l’analyse des risques - gestion et finances publiques la...
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Bernard BLONDETTitulaire d’une licence de sciences économiques,
il est inspecteur du Trésor Public (ENT promotion Nelson Mandela 1989-1990).Il a notamment exercé les fonctions de chargé de mission du département des études économiques et financières
à la trésorerie générale de la région Rhône-Alpes (1993-1997),et de chef de poste de la trésorerie de Valleraugue (1997-2004).
Depuis 2005, il est affecté au pôle national de soutien au réseau de la trésorerie générale de la région Languedoc-Roussillon,en qualité de chargé de mission « analyse des risques ».
L’analyse des risques : une prestation innovantequi participe à la démarche de consolidation des comptes
dans le secteur public localRéforme de la décentralisation, développement de l’intercommunalité,diversification des modes d’intervention publique, externalisation des ser-vices publics... Plus que jamais, les collectivités locales sont amenées àmultiplier les formes de coopération et de partenariats, y compris avecdes acteurs privés, pour exercer pleinement leurs compétences.
Ce contexte entraîne néanmoins la dispersion des informations compta-bles et financières, et rend plus complexe la lecture des actions publiques.
Certes, les comptes publics locaux retracent les mouvements financiersgénérés par les engagements externes de la collectivité auprès de sessatellites et partenaires (subventions ou contributions versées, garantiesd’emprunt accordées, redevances encaissées, patrimoine mis à disposi-tion, etc.).
Cependant, la prise en compte d’une information financière plus large etplus complète, qui dépasse l’approche cantonnée au seul budget prin-cipal de la collectivité, s’avère désormais indispensable pour apprécier lasituation financière réelle d’une collectivité.
Dans un article publié dans La Revue du Trésor nº 10 d’octobre 2005 intitulé« Une vision élargie de la situation financière des collectivités locales, grâceaux nouvelles prestations d’analyse proposées par le Trésor Public », laDirection générale de la Comptabilité publique (DGCP) présentait les prin-cipaux outils développés en matière de consolidation comptable et finan-cière, et en particulier l’analyse des risques potentiels encourus par unecollectivité du fait de ses satellites et partenaires.
L’enjeu consiste à renforcer la transparence financière et la performancede gestion : rendre compte aux citoyens et aux partenaires institutionnelsde l’action publique, mais également donner aux décideurs et gestion-naires locaux les moyens d’améliorer la qualité et l’efficacité de leur ges-tion en anticipant sur les engagements futurs de la collectivité. Dans cedomaine également, le rapprochement ne peut manquer d’être fait avecla démarche entreprise par l’Etat, selon des modalités différentes, dans lecadre de la mise en œuvre de la LOLF.
Disponible depuis juin 2004, le « Guide d’analyse et de regroupement desrisques » a été élaboré par un groupe de travail national piloté par laDGCP, réunissant des membres de la Direction générale des Collectivitéslocales et des représentants de collectivités locales ainsi que de certainesassociations d’élus (AMF, ADCF).
Le présent article vise à exposer de manière plus détaillée les principesméthodologiques et de mise en œuvre du « Guide d’analyse et de
regroupement des risques », et à présenter les résultats de l’une des pre-mières utilisations de la méthode, conduite par la communauté urbainede Lille-Métropole.
LE « GUIDE D’ANALYSEET DE REGROUPEMENT DES RISQUES » :
UN OUTIL D’INFORMATION,D’ANTICIPATION ET DE PRÉVENTIONPOUR LES COLLECTIVITÉS LOCALES
Le guide a pour but de proposer une méthode permettant d’analyser etde regrouper les risques susceptibles d’être générés par les satellites etpartenaires d’une collectivité, et d’évaluer leur impact sur sa situationfinancière et les marges de manœuvre dont elle dispose.
Qualification et quantification du risque
Impact sur les marges de manoeuvre de la collectivité
Flux de fonctionnement
Augmentation des dépenses et/ou diminution des recettes
Conséquences sur
la capacité d'autofinancement
Fiscalité Endettement
Conséquences sur
le fonds de roulement
Flux d'investissement
Le périmètre de l’analyse porte sur l’ensemble des partenaires publics ouprivés qui participent à la mise en œuvre des compétences de la collec-tivité et avec lesquels la collectivité a noué, de manière directe ou indi-recte, un engagement de type financier, juridique, patrimonial, conven-tionnel ou autre.
