la douleur

Travaux du Dr Jules REGNAULT

f

L a Sorce l l e r i e . S o n h i s t o i r e , c o m m e n t o n d e v i e n t s o r c i e r ; c h a r m e s , m a l é f i c e s , e n v o û t e m e n t s ; l es m o y e n s de les c o m b a t t r e . 2e é d i - t i o n , A m é d é e L e g r a n d , P a r i s , 1936, i n -8° , 376 p.

M é d e c i n e e t p h a r m a c i e c h e z les C h i n o i s e t les A n n a m i t e s . I n - 8 ° , 230 p . M é d a i l l e d ' o r de l a F a c u l t é de M é d e c i n e e t de l ' I n s t i t u t C o l o n i a l de B o r d e a u x ; C h a l l a m e l , P a r i s .

P r é c i s de d i s s e c t i o n d e s r é g i o n s . 172 p. J . -B. B a i l l è r e , P a r i s . ( E p u i s é . )

Ce n ' e s t p a s C h r i s t o p h e C o l o m b q u i a d é c o u v e r t l ' A m é r i q u e . P l a - q u e t t e , Soc i é t é d ' E d i t i o n s g é o g r a p h i q u e s , m a r i t i m e s e t c o l o n i a l e s , P a r i s .

Les E n v o û t e m e n t s d ' a m o u r e t l ' A r t d e s e f a i r e a i m e r . 40 p., L i b r a i - r i e C h a c o r n a c , P a r i s .

Le Dr P é l i s s i e r e t s o n œ u v r e a r t i s t i q u e . 28 i l l u s t . M a l o i n e , P a r i s . ( E p u i s é . )

Les m é t h o d e s d ' A b r a m s . S p o n d y l o t h é r a p i e , r é f l exes d é t e c t e u r s d ' é n e r g i e . I n - 8 ° , 200 p . M a l o i n e , P a r i s , 1927.

Fi l le o u G a r ç o n ? P e u t - o n a v o i r f i l le o u g a r ç o n à v o l o n t é ? Le d i a g n o s t i c p r é c o c e de l a g r o s s e s s e e t d u sexe de l ' e n f a n t . 4 é d i - t i o n , E d i t i o n s Méd ic i s , P a r i s , 1946. O u v r a g e t r a d u i t e n p o r t u - g a i s : M e n i n o o u M e n i n a ? V e c c h i , R i o - d e - J a n e i r o , 1937.

B i o d y n a m i q u e e t r a d i a t i o n s . S u r l e s f r o n t i è r e s de l a sc ience e t de l a Mag ie , 286 p. , 165 i l l u s t . A m é d é e L e g r a n d , P a r i s , 1936.

Les m o y e n s d e d o m i n a t i o n : la M a g i e . 6e p a r t i e de l a G r a n d e E n c y c l o p é d i e i l l u s t r é e des s c i e n c e s occu l t e s . E d i t o r i a l A r g e n t o r , S t r a s b o u r g , 1937.

Les C a l c u l a t e u r s p r o d i g e s . L ' a r t de j o n g l e r a v e c l e s n o m b r e s , i l l u - s i o n n i s m e e t c a l c u l m e n t a l , 500 p. P a y o t , P a r i s , 1943.

M a t e r n i t é s a n s d o u l e u r . 291 p., E d i t i o n s Méd ic i s , P a r i s , 1945.

B a g u e t t e e t P e n d u l e . L ' A r t d u s o u r c i e r e t ses a p p l i c a t i o n s u n i v e r - s e l l e s : R a d i o t e l l u r i e , R a d i o b i o l o g i e , R a d i e s t h é s i e , R h a b d o m a n c i e , C r é m a s t o m a n c i e ; 510 p a g e s , P a y o t , P a r i s , 1948.

A l ' i m p r e s s i o n : L é g e n d e s , M e n s o n g e s e t M y s t è r e s do l 'H i s to i r e , E d i - t i o n s Médic i s .

A p a r a î t r e : M œ u r s e t C o u t u m e s d e s A n n a m i t e s .

E n p r é p a r a t i o n : L ' O c c u l t i s m e , P a y o t , P a r i s . — T o u c h e à t o u t à t r a v e r s le v a s t e m o n d e ; S o u v e n i r s d ' u n m é d e c i n de l a M a r i n e .

DOCTEUR JULES REGNAULT

L A D O U L E U R

S A N A T U R E • S E S V A R I É T É S

S O N E X P R E S S I O N • S O N U T I L I T É

S O N U T I L I S A T I O N

(TORTURES ET SUPPLICES)

L E S M O Y E N S DE L 'ÉVITER

E T D E L A C O M B A T T R E

É D I T I O N S M É D I C I S

5 . R U E D E R O M E

P A R I S

Copyright by Editions Médicis 1947 Tous droits de reproduction, de traduction et d 'adaptat ion

réservés pour tous pays y compris la Norvège, la Suède et l'U.R.S.S.

INTRODUCTION

O ! Douleur, serais-tu le chemin du bonheur ? L'amour et l'argent mènent le monde. Nous mettons

l'amour d'abord, car seul il donne un sens à la vie; mais, en fait, le maître qu'on choisit et qui dicte sa loi, c'est l'argent. Il faut être indulgent et se contenter de consta- ter, sans juger. Le pauvre homme, la pauvre femme sont bien excusables : on a réduit l'amour à un besoin phy- siologique. Et pourtant... si l'amour ici-bas s'appuie heureusement sur le sexe, il n'en est nullement l'essence.

J'entends déjà des controverses, des protestations, mais je refuse de me laisser entraîner aujourd'hui sur un terrain qui n'est pas l'objet de cette introduction, il est question ici d'un livre sur la douleur et c'est de cela qu'il faut parler.

Posons donc la question autrement : que cherche-t-on sur le globe terrestre ? l'amour et l'argent, ou plutôt le bonheur, ce terme est plus général et a plus de chance de nous mettre tous d'accord.

Eh bien ! mes chers amis, c'est pour aider l'homme à trouver le bonheur que nous présentons aujourd'hui un livre sur la douleur.

Paradoxe, dira l'un, idée bigarre, dira l'autre. De fait, dans la douleur, pas de bonheur possible; bien

plus, sa menace seule suffit à empoisonner le plus grand bonheur. Ainsi pense le commun des humains.

