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jusqu’au ciel
Le français donne des ailes. Un récit comme matériel scolaire. travail de maturité
semestre de printemps 2017 – semestre d’automne 2017
auteur : Vivian Kessler
conseillère : Martine Vetterli
école : Kantonsschule Limmattal
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Contenu
I. Introduction ....................................................... 3
II. But ..................................................................... 3
Idée ...................................................................................................................................................... 3
Données du problème ......................................................................................................................... 4
III. Processus ......................................................... 5
Définition des sujets grammaticaux .................................................................................................... 5
Élaboration de l’action ........................................................................................................................ 5
Écriture ................................................................................................................................................ 6
Réécriture ............................................................................................................................................ 6
Autres ajouts ....................................................................................................................................... 6
IV. Travail final ...................................................... 8
Grammaire .......................................................................................................................................... 8
Vocabulaire .......................................................................................................................................... 9
Universalité et possibilité de l’identification ....................................................................................... 9
Actualité .............................................................................................................................................. 9
Art ...................................................................................................................................................... 10
V. Propositions de travail en classe ...................... 13
VI. Matériel ajouté ............................................... 15
Les cartes ....................................................................................................................................... 15
Composition .................................................................................................................................. 17
VII. Bibliographie ............................................... 18
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Le français donne des ailes. Un récit comme matériel scolaire.
I. Introduction Ce travail est le commentaire écrit sur « jusqu’au ciel », un récit qui sert de matériel scolaire.
Ses chapitres rapportent les raisons de la création du récit, sa réalisation, ils analysent le travail final et
expliquent comment l’utiliser. En annexe, on peut trouver l’indication des sources utilisées.
II. But
Idée
Pourquoi une élève écrit-elle un matériel scolaire comme travail de maturité ?
Bien qu’il y ait eu sept ans, je me souvenais toujours de ma première heure de cours de français.
Notre professeur l’avait ouverte en dissuadant de prendre cette langue à la légère : il nous avait expliqué
que le français était un langage très compliqué et que celui qui se perdait une fois ne pourrait jamais
intégrer de nouveau.
Déjà, toute la classe avait eu peur. Nous nous étions alors efforcés d’être attentifs et de comprendre
cette langue surmenante, mais nous avions craint qu’un jour, nous ne puissions plus suivre le rythme
de cette formule mathématique.
La matière préférée de la plupart avait été l’anglais. On nous avait dit qu’il s’apparentait à
l’allemand, qu’il était donc très facile. Et nous avions tôt appris qu’on devait savoir le parler si on voulait
trouver d’emploi, que les chansons cools provenaient des États-Unis et que nos parents étaient capables
de communiquer avec lui dans tout le monde. Ainsi, presque tous avaient été pleins de motivation à
l’apprendre.
L’anglais avait été présent toute notre vie, tandis qu’on s’était de plus en plus demandé pourquoi on
apprenait le français. Nous avions été fiers que nous puissions comprendre le texte de notre chanson
préférée ou parler aux gens de tout le monde, le français nous avait par contre permis de chanter
« Salut, ça va ? » ou commander un thé froid au restaurant (« Pardon ? Voudriez-vous un Ice Tea ? »).
Nous avions donné la grammaire anglaise pour moyen de parvenir à ses fins. Elle nous avait semblé
utile. La grammaire française avait paru être la fin. Les exercices avaient rappelé le cours de
mathématique : ici un accord, là un accent, et un trois à l’examen parce qu’on les avait oubliés. Nous
n’avions pas su comment en profiter.
Cette différence me dérangeait. J’avais toujours senti que le français était plus que des accords
et ses déclencheurs. Mais seulement à quinze ans, quand j’avais lu mon premier livre français, j’avais
découvert ma fascination. Dès ce moment, je savais que le français était plus que « utile ». Il devenait
une toute nouvelle forme de m’exprimer, beaucoup plus élégante que des autres langues. Il était d’art
pour moi. Mais mon attitude aurait dû changer plus tôt.
Le décembre 2016, j’ai dû choisir le sujet de mon travail de maturité. J’ai immédiatement su que je
voulais découvrir comment on aurait pu soulever ce changement d’attitude. Le but de mon travail était
alors de créer un matériel scolaire qui pouvait enthousiasmer pour la langue française.
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Données du problème
Qu’atteindre ?
Mais comment le faire ? À mon avis, le cours de français était longtemps trop théorique. Pour
cette raison, je me suis mis au défi d’écrire un matériel scolaire qui enseignait la grammaire sans qu’elle
soit à l’honneur. Il devrait montrer les applications de la langue française, de sorte qu’elle devienne
aussi "moyen de parvenir à ses fins". Il devrait susciter l’envie de l’utiliser.
Ce but n’était pas le plus facile, il fallait donc trouver une forme appropriée. Je ne voulais pas
que mon matériel montre seulement une application du français. Il devrait contenir le plus possible
d’aspects pour qu’il plaise au plus possible d’élèves.
Ma conseillère a eu la bonne idée : elle m’a proposé d’écrire un récit. Il est pour ainsi dire l’application
directe d’une langue, alors très pratique. Et il laisse libre cours à la fantaisie. C’était important de trouver
une forme qui laisse de la latitude, comme je voulais unir autant d’aspects dans mon matériel scolaire.
Les points à intégrer étaient la grammaire, une action captivante et à la fois universelle qui laisse
la possibilité de s’y identifier, et des autres formes d’art. Tout ça devrait permettre à un élève de trouver
au moins une face intéressante et de l’enthousiasmer.
Mon récit s’adresserait à des jeunes entre 14 et 16 ans, donc aux élèves de la neuvième année scolaire.
Pourquoi ? À cette époque, les élèves connaissent le fondement de la langue et peuvent comprendre
un texte, mais n’ont pas encore appris des éléments stylistiques qui enjolivent un récit.
En plus, une nouvelle période commence à cet âge. On change la classe ou parfois l’école, et on est
souvent prêt pour des nouvelles attitudes, par exemple envers une matière.
En outre, je croyais que cet âge apportait beaucoup de sentiments qui s’amassaient et qui devaient être
exprimés.
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III. Processus
Le premier pas
Définition des sujets grammaticaux
Comme je n’étais pas capable de changer le fait que la théorie prime dans la 9ième et 10ième classe,
la grammaire devrait être la base de mon matériel scolaire. Le premier pas de mon travail était donc de
définir les sujets grammaticaux que je voulais y traiter.
Pour cela, je me suis fortement orientée au matériel scolaire qui était utilisé à mon école pendant les
années scolaires 9 et 10 : le Cours Intensif 2 et 31. En outre, j’ai ressorti mes propres documents de la
9ième et 10ième année et me suis demandé quels chapitres étaient importants pour moi-même.
Élaboration de l’action
Le canevas du travail
Le prochain pas était d’élaborer une action « captivante et universelle qui laisse la possibilité de s’y
identifier » qui enseigne à la fois la grammaire.
L’action devrait être applicable à la réalité, au monde actuel, à la vie humaine. Pour trouver un
conflit convenant et intéressant, j’ai pensé à ma propre vie. Qu’est-ce qui m’occupait, qu’est-ce que
j’avais appris dans les seize ans de ma vie ?
Je savais que j’étais une personne qui aimait la structure, les nombres, les règles. Que j’aspirais à
atteindre la perfection. Cette qualité avait apporté non seulement des avantages, mais aussi des
conséquents négatifs dans ma vie. Dans mon récit, je voulais donc mettre en garde contre les dangers
de cet amour.
Après de définir ce conflit principal, j’ai dû m’imaginer une situation qui en raconte, mais sans
être trop spécifique. On devrait être capable de l’appliquer à beaucoup de choses. Ce pas a été très
difficile. L’idée fondamentale m’est venue une soirée toute normale, sans que j’aie pensé à mon travail,
après des semaines de peur qu’elle ne vienne jamais. Mon histoire devrait traiter d’une fille qui
vieillissait à chaque moment heureux.
L’intrigue était donc créée. Elle comportait l’universalité que j’avais cherché.
Pour cultiver l’action, j’ai considéré la grammaire que je devais incorporer au matériel scolaire.
Je voulais mettre dans chaque chapitre de mon récit un autre sujet grammatical en exergue. Je me suis
fixé l’objectif de l’intégrer sans qu’il semble forcé, comme elle ne devrait pas être le cœur du matériel
scolaire.
Les sujets grammaticaux devaient s’adapter à l’histoire. Parfois, cela était un appui : dès l’origine, il était
clair que la protagoniste raconterait de son passé dans le premier chapitre.
En outre, j’ai considéré que l’action devrait contenir de l’actualité. Un sujet très actuel en Suisse est
l’aide à mourir, alors la question de la détermination de l’heure du décès. En inspirée, j’ai inventé le
personnage du docteur.
1 Wolfgang Spengler, Dieter Kunert. Cours intensif. Französisch als 3. Fremdsprache / Grammatisches Beiheft 2.
Lernjahr.
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Ce que j’avais sous-estimé était la durée de perfectionner l’action. Entre une idée principale et
une conception précise, il y a beaucoup d’espace. Pour la développer, je parlais à beaucoup de gens de
mon idée, et après chaque conversation, elle devenait plus claire.
Mais la première semaine des vacances de printemps, je n’avais toujours rien écrit comme il me fallait
autant de temps d’exposer l’action. Cela m’inquiétait beaucoup, mais rétrospectivement, je suis
contente que je me sois pris mon temps.
Écriture
Décorer la charpente
Quand j’ai finalement commencé à écrire, j’avais d’abord beaucoup de difficultés. Mon vocabulaire était
rouillé et il me paraissait très difficile formuler des belles phrases. Mais petit à petit, l’écriture et moi
devenaient familières, et le travail me plaisait de plus en plus.
