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UNIVERSITÉ DE SHERBROOKE Bulletin des programmes de toxicomanie de l'U. de S. Vol. 12, no 1 — Janvier 2002 1 CERTIFICAT DE TOXICOMANIE Prévention et intervention Pour développer vos compétences d’inter- venants en toxicomanie, le Certificat permet l’acquisition de connaissances et d’habiletés de base aux plans théorique et pratique. Programme de 30 crédits, offert dans plu- sieurs régions du Québec, par exemple à Sherbrooke, à Longueuil, à Québec, aux détenteurs d’un diplôme d’études collégiales ou l’équivalent. Admissions en continu. Hiver 2002 : Nouveaux Groupes : Trois-Rivières, Québec Informez-vous : 1 800-267-8337 ou ( 819) 564-5245 LES PROGRAMMES DE DEUXIÈME CYCLE Microprogrammes, diplôme et maîtrise Intervention dans le milieu Activités de formation visant l’acquisition de connaissances approfondies et une réflexion sur les pratiques professionnelles dans le but de permettre un transfert des connaissances. Accessibles aux praticiens en exercice, détenteurs d’un baccalauréat. Possibilités de microprogrammes spécia- lisés (12 crédits), d’un diplôme de (30 crédits) ainsi que de cheminements vers l’obtention de maîtrises, en intervention sociale, en éthique appliquée ou en scien- ces cliniques. Campus Longueuil (Complexe Saint-Charles) et Québec (Collège Merici.). Admissions en continu. Informez-vous : 1 877-670-4090 ou (450) 670-7685. LA FORMATION SUR MESURE Partenariat avec l’AITQ Activités de formation ponctuelles (une jour- née) sur des thèmes d’actualité en toxico- manie, créées à partir des besoins exprimés par les intervenants et donnant accès à une attestation universitaire UEC (unité d’éducation continu). Ouverts aux praticiens concernés par le sujet. Campus Longueuil et Québec. Programmation disponible à l’Uni- versité de Sherbrooke au 1-877-670-4090 ou au 450-670-7685 ou à l’AITQ. Formations à venir : « Le dépistage et l’intervention précoce » Francine Marcil et Stéphanie Leblanc 25 janvier, à Québec « Approches et efficacité dans le traitement en toxicomanie » Marie Lecavalier et France Lecomte 1 er février, à Longueuil « L’anxiété et la toxicomanie » Dr.Jean-Yves Roy 15 février, à Québec « La motivation au changement » Vincent Rossignol 15 mars, à Longueuil Inscription : AITQ : (450) 646-3271 RENSEIGNEMENTS Pour toute information supplémentaire (con- tenus, horaires, demandes d’admission, démarrage de nouveaux groupes en région) : Sherbrooke : (819)564-5245, ou [email protected] Longueuil : Sans frais le 1 877 670-4090 ou (450) 670-7685 toxico.longueuil@courrier .usherb.ca Site Web toxicomanie : http://www.usherb.ca/toxicomanie Université de Sherbrooke Toxicomanie – Du Certificat à la Maîtrise La faculté de médecine de l’Université de Sherbrooke parmi l’élite mondiale... La faculté de médecine de Sherbrooke a été désignée Centre collaborateur par l’Orga- nisation mondiale de la santé (OMS), ce qui en fait la seule au Canada et, parmi la quinzaine au monde, la seule francophone, à recevoir ce mandat. Déjà en 1987, la Faculté de méde- cine de Sherbrooke avait innové dans la formation médicale en adoptant l’Apprentissage par problèmes (APP). Désormais, elle partagera son expérience dans divers domaines et les résultats de ces activités seront diffusés à tout le réseau OMS. Le mot de Lise… C ’est avec plaisir que je vous invite à la lecture de ce numéro de l’Écho-Toxico. Vous y trouverez des thèmes variés qui ont en commun de faire partie des préoccupations très actuelles en toxicomanie. Nous avons voulu mettre en évidence la place importante que prend le jeu pathologique, problématique pour laquelle les services s’implantent un peu partout au Qué- bec avec un programme expérimental en action jusqu’à 2003. L’évaluation de ce programme, déjà prévue, sera d’ailleurs à suivre avec intérêt. J’attire aussi votre attention sur un texte court mais qui souligne un événement particulièrement important : le lancement par le MSSS des orienta- tions en matière de prévention. Soyons sûrs que l’adoption officielle de l’approche de la réduction des méfaits aura un impact sensible sur l’inter- vention en prévention mais aussi dans l’ensem- ble du champ de la toxicomanie. Nous parlons également de réseaux intégrés, une réalité en émergence (au niveau de plusieurs problématiques dans les organisations) qui risque de modifier passablement les pratiques aussi. D’ailleurs, nous prévoyons déjà vous présenter dans le prochain numéro certaines de ces expé- riences en cours au Québec. Finalement, vous trouverez un texte d’opinion, qui nous le souhai- tons alimentera votre réflexion, sur la question de la banalisation de la consommation de drogues chez les jeunes, sujet sur lequel les avis sont souvent partagés et qui ne laisse personne indifférent. Alors, bonne lecture à tous ! Profitez bien de ce temps des Fêtes pour vous ressourcer auprès de vos familles et de vos amis. Joyeux Noël et Bonne Année 2002 Lise Roy Directrice des programmes 1 er et 2 e cycle en toxicomanie Tous nos remerciements à ceux et celles qui ont contribué à ce numéro pour les textes et les sources d’information.

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UNIVERSITÉ DE

SHERBROOKE

Bulletin des programmesde toxicomanie de l'U. de S.

Vol. 12, no 1 — Janvier 2002

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CERTIFICAT DE TOXICOMANIEPrévention et intervention

Pour développer vos compétences d’inter-venants en toxicomanie, le Certificat permetl’acquisition de connaissances et d’habiletésde base aux plans théorique et pratique.Programme de 30 crédits, offert dans plu-sieurs régions du Québec, par exemple àSherbrooke, à Longueuil, à Québec, auxdétenteurs d’un diplôme d’études collégialesou l’équivalent. Admissions en continu.

Hiver 2002 : Nouveaux Groupes : Trois-Rivières, Québec

Informez-vous : 1 800-267-8337 ou ( 819) 564-5245

LES PROGRAMMES DE DEUXIÈME CYCLEMicroprogrammes, diplôme et maîtriseIntervention dans le milieu

Activités de formation visant l’acquisitionde connaissances approfondies et uneréflexion sur les pratiques professionnellesdans le but de permettre un transfert desconnaissances. Accessibles aux praticiensen exercice, détenteurs d’un baccalauréat.Possibilités de microprogrammes spécia-lisés (12 crédits), d’un diplôme de (30crédits) ainsi que de cheminements versl’obtention de maîtrises, en interventionsociale, en éthique appliquée ou en scien-ces cliniques. Campus Longueuil (ComplexeSaint-Charles) et Québec (Collège Merici.).Admissions en continu.

Informez-vous : 1 877-670-4090 ou (450) 670-7685.

LA FORMATION SUR MESUREPartenariat avec l’AITQ

Activités de formation ponctuelles (une jour-née) sur des thèmes d’actualité en toxico-manie, créées à partir des besoins expriméspar les intervenants et donnant accès àune attestation universitaire UEC (unitéd’éducation continu). Ouverts aux praticiensconcernés par le sujet. Campus Longueuil etQuébec. Programmation disponible à l’Uni-versité de Sherbrooke au 1-877-670-4090ou au 450-670-7685 ou à l’AITQ.

Formations à venir :

• «Le dépistage et l’intervention précoce»Francine Marcil et Stéphanie Leblanc25 janvier, à Québec

• «Approches et efficacité dans letraitement en toxicomanie»Marie Lecavalier et France Lecomte1er février, à Longueuil

• «L’anxiété et la toxicomanie»Dr.Jean-Yves Roy15 février, à Québec

• «La motivation au changement»Vincent Rossignol15 mars, à Longueuil

Inscription : AITQ : (450) 646-3271

RENSEIGNEMENTS

Pour toute information supplémentaire (con-tenus, horaires, demandes d’admission,démarrage de nouveaux groupes en région) :

• Sherbrooke : (819)564-5245, [email protected]

• Longueuil : Sans frais le 1 877 670-4090 ou (450) 670-7685 [email protected] Web toxicomanie :http://www.usherb.ca/toxicomanie

Université de SherbrookeToxicomanie – Du Certificat à la Maîtrise

La faculté de médecine de l’Université de Sherbrookeparmi l’élite mondiale...La faculté de médecine de Sherbrooke a été désignée Centre collaborateur par l’Orga-nisation mondiale de la santé (OMS), ce qui en fait la seule au Canada et, parmi la quinzaineau monde, la seule francophone, à recevoir ce mandat. Déjà en 1987, la Faculté de méde-cine de Sherbrooke avait innové dans la formation médicale en adoptant l’Apprentissage parproblèmes (APP). Désormais, elle partagera son expérience dans divers domaines et lesrésultats de ces activités seront diffusés à tout le réseau OMS.

Le mot de Lise…

C’est avec plaisir que je vous invite à la lecturede ce numéro de l’Écho-Toxico.

Vous y trouverez des thèmes variés qui ont encommun de faire partie des préoccupations trèsactuelles en toxicomanie. Nous avons voulumettre en évidence la place importante que prendle jeu pathologique, problématique pour laquelleles services s’implantent un peu partout au Qué-bec avec un programme expérimental en actionjusqu’à 2003. L’évaluation de ce programme,déjà prévue, sera d’ailleurs à suivre avec intérêt.

J’attire aussi votre attention sur un texte courtmais qui souligne un événement particulièrementimportant : le lancement par le MSSS des orienta-tions en matière de prévention. Soyons sûrs quel’adoption officielle de l’approche de la réductiondes méfaits aura un impact sensible sur l’inter-vention en prévention mais aussi dans l’ensem-ble du champ de la toxicomanie.

Nous parlons également de réseaux intégrés,une réalité en émergence (au niveau de plusieursproblématiques dans les organisations) qui risquede modifier passablement les pratiques aussi.D’ailleurs, nous prévoyons déjà vous présenterdans le prochain numéro certaines de ces expé-riences en cours au Québec. Finalement, voustrouverez un texte d’opinion, qui nous le souhai-tons alimentera votre réflexion, sur la question dela banalisation de la consommation de drogueschez les jeunes, sujet sur lequel les avis sontsouvent partagés et qui ne laisse personneindifférent.

