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LA SITUATION DES ENFANTS AU MAROC Analyse selon l’approche basée sur les droits humains RESUME

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LA SITUATION DES ENfANTS AU MArOc

Analyse selon l’approche basée sur les droits humains

rESUME

Sommaire

Résumé................................................. 2

Le contexte........................................... 3

Le droit à la survie............................... 5 Le droit au développement................ 12

Le droit à la participation................... 17 Le droit à la protection....................... 22

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reSUme

La démarche de l’étudeCette étude a été réalisée selon une approche fondée sur les droits humains. Cette approche articule l’analyse du développement national autour des normes contenues dans le corps d’instruments internationaux relatifs aux droits humains. Elle accorde un intérêt particulier aux déficits relevés et aux groupes sociaux exclus ou marginalisés pour opérer les ajustements nécessaires au niveau des politiques et des programmes.

L’approche genre fait partie de l’approche fondée sur les droits humains. Elle requiert l’intégration systématique des questions de genre, la réorganisation, l’amélioration et l’évaluation des processus politiques afin que l’égalité hommes/femmes soit incorporée à toutes les politiques, à tous les niveaux.

La grille d’analyse de cette étude inclut différents textes de droit international qui engagent le Maroc dont, au premier chef, la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (CDE). Viennent ensuite la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, les Conventions n° 138 et 182 de l’Organisation internationale du travail (OIT) relatives respectivement à l’âge minimum d’admission à l’emploi et à la lutte contre les pires formes de travail des enfants, le Protocole facultatif à la CDE sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, le Protocole facultatif à la CDE sur les enfants dans les conflits armés, la Convention pour la protection des travailleurs migrants et des membres de leurs familles et la Déclaration du Millénaire.

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1L’étude met en lumière les mutations que le Maroc a connues au cours des dernières décennies. Elle souli-gne que la transition démographique s’opère plus vite que prévu. En 2004, la population marocaine comptait 29,9 millions de personnes, dont 11,7 millions de moins de 18 ans. Elle croissait à un rythme de 1,4%, contre 2,04% dix ans plus tôt.

Sur le plan socioéconomique, la pauvreté a reculé et ne touche plus que 13,7% des Marocains (23,1% en milieu rural). Mais 25% de la population est vulnérable à la pauvreté. Les groupes défavorisés et fragiles ont peu accès aux services sociaux de base ou alors de manière ponctuelle ou trop tardive. L’Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH) est mise en œuvre pour améliorer leur situation.

En matière d’éducation, le taux d’alphabétisation est passé de 22% à 60% entre 1960 et 2005 et le taux net de scolarisation dans le primaire dépasse 92%.

Le contexte

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Cependant, la déperdition scolaire concerne plus de 200.000 enfants par an dans le primaire et plus de 130.000 au collège. La qualité de l’éducation reste un défi essentiel à relever.

Dans le domaine de la santé, l’espérance de vie à la naissance dépasse 70 ans. Pourtant, la mortalité infantile est encore très élevée (40‰) et, malgré la mise en œuvre de l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO), 30% seulement de la population ont accès à une assurance médicale.

Sur le plan politique, la dernière décennie a été marquée par une série d’avancées législatives et institutionnelles favorables à l’établissement d’un Etat de droit et à la décentralisation des pouvoirs. Toutefois, ces réformes rencontrent des résistances.

De nombreuses mesures ont été prises pour améliorer la réalisation des droits des enfants et des femmes. Sur le plan législatif, il faut notamment signaler le nouveau code de la famille, la loi sur la nationalité, la loi sur la kafala, le nouveau code de procédure pénale, la réforme du code pénal et du code du travail, la levée du secret médical pour les enfants victimes de violence et d’abus sexuels.

Pour accompagner la réforme législative, des mesures spéciales ont été prises, dont la création d’un corps chargé de l’enfance au sein de la gendarmerie royale, la nomination d’officiers de la police judiciaire pour mineurs et de juges des mineurs au sein des tribunaux.

Quant aux avancées institutionnelles, elles incluent la mise en œuvre de la Charte nationale d’éducation et de formation, la création d’un département ministériel, de la Fondation Mohamed VI pour la réinsertion des délinquants mineurs et de l’Observatoire National des Droits de l’Enfant.

L’étude s’attache à évaluer dans quelle mesure ces dynamiques et ces réformes ont pesé sur le réalisation effective des grandes catégories de droits de l’enfant : le droit à la survie, le droit au développement, le droit à la participation et le droit à la protection.

