kadath chroniques des civilisations disparues - 001

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    COMITE DE REDACTION : ivan verheyden, rdacteur en chef jean claude berck, robert dehon, jacques dieu, guy druart, patrick ferryn, jacques gossart, jacques victoor MAQUETTE DE GERARD DEUQUET

    Au sommaire ditorial : la porte ouverte, Marcel Homet . . . . . . . . . . . . la mcanique inattendue danticythre, Ivan Verheyden . . . . . . . . notre cahier inca

    la fourberie de cajamarca, Jacques Victoor . . . . . . . . . . . le trimillnaire de cuzco, Marcel Homet . . . . . . . . . . . .

    lempreinte des mgalithes, Robert Dehon . . . . . . . . . . . . le grand continent austral inconnu, Jacques Dieu . . . . . . . . . .

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    A la recherche

    De kadath

    Dans la mythologie de lauteur amricain de fiction Howard Phillips Lovecraft, Kadath est la Cit des Grands Anciens. Dans son esprit et galement dans le ntre , elle symbolise la civilisation originelle. Si nous avons dcid de partir la recherche de Kadath, cest bien sr dans lespoir de la retrouver sous quelque forme que ce soit , mais mme si nous ny parvenons pas, nous esprons pouvoir laborer, pierre par pierre, un portrait-robot de cette civilisation . Civilisation qui, pour nous, est lorigine de tout. Car notre ambition est vaste, rpondre la plus vaste question qui se pose lhom-me contemporain : Do venons-nous ? Un article rcent de Paris-Match constatait que cest bien une caractristique de notre poque que cet intrt passionn pour les civilisations disparues. Dans la dcennie coule, des collections ont surgi comme champignons. Mais nombreux sont les livres qui pchent par les mmes dfauts. Ou bien lauteur tente dimposer premptoirement ses hypothses comme tant les seules valables ; ou bien il harcle le lecteur dinsinuations et dargu-ments invrifiables, repris dailleurs en chur et amplifis par ses confrres. Nous considrons quil est temps de dblayer ce terrain, dfrich voici une dizaine dannes, par le Matin des Magiciens. De manire objective, sereine et sans parti-pris, mais aussi sans compromission. Seulement, nous prciserons bien, chaque pas, dans quel domaine nous nous situons. Pour ce qui est de limagination, le peintre Grard Deuquet, qui, ds le dbut, a t tent par notre exprience, a voulu lui apporter ce supplment imaginaire indispensable, en illustrant les anciens textes sacrs.

    KADATH.

    Les Gnrations . 1972. Huile sur toile, 130 x 98 cm, de Grard Deuquet.

  • LA PORTE OUVERTE Professeur Marcel Homet

    Une nouvelle revue dira-t-on ? Et daucuns de pousser un soupir ! Oui, je sais ! Je connais des pays lun deux la France pour ne pas la citer , qui, chaque mois, produisent une ou deux revues nouvelles. Utiles, ces revues? Certes ! Mais malheureusement limites le plus souvent aux besoins du moment politico-conomico-lectorales, elles nont, en gnral, quune dure phmre. Il en va tout autrement pour nous qui, dlibr-ment, sacrifions jinsiste sur ce mot les pro-fits matriels quune revue normale ne peut ngli-ger dapprcier... Car nous ne sommes pas une revue normale ! Quel genre de revue sommes-nous ? Une revue cologique ? En un certain sens, oui. Mais en fait, non, si lon se rapporte au sens actuel de lcologie, artificiellement emprisonne dans des limites arbitrairement choisies par la majorit des poncifs acadmiques en cours. En effet, dans le domaine du trs grand pass de la terre, la science officielle se limite ce quil est convenu de nommer la Pr-Histoire , laquelle, naturellement, comporte une importante part co-logique. Mais dans ses limites imprcises, et qui changent chaque instant jusquo va cette pr-histoire ? Dirons-nous : cent, deux cent, trois cent mille annes ? Cela dpend des auteurs et des manuels (1). Le fait est que sa dure ne repr-sente mme pas un millionime de seconde de lespace-temps, dans lequel il ne peut y avoir dcologie puisque, officiellement, la vritable race humaine ne serait gure ne avant le Nan-derthal (2). Autrement dit, sur quatre ou cinq mil-liards dannes, comportant dinnombrables p-riodes climatiques identiques aux ntres, notre Mre Ga naurait pu accoucher dune ou plu-sieurs humanits, sinon celle que nous reprsen-tons avec plus ou moins de gloire. Dans cette prsentation, je mexcuse demployer le moi comme le nous . Le nous est videmment le groupe de mes savants collgues, le moi , dans ma modeste sphre, tant indis-pensable pour conter certains traits qui me sont

    particuliers. Car je ne voudrais pas que lon dise de notre groupe quil renie la prhistoire et lar-chologie officielles ! Au contraire, jai eu person-nellement, et jai encore de trs grands amis ou relations de haute valeur, comme lAbb Henri Breuil, professeur au Collge de France et mem-bre de lInstitut, Louis Marin, un autre membre de lInstitut et directeur de lEcole dAnthropologie de Paris, qui soutient mes efforts depuis plus de trente ans, le regrett Teilhard de Chardin, Capi-tan. Thor Heyerdahl et tant dautres, dont mon g rand ami le Pro fesseur Manue l Ballesteros-Galbrois (3). Et je naurai garde dou-blier Marcelin Boule, dont louvre magistrale dfie le temps, mais qui, mon sens, a pris une autre valeur lorsque indign de lattitude de ses confr-res, il a crit dans son livre Les hommes fossi-les , quil tait regrettable, lorsque de nouvel-les dcouvertes taient ralises, dentendre presque toujours une opinion officielle, caractri-se par le non a priori rejetant sans appel le tra-vail ralis . Ceci tant, il est incontestable que lhumanit doit beaucoup ces prhistoriens, comme leur science profonde et souvent leur gnreuse intgrit. Malheureusement, surchar-gs de travaux, en gnral nantis de peu de res-sources pcuniaires, ils nont pas eu la possibilit de sintresser la Prim-Histoire , cette histoi-re sans cologie humaine (du moins pour le mo-ment), et que notre groupe voudrait porter la lumire du jour (4). Voil donc ami lecteur, ce que je voulais dire de notre but : tenter de pro-mouvoir une biologie ayant pour objet ltude des rapports des tres vivants avec leur milieu natu-rel, mais plus particulirement dans le domaine des civilisations disparues . De la Fiction Scientifique ? Cest pourquoi voulant nous limiter a quelques points prcis, nous devons poser une question. Toutes les pyramides sans ge et sans histoire connue les rcits de la Bible, montrant en par-ticulier un vaisseau arien dans tous les dtails, avec des hublots, des roues slevant et sabais-sant , les pomes du demi-dieu sumrien Gil-gamesh dcrivant point par point des batailles ariennes, dont les vaincus se rfugient dans la cit des trois cimes , les popes

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    hindoues, o des armes brillantes comme mille soleils dtruisent les villes , tous ces crits, toutes ces lgendes et traditions rigoureusement identiques (lpisode de la cit des trois cimes se retrouve chez les Mayas et les Toltques), tout cela donc ne serait quun ensemble de billeve-sesdes histoires de fous, quoi ? Mais alors, comment une saga scandinave a-t-elle pu inven-ter ceci : Un mortel rendit visite une autre plante o les femmes taient dune grande beaut, et aucune ne vieillissait, car les sicles passaient comme des minutes terrestres . Ce mortel se trouvait sur lle mythique dAvalon. Quand il revint sur terre, il pensait que son voyage navait dur que quelques heures, alors que des milliers dannes staient coules de-puis son dpart ; il ne reconnaissait rien de ce quil avait lhabitude de voir avant de partir . La relativit avant Einstein ! Ou de la fiction scientifi-que ? Grce quelques exemples, la rponse sera simple. Peu aprs la dcouverte de lAmrique, deux hommes, fumant une cigarette dans les rues de Paris, furent arrts et, par lInquisition, lgale-ment jugs pour, tout aussi lgalement, tre ex-cuts. Le verdict tait : La science ne connat pas ce mode de vivre, seul le diable pouvant rejeter de la fume par le nez. Fiction Si Galile chappa au bcher, combien dautres ne firent-ils pas connaissance avec les flammes purificatrices , pour avoir os parler des voya-ges de la terre dans lespace et de sa rotondit. Fiction Si Lonard de Vinci nalla pas, lui non plus, au bcher, sur accusation de sorcellerie pour sa cration du premier avion connu et de tant dau-tres machines diaboliques non admises par lInquisition, ce fut grce son extraordinaire popularit. Fiction Le sujet est inpuisable. Je rappellerai simple-ment Boucher de Perthes et Lartet, inventeurs de la prhistoire, accuss de faire de la fiction par lInstitut de France dont le prsident, peu prs la mme poque et alors quon lui prsen-tait le premier phonographe, sexclamait : Fiction !... Je nadmettrai jamais que la noble voix humaine puisse tre reproduite par une misrable machi-ne ! Fiction Seulement, de par ma formation, par lEcole din-gnieurs des Travaux publics de Paris, de par mon travail de Professeur darabe classique et de

    civilisation smitique et, sans doute et surtout, de par ma vie aventureuse darchologue et dexplo-rateur, jai appris bien des choses. Cest que, alors que le soir tombait que ce soit dans les dserts dArabie ou du Sahara, ou bien chez les noirs dAfrique, ou encore avec les indiens dAmazonie, du Prou ou de Bolivie, avec des gens dont, souvent, je parlais la langue com-bien denchanteresses lgendes nai-je pas en-tendues, et dont lune delles, pour mmoire, tait le compte-rendu presque identique du Dluge biblique. Or, il ne peut y avoir aucun doute l-dessus, ces lgendes avaient une base historique !... Le Serpent de Terre. Le Professeur Charles Hapgood, un de mes vieux amis amricains, a publi un livre sous le double parrainage dAlbert Einstein aux USA et dYves Rocard (5) Paris. Voici quelques lignes extraites des Mouvements de lcorce terres-tre dans ldition franaise parue chez Payot en 1964 : Lorsque nous nous tournons vers la thorie de lvolution, nous remarquons que les questions poses par lorigine, le dveloppement et lextinc-tion des espces sont nombreuses, fondamenta-les, et... sont restes sans solution. Tout le mon-de est daccord sur le fait de lvolution, mais personne ne peut prtendre savoir comment elle sest produite. (p. 17). Le mcontentement des biologistes et des pa-lontologues, qui trouvaient constamment des fossiles de faune et de flore l o ils nauraient pas d tre, finit par clater. Il en rsulta de nou-velles thories... mais elles se heurtrent une rsistance indfectible des autorits suprieures, qui sappuyaient sur lattitude adopte par leurs prdcesseurs. Qui plus est, les imperfections et les contradictions de ces diverses thories taient facilement dmontres, ce qui permettait de les discrditer les unes aprs les autres. (p. 28). Sans commentaire. Les langues de terre ont t fort utiles de nombreux savants, qui cherchaient viter lal-ternative problmatique des anciens continents. Daprs le tableau trac par certains auteurs, ces bras de terre avaient la forme de serpents se faufilant ici et l, et sarrangeant pour faire le rac-cordement parfait de continents parfaits, au mo-ment parfait et pour la parfaite satisfaction des plantes et animaux voulus. (p. 115). Sans commentaire. Et sur la mme page, Hapgood continue : Souvent, lorsque la menace dun continent antrieur se dressait de faon si imminente quil