Et pourtant, ouvrons Platon, ce n'est pas œuvre d'un

fou ; ses écrits font encore autorité après vingt-cinq siècles où se sont succédés les enseignements des plus brillants esprits. Nous y voyons expliquer que le plaisir n'est que la cessation de la peine et, par conséquent, qu'il faut une peine pour pouvoir éprouver un plaisir. Platon, en cherchant bien, croit trouver une catégorie de plaisir, un bonheur où ne se mêle pas de douleur à son origine ; c'est, dit-il, celui que donne la connaissance et les joies esthétiques, c'est-à-dire la recherche scientifique ou philosophique et les travaux artistiques. De cette idée, les philosophes antiques tirent cet enseignement : la for- mule du bonheur est dans la sagesse et la sagesse est de réduire au minimum ses besoins matériels et de cultiver le savoir et le beau. Cette haute conception de la vie humaine, qui mit pour la première fois les valeurs mo- rales au-dessus des biens matériels, fit la magnifique civi- lisation grecque du V siècle avant Jésus-Christ. Mais il fallut l'annonce de la Bonne Nouvelle : l'Evangile, pour donner à la souffrance sa vraie valeur et montrer que l'homme pouvait prétendre à un bonheur plus largement humain ; par l'amour on peut prétendre à un bonheur, qui n'a de limite que notre envergure intellectuelle et morale.

A vrai dire, les recettes de bonheur aussi bien celle de la Grèce antique que celle de l'Evangile, heurtent à tel point nos conceptions courantes qu'on ne pense pas un instant que le bonheur puisse se trouver ailleurs qu'en cueillant des plaisirs faciles, chaque fois qu'ils passent à notre portée.

Pourtant, quel est le penseur qui apportera un démenti à Platon ? Où est-il ? que nous lui élevions une statue dans toutes les capitales.

Pour ma part, je me vois obligé de demander au lec- teur de saluer la douleur comme l'aurore du bonheur.

Initions-nous par des exemples faciles : Platon écrit : « Si nous ne souffrons de la gale, nous

n'aurons pas de plaisir à nous gratter. » De même, si nous ne souffrons du froid, nous ne res-

sentirons le bonheur d'être dans un logis bien chauffé ; si nous n'avons pas habité un logis incommode, nous ne serions pas si heureux d'habiter un appartement spa- cieux et confortable.

Toute commodité à laquelle nous sommes habitués ne nous procure plus de réelle satisfaction. Quand on agran- dit ou embellit sa maison, l'euphorie de. ces réalisations s'estompe et ce n'est que dans des créations perma- nentes, des améliorations continues que nous goûtons le bonheur.

Suivant cette idée, nous pouvons compléter la pensée de Platon, nous inspirant de l'idée évangélique : le bonheur peut se trouver sans qu'il se mêle une peine trop aiguë à son origine, dans la découverte continue et indé- finie des beautés du monde, c'est-à-dire dans l 'amour, mais le bonheur que l'on recherche par l 'argent et la possession matérielle se paie toujours de dures peines et souvent d'une souffrance continue.

Que donne-t-on pour de l 'argent ? la force de ses bras,

les plus belles heures du jour, les plus belles années de sa vie.

Le fonctionnaire sacrifie sa jeunesse pour la retraite de ses vieux jours.

Le commerçant s'enferme dans sa boutique pour pou-

voir cacher ses rhumatismes et sa tête chauve dans une maison dite de rentier.

L'abatteur de bois, le chercheur d'or, sous les tropi- ques risquent vie et santé, en un mot acceptent de tout souffrir pour faire fortune.

Il semble donc que l 'homme n'est pas si hostile à faire un pacte avec la souffrance, il s'est seulement habitué à ne plus l'appeler souffrance. Or, aujourd'hui, nous lui disons : « Homme du XX siècle, n'as-tu pas honte de te leurrer ainsi ? Crois-tu qu'être un civilisé c'est se cacher la réalité, l'essence des choses sous des slogans ? Le tra- vail, c'est le bonheur, me dis-tu ? Laisse-moi donc rire : le travail, c'est la souffrance et le travail ne sera le bonheur que si la souffrance est la voie du bonheur. »

Honte aux lâches ; avec lucidité faisons donc un pacte avec la souffrance. L'homme redoute la souffrance qu'il n'a pas choisie, la souffrance à laquelle il n'a pas assigné lui-même ses limites. Parfois, l 'homme est mauvais joueur, il connaît les risques qui l'attendent, mais il se flatte de les déjouer par son habileté, puis maudit les dieux, accuse la malchance.

Que chacun examine donc le fond de son cœur et il verra que presque toujours nous avons le choix de notre souffrance, mais la souffance atteint le lâche qui la fuit et lui impose en fin de compte un bonheur qu'il n'a pas eu le courage de poursuivre bravement dans un contrat lucide avec elle.

Je m'explique une fois de plus : Ici, le sportif s'impose librement une discipline corpo-

relle très stricte, en retour il jouit du bonheur d'une santé parfaite et se surpasse ; dans l'air et la lumière, il se sent vivre pleinement. S'il joue au foot-ball, il

accepte avec sang-froid la perspective de se casser la jambe.

Là, un homme vit mollement, s'adonne à tous les plai- sirs, ou simplement mêne une vie bourgeoise entre le bureau, le lit, la table, la salle de cinéma et le bridge au café Garnier. Puis ce même homme s'étonne de l'hyper- trophie de son foie, des insuffisances de tous ses organes, de son poumon qui se désagrège. Cet homme a refusé le combat, le combat bravement, librement choisi avec la douleur. Il aura aussi son bonheur, puisqu'il souffre : ce sera celui d'apaiser ses maux par les remèdes et les cures.

Concluons donc que le philosophe a raison, mais aurons-nous le courage pour cela de choisir le chemin que suivit Hercule ? Que ferai-je moi-même ? Aurai-je davantage que par le passé le courage de choisir ma souffrance, ma douleur ? Qui es-tu au juste toi, la dou- leur ?

Le livre du Dr Jules Regnault veut nous familiariser avec la douleur pour pouvoir la regarder sans trembler et nous dépouiller tout d'abord d'une appréhension qui est pire que la douleur même. N'a-t-on pas vu des gens se suicider par terreur ? par peur d'être assassinés ?

Ce livre traite donc de la douleur, qui, avec l'amour, constitue les deux éléments essentiels de la condition humaine ; il sollicite les réactions du lecteur, ses criti- ques, sa contribution pour écrire le vrai livre sur la dou- leur et l'amour : celui qui, peut-être demain, permettra un peu mieux de trouver le chemin du bonheur.

E D I T I O N S M E D I C I S .

CHAPITRE I

LA DOULEUR

La douleur : sa définition, sa fréquence, sa nature, ses variétés.

Origine externe : trajet anatomique d'une excitation, anesthésie, analgésie, dissociation des sensibilités. — Le membre fantôme des amputés (cor au pied doulou- reux sur une jambe absente !). — Douleurs irradiées.

Origine interne : douleurs réflexes. — Origine psychique (suggestion et auto-suggestion). — Douleurs de l'accou- chement. — Excitation réflexe, son effet progressif.

Algésimètre : mesure de l'intensité de la douleur. — Douleur morale.

Qui souffre le plus, l'homme ou la femme ? — Effets physiologiques de la douleur. — Formes et qualifica- tifs de la douleur.

Il est impossible de donner une définition simple de La Douleur : en raison de ses formes et variétés, elle ne se définit bien que par sa cause. Mais chacun la connaît, ayant eu l'occasion de l'éprouver sous diverses formes.