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2Le droit à la survie

Selon la CDE, le droit de l’enfant à la survie implique que les Etats prennent des mesures de manière « à protéger la vie, y compris par l’allongement de l’espérance de vie, la diminution de la mortalité infantojuvénile, la lutte contre la maladie, le rétablissement de la santé, la fourniture d’eau potable et d’aliments sains et nutritif ». La santé maternelle est intrinsèquement liée au droit à la survie de l’enfant.

Santé maternelleLes femmes ont un accès plus large à la contraception (63% en 2004, contre 19% en 1980). L’indice synthétique de fécondité, qui était de 5,9 enfants par femme au début des années 1980 a baissé pour atteindre 2,5 en 2004.

Les femmes sont plus nombreuses à bénéficier de soins prénatals (68% en 2004 contre 25% en 1987) et de

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l’assistance à l’accouchement (61% en 2004 contre 26% en 1987). Mais les zones rurales accusent des retards considérables.

Le principal problème identifié est la persistance d’un taux de mortalité maternelle inquiétant : 227 pour 100.000 naissances vivantes, soit un petit point de moins qu’en 1997.

Santé de l’enfantDe gros déficits persistent. La mortalité infantile de 40‰ en 2004 (contre 36,6‰en 1997) est repartie à la hausse du fait d’une reprise importante du taux de mortalité néonatale (27‰ en 2004 contre 19,7‰ en 1997).

Malgré l’extension de la couverture vaccinale (94% en milieu urbain et 84% en milieu rural), près de cinq enfants sur 100 meurent encore avant l’âge de 5 ans. Ils sont surtout victimes d’infections respiratoires aiguës et de diarrhées.

La malnutrition est une cause de décès précoce. Si le retard de croissance et l’insuffisance pondérale ont reculé depuis dix ans, la malnutrition aiguë touche 9,3% des enfants, contre 3% en 1997. Dans le même temps, l’allaitement exclusif au sein chez les moins de six mois est passé de 41% à 32%.

Les services de santé scolaires ont été rénovés à partir de 1987 mais ne touchent pas toutes les écoles. Le besoins des adolescents (6,5 millions de personnes ont entre 10 et 19 ans), négligés jusqu’en 2004, commencent à faire l’objet de programmes spécifiques, tandis que les menaces sur la santé des jeunes s’intensifient (tabagisme, drogue, IST/sida, etc.).

Enregistrement à la naissanceIl permet de sauvegarder le droit de l’enfant à l’identité. En 2002, le Maroc a adopté la loi nº 37-99 relative à l’enregistrement des naissances, qui rend la déclaration obligatoire et règle le problème du nom de l’enfant naturel.

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Education parentaleLes principaux constats incluent la faible implication des pères dans l’éducation des jeunes enfants, la persistance de comportements nocifs à la santé des bébés et l’isolement de nombreuses mères arrivées en ville sans leur famille. La qualité de l’accueil dans les centres de santé ne permet pas de pallier ce manque d’éducation parentale.

Lutte contre le VIH/SIDALe Plan stratégique national de lutte contre le VIH/SIDA (2002-2005) a eu un impact positif sur l’accès des malades à des infrastructures de soins adaptés et aux antirétroviraux.

Pourtant, la prévalence du VIH/SIDA augmente, même si elle est encore faible : 0,13% en 2003, en nette augmentation par rapport à 1999 (0,07%).

La transmission du VIH/SIDA de la mère à l’enfant est encore anormalement caractérisée par le fait que dans la majorité des cas, le virus est identifié chez les enfants avant de l’être chez les parents. De plus, les femmes sont de plus en plus touchées (42% des malades en 2005 contre 28% en 1995) et le mode de transmission hétérosexuel ne cesse de progresser.

Eau et assainissementLe droit d’accéder à une eau potable saine et la protection contre les risques de pollution par les eaux usées constituent des bases primordiales de la santé de l’enfant.

Des progrès importants ont été réalisés. Le Programme d’approvisionnement groupé en eau potable des populations rurales (PAGER) a permis de fournir 61% de la population rurale (2004). Il a provoqué l’émergence d’un mode de gestion basé sur l’implication des populations bénéficiaires, qui stimule le développement local.

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En revanche, l’assainissement accuse un sérieux retard, surtout en milieu rural, où 32% des ménages utilisent un système autonome et seulement 0,4% sont raccordés à un réseau d’égout. De plus, les deux tiers des stations d’épuration sont déficientes, entraînant la dégradation de la qualité de l’eau et l’apparition de maladies d’origine hydrique.

