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LA GAZETTE DE LA CITÉ LE JOURNAL DES ATELIERS MÉMOIRE DE LA CITÉ DES CHEMINOTS DE LENS VÉLOS FLEURIS BORNE ET CHÂTEAUX D’EAU PROCESSIONS JARDINS FLEURIS LÉGUMES DERNIER TRAIN ÉCOLES Novembre 2015

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Page 1: LA GAZETTE DE LA CITÉ - cdclens.fr

LA GAZETTE DE LA CITÉLE JOURNAL DES ATELIERS MÉMOIRE DE LA CITÉ DES CHEMINOTS DE LENS

VÉLOS FLEURIS BORNE ET

CHÂTEAUX D’EAU PROCESSIONS JARDINS FLEURIS LÉGUMES DERNIER TRAIN ÉCOLES

Novembre 2015

Page 2: LA GAZETTE DE LA CITÉ - cdclens.fr

Défilé assuré par les enfants sur la cité à l’occasion de la fête des écoles, vers le mois de juin. Cet évènement a été instauré vers 1960 et ne se pratique plus depuis quelques années. Ces défilés étaient organisés avec la collaboration des écoles de la cité : ils pouvaient s’étirer sur plus de 2 km car en plus des vélos, les enfants défilaient avec des chars décorés, des musiciens et des danseurs.

Les mamans étaient sollicitées pour la mise en beauté des vélos, équipés de papier crépon, de fleurs fraîches. Elles s’armaient de patience et de créativité pour le plus grand plaisir de leurs enfants. Notons que tous les matériaux utilisés étaient aux frais de la famille !Ce travail pouvait durer entre une heure et une journée… Qu’importe, cette manifestation attirait du monde, même le maire et les jour-nalistes pour réaliser un petit clin d’œil dans le journal du lendemain. Les vélos se devaient d’être fabuleux  ! On ne manquait pas de récompenser certes, l’ensemble des partici-pants particulièrement friands de sucreries, par des bonbons ; mais également les plus beaux vélos.

À cette occasion les rues étaient sécurisées, surtout près des écoles. On se souvient que l’avenue de France était bordée de rosiers magnifiques, ce défilé estival prenait encore plus de charme.M. Barbier se rappelle qu’à son époque, ces défilés n’existaient pas. Les enfants avaient souvent leur vélo à certaines occasions (obten-tion de leur certificat d’étude : vers 14 ans – ou vers 12 ans pour leur communion).

Une pensée pour la maison Verdez-Mentel près du pont des Noyés*, où l’on pouvait réparer et acheter des vélos.

* Pont surnommé ainsi car toujours inondé lors des fortes pluies, il fallait passer sur des passerelles en bois agencées au fil du temps : en effet, suite à la guerre, les pompes élévatrices ne fonctionnaient plus.

Rédaction :Mirielle, Gisèle, Geneviève, Abbé Macquart, Thierry, Sylvie, Ginette, Marie-Thérèse, Michel, Mme Duboille, famille Becquelin, famille Loozen, Mme Berro, Jean, Jean-Claude, Martine, Jeannine, Stéphanie Fache et la participation du service communication d’ICF Habitat Nord-Est.

Iconographie :Remerciements à M. Bellanger pour son site www.cdclens.fr, M. Gouin du site cdclens.fr, Jacques Larrieu pour les dessins, A. Bocquillon, les habitants de la cité.

Impression :ICF Habitat Nord-Est26, rue de Paradis, 75010 Paris

Conception et réalisation :Communication ICF Habitat Nord-Est

A près 3 années d’existence, et la sortie du 8e numéro de La  Gazette, le temps est venu pour moi de passer le relais.

Cette activité, démarrée en 2012 avec deux par-ticipantes seulement, est animée aujourd’hui par une équipe assidue, volontaire et soudée, grâce au bouche-à-oreille et au plaisir de partager la nostalgie d’une certaine époque.

Les séances ont toujours été très animées et dynamiques. J’ai beaucoup appris de vous à travers l’histoire de votre cité. J’ai pris quantité de notes, j’ai feuilleté énormément d’albums, été une auditrice attentive de multiples histoires et anecdotes.

Je me suis prêtée avec un plaisir non dissimulé au jeu de « rédacteur en chef » et maintenant, avec beaucoup d’émotions et de confiance, je vais confier ma plume et la gestion de cet atelier à l’équipe de rédaction, riche de conteurs, de journalistes, et même d’enquêteurs.

En 2016, l’atelier-mémoire poursuivra son aven-ture porté par l’association « Bien vivre dans sa cité » présidée par M. Verschelde. Les rencontres seront toujours assurées les 1er et 3e lundis du mois de 14 h à 16 h, dans les locaux de l’associa-tion au 94 avenue de France à Méricourt.

Il s’agira d’agrémenter plus régulièrement le site cdclens.fr, avec une édition papier par an. Les gazettes seront certes moins nombreuses mais elles resteront tout aussi débordantes d’images, de photographies, d’anecdotes, d’ar-ticles d’époque et de témoignages.

