kadath chroniques des civilisations disparues - 017

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    Au sommaire notre dossier prsence kadath

    larchologie devant quelle imposture ?, Ivan Verheyden . . . les bricolages de gnie, Robert Dehon . . . . . . . . . . jade et immortalit dans lempire du milieu, Patrick Ferryn . . . . mgalithes oublis de core, Jacques Keyaerts . . . . . . . le forgeron venu du ciel, Eric Guerrier . . . . . . . . . . post-scriptum : noch, adam, stonehenge . . . . . . . . .

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    COMITE DE REDACTION : ivan verheyden, rdacteur en chef patrick ferryn, secrtaire de rdaction jean-claude berck, robert dehon, jacques gossart, jacques victoor AVEC LA COLLABORATION DE : jacques blanchart, jacques dieu, guy druart, jacques keyaerts, pierre mreaux-tanguy, dith pirson, albert szafarz, nicole torchet, albert van hoorenbeeck MAQUETTE DE GERARD DEUQUET

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    A la recherche

    De kadath

    Ami lecteur, en ce troisime anniversaire de KADATH, nous vous proposons un numro de transition. De grandes nigmes ont t abordes, et il en reste pas mal encore. Des domaines ont t survols, et des thories confrontes. Il semble bien, au travers des livres publis et recenss durant les dix dernires annes, que larchologie nouvelle, que nous appelons de nos vux, nen soit qu ses balbutiements. Cela ne nous a qu moiti surpris. Mais laudience de KADATH grandissant, nous avons atteint, maintenant, en maints domaines, la source mme des vnements. Cela se refltait sporadiquement dans de rcents numros, et les gens attentifs nont pas manqu de nous en flici-ter. Il semble donc que, outre notre rle de mise en ordre dans ce mli-mlo incroyable, on attende de nous autre chose. Nous y sommes prts, simplement, pareille performance ne sobtient pas en quelques mois. Nous poursuivons notre mise en ordre, bien sr, et cest le rle du comit de rdac-tion. Mais le comit dhonneur a, pour sa part, pris cur dassumer un rle plus que figuratif. Ces gens qui font lvnement en archologie nouvelle, ont relev le dfi. Dfi, car ils ne sont ni journalis-tes, ni compilateurs. Ce sont des chercheurs, et avant tout les auteurs dun ou plusieurs livres. Pour exposer dans le dtail le rsultat de leurs travaux, il faut un livre, et le rsumer en un article tient sou-vent de la gageure. Ils ont pourtant accept de jouer le jeu. Dsormais, ct des articles de synth-se, vous trouverez donc une bonne proportion danalyses, sur un sujet bien dtermin. Aprs les inscriptions runiques du Paraguay, vous trouverez bientt, par son inventeur lui-mme, une tentative de dchiffrement de lcriture maya. Et voici aussi les traditions se rapportant au cratre du lac Bosumtwi en pays dogon. Toutes choses destines clairer sous un jour nouveau, tel ou tel aspect de la recherche archologique. Nous vous proposerons par la suite une tude indite sur le mythe du dieu mexicain Quetzalcoatl, les recherches astronomiques dAlexander Thom en Bretagne mgalithi-que, la controverse dAndr Pochan et Jean-Philippe Lauer sur le sens des pyramides dEgypte, etc. Et tout cela de premire main, par les protagonistes eux-mmes. Contrairement ce quon trouve dans les revues darchologie classique, o la dcouverte ( combien estimable) dune nouvelle villa galloromaine ne fait quenfoncer des portes largement ouvertes, les tudes que nous vous proposons sont autant de coups de boutoir dans la version conformiste des choses. Pour nous, notre conviction est ferme : ce sont ces pices-l qui seront, demain, les bases de larchologie non rduite quel-ques schmas prtablis.

    KADATH

    place sur la langue du dfunt.

    Petite cigale en jade, de lpoque chinoise des Han, et destine, comme en Msoamrique, tre

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    La science, ce nest pas lexplication. Et mme, lexplication, ce peut tre lantiscience. Si vous cher-chez des explications, fuyez les savants, occups surtout poser des questions, et rejoignez les fai-seurs de systmes. L, vous trouverez toutes les explications que vous voudrez, vous aurez lesprit apais et vous crverez idiots.

    Rmy Chauvin. Ce numro est celui de notre troisime anniversaire. Au risque de dcevoir certains, nous navons pas encore trouv la solution-miracle capable de rsou-dre en une quation lensemble des nigmes aux-quelles nous nous sommes attels. Par contre, nos positions se sont prcises et nous nous dmar-quons bien plus nettement, aujourdhui, par rapport dautres tentatives, et la ntre gagne ainsi en spcifi-cit. KADATH sest acquis une image de marque, et en ces temps de confusion, cest dj un bien beau rsultat. On a pu assister rcemment deux confrontations qui font rflchir. Le 28 novembre, sous le titre Explorateurs des secrets de lunivers ou bricoleurs de limpossible , Bernard Pivot, sur Antenne 2, prsentait le livre de Jean-Pierre Adam, Larchologie devant limposture 1, et le mettait en

    prsence de ceux quil prtendait dnoncer. Jai eu loccasion depuis de rencontrer lauteur. Ensuite, le lendemain soir, nous tions confronts au Forum du Fantastique , organis par le groupement GRECE2, deux personnages bien diffrents en apparence, Louis-Claude Vincent parlant de la terre de Mu, et Guy Rachet prsent peut-tre son corps dfendant, comme un tenant de larchologie officielle. Or, dans les deux cas, nous nous sommes trouvs, avec notre revue, en porte--faux. Il nous fallait dire notre dsaccord avec les mthodes de Jean-Pierre Adam, sur lesquelles je reviens en dtail plus loin dans cet ditorial. Les schmatisations outrance de lauteur sont inacceptables, et elles nous offrent en plus une vision bien morne et triste de larchologie. Quant aux belles thories de Louis-Claude Vincent, pour prsenter une vue fantastique de larchologie, elles nen reposent pas moins sur des sables mouvants. Mais les deux avaient au moins en commun de tenter tout prix de rduire lHistoire un schma prtabli, o plus aucune place nest laisse limagination cratrice. La socit balbutiante prscientifique pour larcholo-gue classique, les deus ex machina (entendez : les gants, les habitants de Mu ou les extraterrestres), pour larchologue sauvage. Le rductionnisme en archologie. Dans les pages qui me sont offertes, je voudrais, exemples lappui, dmontrer ceci : que larcholo-gie, linstar dautres sciences humaines, est victime de manuvres rductionnistes ; que ces manu-vres sont le fait, aussi bien des tenants de la science dite officielle que de larchologie dite sauvage et que, ce niveau, lune ne vaut pas mieux que lau-tre ; que lorsque ces deux rductionnisme sont mis en prsence, lon assiste un lamentable dialogue de sourds se rsumant des joutes oratoires quand ce ne sont des changes dinsultes ; que dans cet talement de narcissisme nous navons aucune pla-ce revendiquer, persuads que nous sommes de ce quil existe une troisime voie, celle que nous prconisons ; que cette voie nous apparat comme la seule mme la fois de dsamorcer la bombe, de chercher un terrain dentente pour les bonnes volon-ts, et de redonner vie aux recherches archologi-ques vraiment passionnantes ; et jessaierai de faire ressortir cette voie (que nous appellerons provisoire-ment ractivation archologique 3), sans longs discours car notre mthode, telle que dcrite dans le deuxime numro de notre revue, na gure subi de modifications notables, et doit continuer servir de base. De plus en plus nombreuses sont les voix qui sl-vent, enfin, contre cette fcheuse tendance quont maints sociologues, historiens, psychologues, co-nomistes et autres, rduire la ralit humaine un seul de ses aspects, et confondre la partie avec le tout. Cest ainsi que le marxisme rduit lHistoire la lutte des classes, tandis que le freudisme ramne tout la libido, le plaisir. Cest ce rductionnisme que dnonait Louis Pauwels dans son livre Ce que je crois , repris dailleurs bientt, comme en cho, par Maurice Clavel dans un autre ouvrage

    LARCHEOLOGIE DEVANT QUELLE IMPOSTURE ?

    Si le titre de cet ditorial en forme de ce que je crois, paraphrase celui du livre de Jean-Pierre Adam, cest que celui-ci servit de dtona-teur. Nous ne pouvions garder le silence, ni en faire un bref compte-rendu en post-scriptum. Nos lecteurs voulaient une rponse. La voici. Ce livre est une imposture, au mme titre que larchomanie laquelle il sattaque. Les solu-tions prconises par lauteur outre quelles contiennent des erreurs flagrantes sont des vues de lesprit, au mme titre que celles faisant appel lantigravitation. Ceci est particulire-ment vrai pour le transport des grosses pier-res . Cest pourquoi, en guise de couverture, jai propos Grard Deuquet le montage que vous y voyez, sur le thme de la boutade dAr-chimde : Donnez-moi un point dappui, et je soulverai le monde . Cette illustration est, elle aussi, une vue de lesprit, mais au moins a-t-elle lavantage daller jusquau bout dans labsurde. A usage de ceux qui croient une technologie analogue la ntre dans le pass, jai repris le crawler transporter , cette plate-forme de 2 500 tonnes conue par la NASA pour amener la fuse lunaire Saturne V de son difice dassem-blage jusqu laire de lancement. Mais comme les Anciens ignoraient presque tous la roue, il fallait y atteler des esclaves : 920 partir des calculs de M. Adam. Et enfin, la solution extra-terrestre me faisant leffet dun autre deus ex machina , jai remplac la fuse par un oblis-que. Sil fallait illustrer toutes les aberrations quon peut rencontrer dans ce domaine, le des-sin de couverture aurait t surcharg. Et nous ne sommes pas une revue surraliste...

  • portant le mme titre4. Quant on sait que l intelligentsia sefforce dtiqueter lun droite et lautre gauche, on voit que le mal est profond. Mes prfrences allant au premier, je citerai un exemple extrait de son livre : Je me souviens dun article sur les lemmings, dit-il. Ces migrateurs, parfois, se suici-dent collectivement en se prcipitant dans la mer. Lnigme demeure. Lauteur tenait une explication. Les lemmings sont myopes. Il tait bien content. Il terminait en souhaitant que tous les mystres soient un jour ramens une simple question de myopie . (...) La rage dexpliquer le haut par le bas. (...) A voir lempressement avec lequel on sadresse au monde matriel pour se fournir en explications, cest croire quil existe une firme concurrente quon naime pas et quon veut couler . Tournez-vous vers larchologie : la firme concurrente, chez lun, se nomme science officielle , chez lautre les extra-terrestres . Les griefs sont rels : chacun des prota-gonistes tente de rduire lHistoire un de ces deux schmas. Je dis que cest du rductionnisme. Et je dis aussi que les mthodes utilises sont superposa-bles. La grave accusation du Dr Morlet contre lEcole Bayle (celle qui dmontra que trois tablettes de Glozel taient fausses) mrite une large application dans les milieux rductionnistes, la voici : La m-thode consiste exposer longuement des thories scientifiques admises par tous... puis vouloir les appliquer par un vritable tour de passe-passe, ltude dobjets auxquels elles ne sappliquent nulle-ment . Les titres, le jargon scientifique, les anath-mes : tout cela est trs efficace et se montre payant. Nous rencontrons le procd quotidiennement en archologie sauvage, mais comme ce nest gure intressant, je ninsisterai pas. (Jai dj eu locca-sion de prsenter au lecteur le Tartempion du genre, Herr Von Dniken.) Mais il ne faut pas croire que les milieux dits officiels en soient dpourvus. Dans son livre, Jean-Pierre Adam, pour rfuter les mgalithes, Baalbeck et lle de Pques, montre de quoi taient capables les Grecs et les Romains. Il dmontre que les pierres dIca sont fausses, parce que ce qui est grav dessus est impossible ! Je me demande si tout le malentendu actuel ne pro-vient pas dune erreur daiguillage ds le dpart. Le Matin des Magiciens avait parmi dautres effets pratiqu la premire ractivation archologique dans la littrature de langue franaise. Aucune des ques-tions souleves na encore reu, ce jour, de rpon-se dfinitive. Mais aucune des nigmes releves ntait mal pose, non plus : il faut avoir le courage de le reconnatre. Et le tort de Louis Pauwels et Jac-ques Bergier a t, je crois, alors quils disposaient dun instrument prcieux qui sappelait Plante, de laisser le terrain archologique dautres. Cest Nietzsche qui disait : Je dois mettre une barrire autour de ma doctrine pour empcher les cochons dy entrer . Cest ce qui sest pass, peine trois ans aprs leur livre-essai. Pour Robert Charroux, ractivation archologique signifiait simplement : remuer dans la vase et ressusciter les anciennes chimres. Il fut mme surpris, dans sa candeur, de ne trouver aucun cho sous la plume de ceux quil avait si lamentablement plagis, et la rancur, de-puis, ne sest jamais tarie. Aujourdhui, pratiquement tout est refaire : rparer le gchis, dnoncer les conclusions htives, rectifier les affirmations gratui-tes, que sais-je encore ! Laffaire de Glozel en est un