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Il peut même inclure des partenaires vis-à-vis desquels la collectivité n’aaucune obligation juridique, mais que, en raison des circonstances locales,elle serait conduite à soutenir financièrement en cas de difficultés impor-tantes. En ce sens, ce périmètre est plus vaste que celui traditionnellementretenu en matière de consolidation et qui repose sur le concept de contrôle.
Le risque est défini comme « toute situation ou tout événement relatifs àun satellite ou partenaire, susceptibles d’avoir un effet significatif sur lasituation financière de la collectivité ». Il convient de préciser que ce n’estévidemment pas le satellite ou le partenaire, en tant que tel, qui est géné-rateur de risque pour la collectivité, mais une situation ou un évènementauxquels il est confronté, qu’il n’est pas en mesure de surmonter seul etqui engage de manière certaine et à plus ou moins long terme les financesde la collectivité.
Le risque « avéré » est la cible principale du guide
Risque avéréRisqueéventuel
Risque éventuel :
Toute garantied'emprunt accordéeà une entrepriseest susceptible de jouersi celle-ci déposeson bilan
Risque réalisé :
L'entreprise a déposéson bilan
Risque avéré :
L'entreprise aidéeconnaît des difficultésfinancièresqui font craindrepour sa pérennité
Si l'on prend, à titre d'exemple, le cas des garanties d'emprunt
accordées à une entreprise :
Risque réalisé
Coeurdu guide
Pour la collectivité, la méthodologie présente plusieurs avantages :– une lisibilité accrue de l’ensemble des entités qui participent à la miseen œuvre des politiques publiques (nombre, catégorie juridique, naturedes liens avec la collectivité, influence de la collectivité) ;– une connaissance plus approfondie de leur situation (financière, patri-moniale, etc.) ;– la mise en évidence des risques avérés (nature, évaluation, probabilitéet échéance de survenance) ;– la prise en compte de ces risques dans le cadre d’une gestion financièremaîtrisée qui repose avant tout sur la capacité d’anticiper les évènementsafin de préserver les équilibres financiers (CAF, FDR), compte tenu desmarges de manœuvre réelles dont dispose la collectivité ;– la mise en œuvre en amont de mesures correctrices visant à intégreret/ou à minimiser l’impact de la réalisation des risques avérés.
UNE MÉTHODOLOGIEPRIVILÉGIANT MODULARITÉ
ET SOUPLESSE
Dans la mesure où il a vocation à être utilisé par l’ensemble des collecti-vités et établissements publics locaux (commune, département, région,communauté urbaine, communauté d’agglomération, etc.), le guide« d’analyse et de regroupement des risques » s’articule autour d’uneméthodologie (cadre général de l’analyse) et d’outils dont l’utilisationreste optionnelle afin de tenir compte de la diversité des situations et desattentes particulières exprimées par les décideurs locaux.
Il convient donc d’appréhender le guide comme un support, un pointd’appui, une aide à la réflexion pour mener à bien une analyse desrisques.
La méthode envisage une démarche séquencée, selon un déroulé encinq étapes. Les outils associés à chaque étape présentent un caractèreadaptable, et peuvent donc être modifiés, voire non utilisés pour colleraux spécificités du contexte local. Ces outils sont appelés à s’améliorer ets’enrichir au fur et à mesure des retours d’expériences.
Le déroulé d’une analyse des risques comprend 5 étapes successives...
Etape 1 : Recenser
Etape 2 : Trier
Etape 3 : Analyser
Etape 4 : Regrouper
Etape 5 : Présenter
Qui sont les satellites et partenaires ?
Présentation des résultats à l'ordonnateur
Lesquels d'entre eux nécessitent une analysedes risques ?
Quel est l'impact de ces risquessur la collectivité ?