Vous pouvez toujours intégrer l’équipe de l’ate-lier-mémoire, ou tout simplement apporter votre contribution en donnant accès à quelques-uns de vos souvenirs ou anecdotes, à vos albums photos… Marcel est impatient de vous recevoir.

Stéphanie FacheConseillère sociale ICF Habitat Nord-Est

ÉD

ITO

Les vélos fleuris ......................................p. 3Une histoire bornée ...............................p. 5Une histoire d’eau .................................p. 5Les processions ......................................p. 6Concours des jardins fleuris ..................p. 9La cérémonie du dernier train .............p.13Légumes, entre tradition et récompenses .........................................p.16Les écoles ..............................................p.18

SommaireLES VÉLOS FLEURIS

Photo Geneviève

Photo cdclens.fr

Photo famille Loozen

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Ayant une curiosité sans borne, je me suis mis en tête de retrouver la borne qui marque la limite des concessions minières de Courrières et de Liévin dans notre chère cité.

Je prends donc ma Rolls (100 000 bornes au compteur) et me tape les 10 bornes qui séparent mon domicile et le lieu de mes recherches. Juste le temps d’écouter sur mon auto-radio Born To Be Alive et Born In The USA et me voilà à l’endroit où j’avais vu cette fameuse borne la dernière fois, il y a de cela 30 ans (à cette époque, on jouait au jeu des 1000 bornes).

Dans mes souvenirs, elle était enfouie dans une haie de troènes à l’intersection des rues des Maurice Altazin et Fernand Taverne. En vain ! Plus rien  ! Quelqu’un a dépassé les bornes et a fait main basse sur ce morceau de pierre où étaient inscrits les noms des concessions. Je suis resté là planté comme une borne, incrédule.

Vous qui lisez cet article, si vous savez quelque chose sur ce petit monument historique (son lieu d’implantation dans la cité ou ce qu’elle est deve-nue aujourd’hui) je serais heureux d’en savoir plus. Merci de déposer un courrier au 94 avenue de France ou d’envoyer un mail sur le site www.cdclens.fr

P.S. : l’article comporte quelques répétitions…

veuillez m’en excuser ! … c’est volontaire !

SOUVENIR DE THIERRY ET SYLVIE(année 1973 – 7 ans)

Déroulement de cette fabuleuse journée, où je m’apprétais à défiler en tant que meunier sur un char en compagnie de ma «  future épouse ».

Un moulin était fabriqué en carton et autres matériaux de récupération, assez grand pour des enfants du primaire, posé sur le plateau d’une camionnette, suivi de deux wagonnets  : l’ensemble était accroché au même camion. Magnifique travail de conception et de décora-tion, le tout était fleuri avec soin.

Du haut de mes 7 ans, j’ai défilé sur ce char, j’avais fière allure : un déguisement de meunier sans oublier la touche finale… de la farine sur le visage ! J’avais pour mission de tourner les ailes du moulin durant tout le trajet. À l’arrière, dans les wagonnets, les petites filles étaient habillées en tenue « Louis XIV » agrémentée d’une perruque.Le parcours était bien précis : le départ se situait devant l’école des garçons. Un cortège d’enfants déguisés avançait à pied, suivi du moulin et des wagonnets. L’arrivée était prévue à l’entrée des glissoires d’Avion, où un spectacle était donné devant des parents admiratifs. Les petites filles ont dansé le « ballet des poupées » et en deuxième danse « les Amoureux de Peynet » sous un tonnerre d’applaudissements  ! Cette prestation était orchestrée par Mme Palmire, responsable de l’époque du cercle chorégraphique cheminot.

UNE HISTOIRE BORNÉE… !

Photo Mme Duboille

Photo Mirielle

Photo Mirielle

Borne similaire à celle de la cité, actuelle-ment portée disparue. Photo cdclens.fr

Dessin Jacques Larrieu

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ET UNE HISTOIRE D’EAU

Dès sa construction, la cité bénéficiait de cer-taines commodités que bien d’autres nous enviaient, telles que l’électricité, l’eau courante, le tout-à-l’égout et les toilettes à l’intérieur (à la turque).

Dans les années 70, la cité était alimentée par trois châteaux d’eau :• le pompage « la Raquette » situé près du stade Émile Javary approvisionnait deux d’entre eux : le château situé dans le virage de l’avenue de France sur Méricourt contenant 300 m3 (abandonné vide en mai 1976) ;• le château dans le chemin du Chiconet (tou-jours existant) avec une capacité de 600 m3 ;• un troisième château d’eau était situé lui en dehors de la cité, au pied de la bifurcation de la boucle rue des Fusillés à Méricourt. Il était doté de deux réservoirs superposés de 200 et 250 m3 et desservait le haut de la cité.

Une anecdote nous a été contée par un habi-tant du quartier : lors du nettoyage du château d’eau chemin du Chiconet, celui-ci étant vidé, des voisins qui élevaient des moutons profi-taient de cette eau providentielle pour nettoyer la laine des bêtes fraîchement tondues.

Lors de la Fête Dieu, une procession était orga-nisée dans toutes les paroisses de France et Saint-Éloi de la cité des cheminots ne manquait pas de respecter la tradition. Le parcours dans les rues de la cité changeait suivant les années et tous les quartiers étaient visités.

