa, ville de garnison près de l'Euphrate ; leur décoration est purement
syrienne, mais l'ensemble, proche des fortifications de la garnison voisine de Zenobia, rebâtie
sous la surveillance de deux architectes venus de Constantinople (Isidore le Jeune et Jean),
témoigne sans doute de l'influence de la capitale. C'est à Constantinople en effet qu'ont été bâties
les murailles les plus remarquables de tout l'Empire. Commencées en 412 par Théodose II, les
murailles terrestres de cette ville, longues de 5 632 mètres, comportent, outre une levée de terre
et un fossé, un avant-mur de 8 mètres de hauteur, renforcé de 82 tours, et un mur principal haut
de 12 mètres, large de 4, 80 m et pourvu de 96 tours.
Conclusion
La défense de l’espace est la raison de développement de l’architecture militaire. Si les grecs ont
créé les enceintes, puis les forts et tours de guet, les romains ont renforcé ces systèmes par
l’introduction des fossés de défense, et par la création des premiers casernements, les Camps ou
castra. Cette idée de séparer les soldats est innovatrice comme l’est la hiérarchisation des rangs
qui se concrétisa par une hiérarchie spatiale du castra. La protection des frontières est elle aussi
création romaine, au-delà des frontières naturelles, nous leur devrons les frontières artificielles.
Le plan en damier grec est généralisé à toutes les villes selon la logique politique et militaire des
romains.
Si ce plan en damier est délaissé durant le Moyen Âge, l’enceinte, les forts, les tours, fossés et
autres se voient améliorés et renforcés. L’usage de la pierre se généralise au détriment du bois
réservé aux constructions civiles afin de fuir les incendies. L’architecture militaire s’enrichit de
détails constructifs aux fins militaires. Les remparts comprennent des chemins de rondes, les
murs sont crénelés et ouverts de meurtrières. Créneaux, plateformes, moucharabieh, mâchicoulis
viennent se greffer aux tours, murs et murailles, à des fins défensives et de surveillance. La
forme en plan des villes suivra la même évolution, tout en s’adaptant au site choisi ; elle
s’adaptera au mode de défense adopté : donjons, forts et fortins intramuros ou extramuros. Les
accès aux villes sont de plus en plus fortifiés et contrôlés. La fortification de la porte par le pont
levis tient compte des autres ouvrages de fortification qui viennent la renforcer tels que tour,
poste de garde, fossé, plateforme la surplombant.
Première Partie Chapitre Troisième
109
L’architecture militaire tient lieu de la topographie du site et de l’accessibilité. La ville n’est plus
pensée comme une agglomération de constructions, mais comme un ensemble sur un site fortifié
et autour d’une entité militaire, château ou citadelle. Son enveloppe est aussi militaire que son
site.
Première Partie Conclusion
110
Conclusion de la première partie
Nous avons vu, dans ce qui précède, comment les armées ont évolué dans le temps en fonction
de l’évolution des armes et armements. Chacune de ces armées, qu’elle soit grecque, romaine,
ottomane, européenne ou française, a introduit dans son organisation des améliorations
manifestes telles que les unités spécialisées, la hiérarchisation des corps d’armée ainsi que des
services annexes essentiels à son bon fonctionnement notamment les services de santé et de
construction. L’armée, dès sa formation, devient alors avant-gardiste.
L’armée française, lors de la conquête de l’Algérie et durant la période coloniale se présentait
donc comme une armée fortement organisée comprenant des services performants et en avance
techniquement relativement aux structures et institutions civiles, tel que le Génie militaire dont le
concept fut d’ailleurs exporté aux États Unis d’ Amérique
Les stratégies de défense et d’attaque mirent en exergue l’importance du site d’implantation des
villes ; l’architecture militaire aura tenu compte de la topographie du site et de l’accessibilité à ce
dernier.
Tous les écrits des militaires français, dans leurs rapports font référence aux romains. Avec ses
innovations dans le domaine militaire, hygiénique, architectural et urbanistique, Rome devint un
modèle pour les civilisations futures. L’empire ne s’est pas limité à l’Europe, mais s’est étendu
jusqu’en Afrique du Nord et au moyen Orient. Cette expansion, dans un but de pérennité, a
reproduit sur l’espace des villes à l’exemple de Rome et du camp romain Castra. Cette volonté
s’est traduite par une forme d’urbanisation des territoires occupés.
A l’instar de Rome, l’empire français étendu en Europe, orienta son regard vers la rive Sud de la
méditerranée.
Le Moyen Âge constitue la période intermédiaire entre l’époque romaine et celle de la
colonisation de l’Algérie par les français. L’architecture militaire produite en ce temps,
représente le patrimoine de référence des savoirs et des savoirs faire des militaires français.
Si les grecs ont créé les enceintes, puis les forts et tours de guet, ils ont été une référence pour les
romains. Ces derniers adoptèrent et renforcèrent ces systèmes par l’introduction des fossés de
défense, et par la création des premiers casernements : les Camps ou castra. La protection des
frontières est elle aussi création romaine ; au-delà des frontières naturelles, nous découvrons les
Première Partie Conclusion
111
frontières artificielles. Le plan en damier grec est généralisé à toutes les villes selon la logique
politique et militaire des romains.
Si ce plan en damier est délaissé durant le Moyen Âge, l’enceinte, les forts, les tours, fossés et
autres se voient améliorés et renforcés. L’architecture militaire s’enrichit de détails constructifs
aux fins militaires. Créneaux, plateformes, moucharabieh, mâchicoulis viennent se greffer aux
tours, murs et murailles, à des fins défensives et de surveillance. La forme en plan des villes,
suivra la même évolution, tout en s’adaptant au site choisi, elle s’adaptera au mode de défense
adopté : donjons, forts et fortins intramuros ou extramuros. Les accès aux villes sont de plus en
plus fortifiés et contrôlés.
Cette première partie constitue les référents potentiels des savoirs et savoirs faire pour les
ingénieurs de l’armée française.
Deuxième Partie Introduction
112
DEUXIÈME PARTIE
LE CONTEXTE GÉOPOLITIQUE ET SOCIAL DE LA COLONISATION.
Introduction.
La régence turque d’Alger posait un méchant problème au monde méditerranéen depuis le
XVIème
siècle. C’était la place forte de la piraterie et le plus grand marché aux esclaves du Bassin
méditerranéen. Les Barbaresques attaquaient les navires marchands, s’emparaient des cargaisons
et réduisaient en esclavage les équipages comme les passagers (tel fut le sort de nombreux
européens, dont Cervantès, Regnard, Arago et St Vincent de Paul).
Ils poussaient même l’audace de faire des expéditions sur les côtes françaises, sardes,
espagnoles, pour razzier des jeunes femmes pour leurs harems et des jeunes garçons pour en
faire des janissaires. Les puissances européennes tentèrent de mettre le holà. Plusieurs
expéditions vinrent bombarder Alger et délivrer les captifs (lord Exmouth en 1816 libéra ainsi
mille deux cents prisonniers européens).
Il est primordial de connaître le contexte géopolitique et social avant et durant la période de
colonisation, colonisation qui va se mener différemment selon les régimes en place en métropole
mais aussi selon l’objectif recherché puisqu’elle va passer de conquête à colonisation de
peuplement. Les contextes seront différents en Algérie et en métropole. Le type de relations des
pays voisins, qui existe entre eux et la France ou l’Algérie, aura son influence sur la
colonisation. Il est tout aussi important de connaître les conditions qui prévalaient avant la
colonisation car elles aussi auront leur impact sur la colonisation ou encore sur le peuplement.
Deuxième Partie Chapitre Premier
113
CHAPITRE PREMIER
L’ALGÉRIE SOUS LA RÉGENCE.
Introduction.
L'Algérie, lorsque les Français y arrivèrent en 1830, n'était pas vide ou à peu près vide
d'habitants, comme l'Australie, le Canada, l'Argentine au moment où les Européens s'y établirent,
bien que légèrement peuplée par rapport à sa superficie : deux millions d’habitants si l’on ne
comptabilise que les algériens de souches c’est à dire sans les turcs ou les kouloughlis162
. Elle
était depuis plus de deux siècles sous la dominance des ottomans. Nous verrons dans ce qui suit
comment cette dernière régissait l’Algérie en général et le beylik de Constantine en particulier.
Par ailleurs nous aborderons l’urbanisation avec ce qu’elle comprend comme villes et
populations durant la régence ottomane. L’Algérie se trouvant habitée par les autochtones, par
les turcs et les kouloughlis, nous essayerons de voir comment la vie sociale se présentait et
comment ces populations cohabitaient. Nous tenterons de mette en évidence la gestion spatiale et
sociale du point de vue militaire. Le côté sanitaire faisant partie de notre intéressement, nous
verrons aussi comment se pratiquait la médecine en Algérie sous la régence ottomane.
1. L’Algérie sous les ottomans.
Les Turcs s’établirent en Algérie durant le seizième siècle. Lorsque le vaste empire des califes
commença à se désorganiser, l’Espagne et l’Afrique s’en séparèrent successivement. Dans cette
dernière contrée, la domination arabe se fractionnant encore, deux nouveaux empires se
formèrent, l’un à Fez et l’autre en Égypte, laissant entre eux un vaste espace où surgirent de
petits Etats indépendants. Alger forma un de ces petits Etats, où quelques princes sages firent
fleurir l’industrie et l’agriculture, en ouvrant un asile aux musulmans que les conquêtes des
chrétiens chassaient d’Espagne. Mais, après l’entière destruction de la puissance arabe en
Espagne, les Espagnols poursuivirent jusqu’en Afrique les restes de leurs anciens conquérants.
Ils s’emparèrent d’Oran, de Bougie et d’autres places, et vinrent s’établir sur un rocher situé en
mer en face d’Alger. L’émir de cette ville, nommé Eutémie, fatigué de cet importun voisinage,
eut l’imprudence d’implorer le secours des deux frères Aaroudj et Khair-Eddine contre les
162
Kouloughli : enfant métis de père turc et de mère soit algérienne de souche soit esclave de turc, in Encyclopédie
Encarta, Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.
Deuxième Partie Chapitre Premier
114
Espagnols, qui étaient alors maîtres d’Oran et qui avaient installé des garnisons dans Bougie et
dans la petite île qui est en face d’Alger. Ces deux frères étaient de Mytilène, surnommés
Barberousse. Une valeur entreprenante et beaucoup de succès leur avaient valu un grand pouvoir,
une réputation brillante et un nom illustre dans toute la chrétienté. L’offre fut acceptée par ces
deux hardis capitaines, qui cherchaient depuis longtemps à se procurer un port pour donner plus
de stabilité à leur puissance.
Aaroudj Barberousse, à la tête de cinq mille hommes, entra en ami dans Alger. Mais un allié trop
puissant est souvent pire qu’un ennemi déclaré : l’émir mourut empoisonné, et Barberousse
s’empara du pouvoir. Après sa mort, son frère Khair-Eddine fut nommé pacha d’Alger par la
Porte Ottomane, et le pays fit dès lors partie du vaste empire des Turcs. Mais Khair-Eddine,
quoique satrape du sultan de Constantinople, fut de fait le fondateur d’un État qui ne tarda pas à
devenir indépendant. Cet État était une république militaire dont le chef était électif et dont les
membres devaient être Turcs. Les autochtones étaient sujets ou alliés, selon le plus ou le moins
grand nombre d’actions que les Turcs avaient sur eux ; mais ils ne pouvaient exercer aucune
fonction politique en dehors de la race à laquelle ils appartenaient163
.
1.1. La division politique de la Régence.
Il ne suffit pas, pour connaître l'état de l'Algérie avant la conquête française, d'indiquer les
principaux corps de l'organisation turque, mais d’en saisir les rouages car cette organisation était
en réalité extérieure et étrangère à la vie profonde du pays. Bien que les collectivités autochtones
fussent, théoriquement réparties entre les différents beyliks, pratiquement elles échappaient pour
la plupart et notamment les rurales, à l'administration et même à l'influence des Turcs, qui
avaient fort peu modifié leur structure intime. Seule la collecte des impôts était généralisée à
l’ensemble du pays et était celle qui importait le plus au regard des turcs.
La division politique du royaume d’Alger formait, avant la conquête de 1830, trois provinces :
Oran à l’Ouest, Tittery au Sud, Constantine à l’Est. La province de Tittery a pour bornes, à
l’ouest, la rivière de Mazafran (30° 12’ longitude est), qui la sépare de celle d’Oran ; à l’est, le
Bouberak la sépare de Constantine (4° 15’ de longitude).
163
« Algérie », in Encyclopédie Encarta, Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.
Deuxième Partie Chapitre Premier
115
Fig.45 : L’Algérie sous les ottomans.
Source : Colonel NIOX164
Les trois provinces s’étendent, du sud de la Méditerranée au Sahara. La capitale de ce royaume
est située sur la côte de Tittery (36° 48’ longitude nord, et 3° 30’ longitude est). Trémecen ou
Tlemcen, était autrefois la capitale du royaume de ce nom et une ville très-considérable. Depuis
l’établissement de la domination turque dans ce pays, Tlemcen, malgré les avantages de sa
position, était tombée dans un état complet de décadence. Oran est située à cinquante-quatre
milles nord-est de Tlemcen. Elle fut occupée par les espagnols durant un siècle en vertu d’un
traité avec la régence d’Alger. Elle a un très-bon port dans les saisons ordinaires, et s’étend sur
un isthme dans une étendue de cinq milles au sud-ouest de la belle rade d’Arzew (35° 48’
latitude, et 60° 40’ longitude est). Sa situation dans un pays très-beau et très-fertile, ses deux
belles rades, et le voisinage de Gibraltar et de l’Espagne, en font certainement la seconde place
du royaume. Belidah ou Blida est située au sud de la capitale, sur la limite de la plaine de la
Mitidja, à la distance de vingt-quatre milles. Plus loin et toujours dans la même direction, on
trouve Médéa, capitale de Tittery ; elle a à peu près l’étendue et l’importance de Blida. Le
voisinage de la capitale et leur situation dans les districts les plus fertiles de la Numidie ont
procuré à ces deux villes une grande prospérité agriculturale165
.
164
Colonel NIOX, « Géographie militaire ; Algérie et Tunisie », Édit Librairie Militaire de l. Baudoin et Cie, 2
ème
édition, Paris 1890, p 13. 165
Idem.
Deuxième Partie Chapitre Premier
116
1.2. Les villes algériennes sous la Régence.
L’Algérie comptait de nombreuses villes, où se concentraient les services administratifs et
militaires en même temps que les activités culturelles et économiques : artisanat, commerce….
Certaines de ces grandes villes atteignaient les 100 000 habitants telles Tlemcen et Constantine
au début du XVIème siècle puis Alger à la fin du même siècle. Au début du XIXème siècle, on
évaluait la population de Constantine entre 25 000 et 30 000, celle de Tlemcen entre 12 et
14 000, Oran, Miliana, Médéa et Mascara entre 8 000 et 10 000 alors que Cherchell et Bône ne
comptaient que 2 à 3 000 habitants. La population urbaine de l’Algérie, à la fin du XVIIIème
siècle peut être estimée au dixième de la population totale.
Constantine, capitale de la province orientale, est l’ancienne Cirta. Elle est située sur la rivière
El-Rummel, à quarante milles de la mer (36° 20’ de latitude nord, et 6° 30’ de longitude est) ; sa
position (du point de vue militaire) est certainement une des plus heureuses que l’on puisse
imaginer.
Bona ou Bône, l’ancienne Hippo-Regius, est une ville d’environ trois ou quatre mille habitants,
ayant un port commode (36° 43’ de latitude nord, et 8 de longitude est)166
.
Avant la fin du XVIIIème siècle, Bône, comme ville commerciale, était au-dessus d’Alger.
C’était le rendez-vous de tout le commerce que faisait la Compagnie française d’Afrique, qui
avait obtenu le monopole de la pêche du corail et d’autres privilèges commerciaux qui reparurent
avec la Restauration, mais sans produire une amélioration évidente pour le commerce de
Bône167
.
Boujaiah ou Bougie (située à 36° 45’ de latitude nord et à 9° 24’ de longitude est), possédait le
meilleur port de la côte et était autrefois le principal dépôt naval de la régence. Le pays
avoisinant est montagneux et d’une grande fertilité en olives ; Bougie pouvait être une ville
commerciale d’une très grande importance.
166
Paul Gaffarel, Conquête de l’Algérie jusqu’à la prise de Constantine, Édit Librairie de Firmin-Didot et Cie, Paris,
1888. 167
Maitrot capitaine, Bône Militaire. 44 siècles de luttes du XXIVème avant au XXème siècle après notre ère, Édit
Imprimerie centrale A.-M. Mariani, Bône, 1912.
Deuxième Partie Chapitre Premier
117
1.3. La répartition des populations urbaines selon les ethnies.
Il y a différentes opinions sur l’estimation de la population de l’Algérie168
. Il ne s’agit pas ici
d’un dénombrement exact, on ne peut tout au plus que l’estimer approximativement. La
population du pays est plutôt au-dessous qu’au-dessus d’un million.
On distinguait, on a toujours distingué les gens des villes et les gens des tribus. La composition
de la population urbaine était partout à peu près la même qu'à Alger ; on trouvait dans les villes
des Turcs, des Kouloughlis, des Maures ou hadar, des berranis ou étrangers, des africains noires,
enfin des Israélites et quelques rares Européens, consuls, commerçants ou renégats.
En 1830, il y avait environ 12 000 Turcs répartis entre les résidences des beys et les autres villes
de garnison. L’Odjak ou communauté turque, avec au sommet le dey, les membres de sa cour,
ses ministres et surtout ses janissaires, détenaient la force militaire, le pouvoir administratif et
foncier et de nombreux moyens de productions.
Les Kouloughlis étaient au nombre de 5 à 6 000 et étaient utilisés pour garder les citadelles.
Dans le Constantinois ils formaient une importante colonie notamment à Mila et à Tébessa. Ceux
de la ville de Constantine dispersés par Ahmed Bey en 1830 grossirent la garnison de Bône.
Les Maures, pour la plupart musulmans d’Andalousie constituaient le groupe le plus important
par le nombre. Ils jouèrent un grand rôle économique : propriétaires terriens, ils excellaient en
agriculture (ils dotèrent la ville d’Alger d’aqueducs d’irrigation et d’alimentation en eau potable
dés le XVIème siècle) mais ils détenaient aussi le commerce et exerçaient les divers métiers
(soie, pâtisserie et cuir) et étaient connus pour leur maîtrise du chant. Ils s’installèrent
principalement dans l’Oranie et dans les villes du littoral ; ils pouvaient accéder à la magistrature
et aux fonctions religieuses. Les Berranis, campagnards établis dans les villes, étaient groupés
par pays d'origine et par corporations sous la surveillance d'un Amin ; c'était surtout des Kabyles
et des Mozabites.
Les juifs constituaient l’élément le plus ancien de la population (soit de part leur naissance ou
bien ceux arrivés d’Espagne au XIVème siècle). Ils bénéficiaient d’une liberté de culte, d’écoles
hébraïques et avaient leur propre justice. Ils s’adonnaient au commerce (surtout extérieur) et
excellaient dans certains métiers : échanges de monnaie, bijouterie et ferblanterie. La
168168
Arsène Berteuil, L’Algérie française, Tome Premier, Édit Dentu Libraire-éditeur, Paris, 1856, Ouvrage
téléchargé sur le site : www.algerie-ancienne.com.
Deuxième Partie Chapitre Premier
118
communauté juive livournaise (dont les familles Bouschnak et Bakri faisaient partie) détenait de
nombreux monopoles dont celui du blé, de la cire et de l’huile qu’ils pouvaient exporter169
.
Les chrétiens étaient fort peu nombreux, c’était notamment des agents consulaires commerciaux
ou religieux. Les plus nombreux étaient les captifs.
La citadinité de ces populations, renforcée par l’arrivée des andalous, a été soutenue par les
bénéfices de la course, de l’artisanat et du commerce. L’aisance des populations urbaines a
donné un éclat particulier à la vie citadine170,
.
Il est difficile d'évaluer le chiffre de la population urbaine en 1830 ; il ne dépassait probablement
pas 100 000 âmes, dont 20 000 Israélites. Alger n'avait plus que 33 000 habitants, Constantine 31
000, Tlemcen 9 000, Oran 7 000 et Bona entre 3000 et 4000 ; quant à la population autochtone
entière, elle tournait autour des deux millions d’âmes171
.
1.4. Les populations rurales.
Les tribus étaient autant de petits États, de forces très diverses et de constitutions très disparates.
A la base était la famille très fortement organisée, mettant tout en commun, richesse et pauvreté,
douleurs et joies. Les intérêts de celle-ci prévalaient sur l’intérêt de l'individu .Un assemblage de
familles parentes entre elles, formait le clan, la karouba des Kabyles. Au-dessus du clan venait le
village (thaddert ou dachra) chez les sédentaires, le douar chez les nomades, au-dessus du village
ou du douar, la tribu ou Arch.
Les nécessités de la vie en commun, l'absence, depuis l'antiquité romaine, de tout gouvernement
rassemblant l’ensemble du territoire algérien, avaient créé chez les autochtones un organisme
social rudimentaire, la Djemââ. De même que la famille obéissait à son chef naturel, l'ancêtre, le
cheikh, l'assemblée des cheikhs, des chefs de famille constituait la djemââ, qui régissait la petite
communauté172
.
Très souvent le terme de Caïd est relié à la colonisation alors que nous le retrouvons parmi les
fonctionnaires ottomans. Ce qui nous pousse à rechercher d’éventuels postes administratifs chez
169
Henri Garrot, Les juifs d’Algérie, Édit Librairie Louis Relin, Alger, 1898 170
Abdelhamid Mérad Boudia, La formation sociale algérienne précoloniale : essai d’analyse théorique », Édit
OPU, Alger, 1980.
Mohamed Soualah, La société indigène de l’Afrique du Nord, Édit Typo-Lito et Jules Carbonel , Alger, 1937. 171
Mahfoud Kaddache, l’Algérie durant la période ottomane, Édit OPU, Alger, 2003. 172
Idem.
Deuxième Partie Chapitre Premier
119
les ottomans comme influençant les français soit du point de vue terminologique, soit du point de
vue organisationnel, c'est-à-dire voir si les rôles de ces fonctionnaires eux même étaient repris.
2. L’organisation de la gérance ottomane.
Le gouvernement ottoman se composait ostensiblement d’un chef souverain appelé dey, et d’un
diwan ou grand conseil. Le nombre des membres du diwan n’était pas limité ; ils étaient pris
parmi les anciens militaires qui avaient eu ou avaient encore un commandement. Le diwan élisait
le dey et délibérait sur toutes les affaires que celui-ci voulait bien lui soumettre.
2.1. L’appareil administratif des Deys.
Le dey nommait lui-même ses ministres ; c’étaient :
le khasnadji, qui avait dans ses attributions les finances et l’intérieur ;
l’agha, ou bachagha, qui commandait en chef l’armée, et qu’on pourrait appeler
ministre de la guerre, puisqu’il en avait les attributions ;
le khoja-el-kril ou le khoja de Cavalas, qu’on pourrait désigner sous le nom
d’adjudant général et de surintendant des domaines nationaux ;
l’oukil-el-hardj, ou ministre de la marine et des affaires étrangères ;
le makatadj, ou chef des secrétaires ;
le cheikh-el-islam, ou muphti-el-hanephy, ministre du culte et de la justice.
le beit-el-mal, ou juge des successions, était chargé de l’ouverture des testaments et
de tous les litiges que pouvait entraîner l’exécution. Il était le représentant de tous les
héritiers absents. Il devait faire entrer au domaine, après les prélèvements faits pour
les pauvres et pour quelques autres dépenses spéciales, les successions vacantes et la
partie des biens qui revenaient à l’État dans toutes celles où il n’y avait pas d’héritier
mâle direct, partie qui était quelquefois fort considérable. Il était aussi chargé de la
police des inhumations. Il avait sous lui un cadi et plusieurs agents ; Ce dernier poste
était devenu très-important, à cause des revenus qui y étaient attachés173
.
C’était au moyen de ces divers fonctionnaires que le dey dirigeait les rouages de son
gouvernement. Ses ministres formaient le conseil privé du souverain, et constituaient avec lui le
gouvernement de fait, où n’avait rien à voir le prétendu divan, qui n’était souvent qu’imaginaire ;
ce conseil lui-même n’existait plus que de nom lorsque les français s’emparèrent d’Alger.
173
Mahfoud Kaddache, 2003, op.cit.
Deuxième Partie Chapitre Premier
120
Hussein-Pacha, qui ne l’a pas appelé une seule fois dans toute la durée de son règne, ne lui avait
laissé que des attributions tout à fait insignifiantes ; de sorte que les principes fondamentaux de
ce gouvernement étaient en pleine dissolution lorsque la domination turque s’écroula sous les
coups des Français. L’élection des deys d’Alger devait être confirmée par le Grand Seigneur,
qu’ils reconnaissaient pour leur seigneur suzerain ; mais cette confirmation n’était jamais
refusée, et toujours elle était accompagnée du titre de pacha à trois queues, sorte de
dénomination que le souverain prenait dans ses actes publics ; car le nom de dey est à peine
connu à Alger. Les étrangers seuls s’en servaient174
.
2.2. Les prérogatives du Dey.
Aussitôt après leur élection, les deys d’Alger jouissaient de toutes les prérogatives attachées à
l’autorité souveraine ; mais leur installation solennelle n’avait lieu que lorsqu’ils avaient reçu le
firman du Grand Seigneur, qui approuvait leur élection, et, avec le firman, l’envoi du kaftan et
du sabre d’office, qui leur étaient apportés par un capidji-bachi ou messager d’État.
Tous les trois ans, dans ses jours de prospérité, Alger envoyait au Grand Seigneur un présent qui
était transporté à Constantinople, sur un vaisseau de guerre étranger, avec l’ambassadeur qui
devait l’offrir. Ce présent était toujours magnifique, et s’élevait quelquefois à la valeur de
500,000 dollars. Du reste, il paraît qu’Alger ne reconnaissait pas autrement la suprématie du
gouvernement ottoman et, même dans l’ivresse de son pouvoir imaginaire, il lui est arrivé de ne
pas toujours respecter son pavillon. Comme compensation, la Porte lui envoyait ordinairement
un vaisseau avec des munitions de guerre et de mer, lui accordant en outre la permission de lever
des troupes dans le pays soumis à sa domination.
L’administration de la justice criminelle n’appartenait qu’au dey, qui l’exerçait par lui-même ou
par ses ministres ; les peines suivaient l’islam et étaient la mort, la mutilation, les travaux
publics, la bastonnade et l’amende.
La justice civile était administrée dans chaque grand centre d’administration par deux cadis, l’un
dit el-hanephy pour les Turcs, et l’autre dit el-maleki pour les autochtones (Les hanephys et les
malekis forment deux Madahib musulmanes qui diffèrent sur quelques pratiques insignifiantes
du culte et sur quelques points de jurisprudence). Les Turcs sont du madhab des hanephys ; les
naturels de l’Afrique sont au contraire malekis. Au-dessus des cadis existaient deux muphtis,
174
André Prenant, « Algérie », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004.
Deuxième Partie Chapitre Premier
121
l’un hanephy et l’autre maleki. Le premier, qui comme nous l’avons dit portait le titre de cheikh-
el-islam (chef de l’islamisme), était un fort grand personnage : il recevait les appels des
jugements rendus par les cadis, dans une cour appelée le Madjalis qu’il présidait, et qui se
composait des deux muphtis et des deux cadis. Une affaire civile pouvait être portée par les
parties, soit à Tunis, soit à Fez, où se trouvent les plus célèbres légistes de l’Afrique. En Algérie,
comme dans tous les autres pays musulmans, le code civil se compose du Coran, de ses
commentaires et de quelques coutumes du prophète auxquelles l’expérience a donné force de
loi : la Sunna175
.
L’arrondissement d’Alger était directement administré par le dey et ses ministres ; mais comme
le dey ne pouvait étendre directement son action sur les points éloignés, il avait établi dans les
provinces des gouverneurs avec le titre de ses lieutenants, que l’on nommait beys. Ils y
exerçaient la souveraineté en son nom ; ils étaient par le fait investis de toute son autorité
despotique.
2.3. Le beylicat de Constantine.
Les gouverneurs étaient obligés de venir tous les trois ans à Alger rendre compte de leur
administration. Les beyliks ou provinces étaient au nombre de trois : Constantine à l’est, Oran à
l’ouest, et Tittery au midi. Chaque province était imposée pour une somme déterminée, selon la
capacité qu’on lui supposait pour la payer. Le fisc percevait cette somme par dividende de six
mois.
Tous les trois ans lunaires, les beys étaient donc obligés de venir en personne rendre compte au
siège du gouvernement de leur gestion ; leur entrée était publique, très magnifique, mais la
continuation de leur pouvoir et leur vie même dépendaient du talent qu’ils avaient eu de rassasier
l’avarice des membres de la régence. Chaque visite des beys à Oran et à Constantine ne leur
coûtait pas moins de trois cents dollars ; il leur fallait, dans ces occasions, acheter la faveur des
officiers de la régence, dont le prix était plus ou moins élevé, selon que leur crédit était plus ou
moins grand.
L’Algérie comptait de nombreuses villes où se concentraient les services administratifs et
militaires en même temps que les activités culturelles et économiques.
175
Paul Gaffarel, 1888, op.cit.
Deuxième Partie Chapitre Premier
122
Dans le beylik de Constantine les turcs étaient installés dans la ville de Constantine et dans les
villes garnisons : Mila et Tébessa. Le beylik de Constantine était le plus peuplé des trois beyliks.
La population était égale au deux tiers de celle de l’Algérie. « À la prise de Constantine, Temimi
estimait la population de la province à 1 131 000 habitants 176
».
La ville de Constantine quant à elle comprenait quatre parties : la casbah au Nord, Tabia el Kbira
et Tabia el Barrania et le quartier d’El Kantara au Sud-est et celui de Bab el Djabia au Sud. Les
portes principales se trouvaient au sud, seule possibilité d’accès au rocher : Bab Djedid, Bab el
Oued et Bab el Djabia. Bab el Kantara au Nord donnait sur le pont. Quatre grandes rues
traversaient et coupaient la ville :
de Bab el Djedid à la casbah ;
de Bab el Oued à Souk el Acer ;
de Bab el Djabia à el Kantara ;
de Bab el Djabia en passant par Rahbet Essouf vers E’Charaâ (quartier juif).
La casbah constituait un quartier à part avec casernes, mosquée, magasins et maisons. La ville
comptait une centaine d’établissements de culte musulman entre mosquées et zaouïas ainsi que
beaucoup de Hammams.
Fig.46 : Plan de Constantine au XVIIème siècle.
Sources : Mahfoud KADDACHE177
176
Mahfoud Kaddache, 2003, op.cit. 177
Idem, p 150.
Deuxième Partie Chapitre Premier
123
Fig.47 : Plan de Constantine lors de prise.
Source : Ernest Mercier178
.
L’administration du beylik ressemblait fort à celle du deylik d’Alger, Le bey était secondé par
des hauts fonctionnaires :
le Khalifa qui suppléait le bey dans ses fonctions comme la rentrée des impôts, le
contrôle des Caïds et il disposait d’une milice et des neufs (chiffre changeant selon les
périodes) tribus sous sa coupe ;
Caïd e’Dar ou intendant du palais chargé de l’administration et de la police de la ville de
Constantine. Il administrait aussi les propriétés rurales du beylik ainsi que les immeubles
urbains (en général confisqués aux citoyens). Il veillait à l’emmagasinage des grains
(impôts en nature). Il payait la milice et jugeait les petits délits internes. Il avait à ses
ordres un Moqadem, un Amin, des Caïds (el Aouassi, el Zmala, el Bab, el Souk, el Ain,
el Zbel, el casbah), El- Berrah, Oukil bit el Mal, les Bach Katib et Seyar, et l’Agha es
baihia (commandant des troupes) ;
les Caïds des tribus qui sont, soit nommés par le bey, soit parmi les plus âgés et les plus
riches. Pour les postes inférieurs de Caïd ou de Cheikh, on nomme les notables investis
par l’opinion ou ceux désignés par les khalifas, bachaghas et aghas. Ils ont pour mission
178
Ernest Mercier, Les deux sièges de Constantine 1836-1837, Édit Imprimerie- Librairie L. Poulet, Constantine,
1896.
Deuxième Partie Chapitre Premier
124
de percevoir les impôts arabes : achours et zakats ou turcs : K’okor dans le Constantinois.
Comme rémunération, ils doivent recevoir le dixième de l’impôt et conservent leurs
droits au labour, moisson et transport de grains179
.
A la prise d’Alger, le beylik de Constantine était autrement organisé car Hadj Ahmed, bey de la
ville depuis 1826, s’était autoproclamé Pacha pour être l’égal du bey de Tunis ; son titre ne fut
jamais légitimé par Istanbul. Il put poursuivre en toute indépendance ses projets de réforme et de
réorganisation administrative en même temps qu’il dirigeait la résistance contre les français. Il se
débarrassa des janissaires. Il s’appuya sur une garde de 2000 zouaves constantinois et kabyles en
augmentant leur solde. Il fit construire des casernes er fortifier toutes les places180
.
Considérant le beylik de Constantine comme une province arabe liée à l’empire ottoman par
l’islam, Ahmed Bey voulut faire de Constantine, alors prospère et à la croisée des chemins Nord-
Sud et Est-Ouest, une province moderne et souveraine. Il fit battre ainsi une monnaie (frappée
cinq fois entre 1830 et 1837) et changea de drapeau (rouge orné du sabre bifide). Il gouverna
avec un diwan qui rassemblait outre les deux muftis, les deux cadis, des hauts fonctionnaires et
les chefs des tribus. Aucune décision importante n’était prise sans consultation de ce diwan.
Il fit supprimer tous les impôts non coraniques et procéda à leur remplacement par un seul :
L’Achour, dont les revenus furent consacrés aux dépenses militaires. Il renouvela les cadres de
son administration :
Bach Hamba : sorte de 1er ministre en remplacement du Khalifa.
Deux caïds l’Achour.
Un Agha du Djich (commandant de l’armée).
Un Agha El Asker (commandant des soldats)181
.
L’occupation de l’Algérie par les ottomans était donc une dominance exercée dans les villes et le
reste du pays était resté en l’état. La dominance ottomane en campagne s’exerçait sous forme
d’allégeance avec les tribus berbères ou arabes. Rares étaient les investissements ou édifications
structurelles civiles en dehors des mosquées et aqueducs et Hammams introduits par l’empire
ottoman en l’Algérie. Ce dernier ne s’occupait donc que du prélèvement d’impôts. Les cités ne
l’intéressaient que du point de vue stratégique d’où le développement des villes portuaires et de 179
Mahfoud Kaddache, 2003, op.cit. 180
Ernest Mercier, 1896, op.cit. 181
Abdeldjélil Temimi, Le beylik de Constantine et Hadj Ahmed Bey. 1830-1837, Édit Publication de la revue
d’histoire maghrébine, Tunis, 1978.
Deuxième Partie Chapitre Premier
125
garnisons telles Alger, Bougie, Annaba, Tlemcen, Mila ou Constantine. Ces dernières
constituaient les bases arrières de l’armée ottomane par l’assujettissement des populations
autochtones.
3. La médecine en Algérie pendant la période ottomane (1516-1830)
Au cours de cette période qui s'étendit de 1516 (arrivée des frères Barberousse) jusqu'à 1830,
trois médecines se sont côtoyées, chacune d'elle adaptée à la population à laquelle elle
s'adressait :
la médecine européenne réservée aux captifs en grande partie européens, était dispensée
dans les hôpitaux qui furent érigés dans les bagnes ;
la médecine des turcs, orientée vers les aspects militaires car les turcs venaient en Algérie
en tant que jeunes recrues, en plein force de l'âge et en bonne santé et repartaient en
Turquie une fois leur mission terminée ;
la médecine populaire, continuation de la médecine arabe réservée à la population
autochtone.
3.1. La médecine traditionnelle.
La médecine populaire était synonyme de médecine naturelle. La médecine arabe de la famille
algérienne se basait sur une série de gestes et de pratiques issus donc de la phytothérapie :
fumigation de souffre, cautérisation, réduction, saignées et pratiques kinésithérapiques dans les
bains de vapeur. La connaissance de ces pratiques se transmettait de père en fils ou de mère à
fille. La pratique de la médecine ne présentait pas de caractère commercial car elle est souvent
associée à la religion et au spiritisme182
.
Les médecins appelés Hakim ou sages exerçaient le jour du marché. Les consultations étaient
pratiquées en dehors ou sous la tente. Certaines accoucheuses (kabla) étaient réputées et avaient
le monopole des accouchements. Certaines tribus étaient également connues pour leurs
connaissances en médecine en particulier dans l'art de guérir les coups, les blessures et les
fractures. Plusieurs hôpitaux existaient en Algérie au cours de cette époque, en particulier à
Alger, Tlemcen, Oran et Bejaia. Il est à noter que ces hôpitaux ne correspondent pas à l’image
des hôpitaux modernes et étaient destinés aux plus démunis. Les ressources des établissements à
182
Siham Bestandji, Rites thérapeutiques et bien-être spirituel. Ancrages et résurgences. Pour un projet urbain de
tourisme pèlerin, Thèse de Doctorat es-sciences, sous la direction de Dr Belkacem LABII, Constantine, 2008.
Deuxième Partie Chapitre Premier
126
caractères social provenaient des biens Habous et Waqf. Ces derniers correspondent aux biens de
mainmorte de l’église catholique. Les cinq dixième du territoire algérien étaient consacrés à
l’enseignement et aux œuvres d’utilité publique183
.
D’après Cumston dans l’histoire de la médecine, les médecins musulmans firent trois grands pas
à la science médicale :
ils classifient méthodiquement les éléments épars de la médecine grecque ;
ils créèrent la médecine clinique ;
ils enrichirent la pathologie par la description de maladies nouvelles184
.
Pour de nombreux médecins ils sont considérés comme d’excellents observateurs et de grands
érudits. Pour eux la médecine commence dans les idées et la philosophie en passant par
l’anatomie, la psychologie, le mauvais œil, l’hygiène, la diététique, les pathologies et les sens et
finit par les matières médicales, la toxicologie et le climat. Ils furent les précurseurs de la
musicothérapie.
Parmi les médecins célèbres de cette époque, on peut citer :
El Djazouli, médecin de Tlemcen qui vivait en 1068 de l'hégire.
Mohamed Ibn Ahmed El Hassani qui vécut également à Tlemcen qui a écrit une lettre de
13 pages relative à la prévention des épidémies.
Nour Eddine Ibn Nasr Eddine El Makky, qui a rédigé un traité de médecine intitulé
''Tohfet El Iman''.
Ahmed Ibn Kassem El Bouni (1653-1726), originaire de Annaba qui a rédigé un traité
intitulé ''l'âlem ahlou el kariha fi el adouya essahiha''.
Khalil ibn Ismail el Djazaïri connu pour son livre : ''Les trésors de l'âme pour pallier aux
maladies difficiles''
Abderezak Ibn Hamadouche el Djazaïri, né en 1107 de l'hégire, il officiait dans un
magasin à proximité de la grande mosquée d'Alger. Parmi les ouvrages qu'il a écrits, on
peut citer : ''Errihla ''(le voyage), ''kechf erroumouz'' où l'on peut noter sa parfaite
connaissance des plantes médicinales de l'époque, l'ouvrage en quatre tomes ; ''El jawhar
183
ATIR Mohamed, Consultation à l’étude de l’histoire de la santé en Algérie. Autour d’une expérience vécue en
ALN. Wilaya V, Édit OPU, Alger, Édit N° 1954-01-86. 184
Abdelhamid Mérad Boudia, La formation sociale algérienne précoloniale : essai d’analyse théorique », Édit
OPU, Alger, 1980.
Deuxième Partie Chapitre Premier
127
el maknoun min bahr el kanoun'' (les perles cachés de l'océan du canon) où il traite des
poisons, des maladies et des plantes et drogues médicinales.
Ahmed ibn Ali Erachidi, originaire de Ferdjioua qui composa un dictionnaire médical ''El
Minha el Koudoussia fi el Adwiya el Kamoussia''
Ahmed ben Belkacem, chirurgien qui vécut du temps d'Ahmed Bey de Constantine. Il
excellait en neurochirurgie et traitait les fractures de la boite crânienne. Les turcs avaient
souvent recours à lui185
.
Comme nous venons de l’expliciter précédemment, à l’arrivée des français, la prise en charge
sanitaire des populations d’Algérie était donc traditionnelle et dépourvue de structures modernes
de santé.
3.2. La médecine turque.
Les turcs étant en nombre relativement modeste en Algérie et étant relativement jeunes (adultes
aptes au service militaire), leurs besoins en matière de santé étaient relativement réduits.
Un Bech-Djerrah ou médecin-chef ou Amin des médecins assurait les fonctions de haut
responsable de la santé. Ses bureaux jouxtaient la Djénina, siège du gouverneur (actuellement
CHU Bab El Oued). Les services de ce médecin-chef répondaient aux différents besoins de santé
exprimés aussi bien par les dignitaires turcs que par les janissaires. Il était en outre responsable :
de la pharmacie centrale située près de la Djénina et qui approvisionnait toutes les
structures de santé en médicaments, plantes médicinales et prothèses ;
des médecins militaires turcs qui venaient d'Égypte et de Turquie, pour assurer la
couverture sanitaire du contingent des janissaires.
Si les médecins turcs exerçaient pour une durée déterminée en Algérie, certains d'entre eux ont
exercé à titre privé, une fois leur service militaire terminé.
Il faut signaler que les turcs ont joué un rôle important sur le plan de l'hygiène publique à Alger
et dans les grandes villes. En effet, ce sont eux, aidés des hydrauliciens andalous, qui ont réalisé
les quatre aqueducs et 120 fontaines publiques qui alimentaient la population algéroise. Les
hammams (bains maures) d'Alger (plus de soixante), de Tlemcen et de Constantine étaient
185
ATIR Mohamed, Consultation à l’étude de l’histoire de la santé en Algérie. Autour d’une expérience vécue en
ALN. Wilaya V, OPU, Alger, Édit N° 1954-01-86.
Deuxième Partie Chapitre Premier
128
réputés. La propreté de la ville était confiée à un organisme dirigé par un Caïd El Zbel qui
s'occupait du ramassage des ordures ménagères et de l'entretien des canalisations des eaux usées.
La première structure hospitalière turque fut construite en 1550 par Hassan le fils de Khair-
Eddine Barberousse. Le nom d'asile était souvent donné à ces maisons de soins. Parmi ces
structures on peut citer pour Alger :
l'asile pour malades mentaux de la rue de la flèche ;
l'asile de la rue de l'Aigle qui abritait les turcs impotents et les janissaires invalides ;
l'asile de Boutouil qui servait de refuge aux indigents et qui était situé sur l'emplacement
actuel du lycée émir Abd El Kader de Bab El Oued. ;
l'asile de Sid Ouali Dada situé à la rue du Divan (en face de la mosquée Quetchaoua) qui
recevait les handicapés et les malades et qui a continué à fonctionner jusqu'après
l'occupation française.
Ces maisons de soins, aussi fonctionnelle soient-elles, ne pouvaient constituer des bâtiments
susceptibles de recevoir les entités constituantes d’un hôpital moderne. Ces maisons ne
pouvaient être donc considérées par les français comme hôpitaux.
3.1. La médecine européenne.
La pratique médicale en Algérie est très ancienne et plusieurs écrits témoignent de cette activité
bien avant la colonisation française. Cependant la médecine moderne telle que nous la
connaissons actuellement a débuté avec l'armée française.
Par médecine européenne nous entendons la médecine adressée essentiellement pour les
européens ou bien celle pratiquée par ces derniers. Les tentatives de conquêtes des côtes
algériennes, la position géostratégique du pays ont brassé nombres d’européens qui ont nécessité
ou prodigué des soins.
En 1551, le prêtre espagnol Sébastien Duport créa une maison de soins pour les captifs.
En 1575, un père capucin fonda ''l'hôpital d'Espagne'', le plus important d'Alger.
En 1612, un autre prêtre, Bernard de Monroy fonda ''l'hôpital de la Sainte Trinité' ' dans
la taverne du bagne du Pacha au niveau de la rue Bab Azzoun.
En 1639 un hôpital spécialisé dans les soins aux pestiférés a fonctionné jusqu'en 1750. l
était dirigé par les prêtres de la confrérie de Saint-Roch.
Deuxième Partie Chapitre Premier
129
En 1646 une mission religieuse fonda un hôpital à Alger qui resta ouvert jusqu'en 1827.
En 1665, il existait cinq hôpitaux dans les bagnes d'Alger qui comprenaient un prêtre, un
médecin et un chirurgien (barbier) ainsi que des infirmiers, des cuisiniers et des
domestiques choisis parmi les captifs.
En fait le nombre d'hôpitaux variait selon les périodes (le nombre s'élevait pendant les
épidémies). Ces hôpitaux recevaient principalement les captifs et accessoirement les
marins chrétiens de passage à Alger.
Parmi les médecins captifs célèbres, on peut citer :
Melchior Guillandin, professeur de médecine de l'université de Padoue qui a été captif à
Alger de 1557 à 1561.
Murillo, médecin espagnol de Marbella captif en 1649 et qui gagna sa liberté après avoir
exercé 3 ans à Alger.
Robert Hiérome, maître-chirurgien, natif de Provence, ayant séjourné à Alger de 1689 à
1697.
Pascal Gamissot médecin italien qui était au service de Salah Bey de Constantine en
1713.
Crest Charles, chirurgien, natif de Toulon, qui a exercé à l'hôpital administré par les
prêtres espagnols de 1753 à 1757.
Sanchez, chirurgien espagnol qui exerçait à l'hôpital à Alger en 1786.
Conclusion
La régence ottomane se présentait comme une république militaire dont le chef , le Dey, était
électif et dont les membres devaient être Turcs ; les autochtones étaient sujets ou alliés.
L’Algérie était scindée en trois provinces. C’était au moyen de ses divers fonctionnaires que le
dey dirigeait les rouages de son gouvernement. La population turque était concentrée dans les
villes laissant la campagne aux mains des tribus ; la coordination entre arabes et administration
colonisatrice se faisait par le biais des Caïds. Dans le beylik de Constantine les turcs étaient
installés dans la ville de Constantine et dans les villes garnisons : Mila et Tébessa. Le beylik de
Constantine était le plus peuplé des trois beyliks (deux tiers de celle de l’Algérie). Le beylik de
Deuxième Partie Chapitre Premier
130
Constantine était autrement organisé car Hadj Ahmed, bey de la ville depuis 1826, s’était
autoproclamé Pacha. Il fit construire des casernes er fortifier toutes les places.
Les cités n’intéressaient la régence ottomane que du point de vue stratégique d’où le
développement des villes portuaires et de garnison telles Alger, Bougie, Annaba, Tlemcen, Mila
ou Constantine. Ces dernières constituaient les bases arrière de l’armée ottomane par
l’assujettissement des populations autochtones. Mais il faut préciser que les turcs ont joué un rôle
important sur le plan de l'hygiène publique à Alger et dans les grandes villes par la réalisation de
fontaines, d’aqueduc et de hammams et l’instauration du ramassage des ordures ; ces
équipements prolongeaient le système d’hygiène et de santé en usage. Cette dernière se basait
essentiellement sur la médecine traditionnelle, laquelle commençait dans les idées et la
philosophie en passant par l’anatomie, la psychologie, le mauvais œil, l’hygiène, la diététique,
les pathologies et les sens avec la musicothérapie, et finissait par les matières médicales, la
toxicologie et le climat. L’Algérie ne comportait ainsi pas de structures sanitaires moderne telles
que connues en Europe.
Après avoir vu comment se présentait l’Algérie avant la conquête français, il convient de voir les
conditions politiques, militaires et sociales, dans lesquelles se trouvait la France à la même
période. Nous aborderons aussi, dans le prochain chapitre, les moyens et outils mis en place pour
mener à terme la colonisation.
Deuxième Partie Chapitre Deuxième
131
CHAPITRE DEUXIÈME
LA FRANCE ET LE CONTEXTE DE L’OCCUPATION DE L’ALGÉRIE.
Introduction
La conquête puis la colonisation de l’Algérie sont perçues différemment selon que l’on soit sur la
rive Nord ou Sud de la méditerranée. Nous aborderons dans ce chapitre les conditions politiques
existantes en France. En outre, durant la colonisation, la France a eu à gérer des conflits avec ses
voisins européens. Sa guerre avec la Prusse à engendré la chute du second Empire.
Entre les premiers jours de conquête et la fin du XXIème siècle, la France a connu plusieurs
régimes, allant d’Empire à Monarchie, à République, de nouveau à Empire puis enfin à
République. Ces divers changements ne furent pas sans conséquences sur la conquête et la
colonisation. Nous verrons comment ces modifications se sont matérialisées du point de vue de
la législation applicable à l’Algérie. La gestion des affaires arabes ainsi que celles des territoires
ont fait l’objet de plusieurs projets de lois, parfois concrétisés et d’autres fois restés sur papier.
Ces projets ont provoqué de vives polémiques se rapportant soit au mode de colonisation soit à la
gestion des territoires (militaires et civils), la gestion de l’Algérie dans sa globalité. Pour les
Humanistes, Militaires, philosophes et colons, l’Algérie se présentait comme un champ
d’expérience. Les potentialités de cette dernière furent répertoriées de manière scientifique par
des expéditions militaires ; ces derniers se servirent de l’histoire de l’Algérie et notamment celle
de la période romaine pour s’étendre dans le pays. Nous essayerons de mettre en évidence ce en
quoi la colonisation romaine a pu être bénéfique à la colonisation française.
1. La France et la colonisation de l’Algérie.
Au XIXème siècle, la France, comme les grands empires, se focalise sur la pérennisation de ses
colonies.
La rivalité franco-allemande, qui naît dans le courant du XIXème siècle, aboutit d'abord à la
guerre contre la Prusse, se ravive dans la Première Guerre mondiale, et trouve son paroxysme
avec la Seconde Guerre mondiale, où les Alliés se liguent contre l'Axe Rome-Berlin.
Parallèlement à ces enjeux européens, l'armée française a tenu un rôle important dans la création
d'un vaste empire colonial, qui survécut jusqu’à la fin de la guerre d'Algérie. Par la suite, bien
que toujours engagée au coté du bloc de l'Ouest, elle marque sa différence, en développant sa
propre force de dissuasion nucléaire et en quittant le commandement intégré de l'OTAN en 1966.
Deuxième Partie Chapitre Deuxième
132
1.1. La situation politique en France.
Durant la période de conquête de l’Algérie par la France (1830-1870), trois régimes différents se
sont succédés en Métropole. Ces changements de régimes expliquent la position des militaires,
des hommes politiques français mais aussi les outils juridiques établis pour et lors de la
colonisation et ce avant l’avènement de la deuxième république.
La « Restauration » désigne la période restaurant la monarchie française classique qui s'étale de
la chute du Premier Empire le 6 avril 1814 au 29 juillet 1830. Politiquement, elle se traduit
essentiellement par la rédaction et « l'octroi » de la Charte de 1814. C’est durant cette période
que fut décidée l’expédition d’Alger.
Cette période est entrecoupée par les Cent-jours du 20 mars au 22 juin 1815 pendant lesquels
Napoléon reprend le pouvoir. Cet intermède permet de distinguer la Première Restauration de la
seconde, qui s'achève avec la Révolution de juillet. Dans cette perspective, certains considèrent
que le régime de la Monarchie de Juillet (1830-1848) constitue une troisième Restauration.
Le Second Empire est, en France, le régime bonapartiste de Napoléon III s'étalant de 1852 à
1870, entre la Deuxième et la Troisième République. Alors qu'il est président des Français et en
opposition avec l'assemblée conservatrice, Louis-Napoléon organise le Coup d'Etat du 2
décembre 1851, qui lui permet d'imposer une nouvelle constitution, et bientôt d'imposer
l'Empire. La première moitié de ce « Second Empire » est dite de l'« Empire autoritaire », tandis
que la seconde période est dite de l'« Empire libéral »186
.
Les différentes guerres et combats menés en dehors du territoire français dans un voisinage
proche (Italie, Allemagne … ou lointain Amérique, Haïti…) expliquent l’expérience de l’armée
française et son endurance.
Les forces françaises sont engagées à plusieurs reprises durant cette période avec des fortunes
diverses ; la guerre de Crimée voit les anciens adversaires français et britanniques, alliés à
l'Empire Ottoman, vaincre la Russie impériale. En 1859, l'Empire d'Autriche est défait durant les
Batailles de Magenta187
, où le futur Président de la république française Patrice Mac-Mahon joue
186
Adrien Dansette, « Le Second Empire 1852-1870 », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-
2004. 187
Bataille de Magenta : importante bataille qui a opposé les Franco-Piémontais de Napoléon III aux Autrichiens
durant la campagne d’Italie, le 4 juin 1859 qui dure tout l’après-midi et fait près de 9 000 morts, la ville de Magenta
est finalement enlevée dans la soirée. In Microsoft ® Encarta ® 2008. © 1993-2007.
Deuxième Partie Chapitre Deuxième
133
un grand rôle, et Solferino188
. Cependant, l'expédition française au Mexique, dans le but de
dresser contre les États-Unis un empire catholique allié à la France, tourne en revanche en fiasco
militaire et diplomatique à cause de la guérilla, de la fin de la guerre de Sécession et des
prémices d'une guerre contre la puissance montante de l'Europe qu'est la Prusse d'Otto Von
Bismarck. L'échec de l'expédition décrédibilise le régime de Napoléon III et c'est finalement la
guerre franco-allemande de 1870, mal préparée par la France, qui sonne le glas du Second
Empire.
Au Congrès de Vienne, l'Europe se redéfinit. Les structures de la fin du XVIII° siècle, préalables
aux excès de la Révolution et à l'envolée bonapartiste puis napoléonienne, s'estompent. La
culture de la fin des Lumières se heurte à la matérialité naissante du XIX° siècle. L'avènement
des masses aux décisions se révèle comme inéluctable ; la chute de la monarchie est déclinée par
phases successives. La République renaît de ses cendres, mais ce n'est que pour un court instant.
Bientôt, Louis Napoléon revient pour signer le triomphe des prémisses de la société actuelle.189
La question algérienne a influencé pour sa part et dans l’autre sens, c'est-à-dire Algerie – France,
la politique intérieure de la métropole. Les deux pays faisant partie d’un territoire géographique
bien déterminé, à savoir le bassin méditerranéen, il est intéressant de connaitre la situation
politique qui prévalait dans ce dernier pour déterminer les éventuelles influences sur les pays en
question : France et Algérie.
1.2. L’empire français de 1830 à 1962.
Les puissances riveraines qui ont des côtes au bord de la « mare nostrum » luttent pour leurs
intérêts commerciaux et favorisent le commerce maritime qui connaît une grande expansion par
l'arrivée des navires à vapeur consommateurs de charbon. Les ports sont en compétition par leurs
équipements, non seulement techniques mais aussi par ceux concernant le maintien de la santé
publique. La gestion des quarantaines appliquées aux navires et passagers est en effet l'un des
instruments politiques employés pour consolider un avantage commercial. Pour aider à la
compréhension géographique des luttes qui s'engagent la carte de l’empire colonial français
donne une vue de ce champ clos méditerranéen durant les deux époques clés.
188
Bataille de Solferino : Le 24 juin 1859, durant la campagne d'Italie, les troupes de Napoléon III défont les forces
austro-hongroises à la bataille de Solferino, tandis que les troupes piémontaises de Victor Emmanuel II l'emportent
sur les Autrichiens à San Martino, non loin de Brescia.in Microsoft ® Encarta ® 2008. © 1993-2007. 189
« Chroniques de la Province d’Oran. Synthèse de mes recherches au CAOM, concernant la période de 1830-
1873 », Site : www.pagesperso-orange.fr/jeanpaulmarchand/_frame/bnr.png.
Deuxième Partie Chapitre Deuxième
134
Fig.48 : L'Empire colonial français
Sources : Encyclopédie Encarta190
Carte indiquant le Premier empire colonial français en bleu clair et le Second en bleu foncé.
L'histoire de l'impérialisme colonial français peut être divisée en deux ères majeures :
la première du début du XVIIème au milieu du XVII appelé « Premier espace colonial
français » ;
la seconde du début du XIXème siècle au milieu du XXème siècle appelée « Second
espace colonial français ».
Dans la première phase de son expansion, la France a principalement concentré ses efforts en
Amérique du Nord et en Inde, installant des entreprises commerciales monopolistiques qui ont
été soutenues par la force militaire. Après sa défaite face aux Anglais durant la Guerre de Sept
Ans, la France perd ses possessions en Amérique du nord et en Inde, mais elle parvient à garder
ses îles aux Antilles (la Guadeloupe, la Martinique et surtout Saint-Domingue, considérable
source de richesses pour la couronne de France).
La deuxième étape a vu l'établissement, grâce à l'avance technologique de la France, de
l'Indochine française (Viêt-Nam, Laos et Cambodge modernes) et une suite de succès militaires
en Afrique, où elle contrôle les régions actuelles de la Tunisie, de l'Algérie, du Tchad, de
Madagascar et de Djibouti.
190
« Empire colonial français », in Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.
Deuxième Partie Chapitre Deuxième
135
En 1914, la France a un empire de plus de 10 000 000 km² et de près de 60 millions de
personnes, le deuxième en étendue après l'empire britannique. Après la victoire de la Première
Guerre mondiale, la région du Cameroun a été également ajoutée aux possessions françaises, et
la Syrie et le Liban sont devenus des mandats français. Pour la majeure partie de la période de
1870 à 1945, la France fut territorialement la troisième plus grande nation au monde. Après la
Seconde Guerre mondiale, la France lutte pour préserver ses territoires mais perd la guerre
d'Indochine puis la guerre d'Algérie face aux insurrections nationalistes locales191
.
De son empire colonial, la France tire de nombreuses ressources, de la main d'œuvre et ses
troupes coloniales.
Après plus d’un siècle d’occupation c’est la Guerre d'Algérie qui aura provoqué la chute de la
IVème République française et suscité un profond malaise dans l'opinion publique.
1.3. La question de l’occupation de l’Algérie et les personnalités politiques françaises.
La période coloniale qui s’étale sur six générations (1830 – 1962) peut être scindée en plusieurs
phases :
Quarante années de conquête armée accompagnée d’expropriations massives des
autochtones de leurs terres. C’est la période de gestion purement militaire.
Deux étapes de guerre franche sont connues 1830-1836 et 1840-1847
Plus de trois quarts de siècle (1870-1945) de peuplement plus ou moins sécurisé et de
projets de société européenne en faisant abstraction de la société musulmane.
Sept années de guerre de libération.
L'occupation du pays est cependant enrayée par la résistance – le djihad ou «guerre sainte» – de
l'armée d'Abd el-Kader. C’est avec la défaite de l'émir, en 1847, que la colonisation peut
vraiment commencer : routes et voies ferrées tracées, villes et villages édifiés, mais aussi terres
spoliées, populations refoulées vers les montagnes, inégalité institutionnalisée par le régime de
l'indigénat (instauré en 1881).
Cette conquête puis colonisation ont suscité bien des discours et controverses entre les hommes
politiques d’une tendance ou d’une autre mais aussi entre politiques et militaires occupant des
191
Jean Bruhat, « Empire Colonial Français », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004.
Deuxième Partie Chapitre Deuxième
136
hauts postes. Certains trouvent que la colonisation vide les caisses de l’état français alors que
d’autres jugent opportunes les potentialités agricoles et la position géostratégique de l’Algérie.
La monarchie de Juillet bien qu’ayant une idée d’occupation partielle ou restreinte continue la
conquête alors que le général Clauzel, gouverneur de 1835 à 1837 est partisan d’une conquête
totale de la régence d’Alger et veut transformer l’Algérie en colonie de plantation et de
peuplement. De 1837 à 1840 c’est la politique de l’occupation restreinte qui est prônée en
France. Elle est définie dès 1835 par le gouvernement. Elle est imposée à Damrémont qui en est
partisan. La France entend s’en tenir à l’occupation d’établissements maritimes : Alger, Oran et
Bône avec leurs territoires. Le reste est abandonné et doit être laissé à cinq « indigènes » vassaux
de la France qu’on opposerait entre eux. C’est dans ce cadre que Bugeaud cède le Tittery à
l’Émir Abdelkader. Le traité est violé par les deux parties et Constantine est prise, suivent Biskra
et les Ziban. Après la défaite de Valée en 1839, ce dernier est remplacé par Bugeaud et c’est le
début de la conquête totale (1841 à 1847). Le Général Bugeaud lui-même contre la colonisation
au début de celle-ci finit par s’y allier et en fit l’assujettissement des populations autochtones,
son objectif, « En Afrique il n’y a qu’un intérêt, l’intérêt agricole »192
. Lors de cette séance
André Dupin (chef du mouvement « tiers-parti ») exprima son désaccord avec Bugeaud. Il fut
suivit par Théobald Piscatory.193
Le général St Arnaud tout comme Bugeaud, finit par s’aligner avec les partisans de la
colonisation et écrit : « Le pays des Béni-Menasser194
est superbe et l’un des plus riches que j’ai
jamais vus en Afrique… »195,196
.
La préoccupation constante de Bugeaud fut d'associer l'armée à la colonisation : « L’armée est
tout en Afrique, disait-il ; elle seule a détruit, elle seule peut édifier. Elle seule a conquis le sol,
elle seule le fécondera par la culture et pourra par les grands travaux publics le préparer à
recevoir une nombreuse population civile. »197
Les condamnés militaires, sous la direction du
colonel Marengo, bâtissent les villages de Saint-Ferdinand, de Sainte-Amélie, de Douéra. Bientôt
le système est généralisé l'intérieur qu'une fois construits et plantés ; c'est la main-d'œuvre
192
Discours de BUGEAUD à la Chambre des députés à Paris, 15 janvier 1840. 193
Paul Gaffarel, 1888, op.cit. 194
Pays de Beni-Menasser : est la région qui est comprise entre Cherchell et Miliana 195
Lettre de St Arnaud du 9 mai 1841, op cit. 196
Manceron Gilles, Marianne et les colonies. Une introduction à l’histoire coloniale de la France, Édit La
découverte ; ligue des droits de l’homme, Paris, 2003, op.cit. 197
Discours de BUGEAUD, 15 janvier 1840, op.cit.
Deuxième Partie Chapitre Deuxième
137
militaire qui installera désormais les villages et ils ne seront remis à la direction de.
Cet emploi de l'armée aux travaux préparatoires de la colonisation donna lieu à des réclamations.
Le soldat, disait-on, ne doit que le service militaire ; l'employer à d'autres besognes, c'est
commettre un abus du pouvoir. « Dans les loisirs que lui fait la situation de l'Algérie, répondait
Bugeaud, l'armée doit être appelée à prendre une grande part à l'œuvre de la colonisation. Les
routes qu'elle ouvre, les camps qu'elle bâtit, les défrichements et les cultures qu'elle opère, en
justifiant complètement l'emploi des troupes aux travaux publics, signalent l'armée comme un
des agents les plus énergiques de la colonisation. Ce labeur lui-même, loin de nuire au soldat,
lui est favorable tant au physique qu'au moral. Il entretient sa santé et sa vigueur, le préserve de
la nostalgie, de l'ennui que produit le désœuvrement ».
Malgré ces promesses séduisantes, la plupart des auditeurs de Bugeaud se refusèrent à suivre les
conseils de leur général. Le recrutement des colons, assez médiocre, ne comprenait que peu
d'agriculteurs de profession ; ils arrivèrent sous la conduite de leurs officiers, au roulement du
tambour ; ils reçurent des lots urbains et des lots ruraux, et, déposant le sac et le fusil,
commencèrent à manier la pioche et la charrue. Bugeaud s'occupa de les marier avec des
orphelines de Toulon, auxquelles on donnait une petite dot de 700 francs ; ce furent les "
mariages au tambour ", dont se gaussèrent les contemporains et qui donnèrent, comme il fallait
s'y attendre, des résultats médiocres. Les colons devaient travailler en commun pendant cinq
années, après quoi les terres seraient partagées. Les produits du sol devaient également être
communs pendant la première période. Cette conception à la fois militariste et communiste ne
résista pas à l'épreuve des faits, Bugeaud lui-même en a convenu plus tard. Les colons
demandèrent à être désassociés et à travailler chacun pour son compte ; les deux tiers d'entre eux
partirent et les villages ne réussirent qu'après l'adjonction de colons civils.
En réalité, il faut distinguer entre la colonisation militaire, qui est une utopie, et la colonisation
avec le concours des militaires, qui est possible et désirable. L'armée ne saurait coloniser par
elle-même, mais elle peut de bien des manières aider la colonisation et lui fournir d'excellents
éléments. Il eût suffi sans doute de modifier dans la forme le projet de Bugeaud pour le rendre à
la fois très pratique et très exécutable198
.
Les lieutenants de Bugeaud, La Moricière et Bedeau, ne partageaient pas toutes ses idées en
matière de colonisation. La Moricière avait dressé un vaste plan de colonisation de la province
198
Fernand Armandiès, «Le Maréchal Bugeaud », in site web : www.alger-
roi.net/Alger/documents_algeriens/culturel/pages/45_bugeaud.htm.
Deuxième Partie Chapitre Deuxième
138
d'Oran ; il s'agissait de libérer, entre Oran, Mascara et Mostaganem, 80 000 hectares sur lesquels
on devait installer 5 000 familles ; l'État ne prenait à sa charge que les travaux d'utilité commune
: enceinte du village, nivellement, adduction d'eau, chemins ; le reste devait être exécuté par des
capitalistes à qui on concédait le village à charge d'y installer des familles en nombre fixe. En
1846, on mit en adjudication la concession à l'entreprise de six villages des environs d'Oran ; un
seul, Sainte-barbe-du-Tlélat, trouva preneur et l'adjudicataire ne tarda pas à avouer son
impuissance. Même insuccès l'année suivante avec d'autres villages. A Saint-Denis-du-Sig, en
1846, on concéda 3 000 hectares, près du barrage qu'on venait de construire, à l'Union agricole
que recommandait La Moricière et qui s'engageait à installer 300 familles européennes. On
trouvait dans cette société une combinaison des doctrines Saint-simoniennes et des doctrines
Fouriéristes c'était à la fois un phalanstère et une commune associée ; on espérait échapper ainsi
à la fois aux inconvénients des grandes concessions individuelles et de la petite colonisation ;
2000 actions de 500 francs, divisibles en coupures de 50 francs, furent émises à Lyon et à Oran.
Le capitaine d'artillerie Gautier, qui n'était ni administrateur ni agronome, en prit la direction.
Les colons ne venant pas, on embaucha des salariés. Le travail en commun fut, comme pour les
colonies militaires, la cause principale de l’échec ; l'entreprise fut abandonnée en 1853. De ces
diverses tentatives de collectivisme agraire, il n'est rien resté en Algérie, mais l'étatisme s'y est
conservé sous la forme de la colonisation officielle. En 1841, M. de Courcelles, visitant
l'Algérie, suggéra à Bugeaud d'y appeler les Trappistes. Le gouverneur se montra d'abord peu
enthousiaste, puis se rallia à ce projet qui avait l'appui de la reine Marie-Amélie199
.
Certes certaines voix humanistes se sont levées contres les crimes et les cruautés qui ont été
commises lors de la Conquête ou bien plus tard mais ce ne sont pas celles qui nous intéressent
car elles sont souvent pour la colonisation mais répugnent les crimes. Parmi ces voix celle de
Victor Hugo Humaniste mais aussi homme politique. Il écrit concernant l’Algérie « La
colonisation militaire doit couvrir et envelopper la colonisation civile comme la muraille couvre
et enveloppe la cité…. Quel meilleur obstacle qu’un camp français ? Mettez le soldat en avant
du colon comme vous mettez un fer au bout d’une lance. »200
. Sa femme Adèle rapporte ses
divergences avec Bugeaud et les situait dans le fait que Bugeaud était pour les colonies militaires
alors qu’Hugo était pour une émigration civile. Toujours est-il qu’Hugo plaide nettement en
199
Gabriel Hanotaux & Alfred Martineau, Histoire des colonies françaises et de l’expansion de la France dans le
monde, Tome 2, Algérie par Augustin Bernard, Livre Premier, Vue générale de L’Algérie jusqu’au XVIIIème siècle,
Édit Librairie Plon, Paris, Date inconnue. 200
Note rapportée par Gilles MANCERON, Marianne et les colonies. Une introduction à l’histoire de la France .
Texte inédit, CDU, source : Ligue des droits de l’homme ; p179.
Deuxième Partie Chapitre Deuxième
139
faveur de la colonisation : « je crois que notre nouvelle conquête est chose heureuse et grande.
C’est un peuple éclairé qui va trouver un peuple dans la nuit…. »201
. Lors d’un banquet sur
l’esclavage, le 18 mai 1879, Hugo prône sans détours sa position par rapport à la
colonisation : « L’Asie a son histoire, l’Amérique a son histoire, l’Australie elle-même a son
histoire,…, l’Afrique n’a pas d’histoire ; une sorte de légende vaste et obscure l’enveloppe, … ,
au XIXème siècle le Blanc a fait du Noir un Homme ; au XXème siècle, l’Europe fera de
l’Afrique un Monde. »202
.
Si les premiers socialistes œuvrent durant les XVIIIème et XIXème siècles pour des sociétés
meilleures, leurs positions par rapport à la colonisation sont contradictoires.
Auguste Comte, élève de St Simon, exprime ainsi son opposition à la conquête de l’Algérie dans
son « cours de philosophie positif203
». C’est dans ce livre qu’il réfute la hiérarchie des races.
Prosper Enfantin se montre indigné de la violence de la conquête mais estime qu’un pays comme
l’Algérie pourrait servir de champ d’expériences et de modèle en vue d’une réorganisation de la
société française. Dans sa lettre à Ariès il justifie sa position : « Voici donc l’œuvre de travail, de
culture, d’industrie ; l’œuvre de civilisation, qui elle-même, sera le prélude de l’organisation du
travail en France,.. .., C’est donc la colonisation de la province de Constantine que je considère
comme l’école normale où peuvent se former les vrais organisateurs du travail en France. »204
.
Le mouvement saint-simonien restera toujours partagé face à la colonisation. Nous retrouvons
les mêmes contradictions chez Charles Fourier. Dans son ouvrage « Théorie de l’unité
universelle » (1841)205
. Il dénonce l’esclavagisme et la conquête américaine ; mais il regrette que
les princes d’Europe ne soient pas capables de s’entendre pour se lancer dans des conquêtes
encore plus glorieuses que celle de Bonaparte. Seul Pierre-Joseph Proudhon semble faire
exception et considère inéluctable l’émancipation des colonies. Il juge la colonisation de
l’Algérie comme un échec : « L’Algérie seule est devenue notre conquête ; mais cette conquête,
après trente ans comme après le premier jour, se réduit à une occupation militaire. Rien n’est
d’une assimilation aussi difficile pour des civilisés que la Barbarie et le désert.»206
.
201
Note d’Adèle Hugo écrite alors qu’elle songe donner une suite à «Victor HUGO raconté par un témoin de sa
vie », paru en 1863, in Victor HUGO, Œuvres complètes, Édit Club Français du Livre, Paris, 1967-1970, tome VI 202
Victor Hugo, Discours sur l’Afrique, op. cit , Vol Politique. 203
Auguste Comte, cours de philosophie positive, Paris, 1842. 204
Prosper Enfantin, Lettre à Ariès, 27 avril 1840, in Œuvres de St Simon et d’Enfantin, Édit Dentu, Paris, 1866,
11ème
volume. 205
Charles Fourier, Théorie de l’unité universelle, Édit Anthropos, Paris, 1966. 206
Pierre-Joseph Proudhon, La Guerre et la Paix, Édit Dentu, Paris, 1861, tome II.
Deuxième Partie Chapitre Deuxième
140
2. Les contextes de la conquête de l’Algérie.
La conquête française, suite inattendue d’une affaire commerciale et financière entre la France et
le Dey Hussein, fut dans un premier temps, juste une expédition militaire organisée par Charles
X. La France se trouvant en situation d’insuffisance alimentaire, et ayant des vues
expansionnistes utilisa le prétexte pour conquérir un pays aux fortes potentialités agricoles.
2.1. Les potentialités de L’Algérie vues par les militaires français du XIXème siècle : les
raisons d’une conquête.
Les problèmes économiques de la France et le manque de main-d’œuvre du aux guerres
successives et à une forte mortalité (due aux épidémies) sont les principales raisons de la
colonisation de l’Algérie et de son peuplement. L’intérêt de la France pour l’Algérie est surtout
du aux :
Potentialités de l’Algérie sous peuplée.
Le début de la décadence des ottomans et leur suprématie sur la mer méditerranée.
Bône, Alger et Oran étaient les seules places que visitassent des vaisseaux étrangers, parce qu’ils
y trouvaient un ancrage sûr dans toutes les saisons ordinaires ; mais ils n’y sont pas en sûreté
contre les vents du nord, qui, en l’hiver, y soufflent avec une violence extraordinaire. Dans la
mer d’Alger se trouvent en abondance tous les poissons de la Méditerranée, et sur la côte
orientale le plus beau corail connu.
Le sol de cette partie de l’Afrique n’a rien perdu de sa fécondité autrefois si renommée. Sa
couleur varie : elle est noire dans certaines parties, rouge dans d’autres ; mais c’est partout la
même fertilité, parce qu’elle est fortement imprégnée de nitre et de sel.
« La culture presque unique du pays, c’est l’orge et le blé. Sur une acre de terre, on sème
ordinairement cinq picotins, et elle produit de huit à douze pour un, malgré le peu de
développement de l’agriculture. Le blé d’Alger est d’une espèce commune, la farine qu’on en
tire ressemble assez à du sable et se pétrit difficilement ; mais le pain en est excellent »207
. Dans
les marchés d’Italie, il obtient généralement la préférence, parce qu’on en fait le meilleur
macaroni et les meilleures pâtes. Le pays abonde en palmiers, et les dattes ou bennâtes du désert
sont excellentes. En général, il produit tous les fruits qui appartiennent aux climats tempérés,
207
M.A.C De Lacharière, Du système de la Colonisation suivie par la France, Édit Imprimerie de Auguste Auffray,
Paris, 1832
Deuxième Partie Chapitre Deuxième
141
mais la Figue est toujours d’une qualité inférieure à celle de France ; la grenade y est fort bonne,
et le raisin, y est fort beau, d’une grosseur démesurée.
On trouve dans cette partie de l’Afrique divers métaux dont la France pourrait tirer un immense
parti : on y rencontre le fer, le plomb, l’étain, le cuivre, l’argent et même l’or.
Les Kabyles ont dans leurs montagnes des mines de fer, en exploitent une grande quantité, qu’ils
travaillent eux-mêmes pour leur usage. Ce sont ces mêmes mines qui serviront à fabriquer de
l’armement (canons et projectiles) plus tard telle la fonderie d’el Alelik prés de Berrahal (Ain
Morkha)208
.
Sur le sol algérien on trouve différentes espèces de terres argileuses employées par les
autochtones à la fabrication de vases que les français jugeaient assez grossiers.
Les montagnes renferment des mines inépuisables et le plus beau sel gemme qu’on puisse
rencontrer. On rencontre en Algérie des sources d’eaux salées minérales et thermales. Le
royaume d’Alger est un pays bien arrosé, abondant en sources d’eau vive et en petits ruisseaux ;
mais il n’a pas de fortes rivières. Le pays algérien est donc d’une grande fertilité, susceptible
d’une grande variété de produits et d’un immense développement agricole. Mais il n’a point de
rivière navigable. Cette absence de moyens de navigation intérieure sera toujours un obstacle à
ce que le pays jouisse pleinement de tous les avantages dont la nature lui a donné le germe ; il se
trouve, en cela, dans la même position à peu près que l’Espagne, à laquelle il est bien supérieur
par la beauté et la fertilité de son sol. Les militaires français se sont toujours intéressés aux voies
navigables considérées comme le prolongement des routes donc faisant partie des voies de
communication.
La province de Constantine se présente comme offrant le plus de potentialités car elle était
considérée comme la plus belle région d’Algérie. La position géostratégique de la ville de
Constantine et celle de ses ports en ont fait un point d’appel et donc centre d’intérêt pour
l’armée. Aussi, les plateaux quasiment dépeuplés offraient-ils des sites à urbaniser. La ville de
Bône quand à elle possédait tous les attraits comme futur centre de peuplement. C’est encore une
fois le voisinage de la Seybouse et des plaines qui sont ses principaux atouts. Elle était
208
Colonel NIOX, La géographie militaire, Algérie et Tunisie, Édit Librairie Militaire de l. Baudoin et Cie, 2
ème
édition, Paris, 1890.
Deuxième Partie Chapitre Deuxième
142
considérée comme le jardin de l’Algérie. L’Edough, ses forêts de chêne liège, ses mines de fer
ont fini par parfaire le tableau de cette ville facile d’accès par la mer et à la porte de la Tunisie209
.
Malgré toutes ces potentialités, nous avons vu que les ottomans n’accordaient aucune importance
au développement du pays dans lequel ils étaient établis depuis plusieurs siècles hormis les cités
dans lesquelles ils vivaient. Cette vacuité se retrouvait partout et pour tout : pas de routes, pas de
ports en dehors des abris naturels (criques et baies), pas de commerce privé ni d’industrie (telle
que connue en Europe ou en Amérique du nord en pleine expansion) sinon un artisanat
(rudimentaire mais de qualité), pas de cartographie ni de cadastre, pas d’hôpitaux tels que connus
en Europe, pas d’écoles à part celles coraniques, les zaouïas et les médersas. C’est ainsi que se
présentait l’Algérie aux yeux des français. Un nouveau monde s’offrait à eux. Alors qu’en
France et malgré la puissance de son armée l’économie est au rouge et le peuple en souffrance.
La prise d’Alger en 1830 détermina la chute de la domination turque, mais n’avait en aucun cas
au début, comme but une conquête. La monarchie de juillet n’avait pas de vue conquérante.
Ainsi en 1834, les français, pour pallier aux souhaits des militaires, décidèrent de garder les
possessions déjà acquises. Le général Clauzel, pour faire triompher sa politique de conquête,
voulut s’emparer de la capitale du Beylik de l’Est Constantine. Son expédition de novembre
1836 échoua complètement.
La France abandonna les deux tiers de l’Algérie à l’émir Abdelkader afin de porter ses efforts sur
le Constantinois dont le Bey Salah refusait toujours de reconnaître la souveraineté française. Le
13 octobre 1837, Constantine fut occupée et le dernier des représentants du régime antérieur,
vaincu.
La résistance algérienne prit la forme d’une guerre sainte et il faut attendre 1916 pour parler de
fin de conquête française. Trois quarts de siècle furent nécessaires aux militaires français pour
s’imposer en Algérie.
La conquête de l’Algérie eut pour corollaire la colonisation du pays. La politique de colonie de
peuplement était le moyen le plus efficace de consolider la conquête. Cette politique ne fut
possible qu’avec l’aide des militaires car les hommes politiques français étaient pour le
protectorat, notamment Napoléon III et Jules Ferry.
209
Arsène Berteuil, 1856, op.cit.
Deuxième Partie Chapitre Deuxième
143
L’armée française, dans un but de colonisation et non de conquête simple, s’est vue obligée de
déléguer géographes, médecins et scientifiques de différentes spécialités afin non seulement
d’évaluer le site et les situations socio-économiques existantes à travers le pays, informations
nécessaires à l’avancée de ses troupes mais d’évaluer les potentialités qu’offraient le pays. Ceux
sont les expéditions scientifiques du XIXème siècle. Nous retrouvons des rapports assez détaillés
de ces spécialistes militaires relevant ou non du service du génie. Leur évaluation demeure assez
subjective car faisant référence à leur propre connaissance et faisant abstraction de ce qu’ils ne
comprenaient pas et ne pouvaient admettre. Ces expéditions eurent également, comme objectif,
le relevé non seulement des voies de communication mais aussi de tous les vestiges romains.
2.2. La colonisation française de l’Algérie, sur les traces de Rome.
La ressemblance entre la colonisation romaine et française ne réside pas seulement dans le fait
que le colonisateur est européen et la colonie est nord africaine mais cela s’est fait sous le même
régime : un empire, dans le même but : colonie de peuplement. Le colonel Niox le dit
explicitement : « Après douze siècles, c’est l’œuvre romaine qu’elle (La France) s’efforce de
reprendre et par des procédés assez semblables »210
.
La romanisation est une urbanisation, dans la mesure où ce qui est en jeu, c’est l’extension d’un
modèle urbain à l’espace universel, la généralisation de la cité à l’espace connu, le monde
circumméditerranéen en particulier.
Les contributions romaines originales interviennent dans les domaines de la santé publique et de
l’hygiène. Les méthodes romaines d’assainissement des rues, d’adduction d’eau et
d’hospitalisation publique ont perduré jusqu’à l’ère moderne.
Ces militaires romains avaient pour première fonction, bien entendu, de faire la guerre. Pourtant,
leur importance dans l'Empire dépasse largement cet aspect, et ils jouaient un grand rôle dans
deux domaines majeurs, tout d'abord la vie matérielle. La présence de l'armée garantissait un
minimum de sécurité, la fameuse « paix romaine », offrait une conjoncture toujours favorable au
développement de l'économie. En outre, les opérations de surveillance menées au-delà du
« limes », souvent improprement appelées de nos jours « explorations », ouvraient de nouvelles
voies aux commerçants romains. Enfin, les routes tracées par les légions, les ponts qu'elles
construisaient étaient également utilisés par les civils.
210
Colonel NIOX, 1890, op.cit.
Deuxième Partie Chapitre Deuxième
144
Les militaires français dans leurs différents rapports y font référence211
. Le système de
colonisation proposé par les militaires est en fait la distribution des terres en vue de l’exploitation
et donc de la sédentarisation de colons à travers le territoire. La colonisation par stratégie de
peuplement, dans ce rapport, y est clairement redéfinie. Il n’est pas inutile de préciser que celle-
ci passe forcément par le renforcement de l’armée sur place (19ème corps d’armée constitué des
Zouaves, des Tirailleurs indigènes et de la Légion étrangère pour l’infanterie, des Chasseurs
d’Afrique et des Spahis pour la cavalerie ainsi que des compagnies et des bataillons
disciplinaires). Les militaires estimaient la population européenne en 1874 à 200 000 âmes. Ce
qui est considéré comme largement insuffisant pour un peuplement puisque ce chiffre
correspond en fait à la taille d’une petite agglomération. Il faut préciser que cette population
européenne en début de colonisation était établie essentiellement sur le littoral et à l’intérieur des
cités. Ce qui ne correspond nullement encore une fois à un peuplement effectif. Alors que
l’empire romain s’étendait à l’intérieur du pays (Théveste, Lambèse, Timgad, etc.)