Analyse des risques potentiels pour la collectivitédu fait des satellites sélectionnés
... pour chacune, le guide explicite, les enjeux et les objectifs à atteindre.� Etape 1 (recenser) : l’objectif de cette étape est d’aboutir à une visionquasi exhaustive des différents partenaires, de leurs principales caracté-ristiques et de la nature des liens qu’ils entretiennent avec la collectivité.A l’issue de cette première approche, une présentation agrégée desdivers engagements de la collectivité et de l’endettement de l’ensemblelocal peut être réalisée.� Etape 2 (trier) : dans l’intérêt de l’analyse, et compte tenu descontraintes de temps et de moyens, il apparaît nécessaire de ne faireporter l’analyse que sur les partenaires qui pourraient engendrer un risquesignificatif pour la collectivité. Il s’agit donc, grâce à plusieurs tamis suc-cessifs, d’éliminer du travail d’analyse approfondie les partenaires quin’apparaissent pas essentiels pour la collectivité, et/ou qui ne connaissentpas de difficultés et/ou qui sont capables d’y faire face par eux-mêmes,et/ou qui ne mobiliseraient pas un financement important de la part dela collectivité (sera-t-elle sollicitée, à titre exclusif, dans combien detemps...).Pour les entités sélectionnées, cette étape permet déjà de mettre enévidence les principaux facteurs de risques qu’ils représentent pour lacollectivité.� Etape 3 (analyser) : l’événement (ou les événements) générateur(s) derisque identifié pour chacun des partenaires sélectionnés fera l’objet d’uneanalyse détaillée (constat, raisons, etc.) afin de qualifier le risque (est-ilavéré, potentiel...) tant pour le partenaire que pour la collectivité. Unequantification du risque pour la collectivité devra également être recher-chée. Enfin, lorsque cela sera possible, des pistes de solutions seront pro-posées, visant à prévenir la réalisation du risque et/ou à en limiter les effets.� Etape 4 (regrouper) : cette étape propose de présenter l’impact finan-cier global de l’ensemble des risques avérés. Il s’agit ensuite d’identifier etd’évaluer les flux financiers qui impacteront la capacité d’autofinance-ment (CAF) et/ou le fonds de roulement de la collectivité, et d’apprécierin fine la réduction des marges de manœuvre de cette dernière.� Etape 5 (présenter) : les principaux résultats de l’analyse des risquessont restitués à l’ordonnateur. Le document de synthèse a vocation àcompléter la palette des outils d’aide à la décision disponibles en interne :il s’agit de donner à l’ordonnateur une vision d’ensemble des risques liésaux multiples engagements de la collectivité, et de mettre en évidenceles principaux risques identifiés ainsi que leurs conséquences financièrespour la collectivité.Divers regroupements des entités génératrices de risques (en fonction despolitiques dont elles relèvent, en fonction de la probabilité de survenancedes risques, ou de leurs échéances...) sont riches d’enseignements pour lacollectivité.
UN CADRE PARTENARIAL ÉTROITENTRE LES SERVICES
ORDONNATEUR ET COMPTABLE
L’analyse des risques est une prestation effectuée par la collectivitéavec le concours du Trésor Public. Sa réalisation repose sur la constitution
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d’une équipe mixte d’analystes composée de représentants des deuxpartenaires, afin de mobiliser l’ensemble des informations utiles audéroulement des travaux, et de s’appuyer sur des capacités d’expertisecomplémentaires.
Les règles du jeu entre les partenaires sont fixées au départ dans un cahierdes charges qui précise les modalités de réalisation de l’analyse : définitiondu périmètre, accès aux informations, règles de confidentialité et de déon-tologie, conditions de restitution et de diffusion des résultats, délai de res-titution, etc.
UNE STRUCTURE DÉDIÉEA L’ACCOMPAGNEMENT DES SITES
DANS LA CONDUITED’UNE ANALYSE DES RISQUES
La DGCP a confié au pôle national de soutien au réseau (PNSR) de Mont-pellier (analyses financières hospitalières et HLM – analyse des risques descollectivités locales) les missions nouvelles d’accompagner la diffusion dela méthodologie auprès des collectivités locales et du réseau du TrésorPublic, et d’assister les équipes locales qui le souhaitent, lorsqu’elles réali-sent une analyse des risques.