Alors, bonne lecture à tous ! Profitez bien de cetemps des Fêtes pour vous ressourcer auprès devos familles et de vos amis.

Joyeux Noël et Bonne Année 2002Lise Roy

Directrice des programmes1er et 2e cycle en toxicomanie

Tous nos remerciements à ceux et cellesqui ont contribué à ce numéro pour lestextes et les sources d’information.

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Depuis toujours, les individus detous milieux s’adonnent aux jeuxde hasard et d’argent (JHA). Miser

à ces jeux implique la possibilité degagner mais surtout, le risque de perdre.Parmi les JHA, mentionnons entre autresla loterie, le bingo, les courses de che-vaux, les loteries vidéo, et les jeux decasino tels que la roulette, le black jack,le poker, le kéno, les machines à sous,etc. Au Québec, une étude récente1 révé-lait que 94 % de la population adultea déjà acheté un billet de loterie. L’im-plantation des casinos et la légalisationdes appareils de loterie vidéo dans lesannées 90 ont rendu les JHA encore plusdiversifiés et accessibles à un plus grandnombre d’individus.

Pour plusieurs, les JHA sont considéréscomme un divertissement et une sourcede gains potentiels. Cependant, si la plu-part des gens jouent de façon occasion-nelle et pour le simple plaisir, certainsdéveloppent des habitudes de jeu pou-vant devenir problématiques. En effet,certains jouent si intensément qu’ils arri-vent à un point où ils sont incapables des’empêcher de jouer. Le jeu est devenuune dépendance, au même titre quel’alcool ou la drogue. Ils deviennent alorsen proie à une grande préoccupation àl’égard du jeu, font des mises de plus enplus élevées et accumulent les pertes. Ilsretournent alors au jeu pour tenter de « serefaire » ou récupérer l’argent perdu. Deplus, le jeu excessif entraîne de nom-breuses conséquences négatives. Plu-sieurs s’endettent considérablement etd’autres sont même aux prises avec lajustice en raison des actes illégaux qu’ilsont commis pour financer leurs activitésde jeu. Les problèmes au travail et lesconflits avec l’entourage sont égalementfréquents, ce qui amène le joueur à sesentir isolé et déprimé. Plusieurs éprou-vent également un sentiment de honteface à leur problème de jeu, ce qui lesporte à mentir à leur entourage pourcacher l’ampleur de leurs habitudes dejeu.

Comment expliquer qu’une personnepersiste au jeu alors qu’elle essuie despertes répétées ? Comment les problè-mes de jeu se développent-ils ? De nom-breuses études ont été effectuées auprèsdes joueurs dans le but de mieux com-prendre l’acquisition et le maintien de cesproblèmes et plusieurs hypothèses ontété évoquées. Certaines études ont per-

mis de constater l’existence d’une carac-téristique commune à la majorité desjoueurs : ils entretiennent des croyanceserronées à l’égard des JHA3 et 4. Commele nom JHA le sous-entend, le hasarddétermine le résultat au jeu, signifiantqu’il est absolument impossible de pré-dire ou de contrôler les événements seproduisant durant une séance de jeu.Toutefois, bien des joueurs croient lecontraire et tentent, par tous les moyens,de défier le hasard et de contrôler le jeu.Ils entretiennent l’idée qu’ils trouveront unjour la façon de jouer qui leur permettrade gagner le gros lot. C’est le paradoxeauquel sont confrontés les joueurs. Ilsparticipent à une activité régie par lehasard mais persistent à croire que leursobservations et leurs actions sont utilesvoire nécessaires pour augmenter leurschances de gagner. On nomme « illusionde contrôle » ce phénomène selon lequelles joueurs croient pouvoir influencerle résultat du jeu. En fait, aucun joueur,même celui qui joue très fréquemment,ne peut influencer le résultat du jeu.L’expérience n’est d’aucune utilité auxJHA, c’est le hasard qui détermine tout !Pour le joueur excessif en traitement, laprise de conscience de ce dernier aspectpeut l’aider à mieux comprendre son pro-blème de jeu et reprendre le contrôle. Lesjoueurs ayant atteint une phase plusavancée du problème ont, pour la plupart,du mal à s’en sortir seul. C’est souventà ce moment qu’ils cherchent de l’aideauprès d’une ressource spécialisée.

La situation au Québec

Depuis quelques années, on assiste àune véritable explosion des JHA auQuébec. Les chercheurs spécialistes dujeu sont unanimes : plus les jeux sontaccessibles, plus on observe une aug-mentation des problèmes de jeu chezles gens. Au Québec, selon une étudeeffectuée en 1996, 2.1 % de la populationadulte était aux prises avec un tel pro-blème1 alors que ce taux s’élevait à1,2 % en 19892. Bien que la majorité desjoueurs soient des hommes, de plus enplus de femmes développent des pro-blèmes de jeu. En fait, toute personnepeut être à risque de développer ceproblème et ce, quel que soit son âge.L’accessibilité a donc pour conséquencesl’augmentation des problèmes de jeu etl’apparition de nouveaux types de joueursexcessifs.

Jusqu’à tout récemment, les joueursexcessifs en quête de soutien se heur-taient soit à l’absence de ressources, soità l’inexpérience des professionnels, enplus peu sensibilisés au problème enquestion. En effet, peu de professionnelset d’intervenants du domaine de la santémentale connaissaient suffisamment laquestion du jeu excessif pour intervenirefficacement. Nombre d’entre eux abor-daient ce problème comme une dépen-dance à l’alcool ou aux drogues : eninvoquant trop les similitudes entre cestroubles et en omettant les disparités,ils mettaient de côté le fait que le jeuexcessif présente des caractéristiquesqui lui sont propres, dont il faut abso-lument tenir compte dans le traitementdes joueurs excessifs.

Heureusement, cette situation s’est gran-dement améliorée au cours des derniersmois. En l’an 2000, devant l’urgence desbesoins et en réponse aux demandes deplus en plus insistantes de la populationpour des ressources plus adéquates,le gouvernement du Québec a décidéd’octroyer des sommes importantes afinque le Ministère de la Santé et des Ser-vices sociaux (MSSS) puisse instaurer unprogramme expérimental de préventionet de traitement du jeu pathologique. Undes mandats de ce programme est dedoter toutes les régions du Québec d’unegamme de services visant à prévenir,réduire et traiter le jeu excessif. Pour letraitement du jeu excessif, des dizainesde postes de professionnels ont été créésdans l’ensemble des régions du Québecet près de 200 intervenant(e)s, des sec-teurs public, communautaire et privé, ontreçu une formation spécialisée sur l’éva-luation et le traitement du jeu excessif,dispensée par des professionnels de notreéquipe. Ces intervenant(e)s, de toutes lesrégions du Québec, sont maintenant enmesure d’offrir un traitement spécifiqueaux joueurs excessifsa.

Le programme d’évaluation et de traitement des joueurs excessifs

Les interventions élaborées par les mem-bres du Centre québécois d’excellencepour la prévention et le traitement dujeu de l’Université Laval découlent d’unecompréhension de la psychologie dujoueur, acquise au cours d’une vingtained’années de recherche. Ces études ont

LE TRAITEMENT COGNITIF DU JEU EXCESSIF :

a Le répertoire des ressources sur le jeu pathologique auQuébec est disponible auprès du MSSS.

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été réalisées à l’aide de questionnaires etd’entrevues cliniques avec des joueursainsi que par l’observation de comporte-ments de joueurs en situation de jeu. Aucours des prochains paragraphes, nousrésumerons très brièvement les élémentsrelatifs à l’évaluation des joueurs ainsique les moyens thérapeutiques privilé-giés pour aider les joueurs excessifsà mettre fin à leur besoin constant etirrésistible de retourner au jeu. Tel quementionné précédemment, les joueursexcessifs entretiennent des pensées etcroyances erronées qui contribuent àmaintenir leur goût du jeu et à surestimerles probabilités de gagner. Le traitementcognitif du jeu excessif repose donc engrande partie sur la reconnaissance et lamodification de ces erreurs de pensée.Ce traitement a été testé empiriquement.Il a donné de très bons résultats auprèsdes joueurs excessifs5.

L’évaluation

La majorité des joueurs excessifs quiconsultent le font généralement lorsqueleur problème a atteint un stade critique.À ce moment, le joueur est non seule-ment le plus souvent à bout de ressour-ces, mais il se trouve aux prises avec demultiples conséquences négatives liées àses excès de jeu. L’évaluation détailléedu joueur sert d’abord à confirmer lediagnostic de jeu excessif et ensuite àbien cerner l’ampleur du problème de jeu,de même son intensité et sa fréquence,tout en tenant compte des conséquencessubies par le joueur et son entourage. Ilsera également plus facile pour l’interve-nant d’établir un plan de traitement ainsiqu’un pronostic en examinant soigneu-sement d’autres sujets tels la présenced’autres dépendances, la présence derisque suicidaire, les tentatives faitesantérieurement pour cesser de jouer, lamotivation du joueur à entreprendre sadémarche de même que ses attentes etses objectifs face au traitement.

Le traitement cognitif

Il est divisé en cinq grandes étapes. Lapremière est l’analyse de la séance dejeu où l’on demande au joueur de seremémorer une situation de jeu et derendre compte, de façon détaillée, detoutes les pensées et sentiments qu’il aeus par rapport à celle-ci. La descriptiond’une expérience de jeu passée permetde reconstituer la chaîne des événe-

UNE EXPÉRIENCE QUÉBÉCOISE ments, des pensées et des sentimentsqui mènent au jeu, de préciser le style dejeu spécifique du joueur et d’identifier lespensées erronées du joueur par rapportau jeu (sa conviction de gagner et satendance à prédire l’issue du jeu).

L’analyse de la séance de jeu est uneétape essentielle avant l’étape suivantequi est celle de la définition du hasard etdes situations à risque. Puisqu’il a étédémontré que la majorité des joueursexcessifs ont une compréhension erro-née du hasard et que cela alimente leurgoût du jeu, il importe de clarifier aveceux la définition du hasard et la dis-tinction entre jeux d’adresse et jeuxde hasard. Il est également importantde sensibiliser le joueur à ses propressituations à risque et à son discoursintérieur afin qu’il puisse les reconnaître.À cette étape, le joueur doit aussi prendreconscience de l’influence de son discoursintérieur sur sa décision de jouer.