Pour les pratiquants, c’était un événement qui était préparé avec beaucoup de soin et de conviction. Il s’agissait de vénérer le Saint Sacrement. Le prêtre, revêtu d’une chape (grande cape très décorée, souvent avec du fil doré) avec un voile sur les épaules (voile huméral) portait ce qu’on appelle un ostensoir renfermant une grande hostie visible à travers des verres circulaires. L’objet portant l’hostie,

inséré dans l’ostensoir, s’appelait une lunule (petite lune). Le prêtre avançait sous un dais porté par quatre hommes (ils étaient relayés tout au long du parcours).

Au début de la procession, les enfants étaient costumés. Je me souviens des petits chinois qui symbolisaient les missions étrangères. D’autres enfants étaient revêtus de blanc et portaient dans le dos deux ailes pour évoquer la troupe céleste des anges. Venaient ensuite les enfants de chœur habillés d’une soutane rouge et d’un surplis blanc et tout plissé.

Une personne se trouvait à leurs côtés avec un claquoir (deux plaquettes de bois dur reliés par une charnière). Quand il y avait une évolution, le claquement permettait des mouvements exé-cutés avec ensemble. Un ou deux enfants de chœur portaient un encensoir. Régulièrement, au claquement, les enfants de chœur se tournaient vers l’ostensoir en balançant vigou-reusement l’encensoir pour qu’il produise le plus possible de fumée odoriférante…

Juste devant le dais se trouvaient les commu-niants de l’année. Les filles avec robes garnies de dentelles et voile ouvragé, les garçons avec un brassard au bras gauche. Les filles portaient un petit panier tenu par un ruban passé autour du cou. Ce panier était rempli de pétales de fleurs. Au signal du claquoir, les filles se retour-naient vers l’ostensoir, prenaient une pincée de pétales et d’un geste gracieux embrassaient cette pincée qu’elles lançaient en signe de foi et de respect. Sur le côté, deux dames por-taient une grande corbeille avec la réserve de pétales.

Derrière le dais on voyait les groupes d’action catholique  : les cheminots chrétiens, la ligue féminine d’action catholique, la chorale et le reste des chrétiens de la paroisse. Tout au long du parcours, les nombreux participants

PROCESSIONS

Les châteaux d’eau chemin du Chiconnet (ci-contre) et rue des Fusillés (en haut). © Photos cdclens

À l’arrière-plan, les châteaux d’eau avenue de France. Photo La Vie du Rail

Photo Abbé Macquart

Photo Abbé Macquart

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récitaient des dizaines de chapelets et chantaient des cantiques. Le long du parcours, certaines maisons étaient décorées, d’autres non. Je ne me souviens pas d’hostilités notoires lors des processions auxquelles j’ai participé.

À certains endroits étaient érigés des repo-soirs. Les gens du quartier où la procession s’arrêtait mettaient un point d’honneur à com-poser une véritable chapelle avec un autel où le prêtre posait le Saint-Sacrement. On chantait alors les chants traditionnels en latin  : O salu-taris hostia, Lauda Sion, Tantum ergo. Après une bénédiction avec l’ostensoir, la procession reprenait la route jusqu’au prochain reposoir (deux ou trois). Parfois, certaines personnes éri-geaient ce qu’on appelait des fausses portes : un mat de chaque côté du trottoir qui portaient un grand panneau avec une inscription (une phrase de l’Évangile, un texte liturgique…). La procession se terminait dans l’église par une dernière bénédiction.

À l’époque, la cité était très belle, très bien entretenue. Les ouvriers du district taillaient les haies et les arbres, nettoyaient les rues. Je me souviens aussi d’une procession particu-

lière lors d’une mission : un cortège historique avait été organisé et de nombreuses personnes étaient costumées pour représenter l’histoire de l’église. Personnellement, j’étais costumé en évêque pour évoquer saint  Rémi lors du baptême de Clovis.

Ce cortège historique était présidé par Mgr Évrard, ancien évêque de Meaux. C’était un homme “très rond“, très volubile. Le cortège a dû s’arrêter plusieurs fois car il entrait dans des maisons pour saluer les gens.

Une anecdote à son sujet. Un jour, il prêchait dans l’église d’un village. La chaire, étant vermoulue et le poids du prédicateur trop important, s’est tout à coup écroulée. Quand l’évêque s’est relevé au milieu des débris, sans dommage, il a simplement déclaré  : “la chair est faible“…

En parlant de défilés dans les rues, je pense aussi aux enterrements. Le corbillard, tiré par un cheval, venait chercher le cercueil pour le conduire à l’église et ensuite au cimetière. Le corbillard était précédé de la croix, portée par un enfant de chœur habillé d’une soutane noire et d’un surplis (les enfants de chœur bénéfi-ciaient d’une permission de sortie de l’école  ; après la cérémonie, ils retournaient en classe). La croix était suivie par les porteurs de gerbes et de plaques et par le prêtre qui chantait des prières pendant tout le parcours.