Depuis le 1er janvier 2005, et en liaison avec l’équipe du projet consolida-tion de la DGCP, le PNSR de Montpellier propose à l’ensemble du réseaules services suivants :– participation aux actions de communication autour de la démarched’analyse des risques (présentation de la méthode et de l’offre deservice) ;– formation à la méthodologie de l’analyse des risques ;– soutien méthodologique, opérationnel et technique aux équipes localesqui s’engagent à réaliser une analyse des risques ;– adaptation et/ou enrichissement des outils proposés par le guide enfonction des besoins locaux ;– veille documentaire et mise à disposition des équipes d’informationsutiles (bases de données, travaux de synthèse, résultats d’études théma-tiques) ;– participation aux groupes de travail nationaux pour nourrir la réflexionsur l’évolution du guide méthodologique.
Pour contacter le Pôle...
Trésorerie générale de l’HéraultPôle national de soutien au réseau334, allée Henri-II-de-Montmorency34954 Montpellier Cedex 2Tél. 04 67 15 86 38 ou 04 67 15 86 39Fax 04 67 15 75 95Courriel : [email protected]
UNE PREMIÈRE ANALYSEMENÉE A SON TERME :
LA COMMUNAUTÉ URBAINE DE LILLE
Dans le cadre de la convention de services comptable et financier signéeen octobre 2003 avec le Trésor Public, LMCU (Lille Métropole communautéurbaine) décidait d’intégrer le groupe de travail national piloté par laDGCP qui se proposait de définir et d’élaborer une méthodologie d’ana-lyse des risques.
Séduite dès le départ par le côté innovant de la démarche issue de cestravaux, la collectivité a souhaité en bénéficier pour elle-même. Elle a ainsidécidé de prolonger l’expérience en déroulant l’ensemble de laméthode, en testant in situ les outils, afin de valider la pertinence du « guided’analyse et de regroupement des risques ». Il a été prévu que les résultatsseraient restitués par écrit aux responsables administratifs (DGS, DGA
finances et programmation, DGA de l’Administration générale et desmoyens) et oralement aux élus, au sein de la commission des finances etde celle du suivi des organismes.
UN TRAVAIL MENÉEN MODE DÉCLOISONNÉ
QUI VALORISELA QUALITÉ DE L’EXPERTISE
Les travaux relatifs à l’analyse des risques ont débuté en novembre 2004pour s’achever en octobre 2005, à raison d’une réunion mensuelle del’équipe mixte d’analystes. La durée des travaux s’explique, en partie, parla taille de la collectivité et le nombre de ses partenaires. Rappelons éga-lement qu’il s’agissait de la toute première mise en œuvre de la métho-dologie d’analyse des risques proposée par la DGCP. Constituée autourd’un « noyau dur » rassemblant neuf personnes issues des services de lacollectivité et du réseau local du Trésor Public, l’équipe mixte d’analystesa évalué l’impact des risques à partir des données de l’exercice 2004.
Composition de l’équipe mixte d’analystesdans le cadre de l’expérience lilloise
LMCUService Budget et Comptabilité
Service Contrôle de gestionEtudiant doctorant
TRÉSOR PUBLICComptable de la collectivité
Trésorerie générale ( Départementdes études économiques et financières ;
Mission régionale formation contrôle)
Autres partenaires associésProjet consolidation de la DGCP
PNSR de Montpellier
Conformément à la méthode développée dans le « Guide d’analyse etde regroupement des risques », la collectivité n’a pas mené d’auditexhaustif de l’ensemble des structures périphériques, mais à cherché àmettre en évidence, dans une logique de prévention, les risques les plussignificatifs pour la collectivité.
En pratique, les travaux se sont principalement appuyés sur les rapportsde pilotage et études réalisés par le service Contrôle de gestion de lacollectivité, les délibérations du conseil communautaire ainsi que les don-nées, rapports, études et analyses disponibles au sein du réseau du TrésorPublic. En l’espèce, l’équipe a complètement intégré l’esprit du Guide quipréconise avant tout, et lorsque cela est possible, d’utiliser et de prolonger,et donc de valoriser, les travaux déjà menés en interne.
Le fonctionnement de l’équipe s’est apparenté à la démarche en modeprojet qui privilégie l’efficacité et la gestion des délais. Le déploiement dela méthodologie se prête aisément à ce mode d’organisation dans lamesure où il est prévu dès le départ un découpage des travaux (en5 étapes) et l’objectif de restituer des livrables à chaque étape.