Une fois ces concepts compris et intégréspar le joueur, l’intervenant peut entre-prendre l’étape des erreurs de pensée.C’est à ce moment que l’intervenantinforme le joueur des différents piègesdes JHA afin que celui-ci puisse recon-naître ses pensées erronées. Cet exer-cice permet de semer un doute dansl’esprit du joueur en ce qui concerneses croyances par rapport au jeu. Il estimportant que le joueur saisisse queses erreurs de pensée liées au jeu sontses principales ennemies en matière demaîtrise de soi. Ainsi, il pourra passer àl’étape suivante : le remplacement deses pensées erronées par des penséesqui respectent les principes de base deces jeux.

Cette modification s’effectue à l’aide d’unexercice que nous avons nommé « Àmoi de jouer ». Cet exercice favorise lareconnaissance et l’assimilation de larelation entre les pensées et la décisionde jouer ou de ne pas jouer. À l’intérieurde quatre cases, le client doit 1) inscriresa situation à risque ; 2) identifier sapensée spontanée qui lui donne envie dejouer et l’inscrire ; 3) inscrire une penséequi lui donne le contrôle sur son enviede jouer et 4) inscrire ce qu’il choisitde vivre. Cet exercice permet au joueurd’établir une relation concrète entre sespensées et ses décisions, en plus d’en-visager le renoncement au jeu commeun choix éclairé plutôt que comme uneprivation.

Le thème de la prévention de la rechuteest omniprésent au cours de la thérapiepuisque le but ultime des interventionsest de prévenir un retour au jeu. Tou-tefois, ce thème devient central une foisque le joueur maîtrise bien ses penséeset ses comportements et qu’il est prêtà terminer le traitement. Lors de cettedernière étape, l’intervenant et le joueurdiscutent des mesures à prendre s’il yavait un retour en force des idées erro-nées ou des comportements excessifs aujeu. Certaines actions peuvent êtreintégrées au processus de prévention dela rechute : privilégier une fin graduellede la thérapie, encourager le joueur àpoursuivre ses exercices « À moi dejouer » même après la fin de la thérapie,encourager le recours aux ressourcesdisponibles et les évaluer, promouvoirl’accès aux groupes d’entraide et commu-niquer avec son intervenant en cas debesoin.

En conclusion, les joueurs excessifs duQuébec peuvent désormais recevoir del’aide s’ils souhaitent cesser de jouer.Il importe maintenant de poursuivre ledéploiement de la gamme des services.Le développement de programmes deprévention qui toucheront des individusde tous âges et de tous milieux devraitconstituer la prochaine étape.

Stella Lachance, M.Ps., Caroline Sylvain, Ph.D.

et Robert Ladouceur, Ph.D. Psychologues

Centre québécois d’excellence pour la prévention et le traitement du jeu

Université Laval.

Références :

1. Ladouceur, R., Jacques, C., Ferland, F., & Giroux,I. (1999). Prevalence of problem gambling : Areplication study seven years later. CanadianJournal of Psychiatry, 44, 802-804

2. Ladouceur, R. (1991). Prevalence estimates ofpathological gamblers in Quebec. CanadianJournal of Psychiatry, 36, 732-734.

3. Toneatto, T, Blitz-Miller, T., Calderwook, K.,Dragonetti, R., & Tsanos, A. (1997). Cognitivedistortions in heavy gambling. Journal of GamblingStudies, 13, 253-266.

4. Ladouceur, R., & Walker, M. (1998) The Cognitiveapproach to understanding and treatingpathological gambling. In A. S. Bellack & M.Hersen (Eds.), Comprehensive clinical psychology.(pp. 588-601). New York : Pergamon.

5. Ladouceur, R., Sylvain, C., Boutin, C., Lachance,S., Doucet, C., Leblond, J., & Jacques, C. (souspresse). Cognitive treatment of pathologicalgambling. Journal of Nervous and Mental Disease.

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Dans le cadre du programme expé-rimental (2000-2003) mis sur piedpar le Ministère de la Santé et des

Services sociaux, le volet d’interventionen situation de crise avait été identifiépar le MSSS ainsi que par Loto-Québeccomme un maillon essentiel du conti-nuum de services devant être offert auxjoueurs problématiques. Le consensusqui s’est fait autour de la reconnaissancede ce besoin a donné l’impulsion pre-mière et alimenté la motivation des diffé-rents acteurs pour la mise en place de ceservice. La réflexion sur l’interventiond’urgence à proposer au casino s’estamorcée avec le ministère en janvier2001 et les travaux se sont poursuivisjusqu’au printemps. Parallèlement à cettedémarche de réflexion, Loto-Québec exa-minait l’impact prévisible de l’implantationde ce service au casino et la façon del’harmoniser avec le fonctionnement d’uncasino.

Le choix de la Maison Jean Lapointe

La Maison Jean Lapointe, qui fut parmiles premières ressources en toxicomanieà offrir des services de traitement surle jeu, a été impliquée dès le début duprocessus dans l’élaboration de ce voletde service. Trois raisons de lui confierl’intervention de crise au casino sont viteapparues : la proximité de ses locauxavec le casino, les possibilités d’héber-gement de la clientèle et enfin, l’expé-rience acquise auprès des joueurs cesdernières années.

Plusieurs éléments relatifs à la mise enplace de ce service ont dû être préci-sés et développés spécifiquement par laMaison Jean Lapointe. Cela concerneprincipalement les qualifications et la for-mation des intervenants, le recrutementet l’implication de partenaires, le déve-loppement d’outils d’évaluation et d’in-terfaces avec le personnel du casino deMontréal. L’ampleur du nombre de parte-naires à impliquer a quelque peu retardéle développement de l’intervention maisla collaboration de tous fut exemplaire.

Avant de rendre ses services disponibles,la Maison Jean Lapointe a dû s’enten-dre avec le ministère (MSSS), la Régierégionale de Montréal et Loto-Québec surla nature des services à offrir et sur laclientèle visée par ce service d’inter-vention en situation de crise. Il a falluaussi définir clairement le cadre de l’inter-vention et des procédures à l’intérieur du

casino. La Maison Jean Lapointe a dûobtenir la collaboration de la police et descentres psychiatriques (qui devaient s’en-gager à accueillir les cas les plus lourds).Enfin, après avoir identifié des outilsd’évaluation de la gravité de la crise oudu risque suicidaire, il a fallu obtenir lesautorisations d’utilisation.

Ainsi, après plusieurs mois de travaux, laMaison Jean Lapointe a pu déposer, lorsd’une rencontre à la Régie régionale deMontréal, un premier projet d’organisa-tion des services ainsi qu’un protocoled’intervention pour les situations de criseau casino de Montréal. À cette mêmerencontre, il fut décidé que les servicesdébuteraient à la fin du mois de juin.

L’équipe de crise

L’équipe est composée de cinq person-nes qui assurent une disponibilité 24h/7 jours par semaine. Les intervenantssont trois psychologues et deux interve-nants en toxicomanie qui ont reçu uneformation sur le jeu par l’équipe deRobert Ladouceur (université Laval). Ilspossèdent également une formation spé-cifique en intervention de crise, en plusde leur formation en toxicomanie. Cha-que intervention se fait toujours à deux(un psychologue et un autre intervenant).Les services professionnels en psycho-logie renforcent l’intervention et assurentqu’aucun aspect des problèmes présen-tés puissent être négligés.

Le protocole d’intervention

Afin de mieux répondre aux urgences decrise des joueurs compulsifs, suicidairesou non, l’équipe d’intervention s’est dotéed’un protocole qui encadre l’intervention.Ce protocole s’applique seulement aprèsque les enquêteurs du casino de Mont-réal aient signalé qu’une personne est endétresse psychologique ou en état decrise, incluant ou non des idéations sui-cidaires. Suite à l’appel du casino, deuxpossibilités sont envisageables : l’orien-tation directe à l’hôpital ou l’arrivée aucasino de l’intervenant de La maisonJean Lapointe. Comment est fait lechoix ? Au moment du signalement parles enquêteurs du casino d’une personneen crise, une évaluation préliminaire de lasituation est faite au téléphone par l’in-tervenant qui dispose d’outils à cette fin.Si l’évaluation révèle que la personneprésente une menace pour elle-même oupour autrui, elle est orientée à l’hôpital.Dans les cas où l’évaluation téléphonique

de la situation révèle un état de détressepsychologique ou de crise sans dan-ger immédiat, c’est l’intervenant qui sedéplace au casino.

Le scénario de l’intervention en milieu hospitalier

Lorsque l’évaluation préliminaire a déter-miné que la personne est en danger,l’intervenant demande à l’enquêteur ducasino de faire transférer la personne àl’hôpital et l’intervenant de l’équipe decrise rejoint la personne à l’hôpital. Il ren-contre la personne responsable de l’éva-luation clinique du joueur. L’intervenantprofite de ce premier contact pour tenterd’obtenir le plus d’informations possiblesconcernant les événements qui entourentla crise. L’intervenant attend les résultatsde l’évaluation clinique par le médecin.Selon les résultats de cette évaluationdeux options peuvent être prises : 1) lapersonne est gardée à l’hôpital pour uneobservation. L’intervenant l’informe alorsqu’il prendra contact avec elle dans lesprochains 24 heures afin d’élaborer unplan de traitement en regard de son pro-blème de jeu; ou 2) la personne obtientson congé immédiat de l’hôpital. L’inter-venant lui propose alors d’élaborer unplan de traitement et lui fixe un rendez-vous. Il l’informe en plus qu’il la contac-tera dans les prochains 24 heures. Si lapersonne refuse tout traitement ou con-tact avec la ressource, des informationset des références concernant le jeu com-pulsif lui sont remis, mais c’est la fin del’intervention.