    exemple : si Charroux en reparla en 1963, ce nest pas quun lment neuf le justifiait, ctait simple-ment pour dnigrer la science dite officielle. Bien sr, on comprend quEmile Fradin ait t ravi, lui qui avait subi les pires injustices. Mais ce nest quen 1973 quil tait lgitime de relancer laffaire, une nouvelle technique archologique ayant enfin ! dmon-tr lauthenticit du site. Et quon ne vienne pas dire que les livres successifs de Robert Charroux y sont pour quelque chose, ce serait du plus haut comique ! Toujours est-il que, au cours de la dcennie, lar-chologie sauvage a pu faire ses preuves, et rvler ses constantes, parmi lesquelles je citerai : les atta-ques systmatiques contre la science officielle et le refus de tenir compte de ses acquis, le manque din-formation, lincomptence et les raccourcis dans le raisonnement, lutilisation darguments ne relevant pas de larchologie mais de loccultisme ou de l-sotrisme, le rapprochement enfin de choses qui nont aucun rapport entre elles. Il ne faut pas stonner, ds lors, que larchologie sauvage des Charroux, Kolosimo et autres Von D-niken jette le discrdit sur toute recherche srieuse, que nous qualifions volontiers de parallle. Et on comprend aisment que, obnubil par cette archo-logie sauvage quil voue aux gmonies, Jean-Pierre Adam mait demand quoi servait, tout compte fait, notre revue : il se demandait, en substance, pour-quoi nous jugions utile de faire le point sur des nig-mes qui (selon lui) nen sont pas, si ce nest pour prconiser de lirrationnel comme le fait Charroux. Il a donc fallu que je lui explique quil existe une autre archologie, que je qualifie provisoirement de paral-lle, et quelle ne fait pas appel lirrationnel, quand bien mme elle ne prtend pas avoir dj trouv une solution aux nigmes quelle pose. (Disons tout de suite, qu chacun des exemples que je lui donnais, il fallait que jajoute un mot dexplication, notre chas-seur de sorcires paraissant chaque fois revenir de Pontoise.) Jnumrerai donc ici quelques exemples de cette archologie en marge qui nous passionne, en mexcusant davance pour les innombrables lacu-nes : la mise en cause de la chronologie gyptienne par Andr Pochan, les contacts transocaniens avant Colomb mis en vidence par Heine-Geldern, Jacques de Mahieu, Cyrus Gordon et dautres, les connaissances astronomiques lpoque des mga-lithes releves par Gerald Hawkins et Alexander Thom, les civilisations princaques scrutes par Simone Waisbard, les traces dune civilisation inter-glaciaire analyses par Charles Hapgood partir de cartes marines. Et coetera, et coetera. Et je suis sr den avoir oublis autant. La moiti de ces ouvrages ne sont mme pas rdigs en franais, et ils atten-dent toujours un traducteur et un diteur. Archologie officielle , archologie parallle . Lnumration de ces recherches appelle deux r-flexions. Dabord, pareils livres nexistaient pratique-ment pas avant les annes 60 : la ractivation ar-chologique dont nous parlions plus haut tait donc bien indispensable pour attirer lattention sur ces travaux. Ensuite, aucun na ralli lunanimit autour de son nom, cest dire quils sont loin de rsoudre dfinitivement une nigme irritante, et il est donc dutilit publique que les recherches se poursuivent. Mais une chose est certaine : ils ne sexcluent pas entre eux, ce qui est plutt bon signe. Et ces archo-logues en marge ne se privent pas de recherches

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  • persvrantes. Lorsque, voici trois ans, je vous par-lais de lhorloge dAnticythre, je navais pratique-ment ma disposition quune seule publication scientifique datant de juin 1959. Aujourdhui, quinze ans aprs (eh oui !), lauteur de la dcouverte, le Dr de Solla Price consacre un livre entier cette mca-nique ! Il faudrait un livre sur chaque horloge dAnti-cythre du monde, et sur chacune de ces pices conviction qui dorment dans les muses, et sur les innombrables autres nigmes archologiques. Et il faut une revue comme la ntre pour suivre cela de prs, et avec un respect du lecteur qui passe par le respect de la vrit dans linformation. La tche est mme urgente, lorsquon voit se profiler, derrire Jean-Pierre Adam, toute une famille desprit dont le seul souci est de minimiser limportance de ce genre de dcouvertes, et par voie de consquence, de les ignorer voire de les touffer. Et notre rle nest pas de parler de choses quon ignore, mais bien de dire ce quon sait sur les choses que les archologues prtendent ignorer. Nuance !... On veut nous faire croire que, devant une nouvelle dcouverte, le premier soin de tous les archolo-gues, en dignes scientifiques avides de connaissan-ces, est dy attacher toute limportance quelle mri-te. Ceci est malheureusement faux. Tout le drame de Glozel vient de ce que les tablettes furent dcou-vertes quelques mois peine aprs que Ren Dus-saud avait dmontr lantriorit de lcriture phni-cienne. Bien sr, sil fut un temps o il tait ncessai-re dpingler les cas exemplaires de Galile, Schlie-mann ou Boucher de Perthes, je reconnais volontiers quils sont devenus trop souvent, depuis, des alibis servant justifier nimporte quoi. Mais, il y a bel et bien un aspect excrable de larchologie classique, et qui mrite amplement le qualificatif d officiel larchologie (tout comme lhistoire) nest pas la m-me partout ! Le chauvinisme des archologues pru-viens est bien connu, accordant la prsance leurs sites par rapport dautres pays amrindiens. Et pendant ce temps-l, dans dautres universits, on nhsite pas envisager une origine cosmique aux civilisations du plateau bolivien. En Egypte, lEcole du Caire ne voit pas la chronologie des pyramides sous le mme angle que nous. En Inde, des univer-sits tudient les textes sanscrits dans une optique bien diffrente de la ntre, laquelle est la digne hri-tire des explorateurs-esthtes du temps de Marco-Polo. Larchologie a ce mme dfaut ou cette mme ncessit que lhistoire : enseigne dans les coles, dans les livres et les muses, elle doit entretenir le nationalisme, justifier pourquoi on fait partie dune communaut et pourquoi celle-ci est meilleure que les autres. Pour ne parler que de notre socit galloromaine, nous sommes hritiers des splendeurs de la Rome antique (lenseignement du latin), et il faut que les Gaulois vaincus ne soient que de pauvres hres. LEurope a colonis lAmrique et lui a apport ses lumires : il faut tout prix quaucu-ne socit prcolombienne ne soit antrieure notre culture. Et ne parlons pas du racisme qui grve toute recherche srieuse sur lexistence dune quelconque civilisation autochtone dAfrique noire. Ce nest pas pour rien que, dans nos recherches, les plus grands obstacles franchir sont les muses. Ce nest pas pour rien non plus que nous trouvons un cho parti-culirement favorable, chez certains instituteurs en rupture dorthodoxie. Cela aussi, il fallait le dire. Larchologie parallle nexclut pas larchologie

    classique, bien au contraire. Il nous faut galement, nous, des fouilles aussi approfondies que possible, avec des donnes stratigraphiques, chronologiques et autres. Tant il est vrai quil ny a quune science. Simplement, elle offre des lacunes normes, il man-que des lments que nous croyons essentiels, et qui expliqueraient lHistoire mieux que les pnibles amalgames anthropologico-prhistoriques quon nous chafaude. Je crois avoir dmontr suffisan-ce que KADATH ne relve pas de larchologie sau-vage ni de larchomanie. Mais nous ne relevons pas plus de larchologie officielle, quon le veuille ou non. Jen veux pour preuve lcho que nous rserva aprs trois ans de silence, le chroniqueur archologi-que dun quotidien du soir5. Pourquoi ce long mutis-me ? Parce quil nous estimait trop loigns de lar-chologie telle quil la concevait. Et ds lors, sil nous cita, ce fut uniquement cause des deux articles dnonant larchologie-fiction, et plus particulire-ment Bayan-Khara Uula. Nous avions trouv ces mises au point importantes mais, et le lecteur en conviendra, lessentiel de ce numro tait ailleurs : la rvision du calendrier maya, les inscriptions runiques du Paraguay, les chevaux blancs du monde celtique. De ceci, pas un mot, peine une allusion M. Volle-maere. Quest-ce dire ? Que ces sujets ne relvent pas de larchologie telle que M. Burnet la conoit ? Mais pourquoi ? Lorsque les Chinois prsentrent la presse leurs dernires dcouvertes archologi-ques, le mme Albert Burnet leur fit un large cho, en se fiant tout compte fait trs peu de chose : un communiqu, de mauvaises photos, quelques cita-tions du prsident Mao. Cest tout. Mme cautionn par lAcadmie des Sciences de Pkin, pareille rvlation devait tre manie avec des pincettes. Alors, pourquoi les momies chinoises et pas les py-ramides ? Pourquoi les statues questres et pas les disques p ? Il y a l un apriorisme flagrant. A moins que ce dont nous parlons ne relve pas de la mme archologie... Larchologie que nous avons jusqu prsent quali-fie de parallle, est en fait une archologie en mar-ge, pour ne pas dire marginale. Il faut se reprsenter larchologie comme un faisceau de flches, toutes parallles et orientes dans le mme sens. Selon quelles sont admises par un nombre plus ou moins lev de chercheurs, les lignes de recherche seront situes plus ou moins prs du centre de ce faisceau. Si ces lignes de recherche sentendent entre elles, elles seront contigus, de faon ne former, au cen-tre, quun bloc homogne, la science dite officielle. Plus on sloigne de ce centre, plus on trouve des flches spares, distinctes. Vues ainsi, elles sont les lments dune science dite parallle. Les paral-lles ne se rejoignent jamais, mais la longue elles vont faire corps avec le courant central. Peut-tre mme que, de par leur poids dun ct ou de lautre du bloc monolithique central, elles finiront par infl-chir sa course gnrale. Cest lespoir de ces ar-chologues en marge. Cest de la science aussi bien que larchologie officielle. Simplement, de par leur loignement du centre, il leur faudra un temps plus considrable pour se faire entendre. Cest tout. Les archologues sauvages, eux, constituent des flches parasites, qui tirent hue et dia, sans espoir de faire dvier la science (et cest tant mieux), mais en courant simplement le risque de se perdre dans le nant (et de gagner beaucoup dargent). Aux yeux de larchologie classique, ces recherches margina-les pchent par un double dfaut : ou bien elles ne