Accès aux soinsLe droit des enfants d’accéder aux services de santé bute sur une série d’inégalités. Les infrastructures, souvent vétustes, sont mal réparties. Par exemple, le Réseau des établissements de soins de santé de base (RESSB) enregistre des écarts entre les régions qui vont d’un établissement pour 4 930 habitants à un pour 36 800 habitants.

Théoriquement, les soins de santé dans les structures du Ministère de la Santé sont gratuits pour les populations démunies. Mais dans les faits, plus les malades ont un niveau de vie élevé, plus ils recourent aux personnels de santé. La proportion de la population qui ne peut pas recourir aux soins est de 44% en milieu rural et de 28,6% en milieu urbain.

La mise en œuvre de l’AMO a pu faire passer la part de la population bénéficiant d’une assurance maladie de 16% à 30% mais les plus démunis devront attendre des années avant de bénéficier d’une couverture à travers le RAMED.

Dans ce contexte, les services de soins offerts aux enfants sont très limités. Les enfants handicapés n’ont pas accès à des soins spécifiques tandis que l’offre de services publics d’hygiène buccodentaire reste très insuffisante.

Premier défi : la réduction de la mortalité maternelle et infantile

Analyse causaleLes causes immédiates de la forte mortalité maternelle sont les complications durant la grossesse, au cours de l’accouchement et du post-partum.

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Les causes immédiates de la forte mortalité infantojuvénile sont la souffrance néonatale, la prématurité, les diarrhées et les infections respiratoires aiguës.

Les causes sous-jacentes sont la faible incidence des soins prénatals et de l’accouchement en milieu surveillé, surtout en milieu rural ; la difficulté d’accès physique et économique aux soins de santé essentiels; les pratiques traditionnelles et la faible participation communautaire; l’absence d’eau potable et d’assainissement dans certaines zones rurales et périurbaines ; le manque de sensibilisation des populations aux risques liés à la grossesse et à l’accouchement et l’absence d’éducation parentale.

Les causes structurelles sont l’insuffisance du budget de la Santé (5% à 6% du budget de l’Etat dont plus des deux tiers sont consommés par le secteur hospitalier) et la faible part (7%) réservée aux femmes et aux enfants; la pénurie et l’inégalité de répartition des ressources humaines ; la mauvaise gestion et le manque de coordination public/privé ; l’enclavement de nombreuses localités ; la pauvreté et l’analphabétisme.

Analyse des rôlesEn matière de droit à la survie, les principaux titulaires d’obligations envers l’enfant sont les parents (mère, père) et l’Etat (Ministère de la Santé et autres départements concernés), suivis de la communauté (accoucheuses traditionnelles, élus locaux), la société civile (ONG, médias) et les acteurs internationaux.

Analyse des capacitésDe nombreux parents n’ont ni connaissances ni ressources suffisantes pour remplir leur rôle. Ils manquent de capacités pour revendiquer auprès de l’Etat leurs droits à la santé, à l’éducation, à un niveau de vie décent, etc. Les autres acteurs de la communauté et de la société civile sont eux aussi confrontés au manque de connaissances et de ressources.

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L’Etat manque de moyens. Le secteur de la Santé n’a pas les moyens suffisants pour développer des actions de communication efficace. Des efforts importants sont à déployer pour améliorer la gestion et la planification de ce secteur.

Second défi : la réduction des inégalités en matière d’offre sanitaire

Analyse causaleLes causes immédiates des inégalités en matière d’accès aux soins sont l’insuffisance de l’offre de soins en milieu rural et la pauvreté.

Les causes sous-jacentes sont les spécificités de l’habitat rural ; la faiblesse du pouvoir d’achat des ménages et du financement collectif solidaire ; l’absence de mécanismes incitatifs favorisant le développement du secteur privé dans les zones défavorisées et les dysfonctionnements du système de santé (faiblesse des outils de planification, absence de normes pour encadrer les professionnels de santé, manque de coordination entre les départements concernés ; cloisonnement entre les niveaux ambulatoire et hospitalier).

Les causes structurelles sont l’insuffisance des ressources budgétaires, la répartition inadéquate/inéquitable des ressources entre les régions et les provinces, la forte part des paiements directs des ménages dans le financement de la santé et l’absence d’une véritable politique nationale de santé à long terme.

Analyse des rôlesBien que le droit à la santé ne soit pas reconnu dans la Constitution au même titre que le droit à l’éducation, l’Etat, de par ses engagements internationaux, doit l’assurer. Les autres acteurs à même de l’appuyer sont le secteur privé, la société civile et les organismes internationaux.