  • paraissait sans espoir de lviter, un bras de terre sauvait la situation. La plupart des palontologues se contentaient des bras de terre, et se gardaient d i n s i s t e r s u r d e s c o n t i n e n t s submerges ; ils continurent donc leurs spcula-tions sur les continents anciens. Si vous me demandez, reprend Hapgood, comment toute cet-te activit de biologistes et de palontologues a frapp les gophysiciens, je vous rpondrai quils nont pas t frapps du tout ! Cela peut tre par-tiellement expliqu par le fait que les gophysi-ciens ne lisent jamais les livres des palontolo-gues et vice-versa. Pour les gophysiciens, les lucubrations des palontologues ntaient que les fruits de limagination nbuleuse de personnes qui ignorent tout de la gophysique. Ltude de la littrature biologique, destine en principe soute-nir ces spculations, ntait naturellement pas le rle des gophysiciens. Cela sortait de leur domai-ne et de leur comptence. Les rapports entre ces sciences taient lointains, et le moins que lon puisse dire, cest que leurs rapports taient plutt froids. Comme on le voit, du fait que les continents golo-giquement reconnus taient escamots, une seule cologie existait, celle de la faune et de la flore. Comme on le voit aussi, lhumour de Hapgood est motiv ! Car on ne peut que sourire devant cet arrangement cinmatographique de bras de terre suivant docilement une faune et une flore, et que des savants font se promener volont com-me des serpents de terre ... ou de mer ! Et ceci pour satisfaire leur besoin de gloire, ou plus simplement, leur souci dconomie. On se demande dailleurs pourquoi ces officiels , gens videmment intelligents et, pour nombre dentre eux, de valeur, avaient oubli leurs tudes lycen-nes, o on leur avait appris que sapiens nihil affirmat quod non probet (6). Sans doute ont-ils la mmoire volontairement courte, car il est un peu fort de voir rtablir le Serpent de Mer en archolo-gie ! La porte ouverte. Il faut conclure. Quel est le but de notre revue ? Tcher de trouver une cologie primhistorique concernant les civilisations disparues (7). Mais nous tenons prciser ici quil nest nullement dans nos inten-tions de lancer systmatiquement des charges contre telle ou telle branche de la science officielle. Dailleurs, le lecteur pourra bien vite constater que nos textes ne comporteront que des documents absolument authentiques et incontes-tables. Ce numro tant seulement une esquisse de notre programme, il est bien vident que si j en ai accept le parrainage, cest pour, avec lappui de mes amis et collgues, arriver des rsultats concrets. Ceci tant, il est indispensable que, ds prsent, nos futurs lecteurs sachent o ils iront avec nous. Ce sera une vrit qui exempte de toute affabulation et de critique systmatique, sera

    souvent trs dure. Toutefois, nous ne devons pas pcher par orgueil ! Quelque enthousiaste que soit notre groupe, et quelque valeur que puissent prsenter ses composants, il ne suffira pas une tche qui sannonce longue et pnible. De fait, notre but est de promouvoir dautres recherches en attirant tous ceux qui veulent se librer des gangues archa-ques asphyxiant latmosphre archologique. La porte est ouverte ! Tous, archologues dun certain ge, valeureux mais mconnus ; jeunes intellectuels dsirant travailler sous un ciel lumi-neux et dans un air pur; lycens et lycennes vou-lant svader des ncessites parfois amres de la vie actuelle, tous, disons-nous, peuvent franchir notre seuil. Dans la modeste pice qui !es accueil-lera, ils rencontreront comme moi, de bons amis, des camarades qui leur donneront envie de librer leur esprit et de travailler pour un humanisme vrai. Dj, le sommaire des prochains numros montre-ra aux lecteurs le chemin que toute lquipe sui-vra, guide par son rdacteur en chef, lequel, comme tout le comit de rdaction, est bien dci-d ne jamais cder des influences trangres la puret et la rectitude de lHistoire. (1) Naturellement, je ne fais pas mention des

    hominiens et autres prcurseurs plus ou moins de lhomme.

    (2) Dont, soit dit en passant, jai personnellement dcouvert un exemplaire vivant dans le dsert saharien du Maroc.

    (3) Professeur lUniversit de Madrid des civili-sations de lancienne Amrique, Directeur de lInstitut hispano-amricain la mme Univer-sit, Membre de lAcadmie Royale dEspa-gne, Secrtaire la recherche scientifique, etc.

    (4) La lecteur averti nignore pas que le terme primhistoire ne nous appartient pas. Mais nous lavons jug commode, aprs en avoir largi la signification. Pour nous, il ne concerne pas uniquement ce qui serait parallle la prhistoire, mais il stend tous les ages de lhumanit, jusque, et y compris, lpoque his-torique. (NDLR).

    (5) Professeur la Facult des Sciences de Paris et Directeur du laboratoire de physique I Ecole Normale Suprieure.

    (6) Le sage naffirme rien quil ne prouve.

    (7) Dans cette optique, notre travail ira bien sr plus loin que les quelques sujets auxquels fait allusion le Professeur Homet. Ceux-ci consti-tuent le matriel dune partie seulement de nos rubriques. Les autres vous sont prsentes ailleurs dans ce numro. (NDLR).

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    Pieces a convictions

    La premire aventure darchologie sous-marine eut lieu aux abords de Pques 1900. Dans le sud de larchipel grec, des pcheurs dponges du Dodcanse furent emports par la tempte et obligs de jeter lancre dans une petite crique. Lle, situe entre Cythre et la Crte, sappelait Antikythera. Les hommes plongrent nouveau mais pour dcouvrir cette fois lpave dune gal-re gisant par 50 mtres de fond. Ils ramenrent des amphores, des jarres, des dbris de statues, en marbre calcifi ou en bronze, corrods par la mer. II y avait dautres objets mineurs encore Mais, sans quipement lourd, les hommes durent bientt abandonner. En septembre 1901, la mois-son fut confie au Muse National archologique dAthnes. Bientt, quelques pices imbibes deau sch-rent et se fissurrent. On les mit de ct, croyant que ctaient des fragments de statues. Huit mois plus tard, une mission archologique, dirige par le Professeur Valerio Stais, dressa le premier inventaire. Travail de routine, sauf pour certaines pices qui rvlrent lintrieur dun mcanisme. Au fond de leau, elles taient maintenues solidaires par les dbris dune structure en bois. Rajuster les mor-ceaux ne fut pas ais, encore moins que dimagi-ner ce qui manquait. Et dabord fallait-il dbarras-

    ser les engrenages de leur gangue de calcaire et de corail Les spcialistes firent ce que les techni-ques du moment autorisaient, cest--dire pas grand-chose. Entretemps, on avait dat le naufrage. Les rap-ports de Miss Gladys Weinberg, raliss partir des amphores, poteries et objets mineurs, le situaient 65 ans avant J.-C. ( 15 ans). Les pices identifiables provenaient de Rhodes et de Cos. La galre faisait donc probablement route vers Rome, sans escale en Grce. La boite reconstitue fut catalogue par le Mu-se : astrolabe , une espce de carte circulai-re de navigation, pour des observations simples, bases sur les toiles. Et la poussire saccumula... Jusquen 1959, o le Dr. Derek J de Solla Price visita le Muse dAthnes. Lastrolabe devient un computer. Le Dr. Price est de ces personnages que nous aimons beaucoup. Sa carrire montre quel point il cherche avant tout se forger une culture dhomme ouvert, tentant de briser les barrires entre les disciplines. Laurat de lUniversit de Londres, il y avait obte-nu un doctorat pour ses recherches en physique

    Il est assez effrayant dapprendre que peu avant leffondrement de leur grande civilisation, les anciens Grecs taient parvenus aussi prs de notre temps, non seulement par leur pense, mais encore par leur technologie scientifique. Derek J. de Sofia Price.

    LA MECANIQUE INATTENDUE DANTICYTHERE

  • exprimentale durant la seconde guerre. Aprs une bourse de physique-mathmatiques lInsti-tut dEtudes Avances de Princeton, et une autre lUniversit de Singapour, il revient Londres, dsol de ne pouvoir couvrir tous les aspects de la recherche physique et mathmatique. Il se dcide alors faire de la science dans son sens le plus large, la manire des traditions huma-nistes, et dcroche un nouveau doctorat, Cam-bridge cette fois, en histoire de la science. Aprs avoir tudi lastronomie des Anciens et lvolu-tion des instruments scientifiques, il retourne Washington, pour aider la Smithsonian Institution dans llaboration dun nouveau Muse National dHistoire et de Technologie. Aprs la seconde guerre. on rcuprait sur les champs de bataille, tous engins, outils et machi-nes abandonns. Et le besoin aidant, on avait assez vite mis au point un nouveau procd de dsoxydation : un drouillage lectrolytique per-

    mettait par une lectrolyse lenvers de remplacer les oxydes par le mtal original et dainsi reconstituer la pice en question. Le Dr Prive fit appliquer ce procd l astrolabe du Muse... Et il lidentifia comme tant une horloge astronomique, quil nhsita pas baptiser computer . Lhorloge ainsi reconstitue se prsente comme un botier de 20 cm de haut, rappelant un peu une machine crire portative, et pourvu de trois cadrans mtalliques gravs. A lintrieur, des roues dentes, des axes, des tambours, et des aiguilles mobiles, celles-ci protges par des tuis de bronze gravs de longues inscriptions. Certains archologues avaient longtemps refus de considrer la pice comme un objet ancien. Ils croyaient plutt au vestige dun naufrage rcent, entran l par des courants marins. M-

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    Dtails du systme engrenages (les chiffres se rfrent au nombre de dents chaque roue). a. point de fixation du tambour excentr. b. bras de fixation du systme. e. roue principale. f. roue dente en chaton. g. verrou dentre. xy. rivets travers la plaque.

  • me au cours de la Renaissance, disaient-ils, on utilisait encore le grec ancien comme langue scientifique. Mais, selon le spcialiste en pigraphie, Benja-min Dean Meritt, les formes des lettres sont bien du premier sicle avant J.-C. : elles ne peuvent tre plus anciennes que lan 100, ni dater de notre re non plus. Les mots utiliss et leur sens astronomique sont tous de cette priode. Ainsi, linscription la plus complte est un fragment de parapegma (calendrier astronomique), similaire celui dun certain Gerninos de Rhodes, qui vcut vers 75. Lhorloge ne pouvait donc tre beau-coup plus ancienne au moment o elle fut mon-te bord de la galre. Les astres sur fichier. Revenons au botier. Il est couvert de trois ca-drans, deux larrire, et un lavant : des dbris de bois et des concrtions en rendent parfois la lecture assez ardue. Le cadran de face est muni de deux chelles lune fixe, montrant les signes du zodiaque, lau-tre, mobile, indique les mois de lanne. Toutes deux sont rigoureusement gradues. Ce cadran sajuste exactement sur la roue principale, qui fait tourner une aiguille laide dun tambour excen-tr. Son but tait donc de renseigner sur les mou-vements annuels du soleil dans le zodiaque. De plus, grce des lettres-cls sur lchelle du zo-diaque, lettres qui correspondent dautres sur lchelle du calendrier astronomique, il indiquait les dplacements des toiles les plus brillantes et des constellations dans le ciel. Les cadrans arrire sont plus complexes : celui

    du dessus est grav de quatre cercles concentri-ques, celui du dessous en a trois. En outre, chacun est annex un petit cadran supplmentai-re, un peu comme pour les secondes sur nos montres. Chaque espace entre les cercles est grav de lettres et de nombres, spars tous les six degrs par un trait. Pour le cadran infrieur, cela semble indiquer : lune : autant dheures, soleil : autant , soit les mouvements des mares lis aux phases principales de la lune, ainsi que les lever et coucher de soleil. Tandis que le ca-dran suprieur renseigne sur les mouvements apparents des plantes connues des Grecs (Mercure, Vnus, Mars, Jupiter et Saturne). Enfin, le systme engrenages une vingtaine au moins de roues dentes ont pu tre prser-ves tait mont sur une plaque de bronze. Sur lune des faces, on peut reconstituer tous les engrenages, le nombre de dents et leur embote-ment. Lautre face, par contre, est incomplte. Le principe en est le suivant Le mouvement est actionn par un verrou pntrant sur le ct du botier. Il met en branle une roue dente, qui elle-mme fait bouger la roue principale, oprant sa rvolution en un an Cette roue est connecte deux trains dengrenages, qui, respectivement, montent et descendent le long de la plaque de bronze. Par des axes transversaux, ils sont soli-daires des roues de lautre ct. L, lengrenage traverse un tambour excentr pour aboutir un systme actionnant les aiguilles. Cest le principe mme du mouvement picycli-que ou diffrentiel : quand on tourne le verrou dentre, toutes les aiguilles se meuvent des

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    Page suivante : reconstitution du mcanisme (les dimensions sont indiques en mm.) a. le couvercle grav dinscriptions. b. le cadran de face, c. le tambour excentr. d. le systme engrena-ges. e. le verrou dentre. f. un repre de contrle. g. les quatre cercles concentriques du cadran arrire. h. le couvercle arrire grav. i. les trois cercles infrieurs du cadran arrire. Ci-dessous, un des fragments reconstitus : en grisaille, on voit le mcanisme mont sur la plaque de bronze.