Tout d’abord, j’avais fait un plan quand j’écrirais. Mais j’ai rapidement changé ma stratégie. Je n’étais
pas toujours capable de travailler au récit. Je sentais quand j’étais dans un jour créatif. Ces jours, je
pouvais écrire pendant des heures, tandis qu’autres jours, ma tête restait vide. Mon récit se développait
ainsi par phases.
L’action détaillée que je m’étais imaginé changeait en écrivant. Mes caractères s’épanouissaient, l’image
de mon histoire devenait plus claire. Cela était nécessaire. Si j’avais procédé selon les plans, l’action
n’aurait pas vécu.
Réécriture
Corriger et améliorer
Après les vacances d’été, j’avais écrit neuf de dix chapitres. L’étape de revoir et de corriger mon texte a
commencé.
Ma conseillère m’était d’un grand apport. Elle m’a montré comment châtier mon travail.
Un exemple :
Phrase originelle : Tout ce qui est resté normal était ma taille.
Phrase améliorée : La seule chose restée normale, c’était ma taille.
La réécriture a rendu ma touche beaucoup plus courante et moins gauche.
Ma conseillère m’a aussi montré comment éliminer le pathos. J’avais toujours eu peur que mon récit ne
soit pas assez clair, j’avais cru que je devais tout expliquer. Mais elle m’a prouvé qu’un texte devait
laisser d’espace de réflexion et d’interprétation.
La réécriture m’a beaucoup enseigné, de sorte que je suis finalement contente avec mon travail.
Autres ajouts diversifiant
Mon matériel scolaire devrait par tous les moyens être attirant. Le meilleur matériel scolaire est aussi
incapable d’enthousiasmer un élève s’il est monotone. Comme la variété de mon récit m’importait
beaucoup, je voulais que tout le matériel scolaire devienne diversifié. Après d’écrire la grande partie du
récit, je me suis donc décidé à faire des illustrations et de composer un morceau.
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Illustrations
La première impression statue sur l’attitude avec laquelle nous lisons un texte. Pour cette raison, je
voulais intégrer des éléments graphiques dans mon matériel scolaire. Des illustrations aident l’élève non
seulement à la compréhension et à l’interprétation d’une action, elles rendent aussi le livre plus attirant.
Les illustrations dans le livre devraient être simples, de sorte qu’il soit facile de reconnaître ce qu’ils
jouent. Pour cela, je n’ai pas utilisé de couleurs et j’ai fait attention qu’ils restent clairs.
J’ai fait les illustrations avec la fonction "dessiner" de Microsoft Word 2016. Cette technique a plusieurs
avantages : on peut par exemple rapidement effacer ses défauts et il est facile d’insérer les dessins dans
un document électronique.
Musique
La composition de mon morceau est difficile à décrire. Pendant l’écriture de mon récit, une mélodie
m’est venue à l’esprit. J’ai seulement dû m’asseoir au piano et la rejouer.
J’ai enregistré le morceau avec un E-Piano de Kawai, l’ai retransmis sur l’ordinateur et l’ai mis dans la
Dropbox.
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IV. Travail final
Comme prévu, mon matériel scolaire contient beaucoup d’aspects qui peuvent être utilisés en classe.
Grammaire dans l’ombre
Dans chaque chapitre du récit, un autre sujet grammatical est souligné. Ce sont des sujets
normalement traités dans les années scolaires 9 et 10.
chapitre 1 la répétition des temps du passé
chapitre 2 venir de faire, être en train de faire, aller faire
chapitre 3 l’impératif
chapitre 4 la négation
chapitre 5 les adverbes
chapitre 6 le comparatif et le superlatif
chapitre 7 le conditionnel et la phrase avec si
chapitre 8 le subjonctif
chapitre 9 le futur
chapitre 10 le discours indirect passé
Les éléments correspondants sont colorés. À cause de ce marquage, l’élève met automatiquement son
regard sur la nouvelle forme. Il s’habitue à sa présentation typographique et son utilisation.
Exemple 1 :
Pour accentuer la différence entre l’utilisation du plus-que-parfait, de l’imparfait et du passé composé,
ils sont tous d’une autre couleur. De ce fait, l’élève va inconsciemment apprendre à faire la différence
entre les formes verbales.
Le bleu est une couleur plus calme que le jaune - il représente la constance de l’imparfait, tandis que le
jaune montre la vivacité des événements courts en passé composé.
Exemple 2 :
Dans ce chapitre, le déclencheur si en rouge est toujours accompagné par un mot bleu, d’une forme de
l’imparfait. L’élève apprend ainsi que le rouge et le bleu vont toujours ensemble. La forme jaune est par
contraire seule.
Les couleurs des mots se répètent. Dans le chapitre 1, la couleur bleue représente aussi l’imparfait.
Même si la grammaire est la base de ce récit, elle est seulement utilisée où elle a du sens.
Comme elle ne doit pas être à l’honneur, il y a aussi des passages qui n’ont rien à voir avec elle. Ce
« On m’avait toujours dit que je paraissais plus âgée que mon âge, mais la situation a empiré. »
chapitre 1, ligne 26
« Si tu t’asseyais à côté de moi, tu comprendrais. Viens. »
chapitre 7, ligne 33
chapitre 1, ligne 26
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matériel scolaire doit aider à l’apprendre, mais aussi montrer que la langue française est plus que la
théorie. Son explication et sa précision sont toujours à la disposition de l’enseignant.
Vocabulaire soutenant
Pour que l’élève comprenne mieux l’action, il y a au côté de chaque page une barre avec des mots clés
traduits en allemand. Comme ils sont marqués par un chiffre et écrits dans la même ligne, l’élève ne
perd pas beaucoup de temps en cherchant les traductions. Le nombre des mots traduits n’est pas trop
grand afin que le texte reste clair.
L’élève doit se rendre compte qu’il ne puisse pas comprendre tous les détails du récit en regardant
seulement les mots allemands. Ils ne sont qu’un soutien. Pour mieux comprendre, il devra utiliser un
dictionnaire.
Universalité et possibilité de l’identification matière à réflexion
L’action de ce récit traite indirectement une multitude de sujets comme on peut l’appliquer à beaucoup
de choses au sens figuré.
Elle raconte d’une fille qui veut devenir plus que tous les autres, plus âgée, plus forte, plus importante.
La fille s’identifie à un nombre. Mais le nombre est incapable de la faire heureuse, peu importe de quelle
grandeur elle soit.
On trouve ce conflit partout. Les gens tendent à se mesurer d’après leur salaire, leurs possessions, leurs
followers, leur poids ou leur âge. Elles aspirent à la gloire en agrandissant ou diminuant ce nombre.
Souvent, elles oublient cependant soi-même.
La question se pose de savoir si le succès, la reconnaissance, la gloire rendent l’homme heureux.
Ce problème concernait et concerne le monde, peut-être aussi l’élève soi-même. Il prête alors de
l’espace d’interprétation, de réflexion, de formation d’opinion. Cette qualité sert à des multiples usages
en classe. Le récit nourrit des discussions, des rédactions, des présentations orales.
Actualité le monde en français
Comme ce récit est universel, il est applicable à une multitude de sujets actuels.
• Qu’est-ce la maladie progéria ?
• Comment la vie est-elle au fauteuil roulant ?
• Les hommes deviennent de plus en plus âgés. Souvent, ils réclament des soins constants, sont
dépendants ou souffrent de la douleur. La vie plus longue est-elle toujours meilleure ?
• Quels devoirs un médecin a-t-il ? (« Je dirigerai le régime des malades à leur avantage, suivant
mes forces et mon jugement, et je m’abstiendrai de tout mal et de toute injustice »2)
• L’homme a-t-il le droit de l’euthanasie ? Y a-t-il des vies qui ne valent pas d’être vécues ?
Ces sujets distraient du côté aride du cours de français. Ils donnent la possibilité de lire des articles
français, d’appliquer la langue en discutant, de se faire une opinion.
2 Martine Luce Blot. La Mort. Un choix pour la Vie: Du Mourir en France aujourd'hui ?, p. 136
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Art
Le but de ce travail est d’attacher la langue française à l’art. Le récit apporte déjà de la littérature. Mais
le matériel contient aussi des autres formes d’art qui mettent de l’animation en classe.
Illustrations
Au début de chaque chapitre, il y a un dessin qui illustre son action. Ils servent de décoration et d’aide
à compréhension. Les illustrations sont en outre ajouté au matériel d’origine comme des cartes (
matériel ajouté). Au paragraphe Propositions de travail en classe, il est écrit comment les utiliser.
Les illustrations sont très simples, mais contiennent beaucoup de symboles.
Le symbole omniprésent est la rose. La rose a, suivant sa couleur, beaucoup de significations.
En fleur, elle exprime la force vitale, la beauté et la perfection. Ces qualités provoquent de
l’admiration, mais aussi de la jalousie.
À la fois, sa fleuraison fane très vite, et ainsi, la rose symbolise aussi l’évanescence.
La rose est belle, mais elle porte des broches. Il y a une tension entre eux et la douceur de sa
fleuraison. Les broches symbolisent la douleur.
Un autre symbole important dans les dessins est le soleil. Le soleil est la source d’énergie du
monde. Il est essentiel pour les êtres vivants, il les chauffe et nourrit.
Mais il y a des lieus sur la terre où le soleil est trop forte. Il dessèche le sol, il brûle.
Le soleil est ainsi à la fois malédiction et bénédiction.
L’eau et la pluie symbolisent ici la fécondité et la vie, la ranimation, la condition qu’une plante
peut fleurir. L’eau symbolise la douceur, il est un élément qui amollit le cactus dur et la terre
desséchée.
Le cactus avec ses piquants représente la douleur, sa capacité de résister contre la sécheresse
et la chaleur symbolisent la dureté. Le cactus dans mes dessins est plus grand que les autres
plantes, mais il ne porte pas de fleurs, ce qui renforce son air inanimé.
Le personnage Rose est représenté par la rose dans les dessins. La vie de
Rose était parfaite. Tous l’aimaient et l’admiraient.
