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Introduction Pour débuter le récit de ma recherche et exposer mon cheminement et mes motivations, je choisis d’utiliser la première personne du singulier comme on le demande au candidat à une validation des acquis de l’expérience 1 pour raconter son travail réel et expliquer le contexte dans lequel il travaille, je glisserais plus tard vers le « nous » de la problématique et du mémoire professionnel. Ma première vraie rencontre avec la Validation des Acquis de l’Expérience s’est faite sur mon lieu de travail. Une VAE collective était proposée aux salariés intéressés. Cette VAE était présentée de façon très dynamique (par voie d’affichage) avec un slogan qui a fait ses preuves « Parce que vos compétences valent bien un diplôme !». Je dus constater, renseignements pris auprès du service formation de mon entreprise, que le seul diplôme proposé dans le cadre de cette VAE ne correspondait pas à mes compétences. Le rideau se refermait donc… alors qu’il n’avait été qu’à peine entrouvert. J’appris toutefois, en m’informant auprès du service ressources humaines que je pouvais éventuellement me porter candidate de façon individuelle à une VAE. Très intéressée par la démarche individuelle de validation des acquis de l’expérience, j’approfondis mes connaissances en la matière par la collecte d’informations : auprès de personnes ayant elles-mêmes fait la démarche de VAE dans un cadre individuel mais aussi collectif, auprès de l’organisme de formation pour lequel j’interviens régulièrement depuis plusieurs années, dans des ouvrages documentaires traitant du sujet et sur internet. Après une longue réflexion et dans une logique de réorientation professionnelle, j’aboutis à l’évidence qu’une reprise de mes études était nécessaire. Après de nombreuses recherches, j’optais pour le Master 2 « Ingénierie et conseil en 1 Le sigle VAE sera régulièrement utilisé dans la rédaction de cette note problématique

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Page 1: Introduction - Université de Rouen Normandieshs-app.univ-rouen.fr/civiic/memoires_masterICF/textes/T... · 2010-01-18 · Introduction . Pour débuter le récit de ma recherche et

Introduction

Pour débuter le récit de ma recherche et exposer mon cheminement et mes

motivations, je choisis d’utiliser la première personne du singulier comme on le

demande au candidat à une validation des acquis de l’expérience1 pour raconter son

travail réel et expliquer le contexte dans lequel il travaille, je glisserais plus tard vers

le « nous » de la problématique et du mémoire professionnel.

Ma première vraie rencontre avec la Validation des Acquis de l’Expérience

s’est faite sur mon lieu de travail. Une VAE collective était proposée aux salariés

intéressés. Cette VAE était présentée de façon très dynamique (par voie d’affichage)

avec un slogan qui a fait ses preuves « Parce que vos compétences valent bien un

diplôme !».

Je dus constater, renseignements pris auprès du service formation de mon

entreprise, que le seul diplôme proposé dans le cadre de cette VAE ne correspondait

pas à mes compétences.

Le rideau se refermait donc… alors qu’il n’avait été qu’à peine entrouvert.

J’appris toutefois, en m’informant auprès du service ressources humaines que

je pouvais éventuellement me porter candidate de façon individuelle à une VAE.

Très intéressée par la démarche individuelle de validation des acquis de l’expérience,

j’approfondis mes connaissances en la matière par la collecte d’informations : auprès

de personnes ayant elles-mêmes fait la démarche de VAE dans un cadre individuel

mais aussi collectif, auprès de l’organisme de formation pour lequel j’interviens

régulièrement depuis plusieurs années, dans des ouvrages documentaires traitant du

sujet et sur internet.

Après une longue réflexion et dans une logique de réorientation

professionnelle, j’aboutis à l’évidence qu’une reprise de mes études était nécessaire.

Après de nombreuses recherches, j’optais pour le Master 2 « Ingénierie et conseil en

1 Le sigle VAE sera régulièrement utilisé dans la rédaction de cette note problématique

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formation », il correspondait à mon projet tant dans le fond que dans la forme, la

formation à distance me permettant de conserver mon activité professionnelle. J’eus

recours (mais est-ce un hasard ?) à une dispense de titre, mon expérience acquise en

milieu professionnel étant prise en compte.

Cette rencontre avec la VAE fut vraiment le catalyseur de ma démarche de

reprise d’études et de mon entrée dans ce Master professionnel. C’est ce vécu qui, je

pense, m’a poussé à m’intéresser à la VAE en tant que sujet de mémoire.

Le thème des savoirs est au cœur de l’Ingénierie de formation : l’ingénierie de

formation s’intéresse à l’analyse, la conception, la mise en œuvre et l’évaluation de

dispositifs de formation. Le sujet de notre mémoire, la VAE, se situe dans le champ

de l’ingénierie pédagogique et dans la réflexion sur les savoirs produits par le

processus d’apprentissage. Si, a priori, la VAE n’a pas d’objectif de formation, nous

verrons lors du développement de notre partie théorique, qu’elle ne peut se réaliser

que s’il y a processus formatif.

La mission proposée par l’AFPA nous a positionné au cœur du processus VAE

et plus précisément de l’accompagnement. En effet, la montée en puissance attendue

du nombre de candidats à la VAE dans les années à venir, a amené l’AFPA à

s’interroger sur les pratiques mises en place dans les divers centres de la région

Rhône-Alpes. Dans le souci d’optimiser l’offre d’accompagnement, nous avons, lors

de notre chantier et avec l’aide de notre tuteur, identifié les besoins des

accompagnateurs, structuré les prestations et professionnalisé les acteurs de

l’accompagnement en VAE.

Cette immersion dans le processus VAE nous permis de rencontrer des

personnes représentatives de la VAE, aussi bien des accompagnateurs que des

candidats. Ces rencontres nous ont amené à nous interroger sur la singularité de

chaque accompagnement, la difficulté de la relation à l’écrit pour certains candidats, la

mission de soutien psychologique mentionnée par des accompagnateurs mais aussi sur

les témoignages des candidats qui citent souvent le terme de « valorisation » à propos

de l’accompagnement.

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 2 -

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Dans une première partie, nous présentons précisément le contexte

institutionnel de la VAE et nous analysons son processus à travers le dispositif de

validation des acquis de l’AFPA Rhône-Alpes.

La deuxième partie est consacrée à l’enjeu théorique que représente

l’expérience dans la validation des acquis de l’expérience et à un approfondissement

de notre thématique principale : l’accompagnement en VAE. Nous verrons que cet

accompagnement est une relation à multiples facettes : relation d’aide, thérapeutique,

formative.

Notre problématique, « comment le processus relationnel qui se met en place

entre le candidat et l’accompagnateur favorise-t-il la prise de confiance du candidat »,

s’appuie sur trois hypothèses. La première avance la confiance comme fondement de

la relation d’accompagnement, la deuxième se base sur la théorie du sentiment

d’efficacité personnelle de Albert Bandura, enfin la troisième pose l’écriture comme

vecteur de transformations et de gain de confiance en soi pour le candidat.

La troisième et dernière partie de notre mémoire traite de l’analyse de l’enquête

qualitative et des entretiens menés auprès d’accompagnateurs et de candidats à la

VAE. Cette analyse nous permettra de vérifier ou non nos hypothèses.

En résumé de notre introduction, ce mémoire tente de resituer un travail de

réflexion et d’analyse qui s’est articulé autour de :

• L’appréhension de la demande de l’AFPA

• Une exploration théorique et conceptuelle des notions engagées

autour de la VAE et de l’accompagnement

• Des rencontres d’acteurs impliqués dans une démarche VAE

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 3 -

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PPRREEMMIIEERREE PPAARRTTIIEE ::

la VAE, espace et enjeux dans un

contexte législatif nouveau

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 4 -

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Chapitre 1 – La VAE évolution ou révolution ?

1.1 - Historique et contexte d’émergence

La loi du 16 Juillet 1971 a établi la formation professionnelle continue comme

obligation nationale et l’a instauré comme droit individuel et collectif des salariés.

Elle a créé l’obligation à la charge des entreprises de contribuer au financement de la

formation.

La plupart des acteurs de la formation professionnelle continue s’accordent

pour faire remonter les premières préoccupations en matière de validation des acquis

au début des années quatre-vingts. On commence alors à prendre connaissance des

dispositifs mis en place aux Etats-Unis et de leurs prolongements canadiens.

Parallèlement aux réflexions sur la reconnaissance des acquis qui sont aussi

menées en France dans la continuité des travaux réalisés sur ce thème par les pays

anglo-saxons, la montée du chômage et l’augmentation du nombre de jeunes

diplômés remettent en cause les principes d’apprentissage et relancent les démarches

d’appui à l’insertion. Ainsi, à partir de la fin des années quatre-vingt, les branches

professionnelles s’impliquent dans les processus de reconnaissance de la

qualification par la mise en place des certificats de qualification professionnelle

(CQP) conçus à l’origine pour être obtenus dans le cadre de formations en

alternance.

Deux grandes orientations marquent les politiques en matière de formation à ce

moment là : soutenir les personnes dans la construction d’un projet professionnel

cohérent et assouplir les règles d’accès à un diplôme dans la mesure où celui-ci est

jugé nécessaire pour évoluer sur le marché du travail.

D’abord créé pour accompagner l’organisation des parcours de formation, le

bilan de compétence va devenir, avec l’accord de juillet 1991 entre les partenaires

sociaux et la loi de décembre 1991 sur la formation professionnelle, un droit inscrit

dans le droit du travail, droit permettant en particulier aux salariés qui souhaitent

bénéficier d’un bilan, d’obtenir un congé spécifique. Ainsi le bilan de compétences

entre dans le Code du travail fin 1991, en permettant de faire le point sur ses

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 5 -

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compétences professionnelles, sans pour autant correspondre à une reconnaissance

officielle des acquis.

En fait, cette logique prend déjà forme avec la loi du 27 janvier 1984 et le

décret d’août 1985 qui autorise, dans l’ensemble des établissements supérieurs,

l’accès à des niveaux de formation pour lesquels on ne dispose pas des diplômes

normalement requis, sur la base des acquis personnels et professionnels. Ce texte, en

outre, permet la délivrance d’équivalences de parties de formation, d’unités ou de

modules. Ce texte venait renforcer des dispositions antérieures circonscrites à la

délivrance du titre d’ingénieur. En effet, depuis 1934, il était possible à des salariés,

âgés de plus de trente-cinq ans, exerçant dans leur entreprise depuis au moins cinq

ans des fonctions d’ingénieur, de présenter devant le jury d’une école d’ingénieurs,

habilitée pour cette démarche, un mémoire qui, si le jury émettait un avis favorable,

lui permettait d’obtenir le titre.

Ce décret sera appliqué de façon très inégale, une étude réalisée au début des

années quatre-vingt-dix montre qu’environ un tiers des universités favorisait l’accès

des adultes expérimentés sur la base de ce décret.

Le début des années quatre-vingt-dix marque un tournant au regard de la

validation des acquis. Le 20 juillet 1992, les députés adoptent une loi qui stipule que

« toute personne qui a exercé pendant cinq ans une activité professionnelle peut

demander la validation d’acquis professionnels qui pourront être pris en compte pour

justifier d’une partie des connaissances et des aptitudes exigées pour l’obtention

d’un diplôme de l’enseignement supérieur » ou « pour l’obtention d’un diplôme de

l’enseignement technologique »

1.2 - La Loi de modernisation sociale du 17 janvier 20022

1.2.1- Contexte d’apparition

Au cours de l’examen du projet de loi à l’Assemblée Nationale, Elisabeth

Guigou, Ministre de l’Emploi et de la Solidarité, met l’accent sur « la question de la

2 Annexe 3 : la loi de modernisation sociale 2002-73, Chapitre II, Section I, articles 133 à 146

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nécessaire rénovation de notre système de formation professionnelle, en particulier

pour assurer un droit à la formation tout au long de la vie ».

Un processus de réforme est enclenché dans un contexte de traitement de

masse du chômage qui finit par dénaturer et décrédibiliser la formation. Vincent

Merle, alors directeur de cabinet de Nicole Pery, secrétaire d’Etat aux droits des

femmes et à la formation professionnelle, regrette que les pratiques de formation au

sein des entreprises aient « laissé de côté les ambitions initiales de la loi de 1971,

notamment les aspects relatifs à la promotion sociale et à la possibilité pour chacun

de compléter son parcours par un retour en formation »3.

C’est dans ce contexte de débats nouveaux autour de la formation que la loi de

modernisation sociale est votée pour l’amélioration du système de reconnaissance et

de certification.

Cette loi comporte une dimension que l’on pourrait qualifier de révolutionnaire

dans le système français de formation : valider des acquis c’est reconnaître que

l’entreprise, la famille et les organisations volontaires contribuent à élargir le champ

des connaissances d’un individu. Ce sont ces savoirs multiformes qui peuvent être

évalués et validés par les certificateurs au même titre que les connaissances acquises

à l’école ou l’université.

1.2.2 - Principes généraux

La loi de 2002 sur la validation des acquis de l’expérience permet d’aller plus

loin que la VAP4 en offrant la possibilité à des personnes engagées depuis au moins

trois ans dans la vie active de faire valider leurs acquis en vue de l’obtention

partielle ou totale d’un diplôme, d’un titre à finalité professionnelle ou d’un

certificat de qualification professionnelle, sans avoir nécessairement suivi de

parcours de formation.

Elle marque ainsi une étape importante dans l’évolution de la réglementation de la

formation professionnelle continue en introduisant, dans le livre IX du Code du

travail, les dispositions relatives à la validation des acquis de l’expérience.

3 Merle, V., « Les enjeux du volet formation de la loi de modernisation sociale », Actualité de la Formation permanente, mars-avril 2002 4 VAP : validation des acquis professionnels

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Le champ de la validation s’élargit, une des intentions des législateurs étant de

donner « une chance pour chaque homme et chaque femme de faire reconnaître ce

qu’il a appris dans sa vie d’adulte ». C’est à présent « l’ensemble des activités

salariées, non salariées ou bénévoles exercées (…) pendant une durée totale

cumulée d’au moins trois ans et en rapport avec (…) la demande » qui peut faire

l’objet d’une demande de validation. Des certifications plus accessibles : peuvent

être acquis par la voie de la validation « l’ensemble des diplômes et titres à finalité

professionnelle et des certificats de qualifications » soient 3000 titres, diplômes et

certifications de branches professionnelles. « Le jury peut attribuer la totalité du

diplôme ou du titre », la certification peut donc avoir lieu sans aucun parcours de

formation.

La validation devient un droit inscrit au code du travail, réglementé en terme

d’organisation de la procédure, de financement et de protection du salarié : « Toute

personne engagée dans la vie active est en droit de faire valider les acquis de son

expérience (…) elle peut bénéficier d’un congé pour validation (..) ».

La première conséquence est culturelle puisque la VAE « ne vise pas seulement

à délivrer des titres et des diplômes. Il s’agit de relativiser la place et le poids de ces

derniers au regard de l’expérience professionnelle ». La possibilité d’une validation

totale est une petite révolution dans l’univers de la formation où la plupart des

diplômes ont été conçus pour valider un parcours de formation.

La deuxième conséquence de ces textes est un changement de culture, comme

l’explique Josette Pasquier, « La personne elle-même est le premier lieu de

reconnaissance de ses acquis5 ». Elle poursuit en disant : « L’idée centrale est que la

reconnaissance des acquis personnels et professionnels est d’abord l’affaire des

individus. Pour qu’il y ait la possibilité d’une démarche de reconnaissance des

acquis, il faut que l’intéressé soit persuadé qu’il dispose d’acquis, de savoir-faire, de

compétences et qu’il (ou elle) accepte le principe d’apprentissages complémentaires

si nécessaire ».

5 Pasquier, J. , « Pratiques de formation, analyses. Reconnaître et valider les acquis de l’expérience tout au long de la vie : quels dialogues possibles ? » P. 32, coll. « Thématiques », Formation permanente, Paris, université Paris-VIII, 1996.

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La loi de modernisation sociale permet la mise en place d’un nouveau

dispositif de validation et de certification. La composition et le rôle du jury de

validation sont précisés : « La validation est effectuée par un jury dont la

composition garantit une présence significative de représentants qualifiés des

professions concernées. Le jury peut attribuer la totalité du diplôme ou du titre. A

défaut, il se prononce sur l’étendue de la validation, et en cas de validation

partielle, sur la nature des connaissances et aptitudes devant faire l’objet d’un

contrôle complémentaire. Le jury fixe les contrôles complémentaires. Le jury d’un

diplôme ou d’un titre à finalité professionnelle délivré au nom de l’Etat ou par des

établissements publics ayant une mission de formation peut dispenser un candidat

désirant l’acquérir, des titres et des diplômes requis pour le préparer ».

Les modalités de validation sont assouplies, au-delà du dossier et de l’entretien,

le jury peut se prononcer en vue « d’une mise en situation professionnelle réelle ou

reconstituée, lorsque cette procédure est prévue par l’autorité qui délivre la

certification ». Par ailleurs, « les procédures d’évaluation doivent permettrent au

jury de vérifier si les acquis dont fait état le candidat correspondent aux

compétences, aptitudes et connaissances exigées par le règlement (…) pour la

délivrance du diplôme, du titre ou du certificat de qualification visé ».

Le dispositif antérieur de validation ne concernait que les diplômes de

l’Education Nationale, la nouvelle loi recouvre l’ensemble des certifications

professionnelles. Pour garantir la valeur de ces diplômes ou titres et répondre au

choix difficile des candidats parmi l’éventail des certifications existantes, la loi a

créé deux instruments fondamentaux : la Commission Nationale des Certification

Professionnelles (CNCP) et le Répertoire National des Certifications

Professionnelles (RNCP) qui permettent d’instaurer une sorte de régulation

collective du système de certification. L’ancien principe d’homologation disparaît au

profit de l’enregistrement des certifications dans ce répertoire selon deux modalités :

l’inscription de droit ou après avis de la CNCP. Toute certification enregistrée dans

le répertoire a valeur de référent social. C’est un véritable instrument d’information

utile à tous ceux qui ont besoin de connaître les certifications correspondant à la

qualification qu’ils recherchent pour eux-mêmes ou pour leur salariés. Son rôle ne

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 9 -

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s’arrête pas là puisqu’il a aussi une mission de veille prospective consistant à

s’assurer de l’actualisation, du renouvellement et de la création de certifications

adaptées à l’évolution des qualifications et des métiers.