Un jour un petit voisin était décédé et j’ai été désigné pour porter une plaque. Ce jour-là il faisait très froid et j’ai eu les doigts complè-tement engourdis. En rentrant à la maison je pleurais tellement j’avais mal (on appelait cela “avoir l’onglet”. Maman m’a fait tremper les mains dans un bassin rempli d’eau tiède. Je me souviens aussi qu’en allant au cimetière d’Avion, on passait sous un pont du chemin de fer. On entendait alors un bourdonnement confus de conversations car les gens se par-

laient en suivant le cortège, et sous le pont, les voix résonnaient.

Photos ci-contre et ci-dessous, Abbé Macquart

Photos Abbé Macquart

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Une qualité environnementale exception-nelle pour l’époque, telle était la principale caractéristique de la cité, dès sa naissance. La monotonie n’était pas de mise. Des rues sinueuses où des habitations d’architecture très variée offraient une panoplie de couleurs flamboyantes, criardes pour les délégués du conseil général de la Seine en visite dans les cités jardins de la Compagnie du Nord en 1923 : cité très en couleur, “au moins quand ils rentrent chez eux, ils ne peuvent pas se trom-per de maison !”.

Les jardins n’étaient pas en reste. Ils servaient principalement à nourrir la famille. Des arbres fruitiers avaient même été offerts à chaque foyer par la Compagnie des chemins de fer. Chacun mettait un point d’honneur à avoir un jardin entretenu et productif, des haies coupées à la même hauteur et une multitude de fleurs égayaient le tout, des rosiers, dont le parfum hante encore les narines des plus anciens.

Nous avons eu l’occasion de rencontrer Mme Ginette Dubois, arrivée sur la cité des chemi-

nots en 1965. Elle a eu l’occasion de participer à de multiples concours des maisons fleuries dont les quatre organisés par le Conseil de cité, à la fin des années 70. Le concours du Conseil de cité permettait à l’ensemble des habitants de la cité d’y participer, et cela quelle que soit leur commune de résidence : on comptait à l’époque une vingtaine de participants chaque année. Tandis que le concours communal ras-semblait beaucoup plus de monde (4 à 5 fois plus, à l’époque). Les jurys passent deux fois dans l’année pour faire leur choix : un premier

passage début juin puis en septembre pour réaliser un comparatif et mesurer l’ampleur du travail fourni. La note finale reprend les points attribués pour l’aspect général, la disposition générale et les variétés choisies.

Elle a toujours commandé ces graines avec l’as-sociation Le jardin du cheminot : le catalogue est distribué tous les deux mois, le règlement est retenu sur la paie ou sur la retraite du che-minot. Au tout début ,on achetait très peu : on s’installait devant la fenêtre, on aménageait une planche avec deux tréteaux  – on faisait

CONCOURS DES JARDINS FLEURIS

nos semences, d’abord dans des petits pots, puis on replantait… c’était du boulot, mais j’ai toujours eu la passion des fleurs ! Notons que sur les quatre concours organisés sur la cité, le couple Dubois a été trois fois sur le podium, sans compter les prix remportés avec les concours communaux ! On changeait de fleurs chaque année… on concourrait pour le jardin, mais il y en avait autant dans la maison. Mon seul regret, ne pas avoir été fleuriste !

Aujourd’hui, certains perpétuent cette tradi-tion et participent par la même occasion aux concours des maisons fleuries. Six classements sont réalisés par rapport à la surface. Un jury composé de 3 ou 4 personnes de la Mairie, de quelques “extérieurs”, visitent le jardin des habitants préalablement inscrits, avant de déli-vrer leur verdict.

L’un de ces concurrents, de nombreuses fois récompensé, nous a gentiment ouvert les portes de son jardin et nous avons pu nous rendre compte que l’expression “avoir la main verte” n’était pas usurpée pour certains… et certaines. Gageons que nous soyons de plus en plus nombreux à embellir notre cité, à la rendre plus agréable à vivre. Nos aïeux en seraient fiers.

Vous êtes chez Marie-Thérèse et Michel, votre visite est motivée par la mise en valeur de la

maison. Cette mise en valeur passe par la réali-sation de différents parterres de plantes et de fleurs. Michel entretient les haies ainsi que les pelouses, mais c’est Marie-Thérèse qui s’oc-cupe entièrement des plantations, ce qui l’a amenée à s’inscrire au concours des jardins fleuris à Avion, sachant que de toute façon le jardin serait aménagé toujours aussi agréable-ment, concours ou pas.

Sur quelques années, plusieurs premières, deuxièmes et troisièmes places sont venues récompenser ses efforts. Il faut dire que Marie-Thérèse a plusieurs passions, la marche avec son club de Souchez Randos, la gymnastique de mise en forme avec le club d’Avion et le jar-din d’agrément où malgré tout vous trouverez du thym, de la menthe, du persil, du céleri, etc., cela réparti dans différents coins de la parcelle.

Pour sa part, Michel fait aussi partie de Souchez Randos, il est adhérent à la compagnie de tir-à-l’arc de Sallaumines et aide son épouse dans la mesure de ses moyens, car il confond parfois des fleurs avec de l’herbe, il lui est donc inter-dit ou presque de toucher aux fleurs.