« L'occupation militaire de l'Afrique romaine, dit L Albertini212
, consistait en somme à faire
imposer la paix romaine par des Berbères romanisés à des Berbères non romanisés. »
En Numidie, sous Micipsa (148-118 av. J.-C.), fils et successeur de Massinissa, fut comme lui
tout dévoué aux Romains ; son royaume, qui s'étendait depuis la province romaine d'Afrique
jusqu'à la Moulouya, se couvrit de cultures ; sa capitale, Cirta, s’embellit ; des Romains, des
Italiens, s'établirent dans les villes du littoral comme artisans ou comme négociants ; ils
habituèrent les autochtones à parler le romain.
Les étrangers attirés dans ses États y développèrent l'agriculture, le commerce et l'industrie ; ses
sujets- autochtones, entraînés par l'exemple, les imitèrent. La Numidie et l'Afrique s'enrichirent
aussi. Ce n’est qu’à la mort de Ptolémée, fils de Juba II (19 ans après JC) que la Mauritanie fut
réduite tout entière en province romaine; il n'y eut plus désormais dans l'Afrique du Nord d'États
indépendants. Il convient de noter que cette prise de possession définitive ne fut accomplie que
188 ans après la chute de Carthage.
Les possessions des Romains en Afrique étaient divisées en plusieurs provinces. La province
d'Afrique était placée sous l'autorité d'un proconsul. La province de Numidie était gouvernée par
un légat qui portait le titre de propréteur et exerçait en même temps le commandement de toutes
211
Buzelin, lieutenant colonel, De la colonisation et des réserves de l’Algérie, Nantes, 1874, p 4. 212
Luigi Albertini : auteur, critique littéraire et journaliste italien, directeur du journal : CORRIERE della Serra de
1912 à 1925.
Deuxième Partie Chapitre Deuxième
145
les forces militaires ; il résidait au quartier général de la légion. La Maurétanie césarienne et la
Maurétanie tingitane étaient administrées par des procurateurs, représentants civils et militaires
de l'empereur. Cette organisation dura depuis l'année 42 jusque vers 290 après Jésus Christ. Nous
assistons donc à une gérance militaro civil, donc la même configuration de gestion des affaires
algériennes durant les premières décennies de colonisation française.
Les frontières méridionales des Romains ne demeurèrent pas immuables ; elles furent reportées
vers le Sud au fur et à mesure que la romanisation du pays progressait. Mais elles ne furent
jamais aussi reculées que celles de l'Algérie française. A l'Est, elles atteignirent bien le Sahara au
Sud des grands chotts tunisiens et de l'Aurès ; mais à l'Ouest, elles laissaient en dehors les
grandes steppes des provinces d'Alger et d'Oran. Des postes, des forts, des camps permanents,
appelés castella ou burgi, étaient échelonnés sur ces frontières.
La population romaine résidait en général dans les villes, qui avaient une autonomie plus ou
moins grande ; il y avait, entre elles, toute une hiérarchie de groupements dont les degrés étaient
multipliés à l'infini. Les administrations communales avaient des attributions très étendues. Les
Africains notables, appelés de père en fils à ces fonctions municipales, y prirent l'habitude de
l'administration et furent des agents actifs de romanisation.
Les inscriptions nous apprennent que bon nombre de tribus n'étaient pas administrées
directement par des fonctionnaires romains, mais par des chefs indigènes, qu'on appelait
principes, principes gentium.
Si les cités avaient des droits très inégaux, les conditions faites aux personnes n'étaient pas moins
diverses. La grande division était celle des Romains et des autochtones ; parmi ces derniers, il y
avait des hommes libres, des serfs attachés à la glèbe et enfin une multitude d'esclaves.
La colonisation romaine s'est effectuée par un triple procédé : introduction de colons, unions
entre Romains et autochtones, transformation de ces derniers en Romains.
Même après la réduction complète en provinces, l'apport ethnique des Romains fut extrêmement
faible. Il y avait eu déjà les bandes italiennes de Sittius à Cirta, puis les colonies fondées par
Auguste pour établir ses vétérans : sur la côte Igilgili (Djidjelli), Saldae (Bougie ou Bédjaïa),
Rusazu (Azeffoun), Rusguniae (Matifou), Gunugu (Gouraya), Carteinnae (Ténés), et, à
l'intérieur, Aquae (Hammam Righa), Zucchabar (Miliana), Tubusuctu (Tiklat, au sud-ouest de
Bougie). Dans la plupart des cas, comme les noms mêmes l'indiquent, il s'agit d'établissements
effectués dans des centres autochtones déjà existants. Il en fut de même par la suite. On connaît
Deuxième Partie Chapitre Deuxième
146
Oppidum Novum (Duperie), sur le Chélif, Madauros (au sud de Souk-Ahras), Sitifis (Sétif),
Cuicul (Djemila).
Il est probable que, presque partout, c'est le dernier procédé, qui peut être appelé : assimilation,
qui l’emporta et permit à l’empire romain de rester aussi longtemps dans la province d’Africa
Nova. Nous retrouvons là pratiquement toute la politique française à l’égard des algériens et de
l’Algérie bien que cette dernière étape n’eut pas lieu213
.
Cette assimilation fut à la fois populaire par l’utilisation du divertissement comme procédé et
savante par la construction d’écoles pour l’apprentissage du latin et des arcanes du droit.
L’enseignement public fit en effet son apparition au niveau universitaire à la fin du Ier siècle à
Rome Septime qui est l’exemple type de cette assimilation214
. Les villes de l’empire se
caractérisent donc par une monumentalité remarquable structurant l’espace public dans toutes ses
fonctions : politiques, religieuses, de divertissement et d’hygiène. C’est un cadre diversifié et
standardisé215
.
L'administration romaine en Afrique du Nord se caractérise par le petit nombre des
fonctionnaires. La base de la vie publique était la Cité ; suivant sa politique ordinaire, Rome
reconnaissait plusieurs espèces de cités jouissant de droits particuliers et plus ou moins étendus,
élisant annuellement leurs magistrats assistés d'un conseil de décurions. La collation des diverses
dignités entraînait l'obligation de verser une somme importante au trésor, et les fonctions étaient
exercées gratuitement.
Au-dessus des cadres locaux, l'administration romaine était représentée d'abord par le
gouverneur de la province et sa maison (familia) : son domaine comprend, outre la vérification
de la comptabilité, la justice criminelle, et la justice civile pour les affaires importantes. Il existe
des préfets militaires, chargés des rapports avec les tribus, ou pour mieux dire de leur
surveillance ; des agents du cadastre, des agents du recrutement. Le personnel de l'administration
financière et fiscale est réduit au minimum, les impôts étant affermés.
À l’exemple des romains les français installèrent une garnison à Constantine et érigèrent la ville
de garnison : Batna proche de Lambèse et de Timgad.
213
Noureddine Harrazi, « Afrique Romaine », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004. 214
Septime le Sévère, imperator du IIIème siècle, est d’origine africaine puisque né à Leptis Magna (Lybie) et est à
l’origine d’une des plus importante dynasties de l’empire.
Yann Le Bohec, « Septime Sévère, Lat Lucius septimus Severus (146-211) Empereur Romain (193-211), in
Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004. 215
Anne RAULIN, Anthropologie urbaine, Édit Armand Colin/VUEF, Paris 2001.
Deuxième Partie Chapitre Deuxième
147
Païenne ou chrétienne, grâce aux bienfaits de la paix romaine, l'Algérie connut une prospérité
qu'elle ne retrouva pas avant de longs siècles. Quand on songe à ce qu'était l'Algérie turque, on a
peine à croire que l'Afrique du Nord ait pu fournir à Rome la moitié ou les deux tiers de son blé,
et même la totalité après la fondation de Constantinople (sous la dominance byzantine). C’est
cette Algérie grenier de Rome fournissant huile et vin, que les français ont voulu reconstituer,
grâce au peuplement rural.
La différence est si frappante qu'on s'est demandé s'il n'y avait pas eu changement de climat. On
peut affirmer qu'il n'en est rien, et que la prospérité romaine était due simplement à ce que nous
appelons aujourd'hui une politique de l'eau singulièrement efficace.
En même temps que la culture du blé, s'étaient développées celles de la vigne, de l'olivier, de
l'amandier, du figuier, encouragées par des exemptions d'impôts et dans certains cas par la
concession d'un droit de propriété héréditaire. L'élevage était aussi très florissant, celui du
mouton, du bœuf, et surtout celui du cheval. La petite histoire enregistre des victoires de chevaux
algériens sur les hippodromes de Rome ; ce qui apporte une confirmation à la théorie suivant
laquelle les étalons barbes, loin d'être des descendants du cheval arabe, ont au contraire contribué
à lui donner sa valeur.
Bref, l'Algérie romaine se présentait comme une contrée riche, peuplée, civilisée. Son plus beau
moment se place dans les dernières décades du deuxième siècle et dans la première moitié du
troisième et c’est cette Algérie que les militaires français voulaient recréer et exploiter.
Les différentes parties de l'Algérie étaient reliées entre elles par des routes telles qu'en avait
construit Rome dans toutes les autres parties de son Empire. Pour protéger la région des raids des
tribus nomades, un réseau de voies militaires est construit, reliant entre elles les villes de
garnison, de 5 000 à 10 000 habitants, dotées de tous les attributs des villes romaines216
. Nées de
la conception stratégique qui cherche la sécurité dans le mouvement, ces voies de
communication servaient également au commerce. On en comptait trois principales allant de
l'Est à l'Ouest et complétées par des rameaux détachés et des rocades parallèles. Ce réseau
suffisait parfaitement aux besoins de l'époque.
Ce sont ces routes que les français, au début de la colonisation, utilisèrent pour tracer leur propre
réseau. Sachant que leur domination ne pouvait se faire sans la pacification de la campagne
algérienne, une des premières missions des éclaireurs et des observateurs fut de retrouver le tracé
216
« L’Algérie sous les romains », in Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.
Deuxième Partie Chapitre Deuxième
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des routes et des guérites de surveillance romaines afin de sécuriser le transport de l’armement et
des marchandises. L’armée impériale romaine étant le modèle de l’armée impériale française,
c’est sur les bases de son modèle que cette dernière s’insurgeât en Algérie.
Vers 290, Dioclétien partagea l'empire en préfectures et en diocèses. La Maurétanie tingitane fut
rattachée au diocèse d’Espagne ; le reste de l'Afrique du Nord forma un diocèse rattaché à la
préfecture d'Italie et divisé en six provinces, dont trois correspondent à l'Algérie actuelle : la
Numidie, chef-lieu Cirta ; la Maurétanie Sitifiène, chef-lieu Sitifis (Sétif) ; la Maurétanie
césarienne, chef-lieu Caesarea (Cherchell). En même temps que s'accomplissait ce remaniement
territorial, on séparait complètement l'autorité civile et le commandement militaire ; dans chaque
province, il y avait un praeses, gouverneur civil, et des duces, chefs militaires, sans liaison ni
subordination des uns aux autres217
. Cette idée de la séparation des pouvoirs (pouvoir civil-
pouvoir militaire), que les français ont reprise lors de la constitution de leur république, est
encore une fois d’origine romaine.
L’influence romaine fut donc importante, car les objectifs étaient semblables. Entre réseau de
voies de communication, des choix des sites d’implantation des viles
2.3. La France en Algérie entre 1830 et 1860.
Il va se passer 10 ans avant que l'État français, , satisfait d'obtenir quelques ports et une bande
côtière, ne se résolve à conquérir le pays. Le manque de continuité des opérations militaires et
l'absence de politique définie par les autorités, font qu'Abdelkader, figure emblématique de cette
époque, va pouvoir résister et temporiser face à l'armée française, pour organiser et conduire la
résistance. Mais peu à peu la force militaire et l'adaptation de Bugeaud à ce type de guerre, va
amener une prise en charge complète du pays. Le territoire intérieur est ravagé et enfin conquis,
mais pas soumis. La colonisation du pays est appliquée presque continûment depuis 1830, par
divers moyens unitaires ou collectifs.
Des dépenses considérables sont consenties par la France pour le structurer et l'organiser,
notamment médicalement. Il y a de grandes souffrances chez les colons, chez les indigènes, chez
les militaires. Tous payent au passage, un tribut énorme aux épidémies successives de choléra et
de paludisme. D'emblée s'établit le quiproquo, puis l'antagonisme. Pour certains français
d'Algérie "l'assimilation" est comprise comme la prolongation des lois et mœurs françaises dans
217
« L’Algérie sous les romains », in Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.
Deuxième Partie Chapitre Deuxième
149
le pays. Pour eux l'Algérie c'est la France, et il ne s'agit pour la population indigène maure et
juive, que de se plier aux us et coutumes de la Métropole. Pour les autres, dont les officiers
français des Bureaux Arabes, il s'agit surtout d'intégrer les indigènes, et de les assimiler dans une
nouvelle société en devenir, en fondant les cultures entre elles218
.
La politique algérienne de Napoléon III est, en la matière, quelque peu plus exemplaire. Contre
l'opinion de ceux-là mêmes qui l'ont plébiscité en 1852, il a vraiment souhaité imbriquer les deux
communautés française et musulmane. Il offre beaucoup et entre autres, la nationalité française
pleine et entière mais sa tentative reste sans résultat. Pendant ce temps, l'infrastructure lourde du
pays, financée de bout en bout par la France, avance à grands pas. Le choix des options
économiques de développement se révèle être une réussite. Le pays découvre les vertus de la
trilogie des cultures méditerranéennes : l'olivier, le blé et le vin. L'implantation des moyens de
communication demande des études puis des budgets colossaux. Tout est décidé et réalisé avec
une méthode militaire. A partir de ce moment date une expansion économique méritée, mais
porteuse de problèmes qui rejailliront un siècle après. En effet, la faille entre les 2 communautés
française et musulmane ne cesse de croître au fur et à mesure que la prospérité s'enracine dans la
terre d'Algérie. En fin de la période, les juifs vont profiter du décret Crémieux de 1870, une
mesure collective à l'initiative de Napoléon III et qui les fait tous français.
L’Algérie n’était pas l’unique problème de la France à l’extérieur. Les pays européens sont tous
en effervescence durant cette période de bouleversements économique et politique. Cela ne se
fait pas sans incidences sur la politique de la France par rapport à ses colonies.
La Monarchie de Juillet limite pendant près de dix ans, l'occupation de l'Algérie à une frange
côtière, en traitant avec les chefs musulmans de l'intérieur : convention de la Tafna de Bugeaud
avec Abdelkader en 1837. La nomination de Bugeaud au poste de gouverneur général en 1840,
provoque la conquête totale menée par des colonnes légères. Pour lutter contre le soulèvement
dirigé par Abdelkader, Bugeaud intervient contre le Maroc qui appuie l'Émir. Il remporte la
victoire de l'Isly en août 1844.
Le duc d'Aumale qui lui succède obtient la reddition d'Abdelkader en décembre 1847. Il reste
encore à soumettre la Kabylie. Le nombre des colons est déjà de 109 000219
.
218
Paul Gaffarel, 1888, op.cit. 219
Arsène Berteuil, 1856, op.cit.
Deuxième Partie Chapitre Deuxième
150
Dans toute l’histoire de la colonisation, l’Algérie est un cas unique. Aucune autre conquête n’a
nécessité l’envoi d’une aussi nombreuse armée, ni des opérations aussi longues. Elle est
importante aussi par l’importance de l’immigration européenne. C’est avec l’Afrique du sud le
seul cas de colonie par peuplement. Lorsque commença cette grande colonisation africaine, la
prépondérance de la France sur les autres puissances du bassin méditerranéen était si bien établie
qu’elle ne pensait pas trouver chez ses voisins des rivaux et encore moins des ennemis. On
pensait que le Maroc était pour les espagnoles, l’Algérie pour la France et la Tunisie pour
l’Italie. Mais ces pays étaient trop préoccupés par leur politique interne tel l’Italie et l’Espagne
trop faibles pour une conquête effective et plus complète malgré les quelques places prises sur
les côtes marocaines.
Il est intéressant de voir succinctement la politique dans le monde à l’époque de la conquête. La
rivalité avec la Grande Bretagne, qui a supplanté la concurrence avec l'Espagne, mène à la perte
des possessions nord-américaines (régions de la baie d’Hudson ,Acadie, puis l'intégralité du
Canada français) et l'esprit de revanche est l'un des motifs qui poussent la France à apporter son
aide aux colons américains en révolte contre Londres lors de la guerre d’indépendance des
futurs États-Unis d’Amérique. Après une période de troubles révolutionnaires, les guerres
napoléoniennes apportent à la France un rayonnement qui reste inégalé. Au XIXème siècle, la
France, comme les grands empires, se concentre sur la pérennisation de ses colonies.
Les décisions colonisatrices, à partir de l’instauration du régime civil, furent partagées entre
militaires et civils. Il faut attendre le début du XXème siècle pour voir la colonisation libre c'est -
à-dire sans interventions ni assistance de l’état. Ceci fut possible grâce à une légalisation qui
permit l’émiettement des propriétés indivises et leur acquisition par les colons.
3. Les instruments juridiques de la colonisation.
Les instruments juridiques sont les lois, les règlements et les édits du Sénatus consulte qui ont
touché au statut des citoyens autochtones mais aussi le statut des terres durant la période de la
conquête. L’avènement de la République apportera, comme en métropole, des changements au
niveau de la législation appliquée en Algérie. Toutefois la colonisation par peuplement demeure
comme objectif, la nouvelle législation suivit la même logique d’expropriation des autochtones
afin de donner une base légale à l’établissement, en Algérie, des nouvelles populations
européennes.
Deuxième Partie Chapitre Deuxième
151
3.1. Le Sénatus Consulte220
.
Les travaux relatifs au Sénatus Consulte, sont suivis directement par le maréchal ministre de la
guerre. Les commissions du conseil du gouvernement sont présidées par le colonel d’état major
chef du bureau politique (1867 - 1870). Les commissions du SC sont constituées de :
Président : Empereur
Membres :
Gouverneur général.
Auxiliaires nommés dans les administrations locales.
Délégués indigènes.
Les principaux Sénatus Consulte concernant la gestion de l’Algérie se résument dans ce qui suit :
S C du 16/06/1851 article 4 : détermine la nature des terres arabes
Beylik : celles dont se compose le domaine de l’état.
Melk : lorsque les particulier ou les groupes de population qui la détiennent ont le
droit de jouir ou d’en disposer à leur gré.
Arch (sébaga) : terres possédées collectivement par une tribu ou une fraction de
tribu. Elle ne s’aliéner et fait en cas de mort ou de disparition des détenteurs,
retour à la communauté.
SC du17/07/1851 : Refus d’indemnisation des ouvriers (civils ou militaires) blessés ou
morts sur chantier en dehors des soins en hôpital (militaire ou civil) arrêté du ministre des
travaux publics du 17/10/1848 signé par le ministre de la guerre en date du17/07/1851
SC du 01/10/1851 : Introduction en Algérie du Conseil Hygiénique sur les directives du
ministre de la guerre
SC du 17/11/1851 : Refus de cette introduction, justifié par la difficulté d’application
signé de Daru – A Roux général chef de services de l’Algérie et E Daumouz
SC du 2 /06/ 1858 créa un ministère de l'Algérie et des Colonies, formé de la direction
des affaires de l'Algérie, détachée du ministère de la Guerre et de la direction des
Colonies, enlevée au ministère de la Marine.
220
Sénatus consulte : décision du sénat conservateur du premier ou du second empire. Dans le Dictionnaire de
français « Littré » online.
Archives d’Outre-mer, AOM, Aix en Provence, Carton : Sénatus Consulte de 184O à 1869
Deuxième Partie Chapitre Deuxième
152
SC du 22/04/1863 qui réglemente la constitution de la propriété en Algérie dans les
territoires occupés par les arabes c’est par ce décret qu’est constitué le cantonnement. Il
vise notamment :
règlements d’administration publique
interdiction de vente-échanges entre terres Melk- Beylik- Biens
communaux- collectif de cultivateurs- Archs ;
interdiction de vente à des particuliers (signé par le Maréchal N Randon)
Pourtant bien avant sa signature et dans la lettre de Napoléon au maréchal Duc de Malakoff
datée du 06/02/1863, celui-ci :
reproche le cantonnement des indigènes dans le projet présenté par les
militaires ;
reprise des droits despotiques du Grand Turc ;
autorisation accordée aux indigènes pour l’élevage des chevaux, bétails et
culture naturelle du sol ;
le gouvernement local est dans l’obligation de prendre soins des intérêts
généraux des indigènes, se doit de développer leur bien-être moral par
l’éducation et leur bien être physique par les travaux publics.
Le Sénatus Consulte de Juillet 1865, relatif à l’état des personnes et à la naturalisation en
Algérie, définit les conditions d’obtention et de jouissance de la nationalité française pour les
autochtones et les étrangers221
. L’article 5 en l’occurrence précise:
1° Les conditions d'admission, de service et d'avancement des indigènes musulmans
et des indigènes israélites dans les armées de mer et de terre
221
Art. 1er. L'indigène musulman est français ; néanmoins il continue à être régi par la loi musulmane. Il peut être
admis à servir dans les armées de terre et de mer. Il peut être appelé à des fonctions et emplois civils en Algérie. Il
peut, sur sa demande, être admis à jouir des droits de citoyen français ; dans ce cas il est régi par les lois civiles et
politiques de la France.
Art 2ème. L'indigène israélite est français ; néanmoins il continue à être régi par son statut personnel. Il peut être
admis à servir dans les armées de terre et de mer. Il peut être appelé à des fonctions et emplois civils en Algérie. Il
peut, sur sa demande, être admis à jouir des droits de citoyen français ; dans ce cas il est régi par les lois civiles et
politiques de la France.
Art 3ème. L'étranger qui justifie de trois années de résidence en Algérie peut être admis à jouir de tous les droits de
citoyen français.
Art 4ème. La qualité de citoyen français ne peut être obtenue, conformément aux articles : 1, 2 et 3 du présent
sénatus-consulte, qu'à l'âge de vingt et un ans accomplis ; elle est conférée par décret impérial rendu en Conseil
d'État.
Deuxième Partie Chapitre Deuxième
153
2° Les fonctions et emplois civils auxquels les indigènes musulmans et les indigènes
israélites peuvent être nommés en Algérie ;
3° Les formes dans lesquelles seront instruites les demandes prévues par les articles :
1, 2 et 3 du présent sénatus-consulte.
La commission du S C de 1868 :
recense les terres algériennes : Beylik : 263 901 ha dont 60 395 ha
attribués à 25 722 indigènes soit 2, 35 ha/tête ; restant plus de 80 000 ha
à la disposition de la société générale algérienne. (réserves foncières) ;
Les tribus ne peuvent se défendre devant les tribunaux ou ester en
justice : le gouverneur général est leur seul mandataire.
La construction des prisons militaires et civiles est soumise aux Travaux
Publics et au Maréchal de camp Commandant Supérieur du Génie.
La construction des édifices diocésains est soumise à l’architecte attaché
aux services des édifices diocésains
Les appels d’offres en France métropolitaines ne peuvent être appliquées
en Algérie qu’aux communes régulièrement instituées avec approbation
du ministre de la marine et des colonies représenté par le conseiller de
l’état général de division, directeur des Affaires de l’Algérie222
.
L’application de la loi sur les habitations insalubres ne peut servir de
règle en Algérie.
Ces lois et édits constituent les bases pour la réalisation des projets coloniaux en Algérie. Ils
permettront notamment les expropriations. Le foncier était un obstacle à surmonter dans un tissu
dense où les réserves sont pratiquement inexistantes à l’intérieur des enceintes des cités.
l’Avènement de la IIIème république y mit fin.
3.2. 1870 : L’avènement de la République : un nouveau cadre juridique.
La guerre de 1870 et les bouleversements administratifs qui suivirent, stoppèrent l'application du
Sénatus Consulte, considéré comme un legs de l'Empire déchu (circulaire du 19 décembre
222
Gabriel Hanotaux & Alfred Martineau, op.cit.
Deuxième Partie Chapitre Deuxième
154
1870)223
. A cette date 372 tribus avaient été "Sénatus Consultées" (selon le néologisme alors en
usage) c’est à dire dont l’histoire avait été rédigée, et donc les biens recensés.
L’Algérie est gérée par le ministre de la guerre durant la République. On verra l’établissement
d’une nouvelle législation concernant les travaux à exécuter. Elle concernera essentiellement la
reprise de la libéralisation de la passation des marchés relatifs à des fournitures nécessaires aux
travaux civils exécutés en Algérie par dépêche du 19/09 /1847.
Si le Sénatus Consulte de 1865 relatif au statut des personnes fut rédigé par Mr Crémieux, dont il
porte d’ailleurs le nom ; Mr Crémieux ne s’arrêta pas à celui-ci puisqu’en octobre 1870 il en
rédigea plusieurs. Le programme de Crémieux était fort simple, du moins en apparence et tenait
en peu de mots : « Détruire le détestable régime militaire, fléau de notre riche colonie et y
substituer le gouvernement civil, assimiler en un mot complètement l'Algérie à la France »224
tel
était le but qu'il se proposait. Pendant les cinq mois qu'il fut au pouvoir, il ne prit pas moins de
cinquante-huit décrets concernant toutes les branches de l'administration algérienne ; quelques-
uns de ces décrets ne furent d'ailleurs jamais appliqués, d'autres furent rapidement abrogés225
.
Le décret du 24 octobre 1870 bouleversa tout ce qui touchait au gouvernement de l'Algérie. Le
gouverneur, le sous-gouverneur, le secrétaire général, le conseil supérieur, le conseil de
223
Dés l’instauration de la république, le Sénat a été chargé d'élaborer la constitution de l'Algérie ; les sénatus-
consultes de 1863 et de 1865 avaient déjà commencé cette élaboration, le moment semblait venu de poursuivre cette
oeuvre et de donner des garanties nouvelles aux populations européennes. La Commission, présidée par le maréchal
Randon, comprenait MM. Barot, Armand Béhic, le général Allard, Paulin Talabot, le général Desvaux, Gresley,
Tassin ; elle choisit comme rapporteur M. Armand Béhic ; ses conclusions sont un des documents les plus
importants de l'histoire de l'Algérie. C'est un projet complet de constitution algérienne. Sans s'engager dans les
controverses sur les divers systèmes d'administration essayés dans la colonie, la Commission, prenant une position
intermédiaire entre ceux qui affirmaient que tout était mal et ceux qui pensaient que tout y était pour le mieux,
reconnaissait que de profondes modifications étaient nécessaires. Le projet consacrait la division de l'Algérie en
deux parties, le territoire civil et le territoire militaire ; mais le territoire civil était étendu et formait un tout complet,
une zone comprenant 800 000 habitants au lieu de 478 000 ; son périmètre n'était pas immuable et devait être révisé
tous les cinq ans. En ce qui concernait le gouvernement de l'Algérie, la Commission estimait qu'il n'était pas
possible d'appliquer à ce pays les formules qui répondaient à un état de civilisation plus avancé. Quelques services
d'intérêt général, la justice française, l'enseignement supérieur et secondaire, les grands travaux publics, les finances,
la marine, l'armée seraient rattachés aux ministères correspondants. Tout le reste serait du domaine du gouvernement
local. Le gouvernement de l'Algérie devait être autonome, exercé par un haut fonctionnaire ayant rang de ministre ;
c'était la conception du ministère de l'Algérie, mais avec deux différences capitales : le siège de l'administration était
à Alger et non à Paris, et les colonies n'étaient pas jointes à ce ministère. L'Algérie comprendrait des départements
civils administrés par des fonctionnaires civils et des départements indigènes placés sous l'autorité militaire et
soumis à un régime spécial. Les préfets n'étaient plus subordonnés aux généraux. Les conseils généraux et les
conseils municipaux des communes de plein exercice des départements étaient élus 224
Cité dans, Buzelin, lieutenant colonel, De la colonisation et des réserves de l’Algérie, édit inconnue, Nantes,
1874, 225
Henri Garrot, Les juifs d’Algérie, édit librairie Louis Relin, Alger, 1898.
Deuxième Partie Chapitre Deuxième
155
gouvernement furent supprimés : « L'Algérie, disait le décret, renferme 3 départements, ce qui
établit 92 départements dans la République française»226
.
Outre les édits et lois du Sénatus Consulte la gestion des affaires algériennes est aussi importante
dans la gestion du foncier. L’administration mise en place ainsi que la justice permettront de
gérer les litiges en rapport avec le foncier et donc de faciliter l’avancement des projets.
4. Les outils administratifs.
Pour pouvoir mener à bien sa politique de colonisation puis de peuplement la France se devait de
mettre en place toute une organisation administrative chargée de gérer ses affaires en Algérie.
C’est ce que les historiens appellent « la politique indigène ». Celle-ci, jusqu’en 1847, est un
motif à discussions académiques passionnées. Mais la politique arabe est finalement
empiriquement décidée sur place. La révolution de 1848 apporta des modifications considérables
à l'organisation de l'Algérie et à la politique algérienne. Le pays fut dotée du suffrage universel
en même temps que la France ; elle élit quatre représentants à la Constituante, trois à la
Législative ; les plus notables de ces élus furent MM. de Rancé, Émile Barrault, Henri Didier. La
Constitution de 1848 déclara l'Algérie territoire français ; elle ajoutait, il est vrai, qu'elle serait
régie par des lois particulières, mais des arrêtés du chef du pouvoir exécutif détachèrent du
ministère de la Guerre les cultes, l'instruction publique, la justice, les douanes, pour les rattacher
aux ministères compétents227
. La direction de l'Algérie au ministère de la Guerre fut plusieurs
fois réorganisée ; de mars 1848 à avril 1850, elle changea cinq fois de titulaire ; on vit s'y
succéder le général Randon, 1e général Charon, M. Germain, M. Blondel, enfin le général
Daumas (voir annexe 2).
4.1. Le découpage militaire et administratif de l’Algérie.
Les trois provinces sont partagées en subdivisions militaires sur le modèle des Khalifa
d’Abdelkader et en cercles comprenant un ou deux aghaliks. L’unité de base reste la tribu, elle-
même composée d’un ou plusieurs douars.
Comme intermédiaire, entre le commandant français et le chef arabe, des bureaux des affaires
arabes sont constitués avant l’arrêté du 1er février 1844. Les officiers et les interprètes qui les
226
Gabriel Hanotaux & Alfred Martineau,op.cit. 227
Les constitutions de la France depuis 1789, édité par J. Godechot, Édit Garnier Flammarion, Paris, 1970.
Deuxième Partie Chapitre Deuxième
156
composent, parlent l’arabe et doivent se familiariser avec la société musulmane. Ils sont tentés
par l’administration directe mais Bugeaud et Daumas la leur refusent228
.
Les Bureaux se répartissent en Bureaux de Cercle (deuxième classe) et Bureaux de Subdivision
(première classe). Il existe également des Bureaux Divisionnaires au niveau des provinces ainsi
qu’une Direction Centrale. A tous les échelons cette organisation est subordonnée à l’autorité
militaire. On comptera 40 Bureaux en 1850, une cinquantaine en 1870, avec 150 à 200 officiers.
Les Bureaux disposent d’un secrétaire arabe (khoja), souvent d’un médecin. La sécurité est
assurée par un peloton à cheval (spahis).
Les missions des Bureaux Arabes évolueront au fil du temps : il s’agit au départ de faciliter la
pénétration grâce au renseignement, par le contact avec la population et la compréhension de ses
ressorts politiques. Il s’agit ensuite d’administrer le pays. Les officiers des Bureaux Arabes se
feront juges de paix, percepteurs des impôts. La question des terres est souvent à l'origine des
querelles. Vivant comme des petits émirs, ils s’attirent la jalousie des autres officiers et la haine
tenace des colons en défendant les tribus contre la rapacité et l’injustice. La direction des
bureaux arabes est dénoncée à la Chambre comme manifestant un parti pris en faveur des arabes.
Il faut ajouter que les officiers des bureaux arabes, préposés à la tutelle des autochtones, avaient
à les défendre, eux et leurs terres, contre bien des convoitises. C'était une des causes profondes
du conflit entre eux et les colons. Une série de brochures, reflétant les idées courantes et jusqu'à
un certain point la pensée même de l'Empereur, présentaient les colons comme des spéculateurs,
des agioteurs qui demandaient le cantonnement des tribus pour spéculer sur les biens ruraux.
L'aristocratie indigène, menacée dans ses privilèges, faisait cause commune avec les adversaires
de la colonisation.
A partir de 1845, la politique de "cantonnement" des terres, au nom de la productivité, conduit à
réduire les espaces où nomadisent les indigènes que l'on tente de sédentariser : les terres libérées,
souvent les meilleures, sont acquises par les Européens sous le contrôle d'un Conseil du
Contentieux puis d'une Commission des Transactions qui leur est particulièrement favorable.
Cette opposition naissante entre les Bureaux Arabes et les colons va grandir avec le second
Empire. En effet, si la deuxième République marque en 1848 un pas vers l'intégration, la
228
Gabriel Hanotaux & Alfred Martineau, op.cit.
Deuxième Partie Chapitre Deuxième
157
Constitution du 4 Novembre 1848229
déclare « l’Algérie partie intégrante de la France ». Les
trois départements d'Alger, Constantine et Oran sont créés.
A partir de 1860 le second Empire amorce une politique tout à fait différente. Dans la pratique,
une série de décisions tend à bloquer la politique de "cantonnement". Napoléon III dessaisit
l'administration civile de son rôle dans la délimitation des terres au profit de commissions
provinciales placées sous l'autorité des Bureaux Arabes. En 1865, Napoléon III va jusqu'à écrire :
"Il faut cantonner les Européens et non les indigènes".
A partir de 1870 les Bureaux Arabes sont progressivement démantelés. L’administration des
terres revient à l’autorité civile et la politique du "cantonnement" repart de plus belle.
L’expérience des bureaux arabes n’est cependant pas oubliée. Ils réapparaîtront dans le
protectorat Français du Maroc, sous le nom d’Affaires Indigènes. .
On exagérait lorsqu'on prétendait que les colons en territoire militaire vivaient sous le régime de
l’arbitraire ; les lois civiles étaient les mêmes dans les deux zones. D'ailleurs, en 1858, sur
189000 Européens, 170 000 étaient placés sous l'autorité civile ; la zone militaire ne comptait
donc que moins de 6 pour 100 d'entre eux ; il est vrai que les Européens n'avaient accès au
territoire militaire que dans un but d'utilité publique et en vertu d'autorisations spéciales et
personnelles. Mécontents, aigris, les colons rendaient l'autorité militaire responsable de toutes
leurs déceptions et de tous leurs échecs230
.
La population civile réclamait un gouvernement civil, l'assimilation politique, l'assimilation
douanière, le cantonnement des Arabes, la constitution de la propriété privée dans les tribus, la
vente des terres, la suppression de la réglementation des concessions, l'assimilation des indigènes
et la suppression du régime administratif spécial auquel ils étaient soumis.
En parallèle à la politique des bureaux arabes, est pratiquée la politique de l’assimilation. En
territoire civil, les administrations et les juges se comportent comme en France métropolitaine.
Une justice calquée sur le modèle français est instaurée en 1841-1842. Elle n’applique que le
droit français. La première conséquence est la suppression de la juridiction répressive des Caïds.
229
www.presidencedelarepublique.fr/...constitutionnels.../la_constitution_du_4_novembre_1848.22383.html. 230
Arsène Berteuil, 1856, op.cit.
Deuxième Partie Chapitre Deuxième
158
Cette assimilation détruit les institutions musulmanes. Elle va devenir le Laborum de la
colonisation231
.
4.2. Le cantonnement.
La question foncière se posant à chaque fois que l’on voulait poursuivre ou développer la
colonisation, le cantonnement apparut au départ comme la solution recherchée. Mais ce système
ne pouvait perdurer car pratiqué sur simples instructions administratives. C’est le maréchal
Pélissier qui dés 1862-1863 initia avec le Conseil Supérieur du Gouvernement un projet destiné à
donner une forme légale à ce système. Mais l’opinion publique s’y opposa et à leur tête Saint
Simonien.
Il faut attendre 1870 avec l’instauration du pouvoir civil pour trouver un système global de
gestion du foncier. L’Algérie fut découpée en trois territoires : civil, militaire et mixte. Donc à
chacune des deux parties son propre territoire et un territoire à gestion commune.
Cette séparation ne donna pas aux civils toute la latitude qu’ils espéraient puisque la question
sécuritaire était toujours posée au niveau des projets.
La même année les décrets Crémieux furent lancés. Ce fut une cause déterminante de
l’insurrection de 1871 à Constantine, l’un des décrets provoquant la colère et des discussions
chez les militaires.
C’est avec la loi du Sénatus Consulte de 1863 qu’on géra le foncier et ce jusqu’en 1873 où un
autre projet de loi « warrines » fut l’objet d’études pour la gestion des territoires civils indigènes
mais celle-ci ne fit pas l’unanimité et n’atteignit pas son but. Bien qu’amendée en 1887, elle fut
suspendue par mesure sécuritaire. Il faut dire qu’elle était surtout destinée à la gestion du foncier
agraire232
.
Le cantonnement ne faisait pas l’unanimité même chez les militaires. Ainsi dans sa lettre à
Napoléon III du 6 février 1863, le maréchal Pélissier jugeait de son inutilité : « Établissons les
faits : on compte en Algérie 3 millions d’Arabes et 200.000 Européens, dont 120.000 Français.
Sur une superficie d’environ 14 millions d’hectares dont se compose le Tell, 2 millions sont
cultivés par les indigènes. Le domaine exploitable de l’État est de 2 millions 600 mille hectares,
dont 890.000 propres à la culture […]. Enfin 420.000 hectares ont été livrés à la colonisation
231
Charles Robert Agéron, l’Algérie contemporaine, Centre des Archives Outre-mer, AOM 40208, in site web :
WWW.etudescoloniales.canalblog.com/.../10512087.html 232
E Pellisier, Annales Algériennes, Tome 1, Édit Auselin et Gaultier-Laguionie, Paris, 1836.
Deuxième Partie Chapitre Deuxième
159
européenne […] sur [lesquels] une grande partie a été revendue ou louée aux Arabes par les
concessionnaires, et le reste est loin d’être entièrement mis en rapport. En présence de ces
résultats, on ne peut admettre qu’il y ait utilité à cantonner les indigènes, c’est-à-dire prendre
une certaine portion de leurs terres pour accroître la part de la colonisation. Aussi est-ce d’un
consentement unanime que le projet de cantonnement soumis au Conseil d’État a été retiré. »233
Cependant c’est ce cantonnement qui a généré les idées les plus folles comme les murailles qui
devaient entourer la Mitidja afin de faciliter et de sécuriser les travaux agricoles et les
aménagements hydrauliques de la plaine à l’usage des colons.
4.3. Le Régime Foncier.
En Algérie, contrairement à ce qu'on imagine, la grande difficulté a toujours été, non pas de se
procurer des colons, mais de se procurer des terres pour doter ces colons. Bien qu'il y ait dans le
pays de grandes étendues de terres cultivables et non cultivées, il n'y a jamais eu, en raison des
obstacles auxquels on se heurte pour l'acquisition des terres indigènes, de marché des terres
comme au Canada, aux États-Unis, en Australie, en Argentine. Pour accroître les surfaces
disponibles, l'ancien domaine du beylik ne suffisant pas, on confisqua les terres des tribus
révoltées du Sahel et de la Mitidja ; par un arrêté ministériel du 24 mars 1843, qui n'était
d'ailleurs que la reproduction d'un arrêté de Clauzel, les biens habous furent réunis
définitivement au domaine, l'État se chargeant de pourvoir aux services d'assistance,
d'enseignement et de culte qu'assuraient les revenus de ces biens. De 1830 à 1840, au point de
vue de la propriété, on avait positivement vécu dans le chaos. Les transactions immobilières
entre indigènes et Européens étaient tantôt autorisées, tantôt interdites. Une commission fut
nommée en 1842 en vue de sortir de ce gâchis et l'ordonnance du 1er octobre 1844, complétée et
modifiée par celle du 21 juillet 1846, essaya pour la première fois de régler la question de la
propriété foncière. On commença par régulariser la situation résultant des transactions
antérieures ; pour le reste du territoire, l'ordonnance prescrivit une vérification des titres de
propriété et déclara que toutes les terres incultes devaient être réunies au domaine234
Cette idée de l'expropriation pour cause d'inculture était d'ailleurs conforme au droit musulman,
qui déclare que la terre doit appartenir à celui qui la vivifie. Les deux ordonnances furent
appliquées seulement dans le Sahel, dans une partie de la Mitidja, dans les environs de Bône et
233
Lettre publié dans le Moniteur Universel du 7 février 1863. 234
Gabriel Hanotaux & Alfred Martineau, op.cit.
Deuxième Partie Chapitre Deuxième
160
d'Oran, en tout sur 200 000 hectares, dont 168 000 dans la province d’Alger ; 55 000 hectares
furent attribués aux Européens, 32 000 aux indigènes, 95 000 à l'État235
.
Les ordonnances espéraient procurer à la colonisation des terres en abondance, mais, comme les
formalités qu'elles prescrivaient pour la vérification des titres étaient fort longues, le but ne fut
pas atteint et les transactions se trouvèrent plutôt ralenties.
4.4. Le Régime Des Concessions.
Le régime des concessions de terres fut déterminé par l'arrêté du 18 avril 1841. Le colon recevait
un titre provisoire qui fixait les conditions qu'il devait remplir et le délai qu'on lui accordait ;
lorsqu'il avait exécuté les travaux de mise en valeur, il recevait un titre définitif ; jusque là, ses
droits étaient limités ; il ne pouvait se substituer que des personnes agréées par l'administration et
souscrivant aux conditions exigées par celle-ci; il ne pouvait hypothéquer que pour dépenses de
construction ou de mise en valeur et avec une autorisation spéciale. Tout colon français ou
européen justifiant de 1 200 à 1 500 francs de ressources disponibles recevait dans un des
nouveaux centres un lot à bâtir et un lot de culture de 4 à 12 hectares selon ses moyens ; il avait
droit au passage gratuit pour lui et les siens, pouvait toucher en France des vivres de route,
trouvait en arrivant des abris provisoires, recevait des matériaux pour bâtir, des bêtes de labour,
des semences, des instruments agricoles. Le colon était entièrement dans les mains de
l'administration, mais celle-ci en revanche était amenée à lui consentir un appui très large
pendant cette période.
C'était le gouverneur qui décidait les créations de centres et donnait les concessions. La
direction de l'Intérieur était chargée de la formation des nouveaux centres, du choix de leur
emplacement, de l'allotissement des terres, du placement des familles. Le titulaire de cette
direction, de 1838 à 1847, fut le comte Guyot, un des administrateurs les plus remarquables
qu'ait eus l'Algérie. Fils d'un général de l'Empire, d'abord sous-intendant militaire, Guyot était
plein de zèle pour la colonisation, dont il fut un des meilleurs artisans. Le maréchal agit d'abord
en plein accord avec lui, mais cet accord fit place au conflit et à une hostilité très âpre, lorsque
l'ordonnance du 20 juillet 1845 eut retiré au gouverneur la faculté d'accorder les concessions
235
Buzelin, lieutenant colonel, De la colonisation et des réserves de l’Algérie, Édit inconnue, Nantes, 1874.
Deuxième Partie Chapitre Deuxième
161
même les plus petites ; cette faculté était désormais réservée en droit au ministre en fait à Guyot,
puisqu'il était seul chargé de l'administration du territoire civil236
.
4.5. La gestion des affaires arabes.
Pour préparer les décisions en France et afin de gérer les affaires locales, les gouverneurs
instituent successivement :
un agha des arabes tour à tour musulman ou français,
un bureau arabe animé d’abord par Lamoricière en 1833-1834. En 1833, le
bureau arabe dirigé par La Moricière avait été créé pour centraliser les
affaires indigènes, réunir les documents, traduire la correspondance,
transmettre les décisions du commandement. Un vieux savant, chef des
interprètes, M. Delaporte, avait bientôt succédé à La Moricière.
En 1834, on avait supprimé le bureau arabe et ses attributions étaient passées au lieutenant-
colonel Marey, pour lequel on avait rétabli la charge turque d'agha des Arabes.
En 1837, on avait créé une direction des affaires arabes confiée à Pélissier de Reynaud, il donna
sa démission en 1839 et ses attributions furent jointes à celles de l'état-major général.
Un arrêté du 16 avril 1841 rétablit la direction des affaires arabes et la confia à Daumas. Cette
direction qui inspire le système de protectorat adopté par Valée dans le Constantinois ainsi que la
division de l’Algérie en territoires civils ouverts aux européens et militaires et interdits à la
colonisation. Les successeurs de Valée étendent ses formules à l’ensemble de l’Algérie conquise.
Bugeaud, à sa nomination revient au système des maghzens (juridiction chérifienne) et des beys
ottomans. Daumas directeur des affaires arabes (1841-1847) convertit Bugeaud au système du
développement indirect c’est-à-dire : confier à des chefs arabes appartenant à la noblesse
militaire ou religieuse. Le général Bugeaud maintient celle de l’Émir Abdelkader à Oran et Alger
et celle des ottomans dans le Constantinois237
.
Le mouvement imprimé par Bugeaud aux affaires « indigènes » s'est continué jusqu’en 1858.
Puis, peu à peu, le personnel des bureaux arabes a fini par recevoir des sujets d'un mérite
236
E Pellisier, Annales Algériennes, Tome 1, Édit Auselin et Gaultier-Laguionie, Paris, 1836.
Gabriel Hanotaux & Alfred Martineau, op.cit. 237
Idem.
Deuxième Partie Chapitre Deuxième
162
moindre. En même temps, les bureaux arabes, contrairement aux intentions formelles de
Bugeaud, se rendaient indépendants du commandement238
.
Les arabes, très bons observateurs de tout ce qui les intéresse directement, ont très bien aperçu
cette transformation ; ils distinguent les bureaux arabes makhzenia ou de gouvernement, ceux de
la première période, des bureaux arabes hekkam ou d'administration qui leur sont succédé.
Conclusion.
Au début du XIXème siècle, malgré la puissance de son armée, l’économie de l’empire Français
était au rouge et le peuple est en souffrance. Les problèmes économiques de la France et le
manque de main-d’œuvre du aux guerres successives et à une forte mortalité (due aux
épidémies) sont les principales raisons de la colonisation de l’Algérie et de son peuplement.
Cette dernière présentait beaucoup de potentialités et était sous peuplée. Par ailleurs on assistait
au début de la décadence des ottomans et leur suprématie sur la mer méditerranée.
L’influence romaine (colonisation par peuplement) se résume essentiellement en la division de
l’Algérie en trois provinces, en sa politique d’assimilation et de création des centres de
peuplement. Par ailleurs les réseaux de voies de communication, des sites des villes, des
fonctions de celles-ci servirent de base pour l’installation des français.
Les changements de régimes que connut la France durant la période de conquête expliquent les
controverses et polémiques engagées entre les militaires, hommes politiques français mais aussi
les réaménagements des outils juridiques et administratifs établis pour et lors de la colonisation
et ce jusqu’au début du XXème siècle. Ces lois et édits constituent les bases pour la réalisation
des projets coloniaux en Algérie. Ils permettront notamment les expropriations. Le foncier était
un obstacle à surmonter dans un tissu dense où les réserves sont pratiquement inexistantes à
l’intérieur des enceintes des cités. Ils toucheront aussi au statut des autochtones dans l’État
français. L’Avènement de la IIIème république mit fin à ces changements.
238
Fernand Armandiès, «Le Maréchal Bugeaud »,in site web : www.alger-
roi.net/Alger/documents_algeriens/culturel/pages/45_bugeaud.htm
Deuxième Partie Chapitre Troisième
163
CHAPITRE TROISIÈME
L’URBANISATION EN FRANCE AU XVIIIÈME ET XIXÈME SIÈCLES, UN
RÉFÉRENT POUR L’ÉTABLISSEMENT DES FRANÇAIS EN ALGÉRIE
Introduction.
Avant la deuxième moitié du XVIIIème siècle, l’ingénieur se considère comme constructeur,
terme générique qui englobe les architectes, les officiers du génie et les entrepreneurs. A la fin de
ce siècle, la France comptait un millier de cadres dans la construction, parmi lesquels 350
ingénieurs du Génie et 300 des Ponts-et-Chaussées. La fin de ce siècle connait les premiers
mouvements ouvriers dans le secteur du bâtiment. Afin de juguler ces mouvements, Napoléon
crée des chantiers : excavation pour la conduite des eaux, aménagement des places,
terrassements et plantations. Ce n’est qu’au XIXème siècle que le métier d’architecte commence
à évoluer dans son enseignement puis dans sa pratique. La révolution industrielle qui avait mis
en avant les ingénieurs, donne de nouveaux outils aux architectes qui s’intéressent aux aspects
techniques.
Les idées hygiénistes apparaissent en même temps que les nouveaux matériaux. Leur application
à la construction change la morphologie globale des villes, notamment Paris. Cette dernière
devient un exemple à suivre.
Par ailleurs c’est aussi l’ère des expansions colonisatrices, les grandes puissances voient leurs
frontières s’étendre. La France confère alors au Génie militaire les travaux de fortifications et de
défense de ses frontières. Le mouvement des troupes militaires, à travers les territoires, engendre
le développement des voies de communication que le Génie militaire prend en charge ; tous ces
travaux ont eu comme corolaire l’évolution de ce service de l’armée. Ce dernier s’est imposé
comme acteur déterminant dans la construction non seulement des édifices militaires, des voies
et ouvrages d’art mais aussi dans celle des nouvelles villes de colonisation.
Les méthodes d’urbanisation utilisées en France, vont-elles être reprises en Algérie ? C’est ce
que nous allons voir dans ce chapitre.
1. Les innovations dans le domaine de la construction aux XVIIIème et XIXème siècles.
La deuxième moitié du XVIIIème siècle et le XIXème voient apparaître de nouveaux corps de
métier, l’évolution du rôle de l’architecte passe de constructeur applicateur des règles esthétiques
à celui de concepteur et applicateur des règles techniques et d’hygiène, il devient maître
d’ouvrage. Durant cette période il partagera avec l’ingénieur civil ou militaire, le médecin, les
Deuxième Partie Chapitre Troisième
164
joies et les fatigues que procurent les découvertes se rapportant à la construction depuis la
conception, les matériaux, les systèmes d’assainissement jusqu’à l’organisation de chantiers pour
une meilleure productivité et l’établissement des premières théories relatives à l’ergonomie.
1.1. Le métier d’architecte aux XVIIIème et XIXème siècles.
Le métier d’architecte n’existait pas vraiment, hormis les architectes du roi (formés au sein de
l’académie). Ils avaient pour mission essentielle l’entretien des monuments de la couronne. Ces
derniers connurent des difficultés lors de l’avènement de la Première République. Les archives
municipales et départementales françaises recèlent une multitude d’architectes « temporaires ».
L’enseignement de l’architecture est fort peu scientifique mais porte essentiellement sur le côté
esthétique. Il était long et couteux et les architectes sortant sont souvent inexpérimentés ; c’est
pourquoi le métier était peu prisé et mal jugé par les ingénieurs.
Sous la Restauration l’ingénieur domine et l’architecte suit. Le fontainier, maître des tuyaux et
des dessous de la ville, côtoie le charpentier maître des airs. La technique commence à s’imposer
aux bâtiments
C’est au cours su XIXème siècle que le métier d’architecte tente de s’élaborer autour de la
maîtrise de l’œuvre du bâtiment. Seuls quelques rares scientifiques s’ingèrent dans
l’enseignement : Rondelet (mathématiques et mécanique), Dufourny (théorie de l’esthétique). Il
restera lacunaire jusqu’à la deuxième moitié du XIXème siècle. Les principes de l’hygiène sont
ignorés alors que plusieurs architectes sont chargés de la police des constructions dans les
grandes villes. A la fin de la Restauration on trouve trois types d’architectes :
les professeurs jouissant d’une grande considération ;
les architectes moins brillants mais très compétents issus de l’École Royale ou celle
Spéciale d’architecture. Ils sont scindés en deux catégories :
ceux destinés à la direction (architectes-experts) ;
ceux chargés de l’exécution comme entrepreneurs de bâtiments. Ils sont
installés dans les grandes villes ;
les architectes chargés des travaux publics de province239,240
.
Les projets pouvaient être conçus indifféremment par les architectes ou par des ingénieurs ou
parfois même par des charpentiers ou des maîtres maçons. En province la décision et le choix du
239
André Guillerme, Bâtir la ville. Révolutions industrielles dans les matériaux de construction France- Grande
Bretagne (1760-1840), Edit Champ Vallon, 1995 240
Daniel Rabreau, « ARCHITECTURE- architecte », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-
2004.
Deuxième Partie Chapitre Troisième
165
projet revient au préfet ou au maire. Deux institutions dépendant du ministère de l’intérieur
examinent et visent les projets d’aménagement : le conseil des Bâtiments civils (institué le 17
avril 1791) et le conseil général des Ponts-et-Chaussées (créé le 7 fructidor de l’an XII
correspondant au 25 août 1804).
1.2. L’émergence de nouveaux corps de métier du bâtiment.
La révolution industrielle n’a pas seulement apporté de nouveaux matériaux mais a vu
l’apparition et le développement des métiers. Dans ce qui suit nous verrons ceux relatifs à la
construction et au savoir lié à l’espace.
Durant la période allant de 1760 à 1840 on assiste à l’émergence de nouveaux corps de métiers
dans le bâtiment :
Pour le civil : des agents de maîtrise dans la construction, des contrôleurs, des
vérificateurs et des conducteurs de travaux.
Pour l’armée : des gardes du génie, des géomètres du cadastre241
.
Ces nouveaux corps vont apporter des changements notoires dans l’organisation des chantiers et
dans la précision des études et dossiers de construction. Ils permettront aussi le maillage du
territoire français pour l’établissement des actes. C’est à partir de cette époque que l’on voit
apparaitre les devis descriptifs et estimatifs chez les ingénieurs militaires du Génie ; ces devis
sont alors nommés mémoires.
1.3. La dédensification de Paris ou le modèle d’alignement.
Afin de bien saisir le nouveau système d’urbanisation mis en place durant ce siècle, nous
prenons le cas de Paris, d’abord comme capitale de la France mais aussi comme ville Phare en
Europe. Les travaux d’embellissement sur la ville de Paris relevaient du premier Homme de
l’état à savoir le roi, l’empereur ou encore le président de la république selon le système
politique en place.
La capitale elle aussi est à défendre. Ce n’est qu’en 1840 que l’enceinte de Paris est déclarée
d’utilité publique. Elle se compose : d’une enceinte de 34 Km, large de 140m et de 94 bastions et
forts détachés casematés. La construction de celle-ci durera cinq années.
Ainsi il n’était pas rare de voir s’ouvrir des rues à Paris sur la demande de simples citoyens
propriétaires. Tel est le cas de la rue Delta dont l’ouverture (douze mètres de largeur) est
autorisée par Charles X le 2 février 1825, demandée par Messieurs Loubin et Louis Guillaume
241
André Guillerme, 1995, op.cit.
Deuxième Partie Chapitre Troisième
166
afin d’assurer la communication entre la rue du Faubourg Poissonnière et la rue Rochechouart. Il
en est de même pour la rue d’Alger (21/07/ 1830) ouverte par les frères Cherouet’ qui relie la rue
Rochefoucauld et La bruyère, ou bien encore la rue de Tlemcen ouverte en 1839 et la rue Cochin
en 1840. La largeur des rues ouvertes par des particuliers sur leur propriété est proposée par les
impétrants ; les rues ainsi ouvertes sont cédées à la ville comme voie publique,qui s’occupera de
leur entretien et de l’hygiène242
.
La dénomination des rues ouvertes par les particuliers peut être proposée par ces derniers lors du
dépôt des projets d’ouverture telle la rue Lavoisier ouverte par Mr Léon de Chazelle qui reçue
l’approbation de dénomination par le préfet de Paris, du ministre secrétaire d’état de l’intérieur.
L’intérêt historique ou ce que nous nommons actuellement le Patrimoine a été, aussi, pris en
considération dans les projets d’alignement et de dénomination de certaines rues telles la rue de
L’Ile Bouviers ou bien celle Des Juges et Consuls.
L’ouverture de certaines voies ou ouvrages d’art est directement liée à des évènements politiques
tels le Pont Iéna et les voies qui le desservent dont la construction, l’ouverture et le financement
furent décidés à Varsovie par Napoléon243
. C’est aussi sur décision impériale que la rue
Impériale fut projetée par décret en 1806 (26/ 02/ 1806) bien qu’elle n’ait jamais été exécutée.
L’extension ou l’amélioration d’un édifice public peuvent engendrer des alignements aux abords
de ces derniers comme ce fut le cas de l’Hôtel de ville en 1836.
1.4. Les plans d’alignement et de redressement.
La dédensification des villes françaises, le développement des moyens de transport ont
occasionné les tracés des voies de communication. Ces tracés ont concerné en premier lieu les
anciens tissus, nous les connaissons sous l’appellation de plans d’alignement et de redressement.
Les plans d’alignement sont dressés par les ingénieurs des départements et sont soumis à
l’approbation :
des ingénieurs des Ponts et Chaussées ;
du Conseil municipal ;
du maire ;
du public après exposition durant huit jours à la mairie ;
242
M Alphan (directeur), A Deville et Hocherau, Recueil des lettres patentes, ordonnances royales concernant les
voies publiques, Édit Imprimerie Nouvelle (association ouvrière), Paris, 1886. 243
Extrait des minutes de la secrétairerie en date du 13 janvier 1807, in M Alphan (directeur), A Deville et
Hocherau, Recueil des lettres patentes, ordonnances royales concernant les voies publiques, Édit Imprimerie
Nouvelle (association ouvrière), Paris, 1886.
Deuxième Partie Chapitre Troisième
167
du préfet ;
du comité de l’intérieur du Conseil d’Etat.
Avant approbation, les projets sont d’abords vérifiés par des hommes de lois pour vérifier s’ils
répondent aux règlements juridiques, administratifs et aux instructions ministérielles.
Lorsque l’ouverture de rues, de chemins vicinaux est nécessaire, c’est la ville de Paris qui doit
dédommager les propriétaires des terrains servant d’assiette à ces voies. La loi du
16septembre1807 permet l’expropriation pour utilité publique ; la loi du 07 juillet 1833 viendra
établir les formalités d’enquête pour justifier l’utilité publique244
. Ce sont ces deux lois que les
autorités françaises vont utiliser en Algérie lors des plans d’alignement ou des percements dans
les médinas.
L’ouverture des passages couverts carrossables ou piétonniers seront soumis à la même
procédure que les rues puisqu’ils sont considérés comme voies de communication, mais ils
doivent répondre aux règlements de commodité et de sécurité : « d’air et de lumière, d’éclairage,
de pavage ou dallage, et d’écoulement des eaux », accès sécurisés et restrictifs aux seuls
riverains et hauteurs de façade. Ces passages bien que considérés comme voies de
communication donc balayés et entretenus, sont soumis à des règlements de circulation selon
leur statut piétonnier ou carrossable assez stricts établis par la mairie. Ils ont métamorphosé les
villes non seulement dans leur réseau de voies mais aussi dans la morphologie globale des
édifices qui se sont vus réglementés.
2. La transformation de l’immeuble parisien.
Nous nous intéressons à la morphologie des bâtiments dans le sens d’une meilleure
compréhension des plans d’alignement dont les services du génie auront la charge en Algérie.
La limitation de la surface de la ville est la règle d’or de l’occupation de l’espace, la densité est
une conséquence directe de ce principe. Dans l’ensemble de la ville, les activités sont mélangées.
Seules certaines sont rejetées hors du centre de par leur spécialisation ou leur nocivité, mais
toujours à proximité de l’enceinte. A titre d’exemple les maraichers ne sont jamais loin. La ville,
à l’intérieur de son enveloppe, englobe les activités nécessitant de grands espaces tel le stockage
des denrées ou des véhicules. Paris est une place forte qu’il faut préserver.
244
M Alphan (directeur), A Deville et Hocherau, Recueil des lettres patentes, ordonnances royales concernant les
voies publiques, Édit Imprimerie Nouvelle (association ouvrière), Paris, 1886.
Deuxième Partie Chapitre Troisième
168
La typologie architecturale du Paris du XVIIIème siècle reflète une imbrication par superposition
du commerce et de l’habitat et leur juxtaposition avec des activités artisanales rejetées au fond
des parcelles.245
A la fin de l’Ancien Régime, l’immeuble présentant une façade en pierre de taille,
soubassements entresolés à arcades avec boutiques et logements au dessus (deux étages nobles
dont le premier est plus grand que le second) et un comble mansardé, était le plus chic mais rare.
Les immeubles de second ordre se présentaient avec un abaissement de l’arcade à un seul niveau
(celui de la boutique) et trois étages d’habitation à surface égale et comble aménagé. L’immeuble
de troisième catégorie est une réduction économique du précédent, disparition du soubassement à
arcades au profit de simples linteaux droits sur un Rez de chaussée écrasé (même hauteur qu’un
étage normal), égalisation des quatre étages et remplacement de la pierre par des pans en bois
enduits de plâtre. L’ensemble donnait un aspect sévère mais uniforme et de plus en plus cohérent
avec le temps. Immeubles et maisons respectent la continuité du bâti en bordure de rue exigée
par la règlementation.
La réglementation appliquée à l’immeuble ne concerne pas uniquement sa façade ou son volume.
Les notions d’hygiène et de salubrité accompagnèrent la « révolution urbanistique », ce qui eut
pour corollaire l’apparition de nouveaux espaces dans les logements tels que cuisine et autres
alors exclusivement réservés aux maisons de maîtres.
2.1. L’apparition de nouveaux espaces dans l’immeuble parisien.
A Paris, le XIXème siècle se caractérise par une révolution profonde des formes définissant la
typologie de l’immeuble. La nouveauté sera la répartition des logements par niveau dont l’unité
de base était formée par le couple : chambre plus cabinet246
. Ces espaces prenaient les fonctions
selon les besoins et les moyens de l’occupant. Les immeubles de rapport seront complètement
différents puisque constitués par la superposition de cellules identiques définissant, à chaque
niveau, les principaux volumes d’une habitation traditionnelle : cuisine, salle, chambres et gardes
robes. Malgré la nouveauté dans la conception, l’élévation suivra celle des anciens immeubles :
soubassement, étages nobles (dont un haut et les autres moyens) dont le dernier est traité en
attique et pris entre l’entablement et la corniche du toit, et le comble mansardé incliné à 45°. Le
développement de l’immeuble a transformé la silhouette de Paris en portant ses constructions de
3 à 6 étages en moyenne. La surélévation était le principal procédé de densification de la ville
245
François Loyer, Paris XIXème siècle. L’immeuble et la rue, Édit Hazan, 1994
Deuxième Partie Chapitre Troisième
169
cernée par son enceinte ; cette densification s’est aussi faite par l’augmentation des réserves en
fond de parcelle247
. La réutilisation des matériaux de démolition, la réhabilitation si elles sont
possible, sont aussi de mise durant ce XIXème siècle. La surélévation par construction en pans
de bois était déjà connue, mais la surélévation en maçonnerie rencontre de plus en plus une
grande faveur248
.
La Restauration voit le retiré, par rapport à la façade, du dernier étage se multiplier. Il sera
construit en briques et bois et couvert selon une douce pente, du nouveau matériau : le zinc. On
voit apparaitre les terrasses en retiré, couvertes de plomb et accessibles. Les premières
surélévations respectent le principe de la gradation des hauteurs, alors que pour les nouvelles
(vers la fin du XIXème et début du XXème siècle) la tendance est pour la régularité des hauteurs.
Les plans d’alignement, les transformations spatiales et volumiques connurent leur apparition
dés les années 1840 et leur apogée avec le Baron Haussmann préfet de Paris. C’est ce que nous
appelons l’urbanisme régularisateur du XIXème siècle249
.
Très souvent en Algérie, nous parlons de percées haussmannienne pour désigner les plans
d’alignement et de redressement qui ont touché les médinas. Nous verrons plus bas que les
percées haussmannienne ne furent que le développement de ce qui a été testé en Algérie.
2.2. Les percées et l’immeuble haussmanniens.
C’est à partir de 1842 que l’on voit apparaitre de façon subite la typologie qui sera celle de
l’haussmannisme (antérieur donc au baron Haussmann de plus de 10ans). À l’invention de
l’immeuble répond celle de la percée, avec son tracé, son échelle et ses plantations. A la fin des
années 1840, le Boulevard Strasbourg est le premier exemple de ce qui sera par la suite la figure
urbaine de Paris.
Si François Loyer pense que Paris fut le laboratoire d’une nouvelle typologie250
: immeubles
bourgeois et la ville qui l’accompagne, nous rejoignons l’avis de Picard et Malverti pour dire que
c’est en Algérie que l’on testa cette typologie. Les percées sont antérieures à la fin des années
1840. Les plans d’alignement sont tout aussi rigoureux et les percées au travers de la médina sont
dictées par l’objectif militaire.
Ce dernier prend son application dans la voie large. Si la largeur des premiers boulevards variait
entre 22 (bd Sébastopol) et 24m celle du boulevard haussmannien sera de 34m. Il sera constitué
247
François Loyer, 1994, op.cit. 248
Jean-Pierre Babelon, « Paris », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004. 249
Françoise Choay, « URBANISME- Théories et réalisation », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France
S.A-2004. 250
François Loyer, 1994,op.cit.
Deuxième Partie Chapitre Troisième
170
d’une voie centrale de 12m et de deux voies secondaires de 6 à 8m séparées de la voie centrale
par les plantations.
Il faut dire qu’au XVIIIème siècle, les rues ne présentaient pas de trottoirs. En les adoptant, la
largeur se voit automatiquement augmentée.
Fig.49 : Hiérarchies des rues de Paris251
Catégorie 1 Catégorie2 Catégorie3 Largeur/hauteur Décret
XVIIIème ˂4 toises (7.80) ˂5 toises
(9.75)
˃5 toises
(9.75)
12/18 25/08/1784
XIXème 6m : petites
communications
transversales
10m :
communications
intermédiaires
12m : les
traverses
intérieures
14 m : les
grandes
routes
2.3. Les lotissements de Paris.
C’est durant la première partie de ce XIXème siècle que Paris connait les premiers grands
lotissements résidentiels créés selon le modèle londonien. Après l’âge minéral, paris se met au
vert avec les plantations sur les alignements des futurs boulevards.
La hiérarchie des voies commence à se mettre en place. C’est celle qu’utilisera l’haussmannisme
ultérieurement. Elle est accompagnée par la dissociation entre les carrefours de communication
et les places-pivots qui structurent l’intérieur des quartiers. Dés la fin du XVIIIème siècle, on
voit apparaitre les passages couverts, commerçants, éclairés. Le passage couvert peut être
considéré comme l’ancêtre des galeries marchandes ; déjà connu dans la médina, il sera réutilisé
à Constantine et Annaba.
La périphérie, le parcellaire suit soit une trame orthogonale simple (Beau grenelle) soit le réseau
poly-étoilé (Passy). Les quartiers ainsi créés se présentent comme des villages dans la ville
(apparition d’une typologie pavillonnaire avec intercalation de la verdure). De la continuité du
paysage urbain on passe à la discontinuité du bâti avec une diminution graduelle des gabarits.
251
François Loyer, 1994, op.cit.
Deuxième Partie Chapitre Troisième
171
Le parcellaire large de 6 à 8 m, passera à 12m (trois pièces en façade) à la moitié du XIXème
siècle et à 20m à la fin du siècle. Les quartiers sur ou proches des grandes voies de la rive droite
sont les plus chics. Dés que l’on en s’éloigne, ils font place à de vastes étendues de constructions
identiques : pas de grandes voies plantées ni de place publique ni édifices de caractères252,253
.
L’Algérie a connu aussi lors de la période de peuplement, l’installation de ce type de
lotissements à la périphérie des villes par la création de faubourgs tels Sidi Mabrouk et Lamy à
Constantine et St Cloud à Bône. Elle s’est présentée comme un champ d’expérience aux
nouveaux modes d’urbanisation.
2.4. L’industrialisation et les problèmes d’hygiène à Paris.
Les conditions économiques ont ralenti le lancement des grandes initiatives urbaines (percées,
jardins et parcs) ; les efforts se sont portés sur la gestion urbaine (adduction d’eau et éclairage au
gaz), à l’établissement du cadastre et au relevé des égouts et des carrières souterraines.
Le rapport entre densité et salubrité a été mis en avant par les médecins hygiénistes ; ils
remarquaient que sur un cinquième du territoire urbain se regroupait la moitié de la population.
C’est dans la Cité et autour de l’Hôtel de Ville que la mortalité était la plus importante. Ils
préconisent alors le desserrement de la ville et l’assainissement urbain qui passe par
l’amélioration du réseau d’égouts. C’est dans ce but que la notion de percement sera valorisée.
La distribution de l’eau potable est encore une innovation du début du XIXème siècle. Les
parisiens puisaient leur eau des fontaines publiques ; en 1825 et suivant l’exemple anglais, c’est
le préfet de Paris, le comte de Chabrol, qui conçut avec les ingénieurs Mallet, Genieys et
Anderson254
, le plan général d’alimentation en eau de la capitale. Durant la conception, ils eurent
à résoudre les problèmes de diamètre, de pression mais aussi de pertes de charges255
.
La Grande Bretagne connut avant la France l’éclairage au Gaz. Il a fallut attendre 1830, et sur les
conseils de l’Académie, pour voir Paris adopter le Gaz (résidu de l’industrie) comme moyen
d’éclairage d’abord public, avant de l’adapter aux habitations. Pourtant, en 1798, l’ingénieur des
Ponts-et-Chaussées Lebon invente les « thermo lampes » consommant l’hydrogène carboné
252
François Loyer, 1994, op.cit. 253
Léonardo Benevolo, « VILLE (urbanisme et architecture) Ŕ La ville Nouvelle », in Encyclopædia Universalis,
DVD EUV10, France S.A-2004. 254
Anderson : directeur de la compagnie anglaise de distribution des eaux potables : la New-River Compagny 255
Samir Amin, « INDUSTRIE-Industrialisation et formes de sociétés », in Encyclopædia Universalis, DVD
EUV10, France S.A-2004.
Deuxième Partie Chapitre Troisième
172
provenant de la distillation du bois. Avant la fin du siècle, pratiquement toutes les villes
françaises avaient leur usine à Gaz256
.
L’hygiène et la salubrité prirent des proportions supérieures en Algérie du fait de l’acclimatation
difficile des populations européennes.
3. Les compétences dans le bâtiment et les infrastructures.
La conquête et la colonisation de l’Algérie se sont déroulées durant une période d’évolution
technique dans divers domaines. Le XIXème siècle a apporté des innovations dans le domaine de
la construction que ce soit du point de vue théorique ou technique. Les ingénieurs militaires
suivis de ceux des Ponts-et-Chaussées puis de ceux des Bâtiments civils introduisirent ces
innovations dans leurs réalisations. Nous verrons dans ce qui suit en quoi diffèrent ces ingénieurs
et quels sont leurs prérogatives respectives dans les réalisations d’abord en France puis en
Algérie.
3.1. Les maîtres d’œuvre.
L’administration de l’Algérie se caractérise dans les débuts de la colonisation par une dualité
entre le pouvoir civil et le pouvoir militaire. L’ordonnance du 18 avril 1845 a divisé l’Algérie en
trois provinces comprenant des territoires civils et militaires. En matière de travaux publics, la
coexistence des deux pouvoirs se fait ressentir parfois négativement (divergence d’idées et de
méthodes. Les premières années, les travaux publics sont confiés au génie militaire (période qui
nous intéresse). Toutefois, dès 1832, un architecte est nommé à Alger ; provisoirement, il se voit
chargé des travaux d’autres localités.
En 1843, est créé le service des Bâtiments civils et de la voirie. En 1845, les travaux publics
relèvent des attributions du directeur de l’intérieur. L’arrêté du 27 janvier 1846 définit les
attributions du Génie et des services civils ; en territoire civil, le génie n’est plus responsable que
des travaux relevant du ministère de la Guerre.
Les travaux publics sont répartis en quatre services distincts : les Ponts-et-chaussées, les mines et
forages, le génie et les Bâtiments civils. L’ordonnance du 22 avril 1846 crée une direction des
Travaux publics. Le service des Bâtiments civils est placé dans chacune des provinces sous les
256
André Guillerme, 1995, op.cit.
Deuxième Partie Chapitre Troisième
173
ordres d’un architecte, chef de service, et celui des Ponts-et-Chaussées, sou ceux d’un ingénieur
chef ou ordinaire257
.
En vertu du décret du 18 août 1897, le gouverneur général a autorité sur toute question relative
au personnel et à l’organisation des services s’occupant des travaux publics. Une direction des
Travaux publics est mise en place, elle dépend du secrétaire général et porte suivant les époques
des noms différents : Direction des Travaux publics et des mines ; Direction des Travaux
publics, des chemins de fer et des mines ; Direction des Travaux publics et des transports258
.
Lorsque les travaux concernent les places fortes, les lignes de défense, ils sont exécutés par les
ingénieurs du Génie pour le ministère de la Guerre, mais en concertation avec les ingénieurs des
Ponts-et-Chaussées et en informant le Préfet. Les travaux concernant les rades, les ports
militaires et l’aménagement des côtes relèvent du ministère de la Marine, mais sont pour
l’essentiel confié aux ingénieurs des Ponts-et-Chaussées, au détriment des ingénieurs de la
Marine.
Les différences de formation entre ingénieurs du Génie, ceux des Ponts-et-Chaussées et des
architectes Bâtiments Civils expliquent les différences de méthodes d’approche et de
propositions aux projets. Si l’on ne peut comparer architectes (École des Beaux Arts de Paris) et
ingénieurs un bref aperçu sur le profil des deux corps d’ingénieurs est nécessaire. L’école du
Génie à Metz259
forme des ingénieurs en trois années. Elle est une école d’application de l’école
polytechnique de Paris. Les deux cours principaux sont ceux des fortifications et de construction.
Ils sont suivis d’enseignements de topographie, de mécanique appliquée et d’art militaire. Les
ingénieurs sont bien formés en représentation graphique, au dessin à main levée et au croquis.
Ceux-ci leur sont nécessaires en campagne.
Pour s’imprégner de la philosophie et de la manière de penser des architectes, ingénieurs du
Génie et des Ponts-et-Chaussées, il faut revenir aux écrits publiés avant et durant la période
concernée. Ces écrits concernent l’histoire, l’architecture ou l’art de bâtir ou de construire, étant
donné que l’urbanisme tel que nous le concevons aujourd’hui n’existait pas encore. Les
257
Collection complète des lois, décrets, ordonnances, règlements de 1788 à 1830, Sur Avis du Conseil d’état,
Tome 3, 2ème édit ; Édit Guyot et Scribe, Paris, 1834. 258
Isabelle BADOR, L’architecture du culte en Algérie au XIXème siècle, mémoire de DEA d’histoire de
l’architecture occidentale au XIXème siècle, sous la direction de Jean-Michel Leniaud, Source Paris : EPHE, 1997 259
L’école d’artillerie et de Génie de Metz est créée par arrêté du 04 octobre 1802. Elle est destinée à former des
officiers pour le service des corps royaux de l’artillerie et du Génie. Les élèves sont pris parmi ceux de L’école
Polytechnique de Paris (15%) reconnu admissibles dans les services publics. Les élèves officiers (sous-lieutenant)
de l’artillerie et du Génie sont assujettis à l’école d’application aux régimes d’instruction et de discipline. La durée
des études est de deux ou trois années au plus. Les élèves ayant réussi obtiennent le brevet de sous-lieutenant
d’artillerie et de Génie. Ils sont alors placés dans les corps de ces deux armes pour occuper l’emploi de lieutenant. ;
« ALMANACH ROYAL pour l’an 1830 », Édit A Guyot et Scribe, Paris, 1830.
Deuxième Partie Chapitre Troisième
174
interventions étaient ponctuelles dans le temps et destinées à embellir les villes ou à les
améliorer : places royales et autres.
Selon Picard et Malverti, les ingénieurs du Génie semblent appliquer leurs modèles avec un
souci plus grand des spécificités locales que ce soit par rapport au site ou par rapport au tissu
existant260
. L’ingénieur des Ponts-et-Chaussées est avant tout et deviendra surtout un dirigeant
public et administratif à la fois économiste et grand bâtisseur261
.
3.1.1. Le Génie militaire.
Vauban disait : « le parfait ingénieur français est celui qui sait traiter à la fois la fortification
défensive et offensive »262
. Les ingénieurs du génie avaient la responsabilité de défendre les
places fortifiées ou non. Le génie militaire est considéré comme éminemment urbain à ses
origines. Il a la ville à défendre – surprendre ou à assiéger. Selon Guillerme A263
, « au XVIIIème
siècle, la place fortifiée est une vile plus ville que les autres »264
.
Dans son ambition conquérante, Napoléon renforce les places fortes. Dans une autre stratégie de
défense, la Révolution et l’Empire démantèlent les défenses les plus éloignées pour accentuer
leurs efforts de modernisation des points stratégiques.
À la colonisation Le service du Génie est désigné comme Maître d’œuvre de tous les travaux
nécessaires pour les territoires mixtes et militaires ; il conserve toutefois un contrôle important
sur les projets dans les territoires civils. Ainsi nous verrons les ingénieurs du Génie siégeant dans
les commissions les plus importantes ; ceci va avec la politique globale de colonisation : assurer
la sécurité aux colons et maintenir l’ordre ; l’ennemi est partout dans le territoire occupé.
Dans les premières décennies de l’occupation, l’Algérie est entièrement administrée par les
militaires. Durant les trente premières années les gouverneurs sont issus du corps militaire Les
officiers du Génie obéissent à une discipline de travail militaire et hiérarchisée, c’est ce que nous
260
Xavier Malverti et Aleth PICARD, Les Traces de ville et le Savoir des ingénieurs du Génie, Travaux de
recherches, École d’architecture de Grenoble, Ministère de l’Équipement et du Logement, Direction de
l’Architecture et de l’Urbanisme, Grenoble, 1988. 261
Les principaux ouvrages de base pour les ingénieurs des Ponts-et-Chaussées sont : Les cours de mécanique
appliquée de M Navier, Traité de construction des ponts de M Gauthey, La science des ingénieurs, La science des
ingénieurs dans la conduite des travaux de fortification et l’architecture civile architecture hydraulique de B F
Bélidor, 262
Lettre de Vauban à Louvois du 17 février 1693, in de Rochas, « Vauban, sa famille et ses écrits », Paris, 1910, II,
p.379 263
André Guillerme, 1995, op.cit. p. 37 264
« Je suis destiné à passer ma vie dans des villes plus villes que les autres », lettre de Carnot au chevalier de
Bouillet », Arras, 24 août 1787, in Révolution et Mathématique, Paris, Édit l’Herne, 1985, p. 415.
Deuxième Partie Chapitre Troisième
175
avons observé lors de notre recherche aux archives militaires de Vincennes265
ou bien celles se
trouvant à Aix en Provence266
Les ingénieurs du Génie sont sur le terrain. Ils sont à la fois arpenteurs, gestionnaires et
administrateurs des villes occupées ou bien celles nouvellement créées entre 1840 et1860 (Sidi
Bel Abbes, Batna...). Ils font preuve dans leur travail d’un grand pragmatisme (grâce au coup
d’œil militaire)267
; ils ont la capacité de se projeter dans l’avenir et d’envisager, dès la
conception du projet, l’évolution des plans au cours du temps.
Leur mission est importante. Ils doivent permettre l’installation militaire tout en pacifiant et
défendant le pays, mais aussi, il leur faut organiser le territoire pour l’accueil des civils et
l’exploitation économique du pays. Ces ingénieurs du Génie sont formés à la fortification
permanente et à l’art militaire ils ont appris à être précis dans la conception des projets car ils
savent que des vies en dépendent. Leurs règles générales sont la rigueur et la simplicité des
réalisations.
3.1.1.1 les prérogatives du Génie Militaire en Algérie
A leur arrivée en Algérie, leur préoccupation principale repose sur la satisfaction des besoins
militaires. Le Génie, en Algérie, est chargé de plusieurs missions.
En premier lieu des travaux qui lui sont habituellement destinés, réalisation des
fortifications permanentes ou provisoires et constructions des établissements
militaires.
En tant qu’outil de colonisation, il s’occupe des travaux publics tels que la création du
réseau routier, l’alimentation en eau des localités, le drainage des zones marécageuses
soit dans un but d’assainissement ou bien de culture et la création de villes et de
villages et les centres de colonisation.
Dans les villes, les ingénieurs sont chargés d’étudier le terrain par le dressage de
carte, des plans de terrains, l’établissement des projets d’attaque et de défense des
places268
, mais aussi des plans d’alignement et de distribution. Ils doivent notamment
procéder aux premiers travaux : pavage des rues (dans un but de salubrité et de les
rendre carrossables afin de faciliter la circulation des militaires), plantation,
265
Le service historique de la Défense de Vincennes à Paris, comprend les archives du génie militaire. Celles
concernant l’Algérie sont classées dans la section « 1 » série « H », tel que présenté en méthodologie. 266
Le centre d’archives d’Outre-mer (CAOM), Aix en Provence. 267
Coup d’œil militaire : qualité d’un officier du Génie, qui consiste en l’application particulière de principes
généraux modifiant, selon les circonstances de toutes espèces, le type uniforme que la théorie fait connaître. 268
Ces projets comprennent une pièce écrite appelé mémoire et des plans. Dans le mémoire on retrouve la
description de la situation en place, des travaux nécessaires, des dépenses envisagées ainsi que les avantages et
inconvénients des différentes propositions.
Deuxième Partie Chapitre Troisième
176
alimentation en eau, réseau d’égouts et à la construction des premiers équipements et
parfois même à la construction de quelques maisons de colons.
C’est dans l’art militaire que les ingénieurs du Génie puisent les connaissances nécessaires pour
le dessin des plans d’aménagement des villes occupées ou des villes et villages nouveaux
indispensables aux colons. C’est dans les cours enseignés aux ingénieurs, notamment la
castramétation269
que nous retrouvons les explications aux plans d’alignements, gabarits,
longueurs des rues…, proposés par le Génie.
3.1.1.2. L’enseignement suivi par les ingénieurs du Génie Militaire.
À l’école de Metz, les ingénieurs reçoivent une formation hautement scientifique qui les pousse à
définir la guerre comme une science de la géométrie. On leur y enseigne en dehors de
l’architecture militaire et civile, la stéréotomie, le dessin, les coupes, la charpenterie, la poussée
des terres, la résistance des matériaux, l’hydraulique et la géométrie appliquée. Les élèves
ingénieurs apprennent à améliorer une place de guerre avec un souci d’économie maximum de
l’emploi des matériaux et de main d’œuvre. Rondelet, Monge, Carnot seront parmi les
professeurs de l’école du génie de Metz.