Le mot se rattache à la racine sanscrite primitive Dar, Dal, dont le sens est : briser, déchirer, fondre, rompre et qui a fourni les mots latins : delo (je perce), dolor (douleur) et aussi le mot irlandais dol (douleur). Sans imiter le général Frey, qui a soutenu la théorie de

L'Annamite mère des langues, je signalerai qu'en anna- mite mal ou douleur se dit : Dau.

Dans les expressions courantes on retrouve le sens pri- mitif de la racine sanscrite : une peine brise, déchire ou fend le coeur ; un malade se plaint d'être « rompu de douleurs ».

« La douleur est une sensation désagréable », ont écrit certains auteurs ; mais cette expression est inexacte, car toutes les sensations désagréables ne sont pas doulou- reuses ; de plus, elle oppose la douleur au plaisir, pris comme base de comparaison.

Elle provoque les critiques des pessimistes, d'après lesquels la douleur seule est réelle : « Vivre, c'est faire effort, désirer, c'est-à-dire souffrir. » D'après eux le plai- sir ne serait que la cessation de la souffrance, cessation toute momentanée.

Des auteurs célèbres ont manifesté leur pessimisme :

La Vie est un cercle de douleurs. VOLTAIRE.

Ici-bas la douleur à la douleur s'enchaîne. LAMARTINE.

L'homme va toujours de douleur en douleur. CHATEAUBRIAND.

Et un proverbe semble leur donner raison :

Pour un plaisir mille douleurs.

Fort heureusement il est des hommes plus optimistes: le prologue du livre du D Minime, Le Parnasse hippo- cratique, est constitué par une poésie : l 'auteur rappelle que, d'après un grand calculateur, il meurt un homme

par seconde ; mais pour que la population du globe se maintienne (et même s'accroisse, comme elle le fait, en doublant chaque siècle) il faut qu'il y naisse un enfant par seconde :

Pour avoir ce produit il faut que, par seconde, Il faut qu'un homme rende une femme féconde ;

Il fait observer que tous les grains semés n'apportent pas de fruits et il dit :

Qu'à ce juste calcul, afin que tout réponde, Il faut absolument, il faut que dans ce monde, Bien des couples conjoints soient heureux par seconde. Cela console un peu : mon cœur se sent flatté Quand je vois, malgré le mal qui nous inonde, Le bien l'emporter encore, et que, tout supputé, La volupté domine et le plaisir abonde.

D'après une sorte de définition d'Aristote complétée par Hamiilton, il y a plaisir toutes les fois que l'activité d'un être s'exerce dans le sens de sa nature. Il y a dou- leur toutes les fois que l'activité est contraire de l 'agent ou empêchée par quelque obstacle du dehors ou du dedans.

Si l'on accepte ma théorie, d'après laquelle les orga- nismes peuvent être considérés comme des oscillateurs complexes polarisés réagissant normalement aux vibra- tions avec lesquelles ils sont en accord (1), on peut con- sidérer la douleur comme une dysharmonie ou comme l'effet d'une vibration trop forte. Des soldats marchant

(1) Dr Jules Regnault. — Les organismes considérés comme des oscillateurs-résonateurs polarisés. Brochure i l lustrée Amédée Le- grand, Paris (épuisé).

au pas sur un pont suspendu peuvent provoquer des vi- brations de ce pont jusqu'à produire sa rupture, ainsi qu'il est arrivé à Angers et à Manchester: c'est pourquoi il est prescrit aux troupes de « rompre le pas » en tra- versant un pont suspendu. Certains bateaux ne peuvent naviguer à une vitesse qui provoque une vibration de la coque : ils ont tendance à se rupturer.

Il est enfin un phénomène qu'on a décrit sous le nom de « truc de Caruso » : ce chanteur faisait vibrer un verre de cristal, y versait, au besoin, progressivement de l'eau pour obtenir la note voulue, puis le plaçait sur une table et poussait cette note au-dessus du verre, qui alors se brisait. Le fait était connu bien avant Caruso, car je l'ai trouvé mentionné dans un petit traité de physique fort ancien.

Mais dans la définition d'Aristote-Hamilton, il est exa- géré de dire que la douleur apparaît toutes les fois que l'activité est contraire à l'agent : ainsi une femme peut être rongée par un cancer utérin, bien avant qu'aucune douleur donne l'alarme.

C'est une idée semblable qu'a exprimée Lamennais, en écrivant :

La douleur est fille du désordre.

D'après les Isa Upanishad,

La Douleur est fille du Désir ;

elle est souvent la fille d'un désir non satisfait, et encore, comme la faim et la soif, d'un besoin de l'organisme non satisfait.

Pour divers auteurs elle serait un mode distinct et

spécial de la sensibilité. Pour d'autres, elle serait le ré-

sultat d'une excitation très forte, elle ne serait qu 'un

degré d'une sensation quelconque. Mais il y a lieu de faire une première distinction entre

les douleurs dites physiques et les douleurs dites mo- rales, sans donner la prééminence aux unes ou aux autres, car, à ce point de vue, les avis semblent par- tagés :

Il n'y a de véritable mal dans la vie que les grandes douleurs.

( M de SÉVIGNÉ.)

La douleur physique a sur la douleur morale un ascendant dont le sage est honteux.

( M de SALM.)

Quant aux douleurs physiques elles peuvent être divi- sées, suivant leur origine : externe, interne, psychique.

Les douleurs d'origine externe dépendant surtout de la sensibilité qui nous met en rapport avec le monde extérieur ; elles ont été les premières à être bien étu- diées.

La conception ancienne, d'après laquelle « l'âme per- çoit directement les objets à la surface du corps > est périmée.

Si le fil électrique — pardon, le nerf — est coupé ou détruit entre le petit poste émetteur de la périphérie et le poste récepteur du système nerveux central, il n'y a plus ni sensation ni douleur.

Pour bien saisir diverses questions se rapportant à la douleur, il faut se rappeler quelques notions sur le sys- tème nerveux.

Les nerfs sont constitués par des fibrilles comparables à des fils conducteurs d'électricité, les uns sont entourés

de myéline, comme certains fils employés pour l'électri- cité le sont d'un isolant ; ce sont des nerfs de la vie de relation ; d'autres n'en sont pas entourés, ces fibres sans myéline se trouvent surtout dans les nerfs sympathiques de la vie végétative.

Pour ne pas compliquer, laissons de côté les disposi- tifs spéciaux des organes de l'audition, de la gustation, de l'olfaction et de la vision. Bornons-nous à la peau.

Au départ des extrémités des fibrilles nerveuses dé- pourvues de leur isolant, de myéline, portent de petits postes émetteurs, qui sont : dans l'épiderme, des menis- ques tactiles ; dans le derme, les corpuscules du tact de Grandry, de Meissner et de Krauss ; dans le tissu con- jonctif sous-cutané, les corpuscules de Vater-Pacini.