1.3 - L’offre de certification

Quelle certification ?

Qui la délivre ? A quelles conditions ?

Diplômes Ministères en charge de

l’Education Nationale,

l’agriculture, Jeunesse et

sport, la culture, la santé…

Avis des commissions

paritaires consultatives

(Etat et partenaires

sociaux) sur un rapport

d’activité et jury

Titres à finalité

professionnelle

Mis en place par l’AFPA

sous la tutelle du Ministère

du Travail

Obtention du titre avec

dossier, jury et mise en

situation (réelle ou

reconstituée)

CQP

Certificats de qualification

professionnelle

Branches professionnelles Acceptation des commissions

paritaires nationales de

l’emploi et de la formation

professionnelle des branches

(représentants des employeurs

et des salariés)

Diplômes et titres élaborés

et délivrés par des

organismes de formation

Organismes publics ou

privés, sous couvert

d’enregistrement dans le

répertoire National des

Certifications

Professionnelles

Acceptation des

organismes homologués

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 10 -

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1.4 - Deux études pour un bilan

Au cours de nos recherches documentaires sur la VAE, nous avons identifié

deux études qui dressent un bilan de la VAE après quelques années d’application ; la

première est le rapport d’étape du Haut comité éducation-économie et emploi

(HCEEE) datant de mars 2004, la deuxième est le rapport de l’Inspection Générale des

Affaires Sociales (IGAS) paru en juin 2005.

1.4.1 -Rapport d’étape du Haut Comité Education économie-emploi

« La VAE : construire une professionnalisation durable » (2004)

Les auteurs de ce rapport nous font part de l’intérêt de la VAE dans le système

économique actuel : faire reconnaître les compétences acquises est, pour les actifs, une

condition de meilleure mobilité et pour les entreprises qui les emploient, un signal

pour une meilleure gestion des ressources humaines.

D’autre part, les travailleurs les moins diplômés particulièrement nombreux

parmi les plus de quarante ans sont apparus comme une cible prioritaire de la VAE :

ils ont acquis des compétences au cours de leur vie professionnelle et sociale et leur

accès à la qualification leur permettrait de se rendre socialement plus visibles aux

yeux de l’ensemble des employeurs. Comme le souligne les auteurs, l’enjeu est très

important et il est fondamental d’éviter de reproduire pour la VAE les mêmes

évolutions que pour le système de formation continue, à savoir, un système qui profite

le plus aux mieux formés. Mais pour ces publics peu ou pas diplômés, l’accès à la

VAE ne doit pas renvoyer à des situations scolaires qui peuvent parfois leur rappeler

des situations d’échec. Le rôle de l’écrit, notamment dans la rédaction de dossiers peut

leur sembler insurmontable. Aussi le HCEEE préconise un accompagnement tout au

long du parcours VAE.

La phase d’accueil/orientation pour la VAE est prise en charge par les PRC

(points relais conseils) où les candidats vont pouvoir avec l’aide d’un conseiller

déterminer le choix du diplôme ou du titre professionnel qui traduit au mieux les

compétences acquises. Une fois le choix arrêté et le dossier de recevabilité accepté,

l’accompagnement, qui reste optionnel dans tous les dispositifs, est une étape décisive

pour aider le candidat, d’une part à comprendre le type d’informations dont doit

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disposer le jury et d’autre part, à s’approprier une grille de lecture référencée de son

expérience professionnelle. Les candidats, quels qu’ils soient, ne doivent pas être

abandonnés à eux-mêmes. A fortiori quand il s’agit de candidats faiblement dotés sur

le plan de la formation.

Pour le HCEEE, au-delà de la forme écrite, c’est l’activité réflexive du

candidat qui est importante dans l’élaboration du dossier d’expérience et sa capacité à

orienter son contenu en fonction du référentiel du diplôme ou titre visé. Mais ce travail

réflexif a peu de chance d’être mené à bien par les candidats s’ils ne sont pas

accompagnés, guidés par des professionnels qui les initient à une méthode, à un mode

particulier de lecture de leur expérience, de mise en valeur de celle-ci. Même si cet

accompagnement peut comporter des phases collectives, il passe inévitablement par

un dialogue singulier entre un accompagnateur et un candidat.

Ce dialogue permanent avec l’accompagnateur sera d’autant plus décisif pour les

candidats que les obstacles au passage à l’écrit sont nombreux : passer du récit oral au

récit écrit demande un effort plus important pour les candidats dont le niveau de

formation initiale est le plus faible.

Pour les auteurs du rapport, il faut mettre en œuvre une politique incitative à la

VAE en direction des catégories de population les moins diplômées en permettant la

prise en charge systématique d’un accompagnement de qualité.

1.4.2 - Rapport de l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS)

« VAE : du droit individuel à l’atout collectif » (2005)

Ce rapport souligne entre autre, l’intérêt des principes pédagogiques de

l’AFPA6 (dont la mission est d’organiser la formation et les sessions de validation

sous l’autorité du Directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation

professionnelle) qui sont particulièrement favorables aux publics de faible niveau,

rebutés par le modèle « éducation nationale » vécu comme mettant en avant les savoirs

académiques et les techniques de mise en valeur des connaissances, plutôt que

l’expérience et le savoir-faire technique. Il est surtout pertinent pour les formations de

niveau V et VI et pour un public en recherche d’emploi ou d’employabilité. Comme

6 AFPA : Association nationale pour la Formation Professionnelle des Adultes

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 12 -

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nous l’avons vu précédemment, ce rapport met aussi en lumière un processus d’accès

aux titres du Ministère du Travail trop lourd (en terme financier) et trop long (pour les

candidats).

Pour les auteurs, l’accompagnement en VAE est une prestation indispensable

mais mal définie. Par sa nature, l’expérience pratique et humaine étant difficile à

verbaliser, 20 à 30 pages à compléter pour un dossier CAP (du Ministère de

l’Education Nationale) destiné au jury, dans lequel le candidat présente son

expérience, est souvent dissuasif, notamment pour les publics les moins familiers du

monde académique. C’est sans doute une cause d’abandon avant même la phase de

recevabilité du dossier VAE.

Aucune notion d’accompagnement n’est posée et de ce fait, des pratiques très

diverses se sont instaurées. On sait aujourd’hui que l’accompagnement est un facteur

déterminant pour la réussite d’un parcours VAE et les auteurs de ce rapport

préconisent des modalités d’accompagnement renforcées pour certains publics

vulnérables (demandeurs d’emploi, handicapés, personnes immigrées…) et d’accepter

les coûts en rapport avec ces modalités.

Ces deux rapports mettent en évidence l’intérêt et les enjeux économiques de la

mise en place de la VAE mais ils soulignent aussi les difficultés que peuvent

rencontrer les candidats, particulièrement les publics ayant un faible niveau de

formation initiale qui pourtant sont des publics ciblés par cette mise en place.

L’accompagnement semble être un des facteurs déterminant de réussite à

l’obtention d’un diplôme ou titre professionnel par le biais de la VAE, mais il est à la

fois un concept relativement récent dans le champ de la formation ainsi qu’une

prestation, selon les rapports vus précédemment, encore floue et très diversifiée dans

le cadre de la VAE.

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 13 -

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Chapitre 2 – La VAE à travers le dispositif de validation des acquis de l’AFPA

Rhône-Alpes

1.1 – L’AFPA

L’AFPA nous a paru être une structure vraiment intéressante, c’est un des rares

organismes à avoir recours à la mise en situation professionnelle lors de la validation

des titres aussi bien en formation continue qu’en VAE. Cette spécificité découle de

l’historique de L’AFPA où l’apprentissage par le « geste » reste un des principes

fondateur. L’autre intérêt de l’AFPA est qu’elle propose de nombreuses certifications

(par le biais du Ministère du Travail) de bas niveau, cette particularité nous permettra

d’approcher un aspect de notre problématique de l’accompagnement en VAE : la

diversité des niveaux des candidats, les différentes approches de l’écrit et de la

verbalisation.

bref historique :

En 1945, après la guerre, les centres de formation professionnelle accélérée

(FPA) sont créés, sous l’égide du ministère du travail mais sous le contrôle des

partenaires sociaux, pour répondre à une demande de main-d’œuvre importante. En

1949, les centres FPA sont regroupés sous le terme « ANIFRMO », association qui

sera remplacée en 1964 par l’AFPA : le rôle tutélaire du Ministère du travail est

consolidé.

Dans les années 1970, suite à un accord interprofessionnel, est voté la loi sur la

formation professionnelle continue : le droit à la formation est institué, les salariés

peuvent après un certain temps d’appartenance à l’entreprise, acquérir une formation

complémentaire aux frais de celle-ci.

En 1973, la formation professionnelle fait l’objet d’une section autonome du

Code du Travail dont l’article 1er stipule que « la formation professionnelle constitue

une obligation nationale ».

L’AFPA (11920 salariés) est un organisme d’orientation, de formation et de

validation qui exerce une mission de service public, par l’octroi d’un programme

d’actions subventionnées, qui permettait à l’Etat jusqu’en 2006, et aujourd’hui aux

Conseils Régionaux de disposer d’un outil de référence pour mettre en œuvre une

politique d’emploi.

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 14 -

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L’AFPA est une association de droit privé reconnue d’utilité publique, régie

par la loi 1901 sur les associations. Elle possède une assemblée générale composée des

représentants des syndicats représentatifs des salariés, des organisations d’employeurs,

de l’Etat et des Conseils régionaux. Elle est par ailleurs, sous tutelle gouvernementale

par l’intermédiaire du Ministère du Travail et de sa Délégation Générale à l’Emploi et

à la Formation Professionnelle (DGEFP).

Sa mission est aujourd’hui d’amener les personnes à l’emploi par la formation, de les

orienter et de les évaluer avant de les former puis de les valider et de les faire certifier

pour les qualifier.

Organisée en 22 directions régionales, elle s’appuie sur 207 sites d’orientation

professionnelle et en matière de formation, elle possède 274 sites de

formation/validation sur le territoire national qui s’appuient sur des principes

spécifiques :

un contenu formation le plus proche du contenu du métier

une pédagogie centrée sur l’exercice même du métier

des plateaux techniques à disposition des stagiaires et des formateurs

des formations avec mise en application dans les entreprises

1.2 - La Mission

La proposition de mission de l’AFPA faisant suite à notre demande de stage

nous a semblé tout à fait répondre à nos objectifs. Nous avons donc effectué notre

temps de stage7 au sein de la direction régionale de l’AFPA Rhône-alpes, aux côtés de

l’ingénieur de formation ayant en charge le dossier VAE pour la région.

Le constat fait par l’ingénieur, Monsieur Pascal Ehrhardt notre tuteur

professionnel, sur l’accompagnement dans le processus de la validation des acquis de

l’expérience est qu’actuellement les accompagnateurs ont globalement cerné leur

mission d’accompagnement ; mais avec la mise en place de nouvelles modalités

(depuis septembre 2006) de VAE au sein du Ministère du Travail comme

l’instauration du dossier de synthèse de pratique professionnelle (DSPP), la grande

différence des flux de candidats à la VAE en fonction des centres AFPA de la région

7 Annexe 4, convention de stage.

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 15 -

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Rhône-Alpes, la diversité des profils des accompagnateurs et enfin la montée en

puissance attendue du nombre de candidats à la VAE dans les années à venir,

Monsieur Ehrhardt s’interroge sur les pratiques très diverses mises en place dans les

centres de la région et pense qu’un bilan et une analyse de ces pratiques sont à faire

pour mieux structurer et optimiser l’offre d’accompagnement proposée par l’AFPA.

Il nous a donc chargé de réaliser cette analyse et missionné sur plusieurs points :

- Identifier les besoins des accompagnateurs

- Structurer et outiller les prestations

- Professionnaliser les acteurs sur le champ de l’accompagnement VAE

dans les centres de la région Rhône-Alpes

- Réfléchir au contenu pour les demandeurs d’emploi du « PASS VAE »,

dans le cadre du projet du Conseil régional Rhône-Alpes, permettant de

bénéficier d’un accompagnement renforcé

Notre stage se déroulant sur huit semaines environ, il est prévu une journée de

professionnalisation à la fin de notre stage pour les accompagnateurs de la région qui

souhaitent y participer. Cette journée sera animée par Monsieur Ehrhardt et nous-

mêmes.

1.3 - Le Lien entre mission et recherche

Il nous paraît important ici de rappeler le lien entre le thème de notre mémoire

et le Master professionnel d’Ingénierie et Conseil en Formation. Nous citerons Thierry

Ardouin qui définit l’ingénierie de formation comme étant « une démarche

socioprofessionnelle où l’ingénieur-formation a, par des méthodes appropriées, à

analyser, concevoir, réaliser et évaluer des actions, dispositifs et/ou système de

formation en tenant compte de l’environnement et des acteurs professionnels.

L’ingénierie de formation se trouve à l’interface de l’ingénierie des politiques (niveau

stratégique et décisionnel) et de l’ingénierie pédagogique (niveau pédagogique) »8. Si

la VAE n’a pas à priori d’objectif de formation, nous verrons dans notre partie

« cadres théoriques mobilisés » (p. 34) qu’elle ne peut se réaliser que s’il y a processus

formatif.

8 Ardouin, T. (2006). Guide pédagogique du Master ICF. P. 5. Rouen

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 16 -

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Le thème des savoirs est au cœur de l’ingénierie de formation, notre thème,

l’accompagnement en validation des acquis de l’expérience se situe dans le champ de

l’ingénierie pédagogique et dans la réflexion sur les savoirs produits par le processus

d’apprentissage.

Notre recherche et notre mission posent la question très intéressante de la

reconnaissance des compétences et de l’expérience formatrice. Ce domaine rejoint

également une motivation plus personnelle de notre parcours qui a débuté par un désir

de réorientation professionnelle et un investissement dans une démarche de réflexion

aboutissant à notre reprise d’études et notre entrée dans ce Master professionnel

D’autre part, cette mission nous permet de nous confronter au terrain et

correspond à notre volonté de nous forger une certaine expertise sur ce thème pour une

future activité de conseil ou d’accompagnement.

La mission qui nous est confiée par l’AFPA aborde plusieurs dimensions de

l’accompagnement en validation des acquis de l’expérience:

• Une dimension professionnelle : en identifiant les besoins des

accompagnateurs, l’AFPA reconnaît la fonction d’accompagnement en VAE

comme une nouvelle dimension du métier de formateur.

• Une dimension institutionnelle : en structurant et outillant les prestations,

l’AFPA formalise la fonction d’accompagnateur et par là-même

l’accompagnement en VAE.

• Une dimension pédagogique : en souhaitant professionnaliser les

accompagnateurs, l’AFPA reconnaît des compétences spécifiques à la fonction

d’accompagnement en VAE.

Nous nous proposons d’aborder une autre dimension à travers notre recherche :

une dimension psychologique. Comme nous l’avons vu dans l’introduction, notre

questionnement de recherche porte sur l’aspect psychologique du lien qui se tisse entre

l’accompagnateur et le candidat. Les aspects abordés durant notre stage, professionnel,

institutionnel et pédagogique restent très encrés dans le pratique et la pratique au

quotidien de l’accompagnement. Notre recherche permettra une prise de recul et Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 17 -

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amènera peut-être à une réflexion permettant d’améliorer la fonction

d’accompagnement et le rôle d’accompagnateur si nos hypothèses sont confortées par

notre enquête.

1.4 - La VAE en pratique

1.4.1- Déroulement du processus VAE

• Le candidat collecte des informations auprès d’un Point Information Conseil9 puis

avec l’aide d’un conseiller se positionne sur une certification correspondant à son

expérience.

• Le candidat, un fois son positionnement réalisé, s’adresse au certificateur

correspondant pour obtenir un dossier de recevabilité VAE dans lequel doivent

apparaître les preuves de l’expérience acquise (au minimum trois ans dans le

domaine de la certification demandée) par le candidat (titres ou diplômes,

attestation d’employeurs…).

• Une fois le dossier de recevabilité accepté par l’autorité concernée, le candidat

peut bénéficier d’un accompagnement facultatif, durant lequel le candidat peut

préparer son dossier de validation et son entretien devant le jury et/ou une mise en

situation professionnelle.

• Pour obtenir une certification le candidat doit obligatoirement satisfaire un jury

composé entre autre de professionnels de la spécialité qui vérifie que l’expérience

du candidat correspond effectivement aux connaissances, aptitudes et compétences

exigées pour la délivrance de la certification visée. La certification peut être

obtenue de façon totale ou partielle, seul le jury peut en décider. Le jury précise les

connaissances, compétences ou aptitudes faisant défaut pour partie au candidat et

9 PIC : les points information conseil peuvent être, suivant les organisations retenues par les Conseils Régionaux, des structures créées à cet effet ou avoir pour support des organismes déjà en charge de l’information ou de l’orientation sur la formation professionnelle initiale ou continue.

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 18 -

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qui devront faire l’objet d’une évaluation complémentaire dans un délai maximum

de cinq ans.

1.4.2 - Constat général

Le processus pour l’obtention d’une VAE est déroulé assez clairement sur les sites

Internet de chaque certificateur par exemple mais quand on lit les témoignages des

candidats ayant dû faire les démarches, il est souvent qualifié de « parcours du

combattant »10.

L’information n’est pas centralisée et les candidats peinent à identifier la structure

susceptible de les informer et de les conseiller. Il existe divers lieux d’information

dédiés à la VAE et cette diversité rend l’offre de prestation peu lisible pour les

candidats.

Depuis le 15 février 2007, un site Internet commun à l’ensemble des

certificateurs a été mis en ligne : www.vae.gouv.fr et devrait permettre aux candidats

potentiels de se retrouver plus facilement dans la jungle des 15000 certifications.