Les premières expériences ergonomiques sont réalisées dans les chantiers militaires en 1797 à
Fort de France et à Bordeaux. La productivité des ouvriers en fortifications (jugés comme
fainéants et immoraux) est l’une des préoccupations principales des ingénieurs. C’est ce qui
poussera ces derniers à vouloir les remplacer ou du moins à les aider par la mécanisation. C’est
donc la gestion des « masses de production » (c'est-à-dire la main d’œuvre souvent assimilée à
des machines), qui engendrent les premières recherches ergonomiques connues.
Vauban instaurera les devis descriptifs et estimatifs ; ces devis sont les plus précis possibles. Les
ingénieurs des Ponts-et-Chaussées les adopteront par la suite alors que les architectes, même
ceux des Bâtiments Civils dévalorisent cette expertise et en confient la tâche aux plus jeunes.
La fortification étant un art fondé sur une théorie certaine et évidente, tirée de la nature même
(situation, limite et morphologie), de l’expérience (des ingénieurs du génie), du raisonnement et
des mathématiques, elle exige une axiomatique que précise le maréchal de camp.
Pour bien se défendre à la faveur des obstacles factices, ou de la fortification, il faut
absolument qu’il se rencontre un certain équilibre numérique entre l’étendue ou la
quantité des ouvrages et les travaux destinés à les défendre.
269
Castramétation : art d’établir un camp militaire. Du latin castra, « camp », et metari « mesurer ».Dictionnaire
Hachette 2005, Édit HACHETTE LIVRE, 2004, Paris.
Deuxième Partie Chapitre Troisième
177
Le trop d’ouvrages affaiblit une petite place ; le trop de troupe affaiblit une place.
Le principe de communications très sûres est une application générale, et sans aucune
exception, à tout ouvrage séparé de l’enceinte d’une place ou d’un poste fortifié.
L’objet des troupes et des munitions ne peut donc jamais être séparé de la fortification
Toute défense doit être relative à l’attaque, l’attaque reçoit nécessairement ses lois des
précautions qu’aura prises l’ennemi pour sa défense.
Le temps est devenu un des principes naturels de la fortification : plus elle procure de
temps à ceux qui la défendent, meilleure elle est. D’où l’on déduit le temps de défense
assuré par la fortification est la juste et naturelle mesure de sa force.270
Devant différentes situations par rapport au relief des différents sites, les ingénieurs du Génie ont
du inventer de nouvelles formes d’implantation (toujours pour répondre au système ou à la
stratégie tels que les peignes, redans271
ou rangées que l’on retrouve dans les bâtiments
d’habitations collectives et les édifices construits après la première guerre mondiale (1920-1930)
en métropole et en Algérie.
La conquête française est souvent associée à l’idée d’une colonisation destructrice pour
l’installation de l’armée et des premiers colons (il est vrai que les villes ne présentent pas la
même morphologie urbaine que celle des villes européennes et ne permettent pas la progression
militaire ni la défense de la cité). Pourtant, les officiers du Génie ont souvent œuvré contre les
colons pour protéger l’espace « indigène » restant272
. De par leur formation d’origine et leur
appartenance à une arme savante, les ingénieurs du Génie s’intéressent à l’histoire et la
géographie des territoires à conquérir (chacun des premiers rapports sur les places débute par une
présentation de l’histoire et de la géographie de la place). Ils apprennent la langue, observent les
mœurs des habitants et les espaces où ils vivent. C’est cet intérêt pour l’histoire de l’Algérie qui
leur a permis de retrouver les traces de la colonisation romaine qu’ils ont utilisé pour le tracé des
routes, l’établissement des villes stratégiques, la connaissance plus approfondie des potentialités
réelles des régions. Les ingénieurs du Génie restent sensibles aux spécificités locales et
demeurent concrets.
270
Marquis de Montalembert, Mémoires sur la fortification perpendiculaire, Tome 1, Édit Imprimerie de Philippe-
Denys Pierres, Paris, 1776, pp. 16-18. 271
Redan : nm. Ouvrage de fortification constitué de deux murs formant un angle saillant. Dictionnaire Hachette
2005, Édit HACHETTE LIVRE, Paris, 2004
Redan : nm. Architecture militaire : ouvrage de retranchement formant angle aigu. Architecture : Ressauts qu’on
forme de distance en distance en construisant un mur sur un terrain en pente. Dictionnaire Quillet de la Langue
Française, Librairie Aristide Quillet, Paris, 1948 272
Xavier MALVERTI et Pierre PINON, « La ville régulière, Modèles et Traces », communication, actes du
colloque organisé par le CEA en « Architecture urbaine » et la fondation Gulbenkian, Édit Picard, Paris, 1997
Deuxième Partie Chapitre Troisième
178
Ce sont la castramétation et le coup d’œil militaire qui expliquent la non adaptation des idées
St Simoniennes273
en vogue aux XIX siècle.
Les troupes et le service du Génie sont, en Algérie, placés sous les ordres d’un général
commandant supérieur du Génie résident à Alger. A partir de1846, il existe trois directions :
Blida, Constantine et Oran. L’ensemble du service est sous les ordres du ministre de la Guerre à
Paris. Le comité du Génie, domicilié dans la capitale française, est une instance technique
chargée de contrôler les projets, de donner des ordres et des conseils aux directions
départementales et aux chefferies, et de conserver tous les documents techniques : plans,
maquettes, machines.
Le chef du Génie de chaque place a sous ses ordres des subalternes, sergents de leur grade qui
dessinent les plans et rédigent les devis. Le service comprend enfin des troupes pour la
réalisation des travaux. En 1851, l’Algérie comprend trois régiments qui fourniront deux
compagnies réservées au Génie. Les ouvriers militaires ne pouvaient officiellement être utilisés
qu’en temps de guerre et pour des travaux militaires. La main d’œuvre militaire est longuement
sollicitée pour des travaux civils à cause de son faible coût. L’utilisation de cette main d’œuvre
suscite bien des problèmes lors de l’avènement de la commune pour le payement.
Le service du Génie en Algérie est excessivement centralisé. Le projet, proposé par le chef du
Génie, est contrôlé par le directeur du Génie de la province, puis par le commandant supérieur de
l’Algérie. Le projet est en même temps soumis à l’approbation des autorités civiles, enfin au
conseil d’administration et au gouverneur général. Ces services consultés, le projet est envoyé
dans la métropole pour être consulté par le comité du Génie et le ministre de la Guerre. Pour
certains projets stratégiques (percée de rue, établissement de casernes) le chef des fortifications
de la Place274
peut présenter un contre projet à sa hiérarchie. La décision finale se trouve toujours
à Paris.
Ce cheminement des dossiers est très long et la décision est prise par des personnes qui sont très
loin et peuvent ne pas connaître le terrain. Ce qui explique les détails donnés dans le mémoire.
273
Saint-Simon, Claude Henri de Rouvroy, comte de (1760-1825), théoricien socialiste français. Ses travaux
plaident pour une organisation sociale dirigée par des hommes issus des sciences et de l'industrie, œuvrant au bien-
être de toute la société. Après sa mort, les étudiants de Saint-Simon font connaître ses idées, qui fondent la
philosophie saint-simonienne., in Microsoft ® Encarta ® 2008. 274
Place : lieu fortifié destiné à parer à une attaque éventuelle. Dans ce contexte il désigne les grandes villes, in
Microsoft ® Encarta ® 2008.
Deuxième Partie Chapitre Troisième
179
Le service du Génie est organisé selon une hiérarchie militaire. Les méthodes toutes aussi
militaires sont rationnelles et permettent la transmission facile, d’un projet en cours d’élaboration
d’un ingénieur à un autre sans que le projet ne se trouve perturbé. Les dessins sont normalisés
selon les règles arrêtées par le comité du Génie. Cette même instance envoie aux directeurs de
province et aux chefs des Places des ordres et des conseils concernant le tracé des villes, la
répartition des quartiers militaires et civils, la largeur des rues, le profil de l’enceinte, le dessin
des portes, la répartition des équipements, les dimensions des places d’armes, etc. Les ingénieurs
ne demeurent que deux ou trois années dans une même Place. Ces changements ne semblent pas
perturber l’avancée des projets.
Nous ne nous attarderons pas sur les autres services du bâtiment mais une présentation succincte
est nécessaire afin de comprendre les interrelations des ces services aves le Génie. En France, les
ingénieurs civils sont fonctionnaires. Ils ont l’appui des officiers du génie qui préfèrent composer
avec eux plutôt qu’avec une multitude d’interlocuteurs.
3.1.2. Le service des Ponts-et-Chaussées.
Le service des Pont-et-Chaussées agit en territoire civil. Il comprend quatre espèces de travaux
publics : les aqueducs, les ouvrages maritimes, les routes et les bâtiments civils.
Indépendamment des ouvrages courants comme les réparations et l’entretien des immeubles
affectés aux services publics, le service des Ponts-et-chaussées est chargé de la rectification de
toutes les rues pour lesquelles il dresse des projets d’alignement, de terrassement, de pavage.
Le service des Ponts-et-chaussées s’organise à Alger le 7 octobre 1831275
. Il se compose comme
suit :
un ingénieur en chef,
deux ingénieurs ordinaires,
deux ingénieurs de deuxième classe,
deux ingénieurs de troisième clase,
un secrétaire, chef de comptabilité,
un secrétaire expéditionnaire de troisième classe,
un dessinateur de deuxième classe.
Dans un pays où tout est à créer, l’ingénieur en chef, chargé de la direction du service, doit
d’abord s’occuper des premières utilités comme les routes, les travaux de l’embarcadère sur le
275
Archives d’Outre-mer d’Aix en Provence : F80/1752, « Rapport sur les travaux exécutés dans les possessions
françaises du Nord de l’Afrique depuis l’organisation des Ponts-et-Chaussées ».
Deuxième Partie Chapitre Troisième
180
port, la viabilisation et l’assainissement des rues et la répartition des conduites d’eau. A Oran, le
service est installé fin avril 1832. En premier lieu les ingénieurs se préoccupent de l’installation
de la sous intendance civile et de la maison qui sert d’établissement des Ponts-et-Chaussées276
.
Ensuite, le service se met progressivement en place dans les autres villes, comme Bône en 1833.
Jusqu’en 1851, les travaux communaux sont dirigés par les Ponts-et-Chaussées.
L’arrêté du 28 avril 1852 confie aux Ponts-et-Chaussées des travaux précédemment dévolus aux
Bâtiments civils à savoir les fontaines, abreuvoirs, lavoirs et embranchements d’aqueducs ou de
conduits destinés à les alimenter tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des villes et des villages ;
travaux d’installation de nouveaux centres de population, nivellement, construction de l’enceinte
des édifices publics et des maisons destinées aux premiers colons, distribution des eaux et
travaux qui s’y rapportent ; plantation sur les rues et plans des nouveaux villages.
A l’origine, l’essentiel du savoir des ingénieurs des Ponts-et-Chaussées est issu des Militaires.
L’ouvrage de Bélidor277
est incontournable dans l’École des Ponts-et-Chaussées. Les ingénieurs
des Ponts-et-Chaussées, en préparant les projets des travaux qu’ils dirigent, suivent
ordinairement une démarche analogue à ce que l’on nomme dans les sciences « la méthodes de la
fausse position », c’est-à-dire qu’après avoir conçu et décrit par le dessin la disposition d’un
ouvrage, ils examinent s’ils ont satisfait aux conditions du site.
La carrière d’un ingénieur des Ponts-et-Chaussées se satisfait mieux du projet complexe d’un
ouvrage de génie civil que du simple travail d’arpenteur ou de la gestion quotidienne de la ville
car l’école des Ponts-et-Chaussées préfère à l’art urbain, la mécanique et l’hydraulique. Les
ingénieurs des Ponts-et-Chaussées, très portés sur la mécanique, considèrent les voix de
communication comme des chemins fluides. Quelque soit la taille de l’agglomération, cette
dernière est appréciée par l’ingénieur. Ils prônent l’agrandissement des villes comme moyen de
développement ce celle-ci.
Cette compétence étendue que l’Etat reconnaît ainsi au corps des Ponts-et-Chaussées consacre la
stratégie de l’école, fondée à l’origine sur la compétence au projet, y compris architectural. Son
276
Site Web : « Chroniques de la province française d’Oran et de St Cloud, sur la période de 1830 à 1860», synthèse
de travaux de recherches au CAOM. 277
B. Forest de BELIDOR : professeur d’art militaire à l’école d’artillerie dont le livre : La science des ingénieurs
dans la conduite des travaux de fortification et l’architecture civile, sera régulièrement publié entre 1728 et 1830.
Deuxième Partie Chapitre Troisième
181
importance croît surtout au lendemain de la révolution, avec le peu de confiance que l’on pouvait
alors accorder aux cadres militaires de l’ancien régime : gentilshommes de noblesse278
.
Les ingénieurs des Ponts-et-Chaussées français sont si reconnus à travers le monde que les États-
Unis font appel à eux pour l’enseignement à West Point. La Grande Bretagne prend comme
modèle l’École Polytechnique. Suivent l’Italie, le Danemark, puis Berlin avec la Bau-Akadémie
pour les futurs ingénieurs-architectes.
3.1.3. Le service des Bâtiments civils.
Le conseil des Bâtiments civils est créé en France en 1795 pour entretenir et construire les
édifices publics. Il est placé sous la tutelle du ministère de l’intérieur. Son rôle est défini par
l’instruction ministérielle du 11 décembre 1795279
. Il est chargé :
d’empêcher qu’il ne se fasse aucun ouvrage au frais de la nation sans qu’au préalable
l’utilité, la nécessité ou les avantages en aient été bien constatés ;
de s’assurer que tous les ouvrages dont l’exécution est ordonnée se font avec toute la
perfection, la solidité et l’économie dont ils sont susceptibles ;
de constater la légitimité de toutes les demandes en paiement et des réclamations
relatives aux ouvrages des bâtiments.
Le service des Bâtiments civils s’installe en Algérie en 1843 sur les décisions ministérielles du
25 mars et 5 août 1843. Auparavant, les ingénieurs du Génie et les ingénieurs des Ponts-et-
Chaussées se répartissaient les travaux de façon plus ou moins définie. Le Génie continue à
assurer les travaux dans les territoires où l’administration n’est pas encore installée (surtout en
territoire militaire). Le service s’installe dans les arrondissements les plus importants des
provinces algériennes ; il demeure sous la tutelle du ministère de la Guerre (alors qu’en
métropole, comme nous l’avons vu plus haut, il est sous la tutelle du ministère de l’intérieur).
Chacun de ces corps, lors de l’exercice de sa fonction utilisera les outils techniques qu’il aura
appris lors de sa formation. Ces outils de par leur forme et leur logique marqueront de façon
certaine les projets. Leur connaissance s’avère donc nécessaire afin de mieux juger des travaux
effectués par les différents corps constructeurs à savoir : Génie militaire, ingénieurs des Ponts-et-
Chaussée et architectes des Bâtiments Civils.
278
Xavier MALVERTI, « Ville et Régularité. Le corps du Génie », Communication, actes du colloque organisé par
le CEA en « Architecture urbaine » et la fondation Gulbenkian, Édit Picard, Paris, 1997. 279
Charles GOURLIER, Notice historique sur les services des travaux des Bâtiments civils à Paris et dans les
départements, Paris, 2ème
édition revue et augmentée par Charles QUESTEL, 1886 (1ère éd 1848), p.19.
Deuxième Partie Chapitre Troisième
182
Au-delà des outils techniques utilisés par les militaires lors de la construction ou la
transformation des villes en Algérien, il convient de faire un retour sur l’architecture militaire
dans l’histoire et plus précisément celle qui a eu le plus d’influence sur la formation de ces
militaires. C’est cette architecture militaire que doivent connaître les ingénieurs du génie, et
ensuite l’adapter aux contextes qui se présentent à eux.
3.2. Le Génie Militaire force française de construction.
Dès sa création, le Génie militaire se voit investi du devoir de construction des fortifications à
travers toute la France. La construction militaire obéit à ses propres lois à savoir les stratégies
d’attaque et de défense. L’Armée fixe ou en déplacement, depuis le XVIIème siècle, prévoit une
unité de sapeurs du Génie. Ils doivent créer les voies d’accès aux autres unités.
3.2.1. Les constructions défensives en France à la charge du Génie militaire.
Sous Napoléon, la France s’agrandit ; ce qui augmente les travaux de défense des frontières. La
France est découpée géographiquement en deux territoires : deux tiers au ministère de la guerre
(les places fortes, voies et canaux) avec les neufs dixième des richesses auxquels s’ajoutent le
partage des attributions entre les deux services (guerre et intérieur) pour la mise en place des
infrastructures et des bâtiments publics des villes nouvelles. Les ponts-et-Chaussées sont maîtres
de la voirie et des édifices publics, le génie conçoit les aménagements et les équipements
militaires. Les frontières sont défendues par des places fortes ; leur nombre, leur force ainsi que
leur situation obéissent obligatoirement à la stratégie de défense. Elles forment une chaine de
façon qu’aucun maillon de celle-ci ne puisse être touché sans que la chaine entière réagisse. La
chaine ainsi formée, constitue l’enveloppe du territoire à défendre.
La loi des Ponts-et-Chaussées du 19 janvier 1791280
soumet les projets des travaux (voix de
communication, ports de commerce recevant la marine) à une assemblée mixte composée de
commissaires des assemblées des Ponts-et-Chaussées et du corps du génie. Les résultats sont
soumis aux comités militaires et des Ponts-et-Chaussées de l’Assemblée Nationale. Jugulés dans
leurs actions, les ingénieurs des Ponts-et-Chaussées voient leur pouvoir diminuer.
De défensive la place forte est devenue offensive ; la nouvelle place forte napoléonienne bouge.
Le territoire aménagé militairement passe au mouvement. Ce qui hier était la solution militaire,
devient problématique : La nécessité de voies de communication nouvelles s’impose, la liaison
280
Collection complète des lois, décrets, ordonnances, règlements de 1788 à 1830, Sur Avis du Conseil d’état,
Tome 3, 2ème édit ; Édit Guyot et Scribe, Paris, 1834.
Deuxième Partie Chapitre Troisième
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des villes entre elles urge. Les voies sont utiles à l’armée. L’ancienne théorie de la chaine
obsolète car elle exigeait une distance maximale de 150 Km (trois jours de cheval) entre l’armée
et ses magasins, est largement dépassée. C’est pourquoi sont créées des nouvelles villes (places
fortes). Le cordon des places se mue en réseau, en un système de gestion totale des
interconnections : nœuds urbains, carrefours et embouchures. La route est considérée comme
moyen de contrôle territorial mais aussi comme un agent économique porteur de développement
industriel.
Le XIXème siècle introduira un autre type de voie : le chemin de fer. L’intérêt porté à ce dernier
est dû à son faible coût par rapport à la route pavée. Il rivalise avec le canal car plus rapide et ne
subit pas les affres des intempéries. Dés 1818 et après la Grande Bretagne, la France commence
à installer le chemin de fer mais sur des grandes sécantes car elle veut rentabiliser ses houillères.
Pourtant au début de ce siècle, l’état des routes françaises est désastreux. L’entretien et la
création de nouvelles voies coutent cher à l’État.
Dés 1802, en milieu rural, la vicinalité remet en valeur les liens entre bourgs, villages et
hameaux. Ce sont les municipalités qui en ont la charge. En 1825, les préfets confient la charge
de la vicinalité aux architectes-voyers. Ces derniers souvent surchargés, déclinent l’offre des
préfets et les travaux sont confiés à un agent principal qui réside au chef lieu et qui correspond
avec des agents en sous-ordre. En 1837, seuls 13 départements en métropole ont institué des
agences de vicinalité281
.
En Algérie, territoire militaire, ces derniers comme toutes les voies de communication sont à la
charge du génie militaire.
Vu le développement des communications, les plans reliefs établis par les ingénieurs du génie
(mode de représentation du à Vauban), sont remplacés progressivement par les « tables-rases »
de Cormontaigne où tout est porté par coordonnées polaires et où l’on applique les découvertes
du calcul différentiel et intégral. Les directeurs des fortifications doivent se familiariser avec les
nouvelles techniques des géomètres et des hydrauliciens. Les ingénieurs du génie tracent ainsi de
nouvelles voies de communications reliant les places fortes ; les ingénieurs géographes analysent
ainsi et de façon rationnelle l’espace à parcourir et à occuper.
281
Arsène Berteuil, op.cit.
Deuxième Partie Chapitre Troisième
184
Le décret du 13 fructidor de l’an XIII (13 août 1805)282
redéfinie les charges du Génie militaire :
C’est le ministère de la guerre et de l’intérieur qui apprécient les projets des voix et
des travaux sur les frontières.
Les préfets des départements et les directeurs des fortifications seront consultés.
L’inspecteur général du génie militaire et le comité Ponts-et-Chaussées donnent
ensuite leur avis sur les projets.
S’ils ne peuvent s’accorder, ils dresseront des procès-verbaux qu’ils soumettront à Sa
Majesté et dont le double sera adressé à leur ministre respectif.
Les travaux de routes, canaux de navigation, fleuves et rivières navigables, qui
traversent les places de guerre ou des portions de leurs fortifications, continueront à
faire partie des attributions du ministre de la Guerre, dans l’étendue même de ces
fortifications, ainsi qu’à cinq cents toises de la crête des chemins couverts.
Ces travaux seront exécutés par les officiers du génie militaire.
En cas de siège d’une place de guerre et pendant la durée du siège les officiers du
génie militaire seront exclusivement chargés dans ladite place, du service dévolu aux
ingénieurs des Ponts-et-Chaussées.
Il est nécessaire de bien connaître les méthodes de projection du Génie pour saisir la logique
globale d’urbanisation qui a découlé de la colonisation. Ces méthodes sont directement tirées de
l’architecture militaire en premier lieu et cela pour des raisons simples de sécurité, de contrôle et
d’économie. L’histoire des conquêtes ou expéditions passées sont aussi des leçons que vont
utiliser les ingénieurs du Génie pour concrétiser leur objectif.
3.2.2. Les outils techniques de conception du Génie militaire.
Les ingénieurs du Génie suivant des cours au niveau de l’école du Génie de Metz, adoptent dans
leurs conceptions les préceptes enseignés au niveau de l’école. Nous verrons plus loin, que la
régularité, l’économie dans tous ces aspects (budgétaire, gestion des sols et rationalité des
surfaces), fonctionnalité et visions globales des projets en sont les plus importants principes.
3.2.3.1. La régularité.
La première règle pour les ingénieurs du Génie est de se rapprocher le plus possible d’une figure
régulière pour tracer le périmètre de la ville (il faut se remettre dans le contexte de l’époque où la
ville est encore entourée d’une enceinte de défense). La forme de l’enceinte et l’emplacement
282
Collection complète des lois, décrets, ordonnances, règlements de 1788 à 1830, Sur Avis du Conseil d’état, Tome
3, 2ème édit ; Édit Guyot et Scribe, Paris, 1834.
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des portes de la ville dont est responsable le service du Génie, déterminent la régularité du tracé
des rues et des places. La ligne droite étant la plus courte donc la moins chère c’est elle qui sera
préférée aux courbes. Cette régularité sera plus facilement obtenue dans des sites plats. Si le
relief ne le permet pas, les ingénieurs du génie essayeront de s’en rapprocher le plus.
Dans la définition de la régularité283
nous retrouvons tous les concepts utilisés par le service du
Génie : répétition, constance et stabilité ; conformité aux dispositions légales, équilibre et
harmonie. Elle se confond avec la proportion, la symétrie et l’ordre. C’est dans un souci
d’économie et de rationalité spatiale que la régularité est recherchée. Elle prend son aspect le
plus rigoureux et le plus expressif dans le tracé de Sidi Bel Abbes284
: camp définitif militaire dès
1842. La régularité recouvre non seulement son sens géométrique : symétrie, orthogonalité et
égalité mais aussi un sens moral que suivent les ingénieurs du Génie. La symétrie sera, comme
dans les villes françaises, de mise dans les places mais aussi dans les façades des bâtiments
publics.
Les officiers du Génie s’efforcent de dessiner des ilots orthogonaux, de limiter les contraintes
d’ordonnancement et d’arcades afin de réduire les dépenses de construction.
Bélidor énonce clairement les règles à suivre pour la projection d’une ville régulière : « Quand
l’espace que l’on veut fortifier n’est pas occupé par des anciennes habitations, on ne doit rien
négliger pour faire régner dans l’intérieur de la place la plus grande régularité possible »285
.
Pour le Génie, il est indispensable de s’éloigner le plus possible des formes irrégulières qui
génèrent à leur tour un tracé irrégulier de la ville. Cette régularité permet, en cours de réalisation,
de modifier la position d’un édifice sans affecter le tracé d’ensemble. C’est cette même
régularité qui permet la transmission d’un projet engagé d’un ingénieur à un autre sachant que
ces derniers demeurent environ deux ans dans une Place. Le côté défensif n’est jamais oublié et
est pris en charge dans la conception dès le départ.
3.2.2.2. Le découpage du sol et les dimensionnements.
283
Régularité : Nom commun féminin, Caractère régulier et répété, Caractère constant et stable, Conformité aux
dispositions légales, Caractère équilibré et harmonieux, in Microsoft® Encarta® 2008. © 1993-2007 Microsoft
Corporation. 284
Xavier Malverti et Aleth PICARD, « Les Traces de ville et le Savoir des ingénieurs du Génie », Travaux de
recherches, École d’architecture de Grenoble, Ministère de l’Équipement et du Logement, Direction de
l’Architecture et de l’Urbanisme, Grenoble, 1988. 285
B. Forest de BELIDOR, «La science des ingénieurs dans la conduite des travaux de fortification et l’architecture
civile », Paris, 1728, p 223.
Deuxième Partie Chapitre Troisième
186
Les ingénieurs du Génie en traçant les villes, respectent les canons esthétiques du XVIIIème
siècle, proposant des plans répondant aux exigences techniques mais donnent une importance
particulière au dimensionnement des différentes parties de la ville : largeur des rues (largeur
suffisante au passage de trois chariots; dimension proposée par Vauban ) répondant à un souci
sécuritaire, mais aussi aux conseils des premiers hygiénistes dont la pluparts sont médecins,,
superficies des places ou des concessions particulières.
La ville étant entourée d’une enceinte, chaque mètre carré a une grande valeur ; c’est ainsi que
les surfaces sont rationnellement réparties. Les éléments de la ville sont minutieusement
quantifiés selon les objectifs visés.
Dans les villes déjà existantes, il leur faudra détruire en partie le tissu ancien (en plus des
destructions dues aux bombardements, s’ils ont eu lieu, notamment à Alger et Constantine), pour
tracer les rues que l’on voulait en réseau quadrillé. Le découpage du sol sera plus régulier dans
les villes nouvelles et les centres de colonisation. Il sera beaucoup plus difficile à réaliser dans
les anciens centres urbains (que l’on ne voulait pas entièrement détruire) où une population
existante in-situ, risque de se révolter à tout moment, mais aussi dont on a besoin comme main
d’œuvre à bon marché qu’il fallait préserver. Le découpage du sol tient compte du coté défensif
dans ces cas là. La place centrale étant de mode, sera traversée par les grands axes menant vers
les portes des enceintes ; ces mêmes portes sont le point de départ des grandes routes reliant les
villes les unes aux autres.
Si la topographie du site le permet, le quadrillage est aisément réalisé ; mais dans les villes
comme Alger ou Constantine les courbes de niveaux et la défense sont les premiers éléments
avec lesquels les ingénieurs du Génie composent. Les grands axes sont parallèles aux courbes de
niveau (plus larges donc plus chers à réaliser) alors que les axes secondaires leurs sont
orthogonaux.
3.2.2.3. La géométrie des dispositions.
Les centres de colonisation sont constitués de deux espaces : le quartier militaire et le quartier
civil de grandeurs et de conception différentes mais qu’il fallait relier. Ce problème de liaison est
d’autant plus accru lorsqu’il s’agit d’une ville déjà existante cas de notre étude. C’est en 1840
que les ingénieurs du Génie désignent le quartier militaire par « Plan de Masse » ; il ne sera
réutilisé qu’en 1950 pour nommer les plans des grands ensembles.
Deuxième Partie Chapitre Troisième
187
En règle générale les principes de solution pour les quartiers européens sont les suivant :
les ilots de résidence ont une dimension correspondant à deux maisons dos à dos ;
connaissant exactement le plan et l’assiette de chaque bâtiment militaire (de plus
grande dimension que les ilots de résidence). Les ingénieurs proposaient plusieurs
solutions de liaisons des deux quartiers :
le mur d’enceinte peut limiter les deux quartiers avec une large esplanade séparant
et reliant les deux ;
les établissements militaires occupant des surfaces plus petites sont placés en
bordure du quartier civil et les plus grands bâtiments sont placés le long de
l’enceinte pour plus de sécurité.
3.2.2.4. Les percées dans les tissus anciens.
Afin d’arriver au maillage désiré, des transformations des tissus anciens dans les villes
s’imposent. Ces transformations se matérialisent par des percées à travers le tissu. Très souvent
appelées « percées haussmanniennes », ces percées datent de bien avant l’arrivée du Baron
Haussmann à la préfecture de Paris le 23 juin 1853. Cette destruction partielle mais parfois
importante, plus de 70% de la ville d’Annaba permet le tracé facile des rues à travers les villes
ottomanes pour mieux les assujettir et les contrôler. En tant qu’entité dominante, les militaires
ont tous les droits d’exproprier les arabes pour des sommes assez minimes (loi du 16/09/1807).
Les indemnisations mettront plusieurs années à être allouées quand elles le sont. Les façades des
maisons arabes étant aveugles, elles ne présentent que peu d’intérêt architectural aux yeux des
européens en général et à ceux des ingénieurs du Génie en particulier. Ce qui permet la
destruction totale de certaines maisons et partielle d’autres maisons. Des techniques de
raccordement des anciennes rues aux nouvelles sont développées par le Génie.
3.2.2.5. Les arcades.
Les arcades ont fait leur preuve dès le moyen âge dans les villes européennes comme moyen de
protection contre les intempéries. Le fort ensoleillement de l’Algérie, et la présence des arcades
dans les maisons des médinas ont dans une certaine mesure officialisé leur usage durant le
XIXème siècle.
La solution des arcades en rez-de-chaussée le long des rues principales et des grandes places
(notamment à Alger) est proposée comme mesure économique puis comme protection solaire et
contre les intempéries. Cette solution est plus difficile à réaliser en Algérie vu le manque de
Deuxième Partie Chapitre Troisième
188
technicité sur place (les ouvriers qualifiés sont rares alors que la réalisation des arcades nécessite
la maîtrise des appareils de maçonnerie). Pour répondre aux colons qui voient la surface de leurs
magasins diminuer, c’est le trottoir qui est reporté sous les arcades et la largeur des rues
diminuée. Les arcades sont orientées vers Est et Sud-est, les trottoirs orientés vers le Nord et
l’Ouest ne comprennent pas d’arcades. Elles ne sont placées que dans les rues larges susceptibles
d’être fortement ensoleillées. C’est le cas des arcades du Cour de la révolution (ex cour
Napoléon puis Bertagna) ou de la Place d’Armes à Annaba et celles de la rue Abane Ramdane
(ex Rouault de Fleury) à Constantine.
3.2.2.6. Les plantations.
Afin de recréer le paysage familier mais aussi de se protéger contre le fort ensoleillement ou un
trop haut taux d’hygrométrie, les services du Génie sont chargés de planter des arbres bordant les
rues et au niveau des places et ce dans le même esprit de hiérarchisation des voies.
L’entretien de ces plantations revient au service du Génie et est comptabilisé aux municipalités
après leur instauration. A titre d’exemple l’entretien des arbres de la ville de Bône coûtait entre
100 et 150 francs par an286
. La plantation d’arbres revient moins chère que les arcades. Les
plantations sont préconisées par les architectes du XVIIème siècle comme un élément de confort
mais aussi de décoration extérieur pour les places, parvis au devant des édifices publics mais
aussi des trottoirs pour faciliter la déambulation l’été.
C’est dans ce but que les pépinières dotent les grandes villes algériennes. Les essences sont
soigneusement choisies par rapport au climat, à la consommation en eau des arbres (zones
pluvieuses et arides), la profondeur des racines (risque de contamination des soubassements et
fondations), gabarits et surfaces de couverture. Ces arbres confèrent aujourd’hui, dans les
quartiers coloniaux, un certain pittoresque au paysage. Ils sont d’autant plus appréciés en été.
3.2.2.7. Les plans d’alignement.
La forme organique de la ville arabe traditionnelle et l’étroitesse de ses rues ne sont pas pour
faciliter le travail des militaires. Le système d’égouts ou d’adduction collective de l’eau ne sont
pas généralisés dans la ville arabe. Ce sont autant de raisons pour l’application des plans
286
P.V de délibération de la municipalité de la ville de Bône années 1865 à 1877, archives municipales de la ville de
Annaba.
Deuxième Partie Chapitre Troisième
189
d’alignement des constructions. S’il a été aisé de les appliquer dans les villes coloniales, les
ingénieurs du génie ont eu recours aux percements dans les tissus anciens. Deux grands types de
percement ont eu lieu selon la largeur de la voie projetée :
les grands axes se devaient d’être complètement européens. Les hauteurs de façades, des
ouvertures et leurs alignements sont respectés. C’est le cas des rues de France, Caraman,
Nationale à Constantine ou les rues de Constantine et Danrémont à Annaba ;
les petits axes où les transformations sur le bâti n’ont concerné que les façades et les
ouvertures parfois.
Afin de mener à bien leur projet de construction de la ville coloniale qu’elle soit située sur un
ancien centre urbain ou bien nouvellement projetée comme centre de colonisation, le problème
du foncier s’est toujours posé aux différents intervenants d’abord militaires puis civils. Si au
départ ils ont considéré la ville prise comme butin de guerre, passé les premiers mois, les
militaires habitués à travailler dans un cadre formel, légal et rigoureux, se sont retrouvés face à
un vide juridique. Les correspondances à ce sujet sont fort nombreuses entre les commandants
des places et les autorités en France. Les litiges avec les arabes mais aussi entre municipalité et
militaires étaient nombreux et ont duré plusieurs décennies.
Conclusion
Le XIXème siècle fut le siècle où l’on enregistra d’énormes développements et d’évolutions dans
la pratique et dans la gestion spatiale. La révolution industrielle s’accompagna d’une
transformation dans les corps de métiers relatifs à la construction qu’ils soient ingénieurs
techniciens ou architecte. La construction tient désormais compte des évolutions des idéologues,
des médecins, des hydrauliciens et autres. Les ingénieurs du Génie ralliés par ceux des Ponts-et-
Chaussées vont adopter les nouvelles techniques. Ces ingénieurs qui avaient en charge la
construction des fortifications et des voies de communications se voient responsables des
constructions dans une Algérie nouvellement conquise. Ils eurent en charges le ces constructions
militaires mais aussi civiles durant les premières décennies et partagèrent ce rôle avec ceux des
ponts-et-Chaussées et des Bâtiments Civils ultérieurement. Ils y appliquèrent toutes leurs
connaissances et savoirs faire. Leurs réalisations obéissaient aux principes et enseignements
reçus à l’école du Génie de Metz. Parmi leurs premières réalisations, les hôpitaux militaires
normalement nécessaires en tant de guerre mais que les conditions sanitaires rendirent encore
plus importants.
Deuxième Partie Chapitre Troisième
190
Nous aborderons dans le chapitre suivant les conditions sanitaires qui sévissaient en France et en
Algérie lors de la conquête et durant les premières décennies de colonisation. Par ailleurs nous
traiterons également du système sanitaire établi en Algérie par la France.
Deuxième Partie Chapitre Quatrième
191
CHAPITRE QUATRIÈME
LES MILITAIRES FRANÇAIS ET LES PRÉALABLES À UN SYSTÈME DE SANTÉ EN
ALGÉRIE.
Introduction.
L’un des outils de propagande de la France lors de la colonisation fut la santé. Déclarant l’état de
santé des autochtones comme étant désastreux, se plaignant de l’inexistence d’infrastructures
sanitaires telles que connues en Europe, la France dès son arrivée en Algérie se voit contrainte de
pourvoir à la santé de ses soldats en premier lieu puis de ses citoyens en second lieu.
L’acclimatation des militaires et des civils ne fut pas sans conséquences sur leur état de santé.
Les épidémies que connut l’Europe durant cette période suivirent les contingents de l’armée. La
France se trouvait dans l’obligation d’assurer la couverture sanitaire de sa population en
métropole mais aussi de celle qui se trouvait en Algérie. Si les médecins militaires avaient à
soigner les blessures de guerre des soldats lors des campagnes menées en Europe, en Algérie ils
devaient faire face aux épidémies importées et aux endémies locales.
L’Algérie fut un large champ d’expérience pour ces médecins. Travaillant dans des conditions
très difficiles, ils eurent à soigner aussi les populations locales dont l’état de santé était devenu
un facteur économique. Une main d’œuvre à bon marché, n’était intéressante que si elle était
saine. La politique sanitaire d’une France déjà malade chez elle, devait être menée vers l’objectif
politique visé, à savoir le peuplement de l’Algérie par une population européenne saine qui
devait nourrir celle restée en France. Dans ce chapitre, nous verrons les conditions sanitaires qui
prévalaient dans les deux pays, l’organisation de la médecine en France durant les périodes de
conquête et de peuplement. Nous terminerons ce chapitre par les investissements de la France en
matière de santé en Algérie.
1. La santé en France.
Avant de nous intéresser à la politique sanitaire de la France en Algérie, il convient de connaitre
la situation sanitaire qui prévalait en France et en Algérie ainsi que le type de médecine qui
Deuxième Partie Chapitre Quatrième
192
s’exerçait dans les deux pays et cela durant la période de conquête mais aussi durant celle qui
suivra.
1.1. Les conditions sanitaires en France.
L’état de santé en France était tout aussi désastreux qu’en Algérie : tuberculose (pratiquement
inconnue en Algérie), maladies vénériennes, grippe, santé mentale, etc. L’Etat français se devait
de s’organiser à travers l’ensemble du pays. Si en Algérie, l’on avait peur des épidémies
militaires, en métropole c’était les endémies ordinaires qui dominaient.
L’insalubrité des logements était fort connue et était prise théoriquement en charge par l’Etat.
Depuis le décret du 14 décembre 1789, conformé par la loi du 16 – 24 août 1790, la compétence
en matière de salubrité appartient à l’autorité municipale par conseils sanitaires interposés. Cette
dernière forme la base de l’organisation sanitaire en France. La salubrité, si elle est prise en
considération par le gouvernement, cela s’est fait de manière très épisodique bien que par arrêté
(du 20 septembre 1831) ; une commission centrale (chargée de la salubrité et de l’hygiène287
publique) fut installée. Elle était constituée de 200 médecins, 60 pharmaciens et 13 architectes,
mais toujours en prévision du choléra qui s’annonçait.
La France connait, durant le XIXème siècle, différents régimes entre monarchies, empires et
républiques. Sous les différents régimes, le maire se verra soit élu soit nommé. Son statut d’élu
ou de nommé avait une incidence directe sur l’hygiène publique d’autant qu’il ne disposait pas
d’outils juridiques suffisants pour lui permettre d’être efficace. Il faut attendre la troisième
république pour voir le poste de maire définitivement pourvu par suffrage.
Sous le Second Empire, ceux sont les conseils sanitaires toujours les conseils sanitaires qui
gèrent la santé publique. Mais ces derniers étaient souvent constitués de membres étrangers à la
médecine. Seuls quelques conseils sanitaires des grandes villes comprenaient des médecins.
287
Hygiène : nf. : Du grec Hygieina (qui concerne la santé) : science qui traite de santé humaine, des règles et des
conditions d’existence nécessaires pour la conserver et l’améliorer. Hygiène publique : moyens dont les pouvoirs
publics se servent pour lutter contre la maladie, pour protéger la vie humaine. Hygiéniste : médecin s’occupant
particulièrement de l’hygiène.
Médecine : pendent longtemps, l’hygiène se limita à un ensemble de conseils et d’expériences que l’on retrouve
jusque dans les prescriptions des religions de l’Antiquité. Ce n’est qu’au XIXème siècle que l(hygiène devint une
véritable science, importante branche de la médecine.
Droits et économie sociale : l’importance croissante de l’hygiène a conduit les pouvoirs publics à se préoccuper de
plus en plus de la santé publique, dont la surveillance a été confiée à des organismes compétents. Contre la
tuberculose, des dispensaires et des sanatoriums ont été créés et d’importantes mesures de dépistage ont été prises.
La lutte antivénérienne et la lutte contre le cancer ont été également entreprises. La santé des enfants fait désormais
l’objet d’examens périodiques durant la scolarité. Les observations faites s’inscrivent sur le fascicule scolaire du
carnet de santé individuel. Plusieurs vaccinations sont obligatoires, Dictionnaire Pratique Quillet, Librairie Quillet,
Paris, 1974.
Deuxième Partie Chapitre Quatrième
193
Ceux sont les conseils généraux qui subviennent aux frais des conseils sanitaires (arrêté du 15
février 1849). Les budgets alloués aux services de santé, sous les différents régimes, sont très
maigres. Ces conseils sanitaires sont consultatifs et non exécutifs ce qui finit par les rendre tout à
fait inopérants. En 1853 on comptait 223 commissions de logements insalubres réparties sur les
43 départements de France. En 1883 seules cinq villes voyaient ces commissions fonctionner :
Paris, Lille, Le Havre, Roubaix et Nancy.
La loi du 5 avril 1884 relative aux communes les responsabilisait encore une fois de la
couverture sanitaire de la population, puisqu’elles comprenaient une commission du logement
insalubre. Cette loi ne protégeait nullement les propriétaires des logements : elle ne s’appliquait
que pour les logements mis en location. Les travaux de salubrité concernaient notamment :
le curage des puits et des fosses à purin ;288
le blanchiment des murs ;
les réfections d’enduits ;
les percements des croisées289
.
On reprochait notamment aux logements insalubres leur manque d’air, de lumière et de soleil.
C’est sous la Troisième République qu’apparaissent les premières lois effectives sur la santé
publique : 1873- répression de l’ivresse publique, 1874- protection du 1er âge, 1889- protection
des enfants moralement abandonnées ou maltraités. Les lois ainsi établies étaient l’œuvre du
docteur Théophile Roussel.290
La loi de 1902 mettait en place pour la première fois le Directeur de l’Assistance publique et de
l’hygiène au niveau du ministère de l’intérieur ; mais toujours sans instruments juridiques
effectifs qui lui permettraient d’être pratique. Les médecins siégeant au niveau des conseils
départementaux ne sont guère efficaces et loin du peuple.
L’armée ne devait pas s’occuper uniquement des corps constituants mais avait comme seconde
charge la préservation de la population civile contre les épidémies. Ce qui lui donna un statut
pour lequel elle n’était pas faite.
1.2. La militarisation de la santé en France.
288
Purin : partie liquide du fumier, Microsoft® Encarta® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. 3 Croisée : fenêtre à croisillons ou à meneaux, Microsoft® Encarta® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.
290
Théophile Roussel : Docteur, député de 1849 à 1871 puis de 1876 à 1877, Sénateur de 1883 à 1903.
Deuxième Partie Chapitre Quatrième
194
L’armée en Afrique ne fut pas la seule proie des épidémies mais en Europe aussi elle connut ses
épisodes épidémiques. La guerre de 1870, avec le brassage des populations, fut lourde de
conséquences pour l’armée. Aucune épidémie ne fut connue sur le front Ouest (durant la
Première guerre Mondiale) ce qui fit baisser l’attention sur le côté sanitaire. La fièvre typhoïde,
durant la première guerre mondiale et dès le début des combats, provoqua de vives alertes :
45 000 cas dont 8170 décès. C’est cette dernière épidémie qui rend obligatoire, en milieu
militaire grâce à la loi Léon Labbé (du 28 mars 1814) la vaccination anti typhique. Elle fut
régulièrement effectuée à partir de 1915. C’est la vaccination de l’ensemble du corps de l’armée
ainsi que des ouvriers des usines de guerre qui sauva l’armée française. Seul le paludisme
présentait encore de gros risques après 1918 : nous assistons là, à une inégalité face à la
protection sanitaire des populations civile et militaire.
Le service de santé militaire reçut dans ces circonstances, la tâche la plus lourde : réception des
blessés et simultanément, organisation de la lutte contre les épidémies que ce soit en milieu
militaire ou civil.
Toutefois devant cette mission ardue, le service de santé militaire fut mis à l’index pour son
manque d’hygiène, son abus de pouvoir envers le corps médical civil (lors des guerres), son
manque d’effectifs humain et matériel et son manque d’organisation. C’est pour ces raisons que
le parlement et le sénat mirent fin (18 juillet 1915) aux fonctions du Médecin Inspecteur
Troussains (Directeur du service de santé) pour le remplacer par un sous-secrétaire d’Etat,
autorité civile, Justin Goddard (du 18 juillet 1915 au 2 février 1918).
C’est en janvier 1917 que les médecins entrent dans les états-majors en tant que conseillers
obligatoires- nomination subséquentes auprès de chaque armée, avec le titre d’Inspecteurs
Techniques, de professeurs de faculté nommés en autant de « missi-dominici ». Mais, même la
politique socialiste de Goddard ne fait pas l’unanimité. On lui reproche sa lenteur dans la prise
en charge des blessés, la débâcle dans le service sanitaire, sa routine, l’insuffisance d’hôpitaux
d’évacuation et l’abandon des grands blessés sur le front. Il sera remplacé par Louis Mourier.
Pourtant, le corps de santé militaire ne formait plus sous le règne de Goddard, que l’ossature
d’un service de santé national puisque formé de 90% de praticiens mobilisés.
Le règlement du service de santé de 1890 édictait que les médecins militaires seraient appelés à
faire partie des conseils départementaux d’hygiène avec voix consultative. Nous assistons là à
une militarisation de l’hygiène publique : le médecin de l’armée est le « Maître ». Dans leur
Deuxième Partie Chapitre Quatrième
195
livre, L Murard et P Zylberman stipulent, à propos de ce décret : « plus généralement, le décret
resserrait les liens de l’organisation civile départementale en créant auprès des chefs de région
militaire, des adjoints techniques médicaux aux pouvoirs exceptionnellement étendus, supérieurs
à ceux des maires, et en mettant à la charge du budget de l’Etat les dépenses afférentes. »291
A cette fin, une circulaire invitait le 22 août 1914, les préfets à organiser des circonspections
sanitaire - environ 2000 – dirigées par un médecin délégué sous l’autorité des adjoints
techniques.
C’est ainsi que la protection de l’eau potable, l’enlèvement des immondices et spécialement des
fumiers et la suppression des causes permanentes des souillures du sol furent réalisés pour la
plupart des communes par l’armée. A l’arrière des lignes de front, la médecine militaire prend
pied dans la médecine civile.
En 1910, on comptait dans l’armée française un vétérinaire pour 264 chevaux alors qu’un seul
médecin militaire est prévu pour 421 hommes d’effectif. En 1914, il manque à l’armée plus de
700 médecins. Devant l’ampleur de sa tâche et ce manque d’effectif, l’armée fut contrainte de
mobiliser la majorité des médecins civils : plus de 80%. À l’armistice, l’armée disposera de
21 181 praticiens dont 1707 actifs et 19474 mobilisés. Ce sont les civils qui à leur tour se
retrouvent manquant de couverture médicale. Malgré cela, le gouvernement donne encore la
priorité à l’armée, personnel mais aussi hôpitaux, équipements médicaux, laboratoire, etc.
Cela se solde par des hécatombes civiles dues essentiellement à la tuberculose puis à la grippe
venue des États-Unis. La grippe s’avéra plus grave car n’étant pas considérée comme une
épidémie, elle n’était pas soumise à la déclaration obligatoire. Les déplacements des populations
civiles (migration et colonisation) et militaires ne fit qu’aggraver la propagation. C’est suite à
cela que le ministère de la santé et de l’hygiène publique fut créé en 1920.
Ce dernier héritera des 219 fonctionnaires municipaux ou départementaux ; ils sont parfois
pharmaciens ou praticiens. Pour les médecins cela se présentait fort souvent plus comme un
honneur personnel que comme mission publique. Cette dernière se résumait en :
l’assainissement des localités et des habitations ;
la prévention des épidémies, épizooties et endémies ;
la propagation de la vaccination ;
291
Lion Murard et Patrick Zylberman, L’hygiène publique dans la République. La santé en France, ou l’utopie
contrariée 1870-1918, Édit Fayard, Paris 1996, p 543.
Deuxième Partie Chapitre Quatrième
196
l’organisation des secours aux malades indigents ;
les conditions sanitaires des populations ;
la salubrité des ateliers, casernes, écoles, prisons et asiles ;
les enfants trouvés ;
aliments et boissons ;
grands travaux d’utilité publique : ports, canaux, fontaines, égouts,
cimetières et voiries.
Du point de vue technique, la construction doit beaucoup aux médecins de grande culture
générale. Certaines de leurs techniques, comme l’injection (injection de béton pour
l’étanchement des canaux) sont utilisées. C’est à un médecin que nous devons les formules de
flexion et le module d’élasticité : Thomas Young.
Au reste, les veillées d’arme et les champs de batailles de la Révolution et de l’Empire sont des
lieux où se côtoient les ingénieurs, chirurgiens et médecins. Ces derniers sont porteurs d’une
nouvelle idéologie médicale : l’hygiène. Elle fut mise peu à peu en application par les
techniciens, sous l’égide des conseils de salubrité et grâce aux nouveaux matériaux et aux
nouvelles techniques de fondations (étanchéité donc salubrité).
2. Les conditions sanitaires en Algérie à la colonisation.
Les rapports des différents médecins militaires en poste en Algérie décrivent l’état sanitaire des
populations comme étant désastreux ! La mortalité infantile était égale pratiquement à la moitié
des naissances. Le pays souffrait de Dysenterie, de Paludisme, de Variole, de Trachome et de
Syphilis, à l’état endémique et de temps à autre d’épidémies de Peste et de Choléra.
Vu les conditions climatiques auxquelles les français n’étaient pas habitués ces endémies furent
la raison d’une mortalité importante parmi les civils et les militaires.
La promiscuité des camps puis des villages de colonisation, le manque d'hygiène élémentaire
entraîné par le manque d'eau ou par sa mauvaise qualité, le défrichage des zones de marécages,
l'importation en Afrique du Nord du choléra venu d'Europe et du Levant vont provoquer des
hécatombes successives chez colons, les militaires et les autochtones292
.
292
Louis Pozzo di Borgo, Les paquebots de la malle d’Algérie 1830-1962, Édit Atlantis, 2000.
Deuxième Partie Chapitre Quatrième
197
La première épidémie de choléra apparaît en France en 1830, au Portugal en 1832 et en 1833 en
Espagne. En 1834 les immigrants l’introduisent à Mers El Kabîr. L’épidémie se propage vers
l’est. En 1835, c’est au pénitencier d’Alger qu’on dénombre 600 victimes puis à l’hôpital du
Jardin du Dey alors hôpital militaire, puis ce sont les casernes qui subissent le même sort. En
1835 c’est au tour de Bône de connaître l’épidémie venue encore une fois par la mer. Elle y
réapparaît en 1837 importée cette fois-ci de Marseille. Le régiment contamine le corps
expéditionnaire de Constantine puis la ville elle-même ; elle est nommée épidémie militaire.
Les puissances riveraines qui ont des côtes au bord de la mare nostrum luttent pour leurs intérêts
commerciaux et favorisent le commerce maritime qui connaît une grande expansion par l'arrivée
des navires à vapeur consommateurs de charbon. Les ports sont alors en compétition par leurs
équipements, non seulement techniques mais aussi par ceux concernant le maintien de la santé
publique en installant dans les villes portuaires des lazarets (Alger, Oran et Bône). La gestion des
quarantaines appliquées aux navires et passagers est en effet l'un des instruments politiques
employés pour consolider un avantage commercial.
Au début de 1833, sur les 5500 hommes de la garnison de Bône, cernée par les marais de la
Boudjimah et l’embouchure marécageuse de la Seybouse, 4.000 ont été admis, pour des périodes
plus ou moins longues, à l'hôpital militaire pour fièvre intermittente, et du 15 juin au 15 août on
avait enregistré 300 décès. La situation dans les autres régions du pays était également très
préoccupante : dans tous les corps de troupe, " un fiévreux sur seize en mourait.
Ceci a été un argument de taille pour les politiques français qui prônaient " l'occupation
restreinte " de l’Algérie voire même le rapatriement du corps expéditionnaire et " l'abandon de
l'Algérie ".Face à l’état de santé de ses troupes, même Bugeaud se prononça alors contre la
conquête qu'il estimait politiquement et économiquement, stérile.
Si nous tenons à relater ici les différentes épidémies c’est qu’elles ont joué un grand rôle comme
nous venons de le voir dans l’installation d’une infrastructure sanitaire considérée comme large
par les français293
.
2.1. La médecine.
L’essentiel de l’action sanitaire des militaires français a été fait durant la période qui s’étale de la
colonisation jusqu’à la première guerre mondiale. Le XIXème fût le siècle où la médecine a été
293
L. Abid, « Les épidémies de choléra en Algérie au cours du 19ème siècle », Site www. santemaghreb.com, 4
décembre 2006.
Deuxième Partie Chapitre Quatrième
198
utilisée comme moyen de propagande, de pénétration et d'information. Le XXème siècle et
jusqu'au recouvrement de l'indépendance, marque la marginalisation progressive de la population
locale et l'accès de quelques musulmans aux études médicales.
2.2. Les établissements sanitaires.
A la colonisation, la fondation d'un véritable réseau sanitaire se précise avec l’implantation de
123 hôpitaux, de très nombreux laboratoires de recherche, d'innombrables dispensaires,
d'antennes médicales itinérantes, avec des médecins – il est vrai qu'à l'origine, on les appelait
médecins de « colonisation » - se répandant dans les douars et les mechtas, et payant trop
souvent de leur vie (puisque eux-mêmes soumis aux conditions climatiques et environnementales
identiques), le recul, voire l'éradication des épidémies, des maladies endémiques: paludisme,
trachome, choléra, typhus294
. C'est ainsi que naissent et se développent des institutions médicales
telles :
hôpitaux295
militaires ;
dispensaires296
contre la propagation de la syphilis et des MST et contre la variole ;
lazarets297
au niveau des ports d’Alger, Oran et Bône ;
294
A-M.Moulin, « Expatriés français sous les tropiques. Cent ans d’histoire de la santé », in Paris. La santé des
expatriés et des immigrés, actes de la 2ème
journée française de la médecine des voyages organisée par L’institut
Pasteur, Paris, 3 mai 1996. 295
Hôpital : nom commun - masculin (hôpitaux). ADMINISTRATION établissement public apte à recevoir en
consultation et à soigner les personnes nécessitant des soins ou une intervention chirurgicale. Institution charitable
qui recevait gratuitement les pauvres ou les malades (vieilli), Microsoft Encarta, 2009, 1993-2008 Microsoft
Corporation.
Hôpital : n.m. (du latin hospitale (bâtiment où l’on reçoit des hôtes)) ; lieu aménagé pour recevoir les malades, les
blessés. HISTOIRE : les établissements hospitaliers sont d’origine purement chrétienne. Primitivement destinés aux
pèlerins, ils existent d’abords à Jérusalem, où, au IVème siècle, des nobles dames romaines retirées là pour pratiquer
les vertus chrétiennes sous la direction de St Jérôme, accueillirent en deux établissements les malades et les
convalescents. Elles furent imitées en de nombreuses villes de le IVème siècle. En occident, aux V, VI, VIIème
siècles, de grands personnages rivalisèrent avec le clergé dans la fondation d’hôpitaux, notamment à Lyon, Reims,
Paris. La lèpre venue d’orient, lors des croisades, accrut la nécessité de ces initiatives charitables (2000 léproseries
en France au XIIIème siècle). Nombre de congrégations d’hommes ou de femmes se formèrent pour soigner les
malades. Le Concile de Vienne, au XIVème siècle ordonna la sécularisation des établissements hospitaliers qui
commencèrent à être régis par les laïques. Les léproseries disparurent avec la cause de leur création, mais d’autres
fondations ne cessèrent de s’organiser, Dictionnaire Pratique Quillet, Librairie Quillet, Paris, 1974. 295
Dispensaire : nom commun - masculin (dispensaires) : établissement public ou privé donnant des soins médicaux
gratuits, Microsoft Encarta. 2009. 1993-2008 Microsoft Corporation.
Dispensaire : n.m : centre de diagnostic et de traitement où les assurés sociaux peuvent recevoir tous les soins ne
nécessitant pas une hospitalisation. Ceux-ci sont parfois délivrés aux personnes nécessiteuses de façon gratuite. Le
dispensaire joue un rôle important dans le dépistage de certaines maladies (syphilis, tuberculose). Il suit l’office
public d’hygiène sociale (OPHS), Dictionnaire Pratique Quillet, Librairie Quillet, Paris, 1974.
297
Lazaret : nom commun, masculin (lazarets). MÉDECINE secteur réservé au contrôle sanitaire et à l'isolement des
contagieux dans un port ou un aéroport. Secteur d'isolement des malades contagieux (dans un hôpital), Microsoft
Encarta. 2009. 1993-2008 Microsoft Corporation.
Deuxième Partie Chapitre Quatrième
199
Dès le début de la colonisation, les français ont développé un système hospitalier militaire
suivant la présence de leurs troupes et/ou colons. Les progrès des troupes à l'intérieur du pays
exigèrent la création de nouveaux hôpitaux dans les garnisons. Ces hôpitaux militaires étaient
ouverts aux fonctionnaires, aux colons et aux autochtones. On en comptait 38 en 1845.
1830 : hôpital du Dey à Alger d'une capacité de 1200 lits. Alger : 1er
Hôpital militaire,
réaménagement de la maison de plaisance d’Hussein Pacha dernier Dey d’ Alger
appelée : Jardin du Dey ;
Fig.50 : Premier hôpital militaire « Jardins du dey »
Source : Jean-Marie Millerin298
.
1831, pour les besoins du corps d'occupation décimé par le paludisme, la dysenterie, s'est
ouvert l'hôpital de la Salpêtrière et le lazaret de la rue Bab-Azzoun
Lazaret : de l’italien Lazareto : m.s, dans les ports, établissement pour isoler pendent un temps plus ou moins
lonlong, appelé quarantaine, les personnes et les marchandises susceptibles d’introduire une maladie contagieuse
dans un pays. HISTOIRE : les lazarets apparaissent à Venise au Moyen Âge et à la fin du XVème siècle, en France,
où, destinés à lutter contre la peste, ils furent établis sur la méditerranée. ÉTYMOLOGIE : le mot trouve son origine
dans l’évangile selon Saint Luc pour désigner le pauvre lépreux de la parabole du mauvais riche. Nous le retrouvons
sous ST Lazare, nom de l’ancienne léproserie créée au faubourg St Martin, à Paris, aujourd’hui démolie,
Dictionnaire Pratique Quillet, Librairie Quillet, Paris, 1974. 298
Jean-Marie Millerin, La médecine militaire en cartes postales 1880-1930, édition Jacques Gandine, Paris, 2002
Deuxième Partie Chapitre Quatrième
200
Fig.51 : Alger : caserne de La Salpêtrière
(Construite sur une mosquée et une fabrique de salpêtre)
Source : Jean-Marie Millerin299
1832 : hôpital d'Oran ;
1833 : hôpital de Bône transformation de la mosquée Abou Marouane ;
1835 : hôpitaux de Douéra et de Mostaganem ;
1837 : Hôpital de Guelma ;
1843 : 22 hôpitaux, 15 dans l'algérois, 5 dans l'Oranie et 1 dans le Constantinois ;
1/08/1854 : Inauguration de l'hôpital civil de Mustapha Pacha où un cours de médecine
fut organisé en mai 1855.
Fig.52 : Hôpital Mustapha Pacha : les pavillons
Source : Jean-Marie Millerin300
299
Jean-Marie Millerin, 2002, op.cit. 300
Idem.
Deuxième Partie Chapitre Quatrième
201
Les médecins militaires furent rapidement épaulés par des médecins de colonisation avant que
les civils puissent assurer un service suffisant. L’effort se porta à la fois sur l’équipement
hospitalier (objet de notre intéressement) et sur des campagnes prophylactiques (vaccinations,
distribution de quinine, cuti-réactions, gouttes, etc.…) en ville et dans l’arrière pays.
Fig.53 : Ain Beida : Hôpital militaire
Source : Jean-Marie Millerin301
Fig.54 : Ain Djelfa : Hôpital militaire
Source : Jean-Marie Millerin302
301
Jean-Marie Millerin, 2002, op.cit. 302
Idem.
Deuxième Partie Chapitre Quatrième
202
2.3. Fonctionnement des équipements sanitaires.
Ces hôpitaux s'adressaient d'abord aux européens ; les algériens autochtones devaient bénéficier
d'infirmeries indigènes implantées près des regroupements de tribus. Très peu disposaient d'un
médecin permanent. En 1845, 18 médecins sont affectés dans les principales villes d'Algérie. Ils
étaient secondés par 14 praticiens ruraux.
En 1845 une ordonnance instituant des médecins de colonisation a été signée suivie le 30 juin
1847 par une circulaire créant un service de santé auprès des bureaux arabes et imposant la tenue
d'un registre d'observations médicales. Trois médecins sont affectés au niveau des bureaux
arabes dans les rois provinces du pays.
Devant une situation sanitaire très précaire, la population autochtone continuait donc à faire
appel à la médecine populaire traditionnelle telle qu'elle se pratiquait avant l'occupation
française. Cette population dont le niveau de vie était bien en deçà de celle des européens était
considérée comme indigente par la France ; après l’installation de la municipalité, cette dernière
prenait en charge pécuniairement et les indigents et le salaire du personnel médical civil affecté
dans les hôpitaux militaires et les dispensaires303
.
Il faut toutefois rappeler que la population autochtone faisait rarement appel à la médecine
française durant cette période et considérait les hôpitaux comme moratoires des plus démunis.
Par ailleurs l’hospitalisation d’un malade arabe était soumise au passage obligatoire aux douches
avec rasage du crâne et habillage de camisoles ; ces actions étaient perçues comme avilissantes
par les arabes. Si les européens avaient droit à un lit les malades arabes ne disposaient, durant
cette fin du 19ème
siècle que de sommaires couches à même le sol dans des dortoirs appelés salles
communes. Cette ségrégation finissait par rendre les hôpitaux répulsifs aux yeux des arabes.
2.4. L’assistance publique.
Lors du débarquement des troupes françaises en 1830, aucune organisation d'assistance n'existait
en Algérie. Les médecins ne suffisaient même pas à la population européenne. Devant cette
pénurie, un appel des autorités coloniales fut adressé aux missions caritatives :
les sœurs de la Doctrine Chrétienne s'installèrent à Constantine ;
les sœurs Trinitaires à Oran ;
les sœurs de Saint Joseph à Alger.
303
Archives municipales de la ville de Annaba, P.V et Budgets des municipalités de Bône des années 1865-92
Deuxième Partie Chapitre Quatrième
203
Fig.55 : Alger : Asile de vieillards de Bouzaréah
Source : Jean-Marie Millerin304
,
La première tentative d'organisation méthodique d'assistance aux indigènes, fut faite à Boufarik
qui n'était pas alors la perle de la Mitidja, mais fut longtemps célèbre comme le tombeau des
colons. Un médecin militaire, le Docteur BRISCARD, en 1834, donna des soins et délivra des
médicaments aux populations qui accouraient en foule et en 1835 ; lors de la fondation du
village, le Docteur POUZON installa une tente avec 15 lits pour l'hospitalisation.
Plus tard, avec la stabilité et la tranquillité, l'assistance publique s'intensifie. En 1850 est créé à
Alger, rue Zama, sur l'initiative du docteur BERTHERAND, un hospice musulman ; jusqu'alors
l'assistance était assurée presque complètement par les médecins militaires qui ont rendu des
services appréciables.
De nombreux hôpitaux civils furent créés : celui de Mustapha en 1853, celui de Bône en 1858,
celui d'Ain-Temouchent et de Saint-Denis-du-Sig en 1861, celui de Constantine en 1869, celui
de Bougie en 1870, de Ménerville en 1875 etc.,. Il faut préciser que ces premiers hôpitaux civils
étaient faiblement équipés en matériel et en personnel soignant qualifié. Très souvent établis
dans d’anciens bâtiments sommairement réaménagés, ils fonctionnaient à l’aide de dons émanant
de l’église et les membres de celle-ci.
304
Jean-Marie Millerin, 2002, op.cit.
Deuxième Partie Chapitre Quatrième
204
En 1867 et 68 le choléra, le typhus, déciment la population mais font naître un généreux
mouvement d'assistance. Le Cardinal LAVIGERIE recueille de nombreux orphelins et les
installe dans des villages de la plaine du Chéliff. Après la guerre de 1870, en accord avec le
gouvernement général, il crée les hôpitaux uniquement indigènes de Saint-Cyprien-les Attafs et
de Biskra avec installation et nourriture adaptées à leurs mœurs. En 1893 le gouverneur général
CAMBON demande aux Pères Blancs de créer d'autres hôpitaux semblables dans l'Aurès et les
territoires du Sud. En 1930 l'Assistance Publique en Algérie comprend : 19 hôpitaux civils, 33
hôpitaux militaires, 83 hôpitaux auxiliaires, 70 infirmières visiteuses.
Les infirmières visiteuses faisaient partie d'un plan de Monsieur le Gouverneur Général
VIOLLETTE qui, à la cession extraordinaire de 1925 présenta un projet d'assistance aux
nourrissons et aux femmes indigènes en couches, par des sages-femmes qui devaient parcourir
les douars à dos de mulet pour assurer les accouchements. Il y avait aussi 97 auxiliaires
médicaux, 104 médecins de colonisation. Le nombre total de médecins d'Algérie est de 702.
Extraits de textes 1930305
.
2.5. La formation médicale.
Janvier 1832 : les médecins militaires français qui ont évidemment du pain sur la planche avec
les soins aux armées auxquels vient s'ajouter la prise en charge d'une population totalement
démunie, décident alors de se constituer des renforts en formant eux-mêmes, sur place, les cadres
médicaux dont ils ont un besoin criant. Ils improvisent donc, à Alger, un premier « Hôpital
Militaire d'Instruction » avec des bénévoles militaires. C'est cette École qui engendrera cette
brillante Université qui, un siècle plus tard, rivalisait honorablement avec les meilleurs
établissements de France. À la fin des années 50, juste avant la grande explosion universitaire,
près de 10000 étudiants se répartissaient déjà, chaque année, dans les différentes Facultés
d'Alger, malgré l'émigration vers la métropole de bien des étudiants arabes
L'enseignement médical européen a démarré en 1833 où un cours de pathologie fut dispensé à
Alger. Il était bien sur réservé aux européens et se déroulât à l'hôpital militaire du Dey (Bab El
Oued)306
.
1849 la société de médecine d'Alger fut créée ;
1850 (et jusqu'en 1959) un cours d'accouchement a également été ouvert ;
305
« L’assistance publique en Algérie », in www.afn.collections.free.fr. 306
Mediana Delaye-Lastrajoli, « Alger, son hôpital du Dey futur hôpital Maillot, naissance de l’université d’Alger »,
in Université d’Alger- cinquantenaire 1909-1959- historique des chaires, Revue du Gamt, N° 79, mars 2002.
Deuxième Partie Chapitre Quatrième
205
enfin l'école de médecine d'Alger fut créée par décret le 3 avril 1857.Théoriquement
ouverte également aux algériens, elle ne comptait que 5 arabes inscrits en 1865 ;
de 1875 à 1878, l’école a enregistré l'inscription de 85 étudiants en médecine qui ne
pouvaient effectuer que les deux premières années d'étude. A partir de la troisième année,
ils étaient obligés de se rendre en métropole ;
de 1879 à 1909 un seul diplômé algérien en médecine ;
En 1939, on comptait 200 diplômés universitaires d'origine autochtone dont 41 médecins,
22 pharmaciens et 9 dentistes ;
en 1954, à la veille du déclenchement de la révolution, le nombre de diplômés était de
165 médecins, pharmaciens et chirurgiens dentistes.
2.6. La recherche et les médecins militaires en Algérie.
Le terrain fût aussi favorable pour le développement de la recherche et l’établissement d’une
renommée mondiale (allant jusqu’au prix Nobel) de certains médecins militaires, notamment le
Dr Maillot a qui on attribue le premier remède à la malaria ancien nom du paludisme. Il fut
appelé comme Médecin Ordinaire à Alger le 20 août 1832. Nommé médecin Chef à l’Hôpital
Militaire de Bône307
, le 4 mars 1834, il est confronté à une hécatombe de malaria dans toute
l’armée d’Algérie.
Le Docteur Maillot fut un des premiers à rechercher la nature et les causes du mal et en trouva le
traitement et la guérison. A la suite de nombreuses observations, il en vint à conclure au
caractère palustre (dû au paludisme) des fièvres d’Algérie qui jusqu’alors avaient été traitées
comme la fièvre typhoïde. Rompant avec les idées de l’École, il abandonna les saignées tant
prônées par le Docteur François Broussais (1772-1838) et prescrivit le sulfate de quinine à haute
dose, substance découverte sans doute avant lui, mais peu connue et peu employée jusqu’alors
toujours à faible dose. Il quitte Bône à la fin de l’hiver 1835308
.
D’autres historiens algériens tels que Hassen Derdour dans son livre 25 siècles de vie
quotidienne à Annaba, attribue la découverte du remède du paludisme à Ibn Sina ou à Er- Razi.
Le Dr Maillot médecin militaire en poste à Bône durant l’épidémie de 1833 avait remarqué
l’immunisation que semblaient développer les musulmans face à la malaria. Après enquête, il
307
Dr Jean Tremal, Un siècle de médecine colonial française en Algérie (1830-1929), deuxième édition, Imprimerie
J. Aloccio, Tunis, 1929 308
« Clément Maillot », in biographie- archives de l’Institut pasteur, in www.pasteur.fr.
Deuxième Partie Chapitre Quatrième
206
découvrait que ces derniers prenaient un remède appelé « Dakhoua » qui consistait en du sulfate
de quinine ; ce dernier était déjà connu et utilisé par les populations d’Amérique latine309
.
Le travail du Dr Maillot sera poursuivit par le Dr Laveran en poste à l’hôpital militaire de
Constantine et obtinrent ainsi tous les honneurs que nous connaissons. En 1878, Laveran est
affecté aux hôpitaux de la division de Constantine, et successivement à ceux de Bône, Biskra et
Constantine, où il est promu en 1879, médecin major de 1ère classe. C'est à Constantine, en
1880, que Laveran décrit dans le sang d'un soldat paludéen, des corps sphériques pigmentés
identifiés à l'hématozoaire du paludisme, découverte fondamentale aussitôt rapportée à
l'Académie de Médecine et à l'Académie des Sciences.310
Le médecin-Major Alexandre Cassagne, en disgrâce, affecté à Sétif dans un régiment de
« joyeux », se lance dans l’interprétation des tatouages puis dans l’anthropologie en utilisant les
mensurations des soldats de son régiment afin d’établir le profil de « l’homme criminel ». Ce qui
lui permet d’accéder à la chaire d’hygiène et de médecine légale au Val De Grâce. De retour en
Algérie, il se consacre à la formation médicale311
.Ces travaux sur la médecine légale et
d’hygiène ainsi que sur la criminologie seront de grande renommée.
Le médecin-Major Henry Foley occupa différents postes dans les hôpitaux militaires en Algérie
du nord et du sud. Il est reconnu pour ses travaux sur la fièvre récurrente et le typhus il fut
surnommé le « médecin du Sahara » ; ceci le menèrent jusqu’au poste civil de responsable de
l’institut Pasteur d’Alger312
.
L’Algérie offrait toutes les conditions de recherche sur les maladies dites de colonies pour les
médecins, pharmaciens et bactériologistes militaires. Toutefois nous retiendrons les noms
(d’ailleurs ancrés dans la mémoire populaire algérienne) des deux médecins Maillot et Laveran :
militaires en poste en Algérie et spécialement à Constantine et Annaba.
2.7. Les militaires et le thermalisme (cas de Hammam Meskoutine et Béni-Khalil).
Très peu de temps après leur entrée en Algérie, les militaires ne tardèrent pas à avoir
connaissance des eaux d’Hammam-Meskoutine et de Hammam El Louane. Nous rapportons ici
le plus important des écrits de deux médecins officiers militaires ayant contribué au
développement des deux stations thermales dans un but médical.
309
H’sen Derdour, Annaba 25 siècles de vie quotidienne et de luttes, SNED, Alger 1982. 310
« Alphonse Laveran », in biographie- archives de l’Institut pasteur, in www.pasteur.fr. 311
« Alexandre Cassagne », in biographie- archives de l’Institut pasteur, in www.pasteur.fr. 312
« Henry Folley », in biographie- archives de l’Institut pasteur, in www.pasteur.fr.
Deuxième Partie Chapitre Quatrième
207
En 1837, la colonne expéditionnaire qui devait faire le siège de Constantine installait un camp
permanent à Medjez-Amar, à 5 kilomètres des sources.
Hammam-Meskoutine fut exploré et, en1831, M. le pharmacien aide major Tripier était chargé
par M. Guyon, chirurgien en chef de l’armée d’Afrique, de faire l’analyse des eaux ; savant
consciencieux et chimiste de talent, il fit de cette analyse une étude remarquable, à laquelle ses
successeurs eurent peu de chose à ajouter.
En 1843, M. le médecin inspecteur Bégin, président du Conseil de santé des armées, se trouvant
en tournée d’inspection en Algérie, vint visiter Hammam-Meskoutine. Il fut frappé de
l’importance de ces eaux thermales et, un an après, sur son rapport, le Ministre de la Guerre
décidait la création d’un hôpital militaire. Cet hôpital fut installé sur la rive gauche du Chedakra,
d’oliviers séculaires. Composé d’abord de baraques en planches, destinées, les unes à loger les
malades et le personnel, les autres à recouvrir les piscines et les bains de vapeur, il se
perfectionna petit à petit; l’hôpital proprement dit fut construit en maçonnerie, et plus tard, en
1872, le génie militaire installait au-dessus des piscines une construction solide; celle-ci abrite
des piscines romaines restaurées.
Cet établissement était ouvert pendant trois mois au printemps, il recevait en dehors des malades
militaires, les fonctionnaires et employés des différentes administrations ainsi que les malades de
l’Assistance publique. Ceux qui ne pouvaient pas y trouver place se logeaient sous les tentes.
En 1858, M. le docteur Moreau, ancien médecin de l’armée, demanda et obtint la concession de
l’exploitation de l’eau thermale.
Ce fut le premier fondateur de l’établissement civil, qu’il plaça sur la rive droite du Chedakra,
assez loin des cours d’eau pour ne pas craindre l’infection palustre, et sur un plateau tufacé
absolument sec ; l’emplacement était on ne peut mieux choisi, le moment l’était peut-être moins
bien. M. Moreau devançait de beaucoup les événements ; il avait imaginé, de faire d’Hammam-
Meskoutine un établissement thermal de premier ordre, à l’instar des plus somptueux d’Europe,
il y aurait réuni, avec tous les perfectionnements et tout le confort désirable en hydrothérapie,
tous les raffinements de plaisir, de distraction et d’amusements que recherche généralement le
baigneur en même temps que sa guérison, et peut-être bien même, avant celle-ci.
Deuxième Partie Chapitre Quatrième
208
L’Algérie était alors une terre lointaine et peu visitée ; les voies de communication y étaient rares
et difficiles ; un établissement de ce genre ne pouvait pas réussir ; aussi M. Moreau succomba-t-
il à la peine en 1870, sans avoir vu réaliser une de ses chères illusions.
Son tombeau est situé à deux pas de l’hôtel dans une grotte naturelle formée par des sédiments
anciens de l’eau thermale ; il repose, d’après sa dernière volonté, dans un sarcophage romain
trouvé dans les environs.
Les deux établissements fonctionnèrent concurremment jusqu’en 1881, date à laquelle le
Ministre de la Guerre remit au propriétaire civil l’exploitation complète des sources, avec ses
constructions et ses appareils balnéaires, en lui imposant de recevoir chaque année à charge de
remboursement un certain nombre de militaires; au lieu du nombreux personnel qui était envoyé
auparavant, un seul médecin-major fut détaché chaque année pour soigner les militaires
hospitalisés313
.
Parmi les productions géognostiques que le sol algérien pourra offrir aux investigations des
naturalistes, il en existe un peu éloigné d’Alger.
Il s’agit de la source d’eaux thermales et minérales qui se trouve sur les terres de la tribu de Béni
Khalil, à l’extrémité est sud est de la Mitidja.
Cette source, connue depuis longtemps par les autochtones, et dont le docteur Méardi a été lui-
même à portée d’apprécier les effets salutaires pendant les huit années qu’il a passées à Alger en
qualité de médecin attaché au consulat de Sardaigne, s’échappe d’un vallon arrosé par une
branche de l’Harrach, et entouré de montagnes escarpées et arides à l’est, d’une pente douce et
d’une fertilité remarquable au sud.
Ce lieu est nommé par les autochtones : Hammam-El Louan (bain de couleur), en raison peut-
être de la couleur légèrement opaline de l’eau de la source, et d’une incrustation blanchâtre
qu’elle dépose aux environs. Sa saveur est très salée, mais sans amertume ; sa température est de
25 à 26 degrés Réaumur. « Les personnes qui l’ont fréquentée disent qu’il règne dans cet endroit
une odeur de soufre très prononcée, et néanmoins l’analyse aussi exacte que possible qui a été
faite de cette eau n’a révélé aucune parcelle de cette substance. Il serait possible cependant qu’à
l’état gazeux elle s’évaporât en sortant de la terre.
313
J Moreau : Médecin-major de l’Hôpital militaire de Bône, Eaux thermales d’Hammam-Meskoutine, Imprimerie
Dagand, Bône, 1858.
A Piot : Médecine de l’hôpital militaire de Constantine, Trois saisons à Hammam-Meskoutine 1890-1891-1892,
Société d’éditions scientifiques, Parie, 1893.
Deuxième Partie Chapitre Quatrième
209
Son analyse, à laquelle le docteur Méardi a procédé d’accord avec M. Marie, pharmacien major
de l’hôpital militaire du Dey, a donné les résultats suivants :
Son poids spécifique est à l’eau distillée comme 1,000 est à 1,025.
Un litre d’eau a donné les produits suivants :
1° Hydrochlorate de soude (sel de cuisine)..............0,022 000 gr ;
2° Hydrochlorate de chaux.......................................0,001 000 gr ;
3° Carbonate de chaux..............................................0,000 500 gr ;
4° Sulfate de chaux...................................................0,001 000 gr ;
5° Silice.....................................................................0,000 500 gr ;
6° Trace d’oxyde de fer, à peine perceptible.................................
Total sur le litre............................0,025 000 gr.
« Partant de ce résultat, et, en supposant même qu’il ne soit pas de la dernière exactitude, je
n’hésiterais pas moins à affirmer que l’usage de ces eaux peut à peu près égaler celui des eaux
thermales de France, telles que celles connues de Plombières, de Bourbonne-les-Bains
(analysées par Bosq et Bezu), dont on a fait en tout temps un pompeux éloge, et celles de
Balarue (analysées par M. Brougniart). Il me serait difficile d’énumérer ici les vertus
thérapeutiques de cette source, dont les habitants du pays, même ceux des contrées les plus
éloignées, viennent chercher les effets salutaires pour guérir les diverses maladies dont ils sont
atteints. Je me bornerai à dire que sa réputation est méritée, puisque le docteur Méardi a été à
même de constater ses propriétés énergiques dans le traitement d’un grand nombre d’individus
musulmans ou juifs, et que ses résultats ont toujours été satisfaisants ».
Elle offrit à l’armée et à la population des moyens curatifs plus forts et plus prompts que ceux
que la médecine mit à leur disposition. Elle parût surtout propre à combattre les affections
cutanées rebelles, et particulièrement une espèce de dartre assez commune dans le pays, qui
paraît avoir quelque analogie avec le « yaws » des Éthiopiens; les douleurs rhumatismales ou
arthritiques, les engorgements des articulations dans les affections chroniques de l’utérus, et dans
les obstructions abdominales314
.
Si le thermalisme était connu depuis toujours en Algérie, c’est aux militaires français que revient
sa forme moderne et son utilisation scientifique à but thérapeutique.
314
Arsen Berteuil : Pharmacien en chef des Hôpitaux militaires de l’armée d’Afrique, L’Algérie française, Tome 1,
Dentu libraire-éditeur, Paris, 1856.
Deuxième Partie Chapitre Quatrième
210
2.8. Architecture et urbanisme sanitaires.
Les plans d’alignement, les premières opérations d’urbanisation étant du ressort des militaires,
nous essayerons donc de mettre en exergue le rôle de ces derniers lors de l’installation du
système sanitaire dans les différents corps constituants (médinas et ville coloniale) Constantine
et Annaba ; certes proches géographiquement mais différentes non seulement dans leurs
fonctions militaire et civiles mais aussi dans l’intérêt qu’elles avaient aux yeux des colons.
Les militaires peuvent être considérés comme « hygiénistes » selon la terminologie en usage
chez les architectes et urbanistes. En dehors du système destruction / construction, une autre
forme de politique militaire fut adoptée la ségrégation des populations.
La politique des percées étant à la mode en France et ayant fait ses preuves militaires, elle fut
adoptée en Algérie. La morphologie du site ainsi que celle de la médina de Constantine ont
contribué fortement à cette séparation. Ainsi la population musulmane et juive (avant
l’apparition du décret Crémieux octroyant des avantages à la population judaïque)315
ont été
cantonnées dans le périmètre de la vieille cité, quant à la population européenne elle s’est vu
attribuée les logements de type européen nouvellement construits sur les percées avant
l’extension de la ville européenne.
La prise de Annaba a eu pour résultat la désertion de celle-ci par la majorité de la population
locale quelque soit sa religion, et la venue massive, et ce dès le mois d’avril de l’année qui suivit
sa prise, d’étrangers appelés en grand nombre et ayant des différentes origines comme
corailleurs, ouvriers spécialisés ou agriculteurs afin de pourvoir à la colonisation par peuplement.
A la fin da même année, Annaba française comptait 6000 habitants dont plus de la moitié étaient
européenns, avec 500 arabes, l000 turcs (donc 1500 autochtones) et 1 français civil. En 1897 elle
comptait 33 000 européens (hors français de souche au nombre de 6600)316
, qu’il fallait loger et
protéger mais dont il fallait aussi se protéger.