Ces fibres allant se rejoindre progressivement, allant aussi rejoindre les fibres nerveuses motrices, forment des cordons de plus en plus gros, qui sont, par exemple, le cubital, le médian et le radial, pour le membre supé- rieur. A la racine du membre, des fibres d'un cordon vont rejoindre des fils des deux autres cordons, formant ainsi un plexus, puis les diverses fibres se groupent à nouveau pour faire des racines allant vers le plus gros câble, la moelle épinière. Chacune de ces racines se sub- divise en une racine antérieure contenant les fibres mo- trices et en une racine postérieure contenant les fibres sensitives qui nous intéressent. Ces dernières abordent la moelle épinière par sa corne postérieure et montent vers le cerveau, où se trouve le poste récepteur.

Au passage, près de la colonne vertébrale, ces racines échangent des fibres avec les ganglions de la chaîne du sympathique, dont relève la vie végétative.

Les diverses formes de sensibilité ne paraissent pas relever des mêmes corpuscules ou postes émetteurs ni

des mêmes fibrilles : la perception de la douleur peut disparaître, alors que les autres formes de sensibilité sont conservées ; il y a alors des zones d'anesthésie ou

Coupe de la moëlle épinière Avec la racine nerveuse motrice M et la racine sensitivé S. Sur

cette dernière se trouve le ganglion sympathique. Au-dessous : un plexus nerveux, le plexus brachial.

d'analgésie (du grec αν, an, privatif, et αλγoς, algos, dou- leur). Mais cette anesthésie ne provient, sans doute, pas toujours d'un trouble du poste émetteur ; il semble

qu'elle peut être due à une inhibition ou arrêt du poste central récepteur, en particulier dans des cas d'auto- suggestion ou dans des cas d'hystérie. Les zones d'anes- thésie furent considérées au temps de l'Inquisition comme la marque du Diable (sigillum diaboli) et leur présence suffisait pour faire condamner une femme comme sorcière.

Diverses formes de la sensibilité peuvent être disso- ciées; le sujet distingue difficilement le chaud du froid pour des températures moyennes, puis ne perçoit plus la chaleur ni la douleur ; il peut se brûler ou s'ébouil- lanter sans s'en rendre compte. Quelquefois il y a per- version de la sensibilité thermique: le chaud paraît froid ou inversement. Aux troubles primitifs de la sensibilité thermique se superpose souvent la disparition de la dou- leur ou analgésie. Et cependant le sens du toucher reste intact. Ces troubles s'observent surtout dans la syringo- myélie, maladie causée par la production de cavités dans la moelle épinière, ils portent le nom de Dissociation syringomyélique et ont été décrits par Charcot. On les rencontre exceptionnellement dans d'autres maladies : l'hématomyélie, l'hystérie, les névrites, le tabes et le mal de Pott cervical ou tuberculose de la partie supé- rieure de la colonne vertébrale.

La douleur est localisée par le patient à l'extrémité du filet nerveux ayant transmis l'excitation, et cette locali- sation est souvent indiquée par un mot d'origine grecque composé du nom de la partie suivi du mot algie (αλγος, algos, douleur) ; céphalalgie, mal de tête ; entéralgie, mal d'intestin ; gastralgie, mal d'estomac ; odontalgie, mal de dents ; névralgie, douleur sur le trajet d'un nerf. Ces mots font toujours bien, même et surtout quand on ne trouve pas la cause du mal. Un sujet se plaint de mal

aux dents, on lui dit : « Vous avez une odontalgie. » Un autre se plaint d'une douleur dans la zone d'un nerf ; on lui dit: « Vous avez une névralgie. » Le malade a dès lors une belle étiquette à mettre sur son mal et est déjà à moitié satisfait, mais il serait plus utile de chercher la cause de la douleur, pour la supprimer. Certains ma- lades posent eux-mêmes leurs diagnostics, avec des éti- quettes mal appliquées ; un de ceux-ci, sachant qu'une névralgie de la cuisse et de la jambe de son voisin avait été baptisée sciatique, n'hésita pas à m'indiquer lui- même son diagnostic, dès les premiers mots il me dit: « Docteur, j 'ai une sciatique dans le bras !... »

Il est vrai qu'en fait de médecine, les clients emploient souvent de singulières expressions : l 'un écrivait qu'il avait pris des lavements « de l 'Eau d'anon », il voulait dire : « du Laudanum ». Un autre avait pris de « l'Ordure de Potassium », au lieu d'Iodure de Potas- sium, et s'était fait des badigeonnages de « Peinture idiote », au lieu de Teinture d'Iode. Enfin un client m'a dit, un jour, que son médecin lui avait prescrit de la « Teinture de Pingouin ».

— De la Teinture de Pingouin ?... Sans doute, de la Teinture de Benjouin.

Sans se démonter, il répondit : — De la Teinture de Pingouin ou de la Teinture de

Benjouin, c'est la même chose... Une autre me parlant d'un médicament donné pour

une cystite, me dit que la malade avait pris des « Pilules du Président ».

— Des Pilules du Président ?

Je réfléchis, puis, comme ceci se passait alors que Doumer était président de la République, j 'ajoutai au bout de quelques instants :

— N'est-ce pas plutôt des Pilules de Doumer au bleu de méthylène ?

— Mais oui, puisque je vous dis que c'étaient des Pi- Iules du Président...

Mais la localisation que fait le malade au bout du filet nerveux n'est pas toujours exacte. Une excitation portée sur le trajet d 'un nerf donne l'illusion d'une douleur localisée à l'extrémité de ce nerf. Un choc portant sur le nerf cubital au niveau de la partie postéro-interne du coude, là où il passe entre l'épitrochlée et l'olécrâne, pro- voque une sensation douloureuse qu'on localise dans les deux derniers doigts de la main ; de plus, comme le cordon nerveux contient non seulement des fibres sensi- tives, mais encore des fibres motrices, ces deux derniers doigts se fléchissent en formant une griffe. C'est ce qui a fait donner au nerf cubital le surnom de « petit juif ».

Et nous avons là une explication d'un phénomène qui intrigue bon nombre de personnes, celui du « membre fantôme des amputés » : un amputé de cuisse peut accu- ser des douleurs dans un cor au pied de la jambe qu'il n'a plus !

Il y a longtemps, alors que jeune chirurgien de la Marine je faisais des cours à l'une des Sociétés de la Croix-Rouge, à Toulon, quelques-unes des mes auditrices me demandèrent des éclaircissements sur le « membre fantôme des amputés », qui leur paraissait mystérieux.

Après leur avoir rappelé qu'il y a sur la périphérie un poste émetteur qui reçoit l'excitation, un fil nerveux qui la transmet et un poste central récepteur de la sen- sation, je leur dis : « Nous sommes en temps de guerre, je le suppose ; un poste de Toulon est relié par des fils télégraphiques à divers villages ou petites villes des environs par un fil spécial pour chacun d'eux. Il est relié

ainsi à Bandol. Tout message lui parvenant par ce fil est considéré comme venant de Bandol.