Dans le premier dessin, la rose est non seulement la plus belle fleur du
jardin, mais aussi la plus grande. Elle reçoit beaucoup d’eau qui lui fait
grandir. Sa supériorité est soulignée.
Avec le temps, Rose remarque qu’elle
est différente. Son corps,
apparemment affecté de cette vie
parfaite, commence précocement à
vieillir.
La rose dans le jardin est devenue trop grande, de sorte que la chaleur
du soleil lui prive son eau, ses couleurs. Sa fleuraison fane.
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Mais Rose est déjà dépendante de sa gloire. Elle ne peut pas accepter qu’elle
devienne moyenne après une vie pleine de reconnaissance. Elle a le choix entre la
médiocrité et le malheur.
La rose dans le jardin doit choisir entre garder ses couleurs ou garder sa grandeur.
Le choix se porte sur cette dernière.
Rose s’est décidée à être malheureuse pour qu’elle reste
signifiante. Cet état est douloureux. Mais elle est déterminée à
persévérer. Elle n’a plus besoin du bonheur.
Comme le soleil lui vole la force de les garder, la rose doit abandonner ses pétales. Ils
tombent par terre. La rose se transforme petit à petit en cactus. Des broches lui
poussent où elle portait jadis des feuilles. Mais elle garde sa grandeur et supériorité,
sa proximité avec le soleil.
184 jours après d’entrer dans la clinique, Rose rencontre Reviv. Reviv est
un nom hébraïque qui signifie pluie3, et il ressemble au mot revivre. Reviv
lui explique qu’à son avis, la vie a seulement du sens si elle est heureuse.
Il préfèrerait la morte au malheur. Cela change complètement la vue de
Rose. Soudain, elle veut se libérer de la clinique, veut devenir heureuse.
Le docteur veut l’arrêter. Mais la goutte
de joie de vie ne peut pas être résorbée.
Rose ose se libérer. Elle risque sa vie pour atteindre de nouveau le
bonheur.
Dans le dessin, il pleut. Un parapluie doit protéger le cactus des gouttes.
Mais il est impuissant. L’eau atteint la terre, les racines de la plante. Le
cactus ne peut pas supporter autant d’eau. Il amollit sa coquille dure, ses
piquants aigus. La gaine se défait. Une nouvelle fleuraison apparait,
petite, mais magnifique. La rose s’est décidée aux couleurs et renonce à
être grande.
Musique
Un autre supplément à ce matériel scolaire est une petite composition (matériel ajouté). Au
paragraphe Propositions de travail en classe, il est écrit comment l’intégrer en classe.
La composition se réfère au premier chapitre respectivement à la préhistoire de Rose. Elle agrémente
sa pousse.
Les tous premiers tons aigus interprètent les premières gouttes d’eau qui mouillent la graine de la rose.
3 Reverso Dictionnaire. Dictionnaire hébreu » français : traduction de milliers de mots et
d’expressions. http://dictionnaire.reverso.net/hebreu-francais/reviv, 12 octobre 2017
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Dès ce moment, la fleur pousse inexorablement. La suite des tons la – ti – ut-dièse respectivement g-
dièse – la – ti représente cette croissance. La mélodie base se développe, devient plus haute, et
symbolise l’aspiration de plus en plus forte d’atteindre le ciel.
Ensuite, le morceau culmine. La main gauche, jouant les tons bas, met en musique l’arrogance que la
gloire a créé. La mélodie rappelle le scintillement de la reconnaissance.
Après le point culminant, des accords fa-dièse – mineur devenant plus bas produisent un effet de chute.
Cela rappelle des pétales tombants. Rose a perdu sa gloire.
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V. Propositions de travail en classe
Finalement, une possibilité d’utiliser ce travail.
Dans le tableau suivant, on peut trouver des exercices à faire pour utiliser ce matériel scolaire en classe.
avant de lire oral
créativité
groupes de deux à trois
élèves
Les élèves reçoivent les cartes ( matériel ajouté). Classez les cartes par ordre chronologique. Décrivez l’histoire que ces dessins illustrent. Qu’est-ce le conflit de cette histoire ?
chapitre 1 oral
interprétation toute la classe
Les élèves écoutent le morceau « jusqu’au ciel » ( matériel ajouté) avant de lire le chapitre. Quelle atmosphère ce morceau crée-t-il ? Comment pourrait-il être en rapport avec les illustrations ? Ensuite, les élèves lisent le chapitre 1 et réécoutent la musique. Quels éléments du récit le morceau met-il en musique ? Trouvez des liens entre lui, les dessins et la vie de Rose.
chapitre 2 écrit
vocabulaire
groupes de trois à quatre
élèves
Construisez un mind map. Au milieu le mot « adieu » est écrit. Qu’associez-vous avec lui ? Quels sentiments provoque-t-il ? Est-il quelque chose de positif ou négatif ? Recueillissiez vos idées et écrivez-les autour du centre. Qu’éprouve Rose en disant au revoir à ses parents ?
chapitre 3 oral
présentation individuel
Avez-vous un porte-bonheur ? Apportez-le de la maison et faites une courte présentation sur lui. Quand avez-vous reçu ce porte-bonheur ? Pourquoi importe-t-il à vous ? Porte-t-il du bonheur ?
chapitre 4 oral
opinion, actualité
toute la classe
Le docteur sauve-t-il Rose en prolongeant sa vie ? Discutez. Que sont les devoirs d’un médecin ? Y a-t-il des liens entre ce chapitre et l’aide à mourir ?
chapitre 5 créativité individuel
Comment le cadre a-t-il changé dès le début du récit ? Dessinez le foyer et l’ancienne chambre de Rose, la clinique et sa nouvelle chambre etc. Utilisez des couleurs. Comment les dessins diffèrent-ils ? Quelle influence a l’environnement sur un homme ? Comment Rose a-t-elle changé dès son arrivée ?
chapitre 6 écrit
créativité individuel
Essayez de vous identifier avec Rose. Écrivez un poème qui pourrait être le sien. Intégrez des comparatifs et des superlatifs. Il ne doit pas être long, mais soigné. Des symboles peuvent l’embellir.
chapitre 7 écrit
rédaction individuel
Le renoncement. Rédigez une rédaction sur ce sujet. Quelles conséquences a-t-il, est-il nécessaire, quand a-t-il du sens et quand est-il dangereux ? Faites références aux chapitres 6 et 7.
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chapitre 8 écrit
recherche groupes de
deux
Quels mots le nom hébraïque Reviv rappelle-t-il ? Découvrez sa signification. Quels effets Reviv a-t-il sur (la) Rose ? Comment sont-ils en rapport avec la signification de son nom ? Comment l’action se développera-t-elle à votre avis ?
chapitre 9 oral
recherche actualité
groupes de deux à trois
élèves
La vie au fauteuil roulant : Cherchez des rapports sur des hommes qui ont eu un accident grave et sont alors handicapés physique. Comment change-t-il un homme ? Est-ce possible de redevenir heureux ?
chapitre 10 écrit
interprétation groupes de
deux
Comme au début, les élèves reçoivent les cartes ( matériel ajouté). Faites une liste des symboles dans les illustrations. Quelles significations ont-ils ? Quels personnages représentent-ils ? Cherchez des parallèles entre les dessins et le récit.
après de lire oral
actualité, interprétation
toute la classe
Qu’est la morale, le conseil de ce récit ? À qui s’adresse-t-il ? Où dans le monde le conflit de ce récit se déroule-t-il ?
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VI. Matériel ajouté
Les cartes
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On trouve ces illustrations sur :
https://www.dropbox.com/s/chb330hsmigrwsy/Illustrations%20de%20jusqu%27au%20ciel.pdf?dl=0
Composition
On trouve le morceau « jusqu’au ciel » sur :
https://www.dropbox.com/s/8om6lpwwmryr522/jusqu%27au%20ciel.MP3?dl=0
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VII. Bibliographie 1 Wolfgang Spengler, Dieter Kunert. Cours intensif. Französisch als 3. Fremdsprache / Grammatisches Beiheft 2.
Lernjahr, Stuttgart 2007
2 Martine Luce Blot. Un choix pour la Vie: Du Mourir en France aujourd'hui ?, Paris, 2016
3 Reverso Dictionnaire. Dictionnaire hébreu » français : traduction de milliers de mots et d’expressions.
http://dictionnaire.reverso.net/hebreu-francais/reviv, 12 octobre 2017
Ich habe die Arbeit selbstständig und unter Aufsicht meines Betreuers verfasst und keine anderen als die angegebenen
Hilfsmittel verwendet.
Ich nehme zur Kenntnis, dass meine Arbeit zur Überprüfung der korrekten und vollständigen Angabe der Quellen mit Hilfe
einer Software (eines Plagiaterkennungstools) geprüft wird. Zu meinem eigenen Schutz wird die Software auch dazu
verwendet, später eingereichte Arbeiten mit meiner Arbeit elektronisch zu vergleichen und damit Abschriften und eine
Verletzung meines Urheberrechts zu verhindern.
Falls Verdacht besteht, dass mein Urheberrecht verletzt wurde, erkläre ich mich damit einverstanden, dass die Schulleitung
meine Arbeit zu Prüfzwecken herausgibt.
14.10.2017,
jusqu’au ciel
vivian kessler
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le français donne des ailes un récit comme matériel scolaire
jusqu’au ciel vivian kessler
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« Le français donne des ailes. Un récit comme matériel scolaire »
travail de maturité
semestre de printemps 2017 – semestre d’automne 2017
auteur : Vivian Kessler
conseillère : Martine Vetterli
école : Kantonsschule Limmattal
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un
d
6
Le jour où mes parents m’amènent1 à la clinique, la neige
tombe pour la première fois depuis plusieurs années. Des milliers de
morceaux de coton brillants, si beaux et en même temps si froids,
essayent de trouver leur chemin vers le sol.