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  • cadrent pas avec les thories en vogue, et on les condamne sur base du fameux principe de lcono-mie des hypothses ; ou bien elles soccupent de sujets o les vestiges sont rares et souvent dclars inutilisables par une science qui a dclar forfait. Je pense des sites comme lle de Pques, Stonehen-ge ou Tiahuanaco. Constatant que larsenal des mthodes de recherche applicables ces sites est trop restreint, ces chercheurs proposent une ouver-ture, une nouvelle approche de la question. L o le bt blesse, cest quand ils prconisent de faire appel dautres disciplines : lastronomie, la gologie, ltude des traditions, lanalyse de textes ngligs, etc. On naccepte une approche pluridisciplinaire de larchologie que dans une optique rductionniste : le carbone-14 ou lanalyse pollinique, condition quelles viennent confirmer les recoupements histori-co-archologiques. Et ce sujet, je voudrais attirer lattention sur une dcouverte rcente, dont les impli-cations mont beaucoup inquit. La dendrochronologie a t maintenant suffisam-ment vrifie, et des tableaux de correction pour les dates au carbone-14 commencent tre publis partout. On sait que la comparaison de radioactivit dans les anneaux de croissance darbres millnaires comme le squoia a oblig les savants corriger leurs dates, parfois de plusieurs sicles. Cest ainsi que la dendrochronologie a donn le coup de grce la thorie combien adule du diffusionnisme dest en ouest, le fameux mirage de lOrient. Dorna-vant, au lieu de lui tre postrieur, Stonehenge et les mgalithes par exemple sont bien antrieurs Myc-nes. (Nous nous en doutions depuis longtemps, mais ceci est une autre histoire.) Seulement, cette thorie ntait pas base uniquement sur le C-14, loin sen faut. On date avant tout les pices par comparaison avec dautres cultures, par analogie avec des sites voisins, par ltude de lvolution des arts et des techniques, etc. Or ! ! ! Toutes ces mthodes historiques taient en accord avec la datation au C-14, affirmant que la vieille Europe tait lhritire de lOrient. Si, maintenant, la datation scientifique doit tre corrige, que faut-il penser de toutes ces autres mthodes qui taient arrives au mme rsul-tat ? Je suis trs inquiet, car il faudrait penser quon a donn l-bas pas mal de coups de pouce dans tous les sens, pour arriver cette fameuse corrla-tion historico-scientifique chre aux archologues. Pauvre squoia ! Oserait-il mettre en doute la bonne foi de tant de gnrations dhonntes chercheurs ? Architecture en chambre. En ce qui concerne le transport des grosses pier-res de lAntiquit, mgalithes et monolithes (1), on connat la rponse rductionniste : des esclaves la pelle. Dans le cas des pyramides, et en attendant mieux, on pourrait, pourquoi pas, se contenter de cette solution. Je ferai simplement remarquer que dans les ouvrages dgyptologie on trouve autant de techniques de transport quil y a dauteurs, ce qui

    prouve que les vestiges partir desquels on extrapo-le ne sont pas aussi dmonstratifs quon veut bien nous le faire croire. Cela tant, lorsquon constate que des blocs gigantesques, souvent dj achevs, furent ajusts avec une prcision extraordinaire et sans subir la moindre raflure, on est en droit de se poser des questions. Devant la rsurgence priodi-que de celles-ci, et obligs de prononcer le mot technique , les archologues sortent une nouvelle arme, lingniosit ou plus simplement, le systme-D . Premire remarque : lhonntet lmentaire obligerait reconnatre et explicitement que la solution propose nest rien de plus quun scnario, autrement dit une invention pure et simple, partir dexemples contemporains. Car on na jusqu pr-sent jamais retrouv de plan de travail, ni de rsidus suffisamment probants pour recueillir la conviction unanime (cest dailleurs de l que vient tout le pro-blme). Mais ces messieurs se parent alors volon-tiers de leurs titres pour que, noblesse oblige, le lecteur soit subjugu. Non ! Qualitativement, pareille procdure ne vaut gure mieux que celle utilise par lautre bord, et qui consiste se dire grand initi et faire appel des aides occultes quelconques. Sil fal lait un portrait-robot de ce genre d arrangements , je vous propose le livre de Jean-Pierre Adam : tout Baalbeck y est rsolu partir dune technique du XVIIIe sicle, le transport des statues de lle de Pques partir... de lauteur, et celui des blocs des pyramides partir dune fres-que figurant une statue du Moyen Empire. Il faut que je my attarde pour dmonter devant vous le mca-nisme. Je commencerai par le dernier exemple cit. Sur deux pages entires, lauteur a redessin une fresque de la XIIe, dynastie (Moyen Empire), trouve dans le tombeau du pharaon Djhoutihotep. Nous en reproduisons tire de Jean-Philippe Lauer6, une rplique exacte, cest--dire o on na pas complt ce qui manque, mais dote par contre des hirogly-phes qui lentourent (ignors par J.-P. Adam). Et voici que commencent les entourloupes (voir le des-sin ci-contre). 1. La hauteur du colosse, il la dduit de la hauteur

    des personnages, car, dit-il les artistes gyp-tiens respectaient gnralement les chelles sur ce type de reprsentation . Affirmation gratuite, mais qui sert. De toute faon, ignare en gyptolo-gie, il ne pouvait pas savoir que la hauteur est tout simplement inscrite dans les hiroglyphes (voir J.-Ph. Lauer, page 271).

    2. Ignorant aussi bien quel tait le matriau utilis, il fait une estimation allant de 54 80 tonnes, se-lon quil sagit de pierre tendre ou dure. Sil avait lu ne ft-ce que le livre de Lauer, il saurait que le colosse est en albtre. Qu cela ne tienne, il choisit un poids moyen de 72 tonnes (?).

    3. Par un calcul rudimentaire, le voil qui conclut quil fallait 1950 hommes pour le traner. Ayant remarqu sur la fresque quun des personnages rend le sol glissant en y dversant un liquide, il en dduit que leffort fournir tombe au sixime de la charge, soit 480 hommes... Et voici le tour de passe-passe : sur le dessin ne sont figurs que 172 ouvriers ! Donc, seuls le manque de surface et la simplification de son travail lont amen (lartiste) rduire de deux fois et demie la quantit normalement requise ! Ran pata-plan ! fermez le ban !, selon une expression ch-re lauteur.

    Voil comment ces gens font de larchologie ! Non

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    (1) Jean-Pierre Adam appelle mgalithe tout ce qui est grosses pierres . Sil se veut archolo-gue, il devrait savoir que le terme de mgali-thes est rserv aux pierres non tailles ou mal dgrossies, du genre dolmens et menhirs, tandis que les colosses taills et/ou sculpts sont les monolithes.

  • prvenu, on ny verrait que du feu. Et pourtant lar-rangement est l, irrfutable : pour calculer la hau-teur du colosse, on se base sur la fidlit du dessin, mais ds que les calculs ne vous conviennent plus, hop, vous arguez dune schmatisation de la part du mme dessinateur, et le tour est jou. Quon ne me fasse maintenant pas dire ce que je nai pas dit. Jadmets volontiers que cette statue et dautres aient t dplaces de la faon indique sur la fresque. Le contraire serait tonnant quand on voit tous les tem-ples gyptiens encore debouts. Tout comme on se-rait surpris dapprendre que les anciens Egyptiens nauraient jamais tran le moindre bloc. Mais quon ne prsente pas ce genre de calcul comme la pana-ce. Et surtout, qu partir de ce modeste exemple datant du Moyen Empire, on ne vienne pas dire (p. 155) que la mthode utilise ici pour le dplace-ment peut tre tendue la majeure partie des m-galithes mis en uvre, tant dans la valle du Nil que dans dautres contres . Lextrapolation de Jean-Pierre Adam la construction des pyramides contient dailleurs sa propre rfutation. Partant dune mthode invente de toutes pices, il doit reconna-tre, au fur et mesure, que tel ou tel ustensile tait inconnu lpoque, que ce nest pas dapplication pour tout, bref que la solution nest pas l. Mais en attendant, et laide de pleines pages de dessins parfois trs sophistiqus, on a donn au lecteur lim-pression que le mystre est depuis longtemps rsolu et que, de toute faon, vu le contexte du livre, toute autre explication serait de limposture. Mais o est limposture ? Croit-on que jexagre ? Il y a mieux. A lle de P-ques. Le livre aura au moins eu lavantage de nous rappeler quon attend de nous un expos honnte et complet dnigmes comme celles-l. Nous prparons un dossier ce sujet, et je ne mattarderai donc pas trop. Disons simplement que la technique prconise par notre architecte en chambre (il reconnat navoir jamais mis les pieds ni Nazca, ni Stonehenge, ni lle de Pques, ni probablement ailleurs), cette technique est invente de toutes pices, et, quoique plausible comme toutes les prcdentes, ne dispose

    pas du moindre dbut de preuve. Ignorant dlibr-ment que des dizaines de statues sont encore creu-ses dans le flanc dun volcan presque pic, et que dautres ont t descendues en passant par-dessus celles-ci, J.-P. Adam dcouvre malgr tout le colosse inachev, long de 20 mtres, qui rduit sa thorie nant. Qu cela ne tienne, il sort de son chapeau le bon vieux clich de tout archologue rductionniste qui se respecte : comme Baalbeck, une fois la pierre pratiquement taille, ses constructeurs se sont rendus compte avec effarement quils ne pourraient la dplacer ! Car il faut savoir que ces gens taient btes au-del de toute imagination ! Pas si btes pourtant que pour laisser traces de leurs gigantes-ques rampes de terre : pour lune des plus grandes statues, lauteur a imagin une rampe de 4 500 m3, ni plus ni moins, et encore bien incline 20%. Ima-ginez le spectacle. Mais ici aussi, ignorant les pre-miers mots de larchologie pascuane, on ne lui avait jamais dit que, pour raliser pareille rampe, avec le sol volcanique de lle, il et fallu en amasser prati-quement toute la terre. Layant appris de Francis Mazire lors de leur confrontation sur Antenne 2, il ne faudra Jean-Pierre Adam quun mois pour ima-giner une nouvelle entourloupe. Figurez-vous que si lle de Pques est devenue la terre dsole quon connat, cest tout simplement par la faute des Pas-cuans eux-mmes : Ils ont dbois compltement lle, ma-t-il dit, et, au dboisement a succd une rosion olienne formidable, qui a retir la couche de cendres volcaniques qui se trouvait en surface. On est donc oblig de raisonner en partant de parallles avec le mgalithisme europen notamment, o lon trouve du bois et de la terre pour faire des rampes . Ran pataplan ! fermez le ban encore une fois ! Et si les Pascuans ont dbois, cest sans doute pour traner leurs statues ? Et les rampes taient faites en cendres volcaniques ? Vous voyez, on tourne en rond. Mais comme on na jamais trouv le moindre indice de pareil phnomne lle de Pques, il est loisible dinventer nimporte quoi, personne ne vous dmentira. Cest bien ce que je disais : les archo-manes procdent ainsi, mais apparemment aussi ceux qui se veulent archologues. Pareille procdure

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    reprsente que 172.