L’équipe a procédé dans un premier temps à l’adaptation des outils dis-ponibles dans le guide, notamment pour les étapes 1 et 2, afin de lesrendre plus opérationnels et de répondre aux attentes particulières de lacollectivité (ainsi une présentation des résultats par compétences a, parexemple, été privilégiée). Cette phase a en outre permis à l’ensemble desmembres de l’équipe de s’imprégner et de s’approprier progressivementla méthodologie proposée par le guide.
Compte tenu des objectifs à atteindre en fonction des différentes étapesde la méthodologie, l’équipe s’est organisée de manière à effectuer unerépartition des tâches entre les différents acteurs afin de mobiliser etexploiter dans des délais rapides les informations nécessaires à l’analyse.
Ainsi, pour la réalisation des deux premières étapes, chacun des partici-pants a recherché et mis à disposition de l’équipe les informations dispo-nibles à son niveau : l’exploitation du compte administratif et des étatsannexes par le service du budget et de la comptabilité a fourni l’ensembledes informations nécessaires à la détermination du périmètre : listage des
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partenaires et des différents engagements de la collectivité (subventions,avances, garanties d’emprunt, participations, loyers, redevances, etc.) ;les services du Trésor ont participé activement à ces travaux en apportantcertaines informations relatives notamment aux organismes de logementsocial, communes, syndicats mixtes et certaines associations. Enfin le ser-vice contrôle de gestion a utilement complété l’approche individuelle despartenaires de la collectivité, en communiquant les informations conte-nues dans les dossiers de pilotage (éléments sur la situation financière,patrimoniale, convention ou marché en cours, projets, etc.), et en actua-lisant les problématiques déjà connues pour certains satellites.
D’autres collectivités ont également entrepris ou s’apprêtent àentreprendre une analyse des risques :– région Basse-Normandie ;– départements de l’Aube, de l’Eure-et-Loir ;– CA de l’Artois, d’Hénin-Carvin ;– villes de Toulouse, du Havre, d’Orléans, d’Aix-en-Provence.
Les documents (fiches, tableaux, tableurs excel...) extraits des outils duGuide et utiles à l’analyse étaient renseignés en amont des réunions men-suelles de travail, et communiqués à l’ensemble des membres de l’équipepar voie électronique (courriel). Chacun des participants disposait doncde l’ensemble de travaux et pouvait effectuer un travail préalable d’ana-lyse. Au besoin, les fichiers étaient modifiés ou complétés en séance, surla base des consensus nés des débats.
Les réunions mensuelles de travail ont été l’occasion pour chacun de fairepart de son appréciation sur les travaux réalisés et de formuler des
propositions pour avancer. Les échanges entre les membres de l’équipe,nourris par des expériences et des parcours professionnels divers, se sontavérés tout à fait positifs pour la qualité de l’expertise et la pertinence del’analyse. Cette confrontation des points de vue s’est révélée particuliè-rement profitable au cours de l’étape 3, qui consiste à proposer des pistesvisant à quantifier le risque pour la collectivité.
Les réunions permettaient enfin de valider les travaux effectués et leschoix opérés par l’équipe, de décider collégialement des futuresorientations, de définir les actions restant encore à réaliser et de répartirle travail.
LES PRINCIPAUX RÉSULTATSDE L’ANALYSE DES RISQUES
SUR LILLE MÉTROPOLECOMMUNAUTÉ URBAINE (LMCU)
Un recensement préalable a permis d’identifier 71 entités satellites ou par-tenaires importants qui participent de manière significative à la mise enœuvre des compétences de LMCU.
Toutefois, la mise en pratique de la méthodologie dans le contextede LMCU a conduit l’équipe d’analystes à restreindre le périmètre del’analyse pour retenir au final 46 entités potentiellement génératricesde risques significatifs, qui relèvent des catégories juridiques suivantes :6 budgets annexes, 1 établissement public administratif (SDIS), 3 OPAC/OPHLM, 5 SA d’HLM, 1 GIP, 1 GIE, 6 syndicats mixtes, 6 SEM, 10 associations,6 DSP.
L’univers des partenariats de la collectivité
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Pour 7 entités, l’analyse détaillée a été conduite jusqu’à l’évaluation del’impact financier des risques avérés pour LMCU. Par ailleurs, pour 4 autres,le risque est avéré mais n’a pas pu faire l’objet d’un chiffrage. Enfin ilsubsiste 2 entités pour lesquelles le risque n’est ni avéré ni chiffré.