L’intervention dans les locaux du casino

En l’absence de situation d’urgencenécessitant l’hôpital, l’intervenant, suite àl’appel des enquêteurs, se rend au casinoafin de rencontrer la personne en crise.Sur place, une évaluation sommaire del’urgence suicidaire est réalisée. Selonle niveau de désorganisation de la per-sonne deux options sont encore dispo-nibles : poursuivre l’intervention au casinoou transférer la personne à l’hôpital. Si letransfert à l’hôpital n’est pas requis, c’estle moment du désamorçage de la crise :ventilation, mise en confiance. Le plan detraitement peut se faire au casino même.L’intervenant et le joueur établissent lesobjectifs à atteindre d’ici le rendez-vousprochain fixé avec l’intervenant de laMaison Jean Lapointe. Il est aussi pos-sible de poursuivre l’intervention à la

UNE ÉQUIPE DE CRISE AU CASINO DE MONTRÉAL : UN SERVICE DE LA MAISON JEAN LAPOINTE

Le cadre normatif de certification des

organismes communautairesou privés intervenant entoxicomanie et offrant

de l’hébergement.Ce cadre a fait l’objet d’un consensuspar un comité de travail mis sur piedau début de l’année 2000, où étaientreprésentés des organismes du milieucommunautaire, privé, public et univer-sitaire. Le cadre normatif définit desnormes relatives à l’administration del’organisme, à ses installations physi-ques et aux services qu’il rend. Cesnormes visent à améliorer l’interventionavec hébergement en toxicomanie etconstituent des exigences à la foisnécessaires et suffisantes pour assurerla qualité des services et la protectiondu public. Plus de 150 ressources au Québec sontvisées par ce projet, lequel demeurevolontaire quant à l’adhésion des orga-nismes. Au printemps dernier, plus de60% des organismes concernés ont étérejoints lors d’une tournée provincialed’informations. Depuis, 25 organismesse sont inscrits au processus d’évalua-tion. Des certifications seront émisesprochainement par le Ministère de laSanté et des Services sociaux.Lors du colloque annuel de l’AITQ àTrois-Rivières le 29 octobre dernier,madame Agnès Maltais, ministre délé-guée à la Santé, aux Services sociauxet à la Protection de la jeunesse à donnéle coup d’envoi à l’implantation du Cadrenormatif en confirmant que le mouve-ment ira maintenant en s’accélérant.Afin d’outiller les organismes dans lapréparation des documents nécessairesà l’évaluation de leur dossier, le Minis-tère, avec la collaboration de l’Associa-tion des intervenants en toxicomanie(AITQ) et la Fédération des organismescommunautaires et bénévoles d’aide etde soutien aux toxicomanes du Québec(FOBAST), offrira entre décembre 2001et mars 2002 sept formations à traversle Québec. De plus, des activités d’in-formation et promotion du « Cadre nor-matif de certification » sont prévues aucours de l’année prochaine.Il est possible d’obtenir plus d’infor-mations et un dépliant en communi-quant avec le MSSS ou avec votre régierégionale. Sur le site www.msss.gouv.qc.ca, vous trouverez le document deréférence.

Paul RobergeService toxicomanie – MSSS

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Maison Jean Lapointe si le besoin s’enfait sentir. En cas de refus de tout trai-tement, des documents d’information etde références sur les ressources sontremis à la personne. Ainsi, même si lacrise n’amorce pas un processus de trai-tement, le joueur a au moins été mis encontact avec des sources d’aide et seraprobablement plus enclin à y faire appelune autre fois.

Le suivi

Dans les deux scénarios envisagés, l’in-tervenant communique avec la personnedans les 24 heures suivant l’interventionafin de s’assurer de son état et la rap-pelle encore une semaine plus tard pourles mêmes raisons. Au cours de ce suivi,la personne peut en tout temps déciderd’entreprendre une démarche thérapeu-tique dans un centre de traitement de sonchoix.

Le bilan après quelques mois

Depuis que le service est opérationnel(printemps 2001), nous avons répondu à17 appels allant de situation d’idéationssuicidaires à un état de crise de niveau4 ou 5 (c’est-à-dire élevé). Quatorze deces personnes ont décidé d’entreprendreune thérapie pour leur problème de jeu.Sur les 17 personnes rejointes par le pro-gramme, 12 sont des hommes et 5 desfemmes. La moyenne d’âge est de plusde 50 ans. Les interventions de cesderniers mois nous ont permis de mieuxconnaître les besoins et la clientèle, denous familiariser avec le milieu et dedévelopper une intervention non intru-sive, en complémentarité avec ce qui

se faisait déjà au casino. Ce service aaussi permis de développer un réseau departenaires qui assure la continuité del’intervention et augmente ainsi la pro-babilité qu’elle se poursuive au-delà de lacrise.

Par ailleurs, grâce à cette intervention, lamaison Jean Lapointe a développé quel-ques outils à caractère plus préventifet aptes à mieux faire connaître les res-sources disponibles. Tous les enquêteursdu casino ont maintenant une petite cartedans leurs poches avec les coordonnéesde la Ligne Jeu-Aide et référence ainsique les coordonnées de toutes les res-sources disponibles sur le territoire. Nousavons également établi avec le casinoune procédure afin que le service d’auto-exclusion soit disponible directement dansnos locaux plutôt qu’au casino. Ainsi,pour les clients plus fragiles ou simple-ment ceux qui le souhaitent ainsi, unenquêteur du casino se déplace et vientles rencontrer à la Maison Jean Lapointeafin de procéder à l’auto-exclusion.

En conclusion, on peut affirmer que ceprojet a présenté et présente des défisimportants au niveau du partenariat et dela concertation, compte tenu de l’ampleurdu nombre de partenaires nécessairesà la prise en charge la plus adéquatepossible des clients en crise. Mais le défise situe aussi au niveau du parti-pris pourl’action, l’optimisation des ressources dis-ponibles et l’adaptation constante auxbesoins qui émergent lors des situationsde crise au casino.

Chrystian RousselleIntervenant et conseiller à la Maison Jean Lapointe

POUR ILLUSTRER PLUS CONCRÈTEMENT LES SITUATIONS VÉCUES DANS CE CONTEXTE DE CRISE, VOICI QUELQUES EXEMPLES :

Madame W. , d’origine vietnamienne, manifestait son intention de se suicider.Elle en était au stade où son scénario était préparé. Elle fut conduite àl’hôpital de son secteur. Après évaluation, le psychiatre a décidé de la gardersous observation pendant que la Maison Jean Lapointe prenait les dispo-sitions nécessaires pour trouver une ressource qui réponde aux besoins decette personne. Un organisme intervenant auprès des membres des commu-nautés culturelles a pris la relève de notre intervention. Ainsi, la cliente a purencontrer un psychologue et entreprendre une thérapie en regard de sonproblème de jeu.

– • –Dans un autre cas, la personne en état de crise refusait de rester au casino.L’intervention s’est poursuivie à la Maison Jean Lapointe qui a fourni unhébergement temporaire afin de sécuriser la personne. Le lendemain, lacliente voulait débuter une thérapie, qu’elle a maintenant terminé.

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La famille : premier et plus puissantsystème d’appartenance d’un individu

Plusieurs difficultés de fonction-nement, tels l’alcoolisme et latoxicomanie, ont tendance à se

reproduire dans les familles, d’unegénération à l’autre. En retraçant l’histoired’individus abusant de psychotropes, onconstate que les parents et les grands-parents, sont aussi touchés par le pro-blème. Le génogramme, arbre généalo-gique des liaisons familiales sur plusieursgénérations, se révèle un outil particuliè-rement descriptif à cet effet. Nous savonsque dans une famille où un membre estalcoolique ou toxicomane, toute la familles’en trouve affectée et en souffre. Lemouvement des Enfants d’alcooliques àl’âge adulte (EADA), mis sur pied dansles années 80, a renforcé et documentécette hypothèse.

L’alcoolisme d’un membre d’une familleaffecte les autres en ce sens qu’ils déve-loppent parallèlement des comporte-ments de défense, protection ou survie.Plusieurs études ont démontré que lesinteractions familiales et les relationstendent à être rigides. Elles se dévelop-pent selon un même modèle et sontsusceptibles de se répéter sur plusieursgénérations. Ainsi, pour mieux compren-dre le problème de toxicomanie d’unindividu, il importe de tenir compte de sonpassé familial, en plus de son contexteactuel.

Les éléments de compréhensionpour la transmission générationnellede la toxicomanie

La littérature portant sur les systèmesfamiliaux des individus abuseurs démon-tre la présence de caractéristiques quileur sont communes : faible degré dedifférenciation des membres de la famille,rigidité des règles familiales, secrets etloyautés se propageant d’une générationà l’autre. Deux de ces caractéristiques,particulièrement importantes, seront trai-tées dans cet article : la faible différen-ciation et la rigidité du fonctionnementfamilial.

La faible différenciation…

Murray Bowen est un chercheur qui abeaucoup contribué à développer les

connaissances sur la différenciation dusoi. Ce concept caractérise, selon lui, lespersonnes et les familles selon le degréde fusion ou de différenciation de leurfonctionnement émotif et intellectuel. Lefonctionnement intellectuel fait référenceici à la capacité de penser, de réfléchirde raisonner. Si on place ces individus(ou ces familles) sur un continuum, ontrouve, à une extrémité, ceux dont lesémotions et l’intellect sont tellement con-fondus que leur existence est dominéepar l’automaticité de leur système émotif.Ils vivent dans un univers dominé par lessentiments et auront par conséquentbeaucoup de difficultés à décoder correc-tement les diverses situations de la viequi génèrent de l’anxiété. Ils réagirontsur l’instant pour diminuer leur angoisseoù leur stress plutôt que pour mettre del’avant une action concrète pour régler leproblème. Ces individus ont tendanceà « perdre leur génie » en situation destress. Pour employer une analogie, c’estcomme s’ils conduisaient dans une tem-pête de neige les empêchant de voir laroute correctement. Ils sont peu adap-tables, émotivement dépendants de leurentourage, sensibles à tout dysfonction-nement et tributaires d’un fort pourcen-tage de problèmes humains, dont… lesproblèmes de toxicomanie.

À l’autre extrémité du continuum, ontrouve les individus plus différenciés,avec un fonctionnement intellectuel quileur permet une relative autonomie enpériode de stress. Ils sont plus adapta-bles et font preuve de souplesse. Plusindépendants à l’égard du climat d’émo-tion qui les entoure, ils font face plusadéquatement aux situations stressantes.Ils ont une meilleure capacité de décoderla réalité et par conséquent sont plus enmesure d’agir positivement sur les pro-blèmes qu’ils rencontreront. Leur vie estplus ordonnée et dépourvue de problè-mes humains chroniques. Entre ces deuxpôles ou extrémités, il existe une multi-tude d’états mixtes de fonctionnement.