« Des agents de l'ennemi ont coupé le fil entre Toulon et Bandol, puis greffé sur le bout de Toulon un appareil leur permettant d'envoyer des messages. Leurs messages seront considérés au poste récepteur de Toulon comme venant de Bandol. »

J 'aurais aujourd'hui une comparaison encore plus accessible en parlant de fils téléphoniques, d 'autant plus qu'au moment de la libération de Toulon, un officier F. F. I. découvrit dans le sol le fil téléphonique reliant le poste central allemand aux défenseurs allemands du fort d'Artigues, le coupa et, grâce à un appareil porta- tif, put entrer en relation avec les hommes du fort et contribua à les faire se rendre, parce qu'ils pensaient recevoir, comme d'habitude, des communications de leur poste central.

Une excitation portée sur l'extrémité du nerf du moi- gnon produit une sensation que le blessé localise au point de son pied ou de sa jambe correspondant au filet nerveux excité. S'il y a un léger névrome du nerf du moignon, en cas de perturbation hygrométrique, le filet nerveux qui correspondait au cor au pied et qui, de ce fait, a pu avoir un début de névrite, sera le premier à réagir et le blessé se plaindra à juste titre du cor au pied de la jambe amputée.

Et tout le mystère du « membre fantôme » s'évanouit pour mes auditrices.

Dans le cas où, pour une intervention chirurgicale, on pratique l'anesthésie ou, plus exactement, l'analgésie locale ou régionale par injection de cocaïne, de néocaïne ou d'un produit similaire, on place, au point de vue de la sensibilité à la douleur, le nerf dans les mêmes con-

di t ions ' que s'il é ta i t coupé, avec cet te différence que la sensibi l i té d u t ac t es t conservée. On p e u t alors, en exci- t a n t le n e r f au -des sus de cet te « sect ion phys io logique », p r o v o q u e r une dou l eu r que le s u j e t localise dans la zone d ' o ù p a r t e n t les p lus pet i ts filets d e ce ner f . J ' a i p u en fa i re l ' expér ience sur m o i - m ê m e au cours de l ' au to- o p é r a t i o n de h e r n i e ingu ina le que j ' a i p r a t i quée sans a ide s u r mo i -même , en 1912. J ' a v a i s p rès de mo i d e u x conf rè re s c h i r u r g i e n s p rê t s à in t e rven i r en cas d ' inci- dent , c ' é t a i t u n e p r é c a u t i o n utile, ca r c ' é ta i t la p remiè re fois q u ' u n e opé ra t i on se fa i sa i t ainsi , m a i s ni l ' u n ni l ' a u t r e n ' e u t à in t e rven i r e t seules m e s m a i n s f u r e n t e n con t ac t avec m o i - m ê m e ou avec les i n s t r u m e n t s . J e

n ' é t a i s pas p ressé ; je prof i ta is de l 'occas ion p o u r expli- q u e r l ' opé ra t ion à de j e u n e s conf rè res ou à que lques- u n s de m e s é tud ian t s , j ' e n prof i ta i auss i p o u r m e ren- d re c o m p t e d e l ' é t endue de l 'analgésie . J ' ava i s sous la m a i n les ne r f s abdomino-gén i t a l e t gén i to -c ru ra l dénu- dés ; je joua i de la m a n d o l i n e s u r ces cordes : dans la p a r t i e i n fé r i eu re de la plaie opéra to i re , au-dessous du po in t où la « sect ion phys io log ique de F r a n c k » ava i t été p r o v o q u é e p a r l ' ana lgés ique , je ne senta is r ien ; u n peu au -des sus je n ' é p r o u v a i s q u ' u n e sensa t ion u n peu désagréable , mais , e n r e m o n t a n t le p lus h a u t possible vers l ' i n t é r i eu r de l ' abdomen , je p rovoqua i s u n e sensa- t ion dou lou reuse t rès vive que je localisais d a n s la région des b r a n c h e s d 'or ig ine du ner f , p a r c o n s é q u e n t b ien au- dessous du po in t d 'exc i ta t ion .

Il es t d ' a u t r e s cas dans lesquels l a local isa t ion est inexacte , c 'es t q u a n d il s ' ag i t de dou leu r s réflexes, s u r lesquel les n o u s a u r o n s à r even i r à p ropos de dou l eu r s d 'or ig ine in te rne .

Je d o n n e r a i s eu l emen t u n exemple : u n des p r e m i e r s

symptômes d'une coxalgie, ou arthrite tuberculeuse de la hanche, est une douleur, non dans la hanche, mais dans le genou. Il peut y avoir une cause d'erreur de dia- gnostic, dont j'ai noté un cas :

On m'apporte un jour une jeune fille de 10 à 11 ans munie d'un appareil plâtré circulaire allant de la racine des orteils à mi-cuisse ; cet appareil a été placé il y a plus de cinq mois par un confrère de médecine générale n'ayant pas des notions bien précises de chirurgie ortho- pédique, pour une tumeur blanche ou arthrite fémoro- tibiale tuberculeuse du genou au début : le pied est immobilisé en équinisme, c'est-à-dire en extension, et non à angle droit ou même en légère flexion ; l 'appareil ne remontant qu'à mi-cuisse et ne prenant pas l'articu- lation sus-jacente ne peut immobiliser parfaitement le genou. L'enfant continue à se plaindre de son genou. Un examen rapide me permet de constater que la lésion est dans la hanche et non dans le genou, où la p e t i t e malade situe sa douleur, et qu'il s'agit d'une coxalgie.

Les parents ne peuvent admettre mon diagnostic : « Mais c'est du genou et non de la hanche qu'elle se plaint. » Je leur conseille de faire radiographier la hanche et le genou et ils ne tardent pas à m'apporter des radio- graphies confirmant mon diagnostic. Après avoir enlevé le plâtre, il me fallut d'abord pratiquer un allongement du tendon d'Achille pour redresser le pied et supprimer l'équinisme, ensuite j'immobilisai la hanche dans un grand appareil plâtré allant de la racine des orteils jus- qu'aux dernières côtes et muni d'une fenêtre me permet- tant de faire des injections intra-articulaires de Calot dans l'articulation de la hanche. La petite guérit.

Il est certain que pour une personne n'ayant pas une grande expérience de tels cas l 'erreur est facile.

Les douleurs d'origine interne sont provoquées par des inflammations comme celles des rhumatismes arti- culaire ou musculaire ou par des infections, comme des abcès, des furoncles ou des panaris ou par des auto- intoxications amenant du prurit, des démangeaisons, des sensations de brûlures, ou, encore, par des lésions ou troubles fonctionnels, tels que hyperchlorhydrie avec sensation de brûlures dans l'estomac, coliques abdomi- nales, hépatiques, néphrétiques, utérines, d'appendicite, d'obstruction intestinale. Ces douleurs sont localisées

d'une façon un peu vague, mais s'accompagnent souvent de douleurs réflexes irradiées vers la périphérie, souvent très loin de l'organe lésé.