Si à Constantine les décisions étaient simples - Arabes et judaïques à l’intérieur de la médina et
européens dans les logements construits pour eux - il n’en est pas de même à Annaba où nous
assistons à une autre forme de ségrégation : français de souche séparés des autres européens. De
nouveaux quartiers sont construits mais de façon spécifique aux différentes nationalités : quartier
315
Archives d’Outre Mer, Dossier F80/ 524 et 525 traitant du Sénatus-consulte. 316
Archives municipales de la ville de Constantine, Recensements de la population en Algérie années : 1897.
Deuxième Partie Chapitre Quatrième
211
Ste Anne aux maltais, quartier Mercis aux espagnols, Joinonville aux Italiens, la ville moderne
aux français de souche (corses compris) et la médina aux arabes et aux judaïques.
Il est aisé de comprendre que les différentes populations ne bénéficièrent pas de façon égale des
idées hygiénistes des ingénieurs du génie militaire. Ce sont les logements arabes qui eurent droit
en dernier au système d’égouts, de la nécessité de salles d’eau dans tous les logements. Si
l’exigence de l’ensoleillement des logements était de mise dans les logements nouvellement
construits, ceci n’était plus le cas dans les maisons arabes qui ne se trouvaient pas sur les
percées. Ce qui nous pousse à poser la question suivante : est-ce vraiment dans un but hygiéniste
que les ouvertures des façades arabes sont agrandies ? Ou bien est-ce juste pour un souci
esthétique des percées ?
Les plans d’alignements avec tout ce qu’ils comportaient comme idées hygiénistes ont d’abord
été appliqués aux quartiers européens. Là aussi il fait remarquer que les immeubles destinés aux
français de souches (d’une certaine classe) sont de meilleure qualité non seulement du point de
vue architectural mais aussi du point de vue hygiène : les toilettes ne sont pas exigées pour
chaque logement mais pour un immeuble ; nous relèverons qu’il en était de même en métropole.
Il en est de même pour la plantation d’arbres le long des nouvelles artères (dont les essences sont
soigneusement choisies en fonction des microclimats des villes) et du pavage des rues en
remplacement du macadam jugé insalubre.
Nous comprenons que le souci porté à la santé des autochtones était secondaire. Par ailleurs ces
derniers ont beaucoup perdu avec le système des percées car leurs logements correspondaient à
leur climat et à leur mode de vie. Tous ces changements ne sont pas sans effet sur la santé
physique et morale de la population arabe.
Un programme de M Jonnart devait permettre de doter les arabes des tribus et des villes , d’un
système d’assistance médicale mettant à leur portée et à l’aide de ressource budgétaires
relativement peu importante, les conseils de praticiens et les médicaments.
Conclusion
Ainsi que nous venons de le voir, les conditions sanitaires des français étaient désastreuses aussi
bien en France qu’en Algérie. Les épidémies connues en Europe au XIXème siècle, furent
transportées en Algérie par les bateaux des contingents militaires. Par ailleurs les conditions
climatiques furent difficiles à supporter par les populations non habituées au climat chaud de
Deuxième Partie Chapitre Quatrième
212
l’Algérie. En outre ce n’est que durant ce siècle que l’on voit apparaitre les premières règles
d’hygiène, qui étaient auparavant rudimentaires.
Cette méconnaissance de l’hygiène et des moyens de propagation des maladies n’ont fait
qu’aggraver l’ampleur des épidémies. Si la France connaissait des difficultés pour une bonne
couverture sanitaire sur son propre territoire et avait e recours aux médecins militaires afin
d’assurer le minimum, il est clair qu’elle en rencontrerait de plus grandes dans un pays avec
lequel elle était en guerre et au climat différent.
Nous avons vu précédemment pourquoi l’investissement des français en matière de santé en
Algérie était important. Le peuplement de l’Algérie étant son objectif, elle se devait d’assurer
une prise en charge médicale, non seulement de ses propres citoyens mais aussi des autochtones
considérés comme main d’œuvre à bon marché. Les investissements de la France, en matière de
santé en dehors des hôpitaux, touchèrent aussi l’enseignement de la médecine et le thermalisme.
Deuxième Partie Conclusion
213
Conclusion de la deuxième partie.
Sous la régence ottomane, l’Algérie était divisée en trois provinces. Elle était gérée par le dey et
ses deux beys installés dans chacune des provinces. La coordination ente ces derniers et les
autochtones se faisait par l’intermédiaire des Caïds. Les turcs étaient installés dans les cités alors
que les garnisons, essentiellement des kouloughlis, étaient installées dans les villes de garnison à
l’instar de Mila dans le beylik de Constantine. Ces villes de garnison formaient les bases arrière
de l’armée ottomane. Si les ottomans ont très peu investi dans l’urbanisation et la création de
voies, nous leur reconnaissons leur apport en matière d’hygiène par la construction de fontaines,
bains mais aussi d’aqueducs et l’ l’instauration de ramassage des ordures. De même religion que
les autochtones ces introductions ne furent qu’une continuation naturelle du système sanitaire
arabe. La médecine arabe en générale et la musulmane en particulier est fondée sur l’hygiène, la
diététique mais aussi sur les idées , la philosophie, l’anatomie, la psychologie , la superstition, les
pathologie, la toxicologie et le climat et les sens dont la musicologie entrait en thérapie.
À la conquête, l’Algérie ne possédait pas d’hôpitaux tels que connus en Europe. Ce qui rendait la
couverture sanitaire en matières de soins d’abords militaires puis civils, difficiles.les besoins
normaux se sont vu accentués par une acclimatation pénibles pour les civils et militaires d’une
par et par les endémies locales et les épidémies venues d’Europe d’autres parts. Par ailleurs la
France elle-même était en manque de personnel soignant sur son propre territoire. Elle se
trouvait donc contrainte à prodiguer des soins aux militaires, aux civils européens amenés dans le
cadre du peuplement et aux civils algériens en tant que main d’œuvre à bon marché et
susceptibles de transmettre les maladies. Malgré cela l’Algérie offrait d’énormes potentialités
économiques à une France dont l’économie se trouvait en difficulté.
Durant La période de conquête puis de colonisation, la France connut plusieurs régimes lesquels,
afin de réglementer la colonisation puis le peuplement, établirent des lois et règlements qui se
sont vu réaménagés au fil des changements politiques. Seulement ces derniers avaient le même
objectif expansionniste qui leur permettait de réaliser leurs projets de colonisation et de
peuplement. Le foncier fut à la base de ceux-ci, notamment en intramuros où la densité du tissu
est extrême. Ces lois et règlements affectèrent aussi le statut des autochtones dans l’État français.
L’Avènement de la IIIème république mit fin à ces changements.
Deuxième Partie Conclusion
214
Le XIXème siècle fut le siècle où l’on enregistra d’énormes développements et d’évolutions dans
le domaine de la construction. La révolution industrielle engendra de nouveaux corps de métiers
relatifs à la réalisation mais aussi un revirement dans l’enseignement et la pratique de
l’architecture et des espaces urbains ; il vit la genèse de l’architecture moderne et de l’urbanisme
opérationnel. Ceux-ci prennent particulièrement en considération les notions des idéologues, des
médecins hygiénistes, des hydrauliciens et autres ingénieurs dans les conceptions. Ce sont ceux
du Génie militaires et ceux des Ponts-et-Chaussées qui vont adopter en premier les nouvelles
techniques.
Les services du Génie ayant en charge la construction des fortifications et des voies de
communications en Algérie appliquèrent ces idées nouvellement acquises. Ils furent suivis dans
leur action par ceux des Ponts-et-Chaussées et des Bâtiments Civils plus tard.
Les ingénieurs du Génie avaient reçu un enseignement spécifique dans l’École de Metz. Cet
enseignement prônait la régularité, l’économie dans la gestion des budgets et des espaces, la
fonctionnalité et un regard globalisant des projets concernant la place à fortifier ou à aménager.
Leurs actions acquirent plus d’importance au regard des problèmes sanitaires rencontrés en
Algérie.
Ces derniers ne furent pas spécifiques à l’Algérie, car la France connaissait aussi les épidémies,
la tuberculose, la syphilis mais aussi le manque de médecins. Elle faisait appel aux médecins
militaires pour assurer la couverture sanitaire des civils, durant une période où les idées
hygiénistes commençaient à s’imposer au Monde même de façon rudimentaire.
Les militaires durent faire face aux endémies locales, à l’acclimatation, aux blessures de guerre
mais aussi aux épidémies importées avec les contingents militaires et civils appelés dans une
visée de peuplement. Ce qui eu pour corolaire les investissements de la France, en matière de
santé qui touchèrent aussi l’enseignement de la médecine et le thermalisme.
Troisième Partie Introduction
215
TROISIÈME PARTIE
LES CASERNEMENTS ET FORTIFICATIONS ET LEURS IMPACTS
À ANNABA ET Constantine.
Introduction.
La conquête armée d’un pays en vue d’une colonisation induit automatiquement l’installation du
conquérant dans le pays conquis. L’armée après les campagnes se sédentarise et occupe les lieux.
L’armée française, comme nous l’avons vu dans la première partie, constituée de plusieurs corps
avait un besoin pressant de bâtiments pour abriter ses soldats. Elle agit en Algérie comme toute
autre armée conquérante et victorieuse, c'est-à-dire en s’appropriant en premier lieu les anciens
casernements puis les bâtiments civils qu’elle trouve sur place317
. L’édification des fortifications
obéit à des règles, comme nous l’avons vu dans la seconde partie318
, auxquelles les maréchaux de
camps ne peuvent déroger et que nous essayerons de retrouver lors de notre analyse.
Les équipements militaires se différencient par la fonction qu’ils abritent. Sous le terme
d’équipements militaires nous entendons tout équipement appartenant à l’armée. Ils peuvent
relever du système défensif (fortifications 319
, blockhaus et forts, etc.), de logements (les
casernements320
), de l’arme train (les écuries pour chevaux, ânes ou abris pour leurs attelages) et
tous les équipements de service et annexes que nous retrouvons sous la forme civile (les
tribunaux, prisons, hôpitaux, clubs, etc.), permettant à la société militaire de fonctionner en
autarcie (forges, ateliers d’entretiens, dépôts, fours à chaux, poudrerie, abattoirs et boucherie,
etc.). Certains sont intégrés aux différents casernements des différents corps d’armée, d’autres
sont isolés et au service de l’ensemble des corps d’armée.
Si dans les nouveaux projets les concepteurs sont membres du Génie ou de la direction des
fortifications, il n’en est pas de même dans les projets de rénovation et de développement. Dans
317
Place : nf. Place ou place forte, ville de guerre, forteresse. Fortifier, assiéger, attaquer une place.- Bureau de
commandement d’une place.- Place d’armes, lieu spacieux destiné à des revues, à des exercices militaires.
Dictionnaire Quillet de la Langue Française, Librairie Aristide Quillet, Paris, 1948. 318
Cf. Supra, Deuxième Partie, Chapitre Troisième, Sous-chapitre 3.1.1.2 l’Enseignement suivi par les ingénieurs
du Génie militaire. 319
Fortification : nf. Ouvrage de défense (tranchées, abris, boyaux, fortins, forts, etc.) ou ensemble des ouvrages de
défense d’une ville, d’une contrée. Dictionnaire Quillet de la Langue Française, Librairie Aristide Quillet, Paris,
1948. 320
Casernement : nm. Ensemble des bâtiments d’une caserne. Dictionnaire Quillet de la Langue Française, Librairie
Aristide Quillet, Paris, 1948.
Troisième Partie Introduction
216
une même caserne chaque commandent de corps est responsable du projet de son bâtiment (dans
les cas d’amélioration, de développement, etc.). Seulement, il doit se soumettre au Directeur des
Fortifications (pour des raisons de sécurité intérieure, défense extérieure et attaque) puis au Chef
du Génie (pour des raisons de stratégie globale, de technique et d’économie). Ces deux derniers
ont une vision plus générale de la Place.
La prise de deux villes, Constantine et Annaba, s’est déroulée de manière tout à fait différente.
L’une s’est rendue et l’autre a été conquise par les armes après deux expéditions. Cette conquête
n’est pas sans conséquences sur le bâti (destruction partielle de la ville de Constantine) ni sur le
nombre de soldats en place. Par ailleurs la topographie du site, jouant un rôle déterminant lors
des campagnes militaires, est totalement différente d’une ville à une autre : Annaba est situé en
bordure de mer alors que Constantine est juchée sur un rocher avec comme limite un canyon de
grande profondeur (variant de 50m à 180m). Les limites naturelles des deux cités vont avoir des
implications importantes dans leur développement spatial.
En outre, Annaba et Constantine diffèrent dans leur statut durant la période ottomane et sont
donc différemment aménagées. Les ottomans comme nous l’avons vu précédemment n’ont pas
effectué de grand travaux de construction en Algérie, se limitant aux casernements et à quelques
palais et mosquées. Ce sont donc peu de bâtiments de grande ampleur que trouveront les français
à leur venue.
Constantine, ville de garnison, chef lieu du beylik, inclut en son enceinte le palais du Bey, la
citadelle de la Casbah et la caserne des janissaires. Alors que Annaba, simple ville portuaire et de
transit, ne comprend que quelques forts le long de l’enceinte face à la mer et une citadelle (plus
petite que celle de Constantine) extramuros et surplombant la ville. Chacune des deux villes
conquises, comprend une citadelle qui sera donc le premier bâtiment militaire français dans la
ville conquise. L’armée française, pour loger ses troupes, réquisitionnera tous les bâtiments qui
lui sont nécessaires : casernes, palais, mosquées, maisons et caravansérails (fondouks). Il est à
noter que la garnison de la Place de Constantine, sous les ottomans, est située à Milla. Cette
dernière joua le rôle de base arrière de l’armée ottomane ; elle comprenait malgré sa petite taille
une casbah abritant son armée de kouloughlis. C’est de Milla que partaient les troupes lors des
campagnes offensives, les troupes se trouvant à Constantine n’assuraient que la défense de la
cité. La casbah de Mila représentait au regard de l’armée française une même importance qu’elle
eut durant la période ottomane.
Troisième Partie Introduction
217
Le renforcement de la Place de Constantine incluait ainsi celle de Mila. Nous tenons à le préciser
afin de comprendre comment et pourquoi les casernements de la ville de Constantine au début de
la colonisation se sont établis dans et autour de la ville.
Dans cette partie nous essayerons de voir comment les militaires français ont agit sur l’espace
bâti et non bâti puisque les villes se sont développées en premier lieu à l’intérieur des enceintes
puis ont débordé. Les espaces intramuros se sont vite révélés insuffisants vu la politique
française de développer le peuplement même si à l’origine cette idée n’était pas le but en soi de
la conquête. L’évolution de l’idée politique est immédiatement suivie d’une évolution spatiale.
Nous étudierons, à travers les casernements et les fortifications comment se sont effectuées
l’installation des troupes puis l’édification des équipements militaires. L’impact sur le bâti et le
non bâti serra traité conséquemment. Si les plans d’alignement et de redressement ont libéré des
assiettes qui ont servi à la construction de nouveaux immeubles, ces derniers ne suffisaient plus à
contenir une population européenne de plus en plus importante, mais aussi réticente au
côtoiement des autochtones. L’extension des villes s’est imposée de fait et c’est aux militaires de
prévoir et de concevoir les villes européennes.
Troisième Partie Chapitre Premier
218
CHAPITRE PREMIER
LES CASERNEMENTS ET FORTIFICATIONS ET LEURS IMAPCTS À ANNABA.
UNE IMPLANTATION INTRAMUROS.
Introduction.
La présence des français à Annaba est antérieure à la conquête française puisque de 1801 à 1815,
le Dey accepte la présence française à Annaba. En 1830, le général Danrémont prit la ville mais
ne la conserva pas suite à une campagne organisée par le Bey Ahmed de Constantine. Il faut aux
français, attendre mars 1832, pour occuper définitivement la ville. Cette dernière devint la base
d’opérations pour les français. Elle ouvrait une voie d’accès dans l’intérieur et permettait
d’atteindre Constantine par l’Est. « Bône avait tout intérêt à échapper à l’emprise du Bey Ahmed
Ben Cheikh de Constantine »321
.
Le port de la ville constitue depuis plusieurs siècles le principal atout. Il est le plus important du
beylik de Constantine. « Bône, était une place de premier ordre aux points de vue maritime,
militaire et commercial322
». Au point de vue commercial, c’était le débouché de toutes les
richesses de l’intérieur : cuirs, laines, grains,….
Annaba ottomane, se présentait comme une petite ville du littoral sécurisée par son enceinte, par
la citadelle qui la surplombait et par une série de petits forts installés le long de la côte.
La ville de Bône est située au fond d’une rade. Elle était un refuge pour les navires de cette côte
abrupte et elle permettait de surveiller la pêche de corail. Bône se présente comme un
« mouillage d’été » alors que les sites voisins du fort génois se présentent comme un « mouillage
d’hivers ». Bône apparait donc accessible de la mer quelque soit la saison et sans frais immédiats
d’aménagement de ces deux mouillages.
En dehors de la citadelle de la casbah, qui est située à l’extérieur de l’enceinte, et de quelques
sanctuaires et mosquées, la ville ne comprend pas de bâtiments importants.
1. La ville de Bône : atouts et contraintes.
Dans le mémoire militaire de 1832323
, la ville est décrite dans son cadre physique naturel et bâti.
La ville de par sa position géographique et sa topographie ne présente aucune similarité avec
321
Maitrot capitaine, Bône Militaire. 44 siècles de luttes du XXIVème avant au XXème siècle après notre ère, Édit
Imprimerie centrale A.-M. Mariani, Bône, 1912. 322
Idem. 323
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 847, Article 1, N° 03, en date du 24
juin 1832.
Troisième Partie Chapitre Premier
219
Constantine. Sa position géographique lui confère une fonction toute autre que celle de
Constantine et qui est directement liée au port.
L’enceinte de la ville ayant environ 1600 mètres de développement, est un quadrilatère irrégulier
dont deux cotés sont baignés par la mer. Elle est qualifiée de mauvaise muraille, pourtant elle est
flanquée de tours multiples et extrêmement petites avec quelques décrochements lui donnant un
meilleur flanquement ; cette muraille est percée de quelques créneaux dans sa partie supérieure,
sa hauteur varie de six à dix mètres. Des arceaux qui y sont appuyés intérieurement, ou bien des
surépaisseurs, supportent dans une grande partie de son développement un rempart dont la
largeur varie de 0.5 à 2 mètres. En plusieurs endroits ce rempart n’existe pas et la circulation est
interrompue.
Fig.56 : Plan de Bône entre 1832 et 1836
Source : site web324
La partie de l’enceinte qui relie la porte de Constantine au fort Cigogne, est bâtie sur la plage et
apparait comme la plus sûre.
D’après ce mémoire, l’enceinte disparait au-delà de ce fort sous des maisons dont elle a été
encombrée et à travers les ruines desquelles existent plusieurs sentiers qui descendent jusqu’à la
mer et qui sont très propices à faciliter des attaques surprises. C’est par cette partie de l’enceinte,
que les ottomans de Constantine ont enlevé la place au mois de mars 1832.
324
www.kolea-bone.net,
Troisième Partie Chapitre Premier
220
Les deux fronts du côté de la terre sont précédés d’un petit fossé qui parait avoir été creusé plutôt
comme égout que comme réelle défense.
Cette enceinte est percée de quatre portes :
la porte de la mer ou Bab Bhar renommée : Porte de la marine donnant sur la plage ;
la porte de la casbah située sur le point le plus élevé de l’enceinte de terre à sa jonction
avec l’enceinte de mer. Cette porte débouche sur le chemin qui mène au fort génois ;
la porte Zikhan sur le front nord-ouest renommée ; Porte Damrémont et qui mène vers les
sanctuaires des sept santons : « Sabaa Er-Rgoud » ;
la Porte de Constantine situé dans l’angle ouest de l’enceinte sur le front de la plaine. Elle
est protégée, à l’extérieur, par un fortin ou « Bordj ». la route de Constantine y aboutie.
En avant de cette porte se trouve un caravansérail.
Si nous reprenons ce descriptif c’est qu’il induit tous les travaux de fortification à faire et dans
l’ordre d’urgence.
2. Les casernements et Les fortifications.
Les premiers travaux des militaires français concerneront les fortifications et les casernements.
Dans son livre « Bône militaire », Maitrot décrit la première organisation militaire de la ville.
« On fit remise à l’artillerie de 4 canons en batterie dans la casbah….. l’officier du Génie,
capitaine Ballard, fit aménager le logement des soldats, déblayer les rues et ouvrir des voies de
communications de dix mètres de largeur….. ; il y eut aussi les rues d’Armandy, Yussuf, du
Couëdid…le médecin organisa un hôpital dans la mosquée de Sidi Marouane…l’officier
d’administration des subsistances installa ses magasins près de la porte de la Marine…. On
établie un marché du côté de la route de Constantine avec un poste d’un peloton…. ». Le 15 mai
1832 le général Mok d’Uzer pris le commandement de la place.
Les fortifications existantes avant la prise, se composaient de la casbah, des batteries des
Caroubiers et des Cazarins, du fortin des Santons et du fort Génois. La ville n’ayant pas la même
fonction que Constantine sous l’empire ottoman, n’était pas organisée et ne comportait pas les
mêmes édifices. Aussi les équipements trouvés sur place n’ont pas l’ampleur.
La qualité de l’enceinte ainsi que la fragilité de la place due à sa topographie et à la présence de
marécages, engendrent les travaux suivant :
Troisième Partie Chapitre Premier
221
réparation du mur d’enceinte fortifiée par des blockhaus envoyés de France tous faits. Ils
étaient construits en planches et avaient la forme d’un carré de 6m de côté avec 44
créneaux à l’étage supérieurs ;
installation du premier poste fortifié de blockhaus au pied de l’Edough pour protéger
l’aqueduc, le deuxième en avant du pont des Khérasas ( au niveau de la plaine ouest), le
troisième sur le mamelon est d’Hippone et un quatrième au pied de la casbah afin de
protéger le premier Lazaret situé au delà de la Grenouillère ;
agrandissement du rempart et construction de celui-ci dans les parties où il est inexistant
induisant la destruction de certaines maisons ;
création du chemin de ronde qui devra cerner la cité ;
construction du mur d’enceinte dans sa partie la plus haute à la suite de la démolition des
maisons qui recouvraient l’ancien mur ;
renforcement du fortin de la porte de Constantine ;
élargir et approfondir le fossé sur les fronts de terre. Les terres qui proviennent de cet
agrandissement serviront à couvrir les pieds de la muraille ;
construction d’un retranchement au niveau de la colline des Santons. Ce retranchement
est insuffisant et la construction d’un fortin est nécessaire ;
fortifications des sanctuaires dont trois font partie de l’enceinte. Ces deniers sont
crénelés. le plus avancé des trois sera surmonté d’un étage de manière à former un
blockhaus ;
aménagement du caravansérail occupé par les hommes de troupe ;
aménagement d’un chemin couvert entre le caravansérail et la porte.
2.1. La logique d’implantation des casernements et fortifications.
Le mémoire325
décrit ici aussi un scénario d’attaques soit par les arabes venant des terres
intérieures soit par les européens venant de mer. Ce scénario permet au Génie de justifier
l’emplacement des futurs équipements militaires mais aussi les améliorations et travaux de
réfection à faire. Bône étant située sur le littoral se trouve non seulement en position de faiblesse
par rapport à l’intérieur du pays non encore entièrement conquis, mais aussi face à un ennemi
européen venu de la mer.
325
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 847, Article 1, N° 03, en date du 24
juin 1832.
Troisième Partie Chapitre Premier
222
Les travaux prévus pour la porte de Constantine et le caravansérail apparaissent comme
suffisants pour défendre la place sur son front ouest. Par contre le chef du Génie et le directeur
des fortifications de la place redoutent tous deux la colline des Santons ainsi que les sanctuaires
qui s’y trouvent, jugés petits « Ribat » et donc soumis à la volonté musulmane et par de la même
au Bey de Constantine. Le front Nord-ouest devrait être plus fortifié. « On peut dire sans
exagérer que de l’occupation de ce point dépend la conservation de Bône »326
. Nous comprenons
ainsi l’installation d’une redoute sur la colline ainsi que celle du casernement de la cavalerie en
amont de cette redoute et face à la porte Danrémont. Cette redoute et les baraquements des
Santons seront cédés temporairement en 1860 aux Bâtiments Civils, pour une jouissance sans
redevances. Cette cession n’a pu être faite que lorsque le magasin à poudre de la Régie a pu être
construit sur le plateau des Santons.
Ce front se retrouve renforcé par la présence du retranchement, du blockhaus de la porte
Danrémont et de la redoute et du casernement situés entre les deux. Cet ensemble permet non
seulement de défendre la place dans sa partie faible mais aussi de surveiller la plaine. Il est à mi-
chemin entre la casbah et la porte de Constantine.
La casbah dont le mur d’enceinte se développe sur une longueur de 600m, est jugée d’assez
bonne défense. Sa situation, couronnant le mamelon, ainsi que sa forme orientée vers la mer font
qu’elle répond aux attentes défensives d’un fortin situé sur le littoral mais défendant une place.
Le mémoire la décrit comme ayant le même caractère architectural que les constructions de la
ville. Cependant son enceinte est jugée de meilleure qualité et le rempart présente assez de
largeur en certains endroits permettant de recevoir de l’artillerie. Son seul point faible est son
petit côté au Nord. Le génie le protègera par l’installation d’une batterie.
Le front de mer sera donc fortifié et ce jusqu’au fort gigogne. Au-delà de la ville et jusqu’au fort
génois, l’installation de batteries d’artillerie dirigées vers la mer trouve son explication dans la
peur d’une attaque européenne. Le fort génois assisté d’une batterie (29) assurera la défense des
plages de mouillage. Car les plages de la côte ouest sont très peu profondes ce qui empêche tout
débarquement à leur niveau.
Les travaux prévus à l’extérieur de la ville permettent aux militaires de défendre dans l’immédiat
la place d’une attaque qu’elle vienne de la mer ou de la terre.
326
Maitrot capitaine, 1912, op.cit.
Troisième Partie Chapitre Premier
223
La casbah et les casernements et le caravansérail existants ne peuvent accueillir de nouveaux
hommes de garnison comme l’exige le système de défense d’une ville aussi importante du point
de vue stratégique et économique. Ce qui exigeait donc l’appropriation de maisons en attendant
la construction de nouveaux casernements et de nouvelles fortifications.
Dans l’apostille de 1839, concernant le budget alloué à la location de maisons pour le
casernement et les services nous avons relevé le nombre de 44 maisons réquisitionnées pour le
logement des officiers. Cette appropriation a été menée de façon à obéir à la logique de guerre,
c’est-à-dire cerner la ville par la garnison. Donc à la ceinture physique de l’enceinte se superpose
la ceinture humaine. Une ville qui s’est rendue ne présente pas de danger réel. L’ennemi venant
de l’extérieur, c’est donc sur le pourtour de la ville que vont camper les hommes. Bône est ainsi
ceinturée trois fois.
Même si physiquement, nous n’avons pas la même configuration qu’à Constantine, nous
retrouvons la même logique : une surveillance et une défense intramuros, une ceinture physique
défensive qu’est l’enceinte et une autre ceinture créée par le réseau des fortifications extramuros.
La fortification du mur d’enceinte ainsi que celle des portes sera encore à l’ordre du jour dans les
différents mémoires militaires et ce jusqu’en 1846 où le Génie projette de joindre la casbah à la
ville.
La porte de Constantine recevra encore deux bastions avec arceaux. L’un des deux recevra de
l’artillerie située sur un couronnement crénelé. La porte serait précédée d’un pont dormant en
remplacement du pont levis construit en 1839327
, au dessus du fossé. Les améliorations de
fortifications vont dépendre du projet du port et de l’agrandissement de l’enceinte ; la ville ne
peut plus contenir de nouveaux équipements qu’ils soient civils ou militaire.
Ainsi en 1847, le Génie propose de reprendre les réparations des fortifications notamment la
brèche qui a été formée sur le front de Constantine à droite de la porte et celle qu'a nécessité la
mise en état des batteries de côte provisoires. Ces réparations sont jugées nécessaires et urgentes
afin d'éviter l’écroulement du mur d'enceinte. Le mauvais sol de fondation du à la présence des
marécages est la principale raison des travaux à mener sur le front Ouest.
Il est aussi question de construire un escalier en maçonnerie qui mène à la casbah pour racheter
le ressaut qui existe au niveau du mamelon. La jonction d’un équipement militaire est aussi
327
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 848, Article 2, N° 21, en date du 1er
mai 1839.
Troisième Partie Chapitre Premier
224
primordiale. Un équipement perd de son efficacité défensive s’il se trouve isolé. Il semble que la
pente ne permettait pas de construire une voie directe entre le casernement et la casbah.
Sur la carte qui suit nous retrouvons les équipements militaires nouvellement créés longeant le
mur d’enceinte. Le mémoire militaire328
que la carte accompagne donne assez de renseignements
sur l’état de fortifications de la place
Fig.57 : Les principaux équipements militaires de la Place de Bône en 1848
Source : archives SHD, Vincennes, Paris, traité par l’auteur 329
Établissements permanents : A : quartier de la cavalerie casernement, B : quartier pour l'artillerie, le génie et le
train des équipages, cc : établissement du campement et des lits militaires, D : conseil de guerre en projet, E : prison
militaire en projet, F : arsenal d'artillerie, G : manutention en construction, H : hôtel du commandant supérieur,
I : logement du chef du Génie et bureaux en projet (n), K : Hôpital en construction, L : caserne d'Orléans, M :
caserne Damrémont, N : caserne de la marine, O : logement du commandant de Place et bureaux en projet, P :
redoute des Santons ; R : annexe d’artillerie et poudrière ; S : fortin de la porte de Constantine
Casbah: Q : magasin à poudre, R : pavillons d'officiers, S : magasin pour le régiment d'infanterie, T : caserne
d'infanterie, 142 D. logement d'un sous- lieutenant militaire
Établissements civils : U. mosquée ; V. église ; X. administration des ponts et chaussées ; Y. douane ; Z. Hôtel du
directeur de l'intérieur.
328
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 848, Article 2, N° 39 ; en date du 14
avril 1848. 329
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 847, Article 1, N° 09, en date du 20
avril 1845.
Troisième Partie Chapitre Premier
225
La place de Bône est entièrement fermée sur tout son pourtour. Les portions d'enceinte écroulés
tant à l'intérieur qu'à l'extérieur ont été reconstruits. Les parements de ce mur d'enceinte ont été
réparés depuis la porte de la casbah jusqu'à le porte de Constantine il reste à faire le même travail
sur le front maritime depuis la porte de Constantine à la porte de la casbah. Le front maritime
comporte non seulement le siège de commandement mais aussi l’hôpital militaire : il y a lieu de
protéger les casernements et autres équipements.
La circulation a été rétablie sur tout le pourtour de la place ; dans le petit nombre d'endroits où la
banquette en maçonnerie n'existe plus, les militaires ont établi une banquette en charpente ; à
gauche de la porte de Constantine une partie des casemates qui supportent le chemin de ronde est
en très mauvais état et nécessite une reconstruction partielle. Nous retrouvons la logique militaire
dans l’ouverture des rues au niveau de la médina. Ainsi tous les équipements militaires sont
reliés par une trame de rues carrossables. Il est vrai que la rue du rempart permettait déjà cette
liaison mais la ligne droite demeure le meilleur tracé. La rue Louis Philippe joindra la porte de
Constantine à l’hôpital.
2.2. Les équipements militaires, une deuxième ceinture à la ville.
La ville est complètement cernée par les équipements militaires. Un chemin de ronde les sépare
du mur d’enceinte. Les équipements militaires extramuros les plus proches sont : les quartiers de
la cavalerie et de l’artillerie ainsi que la casbah, externes à la ville ; ils viennent renforcer comme
nous l’avons vu précédemment la porte Danrémont et celle de la casbah jugées vulnérables. La
topographie du site a joué ici aussi son rôle, puisque la plaine a été évitée non seulement pour sa
faible altitude (altitude recherchée pour une meilleure surveillance) mais aussi pour la mauvaise
qualité de ses sols marécageux.
Toutefois leurs emplacements leur permettent de croiser leurs feux. La faible qualité des sols
posera des problèmes constructifs aux fortifications situées sur le front de la plaine
marécageuse ; Le génie devra faire des travaux de réfection au cours des années avant
l’assèchement de la plaine.
Le port étant le principal atout de la place de Bône, ainsi qu’une population assujettie et calme,
ont fait que la ville prospère assez rapidement.
Troisième Partie Chapitre Premier
226
La population se trouve comme les militaires à l’étroit ; aussi l’administration civile a-t-elle
introduit dès 1840 une demande d’extension de la ville. Durant plusieurs années cette extension a
fait l’objet de diverses études et donc de propositions. La topographie du site ne permet que deux
éventualités : soit vers la plaine soit vers le Nord. En définitive c’est la première éventualité qui
fut adoptée et réalisée comme nous le voyons sur la carte civile de 1888 qui comporte en rouge
le tracé de la nouvelle enceinte et en bleu les vestiges de l’ancienne. Nous verrons plus en
détails, ultérieurement comment s’est effectuée cette extension.
En comparant la précédente carte et la suivante qui montre le nouveau mur d’enceinte, nous
constatons que les bâtiments existants sur le front de la plaine ont disparu. Leur présence n’était
donc que défensive.
La défense qui leur était impartie, a été reportée sur les autres équipements qui ont été fortifiés.
L’arsenal qui se trouvait au niveau de la porte de Constantine a été transféré vers la caserne
Yussuf. Le fait de transformer le parc à fourrages en champs de manœuvres en le rapprochant de
la nouvelle enceinte protège celle-ci dans sa partie ouest. La citadelle de la casbah a aussi été
intégrée dans le nouveau tracé du mur d’enceinte car la défense du côté Nord se trouve affaibli
par la transformation du fort Génois en lazaret. À l’extrême Nord (non représenté dans la carte
suivante) l’enceinte forme une petite boucle au niveau de la batterie du lion.
Fig.58 : Plan de Bône en 1888 comprenant les équipements militaires et la nouvelle enceinte
Source : Lemercier
330, Bône, 1888, Traité par l’auteur
330
Lemercier, Bône, 1888.
Troisième Partie Chapitre Premier
227
1 : la casbah ; 2 caserne Yussuf et caserne des Santons ; 3 : Annexe d’artillerie, gymnase militaire ; 4 : caserne
d’Orléans ; 5 : Caserne Danrémont ; 6 : Hôpital militaire ; 7 : Champs de manœuvres ; 8 : Poudrière.
L’enceinte est percée de quatre portes : deux au niveau du champ de manœuvres donnant vers les
routes de la Calle et de Constantine, une autre au Nord-ouest et qui permet de joindre la route
menant vers le mont de l’Edough et la dernière qui s’ouvre vers le chemin des Caroubiers qui
mène vers le cimetière musulman et le lazaret. Obéissant au même principe, le chemin de ronde
cerne la ville le long du mur d’enceinte. Les liaisons entre les casernements et les portes sont
pratiquement en ligne droite.
Le port est partie intégrante de la ville de Bône, il est aussi protégé que la cité. Il a été l’objet
d’amorce du développement urbain de la ville. Celle-ci le protège et se tourne vers lui. La
surface globale de celle-ci se retrouve ainsi doublée en un demi-siècle de présence. La ville de
création coloniale se juxtapose à la médina.
À l’exemple de Constantine, le mur d’enceinte disparait avec l’avènement de l’aviation, ce qui
libère la ville de ses limites artificielles. Les travaux d’assèchement de la plaine permettent
l’extension de la cité vers l’ouest puis vers le Nord au relief plus accidenté mais plus beau. La
présence des équipements militaires cernant la ville n’étant plus nécessaire : soit ils s’intègrent
au tissu urbain pour devenir eux-mêmes urbains, soit ils sont rejetés à l’extérieur de ce tissu en
dépendance de leur fonction (DCA, Champ de manœuvres, etc.)
Fig.59 : Les équipements militaires de Bône en 1922
Source : Archives SHD, Vincennes, Paris, traité par l’auteur331
331
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 862, Article 6/2, Plan Terrier de 1922.
Troisième Partie Chapitre Premier
228
1 : casbah, Prison militaire, casernement de la DCA ; 2 : Parcs aux fourrages ; 3 : Caserne de la Garde ; 4 : Annexe
d’artillerie, gymnase militaire ; 5 : Poudrière ; 6 : caserne Yussuf, caserne des santons ; 7 : Usine et carrière
militaires ; 8 : caserne d’Orléans ; 9 : Caserne Danrémont ; 10 : Hôpital militaire ; 11 : Place militaire
(commandement) ; 12 : Annexes de la Place ; 13 : Aviation ; 14 : Ancienne Batterie ; 15 : DCA. ; a : Batterie ; b :
Batterie du Lion.
La stabilité ressentie génère une cession de terrains appartenant au domaine militaire à la ville.
La volonté politique étant une colonisation par peuplement, les colons reprennent la priorité en
Algérie. Ainsi une large partie du champ de manœuvres est cédée à la municipalité en vue d’une
extension urbaine : c’est le futur quartier du Champ de Mars.
Fig.60 : Équipements militaires de Bône en 1958
Source : Carte d’état major 1958, traité par l’auteur
Troisième Partie Chapitre Premier
229
1 : Champ de manœuvre ; 2 : Caserne des gardes mobiles ; 3 : annexe de la caserne d’Orléans ; 4 : Caserne
d’Orléans ; 5 : Caserne Danrémont ; 6 Secteur militaire ; 7 : quartier de la Casbah ; 8 : la Marine et la batterie du
Lion ; 9 : Batterie des Caroubiers.
De la même manière qu’à Constantine, les équipements militaires, toutefois sans grande
extension, se sont retrouvés intégrés au tissu urbain ; les batteries sur le front de mer sont
maintenues. Le développement de la ville est de loin supérieur à celui des équipements. La ville
a gardé son statut de sous-préfecture et dépend militairement de la place de Constantine. Ce qui
explique la petite taille et le nombre des équipements présents.
Fig.61 : Les équipements militaires de Annaba Actuels
Source : INC, traité par l’auteur
Troisième Partie Chapitre Premier
230
Annaba indépendante va garder son statut de ville commerciale et portuaire tout en développant
l’industrie. Sa garnison dépend toujours de la 5ème
région militaire installée à Constantine ce qui
explique sans doute le peu de casernement urbain. La caserne d’Orléans a été démolie et
déménagée vers de nouveaux casernements installés en dehors de la commune mais toujours à
proximité de la ville : L’Allélick et Sidi Harb.
3. Impacts des installations militaires sur les tissus urbains existants.
En dehors de la prise de la ville de Annaba qui s’est faite de manière beaucoup plus douce que
celle de Constantine, l’installation de l’armée à Annaba a tout de même été de l’ordre de
l’agression destructrice. Une ville dense où l’espace libre est banni, ne présente en effet pas
beaucoup d’opportunités d’installation.
Il est vrai que la ville a été désertée depuis la première expédition en 1830 elle ne comptait que
1500 habitants après en avoir eu 10 000 en 1810332
. Ont-ils trouvé des maisons vacantes ? Nous
ne saurions y répondre, il n’existe pas de descriptif à ce sujet. La garnison en 1832 était de 5 500
hommes qu’il fallait loger. Le casernement a été le premier objectif militaire et celui qui a eu le
plus d’impact sur la médina et son architecture. Les interventions sur les mosquées ont elles
aussi contribué à affecter la médina.
3.1. Impacts sur le plan architectural.
L’installation d’un fort contingent d’hommes dans une cité où les casernements et les grands
édifices pouvant les contenir sont peu nombreux, ne pouvait se faire sans la réquisition suivie
dans certains cas d’appropriation de maisons personnelles. Comme nous l’avons vu plus haut, en
1848, 44 maisons étaient toujours louées à l’armée française qui y logeait ses officiers. Dans les
différents mémoires militaires et à l’instar de ceux de Constantine, il n’est donné que très peu de
renseignements de celles qui furent détruites.
3.1.1. La transformation des maisons.
Si à Constantine, les maisons ont été détruites essentiellement lors des percées, à Annaba il en a
été autrement. Nous avons vu que pour ouvrir le chemin de ronde il a fallu détruire, que pour
construire le mur d’enceinte dans la partie Nord il a fallut aussi détruire,que pour construire tous
les casernements intramuros il a fallut encore détruire et bien sûr, que pour le tracé des rues il a
332
Maitrot capitaine, 1912, op.cit.
Troisième Partie Chapitre Premier
231
aussi fallu évidemment détruire, même partiellement. La ville de Annaba n’étant pas de grande
importance (12 hectares), le bâti originel s’est vu amoindri dans une large proportion.
Le relevé de l’état des lieux effectué lors d’une étude POS de la médina de Annaba333
, estime
que seuls 30% des maisons encore existantes sont d’origine arabo-ottomane. Il est difficile du
point de vue constructif et vu les moyens, les matériaux et les procédés de construction de
l’époque, de sectionner une maison partiellement. La médina de Annaba a beaucoup perdu de
son caractère architectural originel ; l’ouverture des façades, l’introduction du fer notamment
dans le renforcement des planchers touchés lors des percées et des arcs, l’utilisation de ce
matériau pour les gardes corps en remplacement du bois sont autant d’éléments aptes à
dénaturaliser les maisons. Très peu de maisons à Annaba, présentent, jusqu’à nos jours, les
caractères de la maison arabo-ottomane introvertie.
La cour de la maison arabo-ottomane est à ciel ouvert. Dans une des maisons utilisées par les
services du Génie, nous constatons l’introduction d’une verrière pour couvrir cette cour. La
terrasse de cette maison a été complètement couverte d’un comble utilisé comme espace de
stockage.
Avant les percées et afin de mieux loger leurs hommes les militaires ont réaménagé les maisons
par l’introduction de salles de bains et de toilettes aux étages. La séparation qui existait entre
espace sale et espace propre dans une hiérarchie verticale et sacrée a disparu avec ses
introductions. Par ailleurs, les descentes d’eau usée se font très souvent en façades, ce qui n’est
pas sans impact esthétique. Par ces introductions le lissé de la façade a disparu.
La maison arabo-ottomane est citadine dans le sens où les animaux n’y sont introduits que s’ils
sont considérés comme propres (chats et oiseaux). L’utilisation de certaines parties d’entre-elles
ou encore dans certains cas l’intégralité de la maison, comme écuries n’est pas sans dommages
importants sur leur architecture. C’est le cas de la maison adjacente au service du génie dont le
rez de chaussée a été transformé en écurie pour chevaux et mulets du service. Ses étages ont
servi à l’entreposage.
*Cas du pavillon des officiers.
À travers le projet du pavillon des officiers nous essayerons de voir comment les maisons ont été
transformées pour répondre aux besoins de l’armée française. Le plan d’ensemble permet de
constater que la transformation architecturale est pratiquement accompagnée d’une action sur le
333
Abderahim Hafiane, POS de la vieille Ville, Bureau d’Études A-U-A, Annaba 2001.
Troisième Partie Chapitre Premier
232
tissu urbain. Le côté économe du génie se retrouve dans ce genre d’actions fussent-elles
minimes.
Ainsi après la réquisition de la maison pour abriter les officiers, l’ouverture de la rue sera
l’occasion pour le génie de transformer la maison jugée inconfortable et insalubre. La petite
partie de l’autre côté de la rue sera réservée aux chevaux (de 08 à 12 chevaux) et à l’entreposage.
La plus grande partie recevra trois logements (deux capitaines et un lieutenant), elle verra son
plan rectifié selon la bonne géométrie régulière du génie. Alors que les maisons de la médina ne
comprennent qu’une seule entrée en chicane, cette maison se voit percée dans son flanc gauche
pour ouvrir une porte donnant directement sur la cour. Cette ouverture n’est possible que grâce à
la construction d’un escalier car la rue latérale (rue Bonnefoi) est en pente. Le seuil des maisons
de la médina est très marqué, souvent d’une marche, mais un tel type d’escalier droit est
inexistant. Il est créé en remplacement de la galerie à trame unique, une nouvelle galerie sur
deux trames de colonnes.
Cette dernière correspond donc plus à un préau qu’à une galerie. Le volume de la maison,
comme nous le voyons sur la façade ne forme pas un bloc unique, seule une partie de la maison
est sur deux étages ; il s’en dégagera une grande terrasse que le génie semble apprécier. Deux
logements ont été créés au rez de chaussée dont le plus petit réservé au lieutenant possède son
propre accès donnant sur la rue de La Surprise par une petite cour.
Les deux capitaines se voient affectés des logements, dont un au rez de chaussée et le deuxième
à l’étage, avec chambre de domestique, cuisine, salle à manger, salon et trois chambres avec
cabinet. Les latrines, la sellerie et le bucher sont communs et se trouvent en rez de chaussée. La
chicane « skifa » d’entrée est fermée et transformée en chambre. En dehors de la grande terrasse
à l’étage, une cour est aménagée pour le logement de l’étage. La création de cours particulières
transforme la maison à usage commun en un bâtiment de rapport tel qu’il en existe en France à
l’époque. La cour originelle perd ainsi sa fonction primaire et ne garde que celle d’un puits d’air
et de lumière. La multiplication des cours répond plus à un besoin d’hygiène qu’à un besoin
fonctionnel. La polyvalence des espaces de la maison disparait au profit d’une spécialisation
spatiale.
Tous les espaces donnant sur les rues seront percés de grandes ouvertures. Du fait de la pente,
certaines se retrouveront presque au niveau du sol extérieur ; à travers l’ouverture de ces fenêtres
c’est toute la maison qui se trouve ouverte et accessible (visuellement) depuis les rues.
Troisième Partie Chapitre Premier
233
L’affectation de la fonction aux espaces ainsi créés dans une bâtisse arabo-ottomane dénote de
l’importance des changements apportés à celle-ci. Elle ne gardera de son caractère que les arcs
sur galeries et coursives et son percement vertical. Ces éléments sont reconnus par le génie
comme améliorant la qualité de vie en hiver (par la couverture des circulations centrées) et en été
par l’ombre qu’ils reportent.
L’ouverture de caves n’existe pas dans les médinas. Lorsque le terrain est en pente, c’est la
maison entière qui épouse la forme en pente. Certes, il existe des petits espaces en sous-pente
appelés « Dehliz » mais leurs dimensions restent modestes. Les caves sur lesquelles est construit
le logement des officiers sont de grandes dimensions. Ce mode de construction correspond
encore une fois à un mode européen qui préfère s’éloigner du sol naturel à cause du froid.
Fig.62 : Transformation du Pavillon des officiers.
Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris334
La maison ainsi transformée n’a rien gardé de son essence propre. Son introversion, la
polyvalence de ses espaces, sa discrétion et sa hiérarchisation spatiale ont disparu avec
l’ouverture des façades, les accès directs et l’introduction de spécificités spatiales. La maison
arabo-ottomane n’a de valeur que par la valeur du foncier qu’elle génère. De toute son
334
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, projet de restauration du pavillon des officiers.
Document non classé mais retrouvé dans le Dossier 1H 857, l’Article 6/1, il comporte une note stipulant que le
croquis accompagne le rapport, il est daté du 30 avril 1861.
Troisième Partie Chapitre Premier
234
architecture seules les galeries à arcades et les cours trouvent indulgence aux yeux du Génie. Ces
dernières sont très largement utilisées en France comme puits d’air et de lumière. Elles ont été
préconisées par les hygiénistes comme permettant la dédensification de Paris au XIXème siècle.
Les ingénieurs du génie ont-ils suivi le courant hygiéniste ? Nous sommes tentés de le confirmer
quand nous connaissons l’état de santé des populations européennes durant cette période. Ce sont
ces éléments architecturaux qui seront repris en premier dans le mouvement néo-mauresque que
connaîtra l’Algérie plus tard.
3.1.2. La transformation de la mosquée du Bey.
Les maisons n’ont pas été les seules à être touchées dans leur essence mais les deux plus grandes
mosquées de la ville ont subi partiellement le même sort. La mosquée de Sidi Marouane (que
nous traiterons plus bas) a abrité l’hôpital militaire. Elle a été relevée d’un étage puis les
militaires lui ont juxtaposé des annexes neuves.
Quant à la mosquée du Bey, lors de la régularisation de la forme de la place d’armes, elle a subi
des transformations qui régularisent sa forme générale par rapport à la place mais aussi pour
contenir des annexes administratives et militaires.
Fig.63 : Plan de la Mosquée du Bey portant les modifications à apporter
Source : archives SHD, Vincennes, Paris
335
335
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 847, Article 1, N°8, mémoire militaire
de la place de Bône et dépendances en date du 28 avril 1839.
Troisième Partie Chapitre Premier
235
Mosquée : A : Sanctuaire pour les cérémonies religieuses ; B : Minaret ; C : Cour des dépendances ; E : Cabinet
d'aisance ; F : Pièces destinées aux ablutions ; G : Cour principale ; H : Galerie couverte autour ce cette cour ; I :
Entrée de la mosquée par la galerie à arcades sur la place ; J : Entrée par la rue St Louis dans la cour des
dépendances ; K : Entrée par la rue du cadi ; L : Galerie à arcades sur la place ;
Corps de garde : M : Chambre de l'officier ; N : Poste des hommes de garde ; O : Violon336
; P : Cabinet d'aisance
du violon, Q : Cabinet d'aisance du poste ; R : Descente de cour337
pour la rue du cadi338
.
Ce projet daté de 1857339
comprend deux types de travaux à mener : la restauration de la
mosquée et son extension par un ajout d’une galerie à arcades donnant sur la place D’Armes et
d’un corps de garde pour celle-ci. Ces travaux ont exigé la démolition d’une partie de la mosquée
et de maisons attenantes à celle-ci. Si la note accompagnant le plan fait référence aux
constructions à démolir, aucun détail concernant ces démolitions n’est donné.
La lecture du plan nous permet d’avancer que cette restauration correspond en fait à une
régularisation de la forme en plan de la cour et des galeries qui l’entourent. La salle de prière n’a
pas été touchée. Par contre le minaret fut consolidé par un mur.
Le rôle que tient une place d’armes dans la démonstration du nouveau pouvoir en place, confère
à cette dernière une affectation plutôt militaire que civile.
La régularité de la nouvelle place exige une régularité de façade. La mosquée dans la médina,
présente aussi peu d’ouvertures que les maisons elles mêmes. La mosquée est dirigée vers le
Mihrab et donc la façade présente peu d’intérêt. L’importance qu’a prise la place d’Armes dans
la médina coloniale impose aux ingénieurs du génie un traitement de façade qui « s’inspire » de
l’architecture locale. La reprise de la galerie à arcades est symbolique, elle ne trouve dans
l’usage de la mosquée aucun justificatif.
Les directives données au génie pour sauvegarder le caractère architectural de la médina se
traduisent dans la reprise des galeries à arcades et des cours. La régularité du tracé et celle des
336
Violon : nm. Prison attenant à un corps de garde ou à un poste de police, Dictionnaire Quillet de la Langue
Française, Librairie Aristide Quillet, Paris, 1948. 337
Descente : nf. Chemin incliné. Dictionnaire Quillet de la Langue Française, Librairie Aristide Quillet, Paris,
1948. 338
Nota :
les teintes noires indiquent les constructions de la mosquée à conserver
les teintes jaunes indiquent les constructions particulières de la mosquée et autres à démolir
les teintes rouges toutes celles à reconstruire. 339
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Article 6/1, Dossier 1H 857, N°99, en date du 28
février 1857, P.V de réunion rassemblant : le receveur des domaines Gassiot, chef de bataillon chef du génie : L
Bailleul, pour copie conforme au chef du bataillon chef du génie : j javain, vu à Constantine le 04 octobre 1859 par
le chef de bataillon directeur des fortifications (dont le nom est illisible). Ce sous-dossier n’existe pas dans la
nomenclature générale des archives du génie.
Troisième Partie Chapitre Premier
236
travées des arcs est le référent des conceptions du génie. Le fait de jouxter le poste de garde à la
mosquée derrière la colonnade, n’est pas innocent ; la surveillance d’un tel lieu s’impose de fait.
De par sa position en arrière plan par rapport à la galerie, il lui est conféré une certaine
discrétion.
D’une mosquée intégrée dans un tissu urbain normalement indivisible dans son entité et ce
quelque soit la fonction des éléments qui la forment, nous passons à un équipement à devanture
et exposé. La discrétion adoptée dans l’architecture arabo-ottomane a disparu au profit d’une
exhibition voulue. La façade de la mosquée n’appartient plus à cette dernière mais à la place
qu’elle cerne en partie. Intégrer la mosquée à la place fait d’elle un monument et non un
sanctuaire. Son exposition obéit à la même logique qui intègre l’église à la place ; le rejet de la
mosquée en arrière plan, aurait été parfait sans la présence, quoique réservée, du minaret. Nous
assistons à une dualité dans cette intégration : exposer la mosquée en tant qu’édifice public mais
la rejeter comme entité ne correspondant pas à la vie européenne.
La destruction d’une grande majorité du tissu urbain, et la construction de nouveaux édifices
qu’ils soient militaires ou civils selon des principes de conception autres que ceux qui ont permis
d’ériger la médina, ont affecté la morphologie de celle-ci. D’opaque et pratiquement aveugle
(notamment en rez de chaussée), elle est devenue transparente et percée. De courbe et lisse, elle
est devenue rectiligne et présentant des excroissances. D’introvertie, elle est devenue extravertie.
De fermée et discrète, elle est devenue ouverte et exhibée. Obéissant à une hiérarchie spatiale
tenant compte d’un mode de vie spécifique regroupant le sacré et le profane, elle est devenue
assujettie à des normes et règlements édictés par la stratégie, la politique et l’hygiène.
3.2. Impacts sur le plan urbain.
La ville de Annaba cernée par son mur d’enceinte, est devenue pendant plus de cinq ans la plus
importante base militaire française de l’Est algérien. L’installation des troupes à Annaba était
nécessaire à la stratégie militaire qui visait la prise de Constantine à partir de Annaba. Les
principes du génie lors de l’installation des hommes de troupes dans une ville, ont été appliqués
comme nous l’avons vu et relevé plus haut pour le cas de Constantine. Nous verrons dans ce qui
suit comment ces principes ont eu des incidences urbaines lors de leur application sur la médina
de Annaba. Afin de situer ces incidences nous devrons prendre en considération l’installation du
port, en dehors des équipements militaires. Ce dernier en dehors de son importance militaire, a
Troisième Partie Chapitre Premier
237
été fédérateur dans l’augmentation de la population coloniale et par delà même l’agrandissement
de la ville.
La présence de marécage dans la partie qui jouxte la ville n’a pas été aussi sans conséquence
pour les constructions futures et sur l’état de santé des populations comme nous le verrons.
L’assèchement de ces marécages a été un travail préalable nécessaire à tous les travaux
ultérieurs. L’un des plus importants projets que le Génie entamé dès 1834 est l’assèchement de la
plaine par l’installation d’un canal exutoire qui se jette au niveau de l’embouchure de la
Boudjimah. Annaba connaitra d’autres canaux exutoires lors de son agrandissement du côté
ouest.
La ville est jugée par les militaires français comme mal percée, tout autant que mal bâtie, la
largeur des rues variant de 1 à 3 mètres. Les français reconnaissent avoir beaucoup démoli
depuis leur arrivée, pour ouvrir la rue du Rempart, des places et des voies de communications
d'une utilité absolue. En 1839340
ils comptaient encore démolir pour « aérer » la ville jugée
insalubre. Les maisons ne comprenaient, en général, qu'un simple rez de chaussée, sans
ouvertures sur la rue autres que celles des portes. Ce manque d’ouvertures fait dire aux français
que les maisons sont humides et malsaines et les façades affreuses. Ils préconisent de
reconstruire la majorité d’entres-elles pour les adapter à leurs besoins. Aussi ne craignent-ils pas
les élargissements des rues en prenant leurs deux côtés. Nous comprenons qu’à l’état actuel, il
existe très peu de maisons n’ayant pas été touchées par les transformations françaises.
3.2.1. La place d'Armes, régulation géométrique et représentation.
La place d’Armes n’est pas d’ouverture française mais existait avant leur arrivée et était connue
sous le nom de « Bataht Sidi Chraïet ». Considérée comme point de réunion des troupes et des
habitants, elle a été fixée comme le point principal de la ville. Son tracé a été rectifié par le génie
et selon son mode et savoir, symétriquement par rapport à un plan vertical mené
perpendiculairement à la façade du pavillon des officiers. La longueur de la place est de 71 m et
sa largeur fait 55 m. Comme nous l'avons vu plus haut l'angle avant de la grande mosquée a été
doté d'une galerie à arcades qui selon le rapport de 1833341
, doit régner tout autour de la place
340
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 847, Article 1, N°8, mémoire militaire
de la place de Bône et dépendances en date du 28 avril 1839. 341
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 854, Article 3, N°5, projet
d’alignement des principales rues de la ville de Bône, en date du 25 novembre 1833.
Troisième Partie Chapitre Premier
238
d'armes sans toucher au péristyle342
de cette mosquée. Le projet de corps de garde de la place
avec galerie à construire en avant de la grande mosquée a été rédigé par le chef du génie qui l’a
fait parvenir au Ministre de la Guerre avec les projets pour 1834343
. La place fut donc entourée
de galeries à colonnade sur trois de ses côtés Nord, Ouest et Sud. Elle représente le centre
géométrique de la ville. Dés le début de la colonisation elle prit ce rôle de centre de la ville. Tous
les grands axes y aboutissent.
L’octroi de la fonction par dénomination à la place lui confère le caractère militaire. Créée par
eux, pour eux dans un premier temps elle garde toujours, après plus d’un siècle, la centralité de
la médina à laquelle elle a donné son nom militaire. Après le Cour Napoléon centre européen
civil, elle demeure le second centre de la ville de Bône. L’ancrage physique est doublé d’un
ancrage mental. Sa création, pourtant subordonnée à celles des équipements militaires, a dépassé
en représentation mentale celle des équipements militaires. Ceci est notamment du à la mutation
de sa fonction et à son emplacement géographique ainsi qu’à son accessibilité.
Fig.64 : Plan des rues et places de Bône Fig.65 : Projet de façade de la mosquée du Bey
A344
B345
Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris
342
Péristyle : nm. Galerie formée par des colonnes isolées faisant le tour d’un édifice. Ensemble de colonnes qui
ornent la façade d’un monument. Partie postérieure des maisons romaines comportant une cour entourée d’une
colonnade. Vestibule monumental. 343
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 847, Article 1, N°8, mémoire militaire
de la place de Bône et dépendances en date du 28 avril 1839. 344
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 847, Article 1, N° 09, en date du 20
avril 1845, traité par l’auteur. 345
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 847, Article 1, N°8, mémoire militaire
de la place de Bône et dépendances en date du 28 avril 1839.
Troisième Partie Chapitre Premier
239
A : Rues et Places publiques de Bône en 1848 : A : rue de Constantine ; B : rue Louis Philippe ; C : rue de
l’Arsenal ; D : rue Fréart ; E : rur Bonnefoi ; F : rue Danrémont ; G : rue Napoléon ; H : rue Danrémont ; I : rue de
la Comédie ; J : rue d’Armandy ; K : rue de l’Hôpital ; L : rue des Nomades.
1 : Place du Commerce ; 2 : porte de la Marine ; 3 : Porte de la casbah ; 4 : Place Danrémont ; 5 : Porte de
Constantine ; 6 : Place de Constantine ; 7 : Place d’armes ; 8 : Place Rovigo, 9 : Place des Nomades.
B : Traitement de Façade proposé par le génie pour les édifices entourant la place.
Le plan ‘A’ de la ville de Bône qui donne l’emplacement des équipements militaires sur lequel
nous avons repris les places et les rues ouvertes indique comment à l’aide de ses percements, la
ville a été quadrillée. Les voies (de A à L) entre les équipements sont aussi directes que le
permet la topographie. Elles joignent non seulement les équipements entre eux mais joignent
aussi les places créées (de 1 à 9). Certaines ruelles ont elles aussi été redressées pour faciliter
l’accès aux maisons réquisitionnées ou appropriées. Pouvons-nous considérer que ce mode de
conception urbaine constitue les prémices d’un mode de conception qui aurait influencé les
ouvertures haussmanniennes ? Nous en retrouvons en effet la logique, même si la forme est
encore en esquisse. Dans ce cas l’Algérie n’a-t-elle pas été un champ d’expérimentation durant le
siècle des découvertes ?
Si nous avons repris le plan de 1848 c’est pour bien reprendre la logique militaire avant les
percées suivantes répondant aux alignements civils auxquels sont soumises toutes les
municipalités.
Quant au tracé, le comité s'est arrête en dernier lieu, sauf quelques observations de détail, à celui
du projet de 1849, que le commandant supérieur a fait reporter sur le plan annexé au procs verbal
du 19 Août 1849. Le tracé des rues Fréart et Bouffreau fut antérieur à celui des rues Louis
Philippe, de Constantine, de l’arsenal, de la casbah, des Santons, de la Béarnaise, de la Marine,
de l’artillerie, du Croissant, de l’Hôpital, d’Armandy. Ces deux rues donnent sur le port et ce
dernier est l’atout principal de la ville. Tous les équipements se devaient de communiquer avec
lui. C’est par ce port que venait tous les équipements et matériaux nécessaires aux casernes.
L’ouverture de ces deux rues est donc aussi nécessaire que les équipements eux-mêmes.
3.2.2. Le port : fortifications, construction et aménagements.
La position stratégique de Annaba lui confère une autre fonction que celle de Constantine et
directement liée à la présence d’un port. Dans une vision globale de colonisation, la relation avec
Troisième Partie Chapitre Premier
240
la France se devait d’être régulière et sécurisée ; l’échange entre les deux rives allait être
important. L’import-export ne concernait pas uniquement le commerce cible importante certes
mais dans une première phase de colonisation, il était directement lié à « l’importation »
d’hommes nécessaires à la colonisation qu’ils soient civils ou militaires. Dès septembre 1832, on
comptait au niveau de la ville de Annaba 800 européens maltais ou mahonnais en plus des
soldats libérés du service et qui s’installèrent dans la ville346
.
La conquête et l’installation des militaires n’étant pas complètes, l’arrivée de France d’armement
et de matériels nécessaires à la concrétisation de l’objectif militaire et politique, se devait d’être
facilitée et protégée. La construction d’un port se trouvait donc être une des priorités de l’armée .
Avant l’arrivée des français, Annaba ne présentait que des plages de mouillage protégées
naturellement. L’ambition commerciale et militaire française exigeait donc la construction du
port.
Fig.66 : Bône, La Boudjimah et les plages de mouillage en 1832
Source : Site web347
Dès la première année de leur installation et attendant des études plus approfondies, le génie
aménagea un quai d’accostage. Pour cela, il choisit la partie sud de la médina en deçà de la
pointe cigogne. L’intégration du port à la médina est un choix sécuritaire : les casernements
installés sur cette partie de la ville ainsi que la batterie du fort cigogne permettaient cette
sécurité.
346
Maitrot capitaine, 1912, op.cit., p. 323. 347
www.alger-roi/Alger/documents_algériens/ecoomique/images/94_port_bone_plan1.jpg.
Troisième Partie Chapitre Premier
241
Fig.67 : Projet du nouveau quai Fig.68 : Le Port de Bône en 1875
Source : archives du SHD, Vincennes, Paris348 Source : Site web
349
Lors de l'agrandissement de l'enceinte, la défense du port a été l'objet d'une conférence entre les
services du génie, de l'artillerie, de la marine et des Ponts-et-Chaussées en date du 8 janvier
1862350
.
L’installation de ce quai dans cette partie eut pour résultat la condamnation de la porte Bhar et
l’ouverture un peu plus vers l’Ouest de la porte de la Marine (1 sur le plan suivant) qui donne
accès direct sur le front de quai. Cet accès engendre à son tour le redressement d’une voie
perpendiculaire au quai et reliant la ville à la place d’Armes et donc avec le reste des
équipements militaires et civils intégrés à la ville : la rue Fréart (2) en continuité de la rue
Bouffreau (3).
Ces rues croisent la rue Louis Philippe qui mène de la porte de Constantine à l’hôpital militaire.
Aux termes de l'article 7 du décret du 16 août 1853, les alignements et le tracé des rues
communiquant des places publiques aux établissements militaires et aux remparts, sont de la
compétence de la commission mixte351
.
348
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Projet du nouveau port de Bône, non répertorié
dans la nomenclature générale du Génie mais trouvé en annexe du document, Dossier 1H 857, Article 6/1, N°156,
en date du 21 aout 1877. 349
www.alger-roi/Alger/documents_algériens/ecoomique/images/94_port_bone_plan1.jpg. 350
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 862, Article 6/2, N°6, rapport sur le
Plan de la nouvelle ville de Bône, le document n’existe pas dans la nomenclature générale des archives du génie
mais a été trouvé en annexe du sous- dossier N°6 en date du 27 août 1857. Il ne porte aucune référence de
classement. 351
La Commission Mixte comprend le chef du Génie, le Directeur des fortifications et le premier responsable de la
municipalité, le maire, lorsque cette dernière est instaurée.
Troisième Partie Chapitre Premier
242
Fig.69 : Ouverture des rues Fréart et Bouffreau à partir du quai vers la place d’Armes.
Source : archives du SHD, Vincennes, Paris, traité par l’auteur 352
La décision d’intégrer le port à la ville ne fut pas définitive. Dés 1844, la construction d’un
nouveau port s’avère nécessaire ; les problèmes d’envasement que posait l’embouchure de la
rivière Boudjimah retardaient les études du nouveau port. Il fut pendant plusieurs années
question de le déplacer vers le Fort Génois.
Seulement son éloignement par rapport à la ville et donc par rapport aux principaux équipements
militaires n’allait pas dans le sens de cette logique. Il faut attendre le projet de l’ingénieur en
chef des Ponts-et-Chaussées Lessore pour voir le port installé définitivement au sud de la ville353
.
Ce projet proposait la construction d’une darse354
amorcée sur le bout de quai déjà construit
devant la porte de la marine. Il palliait à l’inconvénient causé par la présence de la Boudjimah en
prévoyant l’utilisation de l’embouchure du cours d’eau comme arrière-port355
.
Ce projet fut soumis à la commission mixte de 1855 à Alger. Le ministre de la marine l’ayant
amandé, son exécution ne commença qu’en 1856 pour finir en 1870. Mais cette solution ne fut
352
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 847, Article 1, N° 09, en date du 20
avril 1845 353
Louis Arnaud, Bône, Edition LA Grande Imprimerie Danrémont, Constantine, Date inconnue. 354
Darse : nf. : Un bassin ouvert dans un port. Dictionnaire Quillet de la Langue Française, Librairie Aristide
Quillet, Paris, 1948. 355
Arrière-port : nm. Partie reculée d’un port où sont amarrés des navires spéciaux. Dictionnaire Quillet de la
Langue Française, Librairie Aristide Quillet, Paris, 1948.
Troisième Partie Chapitre Premier
243
pas des plus heureuse car l’embouchure continua à envaser l’arrière-port, le rendant inutilisable
pendant les quelques mois de l’année qui suivent la saison des pluies.
Fig.70 : Plan montrant le comblement de l’embouchure de la Boudjimah
Source : archives du SHD, Vincennes, Paris356
Au-delà de l’envasement cette embouchure posait un problème de salubrité par la stagnation des
eaux durant la période estivale, augmentant le nombre des paludéens.
Le port se devait d’être rattaché au chemin de fer qui allait relier Guelma à Annaba. Le projet de
construction de la gare de chemin de fer date de 1874 ; il était lui aussi soumis à l’assèchement
de la plaine déjà entamé en 1834 par l’installation du canal exutoire mais qui n’arrivait pas à
absorber les eaux de la Boudjimah.
Il fut ainsi décidé de dévier ce cours d’eau de son lit. Les premières études datent de 1863357
,
quant aux travaux ils débutèrent en 1874 et durèrent jusqu’en 1876358
. La gare occupe
exactement le centre de l’ancienne embouchure de la rivière.
356
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Projet du nouveau port de Bône, non répertorié
dans la nomenclature générale du Génie mais classé, Dossier 1H 857, Article 6/1, N°1161, en date du 10 octobre
1877. 357
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 852, Article 3, N° 106, en date du 07
novembre 1861. 358
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 864, Article 7/1, N° 20, projet de
dérivation de l’oued Boudjimah 1873-1874.
Troisième Partie Chapitre Premier
244
Fig. 72 et 72 : le Port dans la ville de Bône en 1900 et 1950
Sources : Site web359
La construction de ce port permit l’extension de la ville qui ne pouvait contenir le flot
d’européens immigrés. Dés 1840 les autorités civiles demandèrent l’extension de la ville. Cette
extension induisait, elle aussi, l’extension ou plutôt la construction d’une nouvelle enceinte : la
ville et son port se devaient d’être protégés.
Après changement du projet du port dont la nouvelle emprise va du canal exutoire au Fort
cigogne, le projet d’extension de la ville qui était proposé vers le nord va changer. Ainsi on
propose une extension vers l’ouest c'est-à-dire vers la petite plaine.
3.2.3. L’extension de la ville de Bône : des impératifs militaire, politique et technique.
Bien que les militaires jugeaient cette extension nécessaire dès les années 1840, il ne pouvait
décider de manière ferme en proposant un projet définitif. L'agrandissement de l'enceinte de
Bône fit l'objet de plusieurs projets qui ont été examinés dans les avis de fonds de cette place, et
ce en 1844, 1845, 1846 et 1847.
La nécessité de cette extension de la place, réclamée par les autorités civiles afin de pourvoir aux
besoins de commerce et de la population, a été reconnue dans son principe par le Ministre de la
Guerre en date du 12 juillet et 27 aout 1844 (dépêche)360
. Une conférence a eu lieu le 19 août
1849 entre le chef du génie de la place de Bône, le sous-préfet et le maire de cette localité
conformément au directives du Gouverneur Général du 2 juillet 1949, à l'effet d'établir d'un
commun accord les bases qui doivent servir à arrêter définitivement le projet d'agrandissement
de l'enceinte de cette place, de manière à concilier le mieux possible les intérêts de la défende
avec les besoins de commerce et ceux de la population civile.
359
www.alger-roi/Alger/documents_algériens/ecoomique/images/94_port_bone_plan2.jpg. 360
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, dépêche citée dans le PV de séance du comité des
fortifications du 13 Novembre 1850, référencié Article 9/1, N° 99, mais trouvé dans le Dossier 1H 862,.l’article 6/3,
Dossier 1H 862.
Troisième Partie Chapitre Premier
245
Relativement aux extensions à donner aux enceintes des différentes villes, le Directeur des
fortifications estima qu'une grande partie de la dépense devrait être soldée par la caisse coloniale,
puisque les travaux seraient faits, non dans l'intérêt de la défense mais dans celui de la
population.
3.2.3.1. Le nouveau mur d’enceinte.
Le nouveau mur d'enceinte du projet de 1850 englobe :
à l'ouest la totalité de la petite plaine qui va jusqu'au canal exutoire ;
à l'est il est érigé de la tour 3 qui jouxte la porte de la casbah jusqu'à la casbah vers la
batterie 14 (en aval de la casbah) du littoral suivant l'arête du contrefort qui domine les
fours à chaux du génie.
Le nouveau projet envoyé à l'examen du comité a été érigé en conformité des avis du 25 février
et 29 avril 1848 émis par le conseil supérieur d'administration siégeant à Alger, avis dans
lesquels le conseil reconnait les grandes difficultés que présenterait l'exécution de la partie
d'enceinte projetée le long du canal exutoire.
La nouvelle enceinte aurait 3000 m de développement, ce qui correspond d’après les normes
militaires à une enceinte de grande ville ; alors que l'administration civile proposait la démolition
de l'ancienne enceinte. Le génie, chargé de la fortification de la ville, propose donc de garder
l’ancien mur d’enceinte. La ville comprendrait ainsi deux enceintes concentriques. Le deuxième
mur serait de construction simple, crénelé d’une hauteur de 5 m, ce qui suffirait à défendre la
place des arabes jugés militairement faibles ; ce qui induirait une augmentation de l’effectif de la
garnison. C’est ainsi que le projet du génie qui a été adopté au détriment de ceux présentés par
l’administration civile et érigés par les ingénieurs des Pont-et-Chaussées.
C’est le Ministre de la Guerre qui a pris le 30 juin 1850 la décision suivante : « l'enceinte
actuelle de la place de Bône sera conservée sur tout son pourtour qui ont été restaurés
convenablement, l'on donnera suite au projet d'agrandissement demandé par l'administration
civile. Mais on se bornera à faire suivant le tracé rectifié par le comité des fortifications et
conformément à son avis du 14 mai1845 une très faible enceinte ne consistant, pour ainsi dire
qu'en un simple mur d'octroi avec créneaux ».c’est ce dernier qui a été réalisé ».
Troisième Partie Chapitre Premier
246
3.2.3.2. La ville retournée.
Le projet d’extension de la ville de Bône étant tourné vers la mer avec le projet du port, ne
pouvait se faire sans la création d’une grande place en remplacement de la place d’Armes. La
place ainsi créée se devait de se tourner elle aussi vers la mer. La nouvelle ville de création
française obéissait au mode de projection en usage en France.
La séparation entre la médina et la nouvelle ville s’imposait dans un objectif simple de
ségrégation. Une nouvelle place concrétisait cette séparation ; le projet du Cour Napoléon a été
conçu dans cette logique.
Le cour Napoléon tourné vers la mer, comprenait les édifices classiques d’une place française :
l’église, l’Hôtel de ville, le Théâtre et les principaux commerces pour lesquels cette extension a
été réalisée. La grande partie du terrain nécessaire à l’assise du cour provenait du domaine
militaire.
Des bâtiments militaires ont été détruits en même temps que le mur d’enceinte côté Ouest. Le
Génie proposa plusieurs projets avant d’avoir l’accord final pour le projet englobant le cour, le
port, l’église et la gare de chemin de fer ainsi que le tracé de la nouvelle ville. Le centre de la
ville se trouve ainsi déplacé face à la mer et séparant le vieux du neuf.
Fig.73 : Projet du Cour Napoléon avec les terrais cédés par les militaires à la municipalité 1865
Source : archives du SHD, Vincennes, Paris361
361
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 862, Article 6/2, il n’existe pas dans la
nomenclature générale des archives du Génie mais a été trouvé en annexe du N°6, en date du 27 août 1858.
Troisième Partie Chapitre Premier
247
Dans le plan de 1888, nous ne retrouvons que quelques pans de ce mur. Le développement
commercial de la ville accompagné d’une stabilité relative du contexte sécuritaire, ont eu leur
impact sur la conservation de ce mur.
3.2.3.3. L’assainissement en vue de l’extension.
Cette extension vers l’ouest s’avère une tâche ardue. Selon les avis du conseil supérieur
d’administration, le chef du génie propose de s’éloigner du canal exutoire afin d’éviter les zones
marécageuses qui l’avoisinent mais qui réduit de beaucoup l’extension de la ville de Bône vers
cette direction.
Quant aux autorités civiles, elles veulent une plus grande extension que celles proposées dans les
projets de 1848 et 1849. Seulement le chef du génie réfute ces propositions à cause du coût des
fondations que le mauvais sol exigerait dans cette partie de la plaine.
L’embouchure de la Boudjimah ainsi que le canal exutoire, asséchant de marécages jouxtant la
médina, il a fallu trouver des solutions techniques pour enterrer la partie du canal au niveau de la
porte de Constantine et de la place attenante. La solution urbaine est donc soumise aux solutions
techniques liées aux problèmes d’hydrologie.
Fig.74 : Plan de Bône comprenant les travaux d’assèchement de la plaine Ouest.
Source ; Archives du SHD, Vincennes, Paris362
362
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 864, Article 7/1, N° 20, projet de
dérivation de l’oued Boudjimah 1873-1874.
Troisième Partie Chapitre Premier
248
1 : La Boudjimah, 2 et 2’ : Canaux de déviation de la Boudjimah vers la Seybouse, 3 : Premier canal exutoire, 4 :
Canal exutoire central, 5 : Nouvelle enceinte, 6 : Cour Napoléon.
Fig.75 : Tracé de la nouvelle enceinte au niveau de la darse et du canal exutoire
Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris363
C’est ainsi que le nouveau tracé a évité les zones dont l’altitude est inférieure à deux mètres afin
d’éviter les sur couts de fondations sur mauvais sol. Le problème de fondations profondes est le
principal obstacle de l’extension de la ville de ce côté, il propose de gagner du terrain vers le
Nord ouest tout en respectant les chemins et routes existants.
3.2.3.4. La contrainte de la nature du sol.
En évitant les terrains accidentés, le génie se retrouve confronté à un problème d’un autre ordre,
non seulement celui des zones marécageuses qu’il est facile de localiser mais aussi à celui de la
présence de nappes phréatiques assez élevées : puisque certaine constructions existantes en
dehors de l’ancien mur d’enceinte, notamment le caravansérail et le moulin à vapeur dont
l’altitude est respectivement de 1,5 et 5m présente des fondations à différentes profondeurs.
Celles du caravansérail sont de 1,4m alors que celles du moulin pourtant plus haut sont à 4,8m.
363
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 852, Article 3, N° 41, Plan de la ville
de Bône en date du 14 mars 1850.
Troisième Partie Chapitre Premier
249
L’extension de la ville est donc assujettie à une étude détaillée du sol, ce qui retarde l’exécution
du projet. Toutefois malgré les problèmes techniques le projet d’extension de la ville est admis.
L’ancien mur devrait être détruit après la fin des travaux de nouveau et sa fortification. Cette
destruction permet la récupération de terrains à l’intérieur de l’enceinte : une partie du cour
Napoléon et de la rue du même nom sont situées sur l’emplacement de l’ancienne enceinte.
La nouvelle enceinte se ferra aussi au détriment de particuliers expropriés à titre d’utilité
publique. La nouvelle enceinte sera doublée d’une rue de rempart de 15m de large à l’intérieur.
Les terrains extérieurs à l’enceinte et jusqu’au canal exutoire appartiennent de fait au domaine
militaire comme zones de servitudes nécessaires à la défense de la place.
3.2.4. Les plans d’alignements et de redressement : des objectifs militaires.
Dans une dépêche de 1844, le chef commandant de la place reçoit l’ordre via le Ministre de la
Guerre de part le ministre de l’intérieur de demander aux autorités civiles locales de dresser les
plans d’alignement de la ville de Bône y compris les plans des nouveaux quartiers. Pourtant les
militaires n’ont pas attendu ces directives pour rectifier le tracé de certaines rues. Au-delà des
leurs propres besoins, les militaires sur place ne peuvent que suivre les directives de leur
hiérarchie. Aussi certains percements n’obéiront qu’à des objectifs civils.
Les alignements effectués dans la ville de Bône obéissent à la règlementation établie pour la ville
d’Alger364
. C’est le service du génie qui en établit les plans en attendant l’application du projet
de décret de 1853 établissant les attributions des Maires en matière de voirie et de constructions
en Algérie365
.
364
Après beaucoup de discussions administratives entre le préfet d’Alger et le maire de la même ville ; il a fallu
l’intervention du Ministre de la guerre (dépêche du 21 janvier 1852 signée pour le ministre Le Directeur des affaires
de l’Algérie) pour réactiver la rédaction du projet de la réglementation qui prend le nom : Projet de règlements pour
les constructions urbaines. Le règlement était applicable à toutes les localités et ce fut le cas jusqu’à ce que
l’Architecte Chef du service des Bâtiments civils l’ait jugé inapplicable à l’ensemble des localités. Il fut le seul du
comité consultatif à apporter son refus. 365
Projet de décret sur les attributions des Maires en matière de voirie et de constructions en Algérie (1853) : Sous
Napoléon empereur des français
Vu le rapport du Ministre secrétaire d’état au département de la Guerre
Vu l’ordonnance Royale du 28 novembre 1847 concernant l’organisation municipale en Algérie
Vu la délibération du Conseil de Gouvernement de 1853
Considérant que la première apostille de l’article 27 de l’ordonnance précitée charge le maire de la voirie municipale
Considérant que cette disposition porte seulement sur la question de principe ce qui oblige à recourir aux lois si
nombreuses de la métropole en pareille matière pour l’application du droit que la dite disposition confère aux maires
de l’Algérie, d’où peuvent naître des complications et des difficultés qu’il importe de prévenir en réglant l’exercice
de cette attribution ;
Avons décrété décrétons ce qui suit :
Troisième Partie Chapitre Premier
250
Dès 1860 (application du décret) ce sont des commissions mixtes qui examinèrent les projets
d’alignement. La loi sur les habitations insalubres en application en France ne pouvait servir de
règle en Algérie. Pourtant selon une dépêche du Ministre de la guerre en date du 1 octobre
1851366
, le Gouverneur Général reçut des directives d’introduction en Algérie du conseil
hygiénique. Ce que le comité consultatif de l’Algérie refusa le 17 novembre 1851 en justifiant
son refus par les difficultés d’application en Algérie. Les alignements des constructions urbaines
effectués avant le règlement, c'est-à-dire avant 1861, obéissaient donc à la seule logique du
génie.
Conclusion.
Les équipements militaires furent installés selon la stratégie de défense de la Place, en prenant
toutefois en compte la présence du port, lui aussi à protéger ; ils formèrent avec l’enceinte
fortifiée une double ceinture de sécurité. L’exigüité des terrains libres les amena à installer sur
les points dits faibles d’autres casernements et fortifications tout en fortifiant les anciens fortins
par les batteries. Par ailleurs cette forme d’installation obéit incontestablement au principe
militaire : le trop de troupes affaiblit une place.
Article 1 : aucune rue, non comprise au plan de distribution et d’alignement d’une localité, aucun passage
public, établi sur une propriété particulière, ne peuvent être ouverts sans l’autorisation du maire ou de
l’autorité en remplissant les fonctions.
Aucune construction quelconque, soit urbaine, soit rurale, même en dehors de la voie publique, ne peut être
élevée sans la même autorisation. Toute fois il suffira d’une simple déclaration, faite à la mairie huit jours à
l’avance, pour les bâtiments d’exploitation et les maisons en dehors des villes et villages, dont la hauteur ne
dépassera pas le rez de chaussée.
Le présent article ne préjudicie en rien aux droits de services des ponts et chaussées et de l’administration
supérieure en ce qui concerne la grande voirie.
Article 2 : le maire peut ordonner la démolition de tout bâtiment menaçant de compromettre la sûreté
publique.
Article 3 : le maire a le droit de faire des règlements de voirie qui comprendront, l’alignement des rues, la
hauteur des maisons, la nature et l’emploi des matériaux, l’épaisseur des murs, les saillies, balcons,
auvents, enseignes et généralement tout ce qui concerne les constructions, même en dehors de la voie
publique et dans l’intérieur des bâtiments.
Ces règlements sont soumis à l’approbation du Préfet.