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  • vitesses diffrentes. On peut ainsi traduire en mouvements tangibles les relations cycliques, qui sont la base de lastronomie grecque. On ignore, bien sr, si lappareil fonctionnait la main ou automatiquement. Il aurait pu, par exem-ple, tre tenu en main et actionn par une roue latrale ; ou bien, fix une statue, tre mis en mouvement par un dispositif hydraulique. Notons enfin une chose tout fait remarquable. A savoir que tous les engrenages de minces la-mes de bronze d peine 2 mm dpaisseur sont composs de roues ayant exactement les mmes dimensions et les mmes angles 60. Autrement dit, elles taient standardises et inter-changeables. Enfin, le cadran permet den estimer la date de construction. Le calendrier des anciens Egyptiens conduisant une erreur dun quart de jour chaque anne, lchelle des mois a donc d tre ajuste dautant. Or, les deux chelles du cadran sont dphases de 13,5 degrs. Des tables astronomi-ques permettent den rapporter lorigine 80, ou alors, chaque fois 120 ans avant ou aprs (30 jours diviss par un quart) : 200 est trop ancien, + 40 trop rcent. Donc, si lchelle gradue na pas t dplace, lhorloge date de 80. Une faille dans lhistoire grecque. Ces cadrans sont les seuls spcimens dinstru-ments gradus que nous ait laisss lAntiquit : on na jamais mis jour un dispositif semblable, ou approchant. Or, il est vident quil na pu tre le premier ni le dernier de son espce. Et pourtant, il est totalement diffrent des objets manufacturs de la Grce antique. Les Anciens avaient des ca-drans solaires ou des clepsydres. Certes, ils nignoraient pas le principe de lengrenage, mais ne lutilisaient que pour des applications simples : ainsi, leurs chars taient quips despces de taximtres forms de couples de roues dentes. Depuis Aristote, on avait appris actionner des aiguilles laide de poids, mais sans pouvoir en rgulariser le mouvement. Mais admettre que les anciens Grecs taient des techniciens avancs est contraire leur mentalit abstraite de philosophes, et leur mpris du tra-vail manuel et des machines. Les instruments quon leur connat par les textes sont trs ing-nieux au point de vue mathmatique, mais mca-niquement plutt rudimentaires. Le mcanisme dAnticythre est plutt, selon le Dr. Price, une horloge mcanique ou un ordinateur analogique, en ce sens quil met en rouvre des mouvements simples pour viter des calculs fasti-dieux. Il ressemble encore plus aux horloges astronomiques de la Renaissance. Il y aurait donc un fil ininterrompu reliant lhorloge dAnticythre

    celles du Moyen-Age que nous ont apportes les Arabes aprs avoir relu les textes grecs. Dans ce cas, lhorloge dAnticythre ferait partie dun cou-rant important dans la civilisation hellnistique, mais que lHistoire aurait contribu nous cacher. Ou alors, elle provient dune technologie aujourd-hui perdue, mais qui valait la ntre dans le domaine de la fabrication dinstruments. Revenons pour cela aux inscriptions graves sur les parois du botier. Le soleil y est souvent mentionn, des termes font allusion la position des plantes, lcliptique, calcule par Eratosthne en 250 est mentionne. Une des lignes cite 76 et 19 annes, allusion au cycle calippique de 76 ans, qui vaut quatre fois le cycle mtonique de 19 ans, ou 235 mois lunaires, et enfin le chiffre 233 se rfre au cycle des mois lunaires pour le calcul des clipses. En fait, ce genre de thorie arithmtique base sur les mois sidraux et synodiques est le thme cen-tral de lastronomie babylonienne des Sleucides, transmise aux Grecs durant les derniers sicles avant J.-C. Il est tout fait diffrent de la thorie gomtrique des cycles et picycles essentielle-ment grecque. Ce nest que Claude Ptolme qui, au IIe sicle, unifia les deux thories. Lhorloge dAnticythre serait alors la contrepartie arithmtique des modles solaires gomtriques plus familiers, connus de Platon et dArchimde et qui ont men au plantarium. Anticythre : un plantarium miniature ? Peut-tre... Mais la notion de rotation de la terre sous un vote cleste fixe tait loin dtre admise On comprend ds lors que le Dr. Derek Price se soit exclam : Trouver une chose comme celle-l quivaut dcouvrir un avion raction dans le tombeau de Tout-Ankh-Amon !

    IVAN VERHEYDEN. Bibliographie. Scientific American, juin 1959. Science et Vie, octobre 1959. Natural History, mars 1962. Et le livre du Dr. Derek de Sella Price, Science since Babylon (puis). Pour tre objectif, ajoutons que les divers livres de compilation connus du lecteur napportent aucun lment neuf sur le sujet. Sauf peut-tre Jacques Bergier, chez qui nous avons trouv la mthode utilise pour dsoxyder la mcanique dAmicythre.

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  • Le passe present

    La conqute du Prou peut se rsumer en quel-ques mots : au nom de la couronne dEspagne et au nom de la Foi, une bande daventuriers san-guinaires et assoiffs dor a lchement assassin une culture. Mais le roi dEspagne et la religion ne furent en loccurrence que deux prtextes destins magnifier une entreprise de piraterie pure et simple. Aujourdhui encore, la Conquista est aurole dune gloire quelle na pas mrite un seul ins-tant. Laventure qui nous occupe se passe au XVIe sicle, mais il faut savoir que dans lEurope du XVe, quatre monarques rvaient dj de re-constituer lempire dOccident : Louis XI de Fran-ce, Henri VII (puis Henri VIII) dAngleterre, Maxi-milien dAutriche et Ferdinand dAragon. Pour raliser ce projet grandiose, dnormes finances taient ncessaires. Lobsession de lor en rsulta et lEspagne, plus entreprenante, lan-a sur locan ses caravelles colonisatrices. Bien-tt, grce Balboa. la petite colonie du Darien (Panama) devint une nouvelle Espagne et toute la racaille en qute de rapines sy concentra. Francesca Pizarro tait du nombre : n en 1471, cousin de Cortez (le conqurant du Mexique), btard analphabte, ancien porcher puis soudard de Balboa. Pizarre rencontra Panama Diego de Almagro, autre brute illettre dont la seule vertu tait le courage, et Fernando de Luque, surnom-m Luque-loco (Luque-le-fou), vicaire dracin et fortun. La volont tenace de Pizarre, le courage dAlma-gro et largent de Luque furent les moteurs du crime abominable qui tenta deffacer de la m-moire des hommes le souvenir de la brillante civilisation des Queshuas, elle-mme hrite du glorieux empire chimu de Chan-Chan. Cest aux environs de 1200 de notre re en effet que Manco Capac, 92e empereur queshua et premier Inca, dmembre lempire chimu la tte dune tribu queshua insoumise descendue du lac Titicaca.

    Pizarre fit trois tentatives pour dnicher cet Eldo-rado o, disait-on, lor pavait les rues et recou-vrait les murs des maisons. A deux reprises, les barbares venus dEspagne se heurtrent aux Indiens et la nature. A Panama, on se gaussait dj de Francesco et de ses comparses. Mais Pizarre persvra et endura les pires souffrances pour parvenir au but. Un jour, enfin, il ramena Panama des objets dor et des renseignements tout aussi prcieux, extorqus par la torture de malheureux prisonniers. Et nous voici le 26 juillet 1529. Pizarro traverse lAtlantique pour rencontrer Charles-Quint, qui a runi sous sa couronne lAutriche et lEspagne, et le convainc de donner le feu vert lexpdition dfinitive. Charles-Quint anoblit le ramassis de truands qui donnera lEspagne de nouvelles colonies, et en janvier 1530, une forte troupe quitte Panama : trois navires, cent quatre-vingt-trois hommes dont un Dominicain, Vicente de Valverde, et vingt-sept chevaux. Le dbarquement a lieu dans la baie de San Mateo, 100 km au sud de Tumbez. Fernando de Soto, le seul conqurant du Prou qui laissera lhistoire un souvenir sympathique, y rejoint la petite arme avec deux cents hommes et deux navires. Pizarro arrive point nomm, car lempire pru-vien quil sapprte dvaster est dj dchir par la guerre civile. Deux frres en effet, Huascar et Atahualpa, se disputent prement le trne de leur pre, lInca dfunt Huayna Capac. A lheure o les Espagnols dbarquent, Atahual-pa est vainqueur et campe Cajamarca, capitale religieuse, o il jene et prie en vue des lourdes fonctions quil sapprte assumer. Son frre Huascar est emprisonn Cuzco, capitale politi-que de lempire. A ce stade du rcit, une parenthse simpose. Pizarre au Prou, et antrieurement son cousin Cortez au Mexique, bnficirent, au dbut de