    Le transport de la statue du pharaon Djhoutihotep (daprs Jean-Philippe Lauer). Selon Jean-Pierre Adam, architecte, tout en respectant les proportions pour la taille des personnages, le dessinateur en a dlibrment rduit le nombre. En effet, les calculs de J.-P. Adam montrent quil et fallu 480 hommes, or la fresque nen

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    est, ni plus ni moins, de larchologie-fiction ! Puisquon nous renvoie au mgalithisme europen, jy suis all voir de plus prs. On sait que les pr-historiens se sont mis daccord pour clamer qui veut lentendre, que les dolmens sont des tombeaux. Cest pourquoi, vritables empcheurs de tourner en rond, nous nous faisons un plaisir de vous parler, dans ce numro, des mgalithes corens, o les squelettes sont extrmement rares, et probablement rcents, dus ce que Henri de Saint-Blanquat (sans partager nos vues) appelle les attards du mgali-thisme 7. Cest finalement chez Fernand Niel, dans son livre sur Stonehenge, que jai trouv les plus beaux exemples de ces syllogismes qui tournent en rond, et dont on sait quils sont trs en usage aussi chez les archomanes8. Jugez-en plutt, cest crit page 117 : Les pierres de Stonehenge peuvent avoir t dresses sous limpulsion de lidal reli-gieux. Dailleurs (cest moi qui souligne), lrection des monuments montre que les hommes de ces poques avaient lhabitude des grands travaux . Si vous pouvez me dire comment lun dcoule de lau-tre, crivez-moi. Jai trouv une perle semblable Avebury, non loin de Stonehenge, o se dresse une double enceinte de pierres leves pesant jusque 40 tonnes. On y lit sur une plaquette rdige lusage des touristes par larchologue attitr du site, le Pro-fesseur R.J.C. Atkinson, que ce cromlech de 650 menhirs a t difi for unknown religious purpo-se , pour des raisons religieuses inconnues. En littrature, on pourrait admirer la figure de style, mais cest parat-il, de science quil sagit ici. Alors, si les raisons sont inconnues, comment sait-on quelles sont religieuses ? L encore, si vous savez, crivez-moi. Mais la perle la plus prcieuse, celle quon vou-drait enchsser, concerne la construction des dol-mens. Elle est aussi de Fernand Niel, page 239 : Il (le systme du remblai) fut sans doute adopt pour la pose des tables des dolmens (...). On a object quaucune trace ne restait de tels travaux, mais pourquoi en resterait-il ? Il ne sen trouve pas non plus autour de la plupart des dolmens . CQFD, lecteur ne doutez plus, la foi vous sauvera ! Comment arranger les chiffres. Baalbeck, enfin ! L, cest du Cecil B. De Mille, le sens de lhumour en moins. Si ce dernier utilisait, pour ses reconstitutions, des blocs en carton-pte, Jean-Pierre Adam, de son propre aveu, ne tient nul-lement compte, dans son scnario, de la rsistance des matriaux, ce qui rsout dj pas mal de cho-ses. Un kilo de plumes pse autant quun kilo de plomb, tout le monde sait a. Second problme quon escamote : le fait que les blocs du trilithe aient t soulevs une hauteur de sept mtres. Vous imaginez alors, de la carrire jusquau temple, une chausse longue dun kilomtre, et vous la rehaus-sez jusquau niveau de lassise correspondante ; comme le temple est en contre-bas de la carrire, on reste rveur devant la quantit de terre remue ; que cela ne laissa aucune trace, bien sr, vous ne vous en proccupez gure. Et enfin, comme je lai dit plus haut, le bloc encore dans la carrire, vous le laissez o il est (bien sr), en laissant entendre que sil ne fut jamais transport, cest parce quil tait intrans-portable, et que les tailleurs de pierre taient trop demeurs que pour sen rendre compte temps. Si je vous rponds quil leur aurait suffi den scier un morceau jusqu le rendre transportable, vous me rtorquez, candidement (page 139) que pour obte-

    nir un mtre cube de pierre de construction, il tait plus facile de le raliser en un seul morceau que de le fractionner en un grand nombre de moellons dont la confection aurait multipli considrablement les surfaces tailler . On navait jamais song cela si les hommes se sont, une certaine poque, mis tailler et traner des blocs gigantesques, cest par-ce quils taient paresseux ! Dernier conseil : au passage, vous ne donnez ce bloc dans la carrire que 4 m 30 de large, pour 4 m 80 dans la ralit, ce qui rduit son volume de 45 m3, et son poids de 160 tonnes : cest toujours a de pris. Et vous voil pied duvre. Ceux que cela intresse, je les ren-voie au livre en question, tout y est rsolu en une page. Nous reproduisons ici simplement le schma de Jean-Pierre Adam, destin illustrer tout cela, et qui en dit long sur les dons dillusionniste de lauteur. Remarquez simplement trois choses (2) : 1. Des cabestans comme vous en voyez, il est cen-

    s y en avoir 16, disposs symtriquement. Quil faut de la place pour agencer tout cela na appa-remment aucune importance. Qui plus est, la puissance produite par chaque machine est cal-cule une fois pour toutes, et rien nentamera loptimisme de lauteur. Aucune traction ne sef-fectue droit vers lavant mais bien plus ou moins en ventail : par consquent, la rsultante sera dans chaque cas infrieure aux calculs. Cest de la mcanique lmentaire qui ne gne nullement M. Adam.

    2. Trente-deux hommes sesquintent sur chacun des cabestans. Daprs ses calculs, chaque ma-chine dveloppe ainsi une force de 35 tonnes. Trente-cinq tonnes par cabestan Et cette puis-sance vient sappliquer sur un tambour central en cdre du Liban de 20 centimtres de diamtre ! Demandez lavis dun ingnieur : cest en acier massif que devrait tre le tambour pour rsister. Qui plus est, dans ce tambour sont plantes huit barres, galement en cdre, sur lesquelles vien-nent sappuyer les hommes. L aussi, le bois devrait au moins tre cercl dacier.

    3. Contrairement ce quon pourrait croire en voyant le dessin, cest chaque cabestan qui doit tre ancr dans le sol par une herse. Si on veut une traction autant que possible vers lavant, cela pose un nouveau problme, que lauteur ne soulve bien sr pas. Mais en outre, voyez la lgende, cest dans du remblai quelles se fixent et toutes lavant. Ce remblai, cest du sol meu-ble, quon y ajoute autant de pierraille quon veut. Encore une fois, cest en ralit du bton arm quil faudrait.

    Enfin, je ne puis mempcher de sourire en consta-tant que, aprs avoir rfut le transport par 800 bufs, comme tant trop encombrant, lauteur trou-ve par contre que 512 hommes, maniant 16 cabes-tans arrims par autant de herses, cest beaucoup plus plausible et, je suppose, pas encombrant du tout. Aux innocents les mains pleines... Dsol, mais ceci nest pas de larchitecture, mais du travail de potache. Imaginez le sort quon rserverait un ly-cen, remettant une copie o il laisse entendre que le dplacement provoqu par une force est toujours identique, que celle-ci soit applique perpendiculai-rement la masse, ou obliquement. Cest pourtant bien ce qui est dit : 16 cabestans, donc 16 fois la puissance dun cabestan... (3). A lappui de son systme-D, Jean-Pierre Adam men-

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    (2) Non content de me remmorer quelques notions lmentaires de mcanique physique, jai aussi recueilli lavis des ingnieurs, en loccurrence Pier-re Mreaux-Tanguy et Alex Pirson, qui mont aid souligner quelques-unes des approximations dont je parle.

    (3) A partir de l, on peut aller trs loin. Je soumets ce petit jeu aux ingnieurs, afin de vrifier, par compa-raison, quelles aberrations on aboutit. On a dit que le programme Apollo vers la Lune tait la pyramide du XXe sicle . La fuse Saturn V pse, avec son carburant, 2700 tonnes, mais 170 seule-ment vide. Pour lamener jusqu laire de lance-ment, cinq kilomtres de ldifice dassemblage, la NASA avait prvu un crawler transporter ,

    plate-forme de 40 x 35 mtres et pesant 2500 ton-nes. Avec la fuse et sa tour, cela donne approxi-mativement, trois blocs de Baalbeck. Ceux-ci, Jean-Pierre Adam les met sur des rondins, et les voil qui ne font plus que 1l12e du poids initial. Jai estim que, sur roues, cela devait faire 1l20e. Tou-jours partir de ces calculs, il suffirait pour le trans-port, denviron 920 hommes maniant 30 cabestans. Dommage que la NASA nait pas retenu cette solu-tion, elle aurait fait une conomie de plusieurs mil-lions de dollars. A titre de comparaison, sachez que le crawler transporter avance sur quatre paires de chenilles, chacune tant mue par huit moteurs lectriques aliments par deux gnrateurs Diesel de 2800 chevaux chacun...

    duvre darchologie-fiction officielle.

    Le transport dun monolithe de Baalbeck, daprs J.-P. Adam. Sans entrer dans les dtails, nous avons reconstitu les bras de forces en prsence. Des calculs de lauteur, on peut dduire que la puissance rsultante applique en A par exemple (nous navons pas calcul le centre de gravit) sera identique, que cette force soit presque parallle comme en B (pour le premier cabestan), ou presque perpendiculaire comme en C (pour le dernier). En effet, le dplacement obtenu par lensemble est, selon J.-P. Adam, architecte, de 16 fois celui cr par nimporte lequel des 16 cabestans. En mdaillon, lauteur de ce chef-