Article 4 : le recours contre les décisions du maire sera porté devant le Préfet qui peut prendre lui-même,
les mesures de polices autorisées par le présent décret
Article 5 : les propriétaires, architectes, entrepreneurs ou ouvriers qui ne se conformeront pas aux
prescriptions du présent décret seront garants et responsables de tous évènements, condamnés aux peines
de droit et tenus de tous dommages et intérêts, sans préjudice de droit de faire démolir les constructions
vicieuses ou reconnues contraires aux règlements.
Cette démolition sera ordonnée par le tribunal de simple police, chargé de prononcer sur toutes les
contraventions en matière de petite voirie.
Article 6 : il sera pourvu à l’exécution du présent décret par arrêté du gouverneur Général. 366
Archives d’Outre-mer, AOM, dossier 1N 30, année 1852, Aix en Provence.
Troisième Partie Chapitre Premier
251
Ces installations intramuros eurent comme effets la destruction de maisons ou leur
transformation, l’ouverture de voies et de places ainsi que le redressement de certaines rues les
rendant carrossables. La jonction des bâtiments militaires entre eux et avec les portes de la ville
s’affiche comme une priorité militaire.
La présence du port et l’activité qui en découle ont participé à l’essor de la ville dès les
premières années d’occupation, ce qui mit la population européenne à l’étroit dans la cité ; le
Génie militaire se vit ainsi confier l’extension de celle-ci. La topographie aidant, c’est vers la
plaine Ouest que la ville devait se développer, mais la présence de marais et de la Boudjimah
devenait un obstacle à surmonter.
La ville de Annaba vit son extension donc assujettie d’abord à l’assèchement de la plaine Ouest,
puis à la construction du port et enfin à la déviation de l’embouchure de la Boudjimah. Les villes
naissant en s’adaptant à la topographie, la ville de Bône répondait à une volonté politique et
économique, et a eu recours aux différents systèmes techniques pour pouvoir être réalisée. Cette
réalisation revêt le caractère donc technique des ingénieurs qui l’ont conçue dans la même
logique que lorsqu’on se trouve devant un mauvais sol de fondation ; devant le mauvais sol de la
plaine freinant l’extension de la ville, les ingénieurs du génie en ont créé un artificiel pouvant
permettre cette extension.
La ville de Bône comprenait donc deux entités séparées par le Cour Napoléon, l’une hybride née
d’une transformation européanisante par destruction-reconstruction partielle d’une médina et
l’autre érigée dans un caractère totalement européen et obéissant à une règlementation importée.
Les transformations amenées au tissu urbain de la médina de Annaba , par l’ouverture de voies
de communication, de places, par l’appropriation, puis l’adaptation à leurs besoins des maisons
ou des mosquées ont défiguré ce tissu. La petite taille de la médina à laquelle viennent s’ajouter
toutes les destructions consécutives à l’installation d’une importante garnison dans une ville ne
comprenant pas d’édifices pouvant la recevoir, ont joué en défaveur de la pérennité des
caractères, de l’originalité et de la richesse de la médina.
Troisième Partie Chapitre Premier
252
Fig.76 : Typologie des constructions de la vieille ville de Annaba
Sources : Bureau d’Étude A-U-A,367
Une ville faiblement peuplée, d’un grand attrait économique (commerçant, agricole ou
industriel) jumelé à une volonté politique de colonisation par peuplement ont été les facteurs
déterminants pour un afflux de population de diverses origines, milieu et conditions. Des
maisons autrement structurées que les immeubles de rapport connu en Europe, ne pouvaient
absorber ces populations célibataires et aux mœurs pas toujours bonnes, ce qui a exigé une
extension de la ville. L’extension rapide générée par le caractère commerçant et portuaire de la
ville a fini par lui octroyer le cachet européen grâce aux transformations qui ont touché la
majeure partie de la médina par l’érection d’une nouvelle ville plus grande européenne tournée
vers la mer et donc vers la métropole source de sa création.
367
Abderahim Hafiane, 2001, op.cit.
Troisième Partie Chapitre Deuxième
253
CHAPITRE DEUXIÈME.
LES CASERNEMENTS ET FORTIFICATIONS ET LEURS IMPACTS À
CONSTANTINE. DES IMPLANTATIONS STRATEGIQUES EXTRAMUROS.
Introduction.
Ce n’est qu’au bout du second siège que la ville de Constantine fut prise en 1837. C’était une
ville fortifiée, comprenant dans son enceinte la citadelle de la casbah. À l’inverse de Annaba,
Constantine comprenait des équipements militaires et en tant que capitale du beylik, le palais du
bey. La ville était aussi défendue par la garnison ottomane qui se trouvait à Mila.
Juchée sur le rocher, la ville n’a pu être prise que par son flanc Sud-est. C’est donc dans un
contexte autre que celui de Annaba que les français vont s’installer et créer leur propres
équipements et préparer le peuplement ; la topographie qui avait joué un rôle défensif va encore
une fois jouer ce même rôle lors de l’installation des français.
La ville déjà militaire sous les romains puis sous les turcs va voir, comme nous le verrons plus
bas, sa fonction s’intensifier avec l’installation des militaires français. À l’instar des autres villes
algérienne, Constantine était dense, ses voies de communication très étroites et très peu étaient
carrossables ; c’est donc à l’extérieur de l’enceinte que vont être placé les nouveaux équipements
militaires nécessaires à une ville de garnison et cela après la fortification de la place et
l’installation du commandement et des premières troupes. Nous verrons dans ce qui suit
comment le choix des différents sites extramuros a été défini. Nous verrons aussi que les
installations intramuros ou extramuros auront des répercussions sur le tissu de la ville. La ville se
verra transformée par les destructions et réaménagements successifs opérés sur la citadelle, les
palais et maisons dans un premier temps, puis celles engendrées par les ouvertures et
redressements des voies dans un deuxième temps. Ces dernières sont nécessaires à
l’acheminement des troupes, matériels et matériaux de construction.
Très vite, le besoin d’extension de la ville s’est instauré. Le Génie se voit donc confier la
conception d’une nouvelle ville européenne et de son enceinte. Le choix stratégique du coudiat
Aty comme extension s’impose et le projet se dessine en attendant sa réalisation.
Ce chapitre est destiné à l’exposé des différents projets militaires et de leurs impacts sur la ville
de Constantine et de son extension.
Troisième Partie Chapitre Deuxième
254
1. Les atouts stratégiques de Constantine.
Dans une note de 1840, émanant du Directeur Général des Fortifications de la Place de
Constantine368
, il est dit l’importance de la province de Constantine pour la France, elle se
résume dans ce qui suit :
le site imprenable ;
sa situation géographique dans le pays : proximité du port de Philippeville (Skikda) et
carrefours des voies de communications Est-ouest et Nord-sud ;
la richesse de ses tribus ;
sa population nombreuse ;
sa population arabe assujettie à la domination française et dont le caractère diffère de
celui des Kabyles de la région d’Alger plus rebelles. « Les arabes voient dans l’armée
l’instrument du pouvoir civil » ;
son commerce considérable avec le désert (non encore conquis en 1837) ;
son échange commercial avec Tunis ;
l’influence de Constantine sur les populations de l’est.
Sur les justifications suscitées, Constantine devient, pour l’armée française, une Place à fortifier
selon les particularités de son site, à savoir le coudiat Aty, la Place de la casbah et le plateau du
Mansourah :
sur son front Ouest : le coudiat Aty, point faible du site puisque c’est par cette position
que les français ont attaqué et réussi à prendre Constantine. Le coudiat Aty fera l’objet de
plusieurs études approfondies pour en premier lieu sa fortification et par la suite son
urbanisation ;
la place de la Casbah par une série de constructions et d’améliorations en vue de fortifier
la citadelle. Cette Place doit être impérativement protégée car elle abrite les troupes en
campement intra-muros et dont la mission première est de défendre la ville et d’abriter
l’hôpital militaire provisoire en attendant la construction prévue pour 1841 de l’hôpital
définitif ;
le plateau du Mansourah pour installer l’arme Train dans un premier temps, plateau ayant
déjà servi durant la prise de la ville pour cantonner cette même arme mais ayant aussi été
368
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 805, Article 2, N° 07, en date du 28
février 1840.
Troisième Partie Chapitre Deuxième
255
le siège du cantonnement tunisien lors de la campagne du Dey de Tunis sur Constantine.
Ce plateau comprend « la Redoute369
tunisienne »370
.
De tous ces sites seule la casbah est intramuros, de ce fait l’armée française est contrainte
d’occuper toutes les bâtisses qu’elle jugea nécessaires à son implantation dans la ville de
Constantine. La manière dont s’est effectuée cette implantation et son impact sur la ville seront
traités dans ce qui suit.
Fig.77 : Plan de Constantine lors de la prise
Source : archives SHD, Vincennes, Paris371
A casbah ; B Palais du Bey ; C porte d’El Kantara ; D porte El Gébia ; E porte Valée ; F porte Ed Djedid ; G
caserne retranchée du coudiat Aty.
La lecture de cette carte nous confirme que la casbah et le palais du Bey étaient les édifices les
plus importants de la ville. Le site de la casbah atteignait pratiquement le 1/8 de la superficie de
la cité. La citadelle se trouvant sur la partie la plus haute de la ville, présentait les avantages
d’une citadelle retranchée et dominante mais proche des populations à contenir ou à défendre.
369
Redoute : nf. Lieu de fortification isolé. Dictionnaire Quillet de la Langue Française, Librairie Aristide Quillet,
Paris, 1948. 370
Les différents mémoires militaires qui comportent un historique de la Place comme introduction donnent deux
versions à l’attaque du Bey de Tunis. 1/En 1705, Mourad Bey de Tunis vint assiéger Constantine. Après un siège de
six mois, la place fut sauvée par des renforts venus d'Alger et Mourad Bey fut battu et fait prisonnier. La tradition
désigne la redoute du Mansourah comme datant de cette époque.2/ en 1803, Constantine fut assiégée par Mohand
Be-el Harch qui fut rejoint par le bey de Tunis. Le bey de Constantine reçu les renforts du dey Hussein et les
tunisiens durent se retirer. 371
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, carte de la zone de servitude de la ville de
Constantine, Dossier 1H 805, Article 2, N° 05, en date du 1er octobre 1838.
Troisième Partie Chapitre Deuxième
256
Comme l’indique la carte le mur d’enceinte n’englobe pas la totalité de la cité. Il partage avec le
canyon naturel, la défense de la cité. Il protège le flanc Ouest de la ville (le plus vulnérable) de la
porte Ed Gébia372
en allant vers le Nord jusqu’au précipice Nord. Le canyon forme enceinte sur
les trois autres flancs Nord, Est et Sud. Les trois portes Ouest font face au coudiat Aty. Il est
donc aisé de comprendre que ce coudiat présente une position stratégique qu’il faut fortifier.
Le palais du bey situé en plein cœur de la ville, dans sa partie haute, offre les avantages d’un
poste de commandement, voire la proximité avec la citadelle et la porte Vallée tout en préservant
une centralité nécessaire à la démonstration de présence, de dominance et de pouvoir.
Toutefois ces deux équipements ne suffisent pas à abriter l’ensemble des corps armés. La
construction de nouveaux bâtiments s’avèrent obligatoire dès les premières années d’occupation.
Or les équipements militaires exigent pour leur implantation beaucoup d’espaces qui doivent être
autonomes pour des raisons évidentes de défense.
Ainsi, à titre d’exemple, la poudrerie373
comprend les zones de stockage et l’usine à poudre ; les
conditions de sécurité à l’intérieur de l’établissement nécessitent énormément d’espace. Il faut
ajouter à cela les zones de servitudes à l’intérieur et à l’extérieur du mur de clôture, car ne
présentent pas les mêmes dimensions. Ces dernières dépendent du corps de caserne mais aussi de
la topographie du site, de son accessibilité, etc. Les dimensions sont décidées en France au
niveau du ministère de la guerre et sont très réglementées. La réglementation change selon les
conjonctures de défense, d’attaque ou de stabilité. Cette réglementation tient compte de la
politique de la France vis-à-vis de l’Algérie, qui attribue les zones aux domaines civil ou
militaires.
2. Les casernements et Les fortifications.
La place de Constantine, telle qu'elle était dans ses limites lors de la prise de la ville, devait être
puissamment réorganisée pour la défense. C’est-à-dire que son côté vulnérable, celui par lequel
les français ont pu prendre la ville et qui fait face au coudiat Aty, devait être renforcé par des
ouvrages importants, et que les escarpements obstacles déjà presque infranchissables devaient
être préservés de tout accès. Le génie et la direction des fortifications proposent pour la
372
Porte Gébia, communément appelée Bab El Djébia, mais retrouvé dans les archives dans cette orthographe. 373
Poudrerie : nf. Établissement où l’on fabrique de la poudre à canon, des explosifs. Dictionnaire Quillet de la
Langue Française, Librairie Aristide Quillet, Paris, 1948.
La poudrerie est différente de la poudrière qui, elle, est un magasin à poudre, à explosifs isolé et gardé.
Troisième Partie Chapitre Deuxième
257
surveillance et la défense des escarpements un chemin de ronde et de batteries flanquantes
agissant sur les points attaquables.
L’une des premières opérations a été la restauration du mur d’enceinte et la réparation avec
agrandissement du chemin de ronde. La fortification des quatre portes a aussi été une urgence
dans les travaux à effectuer sur la place de Constantine. La fortification de la casbah, site
principal de casernement, sera elle aussi parmi les premières opérations à mener. Dans le
mémoire militaire de 1838374
, nous retrouvons tous les travaux à exécuter afin de fortifier la ville
d’autant qu’Ahmed Bey continue de mener sa résistance dans le Constantinois. Ces travaux se
résument ainsi :
construction d’un petit bastion au niveau de la brèche : la face droite et le flanc adjacent
seront élevés sur les anciennes fondations ; le flanc et la face gauche seront en
encorbellement375
sur le mur actuel. Les deux faces seront assez élevées pour que tout
l'intérieur du petit bastion soit bien couvert aux vues des maisons de la ville ;
la communication du bastion au réduit376
de la casbah se fera à couvert des vues de la
ville par la porte en suivant une rampe puis un escalier et la zone de terre plein couverte
par le relief du mur. La contrescarpe377
devra être relevée en conséquence pour que la
communication soit bien dérobée au vue du dehors ;
restauration des murs d'enceinte et installation de mâchicoulis378
sur encorbellement pour
surveiller le pied du mur ;
installation de guérite379
sur encorbellement. La hauteur des maisons obligera sans doute
de créneler380
le mur de cette guérite ;
cavalier381
en terre au pied du bastion et comprenant des pièces d’artillerie comme moyen
dissuasif pour les habitants ;
374
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 805, Article 1, N°7, mémoire militaire
de la place de Bône et dépendances de 1838, non répertorié dans la nomenclature générale du Génie, mais retrouvée
en annexe de celui du 28 avril 1839. 375
Encorbellement : nm. (De corbeau, pierre saillante). Architecture : construction en saillie soutenue par des
consoles, des corbeaux. Dictionnaire Quillet de la Langue Française, Librairie Aristide Quillet, Paris, 1948. 376
Réduit : nm. Retraite, petit logement. Fortification : petit ouvrage à l’intérieur d’un autre, et qui peut servir
d’abri. Dictionnaire Quillet de la Langue Française, Librairie Aristide Quillet, Paris, 1948 377
Contrescarpe : nf. Fortification : partie du fossé d’un ouvrage située du côté de la campagne. Dictionnaire Quillet
de la Langue Française, Librairie Aristide Quillet, Paris, 1948. 378
Mâchicoulis : nm. Architecture : encorbellement extérieur formant des galeries continues au sommet des murs et
murailles des châteaux-forts, et dont le plancher était percé d’ouvertures par lesquelles on pouvait lancer des
projectiles sur les assaillants. Dictionnaire Quillet de la Langue Française, Librairie Aristide Quillet, Paris, 1948. 379
Guérite : nf. Abri en bois ou en maçonnerie dans lequel une sentinelle se met à couvert. Dictionnaire Quillet de la
Langue Française, Librairie Aristide Quillet, Paris, 1948. 380
Créneler : v. tr. Munir de créneaux (fortification : échancrure pratiquée au sommet d’une muraille ou d’une tour
pour tirer sur les assaillants. Dictionnaire Quillet de la Langue Française, Librairie Aristide Quillet, Paris, 1948.
Troisième Partie Chapitre Deuxième
258
passage à établir entre le mur d'enceinte et le café de la casbah ;
remplacement d'un toit d'une maison par une terrasse avec mur crénelé du coté de la ville
et de l'esplanade ;
restauration des bâtiments à l'intérieur de la casbah avec fortification du corps de
garde382
;
construction d'une caserne pour un bataillon avec utilisation des anciennes fondations
romaines pour élever la façade nord avec passage entre le pignon et l'enceinte de 2m ;
installation des latrines de la caserne, les autres dépendances de la caserne : cuisines, etc.
seront disposées en dehors de l'alignement des bâtiments afin de ne pas rétrécir la cour ;
construction d'un mur de séparation entre la cour de la caserne et la cour de l'hôpital ce
mur sera percé d'une porte qui sera habituellement fermée ;
construction de la cuisine de la caserne ;
construction d'un hôpital de 200 à 300 malades. Les deux façades seront dans
l'alignement des façades correspondantes de la caserne les élévations doivent présenter le
même caractère architectural : les fenêtres du coté nord devront être grillées de manières
à ce que de la cour de la caserne on ne puisse rien faire passer aux malades ;
étude du sol de la casbah et du rocher ;
porte de secours donnant sur un fossé :
construction d'un petit pont pour les gens de pied à retirer en cas de siège ou de blocus
restauration de l'escalier romain au niveau du pallier de porte ;
le chemin de ronde reste de mise pour assurer la surveillance des rochers qui peuvent être
escaladés ;
restauration et fortification du mur d'enceinte de la casbah ;
installation de la salle d'artifice ;
installation du magasin à poudre ;
construction d'un mur entre la tour et le bastion dont la hauteur doit être supérieure à 6m
avec un parapet de 1,10 à 1,20 mètre surmontant le terre plein au delà de la tour. La
381
Cavalier : nm. Architecture militaire : ouvrage de fortification. Dictionnaire Quillet de la Langue Française,
Librairie Aristide Quillet, Paris, 1948.
Cavalier : nm : militaire : ouvrage de fortification en arrière du corps principal et le dominant. Dictionnaire Hachette
2005, Édit HACHETTE LIVRE 2004, Paris, 2005. 382
Corps de garde : nm. Lieu où se tient un poste de soldats. Dictionnaire Quillet de la Langue Française, Librairie
Aristide Quillet, Paris, 1948.
Troisième Partie Chapitre Deuxième
259
casbah est inviolable seulement il est nécessaire de construire un mur pour éviter les
accidents ;
installation d'un futur promontoire pour la déambulation des convalescents sans
interruption de la circulation autour du mur d'enceinte ;
construction d'un cavalier en terre au niveau de la casbah qui comportera des pièces
d'artillerie afin de surveiller le pont et la porte d'El Kantara ;
réquisition d'une maison attenante à la casbah (mur mitoyen) et affectée au service de
l'hôpital ;
séparation par un mur d'une maison attenante à la casbah que l'on propose d'acquérir pour
la détruire pour annexer le terrain à la casbah ;
installation de la manutention à l'intérieur de la casbah ;
installation à la casbah de fours ;
toutes les ouvertures comprises dans le mur d'enceinte de la casbah seront soit bouchées
soit rétrécies par des bars de fer ;
emplacements pour le bois de la manutention ;
réquisitions de maisons affectées au casernement ;
les murs seront relevés pour couvrir des vues des maisons attenantes ;
construction de deux murs en contrescarpe en fermant une rue qui sera convertie en
fossé ;
démolition de maisons voisines ;
construction d'un petit bastion afin de compléter la fermeture de la casbah avec des
passages par les souterrains découverts (citernes romaines) ;
organisation d’un réduit de la casbah.
De ce mémoire, nous retenons que l’objectif principal des militaires, après la prise, est de
fortifier la ville. Cette opération consiste essentiellement en la reconstruction du mur d’enceinte
démoli lors de la prise de la ville et dans la fortification de la casbah car cette dernière doit être
imprenable. Toutes les fortifications ont été mises à niveau et selon le modèle militaire français.
Les éléments de fortifications ne nous intéressent que dans la mesure où ils touchent la
morphologie globale de la médina ou bien la morphologie des maisons et édifices existants.
Troisième Partie Chapitre Deuxième
260
Le Génie et la Direction des fortifications soulèvent la difficulté de réaliser des angles saillants
aux jointures des murs d’enceinte, or ce procédé est utilisé par l’armée française depuis Vauban.
Il permet entre autre de créer les cavaliers, fortifications nécessaires à la défense d’une place.
2.1. La logique d’implantation des casernements et fortifications.
Afin de mieux assoir leur choix de sites à défendre, la direction des fortifications et le Génie
militaire dessinent, dans le mémoire militaire, un scénario d’attaque de la ville de Constantine
par un ennemi imaginaire. Prenant en considération la topographie de la place et les routes y
menant, ils décèlent les points stratégiques faibles ou forts des environs de Constantine. Après le
coudiat Aty, c’est le plateau du Mansourah et son parc de Sidi Mabrouk qui apparaissent à leurs
yeux les points à défendre.
Sidi Mabrouk sera suivi du site de Sidi M’cid, du polygone d’artillerie et celui de Bardo. Le
franchissement de l’oued Rummel est alors assujetti à la construction d’un pont reliant les deux
rives. Ce sont donc les résultats de ce scénario qui convainquirent Paris, puisque ce sont ces
mêmes emplacements qui recevront les futurs équipements militaires de la place de Constantine.
A travers ce scénario, nous apprenons que l’armée française s’est déjà établie sur le site du
polygone d’artillerie383
. D’autre part les colons français n’ont pas attendu la stabilité et la
sécurité pour s’installer en Algérie, puisque des moulins Rouquonyrolles existent déjà sur la rive
droite du Rummel. Toutefois nous ne savons pas si ces moulins sont antérieurs ou non à la
colonisation.
La précédente logique associée à l’un des principes militaires qu’est la hiérarchisation dans la
construction des différents bâtiments militaires selon les priorités défensives nous mènent à
vérifier et à retrouver in-situ comment se sont implantés les équipements et dans quel ordre.
La carte de 1875 confirme que tous les équipements militaires construits par l’armée française
sont en dehors de l’enceinte de la ville.
Les maisons sont réquisitionnées pour abriter des fonctions primaires militaires comme le
logement des officiers et pour contenir des fonctions annexes qui ne nécessitent pas d’espaces
importants mais qui exigent d’être proches soit de la citadelle soit de la Place (commandement)
dont le siège a été installé dans le Palais du bey.
383
Polygone : nm. Architecture militaire : lieu où les artilleurs s’exercent au tir des bouches à feu. Dictionnaire
Quillet de la Langue Française, Librairie Aristide Quillet, Paris, 1948.
Troisième Partie Chapitre Deuxième
261
Fig.78 : Les principaux équipements militaires de la place de Constantine 1875
Source :site internet traité par l’auteur384
1 : casbah (arsenal, hôpital militaire, casernement et prison militaire), 2 : palais du Bey, 3 : porte Valée, 4 : porte
Djébia, 5 : porte EdDjid, 6 : fort de Bellevue, 7 : porte El Kantara, 8 : Batterie, 9 : Tribunal militaire, 10 :
Intendance, 11 : fort de Sidi M’cid.
384
www.constantine.free.fr/images/divers/
Troisième Partie Chapitre Deuxième
262
2.2. Le palais du Bey, nouveau poste de commandement.
Le mémoire militaire de 1878385
nous donne plus de renseignements que le précédent. Ces
renseignements concernent notamment les fonctions hébergées dans le palais et l’état de ce
dernier. Ainsi en 1878 le palais comprenait :
l’Hôtel de la division et ses dépendances, y compris le logement du chef d’état
major ;
le logement du chef du Génie, bâtiment M de construction française ;
les bureaux du Génie ;
les bureaux de recrutement organisés en 1876 pour former l’Armée d’Afrique, sont
installés dans la partie du Palais qui donne sur la rue Desmoyens ;
le logement du Directeur des fortifications ;
les bureaux des fortifications ;
deux logements de capitaines et un logement d’adjoint au Génie ;
jusqu’en 1878, l’Hôtel de la subdivision y était installé, mais jugé à l’étroit et
manquant d’air et de lumière, cette subdivision fut déménagée et dispatchée entre un
logement rue Caraman, un : rue Négrier et un autre place Négrier ;
un magasin à orge dans le palais côté rue Caraman et un autre magasin installé dans
l’entresol du palais « Dar el Bey » ;
les spahis et leurs 79 chevaux sous des hangars (le reste des 46 spahis et leurs
chevaux est cantonné à Sidi Makhlouf : sanctuaire situé au N°47 de la rue de la Tour).
Les maisons réquisitionnées, appropriées ou non, ne sont pas indiquées sur la carte, elles
comprennent les logements des officiers et différentes annexes.
Les casernements du Bardo, du Mansourah n’ont pas été représentés car ils sont encore sous
forme de baraquements.
Le mur d’enceinte n’existe que sur la demi circonférence allant de la casbah jusqu’à mi-chemin
entre la porte Gébia et la porte El Djdid. La topographie joue ainsi le rôle de fortification
naturelle. Le projet de 1838 se trouve ainsi réalisé puisque le mur d’enceinte cerne le boulevard
de l’Abîme qui arrive jusqu’à la casbah. La liaison Porte Vallée – citadelle se trouve ainsi
385
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, plan du Palais du Bey, Dossier 1H 805, Article 1,
N° 10, en date du 12avril 1878.
Troisième Partie Chapitre Deuxième
263
doublement réalisée ; la boulevard de l’Abîme présente l’avantage de ne pas traverser la cité,
quand nos savons l’importance de la discrétion et du secret militaire.
Ceci revêt un autre degré d’importance quand la citadelle renferme l’arsenal de la garnison de
Constantine ; créer une voie de communication pour l’armée, c’est desservir en toute sécurité ses
équipements. Le chemin de ronde initial est transformé en boulevard : c’est la première partie du
boulevard de l’Abîme. La casbah se retrouve accessible de deux côtés différents sans passage par
la ville. Elle retrouve ainsi l’isolement d’une citadelle tout en sauvegardant la proximité voulue.
Fig.79 : Plan de Constantine dressé en 1878
Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris386
386
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Partie du Plan de Constantine joint au mémoire
militaire de 1878, Dossier 1H 805, Article 1, N° 10, en date du 12avril 1878.
Troisième Partie Chapitre Deuxième
264
La casbah en 1878 comprenait les principaux établissements militaires dont les casernements
contiennent 2070 hommes, des écuries pour 44 chevaux, l’hôpital militaire, la manutention,
l’arsenal d’artillerie et les magasins à poudre qui en dépendent.
2.3. Le Quartier de la casbah, un espace militaire polyvalent.
Fig.80 : Plan de la casbah 1878
Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris387
1er Bâtiment à gauche C: logement de 412 hommes, une infirmerie partagée en trois sections
(zouaves, tirailleurs et détachements ou corps de faible effectif, un de casernier, deux cantines,
une salle de rapport, une cuisine pour 600 hommes, des latrines communes et d’autres
particulière, un bureau d’habillement, des magasins installés dans les combles pour l’armée
active et pour l’armée territoriale et un magasins des lits militaires. Sous ce bâtiment se trouve
des citernes d’une capacité de 4150m3
2ème Bâtiment à gauche D : le logement de 210 hommes, une cantine, des magasins, des
ateliers, un logement du chef armurier, le logement de secrétaire architecte de la division, des
cuisines et une citerne de 1750m3
387
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Plan de Constantine joint au mémoire militaire de
la place de Constantine, Article 1, Dossier 1H 805, N° 9, en date du 20 février 1853.
Troisième Partie Chapitre Deuxième
265
1er Bâtiment à droite F : le logement de 779 hommes, une école régimentaire, les ateliers et le
logement de deux maîtres armuriers et des magasins d’armes
2ème Bâtiment à droite G : le logement de 668 hommes, deux cantines, des magasins, des
ateliers, une école régimentaire et une bibliothèque. Sous ce bâtiment se trouvent les citernes de
la ville d’une contenance de 11 000m3. Ces citernes après avoir été transformées en magasins,
ont finit par retrouver leur fonction première après avoir été curées et restaurées. Un entresol a
été construit entre celles-ci et le rez de chaussée pour recevoir les vivres du casernement.
Cuisine HH', Latrines h'', Magasin aux manutentions bi, Remise du matériel roulant i', Bâtiment
d'entrée K, Forge et Hangar à ferrer L', Manutention N
Écurie L : d’une contenance de 44 chevaux à la disposition des sapeurs conducteurs. Ce n’est
pas la seule écurie intramuros de Constantine ; des maisons ayant servies au logement des
officiers e en magasin de manutention, et se trouvant libérées par les casernements ont été
transformées en écuries pouvant contenir 55chevaux avec logement pour 09 soldats-
ordonnances.
Au dessous de la casbah, se trouve un gymnase régimentaire dont la superficie est de 900m2.
2.4. Le Quartier du Bardo, casernement de l’Arme train.
C’est un casernement destiné à la cavalerie exclusivement, réservé au train d’équipages
militaires et à quelques spahis. Cependant, le quartier n’est pas encore entièrement terminé : il
est constitué d’une caserne et de baraquements. Il contient 634 hommes et 618 places de
chevaux, ainsi que des annexes : train d’équipages, une chambre d’adjoint-major, une infirmerie
pour les hommes, des magasins, des ateliers des logements de maîtres ouvriers, une école
régimentaire, une cantine, une écurie-infirmerie et une pharmacie vétérinaire. les spahis occupe
une chambre qui sert de bureau et de magasin.
Ce quartier permettra, en outre, la surveillance des rives et de la vallée du Rhummel ;
l’installation de cette caserne dans ce site n’est pas fortuite mais découle du scénario global de
défense.
Troisième Partie Chapitre Deuxième
266
Fig.81 : Plan d’ensemble du quartier du Bardo.
Source : archives SHD, Vincennes, Paris388
(d : 1er Bâtiment de droite, e : 2ème Bâtiment de droite, f : 1ère Écurie de gauche, g : 1ère Écurie de droite, i 2ème
Écurie et sellerie de gauche, k 3ème Bâtiment de droite, l : Salle de police et Prison, m : 3ème Écurie de gauche, n :
1er Bâtiment de gauche, o : Écurie et Corps de garde, q : Magasin du génie, yy'' : 4ème Bâtiment de droite et lits
militaires, y' : Cuisines et latrines).
2.5. Le Quartier du Mansourah, siège de l’État Major et du 3ème
régiment des Chasseurs
d’Afrique.
Des trois forts c’est le plus ancien. Sa construction a débuté en 1867 et s’est terminée en 1874. Il
était destiné à loger le 3ème
Régiment de chasseurs d’Afrique, dont 4 escadrons et l’état major
sont présents à Constantine ; il pouvait contenir jusqu’à 709 hommes et 600 chevaux. Il a la
forme d’un rectangle de dimensions considérables où sont comprises les casernes et les écuries.
Il présente une large cour qui peut être elle-même une assiette à de nouveau équipements ; il
comprend une infirmerie régimentaire, deux cuisines pour 600 hommes chacune, les ateliers et
magasins de dépôt du corps et de l’escadron territorial, le logement des maîtres-ouvriers, 04
388
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 805, Article 1, N°9, mémoire militaire
de la place de Constantine et dépendances en date du 20 février 1853.
Troisième Partie Chapitre Deuxième
267
cantines, une écurie infirmerie, des forges, des magasins à fourrage et de distribution, une
pharmacie vétérinaire avec table de dissection, des locaux disciplinaires, un corps de garde et le
logement du casernier.
Ce fort comprend en son enceinte la redoute tunisienne ; son site avait déjà été utilisé lors du
siège de Constantine. Il se devait de défendre la rive sud du Rhummel.
Fig.82 : Plan d’ensemble du projet de casernement du Mansourah pour 1866-1867.
Source : archives SHD, Vincennes, Paris389
Cependant le plateau du Mansourah demeure vulnérable puisqu’il est exposé au feu des pièces
qui éventuellement seraient établies sur les hauteurs de Djebel- Ouahch. Ce qui a poussé l’armée
française à installer des batteries sur ces hauteurs et à armer le quartier de pièces de gros calibre.
2.6. Le Quartier de Sidi Mabrouk, siège de la Remonte.
Le quartier est réservé au service de la remonte et des étalons, il a été installé sur l’ancien parc
aux bœufs. Il pouvait contenir jusqu’à 112 hommes et 353 chevaux. Il contenait un corps de
389
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Projet du casernement du Mansourah, document
non répertorié dans la nomenclature générale du Génie mais trouvé dans le Dossier 1H 806, Article 1, en date du 14
mai 1866.
Troisième Partie Chapitre Deuxième
268
garde, une cuisine, une salle de police, une forge, un hangar à ferrer et une pharmacie vétérinaire.
Le quartier est encore l’objet d’un projet d’agrandissement et de construction en maçonnerie afin
d’amener sa capacité à 238 hommes et 10 sous-officiers.
Fig.83 et 84 : Plans d’ensemble du quartier de Sidi Mabrouk.
A/ Projet de 1868390
B/ Projet réalisé en 1878391
Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris
a : 1er Bâtiment de gauche, b : 2ème Bâtiment de gauche, c : 3ème Bâtiment de gauche, d :
Magasin aux fourrages, z : Écurie et Forge, h : 1ere Écurie de gauche, m : 4ème Écurie de
gauche, n : 3ème Écurie de gauche, o : 4ème
Bâtiment de gauche, p : 3ème Écurie de droite, q :
2ème Écurie de droite, r : 1ere Écurie de droite.
L’implantation dans le site s’est effectuée de manière la plus rationnelle possible, les ingénieurs
suivent, selon leur principe, les courbes de niveau pour implanter les bâtiments.
390
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, projets pour 1868-1869 non répertorié dans la
nomenclature générale du Génie mais retrouvé dans le Dossier 1H 806, Article 1, en date du 08 avril 1868. 391
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Partie du Plan de Constantine joint au mémoire
militaire de 1878, Dossier 1H 805, Article 1, N° 10, en date du 12avril 1878.
Troisième Partie Chapitre Deuxième
269
Les quartiers du Mansourah et de Sidi Mabrouk présentent en commun une grande zone de
servitude qui sera plantée comme nous le verrons ultérieurement.
2.7. Le Fort de Bellevue, siège de l’artillerie.
C’est en 1877 que l’artillerie et le train d’artillerie sont évacués vers le fort de Bellevue alors
construit.
C’est le casernement des troupes d’artillerie, le troisième à être construit ; il se présente sous la
forme d’un long trapèze qui comprend six bastions : quatre aux angles et deux vers le milieu des
grands côté du trapèze. La position de ce fort est commandée à des distances variant de 3500 à
4000 mètres par les collines qui se trouvent entre le Bou-Merzoug et le Rhummel. Il est
puissamment armé de 09 bouches à feu dont deux pièces de sortie.
Fig.85 : Projet du Fort Bellevue 1868-1869.
Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris392
392
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 805, Article 2, N°46, les documents ne
sont pas répertoriés dans la nomenclature générale du Génie mais troucé dans les dossier susnommé, en date du 27
avril 1881
Troisième Partie Chapitre Deuxième
270
Fig.86 : projet d’agrandissement du fort de Bellevue en 1878
Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris 393
Ce fort assure la défense du coudiat Aty et du flanc Ouest de la ville. Ce dernier connut des
aménagements successifs : il a été destiné à l’artillerie. Il constitua le catalyseur de l’urbanisation
du Constantine européen.
2.8. Le Fort du coudiat Aty.
Compris à mi-chemin entre le fort de Bellevue et la Place, ce fort se présente comme une redoute
qui a perdu toute son importance défensive depuis la construction du fort de Bellevue. Il est,
cependant, maintenu pour un cas de force majeur pour abriter deux pièces de campagne. Il garde
son utilité dans le réseau défensif de la place. Il contient 41 places de sous-officiers et de soldats.
Ce fort se trouvant sur la voie qui mène au fort de Bellevue depuis la porte Valée, est un poste de
surveillance de cette voie.
La redoute demeurera sur le coudiat jusqu’à l’urbanisation complète de ce dernier ; il disparut au
profit de la Place de la Pyramide. Cette voie comprendra ultérieurement la gendarmerie et la
prison civile, qui prendront la forme du tracé initial du Génie.
393
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 805, Article 2, N°46, les documents ne
sont pas répertoriés dans la nomenclature générale du Génie mais troucé dans les dossier susnommé, en date du 27
avril 1881.
Troisième Partie Chapitre Deuxième
271
Fig.87 : Situation de la redoute du coudiat Aty comprenant l’aménagement de la rue de Fleury.
Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris394
2.9. Le fort de Sidi M’cid.
Sa construction a débuté en 1874 et a été terminée en 1877. Il peut contenir 55 hommes et 4
sous-officiers. Il comprend deux logements d’officiers, une cuisine, une citerne, un magasin aux
vivres, des magasins pour les effets et les munitions, un corps de garde, des locaux de punition et
des latrines.
Installé au Nord-nord-est de la place, ce fort permet la surveillance des routes de Philippeville,
de Ain-el-Bey, de Sétif, le pont d’Aumale ainsi que la ligne de chemin de fer. Il commande toute
la vallée du Rhummel en aval et bat les pentes de Djebel-ouahch ; il présente l’avantage d’avoir
des vues très étendues sur les collines du Mridj et des deux vallées de Bou-Merzoug et du
Rhummel.
394
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Partie du Plan de Constantine joint au mémoire
militaire de 1878, Dossier 1H 805, Article 1, N° 10, en date du 12avril 1878.
Troisième Partie Chapitre Deuxième
272
Fig.88 : Plan de masse du Fort de Sidi M’cid et sa zone de servitude
Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris395
2.10. Les portes, un système d’accessibilité fortifiée.
En dehors des casernements, la fortification de la Place passe nécessairement par celle des
portes. Celles ci constituent non seulement les points d’accès à la ville mais aussi les points par
lesquelles débutent les principales rues de la ville.
Nous n’avons pas pu retrouver dans les mémoires militaires les travaux de transformation qui
auraient pu concerner la porte Ed-Djedid. Alors que sur les plans de la place, cette porte apparait
comme appartenant au domaine militaire puisque comprise dans le mur d’enceinte, au voisinage
de la Porte Valée. D’où la question suivante : est-ce Bab el Oued qui est remplacé par la porte
Valée d’autant qu’elle a disparu de la carte ? Et dans ce cas pourquoi le terme Ed-Djedid qui
signifie nouveau ou nouvelle porte ?
395
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, projet de construction d’une batterie au fort de Sidi
M’cid, Dossier 1H 806, Article 1, N° 64, en date du 12 mai 1890.
Troisième Partie Chapitre Deuxième
273
Les transformations qu’a subies l’enceinte de la médina, avec la proximité de la porte Valée avec
Bab Ed-Djedid, sont la raison de la disparition de cette dernière port, qui donnaient sur la place
Nemours.
En dehors de Bab Ed-Djedid, les trois autres noms arabes des portes sont restés dans le langage
courant malgré leur disparition physique ; ils désignent l’emplacement des portes. Par ailleurs, si
d’autres noms d’origine française sont restés, ce n’est pas le cas de la porte Valée.
2.10.1. La Porte d’El Kantara.
La porte par laquelle la première expédition a échoué demeure vulnérable, d’autant qu’elle est le
seul accès à la ville de ce côté. C’est plus le pont qui est défendu que la porte en elle-même. Il est
flanqué de trois batteries ; présentant un réel danger, il est muni d’un dispositif de mines (quatre
fourneaux de 150kg sont préparés dans la culée de la rive gauche) qui permettraient de faire
sauter la première travée.
C’est le seul moyen de défense de la Place de ce côté car le ravin du Rhummel est pratiquement
impossible à l’escalade.
Fig.89 : Porte et Place d’El Kantara.
Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris396
2.10.2. La Porte Djébia.
De construction très ancienne, elle se présente comme une porte très bien organisée du point de
vue défensif. Elle est constituée d’une double porte : le passage est fermé par une porte
396
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Partie du Plan de Constantine joint au projet
d’exécution d’une rue carrossable de la porte Vallée à la Casbah, Dossier 1H 805, Article 1, N° 08 , en date du 21
septembre 1840.
Troisième Partie Chapitre Deuxième
274
extérieure en bois puis se retourne un peu plus loin à angle droit pour se retrouver sur une
deuxième porte qui protège l’accès à la rue.
Seulement, la surveillance de cette porte est difficile car les maisons voisines avancent jusqu’au
bord de l’escarpement du Rhummel, ce qui la rend vulnérable et explique l’ouverture de la porte
Vallée.
Très ancienne, elle a du être complètement restaurée et remise à niveau au début du siècle. Sa
surélévation a été certainement due aux travaux effectués par les français sur les chaussées
(macadam puis pavage et redressement des rues).
Fig.90 : Élévations de la porte El-Djébia.
A/ Vue de l’extérieur B/ vue de l’intérieur
Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris397
Ces élévations nous présentent comment le service du Génie a repris les caractères de
l’architecture arabo-ottomane que suggère le contexte. Nous retrouvons, à l’extérieur, la
superposition des deux types d’arcs usités dans les constructions à savoir l’arc surhaussé et l’arc
en ogive. Le premier repose sur des chapiteaux du même style, alors qu’à l’intérieur, le
397
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Projet de relèvement du seuil et du remplacement
de la porte El-Djébia, Dossier 1H 806, Article 2, N° 97, en date du 20 mars 1900.
Troisième Partie Chapitre Deuxième
275
traitement architectural est substitué par les contraintes sécuritaires, ce n’est plus qu’une porte
rectangulaire fortifiée.
Cependant la régularité, principe de conception du Génie, apparait dans le traitement constructif
de cette porte par les rapports égaux entre les barres de consolidation. Cette même dimension est
reprise dans la hauteur de la grille supérieure de la porte. Cette dernière reprend le principe du
‘Manfes’ (soupirail) que l’on retrouve assez souvent au dessus des portes des maisons de la
médina. Ainsi la porte, à l’extérieur, se présente comme une réplique de la configuration des
encadrements des portes locales
2.10.3. La Porte Vallée.
De construction française, elle remplace Bab-El-Oued détruite lors de la prise. Elle est orientée
de la même manière que l’ancienne porte. C’est à cet endroit qu’a été faite la brèche à l’enceinte.
Cette porte représente l’entrée principale de la ville et c’est la plus importante à défendre
puisqu’elle est située sur le front le plus vulnérable.
Elle est pourvue de deux passages dont un seul possède une deuxième porte intérieure. De
chaque côté de celle-ci se trouve un corps de garde. En 1878 la porte n’est pas encore bien
défendue malgré la présence d’un bastion élevé en même temps que la porte.
Ce bastion se limite à un simple mur crénelé sans trop de résistance an cas d’attaque. Cette porte
à fait l’objet d’une demande de réorientation par la municipalité qui n’a pas fourni le budget
nécessaire à sa reconstruction. Ce projet est donc abandonné.
Une partie de l’enceinte, à droite de la porte Vallée, est toujours manquante et c’est le magasin
aux grains qui forme obstacle et joue le rôle d’enceinte. La porte Ed-Djedid se voit donc
définitivement obstruée..
La ville de Constantine se trouve ainsi doublement ceinturée. La première ceinture se matérialise
par un mur fortifié sud-ouest /ouest-nord ouest et par le ravin du Rhummel sur ses autres flancs ;
la seconde ceinture est celle qui relie les différents quartiers militaires situés extramuros. Si cette
dernière parait comme ponctuelle ceux les trajectoires des tirs éventuels qui constituent le lien
entre les différents points d’arme.
Troisième Partie Chapitre Deuxième
276
2.11. Les équipements militaires et la ville : une défense intramuros et extramuros.
En implantant extramuros les différents quartiers de la garnison, les militaires n’ont fait qu’obéir
aux principes qu’ils ont reçus lors de leur enseignement : le trop d’ouvrages et de troupe affaiblit
une place.
Ce n’est donc pas uniquement le manque de terrains d’assiette qui les a conduits à l’extérieur de
Constantine mais une stratégie globale qui évite la concentration de moyens de défense en un
même lieu. En créant les chemins de ronde, les voies de communications entre leurs équipements
au sein de la ville et en dehors est aussi une application d’un de leur principe de base. Si les
transformations au niveau de la ville sont claires, les communications de celle-ci avec les autres
équipements extramuros le sont encore plus, c'est-à-dire après pratiquement un siècle
d’extension urbaine.
La construction du viaduc sur le Rhummel, ou le développement en première phase de la ville
vers le coudiat Aty sont le résultat de ce principe.
C’est le schéma de développement d’une ville le long de voies de communication sures : La rue
Rouhault de Fleury est la voie qui relie la porte Valée au coudiat Aty. La fortification du pont
d’El Kantara et plus tard la construction du viaduc de Sidi Rached, expriment la volonté
d’assurer le passage entre la ville et le plateau du Mansourah.
D’autant que ce dernier présente une double importance aux yeux des militaires ; il est le siège
d’un important quartier et comprend la carrière de pierres nécessaires aux constructions de la
ville ; il est aussi le point de jonction avec Sidi Mabrouk.
Le fait de placer l’arsenal et de le maintenir au niveau de la casbah obéit aussi à un autre
principe : l’objet de munition ne doit pas être séparé de la fortification398
. Si l’arsenal constitue
en soi un danger au sein de la ville, il représente aussi l’objet de défense et donc l’objet à
défendre. A l’inverse d’une ville de garnison française, à Constantine l’ennemi est intérieur et à
l’extérieur de la forteresse. La surveillance doit donc être menée à l’intérieur comme à
l’extérieur.
398
B. Forest de BELIDOR, La science des ingénieurs dans la conduite des travaux de fortification et l’architecture
civile, Paris, 1728, p 223.
Troisième Partie Chapitre Deuxième
277
Fig.91 : Plan d’ensemble de la Place de Constantine en 1881.
Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris399
La présence du ravin limitant la cité allège de manière importante cette surveillance et les
travaux qu’aurait exigés une ville à la topographie accidentée.
Le développement de la ville vers l’est voit les quartier du Mansourah et de Sidi Mabrouk
intégrés dans son tissu. En prolongement de ces équipement sera installée l’aviation à Oued
H’mim. Le développement du tissu urbain vers le sud comprend les quartiers de Bellevue, de
Bardo, des Testanieres et du parc militaire.
399
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, document trouvé en annexe de Projet de la mise en
état de défense du fort de Belle Vue , Dossier 1H 805, Article 2, N° 46, en date du 27 avril 1881.
Troisième Partie Chapitre Deuxième
278
Le polygone d’artillerie vient en continuité le long de la route de Sétif vers Alger. Nous
assisterons plus tard donc à une spécialisation des sites. L’arme train et l’aviation à l’est et
l’artillerie au sud. Cette partie de la ville coloniale est fortement peuplée de colons nantis
(notables ou propriétaires) par rapport à la partie Est siège des ouvriers (cité ouvrière des
chemins de fer principalement) et des petits fonctionnaires.
Le fort de Sidi M’cid perdra graduellement avec le mur d’enceinte son importance stratégique
avec le développement des armes à feu et l’apparition de l’aviation.
Ces implantations militaires à l’extérieur de la ville vont trouver encore plus de sens lorsque le
mur d’enceinte deviendra inutile avec l’introduction de nouvelles armes telles que l’aviation, les
chars et les canons aux longues trajectoires de tir.
La ville beaucoup plus aérée et moins dense comprendra toujours les équipements militaires en
son sein. Elle gardera donc son épithète de ville fortifiée et ce malgré la disparition du mur
d’enceinte. Les équipements proches des populations joueront leur rôle auprès de celles-ci : un
rôle de protection et de sécurité pour les populations françaises et un rôle de surveillance, de
dissuasion et de domination auprès des populations autochtones.
Fig.92 : Les équipements militaires de la place de Constantine 1958
Source : Carte d’état Major de 1958 traitée, par l’auteur
Troisième Partie Chapitre Deuxième
279
1 : Gendarmerie, 2 : Arsenal, Casbah, Hôpital et Prison militaires Nouvelle Cité militaire, 3 : Tribunal militaire
Quartier de la Remonte, 4 : Cercle militaire, 5 : S.A.S de Sidi M' Cid, 6 : Fort de Sidi M'Cid, 7 : Quartier de La
Remonte et la caserne des gardes mobiles, 8 : Quartier Galliffet, 9 : Cité colonel Fabian, 10 : Parc militaire, 11 :
Caserne Testanieres, 12 : Fort de Bellevue, 13 : Caserne du Bardo et son parc, 14 : poudrière.
Nous constatons qu’il n’y eut plus d’installation de nouveaux équipements. Seulement, les
anciens équipements se sont développés et fortifiés. Les deux rives du Rhummel sont toujours
aussi bien protégées et surveillées.
L’extension de la ville s’est faite selon les prévisions du XIXème siècle, elle suit les voies
d’accès aux différents sites militaires. Une « planification urbaine » basée sur des données
scientifiques, à savoir la topographie du site, a porté ses fruits. Les deux axes de développement
de la ville de Constantine, Sud et Est prévus par le Génie militaire (selon les emplacements des
casernements et donc les grands axes de communication) continuent d’être de mise jusqu’à nos
jours.
C’est ainsi que ces équipements conçus et construits au XIXème siècle se trouvent maintenant
enclavés dans le tissu actuel, ce qui leur confère le statut d’équipements militaires urbains.
Fig.93 : Les équipements militaires actuels de Constantine
Sources : INC, Alger, 1994, traité par l’auteur
Troisième Partie Chapitre Deuxième
280
1 et 2 : cités militaires, 3 : Quartier de la Remonte, 4 : Caserne du Mansourah, 4 bis : Caserne du Mansourah, 5 :
Fort de sidi M’cid, 6 : Prison militaire, 7 : Tribunal militaire, 8 : Caserne de Belle Vue, 9 : Caserne de la Cinquième
Région militaire.
L’Algérie indépendante a gardé les principaux quartiers militaires hérités. Leur implantation ne
présente plus le caractère stratégique d’autrefois mais leur proximité est encore nécessaire
nécessaires en cas de catastrophes naturelles (inondations, séismes, ou incendies) ou d’instabilité
politique ; ils génèrent un sentiment de sécurité effective aux populations urbaines. Les
populations algériennes l’ont vécu ces deux dernières décennies lors des inondations d’Alger, du
séisme Boumerdes ou encore durant la période de « terrorisme ». Pourtant pendant quelques
années (1980-1990) le plateau du Mansourah qui présentait beaucoup de surface « libre » mais
sous servitudes militaires était largement convoité comme espace urbanisable avec une option de
délocalisation des casernements s’y trouvant.
2.1. Impacts des interventions militaires sur les tissus urbains existants.
La transformation du palais du bey, de la casbah, la construction de batteries et de redoutes,
l’appropriation de maisons à des fins militaires ou civiles, ont provoqué des transformations sur
les anciennes constructions. Nous verrons plus bas en quoi et comment ces transformations ont
touché l’existant. Les transformations architecturales, les plus importantes, sont certainement
celles qui ont été introduites au niveau de la casbah et au niveau du palais du Bey. Alors que les
installations intramuros et extramuros ont touché la structure générale de la cité de Constantine
par la création de nouvelles voies de communication et par la transformation des places et portes.
2.2.1. Impacts sur le plan architectural.
Du point de vue architectural, les premières réalisations se sont limitées comme nous l’avons vu
plus haut aux transformations de la casbah, du Palais du bey et des maisons. Nous étudieront en
détails comment ces réalisations ont métamorphosé le caractère local de ces édifices.
2.2.1.1 Le quartier de la casbah, une nouvelle citadelle.
La casbah en 1878 comprenait les principaux établissements militaires dont les casernements
contenaient 2070 hommes, des écuries pour 44 chevaux, l’hôpital militaire, la manutention,
l’arsenal d’artillerie et les magasins à poudre qui en dépendent. Cet effectif et ses établissements
ne pouvaient être logés dans l’ancienne citadelle sans des transformations et des
Troisième Partie Chapitre Deuxième
281
réaménagements de celle-ci. La casbah a fait l’objet de différents projet depuis 1838 avant de
connaitre la forme que nous lui connaissons encore aujourd’hui c'est-à-dire celle de 1878. Nous
traiterons également plus loin ce quartier car il comprend l’hôpital militaire.
Le quartier de la casbah présente à la ville sa façade principale qui n’est autre que son mur
d’enceinte. C’est donc ce mur et la porte d’accès au quartier qui vont symboliser le pouvoir en
place. Le mur d’enceinte de la casbah donnant sur la ville fut relevé de 1,5 à 1,6 mètre selon les
endroits afin de défendre l’enceinte. Cette surélévation en pierres de taille provenant des pierres
de récupération, projette la façade de la casbah au-delà des façades des maisons avoisinantes ce
qui lui confère une monumentalité dissuasive. Sa hauteur varie de 6 à 14m dans sa partie la plus
haute. Ce mur est flanqué400
dans toutes ses parties.
Le fait que la casbah comprenne la prison militaire, le mur du côté de la rue Damrémont a été
crénelé pour une meilleure surveillance, lui rajoutant ainsi au caractère de dominance et de
pouvoir. La porte à deux voies d’accès est flanquée de deux corps de garde. Elle a fait l’objet
d’un projet de rénovation et de renforcement. Ce mur devait dissuader toute envie d’émeute ou
de soulèvement.
Les transformations effectuées sur la casbah n’ont été seulement de l’ordre des fortifications
mais ont aussi touché les bâtiments qu’elle comprend, et ce dans leur profondeur. Il suffit de
comparer les plans de la place en différentes époques pour voir que la casbah telle qu’elle se
présente en 1878 n’a rien de celle qui existait lors de la prise. Le plan dressé en 1838 mais
représentant la ville à la conquête indique clairement que la citadelle était autrement organisée.
Sa forme est aussi irrégulière que l’est celle des maisons.
Les bâtiments la constituant s’imbriquent comme le font les maisons en créant des passages
irréguliers. Le croquis de 1838 représente le quartier avec les transformations qui ont été
apportées depuis la prise et celles en cours. La citadelle ottomane est loin de la régularité des
bâtiments militaires organisés depuis Vauban. Elle reproduit la trame urbaine de la médina. Les
anciens bâtiments enchevêtrés comprennent des cours intérieures de différentes dimensions.
Parfois ils s’organisent autour d’une place. Cependant, dans le mémoire 401
concernant le quartier
de la casbah, aucune description de l’existant n’est mentionnée.
400
Flanquer : v r : (Fortification), se dit d’une partie d’une fortification qui en voit une autre de flanc, et qui lui sert
de défense. Dictionnaire Quillet de la Langue Française, Librairie Aristide Quillet, Paris, 1948. 401
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Article 2, Dossier 1H 806, N° 05, en date du 1er
octobre 1838.
Troisième Partie Chapitre Deuxième
282
Ainsi il nous est impossible de connaître les dimensions de celui-ci et les fonctions que chaque
bâtiment abritait. Seule la grandeur des cours pourrait indiquer celles qui, éventuellement,
servaient comme cour d’exercice aux soldats. Ce dernier plan indique toutefois que les travaux
de transformations ont débuté, vu le bâtiment régulier en jaune (en projet) et noté B et C.
Fig.94, 95, 96 : Plans de la casbah à différentes périodes 1853, 1838, 1840
A402
B403
C404
Sources : Archives du SHD, Vincennes, Paris
402
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 806, Article 2, N° 05, en date du 1er
octobre 1838. Date du 20 février 1853. 403
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, carte de la zone de servitude de la ville de
Constantine, Dossier 1H 806, Article 2, N° 05, en date du 1er octobre 1838.
404 Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 806, Article 2, N° 07, en date du 08
février 1840.
Troisième Partie Chapitre Deuxième
283
La comparaison des deux plans 1838 et 1840 nous permet d’avancer que les militaires français
ont pratiquement démoli l’ensemble du bâti existant afin de libérer les terrains devant servir
d’assiette aux futures constructions. La casbah française de 1840 est constituée essentiellement
de trois grands bâtiments à forme régulière et alignés. Aucune trace de l’ancien bâtiment
n’apparait. Vu l’ampleur des démolitions, il est aisé de comprendre pourquoi les militaires
français relève, dans leur rapport de budget (ce dernier correspond à notre devis estimatif actuel),
l’économie faite sur le coût des matériaux de construction.
Ainsi les citernes romaines présentes dans le sous-sol ont été transformées en magasins dans un
premier temps pour retrouver leur fonction première en 1875. Les citernes étant très hautes (elles
présentaient une échappée supérieure à 4,50 m par endroit) cela a permis aux militaires
d’installer en entresol sous la voûte fortifiée (à l’épreuve de bombes) les magasins qui leur
étaient nécessaires. La découverte de ces citernes dont l’armée française a récupéré en partie les
pierres ont mené cette dernière à rechercher l’origine géologique de ces pierres : c’est sur le
plateau du Mansourah que la carrière de pierre ayant déjà servi aux romains fut mise à jour et
exploitée. Cette découverte induit le percement et le tracé d’une voie carrossable entre la porte
d’el Kantara et la Casbah. L’acheminement de pierres à bras d’hommes est en effet lent et
couteux.
Présentant l’avantage d’une place forte, le quartier cerné par son mur avait ses limites en terrains
disponibles à la construction de nouveaux bâtiments devant être défendus. Les bâtiments
existants au niveau de la citadelle sont jugés par le Génie comme insuffisants et mal adaptés au
fonctionnement d’une armée moderne, leur destruction devient ainsi impérative.
C’est ainsi qu’en 1840, le temple chrétien existant eu Nord de la citadelle est démoli pour
recevoir le nouvel hôpital militaire405
devant contenir 800 malades ; le génie récupéra les
matériaux pour les travaux de l’hôpital. Ces démolitions viennent à contre-sens de la volonté
gouvernementale qui désire rechercher puis conserver les monuments et bâtiments historiques
notamment romains406407
. Il est vrai que la régularité tant recherchée par le Génie remonte à
405
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, mémoire militaire de la place de Constantine,
Dossier 1H 805, Article 1, N° 9, en date du 20 février 1853 406
Le ministre de la Guerre avait constitué la commission de l’exploration scientifique de L’Algérie en 1839,
composée de 20 académiciens et officiers de l’armée d’Afrique. En dehors des recherches des potentialités
algériennes (faunes, flores, etc.) et l’établissement de relevé topographiques et géologiques, elle avait pour mission
de répertorier les sites archéologiques de l’Algérie.
Troisième Partie Chapitre Deuxième
284
l’époque romaine où l’organisation du camp matérialise cette régularité. Pour des raisons
purement militaires, la préservation du patrimoine, qui était sensé devenu le leur, apparait
comme secondaire. Si l’usage des citernes en magasins a été sans incidences majeurs sur celles-
ci (malgré la fortification de la voûte), ce n’est pas le cas des édifices pas seulement transformés
mais démolis. Ils n’hésitent donc pas à détruire face aux enjeux stratégiques.
Le Génie projette donc la construction de bâtiments à plusieurs niveaux. Les mémoires ne
donnent aucune indication sur les hauteurs des bâtiments de la citadelle ottomane. Les bâtiments
construits encore existants à nos jours et comprenant deux étages, sont le témoin physique de
cette conception. Ils correspondent à une architecture militaire austère et sans artifices.
L’alignement connu et appliqué au tissu urbain, est un des principes lors de la conception de
projet d’équipement militaire. Malgré leur hauteur, ces bâtiments sont visibles de l’extérieur de
la cité. Mais ils restent invisibles à partir de l’intérieur.
2.2.1.2. Incidences des transformations sur le Palais du Bey et son environnement.
La deuxième transformation architecturale importante est celle qui a touché le Palais du bey
siège de la place. Le plan de Constantine lors de la prise représente le palais comme un ensemble
monolithe, compact et dense. On peut y relever la présence de trois cours intérieur, ce qui laisse
supposer que le palais était constitué de trois entités distinctes mais solidaires.
Sa forme en plan est irrégulière et il ne présente qu’un seul accès ; le palais est complètement
intégré dans le tissu, il est mitoyen avec toutes les maisons qui le cernent, il ne se présente pas
comme les demeures seigneuriales des autres villes musulmanes, c’est-à-dire retranché et
fortifié.
407
L’intérêt des militaires pour les vestiges est important que ce soit du point de vue stratégique soit du point de vue
culturel. C’est ainsi que, durant le mois d'aout de 1847, Mer Texier est nommé en tant qu’inspecteur des Bâtiments
civils et ce jusqu'à la fin de l'année407
. Il était déjà en poste en Algérie et ce depuis le début de l'année en vue de
recenser les vestiges et monuments anciens. Ce dernier avait déjà été chargé de l'exploitation et de la découverte de
monuments anciens dans le midi de la France, en Italie (comprise dans l'Empire), en Asie mineure et en Perse. Cette
nomination est venue donner suite à l’intérêt qu’avaient suscité les vestiges trouvés par les géographes et ingénieurs
du génie. En dehors du recensement des sites il devait assurer la levée des plans préconiser les dispositions à prendre
afin de les préserver.
Ce n'est qu'en octobre de la même année soit moins d'un trimestre de la fin de sa mission, que les prérogatives de
l'inspecteur furent formalisées. Elles furent adressées au Général Bugeaud alors Gouverneur Général de l’Algérie.
Cet inspecteur est placé sous les ordres immédiats de ce dernier.
Troisième Partie Chapitre Deuxième
285
Sur le plan de 1853, le palais se présente comme un ensemble de constructions autour d’une
place assez importante. La forme de certains bâtiments est régulière, seules les parties en bleu, J
et J’ apparaissent encore monolithes. Le palais a donc subi beaucoup de transformations qui sont
plutôt de l’ordre de la destruction que de la simple transformation.
Fig.97 et 98 : Plans de masse du Palais du bey
A408
B409
Source, Archives du SHD, Vincennes, Paris
En comparant les deux plans, nous pouvons dire que le palais de 1853 englobe des parties de
l’ancien palais mais aussi des maisons mitoyennes qui lui ont été annexées notamment dans la
partie J. Aussi, c’est la première cour et donc la première maison qui a été détruite pour être
remplacées par la place et le Bâtiment M.N actuellement siège du Collège d’enseignement
moyen Fatima Zohra. La tradition rapporte que c’était la maison de la fille du Bey.
Nous n’avons pu retrouver, dans les mémoires, les premiers travaux concernant les parties à
détruire ou à annexer. De la même manière, les mémoires militaires sont très précis lorsqu’il
s’agit de travaux français et sont dépourvus de la moindre information concernant le bâti existant
avant leur arrivée. Ils se limitent à localiser sur plan ou sur carte et à donner une référence à
l’édifice. Lorsqu’il est question d’une maison à annexer ou à détruire, peu de références ou
408
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Partie du Plan de Constantine joint au projet
d’exécution d’une rue carrossable de la porte Vallée à la Casbah, Dossier 1H 805, Article 1, N° 08 , en date du 21
septembre 1840. 409
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Plan de Constantine joint au mémoire militaire de
la place de Constantine, Article 1, Dossier 1H 805, N° 9, en date du 20 février 1853.
Troisième Partie Chapitre Deuxième
286
d’éléments concernant son état ou ses dimensions ou encore son propriétaire sont données. La
maison ne revêt d’intérêt que par la récupération du foncier et par sa situation dans le tissu
militaire.
Le plan du palais de 1856410
indique que ce dernier comprend notamment : les bureaux de la
direction du Génie, le bureau du Général de division, la salle de la commission consultative, les
logements des officiers. Les travaux ont porté sur les ouvrages suivant :
Construction d’un mur de contrefort pour empêcher la poussée de terre ;
Reconstruction des murs des galeries et remplacement des colonnes avec pose de tirants ;
Reprises-en sous-œuvre des murs de fondations avec contreforts ;
Maçonnerie reprise en sous-œuvre ;
Reprises-en sous-œuvre par la galerie ;
Les colonnes qui ont été repassé avancent de quelques marches par le pied vers le jardin
de 5 à 15cm et même davantage vers le milieu des galeries ;
Les murs de galeries déjà désagrégés commençaient à surplomber et à se renvoyer
forçant le sol des galeries ;
Pose de tirants en fer reliant le pied des colonnes.
Ces transformations indiquent que la consolidation du palais tenait une place prépondérante dans
le budget mais aussi dans les perspectives d’usage de ce palais. Il est considéré comme
casernement provisoire durable. Le fait d’ajouter des contreforts, qui existent jusqu’à nos jours,
ne sont pas sans conséquence sur la façade mais aussi sur la largeur des rues (ex : rue
Desmoyens) où se situent ces contreforts car tous ne sont pas intérieur ou situés en sous-œuvre.
Le plan indique que certains contreforts sont apparents au niveau du jardin du palais. La
pérennité d’un tel bâtiment leur permet d’éviter la construction immédiate d’un nouveau siège de
la Place et de garder la centralité du pouvoir et de la dominance.
Une partie du palais serra ainsi détruite lors de l’alignement de la rue Sassy par la municipalité
mais une autre serra construite et annexée à l’édifice original afin d’y loger le Génie.
410
Archives du Service Historique De la Défense de Vincennes, Apostille du Chef du Génie, document classé mais
non répertorié dans la nomenclature générale du Génie, Dossier 1H 805, Article 2, N° 7, en date du 28 février 1840.
Troisième Partie Chapitre Deuxième
287
Aussi la partie régulière de construction française ne fait pas partie de l’actuel Palais. Certes, elle
a été construite dans l’esprit architectural du palais à savoir sur cour intérieure et galeries, mais
présente une forme très régulière s’adaptant au terrain disponible. Les ouvertures sont plus larges
pour un meilleur ensoleillement et une meilleure aération. Elle se rapproche plus de
l’architecture française qu’ottomane.
L’alignement des colonnes permet non seulement l’élargissement des galeries et donc le
rétrécissement du jardin mais c’est la régularité qui est recherchée vu que ces colonnes ont été
déplacées différemment. Si les colonnes ont été déplacées cela suppose que les arcs eux aussi ont
subi des transformations que nous ne pouvons apprécier vu que nous ne possédons pas de
documents nous permettant de le faire. La forme irrégulière du plan du Palais leur pose
problème. Le palais présente de l’irrégularité dans sa forme globale mais la largeur des galeries
elles mêmes est irrégulière, certaines sont curvilignes. Cette régularité sera recherchée à
l’extérieur du bâtiment par un alignement des rues attenantes au palais. La communication par
voie carrossable est aussi nécessaire au palais qu’à la casbah.
Fig.91 : Plan du Palais du Bey
Source :Archives du SHD, Vincennes, Paris411
411
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Plan du Palais, document classé et non répertorié
dans la nomenclature générale du Génie, Dossier 1H 808, Article 3, N°78, en date du 04 mars 1856.
Troisième Partie Chapitre Deuxième
288
De nouveaux matériaux sont introduits notamment le fer. Ce dernier était pratiquement inexistant
dans les anciennes constructions. Les tirants en fer que le Génie a utilisés pour stabiliser les arcs
et colonnes existent bien dans les maisons mais en bois : El Watr.
Fig.100 : Elévations du palais
Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris412
412
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Plan du Palais, document classé et non répertorié
dans la nomenclature générale du Génie, Dossier 1H 808, Article 3, N°78, en date du 04 mars 1856.
Troisième Partie Chapitre Deuxième
289
Ainsi le palais du Bey s’est trouvé :
transformé dans son volume par la construction d’une aile, par la destruction d’une autre
et par l’annexion de maisons mitoyennes ;
transformé dans sa forme en plan par une régularisation de celle-ci ;
transformé dans sa façade (intérieure ou extérieure) par l’agrandissement des ouvertures
et l’introduction d’éléments structurels tels que les contreforts ;
transformé dans sa structure profonde par la consolidation des murs et des arcs.
Bien que jugé original, sa façade est tout au contraire trouvée laide. Seuls les jardins entourés des
galeries présentent aux yeux des militaires un attrait mais ayant un défaut d’irrégularité qu’ils
s’empressent de corriger. Nous remarquons que dans le cas du palais du bey de Constantine pour
les travaux concernant la restauration ou encore la consolidation, beaucoup de détails
constructifs sous forme de schémas et de descriptifs sont donnés. Or pour le cas de la mosquée
du Bey de Annaba, nous n’avons rien trouvé de semblable mis à part la construction d’un mur de
consolidation au pied du minaret.
Le palais du bey transformé par les français est, dans sa forme et dans son volume, loin du palais
original.
2.2.1.3. La transformation des maisons.
Ce qui précède indique comment le Génie militaire français a agi sur le bâti. Nous avons vu que
les maisons n’ont pas échappé à la destruction et cela bien avant et pour d’autres raisons que
l’alignement des rues. Lorsqu’elles sont jugées utiles elles sont réquisitionnées, mais pas
toujours appropriées, pour être annexées dans le cas du Palais du Bey et de la casbah, pour
abriter des fonctions pas toujours inertes.
La maison doit s’adapter à la fonction qu’elle abrite ; c’est cette dernière qui génère les
transformations à faire en cas de nécessité. Lorsqu’il s’agit de logements, très peu de
transformations s’en suivent, sauf pour celles occupées par des haut- gradés.
Celles qui abritent des fonctions comme l’administration (tribunal ou préfecture) ou de service
tel l’hôpital civil ou la prison ont du être réaménagées ou transformées pour permettre l’exercice
de cette fonction. Les maisons peuvent être jumelées pour recevoir une seule fonction qui
nécessite une grande surface ; celles affectées aux services dits annexes comme les écuries ont
du subir des détériorations sérieuses du bâti.
Troisième Partie Chapitre Deuxième
290
Aussi, les maisons gênant la sécurité se trouvent soit détruites soit transformées. Le gabarit de
certaines d’entre-elles se trouve changé par surélévation des murs de façades crénelées
(destruction des toitures et leur remplacement par des terrasses au garde-corps surélevé). Alors
qu’à l’inverse de Annaba et d’Alger où les terrasses étaient généralisées dans les maisons, les
couvertures à Constantine sont des toitures inclinées couvertes de tuiles et lorsque les terrasses
existent elles sont en demi-niveau par rapport au faîte et ne recouvrent que partiellement la
maison. L’introduction de terrasses défigure ainsi l’harmonie qui existait grâce à une
homogénéité de couverture, alors que les bâtiments construits sont couverts de toitures inclinées
couvertes de tuiles. Nous ne pensons pas que ce choix ait été dicté par l’intégration au tissu
ancien mais plutôt par la logique de surveillance et une reconduction de conception française ou
une méconnaissance du climat.
Les français n’accordaient d’importance à ces maisons que lors des transformations à effectuer et
lors de l’établissement des budgets en vue d’achat, de cession ou de location. Nous n’avons
retrouvé aucune indication ou descriptif quant à leur état, surfaces ou dimensions dans les
mémoires relatifs aux projets. Alors que les mémoires militaires se montrent très précis lorsqu’il
s’agit de travaux français, ils sont dépourvus de la moindre information concernant le bâti
existant avant leur arrivée qu’il s’agisse de la citadelle, du palais du Bey ou des maisons. Ils se
limitent à localiser les bâtiments, sur plan ou carte et à donner une référence à l’édifice. Lorsqu’il
est question d’une maison à annexer ou à détruire, peu de références ou d’éléments concernant
son état ou ses dimensions ou encore son propriétaire. La maison ne revêt d’intérêt que par la
récupération du foncier et par sa situation dans la trame militaire.
Tout autant que les maisons, les lieux de culte ne furent pas épargnés. Nous avons vu plus haut
l’usage d’un sanctuaire (Sidi Makhlouf) affecté au logement de spahis avec leurs chevaux. La
proximité de Djamaa El Bey du palais a fait que ce dernier est transformé en église. Ces édifices
ont sûrement être affectés par ces utilisations mais nous ne pouvons nous prononcer à ce sujet
par manque de documents.
Du point de vue architectural, le Génie a agi sans aucune prise en considération de l’existant. Les
édifices d’origine romaine ou ottomane ont subi le même sort quelque soit leur importance
historique ou culturelle. Jugés utiles, ils ont été transformés, dans le cas contraire ou présentant
Troisième Partie Chapitre Deuxième
291
un danger quelconque, ils ont été détruits. Seul l’avantage que ces édifices pouvaient présenter
importait. Le Génie, connu pour sa précision, devenait très vague par rapport à ces édifices. La
description est très sommaire lorsqu’elle existe. Les principes d’adaptation à l’existant et la
sauvegarde du caractère architectural préconisé lors de la conception de nouveaux projets
n’apparaissent que sous la forme de la cour et des galeries. Ce sont plutôt les principes militaires
et les prémices de l’hygiénisme qui émergent de l’architecture des différents projets. Nous
retrouvons donc rationalité, répétition, équilibre et économie dans les projets superposés à
l’ancien bâti.
2.2.2. Impacts sur le plan urbain.
Le fait de reprendre en partie le mur d’enceinte de la casbah, de transformer une rue en fossé, de
détruire palais et maisons ou de les transformer n’est pas sans impact sur le tissu urbain. En
comprenant comment l’armée a agi dans la ville, et en prenant en considération les équipements
militaires et les accès, il nous est aisé de reprendre la même logique quand au tracé des futurs
voies de communication entre la ville et les différents équipements militaires construits au
niveau du coudiat Aty avec le fort de Bellevue, du casernement de Bardo ou ceux du Mansourah
et de Sidi Mabrouk.
Connaissant l’importance du facteur temps pour les militaires du XIXème siècle, ces voies
doivent être les plus directes possibles pour permettre une intervention rapide. Seule la
topographie du site est l’élément qui pourrait gêner la ligne droite chère au Génie ; suivre les
courbes de niveau est alors une des solutions adoptées. Le tracé devra, toutefois, être sécurisant
(visibilité dégagée en évitant au maximum les boucles obligées en contre-pente) et sécurisé (par
l’implantation des batteries ou des postes de garde). Si nous nous limitons au service du Génie
(sans inclure le service des fortifications) c’est que, comme nous l’avons vu dans la seconde
partie, ce dernier est responsable de la forme de l’enceinte et de l’emplacement des portes ainsi
que de la régularité du tracé des rues.
Enfin le décret du 13 fructidor de l’an XIII (13 août 1805) qui redéfinit les charges du Génie
militaire et qui stipule : « en cas de siège d’une place de guerre et pendant la durée du siège les
officiers du génie militaire seront exclusivement chargés dans ladite place, du service dévolu aux
ingénieurs des Ponts-et-Chaussées » donne au service du Génie tous les pouvoirs de décision
dans la projection d’édifices publics et dans la conception de plan d’alignement. Constantine se
Troisième Partie Chapitre Deuxième
292
trouvait être une place en état de siège pour une longue période et ce avant et après l’instauration
du pouvoir civil.
2.2.2.1 Ouverture des voies de communication et des places.
L’implantation des équipements dans la ville de Constantine eut comme corollaire l’ouverture ou
l’agrandissement de certaines rues. La communication étant très importante lors des
déplacements des troupes ou du matériel nécessaire à celles-ci, la taille ainsi que l’état des rues
pouvaient gêner et retarder l’avancement des troupes ou des travaux effectués dans l’enceinte de
la ville.
Aussi, l’ouverture des rues dans une ville qui était très dense fut l’un des premiers projets auquel
s’attela le Génie militaire. Il suit encore une fois l’enseignement de Bélidor lorsqu’il s’agit des
règles à suivre pour la projection d’une ville régulière : « Quand l’espace que l’on veut fortifier
n’est pas occupé par des anciennes habitations, on ne doit rien négliger pour faire régner dans
l’intérieur de la place la plus grande régularité possible »413
. Certes l’espace ici est occupé par
les maisons et ce n’est pas une ville nouvelle qu’ils ont à projeter mais la recherche de cette
régularité militaire se fait ressentir dans toutes leurs décisions et actions.
Nous avons vu plus haut que les militaires, pour atteindre leur but, n’en faisaient pas grand cas.
Si les populations avaient pu être évacuées à l’extérieur de l’enceinte Constantine ne serait peut
être pas ce qu’elle est aujourd’hui. Il s’agit ici de faire la ville sur la ville ; nous retrouvons là le
processus d’évolution de la ville par stratification, comme dans les villes du Moyen Âge cernées
d’une enceinte fortifiée.
L’impact de l’installation des français sur le tissu urbain de Constantine est à deux niveaux
d’échelle. Le premier est à l’échelle de la ville alors que le second est à l’échelle du territoire
limitrophe et déterminé par l’emplacement des équipements militaires.
C’est au travers des deux exemples suivant que nous essayerons de retrouver les logiques
technique et stratégique de projection du Génie à l’échelle de la ville.
413
B. Forest de Belidor, La science des ingénieurs dans la conduite des travaux de fortification et l’architecture
civile, Paris, 1728, p 223.
Troisième Partie Chapitre Deuxième
293
2.2.2.1.1. Ouverture d’une voie carrossable entre la casbah et la porte Valée.
Comme la casbah de Constantine représentait le plus important équipement militaire, l’ouverture
de voies de communications y menant était de première urgence. Dés 1939, un projet
d’ouverture d’une voie de communication reliant la casbah à la porte Valée fut introduit par la
Direction des fortifications. Ce dernier stipulait que la communication entre la porte Valée et la
casbah se ferait par la rue Damrémont. Ce projet n’ayant pas satisfait le Génie, ce dernier
introduisit un second en 1840414
.
Le financement du projet ainsi introduit serait largement couvert en partie par les bénéfices
résultant du transport de matériaux nécessaires à la construction de l’hôpital militaire qui se
situerait dans l’enceinte de la casbah. Le reste du budget serait à la charge du Ministère de la
Guerre. Le budget de financement de ce projet (1840) tient compte des deux solutions (sur la
base d’un comparatif d’estimation des deux projets). Il tient aussi compte du prix d’achat des
terrains susceptibles de recevoir l’une ou l’autre des solutions de tracé mais aussi de l’ouverture
de la rue.
Le Génie estimait que les maisons à détruire dans le nouveau projet avaient moins de valeur.
Leur nombre aussi était moins important. Le gain découle non seulement du bénéfice effectué
lors de l’achat mais aussi des procédures de démolitions et déblaiements moins importantes.
Le changement du tracé est notamment du à la topographie du site, les ingénieurs du Génie
jugeant la pente trop importante et relevant l’existence d’étranglements importants entre la place
Nemours et la rue d’Orléans. Ces derniers rendraient la rue ainsi créée impraticable par les
voitures (tirées par mulets ou chevaux). Le nouveau projet présenterait une rue à pente plus
douce (1/15) ; les maisons détruites lors de l’ouverture étaient une source non négligeable de
matériaux de construction gratuits. Nous retrouvons ici l’esprit d’économie du Génie : la
récupération in situ permettait d’économiser sur le prix des matériaux eux-mêmes mais aussi sur
le prix de transport de ceux-ci.
En outre, plus les étranglements sont nombreux, plus le nombre de maisons à détruire
augmentait. Le Génie prend aussi en considération les spécificités de la morphologie des
maisons traditionnelles. Leur forme irrégulière, pas toujours à tendance carrée, ainsi que les
procédés de construction traditionnels ne permettent pas le découpage en biais. Ce genre de
414
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Apostille du Chef du Génie, Dossier 1H 805,
Article 1, N° 7, en date du 28 février 1840.
Troisième Partie Chapitre Deuxième
294
coupe effectué sur les maisons de la médina équivaut à une destruction totale. Comme reloger les
autochtones n’était pas de leur ressort, puisqu’ils indemnisaient le propriétaire, la destruction de
maisons ne posait aucun problème tel que nous pourrions le ressentir.
Le nouveau tracé proposé pour la rue la rend plus pénétrante dans le cœur de la ville : le Palais
du Bey siège de commandement se verrait rapproché de la casbah. Ce second projet ajusté au
bâti existant permet l’établissement de futurs projets de communications. Nous assistons là, à la
conception de projets édifiés dans l’urgence mais qui n’excluent pas une vision future plus
complète.
Dans la note du Génie jointe à l’apostille de 1840415
, nous relevons les facteurs suivants : prix
des terrains, topographies, destruction, reconstruction, pénétration, distribution. Tous ces facteurs
rentrent dans le cadre d’un aménagement urbain. Seulement, ces éléments ne peuvent être retirés
de leur logique : économie, rationalité, ordre , sécurité et stratégie globale.
La même note stipule le désaccord du Chef des Fortifications avec le nouveau projet, s’alliant le
Maréchal commandant de la Place. Il rétorque que la jonction Palais / casbah peut être obtenue
ultérieurement par élargissement de la rue d’Orléans.
Cette note dévoile une véritable discussion assez objective entre le chef du Génie qui avance des
arguments techniques et le Chef des Fortifications qui avance des raisons budgétaires et
sécuritaires au détriment de la qualité de la rue en projet, sur un terrain à topographie difficile.
Toutefois les deux s’accordent à exprimer l’indispensabilité d’une voie carrossable entre la
casbah et la Porte Valée. Cet accord n’est qu’un effet de résurgence de l’enseignement militaire :
les portes doivent être reliées par voie rapide aux équipements militaires intramuros.
Nous retenons que nonobstant le grade des militaires en poste en Algérie, ces derniers n’ont pas
de pouvoir de décision. Paris reste incontournable malgré l’éloignement, alors que l’on sait
l’importance de la connaissance du terrain dans ce genre de projet.
A cette note, est joint un P.V de délibération du conseil municipal dans lequel la ville prend en
charge les travaux de la partie comprise entre la Place Nemours et la casbah. L’étude de cette
ouverture a été effectuée par les services du Génie ; la loi est donc respectée. La ville de
415
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 805, Article 1 N° 07, en date du 28
février 1840.
Troisième Partie Chapitre Deuxième
295
Constantine est bien considérée en état de siège puisque c’est le Génie qui a la charge des études
d’ouverture de voies.
A travers les détails de budget que comprend cette note, nous relevons le fait que les terrains sur
lesquels s’effectueront les travaux appartiennent soit au domaine civil soit au domaine militaire.
Les particuliers propriétaires « arabes » sont indemnisés quand le tracé passe par leur
demeure416
.
2.2.2.1.2. Ouverture d’une voie carrossable de la porte d’El Kantara à la casbah
Le précédent projet est fait en parallèle avec celui de la voie entre la porte d’El Kantara et la
casbah. La jonction de cette porte aux différents équipements militaires revêt toute son
importance quand on sait que le pont d’El Kantara était le seul pont carrossable joignant les deux
rives du Rummel. À travers le projet de la voie carrossable joignant El Kantara à la casbah, les
militaires sur place attirent l’attention des autorités sur la nécessité de construire un nouveau
pont carrossable qui assurerait la liaison entre les deux rives du Rummel.
Cette même note comprend le projet d’ouverture d’une voie carrossable entre la Porte d’El
Kantara et la casbah. Comme nous l’avons cité plus haut cette dernière comprend l’arsenal de la
place de Constantine et comprendra le futur hôpital militaire ; ce qui confère à la casbah une
importance stratégique.