Mais, à l’issue de l’analyse des risques, les événements générateurs derisques, avérés ou potentiels, pour la collectivité, ne concernent que13 structures partenaires sur les 46 étudiées.
L’univers des partenariats de la collectivité :risques identifiés
Sur le plan financier, les risques identifiés et quantifiés représentent unmontant équivalent au quart des engagements communautairesannuels envers les partenaires (annuités de garanties d’emprunt,mandats, avances, prêts, etc.). L’importance du travail de maîtrise desdépenses de fonctionnement entrepris par Lille Métropole, qui s’est fixél’objectif de maintenir la capacité à investir, n’en apparaît que plusclairement. Ils ont essentiellement un impact sur la section de fonction-nement de la collectivité, donc sur le niveau de la CAF. Ils sont issus destructures dont les opérations sont par nature difficile à équilibrer (amé-nagement) ou qui mobilisent des moyens importants (transport, eau etassainissement).
L’analyse a montré qu’aucune des politiques conduites par LMCUn’est exempte de risques potentiels. Par ailleurs, le fait de contrôler étroi-tement les partenaires n’est pas à lui seul de nature à dissiper
les risques : près de la moitié des structures identifiées sont despartenaires sur lesquels LMCU exerce une influence exclusive ou quasiexclusive.
Il n’y a pas davantage de lien direct entre la nature juridique desentités et l’importance des risques induits pour LMCU. Les 9 entitésétudiées jusqu’à la dernière phase de la démarche présentent uneréelle diversité.
Les travaux ont mis en lumière l’importance des risques juridiques liés auxcontrats : risques de requalification, risques découlant de clauses impré-cises, complexes ou inadéquates, risques de non-respect des clausesdu contrat. Enfin émerge le risque patrimonial, en particulier lorsque desinstallations ou équipements sont confiés à un délégataire ou lors d’opé-rations d’aménagement confiées à des tiers.
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Extraits de l’interview donnée à Minefi Collectivités localespar Frédéric Motte, vice-président délégué au contrôle financier
de la communauté urbaine de Lille Métropole,et Françoise Lejeune, chef du service budget et comptabilité
au sein de cette même collectivité(Lettre d’information Minefi Collectivités locales nº 32 du 9 novembre 2006)
La communauté urbaine de Lille s’est déjà investie, par le passé, dans laconsolidation des comptes. Pourquoi avoir décidé d’engager une ana-lyse des risques ?
Frédéric Motte : Notre souci était de mieux connaître nos marges demanœuvre et également de mieux rendre compte. Dans notre démo-cratie actuelle, la transparence devient une véritable exigencecitoyenne. L’analyse des risques qui vient d’être menée va permettre àla communauté urbaine et à ses élus de mieux rendre compte...
Françoise Lejeune : Lille métropole communauté urbaine (LMCU) a lachance d’avoir, en son sein, des gens d’expérience et un service« contrôle de gestion » à la pointe sur l’analyse des comptes. Ce servicedisposait déjà d’une information descriptive sur les différents satellites dela collectivité, contenue dans les rapports de pilotage.
L’objectif de l’analyse des risques était plus ambitieux : il s’agissait deréaliser une analyse prospective avec des préconisations visant à amé-liorer la gestion financière et la tenue de la comptabilité des satellites.Dans le rapport d’analyse, l’accent est mis sur les points faibles et lesfacteurs de risque des satellites, et au-delà des données chiffrées, l’aspectqualitatif est désormais pris en compte.
Quelles mesures concrètes LMCU envisage-t-elle de mettre en œuvre,compte tenu de la nature des observations relevées dans le rapportfinal ? Des désengagements financiers sont-ils prévus ?
Frédéric Motte : Dans l’immédiat, aucun désengagement de LMCU n’estprévu. Il s’agit davantage de formaliser nos relations avec les satellites,pour que la production des informations soit accélérée. Notre exigenceaccrue en termes de qualité comptable suppose, au préalable, une sen-sibilisation des satellites. La communauté urbaine pourra donner desconseils, proposer une aide ou des outils de pilotage, mutualiser l’infor-mation comptable et budgétaire, etc.