Vous pouvez constater que la maison vient juste d’être rénovée par la société ICF, il ne manque que les volets qui ne devraient pas tarder. Malgré tous ces travaux, les transformations

Le Grand hebdomadaire illustré n° 403, 1923

Photos Mme Dubois

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Panneaux« Attentiontramway »

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MargueritesPlace

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Vers Lens

Vers Avion centre

Vers Lens

Vers Sallaumines

Vers Sallaumines

Vers MéricourtEntretien des wagons

Matériel

Ligne du tacotTerminus en boucle

Parcelles de jardinscultivées par des

cheminots

Vers la cité Montgré et

vers Lens

Avenue de France

Avenue de France

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1 - Château d’eau rue des Fusillés.2 - Localisation de la borne perdue. 3 - École des garçons avant guerre. 4 - École des filles avant guerre.5 - École Joliot-Curie après guerre.6 - Château d’eau chemin du Chiconnet.

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pour mettre les extérieurs de la même couleur que la maison ont été réalisés, maintenant la maison est bleue et grise.

Pour en revenir au jardin, il faut savoir que diffé-rentes fleurs sont semées en couches le jour du printemps par Marie-Thérèse. Après quelques semaines, lorsque les semis commencent à sor-

tir, chaque fleur est replantée dans un godet où elle continue de grandir avant d’être plantée à l’endroit adéquat. Il est évident que ces semis ne suffisent pas et il faut investir dans du ter-reau, de la tourbe, différents engrais et bien sûr dans différentes fleurs ou plantes qui viendront s’ajouter à ce qui existe déjà, ce qui ne fera qu’embellir l’ensemble. Il faut reconnaître que le budget jardin est quand même conséquent sur une année.

En plus des parterres, un bassin aquatique a été mis en place et quelques poissons peuvent apprécier la température idéale de l’eau du Nord. Un jour ils me demanderont peut-être de chauffer l’eau, va savoir ! Je sais que beau-coup de personnes aimeraient avoir ce genre de bassin, il faut qu’elles sachent que c’est beaucoup d’entretien et que cela a un coût non négligeable.

Un petit chalet est installé au bout du jardin, il a été entièrement fabriqué par Michel, il tenait à ce que la porte fasse plus de 1, 90 m de manière à ne pas être obligé de se baisser pour y rentrer. Autour des pelouses et dans les différents parterres, nous retrouvons soigneusement plantées par Marie-Thérèse, toutes les fleurs qu’elle a elle-même semées, ce qui quelque part est valorisant. Quelques pierres du Lot sont réparties ici ou là, des fleurs artificielles réalisées par Marie-Thérèse parsèment le jar-din. Ces fleurs sont faites avec différentes bouteilles en plastique retravaillées, une vieille paire de chaussures de marche remplies de fleurs garnit le dessus du barbecue, beaucoup d’idées dans la décoration avec l’utilisation de différents matériaux que la maîtresse des lieux remet en valeur après les avoir transformés. Un jardin, qu’il soit de légumes ou d’agrément, c’est une façon de s’occuper agréablement mais il ne faut pas que cela devienne une cor-

Photo Michel

Photo Michel

vée car c’est beaucoup d’heures de travail. Mais ces heures sont vite oubliées lorsque l’on regarde le résultat quand tout est en fleurs, d’autant que toutes ne fleurissent pas à la même période, c’est donc une floraison quasi permanente pendant l’été, il ne reste qu’à sou-haiter quelques rayons de soleil et là, c’est la récompense des efforts fournis.

Le seul inconvénient reste l’arrosage de toutes ces fleurs et plantes, Marie-Thérèse est obligée de jouer “Les Cosettes“, comme dans Les misé-

rables de Victor Hugo, il faut porter beaucoup d’eau pour rafraîchir toutes ces beautés, il arrive parfois à Michel, dans sa grande bonté, d’aider son épouse et de jouer les porteurs d’eau.

Pour arriver à ce résultat il faut de l’imagination, beaucoup d’idées et les réaliser, que chacun sache ce qu’il a à faire et le faire, ne pas regar-der le temps que l’on y consacre et c’est quand même plus agréable de rentrer chez soi dans un cadre bien agencé et parfois d’entendre dire par les passants : “c’est beau, chez vous“.

Photo Michel

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À l’époque, les légumes étaient conservés soit en bocaux, soit dans un silo naturel (placé dans le jardin : une butte protégée par de la terre, de la paille et un petit chapeau placé au-dessus).

À l’époque, les foyers n’étaient pas équipés d’un réfrigérateur, ma mère stockait les bocaux dans un débarras ou sous l’escalier (il y fai-sait plus frais). Les filles étaient doublement préparées dans la préparation des fruits et légumes, de par la transmission de génération en génération mais aussi par le biais de l’école ménagère qui comportait un programme d’en-seignement lié à la cuisine.

La tendance était d’installer le pota-ger à l’arrière de la maison et les fleurs sur l’avant. À la création de la cité, la conception des parcelles était favo-rable à cette pratique. Les graines pouvaient être commandées au dépôt SNCF (c’était moins cher) : M. Boutin passait dans les maisons de la cité pour distribuer le catalogue aux abonnés. Sinon on pouvait toujours récupérer les graines avec d’anciens légumes.