Pour avoir assisté à une information collective (environ 1h30) concernant les

modalités de certification du Ministère du Travail ayant lieu dans un centre AFPA de

la région Lyonnaise, nous nous sommes aperçu que sur la dizaine de candidats

présents : deux personnes ne pouvaient pas se positionner sur les titres du certificateur,

ils avaient été mal orientés dans les points d’information vus en amont de leur

démarche, plusieurs personnes avaient une idée déjà très précise de leur

positionnement sur un titre et une personne hésitante avait déjà assisté à une

information collective du Ministère de l’Education, un diplôme et un titre pouvant

correspondre à son expérience, enfin une personne ne réunissait pas les 3 ans

d’expérience dans le domaine demandé, là aussi l’information primaire faite en amont

n’avait pas atteint son objectif.

Durant cette information collective, le conseiller rappelle ou informe les personnes qui

n’ont pas forcément été renseignées en amont du déroulé du processus VAE, aide, de

façon rapide, les candidats à positionner leur expérience sur un référentiel titre ou

diplôme et explique de quoi doit être constitué le dossier de recevabilité.

10 Revue BREF N°224 du CEREQ, Parcours VAE, des itinéraires complexes, longs, à l’issue incertaine, novembre 2005

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 19 -

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Cette étape peut être jalonnée de difficultés pour certains qui ont du mal à se

positionner sur un diplôme précis (leur expérience pouvant se calquer sur seulement

une partie d’un diplôme et l’autre partie sur un autre diplôme existant) ou au contraire,

leur expérience se positionne très clairement sur un diplôme du Ministère de

l’Education Nationale mais aussi sur un titre du Ministère du Travail comme par

exemple le CAP de carreleur et le Titre de carreleur homologué niveau V, lequel

choisir ?

Quand le candidat a défini le diplôme ou le titre sur lequel il se positionne, il

remplit son dossier de recevabilité et doit donc apporter toutes les preuves pour

justifier de trois ans d’expérience dans le domaine certifié du diplôme choisi. Les

preuves d’expérience professionnelle se justifient grâce aux contrats de travail mais

ces preuves sont parfois presque impossibles à apporter dans le domaine du bénévolat

si ces expériences sont éloignées dans le temps (associations ayant disparu, contact

perdu, éloignement géographique…).

Le dossier de recevabilité accepté, le candidat peut se faire accompagner. Cet

accompagnement est facultatif mais il est nécessaire, selon les témoignages des

candidats11 :

« C’est une valorisation. C’est là qu’on pointe qu’effectivement on a vraiment des

compétences… en même temps, ça consolide quelque chose en soi dont on n’avait pas

forcément pris la dimension »

A propos des accompagnateurs : « ils nous aident à revenir sur notre parcours

professionnel, sur ce qu’on fait et sur ce qu’on veut faire, à nous positionner par

rapport à notre emploi de manière à bien le présenter et à être certain de ne pas passer

à côté de certaines compétences ».

« On sent qu’il y a, ne serait-ce que sur des éléments de présentation, des points de

passage obligés et je serais certainement passé à côté d’un certain nombre d’entre eux

si je n’avais pas eu l’apport d’un accompagnateur ».

L’accompagnateur propose un appui méthodologique d’explicitation de

l’expérience pour compléter le dossier généralement demandé par les certificateurs

11 Ibid.

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 20 -

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mais il est aussi porteur du langage et des comportements à adopter. Le point négatif

de cet accompagnement : son coût pour le candidat, en effet il peut varier de 300 à

1000 €. La prise en charge est aujourd’hui totale pour les demandeurs d’emploi et

certains cas particuliers (définis selon les Conseils Régionaux).

Les salariés peuvent éventuellement se tourner vers le service formation de leur

entreprise qui peut prendre en charge une part de la VAE, mais tous les candidats

n’ont pas forcément envie que leur employeur ait connaissance de leur démarche et

préfèrent rester discrets surtout quand leur objectif est de quitter leur entreprise…

Les témoignages faisant suite au passage devant le jury sont mitigés : trop

scolaire ou pédagogique. Le délai global entre le moment d’acceptation de la demande

de recevabilité et le passage devant le jury peut aller jusqu'à un an et peut être

décourageant. Mais aujourd’hui les organismes certificateurs s’accordent à essayer de

réduire ce délai.

1.4.3 – Constat sur l’accompagnement en VAE

Nous nous sommes très rapidement intéressés à l’accompagnement en VAE, en

effet, le processus VAE mis en place depuis quatre ans maintenant est aujourd’hui

clairement défini en ce qui concerne le niveau technique, il existe malgré tout

quelques zones d’ombres situées sur l’accompagnement.

L’accompagnement est jugé indispensable par les auteurs du Rapport de

l’Inspection Générale des Affaires Sociales12 mais mal défini. Aucune notion

d’accompagnement n’est vraiment posée et des pratiques très diverses se sont

instaurées. On sait que l’accompagnement est un facteur déterminant pour la réussite

d’un parcours VAE et les auteurs préconisent des modalités d’accompagnement

renforcées pour certains publics vulnérables.

Le rapport d’étape du Haut Comité Education Economie Emploi13 souligne

qu’il est important de ne pas reproduire pour la VAE les mêmes évolutions que pour le

système de formation continue à savoir, un système qui profite le plus aux mieux

12 Rapport de l’IGAS : VAE, du droit individuel à l’atout collectif, 2005. 13 Rapport du HCEEE : VAE, construire une professionnalisation durable, 2004.

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formés. L’accès à la VAE pour les publics pas ou peu diplômés ne doit pas renvoyer à

des situations scolaires qui peuvent parfois leur rappeler des situations d’échec. Le

rôle de l’écrit, notamment dans la rédaction de dossiers peut leur sembler

insurmontable. Le HCEEE préconise lui un accompagnement tout au long du parcours

VAE.

Les pratiques très diverses ont amené l’Etat à produire une « Charte des

services de l’Etat pour l’accompagnement des candidats à une certification

professionnelle par la voie des validation des acquis de l’expérience »14 qui s’adresse

aux candidats à la VAE. Cette Charte nous informe que l’accompagnateur se doit

d’apporter une aide au cours d’entretiens individuels et /ou collectifs et crée les

« meilleures conditions » pour faciliter l’expression de l’expérience du candidat. Cet

accompagnement se compose de six étapes :

1. Une réflexion approfondie permettant de resituer la demande de certification

dans le projet professionnel et personnel

2. un retour sur le parcours du candidat où celui-ci fait un inventaire de ses

expériences professionnelles salariées, non salariées et bénévoles puis choisit

avec l’accompagnateur celles qui sont les plus pertinentes par rapport au

référentiel diplôme ou titre visé

3. un entretien d’analyse descriptive des activités : les questions de

l’accompagnateur permettent de décrire et d’expliciter le contexte des activités

et procédures mises en œuvre par le candidat

4. une assistance à la description écrite des activités

5. une préparation de l’entretien avec le jury

6. et/ou cas échéant : une préparation à une mise en situation professionnelle

14Charte consultable sur le site :

www.travail.gouv.fr/IMG/pdf/Charte_acompagnement_VAE_groupe_2.pdf Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 22 -

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Cette charte donne donc un cadre au candidat ainsi qu’aux organismes

accompagnateurs et indique les grandes lignes de ce qui est à effectuer. La durée d’un

accompagnement est variable, elle peut être en moyenne de trois heures à vingt-quatre

heures environ.

Elle pose des objectifs concrets à atteindre mais finalement peu d’outils sont avancés

pour remplir ces objectifs.

1.5 - Réponses à la commande de l’AFPA

Il nous semble important de préciser qu’avant de nous lancer dans la mission qui

nous a été confiée, nous nous sommes au préalable intéressée au fonctionnement de la

structure qu’est l’AFPA pour mieux nous en imprégner et pour essayer de maîtriser un

vocabulaire spécifique et parfois nouveau pour nous.

Nous avons donc effectué une étape d’exploration pour rencontrer de manière

informelle les différents acteurs de la VAE au sein de l’AFPA. Ainsi, nous avons

d’abord assisté à des « informations collectives » sur la VAE, destinées aux personnes

éventuellement intéressées et présentant les modalités de certification du Ministère du

Travail, ayant lieu dans les centres AFPA de la région lyonnaise. Puis nous sommes

allée à la rencontre des accompagnateurs et des candidats lors d’accompagnements

collectifs et individuels.

Cette première approche nous a permis de mieux cerner les contraintes de

chacun et de mieux appréhender la réalité du terrain nous facilitant ainsi l’enquête et

l’analyse que nous avions à mener dans le cadre de notre chantier.

1.5.1- Précisions

Comme nous l’avons signalé en introduction de notre rapport de mission,

depuis septembre 2006, l’évaluation du candidat a été modifiée. En effet, avant

septembre 2006, l’obtention d’un titre professionnel du Ministère du Travail se faisait

sur capitalisation de certificats de compétences professionnelles (CCP). Chaque CCP

faisait l’objet d’une épreuve de mise en situation devant un jury composé d’un

formateur et d’un professionnel. Enfin, une fois obtenu l’ensemble des CCP

composant le titre professionnel, le candidat rencontrait le jury titre (composé

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 23 -

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uniquement de professionnels) lors d’un entretien final. A l’époque cette procédure

d’épreuves de mise en situation pour l’obtention des CCP pouvait être très lourde.

Pour le Titre de maçon, 7 CCP devaient être obtenus. Cette procédure VAE était

calquée sur la procédure d’évaluation de fin de formation. Suite à la parution du

rapport de mission de l’IGAS15 qui soulignait le caractère lourd du processus, dès

septembre 2006, le principe de capitalisation est oublié au profit d’une mise en

situation directe qui reprend l’ensemble des compétences exprimées dans les CCP

sous forme d’épreuve de synthèse. Pour compléter cette épreuve relativement

synthétique, un dossier de synthèse de pratique professionnelle16 est à remplir par les

candidats, et un entretien est instauré avec le jury composé au minimum de deux

professionnels.

L’ensemble de ces trois modalités permet de valider le titre professionnel choisi. Le

jury peut attribuer une validation partielle en attribuant un ou plusieurs CCP au

candidat. Dans ce cas et seulement après la décision du jury, le candidat peut entrer

dans un processus de capitalisation de CCP.

Il est à signaler que toutes les formations proposées à l’AFPA ont subi une re-

ingénierisation pour permettre l’adéquation des titres obtenus en fin de formation avec

ceux obtenus en validation des acquis de l’expérience. Ainsi, aujourd’hui,

pratiquement tous les titres de l’AFPA ne sont plus composés que de quatre CCP

maximum.

En plus de ces modifications de procédure instaurées en septembre 2006, une

nouvelle organisation a été mise en place : la prestation d’accompagnement VAE est

maintenant systématiquement réalisée au plus près du domicile du candidat ce qui

n’était pas toujours le cas auparavant, en effet, il était plutôt courant d’envoyer le

candidat vers un centre qui formait au titre pour lui permettre d’avoir un

accompagnement fait par un formateur spécialiste du titre visé. Cette nouvelle

organisation permet plus de souplesse pour le candidat et évite l’engorgement les

centres AFPA les plus importants (Saint-Priest et Vénissieux).

15 Rapport de l’Inspection Générale des Affaires Sociales . VAE, du droit individuel à l’atout collectif, 2005. 16 Annexe 5 : dossier de synthèse de pratique professionnelle du Ministère du travail.

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 24 -

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1.5.2 - La VAE en chiffres à l’AFPA

La région Rhône-Alpes comprend dix centres de formation : Vénissieux, Saint

Priest, Rillieux, Bourg en Bresse, Annecy, Chambéry, Grenoble, Saint Etienne,

Valence et Roanne. En 2006, 394 candidats, soit 39% de plus que l’année précédente,

se sont présentés à un Titre professionnel et 294 d’entre eux ont obtenu ce titre. Les

prévisions pour 2007 sont estimées à 700, 800 candidats.

Toujours en 2006, 443 personnes se sont engagées dans la procédure VAE, sur ces

443 personnes, 193 sont salariées (44%). Ces candidats se répartissent sur 61 Titres

AFPA différents, ce qui représente une évolution notable par rapport à 2005 où seuls

38 Titres avaient été sollicités. La Demande VAE s’élargit donc.

C’est toujours le Titre « ADVF » (assistant(e) de vie aux familles) qui est le plus

demandé en 2006 (94 candidats). Le deuxième Titre le plus présenté est « Préparateur

de commandes en entrepôt » avec 39 demandes, puis « Cariste d’entrepôt » (26

personnes), « Maçon » (21 personnes et « Conducteur(trice) de transport routier urbain

de voyageurs » (19 personnes)

La répartition en âge en 2006

Nombre de personnes Pourcentage

Plus de 45 ans 109 25%

De 35 à 45 ans 136 31%

De 25 à 35 ans 126 28%

Moins de 25 ans 72 16%

La part des femmes s’étant présentées à un titre en 2006 est de 51% et varie peu

comparativement à l’année précédente.

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1.5.3 – Identifier les besoins des accompagnateurs

Après avoir rencontré les différents acteurs et intégré les diverses étapes de la

VAE, nous avons choisi, pour identifier les besoins des accompagnateurs de procéder

par entretien semi-directif, la consigne de départ étant : « J’aimerais que vous me

définissiez votre rôle d’accompagnateur VAE ». Puis nous nous sommes appuyée sur

un guide thématique :

• Impact de l’arrivée du dossier de synthèse de pratique professionnelle

• Les temps collectifs et temps individuels

• Les liens entre expérience et référentiel, les écarts constatés

• Projection sur un accompagnement renforcé

• La FOAD en accompagnement

• Difficultés rencontrées

Nous avons remarqué que des pratiques et des organisations diverses s’étaient

mises en place et il nous a paru intéressant d’interviewer des accompagnateurs ayant

des fonctionnements différents. Ainsi nous avons constaté que des accompagnateurs

pratiquaient des accompagnements collectifs, d’autres fonctionnaient en individuel,

que certains accompagnateurs étaient des généralistes, d’autres des spécialistes… Ces

accompagnateurs pouvaient faire partie d’un centre ayant des flux importants ou au

contraire plus restreints.

Nous sommes ensuite allée à leur rencontre dans quatre centre AFPA, à Annecy,

Bourg-en-Bresse, Saint-Priest et Rillieux et nous avons réalisé quatre entretiens

approfondis qui nous ont permis de mieux cerner les pratiques d’accompagnement.

Après analyse de ces entretiens nous avons pu dégager de grandes lignes :

• L’accueil est important pour tous les accompagnateurs rencontrés, il permet de

mieux se connaître et permet de donner ou redonner des informations sur le

déroulement de l’accompagnement et notamment sur la session de validation qui est

souvent une source d’inquiétude pour les candidats. En prenant le temps de détailler

les étapes, l’accompagnateur rassure le candidat.

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• Le DSPP : ce dossier à remplir par le candidat permet à l’accompagnateur d’aider

la personne à formuler son expérience professionnelle et à la lier au référentiel de

certification. L’accompagnateur adapte le temps de travail du DSPP en fonction des

besoins des candidats. Tous soulignent la difficulté rencontrée par les candidats de

niveau V : l’écrit. Souvent les accompagnateurs découpent les séances autour du

DSPP pour permettre aux candidats de réfléchir et de travailler chez eux.

Pour les candidats de niveau plus élevé pour qui l’écrit n’est pas un problème, des

consignes et/ou un exemple sont donnés et généralement, ils ne rencontrent pas ou peu

d’écueil dans la réalisation de celui-ci.

Pour certains titres de niveau III, par exemple le titre de « formateur pour adultes »,

une production écrite supplémentaire est demandée sous forme de dossier décrivant

une séance de formation. L’accompagnateur travaille plutôt sur cet écrit avec les

candidats.

La mise en situation professionnelle et l’entretien avec le jury : la préparation des

épreuves est souvent appréhendée par l’accompagnateur généraliste car s’il ne

travaille pas sur un centre où le candidat a la possibilité de voir le plateau technique de

l’épreuve et de discuter avec le formateur spécialiste, il a des difficultés à donner des

informations techniques et à rassurer le candidat.

• Les temps collectifs et individuels : les accompagnements individuels sont les

plus fréquents dans les centres n’ayant pas un flux très important de candidats, en

effet, les accompagnateurs suivent des candidats ayant des demandes très différentes

de titre ou qui ne débutent pas en même temps ou bien encore qui n’ont pas les mêmes

disponibilités. L’accompagnement individuel permet à l’accompagnateur de mieux

s’adapter au candidat.

On retrouve l’accompagnement collectif dans les centres plus importants qui peuvent

regrouper des candidats pour le même titre professionnel. L’avantage avancé par les

accompagnateurs est la mutualisation des pratiques et l’enrichissement de chacun au

contact de l’expérience de l’autre.

Certains ont tenté des accompagnements collectifs avec des candidats visant des titres

différents mais ces tests n’ont pas été probants. Les demandes et les attentes des

candidats étaient trop différentes et une certaine frustration en a résulté des deux côtés.

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 27 -

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• La durée de l’accompagnement : celle-ci est contractualisée et varie de 4 à 6

heures. Peu d’accompagnateurs arrivent à réaliser un accompagnement sur cette durée

et particulièrement avec les personnes qui ont des difficultés avec l’écrit.

L’accompagnateur peut aller jusqu’à aider le candidat à retranscrire avec beaucoup de

précaution son expérience. La durée de l’accompagnement peu parfois dépasser dix

heures et on se trouve ici dans le cas d’un accompagnement renforcé mais dont les

heures supplémentaires ne sont pas valorisées.

L’accompagnement sous forme collective permet de dégager des heures

supplémentaires puisque mutualisées.

• L’accompagnement à distance : ce temps de travail n’est pas souvent

comptabilisé par les accompagnateurs, cet accompagnement à distance se fait par

mails (à condition que le candidat possède et maîtrise les outils bureautiques), appels

téléphoniques et envois de courrier, il complémente l’entretien en face à face.