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    tionne le transport en 1928 du monolithe de Mussoli-ni (560 tonnes) et celui, vers 1780, du bloc de Saint-Ptersbourg (1250 tonnes). Le premier fut descendu de sa plate-forme dextraction par un systme funi-culaire de cbles dacier... probablement le mme que celui en usage lle de Pques ! Il fut tran ensuite par soixante bufs, tout au long dune dcli-vit permanente. Lauteur nous dit que la traction sexerait sur trois cbles, mais il prend bien soin de ne pas nous dire en quoi taient faits ces cbles, Mme avec laide de rondins, cest une masse de 190 tonnes qui exerce sa traction sur chacun des cbles : gageons quils ntaient srement pas en chanvre... Quant au bloc de Saint-Ptersbourg, tra-n par 64 hommes, chacun des cbles passait par deux palans et trois poulies, procds compltement inconnus lpoque mgalithique. Qui plus est, le monolithe, peine dgrossi, roulait littralement sur 32 billes dans des rails en bois, lesquels taient ren-forcs par un alliage identique celui des billes. Nous avons retrouv la source de ces renseigne-ments9 de mme que lerreur retranscrite par notre architecte : il y est bien dit que lalliage tait fait de cuivre, dtain et de calamine. Or, le nom de calami-ne est donn, soit une couche doxydes de fer quon fait adhrer de lacier lamin chaud par exemple, mais ntant pas un mtal, lalliage cuivre-tain-calamine nexiste pas : cest aussi absurde que de prtendre faire des pommes-mousseline avec des pommes de terre enrobes dans leur gangue de terre ; ou bien la calamine peut tre un minerai de zinc, et lauteur songeait-il laddition de zinc du bronze : mais cette fois, pareil alliage diminue la rsistance et la duret... alors que J.-P. Adam affir-me exactement le contraire. Donc, de toute faon, cest une erreur, et M. Adam nest pas ingnieur, me direz-vous. Mais ce moment, par respect du lec-teur, il ferait bien de ne pas colporter les erreurs, de ne pas en rajouter, enfin et surtout, de fournir tous les renseignements car dans la rfrence cite, jai relev un autre dtail soigneusement escamot par le mme : chaque fois quon tait dans limpossibi-lit de poursuivre en ligne droite, on transfrait le bloc sur un chssis coulisses circulaires, et pour ce faire, on dut avoir recours 12 vrins en acier avec vis et chapeau en cuivre. Autant dire que les cons-tructeurs de Baalbeck navaient jamais entendu le premier mot de toutes ces techniques industrielles. En comparant des choses sans rapport entre elles, on arrive bien sr dmontrer nimporte quoi. Pour tre plus honnte, il et fallu remonter un exemple se rapprochant plus des moyens de lpoque. Cest ainsi que pour dresser place Saint-Pierre loblisque de 510 tonnes amen Rome par Caligula, il fallut, en 1585, outre les 40 treuils, 75 chevaux et pas moins de 907 hommes ! Et lpoque gyptienne (et dautres), pareille performance tait quotidienne Les calculs de Jean-Pierre Adam sont tous des ex-prapolations partir des expriences dun thoricien en architecture de lpoque napolonienne, M. Ron-delet, que lui-mme aurait renouveles sur un chan-tier en Turquie (4). On voit dans son ouvrage plu-sieurs photos montrant des ouvriers arc-bouts un traneau sur lequel repose un bloc dapparemment quelques tonnes. Cinq tonnes, ma-t-il confirm. Il est une constatation de tous les jours, qui mavait frapp lorsque je lai tudie dans je ne sais plus quel cours de physiologie. Si vous soulevez cinq kilos aisment, et quon y ajoute 100 grammes, vous ne remarquerez pratiquement rien ; prenez un poids

    de vingt kilos, ce sera plus pnible, et il se peut m-me que, avec 100 grammes de plus, vous narriviez plus le soulever. Pourtant, dans les deux cas, la diffrence nest que de 100 grammes : il existe donc une limite partir de laquelle leffort dployer com-mence suivre une progression non plus arithmti-que, mais bien gomtrique. Il ne suffit donc pas de dplacer cinq tonnes, puis de multiplier par 10, 50 ou 100 en disant que cest la mme chose : on oublie des tas de facteurs, dont les plus importants sont la rsistance des matriaux, celle des hommes, len-combrement, lintendance et jen passe. Or, ce genre de calcul est frquent. Un cas flagrant est la recons-titution, par la BBC, du transport fluvial de pierres bleues destines Stonehenge. Ces pierres fai-saient cinq tonnes, et, pour la reconstitution, on sest content de blocs de 1500 kilos. Pourquoi ne pas y mettre le gros paquet, tant quon y tait ? Je dis que cest parce que les archologues savaient quils se heurteraient des difficults quon pouvait escamo-ter de la sorte. Ils nont pas manqu pourtant de calculer partir de l comment il et fallu dplacer les blocs de 50.000 kilos. Or, les cas connus de cer-tains transports exceptionnels, utilisant les mmes techniques mais effectus sur le terrain et non par calcul sur le papier dmontrent prcisment que ce genre dextrapolation relve de la plus haute fan-taisie. Si je reprends lexprience de la BBC, je peux calculer, selon M. Adam et consorts, que sil fallut 12 hommes pour 1500 kilos, il en faudrait 88 pour un bloc de 11 tonnes. Cest la masse de la dalle de couverture dune tombe quon a vu dplacer rcem-ment, aux dires de Henri de Saint-Banquat, quelque part en Asie du Sud-Est10. Eh bien, lexprience a montr que ce nest pas 88 hommes quil fallait, mais bien 550 ! il y a l un coefficient que nos architectes en chambre feraient bien de rechercher. Ractivation archologique. Quoi quil en soit, je doute que tout ceci soit de natu-re branler la conviction de gens comme M. Adam. De la conversation que jai eue avec lui, il ressort clairement que nous nenvisageons pas les choses sous le mme angle. Pour lui, ce genre de probl-mes se rsume ceci : on a russi trouver une explication plausible pour un cas dtermin, on peut donc lextrapoler tous les cas analogues, et il de-vient mme inutile dencore chercher plus loin. Et de

    (4) Il semble dailleurs que ce soit la seule (re)-dcouverte archologique quait jamais faite J.-P. Adam. Il faut dire quil na que 38 ans. Cest en vain quon chercherait dans sa biographie une quelconque rfrence strictement archolo-gique. On dit bien quil a suivi des cours darchi-tecture et quil donne cours darchitecture gallo-romaine. A part , il a suivi des chantiers de fouilles, essentiellement en Turquie, en Afrique du Nord, en Grce et en Italie. De son propre aveu, il na vu ni Stonehenge, ni Nazca, ni Glo-zel, ni lle de Pques, dont il parle si bien. Cela tant, on sait aussi de lui quil est le neveu du ministre franais des Finances (ce qui pourrait expliquer son accs facile aux mass media), et enfin, que pour lancer son livre comme on lance des savonnettes, il nhsite pas accompagner un reporter de RTL dans les rues, demandant partout aux gens sils connaissent son nom, et sils ont lu son livre !

  • plus, en ce qui le concerne, toute autre explication ne pourrait relever que de lirrationnel, ce qui nest pas du tout notre avis. Larchologie nest pas une science finie , acheve, et les quelques hypoth-ses avances ne sont pas, jespre, le dernier mot de lintelligence humaine. Celles quon veut nous imposer, sous couvert de rationalisme, ne nous sem-blent gure plus convaincantes que celles quon camoufle sous le label dinitiation ou dimagination. Et prcisment, en disant cela, je me heurte un des principes sacro-saints du cartsianisme, savoir l conomie des hypothses . Lorsquil est confront des lments inexpliqus, le premier objectif de lhomme de science doit tre de ramener chacun de ces lments dans le cadre dune thorie existante. En gnral, il atteint son but, mais il res-tent souvent deux ou trois pices en lair , pour lesquelles il y a toujours moyen de trouver une expli-cation tout crin. Or, cette pice conviction est peut-tre le grain de sable, prcisment. Et si celui-ci ne sexplique que par une hypothse nouvelle, abso-lument fantastique pour lpoque, il peut arriver, comble dironie, quil sagit de la pice matresse dune tout autre conception. Voire que, la lueur de cette pice conviction, il faille revoir toutes les au-tres, toutes celles qu grand peine on avait rame-nes des thories prexistantes. Cest ainsi que la gravitation de Newton est devenue un cas particulier de la thorie plus gnrale de la relativit dEinstein. Si celui-ci avait suivi la mthode cartsienne dco-nomie des hypothses, dans le cadre de la thorie existante (celle de Newton), jamais il naurait dcou-vert la relativit. Je ne crois pas que lHistoire entire soit rviser, mais bien que certaines incidences sont compltement tordues, suite aux innombrables coups de pouce quelle a subis au cours du temps. Sen tenir des lois, cest ncessaire, mais il ne faut pas que cela empche limagination dencore fonc-tionner. Lorsquon voit M. Adam prsenter le trans-port de tous les mgalithes et tous les monolithes du monde comme rsolus, il faut dire bien haut que tel nest pas le cas, et quil le sait trs bien. Sil veut ainsi couper les ailes aux archomanes, cest son affaire. Mais lire et prendre pour argent comptant ce quil dit, ce serait manquer dautant desprit critique que de lire et prendre pour argent comptant ce que dit Charroux. Tout reste faire, et il faut tre exigeant tant pour les rponses existantes que pour les nouvelles. La rac-

    tivation archologique est ce prix. Cette attitude faite de patientes recherches et de prudence, il sa-vre en fin de compte quelle est une de nos caract-ristiques. Elle nest en tout cas ni celle de M. Adam ni celle de M. Charroux. Ni de beaucoup dautres. Tous ces rductionnistes ont des points communs, et je vous en soumets quelques-uns. Vrifiez au hasard de vos lectures archologiques, vous dbus-querez facilement, je crois, les rductionnistes, en recherchant les caractristiques suivantes : ils ignorent dlibrment certains dtails et

    schmatisent outrance ; ils considrent leurs thories comme dfinitives ; face aux leurs, on trouve autant de thories quil

    y a de rductionnistes ; ils ne sont comptents quen un domaine res-

    treint, puis extrapolent ; ils refusent tout dialogue. Et jen reviens aux confrontations dont je parlais en dbut darticle. Elle mont rappel un passage dAbraham Merritt, cet auteur dheroic fantasy, qui tait aussi archologue amateur, ce qui lavait ame-n jeter un regard assez pertinent sur certains milieux scientifiques que nous ctoyons aussi. Et je me dis, alors, que la science et la religion sont vraiment proches parentes, ce qui explique en gran-de partie pourquoi elles se hassent si fort, que les hommes de science et les hommes de religion sont parfaitement semblables dans leur dogmatisme, leur intolrance, et que chaque pre bataille religieuse sur telle ou telle interprtation de foi ou de culte a son quivalence dans les batailles scientifiques sur un os ou sur un rocher 11.

    IVAN VERHEYDEN

    Jean-Pierre Adam : Larchologie devant lim-posture , Robert Laffont d. 1975. Voir en post-scriptum galement. Groupement de recherche et dtudes pour la civilisation europenne ; sadresser Christian Durante, 130, rue de la Pompe, 75116 Paris. La notion de ractivation archologique , nous lempruntons Bernard Lefvre, qui nous avait prsents en ces termes aux lecteurs de lhebdo-madaire Pourquoi Pas , le 13 septembre 1973, sous le titre Faut-il brler les livres darcholo-gie ? . Louis Pauwels : Ce que je crois , Bernard Grasset d. 1974. Maurice Clavel, idem 1975. Lire aussi ce sujet Face au nant , essais dAr-thur Koestler (Calmann-Lvy, 1975). Albert Burnet : Science, apriorisme et fiction , dans Le Soir du 6 dcembre 1975. Jean-Philippe Lauer : Le mystre des pyrami-des , Presses de la Cit 1974. Henri de Saint-Blanquat : Le mgalithe aux 300 morts , Sciences et Avenir. N 346 de dcembre 1975. Fernand Niel : Stonehenge, temple mystrieux de la prhistoire , Robert Laffont d. 1974. Stanislas Lami : Dictionnaire des sculpteurs de lpoque franaise au XVIIIe sicle , Honor Champion d. 1910. Compuls par Christiane Piens. Henri de Saint-Blanquat : Dossier : les mgali-thes , Sciences et Avenir, n 342 daot 1975. Il ne prcise pas de quel pays il sagit. Abraham Merritt : Les habitants du mirage , Collection Jai Lu, n 557, p. 292.

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    11 (extraits dune tentative de dialogue voue lchec).

    JEAN-PIERRE ADAM : ... Il a fallu attendre que les Phniciens essaiment dans toute la Mditerrane pour apporter lcriture. KADATH : Et un moyen de transmission crite

    Sur quel support ? Franois Bordes, vous connaissez ?... Pas du tout ! ... il envisage lusage de peaux... Ils auraient spontanment imagin dcrire sur une peau, sans sexercer dabord sur un os, ou sur une pierre ? Il y a les travaux de Marshack sur les os. Vous avez lu ? Pas du tout ! Si vous nenvisagez pas lhypothse, vous nallez pas chercher aprs, non plus ! On na pas le droit de lenvisager lorsquon a une responsabilit scientifique...