« Quand j’étais enfant, mes parents cultivaient eux-même leurs légumes, la maîtrise et la connaissance du potager étaient transmis de génération en génération. Pendant la guerre, on avait tout intérêt à avoir ses propres légumes dans son jardin car il y avait trop de restrictions… Je me souviens qu’à cette époque, il y avait beaucoup de vols dans les potagers et les cultures, mais également des poules, des lapins… L’économie était de rigueur : l’eau qui servait à laver les légumes était réutilisée pour arroser le jardin, on faisait son propre fumier (absence de tout-à-l’égoût = la cuve était placée à l’extérieur, accessible par un bouchon – le tout mélangé à la terre + épluchures de légumes !).

On faisait la récolte de pommes de terre pour l’année dans un cageot en bois, on y mettait des cendres pour éviter que ça moisisse ou que ça germe. La récolte pouvait atteindre 600 kg pour l’année (pour une famille de 6 personnes) ! »

« Mon grand-père piquait les poireaux : il coupait les racines et les feuilles vertes. Parfois, avant d’entamer une nouvelle rangée, il allait se reposer à l’arrière de la maison. Avec mon frère, nous nous amusions à retourner tous les pieds fraîchement piqués. À son retour, mon grand-père faisait des bonds et il devait tout recommencer ! Parfois, il nous demandait de l’aider… Un jour, il nous avait demandé de mettre quelques gouttes de Javel dans 1 litre d’eau et d’arroser aux pieds des poireaux pour éviter que les vers ne mangent les racines. Avec mon frère, on a mis tout le berlingot de Javel. En le déversant près des poireaux, tous les vers sont remontés à la surface… Et on n’a jamais eu d’aussi beaux poireaux ! »

LÉGUMES : ENTRE TRADITION ET RÉCOMPENSE…

Photos famille Becquelin

Copie des cahiers de Mme Gouin

Photo famille Daniaux

Dessin de Jacques Larrieu

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La cérémonie du dernier train est un évène-ment important pour les cheminots « roulants » qui partent à la retraite. M. Becquelin (ancien mécanicien à la SNCF) nous raconte sa céré-monie du dernier train en 1987.

Ce jour-là, il avait un peu neigé. Nous étions deux à fêter notre départ : M. Chemin et moi-même. Quelle émotion… J’avais commencé comme apprenti à Lens en 1951. J’ai d’abord été nommé à Somain en tant qu’ouvrier professionnel tourneur de

2nd classe. Après une brève interruption, car appelé sous les drapeaux de 1957 à 1959, je suis promu élève mécanicien à Arras en 1963, puis élève conducteur à Lens en 1964 (pour des machines Diesel). J’ai ainsi fait ma carrière en tant que conducteur, carrière qui allait s’achever ici après 32 ans. J’ai eu l’occasion d’avoir la médaille d’honneur d’argent et celle vermeil des Chemins de fer. Ma retraite m’avait été signifiée 6 mois plus tôt… Cette cérémonie marquerait ainsi l’aboutissement d’une magnifique aventure.

À bord de ce train “spécial”, on effectuait un circuit bien défini : de la gare de Lens au dépôt. On y allumait les torches, des pétards étaient placés sur les rails : “ça

claquait de partout !“, normalement les torches étaient allumées uniquement en cas d’accident sur la voie. À l’avant du train, une pancarte “le dernier train du conducteur”.

Cette cérémonie était émouvante, la famille et les amis proches étaient présents, quand ils vous regardent tous entrer au dépôt… à ce moment-là votre cœur palpite. À la descente du train, on nous a offert des fleurs, que nous avons placées sur la plaque des cheminots morts pendant la guerre, comme le voulait la tradition, on a respecté la minute de silence. Puis nous avons eu droit au discours de M. Anceaux, chef de dépôt.

Après une petite « enquête » auprès de mon épouse, mes collègues m’ont offert une canne à pêche… un présent qui me correspondait tout à fait. Cette journée s’est achevée à la salle des cheminots, réservée à cette occasion, pour faire la fête.

LA CÉRÉMONIE DU DERNIER TRAIN

“La vie du rail” offrait la possibilité de présen-ter et de récompenser les plus gros légumes ou les plus atypiques. Pour pouvoir y participer, il suffisait juste d’envoyer une photo au journal.

Pour en citer quelques-uns, la cité a été récom-pensée en :• 1971 - Le plus beau poireau : Noël Daniaux, récompense de 40 F.• 1973 - Deux carottes (1440  g et 1180  g)  : Robert Lhomme, récompense de 50 F.• 1974 - Une pomme de terre en forme de cochon : Renée Burja, récompense de 40 F.• Trois carottes (entre 690 g et 1200 g) : Michel Duboille, récompense 50 F.