• Liens entre expérience et référentiel, les écarts constatés : tous les

accompagnateurs s’accordent à dire qu’ils n’ont pas à juger ou évaluer les chances du

candidat d’obtenir le titre visé. D’autant plus que le candidat a obtenu une recevabilité

de la DDTEFP. En revanche quand ils commencent à travailler sur le DSPP avec le

candidat, ils l’amènent à dégager lui-même les écarts entre son expérience et le

référentiel du titre. Si ces écarts peuvent être comblés avant le passage des épreuves,

ils encouragent le candidat à aller chercher dans son entreprise l’expérience

manquante, dans le cas échéant, de se documenter ou de se faire aider par son

entourage (exemple d’une candidate à un titre de bureautique qui ne savait pas utiliser

un logiciel très courant).

En aucun cas il n’est fournit une quelconque formation durant l’accompagnement. Les

accompagnateurs précisent souvent qu’ils informent les candidats qu’ils peuvent

n’obtenir qu’une validation partielle, et que cela ne doit pas être vécu comme un échec

mais comme une éventualité. Ils pourront ensuite s’ils le désirent entrer dans une

procédure de capitalisation de CCP pour aller jusqu’au titre.

Dans l’accompagnement certains utilisent des outils ou des techniques inventées au

cours des séances. Ainsi un des accompagnateurs demande systématiquement au

candidat de surligner au marqueur de couleur les expériences déjà réalisées sur le

référentiel titre. Une fois que le candidat a réfléchi, s’est remémoré ses expériences et Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 28 -

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a surligné le référentiel, il peut commencer à rédiger des exemples. Tout ce qui n’est

pas surligné sur le référentiel est immédiatement visible et permet au candidat de

mieux percevoir les écarts entre son expérience et le référentiel.

• Projection sur un accompagnement renforcé : les accompagnateurs rencontrés

nous ont souvent signalé les dépassements de durée surtout pour les titres de faible

niveau, le temps passé sur le DSPP est long. L’accompagnement renforcé leur

permettrait de mieux le préparer ainsi que la mise en situation professionnelle et

l’entretien avec le jury.

Difficultés rencontrées :

• Le temps passé sur le travail annexe d’accompagnement (prise de contact,

rendez-vous, accompagnement à distance…) est souvent du temps de travail masqué

et ces moments mis bout à bout pèsent sur leur travail et ne sont pourtant pas

véritablement comptabilisés.

• Ils ont aussi des difficultés à obtenir des informations techniques sur certains

titres quand ils sont accompagnateurs généralistes, ils peinent souvent pour joindre un

formateur spécialiste du titre qui n’est pas toujours disponible.

• Ils ont le sentiment d’être seuls sur le champ de la VAE et regrettent de ne pas

pouvoir échanger plus. Souvent le formateur qui a en charge la VAE, sur un centre de

petite ou moyenne importance, est le seul à assurer toute la procédure sur le centre.

• Ils peuvent être déstabilisés par certaines recevabilités accordées par la

DDTEFP : les écarts entre expérience et référentiels sont tels que les accompagnateurs

ont parfois l’impression d’avoir une mission impossible à réaliser.

• La durée d’accompagnement est trop courte pour certains candidats qui ont

besoin de plus d’aide.

Pour conclure, tous les accompagnateurs sont très investis dans leur mission qui

représente selon les personnes entre 20 et 40% de leur temps de travail, tous sont

initialement des formateurs. Ils reconnaissent que les candidats à la VAE, notamment

ceux qui rencontrent des difficultés de par leur situation ou leur parcours, ont un fort

besoin d’être écoutés et de se raconter. Les accompagnateurs se montrent attentifs et

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 29 -

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se sentent parfois investi d’une mission de soutien psychologique : permettre aux

candidats de s’exprimer pour mieux évacuer leur stress.

1.5.4 - Outiller et structurer les prestations d’accompagnement

En terme d’outils, il existe à l’AFPA une offre transversale de formations où l’on

trouve deux formations concernant l’entretien d’explicitation. L’une propose la

découverte de l’entretien d’explicitation avec : les techniques d’aide à l’explicitation,

l’appropriation des éléments fondamentaux de l’explicitation et la mise en œuvre

professionnelle. La deuxième propose un perfectionnement et s’adresse à ceux qui ont

déjà suivi la première formation.

Il nous semble que l’outil qu’est l’entretien d’explicitation peut être d’une grande aide,

particulièrement pour les personnes qui débutent dans ce type de mission. Quelques

accompagnateurs nous ont dit utiliser cette technique auprès des candidats à la VAE.

D’autre part, il existe actuellement un outil à utiliser en FOAD pour préparer à

la VAE : cet outil permet de préparer la VAE pour le titre d’ADVF (assistante de vie

aux familles), un des titres les plus demandé en VAE à l’AFPA. Lors de notre stage, il

n’était pas encore en fonctionnement car les ingénieurs travaillaient aux conditions

d’accès et modalités de mise en oeuvre de cet outil, néanmoins nous avons pu le voir

fonctionner : fort convivial et très pédagogique, nous pensons qu’à terme cet outil, s’il

est bien cadré, pourra servir de support à des personnes qui ne peuvent pas toujours se

déplacer vers un centre et à condition qu’il y ait, bien sûr, l’appui d’un

accompagnateur par le biais de tchats ou d’entretiens téléphoniques. On pourrait

imaginer que ce support puisse se développer pour d’autres titres aussi très demandés.

En ce qui concerne la difficulté pour les accompagnateurs généralistes

d’obtenir des informations techniques sur les titres, nous avons pensé avec notre tuteur

professionnel, pouvoir désigner sur la région un formateur spécialisé référant pour

chacun des titres proposé sur la région Rhône-alpes. Ainsi nous pourrions proposer

sous forme d’annuaire, la personne référent technique, avec bien entendu son accord,

pour chaque titre ainsi que ses coordonnées. Cela éviterait ces pertes de temps aux

accompagnateurs souvent en recherche de complément d’informations techniques.

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 30 -

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Pour la durée de l’accompagnement qui semble trop court pour certains candidats,

le seul moyen de gagner des heures supplémentaires nous semble être

l’accompagnement collectif. Celui-ci permet de mutualiser les heures : ainsi si deux

personnes suivent ensemble un accompagnement initialement prévu de façon

individuel soit 4 à 6 heures, si cet accompagnement devient collectif, les heures sont

doublées : 8 à 12 heures. Si il y a trois candidats : 12 à 18 heures… En mutualisant au

moins le premier entretien lié au déroulé du processus, nous pourrions gagner

quelques heures.

Pour mieux structurer le travail que demande la VAE, nous pouvons peut-être

préconiser une organisation différente, en réservant par exemple une ou deux journées

dans la semaine à la VAE et en se consacrant aux autres missions les autres jours. Une

journée pourrait être réservée aux accompagnements et une autre journée ou demi-

journée aux démarches qu’impliquent la VAE par exemple.

1.4.5 – Professionnaliser les acteurs

A la fin de notre stage nous avons travaillé en collaboration avec notre tuteur

professionnel, Pascal Ehrhardt, sur une journée de professionnalisation des

accompagnateurs VAE de la région. Treize personnes se sont inscrites et

représentaient huit des dix centres de la région. Nous avons organisé la journée autour

de plusieurs points :

• Présentation de l’évolution des chiffres de la VAE à l’AFPA

• Présentation d’un diaporama sur l’accompagnement

• Présentation de l’outil FOAD pour le titre ADVF (assistante de vie aux

familles)

Les objectifs de cette journée étaient de permettre aux interlocuteurs VAE AFPA de

se rencontrer, d’échanger sur leur pratique, de recadrer ces pratiques au sein de

l’organisme AFPA.

Dès le début de la journée, lors de la présentation de chacun, nous nous sommes

rapidement aperçu que, parmi les participants, il y avait quelques personnes qui

venaient de prendre récemment la fonction d’accompagnateur. Pascal Ehrardt a donc

pris l’initiative de rappeler à tous la procédure VAE à l’AFPA, ce qui a permis Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 31 -

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d’éclairer les nouveaux arrivants et de rappeler les changements de procédures depuis

septembre 2006.

La présentation des chiffres de la région pour la VAE a fait prendre conscience de

la montée en puissance de celle-ci aux accompagnateurs présents et a permis de

quantifier leur travail.

Le diaporama sur l’accompagnement que nous avons présenté partait de la notion

très générale d’accompagnement avec toutes les significations que l’on pouvait lui

donner pour arriver à la notion plus proche de l’accompagnement en VAE et

l’accompagnement VAE à l’AFPA. Nous avons ensuite présenté les pratiques

d’accompagnement que nous avions observées sur le terrain. Les accompagnateurs ont

à ce moment échangé sur leurs pratiques.

Une question portant sur l’illettrisme a été posée : peut-on accompagner à une

VAE quelqu’un qui ne sait pas écrire ? Les participants se sont positionnés pour le oui

si les certificats des compétences professionnelles (CCP) du titre visé n’exigent pas

l’utilisation de l’écrit. Le candidat peut se faire aider par son entourage pour remplir le

DSPP. D’autre part la demande du candidat étant validée par le DDTEFP, en aucun

cas un accompagnateur de l’AFPA ne peut remettre en cause cette décision.

L’idée d’un annuaire de référents techniques pour chaque titre a été très bien

accueillie par les accompagnateurs généralistes. Pascal Ehrardt propose aussi un

partage de l’accompagnement éventuel entre le centre de proximité (le DSPP) et le

centre de compétences (plateau technique et préparation à la mise en situation) en

particulier pour l’accompagnement renforcé.

La présentation de l’outil FOAD a beaucoup été appréciée car presque tous les

accompagnateurs en avaient entendu parler mais n’avaient pas eu l’occasion de le voir

fonctionner et certains ont été agréablement surpris par sa convivialité.

Pendant cette journée, un listing des participants et de leurs coordonnées a été mis

à jour et distribué pour permettre ensuite à ceux qui le désirent de continuer à

échanger.

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 32 -

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A la fin de la journée, nous avons distribué un questionnaire d’évaluation de

formation17, tous les participants l’ont rempli. Sur les treize participants, onze ont

répondu oui à toutes les questions. Une personne a répondu non à la question « les

fonctions et les postures de l’accompagnateur sont-elles suffisamment claires et

explicites » et explique que « la posture de l’accompagnateur sur un titre professionnel

qu’il ne connaît pas lui demande une recherche importante et le met dans une position

parfois inconfortable quand il s’agit de vérifier l’adéquation entre expérience et

référentiel ».

Une autre a répondu par la négative à la question « La formation est-elle

suffisamment concrète ? » en mentionnant que l’atelier sur le DSPP était trop rapide.

Cette remarque se retrouve dans beaucoup des questionnaires. En effet cinq autres

personnes demande à ce que leur soient montrés des exemples de DSPP ou demandent

à travailler en petit groupe sur des ateliers de DSPP.

Un autre participant suggère de programmer d’autres sessions sur la pratique de

l’accompagnement et la mise en oeuvre dans les centres.

Une proposition de travail est faite sur une boîte à outil commune, utilisable en

accompagnement. Des journées de regroupement régulières pour analyser les

pratiques et mutualiser les expériences sont plébiscitées.

Pour conclure, nous avons pu constater que les accompagnateurs ont été très

réceptifs à cette journée de formation. Selon notre tuteur, ils étaient plus nombreux

que prévu et les résultats des questionnaires ont été très positifs. Mais la question de la

professionnalisation des accompagnateurs en VAE reste vive puisque nombre d’entre

eux plébiscitent d’autres journées de regroupement avec des thématiques comme le

DSPP, la création d’une boîte à outils spécifique… Des axes de réflexion ainsi que des

pistes de travail nous ont été donnés durant cette journée.

Des ateliers pratiques sont fortement demandés et il semble que ce type de

méthodes de professionnalisation convienne à ces professionnels qui ressentent un fort

besoin d’échanges d’expérience. Ainsi ces ateliers pourraient permettre une analyse

collective des situations difficiles rencontrées dans le cadre de l’accompagnement en

17 Annexe 6 : questionnaire évaluation de la formation.

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 33 -

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VAE et peut-être résoudre certains problèmes grâce à l’échange entre « pairs » sur des

études de cas précises relevant d’expériences vécues sur le terrain.

1.5 – L’accompagnement vecteur de questionnements

Durant ce stage, nous avons pu nous rendre compte que l’accompagnement en

VAE, même si les contours sont aujourd’hui bien délimités, reste un domaine en

construction. Les demandes des accompagnateurs, leur volonté d’échanges nous

montrent combien ils sont motivés mais parfois aussi démunis face aux candidats.

La singularité de chaque accompagnement due au candidat mais aussi à

l’accompagnateur est peut-être la limite à la technicité de l’accompagnement. En effet,

chaque accompagnement ne s’invente-t-il pas au fur et à mesure que se crée la

relation ? Les expériences qu’ont choisi de nous rapporter les accompagnateurs nous

montrent souvent une option prise ou choisie pour aider un candidat lors d’un

accompagnement, mais ces exemples et expériences sont-ils toujours transposables ?

Ne sont-ils pas liés au processus relationnel qui s’est mis en place entre les différents

interlocuteurs de cet accompagnement ?

La difficulté de la relation à l’écrit pour certaines personnes demande à

l’accompagnateur de s’adapter : aide à la retranscription, temps supplémentaire

d’écoute…

La mission de soutien psychologique mentionnée par certains

accompagnateurs semble être un facteur important dans la mise en place du processus

relationnel. Le besoin d’être écoutés, de se raconter, de s’exprimer des candidats pour

évacuer un stress permet de construire les fondations de la relation.

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 34 -

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DDEEUUXXIIEEMMEE PPAARRTTIIEE ::

vers la problématique

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 35 -

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Chapitre 1 – Cadres théoriques mobilisés

Selon Claude Debon18 , on observe « l’élargissement de fait » qu’inscrit la loi

de Janvier 2002 dans la possibilité donnée aux candidats d’obtenir par la voie de

l’expérience et non plus d’acquis professionnels seuls, un diplôme entier, quand

jusque-là ils ne pouvaient prétendre qu’à des dispenses partielles (VAP loi de 1992).

L’extension concerne à la fois le contenu de l’activité qui devient expérience et

son statut qui devient mode d’accès à des certifications au même titre que des parcours

ou dispositif de formation publics ou privés. L’expérience est reconnue comme

formatrice, équivalente aux actions de formation qui dans les organisations éducatives

ne sont pas séparées des validations attestant leurs acquis.

Comme l’énonce la loi du 17 janvier 2002 sur la validation des acquis de

l’expérience : « La validation des acquis produit les mêmes effets que les autres modes

de contrôle des connaissances et aptitudes. Peuvent être pris en compte, au titre de la

validation, l’ensemble des compétences professionnelles acquises dans l’exercice

d’une activité salariée, non salariée ou bénévole, en rapport direct avec le contenu du

diplôme ou du titre. La durée minimale d’activité requise ne peut être inférieure à trois

ans ».

Les termes d’expérience, de savoirs et de compétences sont donc extrêmement liés.

Nous nous efforcerons, dans un premier temps, pour chacun de les distinguer et

de proposer des définitions découvertes au fil de nos lectures et recherches dans des

champs théoriques différents.

Cet éclairage théorique nous permettra, dans un deuxième temps, de mieux

appréhender notre recherche.

18 Debon, C. « Parcours de la reconnaissance : le processus de la VAE » In Penser la relation expérience-formation, sous la dir. De H. Bézille et B. Courtois. Lyon, Chroniques Sociales, 2006, p. 189.

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1.1 Le concept d’Expérience

1.1.1 – Expérience et action

Jean Piaget (1974)19 insiste sur l’activité qu’il analyse à partir d’un « schème »

défini comme une forme d’organisation invariante de l’activité pour une classe de

situations données, ce qui peut nous aider à comprendre de quoi l’expérience est faite

et ce qui se développe au cours de l’expérience. Pour Jean Piaget, l’action est

constitutive du développement alors qu’il accorde également une place essentielle à la

construction des connaissances et à la conceptualisation.

Dans les histoires de vie ou les analyses de pratique, la prise de conscience est

un élément essentiel : « la prise de conscience est une reconstitution conceptuelle de

ce qu’a fait l’action »20. Elle implique la compréhension des mécanismes qui ont

permis d’atteindre le but.

Nous pouvons noter le rapprochement avec la méthode d’entretien qu’a

développé Pierre Vermersch21 appelé l’entretien d’explicitation que nous citons dans

la partie « relation formative » et qui correspond bien à la prise de conscience des

éléments implicites de l’action. La prise de conscience comporte la compréhension en

plus de l’action.

La plupart des connaissances utilisées dans l’action seraient inconscientes : il

faut donc expliciter l’action pour en faire un objet de réflexion et ainsi modifier

l’action future.

La réflexion peut engendrer de nouvelles actions puisque dans la mesure où on

a compris ce qu’on a fait, on ouvre de nouvelles possibilités. Dans le langage courant

nous pourrions synthétiser ce raisonnement par « tirer la leçon de l’expérience ».

Gérard Malglaive22 écrit que ce qui donne du sens à ce qu’on appelle

l’expérience est l’activité comme processus fondateur de l’être humain. L’expérience

19 Piaget, J., La prise de conscience, Paris, Presses Universitaires de France, 1974. 20 Ibid. 21 Vermersch P., L’entretien d’explicitation. Paris, ESF, 2006. 22 Malglaive, G., « Les savoirs de l’expérience », Revue Savoir dossier l’Expérience, Paris, L'Harmattan, 2003, pp. 72 à 76

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est un double rapport entre agir et savoir. Pour nous en convaincre, il décline

différentes sortes de savoirs en prenant pour exemple le métier d’ingénieur :

• Savoirs liés : se construisent en faveur de l’action

• Savoirs autonomes : devant se séparer de l’action pour se construire

• Savoirs ajustés : fragments de savoirs autonomes sélectionnés pour l’action

Ainsi, les savoirs liés à une action particulière se détachent d’elle et deviennent

disponibles pour d’autres actions jusqu’à s’affranchir de toute pratique et fonder ces

savoirs autonomes que sont les idéologies, les sciences et les technologies. Ces

reconstructions mentales de la réalité n’en retiennent pas toutes les facettes et

notamment pas les plus singulières que l’action, elle, ne peut négliger sauf à courir à

l’échec. C’est alors que les savoirs liés doivent reprendre leur droit. Les savoirs ajustés

sont les multiples savoirs acquis au long d’un cursus scolaire et séparés de toute

activité (exemple de l’ingénieur) transformés pour s’ajuster aux situations concrètes.