    A. K. A. K. A. K. A. K. A.

    Rfrences.

  • Ladjectif facile ne saccorde pas vraiment la dcouverte de tout objet du culte enfoui sous les vitrines des muses, jen prendrai pour seul exemple le cas des piles de Bagdad que nous vous contions dans KADATH n 10. Difficile est rserv aux pices de collection prive, que les sectes pseudo-initiatiques se gardent le plaisir de contempler sinon dadorer. Partiellement impossi-ble, qualifie mieux les pices inestimables prot-ges par les parois anti-atomiques du Vatican : malgr tout, les trsors les plus prcieux sont toujours disponibles aux audacieux. Me laissant guider par le flair de laudacieux, jai dcouvert un livre digne dintrt, Londres, et de ce fait en langue anglaise, intitul : The An-cient Engineers de Lyon Sprague de Camp, publi en poche par Ballantine (Rf. 23783). Nous survolerons ainsi quelques dcouvertes recenses par de Camp et son pouse, transitant allgrement de lantiquit au nolithique pour terminer le voyage dans le temps en Grce. La dmarche que jentreprends au travers de cet article est de convaincre le lecteur, sil ne lest dj, que les Anciens bnficiaient dune science thorique quils mirent en pratique. Je nai pas encore trouv la rtisseuse ultrasonique du noli-thique, encore faudrait-il savoir si ces mmes Anciens ne lavaient pas bannie sous la pression de lAMDCPH, ou si vous prfrez lAssociation Mondiale de la Dfense du Consommateur de la Proto-Histoire. Marcus Vitruvius. Architecte romain, probablement ingnieur militai-re sous Csar et Auguste, trait De Architectu-ra , sans doute un abrg des uvres des cri-

    vains grecs, principales ditions : celles de Veni-se (1497) et de Lyon (1552). Tacite dcrivait ain-si, dans ses Annales le jeune Vitruve : ... Vitruve voyait son idal darchitecte comme un homme de lettres, un dessinateur de talent, un mathmaticien, un familier des tudes histori-ques, un tudiant assidu des philosophes, connaissant la musique, nignorant pas la physi-que, rudit dans les lois, familier avec lastrono-mie et les calculs astronomiques . On sait peu de choses au sujet de Vitruve, hor-mis quil travailla pour larme romaine il mit au point divers progrs techniques pour les cata-pultes , quil construisit une basilique Fanum et quil se dcrivait, avec un certain humour, com-me un petit homme affreux. Vitruve semble donc tre un crivain spcialis en architecture romai-ne. Il emprunta la plus grande partie historique de son trait ses prdcesseurs grecs, et dis-cuta les mthodes architecturales des Hellnes et des Rpublicains romains de son temps : le Colise et le Mur dHadrien ntaient pas encore rigs. Son trait est, encore actuellement, une des meilleures sources dinformation sur lart, larchi-tecture et les techniques de lpoque. Et bien que Vitruve ne se borna pas au seul trait De Archi-tectura , les autres ont malheureusement dispa-ru. Malgr tout, par divers recoupements, on sait prsent quels thmes ils comportaient : le pre-mier trait nonait les qualifications dun archi-tecte, parlait darchitecture en gnral et de la planification des villes. Le deuxime tudiait les matriaux de construction, leur historique depuis les temps les plus reculs et les diverses mtho-

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    PIECEs A CONVICTIONS

    LES BRICOLAGES DE GENIE

    Lors dun passage la tlvision, il y a de cela plusieurs mois, Jacques Bergier exigeait quon le mette en prsence dune machine laver nolithique. Chose peu simple quand on est pris au dpourvu, mme pour Robert Charroux. Pourtant, dautres mcaniques trangement compliques au point de vue scien-tifique se remarquent de par le monde. Des assemblages de rouages, pr-transistoriens, peuvent tre aisment saisis, si toutefois le mot est bien choisi : le computer dAnticythre ne rvla ses derniers secrets que tout dernirement, mme si nous en parlions dj en mars 1973.

  • des dutilisation de la maonnerie, des briques et des ciments. Le troisime dcrivait les temples, les proportions de ces derniers drivant des pro-portions du corps humain. Le quatrime trait sattachait aux trois ordres : dorique, ionique et corinthien. Le cinquime dcrivait les btiments publics tels basiliques, thtres, bains, etc., dis-cutant galement de lacoustique et de la thorie de la propagation des sons. Le sixime trait portait sur les habitations particulires tandis que le suivant sintressait la dcoration. Le huiti-me ouvrage concernait lalimentation en eau : aqueducs, citernes, fosss etc. Le neuvime trait parlait de gomtrie, dastronomie, de me-sure et dtudes dhorloges eau, nous verrons par la suite ce dont il sagit. Le dixime et dernier trait stendait sur la mcanique : pompes, roues eau, systme de levage, orgues eau, une espce de taximtre pour mesurer la distan-ce parcourue etc. Plusieurs chapitres taient d-dis aux catapultes, tortues-boucliers anctres de nos chars dassaut, beffrois et autres pices essentiellement militaires. Les travaux de Vitruve disparurent au Moyen Age pour rapparatre peu aprs, au XVe sicle, et furent alors pris par les rudits comme une infail-lible source de la plus belle autorit. Vitruve vcut aux environs de 25 avant Jsus-Christ, il avait, linstar de Pythagore, puis dans les connaissan-ces plus anciennes. Comme le fait remarquer de Camp, Vitruve tait nimb dune culture univer-selle difficilement accessible en une vie humaine. Il avait tout bonnement rsum et mis profit un back-ground disponible lpoque, ce qui nous permet davoir une petite ide de ltat de la tech-nologie des derniers sicles avant notre re. Quelques exemples succincts permettront au lecteur de se faire galement une ide prcise de cet tat technologique ; on peut parfois stonner des connaissances acquises il y a deux mille ans : celles-ci ne sont pourtant pas mensonge, cest la Renaissance qui saccaparera la renom-me de la dcouverte. Cest dailleurs lesprit de la Renaissance qui manipule encore toujours nos ractions vis--vis de lHistoire. Lorgue de Hron. Ktesibios vcut de 285 247 avant J.-C., sous le rgne de Ptolome II Philadelphe, et tait fils dun barbier particulirement dou en musique et mcanique. Cet orgue est le rsultat dune exp-rience personnelle de Ktesibios et fait appel lhydropneumatique (eau et gaz) et, nous rappor-te Vitruve, consistait en plusieurs parties telles : une pompe air de deux cylindres ; un vase dexpansion dans lequel lair tait admis sous pression ainsi que de leau, servant de rgulateur de sortie dair tel un vase dit de Mariotte : une srie de tubes communiquant aux pipes de lor-gue ; les pipes proprement dites avec leurs val-ves dadmission dair et, finalement, un clavier

    commandant ladmission de lair sous pression. Cette invention nincluait pas seulement lide de base de lorgue, mais aussi les moyens pneuma-tiques et hydrauliques permettant une pression constante et un clavier slectionnant les pipes. De plus, et cest un brevet, Ktesibios inventait des valves maintenues en place par les premiers ressorts mtalliques de lHistoire. Comment ces ressorts de fer furent-ils manufacturs est un autre brevet sans doute. Lhorloge parastatique de Ktesibios.

    Les moyens de mesure du temps il y a deux mille ans taient, selon les critres officiels, relative-ment pauvres, les cadrans solaires et autres clepsydres ne prsentaient que peu de dtails dans le fractionnement du temps. Ktesibios fut, encore une fois, linventeur dun appareil de loin plus compliqu, tant du ct mcanique que de sa partie fluidique. Cet objet fut-il rellement utile dans le calcul du temps ou reprsentait-il un gad-get, est une autre question lourde de retombes. Le vase de la clepsydre laissait schapper leau par un orifice, plus ou moins rapidement selon son diamtre, qui dterminait ainsi un temps x quand le rcipient tait vide. Mais bien des problmes se posaient quant la prcision de lengin : lcoulement du liquide ntait jamais gal, lobstruction du trou par lequel leau s-chappe empchait toute rgulation, le volume et la pression faussaient la vitesse du dbit. Ktesi-bios changea le vase unique de la clepsydre en un systme de trois vases qui formaient llment

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    de rgulation, ces trois pices tant imbriques ingnieusement. Dans le dernier rcipient, le plus important au point de vue contenance, flottait une pice de lige qui slevait en mme temps que le niveau de leau. Une figurine, pose sur le socle de lige, pointait les heures de la journe sur une grille approprie. Du temps de Ktesibios, le jour tait divis en douze parties depuis le lever jusquau coucher du soleil ; bien entendu, le jour ntant pas dune dure constante suivant le cycle des saisons, il eut lide de rgler le dbit de leau par une valve ajustable par rapport lpoque considre. Lhorloge anaphorique. Toujours la recherche dune plus grande exacti-tude dans le calcul du temps, Vitruve rapporte linvention dune autre horloge eau dont le m-canisme prsentait un disque de bronze sur le-quel tait grave une carte des cieux. Lcliptique cheminement apparent du soleil parmi les toiles tait dessine par un cercle dcentr du disque et dans lequel il y avait 365 petits orifi-ces ; chaque jour, on dplaait un petit soleil miniaturis dune position afin de corriger lheu-re : cest de la mme manire que Stonehenge tait rgl . Les heures taient, elles, repr-sentes par une grille de fils de bronze monte face au disque ; on situait lheure en reprant la position du mini-soleil par rapport la grille. Au XIXe sicle, un fragment dune telle horloge fut trouv en France et un autre exemplaire prs de Salzbourg. Le moulin eau. Le moulin eau qui broye le bl, par exemple, a subi de nombreuses modifications travers les ges. Nous en connaissons tous limage et lap-plication ; Vitruve, toujours lui, nous dcrit une telle ralisation qui na, en rien, rougir des mou-lins modernes. La grande difficult de la mcani-que du moulin rside dans la transmission de lnergie dveloppe par la roue aubes la meule, situe, par la force des choses, un autre endroit. Les moulins les plus simples taient du type transmission directe, grce un arbre de transmission solidaire la meule. La force de leau devait alors tre trs grande comme celle dune chute deau. Vitruve, quant lui, dcrivit un systme de transmission faisant appel des tam-bours dents, permettant de transmettre la rota-tion de larbre horizontal de la roue aubes un autre arbre vertical, celui de la meule. Il semble-rait mme quun jeu de rouages fut tudi la manire dun mouvement diffrentiel nous verrons plus loin un autre exemple afin de ralentir la rotation de la meule. On peut facile-ment concevoir la complexit mcanique de len-semble, desprit rigoureusement moderne, qui fait appel des matriaux lourds, des engrenages prcis et solides et une laboration de type industriel.