Françoise Lejeune : Pour chaque satellite sélectionné, une fiche individuelled’analyse a été rédigée. Le constat des dysfonctionnements ou des pointsfaibles est suivi d’explications de cet état de fait, puis de la qualification etde la quantification du risque encouru par LMCU. Enfin, des solutions sontproposées pour assainir la situation financière des partenaires. Les préconi-sations concernent essentiellement les points suivants : la réduction del’endettement des entités analysées, la programmation d’investissementspour mettre aux normes les installations et renouveler les équipements,l’enregistrement de dotations aux amortissements, la constitution de provi-sions pour risques et charges, la renégociation des emprunts et des contrats,et la révision des statuts des syndicats mixtes.
Par ailleurs, des outils connexes ont été développés au sein de LMCU,comme, par exemple, des tableaux de bord permettant un suivi continudes sociétés d’économies mixtes (SEM) et des délégataires de servicepublic, des procédures de contrôle et d’alerte sur les opérations confiéesaux SEM ainsi qu’un guide d’optimisation financière.
LES PROLONGEMENTS :D’UN OUTIL D’ANALYSE
VERS UN OUTIL DE GESTION
L’analyse a permis de mettre en évidence la pertinence d’une démarched’anticipation au sein de la communauté urbaine de Lille et l’intérêtd’améliorer encore ses outils de suivi et de contrôle des partenaires.
Si la réalisation de l’analyse a participé bien évidemment à l’améliorationde la connaissance de l’environnement direct de la collectivité, les résul-tats obtenus permettent d’envisager des prolongements nouveaux enterme de gestion :
– inscrire la démarche dans le processus budgétaire et décisionnel de lacollectivité (sensibilisation des élus, évaluation des provisions) ;
– faciliter la collaboration entre les services (finances, contrôle de gestion,audit), pour développer et mettre en place des outils plus performants desuivi des partenaires et d’anticipation des risques, en particulier pour lesopérations d’aménagement portées par les SEM (tableaux de bord) ;améliorer le dialogue continu avec les satellites et partenaires ;
– progresser dans le domaine de la qualité comptable : améliorer la trans-parence et la sincérité des comptes pour répondre au besoin d’informa-tion des élus et des partenaires (établissements bancaires, CRC, etc.) ;
– anticiper sur les besoins nouveaux de financement.
CONCLUSION
La communauté urbaine de Lille est la première collectivité à avoir dérouléjusqu’à son terme une analyse des risques. L’expérience montre quela méthodologie est opérationnelle et que les outils proposés s’avèrentpertinents, même s’ils demandent encore, pour certains, à être affinés.Ainsi certains aménagements proposés par l’équipe lilloise ont depuisintégré la version actualisée du Guide d’analyse et de regroupement desrisques.
Compte tenu des moyens déployés et de la qualité des résultats obtenus,la collectivité souhaite bien évidemment capitaliser sur l’expériencemenée en 2005. Elle a d’ores et déjà programmé une actualisation del’analyse en 2006, en apportant une attention toute particulière sur lesrisques réputés avérés mais qui n’ont pu faire l’objet, à l’époque, d’unchiffrage.
Si l’intérêt et l’utilité de l’exercice ont paru manifestes pour les agentsde la collectivité, l’enjeu consiste désormais à accompagner les élusdans l’appropriation de la démarche, afin que la méthodologie et lesrésultats qui s’y rattachent intègrent véritablement la vie budgétaire de lacollectivité.
Responsabilités de Jean-Luc PISSALOUX au GRALE
Nous avons le plaisir de vous annoncer que le professeur Jean-Luc Pissaloux, qui collabore depuis de nombreusesannées à La Revue du Trésor, a été élu vice-président du Conseil scientifique du GRALE (Groupement de Recherchessur l’Administration Locale en Europe), qui est un groupement d’intérêt scientifique du CNRS dédié aux collectivitéslocales. Au sein du GRALE, Jean-Luc Pissaloux est également coresponsable de la commission thématique « Déve-loppement économique, innovation et gestion durable » et dirige le pôle « Bourgogne » du GRALE. La Revue duTrésor se réjouit d’autant plus de ces nouvelles responsabilités du professeur Pissaloux qu’elle entend développerles publications consacrées aux collectivités territoriales sous tous leurs aspects (juridique, économique et financier)et s’ouvrir aux spécialistes et praticiens de ces collectivités.
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