Je suis assise sur la banquette du fond de notre voiture et regarde les
gouttes2 que les flocons de neige laissent sur la vitre, encore
impuissants contre la chaleur3.
Derrière elles, le paysage défile. Il y a seulement une heure, il
se composait encore de forêts vertes, de prés colorés et de lacs indigos,
mais à chaque kilomètre parcouru, je le reconnais de moins en moins.
Il est devenu un vaste désert : Les quelques arbres que je peux
discerner ont perdu leurs feuilles à cause du froid. Piquées et froissées,
elles sont alors posées sur la terre gelée. À l’horizon, des roches nues
pointent vers le ciel moutonné. Sur leurs cimes, la neige dévore déjà
les derniers vestiges de vie. Le sol ne porte plus de fleur. Il est devenu
stérile.
Je réfléchis. Je me demande ce que j’ai mal fait, pourquoi je ne peux
pas être comme tous les autres et que je dois par conséquent quitter
mon foyer4.
Quand je suis née, tout était parfait. J’étais le premier bébé de
ma famille. Tous m’aimaient. J’étais une enfant facile, je dormais
toute la nuit, je mangeais mon repas sans opposition5 et j’avais
toujours un sourire au visage.
Les gens enviaient6 mes parents d’avoir une fille comme moi. Et eux,
ils ne pouvaient s’imager une plus grande joie. C’était un temps
merveilleux. Mais tout prend fin.
On m’avait toujours dit que je paraissais7 plus âgée que mon âge, mais
la situation a empiré8. Chaque fois que je riais, mon visage changeait.
Ma peau se fronçait9 comme la feuille d’une plante desséchée. Des
taches marrons s’y formaient. Quelques cheveux isolés viraient10 au
gris et ensuite devenaient blancs.
1 bringen
2 Tropfen 3 Wärme
4 Heim
5 Widerspruch
6 beneiden
7 erscheinen 8 sich
verschlimmern 9 kräuseln 10 sich verfärben
7
À seulement sept ans, mon visage avait l’air11 de celui d’une
quinquagénaire12. La petite jolie fille que mes parents aimaient
follement est devenue laide.
Les gens qui me voyaient dans la rue faisaient la moue13, tenaient des
conciliabules et me cachaient leurs propres enfants. Avec le temps,
ma mère refusait donc de sortir avec moi. À chaque invitation, elle
disait que j’étais malade pour ne pas devoir me montrer. Elle avait
honte14 de moi. Je suivais sa voie15.
Mon âme devenait aussi peu à peu mesquine16 comme celle d’une
adulte. Je refusais de jouer avec les jouets que ma famille m’avait
offerts. Au lieu de cela, j’écoutais de la musique rock, j’avais rendez-
vous avec des copains et je m’opposais à toutes les règles.
Ainsi, j’étais pour tous l’enfant impoli qui ne voulait pas jouer avec
les autres, j’étais la gêneuse17 de sept ans qui se comportait comme
une adolescente, j’étais le petit monstre aux ongles trop longs et à
l’allure d’une sorcière. J’étais incapable18 de m’adapter.
La seule chose restée normale, c’était ma taille19. Mes parents
voyaient donc toujours en moi un enfant – un enfant disgracieux20,
mais un enfant. Ils ne pouvaient pas comprendre mon comportement.
Je reconnaissais moi-même qu’il était anachronique, mais je ne
pouvais échapper à ma nature. On se disputait beaucoup, et ainsi, un
jour, mes parents ont décidé de chercher de l’aide.
Aujourd’hui, ils vont la trouver.
11 aussehen 12 Fünfzigjährige
13 die Nase
rümpfen
14 sich schämen 15 gleichtun 16 kleinlich
17 Nervensäge
18 unfähig
19 Grösse 20 anmutlos
8
deux
9
Après un voyage de trois heures, nous nous arrêtons
finalement devant un immeuble1 massif. Je descends et regarde le
bloc. Comme un roi, il trône sur la colline2. Avec ses petites fenêtres,
ses lourdes portes et sa façade grise et reluisante, il a l’air d’une
prison3. J’ai peur. Mais j’essaye de comprendre mes parents. Ils
veulent m’aider. Je suis malade.
Je suis encore en train de le fixer quand mes parents m’emmènent4 vers le portail. Le docteur qu’ils ont choisi nous attend dans la grande
halle d’entrée de la clinique, un homme pâle5 avec des yeux froids et
des cheveux gras6. Il nous salue et se présente comme le spécialiste
des troubles du développement7. Mes parents le regardent comme une
bouée au large8. Le docteur ignore leur attitude. Sans rien dire, il me
dirige dans une salle d’examen.
D’un visage plein d’ennui, il m’ausculte avec ses mains efflanquées9.
Mais soudain, quand il atteint10 ma tête, sa mine change. Avec un
nouvel intérêt, il la connecte à des ventouses11 et regarde l’image de
mon cerveau12 sur un petit écran13. Une admiration bizarre étincelle
son visage.
Je ferme les yeux. J’astreins14 ma tête à sembler ordinaire, mais cela
ne fonctionne pas. Le docteur hoche la tête sans s’arrêter de prendre
des notes.
La dernière lueur d’espoir en moi s’éteint15. Voilà la preuve que je
suis aliénée16. Le monde avait raison : je suis bancale17.
L’examen terminé, le docteur retourne avec moi dans la salle
d’entrée. Là, il me prie de m’asseoir sur une des chaises métalliques
et me dit qu’il va conférer alors avec mes parents. D’un geste, il leur
demande de l’accompagner de l’autre côté de la salle.
Tendue18, je les surveille s’y installer et le docteur commencer à leur
parler. Sans cesse, ses mots muets fusent dans leur direction. Ils
semblent les submerger. Le docteur regarde ma mère avec
compassion19, ensuite de quoi elle saisit tremblant la main de mon
père.
1 Gebäude 2 Hügel
3 Gefängnis
4 mitnehmen
5 blass 6 fettig 7 Entwicklung 8 offene See
9 dürr 10 erreichen 11 Saugnapf 12 Gehirn 13 Bildschirm
14 zwingen
15 erlöschen 16 krank 17 fig.: wackelig
18 gespannt
19 Mitgefühl
10
Je me cramponne à ma chaise, de sorte que mes jointures de doigt
blanchissent. Le froid métallique se fraye comme un animal dans mes
vêtements, mais je ne parviens pas à me détendre. Je crains tant la
diagnose.
Puis, le regard du docteur s’éclaire et la fascination d’avant y jaillit.
De façon rassurante20, il lève les bras.
En exhalant, j’enlève mes mains de la chaise et permets à mon sang
de couler dans mes mains.
Les phrases du docteur amènent alors un sourire sur les lèvres de ma
mère, et mon père serre la main du docteur. Je caresse21 l’espoir que
tout n’était qu’une erreur. Que je suis en fait comme tout le monde.
Quelques minutes plus tard, les trois adultes se lèvent et s’approchent
de moi.
Ma mère m’atteint la première. Elle me sourit affectueusement22.
« Tu ne dois plus avoir peur », dit-elle avec une tendresse
inhabituelle, « ta maladie est soignable23. Ce docteur va
pouvoir t’aider. Ton père et moi, nous devons te confier à lui.
Il faut te laisser ici pour que tu guérisses24. Cela est pour ton
bien. »
Je ne veux pas croire ce que je viens d’entendre. Étonnée, je la
regarde, cherchant des indices qu’elle est en train de plaisanter. Mais
je n’en trouve pas. Je veux résister, mais raide de déception, je suis
incapable de lui répondre.
On ne me laisse pas le choix. Ma mère me rend tout de suite à
l’infirmière, et avec mon père quitte la clinique.
Au dehors, le brouillard avale leurs ombres. Tout ce qui me rappelle
mon ancienne vie s’évapore.
Mes parents partent dans l’idée qu’ils viennent de me sauver25. Qu’ils
ont pris la bonne décision. Et moi, pleine d’ignorance, je me rends
vers une nouvelle vie.
20 beruhigend
21 hegen
22 zärtlich
23 behandelbar
24 heilen
25 retten
11
trois
12
Le même soir, j’emménage1. L’infirmière à laquelle ma mère
m’a rendue prend ma valise et m’engage à la suivre.
Elle appartient à ces femmes qui doivent seulement entrer dans un
local et attirent déjà les regards du monde. Son apparence semble
équilibrer2 toute la laideur3 de la clinique : son beau visage entouré de
cheveux blonds comme les blés, son corps parfaitement sculpté
planant comme celui d’une fée par les corridors. Son sourire
professionnel lui confère une présence omnisciente et éveille le désir
de lui confier4 sa santé.
Seuls ses yeux, et on le remarque seulement en y regardant de plus
près, ont la couleur de la glace et lui donnent un air froid. Mais elle
sait bien cacher cette petite imperfection.
Ensemble, nous traversons les corridors emplis de l’odeur de
désinfectant de la clinique. Elle et moi, coude à coude, cela doit être
un spectacle bizarre. Elle si parfaite. Moi si médiocre5. Mais attirée6
par sa beauté, je ne la quitte pas d’une semelle.
Pendant notre marche, on ne rencontre âme7 qui vive. Le seul bruit
audible est le pouls régulier des horloges8 pendues partout. Sinon, le
silence règne. L’immeuble semble abandonné.
Arrivée à ma nouvelle chambre, je suis d’abord surprise. Ma
chambre à la maison est pleine de canapés, d’images et de couleurs,
bondée de livres, de DVD et d’instruments. Le lieu de mes moments
de bonheur.
Ici, il n’y a rien qui me la rappelle9. Dans toute la pièce règne un froid
sibérien. Elle est encombrée de machines : à côté de mon lit, il y a un
défibrillateur, au fond de la chambre, il y a des masques à oxygène.
Sur le lit, il n’y a ni coussins ni peluches, à défaut une couverture en
laine parfaitement lissée.