Ce processus de « savoir et agir » est-il réversible ? pour Gérard Malglaive,

pour ceux qui les ont acquis au seul fil de leur expérience, les savoirs liés sont

enracinés dans l’action, ils ne s’en affranchissent pas facilement pour donner lieu aux

constructions cognitives libérant le savoir des contraintes matérielles. Autant dire que

les savoirs autonomes ne jaillissent pas spontanément de l’exercice d’une activité. Dit

autrement : les savoirs autonomes ne sont pas des acquis de l’expérience mais des

acquis de la formation.

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1.1.2 – Expérience et savoir(s)

Pour comprendre comment on apprend de l’expérience, par l’expérience, nous

pouvons d’abord relever une notion qui relève de nos lectures, celle du savoir en

fonction de laquelle Yves Schwartz nous propose de repenser l’expérience :

« l’expérience ne doit pas être un concept générique, il faut pouvoir l’individualiser à

travers des situations et des parcours toujours en partie singuliers ; il faut réussir à ne

pas absorber l’expérience dans le savoir, ni le savoir dans l’expérience, sinon la

question de savoir si l’expérience est formatrice n’a plus de sens »23.

Philippe Astier (2004), dans son article « Parler d’expérience » de la revue

« formation et emploi » N°88 aborde la notion d’expérience :

• Comme un engagement dans l’action professionnelle (faire une expérience)

• Comme le vécu comme éprouvé de cette action singulière et de ses effets

(vivre une expérience)

• Comme la transformation de soi résultant de cet engagement. L’expérience

désignant toujours à la fois l’instant de l’action et l’histoire des contextes

(avoir une expérience)

Pour J.M. Barbier et O. Galatanu24, les savoirs sont des énoncés (écrits, oraux,

graphiques) validés par l’expérience (savoirs issus de l’expérience) ou par la recherche

(communication d’observations, d’expériences, d’hypothèses). Les connaissances sont

des états, résultats d’expériences cognitives (appropriation, acquisition, intériorisation,

assimilation, intégration). Dans le cas où ce sont des savoirs qui sont l’objet de

connaissances, les auteurs conviennent de parler de représentations des savoirs.

Capacités et attitudes sont issues de l’intervention éducative. Les capacités sont

habituellement définies à partir des activités de référence auxquelles est censé être

préparé l’apprenant (référentiels d’emploi, de compétences, d’activités…). Ces

capacités, l’apprenant est amené à les transformer pour les finaliser dans le champ des

activités.

23 Schwartz, Y. « L’expérience est-elle formatrice ? » Les acquis de l’expérience première partie, Revue éducation permanente n°158, 2004 p. 17. 24 Barbier J.M., Galatanu O., Savoirs d’action, une mise en mot des compétences. Paris : L’Harmattan, 2005.

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« Alors que les capacités sont construites en prévision du futur par abstraction

et repérage d’invariants dans une classe donnée d’activités, les compétences, elles,

sont intégrées pour le présent à partir d’actions singulières et situées »25.

1.2 – Le concept de Compétence

Après avoir observé les multiples définitions données à la compétence, Sandra

Bellier 26 liste certaines caractéristiques qui semblent faire consensus :

• Compétence et action sont liées : la compétence permet d’agir et c’est là que l’on

peut la repérer. Elle n’existe pas en soi, indépendamment de l’activité, du

problème à résoudre, de l’usage qui en est fait.

• La compétence est contextuelle : elle est liée à une situation professionnelle

donnée et correspond donc à un contexte.

• Il existe des « rubriques » constitutives des compétences, même si les catégories

divergent, chacun s’accorde finalement à y mettre un peu de savoir, beaucoup de

savoir-faire et souvent mais pas toujours, du savoir-être.

• La notion d’intégration de ces contenus. Il ne s’agit pas d’une « somme » dont on

ne sait pas par quel miracle elle déboucherait sur l’action réussie, mais bien des

capacités intégrées, structurées, combinées, construites. Cela sous-entend qu’il

existe quelque chose « en plus » des capacités qui leur permet justement de

devenir ensembles, de la compétence.

Sandra Bellier résume ces quatre points : « Nous garderons donc l’idée que la

compétence permet d’agir et/ou de résoudre des problèmes professionnels de manière

satisfaisante dans un contexte particulier en mobilisant diverses capacités de manière

intégrée »27.

25 Ibid. p. 68. 26 Bellier S., La compétence est-elle un concept nouveau ? In Traité des sciences et des techniques de la formation, ss la dir. de Carré P. et Caspar P. Paris, Dunod, 2004, pp.235 à 255. 27 Bellier S., La compétence est-elle un concept nouveau ? In Traité des sciences et des techniques de la formation, ss la dir. de Carré P. et Caspar P. Paris, Dunod, 2004, p. 238.

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Pour décrire les compétences, elle différencie cinq approches :

• L’approche par les savoirs : la compétence viendrait de « savoir mis en œuvre ».

• L’approche par les savoir-faire : la compétence serait assimilée au savoir-faire.

• L’approche par les comportements et le savoir-être : d’un côté le comportement

s’oppose aux savoirs et savoir-faire (le comportement est l’action, les savoirs et les

savoir-faire sont explicatifs de l’action), d’un autre côté, le comportement est

directement rattaché à la personnalité de l’individu, la personnalité se révèle au

travers de comportements qui sont eux-mêmes expliqués par la personnalité.

• L’approche par les savoirs, les savoir-faire et savoir-être : combinaison dont la

somme formerait l’ensemble des compétences nécessaire pour tenir un emploi ou

pour caractériser un individu.

• L’approche par les compétences cognitives : la compétence est la capacité à

résoudre des problèmes de manière efficace dans un contexte donné. La

compétence n’est pas ce qu’on fait mais comment on parvient à le faire de manière

satisfaisante. C’est donc l’analyse qui est sous-jacente à l’action et non pas l’action

elle-même.

Agir avec compétence, selon Guy Le Boterf28 , c’est savoir agir et réagir dans

une situation de travail particulière. Cela suppose pour une personne d’être capable :

• de mettre en œuvre des pratiques professionnelles pertinentes par rapport à une

situation professionnelle à gérer composée d’une activité à réaliser (pour résoudre

un problème, effectuer une tâche prescrite, conduire un projet, faire face à un

événement…) à laquelle sont associés des critères de réalisation souhaitables de

cette activité (en prenant en compte…, en utilisant telle démarche…, en négociant

avec…) ;

28 Le Boterf G., Ingénierie et évaluation des compétences. Paris : éditions de l’Organisation, 2006.

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 41 -

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• de mobiliser des combinatoires appropriées de ressources propres à la personne

(connaissances, savoir-faire, raisonnements, aptitudes…) et des son environnement

(banque de données, personnes ressources, guides pour l’action…) ;

• pour atteindre des résultats attendus (produits, services) pour un destinataire

(client, patient, usager, bénéficiaire…) ;

• afin de répondre à des enjeux.

La distinction est à faire entre ce qui est de l’ordre du prescrit (une situation

professionnelle, une activité prescrite, des critères de réalisation souhaitables pour

l’activité, des résultats attendus) et ce qui est de l’ordre du réel (une pratique

professionnelle, des résultats réels, une combinatoire personnelle de ressources) ;

En conclusion, il n’est pas suffisant qu’une personne possède des ressources

voire des compétences pour être compétente : il faut qu’elle soit capable de les

organiser et de les mobiliser en combinatoire pertinente pour gérer des situations

professionnelles en prenant en compte les critères de réalisation qui y sont liés.

1.3 - La VAE, entre connaissance, expérience et compétence

Pour Pierre-Yves Sanseau29, la notion de compétence semble s’inscrire au cœur

de la démarche VAE et l’on s’éloigne ainsi de l’approche standard et maîtrisée par ou

à travers les « connaissances ». L’auteur différencie la notion de « connaissance » à

celle de « compétence » : « si d’un côté la maîtrise d’une compétence sous-tend la

possession de la connaissance afférente, d’un autre côté posséder une connaissance

n’implique pas nécessairement la maîtrise de la compétence qui peut être reliée ou en

découler ».

29 Sanseau P.Y. Construire un référentiel de compétences. Paris, ANACT, 2006.

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 42 -

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Si la validation des acquis de l’expérience a pour fondement de valoriser

l’expérience individuelle, sa raison d’être est de permettre l’accès à la certification. Le

décret du 2 août 2002 institue à cet effet des titres constitués de certificats de

compétences professionnelles. C’est l’expérience qui permet de développer, de mettre

en œuvre et de justifier des compétences. Selon Pierre-Yves Sanseau, la volonté

d’étendre à la VAE les activités salariées et non salariées, exercées de façon continue

ou non, permet de mettre l’emphase sur la dimension « expérience » en lien direct

avec l’approche « compétence ».

Lors du XVIIe congrès de l’AGRH (le travail au cœur de la GRH, le 16 et 17

novembre 2006), l’auteur propose une étude de cas dans laquelle il donne l’exemple

de candidats, lors de l’accompagnement et de la constitution du dossier, qui listent des

compétences–clés en face desquelles ils juxtaposent une liste d’expériences avec des

preuves diverses et variées (preuves qui ne sont souvent, dans un premiers temps que

de simples affirmations de détention des supposées compétences). Selon Pierre-Yves

Sanseau, on ne peut prouver de la même façon et avec les mêmes supports une

compétence « technique de base », une compétence « pratique », une compétence

« relationnelle » ou une compétence « cognitive ».

Toujours selon l’auteur, les preuves doivent être pertinentes, sélectionnées et

porteuses d’une véritable valeur ajoutée aux yeux d’un jury toujours surpris de

l’apport de quantité de preuves ne supposant en rien la détention même partielle de la

compétence concernée…

1.4 – Reconnaissance et logiques d’accès

Frédéric Séchaud30 nous présente quatre logiques d’accès à la validation des

acquis de l’expérience qui amènent à exposer les « figures » de la reconnaissance en

partant du postulat suivant : « les procédures de validation rendent possible la

reconnaissance chez un individu de qualités professionnelles par un certificateur qui

dispose d’outils d’évaluation spécifiques ».

30 Séchaud F., Enjeux et figures de la reconnaissance dans l’accès à la VAE. In La VAE ss la dir. de F. Neyrat. Paris, éditions Du Croquant, 2007.

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 43 -

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Evoluer par la reconnaissance de l’expérience : une logique de promotion

Dans ce cadre, les démarches de validation correspondent à des attentes de

promotion sociale et professionnelle, mais la validation soulève aussi des enjeux de

reconnaissance liés au fait que les activités exercées par les candidats se trouvent en

inadéquation avec la formation initiale ou avec le diplôme acquis. Il peut s’agir d’un

décalage entre le domaine de formation et la profession ou d’un déséquilibre entre le

niveau de qualification acquis par la formation et celui du poste occupé ou visé. La

VAE est ici considérée par le candidat comme un « rattrapage ».

Changer de métier, se réinsérer autrement : une logique de reconversion

Nous sommes ici dans une perspective de réorientation professionnelle qui peut

être construite en réaction à des conditions d’emploi précaires ou à un environnement

professionnel difficile à gérer (relations avec l’employeur ou contexte familial

conflictuels).

Montrer un signal de reconnaissance pour retrouver ou protéger un emploi : une

logique de protection

La certification recherchée est liée à l’expérience acquise en « autodidacte » et

souvent en décalage avec la formation initiale. L’engagement dans la démarche VAE

pour ces candidats est motivée par de fortes attentes en termes de reconnaissance

professionnelle et de valorisation personnelle. Certains salariés viennent à la

validation pour se mettre en conformité avec la réglementation et anticiper ainsi un

risque de perte d’emploi.

Se stabiliser ou sortir de la précarité : une logique d’insertion

La démarche VAE est ici liée au désir d’obtenir un emploi stable et pour les

candidats, le diplôme (ou le titre) est la clé de cette insertion car c’est par lui que

viendra la reconnaissance de l’expérience acquise.

A travers une enquête qualitative réalisée en 2004-2005 en région Provence

Alpes Cote d’Azur et issue d’une partie d’un rapport d’étude publié par le Cereq,

Frédéric Séchaud nous amène à constater que la notion de reconnaissance intervient de

façon importante dans trois des logiques d’accès au processus de la VAE : promotion,

protection et insertion.

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 44 -

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1.5 – L’accompagnement en Validation des acquis de l’expérience

« Accompagnement » est une notion récente qui est utilisée dans la plupart des

secteurs professionnels en relation à autrui depuis les années 1990.

L’accompagnement vient donc nommer indifféremment une variétés de situations.

Selon Sylvain Lacaille et Maëlla Paul, concepteurs et rédacteurs du cours « Conseil

aux personnes », la fonction d’accompagnement est corollaire d’une nouvelle façon de

considérer l’autre : autrui est une personne, il n’est plus l’objet passif d’une prise en

charge mais le sujet actif de son parcours. Les auteurs proposent trois concepts-clés

pour comprendre l’accompagnement : socialisation, autonomisation et

individualisation.

Socialisation : accompagner consiste à créer un espace de socialisation,

l’interaction étant le lieu où se construit et se reconstruit le sujet et le social.

L’institutionnalisation de la relation est la condition de cette interaction socialisante.

Elle fournit ainsi l’occasion à une personne d’être prise en considération avec son

projet au sein d’une relation contractualisée, l’instituant en personne dans un espace

public.

Autonomisation : celui qu’on accompagne est postulé seul capable de choisir où il

veut aller et comment il compte s’y rendre. Le modèle n’est plus celui de la

transmission et de l’application de savoirs ou de savoir-faire mais la mobilisation de

savoir-être propres à contribuer au devenir de la personne.

Individualisation : individualiser est dégager la singularité de chacun dans ses

moyens et ses finalités. Individualiser est donc concevoir autrui comme unique dans la

construction du lien social et de son processus d’individualisation.

En VAE, l’accompagnement peut débuter quand la demande de recevabilité du

candidat est accepté par le ministère en charge du diplôme ou titre demandé (Ministère

de l’Education, Ministère du Travail, Ministère de la Jeunesse et des Sports…).

L’accompagnement est proposé mais n’est pas obligatoire. Il est payant et peut varier

de 300 à 1000 euros selon les prestataires. Aujourd’hui de plus en plus de régions,

conscientes de l’importance que revêt l’accompagnement en validation des acquis,

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 45 -

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proposent des financements pour des accompagnements renforcés pour certains types

de public (cf. objectifs du chantier).

1.5.1 – Une dimension formative

L’objectif de l’accompagnement en VAE est d’accompagner le candidat à

produire un dossier et/ou préparer un entretien constitués de descriptions d’activités

« professionnelles salariées, non salariée ou bénévoles ». Ces activités sont supposées

contenir les acquis correspondants au référentiel compétences du diplôme (ou titre)

demandé en validation par le candidat. Durant l’accompagnement, le candidat doit

sélectionner des expériences et des activités, puis analyser ces expériences et activités

en faisant apparaître ce qu’elles contiennent et révèlent de savoirs, savoir-faire et de

compétences. C’est souvent à ce moment là que les candidats rencontrent des

difficultés. Selon Alex Lainé (2004), « Le savoir de sa propre expérience ne va pas de

soi ; on ignore pour une part ce que l’on croyait savoir »31. Ce qui est en jeu dans le

processus de validation des acquis de l’expérience est le savoir de sa propre

expérience. Cette expérience est souvent opaque comme nous l’avons vu

précédemment avec les définitions du concept d’expérience.

Alex Lainé constate que l’action efficace ou qui réussit s’oppose au savoir de ce en

quoi elle consiste, on ne se demande pas comment on a procédé pour que l’action

réussisse.

La VAE n’a pas à priori d’objectif de formation mais peut-être qu’elle ne

pourra se réaliser que s’il y a processus formatif :

« Dans tous les cas, l’expérience doit être dite et même écrite, adressée à autrui

et se prêter, dans cette forme langagière à un certain nombre d’opérations (classement,

valorisation, évaluation). C’est de ce point de vue que l’on peut envisager la question

d’expérience, non comme une optimisation des pratiques constatables dans l’action

mais comme objet d’un discours »32. L’expérience est ainsi valorisée et ce discours est

selon Philippe Astier « un discours de succès » qui tient pour une part à la notion

31 Lainé A,. D’une expérience à l’autre, Les acquis de l’expérience deuxième partie, Revue éducation permanente n°158, 2004 , p.26

32 Astier , P., Parler d’expérience. Revue Formation n°88. Marseille : CEREQ, 2004, p. 35. Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 46 -

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même d’expérience qui bénéficie de connotations positives : l’expérience est

considérée comme un bien apportant connaissance, sagesse, prudence…

La démarche de construction de dossier de validation ou la préparation de

l’entretien va être de mettre en liaison l’expérience première et le référentiel

compétences du diplôme. Cette liaison s’opère à travers la verbalisation de l’action qui

l’analyse et la décrit et l’on passe ainsi de la connaissance à ce que Alex Lainé appelle

le savoir intégré, de l’expérience première à une expérience seconde qui est un acte de

formation.

Selon Martine Lani-Bayle33, l’ordre habituel du savoir est apprendre avant

d’agir. L’ordre est inversé avec la validation des acquis de l’expérience : on agit

d’abord, on comprend ensuite. Comment faire rejoindre les savoirs académiques et les

savoirs de l’expérience ? grâce à la prise de conscience et l’explicitation de l’action.

C’est à ce moment, précisément, qu’intervient la dimension formative dans le parcours

VAE et le nouveau rôle des professionnels (des accompagnants) : « aider à faire

apparaître ce qu’on sait sans savoir qu’on le sait et formaliser le non formel».

Pour Bernardine Rivoire34 pour qu’il y ait formation par l’expérience, il doit se

passer deux choses chez l’individu : une perception des relations entre ce qui est subi

et ce qui est fait, et une perception des relations entre l’action et ses conséquences.