L’accessibilité par la porte d’EL Kantara, à la casbah est jusqu’alors problématique. C’est ce qui
explique l’urgence dans laquelle s’inscrit le projet.
Comme nous venons de le notifier plus haut, l’importance de cette rue est d’autant plus grande
que le pont d’El Kantara est l’unique pont carrossable alors que la voie qui y mène depuis la
casbah ne l’est pas, elle est, alors, de l’ordre du sentier.
Ce pont revêt une plus grande importance lorsque l’on sait qu’il constitue le point de jonction
avec la route de Philippeville, le port le plus proche sur la méditerranée et donc avec la
métropole. C’est aussi de l’autre côté du pont que sera installée la gare de chemin de fer. Aussi,
Le pont assure-t-il la liaison entre le plateau du Mansourah et la ville et entre la ville et la France.
C’est par ce pont qu’arrive le matériel nécessaire au fonctionnement de la place militaire :
armement, outils, denrées et médicaments.
416
Les militaires ont le droit d’exproprier les arabes pour des sommes assez minimes (loi du 16/09/1807).
Troisième Partie Chapitre Deuxième
296
Le plateau du Mansourah présente une double importance au regard des militaires français : il est
un site de casernement mais aussi le site de carrières de pierres. Il se présente donc comme le
pourvoyeur de matériaux de construction de la ville que ce soit pour les édifications militaires ou
pour les constructions civiles dont les projets ont commencé à prendre forme. Il est à rappeler
que ce sont ces carrières qui ont fourni les pierres aux romains pour la construction de la voûte
des citernes de la casbah.
Aussi l’édification de l’hôpital par le Génie militaire est-elle soumise à l’extraction de la pierre
du plateau du Mansourah au-delà de la récupération des pierres des constructions romaines
trouvées sur le site de la casbah.
Dans ce projet le Chef des Fortifications rejoint le Chef du Génie mis à part quelques détails. Le
tracé du Génie comprenant des sections où la pente avoisine les 1/1O (cotes à 10%) ce qui est
relativement élevé notamment pour des voitures hippomobiles. Le tracé comprend aussi des
sinuosités très serrées (jugées et redoutées pour leur manque de sécurité).
L’idée du Chef des Fortifications était d’ajouter, sans trop de frais de terrain, une batterie417
entre
les deux branches de la rue. Cette batterie servirait de point de surveillance du pont et donc de
l’accès à la ville.
La note418
comporte une remarque du Chef des Fortifications qui désigne le Génie militaire
comme l’acquéreur des maisons à démolir ou des terrains pour le tracé et le percement de cette
rue.
Le Chef des Fortifications suggère un changement de législation afin de mandater la ville comme
acquéreur. Il justifie cette proposition par l’éventuel bénéfice que ferait la ville suite à la vente de
terrains non utilisés lors des ouvertures de voies étant donné que ces dernières donneraient une
plus value aux terrains. L’état actuel des lieux prouve que ces rues ont bien été réalisées même si
la batterie a disparue. Il va de soi que les futurs acquéreurs de ces terrains seraient des colons
nantis.
Le même processus a accompagné la transformation du palais du Bey. Cette dernier n’a pas été
seulement de l’ordre architectural mais a touché la forme du tissu urbain.
417
Batterie : nf. Militaire : subdivision d’artillerie d’un groupe ; matériel composant l’armement de cette unité,
Dictionnaire Hachette 2005, Édit HACHETTE LIVRE 2004, Paris, 2004.
Batterie : nf. Architecture militaire : réunion de canons, de bouches à feu, soit dans l’armée de terre, soit dans la
marine, Dictionnaire Quillet de la Langue Française, Librairie Aristide Quillet, Paris, 1948. 418
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 805, Article 2, N° 07, en date du 28
février 1840.
Troisième Partie Chapitre Deuxième
297
2.2.2.1.3. La place du Palais
Le plan de 1853 relatif au palais du Bey419
, révèle la création d’une grande place à forme
régulière au niveau de l’accès principal et une plus petite au niveau de sa façade postérieure.
Nous noterons aussi l’ouverture de rues convergeant vers la place et l’alignement de rues : la rue
d’Orléans et la rue d’Aumale qui rejoignent la rue Damrémont qui mène vers la casbah. La rue
d’Aumale débute au niveau de la rue Caraman qui elle mène vers la porte Valée. La structure
géométrique a effacé la structure organique originelle420
.
Le palais qui faisait partie intégrante du tissu avec un seul point d’accès par une ruelle voit ses
limites Nord-ouest et Sud-ouest devenir des rues. Le volume important du nouveau palais a sans
doute induit la création d’une ruelle à partir de la place et pénétrant ce volume : la rue du Palais.
Les voies ainsi créées ne sont pas toutes carrossables puisqu’une voie piétonne avec escalier
permet de joindre la rue Caraman à la place du palais.
Les carrefours ainsi obtenus sont agrandis et forment des places. La transformation du bâti est
menée en parallèle avec celle de la trame urbaine. Ces deux transformations obéissent à la règle
qui semble d’or pour le Génie : la régularité. Avant les plans d’alignement, l’ouverture des rues
par le Génie est dictée par la logique de jonction des équipements militaires aux principales
portes de la ville : la porte Valée et la porte d’El Kantara et la jonction des deux équipements
militaires, la casbah et le palais du bey. La jonction des deux portes engendra, elle, l’ouverture
de la rue Nationale. Ce que nous nommons ouverture va être réutilisé plus tard sous le terme de
« percée ». Nous sommes en 1840, et à Paris c’est le premier boulevard qui est entrain d’être
réalisé : le boulevard Strasbourg.
Nous tenons à préciser que les percées effectuées à Constantine n’ont rien d’haussmannien, elles
lui sont antérieures de plus de 13 années : les percées au travers de la médina sont dictées par
l’objectif militaire. Le tracé de grandes rues est accompagné du tracé de rues plus petites (cas du
palais du Bey) permettant la connexion des grandes rues les unes aux autres. Si le grand maillage
(rues importantes) obéit comme nous l’avons vu plus haut à un objectif militaire (joindre les
équipements entre eux et aux portes et les portes entre elles), le petit maillage (petites rues) obéit
419
Cf.. Supra, illustration, N°99 Plans du palais du bey 420
Cf., Supra, illustrations, N°97 : Plan de masse du Palais du bey de 1840, N° 98 : Plan de masse du Palais du bey
1853
Troisième Partie Chapitre Deuxième
298
tout autant à un objectif militaire à savoir la pénétration dans le tissu existant afin de mieux le
surveiller et donc mieux le contrôler.
Les plans d’alignement produits par le Génie sont d’une régularité et d’une rigueur extrêmes. Or
les principes de projection utilisés par le service du Génie sont : répétition, constance et stabilité ;
conformité aux dispositions légales, équilibre et harmonie. Ces principes se confondent avec la
proportion, la symétrie et « l’ordre ».
Fig.101 : Plan des Voies principales de communication et Places de Constantine en 1878.
Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris, traité par l’auteur 421
Place : A : place d’El Kantara ; B : Place du Palais ; C : Place Valée ; D : Square ; E : Place de la Gare.
Portes : x : Porte Valée ; y : Porte d’El Kantara ; z : Porte El Djabia
Rues : 1 : rue National ; 2 : rue de France ; 3 : rue Danrémont ;4 : Boulevard de l’Abime ; 5 : rue Thiers
Rues et routes extramuros : a : rue Rouhault de Fleury ; b : route de Philippeville ; c : route de Sétif ; c : avenue de
Roumanie ; e : Route du Mansourah ; 5 : route de Bardo ; 6 : route de Sidi Mabrouk.
421
Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Mémoire militaire de la Place de Constantine,
Dossier N° 805, Article 1, N° 10, en date du 30 septembre 1878.
Troisième Partie Chapitre Deuxième
299
Dans Constantine intramuros, les rues ont été percées de porte à porte et de porte à équipement
militaire et d’équipement militaire à un autre. Elles obéissaient donc à la simple loi de
communication directe entre points militairement stratégiques. Elles ont partagé la médina en
quatre zones : la plus basse étant la plus ancienne et celle qui a subi le moins de transformations
puisque la plus ancienne est la plus éloignée de la casbah. Le fait de partager la ville en portions
permettait de partager les risques d’insurrection intramuros. Ces premiers percements n’ont fait
que régulariser l’ancien tracé.
Si les deux tracés se superposent c’est qu’ils obéissent tous deux aux exigences du site. Ils
suivent les courbes de niveau, comme dans toute urbanisation vernaculaire et comme méthode
utilisée par le génie comme étant la plus économique.
La concentration en deux points des équipements a certainement facilité le choix des voies
puisque ces équipements existaient déjà mais ne prenaient pas la même importance stratégique.
Certes c’étaient déjà les équipements les plus importants de la cité mais l’armée ottomane n’avait
pas les mêmes rapports avec la population et l’organisation et le mode de fonctionnement de
cette armée ne ressemblaient pas à celle de l’armée française.
La taille de la ville ainsi que sa densité, le choix des militaires de situer en extramuros les
nouveaux équipements ont permis la préservation d’une importante partie de la médina. Les
plans d’alignements édictés par les civils se devaient d’obéir à la logique militaire. Le tracé des
premières rues structurera à jamais la ville ; les autres percements devenaient annexes.
2.2.2.2. L’extension de la ville.
Prévue sur le coudiat, Aty, l’extension fut un choix militaire. L’installation du fort de Bellevue et
du fortin du coudiat Aty assurait la défense du quartier européen comme l’exigeait la conception
militaire. Comme les limites de la ville telle qu’elle se présentait aux français sont très restreintes
et probablement insuffisantes pour contenir le développement présumé de la cité, le
commandement de la place, en guise d’extension, propose à l'extérieur un grand quartier, une
ville annexe nouvelle en quelque sorte qui ne serait protégée que par un mur de sureté. « Il est
certain d'ailleurs qu'une telle enceinte sous la protection d'une place formidable telle que nous
voulons constituer la place actuelle, acquerra elle même une consistance sérieuse même devant
une armée européenne. En sorte que cette enceinte annexe pourra recevoir sans danger non
Troisième Partie Chapitre Deuxième
300
seulement l'excédent de la population mais encore les grands établissements militaires qui ne
pourraient contenir les limites étroites de la place actuelle» 422
.
Ainsi au-delà des fortifications de défense, le projet de la ville de colonisation française de
Constantine se dessinait déjà en 1838.
Fig.102: Projet d’agrandissement de l’enceinte de Constantine avec le nouveau quartier du
coudiat Aty.
Sources : Archives du SHD, Vincennes, Paris423
.
Le projet d'un quartier extérieur sur le coudiat Aty, adopté dans son principe par arrêté
ministériel424
, réalise en partie les dispositions qui paraissent aux militaires français devoir être
prises pour compléter les propriétés générales que doit offrir la place de Constantine. Cependant
pour les militaires sur place, le problème des fortifications reste le plus urgent.
422
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 805, Article 2, N° 09, en date du 1er
octobre 1838. 423
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Projet d’ensemble des établissements militaires
Dossier 1H 808, Article 3, N° 64, en date du 08 avril 1853, traité par l’auteur. 424
Nous n’avons pas pu retrouver cet arrêté de 1838 mentionné dans le mémoire et adoptant le quartier du coudiat
Aty comme extension de la place de Constantine.
Troisième Partie Chapitre Deuxième
301
Ce n’est qu’en avril 1852425
, que le comité de la Place de Constantine a introduit un projet
d'extension de la ville de Constantine
Le projet est proposé sous deux variantes, l'une émanant du chef du Génie et l'autre du directeur
des fortifications. Le comité a opté pour le premier projet jugé beaucoup plus avantageux du
point de vue économique et sécuritaire. Cette extension se ferait par l'établissement d'un nouveau
quartier européen sur le coudiat Aty.
Ce quartier se verrait encerclé par une nouvelle enceinte afin d'assurer sa sécurité.
L'emplacement a obéi aux conditions premières du Génie à savoir l'économie et la défense. Si le
projet a été jugé non urgent, les études concernant le tracé de la nouvelle enceinte sont quant à
elles considérées comme utiles afin de délimiter les terrains et les zones de servitudes
nécessaires ; ces dernières sont d’une largeur de 30m à partir du pied du mur d’enceinte.
Ce tracé a fait l'objet comme pour les établissements militaires de scénarios de défense et
d'attaque. Dés le départ la caserne du Bardo a été rejetée en dehors de la nouvelle enceinte pour
former une défense extérieure. Le fort de Bellevue viendra protéger la limite Sud-est de
l'enceinte ; cette dernière comprendrait deux portes donnant sur les routes de Philippeville et de
Sétif. L’enceinte serait constituée d'un mur crénelé d'une hauteur de 4 mètres, de 0,40 mètre
d'épaisseur dans sa partie haute et 0,70 mètre dans sa partie basse.
Le plan du quartier est d'un tracé régulier en damier obéissant ainsi au mode de conception du
Génie. L’emplacement du quartier engendra le dérasement de la colline du coudiat.
Fig.103 et 104 : cartes postales montrant les travaux de dérasement du coudiat Aty
A/ Remblai sur la route de Philippeville B/ Remblai sur l’assiette de la place de la Brèche, et
square Vallée
Source : Site web426
425
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Projet d’ensemble des établissements militaires
Dossier 1H 808, Article 3, N° 64, en date du 08 avril 1853.
Troisième Partie Chapitre Deuxième
302
Afin de relier les deux villes, deux rampes sont prévues à partir du point le plus bas de la place
de la Brèche en projet, l'une menant vers le coudiat et l'autre vers la porte Valée.
La forte déclivité du terrain est prise en charge dans la solution générale d’aménagement du
Génie : mur de Soutènement, déblais et remblais. C’est ce dernier qui provoquera plus tard, des
conflits entre le Génie et la municipalité qui deviendra le principal acteur de réalisation du
nouveau quartier dont les travaux ne débuteront que quinze ans plus tard. Les premiers remblais
au niveau de la pointe de Sidi Rached ont provoqué un changement de la topographie du site, ce
qui a posé des problèmes d'ordre défensif au Génie. À défaut de payer les travaux de
réaménagement de nouveaux systèmes de défense, la municipalité s'est vue donc contrainte
d'obéir aux directives des services du Génie. Le remblai a servi pour combler le dénivelé de la
nouvelle Place de la Brèche et des Squares et la partie Sud du nouveau quartier.
Le projet d’extension de la ville de Constantine aura connu presque un demi-siècle de
pourparlers entre les différents services avant de connaitre sa réalisation complète. Les rues du
Faubourg St-Jean et Rouhault de Fleury remplaceront le mur d’enceinte qui n’a jamais été
réalisé.
2.2.2.3. L’évolution de la ville européenne.
Le tracé des routes par le génie, qui mènent soit vers les équipements militaires extramuros
(Bellevue, Bardo, Mansourah et Sidi Mabrouk) soit vers les villes voisines a engendré les
nouveaux quartiers de la ville dans le temps et selon les besoins de la population et du
commerce. Seul le plateau du Mansourah, dont la zone de servitude était importante, fut épargné
pendant longtemps d’une urbanisation civile. Sidi mabrouk, où les chemins de fer ont installé
leurs ateliers, accueillit donc les cheminots mais aussi les populations militaires et paramilitaires
(cités militaire, de police et des gardes mobiles).
Il est devenu l’annexe du quartier militaire du Mansourah. Le développement d’un équipement
engendre, dans la ville, d’autres zones urbaines au service de cet équipement : le cas de Sidi
Mabrouk en est un bon exemple. Il se présente comme une zone urbaine au service des militaires
et des chemins de fer.
426
www.constantine.free.fr/images/photos1900/travaux_Coudiat
Troisième Partie Chapitre Deuxième
303
Constantine a acquis par les équipements militaires, une structure urbaine répondant surtout aux
exigences militaires. Elle devient par ce fait une ville militaire par excellence.
Avant l’extension de Constantine et grâce aux percements militaires, la ville européenne est
venue se superposer à la ville arabe sans pour autant l’absorber ou l’anéantir. La médina par sa
densité et sa population a résisté à l’emprise militaire. Si en apparence elle s’est européanisée,
elle a gardé son caractère de médina dés que l’on quitte les axes.
Dans ce qui précède, nous avons vu l’intervention du Génie à l’échelle sur la ville et ses environs
immédiats. Il convient de voir, ne serrait-ce que brièvement, comment a agi le Génie à l’échelle
du territoire.
Le projet de 1840 pour la place de Constantine ne se limitait pas à la ville elle-même puisqu’il
est question de fortifier les casbahs de Sétif et de Mila considérées non seulement comme arrière
base Nord-ouest de Constantine mais aussi comme la Porte de la petite Kabylie. Mila l’était déjà
sous les romains. D’ailleurs les citadelles de Mila et de Sétif remontent à l’époque romaine. Les
militaires français utilisaient donc la trame romaine lors de la conquête puis lors de la défense
des Places. Si Mila concernait la direction Nord-est, Sétif pour sa part était un point stratégique
de la direction Nord-ouest et sur la voie vers la capitale. Ces petites places devront être jointes et
se raccorder à la trame territoriale dessinée par les voies de communication. Ces dernières seront
surveillées par des guérites et postes de garde avancée généralement installés.
Conclusion.
La ville de Constantine, avec les implantations des français, voit sa fonction militaire s’accroitre.
Leur nombre et leur importance lui confèrent désormais le statut de ville de garnison. De par
cette fonction, la ville devait être défendue, non plus par la nature du relief, mais par les
établissements militaires grandement fortifiés. Or les équipements militaires et leur zone de
servitude nécessitent de grandes assiettes. Ces dernières ne se trouvaient pas dans une ville à
forte densité minérale.
Dans ce cas, leur implantation nécessitait des destructions. Ces dernières, en dehors de celles
dues à la prise de la ville, touchèrent non seulement les résidences mais aussi les casernements
établis. La casbah, malgré sa taille ne pouvait contenir toutes les troupes et les différents
services de l’armée française. Par ailleurs la forme de casernement y existant ne correspondait
pas à celle en usage en France. À l’image de ce qui se passa à Annaba, les maisons, palais siège
du bey, mosquées et casernements furent réquisitionnés en tant que tribut de guerre. Dès la
Troisième Partie Chapitre Deuxième
304
première année, les projets se dessinent afin d’établir les troupes et les quartiers militaires. Les
maisons de la casbah sont détruites au fur et à mesure des réalisations de nouveaux bâtiments.
Les citernes romaines sont transformées et le temple chrétien détruit pour récupérer les terrains
mais aussi les pierres comme matériau de construction. L’importance de ces réalisations est telle
que des voies carrossables ont été jugées de la plus haute urgence et ont été ouvertes afin
d’acheminer matériaux et matériel venant des ports voisins.
Les transformations ont touché le palais du bey afin d’y installer le poste de commandement et
les différents services attenants. La place du bey fut régularisée selon la méthode du Génie
militaire, et jointe aux portes de la ville et à la casbah.
La ville transformé et commençant à être peuplée devait être défendue non seulement par toutes
les batteries installées le long du canyon, par le mur d’enceinte fortifié, mais surtout par les forts
et quartiers installés à l’extérieur de ce mur. L’implantation de ces derniers obéissait encore une
fois aux préceptes militaires. Le choix des sites était stratégique, il devait pourvoir à la défense
comme à l’attaque (le pays n’étant pas entièrement conquis). C’est pour défendre la position de
Constantine, que le fort de Bellevue fut installé au sud, le quartier de Sidi Mabrouk à l’est, le
quartier du Mansourah au nord est et le fort de sidi M’cid dans la vallée du Rhummel.
L’extension de la ville se vit dictée, comme à Bône par la topographie. Ce fut le coudiat Aty qui
fut dérasé pour recevoir le nouveau quartier européen défendu par la redoute s’y trouvant et par
le fort de Bellevue. Dans la logique de conception du Génie, les déblais servirent à combler les
pentes qu’il jugeait urbanisables : Faubourg St Jean, La place de la Brèche et les rives du
Rhummel.
L’extension de la ville se fit selon les axes de communication joignant Constantine ancienne et
les casernements, à la recherche d’une sécurité. De fait, les équipements militaires finirent par
devenir urbains, intégrés aux tissus ancien ou nouveau.
Troisième Partie Conclusion
305
Conclusion de la troisième partie.
Au travers de ce que nous venons de voir plus haut et à travers les deux exemples de villes aux
dimensions, à la topographie, aux potentialités et aux fonctions différentes, nous pouvons
retrouver la logique d’implantation des militaires dans un tissu urbain dans un premier temps et
leur logique de conception d’extension dans un second temps.
Comme pour toutes les armées victorieuses et conquérantes la première installation s’est
effectuée par une appropriation des grands édifices quelque soit leur fonction. C’est l’installation
du poste de commandement, des troupes et de l’hôpital militaire qui apparaissent comme les plus
urgentes. D’après Maitrot, les premiers travaux effectués au lendemain de la prise de Bône
étaient le nettoyage des rues, l’élargissement d’autres et l’installation des troupes à l’intérieur de
l’enceinte. C’est donc l’appropriation des édifices susceptibles de comprendre les fonctions
militaires qui émerge comme première action. Elle sera suivie de la destruction d’autres édifices
dont la seule valeur aux yeux des militaires était foncière.
Les transformations et les constructions suivront, selon les urgences et les budgets alloués. Ces
transformations tiennent rarement compte de la valeur architecturale ou historique de l’édifice,
l’objectif militaire demeure l’unique préoccupation. Ces transformations ont définitivement
altéré les édifices originaux. Si beaucoup de maisons ont disparu ou subi des transformations, la
plus importante est celle qui a touché le Palais du Bey de Constantine.
Les bâtiments militaires, joints par des voies de communication, vont structurer les villes
originelles puis les extensions de ces dernières. Pensés puis réalisés dans un but militaire, durant
une période donnée, ils ont continué à structurer le tissu urbain au-delà de cette période et dans
un tout autre contexte. Est-ce La vision du Génie militaire qui est aussi longue ? Ou est-ce la
démarche de conception du Génie, intégrant l’ensemble des projets, qui apparait comme les
prémices d’un urbanisme opérationnel ?
Les transformations effectuées sur les villes par les percements et les redressements puis les
extensions des villes sont destinées aux européens. Les villes nouvelles ont fait l’objet de
protection même si elles sont restées au niveau des études comme ce fut le cas pour Constantine.
Tracées selon une grande régularité, elles correspondaient aux modes européens. Tous les
principes de conception du Génie militaire furent appliqués selon le site.
Les cours, arcades et citernes sont les principaux éléments qui ont été repris. Est-ce parce qu’ils
convenaient au climat ? Ou est-ce parce que préconisés par les hygiénistes ? Probablement pour
Troisième Partie Conclusion
306
les deux raisons mais nous ne confirmons pas les écrits des militaires qui conseillaient une prise
en considération du caractère architectural des constructions autochtones. La conservation des
monuments anciens ne s’appliquait-elle qu’aux édifices antérieurs à la période musulmane ?
L’intérêt porté aux vestiges romains est très relatif, nous avons vu comment les ingénieurs du
Génie n’ont pas hésité à détruire ceux compris dans l’enceinte de la casbah afin de récupérer
terrain et matériaux. Face à l’objectif militaire tout intérêt quelque soit sa nature disparait. Enfin,
nous retiendrons le fait important que les percées dans la ville sont le fait des militaires et surtout
ante haussmanniennes.
Quatrième Partie Introduction
307
QUATRIÈME PARTIE
LES INTERVENTIONS SANITAIRES DU GÉNIE
À ANNABA ET CONSTANTINE.
Introduction.
À la conquête de l’Algérie, la France déplorait l’absence d’infrastructures sanitaires de base.
L’hôpital, durant une guerre est un équipement fondamental pour les armées, les besoins en soins
sont en effet très importants. Il se doit d’être le plus proches possible du corps d’armée.
L’acheminement des blessés n’est pas toujours possible ou aisés.
Dans cette partie nous essaierons de mettre en exergue le rôle des militaires français dans
l’installation du système sanitaire dans les médinas et villes coloniales, Constantine et Annaba.
En effet, en dehors de la médecine de guerre, et dans un but de colonisation puis de peuplement
les différents gouvernements français ont beaucoup investi dans la santé en Algérie. Ils se
devaient d’assurer sécurité et assistance médicales à leurs citoyens puis aux autochtones comme
main d’œuvre à bon marché. Par ailleurs ils s’impliquèrent, du point de vue urbanistique, dans
l’établissement des règles d’hygiène s’appliquant aux bâtiments.
L’essentiel de l’action sanitaire des militaires français a été fait durant la période qui s’étale de la
colonisation jusqu’à la première guerre mondiale.
Le premier effort français se porta à la fois sur l’équipement hospitalier et sur des campagnes
prophylactiques (vaccinations, distribution de quinine, cuti-réactions, gouttes, etc.…) en ville et
dans l’arrière pays.
Vu les conditions climatiques auxquelles les français n’étaient pas habitués, les endémies locales
(malaria, typhus,) furent la raison d’une mortalité importante parmi les civils et les militaires.
Elle était aggravée par les épidémies dues notamment à la promiscuité des camps puis des
villages de colonisation où régnait le manque d'hygiène élémentaire entraîné par le manque
d'eau ou par sa mauvaise qualité comme par la présence de marécages, et l'importation en
Afrique du Nord du choléra venu d'Europe et du Levant.
Les plans d’alignement effectués en Algérie obéissaient certainement aux exigences hygiéniques.
Mais il est aisé de comprendre que les différentes populations ne bénéficièrent pas de façon égale
des idées hygiénistes des ingénieurs du génie militaire. Les logements arabes eurent droit en
Quatrième Partie Introduction
308
dernier au système d’égouts, à la nécessité de salles d’eau. Si l’exigence de l’ensoleillement des
logements était de mise dans les logements nouvellement construits, il ne l’était plus dans les
maisons arabes qui ne se trouvaient pas sur les percées.
Les premiers équipements sanitaires des militaires ont été les hôpitaux. Les épidémies quant à
elles, ont entrainé l’installation de dispensaires et de lazarets.
Dans cette partie, nous allons traiter des actions des militaires français en matière de santé, qui se
sont concrétisées par la construction d’équipements de conception différentes selon que l’on soit
à Annaba ou à Constantine, pour des considérations différentes relevant du climat comme des
conditions d’occupation.
Nous verrons aussi comment le Génie militaire s’est comporté comme un véritable maitre
d’œuvre avec une extrême rigueur, et comment il a négocié avec tous les acteurs de l’occupation
et la métropole toutes les phases de la conception à la réalisation des dits équipements. Nous
verrons enfin, quelles ont pu être les impacts de ces réalisations sur l’architecture et sur
l’urbanisme des deux villes étudiées.
Nous noterons que l’action minérale du Génie militaire dans les villes de Annaba et Constantine
est associée à une action végétale qui consiste en la plantation d’arbres et leur entretien. Ces
plantations étaient préconisées comme moyen de protection contre le fort ensoleillement, de
régulation de l’hygrométrie et de rappel paysager de la métropole. Elles étaient à la charge du
service du Génie militaire avant l’instauration des municipalités.
Quatrième Partie Chapitre premier
309
CHAPITRE PREMIER
LES RÉALISATIONS SANITAIRES DU GÉNIE MILITAIRE À ANNABA.
Introduction.
Au début de la conquête, les militaires français habitués à d’autres conditions de guerre ont sous-
évalué les capacités des hôpitaux. Leurs expériences passées leur édictaient des capacités
équivalentes au dixième de leurs garnisons ; deux années en Algérie leur ont fait revoir leur ratio
de programmation à la hausse.
Face à la situation sanitaire de leurs troupes ce sont des hôpitaux devant contenir le cinquième de
la garnison qui sont proposés aux autorités. L’épidémie de choléra d’Alger de 1832, menaçait
les troupes installées à Annaba ; le mal venant de la mer, par le biais de contingents et des
navires de commerce qui alimentaient la ville (matériel de guerre et de construction). Il fallait
pallier à la demande en lits de façon la plus urgente.
Il faut noter que les médecins militaires dans leur rapport n’ont pas omis de mentionner les
risques de besoins en lits pour les populations civiles sans différenciation d’origine ou de
confession. ; la prise en charge sanitaire des civils venant de l’étranger fut la raison de
l’installation du lazaret au Fort Génois. Il fallut, par ailleurs prendre en charge cette même
population après son installation, c’est la raison de l’ouverture aux civils de l’hôpital militaire,
mais aussi du dispensaire.
Nous verrons comment l’installation de ces équipements à Bône a impliqué des actions sur le
bâti existant. Dans la logique hygiéniste, nous aborderons en final, la question des plantations et
de leur usage comme moyen d’assainissement de l’air.
1. L’hôpital militaire.
Lors de la prise de la ville de Bône qui ne possédait pas de d’hôpital tel que connu en Europe ou
de bâtiment militaire susceptible d’abriter un hôpital, les militaires français se sont vus forcés de
pourvoir au plus urgent. Les rapports des militaires font apparaître que l’état désastreux des
troupes n’est pas seulement du aux effets du climat auquel ils n’étaient pas habitués et aux
épidémies mais aussi à l’état de la ville et de ses environs qu’ils jugeaient malsains : présence de
marais, manque de salubrité des routes, etc.427
427
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 851, Article 3, N° 18 ; en date du 08
avril 1837. Note émanant de la Direction générale de l’administration et de la comptabilité ; 2ème
Division, Bureau
des hôpitaux et destinée à la Direction générale du personnel et des opérations militaires (Bureau du Génie).
Quatrième Partie Chapitre premier
310
1.1. Logique de choix des implantations.
En 1831, l’hôpital militaire de la place de Bône a été installé dans la trame de la belle mosquée
Sidi Marouane dans la partie haute de la ville. Son emplacement a été heureusement choisi pour
son air pur428
. Les terrasses serviront pour la déambulation des malades avec vue sur mer. Ainsi,
le site a été choisi, en premier lieu, du point de vue hygiénique. Le bon air a été recherché, fuyant
l'air "vicié" des marais proches de la partie basse de la ville ; son emplacement sur les hauteurs
lui faisait bénéficier d’un ensoleillement tout aussi recherché.
Comme nous venons de le voir plus haut, la forte densité de la médina, surtout en sa partie basse,
ne convenait nullement à l’emplacement d’un bâtiment sanitaire. Il faut ajouter que la partie
haute, la plus ancienne, comprenait des maisons dont l’état vétuste permettait leur démolition
(partielle ou totale) et donc un dégagement de terrain constructible.
Les remparts de la place de Bône ne contenant pas assez d’espaces pour recevoir tous les
établissements militaires, cela a poussé les militaires à une parcimonie de l’utilisation de l’espace
dans une logique d’efficacité et de rentabilité et d’optimisation des potentialités foncières.
L’espace urbain intra-muros a été privilégié pour l’infrastructure sanitaire. Ces services se
devaient d’être le plus proches des populations quelque soit leur statut (militaire ou civil) d’une
part, et d’être protégés d’autre part. Leur emplacement répondait donc aux impératifs de
proximité et de sécurité. Ce qui n’exclut pas quelques autres implantations du genre : artillerie,
poste de commandements, etc. que nous avons traité plus haut.
L’emplacement de l’hôpital dans la mosquée Sidi Marouane était donc en réponse adéquate aux
exigences d’hygiène, de proximité et de sécurité.
1.2. La capacité de l’hôpital.
La mosquée hôpital bien qu'ayant réuni la majorité des services de l'hôpital et malgré les
avantages que présente cette dernière, les militaires ne pouvaient y réunir l'ensemble des malades
de la garnison en temps ordinaire. Les annexes de cet important établissement peuvent toutes se
trouver réunies à la mosquée ou très prés d'elle.
En 1831 la grande salle de l'hôpital ne peut contenir au plus que 105 malades ; une baraque
provisoire a été construite d'une capacité de 65 malades. C'est ainsi qu’une maison a été
428
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 851, Article 3, N° 1, en date du 25 août
1832. Apostille émanant du chef du Génie.
Quatrième Partie Chapitre premier
311
réquisitionnée pour 8 officiers et 22 soldats, ce qui portait la capacité de l'hôpital à 200 malades.
Ce qui demeure toujours insuffisant429
.
Les fonds nécessaires à la construction n'ayant pas été débloqués, et vu le nombre de malades
sans cesse croissant (inaptitudes au climat et aux conditions locales, apparition des épidémies), le
génie militaire opte pour la construction en rez de chaussée d'une seconde salle provisoire pour
60 malades. Il prévoit pour 1832 de doubler la capacité de l'hôpital en construisant un étage
supérieur afin de porter sa capacité à 390 malades dont 8 officiers.
En 1832, la capacité totale de l'Hôpital militaire de la place de Bône est de 29O lits (105 à Sidi
Marouane, et le reste dispatché dans les maisons)430
. Cette capacité est en deçà des besoins sans
cesse croissants. La garnison de Bône comptant 3000 hommes, cette capacité demeurait
inférieure au 1/10ème
préconisé par les pratiques militaires en usage lors des campagnes menées
en Europe par l’armée française ; alors même qu’en Europe l’armée trouvait in situ des
établissements sanitaires telles que conçues en ces pays.
Si nous prenons en compte le 1/5ème
conseillé par les médecins militaires en poste à Bône, pour
une vraie couverture il s’agissait de doubler cette capacité et cela en ne comptabilisant pas les
besoins en lits pour les civils quelque soit leur origine, sachant que la population civile
autochtone (aucune référence trouvée concernant l’estimation de la population européenne) était
estimée entre 2000 et 3000.
Chaque année, aux mois de mars et de novembre les hommes de garnison et la population
européenne se trouvent terrassés par la malaria et le typhus. La commission de santé met sur le
compte des marais de Kherraza et ceux du bassin de la Seybouse le mauvais état de santé qui
sévit dans la région. Sur les 3000 hommes de la garnison, durant la période des fièvres, 900 ont
été hospitalisés en 1835 et ceci sans compter ceux alités dans l’hôpital de campagne installé dans
le camp de Dréan, vu l’ampleur de l’épidémie.
Cet état de fait a poussé le génie à augmenter le nombre de transformations des maisons arabes
en succursales de l'hôpital. Ce qui n'est commode ni dans la gestion des soins et de l’intendance
ni dans les procédures de quarantaines nécessaires dans le cas d'épidémie.
429
Archives du Service Historique De La Défense De Vincennes, Dossier 1 H 857, Article 3, N° 02 et 03 du 24
septembre 1831. 430
Archives du Service Historique De La Défense De Vincennes, Dossier 1 H 857, Article 3, N° 01 du 25 août
1832.
Quatrième Partie Chapitre premier
312
En 1832, alors que la salle ne peut contenir que 105 malades, des maisons arabes proches d’elle
ont été réquisitionnées (sous couvert d’un loyer) en s’appuyant sur la loi du 16 septembre1807
qui permet l’expropriation pour utilité publique. La loi du 07 juillet 1833 viendra établir les
formalités d’enquête pour justifier l’utilité publique431
.
Ce sont ces deux lois que les autorités françaises vont utiliser en Algérie lors des plans
d’alignement ou des percements dans les médinas.
Les principales maisons transformées en annexes de l'hôpital sont :
une maison au 141 rue Jemmapes où huit (08) lits pour Officiers et vingt deux (22)
autres pour soldats, furent installés ;
une maison, rue Kleber devait contenir 65 lits ;
une maison, rue Clémentine devait contenir 40 lits ;
une maison, rue Caraman, devait contenir 55lits ;
d’autres maisons furent transformées en intendance, magasins relevant de l’hôpital,
etc.
Le total des lits installés dans les maisons est donc de 190 ; ce qui correspond, à peu prés, au
double de la capacité de l’hôpital lui-même.
L’épidémie de 1833 incite le génie à construire des baraques provisoires (appelées par les
médecins militaires : ambulances cholériques) aux approches et dans la cour de la mosquée
pouvant contenir jusqu’à 460 malades.
C'est dans ce climat épidémique qu'un projet de réaménagement de la mosquée Sidi Marouane a
été établi par le génie à la demande de l'Intendant général de l'armée de la place de Bône, dans
une note du 1er
mars 1837432
. La mosquée entièrement réaménagée pourrait selon le projet
proposé contenir 390 malades dont 8 officiers433
.
431
M Alphan (directeur), A Deville et Hocherau, Recueil des lettres patentes, ordonnances royales concernant les
voies publiques, Édit Imprimerie Nouvelle (association ouvrière), Paris, 1886. 432
Archives du Service Historique De La Défense De Vincennes, Dossier 1 H 851, Article 3, N° 20, en date du 1er
mars 1837. Demande de l’intendant militaire officier de santé en chef, officier d’administration de l’hôpital militaire
de Bône est écrite par le capitaine du génie, faisant état des améliorations et réparations urgentes nécessaires à
l’hôpital militaire de Bône. Cette note classifie les opérations à effectuer selon l’urgence. 433
Archives du Service Historique De La Défense De Vincennes, Dossier 1 H 851, Article 3, N° 2, en date du 16
janvier 1833. P.V de réunion entre le directeur de l’hôpital, chef du Génie et le commandant de la place de Bône.
Quatrième Partie Chapitre premier
313
1.3. Le processus de transformation de la mosquée.
En 1836, le mémoire sur la place de Bône, émanant du génie militaire, dévoile que ce dernier
n'était pas encore achevé et ceci pour des raisons budgétaires434
.
C’est dans ce contexte d’épidémie, que des bains d’eau et qu’une étuve furent installés dans la
mosquée. Ces équipements faisaient partie du protocole thérapeutique de l’époque dans le
traitement des cholériques.435
Dans le projet présenté en 1836, le génie a tenté de sauvegarder le caractère architectonique de la
mosquée. Il propose de couvrir le bâtiment d'une terrasse la jugeant à la mode du pays mais aussi
pour rechercher la fraicheur au 1er étage et se prémunir des vents, et pour conserver un étuvage
(chauffage) et une promenade à l’air libre, jugé nécessaire aux malades. Le budget de ce projet
est estimé à 36 000 FR. Seulement il demandé un surcout de 60 000 FR vu le manque de
matériaux in situ et qu'il faut commander à Alger.
Suite à la demande de réfection datant du 1er mars 1837
436 constitué et émanant de l’intendant de
l’hôpital militaire de Bône il serait aisé de reconstituer l’état dans lequel se trouvait cet hôpital.
Cette note stipule la nécessité de réaménagement de cet hôpital en attendant la construction d’un
nouveau dont la demande a été introduite déjà en 1835 mais dont la construction a été reportée à
1838. Les réaménagements demandés tiennent compte de ce futur hôpital et se limitent donc aux
besoins d’extrême urgence. Elle donne la capacité du futur hôpital, la situant entre 1200 et 1500
malades.
L’hôpital en 1837 ne souffre pas de vétusté mais est simplement de l’ordre du rudimentaire.
Ainsi la note pré citée le décrit comme étant de baraques en bois et dont la couverture est en
planches de bois recouvert de joncs. La couverture devait être changée en tuiles mais celles ci
sont commandées et sont attendues d’Alger. Ce qui nous pousse à supposer qu’il n’existait pas
de manufacture sur la place de Bône et que la briquèterie qui existe est postérieure à la
colonisation.
Nous retrouvons dans les notes concernant la construction de l’hôpital des besoins de
construction de briqueterie et de fours à chaux par les services du génie militaire afin de
434
Archives du Service Historique De La Défense De Vincennes, Dossier 1H851, Article 3, N° 16 en date du 16
janvier 1833. En sous dossier de L’article N° 8 en date du 28 avril 1839. 435
Archives du Service Historique De La Défense De Vincennes, Dossier 1H851, Article 3, N° 6 en date du 16
janvier 1833. Note du commandant de la Place de Bône. 436
Archives du Service Historique De La Défense De Vincennes, Dossier 1H848, Article 2, N° 14 en date du 10
août 1836, apostille émanant du chef du Génie.
Quatrième Partie Chapitre premier
314
diminuer les couts de construction mais aussi les délais ; le temps et le budget sont deux
éléments fondamentaux dans la conception d’un projet. Le Génie militaire travaille dans
l’urgence et c’est ce dernier facteur qui entrave la réalisation des travaux urgents.
Aussi, dans le projet proposé, il est demandé l’aménagement et /ou l’agrandissement d’une salle
de chirurgie, d’une pharmacie et du laboratoire, d’une salle de garde, d’un garde manger, de
lieux d’aisance etc. Nous ne pouvons pas juger, à la lecture de cette note, de l’importance qui est
accordée au laboratoire ni à spécifier sa fonction : à savoilabor r atoire de pharmacie (préparation
in situ de remèdes) ou laboratoire de recherche. Si la première parait comme certaine la seconde
n’est pas une éventualité à ignorer car comme nous l’avons vu les médecins militaires ont
recherché les causes mais aussi les remèdes au paludisme.
Cette note étant cosignée par le directeur de l’hôpital, médecin de l’armée de son état, ainsi que
du chirurgien et du pharmacien, dénote d’un travail d’équipe et où la responsabilité de chacun est
engagée. Les besoins de chaque service sont décrits et justifiés.
L’hygiène et la salubrité y tiennent une place prépondérante. Ainsi il est demandé l’installation
des latrines, ces mêmes latrines ont déjà fait partie du projet approuvé de 1833 mais n’ont jamais
été réalisés par manque de budget, en remplacement des baquets installés au niveau de chaque
salle de malades qui devaient traverser cours et coursives sous différentes conditions climatiques
pour atteindre les lieux d’aisance dans une apostille du Génie militaire437
.
Le fait de ne pas considérer les latrines comme une urgence, dénote probablement du manque de
connaissances médicales en matière de transmission et donc de traitement du choléra. Nous
retrouvons ici les mêmes hésitations des décideurs face aux problèmes que relevaient les
médecins concernant l’hygiène. Ces derniers avaient des convictions qu’ils ne pouvaient pas
prouver. C’est d’ailleurs dans un contexte identique que se trouvaient certains quartiers de la
capitale française. Dans cette même logique d’hygiène le directeur de l’hôpital recommande
l’installation d’une buanderie pour le lavage du linge de corps et de literie.
D’un tout autre point de vue, celui du confort du malade et d’une meilleure fonctionnalité, il est
demandé l’installation de fourneaux couverts (pour une meilleure hygiène de l’air et pour la
protection contre l’humidité) au niveau des salles pour le chauffage et la préparation de
437
Archives du Service Historique De La Défense De Vincennes, Dossier 1H848, Article 2, N° 14 en date du 10
août 1836, apostille émanant du chef du Génie.
Quatrième Partie Chapitre premier
315
cataplasmes et de boissons chaudes très usités en la période. Nous avons vu plus haut l’intérêt
que portaient les ingénieurs à la productivité et à l’organisation du travail ; c’est dans ce sens que
ces fourneaux et leur emplacement spécifique ont été recommandés. Nous assistons là aux
prémices d’une programmation spatio-fonctionnelle rationnelle.
A la lecture de cette apostille nous décelons, aussi, une divergence d’idée quant à l’aménagement
de certains espaces tels que la salle de bains déjà aménagée mais nécessitant un agrandissement ;
les médecins le préconise en justifiant sa nécessité et en rappelant son usage lors de l’épidémie
de choléra alors que l’intendance n’en voit pas l’utilité immédiate.
La même apostille souligne l’urgence des travaux à effectuer puisqu’il est stipulé déjà un
aménagement de fortune d’une salle pour les consignés438
et une pour les galeux (la gale exigeait
alors une hospitalisation), chacune des deux salles ayant une capacité de trente lits.
Elle nous renseigne sur la gestion de l’hôpital et sur la catégorie de malades hébergés dans cet
hôpital. Elle fait référence à la maison attenante voisine (N° 141, rue Jemmapes) réquisitionnée
pour abriter les officiers malades. Les maisons avoisinantes n’hébergent pas seulement les
malades, officiers ou non, mais on y a aussi installé les dépendances de l’hôpital, telles que
l’intendance, le logement des infirmiers. Les magasins de pharmacie et de matériel sont installés
dans la maison du directeur de l’hôpital, probablement pour une question de sécurité. Pour
comprendre l’importance spatiale que prend l’hôpital dans la ville, il suffit de se référer au nom
proposé à la rue projetée au voisinage de celui-ci : Rue de l’hôpital.
A aucun moment il n’est stipulé que l’hôpital est strictement réservé aux militaires, ce qui peut
être jugé comme inhabituel pour les hôpitaux de campagne et dévoile que ces hôpitaux sont
ouverts aux civils quelque soit leur nationalité ou leur catégorie sociale. Ce même intendant
propose l’utilisation de certains locaux existants au sein de la demeure réservée aux infirmiers,
comme cachots pour les prisonniers malades et d’y aménager une salle de police dont la présence
au sein de l’hôpital se justifie. En abritant toutes les catégories sociales c’est à dire militaires ou
civiles quelque soit leur origine, prisonniers, cet hôpital se présente sous la configuration plutôt
d’un hôpital civil que militaire bien que géré et financé par le ministère de la guerre.
438
Consigné : adj. : Militaires privés de sortie par mesure disciplinaire, Dictionnaire Hachette, Édit HACHETTE
LIVRE 2004, Paris, 2005.
Quatrième Partie Chapitre premier
316
L’apostille précédemment citée peut être considérée comme une première analyse critique du
premier hôpital militaire de Bône. Si elle est relativement exigeante, elle tient néanmoins compte
du coté économique puisqu’elle ne considère que les besoins immédiats et préfère la réfection
par points en attendant la construction en maçonnerie du futur projet.
En 1839, l’hôpital ne pouvant toujours pas contenir l’ensemble des malades, la construction de
baraques provisoires est encore de mise439
.
Le projet du futur hôpital connait plusieurs versions. C’est, en premier lieu, sa capacité qui
déclenche la polémique entre les services du génie et ceux des fortifications. Le projet présenté
en 1845 s'est basé sur une capacité de 800 lits alors que la commission des hôpitaux a admis le
chiffre de 600 lits. Le problème qui se posait alors était l'indisponibilité de terrains susceptibles
de servir d'assiette à l’hôpital ; la réquisition puis l’expropriation s'imposaient encore une fois.
La différence d'appréciation de cette capacité émanait aussi du fait de l'évacuation de certains
malades vers la France.
Fig.105 : Plan d’ensemble de l’hôpital et de ses annexes : projet pour 1845.
Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris
440
439
Archives du Service Historique De La Défense De Vincennes, Dossier 1 H 847, Article 1, en sous dossier N° 8
en date du 28 avril 1839. Note pour travaux annexes émanant de l’intendant de la place de Bône.
Quatrième Partie Chapitre premier
317
Bâtiment. F hôpital militaire sur la mosquée Sidi Marouane agrandie, Projet du pavillon des officiers rue
Jemmapes, construction, rue de la Comédie, en dur d’un bâtiment contenant les dépendances de l’hôpital et le
logement des infirmiers, B. Bains (publics transformés en annexe de l’hôpital) pour les soldats, D. construction rue
de la Comédie en dur de la salle annexe pour 210 malades, 147 D. Intendance de l’hôpital.
Le projet d’ouverture d’une rue joignant la rue Jemmapes à celle de la Comédie, appelée rue de
l’hôpital n’a jamais été réalisé.
Fig. 106 : Plan d’ensemble de l’hôpital et de ses annexes : projet pour 1852.
Source, Archives du SHD, Vincennes, Paris441
137 D. Maison affectée au service des douanes, 147 D. Logement et bureau de l’intendant militaire, 238 D/ 148 D.
Logement et bureau du lieutenant intendant militaire, 239 D. Logement du médecin chef.
Les bains et une salle des malades se situent sur la rue de la Comédie. Quant au logement du
Directeur de l’hôpital, il se situe Rue Jemmapes dans la maison anciennement affectée aux
officiers et soldats malades. Le terrain libéré par la destruction d’une maison expropriée, au
croisement de la rue Jemmapes et de la rue de la Comédie est réservé à un jardin. Nous
retrouvons ici la volonté d’aération et de dédensifcation ainsi que la place que prennent les
440
Archives du Service Historique De La Défense De Vincennes, Dossier 1 H 857, Article 6/1, N° 9 du 20 avril
1845. 441
Archives du Service Historique De La Défense De Vincennes, Dossier 1 H 857, Article 6/1, N° 44 du 05 mars
1852.
Quatrième Partie Chapitre premier
318
plantations dans les idées hygiénistes. Les projets sont ainsi conçus non pas isolément mais dans
une problématique et une vision globales de la ville. Le projet de l’hôpital est assorti d’actions
annexes qui vont avoir un impact sur la configuration urbaine future de la ville. Nous assistons là
aux prémices de l’aménagement urbain moderne.
Fig.107 : Plan d’ensemble de l’hôpital et de ses annexes : projet pour 1864.
Source : archives SHD de Vincennes, Paris 442
147 D. Sous-intendant militaire, 240 D. Maison annexée à la maison 259 D, 257 D. Maison réservée au casernier443
,
259 D. Logement du Capitaine (dont la fonction n’est pas spécifiée dans le document), M. Maison en cours de
reconstruction et dont l’affectation n’est pas spécifiée.
Nous assistons à une affectation des maisons avec un réaménagement qui est non seulement du
au changement de fonction de ces maisons mais aussi à leur alignement en vue de la création de
la rue D’Armandy. Celle-ci a été précédemment projetée sous le nom de rue de la Comédie mais
en de plus petites dimensions et dont le tracé n’est pas régulier, avec beaucoup de
rétrécissements. L’évolution globale des projets successifs a un impact certain sur la trame
442
Archives du Service Historique De La Défense De Vincennes, Dossier 1 H 857, Article 6/1, N° 127 du 04 juin
1867. 443
Casernier : nm. Agent militaire chargé du matériel d’une caserne, Dictionnaire Hachette, Édit HACHETTE
LIVRE, Paris15, 2004.
Quatrième Partie Chapitre premier
319
urbaine. La nécessité d’ouverture d’une rue découle de la forme générale et du contenu en
espaces du projet mère.
Aussi la maison réquisitionnée rue Jemmapes pour le logement du Directeur de l’hôpital se verra
libérée puisque ce dernier sera être logé à l’intérieur de l’hôpital (projet de 1864).
Nous assistons à une continuité d’idées dans la conception malgré le fait que les ingénieurs
concepteurs du Génie ont changé. C’est la même logique donc, de conception et de vision des
choses dans l’approche architecturale ou urbanistique au projet.
La construction de cet hôpital se fera donc par à-coups et nous retrouvons différents projets pour
le même établissement. Même si les idées maitresses demeurent identiques, il sera apporté des
améliorations successives, qui tiendront compte des plans d’alignement. Mais nous verrons
apparaitre de nouveaux espaces non programmés au départ, qui améliorent soit les conditions de
vie des malades, soit celles du fonctionnement intérieur, ou bien encore émanant des nouvelles
exigences en matière d’hygiène et de santé. De nouvelles fonctions furent créées telle la partie
dissection au niveau de la salle des morts (morgue). Serait-ce dans un but d’autopsie légale ou
dans un but de recherche scientifique vu les résultats des travaux des médecins militaires en
poste tel le Dr Maillot ?
1.4. Le projet de 1846.
Des améliorations apportées à l’hôpital construit, et ce jusqu’en 1870. Mais c’est le projet de
1846 qui reflète le mieux le projet global de l’hôpital militaire de la place de Bône ; toutes les
autres améliorations sont considérées comme minimes par rapport à l’idée maîtresse. Bien que ce
projet prévoie la construction de deux étages, la mosquée actuelle n’en présente qu’un seul. La
réalisation ne dépend donc pas de la projection mais du budget alloué par Paris.
Nous ne disposons pas de plans détaillés du corps de l’hôpital installé sur la mosquée, c’est-à
dire la partie dénommée bâtiment F (fig. 109 et 110). Le programme que nous avons porte sur le
réaménagement de ce dernier, introduisant les fonctions annexes qui étaient externes à l’hôpital.
Toutefois dans un plan annexe au mémoire descriptif de l’état des lieux de l’hôpital, bien que
non détaillé en partie et datant de 1843444
, nous pouvons établir, bien que partiellement : le
programme suivant.
444
Archives du Service Historique De La Défense De Vincennes, de, Dossier 1 H 857, Article 6/1, N° 9, le
document n’est pas répertorié mais se trouve en sous dossier, en date du 20 avril 1845.
Quatrième Partie Chapitre premier
320
Fig.108 et 109 : Projet de l’Hôpital Sidi Marouane.
A : état des lieux
B : projet.
Source : archives SHD de Vincennes, Paris445
Programme d’agrandissement de l’Hôpital militaire de la Place de Bône dans le projet de 1846 :
Bâtiment F : 1.1 : Adjudant Barbier ; 2 : Pharmacie ; 3 : Magasin de la pharmacie ; 4 : Préparation ; 5 :
Tisanerie ; 6 : Pharmacie de garde ; 7 : Magasin ; 8 : Magasin ; 999 : Vestibule ; 10 : Chirurgien de garde ;
11 : Dépôt de médicament ; 12.12.12 : Magasin ; 13 : Lingerie ; 14 : Atelier de réparation
Pavillon en rez de chaussée : A : Corps de garde ; b.b : Concierge ; c : Magasin des effets des militaires ; d :
Vestiaire ; e : Escalier ; f : Vestibule ; g. Latrines ; h : Magasin aux sacs ; i : Bureau des entrées ; k :
Logement du pharmacien en chef
Pavillon en 1er
étage : l : Localier ; m.m : Logement du médecin chef ; n : Bureau de l’adjudant ; o : Bureau
du Directeur ; p.p. : Logement du Directeur ; l.l : Localier ; g.g : Latrines ; k.k : Logement du pharmacien
en chef ; H : Salle de conférence ; U : Bibliothèque ; t.t : Chambre du sous aide.
445
Archives du Service Historique De La Défense De Vincennes, de, Dossier 1 H 857, Article 6/1, N° 9, le
document n’est pas répertorié mais se trouve en sous dossier, en date du 20 avril 1845.
Quatrième Partie Chapitre premier
321
La lecture de ce programme laisse supposer que le bâtiment F est réservé aux seuls militaires
alors que les bâtiments D et G peuvent abriter des civils (sans statut particulier). Il existe bien
donc une ségrégation (militaires / civils) à l’intérieur de l’hôpital. L’esprit fonctionnel et
rationnel du génie militaire apparait comme faisant partie intégrale du processus de conception
des projets.
Ce programme indique également que l’hôpital, après avoir atteint la capacité voulue, intègre
toutes les fonctions d’un hôpital adapté aux normes de l’époque. La présence de la salle de
conférence et de la bibliothèque dénote de la prise en charge scientifique de l’hôpital. Les
ingénieurs du génie militaire, dans une logique de productivité, réduisent les distances et les
pertes de temps en intégrant les logements à l’hôpital, ce qui a pour incidence directe une qualité
de gestion et une meilleure prise en charge des malades.
La répartition des lieux d’aisance sur tous les niveaux, ainsi que leur affectation au corps médical
ou aux malades indique une meilleure prise en considération de l’hygiène des personnes saines.
La fonction de barbe (rasage du crâne et de la barbe) était considérée comme une pratique de
décontamination (poux) et donc d’hygiène. Elle était obligatoire à l’entrée d’un malade ; elle
était suivie par celle des bains ou douches d’hospitalisation. Elles seront transposées
ultérieurement dans les hôpitaux civils, alors qu’elles n’existaient pas auparavant. Elles seront
cependant, ultérieurement, uniquement réservées aux malades entrants musulmans ; elles ont
marqué de manière indélébile les mémoires de plusieurs générations d’algériens : Hafaf Esbaitar.
Dans un premier temps et avant l’installation de deux baignoires dans l’hôpital, les médecins ont
utilisé les bains maures se trouvant au voisinage de la mosquée (Hammam Chouklaiba, hammam
El Kaid) se trouvant au voisinage, pour l’hygiène des malades.
La commission de santé avait son mot à dire dans l’aménagement des salles de malade : ainsi il
fut décidé de placer les chevets des malades sur les murs de face afin de libérer le maximum
d’espace ; on prévoit 1,65m2 par lit et donc 1,85 m
2 avec chevet. Nous retrouvons là le
phénomène qui commençait à émerger à savoir l’ergonomie jointe à la rationalisation suite à la
révolution industrielle. Toutes les salles comprennent des ouvertures sur l’extérieur que ce soit
sur la cour ou sur la rue, à la recherche d’air, de soleil et de lumière. Les façades indiquent de
grandes dimensions de baies, le tout d’une régularité militaire.
Si la conservation de la cour a été un facteur d’adaptation architecturale (préconisée et
recommandée), l’ouverture des façades ne le fut point. Une façade sans ouverture sur l’extérieur
Quatrième Partie Chapitre premier
322
ne peut être comprise et encore moins adoptée par des militaires aux vues hygiénistes, et aux
méthodes de conceptions très européennes.
Celle-ci se retrouvait aussi bien dans la gestion spatiale à l’intérieur des immeubles qu’à
l’extérieur de ceux-ci. Ainsi le génie prévoit l’allongement du bâtiment D. La dimension entre le
bâtiment D et les bains étant de 3m, Il sera allongé pour que le bâtiment G puisse reposer sur lui.
La cour H se verra ainsi diminuée mais sans inconvenant majeur. Une économie d’espace
extérieur et de matériaux résulte de ce réaménagement qui présente l’avantage d’agrandir le
bâtiment D.
La cour derrière le bâtiment recevra une largeur d’arbres ; cette proposition rejoint dans son
principe, le déambulatoire sous arcade : la promenade des malades se ferait donc à l’ombre. Les
plantations sont là, utilisées pour l’ombrage et la fraicheur qu’elles offrent, mais aussi pour leur
bienfait hygiénique. La prise en considération du site et de son climat ressurgit dans toutes les
actions des ingénieurs du génie militaire.
Fig. 110 : Projet d’agrandissement de la mosquée hôpital de 1846.
Source : Archives du SDH, Vincennes, Paris446
446
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Projet de l’hôpital joint au rapport sur la position
défensive de la place de Bône et les postes qui en dépendent et sur les travaux les plus urgents à faire
Quatrième Partie Chapitre premier
323
1.5. Le projet de réaménagement de 1870.
Un autre projet de réaménagement datant de 1870 est introduit ; cet aménagement concerne le
corps de l’hôpital situé sur la mosquée, et cité plus haut comme étant le bâtiment F comprenant
lui-même plusieurs bâtiments. Il s’agit d’un réaménagement de l’existant.
Fig.111 et 113 : plan de réaménagement de l’hôpital.
Source : archives SHD de Vincennes, Paris447
447
Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, document non classé dans la nomenclature générale
du Génie militaire mais existant en sous document de, Article 3, Dossier 1 H 857, N° 71/a du 13 mars 1858.
Quatrième Partie Chapitre premier
324
Bâtiment a : b. L'affectation d'une chambre pour les grands malades civils ; c. Un cabinet de débarras qui résulte
d’un réaménagement par cloisonnement de la grande salle de malades située en rez de chaussée ; d. Un bureau de
l'officier comptable installé par cloisonnement à l'est de la chapelle donnant sur la coursive au sud de la cour.
Bâtiment g : e et f. Deux chambres pour les grands malades militaires, sur un simple cloisonnement effectué dans
les grandes salles de malades. Au premier étage et au deuxième étage, installation de compartiments semblables
pour les grands malades fiévreux et blessés.
Ce réaménagement abonde dans le même sens que les précédents, c’est-à-dire une intégration de
fonctions annexes mais nécessaires à l’intérieur de l’hôpital et une amélioration des conditions
de vie des malades hospitalisés.
Les plans de réaménagement de l’hôpital militaire de Bône nous apportent de nouvelles
informations sur les espaces compris dans l’hôpital, notamment la présence de la chapelle à
l’intérieur de la mosquée. Le service religieux est compris dans tous les équipements sanitaires
pour accompagner et donner les derniers sacrements aux mourants. Cette présence s’explique par
le fait que la laïcité n’était pas encore établie en France et que le service religieux était encore
intégré aux actions étatiques.
Par ailleurs, les premiers hôpitaux sont de charité chrétienne et ont appartenu par le passé à
l’église. Ce qui est corroboré par la prise en charge de l’aumônier par les militaires qui lui ont
réquisitionné une maison au niveau de l’ensemble hospitalier.
Ces plans donnent aussi des informations concernent le système constructif porteur, nous
remarquons l’utilisation d’une structure mixte avec l'apparition de poteaux porteurs
intermédiaires aux murs.
L’aménagement des salles de malades révèle une rationalité dans la gestion spatiale tout en
tenant compte de la fonctionnalité. Cependant la présence des ouvertures en têtes de lits, révèle
la méconnaissance de ce type d’aménagement. Les premiers conseils hygiéniques préconisent le
renouvellement d’air dans les salles, mais du point de vue confort, cet aménagement est
fortement déconseillé.
Les différents mémoires accompagnants les premiers graphiques, font ressortir les problèmes
d’approvisionnement en matériaux de construction notamment les produits rouges et gypseux
(chaux). Les derniers rapports en font état et nous poussent à supposer que la briquèterie et les
fours à chaux de Bône ont été réalisés. La préservation de la cour de la mosquée et des terrasses
Quatrième Partie Chapitre premier
325
ainsi que la généralisation des coursives448
(comme déambulatoires et espaces de distribution)
dans l’hôpital, dévoile la volonté du Génie de garder le caractère architectonique de la mosquée
dans le projet. Ceci nous interpelle quant à la raison réelle de cette volonté : adaptation au site (y
compris le corpus architectural) ou un prise de conscience des avantages de l’architecture arabo-
mauresque par rapport au climat ? Les recommandations des hygiénistes au sujet de l’utilisation
de cour intérieure comme amenée d’air frais et de soleil sont ultérieures aux réalisations du
Génie.
2. Le lazaret
Le règlement international sur la police sanitaire est rendu exécutoire en Algérie par décret du 12
avril 1854. Il a déterminé la distribution intérieure des lazarets et indiqué la nécessité de créer
des établissements de cette nature sur tous les points de quelque importance du littoral
Jusqu’au début de l'année 1855, en l'absence d'affectations spéciales, pour parer aux éventualités
de contagions, l'armée française n'a eu recours qu'à des installations essentiellement provisoires
faites sous le coup de l'urgence et ne répondant qu'imparfaitement aux besoins qu’il s'agissait de
pourvoir tout en étant très onéreux pour l'État français.
C’est ainsi qu’une étude de projets de création de lazarets définitifs dans les trois provinces, fut
décidée. Le Ministre de la guerre saisit les militaires en place pour rechercher les sites les plus
favorables à l'installation de ces établissements449
. Trois sites furent proposés : Bône, Stora et
Bougie. Sur les sites proposés, seul celui de Bône au fort Génois fut retenu par le Ministre sur
proposition du conseil de gouvernement450
.
Le fort Génois se trouve en dehors de la cité et assez loin des casernements extérieurs (casbah,
caserne d’Orléans, ou caserne des Santons). Situé sur un piton rocheux en bord de la mer,
surplombant l’anse de la plage « La Caroube », il présente l’avantage d’une bonne aération et
d’un bon ensoleillement (deux critères toujours recherchés pour l’implantation des bâtiments
sanitaires) tout en étant protégé par le relief des vents dominant Nord-ouest.
448 Les coursives initiales de la mosquée, ont été agrandies afin de recevoir les salles en rez de chaussée au détriment
de la circulation 449
Archives du Service Historique De La Défense De Vincennes, Dossier 1H851, Article 3, N° 343. Dépêche
émanant du ministère de la Guerre vers le commandant de la place de Bône en date du 13 janviers 1855 spéciale à la
province de Constantine. 450
Archives du Service Historique De La Défense De Vincennes, Dossier 1H851, Article 3, N° 344 du 27 décembre
1855.
Quatrième Partie Chapitre premier
326
Le fort présentait l’avantage d’être un poste de garde avancée et pouvait aussi se défendre, donc
il n’avait aucune utilité de défense extérieure. La partie centrale du fort servit d’assiette au
lazaret tandis que la partie extérieure sera affectée aux militaires en faction. Le fort gardait sa
fonction première tout en abritant le lazaret.
Fig.113 : Situation du Lazaret de Bône.
Source : Archives du SDH, Vincennes, Paris451
Nous supposons que le fort Génois a été choisi vu son éloignement de la cité et son accessibilité
par la route carrossable des Caroubiers. Le lazaret étant prévu pour les malades contagieux ou
ceux devant être en quarantaine, la distance entre les populations se devait d’être la plus grande
possible. La route Des Caroubiers mène directement du port au lazaret sans passer par la ville, ce
qui est aussi avantageux dans un contexte prophylactique.
Les études du projet ont été faites d'après le programme dressé par la commission de santé452
sur
les bases réglementaires et approuvées. Toutefois et à la lecture du mémoire, le lazaret d’une
capacité de 130 lits, est projeté de manière à être transformé si besoin, et/ou en cas de disparition
totale des épidémies ou de changements dans les lois sanitaires internationales, en bâtiment de
douanes ou en bâtiments annexes ou simplement en casernement. Nous retrouvons là encore
l’esprit d’adaptation aux exigences momentanées ou ponctuelles du génie militaire. Le projet
451 Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 847, Article 1, N° 09, en date du 20
avril 1845. 452 Archives du Service Historique De La Défense De Vincennes, Dossier 1H847, Article 3, article N° 4. Rapport
sur la commission de santé établie à la place de Bône par l’arrêté de Monsieur le Duc de Rovigo Général en chef, en
date du 26 janvier 1833.
Quatrième Partie Chapitre premier
327
prévoyait ainsi la transformation du bâtiment pour d’autres fonctions en cas d’éradication des
épidémies, donc dans la situation où la fonction génératrice devient obsolète. Ainsi des
possibilités d’adaptation à d’autres fonctions étaient déjà prises en charges dans l’étude,
inscrivant de fait le bâtiment dans une forme de durabilité.
Le fort Génois qui se présentait sous une forme quadrangulaire de 13 mètres de longueur sur 9 de
largeur, ne suffisait pas à abriter l'ensemble des services du lazaret. Comme nous l’avons vu dans
le précédent chapitre, les architectures militaires adoptent les formes géométriques simples en
favorisant les impératifs fonctionnels et économiques.
Aussi le projet proposé est-il un agrandissement de ce rectangle avec une tendance à la
régulation de la forme. Le mémoire préconise, comme le veut le caractère du génie, une
simplicité de forme et d’aménagement ainsi que l’utilisation du bâti existant avec les
transformations nécessaires. Le projet ainsi conçu répond aux caractères de l’architecture
militaire, c’est - à - dire répondre aux besoins dans une logique d’efficacité et de rentabilité sans
recherche esthétique.
Fig.114 : Plan du Rez de Chaussée du lazaret du Fort Génois.
Source : archives SHD de Vincennes, Paris 453
453
Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Dossier 1 H 857, Article 3, N° 71/a du 13 mars
1858.
Quatrième Partie Chapitre premier
328
Présentation du projet :
Le lazaret était constitué des espaces suivants :
Rez de chaussée :
une entrée avec vestibule flanquée de part et d’autre par la salle de barbe (pour le rasage
de crane) et la salle de fumigation : deux mesures d’hygiène et de prophylaxie ;
une salle d’isolement du linge avec dépôt et buanderie ;
deux salles pour « indigènes » (hommes et femmes) ;
une pharmacie ;
une infirmerie ;
deux magasins ;
deux latrines : hommes /femmes ou bien malades / infirmiers ;
des bains (quatre baignoires) ;
une partie restauration comprenant : cuisine, office, dépôt de denrées, réfectoire et
chambre de restauration pour le personnel.
Les espaces sont disposés par entité fonctionnelle autour d’une cour centrale (déjà existante)
assortie d’une galerie. La construction de cette galerie se justifierait par le fait que les médecins
militaires prenaient en considérations les aléas climatiques lors du traitement de leurs malades
et/ou par le fait que les ingénieurs du génie essayaient de garder dans leur projet le caractère
architectural des constructions algériennes. La quarantaine était de rigueur par rapport au milieu
extérieur, mais elle l’était aussi à l’intérieur de l’établissement. Les règles d’hygiène interdisaient
les déplacements directs entre les différentes chambres de malades, les galeries servaient donc à
la circulation du corps médical à travers le bâtiment. L’air libre était supposé sain et donc
assainir les personnes qui y circulent.
L’adaptation au bâti existant ne se limite pas au plan mais aussi aux hauteurs : la salle de treize
lits est à un niveau plus haut que l’étage au dessus de la partie extérieure du fort, réservée aux
militaires en faction. De même les vestiaires ont été placés sur la partie extérieure. Ainsi le
volume global se trouve partagé selon le besoin entre le lazaret et le casernement mais dans un
clivage hygiénique total.
Les fonctions de barbe, de fumigation et de bains apparaissent comme nécessaires dans la
logique de décontamination à l’entrée du lazaret.
Quatrième Partie Chapitre premier
329
1er étage :
douze (12) chambres de différentes capacités (1x20lits, 1x18lits, 1x13lits, 1x12lits,
1x5lits, 2x4lits, 1x3lits, 2x2lits, 2x 1lits). Les chambres de faibles capacités sont peut être
réservées aux officiers malades ou aux civils nantis ou bien aux malades les plus
contagieux ;
logements du pharmacien et du médecin ;
vestiaires non fermés (air libre sain) ;
deux (02) latrines probablement réservées au médecin et au pharmacien.
Fig.115 : Plan du premier étage du lazaret du Fort Génois.
Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris454
L’agrandissement du fort a permis aux ingénieurs de prévoir 67 lits en plus des logements pour
infirmiers, médecins et pharmaciens et de l’entité restauration.
Nous remarquons ainsi la ségrégation physique entre européens (à l’étage jugé plus sain) et
autochtones (en rez de chaussée), même si ces derniers sont pris en charge médicalement. Les
européens sont séparés les uns des autres selon leur maladie et leur état de santé, alors que les
454
Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Dossier 1 H 857, Article 6/1, N° 71, en date du 13
mars 1858.
Quatrième Partie Chapitre premier
330
autochtones sont logés dans une salle unique selon leur sexe. Le nombre de lits réservés aux uns
et aux autres vient corroborer cette différence puisque cinquante (50) lits sont destinés aux
autochtones (25 lits par salle tout type de malades confondus) et quatre vingt lits prévus pour les
européens avec distinction de maladies. Nous notons un système de soins différencié selon qu’il
s’adresse aux européens ou aux autochtones. Le terme « indigènes » sur les plans ou mémoire,
intègre aussi bien les autochtones juifs et musulmans. Le décret Crémieux accordant la pleine
naturalisation aux premiers est postérieur au projet du lazaret.
Les mesures de quarantaine sont respectées puisque les militaires en faction au fort n’ont pas
accès au lazaret, la surveillance est extérieure. Elles s’appliquent cependant au personnel
soignant.
La pierre est le matériau essentiel utilisé dans la construction des murs porteurs. L’épaisseur des
murs extérieurs varie de 1m à 1,5 m alors que celle des murs intérieurs varie de 0,4 à 0,6m. Lors
de l’agrandissement, ces épaisseurs seront fortement réduites. Les ouvertures sont petites et de
forme en usage de l’époque à savoir plus larges à l’intérieur qu’à l’extérieur.
L’étage supérieur du fort initial est de superficie réduite par rapport au rez de chaussée ; il est
couvert en partie de terrasses dénivelées (différence de niveau variant de 0,5m à 1, 5m) qui
serviront de plancher, après réparation, au deuxième niveau du lazaret, qui sera couvert de
terrasses et de toits.
Par ailleurs, le fort comprend déjà une citerne creusée dans la cour pour la récupération des eaux
pluviales venant du toit et des terrasses, réglant ainsi le problème d’approvisionnement en eau ;
ce système est fort connu et utilisé dans les maisons de la médina : le Madjen.
Le lazaret du fort Génois obéit à la logique sanitaire globale de prévention en s’inscrivant dans la
règlementation internationale concernant les ports de la méditerranée ; il vient en réponse à la
nécessité de protection du littoral et de la colonie. Localement, le lazaret du fort Génois s’est
accommodé de l’infrastructure du fort en adoptant ses dispositions morphologiques et en
optimisant les avantages de site et de situation de ce dernier. Le projet du lazaret du fort Génois
répond donc aux exigences hygiéniques en vigueur de l’époque tout en s’inscrivant dans une
forme de durabilité en suivant les règles de conception du génie militaire (régularité, économie et
fonctionnalité). Son fonctionnement intérieur et extérieur répond tout autant aux impératifs
sécuritaires et maintient une volonté ségrégative propre à la logique de colonisation française.
Quatrième Partie Chapitre premier
331
Le lazaret du fort Génois sera le premier à être réalisé dans la province de Constantine ; les
lazarets ultérieurs feront partie des hôpitaux civils comme un service de mise en quarantaine des
malades contagieux lors d’épidémies ou simplement d’endémies locales.
3. Le dispensaire.
Le dispensaire est un équipement sanitaire civil. Prévu pour les populations civiles, il a à sa
charge les consultations des personnes indigentes mais surtout la surveillance de l’état sanitaire
des populations à risques, plus particulièrement celle des filles publiques. Les maladies
vénériennes (dont les traitements n’étaient pas encore connus) sont redoutées par les médecins
quand nous connaissons le rôle de ces filles à proximité des casernements ou au sein d’une
population immigrantes à majorité masculine dans ses débuts. Le dispensaire se verra chargé,
beaucoup plus tard, des opérations de vaccination des populations.
Son emplacement a sans doute été choisi par rapport à l’hôpital militaire. Nous assistons à un
regroupement des services de santé aux abords de la mosquée Sidi Marouane. Le dispensaire
occupe, comme les annexes de l’hôpital militaire, une maison réquisitionnée.
En 1882, alors que l’hôpital militaire est devenu civil, une demande de cession de terrain est faite
par la commission administrative de l'hôpital civil de Bône455
. Cette demande pose le problème
d’accès commun au dispensaire des filles publiques qui empruntent la rue Jemmapes, ce que les
militaire reprouvent car le terrain en question rentre dans le tracé d’alignement prévu par la
municipalité. Ce tracé change le caractère d’intimité qu’avait l’accès du dispensaire. Bien que
ces derniers approuvent le tracé d’alignement, nous relevons le fait qu’ils étaient les gardiens de
la bonne morale : acceptant la nécessité de présence de ces filles, ils tenaient à les dissimuler et
donc à observer une discrétion.
Par ailleurs la municipalité demande la cession de la maison occupée par l’aumônier de l’hôpital
et précédemment occupée par le sous intendant de l’hôpital.
L’immeuble rue Jemmapes, servant de dispensaire est domanial et n'est régulièrement affecté ni
à l'hôpital civil ni à la commune ; cette dernière est en instance auprès de l'administration des
domaines pour en obtenir la cession. Aucune décision n'étant intervenue, le génie propose une
solution dans la gestion du foncier afin de faciliter le travail de la municipalité et éviter les futurs
455
Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Dossier 1 H 857, Article 6/1, N° 171 en date du 26
octobre 1882.
Quatrième Partie Chapitre premier
332
problèmes qui pourraient survenir suite au tracé d’alignement proposé par la municipalité. Cette
solution se résume dans ce qui suit : « La propriété Lemma est frappée d'alignement et ne doit
pas avoir une très grande valeur, toutes fois la partie à droite du passage devra disparaitre et il
sera sans doute facile à la commune, si elle devient propriétaire de l'immeuble occupé par le
dispensaire de traiter avec le propriétaire voisin pour faire disparaitre de suite cette partie de sa
maison dont le sol dépend de la voie publique et que la ville devra acheter dans tous les cas. Le
passage en question ne pourrai être l'objet d'un litige avec le voisin »456
.
Toutefois dans un second rapport, il pose le problème d’accessibilité de l’aumônier de l’hôpital
au jardin ainsi que l’arrosage de ce dernier457
. Si nous relevons ce type de détails c’est dans le
but de révéler l’importance de l’avis des militaires lors de la structuration de la ville et ceci après
instauration de la municipalité. Cette dernière était assujettie à l’avis du Génie dans ses actions
les plus locales.
En dehors de ces deux rapports et du plan d’ensemble du dispensaire, nous n’avons pas trouvé de
trace de ce dispensaire dans les différents articles constituant les archives du génie sur la place de
Bône.
Fig.116 : Plan de situation du dispensaire.
Source : archives SHD Vincennes Paris458
456 Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Dossier 1 H 857, Article 6/1, N° 171 en date du 26
octobre 1882. 457 Ce second rapport n’est pas classé dans la nomenclature générale des documents du génie mais a été retrouvée en
annexe au document précédent. 458
Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Dossier 1 H 857, Article 6/1, N° 171 en date du 26
octobre 1882.
Quatrième Partie Chapitre premier
333
4. Les infirmeries.
Le sept août 1868, la commission du casernement459
, comprenant le commandant de la place,
le sous-intendant militaire ainsi que le capitaine du génie remplaçant le commandant du
génie absent460
, s'est réunie sur la demande du général commandant la subdivision, à l'effet
d'examiner quel serait, dans les bâtiments militaires de la ville de Bône, le local le plus
convenable pour l'installation d'une infirmerie et d'une salle de convalescents.
Le génie ayant déjà fait une proposition dans ce sens attend l’approbation du budget
nécessaire à cette installation et qui s'élève à 3000 FR. Le local (sans croquis ni plan) se
trouvant dans le casernement intérieur à la ville est désigné comme étant proche des latrines.
Cette infirmerie et la salle des convalescents devaient donnaient sur un cheminement
permettant la déambulation des malades (le déambulatoire est déjà proposé dans l'hôpital et
le lazaret).
Ce réaménagement exige cependant le transfert des latrines ailleurs dont la proximité est
jugée nocive aux malades et convalescents. Le choix du Génie pour ce casernement est
probablement du au fait que ce dernier se trouve à l’intérieur de l’enceinte et est donc proche
de l’hôpital militaire, ce qui faciliterait le visites des médecins ; par ailleurs la sécurité des
malades se trouverait ainsi assurée.
La commission, vu les transformations exigées, demande de revoir la possibilité immédiate
d'installation de l'infirmerie et de la salle des convalescents afin de soulager l'hôpital sans
frais : le souci d’économie est toujours de rigueur dans les décisions militaires. La question
de temps est aussi prise en considération puisque la décision revient au Ministre de la guerre
à Paris et donc retarde souvent l’exécution des projets. Lorsque un aménagement ne nécessite
pas de frais, l’action est immédiatement réalisable et donc efficace.
La caserne des Santons (après visite de la commission en présence du médecin chef de
l'hôpital) fut choisie pour sa salubrité (isolement par rapport aux habitations), ainsi que pour
la disponibilité d'espaces (libérés par une troupe en campement sur l'Edough) ne nécessitant
pas de transformation. La caserne, comprenant un poste de garde, règle la question de
sécurité des malades. La caserne des Santons se présentait donc comme la mieux à même
459
Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Dossier 1 H 852, Article 3, N° 124 P.V. de la
commission de chargée de l’installation de l’infirmerie et de la salle de convalescents, en date du 7 août 1868. 460
Le Procès verbal est cosigné par le chef du bataillon commandant du Génie.
Quatrième Partie Chapitre premier
334
d'accueillir l'infirmerie de la garnison. C'est la partie droite de la caserne qui devait être ainsi
appropriée et pouvait comprendre :
au rez de chaussée, une cantine qui servirait de salle de visite, de tisanerie, et des
chambres pour les hommes attachés à l'infirmerie ;
au rez de chaussée toujours, une petite pièce contigüe à la première pouvant servir de
salle de bains ;
au premier étage au dessus de la cantine, une grande pièce de 20 lits destinés à
coucher les blessés et les vénériens ;
une petite pièce contigüe réservée au logement du caporal ou du sergent chargé de
l'infirmerie ;
de l'autre côté de l'escalier une petite pièce pouvant recevoir deux galeux ;
contigüe à la précédente, une grande chambre de 20 lits pour les convalescents.
Après jugement de la commission, tous ces locaux peuvent être rendus indépendants du reste du
casernement, au moyen d'une simple porte ; la cuisine et la latrine461
seraient communs à la
troupe et aux malades. Le contact qui pourra en résulter présente moins d'inconvénients sur ce
point que dans toute autre caserne par suite de l'absence de cantine dans le casernement.
Cette infirmerie, ainsi que la salle pour convalescents, seraient communes à tous les
détachements de la garnison.
En raison des avantages, cette installation doit pourvoir au service :
en n'éloignant pas des hommes de leurs détachements qui ne sont que légèrement
indisposés ou blessés ;
en évitant l'encombrement à l'hôpital résultant de l'envoi que les militaires sont obligés
d'y faire ;
en prodiguant des soins aux militaires qui pourraient être traités au corps ;
en diminuant les frais de traitement pour tous ces motifs.
Une lettre émanant du Ministre secrétaire d’État à la Guerre et pour le Ministre, jointe au procès
verbal, approuve la proposition de la commission462
. Dans les mémoires postérieurs à cette date,
461 Le vocable « Latrine » est utilisé au singulier dans le P.V de la commission de casernement, alors que dans
d’autres documents et dans les dictionnaires il est utilisé au pluriel .cf. Latrines. 462 Constantine. Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Dossier 1 H 852, Article 3, N° 16,
Lettre du Ministre secrétaire d’état à la Guerre et pour le Ministre adressée au général commandant la province en
date du 20 septembre 1868.
Quatrième Partie Chapitre premier
335
et concernant les fortifications de la place de Bône, nous apprenons que cette infirmerie ainsi que
la salle pour convalescents ont bien été réalisées et que la troupe a été affectée à un autre
casernement dès son retour du campement.
Ainsi l’hôpital s’est vu soulagé et une quarantaine de lits ont été libérés. Sachant que la capacité
de l’hôpital n’atteint pas, durant cette période, 600 lits, on comprend l’importance de cette
installation. Par ailleurs, nous avons vu plus haut que l’hôpital n’était pas réservé aux seuls
militaires, les lits ainsi dégagés par cette action ont un impact certain sur la couverture sanitaire
des civils.
L’hôpital militaire de la place de Bône à été cédé à l’administration civile le 16 juillet 1880 par
le Ministre de la guerre suite à une demande émanant de celle-ci463
.
5. Les plantations à Bône : un complément à l’hygiène.
Les premières plantations qu’a connues Bône sont celles introduites dans la cour de la mosquée
Sidi Marouane afin de l’ombrager. C’est toujours l’hôpital militaire qui engendra celles
extérieures aux édifices.
Comme nous l’avons vu précédemment, la volonté de dédensifier la médina aux abords
immédiats de l’hôpital afin d’y apporter air et soleil, s’est matérialisée par la création d’un jardin
face à ce dernier, en 1845.
Fig. 117 : Plan de situation du jardin de la médina.
Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris464
463
. Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Article 6/1, Dossier 1 H 857, N° 167, Lettre du
Ministre de la Guerre au général commandant chef du génie à Alger en date du 16 juillet 1880.
Quatrième Partie Chapitre premier
336
Le Génie n’hésitera pas à démolir une maison pour l’aménager ; ce jardin sera mitoyen au
dispensaire et au logement de l’aumônier de l’hôpital militaire. Lors de l’alignement des rues
Armandy et Jemmapes, il prendra une situation d’angle et deviendra de ce fait une petite place
verte sur les hauteurs de la médina.