Selon Bowen, l’individu alcoolique n’estpas parvenu à se différencier assez desa famille d’origine. Immature sur le planémotionnel, il maintient avec son entou-rage des relations de dépendance et ilva d’ailleurs avoir tendance à chercherun conjoint pouvant pallier son immatu-

rité, prêt à endosser de nombreusesresponsabilités. C’est ainsi qu’apparaîtl’association-type d’une personne alcoo-lique dont le comportement mène àl’irresponsabilité, avec une personnehyper-responsable. Un équilibre finit parse créer entre les besoins du partenairehyper-responsable et ceux de celui qui selaisse aller. Pour garder une stabilité etsurvivre avec le moins de souffrance pos-sible, la famille s’organise pour atteindreun certain équilibre sur ce mode complé-mentaire construit autour de la difficultéfonctionnelle d’un de ses membres.

Dans la littérature en toxicomanie, lefaible degré de différenciation se traduitaussi par le concept de codépendance.Melody Beattie en donne la définitionsuivante :

« L’individu codépendant est celui quis’est laissé affecter par le comporte-ment d’un autre individu et qui se faitune obsession de contrôler le com-portement de cette autre personne. Lebesoin de contrôler provient de lacroyance que son bonheur, sa sécuritéaffective et son bien-être viennent oudépendent d’une autre personne. L’in-dividu ne peut se sentir bien qu’encontrôlant l’autre et l’environnement. »

Selon ce concept, la codépendance s’ins-crit donc dans un processus de réactionet implique une manière routinière depenser et de réagir qui tend à se rigidifieret devient peu adaptée à la réalité. Cescomportements s’apparentent à ceux queprésentent les gens marqués par destraumatismes (incendie, violence, viol...).Ils surgissent au moment où la personnes’y attend le moins. Un événement peutlui rappeler une situation difficile dupassé et les réactions se mettent enbranle. C’est un phénomène que l’onappelle aussi mémoire associative,encodage ou mémoire traumatique. Ledéclencheur peut-être à peu près n’im-porte quoi : le bruit d’une bouteille debière ou de vin que l’on ouvre, une criti-que ou une sensation de perte de con-trôle. Malgré elle, la personne réagit de lamême manière que dans son enfance,même si cela est devenu inappropriéaujourd’hui. C’est la souffrance qui faitque les individus adoptent ce type decomportement qui au départ leur servait

L A T R A N S M I S S I O N G É N É R AT I O N N E L L E

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à se protéger alors que maintenant il lesamène vers des difficultés dans leursrelations.

La rigidité des règles et des rôles…

Pour comprendre ce phénomène, il fautnous référer à la détresse chronique desfamilles touchées par la toxicomanie.Selon John Bradshaw, cette détresseconduit chaque membre à s’adapter à unétat de stress constant. Hypervigilance,anxiété et peur font le quotidien de cesfamilles dont les membres tentent cons-tamment de stabiliser la vie familiale.Comment obtenir cette stabilité ? Par desrôles (responsable, conciliateur, malléa-ble, rebelle) qui seront remplis commeune mission, celle de préserver la familleet des règles qui font force de lois : Nepas parler, ne pas faire confiance, ne pasressentir. Les besoins fondamentaux nesont alors pas comblés. Un parent toxi-comane n’est pas disponible affective-ment et quelquefois physiquement pourson enfant. Insatisfait lui-même, il s’in-toxique pour combler un vide existentiel.L’autre parent, lorsqu’il n’est pas lui-même toxicomane, est tellement préoc-cupé par la situation et ses propresbesoins insatisfaits qu’il ne peut comblerceux des enfants. Parfois, ce parentcherchera à remplir ce vide affectif enutilisant l’enfant. Cette négligence desbesoins fondamentaux d’un enfant cons-titue une forme d’abandon.

Effacement ou fusion… deux formesde réactions au vide affectif

L’enfant réagit à la négligence ou l’aban-don selon son individualité et la situationfamiliale. Sa réaction peut être située surun continuum qui va de l’isolement mar-qué à la fusion.

Isolement ➜ ➜ ➜ Fusion

Certains enfants réagissent principale-ment en s’isolant, c’est-à-dire en prenantle plus de distance possible avec lafamille. Ce sont des enfants qui passentfacilement inaperçus car ils sont le plussouvent ailleurs, dans leur chambre ouchez des amis. Ils évitent d’attirer l’atten-tion et s’adaptent le mieux possible àl’adversité familiale. À l’autre extrémité ducontinuum, se retrouvent les enfants quiviennent combler leur propre vide affectif

et celui du parent en se fusionnant à lui.Ils consolent le parent, ils écoutent sesconfidences. En fait, ils se sentent res-ponsable du bien-être moral de leurparent. De Frank-Lynch parle d’enfantsparentifiés. Ils accèdent trop tôt au sys-tème des adultes et sont placés dans unesituation inappropriée à leur âge. Ils par-tagent un pouvoir impropre à leur âgeet leur stade de développement. Cesenfants font le deuil de leur enfance auprofit de l’équilibre familial.

Entre ces deux extrêmes du continuum,se situent les autres enfants. Il est impor-tant de comprendre que les membres dela famille n’ont pas vraiment le choixd’agir ainsi. La situation l’exige. Lesrègles et les rôles ne peuvent être remisen question car cela compromettraitl’existence même de la famille. Chaquemembre se sent menacé lorsque surgitune situation ou des besoins nouveaux.Les membres de ces familles peuventdifficilement assimiler le changement,y compris celui qui est inhérent à leurpropre cycle de développement. À l’âgeadulte, les règles et les rôles continuent àmodeler les comportements de membresincapables de trouver des moyens deconcilier leurs besoins personnels et lesexigences interactionnelles.

La transmission générationnelle

La faible différenciation couplée à larigidité du fonctionnement familial (desrègles qui font force de lois et des rôlesjoués comme une mission) favorisent latransmission générationnelle. Même s’ilsne vivent plus avec leurs parents, lesenfants tendent à reproduire le type defonctionnement appris. Ils sentent alors levide laissé par l’abandon éprouvé dansleur enfance et cherchent un conjoint quifonctionne au même niveau pour comblerce vide et stabiliser la relation. Il s’agit dedeux êtres malheureux qui s’associentdans une illusion de bonheur pour échap-per à l’angoisse. Ils vont donc revivreles préoccupations de leurs parents. DeFrank-Lynch décrit bien la situation enexpliquant que le choix du partenaire estfonction du bagage relationnel de lafamille d’origine. L’image des relationshommes-femmes provient des modèlesparentaux, de la famille élargie et de

l’entourage. En ce sens, les enfants deparents alcooliques sont beaucoup plus àrisque de choisir un conjoint qui a unfonctionnement similaire au leur.

Plusieurs auteurs observent que lesfamilles se répètent et que ce qui arrive àune génération, se reproduit souvent à lasuivante. Les mêmes solutions sontadoptées d’une génération à l’autre bienque le comportement actuel prenne unegrande variété de formes. On peut véri-tablement parler de legs des modes rela-tionnels entre les générations puisque lesrègles sont rarement explicites et pro-viennent généralement des familles d’ori-gine. De plus, comme les familles où il ya présence de toxicomanie sont fréquem-ment peu différenciée, elles auront de ladifficulté à remettre en cause leur modede fonctionnement. Tout concourt donc àla perpétuation des rôles et des compor-tements compulsifs. Dans une perspec-tive de prévention, la prise de consciencedes règles et des rôles appris dans lepassé et véhiculés dans le présent donneà l’individu un ancrage pour entreprendreun processus de changement pour lebénéfice des enfants de la générationactuelle. Ces familles ont développé degrandes forces et des compétences dansl’adversité, cependant elles les utilisentpour survivre. Il s’agit donc de potentia-liser leurs forces vers l’évolution.

Line Caron, Mss, t.sRégie régionale de la santé et

des services sociaux de la Côte-NordAuteur du programme «La prévention de la

transmission générationnelle de la toxicomanie : Une affaire de famille».

Références :

1. BEATTIE, Melody. (1992). Vaincre la codépen-dance. Les Éditions Sciences et Culture, 308 p.Montréal.

2. BLACK, Claudia. (1991). Jamais cela ne m’arri-vera. Les Éditions Ganesha, Collection L’Arbre devie, 195 p. Montréal.

3. BOWEN, Murray. (1988). La différenciation du soi,les triangles et les systèmes émotifs familiaux.2e édition, Les Éditions ESF, 196 p. Paris, France.

4. BRADSHAW, John. (1993). La famille, Uneméthode révolutionnaire pour se découvrir, Éditiondu Club Québec Loisirs inc., 318 p. Montréal.

5. DE FRANCK-LYNCH, Barbara. (1985). Thérapiefamiliale structurale, Les éditions ESF, Paris,France.

6. McGOLDRICK, Monica et Randy GERSON.(1985). Génogrammes et entretien familial. 199 p.Paris, France.

D E L A T O X I C O M A N I E

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Définition du problème

Il est fait grand cas ces dernières annéesd’un phénomène couramment qualifiéde « banalisation de la consommation

de drogues chez les jeunes ». Au pointde départ, qu’entendons-nous par «bana-lisation » ? Un comportement se bana-lise lorsqu’il devient commun et courant,perdant son caractère d’exception ou demarginalité dans un contexte donné. Labanalisation traduit ainsi un état plus oumoins grand d’acceptation au plan social.Le phénomène peut s’avérer positif parcequ’il met fin aux pratiques de stigmati-sation et de rejet de certains comporte-ments non conformes aux valeurs domi-nantes ; il comporte également le dangerd’occulter le sens et les implications degestes dorénavant pris pour acquis, donton n’interroge plus la contribution dis-tinctive ou les dérives possibles.Ce qui est préoccupant aujourd’hui, c’esttout autant le processus de « normali-sation » de la consommation de produitspsychotropes, licites comme illicites, ausein d’une population de plus en plusjeune, que l’absence de questionnementen profondeur sur ses causes et, de là, lepeu de résultats probants des interven-tions préconisées en cette matière.