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Analyse des capacitésLes capacités de l’Etat devraient être renforcées, notamment en augmentant la part des ressources budgétaires consacrées à la santé, en assurant rapidement la mise en place d’une couverture sociale pour les plus pauvres et en renforçant la place du « droit à la santé » dans la législation nationale.

De même, les performances du Ministère de la Santé pourraient s’améliorer si certains défauts de capacités étaient comblés, en particulier sur le plan de la gestion, de la coordination du système de soins et de la régulation des principaux acteurs du système national de santé.

L’étude propose ensuite une série de recommandations répondant aux problèmes identifiés dans le domaine du droit à la survie.

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3Le droit au développement

Selon la CDE, il recouvre le droit à l’éducation et aux loisirs.

La réforme de l’éducationLa Charte nationale d’éducation et de formation (CNEF) est le quatrième projet de réforme de l’éducation depuis l’indépendance. Elle vise, entre 2000 et 2009, la généralisation de l’éducation, la qualité du contenu pédagogique et la restructuration des cycles de l’éducation.

A terme, le préscolaire et le primaire sont amenés à constituer un socle éducatif d’une durée de huit ans appelé « le primaire ». L’enseignement collégial et le secondaire seront intégrés en un cycle appelé le «secondaire » d’une durée de six ans.

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L’accès à l’éducationDepuis 2000, des progrès ont été enregistrés en matière de généralisation de l’éducation primaire mais des retards importants sur le calendrier de mise en œuvre de la réforme ont été accumulés dans certains secteurs.

La Charte a prévu la généralisation de l’éducation préscolaire en 2004. Or, le taux net de préscolarisation ne dépassait pas 50,1% en 2003-2004. De plus, il est assorti de profondes inégalités au niveau géographique (le taux varie de 28% à 70% selon les régions), socioéconomique et du genre. En 2003-2004, il atteignait 50,1% en moyenne nationale (39,4% pour les filles) mais seulement 35,7% en milieu rural (17,5% pour les filles rurales).

Au primaire, le taux de scolarisation des enfants de 6 à 11 ans a atteint 92,7% en 2005-2006 au niveau national, contre 68,6% en 1997/98. Environ 46% des effectifs étaient des filles.

Au collège, le taux de scolarisation des 12-14 ans est passé de 58% en 1999-2000 à 68,8% en 2003-2004. Au lycée, le taux de scolarisation des 15-17 ans est passé de 35,4% en 1999-2000 à 42,8% en 2003-2004.

Le pourcentage de jeunes accédant à l’enseignement supérieur stagne à 11% depuis 1999.

La qualité de l’éducationLa CNEF met l’accent sur l’amélioration de la qualité à travers la révision des programmes, des curricula, des manuels scolaires et des supports pédagogiques. Toutefois, la qualité des nouveaux manuels fait toujours l’objet de critiques d’ONG, de spécialistes et de parents d’élèves. Ils signalent notamment l’incompatibilité des contenus avec les principes d’égalité, de liberté, de non discrimination et de tolérance que le Maroc s’est engagé à respecter.

La mauvaise qualité de l’éducation se traduit par un rendement interne faible : le taux d’abandon dans le primaire est l’un des plus élevés du monde arabe.

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Après avoir baissé entre 1997 et 2000, il est reparti à la hausse entre 2001 et 2003 pour atteindre 6,3% par an.

La déperdition scolaire est d’autant plus préoccupante qu’elle se poursuit tout au long du parcours des enfants. Pour résumer, quatre enfants sur 10 quittent le primaire sans l’avoir achevé. Deux autres abandonnent au collège, et encore deux au lycée. A terme, seuls deux enfants sur 10 atteignent le niveau du baccalauréat.

Les tests internationaux font apparaître que la qualité de l’éducation a tendance à baisser au Maroc depuis dix ans.

Premier défi : généraliser l’éducation et la scolarisation

Analyse causaleLa cause immédiate de la difficulté à généraliser l’éducation est le coût de la scolarisation. Un élève coûte en moyenne 3 300 DH par an, dont 600 DH au minimum sont pris en charge par la famille. Au mieux, les familles démunies payent pour les garçons et mais pas pour les filles et encore moins pour les handicapés.

Les causes sous-jacentes sont les carences de l’Etat, qui ne prend pas en charge le coût de la scolarisation des enfants pauvres et ne déploie pas assez de moyens pour lutter contre les représentations sociales défavorables aux filles.