Ces douleurs réflexes peuvent servir à préciser un dia- gnostic, mais, pour une personne non documentée, peu- vent, au contraire, entraîner de grossières erreurs, en appelant l 'attention loin de la cause du mal.

Une douleur irradiée dans le bras gauche, avec la « sensation de la vie qui s'en va » dénote une coronarite ou un spasme de l'artère coronaire du cœur, c'est le grand symptôme de l'angine de poitrine, vraie ou fausse.

Une douleur en bretelle sur l'épaule droite dénote des lésions hépatiques ou sous-diaphragmatiques.

Une douleur spontanée ou provoquée près de la queue du sourcil est souvent en rapport avec de la cho- lécystite ou des troubles hépato-biliaires.

Chez une femme une douleur en travers du front dé- note souvent des troubles de la matrice ; une douleur spontanée ou au toucher sur le bregma, c'est-à-dire au sommet du crâne, sans lésion locale, dénote une inflam- mation du col de la matrice ou une cystite ; sous la pointe du mamelon et un peu en dehors, est très souvent en rapport avec une inflammation de l'ovaire du même

côté. Quand cette dernière douleur siège à gauche, elle peut faire penser à tort à un trouble cardiaque, d'autant plus que la patiente s'imagine presque toujours avoir une maladie de cœur, mais la localisation ne correspond pas exactement à la pointe du cœur et on ne constate

Sièges des douleurs réflexes (d'après DANA).

aucun trouble cardiaque. Une inflammation de l'ovaire peut être également décelée par une douleur partant de la région ovarienne, descendant jusqu'au genou et re- montant vers son point de départ, vers son point d'ori- gine, sur la partie antérieure de la cuisse : la femme croit avoir une « névralgie » rebelle aux médicaments qu'elle prend. Des douleurs localisées sur la partie externe de la cuisse peuvent être en rapport avec des

Douleurs réflexes dans

les affections gynécologiques. (Schéma de DEVY).

1. Zone (en bandeau) doulou- reuse sur le front et la tempe du côté de la sal- pyngite.

2. Siège du réflexe de la toux utérine.

3. Point douloureux près du mamelon.

4. Point épigastrique. 5. Zone en ceinture doulou-

reuse. 6. Points douloureux des cuis-

ses avec douleur descen- dante vers la rotule et ascendante en 7, 7', 7'". Réflexe musculaire dou- loureux.

En arrière existent des zones scapulaires sus et sous-épineuses et une zone lombaire.

Il y a aussi un point à la fesse.

lésions ou des troubles du côté des trompes uté- rines ou des ligaments larges de l'utérus.

Il peut exister diffé- rents points douloureux d'action réflexe au ni- veau desquels on trouve des épaississements de la peau constituant les dermatomes de Head.

Il est également des points douloureux le long de la colonne ver-

Zone s douloureuses métamériques, apophyses et nerfs Surfaces de la peau correspondant aux diverses apophyses épi-

neuses de la colonne vertébrale qui sont en rapport avec les seg- ments et au niveau desquelles la percussion, le courant sinusoïdal, le froid ou un anesthésique provoquent l'analgésie dans les. zones de la peau correspondantes.

C = Cervicale. — D = Dorsale. Ainsi 5 D signifie que la percussion, la sinusoïdalisation ou la con-

gélation de la cinquième apophyse épineuse dorsale produira l'anes- thésie ou l'analgésie (Albert Abrams ; Spondylothérapie, p. 368).

Ces figures peuvent être superposées aux schémas de la sensi- bilité de Head, mais la façon de numéroter les segments est différente.

En raison de l'obliquité des racines, pour savoir à quelle vertèbre correspond tel nerf, il faut soustraire du numéro du nerf :

1 pour les 4 premiers nerfs cervicaux ; 2 pour les 4 derniers nerfs cervicaux et pour les 6 premiers dor-

saux ; 3 pour les 6 dorsaux inférieurs ;

c'est ainsi que la racine du neuvième nerf dorsal se trouve en face de la sixième apophyse épineuse dorsale (9 - 3 = 6).

tébrale, points douloureux qui apparaissent spontané- ment ou seulement sous l'influence d'une pression et qui sont en rapport avec tel ou tel organe, suivant le

Spondylopressor d'Abrams

Deux « doigts » en métal, écartés de cinq centimètres et fixés à une tige, sont appliqués de part et d'autre des apophyses épineuses de la colonne vertébrale, au niveau des racines des nerfs. Si, en l 'absence d'une lésion locale, la pression provoque une douleur réflexe, l'atten- tion est attirée sur l 'organe ou viscère correspondant au nerf sensible. Pour mesurer la pression minima provoquant une réaction, on place l 'appareil perpendiculairement à la zone explorée. La tige supportant les deux doigts métalliques s'enfonce dans le manche de l'appareil en refoulant un ressort et entraînant une bague, dont l'emplacement sur une règle graduée enregistre la pression exercéé.

métamère ou segment du corps auquel appartient cet organe.

Pour explorer ces points et en déterminer la plus ou moins grande excitabilité, j 'ai créé un appareil, que j'ai

Algésispondyloscope de Regnault

(SPENGILER const., Paris.)

Deux roulettes caoutchoutées écartées de cinq centimètres sont déglacées le long de la colonne vertébrale, avec une pression crois- sante, qui est indiquée sur un cadran. On note la pression minima qui provoque la réaction douloureuse. Si plus tard, cette pression doit être augmentée, c'est qu'il y a amélioration probable. On peut également, dans un but thérapeutique, en spondylothérapie, exercer avec ces roulettes une pression d'une valeur déterminée en kilos. Quelquefois la pression en un point douloureux peut provoquer un réflexe, comme sur ce dessin exécuté d'après une photographie prise dans des con- ditions curieuses : je sortais de chez moi pour allér faire photo- graphier l'application de mon appareil, quand je rencontre un de mes amis qui venait me voir ; il m'accompagne et me propose de rem- placer l'infirmier que j'allais chercher pour me servir de sujet. Je passe les roulettes avec assez faible pression et il accuse une douleur en même temps qu'il fait un mouvement involontaire amenant un pli de flexion sous les côtes droites. Je lui dis qu'il fallait surveiller son foie et sa vésicule biliaire et se soigner. Il me répondit : « Mais, c'est précisément pour cela que j'allais vous voir... »

appelé algésispondyloscope, ce qui veut dire : appareil pour dépister la douleur le long de la colonne vertébrale.

Il est évident qu'il faut s'assurer qu'il s'agit bien d'une douleur réflexe et non d'une douleur due à une lésion locale, comme un mal de Pott, dans lequel la vertèbre sous-jacente est atteinte de tuberculose osseuse.

La pression minima nécessaire pour provoquer la réaction douloureuse est indiquée sur un cadran ; il est ainsi possible de mesurer la plus ou moins grande hyper- excitabilité au point exploré.