Les murs gris et nus avalent le peu de lumière qui entre par la petite
fenêtre. L’unique décoration est une autre grande horloge qui bat
régulièrement, apparemment avec la pulsation de mon cœur.
Tout parait net et ordonné. Aucun signe que quiconque ait déjà vécu
ici.
1 einziehen
2 ausgleichen 3 Hässlichkeit
4 anvertrauen
5 mittelmässig 6 angezogen
7 Seele 8 Uhr
9 erinnern
13
La femme doit remarquer mon étonnement10. De sa voix mélodieuse,
elle essaye de me calmer :
« Ces appareils sont là pour te sauver. N’aie pas peur d’eux. Nous
sommes tous de ton côté11. »
Elle pose ma valise sur le sol.
« Tu dois seulement t’y habituer. Essaye de voir en eux des amis
qui te donnent la becquée12, qui te remplissent de force et qui te
retapent. Tu es maintenant en sécurité. Tu n’as plus rien à
craindre13. »
La mélodie de ses mots m’enroule dans un coton doux et m’apaise un
peu. Perdue dans mes pensées, je commence alors à défaire ma valise.
Minutieusement, je mets haut14 par haut14 et pantalon par pantalon
dans l’armoire grise. Je commence avec les rouges et passe aux
oranges, puis aux jaunes, jusqu’à ce que la pile forme un arc-en-ciel15
détonnant16 dans cette chambre sans couleurs.
Après, je sors ma harpe17. Je la pose sous la petite fenêtre, de sorte que
les rayons solaires entrant à cette heure semblent en jouer.
Pour finir, je dispose mon porte-bonheur18 sur la table de nuit, à côté
d’une bouteille de désinfectant. Je n’avais que deux ans quand ma
grand-mère me l’a offert. Je me souviens encore de la soirée douce
quand nous étions assises dans son jardin plein de fleurs, moi sur ses
genoux. Elle me parlait de sa vie, me racontait des histoires joyeuses
de sa jeunesse. Je m’étais presque endormie quand une idée l’a
effleurée. Elle est allée dans sa petite maison et s’est assise à sa
machine à coudre19. Une demi-heure après, elle m’a mis une poupée
dans les mains.
Le visage de la petite fille était le plus beau que j’avais jamais vu. Elle
me souriait avec ses yeux bleus honnêtes comme si j’étais sa meilleure
copine. Immédiatement, je l’ai prise en amitié. Seule sa chevelure20
manquait. Ma grand-mère m’a expliqué que la poupée s’appelait
Félicitas, et que je devrais, chaque fois je vivais un instant de bonheur,
lui coudre un nouveau cheveu. Elle m’a tendu une pelote de laine. Son
fil21 changeait de couleur tous les dix centimètres, de sorte que chaque
cheveu serait d’une autre couleur.
10 Erstaunen
11 Seite
12 füttern
13 befürchten
14 Oberteil
15 Regenbogen 16 aus dem
Rahmen fallend 17 Harfe
18 Glücksbringer
19 Nähmaschine
20 Haar
21 Faden
14
Le même soir, nous nous sommes assises à la table en bois et j’ai
essayé de me souvenir des moments heureux. Pour chacun, Félicitas
recevait un nouveau cheveu. Le fil rose que je lui ai cousu22 rappelait
la lettre d’amour de mon petit voisin, le fil orange le soleil couchant
entre les montagnes, le fil bleu l’odeur de la mer dans laquelle j’avais
baigné mes pieds.
Dès23 cette soirée, je ne suis jamais sortie sans Félicitas. Elle était
toujours prête à recevoir un nouveau cheveu. Mais depuis quelque
temps, elle devait y renoncer.
Quand j’ai fini de défaire ma valise, l’infirmière apporte un
miroir.
« Assieds-toi sur le lit, s’il te plaît. Tu as déjà quelques
cheveux blancs sur les tempes. Si on les enlevait24 ? »
Je regarde les discrètes boucles25 blanches qui poussent au-dessus de
mes oreilles. Dans la lumière faible, elles scintillent comme un
diamant.
« Ils ressemblent à des fils de soie. Je crois que tu te
sentirais libérée sans eux. »
Il me faut une seconde à répondre.
« Si vous le dites. »
Je souris jaune26, en craignant déjà la douleur lancinante. L’infirmière
sort une pincette de sa poche et commence à fouiller mes cheveux.
Elle arrache27 les fils blancs comme s’ils étaient des mauvaises herbes.
Ensuite, satisfaite, elle me tend le miroir.
« Quelle beauté ! Ne t’inquiète pas si des nouveaux
apparaissent, je suis là. »
Elle jette un regard à l’horloge.
« Il est déjà tard. C’était une journée pénible. Repose-toi un
peu. »
Mes yeux deviennent réellement de plus en plus lourds.
22 annähen
23 seit
24 entfernen
25 Locke
26 gezwungen
27 ausreissen
15
« Dois-je me faire des soucis ? », demande-je encore.
« Aie confiance ! Le docteur est un homme compétent. Il
trouvera28 la bonne thérapie pour toi. Dors maintenant. »
Sur ces mots, elle quitte ma chambre.
Pendant un court moment, je reste éveillée dans mon lit et réfléchis à
la journée. On veut me libérer de mon étrangeté29 ici. Je suis en
sécurité. Et finalement, je suis jolie.
Peu à peu, le tictac de l’horloge ralentit30. Très vite, mes yeux se
ferment et je m’endors.
28 Fut.: finden
29 Sonderbarkeit
30 langsamer
werden
16
quatre
17
Le lendemain, je suis réveillée par l’infirmière. Quand je me
rappelle où je suis, le calme m’envahit1. Je m’habille, et quelques
minutes plus tard, le docteur entre déjà dans ma chambre. Dans ses
yeux, je peux reconnaître l’admiration d’hier.
« Je crois que le temps est venu de t’expliquer ta spécificité. »
Il sort un document.
« Tu as peut-être remarqué que tu parais plus âgée que ton âge
biologique. Ou en d’autres mots que tu vieillis2 plus vite que tes
copains. »
Je baisse les yeux. Gênée, j’enlève une boucle blanche qui adhère à
mon pull.
« J’en ai trouvé la raison. Le bonheur te fait vieillir2. Chaque
moment de joie accélère3 ton vieillissement. C’est la cause pour
laquelle tu parais aussi âgée. En restant heureuse, tu ne pourras4
pas vivre longtemps. En quelques mois, tu aurais5 le corps d’une
femme de 90 ans. Tu mourrais6. »
L’horloge s’accélère.
« Mais il n’y a pas de raison de s’inquiéter. Je suis capable t’aider.
Ici, on peut prévenir7 tes moments de bonheur. »
Soulagée, j’expire. Mon pouls se ralentit. Je n’ai pas à vivre dans la
terreur.
« Pour que tu comprennes8 ce que tout ça veut dire, je dois
probablement te raconter ma propre9 histoire. »
Il s’assied sur la petite chaise à côté de mon lit.
« Tu dois savoir que tout petit déjà, je voulais devenir médecin.
Je rêvais de sauver les gens en détresse, d’être un héros10. L’idée
d’aider les hommes me captivait11. Alors, quand j’ai atteint l'âge
adulte, j’ai décidé de faire des études de médecine. Finalement,
j’ai pu commencer à guérir12 le monde. »
1 fig.: eindringen
2 altern
3 beschleunigen 4 Fut.: können 5 Konj.: haben 6 Konj.: sterben
7 verhindern
8 verstehen 9 eigene
10 Held 11 faszinieren
12 heilen
18
Il sourit nostalgiquement.
« Les premières années, cela me satisfaisait13. J’aimais le
sentiment d’avoir la capacité de soigner les gens. Mais avec
le temps, j’ai dû comprendre que quoi que je fasse14, à un
moment donné, les hommes meurent. »
D’un regard vide, le docteur se dirige vers la petite fenêtre.
« Et que quand un homme meurt, le monde continue
pourtant15 à tourner. J’ai dû réaliser que ma profession n’avait
aucun sens. Peu importe que je sauve les uns et d’autres non.
Tôt ou tard, tous meurent. Ils ne signifient16 plus rien, quoi
qu’ils laissent. Ils seront17 oubliés. Ils passeront18, comme
toutes les choses dans cet univers. Et une chose passée n’a
plus de signification. »
D’ici là, le docteur regarde par la fenêtre la ville au-dessous.
« Après l’avoir réalisé, ma vie n’était plus la même. Je ne
savais plus pourquoi je faisais tant d’efforts. Ni moi ni mes
patients ne pouvons changer le cours du monde. »
Perdu dans ses pensées, il fixe la vitre, sans bouger, et au moment où
je pense qu’il a oublié ce qu’il voulait dire, il détache son regard et le
pose sur moi. Il sourit.
« Toi, tu es différente. Si tu ne vieillis pas, tu n’auras19 pas à
mourir. Tu peux être immortelle20. Tu n’auras19 pas à terminer
comme nous tous. Tu n’auras19 pas à être aussi misérable que
le reste du monde. »
Ses paroles sont emplies d’admiration.
« En revanche, le prix que tu auras à payer est que tu ne dois
pas être heureuse. C’est tout. Ici, on fera21 tout pour t’offrir ce
privilège. Pour te donner une importance. »
Je le regarde bouche bée22. En quelques minutes, mon monde s’est
transformé.
13 erfüllen
14 was auch
immer ich mache
15 trotzdem
16 bedeuten 17 Fut.: sein 18 Fut.:
vorbeigehen
19 Fut.: müssen 20 unsterblich
21 Fut.: machen
22 mit offenem
Mund
19
J’avais toujours pensé que j’avais un défaut23. J’avais toujours cru que
je suis inférieure24.
Ce docteur est la première personne à me regarder comme un être
spécial, un être exceptionnel.
« Je te laisse le temps de réfléchir. Des affaires m’attendent.
Je reviendrai25 demain. L’infirmière va s’occuper de toi. »
Ensuite, il sort.