Articles extraits de La vie du rail

Photos famille Becquelin

Dessin Jacques Larrieu

1918

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TÉMOIGNAGE DE MME BERRO :

Je suis arrivée à l’école Joliot-Curie en septembre 1995. À l’époque, je me souviens qu’il y avait M. Quéva (il venait de prendre sa retraite) et son épouse, Mme Quéva (CM1). Puis, M. André Fantini (CM), Mme Sylvie Degroote (maîtresse spécialisée), M. Daniel Delepierre (CP) et son épouse Mme Dominique Delepierre (CE1), Mme Valérie Hugot (CM2), Mme Jeanine Mahiou (CE2) et la directrice Mme Annie Larivière (CE1/CE2). Je pense en oublier… et moi, Christine Berro (CP). Puis sont arrivés Mme Janique Choquet (CE1), Mme Nathalie Deleury (CE2 puis CM2), M. David Fournier (CM1) et le nouveau directeur M. Charles Savary (CM1) et Mme Dominique Creton (CE1), Mme Isabelle Devienne qui n’était pas directrice à l’époque et Mme Grailler (CM2) J’en oublie forcément, certains enseignants ne restant qu’une année ou deux. Pour ma part, j’ai fait toutes les classes du CP au CM2 en une vingtaine d’années.

Voici quelques semaines a été inau-gurée la nouvelle école de la cité. L’occasion pour nous de revenir sur la reconstruction et l’inauguration de ce qui est aujourd’hui “l’ancienne école Joliot-Curie”.

Le bombardement des infrastructures ferroviaires dans la nuit du 20 au 21 avril 1944 avait gravement endommagé les écoles (filles et garçons). Seules quatre classes n’ont pas été détruites. Il fallait reconstruire un groupe scolaire.

En attendant, les élèves ont étudié dans des classes insalubres que l’on appelait baraque-ments (sur l’ancien terrain de sport), dans les quelques classes épargnées par les bombes et dans quelques locaux cédés gratuitement et à titre provisoire par la SNCF. Cet épisode durera 13 ans. Après bien des démarches avec l’appui de la municipalité d’Avion, des cheminots, du comité des parents d’élèves et des enseignants, un arrêté est notifié le 24 mars 1956 à la préfec-ture du Pas-de-Calais stipulant que le ministère de l’Éducation nationale accorde une subven-tion de 144 488 000 francs pour la reconstruction de l’école.

La cérémonie officielle de la pose de la pre-mière pierre a lieu le dimanche 30 septembre 1956. L’école sera inaugurée le 21 septembre 1958 par Maurice Thorez (député de la Seine, secrétaire général du Parti communiste français et ancien vice-président du Conseil). Au programme des festivités : une course cycliste nocturne, un défilé populaire, un grand feu d’artifice et pour clôturer, un grand bal populaire offert par la municipalité.

Le groupe scolaire a été conçu par M. Pamart architecte à Avion. Il comprend 3 bâtiments, 2 préaux, 2 grandes cours de récréation. Le groupe des garçons comprend 14 classes. Celui des filles, 12 classes et une salle d’en-seignement ménager. L’école enfantine se compose de 3 classes. À proximité du groupe, ont été construits 20 logements pour le per-sonnel enseignant. Les classes sont dotées d’un ameublement moderne dont le coût s’élève à 13 millions.

Presque 60 années se sont écoulées, des mil-liers d’enfants ont usé leurs fonds de culottes sur les bancs de cet endroit qui laissera très certainement un merveilleux souvenir à la plupart d’entre eux. On ne peut pas conclure cet article sans vous rapporter les noms qui reviennent chez certains anciens, élèves ou institutrices.

Pour Jean-Marc, c’est :Grande Section, Mme Saint-Aubin, directrice  ; CP, M. Brouard, directeur  ; CE1, M. Quéva  ; CE2, M. Vienne  ; CM1, Mme Loridant  ; CM2, M. Alexandre.

Pour Gisèle :CP, Mmes Lamare, Ledru, Chopin, Poincin, Hulot, Van Paris, Croquefer, Dambrinne, Urbal, Marie Appoline, Desmont, Deru, directrice, Lepagnot, Hantute, Payen.

LES ÉCOLES

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Pour notre nourriture intellectuelle et entretenir celle des Anciens – nous disposions d’une excellente bibliothèque et d’une bibliothécaire connaissant nos goûts et guidant nos choix. Le jeudi, les jeunes enfants se regroupaient autour d’elle qui leur lisait un conte. Dans cet endroit feutré, plus aucun bruit, sauf celui du papier des pages tournées. La magie opérait même sur les adultes.

Si nous avions besoin d’exercices physiques nous disposions d’un terrain de sport, de deux piscines, de trois moniteurs d’encadrement, de deux courts de tennis.

Un personnel médical existait aussi sur place : un médecin, des infirmières fonctionnant dans deux dispensaires, dont un réservé aux nourrissons, la « goutte de lait ». Et si nos habitations manquaient encore d’un peu de modernité, par l’absence de salle de bains, nous utilisions NOTRE établissement de bains-douches maintenu en état de propreté par la famille Croizera.

Nos distractions diverses ? Une école de musique (Mlle Paul), un débit de tabac-journaux-timbres-téléphone public (MM. Brebion), une buvette (la seule dans toute la cité), uniquement ouverte les jours de fêtes et attenante à la salle des fêtes. Il s’y produisait NOTRE troupe théâtrale, NOTRE harmonie, NOS meilleurs chanteurs et les spectacles de fin d’année scolaire mis sur pied par des enseignants patients avec à la clé la distribution des prix. Quelqu’un se souvient-il encore des bals où, avant 1939, les jeunes femmes évoluaient en vaporeuses robes longues ? je sens venir la nostalgie.