Les causes structurelles sont la pauvreté, le manque de mobilisation générale de tous les départements pour appuyer le Ministère de l’Education nationale (MEN) et l’absence de culture de la responsabilité.

Analyse des rôlesLes parties qui doivent réaliser le droit des enfants à l’éducation sont nombreuses : l’Etat, le Parlement et les acteurs de la société civile, à commencer par les familles.

L’Etat joue un rôle en matière législative : pour mettre en œuvre sa réforme, il a promulgué en 2000 la loi n°04-00 qui rend la scolarité obligatoire pour

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les enfants de 6 à 15 ans révolus (au lieu de 7 à 13 ans révolus) et la loi n° 05-00, qui encadre le préscolaire.

Le Parlement a pour rôle d’interpeller le gouvernement au sujet des retards constatés dans la mise en œuvre de la CNEF, ce qu’il ne fait pas. De même, la société civile et les médias ont un rôle important à jouer dans la promotion du droit à l’éducation des enfants.

Analyse des capacitésAu niveau de l’Etat, l’arsenal de moyens et de mesures nécessaires pour garantir l’application des nouvelles lois n’a pas été mis en place. Et l’Etat n’a pas la capacité de résoudre rapidement les problèmes de pauvreté qui freinent la généralisation de l’éducation.

Jusqu’ici, le MEN n’a pas fait la preuve de ses capacités à inclure les autres départements dans le cadre d’une approche intégrée et à long terme de la réforme éducative. De plus, pour améliorer la carte scolaire, il y a urgence à renforcer ses capacités en matière de microplanification.

Quant aux familles, elles manquent souvent de ressources, de capacités à comprendre l’importance de l’éducation et à revendiquer leurs droits auprès de l’Etat.

Second défi : améliorer la qualité de l’éducation

Analyse des causesLa cause immédiate est le défaut de corrélation entre généralisation et qualité de l’éducation.

Les causes sous-jacentes sont le manque de débat et le peu de recherche autour de ces questions.

Les causes structurelles sont le flottement des valeurs. Résoudre le problème complexe de la qualité de l’éducation renvoie à une question fondamentale qui n’est toujours pas tranchée : quel projet de société les citoyens marocains souhaitent-ils pour l’avenir ?

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Analyse des rôlesLe MEN est directement responsable de la qualité de l’éducation. En matière de contenu, il a pour rôle, entre autres, d’harmoniser les manuels scolaires avec l’article 29 de la Convention des droits de l’enfant. Cet engagement n’a pas abouti aux résultats escomptés. De plus, la libéralisation de la production des manuels scolaires a été décidée en l’absence d’une stratégie claire concernant les auteurs, la commission de validation et les enseignants.

Le Parlement joue théoriquement un rôle capital en matière de contrôle des programmes du gouvernement sur l’amélioration de la qualité et la mise à niveau des cadres enseignants mais il ne le tient guère.

La qualité de l’éducation est une préoccupation nouvelle pour les ONG, qui tentent de lancer un débat. Les syndicats d’enseignants ont aussi un rôle important à jouer mais s’attachent en priorité à défendre leurs intérêts catégoriels.

Analyse des capacitésAu niveau de l’Etat, la politique de « départ volontaire » des fonctionnaires semble aller à l’encontre des buts de la réforme de l’éducation. Par ailleurs, il n’existe aucun mécanisme de contrôle de l’application des dispositions de la charte relatives à la qualité. Alors que la qualité de l’éducation dépend en premier lieu des enseignants, les capacités de formation du MEN sont très limitées. De plus, le MEN ne se saisit pas assez des bonnes pratiques développées sur le terrain tandis que les structures régionales ne valorisent pas le personnel formé dans le cadre des projets innovants.

Les ONG manquent de mécanismes de coordination, de capacités de plaidoyer et de suivi.

En conclusion de cette partie consacrée au droit au développement, l’étude propose une série de recommandations.

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4 Le droit à la participation

Selon l’article 12 de la CDE, le droit à la participation de l’enfant s’entend comme le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité. L’enfant a aussi la possibilité d’être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l’intéressant. La participation de l’enfant ne peut être effective s’il ne dispose pas du droit à l’information et du droit à la libre expression.

De plus, selon l’article 31 de la CDE, « les Etats parties respectent et favorisent le droit de l’enfant à participer pleinement à la vie culturelle et artistique […] ».

Dans la familleLes rares enquêtes disponibles montrent que les parents ne prennent pas ou prennent peu en considération

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l’avis de leurs enfants. Plus le niveau économique de la famille est bas, moins le point de vue de l’enfant est pris en compte.