Sans cesse, ses mots dansent dans ma tête. Je suis capable
d’échapper au destin26 humain. L’homme n’est qu’une petite fraction
dans l’histoire universelle. Seule moi, je suis clé27.
23 Fehler 24 minderwertig
25 Fut.:
zurückkommen
26 Schicksal 27 entscheidend
20
cinq
21
Comme un somnambule, je me dirige vers mon lit et raidis
mon buste pour que ma fierté1 ne le fasse pas éclater2. Je crois porter
des milliers de ballons dans mon thorax3 qui me tirent d’un trou4, de
plus en plus haut jusqu’au ciel.
Vaguement, je perçois l’infirmière qui sort de sa poche une bouteille
remplie d’un magma5 vert. Quand elle la met sous mon visage et en
pompe par une bougie6 dans mon nez, je sursaute alors, complètement
effrayée par son action. J’enlève le cathéter.
« Qu’est-ce que vous faites ? »
J’ouvre de grands yeux.
« Calme-toi. », tente-t-telle de me rassurer. « C’est seulement ton
petit-déjeuner. Ne bouge pas et cela ne te fera7 pas mal. »
« Mon petit-déjeuner ? N’avez-vous pas de tartines
beurrées ? Pourquoi vous me torturez8 avec ce potage ? »
Tout cela n’a aucun sens pour moi.
« Calme-toi », répète l’infirmière, « tu as oublié ce que le docteur
a dit ? Tu ne dois pas être rendue heureuse. Mais tes tartines le
font. »
Tout d’abord, je ne veux pas comprendre. Je grogne.
« C’est mon petit-déjeuner. Je veux manger des tartines. »
L’infirmière soupire. Le regard soucieux9, elle me regarde.
« Bon. Faisons une exception. Je te les apporte. Mais on ne pourra
pas garder10 cette habitude. »
Elle va chercher mes tartines. Quand elle revient, mon visage
s’illumine11. La confiture sur le pain brille dans la lumière faible, et
l’odeur des baies12 me monte au nez.
1 Stolz 2 platzen 3 Brustkorb 4 Loch
5 Brei 6 Katheter
7 Fut.: machen
8 quälen
9 besorgt
10 beibehalten
11 erhellen 12 Beeren
22
Tout de suite, je me souviens des journées ensoleillées d’été. Comme
s’il pouvait me ramener au bon vieux temps, mon corps exige le goût
sucré, et me fait mordre dans le pain. Des milliers de saveurs13
explosent sur ma langue. Pendant une seconde, je suis animée14.
Mais puis, j’ouvre les yeux. J’hésite15. L’infirmière est assise sur la
chaise devant mon lit, les sourcils froncés. Tout à coup, la mauvaise
conscience16 m’envahit.
Je me souviens des mots du docteur, que je mourrais17 en restant
heureuse. Je ne suis plus en sécurité. En mangeant ce que je veux, mon
séjour ici n’aura aucun sens.
Le bonheur complet que les tartines m’ont offert disparaît en
un clin d’œil. Les derniers morceaux de pain s’enlisent18 dans ma
gorge. Pendant que je m’astreins à les avaler, je crois sentir ma peau
se plisser, mon cœur battre moins fortement, mon corps ralentir.
L’infirmière m’observe sans rien dire. Mais au moment où des larmes
de panique sortent de mes yeux, elle se lève et les essuie.
« Tu as peur, n’est-ce pas ? », demande-t-elle.
Sans rien dire, je hoche la tête. Je me retrouve de nouveau dans le trou
sombre19 où j’ai passé les derniers mois. La peur s’empare de moi, la
peur de ne plus trouver la sortie et de ne jamais plus voir le ciel.
« Tu n’as rien à craindre. Pas à pas, nous allons faire disparaître
ce qui te met en danger. »
Elle regarde la chambre.
« Si nous commencions maintenant ? »
De nouveau, je hoche la tête, cette fois pleine d’espoir. Pour
commencer, l’infirmière ouvre l’armoire.
« À quelle couleur peux-tu renoncer20 ? », me demande-t-elle.
Il me faut un instant jusqu’à ce que je réponde.
« Rouge. »
13 Geschmack 14 belebt
15 zögern
16 Gewissen
17 Konj.: sterben
18 stecken bleiben
19 finster
20 verzichten
23
« Alors j’enlève tes vêtements rouges. »
Elle les met sur une pile et la pose dans une boîte en carton. Ensuite,
elle regarde ma harpe et réfléchit un court moment.
« Je vais te chercher une guitare, d’accord ? »
« Oui. »
« Et ta poupée ? Tu as encore besoin d’elle ? »
Je regarde Félicitas. Soudain, sa tignasse21 beaucoup trop
volumineuse me parait ridicule. Je prends conscience que c’était elle
qui m’a nui.
« Non. Pas de tout. »
Ainsi, Félicitas atterrit22 aussi dans la boîte. Contente, l’infirmière
l’emporte.
« Comment te sens-tu ? Je crois que cela suffit pour le
moment. On continuera demain, de sorte que tu as assez de
temps pour te désacclimater23. Ainsi, tu ne vieilliras24 plus, et
nous aurons25 atteint notre objet. »
Elle quitte la pièce.
Moi, je reste, soulagée d’être débarrassée de toutes les choses
qui m’ont accompagné si longtemps. Toujours obsédée par ma
signification sur ce monde, je me regarde dans le miroir. Je suis
déterminée26 à devenir malheureuse. À me rendre signifiante.
21 Haarschopf
22 landen
23 umgewöhnen 24 Fut.: altern 25 Fut.: haben
26 entschlossen
24
six
25
Les mois passent. Entretemps, nous sommes en février. Au
dehors, le paysage aride est ouaté par un drap de neige, les petites
vitres de la clinique sont couvertes de cristaux de glace et le médecin
porte exclusivement de gros pull-overs en laine. Il fait si froid que
dans la nuit, je n’arrive plus à chauffer mes pieds.
Autrement, mon quotidien1 n’a pas changé depuis mon arrivée. Il est
parfaitement planifié par le docteur, il a combiné le meilleur
traitement pour moi. La formule semble marcher. Aucun nouveau
cheveu gris n’est apparu et l’élasticité de ma peau n’a pas diminué2.
Sa stratégie est en fait simple. Dans mon corps, aucun signal
qui pourrait causer une distribution3 d’hormones du bonheur ne doit
être déclenché4.
L’infirmière a par conséquent enlevé encore la première semaine
toutes mes affaires. Chaque jour, elle a fait disparaître une autre
couleur. Elle a remplacé la guitare par un monocorde, le magma vert
est devenu mon unique source d’alimentation et je n’ai jamais revu
Félicitas.
Le tarissement5 des sources de bonheur aboutissait6 à ce que mon
corps désapprenne le bonheur, de sorte qu’ainsi un peu de pensées
positives était incapable de me rendre heureuse.
Les premiers jours de la thérapie, mon corps commençait
seulement à oublier le bonheur. Cela était tolérable, donc je n’hésitais
pas au renoncement. Les quelques hormones restées me faisaient
encore éprouver7 des moments de satisfaction.
Le pire est venu après. Peu à peu, l’ennui s’est transformé en
dépression quasiment insupportable. Chaque jour, je devenais plus
fatiguée, plus faible, moins heureuse.
Quand je me réveillais le matin, j’avais besoin8 de dormir plus
longtemps. Mon corps ne voulait pas sortir du monde des rêves et
endurer la réalité dans laquelle il ne pouvait rien voir, rien faire, rien
sentir.
1 Alltag
2 zurückgehen
3 Ausschüttung 4 auslösen
5 fig.: Versiegen 6 herbeiführen
7 empfinden
8 Bedürfnis
26
Le plus grand aspect de la thérapie était que j’apprenais à
manier9 cette léthargie. Dans les moments où je croyais avoir perdu
toute la force, l’infirmière m’encourageait10 à supporter ma peine. Elle
appelait le docteur qui m’expliquait que chacune souffrance11 était
quelque chose de positif. Il me chuchotait que j’étais plus forte que
les autres, que j’étais plus importante, meilleure.
Ses paroles12 étaient comme une potion magique13. Chaque fois que
je lui parlais, ma détermination à rester malheureuse se renforçait14.
Le docteur me remplissait15 d’une force mentale plus puissante que
mes besoins.
Quand la tristesse me submergeait16, j’allais devant ma fenêtre
minuscule et regardait la ville dans la vallée. J’étais sûre que le
docteur avait rendu public17 ma spécificité et qu’il ne me disait rien
pour ne pas provoquer en moi de bonne humeur. Je m’imaginais
combien de jalousie18 le monde avait dû éprouver en apprenant mon
destin, combien il devait m’admirer.
Chaque jour, je me sentais plus courageuse. Maintenant, au
stade final, je salue en moi une combattante19, assez brave pour
surmonter cet enfer. Je sais qu’il faut résister20 à son corps. Que la
médecine sait plus que lui.
Ce que je ressens est la preuve que la thérapie me sauve.
9 mit etwas
umgehen 10 ermutigen 11 Leiden
12 Wort 13 Zaubertrank 14 verstärken 15 erfüllen
16 überwältigen
17 bekanntgeben
18 Eifersucht
19 Kämpferin 20 widerstehen
27
sept
28
Le soir de mon 184ème jour dans la clinique, la grande horloge
indique 21:13, j’entends un étrange grattement1. Normalement, à cette
heure, je suis déjà en train de dormir. Mais aujourd’hui, j’ai trop peur.
Je sais à peine2 de quoi elle est faite, mais elle m’entoure3 comme un
manteau étroit.
Je suis donc assise sur mon lit quand j’entends cet étrange bruit.
Je décide tout d’abord de l’ignorer et de me concentrer sur ma
respiration. Cependant, il s’intensifie et me pousse4 à en rechercher
l’origine. Il doit provenir d’au-dessus de la fenêtre. Cette fenêtre, je
ne l’ai jamais ouverte car selon5 le docteur, l’air frais pouvait me
mettre en danger. Mais aujourd’hui, une force invisible m’attire vers
elle.