    LA FOURBERIE DE CAJAMARCA

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  • leur conqute, de la curieuse lgende du dieu blanc prcolombien : Kukulkan chez les anciens Mayas, Quetzalcoatl chez les Aztques, Viraco-cha chez les Queshuas, semblent bien tre, sinon un seul et mme personnage, du moins une seule et mme lgende remontant un pas-s fabuleux et mythique au cours duquel un dieu blanc et barbu dispensa la science et la culture, avant de sen aller avec des promesses de retour. Par un curieux hasard, Cortez dbarqua au Mexique le jour exact prvu par la lgende pour le retour du dieu : le jour neuf-vent de lan-ne un-roseau. Ceci impressionna fort Montzu-ma, qui livra son empire aux envahisseurs avec une rsignation dconcertante. De mme Ata-hualpa sembla croire un instant au retour de Vira-cocha lorsque ses missaires lui annoncrent larrive des blancs barbus et casqus. Sagis-sait-il du dieu courrouc qui venait reprendre possession de son empire ? Vaguement inquiet, Atahualpa met Pizarre lpreuve. Au lieu de laccueillir Cuzco, il linvite Cajamarca, ce qui oblige les conquistadores franchir la Cordillre des Andes au milieu dnor-mes difficults : sentiers escarps, rochers, pen-tes abruptes, forts inextricables, ponts suspen-dus passer avec chevaux armes et bagages ! Telles furent les embches que la nature du paysage conquis rserva aux Espagnols. Qu cela ne tienne ! Avec un courage et une tnacit quil faut malgr tout saluer au passage, la petite troupe vient bout de tous les obstacles et atteint le versant est de la Cordillre des Andes. L, devant les yeux blouis des conqurants, stalent la splendide valle, la ville et le camp de Cajamarca. Les exploits des intrus nont pas manqu de r-sonner aux oreilles dAtahualpa. De partout, les rapports affluent, et lInvincibilit de la minuscule arme tonne lInca. Sagit-il rellement dun pouvoir surnaturel ? Ou bien les Espagnols d-tiennent-ils un secret qui leur permet de telles prouesses ? On sinterroge dans le camp de lEmpereur. On est prudent aussi : on attend sans manifester dhostilit. Advienne que pourra. Pizarre entretemps, dcouvre Cajamarca : une rivire limpide arrose de splendides jardins, les maisons sont blanches et belles ; et l, des fortins cubiques occupent les points stratgiques. Mais tout est vide. La population a fui, redoutant les trangers. Nous sommes le 15 novembre 1532. Il pleut verse. Les chevaux et les hommes sont fourbus et sales. Malgr tout, la cavalerie espagnole gar-de son sens du panache : elle dfile firement, bannires dployes, tranant ses canons. Bien-tt, les premiers cavaliers atteignent le camp de lInca : nouvelle stupeur ! On sattendait ren-contrer des sauvages. Tout, au contraire,

    respire lordre et la discipline. Devant les tentes bien alignes, des guerriers moqueurs ont plant leur lance. Ils dvisagent les conquistadores en riant. Comment donc ! Sont-ce l les invincibles que chacun craint la ronde ? La fire arme du Fils du Soleil pourrait-elle perdre une seule ba-taille contre ce minable contingent ? Seuls les chevaux, inconnus des Queshuas, leur inspirent quelque inquitude : font-ils corps avec ces hom-mes ? Et sinon, comment les jeter bas ? Les Espagnols, eux, sont de moins en moins rassu-rs. Latmosphre est touffante. Chacun a la pnible impression de se jeter dans la gueule du loup. Un seul geste de lInca suffirait pour sub-merger la petite arme sous un flot de guerriers rsolus. Mais on avance malgr tout, vers la mai-son de lInca, qui est le but de la journe. Et voici la demeure royale : simple daspect, elle est entoure de cours et de jardins. Groups autour dune grande piscine, dans laquelle le savant dosage de deux sources produit volont leau chaude ou leau froide, des nobles et des dames attendent, draps dans des vtements aux couleurs vives. A lcart, impassible, assis sur un tabouret bas, Atahualpa dvisage ses visiteurs avec une atten-tion soutenue. Son vtement est simple. Une frange carlate lui ceint le front jusquaux sourcils et le force incliner lgrement la tte pour voir. Cela lui donne un aspect majestueux et inqui-tant la fois. Cette frange nomme borla est le symbole du pouvoir. Le nouvel Inca la arrache rcemment son frre Huascar. Les conqurants sarrtent. Le silence se fait, crasant, presque palpable De temps autre, un cheval piaffe, nerv. Pizarro fait face. Un Espa-gnol le prsente : dlgu du roi dau-del des mers, reprsentant de la vraie Foi, il invite le puissant Inca dner. Atahualpa acquiesce : il viendra demain. Il indique des btiments aux trangers : l, ils prendront leurs quartiers. Les nerfs sont tendus se rompre. Seul, lInca parait trs calme. Fernando de Soto veut faire diver-sion. Avec une soudainet qui surprend tout le monde, il peronne sa monture et bondit avec elle, excutant devant lassistance mduse un splendide numro de cavalerie. Avec brio, il ma-trise sa bte et stoppe sur place, quelques cen-timtres de lInca qui reoit sans sourciller quel-ques gouttes dcume sur son vtement. Ata-hualpa na cas boug dun pouce Mais certains de ses gardes ont esquiss un mouvement de fuite : ils seront mis mort le soir mme pour avoir montr de la lchet devant les trangers. Aprs cet intermde droutant, des femmes sa-vancent et servent aux Espagnols de la chicha (sorte dalcool de grain) dans des vases dor. Puis on se spare pour la nuit.

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  • Le soir tombe sur le camp. Pizarro rflchit : la loyaut de lInca le dconcerte. Il lattribue au fait que les indignes voient en lui-mme un descen-dant possible du lgendaire Viracocha. Cette bienveillance ne peut pas durer. Ds quAtahualpa connatra les vraies raisons de la prsence des conquistadores, la soif dor, cen sera fait de leur scurit. Il faut agir, et vite. Pizarre dcide de semparer de la personne de lInca, comme le fit jadis Cortez en emprisonnant lAztque Montezuma. Il rassemble ses troupes, les sermonne. Le dominicain Valverde confesse les hommes et leur distribue la communion. Puis il les absout davance pour la forfaiture du lende-main. Le pige est soigneusement mis au point. Un canon donnera le signal de la trahison. De son ct, Atahualpa se mfie. Toute cette agitation ne lui dit rien qui vaille. Il charge le gnral Rumi-nagui de disposer cinq mille hommes aux alen-tours de la ville, pour en bloquer les voies dac-cs. Il commet nanmoins une erreur qui lui sera fatale : seule une faible escorte dhommes arms laccompagnera au rendez-vous fix par Pizarre-le-fourbe. Et le matin du 16 novembre 1532 sera le dernier matin de lEmpire. Il fait beau. La place centrale de Cajamarca est vide. Les difices qui la bordent sont pleins de soldats espagnols nervs par lattente. Les lar-ges portes cachent les cavaliers qui pincent les

    naseaux de leurs chevaux pour viter tout hen-nissement indiscret. Soudain, des chants rau-ques slvent. Chacun retient son souffle ! Cest le cortge de lInca. En premier lieu viennent les serviteurs : ils balaient la route de lempereur. Ensuite les esclaves, qui portent des vases dor et des marteaux dargent. Puis, dans lordre, les gardes, en uniformes damiers, et les officiers, vtus de bleu. Enfin, le palanquin de lInca, dco-r de plaques dor et de plumes de perroquet. Les porteurs sont de hauts dignitaires de lempire. LInca est assis sur un trne dor massif. Son visage ne trahit aucune motion. Sur ses che-veux courts, une couronne de plumes blanches et noires. La borla ceint son front. Sur son vte-ment somptueux, on aperoit un collier dmerau-des et un pectoral en or massif. La place est bientt noire dIndiens, mais aucun Espagnol ne se montre. Cest alors que savance Valverde. La bible dans une main, le crucifix dans lautre, il se prsente devant lInca et entame un discours : lInca est invit se soumettre Charles-Quint en qualit de vassal et accepter la foi catholi-que, sans quoi il sera fait usage de la force pour le persuader ! LInca est indign par tant dinsolence : comment ces trangers, htes de lempire, se permettent-ils de donner des ordres au Fils du Soleil ? Vira-cocha est le dieu suprme, et Atahualpa ne d-pend de personne. Irrit, lInca lance la bible sur

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  • le sol et demande rparation immdiate des of-fenses. Valverde lve les bras au ciel : Sacrilge ! Pizarre, au secours ! Davance, rece-vez labsolution ! Emparez-vous sans tarder de ce suppt de Satan ! A cet instant, Pizarre dnoue son charpe blan-che, Pedro de Candia fait tonner le canon et de toutes les poitrines espagnoles slve un cri : Santiago ! Santiago ! Les cavaliers foncent sur la foule. Dans un vacarme assourdissant, on massacre, on pitine qui mieux-mieux. La fu-me des canons ajoute la confusion. Pied pied, la garde impriale rsiste mais ploie finale-ment devant lassaut, qui est dune sauvagerie inoue. Le palanquin de lInca est renvers, un soldat lui arrache la borla et sapprte tuer Atahualpa. De justesse, Pizarre sinterpose, et saisissant lInca aux cheveux, le soustrait la mle. Cet vne-ment met les indiens en fuite. Lempereur pris, toute rsistance est devenue inutile. Presque instantanment, la place se vide. A lextrieur de la ville, le gnral Ruminagui a retir son arme dans les Andes, puis vers Quito, 600 km de l. Pour les Espagnols vainqueurs, lheure du pillage a sonn. La soldatesque envahit les rues de Ca-jamarca, tuant, volant sans piti. Ce soir, on d-nera parmi les cadavres. Le Prou se met lheure de Pizarre Il serait vain de poursuivre et de raconter. piso-de par pisode, ce que fut la suite de cette conqute. Sachons que peu de temps aprs sa capture, lInca, qui avait pourtant offert ses ra-visseurs soixante-dix mtres cube dor en guise de ranon, fut excut en place publique, aprs un jugement sommaire entach de faux tmoi-gnages. Laccusation mentionnait : fratricide (Huascar avait t tu mystrieusement dans sa cellule de Cuzco), dtournement de richesses, idoltrie, polygamie et complot contre les enva-hisseurs. Atahualpa fut trangl aprs avoir reu le baptme, le 29 aot 1533. Le pauvre souve-rain confia mme la garde de ses enfants Pi-zarre, et celui-ci poussa lhypocrisie jusqu pren-dre le deuil ! Aprs Cajamarca, lon conquit Cuzco sans trop de difficults, car lassassinat de lInca signifiait pour le peuple la mort morale, religieuse et politi-que de lempire tout entier. La licence et lanar-chie qui sinstallrent ont grandement facilit la tche des Espagnols, qui ne rencontrrent que rarement de la rsistance arme. Pizarre nomma un Inca doprette pour plaire la population : Il choisit Manco, frre de Huascar, et le couronna Cuzco. Aprs un nouveau massa-cre de foule, les conqurants sinstallrent dans la ville et, comme partout ailleurs, tentrent de

    lhispaniser, en btissant sur les ruines de leurs crimes, et transformant en lingots des trsors dart et de civilisation. Mais Cuzco ntait dj plus pour Manco quune prison, et il senfuit vers la ville de la fidlit , Vitcos, au fond de la Cordillre. Il y organisa la rsistance contre les envahisseurs. Le sige de Cuzco, en 1536, dura cinq mois. Les pertes des Espagnols furent considrables, mais ils tinrent bon, et le jeune Inca se retira nouveau dans Vitcos. Durant des annes, les conquistadores fouillrent les montagnes la recherche de ce refuge sacr. Ils ne le trouvrent jamais, ni eux ni les gnrations dimmigrants qui afflurent par la suite. Et Vitcos resta prs de quatre sicles en-fouie dans la fort vierge... Cette ville, on lappel-le aujourdhui Machu-Picchu. Pizarro avait fond une nouvelle capitale, Lima. Il y mourut le 26 juin 1541, assassin par le fils de son ancien associ Almagro. Car ce qui devait arriver arriva : lorsque les conqurants eurent asservi lensemble du Prou, lorsquils ne trouv-rent plus rien piller, plus personne assassi-ner, ils se dvorrent entre eux. Homo homini lupus Cest ainsi quon annihile une culture, et quon brouille les cartes des archologues futurs. Tout ce que les conquistadores ne purent hispaniser ni christianiser, ils le dtruisirent. Il ne reste prati-quement plus rien qui puisse tmoigner de la brillante civilisation queshua. Mme les textes des chroniqueurs sont souvent suspects. La plu-part dentre eux tant issus de liaisons mixtes espagnol-queshua, tel Garcilaso de La Vega, ils tentrent de mnager la chvre et le chou, exa-grant les mrites des uns et glorifiant les autres, pour ne vexer personne. Et cest ainsi quon a attribu aux Incas tous les vestiges archologi-ques de ces rgions : Tiahuanaco, Ollantaytam-bo, Nazca, Machu-Picchu et Cuzco, relguant au rang de nomades primitifs leurs illustres pr-dcesseurs. Nous verrons, dans lavenir, ce que ces affirmations peuvent avoir dapproximatif. Comment retrouver la trace de cette antique civi-lisation de sages et de btisseurs, dont Viraco-cha fut le lgendaire initiateur ? Les soudards de la Conquista sont responsables de notre actuelle perplexit. Et pourtant... de nombreux lments existent, qui permettront, un jour, de reconstituer le puzzle, et de le raccrocher celui des peuples voisins, chronologiquement parfois, gographi-quement et culturellement en tout cas. les Azt-ques et les Mayas. Mais ceci est une autre histoire

    JACQUES VICTOOR.