En milieu scolaireLa réforme de l’éducation et de la formation constitue un cadre favorable à la mise en place d’initiatives participatives pour l’enfant : création de coopératives scolaires, clubs Droits de l’homme et citoyenneté, partenariats MEN/ONG, élaboration de manuels promouvant la citoyenneté et la participation de l’enfant. Ces expériences, bien accueillies par les acteurs de la vie scolaire, restent limitées et peu évaluées.

En institutionsMalgré la publication d’un Guide des droits des mineurs destiné aux enfants placés dans les orphelinats, dans les institutions de sauvegarde et dans les institutions pour enfants en conflit avec la lois, le vécu quotidien des enfants dans ces établissements est loin du droit à la participation.

Au niveau des instances élues L’âge du vote a été abaissé à 18 ans et plusieurs actions sont menées pour permettre aux jeunes de participer au processus de décision : Parlement de l’enfant, Conseils communaux pour enfants…

Au niveau des instances judiciairesLe droit de l’enfant à la participation à toute procédure judiciaire ou administrative l’intéressant est plus ou moins reconnu par les lois récentes. Le Code de la famille confère à l’enfant de plus de 15 ans le droit de choisir celui des deux parents qui aura sa garde légale. En revanche, la révision du Code pénal n’a guère pris en compte le droit à la participation. En cas de violence familiale par exemple, la loi n’oblige pas le juge à consulter l’enfant.

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Au niveau des médiasLes enfants et les jeunes se sentent ignorés par les médias marocains : en dehors de quelques produits de divertissement, ils relèvent l’absence d’émissions et de supports médiatiques qui leur seraient spécialement dédiés et/ou qui leur donneraient la parole.

De plus, l’image des enfants et des jeunes dans les médias reste presque exclusivement liée à l’événementiel, à la polémique et au sensationnel. Les règles éthiques à l’égard des enfants (droit à l’image, au respect de la vie privée, etc.) sont rarement respectées.

Dans les espaces culturels et de loisirsLes loisirs constituent un élément fondamental pour l’intégration des jeunes dans leur environnement économique, social et culturel.

Trente centres d’accueil sont implantés dans différentes régions du Maroc. Ils proposent des activités éducatives, culturelles ou sportives dans le cadre de voyages culturels, stages de formation, séminaires, compétitions, etc. Mais ils sont sous-utilisés et monopolisés par un public très limité.

Trois cents maisons de jeunes, dont quelque 200 en milieu urbain et 100 en milieu rural, proposent des activités gérées par l’Etat ou par des associations (ateliers de peinture, de théâtre, clubs d’enfants, sports, etc.). Malgré leurs moyens limités, elles sont considérées comme des espaces de convivialité, de jeux et d’apprentissage et facilitent l’émergence d’une identité de jeune. En dépit d’efforts pour en augmenter le nombre, moins de trois jeunes sur dix en bénéficient et seulement 12 sur 100 en milieu rural.

Quelque 4 000 associations de jeunesse, sous tutelle du Secrétariat d’Etat à la Jeunesse, encadrent plus de 400 000 jeunes et bénéficient de subventions à cet effet. Ce vaste champ associatif gagnerait à être régulé, notamment pour encourager les initiatives respectueuses des droits de l’enfant, y compris à la participation.

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Le mouvement scout véhicule des valeurs de citoyenneté à travers une démarche participative et d’implication des jeunes dans la vie communautaire. Mais il ne touche que 11 000 jeunes.

Le Secrétariat d’Etat chargé de la Jeunesse dispose d’un réseau de 46 centres de vacances dont 29 permanents et 17 urbains. Le gouvernement marocain a lancé un programme Vacances pour tous qui a permis de tripler l’effectif des enfants bénéficiaires (50.000 en 2002, 151.000 en 2004).

Malgré ces initiatives, les activités littéraires et artistiques pour enfants sont indigentes. Le sport est la seule activité qu’ils pratiquent régulièrement. Au total, les complexes sportifs, théâtres et conservatoires touchent moins d’un jeune sur dix.

Au niveau internationalLe Maroc a abrité le deuxième Congrès mondial des jeunes en 2003. Des enfants marocains ont aussi participé à la campagne « Dites oui pour les enfants» en 2002. Ce processus a abouti à l’engagement des Chefs d’Etat et décideurs du monde entier à inscrire la participation des enfants et des jeunes comme priorité stratégique dans la mise en œuvre du nouvel agenda « Un monde digne des enfants ».