Cela implique de la part de l’individu, exploration, expérimentation active, provoquant

une modification de l’environnement, qui va l’affecter en retour et provoquer un

changement de son activité. Dans ce cadre, chaque nouvelle expérience modifie

l’individu.

Toujours selon l’auteur, le candidat à la VAE doit réfléchir à son activité à

partir d’un référentiel compétences du diplôme visé et à tous les acquis de son

expérience, puis réfléchir aux compétences mobilisées lors d’une action spécifique.

Ce type de démarche de réflexion passe par une mise en mots progressive qui

suppose que le candidat dispose d’un accompagnement, le temps de s’approprier le

33 Intervention de M. Lani-Bayle lors du troisième Colloque international sur l’autoformation Valorisation et validation des acquis : enjeux, démarches et institution , table ronde consultable sous forme de vidéo sur le site : www.oasis-tv.net 34 Rivoire B., VAE, qui est « l’architecte » de la reconnaissance ? In La VAE ss la dir. de F. Neyrat. Paris : éditions Du Croquant, 2007, pp. 235 à 248.

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type de questionnement qui va lui permettre de passer par la prise de conscience que

cela suppose.

« Nous pensons que pour arriver à mener tranquillement cette démarche de

réflexion, le candidat doit sentir qu’à ce stade de la procédure, on lui reconnaît bien

une position d’expert de sa propre expérience. C’est cette expérience de

reconnaissance que lui fait vivre l’accompagnateur qui va lui permettre de développer

la capacité d’expertise demandée, de construire le dossier qui lui vaudra

reconnaissance de ses acquis par le jury ».35

1.5.2 – Une relation formative

Pierre Vermersch36 nous propose les bases d’une technique d’entretien qui vise

à faire expliciter l’action : « L’entretien d’explicitation ». L’action est une

connaissance autonome, le sujet pour réussir son action n’a pas besoin de savoir qu’il

sait, cette connaissance existe mais ne passe pas forcément par une conceptualisation.

Avec la technique de l’entretien d’explicitation, la verbalisation du vécu de l’action va

se faire à travers une prise de conscience provoquée d’éléments dont le sujet ne sait

pas encore qu’il les connaît. L’explicitation va se modeler sur les étapes de la prise de

conscience et va jouer un rôle formateur. La mise en mots pour l’autre

(l’accompagnateur) est une des clefs de la conceptualisation, c’est ce que Pierre

Vermersch nomme « savoir expérientiel » que l’on peut certainement rapprocher du

« savoir intégré » de Alex Lainé.

1.5.3 – Une relation thérapeutique

Michel Vial (Maître de Conférences à l’Université de Provence Aix-Marseille

I) lors d’une intervention durant le colloque ADMEE de Lisbonne en 2004, évoque un

exemple d’accompagnement VAE : « On frôle le rapport thérapeutique, la VAE

débouche sur un remaniement identitaire, une re-naissance parce qu’il s’y passe une

reconnaissance de la valeur de la personne. Le rôle d’accompagnateur VAE s’enrichit

d’une dimension d’interrelation psychique qu’on reconnaissait déjà dans les mesures

35 Ibid. p. 246. 36 Vermersch P., L’entretien d’explicitation. Paris : ESF éditeur, 2006.

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 48 -

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de mises en projet, par exemple des bas niveau de qualification, dans la lutte contre

l’illettrisme, en somme du travail social ».

Françoise Bréant37 (Maître de conférences en sciences de l’éducation à

l’Université Paul Valéry- Montpellier 3) propose une réflexion sur le thème récurrent

selon elle de la souffrance des candidats à la VAE et la nature de cette souffrance. En

effet, la demande de validation des acquis de l’expérience « comportant à la fois une

demande de réparation relative à la souffrance au travail et une demande de

reconnaissance sociale, semble masquer une relation ambivalente vis-à-vis du

diplôme. Cette demande réactive à une souffrance ancienne intra-psychique et sociale

liée à la peur de se retrouver en difficulté, voire en échec, face à la question de

l’écriture et de ce qu’a pu représenter l’école et l’université ».

Nous notons ici que le candidat à une VAE serait une première fois en

souffrance vis-à-vis de son travail : manque de reconnaissance de son employeur,

distancé par des personnes diplômées. Il le serait une deuxième fois lors de la

rédaction du dossier incontournable dans la procédure VAE.

« Le dossier écrit, en tant qu’outil de validation, a pour fonction de refléter la

capacité d’abstraction à partir du concret et ainsi permettre le transfert de ces acquis

ailleurs que dans l’action passée. Sortir de la famille en quelque sorte. La rencontre

avec l’altérité, obligeant la personne à se soumettre à la loi du langage, lui permet

paradoxalement, de s’engager dans un processus d’élaboration du sentiment d’estime

de soi. Dès lors, en s’appuyant sur le dossier écrit, le diplôme constituera le garant

symbolique de la validation en tant que processus de la reconnaissance »38.

Le passage à l’écriture est donc indispensable et l’accompagnateur est chargé

d’accompagner le candidat. Il déplace ainsi un curseur très sensible entre deux pôles

de nature différente : la norme (le référentiel) et la personne avec son histoire, ses

expériences, ses souffrances et son évolution. C’est une tension permanente entre la

prise en compte globale de la personne dans sa singularité d’expérience, sa capacité de

décider pour elle-même et la norme.

37 Bréant, f. « Le diplôme peut-il guérir ? », Actes du congrès des enseignants chercheurs AREF, 28 - 31 août 2007, Strasbourg. 38 Ibid. p. 9.

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Comme le signale Françoise Bréant : « Il me semble que l’accompagnement

clinique commence là, dans cet accueil de la souffrance, dans l’accueil de la parole

singulière, dans le travail de la parole sur la pratique ». Toujours selon Françoise

Bréant, le travail de l’écriture est un dispositif d’accompagnement en alternative à un

dispositif de formation qui n’existe pas en VAE.

Le dossier écrit permet de donner une lisibilité à la pratique ainsi : « La

personne construit un nouveau regard pour s’engager dans une démarche où l’échange

est possible : devenir un regard extérieur pour soi-même permet d’introduire une

relation entre son regard et celui des autres. La reconnaissance se constitue dans

l’altérité, il s’agit de produire un regard sur soi-même, en soi-même et de produire un

objet médiateur comprenant l’intersubjectivité nécessaire à l’élaboration subjective.

Cela suppose de construire un regard sur sa pratique qui ne peut aller sans processus

de changement. Dès qu’on regarde, ça change, et évidemment, on voit

autrement ».

Pour Philippe Crognier, l’écriture est la clé de voûte du dispositif VAE, il

donne en exemple des témoignages de candidats à la VAE et remarque que ces

témoignages « convergent plutôt vers un rapport à l’écriture tendu, pour ne pas dire

conflictuel (…) un rapport négatif à l’écriture pourrait ainsi rendre l’activité

scripturale douloureuse au sens propre comme au sens figuré» .39

Toujours selon l’auteur, « L’altérité dans l’écriture, c’est cet « autre » qui

émerge brusquement dans notre mémoire et dans nos propres écrits, c’est voir surgir

de soi quelque chose d’étrange et d’étranger qui ne nous ressemble pas, là où on aurait

pu s’attendre à se trouver en pays de connaissance »40.

C’est le passage par l’écrit qui permet au candidat à la VAE de mieux se

connaître et de se transformer : modifier la perception de ses actions pour modifier son

activité.

Mais ce passage à l’écrit n’est pas toujours bien vécu : « Le sujet est saisi par

ce qui lui arrive ; il n’a pas la maîtrise de ce qui s’approche ainsi de l’inconscient.

39 Crognier, P., Comprendre la VAE en action sociale. Paris : Dunod, 2007, p. 153. 40 Ibid. p.185.

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Dans le même temps, il peut s’en saisir, conduire vers la conscience ce matériau

précieux pour sa création et lui donner une forme »41.

Pour Philippe Crognier, ce double mouvement renvoie au dépassement d’une ligne

invisible, imaginaire qui marque véritablement l’entrée dans l’écriture et certains

discours recueillis témoignent de la difficulté du franchissement de cette ligne

symbolique.

1.5.4 – Une relation d’aide

Nous pouvons constater que la notion de « reconnaissance » est très souvent

signifiée dès lors que l’on aborde le sujet de la VAE, aussi bien quand il s’agit de

l’objectif général donné à la démarche VAE (F. Séchaud) que lorsqu’il s’agit de

l’accompagnement lui-même et de l’échange, voire du lien qui se tisse lors des

rencontres accompagnant/candidat (B. Rivoire). Cet échange peut-il être une relation

d’aide ?

La relation « accompagnant/candidat VAE » peut s’apparenter à la théorie de

« l’approche centrée sur la personne » de Carl Rogers42 et aux mécanismes qui

opèrent dans une relation d’aide. Pour Carl Rogers, ce qui distingue une relation

d’aide opérante d’une autre n’a rien à voir avec des techniques ou un savoir quel qu’il

soit. La relation d’aide est avant tout une relation humaine et le caractère aidant d’une

telle relation naît de la dynamique qui s’instaure entre deux personnes qui sont parties

prenantes à parts égales.

1.5.5 – L’approche centrée sur la personne

Trois attitudes sont prépondérantes dans la théorie de l’ACP (approche centrée sur la

personne) :

• Congruence ou authenticité, le thérapeute considère les sentiments qui coulent

en lui, il ne se cache pas derrière un masque de professionnalisme.

41 Strauss-Raffy, C., Le saisissement de l’écriture. Paris : L’Harmattan, 2004. Cité par Crognier, P. (2007) In Comprendre la VAE en action sociale. Paris : Dunod, 2007, p. 205 42 Rogers C., Le développement de la personne. Paris : InterEditions, 2005.

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• Regard positif inconditionnel, le thérapeute à une attitude positive exempt de

jugement, acceptante envers ce que le client est sur le moment : le thérapeute

accepte le client d’une manière totale.

• L’empathie, le thérapeute doit faire preuve de compréhension empathique à

l’égard du système interne de référence de son client, c’est à dire une

compréhension avec la personne et non le sujet et s’efforcer de communiquer

ce sentiment.

L’intégration de ces trois attitudes par le thérapeute permet d’offrir à son client

une qualité de présence, un climat de respect et de confiance qui sera confusément

ressenti par ce dernier, pourra lui donner l’envie de s’exprimer, de s’explorer,

d’avancer davantage dans sa démarche thérapeutique.

1.5.6 – Le concept de sentiment d’efficacité personnelle

Le concept de « Sentiment d’Efficacité Personnelle » (SEP) d’Albert

Bandura43 prend naissance dans l’expérience et s’élabore à travers le constat que

l’individu fait de son niveau de maîtrise de la tâche, nous pouvons donc le rapprocher

du processus de l’accompagnement VAE.

Le sentiment d’efficacité personnelle est une croyance et elle n’est pas

toujours liée aux aptitudes réelles de l’individu et n’a pas toujours de rapport avec ses

performances.

Le sujet s’appuie sur ses expériences antérieures pour apprécier sa capacité à

maîtriser une activité nouvelle. Le SEP (sentiment d’efficacité personnelle) est donc à

l’origine spécifique mais il peut s’étendre à plusieurs activités voire à un domaine

d’activité, c’est pourquoi on considère qu’il est généralisable.

43 Bandura A., Auto-efficacité, le sentiment d’efficacité personnelle. Coll. ouvertures psychologiques. Bruxelles , De Boeck Université, 2003.

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L’auteur formalise une théorie qui accorde un rôle central aux processus

cognitifs, vicariants, autorégulateurs et auto-réflexifs dans l’adaptation et le

changement humain, il parlera dès lors de perspective « agentive » pour exprimer

l’objet central de ses travaux : le rôle du sujet social sous ses différentes facettes dans

l’action.

Les différentes sources de l’efficacité personnelle44 sont :

- Maîtrise personnelle : les succès servent d’indicateurs de capacité et permettent

de construire une solide croyance tandis que les échecs la mine.

- L’apprentissage social ou expérience vicariante : pour évaluer ses capacités,

l’individu tire aussi des conclusions de l’observation des actions réalisées par

d’autres personnes. Ses capacités d’auto-direction lui permettent d’agir sur son

comportement et d’être agent de son propre changement. L’auteur démontre que le

comportement de l’individu n’est pas mû par les seules influences de

l’environnement ; il interagit avec elles.

- La persuasion verbale : peut exister si des individus significatifs (dignes de

confiance) pour la personne lui expriment leur confiance dans ses capacités.

- L’état émotionnel ou physiologique : en évaluant ses capacités, l’individu se base

en partie sur des indices tels que sa santé physique, émotionnelle et sa gestion du

stress.

44 Carré, P., « Bandura : une psychologie pour le XXIe siècle ? » Revue Savoirs, hors-série, De l’apprentissage social au sentiment d’efficacité personnelle, autour de l’œuvre d’Albert Bandura. Paris, l’Harmattan, 2006.

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Conclusion

En conclusion de ce chapitre concernant les cadres théoriques, nous pouvons

dire qu’il est difficile de définir l’expérience et les concepts qui lui sont rattachés.

L’expérience est information mais peut aussi devenir formation, elle se réfère à la fois

au vécu et à l’apprentissage de la vie.

Nous avons essayé, sûrement de façon partielle tant cette notion d’expérience

est omniprésente dans les préoccupations et travaux de recherche des domaines de la

formation, de définir et d’analyser son mode de construction et nous espérons avoir

mis en valeur les éléments théoriques les plus importants de la validation des acquis de

l’expérience.

Il nous semble toutefois intéressant de souligner certains éléments de

l’accompagnement que nous avons mis à jour lors de nos recherches comme la

relation formative, la relation thérapeutique et la relation d’aide qui sont autant de

liens tissés lors d’un accompagnement VAE.

Ces éléments nouveaux enrichissent ainsi les questions que nous nous posions

à la fin de la partie concernant notre chantier et nous amènent à développer la

problématique et les hypothèses de notre mémoire.

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 54 -

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Chapitre 2 – Questionnements, problématique et hypothèse de recherche

A partir des premières explorations sur notre sujet et des constats que nous

avons pu faire précédemment, nous avons noté que plusieurs termes comme

« revalorisation de soi, confiance en soi, prise de conscience de ses compétences… »

reviennent souvent dans les témoignages des candidats ayant effectué une VAE.

D’autre part, nos recherches sur les cadres théoriques mobilisés nous amènent

à nous interroger sur le caractère particulier des liens qui se tissent dans le champ de

l’accompagnement en validation des acquis de l’expérience.

Qui est l’accompagnateur (formateur expert d’un domaine, formateur généraliste,

psychologue) ?

Quelles sont les postures de l’accompagnateur ?

Que se joue-t-il entre le candidat et l’accompagnant pendant la durée de

l’accompagnement ?

Quel est le rôle joué par l’écrit dans l’accompagnement VAE ?

La question centrale après ce questionnement nous parait être :

Comment le processus relationnel qui se met en place entre le

candidat et l’accompagnateur favorise-t-il la prise de confiance de la part

du candidat ?

Le domaine de l’accompagnement en VAE semble être un champ en

construction, les diverses pratiques, les colloques impulsés par les divers acteurs

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 55 -

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(organismes de formation en charge de l’accompagnement, certificateurs, conseils

régionaux…) montrent l’intérêt que suscite le sujet.

3.2 - Hypothèses :

Hypothèse 1 :

Le fondement de la relation d’accompagnement est la confiance. Nous

essaierons de vérifier sur le terrain si la relation qui se crée lors de l’accompagnement

peut relever des trois attitudes prépondérantes de la théorie de Carl Rogers.

Hypothèse 2 :

Le sentiment d’efficacité personnelle du candidat peut être augmenté lors d’un

accompagnement VAE. Nous tenterons de percevoir lors de notre enquête si durant les

accompagnements, certaines sources du SEP sont présentes et peuvent être à l’origine

du développement de la confiance en soi du candidat.

Hypothèse 3 :

L’écriture est incontournable du processus VAE, cette étape parfois

douloureuse permet au candidat de prendre du recul pour être ensuite capable de se

transformer, de transformer sa pratique et son métier et d’acquérir de la confiance en

soi.

Au travers des récits des candidats nous essaierons de valider cette hypothèse

et nous analyserons la ou les positions adoptées par les accompagnateurs.

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Chapitre 3 – Contexte et méthodologie de terrain

3.1 – Le recueil des données

Notre méthodologie vise à répondre essentiellement à la question centrale, en

vérifiant nos hypothèses sur le terrain.

Il nous a paru primordial de prendre contact et de rencontrer des

accompagnateurs VAE. La mission de stage confiée par l’AFPA nous a facilité la mise

en relation avec ces accompagnateurs, puis nous avons rencontré des personnes ayant

suivi le processus VAE avec un accompagnement. La meilleure connaissance des

deux acteurs accompagnant/candidat nous a permis de mieux comprendre les

processus relationnels à l’œuvre lors d’un accompagnement.

Notre recherche s’est appuyée à la fois sur le recueil de données empiriques à

travers l’écoute de témoignages et sur l’exploitation des références théoriques qui

traversent les articles, commentaires, états des lieux et autres rapports d’étape.

Cette démarche a provoqué un aller-retour continuel entre les données

recueillies sur le terrain et leur théorisation. Une fois le cadre théorique précisé et la

problématique cernée, la recherche s’est effectuée en trois temps :

Méthode Production Un premier temps exploratoire :

lectures

Réunions VAE

Rencontre des différents acteurs de la

VAE

Analyse de la situation de la VAE

Les éléments de frein

Les points d’ancrage

Un temps de retour sur la théorie et

l’approfondissement des concepts

Construction des guides d’entretien

Recherche des thèmes d’analyse

Un troisième temps de recueil de

témoignages auprès des différents acteurs

Analyse des enjeux de l’accompagnement

en VAE

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Quelle méthode choisir afin de vérifier nos hypothèses ?

Des différentes approches que sont les approches qualitatives, quantitatives,

cliniques, ethno méthodologiques et expérimentales, l’approche qualitative nous

semble la plus appropriée au contexte de notre recherche.