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  • Petit mmento des civilisations prcolombiennes dAmerique du Sud

    Si lon prend le livre de tel ou tel archologue de renom, et quon recherche les lments de chro-nologie attribus aux civilisations pr-incaques, il semble ny avoir aucun problme. Mais ds quon veut le comparer dautres auteurs, on voit les marges stendre, les limites devenir de plus en plus fluctuantes. Le lecteur pourra le vrifier en se rfrant la bibliographie. Aussi, considrant quil faut respecter lavis de chacun, nous avons cherch dresser les points de repre, entre lesquels on peut situer, avec certitude, chacune des civilisations pr-incas. Des subdivisions sa-vrent ce moment tre arbitraires, et un certain nombre doivent tre supprimes. Nous simplifie-rons donc lextrme, en donnant quelques chif-fres ronds. Vers 8000 avant J.-C. : on note la prsence de chasseurs et de collecteurs, vivant en petits grou-pes dans les valles des Andes, sur les hauts-plateaux et sur les rives du Pacifique. Vers 3000 avant J.-C. : la cte du Prou est occupe par des populations vivant de la pche, pratiquant une agriculture rudimentaire et logeant dans des hameaux maisons souterraines. Vers 1200 avant J.-C. : apparition de la crami-que. Vers 800 avant J.-C. : apparition du mas. Cette crale, importe probablement du nord, est une pierre blanche dans lhistoire des civilisations de lancien Prou. Politiquement, les populations sorganisent en petits tats indpendants, ca-ractre thocratique. A cette poque, nat un nouveau style architectural, qui va simposer dans le centre et le nord du Prou. Jusquaux abords de notre re, le site le plus reprsentatif sera la ville de CHAVIN, qui peut avoir t la ca-pitale dun de ces petits tats, ou alors un centre de plerinage (la ville est dailleurs clbre pour les ruines monumentales de son sanctuaire). Quelle quait pu tre lorigine de Chavin, on peut dire que cette ville est le cur de la premire grande civilisation du Prou. Larchitecture fait usage de la pierre taille, la sculpture produit

    quelques chefs-duvre du bas-relief, le tissage et la cramique progressent, les mtallurgistes se consacrent au travail de lor. Vers le dbut de notre re commence la prio-de dite classique , o lon voit spanouir de nombreuses civilisations locales, au nord, dans les valles de Moche, Chicama et Vira, et au sud, dans la rgion de Nazca. Une des caractristi-ques de la civilisation mochica est lutilisation rationnelle de leau, par la mise au point dun systme dirrigation trs labor. Cest cette mme poque que se situe avec dnormes

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  • variantes la priode dite expansionniste , caractrise par le dveloppement de Tiahuana-co, au sud du lac Titicaca. Si on sait que la ville connut ce moment-l un essor considrable, pour ce qui est de ses origines, par contre, cest la bouteille encre. Les hypothses et thories sont ce point contradictoires, et les datations tellement imprcises, que Tiahuanaco mrite que nous lui consacrions un cahier spcial dans lun de nos prochains numros. Toujours est-il que Tiahuanaco donnera naissance de nombreuses civilisations, dont celle des Huari, caractrise essentiellement par la militarisation de lEtat et la construction de grands centres urbains, avec Chan-Chan comme plus bel exemple. Les Chimus, hritiers des Mochicas, vont tendre leur influence sur tout le nord du Prou. Comme les Mochicas, ils donnent tous leurs soins lirri-gation. La hirarchie sociale est trs marque. Enfin et cest l un des aspects qui se retrou-veront chez les Incas lartisanat tend sin-dustrialiser, ce qui amne invitablement une standardisation de la production artistique. Vers lan 1000 aprs J.-C. : un hiatus de deux cents ans environ. Il y a bien la civilisation archa-que de Chanapata, la sortie de la ville de Cuz-co, Mais les traditions sont muettes ce sujet. Une chose demeure certaine, dit Alfred M-traux entre cette civilisation archaque et celle des Incas, dont les dbuts se situent autour de lan 1200 de notre re, il y a solution de continui-t. Rien ne permet encore de combler ce vide.

    LES DOUZE DYNASTIES INCAS. MANCO CAPAC (et son pouse Mama Oclo) 1080-1105 SINCHI ROCA 1105-1140 LLOQUE YUPANQUI 1140-1195 MAYTA CAPAC 1195-1230 CAPAC YUPANQUI 1230-1250 INCA ROCA 1250-1315 YAHUAR HUACAC 1315-1347 VIRACOCHA INCA 1347-1400 PACHACUTI 1400-1448 TUPAC YUPANQUI 1448-1485 HUAYNA CAPAC 1485-1529 HUASCAR et ATAHUALPA 1529-1533

    KADATH se veut ouvert toutes les thories. Nous ne pouvons donc passer sous silence une chronologie toute diffrente, dite romantique , et qui drive des travaux dArthur Posnansky, le sauveteur de Tiahuanaco. Nous lavons repri-se de Jacques Bergier, tmoin vigilant de ce gen-re de confrontations, et la livrons au lecteur telle quelle.

    50.000 avant J.-C. Sur le plateau de Marcahua-si nat la civilisation masma, la plus ancienne de la terre. 30.000 avant J.-C. Fondation de lempire m-galithique de Tiahuanaco. 20.000 avant J.-C. Ecroulement de lempire de Tiahuanaco et naissance de lempire Paititi. D-veloppement de lastronomie. 10.000 avant J.-C. 1000 aprs J.-C. Cinq grands empires spars par des catastrophes successives. 1200 aprs J.-C. La chronologie romantique rejoint la chronologie classique avec larrive de lempereur inca Manco Capac. Et Jacques Bergier conclut : Une confrontation entre les archologues classiques et les archo-logues romantiques dbouche trs vite sur un change dinjures : jai vu des bagarres de ce genre la socit franaise dethnologie. Mais, pour un profane, les arguments sur lesquels sont bases les deux chronologies paraissent aussi bons les uns que les autres. Il nappartient pas nous de trancher. Pour notre part, nous avons prfr reprendre les donnes du problme zro. Cest--dire que nous tcherons de combler les lacunes numres ci-dessus, en reprenant par la suite et systmatiquement, chacune des grandes civilisations cites : Chavin, Tiahuanaco, Nazca, Chan-Chan, et en ne retenant que les faits indiscutables. Dans ce numro dj, le Pro-fesseur Marcel Homet fait le point sur les migra-tions de populations pr-incaques, dans le cadre des origines de Cuzco. Pour terminer, il nous reste parler de la civilisa-tion inca proprement dite. On en situe la naissan-ce vers les annes 1200 de notre re. Elle est donc contemporaine de celle des Chimus. Cest Paccari-Tambo, 25 km au sud-est de la val-le de Cuzco que, selon les traditions, ils se se-raient tablis, sous les ordres de Manco Capac, et malgr lopposition plus ou moins violente des autochtones. Si la plupart des historiens saccor-dent penser que la dynastie inca compte douze empereurs, il nen reste pas moins que les six ou sept premiers de ces chefs restent semi-lgendaires. Leur rgne se passera en incessan-tes escarmouches avec leurs voisins. Il faudra attendre la seconde moiti du XIVe sicle pour voir Yahuar Huacac vaincre dfinitivement les peuples du Cuzco. Cest par une menace dinvasion des Chancas, leurs voisins du Nord, que va dbuter la vritable aventure inca, sous le rgne de Viracocha. Le fils de celui-ci, Pachacuti (encore appel Pachaca-mac) va, avec une poigne dhommes, vaincre

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  • les Chancas. Il se fait proclamer empereur, et lance ses armes, dune part, vers le lac Titicaca, o il soumet la population de Tiahuanaco et, dautre part, vers le nord, permettant ainsi lexten-sion de lempire dans deux directions. Parallle-ment ses conqutes, Pachacuti est linstigateur de toute une srie de mesures lgislatives et administratives qui marqueront profondment la structure de lEtat inca. Quant son fils, Tupac Yupanqui, il annexera la plus grande partie du territoire actuel de la rpublique dEquateur. 1492 : Christophe Colomb dcouvre lAmri-que. 1513 : Vasco Nunez de Balboa dcouvre la cte pacifique. 1527 : Francesco Pizarro, associ Diego de Almagro et Fernando de Luque, dbarque pour la premire fois en Amrique. 1531 : lempire inca, qui couvre alors le Prou, lEquateur et une partie de la Bolivie et du Chili, est en proie la guerre civile. Huascar et Ata-hualpa, les deux fils de Huayna Capas, se dispu-tent le pouvoir. Pizarro, qui en est alors son troisime voyage au Prou, et qui a dj eu des contacts avec certains ambassadeurs incas, prend parti pour le vainqueur, Atahualpa, et avec une poigne dhommes, lui tend une embuscade Cajamarca. JACQUES GOSSART.

    Bibliographie. Les principaux chroniqueurs. Pedro Pizarro : Relacion del descubrimiento

    y conquista del Peru . (Madrid 1884). Garcilaso inca de La Vega y Vargas Comentarios reales . (Lisbonne 1609). Cieza de Leon : Cronica del Peru (Sville 1553). Fernando Montesinos : Memorias antiguas del Peru (Madrid 1882). Les auteurs modernes H.W. Prescott : Histoire de la conqute du Prou (Paris 1863). Henri Lehmann : Les civilisations prcolom-biennes (Paris 1953). Louis Baudin : La vie quotidienne au temps des derniers Incas (Paris 1959). Pierre Honor : Lnigme du dieu blanc prcolombien (Plon, 1962). L. et C. Sprague de Camp : Les nigmes de larchologie (Plante-Denol, 1965). Ouvrage collectif : Les grandes nigmes des civilisations disparues (Franois Beau-val d.1971). La plupart de ces livres tant puiss le lecteur peut trouver en librairie quatre ouvra-ges remarquablement complets sur le sujet. Alfred Mtraux : Les Incas (1e d. 1961). Collection Microcosme, Editions du Seuil, Paris. Bertrand Flornoy : Laventure inca (1e d. 1955) Librairie Acadmique Perrin. Paris. Marcel Homet : A la poursuite des dieux solaires (1e d. 1965). Collection Frontires de linconnu , Plante-Denol, Paris. Frdric-Andr Engel : Le monde prcolom-bien des Andes (1e d. 1972). Collection Hachette-Littrature, Paris.