Un nouveau défi : développer le droit à la participation des enfants

Analyse causaleLes causes immédiates de la non réalisation du droit de l’enfant à la participation sont la non réalisation de son droit à l’information et les limites posées à ses capacités d’expression. Les enfants ont peu l’occasion de s’exprimer et leurs opinions sont rarement prises en considération. En famille comme à l’école, l’autoritarisme domine.

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La principale cause sous-jacente est l’absence de politique nationale visant la participation des enfants et la promotion de ce droit, qui reste largement ignoré.

Les causes structurelles sont la conception dominante de l’enfant, vu comme un être fragile et soumis ; le mauvais rendement du système scolaire, dominé par le conservatisme, le manque de créativité et d’esprit critique ; l’insuffisance des ressources allouées à l’enfance pour couvrir ses besoins en matière de santé, scolarisation, loisirs et culture.

Analyse des rôlesLes parents et l’école sont les premiers titulaires d’obligations, suivis par les institutions (départements ministériels chargés de la Famille et de la Jeunesse, collectivités locales) et la société civile (associations, médias, secteur privé, universités).

Analyse des capacitésLes parents sont encore peu conscients du droit des enfants à la libre expression en famille et disposent souvent de ressources limitées pour favoriser leur accès à l’information et leur épanouissement intellectuel.

Les directeurs d’établissements scolaires ne sont pas tous convaincus de la pertinence du droit à la participation des élèves et les enseignants sont peu formés aux droits de l’enfant et aux méthodes pédagogiques innovantes.

Les administrations comme les acteurs de la société civile n’ont pas de ressources à consacrer à ces questions, alors que les besoins les plus élémentaires des enfants ne sont pas comblés, surtout en milieu rural.

Ce chapitre consacré au droit à la participation se termine par une série de recommandations.

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5Assurer la protection des enfants est une obligation essentielle. La CDE consacre ce droit dans plusieurs de ses articles, notamment concernant les enfants en situation difficile : enfants handicapés, réfugiés, au travail, en conflit avec la loi…

Certaines catégories d’enfants bénéficient par ailleurs de la protection d’autres instruments internationaux engageant le Maroc (conventions de l’OIT, convention de Genève, etc.).

Enfants au travailSelon la Direction de la Statistique, 642 000 enfants de 7 à 14 ans sont considérés comme actifs, soit 11% de ce groupe d’âge. Ce phénomène est très développé en milieu rural, où se concentrent 87% des enfants travailleurs. Toutefois, les chiffres officiels ne semblent pas refléter toute la réalité du problème. En effet, près

Le droit à la protection

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d’un million et demi d’enfants en âge scolaire ne vont pas à l’école et le travail domestique n’est souvent pas pris en compte.

La jeune main d’œuvre privée de son enfance et de son droit à l’éducation est exploitée, souvent victime de châtiments corporels et exposée à des travaux pénibles ou dangereux.

Enfants victimes d’exploitation sexuelleBien que l’on manque de données, certaines études soulignent la gravité de la situation. Sur les milliers d’appels reçus par le Centre d’écoute de l’ONDE, les trois quarts concernent des agressions sexuelles.

Une étude réalisée en 2003 à Marrakech montre que les deux tiers des mineurs qui s’adonnent à la prostitution ont entre 16 et 18 ans, le tiers entre 14 et 15 ans et 7% entre 10 et 13 ans. La plupart ont un faible niveau d’instruction, des familles pauvres et/ou violentes.

Pour harmoniser la législation nationale avec le droit international, plusieurs mesures ont été prises, dont la réforme du Code pénal,qui renforce les sanctions pour les délits en relation avec la prostitution.

Enfants maltraitésEn 2004, une étude du MEN sur la violence à l’école a montré que les châtiments corporels, bien qu’interdits, y sont largement pratiqués. Selon l’étude, les parents ont aussi recours aux châtiments corporels mais dans une proportion un peu moindre.

Les enfants qui travaillent peuvent subir de la maltraitance de la part de leur employeur (petites bonnes, apprentis dans l’artisanat). Les plus jeunes sont les plus exposés.

Enfants des ruesEn nombre croissant, les enfants des rues sont exposés à de multiples abus physiques, sexuels et autres maltraitances, y compris au sein de leur propre famille.

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Certains ont affaire à la justice et sont placés dans des centres de sauvegarde de l’enfance.

Dans la rue, la plupart de ces enfants consomment des drogues dures.