    Le premier automaton. Au premier sicle de notre re, survint un autre gnie, Hron dAlexandrie. La bibliothque du mme lieu lui fournit-elle de nombreuses ides, on peut franchement se le figurer. Inventeur pro-lixe, nous lui devons galement plusieurs ouvra-ges. Connu en son temps sous le nom de Hron Ktesibios, soit Hron fils de Ktesibios, son patro-nyme pose dj une nigme : en effet, Ktesibios vcut au troisime sicle avant J.-C. et Hron sans doute aux environs de 60 de notre re, ce qui fut dmontr, de Camp le rappelle, par une description dclipse de la lune qui concorde par-faitement avec lpoque. Peut-tre quil ny a l quune vague parent ou une filiation desprit. Il nempche que Hron sattacha des travaux dingnieur comprenant Mcaniques , Pneumatique , Art de Sige , LAutomatique , un livre de gomtrie sintitu-lant Mesures et doptique portant le titre de Miroirs . Les transcriptions dorigine disparu-rent pour ne subsister quen copies latines ou arabes. Si Hron, de son propre aveu, ninventa pas les procds quil dcrit, il ne put sempcher de retranscrire danciennes dcouvertes arranges sa manire. Hron tait donc le premier Japonais de lAntiquit. Sans vouloir me concentrer sur des appareils techniques, je souhaite plutt vous fournir quelques renseigne-ments concernant une machine sous, lappa-rence moins srieuse bien quextrmement mali-cieuse. Il sagissait dun distributeur deau sacre, auto-matique puisquil suffisait dy introduire une pi-cette pour recevoir en change une certaine quantit deau dment sacralise : rien na chan-g en ce bas monde ! Hron utilisa plein ses connaissances des combinaisons de vases dex-pansion et siphons pour faire jouer les pressions et ractions, le rsultat, titre gracieux, tant la revalorisation des prtres grecs aux yeux du peu-ple. Sprague de Camp remarque, ce sujet, les similitudes mcaniques utilises par Hron et la lgende du vin chang en eau des Noces de Cana. De mme, la description de pompes incendie de Hron : il semble exact que Licinius Crassus, au premier sicle avant J.-C., possda une brigade anti-feu, disposant dun appareil deux cylindres, dont une partie tait submerge par le liquide, et qui expulsait leau par une lance orientable. Autant de retombes technologiques qui sentremlrent, prouvant bien une recherche active ou un hritage scientifique de la part de certains rudits. Les ingnieurs du pass se bornrent-ils inven-ter ou monter de toutes pices des machines dont lemploi ntait pas de la plus grande utilit, ou faut-il suggrer que ces orgues hydrauliques et autres fontaines automatiques ntaient plus que des jeux habiles certes , ou des bribes

  • dun savoir-faire de loin plus enlev mais, hlas, dramatiquement perdu ? Les Vitruve et autres Hron ne possdaient-ils que les dbris pars de connaissances en physique ou en dautres scien-ces appliques ; les quelques engrenages ou leurs descriptions qui nous restent pour fonder des recherches archologiques, taient-ils fabri-qus uniquement pour sacqurir la faveur des puissants de lpoque ? On peut se risquer en mettre lhypothse. Toujours est-il que peu dob-jets ou de travaux sont le fait dtudes pousses et celles-ci prennent du temps sinon de la patien-ce, jen prendrai pour exemple laffaire de la m-canique dAnticythre dont nous vous avons en-tretenu dans le premier numro de KADATH. Retour Anticythre. Le Professeur Derek de Solla Price stait int-ress cette mcanique ds 1951. Nous rappe-lons que lobjet avait t trouv par hasard en 1900 bord dune pave antique coule au large de lle dAndikythera (orthographe officielle au-jourdhui), au sud du Ploponnse. En 1971, le Professeur de Solla Price prconisait la radiogra-phie du systme dengrenages et aprs reconsti-tution partielle, il nhsita pas baptiser le mca-nisme du vocable de computer : ctait un ensemble mtallique capable de renseigner son utilisateur sur les mouvements combins du soleil

    et de la lune. Un livre retraant les recherches et ses rebondissements vient de paratre en an-glais, serait-ce la langue vhiculaire en archolo-gie ? portant le titre : Gears From The Greeks : The Antikythera Mecanism, A Calendar Computer From Circa 80 BC . Les tudes et les radiographies des quatre fragments de base dont traitait larticle de KADATH, furent renforces par le hasard, encore une fois, de la redcouverte dune partie supplmentaire, trouve dans les rserves du Muse National dAthnes (! !). Le Professeur Ch. Karakolos se chargea de le radio-graphier galement : ainsi fut rvl le rouage D , pice circulaire dente quasiment intacte, qui permit une identification plus fine du nombre de dents 64 et, par voie de consquence, le dchiffrage du nombre de dents des autres roua-ges en fut dautant plus accessible. Le dernier fragment tait donc le chanon manquant qui donna le coup de pouce ncessaire de Solla Price et dont voici les conclusions dfinitives. Les rouages de la mcanique, ds identification des composantes, travaillaient sous forme de trains de rouages autorisant la marche avant et arrire, ou si vous prfrez, laddition et la soustraction de donnes programmables. Au point de vue purement mcanique, les diverses manuvres taient optimises par un vritable

    15 Agencement des quatre fragments principaux (et 19 fragment D) de la mcanique dAnticythre.

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    diffrentiel qui na rien envier ceux quon trou-ve actuellement dans les ponts arrires de nos voitures. Cest aussi l que de Solla Price put constater le rel savoir des constructeurs du cal-culateur : Le diffrentiel est certainement la particularit mcanique la plus spectaculaire de lappareil dAnticythre, cause de sa sophistica-tion extrme et labsence de tout prcdent histo-rique . En effet, ce mouvement diffrentiel dont rsulte la combinaison de deux mouvements produits par une mme force ces deux mouve-ments tant la somme et la diffrence est de loin plus volu que celui que nous avons appro-ch avec Vitruve. Cela dit et grce aux trains dengrenages et au diffrentiel, il savre que le calculateur offre deux raisons ou proportions, lune annuelle et lautre approximativement men-suelle.

    De Solla Price ajoute : Les deux choix astrono-miques vidents et auxquels on ne peut se dro-ber, seraient associs avec le fait que le mouve-ment synodique de la lune le cycle des phases de la nouvelle lune la pleine lune est la diff-rence entre les mouvements apparents du soleil et de la lune sur larrire-plan des toiles fixes. Le soleil semble tourner travers les toiles du zodiaque en environ 365 jours tandis que la lune

    change de place en une priode denviron 27 1l3 jours et change de phases durant son cycle en environ 29 1l2 jours . Il est, par ailleurs, confir-m que les divers rouages introduisent des nom-bres compatibles avec le calendrier grec du cycle de Mton dans lequel 19 annes solaires corres-pondent exactement 235 lunaisons ou encore 254 (235 + 19) rvolutions sidrales de la lune ; cest le mme cycle dit de Mton qui est utilis Stonehenge ! De Sella Price dit encore : Lappareil contient des rouages qui correspondent trs bien avec les nombres premiers de 19 et 127 qui sont utiliss dans le cycle mtonique . Ce qui se vrifie par :

    do le diffrentiel est nourri par 254 rvolutions dun rouage et 19 rvolutions inverses dun autre rouage, cela ds que lon tourne la roue principa-le de 19 tours, ce qui donne pour rsultat 235 demi-rvolutions pour le diffrentiel complet et tous les rouages y attenant. Les nombres repris ci-dessus saccordent aux dents des rouages. Dautres implications du diffrentiel sont offertes aux lecteurs du livre de de Solla Price. Ce dernier sattarde aussi aux considrations touchant lin-venteur dune telle mcanique, nous nen retire-rons quune seule ligne : Pour Anticythre, je pense quil est ncessaire dvoquer lexistence dun gnie . Ainsi, les Anciens nous proposent encore main-tes surprises surprises car, aprs tout, nous ne possdons encore que trs peu de donnes concernant leur savoir. Dieu seul sait ce qui dort dans les muses du monde sinon au fond de leau, aussi seule linformation la plus largement rpandue, peut faire prendre conscience aux chercheurs patents que les plus belles dcou-vertes restent tre menes bien, ceci titre dmulation. Je crois, quant moi, que les tra-ductions franaises de livres tels ceux de Spra-gue de Camp et de de Sella Price contribueront efficacement divulguer les nigmes archologi-ques. Quen pensent Messieurs les diteurs et autres directeurs de collections ?

    ROBERT DEHON Sources Derek de Solla Price : Gears From The

    Greeks . Science History Publications, 156 Fifth Av., New York, NY 10010.

    Voir galement : La Mcanique dAnticyth-re in KADATH n 1, et concernant le cycle mtonique LAffaire de Stonehenge in KADATH n 4.

    Lyon Sprague de Camp : The ancient engi-neers . Ballantine books n 23783, New York 1974.

    Radiographie du fragment D, et le principe du diffrentiel.

    64

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  • Parmi les dcouvertes archologiques faites dans le monde entier, celles en provenance de la Rpu-blique Populaire de Chine depuis ces vingt derni-res annes, sont certainement les plus importan-tes, tant par leur qualit que leur quantit. Elles clairent dun jour nouveau lhistoire ancienne de cette grande culture chinoise et tmoignent dun raffinement extrme, dun art somptueux et nous enrichissent des connaissances scientifiques des hommes de ces poques trs recules et principa-lement sous la toute puissante dynastie des Han (voir chronologie de la Chine dans KADATH n 2). Pour la plus grande joie des amoureux de lhistoire de lEmpire du Milieu, deux grandes expositions de ces trsors furent dlgues aux quatre coins du monde. Lune sarrta Paris en 1973, puis sen alla pour Londres, Vienne, Stockholm, Toron-to et Washington. Lautre sen fut Tokyo, Buca-rest, Belgrade, Mexico, Amsterdam et enfin, Bruxelles o nous pmes la voir de la mi-fvrier au dbut davril 1975. Vous tes impardonnable si vous lavez rate... Chacune de ces deux exposi-tions comportait une pice matresse spectaculai-re, qui ne manqua pas dmerveiller et dintriguer la fois les visiteurs : le linceul de jade de la Prin-cesse Teou Wan (au Petit Palais, Paris) et celui dun haut dignitaire galement de la dynastie des Han (au Palais des Beaux-Arts, Bruxelles). Ce curieux linceul pouse parfaitement la forme du corps, lhabillant ainsi compltement de milliers de petites plaquettes de jade biseautes, assembles par des fils prcieux. On lui donne galement le nom de bote, cotte ou robe de jade. Cest en juillet et en aot 1968 queurent lieu les fouilles qui conduisirent la dcouverte de deux tombes des Han de louest, dans des grottes am-nages des monts Lingchan, Mantcheng, dans la province du Hopei. Les deux tombeaux sont forms dune salle principale, de deux salles auxi-liaires situes au nord et au sud, et dune salle postrieure. Elles sont runies entre elles par des

    couloirs qui donnent chacune des tombes la forme gnrale dune sorte de croix. La premire appartient Lieou Cheng, frre an de lEmpe-reur Wou, prince Tsing de Tchongchan, qui mou-rut en 113 avant J.-C. La seconde est le spulcre de sa femme Teou Wan. Leur volume est consid-rable : respectivement 2700 et 3000 mtres cubes. Elles ont livr plus de 2800 objets funrai-res parmi lesquels des chars, une douzaine de chevaux, des bronzes, des objets en or, en argent, en jade, en verre, des poteries, des laques et des soieries. Et bien entendu les linceuls de jade. Ceux-ci taient rservs aux empereurs des Han et aux nobles de trs haut rang. Le linceul de Lieou Cheng comporte 2690 plaquettes de jade, pour la plupart rectangulaires, dune paisseur moyenne de trois millimtres, perces chacune de quatre petits trous et assembles par 1110 gram-mes de fils dor de grande qualit, qui pour cer-tains comportent douze brins dor trs fins, sou-ples et solides. Celui de Teou Wan possde une sorte de gilet form de plaques rectangulaires plus grandes, maintenues par des fils de soie, mais les autres parties du linceul sont presque identiques au premier. Au total, 2156 plaquettes et 703 gram-mes de fils dor. Les dfunts tenaient dans les mains un croissant de jade, et leur tte reposait sur un oreiller de bronze et de jade orn de part et dautre dune tte de dragon en or. Autour des corps taient disposs des objets rituels, dont les disques p en jade (voir le rle de ceux-ci dans KADATH n 13). Le linceul de Lieou Cheng resta pour sa part Pkin. Celui que nous vmes Bruxelles fut exhum plus tard, en 1970, dun tom-beau proche de la ville de Siutcheou (ou Hs-chou) dans la province du Kiang-sou. Le dfunt nest pas encore identifi ; on sait seulement quil sagit dun haut personnage (le linceul le prouve), peut-tre un des descendants de lEmpereur Ming-ti, et que le tombeau date de Lieou-kong, roi de Peng-tcheng sous les Han de lest. Le rang du