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  • Archeologie parallele

    Comme nous lapprennent tous les textes offi-ciels, Cuzco fut la capitale de lempire dit incaque . Pourtant, des documents existent ne serait-ce qu la Bibliothque Nationale de Lima , contredisant formellement cette affirma-tion par trop simpliste (1). En vrit, mme si certaines modifications de lieux, amliorations et innovations furent effectues par les empereurs incas, les bases en furent uniquement queshuas, tablies quelque trois mille ans avant que le pre-mier Inka ne sy installe, et recre lEmpire du Soleil (2). Car il ne faut pas oublier que, tout au long des 1200 ans avant que le premier Inca ne conqut Cuzco, lempire chimu de Chan-Chan tendit son influence, religieuse et surtout culturelle, de lEquateur au Chili et lArgentine, exactement dans les limites qui, en lan 1457, furent attri-bues lempire incaque, au dbut de lexpan-sion culturelle que celui-ci afficha et que, son tour, Ihistoire a reconnue comme sienne. Donc, pour se faire une ide de la situation rel-le, non seulement de ceux qui dtruisirent Chan-Chan pour sen approprier la culture, mais encore des bases ayant servi lInka pour assurer sa capitale, il nous semble quavant tout, il serait utile de rapporter lhistoire vritable de Cuzco, dont le territoire et la position stratgique de pre-mire importance avaient une valeur considra-ble. Sinchi Cosque, le grand constructeur. A cet effet, il convient de revenir en arrire. Pas-sant rapidement sur les premiers envahisseurs de lAmrique du Sud (lpoque canadienne entre 15.000 et 12.000 avant J.-C.), on arrive aux Caribes et aux Guaranies, venant des Antilles et arrivs dans les Andes, probablement vers 6000 (3). Un peu plus tard vinrent les Arawaks qui dans les Antilles, prirent le nom de Tainos. Venus de la Floride, eux aussi traversrent IAmazonie, et auraient cr (ou dvelopp ?) la

    ville de Tiahuanaco (Lumire agonisante) et Cuz-co, du moins comme position stratgique. Cette chronologie, o nous nentrons pour aucune part, montre bien limprcision des dates. Il est en effet officiellement admis que Tiahuanaco fut construi-te, comme laffirme Georges Vaillant, vers 300 de notre re. Mais il est tout aussi officiellement ad-mis que la ville fut prise par les Queshuas (Paille tordue), lors de leur arrive en 4000. Seule-ment, ces deux relations nont jamais t mises en rapport par les livres didactiques Toujours est-il que, vers 2000, remontant les rivires Magdalena (en Colombie) et Cauca (au Vnzuela), et venant certainement de lAmri-que Centrale, arrivrent les fameux Collas ou Aymaras, occupants actuels de la Bolivie, tandis que les Queshuas vivaient et vivent encore au

    LE TRIMILLENAIRE DE CUZCO Professeur Marcel Homet, depuis 1936 en mission de lEcole dAnthropologie de Paris

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    (1) II nous parait essentiel dinsister tout le pr-sent chapitre se retrouve dans des documents officiels, publis par bribes droite et gau-che, mais notre connaissance, jamais relis pour en faire un ensemble cohrent qui doit permettre dtablir une thorie logique, sappuyant sur des faits concrets et indiscuta-bles.

    (2) II ne faut pas oublier une chose pratiquement inconnue du public, mme cultiv : le mot inca , qui a servi de base aux chroniqueurs pour dnommer lempire dit incaque , na rien voir avec un peuple ou une civilisation sinon, comme ltait le Roi Soleil avec le peuple franais. Car Inka signifie simple-ment en langage queshua : Fils du Dieu solaire .

    (3) Cest toujours la mme chose en archologie prhistorique : 500 ou mme 1000 ans prs, dans de nombreux cas, on ne peut fixer de date prcise.

  • Prou. Et cest l que nous en venons directe-ment Cuzco. On sait que les Queshuas taient les Fils du Soleil , ce qui, dans la langue de ce peuple, se dit Inka . Ce fut entre 1540 et 1500, (toujours avant notre re), que, sous la direction de leur empereur Sinchi Cosque, le grand Constructeur , ils levrent leur capitale, qui le prince donna son nom. La dynastie de Cosque steignit vers 1070, aprs avoir, vers 1200, sou-mis les Chimus, qui se seraient fondus avec eux. En 800, les Aymaras auraient attaqu les Ques-huas, dont le trentime empereur, Lluqui Yupan-qui, aurait t tu lors dune grande bataille vers 780. Et, entre 400 et 100, les villes de Chavin, Paracas et Tiahuanaco auraient t de superbes centres de civilisation andine. A peu prs la mme poque, les Queshuas-Chimus, successeurs (par les Chimus) des Mo-chicas arrivs entre 1200 et 600, attaqurent la ville de Tucuman en Argentine, dont ils sempar-rent sous la direction de leur chef, lempereur Huilcanota. Puis ils inflchirent leur course vers le Chili o, dans une baie, fut cr le centre de Chan-Chan, seconde ville du monde voue au Dieu solaire, et lun de ses reprsentants, le serpent-dragon volant. Et cest probablement cette poque que le 76e empereur queshua, Huayna-Topa (Jeune fougueux), se rendit Cuz-co en partie ruine dans le but de la reconstruire et den faire sa propre capitale, indpendante de Chan-Chan. II choua dans sa tentative. Et il semble quavec un trs petit contingent de ses forces, il se soit dirig vers le lac Titicaca. De-puis, nul nentendit jamais plus parler de lui. Et les Chimus de Chan-Chan dominrent Cuzco et lempire dit incaque . De cet empire, dabord queshua-chimu, puis transform en empire chimu, tait reste sur les rives du lac Titicaca, une petite tribu queshua de 4000 guerriers. Vers 1200 aprs J.-C., son chef Manco Capac dcida de se dlivrer du joug de Chan-Chan. Et lorsque leur prince eut un fils, nomm Sinchi-Roca (Force enveloppante), sa mre Mama Sipuk (Mre ride) eut une ide g-niale : elle attendit que son enfant ait quatre ans et le cacha dans une grotte. Puis elle conta que Sinchi Roca tait all rejoindre son pre le Dieu solaire, ensuite, elle avertit son peuple que len-fant, couvert de pierreries et de riches toffes, serait retrouv dans une caverne. Grce des signes connus deux seuls (?), les sacerdotes queshuas trouvrent lenfant endormi sur le sol. Aux cris du peuple, il se rveilla et dclara : Allons au peuple et je vous rvlerai la volont de mon pre le Dieu solaire, que je viens de visi-ter et qui ma charg de restaurer lantique pou-voir queshua usurp par les Chimus de Chan-Chan. Alors, enfivre, la multitude laccueillit aux cris mille fois rpts de Inka ! Inka ! , autrement dit en langue queshua : Divinit

    terrestre, fils du Dieu solaire . Et toute la tribu marcha sur Cuzco (4). Donc, vers 1360 aprs J.-C., rappelons-le , le nouveau royaume, dont les guerriers taient intelligents et braves, commena de grignoter les royaumes de Chincha, Chuquimancu et de Guis-manen au sud du royaume chimu de Chan-Chan, tous territoires politiquement indpendants, mais culturellement lis cette ville. Au fur et mesu-re de leur avance, les troupes de lInka, qui se renforaient grce aux lments queshuas du royaume chimu, sappropriaient tous les l-ments culturels rencontrs. Et en 1457, lempe-reur inca Tupac Yupanqui sempara de la capita-le chimu pour, tout aussitt, envoyer Cuzco, en des coles prpares lavance, la totalit des ingnieurs, chefs artisans, architectes, artistes, etc., qui prodigurent leur enseignement au peu-ple queshua, sous la domination de lInka. Cest donc, admis officiellement cette fois, sinon communiqu dans les livres didactiques, muses et dictionnaires en 1457, que les em-pereurs incas s engagrent fond, avec ingnio-sit et constance dailleurs, dans la copie de la civilisation chimu. Et les chroniqueurs de la Conquista espagnole, blouis par la magnificen-ce artistique et culturelle qui simposait leurs yeux, la nommeront incaque. Dans toutes les langues, des milliers dcrivains stant copis et recopis les uns les autres, lempire chimu de Chan-Chan disparut totalement de lHistoire. Or, cette culture dite incaque, initie en 1457, disparut en 1535 lors de la prise de Cuzco par Pizarre... Elle avait donc dur, en tout et pour tout : soixante-dix-huit-ans ! Ensemble de notions faire hurler bon nombre sinon tous damricanistes chevronns. Et pourtant, cest vrai : lempire des Incas, fausse-ment dnomm incaque , navait pas plus le droit de porter ce nom que ne laurait eu la Fran-ce de se nommer la Louis XIV ... Mais que faire contre une tradition vieille de prs de cinq sicles ? Je ne voudrais pas que, dans cette modeste pr-sentation dune partie de lhistoire ancienne de IAmrique du Sud, lon imagine que je sois sys-tmatiquement contre toute science officielle, sentiment qui serait la fois faux et ridicule. Tou-tefois, plus peut-tre que tout autre, par les quarante annes de lutte que jai entreprise contre les ngations a priori , je sais combien

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    (4) II est naturellement trange et cela confir-me les paroles de Saint Augustin de ren-contrer sans cesse au cours de la civilisation solaire (comme chez les Mayas avec Hu-nach-Pu), les mmes faits qui caractrisent le dbut de la religion chrtienne

  • il est difficile de se rtracter pour des hommes ayant honntement bti leur uvre sur des ba-ses quils croyaient exactes. Aussi bien, je tiens souligner ici quelques noms de savants, clbres ou non, qui ont eu le courage de se battre, en apportant des preuves, contre cette tradition erro-ne : les Allemands Max Uhle, Hermann Leicht, Heine-Geldern, lAmricain Kostock, le Franais Dchelette, etc. Le Professeur Hermann Trim-born, directeur des Etudes Amricaines de lUni-versit de Bonn et Prsident du Congrs des Amricanistes de Stuttgart-Munich en 1968, m-crivit : Au sujet de vos recherches sur la civili-sation de Chan-Chan, jestime quelles sont fort intressantes et que vous devez les publier... O lon retrouve le dragon volant. Peut-tre se demandera-t-on pourquoi jinsiste sur laspect douteux de cette tradition ? Tout sim-plement pour appuyer les preuves que jai pu moi-mme retrouver, lorsque mon ami le Profes-seur Manuel Chavez Ballon de lUniversit de Cuzco et Inspecteur gnral des Monuments Historiques du Prou, ma communiqu ses extraordinaires dcouvertes, lesquelles, pour tre officielles, nen sont pas moins compltement inconnues... mme au Prou ! Un jour donc, en 1963, alors que dans lair pur de la capitale prs de 4000 mtres daltitude , nous discutions du grand pass queshua, mon ami me montra, accroch lun des murs de son bureau, une vaste carte de la ville strie de lon-gues lignes rouges. Voyez-vous le Lion solaire ail ?, me de-manda-t-il. Certes, lui dis-je, mais je pensais que la repr-sentation solaire, dans les anciens temps, tait le dragon et non le lion... Vous avez raison ! Toutefois, il est une chose, dailleurs assez peu connue, quil faut savoir. Au

    dbut des temps, le dragon tait le pre la fois du Soleil et de la Lune. Plus tard, lorsque le So-leil sera le Grand Dieu , le dragon ail comme le lion ail passeront tre son reprsentant. Dailleurs, ajouta-t-il, sur les normes statues que vous avez rencontres entre 4 et 5000 mtres daltitude dans la rgion de Huaraz, et qui repr-sentent le dieu Wotan-Odin, vous y avez vu, avec le serpent, le lion solaire qui, toujours, accompa-gne le dieu (5). Egalement Chavin, vous ren-contrerez la fois le dragon et le lion qui, tou-jours, sont insparables... tout comme dans lan-cienne civilisation chinoise, dailleurs. Cest exact, enchanai-je, et ces mystres sont encore loin dtre expliqus. Malheureusement, mais que voulez-vous, cela heurterait trop de thories fortement enracines. Tenez, attendez un instant... Et dun crayon rapi-de, Chavez Ballon dessina pour moi le motif dont on retrouvera ici la reproduction rigoureusement exacte. Aucune quivoque nest possible, le sens en est trs net : les constructeurs de Cuzco, comme leurs frres des antiques civilisations, ont pris leurs bases dans les signes zodiacaux, qui sont les plus anciens symboles connus de la civilisation mgalithique. Irritantes pyramides. A ce sujet, je dsire ouvrir une parenthse appor-tant quelques dtails en dehors de mon thme, mais qui montreront combien la science prhisto-rique la plus appuye est prcaire dans ses diktats . A ma connaissance, il ny a pas encore de tho-rie mgalithique clairement formule, sinon que ces monuments seraient des tombeaux et forme-raient en quelque sorte, un monde part com-portant lEurope et lAfrique. Et, en principe, il ny aurait pas de mgalithes en Amrique. Pour ce qui est des pyramides, celles de lAncien Monde seraient toutes, toujours selon les diktats , diffrentes de celles de lAmrique. Prenons dabord les mgalithes. En tant quarchologue de lUniversit dAlger, jai personnellement tudi les milliers de mgali-thes de lAlgrie. Par ailleurs, jai tudi ceux de Bretagne, et je ne sache pas quon y ait ren-contr de tombeaux... lexception de ceux que lon pourrait mettre en comparaison avec celui du Soldat Inconnu sous IArc de Triomphe,

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    Un dolmen de la rgion de Cuzco.

