le carpocapse des prunes : une menace pour les bio

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D IL--_AR_B_O_ Le carpocapse des prunes : une menace pour les bio Olivier de MARCILLAC (CIVAM AgroBio 47) La production depruneaux est une solide tradition en Aquitaine: elle permet de valoriser des terres de coteaux et vient souvent en complé- ment sur depetites exploitations en polyculture-élevage. L'expérience des agrobiologistes et la concertation engagée avec le Bureau Interprofessionnel du Pruneau ont permis d'élaborer un calendrier de traitement bio qui donne globalement satisfaction. Mais le carpocapse des prunes est le point leplus délicat ... Le prunier d'Ente, cultivé en agro- biologie, couvre une surface de 214 hectares; la production annuelle de 26 exploitations est d'environ 1 000 tonnes de pruneaux, soit un chiffre d'affaires de 20 millions de francs. Les dégâts moyens du carpocapse sont de l'ordre de 10 % de fruits ava- riés avec, certaines années, des pertes atteignant jusqu'à 50 % de la produc- tion. Les perforations sont une porte d'entrée pour le monilia. En agriculture conventionnelle, la solution est simple, efficace et peu coûteuse: on utilise un produit ovi- cide (Inségar) avec, si nécessaire, un produit de rattrapage actif sur larves (Zolone, Décis, ...). En agrobiologie, c'est un peu plus compliqué compte tenu du faible éventail de produits envisageables, de leur efficacité peu connue et de leur faible sélectivité. Les essais entrepris par le CIV AM Agrobiologique de Lot-et-Garonne en étroite coopération avec les agricul- teurs ont permis d'essayer plusieurs pistes. n Alter L!:J Agr; n027 Pyrèthre-roténone: le plus efficace Dans l'essai, il s'agissait de : - vérifier l'efficacité d'un insecticide naturel utilisé comme larvicide contre le carpocapse des prunes. - tester différentes stratégies visant à intervenir à différents stades de déve- loppement de la population du rava- geur. Le produit commercial utilisé est le Biophytoz distribué par Euphytor et contenant 15 g/l de pyrèthre et 30 g/l de roténone. ~. La dose préconisée est de 0,350 l/hl. Pour l'essai, elle' est réduite de moitié (0,1751/h1). Les essais sont conduits sur un verger à Saint-Robert (15 km d'Agen). On observe chaque semaine l'évo- lution des vols, des pontes et des per- forations sur fruits. Un comptage est réalisé sur chaque parcelle avant récolte. Les résultats sont exprimés en nombre de fruits perforés/1 000. L'analyse statistique est réalisée à l'ai- de du test de Bonferroni (seuil 5 %). Dégâts surfruits - notation du 8 août 1996 T A B C Moyenne 99%0 54%0 41 %0 26%0 Ecart-type 19 9 0,8 6 Comparaison au X X seuilS % Y Y Z Z T: Témoin A :4 traitements en 1re génération B : 8 traitements dont 4 en Giet 4 dans le mois précédant la récolte C: 12 traitements.

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Page 1: Le carpocapse des prunes : une menace pour les bio

D IL--_AR_B_O_

Le carpocapse desprunes : une menace pour les bioOlivier de MARCILLAC (CIVAM AgroBio 47)

La production de pruneaux est unesolide tradition en Aquitaine: ellepermet de valoriser des terres decoteaux et vient souvent en complé-ment sur de petites exploitations enpolyculture-élevage.

L'expérience des agrobiologistes etla concertation engagée avec leBureau Interprofessionnel duPruneau ont permis d'élaborer uncalendrier de traitement bio quidonne globalement satisfaction.Mais le carpocapse des prunes est lepoint le plus délicat ...

Le prunier d'Ente, cultivé en agro-biologie, couvre une surface de 214hectares; la production annuelle de26 exploitations est d'environ 1 000tonnes de pruneaux, soit un chiffred'affaires de 20 millions de francs.

Les dégâts moyens du carpocapsesont de l'ordre de 10 % de fruits ava-riés avec, certaines années, des pertesatteignant jusqu'à 50 % de la produc-tion. Les perforations sont une ported'entrée pour le monilia.

En agriculture conventionnelle, lasolution est simple, efficace et peucoûteuse: on utilise un produit ovi-cide (Inségar) avec, si nécessaire, unproduit de rattrapage actif sur larves(Zolone, Décis, ...).

En agrobiologie, c'est un peu pluscompliqué compte tenu du faibleéventail de produits envisageables, deleur efficacité peu connue et de leurfaible sélectivité.

Les essais entrepris par le CIV AMAgrobiologique de Lot-et-Garonne enétroite coopération avec les agricul-teurs ont permis d'essayer plusieurspistes.

n AlterL!:J Agr; n027

Pyrèthre-roténone:le plus efficace

Dans l'essai, il s'agissait de :

- vérifier l'efficacité d'un insecticidenaturel utilisé comme larvicide contrele carpocapse des prunes.

- tester différentes stratégies visant àintervenir à différents stades de déve-loppement de la population du rava-geur.

Le produit commercial utilisé est leBiophytoz distribué par Euphytor etcontenant 15 g/l de pyrèthre et 30 g/lde roténone.

~.La dose préconisée est de 0,350 l/hl.Pour l'essai, elle' est réduite de moitié(0,1751/h1).

Les essais sont conduits sur un vergerà Saint-Robert (15 km d'Agen).

On observe chaque semaine l'évo-lution des vols, des pontes et des per-forations sur fruits. Un comptage estréalisé sur chaque parcelle avantrécolte. Les résultats sont exprimésen nombre de fruits perforés/1 000.L'analyse statistique est réalisée à l'ai-de du test de Bonferroni (seuil 5 %).