Alors même que le diagnostic précis n 'a pas été fait en ce qui concerne l'organe ou l'appareil organique en cause, certaines applications de physiothérapie, des onctions médicamenteuses, des injections d'anesthési- ques locaux peuvent souvent amener une amélioration non seulement locale et momentanée, mais plus géné- rale, car il y a une relation nerveuse entre le point de douleur réflexe et l'organe malade.

Parmi ces points vertébraux douloureux, que j'ai étu- diés, dans mon livre Les Méthodes d'Abrams, je citerai celui situé sur la cinquième vertèbre dorsale, qui cor- respond au pylore et par le travers de laquelle les ma- lades situent les douleurs transfixantes éprouvées dans le cas d'ulcère de l'estomac ou du duodénum. On trouve encore les correspondances suivantes : de la troi- sième à la quatrième dorsale (D3-D4), coeur ; de la quatrième à la septième dorsale, petite courbure de l'estomac ; de la dixième à la douzième, grande courbure de l'estomac ; de la dixième à la onzième, cholécyste ou vésicule biliaire, et il y a, en plus, une petite zone dou- loureuse à la pointe de la onzième côte ; de la dixième à la onzième, les reins ; de la huitième à la dixième vertèbre dorsale ou près de la deuxième lombaire à

droite, appendice ; à la troisième vertèbre lombaire, ovaires ; à la troisième et au-dessous, trompes de Fal-

Le grand sympathique

lope ; à la quatrième lombaire, utérus ; aux vertèbres sacrées, l'anus, le rectum ou la vessie.

Il est des douleurs d'origine mentale ou psychique

que peut créer une sorte de suggestion, si un sujet porte d'une façon exagérée son attention sur un point déter- miné de son organisme. Dans le calme, fixez du regard un point de votre peau, par exemple de la face dorsale d'une main, en vous imaginant qu'on y applique une pointe d'aiguille et en pensant fortement à la piqûre : il arrivera souvent que vous commencerez à sentir une légère piqûre. Un sujet qui s'imagine qu'il a mal en un point et est obsédé par cette idée arrive à percevoir une douleur en ce point, et plus il y attache d'importance plus sa douleur est vive.

Des réactions locales, comme de la rougeur, pourront même se produire dans quelques cas; chez certains sujets hypnotisés on écrit une lettre ou un mot sur le bras avec le bout du doigt ou un instrument mousse, en suggérant que ce mot apparaîtra seulement au bout d'un temps qu'on précise, trois quarts d'heure par exemple : le sujet est réveillé et ne paraît avoir aucun souvenir de la sug- gestion, et trois quarts d'heure plus tard le mot écrit apparaît en rouge : il y a là un curieux dermographisme à retardement.

Le mot douleur a pris au pluriel un sens plus exten- sif : celui qui a des rhumatismes, des névralgies, une névrite déclare qu'il a des douleurs. Chez la femme en couches le mot « douleur » remplace le mot « contrac- tion utérine » parce que chaque contraction utérine s'ac- compagne d'une douleur, quand on ne fait pas bénéficier la femme d e l'anesthésie ou mieux de mon procédé d'auto-analgésie obstétricale, sans perte de conscience (2).

Ces douleurs, progressivement croissantes, sont clas- sées sous quatre dénominations : les « mouches » au

(2) D Jules Regnault. — Maternité sans douleur. Editions Médi- cis, Paris, 1945, 291 pages.

début, les « petites douleurs » préparatoires, les « dou- leurs expultrices », enfin les « douleurs conquassantes » à la sortie.

La douleur physique assez vive provoque instantané- ment des mouvements réflexes de défense, d 'autant plus étendus que l'excitation est plus vive. Si elle est légère ce sont des mouvements pour s'en écarter ou pour en repousser la cause, ces derniers portant sur un membre du côté atteint ; si elle est plus forte, les mouvements intéressent les deux côtés du corps. Ces réactions réflexes ont été précisées par Pflüger, mais chacun les connaît bien ayant pu les observer sur des animaux aussi bien que sur des hommes.

Quand j'avais 5 ou 6 ans, j 'habitais la campagne, en Normandie, j 'aurais bravé les fantômes, les bêtes mons- trueuses créées par l'imagination de personnes bien intentionnées qui veulent écarter des puits les jeunes enfants ; un taureau ne m'occasionnait aucune frayeur, mais j'avais une peur irraisonnée des crapauds. Quand j'entendais le chant de l 'un de ces animaux je grimpais sur une chaise.

Pour combattre cette phobie, un jour, mon père m'ap- porta un jeune crapaud sur une petite planche ; je fis connaissance avec l 'animal et ne tardai pas à jouer avec lui ; il resta dans les capucines, près de la maison et j'allais l'y chercher presque tous les jours. Au bout de quelque temps, il faisait l 'admiration de la famille et des amis ; il obéissait à mes ordres, quand je lui com- mandais de lever la patte droite ou la patte gauche !

En donnant cet ordre, je lui touchais le bout du nez avec ma baguette magique, une baguette d'un bois rare, qui, je dois l'avouer, était un peu truquée : dans l'extré- mité qui touchait le nez du crapaud j'avais implanté,

loin du centre, une très fine pointe d'aiguille qui dépas- sait à peine la surface de section de la tige, et un repère sur la baguette me permettait de savoir où était cette pointe et de l 'appliquer à droite ou à gauche de la ligne médiane du nez, suivant que je voulais faire lever la patte droite ou la patte gauche.

Si j 'appuyais un peu fort, l 'animal levait les deux pattes de devant ; si j'insistais, en augmentant la pres- sion, il bondissait des quatre pattes, renonçant à notre petit jeu.

J'avais trouvé, après d'autres que j'ignorais, l'effet progressif de l'excitation réflexe: unilatéralité, symétrie, irradiation, bien connu depuis les travaux de Pflüger (3).

La douleur morale est provoquée par un désir con- trarié, qu'il s'agisse d'un amour contrarié, d'une ambi- tion non réalisée, d'un désastre financier ; elle l'est par la disparition d'un être cher ou d'un objet auquel on tient. Elle peut l'être par un regret ou un sentiment d'im- puissance, comme l'a écrit Chateaubriand : « C'est un supplice de conserver intact son être intellectuel empri- sonné dans une enveloppe matérielle usée », mais ceci se rattache au désir contrarié. Il y a enfin la douleur par sympathie, lorsqu'on est affligé par les malheurs ou les peines d'autres personnes; La Fontaine l'a magnifiée:

« Les mortels sont mortels quand ils pleurent leurs douleurs, mais quand ils pleurent les douleurs d'autrui, ce sont proprement des Dieux. »

« Il y a, par le monde, autant de douleurs morales qu'il

(3) Docteur Jules Regnault. — Les Réflexes. Rapport à l'Assemblée générale de la Société de Pathologie comparée de Paris; Les Réflexes, Société de Pathologie comparée, un volume, 1932. Les réflexes chez l'homme, La Côte d'Azur médicale, 1932, et une brochure illustrée (épuisée).

y a d'hommes », ainsi que l'a noté Tety-Courbière (4). Les douleurs morales prolongées dépriment et rongent

le sujet, dont on dit qu'il est « miné par la douleur ». En dehors d'autres réactions organiques que nous étu-

dierons plus tard, les douleurs morales vives peuvent avoir une action brusque sur le foie et les voies biliaires et provoquer la jaunisse ou ictère émotif. D'ailleurs il y a longtemps que de telles manifestations ont été no- tées : d'une personne très émotive, que les provençaux appellent « pénible », on dit couramment qu' « elle se fait de la bile ». Quelques-unes se soulagent par des plaintes perpétuelles, mais d'autres, plus discrètes, souf- frent en silence, et ces « douleurs cachées » ne sont pas les moins sévères.