Délimitation et déterminants du problèmeIl existe deux niveaux de banalisation dela consommation de psychotropes chezles jeunes. D’abord, la banalisation de lasimple consommation qui se manifestedepuis quelques années par une ten-dance à la hausse dans l’usage d’unefoule de produits : nicotine, alcool, can-nabis, stéroïdes, drogues de synthèse,médicaments (le Ritalin, notamment).Cette tendance reflète le fait que l’usagede substances psychoactives est depuislongtemps la norme, plutôt que l’excep-tion, pour l’ensemble de la société et queles jeunes ne font en cela qu’imiter leursaînés, endosser ou adapter leurs modesde consommation. Au Québec, rappelonsqu’au-delà de 80% des adultes sont desutilisateurs d’alcool, 35% de nicotine,près de 20% font usage d’un ou l’autremédicament du système nerveux central,alors qu’entre 10 et 15% consommentdes drogues illicites. Chez les jeunes, lesdeux premières substances consomméessont les mêmes, les produits de rue

venant temporairement supplanter lesmédicaments qui ne sont pas pour autantabsents de leur univers (quelque 5% enusant de façon courante). Ainsi, la seuledifférence notable est que les jeunesforment – et ce depuis les années 60 –le bassin principal des expérimentateursde substances illicites avant de se« conformer » aux comportements deconsommation adultes.

D’un point de vue socioculturel, ce typede banalisation est à mettre en relationavec la généralisation d’un style de vieaxé sur la recherche constante (et àmoindre effort) du plaisir et de l’évasionà travers la consommation de produitsde toutes sortes. Les messages et lesmodèles en vigueur valorisent en effetcette quête perpétuelle du soulagementinstantané et de la gratification immédiatepar le recours aux médicaments et àl’alcool, mais tout aussi bien à la nour-riture, aux voitures, aux voyages, etc.

La banalisation de la consommation ducannabis chez les jeunes, observéedepuis les années 90, ne s’inscrit-elle pasen réaction aux discours dramatisants etstigmatisants des années 80, alors quela société adulte n’a jamais cessé des’identifier aux valeurs de consommation,y compris des drogues légales ? De plus,l’usage du cannabis a été pratiqué parun nombre élevé de parents et d’interve-nants actuels (sans compter une foule depersonnalités publiques parmi les plus envue !), comment s’étonner alors que lesjeunes s’y adonnent aujourd’hui en toutebonne conscience et qu’il soit pour lemoins difficile de défendre une positionpublique cohérente sur la question ?

L’autre facette du phénomène de la bana-lisation, plus préoccupante, est celle dela consommation inappropriée de subs-tances par un nombre croissant dejeunes. La consommation inappropriéerecouvre toutes formes d’usage suscep-tibles d’entraîner des méfaits pour soiou l’entourage : l’usage excessif (intoxi-cation ponctuelle), l’usage abusif (intoxi-cation chronique susceptible d’entraînerla dépendance) et l’usage dans descirconstances ou selon des modalitésimpropres ou dangereuses (durant lagrossesse, lors de la conduite automo-bile, pendant les heures de classe ou detravail, selon un mode d’administrationintraveineux, etc.). Ainsi, les jeunes sontde plus en plus nombreux à se retrouversous l’effet du cannabis durant les pério-

des de cours à l’école secondaire ; deplus en plus nombreux à vivre réguliè-rement des épisodes d’intoxication àl’alcool pendant leurs loisirs ; de plus enplus nombreux également à décrocher dusystème pour entrer dans des cycles detoxicomanie dure au moyen de droguesd’injection (cocaïne, héroïne). S’il y a nou-veauté, ce n’est pas tant que les jeunesconsomment couramment des droguespsychoactives comme leurs aînés maisqu’ils radicalisent leurs expériences avecces produits.Les causes à la source de ces conduitesd’évasion à tous prix, voire d’autodes-truction, ne sont pas simples. Par-delàles facteurs de risque individuels et fami-liaux, souvent cités, le caractère de plusen plus généralisé et collectif de ces con-duites nous mène de nouveau à question-ner les déterminants sociaux et culturelsen présence. Du quotidien morose quel’on gèle à la marijuana, aux échappéeshebdomadaires dans l’ivresse éthyliqueou « ecstatique », à la nouvelle itinérancede rue assumée au gré des flashes et desrushes de l’aiguille, ces manifestationsreflètent aussi un inconfort, un désarroiexistentiel, la recherche maladroite, con-fuse et parfois désespérée d’une réalitéautre qui suppléerait à la perte de sens etde sentiment d’appartenance qui carac-térise le matérialisme mur à mur de nossociétés. L’horizon offert aux jeunesgénérations est à cet égard terriblementrestreint, qu’il s’agisse des possibilitésd’insertion (en raison de l’éclatement dela formation et du marché de l’emploi) oudes possibilités de réalisation (la recon-naissance demeurant toujours liée austatut social et à la capacité de consom-mation de biens). Cette société, ils nepeuvent tout simplement ou ne veulentde toutes façons plus s’y intégrer.

Avenues d’interventionPlusieurs actions sont menées et conti-nueront de l’être au plan des individus etdes milieux pour prévenir, stabiliser ouaméliorer des situations ponctuelles derisque ou de vulnérabilité par rapport audouble constat de banalisation fait précé-demment. Nous insistons sur la nécessitéde réfléchir et d’intégrer aux traditionnelsplans d’action en toxicomanie, les dimen-sions sociales, culturelles et éthiquesindispensables pour agir à plus longterme sur des phénomènes de sociétécomme celui qui nous occupe. Il fautd’abord éviter de reproduire les erreurs

LA BANALISATION DE LA CONSOMMATION DE DROGUES CHEZ LES JEUNES : UNE

* Version remaniée d’un texte initialement produit à lademande du Comité permanent de lutte à la toxico-manie, à l’hiver 2001.

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du passé en revenant à des stratégies dedramatisation ou de répression des com-portements de consommation chez lesjeunes. Des positions autoritaires ou pa-ternalistes non seulement témoigneraientde l’impuissance des adultes à prendre lamesure de leurs responsabilités, maisperpétueraient l’hypocrisie de la sociétéface à la question de la consommation desubstances psychoactives en son sein.La conséquence en serait de creuserdavantage le fossé entre générations parune perte accrue de crédibilité chez lesuns et une désaffiliation encore plusprononcée chez les autres.

Dans le cas de la banalisation de l’usage,une avenue prometteuse à moyen et longterme est de consentir l’effort et lesconditions d’un véritable dialogue entreadultes et jeunes à propos, non du pro-blème des jeunes avec la drogue, maisde la place et des enjeux de la con-sommation des produits psychotropeslicites comme illicites dans la sociétéactuelle. À la maison, à l’école, dans lesmédias, cela implique de considérer lesjeunes comme des interlocuteurs vala-bles, forts de leurs expériences et dési-reux d’en assumer les responsabilités.

Cela implique finalement le souci éthiquede ne pas se conter d’histoires en tantqu’adultes sur notre propre rapport auxdrogues et, surtout, d’arrêter de vouloirfaire croire à nos mensonges en lieu etplace d’une véritable éducation publiquesur la question.

Devant le phénomène plus inquiétant dela banalisation de l’usage inapproprié,notre responsabilité immédiate est deparer au pire en consentant l’investisse-ment des ressources humaines nécessai-res à la reprise de contact, au soutien età l’intervention précoce auprès des indivi-dus de tous les milieux touchés (école,travail, rue). Il s’agit, ni plus ni moins, quede tendre la main sans jugement à ceuxqui sont en train de basculer et risquentde se perdre pour qu’ils puissent retrou-ver confiance et dignité afin, eux aussi,d’être à même de participer à la prise deconscience, au dialogue et à la mise enoeuvre de solutions communes face à laproblématique de l’usage et de l’abus desdrogues dans notre société.

Ces solutions, nous croyons qu’elles sontà la fois du côté de la promotion d’unemeilleure santé « spirituelle » pour nossociétés, alliée à un exercice collectif de

PERSPECTIVE SOCIOCULTURELLE*

• Selon une recherche menée par des professeurs de l’uni-versité Mc Gill (R. Gupta et J.Derevensky) la proportion dejeunes joueurs compulsifs est passée de 3,9 % en 1992 à4,7 % en 1994 et à 6,5 % en 2000…

• Le Journal de l’Association médicale canadienne plaidepour la mise en place de piqueries sécuritaires et sous sur-veillance. Cette position est basée sur les résultats d’uneétude qui fait état des coûts élevés de soins de santé reliésaux UDI (utilisateurs de drogues par injection) du quartierEst du centre-ville de Vancouver…

• Un avocat et docteur en droit constitutionnel (A-R Nadeau)s’interrogeait dans un article paru dans Le Devoir auprintemps dernier : comment expliquer, se demandait-il, ladifférence de traitement pour la marijuana et l’alcool alorsque selon l’Organisation mondiale de la santé, l’alcool estl’une des drogues les plus nocives et qu’elle a coûté 6701décès au Canada en 1992…À son avis, il est grand tempsde tenir un débat public sur le sujet…

• Le gouvernement du Québec a été l’un des plus actifs àétendre son réseau de jeux de hasard et d’argent, s’y acti-vant beaucoup plus que d’autres gouvernements, estimaitl’économiste américain William Eadington, en marge duForum sur le jeu pathologique, les 8 et 9 novembre dernier…

remise en question de l’actuelle philoso-phie et politique de gestion de la questiondes drogues, incohérente et inefficace,qui cautionne le commercialisme d’uncôté et le prohibitionnisme de l’autre. Encomplément, la mise en œuvre perma-nente d’interventions vouées à la réduc-tion concrète des risques et des méfaitssur le terrain quotidien de la consomma-tion s’impose.Une chose est certaine : ni la banalisationni la dramatisation du phénomène nepourront contribuer au renouvellementpourtant si nécessaire des voies d’édu-cation et d’intervention en ce domaine.

Pierre BrissonEnseignant, formateur et auteur en toxicomanie

Références :

1. Bibeau, G. (2000). « L’abus de rationalité enmatière de santé publique et de toxicomanies : desperspectives critiques ». In (P. Brisson éd.) :L’usage des drogues et la toxicomanie, volume III.Gaëtan Morin éditeur, pp. 45-71. Boucherville.

2. Malherbe, J.-F. (2000). Le nomade polyglotte.Bellarmin., Montréal.

3. Comité permanent de lutte à la toxicomanie(2000). Le point sur la situation en toxicomanie auQuébec en l’an 2000. Auteur.