Selon le cours « Méthodologies qualitatives »45 de Hélène Bézille et Danièle

Trancart, la recherche qualitative s’appuie sur une posture, une philosophie et une

méthode de recherche. Cette recherche vise la compréhension et prend en compte la

complexité des situations étudiées. Elle recueille des données en utilisant des

techniques qualitatives (entretiens individuels non directif ou semi directif). Elle

donne lieu à une analyse qualitative des données.

La méthode qualitative permet une observation de situations réelles avec une

visée descriptive et compréhensive, la démarche est une enquête en profondeur sur des

échantillons restreints peu standardisés et utilise des outils comme les entretiens ou les

observations.

Cette recherche menée dans le cadre du Master 2 Ingénierie et conseil en

formation n’étant pas une étude ayant lieu dans notre milieu de travail, nous avons

éliminé la recherche-action et la recherche impliquée et nous nous sommes orientés

vers la démarche classique.

La démarche participative qu’implique l’enquête par entretien nous a semblé la

plus appropriée à notre recherche, nous souhaitons que l’interviewé donne « à son

expérience vécue, à sa logique, à sa rationalité, une place de premier plan »46.

Pour définir la population, il ne nous a pas paru nécessaire de sélectionner une

catégorie de personnes particulières, notre objet concernant uniquement le statut

« d’accompagnant » et « d’accompagné » dans le cadre d’une VAE. La mission de

45 Bézille H., Trancart D., Unité 5 Méthodologie. Méthodologies qualitatives. 46 Blanchet A. et Gotman A., L’enquête et ses méthodes, l’entretien. Coll. 128. Paris, Nathan, 2007.

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 58 -

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terrain commandée par l’AFPA nous permettra de mener notre enquête auprès des

différents centres AFPA de la région Rhône-Alpes (Vénissieux, Saint Priest, Rillieux,

Bourg en Bresse, Annecy, Chambéry, Grenoble, Saint Etienne, Valence, Roanne).

3.2 – Le choix des entretiens semi-directifs

La méthode choisie est la technique de l’écoute à travers des entretiens.

L’entretien semi directif nous a semblé adapté pour tester nos hypothèses dans le

cadre d’une exploration avancée, l’entretien non directif convenant mieux en début

d’exploration.

Nous avons choisi de pratiquer des entretiens semi-directifs enregistrés afin de

faciliter le travail d’analyse et surtout de ne pas altérer le discours de la personne

interviewée lors de la retranscription. Les phrases exprimées ont été retranscrites

littéralement. Nous n’avons essuyé aucun refus vis à vis de l’enregistrement de

l’entretien.

L’entretien est semi-directif dans le sens où il n’est « ni entièrement ouvert, ni canalisé

par un grand nombre de questions précises. Généralement , le chercheur dispose d’une

série de questions-guides […]. Mais il ne posera pas forcément toutes les questions

dans l’ordre où il les a notées et sous la formulation prévue. […] Le chercheur

s’efforcera simplement de recentrer l’entretien sur l’objectifs »47.

Ces entretiens se sont déroulés sous forme d’une rencontre d’environ une

demi-heure à une heure et demi et ont été organisés par un guide d’entretien lui-même

élaboré à partir des hypothèses proposées. Une consigne de départ a été définie, puis

nous avons abordé un certain nombre de points en relation directe avec notre

recherche.

Pour l’analyse des données et en raison des contraintes temporelles,

l’analyse thématique nous paraît être la méthode la plus adaptée pour analyser des

données qualitatives recueillies sous forme d’entretiens retranscrits.

47 Quivy, R., Van Campenhouddt, L., Manuel de recherche en sciences sociales. Paris, Dunod, 1995, p. 195.

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 59 -

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Nous analyserons les informations récoltées de façon individualisée en nous appuyant

sur la méthode de l’analyse longitudinale : ainsi nous rechercherons si la relation qui

se crée lors de l’accompagnement peut relever des attitudes de la théorie de Carl

Rogers et si certaines sources du « sentiment d’efficacité personnel » selon la théorie

de Albert Bandura sont présentes dans les témoignages en créant des fiches pour

chaque entretien.

Nous utiliserons ensuite l’analyse transversale pour tenter une analyse

comparative en tenant compte du caractère profondément singulier de chaque

accompagnement et de l’expérience de chacun, aussi bien des accompagnateurs que

des candidats.

3.3 – Difficultés de ce travail

Nous souhaitons souligner ici, par honnêteté intellectuelle que nos entretiens

n’ont pas toujours été d’une neutralité absolue. En effet, étant donné le thème sensible

de l’expérience, du parcours professionnel et de la motivation à obtenir un diplôme, en

écoutant le récit des différents interviewés, certains passages de leur vécu ont pu

trouver écho au regard de notre propre vie personnelle et instaurer une relation

d’échange empreinte de sympathie.

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 60 -

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TTRROOIISSIIEEMMEE PPAARRTTIIEE ::

Résultats et traitement des données

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 61 -

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Chapitre 1 – Ce que disent les accompagnateurs

Dans notre première hypothèse, nous annoncions que le fondement de la

relation d’accompagnement était la confiance. A travers l’analyse des entretiens nous

allons essayer de vérifier si nous pouvons relever des attitudes rogériennes de la

relation d’aide dans le comportement des accompagnateurs. Nous avons donc, pour

chaque accompagnateur, mis en exergue ce qui nous semblait s’apparenter aux

attitudes prépondérantes de la théorie de Carl Rogers.

1.1 – Accompagnateur 1

« Respecter les attentes, ses inquiétudes […] se centrer sur le candidat que tu as face

à toi »48

« Le plus important c’est de prendre connaissance de la personne, j’y suis très

sensible ».49

« Il ne faut pas que tu t’associes à l’évaluateur ni à l’évaluation, il faut que tu te

positionnes en tant qu’accompagnant et le protocole de la validation ce n’est pas moi

qui l’ai écrit, déjà cela permet de se mettre à l’aise, du coup le candidat est aussi plus

à l’aise pour parler de ses difficultés, pour qu’on puisse ensuite travailler ensemble,

ne pas confondre : on n’évalue pas. Ça me semble un point très important du point de

vu relationnel pour que le candidat se sente à l’aise »50

Nous pouvons constater ici que nous sommes véritablement dans une relation

d’aide, Rogers entend par ce terme « relation » que l’un des deux protagonistes

cherche à favoriser chez l’autre la « croissance, le développement, la maturité, un

meilleur fonctionnement et une plus grande capacité d’affronter la vie »51. Le degré

d’empathie est souligné par le désir de ne pas évaluer ni de juger et l’attitude positive

transparaît à travers l’intérêt et le respect signifié envers l’autre.

48 Annexe 1, P. 1 49 ibid. 50 ibid. 51 Rogers, C., Le développement de la personne. Paris, Interéditions, 2005,. p. 27.

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 62 -

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Dans l’accompagnement « Le développement personnel est un objectif atteint

non déclaré. Ce sont des objectifs atteints non annoncés dans l’accompagnement VAE,

mais les candidats se développent personnellement et en bénéficient. Passer d’un

niveau « Je sais faire en toute autonomie » à un niveau « Je deviens expert de mon

métier », si on peut appeler ça du développement personnel alors la VAE est du

développement personnel »52

« Se centrer sur la personne, positiver la personne en permanence . C’est la

bienveillance en permanence, c’est répondre à l’attente de la personne »53

« En fonction de ce qui sort [du candidat], je renvoie, mon objectif étant

bienveillance, écoute authentique […] quand il faut rassurer je rassure par exemple.

[…] Il faut fabriquer un pont entre nous et pas un mur »54

« L’accompagnant doit être très disponible et à l’écoute […]. Ne pas porter de

jugement de valeur, ne pas donner de conseil du style « tu devrais faire ci ou tu

devrais faire ça » mais dire ce que tu proposes, je vais regarder si cela correspond

aux attentes du référentiel et là je mets ma casquette d’expert par rapport à ça. On

aide à l’idée, on ne donne pas l’idée : toujours favoriser l’expression de la personne

que l’on accompagne sur son problème, ses solutions, donner du sens à ce qui lui

arrive, lui donner des repères pour qu’il puisse avancer […] »55

Cet accompagnateur pose dans ces difficultés son affectif « Ma limite : mon

affectif, j’ai du mal à rester neutre, je vais pousser les gens pour y arriver […] »56.

Nous notons ici, même si l’accompagnateur juge son manque de neutralité

comme une difficulté, un signe de congruence cité par Carl Rogers.

52 Annexe 1, P. 2 53 Annexe 1, P. 5 54 Annexe 1, P. 5 55 ibid. 56 Annexe 1 P. 7

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1.2 – Accompagnateur 2

« Pouvoir aider les personnes […] après ce qui me plaît bien la-dedans c’est

de les accompagner jusqu’au bout, qu’ils obtiennent le titre »57

L’utilisation du « on » systématique lors des entretiens nous montre combien

l’accompagnateur fait équipe avec le candidat.

« Ma serveuse de restaurant […] » «Mon développeur informatique […] »58

« J’ai accompagné des personnes handicapées, au début je me disais, si eux

réussissent alors… en fait ça s’est super bien passé, ils ont réussi et il y en a un qui

bosse dans une entreprise à un poste adapté et à terme il sera embauché. Il y en a un

qui avait du mal à aligner deux mots, c’était délicat, alors on a travaillé en entretien

individuel, il a bien su expliquer, faire des schémas, c’est génial, il faut voir les

dossiers qu’il m’a fait ! L’autre aussi, il illustrait moins mais il était plus concis,

concret, ça marchait aussi bien »59.

Malgré les difficultés, l’accompagnateur s’est investi dans le travail d’aide de

ces personnes handicapées en essayant de ne pas porter de jugement et s’est adapté en

travaillant plutôt sur du dessin (schémas) que sur du récit oral. L’autre est accepté sous

toutes ses facettes, nous sommes là dans une attitude positive d’intérêt de respect et

d’attention telle que Rogers la décrit.

« Pour préparer les gens aux entretiens : un monsieur trop catégorique il faut

qu’il apprenne à mettre les formes devant le jury, sa façon de faire n’est pas

forcément la meilleure, c’est une des façons de faire, je dois l’aider sur la forme. Il

faut lui faire comprendre, tu essaies de t’adapter aux personnes et aux

personnalités »60

A nouveau sur cet exemple, nous avons un témoignage de respect :

l’accompagnateur n’est pas en phase avec la façon de se comporter d’un candidat, elle

57 Annexe 1 P.8 58 Annexe P. 9 59 Annexe P. 11 60 Annexe 1 P. 13

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accepte le fait que cela peut être une façon de se comporter, mais il doit faire

comprendre au candidat qu’il doit adopter un autre comportement devant le jury tout

en essayant de ne pas le heurter. Pour cela il dit s’adapter aux personnalités. L’autre

est accepté.

1.3 – Accompagnateur 3

« On a essayé de faire quelque chose de très simple que le candidat puisse

argumenter au moment du passage devant le jury »61

« On avait vraiment envie qu’il réussisse et il a réussi »62

L’accompagnateur a une attitude positive en s’adaptant au candidat qui ne

maîtrise pas très bien la langue française et en le respectant. D’autre part, nous

pouvons souligner l’attitude de congruence de l’accompagnateur :

« C’est fabuleux pour ce monsieur, on a beaucoup de gens d’origine étrangère

qui ont tout lâché à un moment donné bon gré mal gré plus souvent malgré d’ailleurs

dans leur pays d’origine et je me dis que se retrouver dans un pays complètement

différent, la langue est pas la même, la culture est pas la même, les gens vous

regardent en pensant l’étranger qui arrive… déjà c’est pas simple pour eux »63

« Moi ce monsieur j’en garde est un grand souvenir, il était vraiment content

que quelqu’un en France dans un pays qui n’est pas le sien, prenne du temps,

l’encourage et lui dise c’est pas grave si vous ne parlez pas très bien le français. Il

s’est instauré une relation de confiance avec ce monsieur, c’est très gratifiant et je me

demande à qui cet accompagnement à fait le plus de bien, je suis pas convaincue que

ce soit à lui ! (rires) »64

L’accompagnateur s’est montré tel qu’il est dans cet exemple : attitude

d’authenticité développée par Rogers.

61 Annexe 1 P. 14 62 Annexe 1 P. 15 63 Annexe 1 P. 19 64 Annexe 1 P. 18

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 65 -

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« C’est faire prendre conscience aux gens qu’ils ont des compétences, qu’ils ont des

qualités et qu’ils peuvent faire plein de choses et qu’ils aient confiance en eux. La

relation dans l’accompagnement c’est d’encourager les gens à aller vers. »65

1.4 – Accompagnateur 4

« Vous n’avez pas à juger ni a tester ses connaissances »66

« […] cela n’empêche pas que la personne peut avoir des craintes d’échouer, on est là

pour les rassurer »67

« L’accompagnateur doit aider le candidat à se faire confiance même s’il sent la

différence entre les candidats. L’accompagnateur encourage toujours et accompagne

dans la confiance »68

1.5 – Ce que disent les candidats des accompagnateurs

Il nous a paru intéressant de confronter brièvement le ressenti des candidats,

qui ont suivi un accompagnement aux témoignages des accompagnateurs.

« L’accompagnatrice en fait nous laissait nous exprimer librement et ensuite

par rapport à la manière dont on s’exprimait, elle nous orientait […] Carole, d’entrée

de jeu à chaque fois elle remettait tout à plat et à chaque fois elle me disait, là ça va,

là ça va pas, on recommence, on retravaille dessus […] moi j’étais motivé de A à Z,

mais les accompagnateurs ils ont vraiment motivés le groupe »69 (Richard)

« Motivante euh comment encourageante… et puis vraiment à notre disposition

[…]sa façon d’expliquer les choses tu vois, euh comment t’expliquer… elle était

douce, elle expliquait bien les choses enfin moi j’ai eu un très bon contact avec elle,

très sympa et puis de toute façon je pense que c’est un métier très intéressant pour

former ça c’est sûr, elle relativise et en même temps elle essaye euh de euh comment

65 Annexe 1 P. 18 66 Annexe 1 P.24 67 ibid. 68 Annexe 1 P. 27 69 Annexe 2 P. 1-8

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 66 -

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expliquer… pas de materner… de euh percevoir l’état psychologique de chacun

d’entre nous parce que même quand c’étaient des entretiens collectifs où il fallait

qu’on se présente ; des simulations d’entretiens bon ben elle voyait bien nos points

forts et nos points faibles, tu vois elle a quand même bien cerné nos personnalités

quand même […] cette personne-là nous a accroché mais si ça avait été quelqu’un

d’autre, un autre accompagnateur, est-ce que cela se serait passé comme cela ? »70

(Corinne)

« Les accompagnateurs sont vachement investis dans leur travail, ils essaient

de te pousser. Moi j’ai eu un très bon contact avec mon accompagnatrice, d’ailleurs

elle a un bon contact avec tout le monde. Elle est motivante et elle est à ton écoute,

c’est important […] mais j’ai quand même eu des angoisses… ils te poussent tellement

que moi ça me faisait stresser, par exemple tu vois ils te disaient « vous devriez avoir

déjà fait ci ou ça et là tu te dis, j’y suis pas quoi…, ils te donnent des dates butoirs

pour nos envois par mail et ça me mettait la pression, mais je pense que c’était aussi

bénéfique, c’est aussi ça qui te permet d’avancer et de te cadrer, et puis en fait ça me

rappelait le côté scolaire… »71 (Dominique)

Les candidats ont dans l’ensemble eu un très bon contact avec leur

accompagnateur respectif, « motivant » est le terme qui revient systématiquement mais

aussi « disponible » et « encourageant ».

70 Annexe 2 P. 10 71 Annexe 2 P. 14-17

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 67 -

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Chapitre 2 – Ce que disent les candidats

Maintenant que nous avons analysé les entretiens des accompagnateurs pour

vérifier notre première hypothèse, nous allons dans un deuxième temps essayer de

vérifier notre hypothèse suivante, le sentiment d’efficacité personnelle du candidat

peut être augmenté lors d’un accompagnement VAE, au travers des différents

entretiens des candidats

1.1– Richard

Richard, 42 ans, a obtenu une VAE bac professionnel vente. Son

entourage ne l’a au départ pas encouragé dans ce sens mais il a tout de même

décidé de profiter de la mise en place d’une VAE collective par son entreprise.

Le regret de ne pas avoir continué ses études, après un BEP administratif,

l’a poussé à faire cette VAE. Le fait d’être aidé par des accompagnateurs (24

heures d’accompagnement), de maîtriser Internet et la plupart des logiciel l’ont

rassuré et le travail personnel ne lui a pas fait peur.

Dès le début, Richard a noté un degré d’exigence important :

« Pendant les 4 premier mois, ça fait février mars avril mai juin donc 5 mois en

fait, et bien j’avais toujours l’impression qu’il fallait toujours tout remettre à

zéro et sans arrêt elle nous poussait à faire et à refaire jusqu’à que ce soit

parfait. Donc le niveau d’exigence était énorme… j’ai trouvé mais gavant !!

(rires) parce que à chaque fois que je présentais mon truc je me disais bon ben

maintenant c’est bien fait quoi… et en fait elle revenait toujours dessus et quand

elle voyait qu’on avait bien progressé sur un domaine, elle pouvait revenir sur

un thème qu’on avait fait déjà le mois d’avant encore, parce que quand on avait

atteint un nouveau niveau elle nous faisait revoir ce qu’on avait déjà fait…

c’était pénible parce que en fait on ne voyait pas le bout. Je savais pas où ils

voulaient en venir, je savais que je voulais avoir le bac, je savais qu’il fallait

remplir un dossier par contre ce que je ne comprenais pas c’est qu’il fallait

aussi avoir un niveau.72 »

72 Annexe 2, p. 3.

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 68 -

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Au-delà du dossier, Richard réalise qu’il faut, comme il le dit, avoir une

« niveau ». Ainsi il souligne :

« Et je vois, il y a plusieurs personnes qui l’ont fait et qui l’ont loupé parce que

en fin de compte ils ont réalisé que c’était pas qu’un travail écrit mais c’est un

travail dans la tête pour obtenir le bon niveau quoi. »

Obtenir un niveau correspond à écrire un dossier sur son expérience mais

aussi à faire une « travail dans le tête » : nous sommes là en présence du

processus formatif de la VAE : le passage par l’écrit permet à Richard de prendre

du recul par rapport à sa pratique.