    ARCHEOLOGIE PARALLELE

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    JADE ET IMMORTALITE DANS LEMPIRE DU MILIEU

  • dignitaire devrait tre en principe moins lev que celui des deux prcdents, car les 2600 et quel-ques plaquettes de jade sont assembles, non plus avec du fil dor, mais avec 800 grammes de fils dargent. Un texte ancien, le Heou Hanchou, rgit la sorte de fil quil fallait employer et qui diff-rait dans la hirarchie selon le degr de noblesse. En fait, lor ntait rserv qu lempereur ; Lieou-Cheng et Teou Wan furent donc privilgis et il fut certainement tenu compte de leur troite parent avec lEmpereur Wou. LHomme de jade de la tombe de Siu-tcheou devrait tre un roi. Des anna-les disent galement que des fils de cuivre taient utiliss pour des nobles et des hauts fonctionnai-res. Les archologues connaissaient donc ces linceuls par des documents (Thao Hung-Ching en parlait dj au cinquime sicle de notre re) mais avant 1968, personne ne les avait jamais vus. Il y a beaucoup de chances pour quon en retrouve dautres, si ce nest dj fait. Les linceuls tmoignent dune grande habilet artisanale et dune technicit leve : en effet, les plaquettes de jade ont t dcoupes laide du-ne scie extrmement fine, comme le prouve linter-valle entre les traits de loutil, qui nexcde pas 0,3 millimtre. Certains des petits trous situs aux extrmits des plaquettes ont peine un millim-tre de diamtre et ont t percs laide dun foret tubulaire au sable. Ceci laisse songeur quant au temps quil a fallu pour confectionner un tel vte-ment. On estime quun artisan expriment aurait mis dix annes... Les trois linceuls se dcompo-sent en une douzaine dlments qui furent ensui-te assembls autour de la dpouille : le crne, un masque, des manches, des gants, le buste, les jambes, les souliers etc... Au sommet du crne, les plaquettes aboutissent un petit disque perc

    qui nest certainement pas l par hasard car cest un parfait petit disque p de quelques centimtres de diamtre. La couleur nous fait hlas cruelle-ment dfaut pour vous faire apprcier la grande beaut et la majest de ces pices resplendissant des teintes fascinantes du prcieux minerai. Les Voies de lImmortalit. Si tant de richesses furent utilises pour les si nobles dfunts, la raison nest pas seulement le got du faste, mais un souci, combien plus im-portant, qui semble avoir t une grande proccu-pation sous les Han : la recherche de limmortali-t ; et dans ce vaniteux dfi, le rle du jade est primordial. Bien avant les Han dj, sous les Chang, le jade remplit une importante fonction. Il faut avant tout se souvenir alors quen Occident le mobilier funraire voque un sentiment de pro-fonde tristesse que la mort napparat pas de la mme manire chez les Chinois. Bien sr, ils pleu-raient la perte de ltre cher, mais son me sen irait dans lau-del condition que fussent obser-vs des prparatifs funraires prcis. Il y avait donc une foi en la rsurrection, extension de la vie aprs la mort, et le fervent espoir que celui ou celle qui sen allait pourrait ngocier avec les dieux, en faveur de ceux qui demeuraient encore sur terre. Un minutieux et complexe rituel se dve-loppa donc dans le respect du culte des anctres afin quils puissent intervenir de la manire souhai-te. La tombe tait ds lors abondamment remplie de nourriture, de vin, dobjets prcieux, tous les biens que le disparu aurait apprcis de son vi-vant. Le jade tait en Chine, dans les temps noli-thiques (avant environ 1700) la pierre la plus dure ; sans doute tait-ce cette particularit, conju-gue avec la raret et les fascinantes colorations

    Le linceul de Teou Wan Paris. Notez le gilet form de plaques de jades beaucoup plus grandes, et

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    runies par des fils de soie.

  • glauques, qui en firent une matire prcieuse. Sous les Chang, elle tait utilise pour les disques p (les plus anciens datent de cette priode) : un matriau noble pour un objet sacr dont le symbo-lisme deviendra de plus en plus important au fur et mesure que son rle primordial se perdra. Selon larchologue Chng T-kun, cest aux environs de cet ge quapparat pour la premire fois lutili-sation funraire des jades : de petites amulettes sont cousues sur les vtements des dfunts et dautres sont places dans les orifices naturels du corps. Elles sont en rapport avec lnergie vitale drive de llment Yang et doivent prserver la dpouille de la putrfaction. A tout moment, lme peut alors retrouver un corps intact, ainsi quil est crit dans les livres du Cheu li et du Li ki, qui expli-quent ces principes taostes. On plaait de prf-rence, sur la langue, une petite cigale de jade, (1) dont le symbolisme est la chrysalide se mtamor-phosant en cigale, aprs un long sjour souterrain. Telle que celle-ci, lme ressuscite aprs le trpas. Dans le but de parfaire cette protection, on conut plus tard le linceul de jade, protgeant tout le corps assimil la chrysalide. Egalement dans ces cas-l, des pices de jade fermaient en plus les orifices de la tte, sous le masque, car on tait persuad que lextrme durabilit du jade allait produire sur le corps un effet semblable. Mais on est maintenant en droit de se demander si le choix de cette matire ntait pas, outre ces caractristi-ques, fonction dun autre facteur... Il a souvent t retrouv, adhrant aux objets de jade, en mme temps que la terre du tombeau, des traces dun pigment rougetre qui se rvla tre du cinabre, sulfure naturel de mercure (2). Souvent aussi, les cadavres en taient eux-mmes recouverts. La coutume remonte au fond des ges, puisquon la retrouve dj dans les rites funraires des hommes de Chou-kou-tien, au palolithique. Elle est prsente chez les peuples de la Sibrie orientale (5000 2000 avant J.-C.) et dans les tombes de la culture nolithique de Pan-po (4200 3600 avant J.-C.). Mais laissons l pour linstant le sulfure de mercure, nous y revien-drons.

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    (1) Cette coutume est connue chez dautres peu-ples anciens tels que les Romains, les Grecs, les Hindous, qui plaaient un petit objet de valeur sur la langue des dfunts. Dans lle de Bli, par exemple, il sagissait dun anneau dor enchss dun rubis. Mais ce qui est cer-tainement moins connu cest que parmi cer-tains peuples amrindiens, il en est qui pla-aient eux aussi une petite cigale de jade dans la bouche de leurs morts...

    (2) De plus en plus curieux : le mme cas se pr-sente pour des amulettes de jade en Msoa-mrique...

    Les jades. Sous cette dnomination gnrale sont en fait regroups plusieurs minraux de nature diffrente parmi lesquels il faut distinguer les vrais jades, tels que le jade (ou nphrite) et la jadite, et le faux jade telle que la serpentine. Ces trois roches appartiennent cependant au mme groupe dit des asbestes. Le jade, de la famille des amphiboles, varit de roches actinotes, est un silicate hydrat de cal-cium et de magnsium. Il contient galement du fer qui lui donne sa couleur verte. Le jade est un minral huileux. Densit 3 3,3. La jadite, de la famille des pyroxnes, est un amphibole dshy-drat. Cest un silicate daluminium et de sodium. Au contraire du jade, cest un minral vitreux. Densit 3,3 3,5. La serpentine est un silicate hydrat de magnsium avec parfois un peu de fer et de nickel. Sa couleur verte en fait une bonne imitation du jade. Densit 2,2 2,6. Elle est donc moins dure, par consquent plus facile tailler. Polie, elle se vendait jadis sous le nom de verre antique. Il existe dautres roches plus ou moins voisines, frquemment prises pour du jade, telles que la statite (silicate hydrat de magnsium) peu dure, facilement taille au couteau, et la chloromlanite (chlorosilicate de calcium, de fer et de titane) g-nralement noire mais parfois vert-fonc, qui a fourni beaucoup de haches polies. Notons encore la grossularite, faux jade dAfrique du Sud, dune teinte proche de celle du jade. Le jade tant une roche mtamorphique, il nest pas impossible quil se trouve dans la nature sous forme de masses de nphrite qui seraient souples et auraient laspect dune pte ; ce qui rendrait vraisemblables les rcits alchimiques o il est question de pte de jade destine tre absor-be. Les sources de jade furent trs longtemps discu-tes, certains attribuant mme aux objets en jade trouvs dans des sites mgalithiques bretons une origine asiatique. Le jade chinois provenait, dj lpoque des Chang, des rivires et des monta-gnes du Khotan et du Yarkland (province de Sin-kiang). Des textes anciens traitent du commerce qui sy droulait, et des voyageurs dcrivirent des exploitations de jade encore en activit au XIXe sicle. Quant la jadite qui ne serait apparue en Chine quau XVIIIe sicle, elle proviendrait de Haute Birmanie. Du jade ltat brut fut gale-ment dcouvert sur les bords du lac Bakal et tait dj utilis au troisime millnaire comme le prou-vent les haches de la culture de Serovo. La sta-tion suisse de Moosseedorf, qui livra des objets en nphrite, en jadite et en chloromlanite, ame-na la dcouverte de ces minerais dans les Alpes, et dautres gisements franais expliquent pr-sent les haches polies de la valle du Petit-Morin et les anneaux-disques et les bijoux de Bretagne.

    Source : Pierre Mreaux-Tanguy.

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    Qui dit recherche de limmortalit, songe pierre philosophale, lixir de longue vie, alchimie... Lal-chimie : le mot fait encore sourire et voque irr-sistiblement des charlatans ou des fous. Certes, il y en eut. Cependant, sans les alchimistes, sans les Geber, Al Razi, Avicennes, Johan Helvetius, Roger Bacon, Paracelse, Albert le Grand et au-tres Nicolas Flamel, nous ne connatrions pas la chimie. Ces pauvres fous taient la qute de la pierre philosophale dont le pouvoir serait de transmuter les mtaux et de fournir llixir de lon-gue vie. Il nest pas question ici de prouver ou dinfirmer sils y ont russi, mais leur rle dans lhistoire des sciences est capital. Mme un pa-pe, Jean XXII, sadonna cette science occulte, mais sempressa en 1317 de linterdire. On re-trouve lalchimie dans dautres socits ancien-nes telles quaux Indes, en Egypte ainsi qu Rome et il est curieux de voir que les lments primaires de cet art taient les mmes : le soufre et le mercure... Elle fut connue et pratique trs tt en Chine, ainsi que nous lapprennent les textes anciens. En 175 avant notre re par exem-ple, une loi fut promulgue contre la fabrication de lor par des mthodes alchimiques