Je l’ouvre. La fraîcheur de l’air me submerge. Instinctivement, j’en
inspire profondément malgré le froid. Son goût me frappe. Dans ma
tête, j’entends la mise en garde6 du docteur, mais je ne l’écoute pas.
J’enjambe le bord de la fenêtre.
J’emplis mes poumons de l’air pur qui me grise. Ensuite seulement,
je me rappelle pourquoi j’ai ouvert ma fenêtre, pourquoi j’ai franchi
la barrière, pourquoi j’ai ignoré le risque.
Je regarde autour de moi et aperçois un homme. C’est lui que j’ai
entendu grimper et qui est maintenant assis sur la toiture7. Son visage
est celui d’un jeune homme : des cheveux foncés et frisés, une peau
tannée, des lèvres pulpeuses. Il a des yeux verts et brillants,
légèrement assombris par l’ombre8 de ses sourcils épais. Le haut de
son corps est fort. Seuls ses bras et jambes sont en proportion trop
courts, ils sont maigres et tordus9.
D’abord, il me regarde comme si je l’avais surpris, puis il m’offre un
sourire.
« Que fais-tu ici ? », lui demandé-je de manière critique.
« J’admire la vue », me répond-il.
Sa voix résonne joyeuse, mais j’y perçois10 de la nostalgie.
1 Kratzen
2 kaum 3 umgeben
4 drängen
5 gemäss
6 Warnung
7 Dach
8 Schatten
9 verdreht
10 heraushören
29
« Pourquoi ? »
« Si tu t’asseyais à côté de moi, tu comprendrais. Viens. »
« T’es fou ? »
Je sais avec certitude que grimper jusqu’à lui me mettrait en danger.
Mais un instinct complètement déjanté me pousse à escalader la
toiture7.
Je halète11, mais me sens pourtant remplie de force. Enivrée, je
franchis les derniers mètres jusqu’au jeune homme.
« Voilà la raison pour laquelle je me tiens en pleine nuit sur
la toiture7 de ce sombre immeuble. »
D’un large geste, il me montre la vue. Au-dessous, les milliers de
lumières de la ville brillent, les unes bougent, les autres restent
immobiles, et ensemble, elles créent un décor12 magnifique.
Mais le plus grand spectacle se déroule au-dessus de nos têtes. Une
mer d’étoiles nous environne et la lune énorme éclaire tout le ciel. Il
me semble voir pour la première fois l’ampleur de toute la Voie lactée
et de ses étoiles filantes13. Je n’ai jamais vu de plus beau.
Le jeune homme, visiblement satisfait, me laisse admirer la vue avant
de rompre14 le silence.
« Qui es-tu ? Et pourquoi es-tu dans cette clinique ? »
Sa voix est à la fois grave et enrouée.
« Je m’appelle Rose. Je suis ici parce que le bonheur me
ravage15. Heureuse, je vieillis vite, trop vite et je mourrais
bientôt. Alors le docteur prévient mes sources de bonheur
pour m’empêcher16 de succomber. En me soignant, le docteur
fait de moi le seul être humain qui ne mourra pas. »
En prononçant la dernière phrase, je lève le menton avec une certaine
fierté. Mais au même moment, je réalise que je suis libérée du manteau
de peur qui m’entourait depuis plusieurs heures.
11 keuchen
12 Kulisse
13 Sternschnuppe
14 brechen
15 zugrunde
richten 16 hindern
30
Le jeune homme se tait. Je me flatte de l’avoir impressionné. Mais je
me trompe17.
« Pourquoi vis-tu alors ? », demande-t-il après un long
silence.
Sa question me trouble.
« Je vis pour pouvoir vivre longtemps. Le plus longtemps
possible. Au plus longtemps, au mieux. »
Un nouveau silence.
« Aimes-tu vivre ? », demande finalement le jeune homme.
« C’est mieux qu’être morte, non ? »
Le jeune homme sourit d’un air moqueur18.
« Être mort, cela existe-t-il ? Tu es sûre qu’on est encore après
la mort ? N’est-elle pas la fin d’être ? »
« Tu as peut-être raison. Mais moi, je n’ai pas besoin de
finir. Je ne connaîtrai pas de fin. »
À nouveau, il se tait.
« Peut-être parce que tu n’as rien à finir. »
« Que veux-tu dire ? »
« La vie sans bonheur, n’est-elle pas », il réfléchit, « vide ?
Nos vies sont peut-être comme des livres qui doivent être
remplis. Jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’espace. La mort est la
fin de la dernière page. À ce moment-là, le livre est terminé.
Ton livre, il restera blanc. »
Il me faut quelques minutes pour assimiler19 ses mots. C’est comme si
j’étais violemment réveillée, comme si j’avais reçu une gifle20 en
pleine figure.
« Donc tu veux dire que tout ce qui compte, c’est le
bonheur ? »
Ma voix résonne complètement désespérée, car je connais déjà la
réponse.
17 irren
18 spöttisch
19 verarbeiten 20 Ohrfeige
31
« Oui, je le crois. Que tout ce qui compte, c’est notre propre
bonheur. Il y a des milliers de choses qui le font naître, et je
pense que c’est le but. »
« Mais comment peut-on être heureux en sachant21 qu’on n’a
pas de signification dans ce monde ? »
« De quel monde parles-tu ? Ton environnement ? Ton pays ?
La terre ? La galaxie ? Ou cela derrière la galaxie ? En
considérant le tout, tu aurais probablement raison. Mais
l’homme sait à peine ce qu’est le tout. »
Il tourne la tête vers moi.
« Ton livre est aussi un monde. Et un monde dans lequel tu es
la protagoniste. Certains mondes sont plus petits que
d’autres. Peut-être que l’homme doit se contenter du sien22. »
Cette seule nuit a brisé toutes mes certitudes, toutes mes convictions23.
Des larmes me montent aux yeux. Mais je ne peux pas les montrer à
cet étranger. Il n’est pas digne24 de gagner en aussi peu de temps.
Je lui dis rapidement au revoir et redescends dans ma chambre, sans
regarder en arrière.
De retour dans ma pièce, je suis trop fatiguée pour remarquer la vieille
femme qui me fait face dans le miroir.
21 wissend
22 Seine
23 Überzeugung
24 würdig
32
huit
33
Cette nuit, je ne vais pas trouver de repos1. Il est trois heures
du matin quand le cri effrayé2 de l’infirmière me tire du sommeil.
Comme toutes les nuits, elle a voulu brièvement contrôler mon état
afin que rien ne m’arrive.
Paniquée, l’infirmière pousse mon lit par les corridors. De
toutes les directions, des infirmiers arrivent. Dans leur hâte, ils me
mettent un masque à oxygène, me raccordent à des machines et crient
des mots que je ne comprends pas. C’est la première fois que je vois
autant3 de personnes.
Nous arrivons dans la salle d’examen. Le docteur m’attend déjà. Il me
connecte à une des grandes machines pour qu’elle puisse analyser
mon corps. Le docteur s’efforce de paraître calme, mais je vois ses
mains tremblotantes4 et la sueur5 qui perle sur son front.
Toujours déconcertée qu’on m’ait réveillée, je demande à
l’infirmière ce qui se passe. Elle ne me répond pas. Le docteur
ordonne qu’elle prenne des notes.
« Âge biologique : 83 ans », lui dit-il pendant que ses yeux
parcourent6 nerveusement l’écran de la machine.
« Pulsations du cœur : Irrégulières. Pression artérielle : 60/40
mmHg. Capacité de bonheur : 61.56 % plus que la semaine
antérieure. »
Le docteur se tourne vers moi et me dit :
« Rose, un infirmier va t’emmener à ta chambre. Ne bouge pas
jusqu’à ce que je vienne dans quelques minutes. »
Peu après, je suis seule dans ma chambre. J’attends la visite
du médecin. En ignorant sa mise en garde, je me lève et me dirige vers
le miroir. Ce que j’y vois est inhabituel. Mes boucles, jadis brunes
comme l’ébène, sont maintenant blanches comme la neige. Mes
sourcils ont disparu, et mes courts cils blancs paraissent invisibles.
Mon visage est amaigri et mes yeux aux paupières lourdes et aux
poches gonflées expriment une profonde fatigue.
Soudain la porte de ma chambre s’ouvre. Le docteur entre dans la
pièce. Déconcerté7 que je ne sois pas dans mon lit, il se retourne.
Quand il m’aperçoit devant le miroir, un rire désespéré10 lui échappe.
1 Ruhe 2 ängstlich
3 so viele
4 zitternd 5 Schweiss
6 überfliegen
7 verdutzt
34
Un soupçon8 de dérision9 résonne dans sa voix :
« Ce qu’un peu d’insouciance peut détruire. Tes yeux, jadis pleins
de force, bientôt couverts par l’ombre de tes rides. »
Il me fait signe de me mettre au lit.
« Il n’y a pas grand-chose à dire : Ma profession exige que je te
protège. Il faut que je te pique des hormones. L’infirmière est en train
de les préparer. Je retournerai avec elle dans une heure. Dors encore
un peu pour que tu sois reposée. »
Et déjà, le docteur quitte la pièce.
Fatiguée, je voudrais bien fermer les yeux et croire que le docteur
trouve la bonne solution. Mais l’horloge au mur batte plus vite que
jamais. Ma confiance s’est évaporée.
Mon cœur est devenu plus fort que ma raison.
8 Anflug 9 Spott
35
neuf
36
Je passe une éternité devant le miroir à me dévisager,
incapable de me juger1. Des tas de pensées se bousculent dans ma tête.
Je devrais être reconnaissante2 qu’on veuille m’aider. Mais une force
indéfinissable ne veut plus accepter ce régime. Depuis que je suis
sortie, quelque chose grandit en moi et déchire3 irrésistiblement la
gaine4 protectrice autour de moi. Je sais que je suis en train de devenir
vulnérable5. Mais sans elle je me sens libérée.