Dégâts surfruits - notation du 8 août 1996

T A B C

Moyenne 99%0 54%0 41 %0 26%0Ecart-type 19 9 0,8 6Comparaison au X XseuilS % Y Y

Z Z

T: TémoinA : 4 traitements en 1re générationB : 8 traitements dont 4 en Giet 4 dans le mois précédant la récolteC: 12 traitements.

Page 2: Le carpocapse des prunes : une menace pour les bio

Les essais menés en 1996 sur deuxautres vergers confirment ces résultats(voir tableau page précédente).

Ces essais confirment l'efficacité duBiophytoz contre le carpocapse desprunes. Une stratégie basée unique-ment sur 4 traitements répartis sur lapremière génération semble efficacemais pas toujours suffisante. Lapoursuite de ces traitements de 1regénération par 3 ou 4 interventionssupplémentaires donne des résultatsplus fiables avec une réduction de70 % des dégâts.

Une stratégie basée sur des interven-tions continues durant toute une sai-son permet d'espérer maintenir lesdégâts en dessous du seuil de 3 % desfruits perforés. Cette solution est coû-teuse, contraignante et risque à termede perturber la faune auxiliaire. Ellepeut toutefois être une solution desecours dans le cas de fortes pres-sions parasitaires.

Ces essais doivent être poursuivis enétudiant de plus près l'incidence detraitements répétés sur les popula-tions d'acariens, de syrphes ou decoccinelles.

On peut également imaginer à termedes solutions où quelques traitementsà base de pyrèthre seraient relayéssoit par des huiles blanches, soit parune confusion sexuelle ad hoc.

_AR_B_O_I DBiologie du carpocapse (Grapholitafunebrana)

Le papillon de couleur grise mesure 5 à 8 mm de long et 15 mm d'envergure;dans le sud-ouest, il se développe au cours de l'année en trois générations, latroisième n'étant que partielle.

Au mois d'août, les chenilles ayant fini leur développement larvaire se mettentà la recherche d'un abri afin de tisser leur cocon et de diapauser pendant l'hiversous les écorces ou à même le sol.

Au printemps suivant, ~ers le mois de mars, les chenilles hivernantes se chry-sali dent pour donner naissance aux premiers papillons. Le premier envol dure1 mois à 1 mois et demie. Peu après leur émergence, et si la température cré-pusculaire atteint 15°C, les papillons s'accouplent et déposent leurs œufs surles jeunes prunes. Après une incubation de 9 à 10 jours, l'œuf éclôt donnantnaissance à une jeune larve qui pénètre aussitôt dans le fruit.

La larve creuse une-galerie et sectionne les vaisseaux ligneux du pédoncule, lefruit chute, la larve se chrysalide ; une dizaine de jours plus tard, le papillonéclôt. C'est le début du second vol qui commence dans la première quinzainede juin. Les pontes et les éclosions se renouvellent sans provoquer cette foisde chute de fruits; les prunes véreuses sont inconsommables et souventcontaminées par le monilia.

Une partie des chenilles arrivées au dernier stade larvaire va se diapauser, lesautres vont donner le troisième vol partiel interrompu par la récolte.

Les dynamiques de vols, de pontes ou de dégâts sont sensibles aux variationsde températures durant la saison. Les agrobiologistes participent au réseaud'observation des vols et des pontes pour l'élaboration de bulletins d'aver-tissement établis par le Service Régional de Protection des Végétaux.

Quelques pistes à suivreConfusion sexuelle

En 1994, à la suite de bons résultatsobtenus sur un verger confusé avecdu Rak 5, la méthode a été testée sur7 sites différents sans résultat. Certes,la molécule utilisée pour perturber lesaccouplements de tordeuse orientaledu pêcher est assez proche de celleémise par Cydiafunebrana, mais for-ce est de constater que la méthoden'est pas fiable. D'après la firmeBASF, le marché que représente leprunier d'Ente n'est pas suffisant pourjustifier de nouvelles études.

Effet répulsif des terpènes de pin etdu soufre (essais 1995)

- L'Héliosol n'apporte pas d'amélio-ration.

- L'Héliosoufre, utilisé à la dose de 5kg/ha selon un rythme de traitementhebdomadaire, apporte une légèreamélioration (15 à 20 % de réductiondes dégâts).

Effet du Bacillus thuringiensis(essai 1995)

Le produit testé (Del fin), utilisé à ladose de 0,75 kg/ha selon un rythmede traitement hebdomadaire, soit autotal 13 traitements au cours de la sai-

son, n'apporte pas d'améliorationsignificative (réduction de 10 % desdégâts).

Effets d'huiles blanches d'été(essais 1995 et 1996)

Un premier essai avec du Seppic Eté,utilisé à la dose de 10 l/ha tous les 15jours, indiquait une améliorationintéressante (réduction de 30 % desdégâts) mais peu significative. Lestraitements ont provoqué des marquessur les fruits.

En 1996, les essais ont été reconduitsavec une huile d'été peu corrosive(Ultrafine) à un rythme plus soutenu :traitements toutes les semaines à ladose de 20 l/ha (réduite à 15 1 enjuillet et août).

L'essai comparatif comportait 3 répé-titions. Les notations sur 1 000 fruitspar parcelle indiquent une réductionsignificative de 60 % des dégâts. Onn'observe pas de phytotoxicité mar-quée sur les fruits, les traitementsn'ont pas eu d'incidence sur la teneuren sucre.

Ces essais sont encourageants, maisl'huile Ultrafine n'est pas encore com-mercialisée et homologuée en France.D'autres essais seront nécessairespour confirmer les résultats obtenusen 1996.

AlterAgri n027