    (5) Les lgendes et traditions, tant de IAmrique Centrale que dans la civilisation queshua-chimu, sont formelles au sujet de larrive, passant par les Antilles, du Dieu Wotan-Odin avec ses symboles du dragon et du lion.

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    Ci-dessus, la cadran solaire de Sacsahuaman.

    En bas, les trois tages cyclopens de Sacsahuaman, formant les dents du lion ail.

  • et de quelques autres dans les anciennes cath-drales. Et dans les centaines de mgalithes que jai dcouverts en Amrique du Sud, je nai ja-mais rencontr un seul tombeau. Mais tous les mgalithes europens, africains et amricains sont rigoureusement identiques entre eux. Les photographies sont formelles. Do la question : comment des peuples ayant vcu de 2 4000 ans avant notre re, auraient-ils pu, sans la moindre communication entre eux, crer de tels monuments ? Et si cette communi-cation a exist, quels peuples actuellement dis-parus auraient pu laisser en hritage une telle civilisation ? On dira lAtlantide, ou quelque nom quon veuille bien lu donner. Pourquoi pas ? Car pour une civilisation mondiale, il faut bien quil y ait eu une base unique avec des moyens de communication. ... Dautant plus que les mmes mgalithes, accompagns de pyramides, se re-trouvent sur llle de Pques ! Venons-en aux pyramides. Ceci est un fait concret, indiscutable : toutes les pyramides de Chine, du Proche et du Moyen Orient, dAmrique Centrale et du Sud, de Ile de Pques et de Polynsie, ont deux noms en com-mun : tepe et wa . Dans ce domaine, je nai rien dcouvert, sinon que les diktats ont cach ces relations ! Et jajouterai que les douze tepe placs circulairement sur le pourtour de llle de Pques, ont au centre un volcan nomm va . Lensemble formant un cromlech zodia-cal, rigoureusement identique celui de Cuzco (6). Ceci tant, quand et comment les pyramides asiatiques, amricaines et polynsiennes ont-elles pu recevoir les mmes noms, tre construi-tes sur des bases identiques (jen possde les plans) et, dans certains cas, tre difies sous forme de mgalithes ? Dira-t-on encore lAtlanti-de, ou quelque autre continent ? Impossible ! disent les diktats . Soit, mais alors... ? Cuzco est un cromlech. Comme on le voit, les mgalithes et les pyrami-des nous ramnent Cuzco, ce Cuzco qui naurait t construit que par un quelconque Inka , environ 1400 ans aprs le dbut de notre re... Car Cuzco est, en fait, un cromlech ! On sen rend aisment compte en se reportant au dessin du Professeur Chavez Ballon, qui a parfaitement relev, en un cercle irrgulier mais rel comme llle de Pques , la situation des douze villages actuels, mais antiques, repr-sentant les douze pierres leves mgalithi-ques dont chacune se rapporte lun des signes du zodiaque (7). Et le menhir lui-mme ne manque pas Cuzco... ou plutt ne manquait pas, puisquil tait reprsent par une petite pyramide actuellement disparue, et voue au Dieu solaire (8).

    Mais les Queshuas ne limitrent pas leur travail lexpression mgalithique, ils allrent plus loin encore dans le temps. Par exemple, on se sou-vient que les Mayas et pas seulement eux crivaient dans le Popol-Vuh, quil y eut jadis quatre dluges dans le monde, chacun deux sparant des poques compltement rvolues, la cinquime tant la ntre. Aussi bien, poussant leur reprsentation solaire lextrme, les Ques-huas dabord, les Incas ensuite, avaient reli Cuzco les douze quartiers priphriques de la ville par un systme de douze routes principales, douze secondaires et douze tertiaires, en tout trente-six chemins, lesquels, parfaitement cadas-trs, sont rests peu prs intacts jusqu nos jours. Et ce nest pas tout. Examinant le plan de Cuzco, nous y voyons, en haut gauche, une triple muraille cyclopenne, en partie constitue de blocs pesant jusqu 200 tonnes, parfois leves la hauteur dun troisime tage. Cette forteresse qui se dresse au-dessus de Cuzco, cest Sacsahuaman, et elle reprsente parfaitement la range de dents du Lion solaire.

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    (6) Les cromlechs sont des monuments circulai-res mgalithiques bass sur le zodiaque.

    (7) Je ne pense pas que lon soit arriv une dtermination exacte concernant lapplication dun signe zodiacal particulier une pierre leve dtermine. Naturellement, tous les cromlechs possdent en leur centre un mo-nolithe lev dnomm menhir. Le plus haut qui soit connu a une hauteur de 22 mtres, et se trouve en Russie.

    (8) Cette petite pyramide (ou du moins son em-placement) fut dcouverte par les Domini-cains occupant actuellement lemplacement de lancien temple solaire inca Cuzco, Ce fut un ancien manuscrit qui leur procura ce renseignement, et quils eurent la bont de me communiquer lors de mes deux sjours dun mois, o je fus leur hte.

  • Par ailleurs, le centre du cercle zodiacal bti au sommet de Sacsahuaman, et qui montre un soleil aux douze rayons, nous apporte lil du flin en B . En C nous avons des terrasses forti-fies simulant les oreilles, et en D lextrmit de la queue. G-H-I reprsentent les pattes et laile, alors quen F tait le cauricaucha , centre de tout le systme. Pour terminer cet ex-pos et revenant aux quatre mondes dcrits dans le Popol Vuh il faut noter qu Cuzco dbutent les quatre chemins, reprsentant les quatre parties diffrentes de lempire des Incas, et ayant respectivement comme noms : Qolle-suyu. Cuntisuyu, Antisuyu et Chinchasuyu. Comme on le voit, les chiffres 12 zodiacal et 4 des Mayas-Quichs et des Aztques, posent un

    problme qui, malheureusement, na jamais t srieusement scrut, retirant notre connaissan-ce de lancienne civilisation amricaine des ba-ses documentaires dun indiscutable intrt. Et le temple du Soleil ddi Wotan continue toujours dominer le monde queshua daujourdhui, com-me il le faisait il y a au moins 3500 ans. (9)

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    (9) Le Professeur Marcel F. Homet est lauteur du livre A la poursuite des dieux solaires , paru chez Denol en 1972. Mais son best-seller, Les Fils du Soleil , qui en est sa dixime dition internationale, est toujours indit en franais. Nous y reviendrons en dtail dans nos prochains numros.

  • lA Belgique mysterieuse

    Tout dabord, nous allons passer en revue quel-ques gnralits au sujet de ces constructions prhistoriques. Nous crivions donc que la civili-sation mgalithique se retrouve dans le monde entier. En effet, la France y compris la Corse , IEspagne, lAngleterre, lIrlande en sont plus que gnreusement fournis. Nous remarquerons encore un groupe form par la cte est du Dane-mark et le sud-ouest de la Sude. LAllemagne est aussi riche en mgalithes, de la Prusse orien-tale la Hollande et cette zone descend jusqu la Westphalie. Quelques pierres leves se rencontrent galement cheval sur le Jura bernois et franais ; en Italie, cest la Lombardie et la rgion de lOtrante et surtout la Sardaigne qui prsentent de magnifiques sujets. La civilisa-tion mgalithique stend aussi lAsie. Aux In-des, nous rencontrons un groupement important dans le Dekkhan, et il en existe sur toute la ban-de ctire occidentale jusqu Ceylan. Dautres sont reprs au Tibet une altitude voisine de 6.000 m. La Core se caractrise par une rpartition dnormes dolmens aux poids spectaculaires puisque Iun des dolmens de Ha-Heun (Soul) a des montants pesant chacun une vingtaine de tonnes et la table plus de 60.000 kilos. Au Moyen-Orient, la Jordanie compte plusieurs centaines de dolmens. En Afrique, la concentration la plus importante se situe dans le Mahgreb, les rgions de Sousse en Tunisie, de Marrakech et de Taza au Maroc On en dcouvre aussi en Abyssinie et en deux r-gions remarquables du Soudan. Aprs ce survol de la distribution gographique mondiale des mgalithes, voyons maintenant quels sont les divers types de pierres leves. Avant tout, nous trouvons le menhir, simple pier-re, taille ou brute, mais fiche verticalement

    dans le sol. Quand on voit plusieurs menhirs groups et dont limplantation forme une figure gomtrique quelconque, on est en prsence dun cromlech. Celui-ci dlimite une surface sou-vent circulaire, parfois elliptique, demi-circulaire ou encore rectangulaire. Un alignement est, par contre, form de menhirs dresss en file unique ou en files parallles. Plusieurs blocs verticaux et couverts par une dalle pose horizontalement constituent un dol-men. Remarquons galement le monument for-m par deux pierres qui supportent la table ou dalle horizontale : il sagit alors dun trilithe. Ds que plusieurs dolmens sont accols les uns aux autres, ils constituent une alle couverte. II existe aussi des dolmens dont la table repose, dun ct, sur des pierres-supports et, de lautre, sur le relief du terrain : on les nomme dans ce cas cistes . Enfin, il y a des pierres branlantes qui, vraisemblablement, sont des roches naturel-les dont les caractristiques ont t accentues par la main de lhomme (1). Les dolmens et menhirs sont donc constitus de blocs de pierre peine dgrossis, mais monts intelligemment, quil sagisse de leur implantation ou de leur construction. Toutefois, dans certains cas, des lments peuvent tre faonns : le dolmen de Gavrinis en Bretagne est lun des plus magnifiques dEurope et, dans nos rgions, le dolmen de Solwaster (Spa) possde un creux grav en forme de charrue primitive sur le dessus de la table. (2). Nous nous en tiendrons l pour ce qui est de la thorie, bien que ce soit encore elle qui va intro-duire notre premier site mgalithique belge. En effet, il est remarquable de noter les diverses appellations populaires donnes aux pierres le-ves. On trouve une foule dexpressions du ter-roir qui ne sont, en principe, que les reflets des

    LEMPREINTE DES MEGALITHES

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    Le but rel de cette srie darticles est, avant tout, de faire dcouvrir aux lecteurs des sites mconnus, voire ignors Nous pensons que les mgalithes offrent un intrt essentiel pour lhistorien, non seulement concernant la Belgique ; en effet, notre pays sintgre dans une vritable civilisation mgalithique dont on trouve des traces dans le monde entier. La Bretagne ne possde pas le monopole des pierres leves. Aussi, et nous insistons, le lecteur pourra, sa convenance, se dplacer par un bel aprs-midi et admirer Iintrieur de nos frontires, des spcimens intressants.