4. Ministère de la Santé et des Services sociaux(2001). Pour une approche pragmatique deprévention en toxicomanie. Orientations Axesd’intervention Actions. Québec.

• Le premier café vendant du cannabis thérapeutique a ouvertses portes à Vancouver, dans le quartier Ouest…

• « Quand un gars vient d’engloutir 400$ dans une machineet qu’il est convaincu qu’elle est sur le point de cracher,n’essaye pas de lui dire On ferme ! Tu te fais pousser. Lesgens sont comme hypnotisés, il y a beaucoup de violenceverbale » rapporte une serveuse d’un bar de Longueuil…«J’ai changé de quart de travail pour ne plus fermer le soir »rapporte un autre serveur…Des exemples de situation aux-quels on ne pense pas en regard du jeu…

• L’INSERN (Institut national de la la santé et de la recherchemédicale en France) a pris une position publique à l’effetque seule une consommation modérée d’alcool peut avoirun effet protecteur. Pour des effets de diminution du risquedes maladies coronariennes la consommation ne doit pasdépasser 20 grammes par jour (environ 2 verres) chez leshommes et 10 à 20 grammes chez les femmes.

• Selon l’organe de l’ONU chargé du contrôle des drogues, lesjeunes Américains se tourneraient de plus en plus vers lesdrogues douces et délaisseraient la cocaïne et l’héroïne…

• Une nouveauté du temps des fêtes : la possibilité de vérifiernotre taux d’alcoolémie en ligne : Pas de ballon à gonflermais des questions auxquelles on doit répondre …sansmentir ! mps.pro.tircis.net

P.N.B… (Petites nouvelles brèves)

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politiques des 17 ministères impliqués dansle domaine. J’ai participé aux travaux de différentscomités de la MILDT, à des journées derencontres et d’échanges en région pari-sienne et dans les Pays de la Loire, orga-nisées par les directions départementaleset régionales des affaires sanitaires etsociales (DRASS). J’ai participé à unejournée de suivi d’appel d’offres pour larecherche de la MILDT. J’ai assisté aulancement d’une campagne d’information etde prévention nationale. J’ai accompagnéun médecin inspecteur dans l’exécutionde ses fonctions auprès d’intervenants dela plus grande prison d’Europe (Fleury-Mérogis) et de jeunes judiciarisés pourusage de drogues. J’ai rencontré des inter-venants et des clients d’organismes deprévention de différents quartiers de Parisainsi que des professionnels de cliniquesprivées de thérapie de substitution par leSubutex®.En France, la coordination interministériellesemble atteinte mais l’intersectorialité entreles partenaires sur le terrain est à venir. Laprévention et la promotion auprès des grou-pes, négligée jusqu’à maintenant, constitueune priorité pour la MILDT. Comme vous avez pu le lire, ce stage futtrès diversifié. Que retenir d’une telle expé-rience ? D’un point de vue professionnel,dans chacun des pays, la grande accessi-bilité et utilisation de la thérapie de substi-tution de l’héroïne par la méthadone ou leSubutex®, l’admiration et le respect despersonnes qui font un travail de qualitédans des conditions souvent difficiles. Surle plan personnel, le plaisir et la granderichesse des rapports humains, l’impor-tance des personnes, le plaisir de recevoirdes courriers électroniques lorsqu’on estseule sur un autre continent, la conscienceet la reconnaissance quant à l’aide et ausupport de certains collègues et amis, l’at-tachement à des personnes et la tristessede les quitter en sachant qu’on a peu dechances de les revoir.

Nicole PayantInfirmière en prévention

Nous tenons à remercier chaleureusementles personnes suivantes pour leur soutienfinancier qui a permis la réalisation dece stage en Europe : M. Gilles Baril, ex-ministre délégué à la Santé, aux Servicessociaux et à la Protection de la jeunesse;M. Hubert Sacy, Directeur général d’ÉducAlcool (bourse Marie-Soleil Tougas) etM. Guy Nadeau, Directeur général de laFondation Jean Lapointe.

Après plus de vingt ans de travailcomme infirmière en prévention enCLSC, auprès des jeunes, j’ai décidé

de faire un retour aux études et j’ai entre-pris alors, un diplôme de deuxième cycle entoxicomanie à l’université de Sherbrooke.

Au fur et à mesure des études, un vieuxrêve d’étudier en Europe a refait surface.Ce rêve a pu devenir une réalité grâce àl’aide et au support de madame Lise Roy,de certains professeurs, des membres dema cohorte et de ma famille.

Ainsi, le 2 avril 2001, j’entreprenais un stagede travail de 15 semaines dans trois payseuropéens: la Suisse, la Belgique, la France.L’objectif principal était d’élargir le champde mes connaissances sur la façon dont estabordée la problématique de la toxicomanie,plus spécifiquement en prévention et pro-motion. Je voulais connaître les orientationsen matière de prévention des toxicomanies,par qui, et comment les programmes sontplanifiés, quelles stratégies sont utilisées.De plus, je voulais observer comment s’ac-tualisent ces programmes auprès de certai-nes populations cibles.

En Suisse, j’ai été reçue par l’Unité d’éva-luation des programmes de prévention del’Institut de Médecine Sociale et Préventivede Lausanne. Le travail a consisté à traiterd’un aspect de l’évaluation de l’implanta-tion du système de management de qualitéQuaThéDA (Qualité Thérapie DroguesAlcool) proposé par l’Office Fédéral de SantéPublique suisse. Le système QuaThéDa estadapté au travail dans le domaine desdépendances. J’avais à connaître et à éva-luer, par entrevue, le type d’accueil queréservaient les Centres résidentiels detraitement du Canton de Vaud à ce systèmede mesures de la qualité.

La compétence globale des institutionssuisses est reconnue. Par contre, elles nesont généralement pas en mesure de pré-senter clairement leurs prestations et leseffets souhaités. Les bases du traitementrelèvent plus de la transmission verbaleque de fondements documentés. Il estdifficile de différencier les « bonnes » des« mauvaises » institutions. QuaThéDA viseà modifier cette situation et à améliorerl’efficacité et l’efficience des différentsprogrammes de thérapies résidentiellesdrogues et alcool. Il s’oriente autour desquestions suivantes : quels traitements,pour quels patients, avec quels résultats,avec quelles ressources?

Les organismes collaborent et se montrentassez favorables au système management

qualité. Ce qui est impressionnant enSuisse, c’est la grande qualité du travail ;les sommes investies (1 million pour QuaThéDa) pour mener à bien les projets;l’ouverture des gens, quel que soit leurniveau de responsabilité, pour répondreaux questions et rendre compte de leursactions ; les méthodes de réinsertion desusagers.

En Belgique, la majorité des services entoxicomanie est assurée par les Associa-tions sans but lucratif (ASBL). Cette partiede mon stage, à Bruxelles, a essentielle-ment consisté à rencontrer des personnesde certaines ASBL francophones (10) enprévention primaire, secondaire et tertiaire.J’ai été reçue entre autres, par l’ASBL«Prospective Jeunesse». Cette associationtraite des questions relatives à l’usage desdrogues dans une large perspective deréduction des risques et de promotion de lasanté. Elle s’adresse à des adultes-relais,dans leur contexte professionnel ou privé.J’ai participé à certaines activités desASBL, discuté avec eux de leur travail,de leurs difficultés et du sujet chaud dumoment : les enjeux de la future législationsur la dépénalisation du cannabis. D’unpoint de vue professionnel, le traitement estprincipalement médical d’orientation psy-chanalytique alors que la prévention sesitue dans une approche plutôt psycho-sociale. Les intervenants de préventiontravaillent beaucoup de façon intuitive avecdes objectifs flous, sans modèle de pré-vention.

Je retiens de la Belgique certaines simili-tudes entre la culture belge et québécoise ;la qualité de leur accueil ; la qualité dutravail en réduction des risques, avec et pardes usagers ; la grande diversité de profes-sionnels (psychologue, sociologue, crimi-nologue, etc.) travaillant dans les ASBL ;la rémunération décente de ceux-ci, com-parable à celle des institutions d’État etdéterminée par des accords ministériels.

La partie française du stage a été effectuéeà La Mission Interministérielle de Lutte àla Drogue et à la Toxicomanie à Paris(France). La MILDT, placée sous l’autoritédu premier ministre, est chargée decoordonner l’action du gouvernement dansle domaine de la prévention, la prise encharge sanitaire et sociale, la répression, laformation, la communication, la rechercheet les échanges internationaux. Ses com-pétences s’étendent à l’abus d’alcool, detabac, de drogues illégales et de médica-ments psychotropes. Elle coordonne les

UN RÊVE, UN PROJET… UN STAGE EN EUROPE…

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Les recommandations de la Commission Clair

En 1999, le gouvernement du Québeca confié à un groupe de travail (laCommission Clair) le mandat de

réaliser un diagnostic du système de santéquébécois et de proposer des recomman-dations en vue d’amélioration de cesservices à la population.

Les principaux éléments de recomman-dations de la Commission Clair sont lessuivants : 1) le système de santé doit répon-dre aux besoins de tous les membres de lapopulation et ce, à toutes les étapes dela vie ; 2) la prévention, les soins et ladimension sociale des services devraientêtre intégrés ; 3) trop de «silos» profession-nels, institutionnels, budgétaires, syndicauxet autres entravent la dispensation des ser-vices dans une perspective globale ; 4) lesservices de première ligne (médicale etsociale) constituent la pierre angulaire deservices efficaces et responsables ; et enfin,5) il faudrait établir une réelle complémen-tarité entre les services des établissementsaux missions différentes.

De plus, les recommandations insistent surl’indispensable relation de confiance quidoit prévaloir entre la personne souffranteet les professionnels de la santé ainsi quesur la responsabilité globale des clientèles,ou d’une population (dans le cas de la pré-vention), que les équipe de professionnelsdoivent assumer.

Comment créer les conditions deréalisation de ces recommandations?