Mais peut être l’évocation de notre petit tacot ramènera-t-elle le sourire chez certains d’entre nous ? Sa loco miniature, ses vitres tressautant à chaque tour de roue et ses banquettes de bois nous évitèrent souvent les fatigues d’un trajet à pied vers Lens gare. À un certain moment de son parcours, il longeait notre humble petite église nichée au fond d’un berceau de peupliers aux feuilles toujours tremblotantes. Dans ma mémoire, assourdis, les graviers de son parvis crissent encore sous les roues du cabriolet de son bedeau, le père Doré et, entre ses murs de planches sombres, l’écho des chœurs dirigés par M. Delambre. Je crois entendre encore la voix de Jean Massart et celle d’une de nos célébrités, M. Giron qui, accompagné d’un autre chanteur (baryton ?) de l’opéra de Paris, vint y donner un récital.

Je ne peux exprimer, pour Désiré Dondeyne que ce qui fut déjà dit lors de son décès. Mondialement connu et estimé, il me semble avoir reporté, lui aussi, un peu de l’amour que nous éprouvons pour notre CITÉ, vers d’autres lieux, d’autres pays où la terre d’Artois lui manquait.

Sans doute me trouverez-vous bien puérile mais j’avoue que j’éprouve presque de la fierté d’avoir vécu, en même temps qu’eux, dans ma CITÉ radieuse et unique.

Prenez soin de vous et complimentez tous ceux qui œuvrent pour conserver ces souvenirs.

Jeannine BUREAU-DUMARCHEZ

Pour nous, la cité ne peut s’écrire qu’en majuscules. Nos lettres ne parlent que d’ELLE, nos trop rares rencontres entre anciens n’évoquent que souvenirs et regrets mais nous n’acceptons pas qu’elle meure.

J’habitais « avenue de France ». Des cordons d’églantiers et de rosiers la bordaient, séparant ses trottoirs, plantés d’arbres, des jardins cultivés et déjà dotés d’un ou deux arbres fruitiers.

Les constructions ? Je me souviens de six styles de pavillons différents, disposés de manière à casser une uniformité et ce, pour chaque rue ; ainsi, aucune n’était tout à fait la même, ni tout à fait différente. Dans toute la cité, les crépis des murs variaient du beige à l’ocre jaune poussin, rose saumon ou gris pâle (comme ma maison). D’épais volets de bois aux couleurs sombres, tenus ouverts grâce à une petite figurine rigolote, protégeaient, le soir, l’intimité des familles et assuraient la fraicheur en été. Dans certains chemins (Torte Rue, Chemin Vert, Rochoir, etc.) une équipe de jardiniers entretenait et taillait les haies de troènes. D’autres ouvriers effectuaient dépannages et réparations. Et que dire des égoutiers, en longues bottes cuissardes… car notre cité-modèle possédait déjà un réseau d’évacuation des eaux usées et des chasses d’eau dans les WC ! Ce que ne connurent pas nos parents dans leur « vie d’avant ». Comparée à la leur, notre vie faisait de nous des nantis. Et nous l’ignorions encore.

Notre éducation ? En plus de deux écoles maternelles, deux écoles primaires (une pour filles, une pour garçons), nous préparaient au certificat d’études, sous le contrôle d’enseignants sévères mais compétents. Nous disposions aussi d’une école ménagère décorée d’un fronton en mosaïques. En face d’elle, une vaste construction, couverte de lierre, accueillait le personnel SNCF – « les roulants » – en déplacement : le dortoir. Pour assurer le repos des dormeurs, sans doute, on l’entoura d’arbres absorbant les bruits. Dans ce petit parc un peu mystérieux, quatre lions en faïence blanche montaient la garde autour d’une fontaine – jet d’eau que je ne vis jamais fonctionner. Mais bien qu’interdit, grimper sur le dos des lions tentait beaucoup de gamins. Ces mêmes gamins ne deviendraient-ils pas, ensuite, élèves dans l’école des apprentis, implantée au sein du dépôt et les préparant à devenir cheminots ? À conduire et entretenir ces monstres d’acier dont ils seraient si fiers, et la plupart du temps, l’objet de leurs conversations ?

Notre subsistance ? Pour nourrir les familles, nos mères s’approvisionnaient auprès de deux commerçants ambulants vendant fruits et légumes (MM. Legros et Legrand), d’un boulanger (M. Cordonnier) et d’un laitier (M. Landas), charriant leurs produits avec l’aide d’un cheval (dont un jardinier du quartier récupérait les crottins). En dehors de deux petites coopératives installées dans une de ses maisons, la cité offrait les services d’une très grande épicerie : l’Économat. Chaque ménage possédait un carnet nécessaire pour obtenir l’approvisionnement souhaité et qu’il fallait parfois peser. Ainsi la cassonade – dont je suis encore très gourmande – arrivait en gros sacs de jute !

LETTRE D’UNE LECTRICE FIDÈLE

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