Enfants privés d’environnement familialLe nombre d’enfants vivant dans des institutions de l’Entraide Nationale augmente : 65 000 en 2004, contre 38 000 en 2001. Les enfants sont souvent placés par des parents démunis. En l’absence de contrôle, ils sont victimes d’un encadrement déficient, de violence et d’abus.

Enfants en conflit avec la loiL’entrée en vigueur du Code de procédure pénale (CPP) en 2003 représente un vrai progrès avec l’élévation de l’âge de la majorité pénale à 18 ans, l’établissement du juge d’application des peines spécialisé pour mineurs, le remplacement de la garde à vue par la mesure de rétention des mineurs, l’instauration du système de liberté surveillée et la réduction de la durée des peines privatives de liberté applicables aux mineurs.

Les centres de sauvegarde de l’enfance ont hébergé 3.682 enfants dont 682 filles en 2003. Près de 70% étaient âgés de moins de 15 ans. Ils venaient pour la plupart de familles nombreuses et disloquées.

En 2004, 364 mineurs dont 18 filles ont été arrêtés et placés en détention. Il faut y ajouter 34 femmes enceintes incarcérées et 99 enfants (dont 43 filles) vivant en cellule avec leur mères.

En 2003, la police et la gendarmerie ont remis respectivement 630 et 109 enfants à leurs parents et 3 020 et 130 enfants à la justice.

Enfants handicapésLe nombre de personnes handicapées âgées de moins de 14 ans est de l’ordre de 216 000, soit 14,3% d’un total de 1 530 000 personnes handicapées (5,12% de la

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population totale). Environ 60% vivent en milieu urbain et 40% en milieu rural.

Les enfants handicapés ne jouissent pas de leurs droits élémentaires. Leur taux de scolarisation entre 6 et 11 ans est de 32%, contre 93% en moyenne nationale. Ils ont un accès limité aux services de santé de base et certains subissent le rejet social et la violence physique ou morale (en famille ou à l’école).

Enfants migrants non accompagnésDepuis quelques années, un nombre croissant d’enfants marocains non accompagnés émigrent clandestinement vers l’Europe. Ils partent au péril de leur vie, parfois avec l’aide de trafiquants, s’exposant à l’exploitation sexuelle, économique, etc.

De plus, de nombreux migrants subsahariens arrivent au Maroc dans l’espoir d’atteindre l’Europe. Selon les ONG, des bébés, des mineurs et des femmes enceintes survivent « dans cet environnement dépourvu de toute aide sanitaire, médicale et humanitaire ».

Une dynamique législativeUne véritable réforme de la législation relative à l’enfant a été opérée. Plusieurs textes ont été réformés dans un sens favorable aux droits de l’enfant (Code de la famille, Code des libertés publiques, Code pénal, Code de procédure pénale, etc.) tandis que de nouveaux textes étaient adoptés : Code du travail, loi relative aux établissements pénitentiaires.

Un défi : appliquer la loi et réduire les dysfonctionnements du système de protection

Analyse causaleLes causes immédiates sont la pauvreté, l’analphabétisme, les mauvais traitements à l’école et en famille. Au niveau de l’Etat, l’inadéquation aux besoins

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des enfants et le manque de ressources financières et humaines qualifiées caractérisent les institutions spécialisées.

La principale cause sous-jacente est la non application des lois, récemment réformées. La perte des repères éducatifs et culturels des parents doit aussi être mentionnée.

Les causes structurelles sont la pauvreté, le manque de coordination des acteurs gouvernementaux et des fondations royales travaillant dans le domaine de la protection et l’absence de stratégie globale.

Analyse des rôlesL’Etat est le premier détenteur d’obligations en matière de protection de l’enfant, et doit garantir, entre autres, l’application de la loi. D’autres acteurs sont concernés, comme la famille, la société civile et les médias.

Analyse des capacitésL’Etat est loin de mobiliser les ressources pouvant répondre aux exigences de la nouvelle donne législative. Au contraire, ses moyens semblent diminuer. Par exemple, le budget 2006 du Ministère du Développement social, de la Famille et de la Solidarité a été amputé de 21% par rapport à 2005.

De nombreux parents assument mal leur rôle d’éducateur et de protecteur. Ils ne sont ni informés ni encadrés pour réclamer leurs droits et redresser leur situation familiale.

La société civile s’est développée grâce à son engagement et à sa force de mobilisation, et ce, dans une phase de retrait de l’Etat de nombreux secteurs sociaux. Mais elle manque de ressources et de formation.

L’étude se termine par une dernière série de recommandations consacrées au renforcement du droit à la protection.