Soudain, je pense au jeune homme. Bien qu’il m’ait tant aidé,
je lui ai à peine dit au revoir. La grande horloge indique cinq heures :
à six heures, l’infirmière viendra pour m’injecter les hormones. Si je
veux encore respirer l’air frais, si je veux encore jouir du spectacle de
la ville et de la vie, il faut que j’y aille, il faut que je sorte, que
j’escalade la toiture. Je ne sais pas combien de temps mon corps
survivra.
Ouvrir la fenêtre, enjamber le rebord, me hisser à l’extérieur,
escalader le toit, éprouver une dernière fois ce sentiment de bien-être.
C’est alors que je le vois de dos6.
« Salut. »
Il se retourne.
« Je voulais encore te dire… »
J’hésite. La mine du jeune homme est raidie7. Il serre les dents, son os
maxillaire fait saillie. Ses yeux, si brillants cette nuit, sont éteints8. Il
sourit tristement.
Je me sens idiote.
« … comment tu t’appelles. Et… qui tu es, en fait ? Pourquoi tu
es ici ? J’ai oublié de te le demander. »
Le jeune homme me dévisage mais son regard n’exprime rien.
L’ombre dans ses yeux me fait peur. Mais je ne peux pas abdiquer9 si
vite.
« Je t’en prie. »
1 urteilen 2 dankbar
3 zerreissen 4 Hülle 5 verletzlich
6 Rücken
7 verhärten 8 erlöschen
9 aufgeben
37
Ma voix est ténue.
Finalement, il soupire10.
« Bon. »
Soulagée, je m’assieds à côté de lui. De sa voix grave, il raconte.
« Je m’appelle Reviv. Je suis ici parce que j’ai un défaut
congénital11. Les médecins l’ont remarqué dès ma naissance. On
ne m’a jamais rien caché12. J’ai grandi en sachant qu’à un moment
donné, mes membres s’estropieraient13 et que je ne serais plus
capable de bouger.
Il marque une pause.
« Ainsi, je voulais sentir mon corps aussi longtemps que je le
pouvais. Je me suis inscrit dans la meilleure école de danse où j’ai
appris à mon corps à s’exprimer14. La danse est devenue tout pour
moi : mouvement, repos, création, interprétation, bonheur et
consolation. J’en faisais jour et nuit, pas pour les autres, seulement
pour moi. J’étais heureux. Et je savais bien que je ne pourrais plus
vivre sans elle. »
Il me montre son bras déformé.
« Il y a trois mois, la maladie s’est déclarée15. Les gens avaient
pitié16 de moi, car la danse était toute ma vie. Mais je n’en voulais
pas. Je savais, j’avais toujours su que cela m’arriverait. J’ai
savouré ma vie. J’ai fait ce que je voulais faire. Je n’ai jamais
hésité. Je n’avais pas de rêves que je voulais combler17 – je les
vivais. La conscience de ma maladie m’a ôté la naïveté. Beaucoup
d’hommes attendront toute leur vie jusqu’à ce qu’ils fassent ce
qu’ils veulent vraiment, ils aiment penser que tout ira mieux plus
tard, qu’ils sauront plus, qu’ils réaliseront leurs rêves quand ils
auront le temps. Mais ce ne sont pas les règles du jeu. La vie peut
terminer à chaque instant. »
J’ai une boule au ventre18. Ce que je comprends en filigrane me fait
mal.
10 seufzen
11 Geburtsfehler 12 verschweigen 13 verkrüppeln
14 ausdrücken
15 ausbrechen 16 Mitleid
17 erfüllen
18 flaues Gefühl
38
« Tu dis que tu as savouré ta vie. »
Ma voix s’étrangle.
« Pourquoi c’est impossible maintenant ? »
« Rose, regarde-moi. Regarde mes jambes, mes bras. Mon buste19
sera le prochain. Je serai condamné au fauteuil roulant20. Je ne
pourrai plus faire ce qui composait ma vie. Dans cette clinique, il
n’y a rien pour remplir mon livre. Mais cela m’indiffère. J’ai
complété le mien. Toi, tu en as encore besoin. Tu trouveras tes
couleurs si tu les cherches. »
Il tend le bras vers moi.
« Tu dois me promettre que tu rempliras ton livre. Que tu
essayeras d’être heureuse. La durée de ta vie n’est pas ce qui
compte. C’est la qualité.
Mon vélo t’attend devant la maison. Il est prêt pour une nouvelle
propriétaire. Va chercher tes affaires et prends la fuite. »
Doucement mais avec détermination, il me force à me lever.
« C’est mon dernier souhait. Va-t’en. Au revoir, Rose. »
19 Oberkörper 20 Rollstuhl
39
dix
40
Quand je quitte la clinique, le soleil est en train de se lever.
Ses rayons encore roses m’éclairent en plein visage et me touchent
comme un vieil ami. Je rejette la tête en arrière et savoure la chaleur
sur ma peau beaucoup trop blanche.
Je remarque immédiatement le vélo de Reviv. Son cadre jaune
tournesol1 détonne près des voiture grises. Il semble m’attendre
patiemment2.
Avec précaution, je m’assieds sur la selle. Le vélo grince allègrement3
quand je me mets à pédaler.
En titubant j’étais descendue de la toiture et était entrée une
dernière fois dans ma chambre. Bien que ma raison ait crié que tout
cela était insensé, je sentais que je devais quitter la clinique.
La grande horloge au-dessus mon lit battait plus vite que jamais. Elle
se plaignait4 que les secondes qu’elle m’avait péniblement créées
soient en train de s’envoler5. Mais je ne l’écoutais pas. J’ai couru vers
la porte et l’ai ouverte.
Le corridor était vide, je n’entendais que le tic-tac continu des
horloges. J’étais soulagée de ne rencontrer personne. Mais ce corridor
semblait sans fin et je peinais6 à trouver la sortie. Il me semblait être
dans un labyrinthe prêt à m’avaler7.
Les horloges continuaient sans pitié à marquer le temps, leur grande
aiguille8 s’approchait de plus en plus du douze. Je savais que cela était
ma dernière chance et j’ai commencé à courir.
Plus que cinq mètres jusqu’à la sortie ! Mais soudain, l’infirmière et
le docteur ont entré dans le corridor.
Effrayée, je me suis arrêtée. Dans les mains, l’infirmière tenait les
piqûres emplies d’un liquide noir. Le docteur m’a regardé comme si
j’étais un animal sauvage qu’il devait attraper.
D’un ton ostensiblement9 calme, il m’a expliqué que je ne survivrais
plus que trente minutes si je sortais.
1 Sonnenblume 2 geduldig
3 munter
4 klagen 5 fortfliegen
6 Mühe haben 7 verschlucken
8 Zeiger
9 betont
41
10 unberührt
11 strömen
12 Mittel
13 ungläubig
14 schmelzen 15 folgsam 16 fortziehen
17 flüchtiger
Blick 18 Aufflug
Je lui ai souri. J’étais vierge10 de peur. J’en avais assez.
J’ai commencé à rire bruyamment, je couvrais le bruit de toutes ces
horloges misérables qui se mordaient la queue, et ma voix coulait11
comme de l’aquarelle par les corridors gris.
Le docteur ne l’a pas supporté. Il a ordonné à l’infirmière de me saisir
et de m’injecter le remède12. J’ai voulu m’enfuir, mais elle m’agrippait
déjà. La panique m’a envahie.
« Je dirigerai le régime des malades à leur avantage,
suivant mes forces et mon jugement, et je m’abstiendrai
de tout mal et de toute injustice »1, ai-je entendu.
J’ai senti la poigne de l’infirmière s’intensifier et le liquide noir couler
le long de mon bras. D’un air incrédule13, j’ai regardé l’infirmière.
Dans ses yeux, j’ai pu voir pour la première fois une flamme qui faisait
fondre14 la glace de son regard bleu.
Le docteur criait qu’on devait m’emmener au service des urgences.
Docilement15, l’infirmière m’a entraînée16.
Dans le prochain corridor, elle s’est arrêtée et m’a fait signe d’être
silencieuse. Nous avons attendu jusqu’à ce que les pas du docteur se
taisent. Ensuite, elle a desserré ma main. Elle a sortie de sa poche
Félicitas, me l’a mise dans la main et, visiblement tendue, m’a
indiquée la sortie. J’ai pensé à Reviv, reconnaissante de tous les
événements de cette nuit qui m’ont sauvée. Et sans dire aucun mot, je
suis sortie.
Je jette un dernier coup d’œil17 à la toiture de la clinique. Un
oiseau est en train d’y prendre son envol18 dans le soleil levant.
Allègrement, il siffle. Je commence à pédaler.
J’aperçois la ville au-dessous, et je me souviens de mon ancienne vie,
des lacs indigos, des prés colorés et des forêts vertes. Le soleil sort
entretemps de derrière des montagnes, et ses rayons illuminent les
toitures.
1
1 Martine Luce Blot. La Mort. Un choix pour la Vie: Du Mourir en France aujourd'hui ?, p. 136
42
Je continue à pédaler. La main douce du vent passe dans ma chevelure.
Le chemin devient plus raide19 et je m’éloigne de plus en plus de
l’immeuble gris.
Je me rappelle la mélodie de ma harpe, la douceur de ma robe fleurie,
la saveur de la pâtisserie du boulanger et le jardin plein de fleurs de
ma grand-mère.
Soudain, mes derniers doutes20 sont effacés. Je sais qu’elle m’attend.
Confiante, je vole vers la vallée, légère comme une plume21.
Et je souris.
19 steil
20 Zweifel 21 Feder
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Bibliographie
1 Martine Luce Blot. Un choix pour la Vie: Du Mourir en France aujourd'hui ?, Paris, 2016
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