  • lgendes ou des coutumes, attaches de tous temps et en tous pays, aux menhirs et aux dol-mens (3). Les superstitions ne sont jamais car-tes ; ainsi on parle de fes, de gants, de nains, de saints chrtiens et mme de Satan, comme nous le rapportent MM. Willy et Marcel Brou dans Chausses Brunehaut , propos de la Pierre du Diable de Weillen : Le dmon enleva cette pierre dresse dans une campagne voisine, en direction de Falaen, et la posa prs du ruisseau pour sy reposer ; iI y laissa les traces de sa tte, de ses bras et de son sige. Cette campagne voisine sappelle encore de nos jours s mners , cest--dire au menhir (4). Nous reviendrons plus tard ces diverses dno-minations, car elles peuvent nous mettre sur dif-frentes pistes quant aux hypothses drection des mgalithes. De toutes les appellations populaires, nous en retiendrons une actuellement : la pierre-qui-tourne. Une pierre-qui-tourne est constitue gnrale-ment dun support naturel ou enfonc dans le sol, surmont dune dalle circulaire et aplatie. II est malheureusement vident que ces dalles sont le plus souvent disparues de nos jours, soit quelles aient t dtruites soit dplaces. Ce type de mgalithe est ml troitement aux lgendes car des forces occultes les influenaient non moins troitement, le rsultat tant une giration de la dalle suprieure sur son support. Tel est, grosso modo, le cas de la pierre-qui-tourne de Virginal-Samme, quoiquil sagisse avant tout dune pierre lie lexistence des

    sorcires. Sorcires, druidesses ou Satan : nous ne ferons que souligner le dnominateur com-mun. Imaginez un instant les sorcires dansant autour de la pierre. II est certain quelle pivotera sur son axe. Celle de Virginal-Samme nchappe pas la rgle, puisque la table pivotait, selon la lgende, aux solstices et aux quinoxes ; de plus, elle nintresse que les bons esprits. Au dbut de ce sicle encore, on aurait pu vous ra-conter la lgende suivante : les mnagres, fati-gues de laver elles-mmes leur linge, navaient qu le dposer le soir sur la table des sorcires pour tre assures de ly retrouver lav le lende-main matin. Quel slogan ! A donner des cheveux blanc-neige aux services de publicit des mar-ques ce dtergents. Le petit bois des rocs qui longe la route reliant Virginal Ronquires ne prsente aucun panora-ma. Tout est en profondeur et surprend par ses aspects dchiquets et sinistres. Ds que vous arrivez Iendroit o la route tourne angle droit vers la droite, le canal de Ronquires dans le dos, vous vous arrtez. Parquez le vhicule et armez-vous de bottes : le sentier qui vous mne-ra la pierre dbouche dans le coude form par la route et suit le grand axe du bois des rocs. Dsormais, faites attention latmosphre qui rgne : un ruisseau tortueux vous guide sans autre difficult que les multiples ornires. Ce ruis-seau a creus, au cours des sicles, un ravin sauvage que rappellent la civilisation les quel-ques machines laver peut-tre une dernire offrande aux sorcires jetes du haut de la falaise. Des pitons rocheux vous regardent, dres-ss et massifs, affleurant ou surgissant du sol gras couvert dhumus. Lhumidit pntre vos

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  • vtements et il vous est agrable et rconfortant de vous rappeler que le bois des rocs se trouve dans la premire catgorie des sites les plus intressants de Belgique, pour des raisons golo-giques, botaniques et archologiques. II fut clas-s en 1916 par la Commission royale des Monu-ments et Sites. Sur Virginal-Samme, on trouve en effet cinq systmes gologiques diffrents :

    du bruxellien sur le plateau de la Bruyre,

    de lyprsien au Jacquier et au Bouton-Rouge, du gedinien la lisire nord, le long de la Sennette, de Samme Fauquez, du plutonien qui affleure sous forme de porphyrode, dans le vallon encaiss. (5)

    II est curieux de constater que le porphyre, roche ruptive, est beaucoup plus dur que les couches rocheuses environnantes et a mieux rsist lrosion. A plus ou moins 400 m de la route et droite du ruisseau, vous trouvez la table des sorcires. Elle est parfaitement circulaire, taille grands coups : elle accuse un diamtre de 1,80 m et une paisseur constante de 40 cm. Sur la face sup-rieure du cylindre, on peut remarquer une lgre dpression. Il est toutefois certain quil ne sagit pas dune meule de moulin : la pierre nest pas troue de part en part. Elle repose actuellement sur trois effleurements rocheux. Ses mensura-tions sont identiques celles de la pierre-qui-

    tourne de Braine-lAlleud (6). Au nord de la pierre et sur la falaise, se perche un peron ro-cheux en quartzophyllade dpassant de 1,50 m, une altitude avoisinant 90 m. Vraisemblable-ment, ce rocher tait laxe, ou le support, du m-galithe. Nous pouvons penser que la dpression que Ion voit sur la pierre tait un orifice de blocage, quand elle chapeautait son support. Mettons en exergue que la table des sorcires

    na rien de commun dans sa composition golo-gique avec les roches avoisinantes. Un fait est souligner et se rapporte aux lgendes nous rap-pelant que lon avait accroch une petite chapelle au versant de lescarpement, destine exorci-ser le lieu ; cette chapelle fut le rendez-vous de maints amoureux des environs. Trouver un difice religieux proximit de mga-lithes nest pas rare. Dans ce cas-ci, le phnom-ne religieux se scinde en deux stades : dabord exorciser lendroit et ensuite inviter les amoureux une sorte de plerinage bnfique. En effet. daprs la lgende, notre table des sorcires et ces dernires plus particulirement, taient bien disposes vis--vis des humains ; ds que le site fut christianis, il y avait, ds lors, deux bonnes raisons dinvoquer, par la frquentation du bois aux rocs, la gratitude des dieux. Ce phnomne religieux se rencontre souvent, et le christianisme est ml intimement aux anciennes croyances : un culte ne chasse pas lautre, au contraire, ils coexistent durant de longues priodes. De nos

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  • jours, pour la sauvage beaut du bois, il est re-grettable que la petite chapelle ait disparu, ron-ge par le temps et dlaisse par les hommes. Pour en revenir Iempreinte qua laisse la culture mgalithique en Belgique, il est particuli-rement intressant de constater que le site de la table des sorcires sinscrit rigoureusement dans une gomtrie spciale que lon nomme thorie des alignements mgalithiques : Cette pierre se trouve, en effet, exactement au sud-ouest de la pierre-qui-tourne de Braine-lAlleud, avec une prcision telle quun observateur plac cet en-droit voit le soleil du 21 juin (solstice dt) se lever sur le point culminant de Braine-lAlleud, o se dressait autrefois la pierre-qui-tourne de cette localit . (7) Nous reviendrons plus tard, et en dtail, sur les grands principes de cette thorie. Avant de terminer ce premier article, nous aime-rions revenir sur la composition gologique de la pierre du bois aux rocs. Pour cela, il faudra nous faire violence et admettre un court instant que les lgendes reposent sur des faits rels donc cer-tains mgalithes peuvent se mouvoir suivant une giration, reste dfinir par quel moyen ils rus-sissent tourner. Le minerai dans lequel on a faonn la pierre est un porphyrode, or le por-phyre contient de lhornblende noirtre et des

    grains de peroxyde de fer. Ces derniers peuvent trs bien se magntiser ; si la concentration de peroxyde de fer est forte, ne pourrions-nous pas imaginer que, dans des conditions optima tant mtorologiques quambiance magntique, il soit possible que la pierre se charge lectriquement ? De plus. le support de la table est du quartzo-phyllade ; or, le quartz est dou de proprits pizo-lectriques. Ce phnomne est rversible et permet de transformer des vibrations mcani-ques en oscillations lectriques et inversement. La mise en contact de la table et de son support suggrerait quil y ait des vibrations mcaniques se traduisant par la rotation de la pierre. De m-me, cette charge lectrique pourrait fournir une hypothse quant lrection des mgalithes : une sorte de mana, chre Francis Mazire. Cest ce que KADATH est en train de vrifier, dans un premier temps, par lexpertise dchantillons minralogiques du ravin du bois des rocs. Nous tiendrons le lecteur au courant des rsul-tats des premires analyses.

    ROBERT DEHON.

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    (1) Dolmens et menhirs, Fernand Miel - QSJ. (2) Chausses Brunehault, Willy et Marcel Brou - Ed.

    Techniques et Scientifiques, 1050 Bruxelles. (3) Dolmens et menhirs, F. Niel - QSJ. (4) Chausses Brunehault, W. et M. Brou - ETS. (5) Revue Brabant 2-1972, W. et M. Brou. (6) ibid (7) Le Secret des Druides. W. et M. Brou - ETS.

    Documentation gnrale (premire partie) : Menhirs et dolmens, P.R. Giot - Ed. Jos le Doar. 40.000 ans dart moderne, J.A. Mauduit - Plon. Les gants et le mystre des origines, L. Charpentier - Laffont. Astronautes de la prhistoire, P Kolosimo - Albin Michel. A identifier J.G. Dohmen - Travox

  • Civilisations effondrees

    Dcouverte dune nouvelle mer. La conqute du Pacifique par les Occidentaux connat sa premire origine dans la redcouverte de lAmrique du Sud par Christophe Colomb, lors de ses troisime et quatrime voyages (1). Ds lors, ce fut la course vers le Nouveau Mon-de comme lcrivit le Florentin, Amerigo Ves-pucci. La lettre de Vespucci fut reproduite dans le Cosmographiae lntroductio de Martin Waldensee Muller, qui le premier, suggra que lon devait baptiser America , ce continent dcouvert par Colomb. Aprs les Dcouvreurs, arrivrent les Conqu-rants (Conquistadores). Cest lun deux, Vasco Nuez de Balboa, que revient lhonneur dtre le premier avoir dcouvert la Mer du Sud, dont il prit possession au nom des hauts et puis-sants Rois de Castille (1513). Le Pacifique ayant t aperu , iI tait prt recevoir les explorateurs. Ce fut un Portugais. Fernando de Magalhaes, qui le premier, en 1520. osa saventurer sur ce quil appela EL Mar Pa-cifico . En traversant le dtroit qui porte son nom, Magel-lan entama un problme ancien et pourtant nou-veau : celui de la Terra Australis Incognita. Ce continent austral inconnu a hant limagination des gographes pendant plus de deux millnai-res. Recherche dun confinent austral. Les savants incrdules des XVe et XVIe sicles durent se rendre lvidence : la terre semblait tre ronde. Le monde occidental se rendit comp-te quune partie considrable de la sphre navait pas encore t explore. De vastes espaces restaient entirement inconnus. Etait-il croyable quils furent tout fait couverts deau ? Le voya-ge de Magellan napporta aucune preuve. Avec une malchance dconcertante, il traversa le Paci-fique jusquaux les Mariannes sans rencontrer de terres importantes (2).

    Pourtant, Iide dun continent austral remonte trs loin, crit Moorehead (3), et Marco Polo en parle au XIIIe sicle. On pensait quune importan-te masse de terre devait exister dans le sud pour contrebalancer les grands continents de lhmis-phre nord sinon le monde aurait bascul sur lui-mme. Le mythe du continent austral a, au cours de deux mille ans, subi de nombreuses transformations, telles que nen eut certainement aucun autre lieu gographique. De nombreux documents et cartes anciennes le confirment. Hipparque, Ile sicle av. J.-C., considr comme le plus grand astronome de lAntiquit, situait la pointe septentrionale de son cont