La Place d’Armes reçut également ses rangées d’arbres. Mais la majorité des plantations ne
seront pas plantés dans la médina, mais dans la nouvelle ville européenne. Les idées hygiénistes
s’appliquent en premier lieu aux espaces réservés aux européens. Le Cour Napoléon, l’avenue
Randon connurent les plus belles plantations. L’avenue Randon prit le nom Des Allées, qui
demeure jusqu’à présent.
Toutes les places nouvellement créées, ainsi que les grands axes de la ville, reçurent leur
couverture végétale. A l’exemple de Paris les boulevards et avenues constituèrent des
promenades pour les européens.
Lorsque la ville éclatera au-delà de son nouveau mur d’enceinte, des squares seront projetés dans
la ville. Le premier square réalisé (1822) est le square Randon à l’ouest de la nouvelle ville ;
situé en lisière de la ville sur l’ancien marché à bestiaux, il constitue la jonction entre deux
équipements militaires et à coté de la nouvelle Porte Ouest de la ville.
Fig.118 : Plan de situation du square Randon.
Source : Archives SHD, Vincennes, Paris465
464
Archives du Service Historique De La Défense De Vincennes, Dossier 1 H 857, Article 6/1, N° 44 du 05 mars
1852.
465 Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 862, Article 6/2, Plan Terrier de 1922.
Quatrième Partie Chapitre premier
337
Les casernements reçurent aussi des arbres plantés dans les cours ou dans les zones de servitudes
intérieures. Le Génie proposa aussi la plantation des zones de servitudes intérieures au mur
d’enceinte ; ces plantations devinrent une seconde ceinture de protection. La vision futuriste du
Génie nous indique dans le plan suivant, que le projet du nouvel hôpital civil sera implanté dans
un terrain boisé, orienté vers la mer et bénéficiant donc des bons ‘airs’ et ensoleillement tant
recherchés dans une ville à la population sujette au paludisme.
Fig.119 : Croquis des plantations à Bône.
Source : Archives SHD, Vincennes, Paris466
466 Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 862, Article 6/2, Plan Terrier de 1922
Quatrième Partie Chapitre premier
338
Les plantations de ces arbres ont été préconisées pour absorber l’eau du sol, source de maladies ;
le choix des essences abonde dans ce sens. Ainsi le Cour Napoléon se vit planté de Ficus, les
hauteurs de la ville reçurent les chênes et les pins maritimes. Beaucoup d’essences tropicales
furent introduites afin de contrer l’humidité du climat.
Assainir l’air aux abords des cours d’eau et des eaux stagnantes a été une solution à la
prolifération des infections dues à ces dernières et qui étaient étant fort redoutées. De même,
l’implantation des arbres au niveau des berges était sensée assainir l’air ambiant. Nous avons vu
plus haut que l’expérience romaine était un exemple pour les militaires. Rome a été assainie par
les plantations (assèchement des marais qui l’encerclaient), introduites comme solution aux
fièvres des marais. Les plantations suggérées par les hygiénistes trouvèrent leur application dans
les projets des nouvelles villes et donnèrent un cachet européen à des villes algériennes.
La première enceinte fut minérale, la seconde fut végétale. Bône précoloniale était minérale,
alors que Bône postcoloniale est largement végétale.
6. Impacts des réalisations sanitaires sur le tissu existant.
Comme nous venons de le voir plus haut, la construction des équipements sanitaires intra-muros
à la médina de Bône ne sont pas sans incidence sur l’espace environnant qu’il soit extérieur ou
intérieur. Les transformations apportées sur le bâti existant de manière partielle ou la destruction
pour libérer des terrains d’assiette aux projets sont autant d’actions physiques qui défigurèrent
profondément la médina
6.1. Impacts sur le plan architectural.
Si la mosquée servit de base à l’hôpital militaire de Bône, ce ne fut pas sans incidences sur sa
forme initiale et sur son originalité. Les différentes transformations et améliorations successives
ont transformé radicalement la morphologie de cette mosquée : l’introduction de deux étages et
de toitures en tuiles ainsi que la destruction des deux coupoles comprises au niveau du masdjid,
le dédoublement des coursives et la reprise (en toiture) en partie des terrasses ont détruit le
volume originel.
Quatrième Partie Chapitre premier
339
Fig. 120 et 121 : Plans d’ensemble de la mosquée en 1833 et 1845.
A467
: Plan de masse de la mosquée en 1833 comportant
encore les deux coupoles.
B468
: Plan de masse de la mosquée en 1845, les
coupoles ont disparu. La taille de la cour a diminué par
agrandissement des coursives.
Source : Les archives du SHD, Vincennes, Paris.
Si la cour a été maintenue, l’introduction d’arbres dégénère la spécificité de celle-ci. Aussi la
conservation de la cour qui a été un facteur d’adaptation architecturale ne répond plus aux
recommandations et préconisations préalables. Les salles introduites en rez de chaussée, par
agrandissement des trois coursives qui entourent la cour, ont rétréci celle-ci.
La comparaison des plans précédents montrent le changement volumétrique de la mosquée. Les
toitures inclinées introduites nous permettent de dire que la terrasse tant conseillée ne couvre, en
réalité qu’une infime partie de l’hôpital ; les coupoles ont disparu au profit de la construction
d’un étage. Le discours de préservation du caractère architectural est rarement retrouvé dans les
projets,
La perte du caractère architectural de la mosquée n’est pas seulement du au changement
morphologique mais aussi aux percements effectués en façade, qui finissent par dénaturer le
467 Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Dossier 1 H 847, Article 1, N° 4, Plan de la Place de
Bône, en date du 26 janvier 1833. 468
Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Dossier 1 H 847, Article 1, N° 9, Plan de la Place de
Bône, en date du 20 avril 1845.
Quatrième Partie Chapitre premier
340
volume. La mosquée n’échappe pas aux transformations globales qui vont toucher les maisons se
trouvant en alignement, la régularité des façades ne tient pas compte de la pente.
Fig. 122 : Carte postale ancienne représentant une vue sur la médina de Annaba avec la mosquée
de Sidi Marouane en haut à droite et la casbah en haut à gauche.
Source : Site internet469
La conservation de bâtiments anciens exige un entretien très rigoureux des lieux, nous ne
pouvons pas espérer retrouver la mosquée telle qu’elle aurait pu être sans sa transformation. En
effet l’installation de fourneaux à l’intérieur des salles, de buanderie pour le lavage et le séchage
de grandes quantités de linges correspondant à un usage normal dans un hôpital, n’est pas sans
impacts directs sur la construction ; nous connaissons les effets de l’humidité sur les produits en
plâtre ou en bois. Or ces matériaux sont largement utilisés dans les constructions traditionnelles,
aussi leur état a été surement altéré par l’usage de combustibles et par les dégagements
d’humidité.
Bien avant les plans d’alignement, les premières maisons ont été transformées et réaménagées
selon les besoins à pourvoir. Les transformations ainsi introduites, sont différentes. Une maison
sensée contenir du matériel sera transformée de toute autre manière que celle devant abriter des
officiers malades ou des prisonniers. Les transformations ont été importantes puisque l’on voit
qu’une maison a été réaménagée afin de contenir jusqu’à 65 lits.
469
www.annabacity.net/galerie.
Quatrième Partie Chapitre premier
341
Les cours ont été agrandies afin de recevoir des attelages, les terrasses ont été transformées pour
recevoir et abriter du matériel ; les transformations ont aussi touché le sous sol pour y aménager
des magasins.
Toutes ces transformations furent possibles grâce à l’introduction de nouveaux procédés
constructifs (poutres en aciers, planchers en briques pleines) et de nouveaux matériaux
notamment l’acier et la pierre apparente. Même si l’arc a été maintenu parfois, la morphologie
globale obtenue aux moyens précités est assez loin de l’originale.
Les lieux d’aisance qui étaient uniques en rez de chaussée se retrouvent au niveau des étages
dans les maisons transformées. Nous leur reconnaissons leur caractère hygiénique, mais nous
déplorons leur manque de discrétion et la visibilité des canalisations en façades ou sur cour.
Tout autant que la mosquée, le Fort Génois n’a pas échappé aux transformations puisqu’il se voit
élevé en hauteur et sa forme régularisée.
L’adaptation et la conservation des caractères architectoniques que prône le Génie, sont loin
d’une préservation des spécificités qui font la richesse et la beauté de l’architecture de la médina.
Le souci de régularité, de fonctionnalité et de rationalité du Génie vont à l’encontre d’une forme
organique adaptée et adoptée pour des besoins spécifiques d’une société vivant dans un milieu
qu’elle connait depuis des siècles. Ainsi les façades obtenues sont loin d’une intégration au bâti
existant et d’une prise en considération de l’architecture de la médina.
Toutefois le Génie militaire français sait reconnaitre les atouts et les bienfaits d’un élément.
Nous l’avons vu reconduire la cour (même transformée), les coursives, les terrasses et les
réserves de pluie creusées dans les cours.
6.2.Impacts sur le plan l’urbain.
La réquisition de la mosquée et son réaménagement en hôpital d’abord, puis son agrandissement
ensuite sont les principales actions du génie militaire français sur la morphologie globale de la
médina. En effet une surélévation de la mosquée sur deux étages n’est pas sans conséquences sur
le profil urbain (puisque la mosquée est située sur la partie haute de la ville) et sur la façade
urbaine. Cette surélévation est d’autant plus accentuée par la topographie du site, puisque la
mosquée est située sur les hauteurs de la ville.
Le choix des maisons réquisitionnées dépend de leur état, de leurs dimensions (en adéquation
avec les besoins des militaires) et de leur emplacement dans la ville et par rapport à l’enceinte.
Quatrième Partie Chapitre premier
342
L’accessibilité à ces maisons, selon la fonction qui s’y déroule, va engendrer des transformations
soit au niveau de la maison elle-même soit au niveau des routes qui y mènent.
Ainsi Les projets d’ouverture d’une rue vont dépendre des équipements à desservir : plus
l’équipement est important plus la route est large, régulière et carrossable. Nous avons vu plus
haut comment le projet de l’hôpital (en dépendance avec sa capacité) générait des
transformations au niveau des projets de rue : rue de la Comédie puis rue d’Armandy.
L’évolution d’un projet faisait évoluer les projets des rues, le génie a pris en considération les
volontés de la municipalité quand il s’agissait des projets d’alignement.
Toutefois le tracé de ces alignements tiendra compte des conditions sécuritaires et de santé. Le
principal facteur dans le tracé des rues étant la communication entre différents points de la ville,
c’est donc ce facteur qui sera déterminant dans le projet d’alignement.
En nous référant au dernier plan général de la ville de Bône présenté dans le précédent chapitre,
nous remarquons le tracé de la rue Louis Philippe qui joint directement la porte de Constantine à
l’hôpital Militaire. Ce dernier communique avec l’ensemble des bâtiments militaires se trouvant
intramuros soit par le biais de rues carrossables soit par le chemin de ronde de l’enceinte qui a
été élargi et restauré dès les premières années d’occupation.
Joindre les équipements entre eux de manière sécurisée, économique ,telle est la logique urbaine
du Génie militaire.
Le jardin qui peut être considéré comme une annexe (zone de servitude de l’hôpital) est aménagé
dans une cité où le végétal n’est connu qu’à l’intérieur des maisons. Les grands jardins sont
toujours extérieurs aux enceintes des médinas ; il vient donc aérer un espace voulu et conçu de
manière dense. Les bathat des médinas sont fonctionnelles alors que le jardin se présente comme
un creux vert, dans un ensemble monolithe, minéral et compact. Il matérialise sur l’espace la
décision d’hygiène du Génie militaire, par l’aération et l’ensoleillement.
La morale peut elle aussi avoir des répercutions sur l’urbain. La volonté de discrétion d’usage du
dispensaire par les filles publiques rejoint la présence de chapelle dans un équipement. Il est
aussi vrai que le dispensaire est attenant au logement de l’aumônier et que l’accès au dispensaire
par ces filles doit être pris en charge lors du tracé de l’alignement. Ce dernier, bien que projet de
la municipalité, est suivi de prés par le Génie militaire.
Quatrième Partie Chapitre premier
343
Conclusion.
Dans ses projets, le Génie militaire adopte toutes les solutions qui répondent aux critères de base
de son enseignement à savoir : adaptation au site, utilisation optimale des potentialités existantes
dans le site, économie par une rationalisation spatiale et une fonctionnalité multiple.
Lors de la conception, le côté esthétique est délaissé au profit du fonctionnement et à l’économie.
Dans les mémoires, bien qu’il s’agisse d’architecture, aucune remarque n’a été relevée par
rapport à la composition ou au volume. Les dimensions sont considérées dans un point de vue
strictement économico-fonctionnel. Le rallongement de bâtiments est traité par rapport aux
avantages spatiaux et économiques qu’il apporte.
En étudiant l’évolution des projets successifs de l’hôpital militaire et des annexes sanitaires, nous
avons noté leur impact sur la trame urbaine existante, en générant une nouvelle qui découle de la
morphologie et des usages de ces équipements sanitaires.
A travers les équipements de la ville de Annaba durant le XIXème siècle, nous avons pu déceler
la logique globale d’un aménagement urbain. Les améliorations introduites au fur et à mesure
des capacités temporelles (urgence ou non) et matérielles (budgétaires et matériaux de
construction) suivent une idée maîtresse unique et ce malgré les changements des concepteurs.
Nous reconnaissons là « l’École du Génie ». Les projets ne sont pas indépendants mais réfléchis
dans une perspective générale englobant l’hygiène, la sécurité, l’économie de terrains et de
matériaux et un fonctionnement rigoureux.
Ce sont ces mêmes règles qui introduisirent l’usage des plantations comme moyen
d’assainissement de l’air considéré comme vicié de la ville de Bône et de ces environs. Certes les
plantations au niveau de la ville ancienne furent rares par manque de terrains, les squares et
allées ombragées ont donné à la ville un plus à son cachet européen. Le choix des essences
répondait au but imparti et au climat humide de la région.
Quatrième Partie Chapitre Deuxième
344
CHAPITRE DEUXIEME
LES RÉALISATIONS SANITAIRES DU GÉNIE MILITAIRE À CONSTANTINE.
DES HÔPITAUX D’ENVERGURE.
Introduction.
Dès la prise de Constantine, les premiers blessés et malades ont été placés dans des maisons
réquisitionnées à cet effet et dans la caserne du Khalifat. Mais cette solution ne pouvait être
considérée comme définitive étant donné que la conquête du pays n’était pas complète et que les
français savaient par expérience que leurs besoins en lits d’hospitalisation étaient supérieurs à
ceux connus dans les campagnes en Europe. Défendre la place n’est pas aussi l’unique
préoccupation des militaires puisque, dés 1838, ces derniers pensent à la construction en
maçonnerie de l’hôpital au. Compris dans le quartier de la casbah, l’hôpital militaire de
Constantine de conception et de réalisation française est considéré comme l’un des premiers
bâtiments français sur le sol constantinois.
Le climat sec et chaud de la ville, l’évacuation des eaux usées dans le Rhummel en contrebas,
ont protégé la population européenne civile ou militaire des endémies locales. À l’inverse de
Bône, Constantine verra, dès la prise, une séparation dans l’installation des malades. Les
militaires, ainsi que nous le verrons, réquisitionnèrent deux maisons afin d’y loger les malades
civils. Cette ségrégation demeurera jusqu’à la construction d’un hôpital moderne civil. Ce qui
confère au quartier de la casbah un caractère exclusivement militaire.
Cependant, les méthodes de conceptions étant celles du Génie où qu’il soit, nous verrons
comment l’air, le soleil et les plantations font parties des principes de cette conception.
1. L’hôpital militaire.
Le processus de création de l’hôpital militaire de Constantine est complètement différent de celui
de Bône. La construction de l’hôpital militaire de Constantine s’est effectuée dans des conditions
autres que celles de Bône. Ces différences se situent d’abord dans le choix du site ou du bâtiment
affecté à l’hôpital (la casbah), et dans le fait qu’il est une création nouvelle. L’impact
architectural et urbain de cet hôpital ne peut être dissocié de celui de l’ensemble du quartier
militaire de la casbah auquel il est intégré. Cependant l’hôpital ajoute à l’importance du quartier
de par sa fonction et l’urgence de sa construction.
La construction de l’hôpital militaire de Constantine fait partie du projet d’aménagement général
du quartier de la casbah de 1838.
Quatrième Partie Chapitre Deuxième
345
1.1. Le projet d’hôpital de 1838.
Dés 1838, le site de l’hôpital militaire est choisi, il est intégré à la citadelle. La hauteur du site,
son exposition et sa sécurité ont été les facteurs déterminants de ce choix.
Fig.123 : Partie du plan d’ensemble de la casbah de 1838 comprenant le projet de l’hôpital
militaire.
Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris.470
K, K’, K’’ et H : hôpital pour 400 malades ; a : hôpital et manutention (maison Amin Khodja) ; X : logement du
concierge et bureau des entrées ; c et d : maisons occupés par les malades (la note spécifie qu’elles seront rendues
dans deux ans).
Dans ce plan, les parties en rose sont de création ancienne, alors que les autres édifices
représentent le projet d’aménagement de la casbah. Ce qui nous permet d’avancer que le projet
de l’hôpital militaire fait partie des premiers objectifs des militaires. L’appropriation de maisons
470
Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Note explicative du projet d’organisation de la
casbah, Article 1, Dossier 1 H 805, N° 5 en date du 1er octobre 1838.
Quatrième Partie Chapitre Deuxième
346
particulières telles que les maisons de Salah bey (en K’ et K’’) et d’Amine Khodja (en a, c et d),
n’est qu’une solution temporaire, elles ne pouvaient contenir le nombre de malades prévu.
1.2. Le projet de 1840.
Le mémoire militaire de 1840471
contient la première note explicative et détaillée du projet de
construction de l’hôpital militaire de Constantine. Il donne une description assez complète du
projet proposé et revu par le chef du Génie militaire et a été avalisé dans son ensemble par le
directeur des fortifications.
Fig.124 : Plan de la Casbah daté de 1840.
Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris472
Cette note ayant été rédigée par la direction des fortifications comporte une autocritique de la
part du Génie militaire quant à l'emplacement des bâtiments annexes473
considérés trop proches
de la poudrerie et qu'il est important d’isoler. C’est dans cette perspective que le Génie
propose les opérations suivantes.
1.2.1. Le système constructif.
Cette note comprend le descriptif nous permettant de reconstituer le système constructif ; ce
descriptif est donné à des fins de justification économique avec les principes de :
471 Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Note relative à un projet d’hôpital pour la place de
Constantine, Article 2, Dossier 1 H 807, N° 5 en date du 4 décembre 1839. 472 Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Plan de la Place de Constantine : Assiette pour
logements, Article 3, Dossier N° 807, N° 8, en date du 21 septembre 1840. 473 Annexes : terme qui remplace celui de « accessoires » utilisé par les militaires
Quatrième Partie Chapitre Deuxième
347
pratiquer dans les pieds droits prolongés des portes absolument semblables à celles du rez
de chaussée et de l'étage, afin de conserver la facilité de relever plus tard le bâtiment d'un
étage, si le besoin s'en faisait senti ;
donner à ces pieds droits la forme de pignon pour supporter des pannes de 0,30 sur
0,20m. Ces pieds seraient espacés de mètre en mètre de milieu en milieu ;
prévoir un plancher qui supporterait le toit serait cloué de faite en goute sur les pannes
sous chevron ;
ne pas construire de corniche en pierre de taille. Le bâtiment serait couronné d'une simple
génoise de deux ou trois rangs de tuiles creuses ;
prévoir la naissance des petites voûtes en plein cintre à 1,20 m du sol pour que l'épaisseur
soit tout entière en dessous de la naissance des voûtes principales qui seront à 3,00 m du
sol.
construire les grandes voûtes en arc de cercle avec 1,00m de flèche de sorte que la
hauteur sous chef soit de 4,00m. Ils donneraient aux voûtes une seule brique d'épaisseur
ce qui avec le carrelage porterait l'épaisseur totale à la clé à environ 0,40 mètre.
élever le carrelage du rez de chaussée de 0,50 m au dessus des cours, on y monterait par
trois marches ;
asseoir le sous bassement de l'édifice sur une ou au plus deux assises en pierres de tailles
selon l'épaisseur et la quantité de matériaux dont ils pourraient disposer ;
construire les angles et les encadrements de croisées en pierre de taille (dans le cas où
elles seraient disponibles), mais en pierres sans saillie dépassant le moellon de 0,1m pour
araser parfaitement avec le crépissage. Cette façon, leur permettait de suivre un appareil
régulier dans lequel ils pourraient employer des pierres de toutes longueurs et de toutes
épaisseurs ;
construire les fenêtres en briques ; ainsi ils ne se verraient pas obligés d'en relever le seuil
(appui) qui sera tenu à 1,20m seulement au dessus du sol. Des bâtées seront ménagées
extérieurement dans les encadrements des fenêtres pour pouvoir, outre les châssis à
vitres, les garnir de persiennes jugées nécessaires ;
prévoir l’intervalle entre les fenêtres (trumeau) du rez de chaussée et de l'étage, qui serait
divisé par un cordon en pierre de taille ou à défaut en briques. Ce cordon qui régnerait sur
tous le pourtour de l'édifice réglerait la hauteur des petits bâtiments des servitudes et des
murs de clôture. L’unique fenêtre de chaque extrémité des travées, donnant dans l'allée
serait comprise entre deux rangs de lits.
Quatrième Partie Chapitre Deuxième
348
Selon le projet dessiné, il est supposé que le Génie disposerait de pierres de taille pour construire
un escalier d'appareil, comme le directeur en a fait construire plusieurs. Si la pierre venait à
manquer, ils y suppléeraient soit en construisant des voûtes rampantes en briques sous les
marches, soit en construisant des murs d'échiffre pour porter les abouts, mais qui ne règneraient
pas devant les paliers ; dans tous les cas la disposition de l'escalier en deux rampes474
serait
conservée. Il est inutile de renforcer les pieds droits des voûtes des paliers arcboutants dans la
cage d'escaliers, car la grande voûte et la masse des rampes feraient contrefort dans l'espace de
quatre mètres où les voûtes serraient interrompues. Le Génie par son choix du système de
construction et des matériaux selon leur disponibilité, démontre, à travers ce projet, son sens
pratique et son adaptation aux conditions du site. S’il remplace la pierre par la brique, c’est parce
qu’il connait sa disponibilité proche au niveau des fours de Mila.
1.2.2. Disposition générale des espaces.
Le descriptif du projet de l’hôpital, nous permet de reconstituer l’aménagement spatial de ce
dernier. Le Génie propose de réserver le rez de chaussée aux annexes de l’hôpital et les étages à
l’hébergement. Par ailleurs, le Génie donne une place prépondérante à la circulation et à la
distribution des espaces par rapport à celle-ci. Il sépare, notamment la circulation des médecins
de celle des infirmiers. Ainsi l’escalier central est destiné aux premiers alors que les deux
latéraux sont réservés aux infirmiers et malades. De manière identique, il sépare les cours
conservant celle du centre pour les médecins et le staff administratif.
Les espaces annexes et l’administration sont regroupés dans le centre du bâtiment.
À des fins d’hygiène les latrines sont rejetées à l’extérieur et en position postérieure au corps de
bâtiment. Elles sont implantées en demi-niveau afin de faciliter l’usage et l’accessibilité à partir
des deux niveaux (inférieur et supérieur). Une galerie communiquant avec les latrines pourrait
être fermée et ouverte à volonté suivant les saisons permettant l’aération de celles-ci. Dans la
même logique, il rejette les bains et les logements des infirmiers aux extrémités du bâtiment.
L'espace, compris entre la façade du derrière du bâtiment et l'escarpement, servirait à placer la
buanderie et la salle des morts et de dissection qu'il importe d'éloigner des malades.
Dans le projet, le Génie, prévoit la construction de petits bâtiments au niveau de la cour, en
façade, qui abriteraient les fonctions se rapportant à l’entrée des malades : le portail, le corps de
474 Dans le corpus actuel, nous utilisons le terme de volée pour désigner les rampes.
Quatrième Partie Chapitre Deuxième
349
garde, le vestiaire, le magasin aux sacs (effets des malades) , le bureau d'entrée et le logement de
l'agent comptable.
Tenant compte de la sécurité, l’hôpital se voit entouré d’un mur d’enceinte intérieur, avec un
chemin de rondes nécessaire pour la surveillance entre ce dernier et l'escarpement.
Les dispositions générales de ce projet, répondent non seulement aux exigences fonctionnelles
mais aussi aux contraintes du terrain. L‘intérêt porté à la disposition générale des espaces par le
Génie, nous incite à dire que nous assistons là, aux prémices de la conception fonctionnelle des
hôpitaux. Les entités : accueil, hébergement, soins, annexes, apparaissent clairement dans la
conception générale mais ne sont pas identifiées en tant que telles
Dans le cas où le chef du Génie aurait quelques modifications à proposer, il devra les faire
préalablement approuvé par le directeur.
1.2.3. Le mode d’exécution.
Le projet contient les détails concernant le mode d’exécution. Ces derniers concernent les types
de coffrages et de cintres nécessaires à l’exécution des voûtes, l’organisation du chantier en
matière de matériaux, de coffrage/décoffrage, la chronologie d’exécution des travaux. Le génie
ne connaissant pas la nature exacte des sols de fondation, prévoit les solutions aux diverses
éventualités en cas de bon ou mauvais sol.
En procédant ainsi le Génie emploie toujours les mêmes maçons au même travail qui va mieux et
plus vite. Nous retrouvons là le mode d’organisation de chantier du Génie militaire qui permet
un gain de temps et une économie dans les matériaux de coffrage.
Le caractère économiste du génie réapparait au niveau de chaque détail de construction. C’est
dans la même optique économique qu’il propose de construire le grand bâtiment dans
l’immédiat, les accessoires se feraient plus tard. Il préfère ne pas perdre les déblais en les jetant
en bas de l'escarpement mais bien en profiter pour relever les parties basses de la casbah. Ces
dernières devaient renfermer la manutention dans la casbah sans augmenter le développement
des ouvrages.
Le projet global de l’hôpital était estimé à 491 700 Fr. La note concernant ce projet spécifie
cependant que les travaux ne peuvent être réalisés en une année, mais se termineraient après
1845.
Quatrième Partie Chapitre Deuxième
350
En 1841, vu la recrudescence des épidémies et un état sanitaire préoccupant, une commission est
chargée d’évaluer la situation des locaux de l'hôpital ainsi que les travaux de construction et
d'appropriation qu'il y aurait lieu d’exécuter ; pour augmenter le nombre de places existant sans
nuire aux autres exigences du service. Cette commission a été réunie en exécution de la
dépêche475
de Mr le Ministre de la Guerre.
Le P.V de réunion476
,477
de cette commission comprend les observations faites lors de la visite
par les membres, des divers établissements affectés au service de l’hôpital. Ces observations se
résument en ce qui suit.
1° : que la capacité globale des services de l’hôpital est de 401 places se répartissant
ainsi :
o à Salah bey : la maison arabe, construite en maçonnerie de mauvaise qualité,
contenait 89 places ;
o à Amine khodja : la maison arabe, d'une construction semblable à la précédente
contenait 119 places ;
o dans les deux pavillons situés dans la cour attenant à Amine Khodja, construits en
brique creuse et contenant 52 places ;
o dans les baraques en planches (couvertes d'un double rang de planches) contenant
60 places ;
o la mosquée de la casbah478
construite en maçonnerie de médiocre qualité,
contenait 81 places.
2° Qu'en conséquence il n'y avait pas lieu d'augmenter la contenance des bâtiments ci
dessus désignés, lesquels ne doivent être considérés que comme hôpital provisoire.
475
Dépêche en date du 08 janvier 1841, ayant trait à la situation des locaux de l'hôpital militaire de Constantine.
Document non retrouvé dans les archives. 476
Réunion ayant eu lieu le 22 février 1841 entre le sous intendant militaire à la Résidence de Constantine Ferus
Joseph François, Les officiers de Santé Eusèbe Deleau et Ambroise Hial, le commandant Chef du Génie Joseph
Simon et l’officier d’administration comptable Joseph Melin. 477
Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, P.V de réunion, document non répertorié dans la
nomenclature générale du Génie mais classé, Article 3, Dossier 1 H 807, N° 9 en date du 26 février 1841. 478
Nous n’avons pu ni situer, ni retrouver d’autres écrits se rapportant à cette mosquée dans les rares descriptifs
concernant la casbah.
Quatrième Partie Chapitre Deuxième
351
Fig.125 : Plan de situation de la caserne du Khalifat.
Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris479
Dans cette évaluation, n'était pas comprise la caserne du Khalifat, momentanément consacrée à
former une amorce de l'hôpital et pouvant contenir 130 malades. Le P.V stipule que cette caserne
serait désormais rendue à sa destination par suite de l'avancement de travaux de l'hôpital définitif
dont une partie pourrait être occupée en 1841.
La commission s’est ensuite transportée à l'hôpital définitif situé dans la casbah sur le bord de
l'escarpement du Rummel, et a reconnu que d'après l'état d'avancement constaté des travaux et
les explications données par le commandant du Génie, cet édifice serait susceptible , au mois de
juillet 1841, époque de la recrudescence des maladies, de contenir au moins 600 places .
Par ailleurs, les membres de la commission ont reconnu qu'à la fin du mois de septembre suivant,
au moment où le nombre des malades atteint son maximum, ils pourraient disposer de plus de
700 places. Ils estimèrent qu’une partie des services des vivres et de casernements pourrait par la
suite occuper une partie des bâtiments provisoirement affectés à l’hôpital.
La commission a reconnu que les dépendances de l'hôpital ne remplissaient qu'imparfaitement
leur objet. Cependant, en considérant l'abandon prochain des bâtiments provisoires, ces
accessoires pouvaient être considérés comme suffisants et qu'enfin il n'y avait pas lieu d'agrandir
ou créer immédiatement : la pharmacie, la salle de bains, la cuisine, la dépense (l'économat), le
magasin du mobilier, le magasin aux sacs, le magasin du chauffage, les bureaux de
479
Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Article 3, Dossier N° 807, N° 8, Plan de la Place
de Constantine : Assiette pour logements, en date du 21 septembre 1840.
Quatrième Partie Chapitre Deuxième
352
l'administration, le logement des officiers de santé, le casernement des infirmiers, la buanderie,
les latrines, les jardins, les promenoirs, les séchoirs.
C’est ainsi que la commission décida que toutes les dépenses à faire en 1841 devraient être
entièrement consacrées aux travaux de l'hôpital définitif. Le commandant du génie a fait
observer que le bâtiment principal, long de 171 m, sur une largeur de 15 m dans œuvre, composé
d'un rez de chaussée et de deux étages, devrait comprendre en tout 960 lits, sans compter 18
chambres réservées pour les accessoires, et des compartiments 480
pouvant contenir 16 lits
chacun.
Par ailleurs La commission a estimé que les travaux en rez de chassée sont pratiquement
terminés alors que le premier étage serait complètement fini au mois de juillet 1841, alors que la
fin des travaux du deuxième était pour le mois de novembre suivant. Les étages étant voûtés,
l’hébergement des malades ne devait donc pas attendre la fin de la réalisation de la toiture.
En outre la commission nota le fait que les bâtiments destinés aux dépendances définitives de cet
hôpital n'étaient point commencés et pourraient à peine l'être en 1841. Le Génie militaire devait
revoir la disposition d'appuyer, sur le pourtour des murs de clôture (développé sur 240 m) des
bâtiments à rez de chaussée. Cette disposition fournissait des emplacements bien au delà des
dépendances règlementaires et permettrait en outre de loger bon nombre d'officiers de santé et
d'administration.
Cependant, en attendant l'exécution de ces bâtiments accessoires ; les dépendances
indispensables seraient placées, en partie dans le corps de bâtiment principal, et d’autres dans des
maisons arabes voisines de l'hôpital.
Enfin le chef du Génie a déclaré qu'une somme de 298 000 Fr serait nécessaire pour terminer le
grand bâtiment destiné aux malades et que pour exécuter ceux destinés aux accessoires, il
faudrait ajouter à la somme ci-dessus environ 164 000Fr. Au total 462 000 FR.
Une circulaire en 1842481
vient à son tour demander un rapport sur les hôpitaux.
Ce rapport482
nous permet de connaitre la capacité de l’hôpital et l’évolution de la construction
des accessoires. Il stipule que le corps du bâtiment principal destiné exclusivement aux malades
480 Le nombre des compartiments n’est pas spécifié dans ce P.V. 481
Circulaire du 22 avril 1842 et portant le numéro 364, cette circulaire n’existe pas dans les archives mais le
rapport y fait référence.
Quatrième Partie Chapitre Deuxième
353
a commencé vers le mois de janvier 1840, et a été terminé au 31 décembre 1841. Au mois de
juillet 1841, le bâtiment a pu accueillir de 500 à 600 malades. Et mai 1842, les militaires
pouvaient y placer règlementairement 960. Cette capacité ne tient pas compte des trente petites
chambres placées dans les volées et sous les paliers ; lesquelles étaient réservées pour le service
journalier et pourraient être fort utilisées pour placer au besoin quelques malades qu'il convenait
d'isoler.
En ce qui concerne les accessoires, le travail définitif n’avait point commencé et la majeure
partie des accessoires était encore placée dans l'hôpital provisoire d'Amine-Khodja (maisons
réquisitionnées). Cependant pour faciliter le service, le génie a établi, en 1841, la cuisine dans
une maison arabe attenant au bâtiment neuf de l'Hôpital.
Ce rapport mentionne également les travaux à mener pour terminer l’hôpital à savoir : construire
tous les accessoires de l'hôpital jugés trop éloignés et donc gênant le service et les murs de
clôture, les accessoires étaient encore établis provisoirement dans les bâtiments de l'Amine
Khodja.
Cependant le Génie ne propose pas de commencer les nouvelles constructions en 1844 et ne
demande que les fonds nécessaires pour quelques démolitions, parce que le service le plus en
souffrance était encore celui du casernement, et qu'il importe d’activer le plus possible les
travaux. Il justifie sa proposition par le fait que la construction de la caserne est des plus
urgentes.
Les projets présentés dans ce rapport pour 1843 par le Directeur des fortifications et le chef du
Génie sont adoptés par le comité, bien qu’ils ne satisfassent pas dans toute leur globalité aux
conditions demandées par les inspecteurs médicaux et par la commission spéciale instituée à
Alger483
. Ainsi l’obligation de régler la contenance des chambres de manière à avoir 25,00m3
d'air par malade ne permettait d’aménager que 13 lits au niveau de l'étage.
Le projet du Directeur des fortifications ne fait que compléter celui des services du Génie
militaire mais c’est pour ce dernier qu’a été dressé un devis estimatif.
482 Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Article 3, Dossier N° 807, N° 15, rapport sur les
hôpitaux d’Algérie, non répertorié dans la nomenclature générale du Génie militaire, mais classé, en date du 9 mai
1842.
Rapport signé par le chef de bataillon commandant du génie Simon le 03 mai 1842. 483
Conditions établies par la commission spéciale instituée à Alger pour poser les bases de l'organisation des
hôpitaux, conditions adoptées par le ministre de la guerre, le 28 septembre 1843.
Quatrième Partie Chapitre Deuxième
354
1.3. Le Projet de 1845.
Le projet de l’hôpital est présenté sous deux variantes. L’une émanant du service du Génie et la
seconde du Directeur des fortifications. Comme pour les projets précédents cette seconde
variante ne présente que des différences légères comparativement au projet du Génie.
Cependant ce projet connaitra trois variantes. Le génie ne se montre pas satisfait de son projet et
y joint la critique suivante.
Il résulte de cette disposition un ensemble peu satisfaisant :
les deux cours extrêmes seraient mal aérées, et par suite, les salles des malades donnant
sur ces cours, ne seraient point saines ;
la hauteur obligée des deux bâtiments transversaux limitant la cour du milieu fait un effet
disgracieux dans l'élévation ;
le service est peu commode en ce sens que la pharmacie est placée tout à fait à une
extrémité du grand bâtiment que les infirmiers ont leur dortoir en partie trop rapprochés
des salles des malades ;
il faut un outre traverser ces dortoirs pour arriver aux chambres affectées aux
hydrophobes484
et aux maniaques.
Cette critique met en exergue les préoccupations majeures du Génie militaire se rapportant à
l’hygiène amenée par le bon air et le bon ensoleillement, aux proportions volumiques et à la
fonctionnalité.
Cet avis est rejoint par celui du Directeur des fortifications ; ces divers inconvénients ont forcé le
directeur à chercher un dispositif différent. Le directeur s'est efforcé dans la combinaison qu'il a
indiquée de conserver les dispositions d'ensemble principales adoptées précédemment par le
comité. Ce dernier propose un croquis d'ensemble et de détail indiquant les changements à faire ;
c’est d'après ce croquis que le chef du génie a rédigé la deuxième variante du projet.
Ainsi les deux bâtiments latéraux extrêmes ont été conservés mais le bâtiment d'entrée a été
séparé en deux, ce qui a permis de supprimer les petits bâtiments perpendiculaires adoptés
précédemment qui avaient été admis en principe. Ces deux bâtiments sont parallèles au mur de
clôture et séparés de celui-ci par une petite cour. Cette disposition d'ensemble a paru satisfaisante
484
Hydrophobe : terme en usage chez les médecins avant le XXème siècle pour désigner les personnes atteintes de
la rage. L’hydrophobie est un symptôme de la rage.
Quatrième Partie Chapitre Deuxième
355
au chef du Génie, à l’intendant, à l'administration et au service de santé et a donc été sans
objection.
Fig.126 : Projet de l’hôpital de Constantine pour 1845.
Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris485
Dans cette seconde variante :
le bâtiment principal est uniquement consacré aux malades et en contiendrait 722 ;
le nombre des bâtiments transversaux est donc réduit à deux, mais n’ont qu'un seul étage
au dessus du rez de chaussée. Ils ont été placés de manière à ce que leurs façades
extérieures soient dans le prolongement du mur de pignon du bâtiment A ;
le bâtiment d'entrée est constitué de deux bâtiments parallèle au mur de clôture et séparé
de celui par une petite cour ;
le bâtiment principal A est uniquement consacré aux malades et on contiendra 722 ;
les deux bâtiments transversaux B et E sont destinés aux logements des infirmiers, des
officiers de santé, d'administration, ils renferment la chapelle.
485
Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Dossier N° 807, Article 2, N° 12, Projet pour 1845,
non répertorié dans la nomenclature générale du Génie militaire, en date du 30 août 1844.
Quatrième Partie Chapitre Deuxième
356
les deux petits bâtiments C et D renferment les accessoires, tels que le bureau des entrées,
le vestiaire, le magasin aux sacs, cuisines, bains, pharmacie et les chambres des officiers
malades. Ce bâtiment n'a qu'un étage au dessus du rez de chaussée ;
des galeries établissent une communication couverte entre tous ces bâtiments et une
galerie placée dans l'axe principal sépare la vaste cour de l'hôpital en trois autres qui
seront plantées d'arbres et auront une fontaine. Le chef du génie prévoit d’y planter des
arbres et d’y construire une fontaine ;
un corridor placé dans l'axe longitudinal donne accès aux diverses pièces. Le premier sont
placés les chambres des officiers malades et des magasins ;
la circulation de l'air ne sera point gênée par cette galerie du milieu qui aura 4,60 m de
hauteur ;
quant au bâtiment coté Ouest, il est le même dans les deux projets, il renferme la salle des
morts et celle d'autopsie, ainsi qu'une chapelle funéraire.
Deux pavillons sont prévus pour le corps de garde et le logement du portier. Leur construction
n’étant pas urgente le chef du Génie la prévoit pour 1846.
Comme il existe une différence de niveau de trois mètres environ entre la cour de l'hôpital et le
sol de la rue, le chef du Génie propose d’installer des caves pour utiliser les maçonneries, et qui
serviraient de magasin aux liquides pour l'administration des subsistances qui en éprouve le
besoin.
1.4. Les projets ultérieurs à 1850.
Une proposition émanant du Commandant de la Place, sur les directives du Chef du Génie
militaire et avalisée par le Directeur des fortifications, est adressée au Maréchal486
. Elle
préconise la construction des murs de clôture et les accessoires ainsi que l'achèvement du
bâtiment principal.
Le mur de clôture devait être construit en 1851 sans pour cela démolir les bâtiments provisoires
qui sont encore utilisés. La disposition des bâtiments devant contenir les annexes a été approuvée
par le directeur des fortifications. Par contre l’assiette proposée par le génie militaire pour le
486
Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, en Dossier 1 H 807, Article 2, N° 7, Note non
répertoriée dans la nomenclature générale du Génie militaire mais classée en date du 28 février 1840.
Quatrième Partie Chapitre Deuxième
357
bâtiment devant contenir le logement des officiers, donna lieu à des observations de la part du
directeur des fortifications.
Dans une apostille de 1851487
, il est aussi question de la partie devant contenir l’administration,
question non encore réglée. Son emplacement (proposé par le Génie) a été adopté. Elle ne
stipule pas si les travaux de l’hôpital ont débuté ou pas.
Un P.V de conférence entre le service des Ponts-et-Chaussées488
et celui du Génie militaire,
datant de juin 1851489
nous informe que l’hôpital militaire ne recevait l’eau que transportée à dos
de mulet. Ce moyen de transport étant jugé coûteux (entre 4 000 et 5 000Fr), le service du Génie
demande l’extraction de l’eau des grandes citernes de la casbah à l’aide d’une pompe qui
reverserait l’eau dans un réservoir. La redistribution se ferait au moyen d’un tuyau de plomb
jusqu’au robinet d’une fontaine située au milieu de la cour de l’hôpital. La situation de cette
fontaine au centre de la masse des bâtiments construits ou à construire permettait la distribution
de l’eau de manière équivalente à l’ensemble des services de l’hôpital.
La position du réservoir est aussi judicieuse car elle est prévue sous les escaliers de la caserne
attenante au bâtiment principal. La capacité de ce réservoir est de 16m3
ce qui correspond à la
consommation moyenne de deux jours, la quantité minimale nécessaire à l’hôpital étant fixée à
10m3. Le reste du volume d’eau des citernes est mis à la disposition du service des Ponts-et-
Chaussées. Le remplissage de ce réservoir nécessite 3 à 4 heures de travail à la pompe. Les
citernes de la casbah auront servi à l’hôpital avant tout autre établissement.
Un deuxième P.V de réunion entre le service d’administration et celui du Génie militaire490
, nous
renseigne sur l’état de l’hôpital et de l’avancement des travaux le concernant. Ce P.V contredit
en partie les précédentes notes quant à la capacité de l’hôpital et les travaux déjà effectués. Il
stipule que la contenance prévue est de 650 malades mais que cette dernière pouvait être portée,
487 Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Dossier N° 808, Article 3, N° 56, P.V de
conférence non répertorié dans la nomenclature générale du Génie mais classé, en date du 23 juillet 1851.
Conférence tenue le 29 juillet 1851, entre le service de l’Administration représenté par le sous-intendant Mallarmé
et le capitaine du Génie militaire Darves, P.V portant avis du Directeur des fortifications et de l’Intendant militaire
Darrieau. 488 Le service des Ponts-et-Chaussées a la charge de la gestion et la distribution de l’eau de la ville. 489
Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Dossier N° 808, Article 3, N° 55, P.V de
conférence non répertorié dans la nomenclature générale du Génie mais classé, en date de mai 1851.
Conférence tenue le 19 juin 1851, entre le service des Ponts-et-Chaussées représenté par Daumier (ingénieur) et le
service du Génie militaire représenté par Le Baron Lieutenant-colonel, au sujet d’une prise d’eau pour l’hôpital
militaire. . 490
Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Dossier N° 808, Article 3, N° 55, P.V de
conférence non répertorié dans la nomenclature générale du Génie mais classé, en date de mai 1851.
Quatrième Partie Chapitre Deuxième
358
en cas d’urgence à 800 en dehors des officiers malades (dont le nombre n’a pas été donné) et des
120 infirmiers.
Ce qui nous permet de dire qu’en matière de prise en charge des malades, les services militaires
de santé en Algérie étaient au-delà des normes, puisque un infirmier avait entre 5 et 7 malades à
charge. Les normes actuelles de l’OMS préconisent un infirmier pour 3000 habitants491
.
Sachant que la garnison de Constantine était de 4770 hommes et considérant l’état de guerre qui
prévalait nous estimons que cette couverture infirmière était trop importante. Nous supposons
que cette sur-couverture était nécessitée par le manque de médecins que ce soit en Algérie ou en
France.
Cette capacité a été fixée pour l’hôpital de Constantine par un avis de la commission supérieure
des hôpitaux de l’Algérie en date du 13 janvier 1848492
. Par ailleurs ce P.V donne des précisions
sur l’existant et les travaux à mener en vue d’améliorer l’hôpital :
l’hôpital prévu pour 1851, serait entouré d’une clôture infranchissable, y compris au
niveau des pentes abruptes situées au bord des escarpements ;
le terre-plein, servant de promenoir le long de la façade serait élargi et planté ; les pentes
irrégulières qui rachètent ce terre-plein avec le chemin de rondes (prévu le long du mur
de clôture) situées sur le bord de l’escarpement seraient elles-aussi plantées. Ces pentes
seraient sillonnées de sentiers en lacet, qui permettraient le parcours et ajouteraient ainsi
une sorte de jardin anglais au promenoir de l’hôpital ;
la buanderie, annexe de l’hôpital est placée à un niveau très inférieur à celui des citernes
afin d’y amener l’eau par gravitation.
L’hôpital se présentait donc sous la forme d’un bâtiment d’une longueur de 170m. Cette
dimension présentait l’inconvénient de rendre l’exécution du service lente, difficile et
incommode :
les aliments arrivaient froids aux malades ;
les bains étaient trop éloignés et quelques fois inaccessibles. Les médecins préféraient y
renoncer même s’ils sont jugés utiles, si l’état du malade ne lui permettait pas un aussi
long parcours ;
491 Ligue Burundaise des Droits de l’Homme Iteka, « La santé », in www.ligue-iteka.africa-web.org . 492
Cet avis a été retrouvé en référence dans le P.V suscité. Le projet comprend la référence de l’Avis de la
commission des hôpitaux de l’Algérie. Cet avis n’a pas été retrouvé dans les archives du Génie.
Quatrième Partie Chapitre Deuxième
359
la pharmacie était, elle aussi trop éloignée.
C’est dans la perspective d’améliorer le service, que le Chef du Génie propose de rapprocher les
principales annexes : cuisines, bains et pharmacie en les plaçant au centre du bâtiment principal.
Alors que le service d’administration propose que le bâtiment des annexes doit être construit face
à l’escalier, dans le promenoir des malades entre le chemin de rondes en supprimant les latrines
du rez de chaussée.
Cette proposition a été réfutée par le Génie militaire en relevant les problèmes qui se poseraient
par :
la suppression des latrines du rez de chaussée et donc de celles des étages ;
l’emplacement désigné considéré comme restreint et de forte pente ce qui rendrait sa
construction coûteuse à cause des fondations profondes nécessaires ;
l’isolement et la difficulté d’accès du bâtiment proposé (bois et autres matériaux à
transporter).
Le Chef du génie préfère garder la solution initialement proposée en la justifiant par :
la position des trois escaliers et donc des distances parcourues par les malades ;
le fait que l’aile gauche était rarement utilisée ;
les surcoûts relatifs à la construction sur l’emplacement proposé par les services
d’Administration.
Le Directeur des fortifications et l’Intendant militaire de la division se rangèrent à l’avis du chef
du Génie. Nous retrouvons là encore une fois, l’esprit de conception du Génie militaire qui tient
compte dans ses projets, non seulement du fonctionnement général d’un établissement (toutes
annexes comprises) mais aussi de la gestion des terrains disponibles à la construction, et de
l’économie.
Dans le projet d’ensemble des établissements militaires de 1853493
, nous relevons encore une
fois des discordances dans les chiffres avancés pour la capacité de l’hôpital. Si le bâtiment
principal a été terminé en 1842, des travaux restent encore à mener, avant que l’hôpital ne soit
fini, à savoir :
construire les deux bâtiments de l'entrée destinés au logement du concierge et au corps
de garde et au bureau des entrées ;
493 Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Dossier N° 808, Article 3, N° 64, Projet
d’ensemble des établissements militaires pour la Place de Constantine, en date du 08 avril 1853.
Quatrième Partie Chapitre Deuxième
360
finir la chapelle ;
finir la salle des morts ;
finir un hangar au bois avec caves ;
finir la buanderie qui doit occuper un emplacement bas près de l'escarpement et recevoir
l'eau des citernes de la caserne G.
Fig.127 : Plan d’ensemble de la Casbah en 1853.
Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris494
, traité par l’auteur
E : hôpital militaire construit, E’ : bâtiment des accessoires de l’hôpital en construction, E’’ : bâtiment des bains et
des logements, b : buanderie rue Pothier
Le budget local et municipal pour 1847, contient un récapitulatif de la contenance de l’hôpital
militaire.
494 Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, budget local et municipal pour 1847, annexé au
dossier des nouveaux projets d’agrandissements de la Place de Constantine, Article 2, Dossier N° 805, N° 2O , en
date de 1846.
Quatrième Partie Chapitre Deuxième
361
Fig.128 : récapitulatif de la contenance de l’hôpital militaire de Constantine en 1847495
.
Personnel soignant Malades
Officiers de
santé
Infirmiers Officiers Soldats
Bâtiment permanent 1 112 24 640
Bâtiment provisoire // 3 // //
Totaux 1 115 24 640
Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris496
Ce tableau nous laisse supposer que des infirmiers (trois) ont été affectés en dehors de l’hôpital
militaire. Ont-ils été affectés dans les casernements extérieurs à la ville ? Cette possibilité est
plausible puisque l’on a vu que pour désengorger l’hôpital de Bône une infirmerie a été installée
dans la caserne des Santons. Le plan d’ensemble des casernements de la ville de Constantine en
1878 comporte une légende détaillée dans laquelle nous avons retrouvé une infirmerie au niveau
du Fort du Mansourah. Seul ce casernement en contient. Ont-ils été affectés dans un
dispensaire comme à Bône ? Dans les documents consultés, nous n’avons pas trouvé l’affection
des ces trois infirmiers.
Dans le mémoire militaire de 1858497
, relatif aux travaux à exécuter au niveau de la casbah, des
observations par le comité ont été émises quant à l'organisation du logement du comptable dans
les pavillons d'entrée. À cet effet, la rédaction d’un croquis d'urgence a été demandée en urgence,
au chef du génie. Il devrait faire connaitre le changement apporté à l'évaluation première de cette
section du projet suite aux nouvelles dispositions. Le directeur devait adresser ce croquis avec
son avis, en y joignant les projets représentant le projet primitif. Le projet d’amélioration et de
complément de l’hôpital militaire est estimé à 124 000 Fr dont 23 000 pour l'exercice de 1857,
47 000Fr pour 1858 et 50 000 Fr pour 1859.
495
Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Plan de la Place de Constantine, Article 1, Dossier
N° 805, N° 09, en date du 20 février 1853. 496
Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Plan de la Place de Constantine, Article 1, Dossier
N° 805, N° 09, en date du 20 février 1853. 497
Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Mémoire non répertorié dans la nomenclature
générale du Génie et non classé. Il est signé par le Général de brigade commandant supérieur du Génie en Algérie et
daté du 13 août 1858. Il a té retrouvé dans le carton Dossier 808 contenant les archives de l’article 3.
Quatrième Partie Chapitre Deuxième
362
Ces travaux concernent notamment l'appropriation498
pour installer les sœurs au pavillon ‘’E’’ et
rétablir la salle de conférence, avec une salle d'attente au rez de chaussée du bâtiment principal
en reculant la chapelle d'une travée. Ces travaux sont prévus pour 1858, pour une somme de
3200 Fr.
Le P.V de réunion499
entre le Génie militaire et l'Intendance au sujet des projets présentés pour
l'hôpital militaire de Constantine montre que l’hôpital militaire n’est pas encore fini en 1860. Le
service du Génie, conformément aux ordres de l'inspecteur, a présenté les projets d’amélioration
de l’hôpital dans l’ordre d’urgence par rapport à la sécurité et la salubrité générale de l’hôpital.
Fig.129 : Projet d’amélioration de l’hôpital pour 1860.
Source ; Archives du SHD, Vincennes, Paris500
498
Appropriation terme en usage pour désigner l’aménagement spatial. 499 Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, P.V de conférence entre le service du Génie
militaire représenté par le lieutenant colonel Lacoste et celui de l’Administration représenté par le sous-intendant
Palisot suivant l'article 43 de l'instruction du 26 février 1855 sur la rédaction des projets des bâtiments militaires,
Article 2, Dossier N° 806, N° 33, en date du 12 avril 1860. 500 Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Dossier N° 806, Article 2, N° 33, Annexe au P.V
de conférence entre le service du Génie celui de l’Administration, en date du 12 avril 1860.
Quatrième Partie Chapitre Deuxième
363
Les travaux d’amélioration de l’hôpital concernent essentiellement :
La proximité à donner à la construction du mur destiné à clore l'établissement, cette clôture est
considérée de la plus grande urgence et le travail si peu important, eu égard surtout au résultat à
obtenir ; C’est au niveau de la clôture sud de l'hôpital sur la grande cour et sur la grande rue, que
la surveillance est la plus difficile. Cette clôture est liée au projet de caserne d’infirmiers.
L'hôpital de Constantine n'étant pas fermé, il n'y pas de surveillance et de sureté possible dans un
établissement qui contient plus de 400 000 Fr de matériel de toute espèce et dans lequel il y a eu
comme en 1859 jusqu'à 800 hommes , malades et infirmiers.
La construction de l'égout de ceinture a été jugée comme urgente ou du moins, elle peut être
menée de front avec la première. Cet égout devrait recevoir toutes les matières du genre de
l'hôpital pour les conduire dans le grand égout de la ville située en avant du bastion 1. Il serait
prolongé jusqu'à la cour de la buanderie pour recevoir les eaux sales de cet établissement et du
bâtiment funéraire. Ce travail est considéré des plus urgents pour débarrasser l'hôpital et les
cours de la casbah des miasmes qui les infestent.
Le bâtiment funéraire tout incomplet qu'il est peut attendre que la buanderie soit terminée, alors
que la construction d'un escalier pour les officiers militaires, et celle des galeries extérieures à
chaque étage s’avère urgente.
La caserne des infirmiers est placée sur la grande cour des casernes à l'angle Sud-ouest de
l'hôpital. Elle devait contenir 300 infirmiers et les accessoires plus des caves pour l’hôpital.
En vue d'isoler la partie de l'hôpital occupée par les officiers, afin de leur permettre de descendre
dans la cour et le jardin sans passer par le grand escalier communs avec les soldats, le génie
prévoit d’établir un escalier dans la culée Sud-ouest du bâtiment principal.
En outre, il prévoit de placer la buanderie à l'est sur la rue qui longe l'arsenal. Elle renferme à son
rez de chaussée : une grande pièce pour lessiver et laver, un bûcher pouvant contenir 130 litres
de bois pour l'approvisionnement de l'hôpital et de la buanderie, un magasin de linge sale, un
logement d'un gardien et un magasin d'ustensiles, et à l’étage : un séchoir couvert. Les deux
bassins seront alimentés par une conduite venant des citernes de la ville où le point d'arrivée de
l'eau est plus élevé, les eaux sales seront jetées dans le grand égout ceinture. L’emplacement
Quatrième Partie Chapitre Deuxième
364
anciennement proposé considéré comme peu venté donc impropre à l’étendage du linge.se trouve
sur la zone de servitude501
intérieure de la casbah (arsenal et poudrerie).
Il manque à l'hôpital de Constantine un magasin pour le matériel que l'on ne sait où placer depuis
l'évacuation du local destiné aux sœurs. Le matériel est ainsi délocalisé vers les ateliers de la
compagnie. L’hôpital de Constantine prenant de l’importance, la construction d’un amphithéâtre
attenant à la salle des morts, s’avère nécessaire. Partant d’une logique identique et bien que le
futur bâtiment contenant la salle des morts et ses annexes ne fassent pas partie des projets prévus
pour 1860 et 1861, le service du Génie a estimé devoir les présenter pour parfaire l’organisation
générale de l’hôpital.
Ce bâtiment se trouverait placé à la suite de la buanderie vers le Nord. On descend dans son
enceinte de la cour de l'hôpital par une rampe dont la pente est de 1/8. Il serait établi dans la
proportion la plus simple. Il renfermerait une chapelle funéraire, une salle des morts et
d'autopsie, un atelier de bière et une remise pour la voiture des morts sur la rue. Les
mouvements de funéraires suivraient cette rue, loin de la rue des malades. Le Génie ne prévoit
pas la démolition de l’ancien petit bâtiment funéraire le considérant comme utile pour contenir
un accessoire de l'hôpital.
Le chef du génie, conformément aux ordres de l'inspecteur avait préparé le projet pour une
caserne d'infirmiers, son emplacement était sur la grande cour des casernes à l'angle Sud-ouest
de l'hôpital ; sa façade, en prolongement de celle du pignon ouest de la caserne F devait contenir
300 infirmiers et les accessoires plus des caves pour l'hôpital. La construction de cette caserne
fut sujette à discussion.
Le Ministre de la guerre avait proposé son transfert vers Philippeville, afin de libérer des salles
de malades occupées par les infirmiers dans l’aile Nord du bâtiment principal.
Ce que les services d’administration, du Génie et la direction des fortifications réfutèrent en bloc.
Ils avancèrent les arguments suivants :
ce dépôt a toujours été au chef-lieu de la division ;
il doit être placé directement sous la main de l'intendant de la division qui peut alors
faire exécuter rapidement les mesures d'urgence si communes en Afrique : car
l'ambulance divisionnaire est à Constantine ;
501 Zone de servitudes établie selon la loi du 22 juin 1854.
Quatrième Partie Chapitre Deuxième
365
les infirmiers peuvent y trouver un élément d'instruction qui ne se présentera pas à
Philippeville
il est d'ailleurs à observer que les infirmiers indispensables au service de l'hôpital de
Constantine, ne sont pas logés ; ils occupent des chambres de malades qu'ils sont
obligés d'évacuer une partie de l'année. Ils sont alors placés sous la tente dans la cour
même de l'hôpital au détriment du service hospitalier. De toute manière il faut une
caserne à Constantine ;
les ateliers de confection doivent pourvoir à l'habillement de la 14ème Section, dont la
portion centrale est à Constantine. Les déplacer serait créé des embarras et des
dépenses inutiles pour le transport des effets confectionnés.
Cette polémique retarde la construction du casernement destiné aux infirmiers mais aussi les
autres travaux car le Génie estime que la décision doit porter sur l’ensemble du projet.
Dans les apostilles militaires concernant le budget de 1864 et 1865 nous apprennent que les
annexes dont la construction était prévue pour 1861-1862 n’était pas achevée puisqu’il est
demandé de construire l’établissement funéraire qui occuperait l'extrémité ouest du terrain bas
situé au pied du pignon nord de l'hôpital, à la suite de la buanderie récemment construite. Il
consisterait en deux bâtiments distincts mais donnant sur une même cour, à savoir : le bâtiment
contenant la salle des morts, l'amphithéâtre et ses annexes, les bâtiments contenant la chapelle
funéraire et les locaux accessoires.
La légende du plan d’ensemble de la casbah répond au questionnement posé en début de notre
travail concernant l’existence de la salle de dissection au niveau de la salle des morts. En effet
une salle de cours d’anatomie à coté de cette dernière et un amphithéâtre ont été aménagés au
sein de l’hôpital.
Ainsi l’enseignement faisait partie des fonctions des officiers de santé. Par ailleurs
l’aménagement d’une bibliothèque attenante à la salle de conférence, dénote de l’intérêt que
portaient ces officiers à la recherche scientifique. C’est donc dans des conditions pratiquement
similaires à celles existantes en France que le Dr Laveran fit ses recherches.
Quatrième Partie Chapitre Deuxième
366
Fig.130 : Plan d’ensemble du quartier de la casbah en 1872.
Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris502
C’est ce dernier plan qui montre que l’hôpital militaire de Constantine est terminé et que tous les
espaces introduits au fur et à mesure des différents projets ont été intégrés à l’équipement de
base réalisé en 1841. Cet hôpital aura donc connu pendant trente ans des réaménagements
successifs ; ce retard est essentiellement du au budget alloué chaque année. Ce budget comme
nous l’avons vu tient compte des priorités militaires. Il joua un rôle certain non seulement dans la
couverture de soins, dans la formation d’infirmiers et de médecins mais aussi dans la recherche.
L’amphithéâtre, les salles de cours et le laboratoire en sont le témoignage physique.
1.5. L’édification de l’hôpital civil.
Si à Annaba, la population civile fut prise en charge par l’hôpital militaire, ce ne fut pas le cas
pour Constantine. Dès la prise de la ville, deux maisons au niveau de la place du Caravansérail
(Souk El Acer) furent réquisitionnées pour servir d’hôpital civil provisoire. Comme pour Bône,
502 Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Dossier N° 812, l’Article 3, N° 121, Plan du
quartier de la casbah, non répertorié dans la nomenclature générale du Génie, trouvé en sous article dans, en date du
11septembre 1872.
Quatrième Partie Chapitre Deuxième
367
aucune description des maisons concernant leurs dimensions donc leur capacité, leur
appartenance, n’existe dans les documents consultés. Seul l’emplacement de ces maisons dans la
ville nous permet de retrouver les raisons du choix de ces maisons.
Fig.131 : Plan de situation du premier hôpital civil en 1840 à Souk el Acer
Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris503
Placées sur la partie la plus haute de la ville et donnant sur la place, elles répondent ainsi aux
exigences d’hygiène d’alors à savoir : être bien aérées et bien ensoleillées. Leur proximité avec
la casbah comprenant l’hôpital militaire n’est sans doute pas fortuite, elle résoudrait les
problèmes de services car les médecins en service au début de la colonisation étaient militaires.
Cette logique se retrouve dans le choix du terrain d’assiette proposé en 1869504
pour assoir le
nouvel hôpital civil. Il se trouve sur la rive Nord du Rhummel, pratiquement dans l’alignement
de la casbah. Situé en hauteur, il dispose ainsi d’une très bonne aération et d’un bon
ensoleillement. Son isolement semble avoir été recherché car le développement de la ville
comme nous l’avons vu précédemment s’est effectué vers le coté opposé : coudiat Aty.
503 Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Dossier N° 807, Article 3, N° 8, Plan de la Place
de Constantine : Assiette pour logements, en date du 21 septembre 1840. 504
Dr Jean Tremal, Un siècle de médecine coloniale française en Algérie (1830-1929), deuxième édition,
Imprimerie J Aloccio, Tunis, 1929.
Quatrième Partie Chapitre Deuxième
368
Fig.132. : Plan de situation de l’hôpital civil en1878.
Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris505
Ce dernier plan datant de 1878, et compris dans le mémoire militaire nous interpelle quant à la
décision de ce choix. La ville de Constantine étant une commune civile, est-ce la municipalité où
les Militaires qui ont opté pour ce terrain ? Ce terrain appartenait-il au domaine militaire en étant
compris dans la zone de servitude du casernement du Mansourah proche ? Ce sont autant de
questions auxquelles nous ne pouvons répondre dans l’immédiat.
L’absence de Lazaret dans la ville de Constantine durant la période étudiée, s’explique par le fait
que seules les villes portuaires en l’occurrence Alger, Oran et Bône et obéissant au règlement
international506
, ont bénéficié de l’installation de cet équipement. Cependant l’armée française
installa en 1922 un lazaret pour chevaux au niveau du polygone d’artillerie (actuel club
hippique). Ceci s’explique par l’importance que représentaient les chevaux pour une garnison
militaire au XIXème siècle. Ils constituaient l’essentiel de l’Arme Train.
L’absence de documents dans les archives du Génie concernant les infirmeries et dispensaires,
nous interpelle quand à leur importance durant la période concernée. Ces équipements sont soit
505 Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Dossier N° 805, Article 1, N° 10, Mémoire militaire
de la Place de Constantine, en date du 30 septembre 1878. 506
Archives d’Outre-mer, Aix en Provence, Centre d’Archives d’Outre Mer, F/80, Règlement international sur la
police sanitaire rendu exutoire en Algérie par décret du 12 avril 1854,
Quatrième Partie Chapitre Deuxième
369
pris en charge par les autorités civiles, soit antérieurs au XIXème siècle. Cette dernière
supposition trouverait une explication dans l’état sanitaire global de la ville de Constantine. Le
climat plus sec et la topographie abondent dans ce sens.
La médina, bien qu’étant aussi dense que celle de Annaba est juchée sur le rocher, ce qui lui
permet d’évacuer les eaux usées dans le Rhummel sans les voir stagner dans son enceinte ou aux
alentours ; l’absence de marécages environnants fait que l’air y est beaucoup plus sain. La ville
de Constantine ne connaissait pas les mêmes endémies qu’à Annaba. Par ailleurs l’hôpital civil
pouvait éventuellement prendre en charge les malades civils, ce qui rendrait éventuellement les
infirmeries et le dispensaire non pas inutiles mais ne faisant pas partie des urgences. La logique
du Génie militaire étant de parer au plus urgent cette dernière supposition entre dans cette
logique.
1.6. Les Plantations à Constantine.
Constantine aussi eut ses plantations, elles débutèrent d’abord au niveau des casernements et
fortifications. Nous avons vu plus haut comment au niveau de la casbah la Place, les cours, les
chemins et zones de servitudes intérieures ont été plantés.
Vu l’exigüité de la médina et le nombre de services militaires que la ville de Constantine devait
contenir, cette dernière n’a pas vu ses rues et places plantées, en dehors de la Place du Palais qui
reçut quelques arbres. Les jardins de ce dernier furent par contre entretenus.
C’est Constantine extramuros qui a été plantée. Les premiers projets d’extension de la ville
comprenaient deux squares limitrophes à la porte Valée.
Quatrième Partie Chapitre Deuxième
370
Fig.133 : Les deux squares de la Place de la Brèche.
Source, Archives SHD, Vincennes, Paris507
L’essentiel des plantations furent d’abord faites au niveau des casernements dont les plus grands
se virent dotés de jardins pour les officiers. Les murs d’enceinte de ces casernements étaient
doublés d’arbres.
Le climat de Constantine étant plus sec, ce sont les rives des oueds et les ravins qui furent
plantés. Le plan suivant montre explicitement la logique de plantation dans le Constantine
extramuros et ses environs..
Les zones de servitudes extérieures aux casernements sont elles aussi plantées comme à Annaba.
La plus grande surface verte connue à Constantine est celle du Mansourah, l’écran vert vient
renforcer l’écran minéral des murs de fortifications. Ainsi le Mansourah, Bardo et le coudiat Aty
seront couvert d’arbre de différentes essences.
507
Archives du Service Historique De La Défense de Vincennes, Dossier 1H 805, Article 1, N° 10, Plan du Palais
du Bey, en date du 12avril 1878.
Quatrième Partie Chapitre Deuxième
371
Fig. 134 : Projet d’entretien des plantations aux abords de Constantine (1847).
Source : archives CAOM, Aix en Provence508
508 Archives d’Outre-mer d’Aix en Provence, CAOM, Dossier N 80.
Quatrième Partie Chapitre Deuxième
372
Les arbres étaient la solution première aux problèmes de stabilisation des terrains. La
constitution géologique du site édictait tous les terrains à stabiliser ainsi une partie du plateau du
Mansourah (en dehors de la zone rocheuse), le coudiat Aty futur terrain d’assiette au fort de
Belle Vue, les vaux de Sidi Mabrouk et du Bardo qui comprenait déjà un casernement furent
plantés.
Les routes tout autant que les oueds ont été bordées d’arbres. Le Génie militaire joint ainsi l’utile
par la rétention des sols, à l’agréable par l’ombrage et la fraicheur que procurent les arbres
Lors de la construction des nouvelles routes de Philippe Ville (Skikda), dont le tracé passait par
un terrain présentant un fort risque de glissement accentué par la présence de sources, la
plantation d’arbres venait réduire ce risque. Les routes de Batna et de Sétif furent aussi bordées
d’arbres ce qui porte à penser que la rétention du sol n’était pas le sol motif de plantation.
L’arbre étant un repère mais aussi une limite qui facilitait la perception de la route en tout temps.
Par ailleurs, les plantations étant en usage pour masquer les cimetières chrétiens en métropole,
elles furent introduites dans les cimetières musulmans.
Chacune de ces fonctions était spécifiquement établie selon les besoins. Il est recherché un usage
multiple aux plantations : rétention des sols et délimitation, rétention et ombrage, etc. cette
réponse multiple est d’autant plus recherchée que les plantations étaient assez onéreuses dans le
temps puisqu’elles exigeaient un entretien continu durant de longues années. Le génie militaire
premier décideur de l’utilisation des plantations, décida de leur emplacement, des essences à
choisir mais aussi fut responsable de leur entretien avant l’avènement des municipalités. Quand
les territoires civils furent instaurés il partagea durant un premier temps la responsabilité de leur
entretien avec la municipalité puis facturât à ces dernières ce service.
2. Impact des réalisations sanitaires sur le tissu existant.
Bien que l’hôpital militaire de Constantine soit une réalisation nouvelle, son installation et sa
construction n’ont pas été sans incidence sur le tissu existant. D’abord installé dans des maisons
arabes, puis construit à l’intérieur de la casbah qui ne se présentait pas comme un terrain vierge
de toute construction, cet important équipement de par son emplacement a changé la façade Nord
du rocher.
Quatrième Partie Chapitre Deuxième
373
Fig.135 : Vue aérienne de la casbah actuellement.
Source : Google earth
L’installation de l’hôpital militaire dans des maisons réquisitionnées à cet usage ne fut pas sans
conséquences sur ces dernières. Leur emplacement à proximité de la casbah a sûrement été la
raison qui a poussé les militaires français à les choisir. C’est encore cet emplacement qui a
poussé, après la fin des travaux de construction de l’hôpital militaire, à leur destruction en vu de
récupérer l’assiette foncière.
Fig.136 : Nouveau tracé de l’enceinte de la casbah (en jaune l’ancien tracé, en rouge le nouveau).
Source : Archives du SHD, Vincennes, Paris
509, traité par l’auteur
509
Archives du Service Historique de la Défense de Vincennes, Dossier N° 807, Article 3, N° 8, Plan de la Place
de Constantine : Assiette pour logements, en date du 21 septembre 1840.
Quatrième Partie Chapitre Deuxième
374
L’annexion au quartier militaire, des maisons réquisitionnées pour héberger les malades, puis les
annexes de l’hôpital ainsi que d’autres services militaires ont occasionné le changement
d’emplacement de l’enceinte de la casbah dans sa partie Nord.
L’hôpital militaire de Constantine fait corps avec le reste des bâtiments compris dans l’enceinte
de la casbah, il ne peut donc être analysé séparément. Les bâtiments qui le constituent ne se
distinguent pas des autres bâtiments du quartier ; c’est l’ensemble du quartier militaire de la
casbah qui domine le rocher dans sa partie Est.
De la rive droite du Rummel, c’est la topographie du rocher qui le met en évidence ; évidence de
pouvoir, évidence de suprématie du colonisateur et supériorité sur le colonisé. La santé fut un
outil de propagande de colonisation, l’hôpital civil s’exhibe tout autant sur l’autre rive du
Rummel à hauteur similaire.
Fig.137 et 138 : Photographies de la casbah.
Source : collection privée de Mr Azzedine Belahcen
Source : l’auteur510
Cependant il peut être considéré comme étant le premier hôpital moderne de l’Est algérien.
L’analyse se voit donc orientée vers l’analyse des espaces qui le constituent. À travers
510 Boufenara Khedidja Photographie prise du campus Ahmed Hamani, le 27 juin 2009.
Quatrième Partie Chapitre Deuxième
375
l’historique de sa construction que nous venons de relater, nous pouvons relever l’évolution de
cet équipement.
3. L’hôpital militaire de Constantine aux normes du XIXème siècle
Le Génie a conservé la forme en plan, pour cet hôpital, proposée par Vauban à savoir le
rectangle ouvert à ses angles. Cette forme linéaire est simple et commode, elle permet de séparer
les quartiers par sexe ou par services, elle obéit aux exigences du terrain et à l’exposition. La
forme de Vauban favorise également le chauffage et la conservation calorique.
Le choix du site ainsi que la conception de cet hôpital obéissaient à une combinaison entre le
programme rédigé (et formulé par l’illustre Tenon) en 1786, par l’Académie française des
sciences pour les hôpitaux et les préconisations de Vauban. Ce qui se traduit essentiellement par
une bonne aération, un bon ensoleillement (N.NO / S.SE), une bonne distribution et des espaces
spécialisés pour chaque fonction. Les discussions à propos des différentes capacités de l’hôpital,
proposées par les officiers de l’inspection sanitaire ou par ceux des différents services de la
division de Constantine (Fortifications, Administration et Génie) trouvent leurs sources dans les
normes conseillées par les hygiénistes à savoir 200 à 600 malades par hôpital. Les officiers de la
garnison étaient plus au courant des besoins réels de cette dernière en relation avec l’état de santé
qui prévalait en Algérie.
Nous avons vu plus haut, dans le cas de l’hôpital de Bône, comment des officiers de Santé
avaient réévalué à la hausse, le ratio nombre de lits/ capacité de la garnison. Le ratio nombre de
malades par salle dans le projet de l’hôpital de Constantine est inférieur à celui conseillé par le
système à savoir 15 à 20 malades par salle.
Il intégrait les bains sous leurs différentes formes (simples ou de vapeur), la lingerie, la
buanderie, les amphithéâtres de cours et d’autopsie à l’hôpital. Les premiers espaces répondaient
aux exigences des hygiénistes dont les travaux sur l’hygiène et la salubrité avaient commencé à
influencer les autres médecins notamment les militaires. Nous avons vu plus haut que ces
derniers avaient été les premiers à prendre en considération les travaux des hygiénistes. Ils ont
été, aussi, les premiers à appliquer leurs conseils car les casernements et les hôpitaux
(équipements à forte densité de population) subissaient en premier les ravages des épidémies.
Quatrième Partie Chapitre Deuxième
376
Tollet511
, l’ingénieur des hôpitaux disait : les militaires se faisaient les interprètes des
hygiénistes512
.
Bien que construit avant que le système Tollet ne soit généralisé à la fin du XIXème siècle,
l’hôpital militaire de Constantine obéit largement aux préconisations de ce système. Le système
de Tollet se basait sur les conseils et directives établies dans un but hygiéniste par la Société de
Chirurgie de Paris lors des études pour la rénovation de l’Hôtel Dieu513
. Ainsi le choix du terrain
abondait dans le sens hygiéniste, par l’option des militaires d’installer l’hôpital éloigné des
agglomérations populeuses, sur un terrain découvert, décliné et sec. La première proposition du
Génie militaire de donner un seul étage au bâtiment principal est aussi un principe de Tollet qui
conseillait le nombre de superposition de lit à deux.
Si la longueur du bâtiment a paru importante au Directeur des fortifications, nous comprenons
pourquoi le Chef du Génie militaire a tenu à la garder, puisqu’un des principes de Tollet est
d’étendre au maximum les surfaces en contact avec l’air extérieur. La création de cours, idée
hygiéniste, est reprise dans le projet pour donner du soleil et de l’air au bâtiment principal. C’est
pour la même raison que la surface vitrée est quantifiée par lit ; Tollet propose 2,5m2/ lit. A
l’aide de l’échelle graphique nous avons estimé la surface des fenêtres proposées pour les salles
de malades à peu près à 3,2m2 (1,6 x 2m) soit 1,8m
2/ lit. Ce qui est en dessous des 2,5m
2/ lit.
Cependant depuis Vauban, le Génie projette une fenêtre entre deux lits514
.
Nous retrouvons aussi la réduction des surfaces d’absorption conseillée dans le but de diminuer
les surfaces infectées, lorsque le Génie élimine les greniers et les corridors.
La distribution dissociée des espaces selon les fonctions, tant défendue par le Chef du Génie
abonde aussi dans ce sens. Les observations faites à propos de la longueur des parcours par les
officiers de santé confirment à leur tour les conseils des chirurgiens de Paris. La proposition
émise par le Génie de positionner l’escalier des officiers de santé au centre a permis de réduire ce
parcours. Connaissant l’esprit de rigueur et la volonté d’efficacité du Génie, nous comprenons
511 C Tollet, ingénieur, est considéré comme le premier à se spécialiser dans la construction des hôpitaux modernes.
A partir de 1872, c’est le programme et le système Tollet qui servirent de base à la construction des hôpitaux. Il tient
notamment compte des avis et conseils des hygiénistes. Au XIXème siècle, 12 hôpitaux furent construits en France
et en Algérie selon le système et programme Tollet. 512
C Tollet, Les Hôpitaux Modernes au XIXème siècle, Description des principaux hôpitaux français et étrangers,
Édit Chez L’Auteur, Paris, 1894, Page 153 513
Cf. 81 514
Cf. 81, page 143
Quatrième Partie Chapitre Deuxième
377
l’introduction d’un projet spécifique à cet escalier. Il en est de même pour la buanderie qui a
suscité beaucoup de discussions ; la fonction de cet espace lui a octroyé toute son importance
durant une période où l’hygiène n’était pas considérée comme nécessité.
Dans la même logique prônée Tollet, la construction par voûtes (quoique non ogivales)
augmentant la capacité des salles en air ainsi que le rejet d’emploi du bois (afin d’éviter les
incendies) ont été suivies par le service du Génie. La hauteur de 4,5m des salles permettait
d’atteindre le cubage en air requis (30m3)
.
Si les latrines ont provoqué autant de polémiques, c’est en raison de la méconnaissance au début
du XIXème siècle, du mode transmission des maladies en de pareils espaces. Il faut attendre
Tollet pour connaître la première norme : 1wc / 15 lits515
. Toutefois le Génie a toujours posé le
problème des latrines comme espace à construire nécessairement.
La construction de l’égout va dans le même sens des hygiénistes qui en France réfutent l’ancien
système de fosses sceptiques fixe ou mobile. Les tuyaux d’égout proposés étaient généralement
constitués de tuyaux en terre cuite vernissée de petits diamètres variant de 0,20 à 0,60 mètre
selon les pentes et la quantité de matière à évacuer. Les ‘miasmes’ étaient craints car véhiculant
les maladies.
Conclusion.
L’installation de l’hôpital de Constantine au niveau du quartier de la casbah et l’exclusivité de
soins aux militaires, ont consacré le statut militaire de ce dernier. Sa réalisation a nécessité, ainsi
que nous l’avons vu, la destruction de plusieurs maisons. Le site choisi répond aux directives
d’aération et d’ensoleillement des hygiénistes. Entièrement conçu et adapté à un mode européen,
il se présente tel un hôpital moderne du XIXème siècle.
Réalisé au gré des budgets accordés, il a fini par comprendre l’essentiel en espaces aménagés
non seulement pour les malades mais aussi pour les cours en vu de la formation des médecins et
infirmiers mais aussi pour la recherche médicale.
Le génie dans sa logique rationnelle, a procédé aux divers changements selon les conseils des
médecins en poste, mais aussi selon les décisions du Directeur des fortifications et du
Commandant de la Place. Sa vision plus générale, englobant tous les projets, lui permet de
soumettre des variantes qui satisfassent l’ensemble des protagonistes. Il tient compte des zones
515
C Tollet, Les Hôpitaux Modernes au XIXème siècle, Description des principaux hôpitaux français et étrangers,
Édit Chez L’Auteur, Paris, 1894, Page 153.
Quatrième Partie Chapitre Deuxième
378
de servitudes internes et des possibilités de juxtaposition d’espaces aux fonctions différentes et
parfois dangereuses. Cependant cette vision ne lui fait pas oublier les détails les plus infimes.
Ainsi son souci d’économie est retrouvé dans l’utilisation des eaux des citernes de la casbah. Sa
gestion de l’eau et sa distribution sont des plus rationnelles.
En fusionnant deux objectifs, qui au départ apparaissent bien distincts, il conçoit des espaces
répondant aux deux objectifs initiaux. Ainsi que nous l’avons vu, l’introduction de cours et
d’arbres au niveau du quartier de la casbah, lui permet de pallier à l’impératif de
l’ensoleillement, de donner aux usagers des espaces de promenade et de déambulation, mais
aussi de sauvegarder la distance d’écart nécessaire entre les bâtiments de différentes fonctions.
La plantation d’arbres et l’aménagement d’espaces verts sont pour le Génie un moyen technique
pour retenir les sols meubles à forte déclivité, mais aussi un moyen d’assainir les berges des
cours d’eau. Le climat de Constantine étant différent de celui de Annaba, les essences choisies
sont elles aussi différentes. Le rôle du Génie va au-delà de la plantation puisqu’il a la charge de
l’entretien des espaces plantés après l’instauration de la municipalité.
Quatrième Partie Conclusion
379
CONCLUSION DE LA QUATRIÈME PARTIE.
Dans cette partie, nous avons vu que le rôle joué par le Génie militaire dans l’installation des
équipements et de la couverture sanitaire des deux villes Constantine et Annaba était
prépondérant. L’hôpital étant un équipement militaire de première nécessité, l’intérêt porté par le
Génie aux projets des établissements sanitaires se justifie. Car leur préoccupation majeure est
d’assurer la santé à l’ensemble des hommes de troupes. En outre, les épidémies importées et les
endémies locales, sont venues étendre cette préoccupation à l’ensemble des populations civiles,
d’abord aux colons appelés à s’installer définitivement en Algérie en réponse à la politique de
peuplement, et ensuite aux autochtones en tant que « source de propagation » des maladies mais
aussi en tant que main d’œuvre à bon marché.
Nous avons vu à travers les processus de conception puis de réalisation des divers
établissements, comment les services du Génie ont démontré leur compétence en matière de
construction. Cette compétence se traduit par la rigueur dans la programmation spatiale, par leur
capacité d’organisation non seulement d’un chantier mais aussi par l’attribution des priorités et
des urgences. Ce même caractère de rigueur se retrouve lors de la réalisation des projets et dans
leur souci d’économie. Par ailleurs, nous avons vu comment pour des raisons de fonctionnalité,
les ingénieurs du Génie ont négocié leurs solutions de distribution des espaces de l’hôpital non
seulement avec le pouvoir militaire en place mais aussi avec les utilisateurs : médecins et
pharmaciens militaires. Cette manière de faire fait de l’hôpital une partie intégrante de l’armée.
L’objectif du génie n’est pas la ville mais l’équipement sanitaire en lui-même, cependant les
impacts de ces équipements sur la ville (ouverture de rues, démolition/construction, etc.) ont
transformé celle-ci. La ville ainsi remodelée n’est qu’une résultante de l’installation des
équipements de santé, du moins aux alentours de ces derniers.