Les douleurs morales violentes mènent trop souvent au suicide; on pourrait en trouver de nombreux exem- ples dans la légende, l'histoire ou la littérature. Didon, par désespoir du départ d'Enée, périt dans les flammes du bûcher qu'elle s'est fait préparer; Gérard de Nerval, dégoûté d'un monde où les appétits grossiers tiennent trop de place, se pend la nuit à un réverbère; « Werther, qui ne pouvait posséder Charlotte ni se débarrasser de son amour, se tira à la tempe un coup de pistolet ».

Il y eut un suicide plus spectaculaire au IV siècle, suicide que relate la Saga Ynglinga : Haki supplanta la race sacrée des Yngling, à laquelle appartenait l'ancienne famille royale de Suède. « Dans son dernier combat il fut gravement blessé et pensa que l'heure de sa mort était venue. Il remplit son navire de cadavres de g u e r - riers, s'étendit lui-même sur un tas de bois enduit de goudron placé au centre. La voile fut hissée et le gou-

(4) Alexandre Tety-Courbière. — Un petit Bréviaire de la Douleur, 34 pages, Eugène Figuière, Paris, sans date.

vernail posé ; il alluma le bûcher funèbre et le navire en flammes vogua vers la haute mer. »

En temps normal, le suicide semble moins souvent provoqué par la douleur physique ; cependant on a vu des malades atteints de maladies incurables très dou- loureuses en finir eux-mêmes avec la vie ; on en a vu qui n'avaient pas le courage de le faire ou qui ne pou- vaient le faire parce que immobilisés par leur maladie, demander, comme une suprême charité, à une personne dévouée de les supprimer (5).

La douleur est un siècle et la mort un moment (GRESSET).

Dans certaines conditions le suicide a été pratiqué pour échapper aux tortures ou à une exécution. Il en a été assez souvent ainsi en Extrême-Orient, où l 'art des supplices était très cultivé. Il en a été ainsi pendant la guerre 1939-44. Je connais un médecin qui, sur la fron- tière de Chine, portait toujours sur lui la dose d'aconi- tine nécessaire pour s'envoyer dans l 'autre monde, en cas de nécessité. Pour éviter que le poison soit décou- vert à la fouille, des Chinois prenaient la précaution de le dissimuler sous les ongles très longs dont s'ornaient leurs mains. Le fait a été noté dans un film, Les Mys- tères de San Francisco. Cela donne une impression de sécurité (sécurité relative) d'avoir sous la main le moyen d'échapper aux tortures. Dans la Résistance, beaucoup des agents les plus actifs étaient munis de tubes de cya- nure de potassium. C'était, selon moi, le meilleur via- tique. Un de ces agents s'est obstiné à vouloir se munir de strychnine ; il a eu malheureusement à s'en servir,

(5) D Jules Regnault. — L'Euthanasie : assassinat médical ou suprême charité ? La Revue (ancienne Revue des Revues), Paris, 15 juin 1605; Aesculape, 1913.

pour échapper aux tortures de la Gestapo et des mili- ciens; au lieu d'avoir le résultat presque instantané que lui eût donné le cyanure, il eut, paraît-il, de terribles convulsions pendant une di- zaine de minutes.

La douleur morale provo- que de la prostation et, sou- vent, endurcit le sujet vis-à- vis des douleurs des autres. Est-ce cet endurcissement qu'a fixé la légende de Niobé transformée en statue de

pierre ?... Elle représentait la plus grande douleur mater- nelle, douleur causée par la perte de ses nombreux enfants, les uns disent douze, d'autres disent vingt. Cette reine lé- gendaire de Phrygie, femme d'Amphion, avait vu tous ses enfants tués par Apollon et Artemis, qui étaient chargés de venger leur mère, Latone, à laquelle Niobé, fière de ses couches multiples, avait eu l'impudence de se déclarer supérieure, parce que cette dernière n'avait que deux enfants. La douleur mater-

nelle de Niobé a inspiré des

Æsthésiomètre

Pour mesurer la sensibilité, on appuie tantôt une seule pointe, tantôt les deux pointes sur la peau du sujet, dont les yeux sont fermés.. Jusqu'à certain écartement des peintes dont la distance se lit sur l'échelle graduée, le sujet ne perçoit qu'une pointe alors qu'il y en a deux. La distance séparant les pointes quand le sujet commence à dire : « Deux piqûres », mesure la sensibilité dans la zone explo- rée.

poètes et des tragédiens, Homère, Ovide, Eschyle, So- phocle, etc,

La sensibilité à la douleur varie d'un sujet à l 'autre ; quand il s'agit de la peau, on peut l'apprécier en utili- sant l'esthésiomètre de Weber, sorte de compas dont on applique les deux pointes en même temps sur la partie examinée, alors que le sujet a les yeux fermés: jusqu'à un certain écartement de ces pointes celui-ci ne perçoit qu'une seule sensation ; on augmente l'écartement jus- qu'à ce qu'il y ait sensation de deux piqûres, et cet écart mesure la sensibilité, qui est d 'autant plus forte que cet écart est moins grand.

Officiellement nous n'avons pas de moyen pratique de mesurer la douleur, nous n'avons pas d'algésimètre.

En utilisant les réflexes comme détecteurs d'énergie, le D Albert Abrams, de San Francisco, pense pouvoir établir un procédé pour mesurer la douleur au lieu où elle a sa cause, et non au point de la douleur réflexe. Pour cela il utilise les réflexes d'une autre personne, ceux d'un reagent, placé, debout, face à l'ouest, les pieds reposant sur des plaques d'aluminium « mises, à la terre » par des fils conducteurs les reliant au « fil à la terre » d'un téléphone ou à une canalisation d'eau, ou à une fiche métallique enfoncée en terre. A une petite électrode d'aluminium fixée sur la colonne vertébrale de

ce réagent, entre les quatrième et cinquième vertèbres cervicales, il attache un fil conducteur allant à une espèce de résonateur son réflexophone, à la suite duquel il place un rhéostat ou appareil pouvant opposer au pas- sage d'un courant électrique ou d'une autre forme d'éner- gie une résistance graduée variable à volonté. De cet appareil se détache un fil conducteur se terminant par une électrode d'aluminium circulaire large de trois ou quatre centimètres, pour exploration d'une région, ou