L’intégration des services et objectifs dusystème de soins semble actuellementl’élément de réponse retenu. Ce serait quoicette « intégration » ? L’intégration est unprocessus qui consiste à créer et à main-tenir au cours du temps, une gouvernecommune entre des acteurs et des organi-sations autonomes pour coordonner leursinterdépendances dans le but de réaliserun projet collectif, dans ce cas-ci, d’ordreclinique. D’une façon plus concrète, onpourrait dire qu’il s’agit de créer des habi-tudes de fonctionnement basées sur lacoopération. Cependant, il ne faut pasoublier que tout travail en coopération ouconcertation est plus lent et requiert plusd’énergie et de temps. D’où la nécessité del’appliquer lorsque requis. Autrement dit,continuons à faire tout seul ce qu’on peutfaire bien tout seul, mais prenons le tempset l’énergie nécessaires pour faire à plu-sieurs ce qu’on n’est pas capable de faire

bien tout seul. L’interdépendance est reliéeau fait que non seulement les probléma-tiques sont de plus en plus complexes maisaussi les connaissances et les technolo-gies. D’où ce constat que font les interve-nants du réseau de la santé et des servicessociaux : aucun des acteurs ne peut pré-tendre avoir toutes les ressources, toutesles compétences… pour apporter uneréponse scientifiquement ou profession-nellement valide à certaines situations. Lacoopération des acteurs devient donccentrale et la coordination de ces coopé-rations indispensable. Ce sont des choixpragmatiques.

Quelles formes peut prendre l’intégration ?Que le modèle retenu soit souple et rela-tivement peu formel (information mutuelle,consultation…) ou plus rigide (partenariat /alliances stratégiques, fusion…), plusieursaspects de l’organisation des services visésseront touchés car il faut une cohérenceentre la gouverne (système de gestion,information, financement), le système clini-que (modalités de prise en charge despatients, règles de bonne pratique…) et lesystème collectif des valeurs et croyances(philosophie d’intervention).

L’expérience du secteur de la toxicomanie

La toxicomanie est historiquement unchamp qui porte les intervenants à l’humiliténécessaire au travail en réseau, partenariatou autre forme de coopération, car la com-plexité de la problématique et la variété desréponses possibles est très grande. Deplus, depuis plusieurs années, on constateun alourdissement marqué des clientèlesqui se traduit par une fréquence importantedes situations (au point qu’elles sont deve-nues courantes) de polytoxicomanie, dedouble ou triple problématiques chez unemême personne (par exemple, santé men-tale, judiciarisation, jeu pathologique, etc.).Même en prévention, les volets multiples dela problématique ont amené les interve-nants à constater assez tôt leur impossi-bilité, voire incapacité à agir seuls. Au débutdes années 90, on parlait d’interventiondans un contexte multisectoriel et decoordination de la concertation.

La réflexion actuelle sur les réseaux inté-grés ou la dispensation de services intégrésest encore à préciser, mais, semble-t-il, elleprocède de constats semblables à ceuxréalisés dans le champ de la toxicomanie.Cependant, la démarche est plus ambi-tieuse car elle veut s’appliquer à l’ensemble

LES RÉSEAUX INTÉGRÉS…ON EN PARLE, ON EN PARLE…

du système de soins et dépasse la simplenotion de concertation.

Qu’en est-il en toxicomanie ? Dès 1990,les recommandations de la CommissionBertrand insistaient sur la nécessité d’unleadership et d’une politique d’ensemblepermettant d’articuler les uns aux autres lesmaillons de la chaîne des interventionsdes différents acteurs dans le domaine : laprévention, la répression, la réadaptation,la réinsertion. De plus, ce rapport dénotait«un manque de coordination et une absencede complémentarité dans les servicesofferts ». Pourtant, comme noté précédem-ment, ce n’est pas la conscience d’avoirbesoin d’autres partenaires qui fait défautaux intervenants dans le champ de la toxi-comanie (prévention ou traitement). Alorsoù est le problème ? Le rapport Bertrandavait sa réponse. Il faisait état de l’immensebonne volonté et motivation des interve-nants mais ajoutait que « la valeur ne peutpas toujours suppléer au nombre » ! Ildéplorait les « lacunes importantes entermes de ressources disponibles, en pre-mière ligne et en réadaptation».

Depuis le rapport Bertrand des progrès ontété réalisés dans la champ de l’intervention,préventive et curative, en toxicomanie.Cependant, certaines lacunes persistent.Par exemple, la faiblesse de certains mail-lons de la chaîne de services, entre autre,la première ligne. On peut espérer quel’actuelle réflexion et le mouvement quipourrait suivre vers la mise en place deréseaux intégrés de services permettentde redonner au champ de la toxicomanieune impulsion dans la direction souhaitéedepuis tant d’années (concertation, complé-mentarité, continuum de services), mais,avec enfin les moyens requis.

Marie-Thérèse PayreProgrammes alcoologie-toxicomanie

et jeu pathologiqueRégie régionale de la santé et des services

sociaux de l’Estrie

Références :

1. Contandriopoulos, A.P ; Denis, J.L.(2001). Lagestion des processus d’intégration du système desoins. Cahier de formation, Département d’admi-nistration de la santé et Groupe de rechercheinterdisciplinaire en santé (G.R.I.S)

2. Lebeau, A.C ; Viens et Vermette, G. (1997). Syn-thèse du contexte structurel des pratiques inter-sectorielles en toxicomanie. Collection Études etanalyses, no.36, Direction générale de la pla-nification et l’évaluation, MSSS.

3. Gouvernement du Québec (1990). Rapport dugroupe de travail sur la lutte contre la drogue, sousla présidence de Mario Bertrand, Les Publicationsdu Québec.

■ Comité permanent de lutte à la toxicomanie (2001). Drogues : Savoir plus,Risquer moins, Édition québécoise, Stanké éditeur, Montréal.

Tout ce qu’il faut savoir sur l’alcool, les amphétamines, le cannabis, la cocaïne,l’ecstasy… dans une perspective de gestion des risques. Ce livre informe surles principales substances et leurs effets mais aussi sur les facteurs de risqueet de protection.Disponible chez tous les dépanneurs au coût de 2 $

■ Ministère de la Santé et des Services sociaux (2001). La prévention du jeupathologique, document de référence, Forum sur le jeu pathologique 8 et9 novembre 2001, la Direction des communications du MSSS, gouver-nement du Québec.

Un document de 98 pages qui fait le point sur le sujet incluant des donnéesstatistiques, informations diverses sur la problématique et les politiques d’ici etd’autres pays qui régissent le monde du jeu.Disponible sur le site du MSSS: www.msss.gouv.qc.ca

■ Beauchesne, Line. (2001). Prévenir l’abus de drogues et agir dès l’écoleprimaire. Guide à l’intention de parents d’enfants de 6 à 12 ans, éditions duMéridien, Montréal.

Adaptation québécoise du document À l’école du risque, produit par le groupeProspective Jeunesse : Bruxelles. Pour commander : Éditions du Méridien, Montréal,

Tél. : (514) 935-0464Site internet : www.editionsdumeridien.com

■ Ministère de la Santé et des Services sociaux (2001). Répertoire desressources sur le jeu pathologique au Québec, Direction des commu-nications du MSSS, gouvernement du Québec.

Comme son nom l’indique ce petit répertoire présente toutes les ressourcesdisponibles au Québec pour cette problématique.Pour commander : Télécopieur : (418) 644-4574

Courriel : [email protected]

■ Loto-Québec (2001). Le jeu doit rester un jeu, manuel d’autocontrôle. Direc-tion de la Recherche et de la Prévention du jeu pathologique Loto-Québec.

Ce petit fascicule a été produit en collaboration avec le Service à la famillechinoise du Grand Montréal. C’est un outil d’autocontrôle qui s’adresse aujoueur et à sa famille dans une perspective de prévention et d’aide. Versionanglaise disponible.Distribution via les régies régionales et les établissements du réseau de lasanté et des services sociaux.

■ Landry, M., Guyon, L., Brochu, S., sous la direction de… (2001). Impact dutraitement en alcoolisme et toxicomanie. Études québécoises. RISQ etCIRASST, les Presses de l’université Laval.

Un ensemble de textes qui font le point sur l’efficacité du traitement en toxico-manie à partir d’études menées ces dix dernières années au Québec.Pour commander : Distribution de livres Univers

Tél. : 1 800 859-7474

■ Santé Canada (2000). Les drogues, faits et méfaits, mise à jour 2000.Ministère des travaux publics et Services gouvernementaux. Ottawa.

Une brochure qu’il n’est plus nécessaire de présenter tellement elle a étéutilisée et est encore demandée. Disponible en anglais. Cette version est miseà jour au niveau des substances mais elle tient compte aussi de l’évolutiondes mentalités et des habitudes de vie.Pour commander : Publications Santé Canada, Ottawa

Tél. : (613) 954-5995Disponible sur site internet : http://www.cds-sca.com

L…comme lire

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Éditeur : Les programmes de toxicomanie de l'Universitéde Sherbrooke

Directrice des programmes de toxicomanie : Lise Roy

Responsable de la rédaction : Marie-Thérèse Payre

Conception graphique et impression : MJB Litho Inc.

ISSN 1481-546X

Dépôt légalBibliothèque nationale du Québec et du Canada

La ministre Agnès Maltaismise sur le pragmatisme

et lance les orientations enprévention de la toxicomanie

« Il serait utopique de penser éliminercomplètement l’usage inapproprié desubstances psychotropes, qu’elles soientlicites, comme les médicaments etl’alcool, ou encore illicites, comme lesdrogues illégales. Le gouvernement veutdonc miser sur une approche résolu-ment pragmatique. Ce qui est nouveau,c’est que la prévention ira maintenantde pair avec une approche de réductiondes méfaits, de manière à atténuer lesconséquences négatives de cette con-sommation, que ce soit chez la personneelle-même, dans son entourage ou dansla société en général».

Cet extrait du discours de la ministredéléguée à la Santé, aux Servicessociaux et à la Protection de la jeunesse,Madame Maltais, résume très bien lateneur de ces orientations en préventiondont le lancement s’est fait à Québec, le19 novembre dernier. L’adoption de cesnouvelles orientations ne se fit pas sansdifficulté. Ceux et celles qui suivent ledossier depuis son début, il y a quelquesannées, le savent. Mais la ministre aaffirmé que les consensus nécessairessont désormais présents. Un budget deun (1) million de dollars est prévu poursoutenir la mise en œuvre des mesuresidentifiées dans ces orientations.

Le document est disponible sur le siteweb du MSSS: www.msss.gouv.qc.ca