La différence entre les divers projets émane des contextes de réalisation. Ces derniers sont
d’abord naturels, en effet nous avons vu que les conditions sanitaires dans les deux villes sont
différentes à cause du climat et de la présence de marécages dans le cas de Annaba, mais aussi
que l’apparition des épidémies changeait les données de programmation en terme de capacité. De
la même manière la présence du port impose l’installation de lazaret et de dispensaire.
En outre, les fonctions militaires des villes sont tout aussi différentes, ce qui se traduit par des
effectifs de contingents différents et qui influe sur la capacité des hôpitaux et sur leur fonction
(hôpital d’enseignement et/ou de soins).
Quatrième Partie Conclusion
380
Les conditions de prise des deux villes n’étant pas identiques, la nature résignée ou révoltée des
populations autochtones ont influencé à leur tour le choix des sites des hôpitaux et la catégorie
de malades soignés : intégration de l’hôpital militaire au tissu urbain à Annaba, intégration de
l’hôpital de Constantine dans le quartier militaire de la casbah.
Pour toutes ces raisons, les réalisations sanitaires ont été le fait de l’armée française par le biais
du service du Génie dans un objectif d’installation permanente des colons en Algérie.
Nous relèverons encore qu’il s’agissait là d’infrastructures lourdes ayant leur propre objectif
mais qui ont eu des impacts considérables sur les deux villes, et que l’on retrouve jusqu’à
aujourd’hui.
Conclusion Générale
381
CONCLUSION GÉNÉRALE
Dans notre travail nous avons vu dans un premier temps comment les armées ont évolué en
fonction des armes et armements. Ceci nous a permis de voir comment les innovations en
matière d’organisation générale, de services spécialisés ont été introduites par les armées les plus
importantes : grecque, romaine et française : l’armée, dès sa formation, devient avant-gardiste.
L’armée française, lors de la conquête de l’Algérie et durant la période coloniale se présentait
donc comme une armée fortement organisée comprenant des services compétents tels que le
Génie militaire en avance techniquement sur les structures et institutions civiles,
Par ailleurs nous avons vu comment Rome avec ses innovations dans le domaine militaire,
hygiénique, architectural et urbanistique, devint un modèle pour les civilisations ultérieures,
notamment par l’introduction des castra dans les territoires sous sa dominance. Ceci s’est traduit
par une forme d’urbanisation des territoires occupés. Le plan en damier grec est généralisé à
toutes les villes selon la logique politique et militaire des romains
Le Moyen Âge quant à lui constitue la période intermédiaire entre l’époque romaine et celle de
la colonisation de l’Algérie par les français ; l’architecture militaire produite en ce temps,
représente un référent et un acquis des savoirs et des savoir faire des militaires français. Durant
cette période l’architecture militaire s’enrichit de détails constructifs aux fins militaires. Les
villes ainsi fortifiées ont évolué par leur adaptation au site et par la fortification de leurs points
d’accès.
On retient ainsi que l’architecture et l’urbanisme militaires tenant compte de la topographie du
site et de l’accessibilité à ce dernier, obéissent aux stratégies de défense et d’attaque.
Cependant, la conquête française s’est installée sur les structures de la régence ottomane, dans
tous ses aspects militaire, politique, administratif, social et sanitaire, laquelle avait très peu
investi dans les infrastructures de bases et s’est limitée à une colonisation d’exploitation. Mais
elle n’a maintenu que le découpage territorial ottoman et le recours aux caïds comme
intermédiaires avec les autochtones.
Par ailleurs, à la conquête française, l’Algérie ne possédait pas d’hôpitaux tels que connus en
Europe. Ce qui rendait la couverture sanitaire en matière de soins d’abords militaires puis civils,
difficiles. Les besoins normaux se sont vu accentués par une acclimatation pénible pour les civils
et militaires d’une part et par les endémies locales et les épidémies venues d’Europe d’autre part.
Pourtant les populations trouvaient un équilibre sanitaire du notamment à la religion, à la
Conclusion Générale
382
médecine traditionnelle et au recours à l’hygiène, la philosophie, la superstition, la psychologie
et la musicologie.
Néanmoins, l’objectif de la colonisation puis du peuplement de l’Algérie ont amené les militaires
à prodiguer des soins aux hommes de troupe comme aux civils, puis aux autochtones.
Le Génie militaire étant le principal agent des réalisations françaises en Algérie au début de la
colonisation, sa formation faisait ressortir ses principes dans la conception et la réalisation des
projets qui sont : la régularité, l’économie, la fonctionnalité et l’intégration au site dans une
perspective globale de l’ensemble des projets concernant une place.
Suite à la prise deux villes, c’est l’installation du poste de commandement, des troupes et de
l’hôpital militaire qui apparait comme la plus urgente. Comme pour toutes les armées
victorieuses et conquérantes, la première installation s’est effectuée par une appropriation des
grands édifices que leur caractère civil ou militaire, leur fonction cultuelle, résidentielle ou de
pouvoir. Les casbahs furent investies comme édifices militaires. Si Constantine comprend une
autre caserne intramuros ce ne fut pas le cas de Annaba dont la fonction était plus commerciale
que militaire. La taille même de ces citadelles étant différente va influer sur les réaménagements
que les ingénieurs du Génie vont y introduire. Ainsi la casbah de Annaba ne fut qu’un bastion
militaire alors que celle de Constantine fut transformée en un important quartier comprenant
casernement, hôpital, prison, arsenal et poudrerie. L’implantation de différentes cours et jardins
finit par lui conférer ce caractère de quartier. L’intégration de l’hôpital dans celle-ci, lui défère
une importance plus grande, vu l’urgence dans laquelle s’inscrit ce dernier. Ce qui a abouti à
l’ouverture de deux voies carrossables dès les premières années de colonisation.
La conception de l’hôpital de Constantine suivit donc les préceptes de Vauban, tout en obéissant
aux conseils avant-gardistes des hygiénistes par le biais des officiers du service du Génie et de
santé. Régulièrement, le projet connut des réaménagements en fonction des sommes allouées et
des urgences fonctionnelles à combler. La décision de peuplement occasionna un tournant au
projet car il s’est vu aménagé au fil du temps, en hôpital d’enseignement pour les infirmiers dont
le contingent était important et pour les médecins en service à Constantine. Des améliorations
successives furent apportées aux espaces et à la fonctionnalité générale de l’hôpital.
A titre d’exemple, l’arc comme système de construction, dans l’hôpital de Constantine ne fut pas
repris pour préserver le caractère architectural local mais simplement édicté par les exigences
économiques, sanitaires et de rationalité, principes du Génie. Il ne sera qu’un bâtiment de style
Conclusion Générale
383
européen et à la rigueur militaire, alors que celui de Bône, installé sur la mosquée, se présente
comme un édifice hybride combinant trois styles : arabe, turc et français. On note que cette
mosquée, bâtiment unique séparé des autres et intégrée totalement dans le tissu urbain annabi,
induira l’intégration de l’hôpital militaire dans la vie civile. Cependant que le choix du site est
conséquent à la volonté des hygiénistes avec son exposition à l’air et au soleil, sur les hauteurs
de la ville en dehors du tissu dense et loin des marécages.
La topographie joue un rôle primordial dans le choix des sites d’implantation des équipements
militaires car suggérant les points faibles ou forts du point de vue stratégique.
Les deux villes vont voir l’installation de nouveaux bâtiments militaires puisque les édifices
existants, en général des maisons, en dehors du palais du bey, dans le cas de Constantine sont
vite jugés non seulement insuffisants mais aussi mal adaptés aux fonctions qui leurs sont
attribuées.
Annaba mal défendue par son site, fut cernée par une série d’équipements militaires qui vont
former ainsi une deuxième enceinte sécuritaire intramuros. Un seul quartier fut installé à
l’extérieur vu l’exiguïté de la ville et le manque de terrains vierges.
Constantine que son rocher défend sur trois flancs, vit, afin de défendre son flanc Ouest, le
coudiat Aty fortifié dans un premier temps puis renforcé par l’implantation du fort de Bellevue.
Constantine devant contenir la garnison principale de l’est algérien, devait être défendue de
l’extérieur, c’est dans cette logique que furent installés les autres quartiers militaires installés sur
des points stratégiques selon leurs fonctions spécifiques.
Ces nouveaux équipements ne furent installés que progressivement en fonction des budgets
accordés par Paris en fonction des impératifs militaires.
C’est pour pourvoir aux besoins urgents des militaires que l’appropriation des édifices
susceptibles de contenir les fonctions militaires s’impose comme première action. Elle sera
suivie de destruction d’autres édifices. En majeur partie, ceux des maisons dont la seule valeur,
aux yeux des militaires, est foncière.
Les transformations et les constructions suivront selon les exigences et les budgets alloués. Ces
transformations tiennent rarement compte de la valeur architecturale ou historique de l’édifice,
l’objectif militaire y compris la santé demeure l’unique préoccupation. Ainsi beaucoup de
vestiges romains ont disparu au profit d’un terrain libéré.
Si beaucoup de maisons ont disparu ou subi des transformations, la plus importante demeure
celle qui a touché le Palais du Bey de Constantine. Malgré la taille du Palais, sa transformation
en poste de commandement comprenant différents autres services, va engendrer l’annexion
Conclusion Générale
384
d’autres maisons à celui-ci. Comme elle va lui faire perdre sa fonction originelle et son
architecture, et ce jusque dans son environnement immédiat puisque la place existante sera
régularisée selon les principes militaires. Au-delà, des voies redressées ou nouvellement ouvertes
lui permettront de communiquer avec les portes de la ville mais aussi avec la casbah, seul
équipement intramuros. Ces voies seront prolongées à partir des différentes portes pour mener
vers les autres quartiers militaires (Bellevue, Mansourah, Bardo,..) ou vers Philippeville, Bône,
ou Sétif. Chaque ouverture de voies intramuros donne naissance à des bâtiments de style colonial
et répondant aux nouvelles exigences des hygiénistes intégrées aux règlements de voierie
régissant les alignements.
Les deux villes furent vite jugées restreintes pour un développement du peuplement. C’est alors
toujours les services du Génie militaire qui vont établir les limites des nouvelles villes et
concevoir le tracé global des quartiers d’extension. Les deux villes poseront, selon leur site des
problèmes aux ingénieurs du Génie. Pour Bône ce furent l’intégration du port à la ville, et la
présence des marais et de l’embouchure de la Boudjimah et donc la mauvaise qualité des sols
dans la zone urbanisable qui posèrent des difficultés aux ingénieurs. L’extension de la ville se vit
dès lors assujettie à l’assèchement des marais, à la déviation de l’embouchure de la Boudjimah et
à l’utilisation de fondations spéciales pour les nouveaux bâtiments.
Le premier développement de Constantine, s’est naturellement tourné quant à lui vers le coudiat
Aty. Le projet des militaires prévoyant le dérasement du coudiat, ce sont les zones où les déblais
devaient être déposés qui engendrèrent des problèmes entre civils et militaires. C’est ainsi que
les voies de chemins de fer, certains quartiers et squares furent construits sur les remblais
provenant du Coudiat Aty.
En outre, le Génie s’occupa des plantations qu’il jugea nécessaires que ce soit à Bône ou à
Constantine. Elles servirent dans les deux villes à procurer ombres et ambiance. À Annaba, les
essences choisies furent celles qui absorbent le plus d’humidité et ce afin d’assécher sols et air.
Alors qu’à Constantine ce furent celles qui retenaient les sols, les berges des cours d’eau et
accotements furent plantés. En outre les plantations furent utilisées comme second écrans aux
équipements militaires puisque les zones de servitudes extérieures aux quartiers militaires furent
plantées. Le beau-séjour de Bône avec le plateau du Mansourah constituèrent de jolis parcs avec
ceux beaucoup plus urbains aménagés dans les villes européennes.
Pensés puis réalisés dans un but militaire, durant une période donnée, les équipements militaires
ont continué à structurer le tissu urbain au-delà de cette période et dans un tout autre contexte.
Est-ce la vision du Génie militaire qui est aussi longue ? Ou est-ce la démarche de conception du
Conclusion Générale
385
Génie, intégrant l’ensemble des projets, qui apparait comme les prémices d’un urbanisme
opérationnel ?
Les transformations effectuées sur les villes par les percements et les redressements puis les
extensions sont destinées aux européens. Les villes nouvelles ont fait l’objet de protection même
si elles sont restées au niveau des études comme ce fut le cas pour Constantine.
En définitive, nous aurons montré dans ce travail que les militaires français ont été à l’origine de
transformations majeures dans la production des villes conquises du fait de leur installation sur la
place et de leur préoccupation sanitaire, et que ce rôle s’est perpétué après que le pouvoir ait été
passé aux civils. Nous pensons que cela a été une politique globale pour toutes les villes
algériennes de l’époque mais cela a pris des formes que nous ne pouvons définir dans ce travail,
et qui restent à rechercher dans des travaux futurs. Nous savons par exemple que des villes
comme Batna ou Sidi Bel Abbès ont été des créations nouvelles et que cela répondait, avec la
même politique, à une stratégie d’encadrement du territoire ; et c’est là encore un autre sujet. A
une autre échelle, l’entrée des militaires à Mila s’est heurtée à l’exiguïté de la ville et en dehors
de l’occupation de la caserne (d’époque byzantine) il a été créé carrément une ville nouvelle ex
nihilo avec le damier classique que l’on retrouvera un peu partout ; l’on notera que toutes les
créations nouvelles sont l’œuvre du Génie. Ceci pour dire que notre travail n’est pas une fin en
soi mais qu’il laisse l’opportunité à l’ouverture vers d’autres recherches autour de la même
thématique.
Dans le tableau qui suit, nous avons récapitulé les principales interventions effectuées dans les
deux villes objet de notre travail, et qui montrent la prépondérance des militaires et
particulièrement du Génie non seulement au moment de la conquête mais au-delà et même
lorsque les pouvoirs ont été délégués aux civils.
Bibliographie
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répertorié dans la nomenclature générale du Génie mais trouvé dans le dossier précité en
date du 14 mai 1866.
8. Dossier 1H 806, Article 1, projets pour 1868-1869 non répertorié dans la nomenclature
générale du Génie mais retrouvé dans ce dossier, en date du 08 avril 1868.
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10. Dossier 1H 805, Article 2, N° 7, Apostilles du Chef du Génie, document classé mais non
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11. Dossier 1H 805, Article 2, N° 09, en date du 1er octobre 1838.
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porte El-Djébia, en date du 20 mars 1900.
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du 08 avril 1853.
15. Dossier 1H 808, Article 3, N°78, Plan du Palais, document classé et non répertorié dans
la nomenclature générale du Génie, en date du 04 mars 1856.
16. Dossier 1H 847, Article 1, N° 03, en date du 24 juin 1832.
17. Dossier 1H 847, Article 1, N°7, mémoire militaire de la place de Bône et dépendances de
1838, non répertorié dans la nomenclature générale du Génie, mais retrouvée en annexe
de celui du 28 avril 1839.
18. Dossier 1H 847, Article 1, N°8, mémoire militaire de la place de Bône et dépendances en
date du 28 avril 1839.
19. Dossier 1H 847, Article 1, N° 09, en date du 20 avril 1845.
20. Dossier 1H 848, Article 2, N° 21, en date du 1er mai 1839.
21. Dossier 1H 848, Article 2, N° 39 ; en date du 14 avril 1848.
22. Dossier 1H 852, Article 3, N°5, projet d’alignement des principales rues de la ville de
Bône, en date du 25 novembre 1833.
23. Dossier 1H 852, Article 3, N° 41, Plan de la ville de Bône en date du 14 mars 1850
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rassemblant : le receveur des domaines Gassiot, chef de bataillon chef du génie : L
Bailleul, pour copie conforme au chef du bataillon chef du génie : j javain, vu à
Bibliographie
389
Constantine le 04 octobre 1859 par le chef de bataillon directeur des fortifications (dont
le nom est illisible). Ce dossier n’existe pas dans la nomenclature générale des archives
du génie.
26. Dossier 1H 857, Article 6/1, N°156, en date du 21 aout 1877, Projet du nouveau port de
Bône, non répertorié dans la nomenclature générale du Génie mais trouvé en annexe du
document précité.
27. Dossier 1H 857, l’Article 6/1 en date du 30 avril 1861.
28. Dossier 1H 857, Article 6/1, N°161, en date du 10 octobre 1877, Projet du nouveau port
de Bône, non répertorié dans la nomenclature générale du Génie mais classé, dans le
précédent dossier.
29. Dossier 1H 862, Article 6/2, il n’existe pas dans la nomenclature générale des archives du
Génie mais a été trouvé en annexe du N°6, en date du 27 août 1858.
30. Dossier 1H 862, Article 6/2, N°6, rapport sur le Plan de la nouvelle ville de Bône, le
document n’existe pas dans la nomenclature générale des archives du génie mais a été
trouvé en annexe du sous- dossier N°6 en date du 27 août 1857. Il ne porte aucune
référence de classement.
31. Dossier 1H 862, Article 6/2, Plan Terrier de 1922.
32. Dossier 1H 862, l’article 6/3, dépêche citée dans le PV de séance du comité des
fortifications du 13 Novembre 1850, référencié Article 9/1, N° 99, mais trouvé dans le
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Table des figures
399
TABLE DES FIGURES.
Intitulé Page
Fig.1 : Enceintes fortifiées de trois villes de Gaulles du IIIe et IVe siècle : Perrégaux,
Senlis et Tours ; comprenant châteaux, cathédrale et parfois amphithéâtre.
32
Fig.2 : Le fort de la Rade selon le projet de Vauban à l’île d’Aix. 35
Fig.3 :L’empire ottoman en 1683. 37
Fig.4 : L’Algérie ROMAINE. 66
Fig.5 : Plan de Hippone. 70
Fig.6 : Plan de la Rome antique. 73
Fig.7 : La ville romaine en échiquier d’après une illustration de 1536 du traité de
Vitruve.
74
Fig.8 : Plan de Timgad. 79
Fig.9 : Vue aérienne de Timgad. 79
Fig.10 : Tracé de l’aqueduc de Rome. 81
Fig.11 : Détail d’aqueduc. 81
Fig.12 : Voie Appienne 83
Fig.13 : Coupe transversale d’une voie romaine. 83
Fig.14 : Vue reconstituée d’un camp romain. 88
Fig.15 : Le camp romain selon la description Polubius. 89
Fig.16 : Partie septentrionale du camp de Lambasis. 89
Fig.17 : Deux camps romains sur le Danube qui sont devenus le noyau central des villes
de Ratisbonne et vienne.
90
Fig.18 : Reconstitution d'une palissade. 91
Fig.19 : Exemple de plan d’ensemble d’une place fortifié. 94
Fig.20 : Situation en montagne. 95
Fig.21 : Plan du Château Gaillard (XIIème siècle). 95
Fig.22 : Tour de Montlhéry. 96
Fig.23 : Coupes sur Fossé. 96
Fig.24 : Porte Saint-Jean à Provins (vue extérieure). 97
Fig.25 : Pont de Sutri (Italie). 97
Fig.26 : Pont de Tavignano (Corse). 97
Fig.27 : Château de Vincennes. 98
Fig.28 : Accès type : (A : porte, B : pont et C : fossé). 98
Fig.29 : Porte double avec pont-levis : A : porte, B : herse, C : porte et D : corps de
garde.
99
Fig.30 : Formes de tours. 99
Fig.31 : Tour verticale de Narbonne. 100
Fig.32 : Tour tronconique du château de Fougères. 100
Fig.33 : Tour pyramidale d’Angoulême. 100
Fig.34 : Créneaux d’Avignon avec meurtrières. 101
Fig.35 : Moucharabieh de l’enceinte d’Aigues mortes. 101
Fig.36 : Coupe transversale d’un mâchicoulis : A : rempart, B et D : consoles et C :
créneau.
101
Fig.37 : Coupe sur courtine (Château de Beaucaire). 102
Fig.38 : Types de meurtrières. 102
Fig.39 : Plan du château de Blanquefort (XIIIème siècle). 103
Fig.40 : Château de Coucy au donjon tangent au rempart. 103
Fig.41 : Plan des magasins du château du Vivier. 104
Table des figures
400
Fig.42 : Coupe sur les oubliettes du château Chinon. 104
Fig.43 : Vieille photographie de Bab El Qarmadin au Nord de la Qal’a. 106
Fig.44 : Qal’a Baní Hamad : Plan du donjon du Manar. 107
Fig.45 : L’Algérie sous les ottomans. 115
Fig.46 : Plan de Constantine au XVIIème siècle. 122
Fig.47 : Plan de Constantine lors de prise. 123
Fig.48 : L'Empire colonial français. 134
Fig.49 : Hiérarchies des rues de Paris. 170
Fig.50 : Premier hôpital militaire « Jardins du dey ». 199
Fig.51 : Alger : caserne de La Salpêtrière. 200
Fig.52 : Hôpital Mustapha Pacha : les pavillons. 200
Fig.53 : Ain Beida : Hôpital militaire. 201
Fig.54 : Ain Djelfa : Hôpital militaire. 201
Fig.55 : Alger : Asile de vieillards de Bouzaréah. 203
Fig.56 : Plan de Bône entre 1832 et 1836. 219
Fig.57 : Les principaux équipements militaires de la Place de Bône en 1848. 224
Fig.58 : Plan de Bône en 1888 comprenant les équipements militaires et la nouvelle
Enceinte.
226
Fig.59 : Les équipements militaires de Bône en 1922. 227
Fig.60 : Équipements militaires de Bône en 1958. 228
Fig.61 : Les équipements militaires de Annaba, actuels. 229
Fig.62 : Transformation du Pavillon des officiers. 233
Fig.63 : Plan de la Mosquée du Bey portant les modifications à apporter. 234
Fig.64 : Plan des rues et places de Bône. 238
Fig.65 : Projet de façade de la mosquée du Bey. 238
Fig.66 : Bône, La Boudjimah et les plages de mouillage en 1832. 240
Fig.67 : Projet du nouveau quai. 241
Fig.68 : Le Port de Bône en 1875 241
Fig.69 : Ouverture des rues Fréart et Bouffreau à partir du quai vers la place d’Armes. 242
Fig.70 : Plan montrant le comblement de l’embouchure de la Boudjimah. 243
Fig.71 : Le Port dans la ville de Bône en 1900. 244
Fig.72 : Le Port dans la ville de Bône en 1950. 244
Fig.73 : Projet du Cour Napoléon avec les terrais cédés par les militaires à la
municipalité 1865.
246
Fig.74 : Plan de Bône comprenant les travaux d’assèchement de la plaine Ouest. 247
Fig.75 : Tracé de la nouvelle enceinte au niveau de la darse et du canal exutoire. 248
Fig.76 : Typologie des constructions de la vieille ville de Annaba. 252
Fig.77 : Plan de Constantine lors de la prise. 255
Fig.78 : Les principaux équipements militaires de la place de Constantine 1875. 261
Fig.79 : Plan de Constantine dressé en 1878. 263
Fig.80 : Plan de la casbah 1878 264
Fig.81 : Plan d’ensemble du quartier du Bardo. 266
Fig.82 : Plan d’ensemble du projet de casernement du Mansourah pour 1866-1867. 267
Fig.83 : Plan d’ensemble du quartier de Sidi Mabrouk en 1868. 268
Fig.84 : Plan d’ensemble du quartier de Sidi Mabrouk en 1878. 268
Fig.85 : Projet du Fort Bellevue 1868-1869. 269
Fig.86 : projet d’agrandissement du fort de Bellevue en 1878. 270
Fig.87 : Plan de situation de la redoute du coudiat Aty comprenant l’aménagement de la
rue de Fleury ;
271
Table des figures
401
Fig.88 : Plan de masse du Fort de Sidi M’cid et sa zone de servitude. 272
Fig.89 : Porte et Place d’El Kantara. 273
Fig.90 : Élévations de la porte El-Djébia. 274
Fig.91 : Plan d’ensemble de la Place de Constantine en 1881. 277
Fig.92 : Les équipements militaires de la place de Constantine 1958. 278
Fig.93 : Les équipements militaires actuels de Constantine. 279
Fig.94 : Plan de la casbah en 1853. 282
Fig.95 : Plan de la casbah en 1838. 282
Fig.96 : Plan de la casbah en 1840. 282
Fig.97 : Plan de masse du Palais du bey en 1840. 285
Fig.98 : Plan de masse du Palais du bey en 1853. 285
Fig.99 : Plan du Palais du Bey. 287
Fig.100 : Elévations du palais. 288
Fig.101 : Plan des Voies principales de communication et Places de Constantine en
1878.
298
Fig.102: Projet d’agrandissement de l’enceinte de Constantine avec le nouveau quartier
du coudiat Aty.
300
Fig.103 : carte postale montrant les travaux de dérasement du coudiat Aty : Remblai sur
la route de Philippeville
301
Fig.104 : carte postale montrant les travaux de dérasement du coudiat Aty : Remblai sur
l’assiette de la place de la Brèche, et square Vallée
301
Fig.105 : Plan d’ensemble de l’hôpital et de ses annexes : projet pour 1845. 316
Fig.106 : Plan d’ensemble de l’hôpital et de ses annexes : projet pour 1852. 317
Fig.107 : Plan d’ensemble de l’hôpital et de ses annexes : projet pour 1864. 318
Fig.108 : Projet de l’Hôpital Sidi Marouane, A : état des lieux. 320
Fig.109 : Projet de l’Hôpital Sidi Marouane, B : projet. 320
Fig.110 : Projet d’agrandissement de la mosquée hôpital de 1846. 322
Fig.111 : plan de réaménagement de l’hôpital. 323
Fig.112 : plan de réaménagement de l’hôpital. 323
Fig.113 : Situation du Lazaret de Bône. 326
Fig.114 : Plan du Rez de Chaussée du lazaret du Fort Génois. 327
Fig.115 : Plan du premier étage du lazaret du Fort Génois. 329
Fig.116 : Plan de situation du dispensaire. 332
Fig.117 : Plan de situation du jardin de la médina. 335
Fig.118 : Plan de situation du square Randon. 336
Fig.119 : Croquis des plantations à Bône. 337
Fig.120 : Plan d’ensemble de la mosquée en 1833. 339
Fig.121 : Plan d’ensemble de la mosquée en 1845. 339
Fig.122 : Carte postale ancienne représentant une vue sur la médina de Annaba avec la
mosquée de Sidi Marouane en haut à droite et la casbah en haut à gauche.
340
Fig.123 : Partie du plan d’ensemble de la casbah de 1838 comprenant le projet de
l’hôpital militaire.
345
Fig.124 : Plan de la Casbah daté de 1840. 346
Fig.125 : Plan de situation de la caserne du Khalifat. 351
Fig.126 : Projet de l’hôpital de Constantine pour 1845. 355
Fig.127 : Plan d’ensemble de la Casbah en 1853. 360
Fig.128 : récapitulatif de la contenance de l’hôpital militaire de Constantine en 1847. 361
Fig.129 : Projet d’amélioration de l’hôpital pour 1860. 362
Fig.130 : Plan d’ensemble du quartier de la casbah en 1872. 366
Table des figures
402
Fig.131 : Plan de situation du premier hôpital civil. 367
Fig.132. : Plan de situation de l’hôpital civil en1878. 368
Fig.133 : Les deux squares de la Place de la Brèche. 370
Fig.134 : Projet d’entretien des plantations aux abords de Constantine (1847). 371
Fig.135 : Vue aérienne de la casbah actuellement. 373
Fig.136 : Nouveau tracé de l’enceinte de la casbah. 373
Fig.137 : Photographies de la casbah. 374
Fig.138 : Photographie de la casbah. 374
Fig.139 : Actes du Génie sur Annaba et Constantine. 384
Table des Matières
403
TABLE DES MATIÈRES.
SOMMAIRE
INTRODUCTION GENERALE. 1
PROBLEMATIQUE. 5
METHODOLOGIE. 9
PREMIÈRE PARTIE. HISTORIQUE DES ARMÉES ET DES VILLES
MILITAIRES.
12
Introduction de la première partie. 12
CHAPITRE PREMIER : DES ARMÉES ET VILLES DE L’ANTIQUITÉ
AUX ARMÉES CONTEMPORAINES.
14
Introduction 14
1. Les armées et villes de l’antiquité 14
1.1 Les premières armées correspondant au premier âge militaire. 15
1.2. Les armées et villes du deuxième âge. 15
1.2.1. Les Armées et villes asiatiques. 16
1.2.1.1. L’armée et les réalisations militaires de Chine. 16
1.2.1.2. L’armée de Mongolie. 18
1.2.2. L’armée et villes grecque. 18
1.2.3. L’armée de Macédoine. 21
1.2.4. L’armée Romaine. 22
1.2.4.1. L’organisation de l’armée impériale romaine. 23
1.2.4.1.1. La hiérarchie de l'armée impériale romaine. 23
1.2.4.1.2. La légion impériale. 24
1.2.4.1.3. Les cohortes prétoriennes. 24
1.2.4.1.4. Les cohortes urbaines 25
1.2.4.1.5. Les cohortes de vigiles. 25
1.2.4.1.6. La cavalerie. 25
1.2.4.1.7. La marine. 26
1.2.4.1.8. L'armée des frontières. 27
1.2.4.2. Le service et rôle de l’armée. 28
2. Les armées et villes médiévales. 30
2.1. Les armées et les villes du Moyen Âge en Europe. 30
2.2. Les armées royales française et européennes. 33
2.3. L’armée et les villes ottomanes. 36
3. L’armée française du XVIIIème siècle à nos jours. 41
3.1. Les armées napoléoniennes. 44
3.2. Les armées contemporaines. 45 3.2.1. Les guerres et le développement des armées. 46
3.2.2. L’Armée française contemporaine. 46
3.2.2.1. L’organisation de l’armée française. 47
Table des Matières
404
3.2.2.1.1. L’armée de terre. 48
3.2.2.1.2. La marine. 49
3.2.2.1.3. Armée de l’air. 50
3.2.2.1.4. La gendarmerie. 52
3.2.2.2. Les services communs. 54
3.2.2.3. Le génie militaire. 55
3.2.2.4. Les services de santé militaires. 60
Conclusion. 62
CHAPITRE DEUXIÈME. LA COLONISATION ROMAINE :
PEUPLEMENT ET URBANISATION.
64
Introduction. 64
1. La colonisation romaine de l’Afrique du nord. 64
2. L’hygiène et la santé chez les romains, un déterminant de l’urbanisme. 67
3. Rome et l’urbanisation. 71
3.1. Rome : un modèle d’urbanisation. 72
3.2. L’implantation des cités romaines en Afrique. 73
3.3. L’implantation militaire romaine en Algérie. 75
3.4. La morphologie des cités militaires romaines en Afrique, cas de Timgad. 76
3.5. Les centres de peuplement romains. 79
3.6. Les romains et le système hydraulique. 80
3.7. Les voies de communications romaines. 82
Conclusion. 84
CHAPITRE TROISIÈME. L’ARCHITECTURE ET L’URBANISME
MILITAIRES DE L’ANTIQUITÉ AU MOYEN ÂGE.
85
Introduction. 85
1. L’Architecture et l’urbanisme militaires grecs. 85
2. L’architecture et l’urbanisme militaires romains. 87
2.1. Les campements ou castra ou castrum. 87
2.2. Les forteresses légionnaires. 90
2.3. La protection des frontières (le limes). 91
3. L’architecture militaire du moyen âge. 92
3.2. L’architecture militaire du moyen âge en Europe. 92
3.2. L’Architecture militaire musulmane. 105
Conclusion. 108
Conclusion de la première partie 110
DEUXIÈME PARTIE : LE CONTEXTE GÉOPOLITIQUE ET SOCIAL DE
LA COLONISATION.
112
Table des Matières
405
Introduction de la Deuxième Partie. 112
CHAPITRE PREMIER : L’ALGÉRIE SOUS LA RÉGENCE 113
Introduction. 113
1. L’Algérie sous les ottomans. 113
1.1. La division politique de la Régence. 114
1.2. Les villes algériennes sous la régence. 116
1.3. La répartition des populations urbaines selon les ethnies. 117
1.4. Les populations rurales. 118
2. L’organisation de la gérance ottomane. 119
2.1. L’appareil administratif des Deys. 119
2.2. Les prérogatives du Dey. 120
2.3. Le beylicat de Constantine. 121
3. La médecine en Algérie pendant la période ottomane (1516-1830). 125
3.1. La médecine traditionnelle. 125
3.2. La médecine turque. 127
3.3. La médecine européenne. 128
Conclusion. 129
CHAPITRE DEUXIÈME. LA FRANCE ET LE CONTEXTE DE
L’OCCUPATION DE L’ALGÉRIE.
131
Introduction. 131
1. La France et la colonisation de l’Algérie. 131
1.1. La situation politique en France. 132
1.2. L’empire français de 1830 à 1962. 133
1.3. La question de l’occupation française et les personnalités politiques françaises. 135
2. Les contextes de la conquête de l’Algérie. 140
2.1. Les potentialités de L’Algérie vues par les militaires français du XIXème
siècle : les raisons d’une conquête.
140
2.2. La colonisation française de l’Algérie, sur les traces de Rome. 143
2.3. La France en Algérie entre 1830 1860. 148
3. Les instruments juridiques de la colonisation. 150
3 .1. Le Sénatus Consulte. 151
3.2. 1870 : L’avènement de la République : un nouveau cadre juridique. 153
4. Les outils administratifs. 155
4.1. Le découpage militaire et administratif de l’Algérie. 155
4.2. Le cantonnement. 158
4.3. Le Régime Foncier. 159
4.4. Le Régime Des Concessions. 160
4.5. La gestion des affaires arabes. 161
Table des Matières
406
Conclusion. 162
CHAPITRE TROISIÈME. L’URBANISATION EN FRANCE AU XVIIIÈME
ET XIXÈME SIÈCLES, UN RÉFÉRENT POUR L’ÉTABLISSEMENT DES
FRANÇAIS EN ALGÉRIE.
163
Introduction. 163
1. les innovations dans le domaine de la construction aux XVIIIème et XIXème
siècles.
164
1.1. Le métier d’architecte aux XVIIIème et XIXème siècle. 164
1.2. L’émergence de nouveaux corps de métier du bâtiment. 165
1.3. La dédensification de Paris ou le model d’alignement. 165
1.4. Les plans d’alignement et de redressement. 166
2. La transformation de l’immeuble parisien. 167
2.1. L’apparition de nouveaux espaces dans l’immeuble parisien. 168
2.2. Les percées et l’immeuble haussmanniens. 169
2. 3. Les lotissements de Paris. 170
2.4. L’industrialisation et les problèmes d’hygiène à Paris. 171
3. Les compétences dans le bâtiment et les infrastructures. 172
3.1. Les maîtres d’œuvre. 172
3.1.1. Le Génie militaire. 174
3.1.1.1 les prérogatives du Génie Militaire en Algérie. 175
3.1.1.2. L’enseignement suivi par les ingénieurs du Génie Militaire. 176
3.1.2. Le service des Ponts-et-Chaussées. 179
3.1.3. Le service des Bâtiments civils. 181
3.2. Le Génie Militaire force française de Construction. 182
3.2.1. Les constructions défensives en France à la charge du Génie militaire. 182
3.2.2. Les outils techniques de conception du Génie militaire. 184
3.2.2.1. La régularité. 184
3.2.2.2. Le découpage du sol et les dimensionnements. 186
3.2.2.3. La géométrie des dispositions. 186
3.2.2.4. Les percées dans les tissus anciens. 187
3.2.2.5. Les arcades. 187
3.2.2.6. Les plantations. 188
3.2.2.7. Les plans d’alignement. 188
Conclusion. 189
CHAPITRE QUATRIÈME : LES MILITAIRES FRANÇAIS ET LES
PRÉALABLES À UN SYSTÈME DE SANTÉ EN ALGÉRIE.
191
Introduction. 191
1. La santé en France. 191
1.1. Les conditions sanitaires en France. 192
1.2. La militarisation de la santé en France. 193
2. Les conditions sanitaires en Algérie à la colonisation. 196
2.1. La médecine. 197
Table des Matières
407
2.2. Les établissements sanitaires. 198
2.3. Fonctionnement des équipements sanitaires. 202
2.4. L’assistance publique. 202
2.5. La formation médicale. 204
2.6. La recherche et les médecins militaires en poste en Algérie 205
2.7. Les militaires et le thermalisme (cas de Hammam Meskoutine et Béni-Khalil). 206
2.8. Architecture et urbanisme sanitaires. 210
Conclusion. 211
Conclusion de la deuxième partie. 213
TROISIÈME PARTIE : LES CASERNEMENTS ET FORTIFICATIONS ET
LEURS IMPACTS À ANNABA ET CONSTANTINE.
215
Introduction de la troisième partie. 215
CHAPITRE PREMIER : LES CASERNEMENTS ET LES
FORTIFICATIONS ET LEURS IMPACTS À ANNABA. UNE
IMPLANTATION INTRAMUROS
218
Introduction 218
1. La ville de Bône : atouts et contraintes. 218
2. Les casernements et Les fortifications. 220
2.1. La logique d’implantation des casernements et fortifications. 221
2.2. Les équipements militaires, une deuxième ceinture à la ville. 225
3. Impacts des installations militaires sur les tissus urbains existants. 230
3.1. Impacts sur le plan architectural. 230
3.1.1. La transformation des maisons. 230
3.1.2. La transformation de la mosquée du Bey. 234
3.2. Impacts sur le plan urbain. 236
3.2.1. La place d'Armes, régulation géométrique et représentation. 237
3.2.2. Le port : fortifications, construction et aménagement. 239
3.2.3. L’extension de la ville de Bône : des impératifs militaire, politique et
technique.
244
3.2.3.1. Le nouveau mur d’enceinte. 245
3.2.3.2. La ville retournée. 246
3.2.3.3. L’assainissement en vue de l’extension. 247
3.2.3.4. La contrainte de la nature du sol. 248
3.2.4. Les plans d’alignements et de redressement : des objectifs militaires. 249
Conclusion. 250
CHAPITRE DEUXIÈME. LES CASERNEMENTS ET FORTIFICATIONS
ET LEURS IMPACTS À CONSTANTINE. DES IMPLANTATIONS
SRATÉGIQUES EXTRAMUROS
253
Introduction. 253
Table des Matières
408
2.11. Les équipements militaires et la ville : une défense intramuros et extramuros. 276
3. Impacts des interventions militaires sur les tissus urbains existants. 280
3.1. Impacts sur le plan architectural. 280
3.1.1. Le quartier de la casbah, une nouvelle citadelle. 280
3.1.2. Incidences des transformations sur le Palais du Bey et son environnement. 284
3.1.3. Les transformations des maisons. 289
3.2. Impacts sur le plan urbain. 291
3.2.1 Ouverture des voies de communication et des places. 292
3.2.1.1. Ouverture d’une voie carrossable entre la casbah et la porte Valée. 293
3.2.1.2. Ouverture d’une voie carrossable de la porte d’El Kantara à la casbah. 295
3.2.1.3. La place du Palais. 297
3.2.2. L’extension de la ville. 299
3.2.3. L’évolution de la ville européenne. 302
Conclusion. 303
Conclusion de la troisième Partie. 305
QUATRIÈME PARTIE. LES INTERVENTIONS SANITAIRES DU GÉNIE
À ANNABA ET CONSTANTINE.
307
Introduction de la quatrième partie 307
CHAPITRE PREMIER. LES RÉALISATIONS SANITAIRES DU GÉNIE
MILITAIRE À ANNABA. UNE COUVERTURE SANITAIRE
D’ENSEMBLE.
309
Introduction 309
1. L’hôpital militaire. 309
1.1. Logique de choix des implantations. 310
1.2. La capacité de l’hôpital. 310
1.3. Le processus de transformation de la mosquée. 313
1. Les atouts stratégiques de Constantine. 254
2. Les casernements et Les fortifications. 256
2.1. La logique d’implantation des casernements et fortifications. 260
2.2. Le palais du Bey, nouveau poste de commandement. 262
2.3. Le Quartier de la casbah, un espace militaire polyvalent. 264
2.4. Le Quartier du Bardo, casernement de l’Arme train. 265
2.5. Le Quartier du Mansourah, siège de l’État Major et du 3ème
régiment des
Chasseurs d’Afrique.
266
2.6. Le Quartier de Sidi Mabrouk, siège de la Remonte. 267
2.7. Le Fort de Bellevue, siège de l’artillerie. 269
2.8. Le Fort du coudiat Aty. 270
2.9. Le fort de Sidi M’cid. 271
2.10. Les portes, un système d’accessibilité fortifiée. 272
2.10.1. La Porte d’El Kantara. 273
2.10.2. La Porte Djébia . 273
2.10.3. La Porte Valée. 275
Table des Matières
409
1.4. Le projet de 1846. 319
1.5. Le projet de réaménagement de 1870. 323
2. Le lazaret. 325
3. Le dispensaire. 331
4. Les infirmeries. 333
5. Les plantations à Bône : un complément à l’hygiène. 335
6. Impacts des réalisations sanitaires sur le tissu existant. 338
6.1. Impacts sur le plan architectural. 338
6 .2. Impacts sur le plan urbain. 341
Conclusion. 343
CHAPITRE DEUXIÈME. LES RÉALISATIONS SANITAIRES DU GÉNIE
MILITAIRE À CONSTANTINE. DES HÔPITAUX D’ENVERGURE.
344
Introduction. 344
1. L’hôpital militaire. 344
1.1. Le projet d’hôpital de 1838. 345
1.2. Le projet de 1840. 346
1.2.1. Le système constructif. 346
1.2.2. Disposition générale des espaces. 348
1.2.3. Le mode d’exécution. 349
1.3. Le Projet de 1845. 354
1.4. Les projets ultérieurs à 1850. 356
2.5. L’édification de l’hôpital civil. 366
1.6. Les Plantations à Constantine. 369
2. Impact des réalisations sanitaires sur le tissu existant. 372
3. L’hôpital militaire de Constantine aux normes du XIXème siècle. 375
Conclusion 377
Conclusion de la Partie 379
Conclusion générale 381
Bibliographie 388
Table des figures 399
Table des matières 403
Annexes
Annexe 1 : Exploitation des archives. I
Table des Matières
410
Annexe 2 : Les autorités ayant gouverné l’Algérie de 1834 à 1962. VII
Annexe 3 : Listes des responsables du beylik de Constantine. XII
Annexe 4 : Composition De L’armée De Terre Lors de la conquête de l’Algérie. XIII
Annexe 5 : Consultation des archives de Vincennes. XX
Annexe 6 : Nomenclature générale du Génie, SHD. XXI
Annexe 7 : Consultations des archives d’Aix en Provence. XLII
Annexe 8 : Spécimen d’une fiche de recherche du CAOM XLIII
Annexe 9 : Copie du rapport sur le projet de règlement de voirie pour la ville
d’Alger.
XLV
Annexe 10 : Copie d’un procès verbal de conférence. XLVI
Annexe 11 : Copie d’Apostilles. XLVII
Annexe 12 : Copie de Mémoire militaire, Archive du Génie, Vincennes, Paris. XLVIII
Annexes
I
Annexe 1
Exploitation des archives
La prospection au niveau des archives adopte la méthode d’exploitation des documents
manuscrits à savoir la description de la forme et du contenu du document archivé.
1. Exploitation des Procès verbaux de la municipalité de Bône.
Bien que la municipalité ait été instaurée en 1848, les archives les plus anciennes retrouvées
couvrent la période de 1865 à 1877.
Les archives sont classées dans des cartons comportant selon le nombre, une à deux années de
gérance. Les cartons sont disposés sur des rayonnages chronologiquement.
Les archives ne sont pas répertoriées. Pour les retrouver, le recours à l’aide de l’archiviste a été
nécessaire.
Le P.V se présente en doubles feuilles de couleur ocre, dont la page est de format 21x31cm. La
double feuille externe se distingue du reste. Seule la première feuille est imprimée. Lorsqu’il
s’agit de P.V de Budget, les feuillets intérieurs et la deuxième page sont imprimés sous forme de
tableaux à deux colonnes. Pour les autres P.V, les feuillets intérieurs ainsi que la deuxième page
sont imprimés d’un fond surligné. Il débute par une page de garde. Le nombre de pages dépend
du contenu. Il arrive qu’il s’achève par une ou deux pages vierges. Les pages sont structurées en
marges à gauche et corps de texte516
.
Les marges peuvent comprendre des annotations du type : approuvé ou alloué, rejeté ou ajourné.
La page de garde comporte l’entête du Ministère de la guerre et celui de la municipalité. Elle
comporte, en outre, le nom et prénoms et la qualité de chacun des membres du Conseil
Municipal et du Commandant de la Place et du Chef du Génie ou de son représentant s’il est
partie prenante. Les membres absents sont signalés avec leur justification si elle existe.
Elle comprend la date, le type de séance, ordinaire ou extraordinaire, et l’ordre du jour. La page
de garde des budgets consultés présente et ce jusqu’en 1870 des détails sur la constitution de la
516
Nous n’avons pas pu produire une copie de ces procès verbaux car ils sont interdits au prêt et la municipalité de
Annaba ne dispose pas au niveau du service d’Archives de matériel de reprographie.
Annexes
II
population bônoise. Il n’est cependant pas spécifié sur le document si cette population couvre la
ville ou la municipalité.
La dernière page du texte, comporte la date, les noms et signatures des participants. Par ailleurs,
elle nous renseigne sur les personnalités qui ont lu et/ou approuvé le PV, En général ceux sont
les noms et prénoms du Préfet de Constantine, du Gouverneur Général (Alger) et du Ministre
secrétaire d’État à la guerre (Paris). Chacune de leur signature est suivie de la date de
consultation du dit PV.
Les PV concernant les budgets annuels ou exceptionnels, de 1865 à 1872, comprennent au
niveau de la page de garde un tableau de répartition de la population qui est détaillée selon son
origine c'est-à-dire européenne ou autochtone (sans différence de pays ou de religion) comme
suit :
Population totale ;
Garnison ;
Pénitentiaire ;
Prisons militaire et civile ;
Hôpitaux militaire et civil ;
Orphelinat ;
Population flottante.
A partir de 1873 la population n’est plus classée qu’en : population européenne, autochtone et
autre.
De 1865 à 1877 la population européenne dépasse en nombre la population autochtone (plus du
double en 1877)
De 1865 à 1870, la garnison en place est essentiellement constituée d’européens mais comporte
déjà des autochtones
Si les autochtones sont plus nombreux dans les prisons qu’elles soient civile ou militaire, il sont
en revanches moins nombreux dans les hôpitaux dans l’orphelinat ou dans les ateliers
pénitenciers. Le détail des budgets nous permet d’établir les relations qui existent entre génie
militaire et municipalité puis militaires et la municipalité517
.
517
Ainsi le génie militaire facture à cette dernière chaque année 300 fr pour l’entretien des plantations des Santons.
Annexes
III
2. Exploitation des Archives du Centre des Archives d’Outre-mer : CAOM
Les archives nationales d’outre-mer à Aix en Provence contiennent deux séries se rapportant aux
édifications réalisées en Algérie : les séries « N » et « F14 ».
La série « N » concerne les travaux publics et la sous-série « 1N1 » à « 1N30 » concerne les
bâtiments civils et la voirie urbaine. La série « F14 » contient les plans des villes.
La série « F80 » concerne le Sénatus Consulte concernant l’Algérie.
Nous avons très peu utilisé les archives du CAOM, car elles se rapportent comme nous l’avons dit aux
travaux réalisés par les services civils de la construction à savoir les Ponts-et-Chaussées et les Bâtiments
Civils. Par ailleurs il nous a été pénible de les consulter, car sans l’aide de l’agent chargé des archives, la
nomenclature est difficile à décrypter.
3. Exploitation des Archives du Service Historique de la Défense, Vincennes : SHD
Le fond d’archives consulté est conservé par le Service Historique de l’Armée de Terre, SHAT,
au niveau du château de Vincennes, il est constitué de deux séries qui concernent les villes.
Les archives disposent de documents concernant tous les travaux dont le génie militaire avait la
charge.ces dossiers sont classés « 1H ».Toutes les régions d’Algérie y figurent.
Les dossiers concernant Constantine sont répertoriés « 1H 805 à 1H 832 » et concernent la
période allant de 1838 à 1958
Nous relevons beaucoup de rapports de litige quant à l’utilisation des militaires comme mains d’œuvre à payer par la
municipalité. La politique de colonisation se voulant de peuplement, l’Algérie se présentait comme un grand
chantier à ciel ouvert et donc comme absorbant du chômage existant en métropole.
Seulement la main d’œuvre qui se présentait alors était sous qualifiée, sous alimentée et fortement indisciplinée. Ce
qui poussait les entreprises de réalisation quelque soit leur nature, à préférer la main d’œuvre militaire plus
disciplinée, mieux nourrie et souvent moins chère. Les politiques et militaires au niveau local ou en haut lieu se
trouvaient devant un dilemme :
Employer les civils afin de favoriser le peuplement et résorber le chômage en métropole mais provoquer
des retards, surcoûts et des malfaçons.
Employer de la main d’œuvre militaire avec tous les avantages économiques mais freinant le peuplement.
La commune est redevable aux militaires en loyer pour l’occupation de certains terrains militaires (45 / 150 Fr.)
Les militaires jusqu’en 1877 (dernier budget en notre disposition) consommaient l’eau de la commune
gratuitement ; mais les civils veulent les faire payer.
Les hôpitaux et médecins militaires prenaient en charge la population civile surtout celle considérée comme
indigente par la municipalité.
Les budgets de la commune sont soumis à l’approbation du Préfet de Constantine (3ème
département d’Algérie) puis
au gouverneur général d’Alger puis au ministre secrétaire d’état de la guerre.
Le salaire annuel alloué à l’architecte de la municipalité dont le service change de nom (petites voieries, bâtiments
communaux,,,,) est égale à la moitié de celui du maire mais demeure important ( variant de 2600 Fr à 3600 Fr).
Les israélites ont bénéficié de l’école avant les musulmans avant leur naturalisation par la loi Crémieux de 1864
Bien qu’en 1877 la république revendiquait et prônait la laïcité, la municipalité accordait une aide au culte israélite à
partir de 1865.La première école destinée aux musulmans voit le joue en 1872 .
Annexes
IV
Les dossiers concernant Annaba « Bône » sont répertoriés « 1H 864 » et couvrent la période
allant de 1832 à 1954.
Chaque place militaire comprend plusieurs articles :
Article 1 : généralités allant de 1838 à 1922 pour Constantine et de1830 à 1912 pour
Bône ;
Article 2 : fortifications allant de 1838 à 1818 pour Constantine et de 1832 à 1825 pour
Bône ;
Article 3 : bâtiments militaires et casernements, construction et entretien allant de 1838 à
1941 pour Constantine et de 1832 à 1941 pour Bône ;
Article 4 : marchés pour l’exécution des travaux allant de 1842 à 1938 pour Constantine
et 1844 à 1933 pour Bône ;
Article 5 : comptabilité des travaux allant de 1838 à 1941 pour Constantine et de 1832 à
1941 pour Bône ;
Article 6 : domaine militaire :
o Article 6/1 : domaine militaire allant de 1840 à 1942 pour Constantine et de 1834
à 1941 pour Bône ;
o Article 6/2 : domaine militaire allant de 1843 à 1914 pour Constantine et de 1832
à 1922 pour Bône ;
o Article 6/3 : Affermages et locations allant de 1843 à 1923 pour Constantine et de
1837 à 1941 pour Bône ;
o Article6/4 : Inventaires, États des Propriétés Domaniales pour les années 1846 et
1847 et allant de 1834 à 1848 pour Bône ;
Article 7 : servitudes défensives subdivisé en deux sous-articles 7/1 et 7/2 pour
Constantine et allant respectivement de 1847 à 1936 et de 1848 à 1922. alors que le 7/1
va de 1838 à 1934 pour Bône qui ne comprend pas de sous-article 7/2 ;
Article 8 : travaux mixtes Seule Constantine comprend cet article et il va de 1846 à 1938.
Chacun des articles peut comporter selon la place plusieurs sous-articles. Le détail de chaque
article est répertorié. Tout document existant dans les dossiers est nommé, daté et numéroté, à
titre d’exemple : note explicative du projet d’organisation de la Casbah (n° 5, 1er
octobre 1838).
Annexes
V
Chaque dossier « 1H –X » peut contenir plusieurs cartons, comme plusieurs dossiers « 1H-X »
peuvent être contenus dans un même carton. Il n’existe pas de classement ou répertoire par
carton.
Notre consultation s’est donc basée sur le titre des articles selon notre intérêt. Toute fois la
consultation d’autres articles selon le détail de leur contenu nous ont permit soit le recoupement
d’informations soit le complément de ces informations par rapport à la stratégie générale afin de
comprendre certains faits.
Les documents consultés sont de cinq types : les mémoires518
militaires, les apostilles519
qui
accompagnent ces derniers, les minutes520
, les procès verbaux de conférences et des lettres. Les
documents antérieurs à 1900 sont de format 21x31cm, alors que ceux postérieurs à cette date,
sont de formats A4. Tandis que les premiers sont en papier ocre, les derniers sont parfois en
papier pelure de différentes couleurs. Ces derniers sont dactylographiés alors que les premiers
sont manuscrits.
À l’instar des procès verbaux de la municipalité, ils portent tous l’entête du ministère de la
guerre, et sont imprimés de la même sorte sauf pour les feuillets comprenant les détails
d’estimation d’un projet. Ce type de documents est présent dans les apostilles.
Les documents sont différemment imprimés. Les mémoires ne sont que surlignés alors que les
apostilles présentent deux colonnes à droite de la page. Ces deux dernières sont réservées aux
montants demandés par le Chef du Génie de la place en première colonne et en seconde colonne
aux montants demandés par le Commandant de la place. Les deux montants peuvent être
différents, comme ces deux premiers responsables de la Place peuvent ne pas demander de
budget pour le même chapitre. La colonne de gauche est réservée quant à elle au descriptif de
l’objet. Cependant certains projets sont détaillés plus finement et c’est sous forme de grand
tableau (dont la taille va dépendre de celle des projets) que sont mentionnés les différents
chapitres et sous-chapitres. Ce type de tableau est réservé à récapituler l’ensemble des travaux
pour l’année en cour. En outre, il existe des apostilles spéciales portant la mention « Ordre
d’Urgence » qui concernent un point particulier d’un projet nécessitant une rallonge de budget.
518
Mémoire ; nm. Écrit sommaire destiné à exposer l’essentiel d’une affaire. Dresser un mémoire// états des
sommes dues pour les honoraires, pour des fournitures, etc.// Mémoire de travaux , état définitif, détaillé et chiffré,
établi par l’entreprise indiquant les travaux exécutés. Dictionnaire Pratique Quillet, Librairie Quillet, Paris, 1974. 519
Apostille : nf. Annotation ou recommandation en marge d’un écrit, d’une pétition, d’un mémoire. Dictionnaire
Pratique Quillet, Librairie Quillet, Paris, 1974. 520
Minute : nf. Lettre, écriture très fine.//Original, brouillon de ce que l’on écrit d’abord pour en faire ensuite une
copie au net.//Plan levé sur le terrain. Dictionnaire Pratique Quillet, Librairie Quillet, Paris, 1974.
Annexes
VI
Les documents graphiques quand ils existent accompagnent les mémoires lesquels débutent par
la description de la Place et finissent par les travaux à engager. Le projet du Génie et le contre-
projet du Directeur des Fortifications ne sont pas toujours présents dans le mémoire.
Les documents sont signés conjointement par le Chef du Génie de la Place et par le commandant
de la Place et par le Directeur des Fortifications.
Si la classification générale est faite, nous avons, cependant, retrouvé des documents non
répertoriés, d’autres répertoriés mais non classés. Dans ce cas, nous le mentionnons dans la note
de bas de page qui accompagne le document.
Annexes
VII
Annexe 2
Les autorités ayant gouverné l’Algérie de 1834 à 1962 :
- gouverneurs généraux de l’Algérie, 19ème corps d'armée, 19ème région militaire ;
- gouverneurs généraux de l’Algérie, 10ème région militaire ;
- ministres résidants en Algérie ;
- délégué général et commandant en chef des forces en Algérie ;
- délégués généraux du gouvernement en Algérie ;
- haut-commissaire de la République en Algérie ;
- délégué du haut-commissaire ;
- ambassadeur de France au moment de l’indépendance de l’Algérie.
Liste des Commandants de la 10ème région militaire, Commandants supérieurs interarmées,
Commandants en chef en Algérie, Commandants en chef des forces en Algérie et Commandants
supérieurs des forces en Algérie de 1954 à 1964.
Les autorités ayant gouverné l’Algérie de 1834 à 1962.
Comte DROUET d'ERLON (Lieutenant Général) 27 juillet 1834
Comte CLAUZEL (Maréchal de France) 8 juillet 1835
Général RAPATET (pi.521
) 12 février
1837
Comte DENYS de DAMREMONT (Lieutenant Général) 12 avril 1837
Général NEGRIER (pi.) 4 octobre 1837
Comte VALEE (Maréchal de France) 1er décembre 1837
Lieutenant Général SCHRAMM (pi.) 19 janvier 1841
Lieutenant Général BUGEAUD 22 février 1841
Général de La MORICIERE (pi.) 15 novembre 1844
Lieutenant général BUGEAUD 12 juin 1845
Général de La MORICIERE (pi.) 1er septembre 1845
Lieutenant général BUGEAUD 15 octobre 1845
Général BAR (pi.) 18 juillet 1846
Maréchal BUGEAUD 5 novembre 1846
Général BAR (pi.) 5 juin 1847
521
Pi : par intérim
Annexes
VIII
Général BEDEAU (p.i.) 29 juin 1847
Duc d'AUMALE (Lieutenant Général) 11 septembre 1847
Général de division CAVAIGNAC 25 février 1848
Général de division CHANGARNIER 29 avril 1848
Général MAREY-MONG (p.i.) 20 juin 1848
Général de division CHARON 9 septembre 1848
Comte d'HAUTPOUL (général de division) 22 octobre 1850
Général de division PELISSIER (p.i.) 22 avril 1851
Gouverneurs généraux de l’Algérie, 19ème corps d'armée, 19ème région militaire :
Général de division Antoine CHANZY 10 juin 1873
Albert GREVY 15 mars 1879
Louis TIRMAN 26 novembre 1881
Jules CAMBON 18 avril 1891
Louis LEPINE 31 octobre 1897
Édouard LAFERRIERE 31 août 1898
Célestin JONNART 3 octobre 1900
Paul REVOIL 18 juin 1901
Célestin JONNART 5 mai 1903
Charles LUTAUD 22 mai 1911
Célestin JONNART 29 janvier 1918
Jean-Baptiste ABEL 31 juillet 1919
Théodore STEEG 28 juillet 1921
Maurice VIOLETTE 12 mai 1925
Pierre BORDES 19 novembre 1927
Jules CARDE 3 octobre 1930
Georges Jacques LE BEAU 21 septembre 1935
Vice-amiral Jean-Marie Charles ABRIA 19 juillet 1940
Général d'armée Maxime WEYGAND 16 juillet 1941
Yves Charles CHATEL 19 novembre 1941
Marcel PEYROUTON 17 janvier 1943
Général d'armée Georges CATROUX 3 juin 1943
Annexes
IX
Gouverneurs généraux de l’Algérie, 10ème région militaire :
Yves CHATAIGNEAU 8 septembre 1944
Marcel Edmond NAEGELEN 25 février 1948
Roger LEONARD 16 mai 1951
Jacques SOUSTELLE 15 février 1955
Ministres résidants en Algérie :
Georges CATROUX 1er février 1956
Robert LACOSTE 9 février 1956
Délégué général et commandant en chef des forces en Algérie :
Raoul SALAN 9 juin 1958
Délégués généraux du gouvernement en Algérie :
Paul DELOUVRIER 16 décembre 1958
Jean MORIN 23 novembre 1960
Haut-commissaire de la République en Algérie :
Christian FOUCHET 19 mars 1962
Délégué du haut-commissaire :
Bernard TRICOT 23 mars 1962
Ambassadeur de France au moment de l’indépendance de l'Algérie (03.07.1962) :
Jean-Marcel JEANNENEY 5 juillet 1962
Liste des Commandants de la 10ème région militaire, Commandants supérieurs interarmées,
Commandants en chef en Algérie, Commandants en chef des forces en Algérie et
Commandants supérieurs des forces en Algérie de 1954 à 1964 :
Commandants de la 10ème région militaire :
Général de division Jean CALLIES 09 mai 1950 au 23 septembre1954
Général de corps d'armée Paul CHECHERRIERE 24 septembre 1954 au 2 juillet 1955
Annexes
X
Commandant de la 10ème région militaire et commandant supérieur interarmées :
Général de division Henri LORILLOT 03 juillet 1955 au 11 novembre 1956
Commandant en chef en Algérie :
Général d'armée Raoul SALAN 12 novembre 1956 au 15 décembre 1958
Commandants en chef des forces en Algérie :
Général d'armée aérienne Maurice CHALLE 16 décembre 1958 au 12 avril 1960
Général de corps d'armée Jean CREPIN 13 avril 1960 au 7 février 1961
Général de corps d'armée Fernand GAMBIEZ 08 février 1961 au 12 juin 1961
Commandants supérieurs des forces en Algérie :
Général de corps d'armée Charles AILLERET 13 juin 1961 au 25 avril 1962
Général de corps d'armée Michel FOURQUET 26 avril 1962 au 17 juillet 1962
Commandants supérieurs des forces armées françaises :
Général de corps d'armée Michel de BREBISSON 18 juillet 1962 au 07 novembre 1963
Général de division Philippe MALIVOIRE-FILHOL de CAMAS 08 novembre 1963 au 15
juin1964
L’Algérie étant sous la seule responsabilité de l’armée jusqu’en 1870, nous nous intéressons à
tous les ministres de la guerre français jusqu’à cette date :
De CHAISNE de BOURMONT Louis, comte, chef de l’expédition sur Alger 8 août 1829
SOULT, duc, de DALMATIE, maréchal 29 octobre 1840
MOLINE de SAINT YON, lieutenant général 10 novembre 1845
SUBVERNIC, baron 25 février 1848
ARAGO, membre du conseil provisoire de l’IIème république 08 avril 1848
CAVAGNAC, général de division, devient chef du gouvernement 17 mai 1848
De La MORICIERE, général de division 28 juin 1848
RULHIERE, général de division 20 décembre 1848
D’HAUTPOUL, comte 31 octobre 1849
De SHRAMM, vicomte 22 octobre 1850
Annexes
XI
REGNAULT de SAINT JEAN d’ANGELY, général de division 09 janvier 1851
RANDON, général de division 24 janvier 1851
De SAINT ARNAUD, général de division 26 octobre 1851
VAILLANT, général de division 11 mars 1854
BONAPARTE NAPOLEON, prince, général de division 24 juin 1858
RANDON, comte, maréchal 16 juin 1858 au 05 mars 1859
De CHASSELOUP LAUBAT Prosper, comte rappelé 24mars 1859
Annexes
XII
Annexe 3
Listes des responsables du beylik de Constantine.
Amin ou syndic des corporations des différents métiers qui se devait de surveiller les ouvriers et
de régler les contestations
Moqadem
Caïd el Bab qui récoltait les droits d’octroi et de douane
Caïd el Souk qui avait le contrôle des marchés
Caïd el Ain à qui revenait la gestion des eaux du beylik
Caïd el Zbel qui assurait la propreté de la ville
Caïd el casbah qui gérait la police et surveillait les filles de joie
Berrah qui annonçait les décisions officielles
Oukil bit el Mal qui administrait les biens habous au profit des nécessiteux et s’occupait de
l’entretien des cimetières
Deux Cadis qui siégeaient au Madjalis présidé par le bey ou Caïd ed Dar et aidés par des
Muphtis et des Adouls pour les jugements qui avaient lieu le vendredi
Bach Katib ou secrétaire général qui supervisait lettres et procès verbaux écrits par les autres
secrétaires (Koutab) et y apposait son sceau
Bach Seyar ou chef des estafettes qui remettait le courrier au dey et au pacha
Caïd el Aouassi dauphin ou prétendant à l’autorité
Caïd el Zmala ou chef des soldats
Agha es baihia ou commandant des troupes de la province. Il a aussi le commandement des
tribus, de la cavalerie. Il a sous ses ordres :
un chaouch jouant le rôle d’adjudant
un Bach Alam ou chef des porte-étendards
un Bach Tobal ou chef des tambours
un Bach Mkahli ou chef de la garde particulière du bey
un Bach Khaznadji ou surveillant des convois de transport d’argent
un Bach Manga ou pourvoyeur des bêtes de somme
un Khoja el Kheyl ou chargé de la marche des chevaux et mulets
un Bach Seradj ou chef des écuries du bey.
Annexes
XIII
Annexe 4
Composition De L’armée De Terre Lors de la conquête de l’Algérie.
L’infanterie formait trois divisions, et chaque division trois brigades522
.
1 ère DIVISION : MM. le
baron Berthezène, lieutenant
général commandant ;
Brossard, colonel, chef d’état-
major ; Reveux, chef de
bataillon, sous-chef : Sergent
de Champigny, sous-intendant
militaire
2e DIVISION : MM. de
Loverdo, lieutenant général,
commandant ; Jacobi, colonel,
chef d’état-major ; Aupick,
chef de bataillon, sous-chef
;Béhaghel, sous-intendant
militaire.
3e DIVISION : MM. le duc
d’Escars, lieutenant général,
commandant ; Petiet, colonel,
chef d’état-major ; Prelot,
chef de bataillon, sous-chef ;
d’Arnaud, sous-intendant
militaire.
1ère BRIGADE : M. Poret de
Morvan, maréchal de camp.
*1er bataillon du 2e léger :
M. de Frescheville, colonel.
*1er bataillon du 4e léger :
M. de Frescheville, colonel.
*3e régiment de ligne : M.
Roussel, colonel.
1ère BRIGADE : M. de
Damrémont, maréchal de
camp.
*6e régiment de ligne : M. de
Laville-Gilles, colonel.
*49e régiment de ligne : M.
Magnan, colonel.
1ère BRIGADE : M. Berthier
de Sauvigny, maréchal de
camp.
*1er bataillon du 9e léger :
M. de Neuchèze, colonel.
*1er régiment du 9e léger : M.
de Neuchèze, colonel.
*35e régiment de ligne : M.
Rulhières, colonel.
2e BRIGADE : M. Achard,
maréchal de camp.
*14e régiment de ligne : M.
d’Armaillé, colonel.
*37e régiment de ligne : M.
de Feuchères, colonel.
2e BRIGADE : M. Monck
d’Uzer, maréchal de camp.
*15e régiment de ligne : M.
Mangin, colonel.
*48e régiment de ligne : M.
de Léridant, colonel.
2e BRIGADE : M. Hurel,
maréchal de camp.
*17e régiment de ligne : M.
Duprat, colonel.
*30e régiment de ligne : M.
Ocher de Beaupré, colonel.
3e BRIGADE : M. Clouet,
maréchal de camp.
*20e régiment de ligne : M.
3e BRIGADE : M. Colomb
d’Arsine, maréchal de camp.
*21e régiment de ligne : M.
3e BRIGADE : M. de
Montlivault, maréchal de
camp.
522 Les chiffres généraux de la composition de l’armée sont tirés des notes de M. le lieutenant général Berthezène
Annexes
XIV
Horric de la Hotte, colonel.
*28e régiment de ligne : M.
Mounier, colonel.
Goutefrey, colonel.
*29e régiment de ligne : M.
de Lachau, colonel.
*25e régiment de ligne : M.
de Montboissier, colonel.
*34e régiment de ligne : M.
de Roucy, colonel.
Effectif : Dix mille deux cents
quatre-vingt quatre hommes et
quatre-vingt-cinq chevaux.
Effectif : Dix mille deux cent
quatre-vingt-quatre hommes
et quatre-vingt-quatre chevaux
Effectif : Dix mille deux cent
quatre-vingt-quatre hommes
et quatre-vingt-cinq chevaux.
La cavalerie n’était forte que de cinq cents chevaux des 13e et 17e chasseurs, sous les ordres du
colonel Bontemps-Dubarry.
L’artillerie de siège et de campagne, commandée par le général de Lahitte, conduisait cent douze
bouches à feu, avec un matériel porté par trois cent cinquante-six voitures. Son effectif était de
deux mille trois cent vingt sept hommes et treize cent neuf chevaux.
Deux compagnies de mineurs, six de sapeurs et une demi-compagnie du train (treize cent dix
hommes et cent trente-trois chevaux) formaient les troupes du génie, dirigées par le général
Valazé.
L’administration comptait dix-sept cent vingt-quatre hommes et treize cent quatre-vingt-cinq
chevaux ; la gendarmerie, cent vingt-sept hommes et trente-cinq chevaux.
L’effectif général des combattants s’élevait, officiers compris, à trente-cinq mille hommes.
L’infanterie était approvisionnée de cinq millions de cartouches ; l’artillerie pouvait tirer cent
soixante-trois mille coups. Des réserves considérables de poudre et d’armes complétaient ce
matériel.
La flotte, rassemblée dans les ports de Marseille et de Toulon, était prête à la fin d’avril; elle
comptait soixante-dix-sept vaisseaux de guerre à voiles ou à vapeur et trois cent quarante-sept
navires de transport, sans y comprendre les bâtiments, au nombre de deux cent trente, destinés au
débarquement de l’artillerie, du matériel et des troupes.
Composition de l’armée navale
Vaisseaux : La Provence, portant pavillon
amiral, et commandée par M. Villaret de
Joyeuse ; le Trident, commandé par M. Casy,
Frégates : L’Amphitrite, commandant, Le
Serec ; l’Aréthuse, commandant de Moges ;
l’Artémise, commandant, Cosmao-Dumanoir ;
Annexes
XV
capitaine de vaisseau, et monté par le contre-
amiral Ramel ; l’Algésiras, commandant,
Ponée ; la Conronne, commandant, de Rossy ;
le Duquesne, commandant, Basoche ; le
Marengo, commandant, Duplessis-Parseau ; le
Nestor, commandant, Latreyte ; le Scipion,
commandant, Émeric ; le Superbe,
commandant, Cuvillier ; la Ville-de-Marseille,
commandant, Robert.
la Belle-Gabrielle, commandant, Laurens de
Choisy ; la Bellone, commandant, Gallois ; la
Cybèle, commandant, Robillard la Circé,
commandant, Rigodit ; la Didon, commandant
,de Villeneuve-Bargemont ; la Duchesse-de-
Berry, commandant ,de Kerdrain ; l’Herminie,
commandant, Leblanc ; l’Iphigénie,
commandant, Christy de la Pallière ; la
Jeanne-d’Arc, commandant, Lettré ;la
Magicienne, commandant, Régné ; la Médée,
commandant, de Plantys ;la Melpomène,
commandant, Lamarche ; la Marie-Thérèse,
commandant, Billard; la Guerrière,
commandant, Rabaudy ; la Pallas,
commandant, de Forsams ; la Proserpine,
commandant, de Reverseaus ; la Surveillante,
commandant ,Trotel ; la Sirène, commandant,
Massier de Clerval ; la Thémis, commandant,
Legoaran de Tromelin ; la Thétis,
commandant, Lemoine ; la Vénus,
commandant, Russel de Bedfort.
Corvettes : L’Adour, commandant, Lemaitre ; la
Bayonnaise, commandant, Ferrin ; la Bonite,
commandant, Parnajon ; la Cornélie, commandant,
Savy de Montdiol ; la Caravane, commandant,
Denis ; la Créole, commandant, de Péronne, et
montée par M. Hugon, commandant supérieur de
la flottille ; la Dordogne, commandant, Mathieu
;l’Écho, commandant Groëb ; le Lybio,
commandant Coste ; l’Orithye, commandant,
Luneau ; la Perle, commandant, Villencau; le
Rhône, commandant, Febvrier-Despointes le Tarn,
commandant, Fleurine de Lagarde ; la Victorieuse,
commandant, Guérin des Essarts.
Bricks : L’Actéon, commandant ,Hamelin ;
l’Adonis, commandant, Huguet ; l’Alacrity,
commandant, Lainé ; l’Alcibiade, commandant
Garnier ;l’Alsacienne, commandant Hanet-
Cléry ; l’Aventure, commandant
d’Assigny;l’Alerte, commandant Andréa de
Nerciat ; la Badine, commandant Guindez ;la
Cigogne, commandant Barbier ; la Comète,
commandant Ricard ; le Cuirassier,
commandant de la Rouvraye ; la Capricieuse,
commandant Brindjoue-Tréglodé ; le Cygne,
commandant Ronger ; le Dragon,
Annexes
XVI
commandant Leblanc ; le d’Assas,
commandant Pujol ; le Ducouëdic,
commandant Gay de Taradel ; l’Endymion,
commandant Nonay ; l’Euryale, commandant
Perceval ; le Faune, commandant Couhitte ; le
Griffon, commandant Dupetit-Thouars ; le
Hussard, commandant Thoulon ; le Lézard,
commandant Herpin de Fremont ; le Lynx,
commandant Armand ; le Rusé, commandant
Jonglas ;le Silène, commandant Bruat ; le
Voltigeur, commandant Robert ; le Zèbre,
commandant Le Férec.
Goélettes. : La Daphné, commandant, Robert-
Dubreuil ; l’Iris, commandant Guérin.
Bombardes. : L’Achéron, commandant,
Lévêque ; le Cyclope, commandant, Texier ; la
Dore, commandant, Long ; le Finistère,
commandant, Rolland ; l’Hécla, commandant,
Ollivier ; le Vésuve, commandant, Mallet; le
Volcan, commandant, Brait ; le Vulcain,
commandant Dandin.
Gabare : L’Africaine, commandant, Lautier ;
l’Astrolabe, commandant, Verniac de Saint-
Maur ; le Bayonnais, commandant, Lefebvre
d’Abancourt; le Chameau, commandant,
Coudein ; la Désirée, commandant, Daunac ;la
Garonne, commandant, Aubry de la Noé ; la
Lamproie, commandant, Dussaut ;le
Marsouin, commandant, de Forget ;le Robuste,
commandant, Delasseaux ;la Truite,
commandant ,Miégeville ; la Vigogne,
commandant, de Sercey.
Bateaux à vapeur : Le Coureur, commandant,
Lugeol ; le Nageur, commandant, Louvrier ; le
Pélican, commandant, Janvier ; le Rapide,
commandant, Gatier ; le Souffl eur,
commandant, Grandjean de Fouchy ; le
Sphinx, commandant, Sarlat ; la Ville-du-
Havre, commandant, Turiault.
Annexes
XVII
Les choix des généraux commandant les troupes furent aussi bons que possible523
. Si quelques-
uns n’inspiraient pas d’abord une parfaite confiance, si certains noms se recommandaient plus
par leur fortune de courtisan que par les services du passé, tous, par leur belle conduite, se
montrèrent digues de l’armée.
M. de Bourmont devait à la faveur du Dauphin le commandement en chef de l’expédition ; et, si
des préventions regrettables existaient dans l’opinion publique contre cet officier général, il sut
prendre une glorieuse revanche.
Son état-major fut composé de :
MM. le lieutenant général Desprez, chef d’état-major général;
Tholozé, maréchal de camp, sous-chef;
Denniée, intendant en chef ;
Firino, payeur général et commissaire des postes.
Le vice-amiral Duperré fut placé à la tête de la flotte, partagée en trois escadres qui portaient les
divisions et l’artillerie, et suivie d’un convoi en trois flottilles chargé du matériel et des
transports.
Un conseil d’amirauté avait été investi du soin d’examiner les plans d’opérations. Le
gouvernement ne possédait à cet égard d’autres documents que les rapports du colonel du génie
Boutin, qui avait fait autrefois, par ordre de l’Empereur, une reconnaissance détaillée des côtes
barbaresques524
.
Personnel De Santé De L’armée De Terre Qui Faisait Partie De L’expédition D’Alger.
Médecin en chef : Roux.
Médecin
principal :Stéphanopoli.
Médecins
ordinaires. :Peysson,
Vinciguera, Vignes, Vignard,
Jourdain, Monard (Pascal),
Monard (Charles), Pallas.
523
Le général Berthezène, dont les services datent du siège de Toulon, avait conquis tous ses grades à la pointe de
l’épée. M. de Loverdo, à qui nous devons d’excellentes études sur l’Afrique septentrionale, s’était distingué dans les
guerres de la République et de l’Empire. M. le duc d’Escars n’avait, dit-on, jamais fait la guerre ; mais c’était un
homme du plus honorable caractère, fort instruit, et dont la bravoure, la haute intelligence autant que ses qualités
personnelles, justifièrent ce que la naissance et la faveur avaient fait pour lui. Les généraux de Lafitte et Valazé,
commandant l’artillerie et le génie, sont deux officiers du mérite le plus éprouvé
524 P. Christian, « De l’Afrique française » , liv. 1er, p. 27
Annexes
XVIII
Médecins adjoints :
Antonini, Delpech, Faure,
Vaillant, Mas, Aulaguier,
Férat, Surau, Payen,
Goedorp, Rollet, Marseilhan.
Chirurgien en chef :
Maurichau-Beaupré
Chirurgien principal :
Chevereau.
Chirurgiens-majors : Pointis,
Demeyer, Pierron, Fléchut,
Girardin, Devaux, Huet,
Brée,
Delasalle, Durand, Guérin,
Molinard, Chambolle,
Renucci,
Chaudron.
Chirurgiens aides-majors
brevetés : Bougeois, Hutin,
Collin
Chirurgiens aides-majors
commissionnés : Bagré,
Baudens, Damblard,
Soucelyer,Lacroix, Ceccaldi,
Gercet, Guilhery, Godard,
Villaret,Montera, Philippe,
Saiget, Veret, Habaïbi,
Agnès, Bagard, Hamond,
Riche, Leignel.
Chirurgiens sous-aides
brevetés :
Cooche, Plouviez, Squalard,
Rosaire.
Chirurgiens sous-aides
commissionnés : Marque,
Prévost,
Derriey, Grallan, Dulac,
Hecquin, Brémond, Masson,
Joseph, Jourdain, Beau,
Clergeault, Morel, Bouchez,
Rivaud, Chambellan, Viguer,
Lacouchie, Secourgeou,
Ranquet, Julienne,
Teinturier, Maupin, Valet,
Gingibre, Gaudon, Grégoire,
Beving, Faseuille, Royer,
Leloire, Lesâas, Guérin,
Lange-de-Beaujour, Santilli,
Renaud, Bresset, Lagèze,
Rampons, Rosier,
Decourthille,
Chenu,Rosimont, Leclert,
Ducroquet, Descamp,
ittelmayer, Mathiot, Fuet,
Sabatier, Vilette, Bailleux,
Dundas, Cousin, Finot,
Darolles, Viguerie,
Mestre,Ducastaing, Gravier,
Laurans, Achard, Turny,
Judey, acquin, Heich,
Triolle,Leroi, Bessèdes,
Dautcour, Caboche, Géri,
Lambert, Vison, Charpentier,
Serrand, Masské, Blasé,
Cochard, Richard, Lalé,
Pharmacien en chef :
Charpentier.
Annexes
XIX
Mevnier, Thyllaye,
Lustreman, Tulpain, Dancel,
Jean-Lagrave, Bonnafont,
Duboy, evineau, Munier,
Lefrançois, Certain, Royer,
Goult, Goffré, Blein, Meyer,
jacques, Belloc, Bousquet,
Deslandes, Drouault,
Delacroix, Ducreux, Crapez,
Boullard, Pierreschi,Carelli,
Grand, Deshoulieres.
Pharmacien principal :
Juving.
Pharmaciens-majors :
Herbin, Borde, Frosté,
Sauret, Bougleux, Lesieur-
Desbrière, Nicole, Dupairé.
Pharmaciens aides-
majors :Gourdon, Horeau,
Thiriaux, Duroch,Plumet,
Hélion, Erckelbout Berteuil,
Rollin, Rathelot, Vial, Bailly
de Roncière, Guyotat, Henry,
Meurdefroid, Marce,
Galabert, Méquignon,
Parisot, Bataille, André.
Pharmaciens sous-aides-
majors brevetés : Lelaissant,
Faseuille, Rol, Fortier,
Bubbe.
Pharmaciens sous-aides-
majors commissionnés:
Gallois, Dissez,Duffort,
Royer, Dupérier, Froté,
Demonts, Lejeune, Vidal,
Grise, Claude,Meley,
esplanque, Batigne, Gault,
Cardaillac, Contois,
Quéhery-ugravier, Danneker,
Martin-Lassus, Coursand,
Laprévotte, Lacordaire,
Gralan, Meurice,Grimal,
Vècle, Nichault, Normand,
Marc, Audouard, Juving,
Dieu, Ernest, Charton,
Forcioli, Gillet, Frasette,
Boisbarron, Gugelot, Léger,
Martin, Cicora, Poggiale,
Becco,
Noël, Vico, Collignon,
Varlet, Dusseuil.
Annexes
XX
Annexe 5
Consultation des archives de Vincennes.
Ce fond d’archives est conservé par le SHAT au niveau du château de Vincennes, il est constitué
de deux séries qui concernent les villes.
Les archives disposent de documents concernant tous les travaux dont le génie militaire avait la
charge.ces dossiers sont classés « 1H ».Toutes les régions d’Algérie y figurent.
Les dossiers concernant Constantine sont répertoriés « 1H 805 à 1H 832 » et concernent la
période allant de 1838 à 1958
Les dossiers concernant Annaba « Bône » sont répertoriés « 1H 864 » et couvrent la période
allant de 1832 à 1954.
Chaque place militaire comprend plusieurs articles :
Article 1 : généralités ;
Article 2 : fortifications
Article 3 : bâtiments militaires et casernements, construction et entretien
Article 4 : marchés pour l’exécution des travaux
Article 5 : comptabilité des travaux
Article 6 : domaine militaire
Article 7 : servitudes défensives
Article 8 : travaux mixtes
Chacun des articles peut comporter selon la place plusieurs sous-articles. Le détail de chaque article est
répertorié. Tout document existant dans les dossiers est nommé, daté et numéroté.
Chaque dossier « 1H –X » peut contenir plusieurs cartons, comme plusieurs dossiers « 1H-X» peuvent
être contenus dans un même carton. Il n’existe pas de classement ou répertoire par carton.
Annexes
XLII
Annexe 7
Consultations des archives d’Aix en Provence.
Les archives nationales d’outre-mer à Aix en Provence contiennent trois séries qui nous
concernent « N », « F14 » et « F80 ».
La série « N » concerne les travaux publics et la sous-série « 1N1 » à « 1N30 » concerne les
bâtiments civils et la voirie urbaine.
La série « F14 » contient les plans des villes.
La série « F80 » contient des plans et des cartes de 1847 à 1895.
Ces archives comprennent les documents suivants les services civils : Ponts-et-Chaussées et
Bâtiments civils. Ceux sont celles rapatriées et appartenant au gouvernement général de
l’Algérie.