Ce travail d’écrit n’a pas été simple pour Richard :

« Ca a été dur ah la la… Mais j’ai énormément progressé et principalement au

niveau de la rédaction. La rédaction parce que souvent au niveau du travail on fait

peu de choses écrites. Le travail le plus difficile ça a été dans la rédaction, je vois

même après, 1 an après mon examen, je n’hésite plus à écrire. Ce qu’il y a c’est que je

ne me rendais pas compte du niveau que j’avais quoi. C’est que même pour écrire une

carte postale, je vois, je le laissais faire à ma femme quoi, je me rendais pas compte

que sans arrêt je laissais les autres écrire, même au comptoir, je me rends compte que

les gens n’écrivent pas. 73»

Il a pris conscience de ses lacunes concernant l’écrit. Cette prise de conscience

a été d’autant plus vive que très rapidement, Richard s’est senti un peu décalé par

rapport au reste du groupe des candidats :

« En fait, là il y a eu quelque chose d’important au début c’est que je pense que

par rapport au groupe qui s’est présenté, je trouvais vraiment que le niveau était très

élevé chez les participants. Le souci c’est que je me suis senti en décalage avec ces

personnalités, ah oui, là je me suis dit c’est impressionnant, il y en avait un dont la

passion c’était de faire des films d’animation, d’autres qui étaient très calés en art ou

en anglais et quand on est là on se dit mince, je vais avoir des soucis quand même… et

puis il y avait des jeunes qui avaient loupé leurs examens pas si longtemps avant

73 Annexe 2, p. 4.

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 69 -

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quoi… il y en avait qui avait 23 ans ! Donc je me suis mis dans l’idée que je partais

avec un handicap… ah oui, et j’avais cette sensation, et aussi la sensation par rapport

à l’écrit, à l’anglais que j’allais être complètement décalé et qu’il fallait que je me

mette à bosser immédiatement 74»

Décalé à la fois par les perceptions qu’il avait des personnalités des autres

candidats mais aussi décalé à cause de son âge. L’utilisation du terme « handicap »

traduit son angoisse de ne pas être à la hauteur. Cette angoisse devient son catalyseur :

« Quand on s’est tous retrouvé devant la page blanche on savait pas comment

écrire, et moi je me suis dit c’est pas grave, je commence d’entrée de jeu à écrire

même si c’est n’importe quoi. Quand je me lisais j’avais l’impression d’avoir un

niveau ce2 cm1 ! Moi j’ai écrit, et certains ont ensuite refusé d’écrire, en fait je pense

qu’ils avaient peur des autres et du regard du groupe ah oui ! et par rapport aux

accompagnateurs et même par rapport aux gens qui pouvaient les considérer comme

des illettrés mais c’est énorme hein ce regard ! Moi je suis parti dans l’idée, peut-être

quelque part je me suis dit t’es nul eh ben comme t’es nul tu y vas ! Mais ça a eu un

impact formidable parce que en fin de compte, on était finalement nombreux en fait à

avoir un niveau pas aussi élevé qu’on le pensait. Pendant ces 4 mois j’ai énormément

évolué et c’est à ce moment là que je m’en suis rendu compte et là j’étais très fier de

moi !

D’ailleurs on était tous fier, tous ceux qui ont été jusqu’au bout mais même avant le

passage devant le jury. Mais on est parti de loin. Cinq mois après j’ai relu mon

dossier, j’en revenais pas d’avoir écrit ça. Je ne suis même pas sûr de pouvoir le

refaire ! 75»

On ressent la fierté de Richard d’avoir obtenu son diplôme bien sûr, mais

surtout d’avoir réalisé ce parcours et d’avoir écrit ce dossier.

Les accompagnateurs ont été très présents dans le cheminement de Richard :

« Moi j’ai eu un peu de la chance car j’ai été impliqué tout de suite, Carole

(l’accompagnatrice) d’entrée de jeu à chaque fois elle me remettait tout à plat et à

chaque fois elle me disait, là ça va, là ça va, là on recommence, on retravaille dessus

74 Annexe 2, p. 5. 75 Annexe 2, p. 5.

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 70 -

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donc en fin de compte elle évaluait systématiquement mon niveau, ça c’est une bonne

idée il faut le développer, ça ce n’est pas à mettre là mais dans une autre partie,

rentrez plus dans le détail etc… Comme une personne refusait d’écrire, elles ont

utilisé toutes les techniques possibles pour arriver à faire sortir euh… à le débloquer

mais il a abandonné. Mais c’est particulier parce que on parle de soi et de son travail

quand même76 ».

Richard reconnaît qu’un clivage s’est opéré au bout de quelques mois dans le

groupe, grâce à son travail, il a été valorisé et s’est senti basculer dans le peloton de

tête :

« j’avais tellement évolué que je me rendais compte des niveaux des autres

donc moi on n’arrêtait pas de me valoriser 77».

Pour Richard l’écriture du dossier a joué son rôle, ce rôle de transformation de

soi dans la pratique de son métier. A travers son témoignage, nous remarquons aussi,

comme le note Françoise Bréant (cf. p. 49), l’élaboration de l’estime de soi :

« Finalement la VAE c’est peut-être la meilleure formation, parce que ça été

évident. En fait, j’ai aussi découvert grâce à ça que j’étais la seule personne au

comptoir qui formait les stagiaires ou les gens au niveau de mon métier. Donc j’ai

découvert que j’avais des techniques quoi, et que maintenant il fallait les mettre à

plat. J’ai même pris conscience des niveaux, et j’adapte ma formation en fonction du

niveaux des stagiaires, si c’est un niveau bac ou BTS. Aujourd’hui, j’arrive mieux à

analyser les choses, et j’arrive plus à me rendre compte de ce qu’on me demande à

différents niveaux. Je percute plus vite et je me rends vite compte chez des personnes

de leurs points faibles et leurs points forts78».

Comme le souligne Richard, l’écriture est une étape obligée mais difficile et

certains ne la franchissent pas :

76 Annexe 2, p. 6. 77 Annexe 2, p. 6. 78 Annexe 2, p. 6.

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« Mais la majorité de ceux qui ont abandonné c’est quand même la rédaction

qui les a bloqué».

1.2 – Corinne

Corinne, 35 ans, a souhaité faire une VAE BTS assistante de direction après un

bilan de compétence.

« Enfin le livret c’était une grosse charge de travail et tu vois je suis pas

complètement satisfaite de moi, il y a des trucs sur lesquels j’ai fait pas mal

d’impasses. En fait c’est la présentation qui m’a coincée, j’ai trouvé que c’était trop

répétitif, donc il y a des choses que j’ai supprimées dans la trame du livret, j’ai pris

cette liberté et je me suis dit ça passe ou ça casse mais bon je me sentais mieux avec

ma version alors… »79

Corinne ne semble pas avoir rencontré de problème avec l’écriture de son

dossier au contraire, elle s’est permis des impasses justifiant celles-ci par le fait qu’elle

se sentait plus à l’aise. Après quinze ans d’expérience en intérim, Corinne n’a jamais

souhaité d’embauche définitive, elle a souvent refusé des postes en CDI qu’on lui

proposait à la suite de ses missions pour préserver sa liberté. Durant ces quinze

années, Corinne a surtout occupé des postes de secrétariat ou d’assistante de direction.

L’écriture et la rédaction font partie de son expérience professionnelle, aussi n’est-elle

pas trop déroutée par le processus VAE.

La notion de fierté est abordée dès la recevabilité :

« ça commence par une recevabilité, c’est important d’être considérée comme

recevable tu sais j’étais pas sûre de l’avoir quand même avant je savais même pas

qu’il fallait un avis de recevabilité donc j’étais fière de moi !80 »

« même mes parents tu vois il me disaient c’est super ce que tu fais, on est fier

de toi tu n’as jamais fait d’études et maintenant tu te lances là-dedans toute seule

79 Annexe 2, p. 11. 80 Annexe 2, p. 12

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 72 -

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c’est super … alors tu vois quand tu as des doutes tu te remets vite sur les rails quoi,

et puis ton conjoint il est aussi fier de toi !81 »

Ainsi que sa famille l’intérêt que porte ses anciennes collègues pour sa VAE l’ont

aussi motivée :

« Eh ben moi les dates butoir ça me motive, c’est comme ça… et puis autour de

toi on te motive énormément aussi parce que on te dit ben par exemple tes anciennes

collègues ou les personnes qui font le même métier que toi et qui rêveraient de se

lancer dans la VAE, elles sont toutes là ah moi aussi je ferais bien valider un

BTS !!82 »

Mais Corinne ne minimise pas la difficulté de l’exercice :

« Ca paraît assez facile de l’extérieur mais finalement c’est beaucoup

d’investissement…83 »

« Rien qu’en regardant ta trame vierge déjà, tu as des angoisses !! c’est quand même très lourd84. »

1.3 - Dominique

Dominique, 30 ans, a réalisé une VAE « bac professionnel services » au sein de

son entreprise. Sa motivation est personnelle : après un échec au baccalauréat, des

études arrêtées rapidement et selon lui des « échecs scolaires », quand une VAE a été

proposée dans son entreprise, il a saisi l’opportunité.

Sa famille est aussi une source de motivation :

« Et puis tu sais j’ai des enfants aussi et c’était l’occasion de leur montrer

quoi, ils sont encore petits, 2 et 5 ans, et euh plus tard euh, ma femme n’avait pas son

81 Annexe 2, p. 13 82 Annexe 2, p. 12 83 Annexe 2, p. 12 84 Annexe 2, p. 13

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 73 -

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bac non plus donc pour les enfants c’est dur de les pousser après quoi, ouais

honnêtement c’est aussi pour eux que je l’ai fait et puis personnellement bien sûr. 85»

Pour Dominique, la réalisation du dossier a permis une prise de recul

importante :

« Mais c’est vraiment un truc personnel, c’est important que tu sois encadré

parce que y a des trucs que tu sais pas mais sinon t’es quand même seul. Ça m’a

permis de mieux connaître mon boulot aussi parce que quand tu es dedans tu te

remets jamais en cause. Là c’est vrai que tu réfléchis à ton travail : tu t’arrêtes, tu

recules et tu regardes ce que tu fais. Et je me suis rendu compte que je faisais

beaucoup de choses, c’est vrai que j’ai pas mal de missions mais je ne m’en rendais

pas forcément compte. Je me suis rendu compte que j’avais des relations

commerciales autres qu’avec les clients, notamment avec tous les fournisseurs et ça je

ne l’avais pas vraiment perçu avant, du coup maintenant je ne travaille plus tout à fait

pareil, je fais plus attention…86 »

La fierté est aussi présente :

« Je suis content de l’avoir quand même ce bac, même fier… D’ailleurs quand

j’ai eu mon bac je l’ai fêté…87 »

Dominique parle de la confiance acquise au cours de son accompagnement :

« J’ai regretté parce que la dernière simulation d’entretien qu’on a fait c’était

super, j’ai été super bon et ça m’a donné de la confiance, même si ça c’est mal passé

mon entretien avec le jury et ben je l’ai plutôt bien vécu en fin de compte.88 »

Cette prise de confiance est confirmée par la dernière phrase de son entretien :

« Maintenant j’ai un bac pro services et j’ai regardé, ça englobe pas mal

d’emplois et ça ouvre pas mal de portes (rires) ! je pense que c’est en train de

germer… »

85 Annexe 2, p. 14. 86 Annexe 2, p. 14. 87 Annexe 2, p.16. 88 Annexe 2, p. 15.

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 74 -

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Pendant l’accompagnement Dominique a aussi ressenti de grandes angoisses :

« ça me rappelait le côté scolaire… Ah non alors, c’est clair j’aimais pas du

tout ça. Si j’ai arrêté mes études c’est à cause de ça hein… non et puis j’étais dans

une situation particulière, enfin c’est une longue histoire… je suis quand même d’une

nature inquiète… alors la pression, les dates limites… c’était un peu dur à vivre…

mais il y avait aussi des encouragements et beaucoup d’aide de la part des

accompagnateurs. Malgré tout j’ai été angoissé par moment…89 »

Nous pouvons, face à ce témoignage, établir un parallèle avec le texte de

Françoise Bréant et à cette remarque « La demande réactive à une souffrance ancienne

intrapsychique et sociale liée à la peur de se retrouver en difficulté, voire en échec,

face à la question de l’écriture et de ce qu’a pu représenter l’école et l’Université ».

(cf. p. 48).

1.4 - Rachid

Rachid, 46 ans, est employé pour l’entretien technique d’un grand

magasin, il a obtenu une VAE bac « maintenance informatique » réalisée sans

accompagnement en 2004.

Après avoir suivi une formation « maintenance en informatique et réseaux »

non diplômante, il décide de la valider par l’obtention d’un baccalauréat par le biais de

la VAE.

Ne souhaitant pas informer son employeur de sa démarche, il ne fait pas de

demande de DIF. Quant à l’accompagnement, il n’en n’éprouve pas le besoin :

« Moi au départ je voulais faire le BTS mais moi pour faire ça j’ai lu en détail

le référentiel du diplôme en VAE et ce qu’il fallait, il y avait une part importante de

responsabilité dans ton travail et vu que je ne suis pas responsable dans mon travail,

j’ai vu tout de suite que ça allait coincer… donc je me suis rabattu sur le bac et pour

le bac je me suis dit c’est bon quoi, y a pas de souci… Après c’est le travail à fournir

mais au vu de mes capacités je savais que je pouvais le faire, après c’est une question

89 Annexe 2, p. 17.

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 75 -

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de volonté. Il y a le livret 1, ça c’est administratif et après tu as le livret 2. C’est un

questionnaire en fait, j’ai trouvé qu’il y avait pas besoin de sortir de Saint Cyr pour

répondre à ça quoi. Moi je suis de repos le lundi donc j’ai fait ça en 3 ou 4 lundis. »90

On sent une grande confiance en lui dans les propos de Rachid. C’est une

personne qui a eu l’habitude de fournir du travail personnel puisqu’il a déjà obtenu un

autre baccalauréat en cours du soir sur trois ans. D’autre part, très intéressé par

l’électronique, l’automatisme, Rachid a toujours su faire évoluer ses connaissances en

fonction des évolutions techniques de ces domaines.

« moi quand je suis sorti de l’école j’avais qu’un CAP, après j’ai travaillé dans

l’industrie et j’ai découvert les machines programmées et automatisées et je me suis

dit ouh la il me faut plus ! donc j’ai fait un Brevet Professionnel en formation

continue. Le Brevet professionnel, ça m’a fait découvrir l’électronique, l’automatisme,

les lois de la physique…etc, et je me suis dit ouh la mais c’est intéressant tout ça après

je suis entré ici et je me suis dit il faut que j’aille plus loin et c’est là que j’ai fait mon

Brevet de Technicien en régulation, alors là au fur et à mesure que tu apprends, que

tu fais des maths et de la physique, tu te dis, bon sang j’ai raté quelque chose quoi !

après tu passes le bac, tu commences à suivre des cours à bac +2 et tu te dis

finalement ingénieur ça doit pas être si dur que ça quoi… alors qu’on s’en fait une

montagne… Quand t’es jeune tu es pressé d’entrer dans la vie active quoi et puis on

se fait tout un monde des bacs + 5 et on a l’impression que c’est un degré de difficulté

insurmontable alors qu’après quand tu le fais petit à petit tranquillement finalement,

bon il y a du boulot hein, je dis pas que tu claques des doigts et t’es ingénieur, faut

potasser mais quand ça te plaît t’arrive à le faire d’autant plus facilement quoi. 91»

Malgré cette capacité de travail personnel et cette confiance, Rachid ne

minimise pas l’intérêt de la VAE :

« En tout cas ça m’a apporté quand même pour moi personnellement un

enrichissement personnel, c’est quand même du boulot, c’est quand même des

recherches. En fait c’est 4 jours d’écriture sur le dossier mais en fait c’est beaucoup

90 Annexe 2, p.18. 91 Annexe 2, p. 21.

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 76 -

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plus parce que tu réfléchis, tu gamberges, tu fais un peu tes recherches… parce que tu

as quand même des recherches à faire sur l’entreprise, tu as quand même pour

illustrer ton livret les installations, tout ce que tu as fait concrètement toutes ces

années donc ça te prend plus de 4 jours quand même, tu rassembles tous ces petits

moments éparpillés c’est pas évident de quantifier… Et puis à la fin ça fait un beau

truc, tu te rends compte que finalement tu sais faire pas mal de choses, de les compiler

je trouve que c’est valorisant, et puis c’est du concret quoi. Donc voilà je l’ai fait tout

seul et je regrette pas !92 »

Le travail d’écriture que demande la VAE est un travail personnel qui appelle à

la réflexion et au recul. Rachid reconnaît que c’est beaucoup de travail mais pour un

effet très valorisant. Il compare la VAE à la formation :

« Par rapport à une formation, tu es plus seul et c’est vraiment un bilan que tu

fais, c’est enrichissant et très valorisant de se dire qu’on est capable… qu’on a des

compétences.93 »

Rachid a construit petit à petit un parcours de formation pour répondre à sa

curiosité personnelle et coller à un métier qui évolue sans cesse selon ses dires. Mais à

travers ses paroles, on sent une volonté d’aller bien au-delà du baccalauréat, une

volonté et un objectif (pas vraiment affiché) d’aller jusqu’au diplôme d’ingénieur.

Contrairement aux autres candidats à la VAE interrogés, pour Rachid, cette

VAE n’est qu’un échelon de plus pour arriver à son objectif. Le niveau de cette VAE

ne lui a jamais fait peur et, enrichi de ses expériences précédentes (cours du soir,

travail personnel), le travail qui était demandé lui a paru simple. L’accompagnement

dans ce qu’il représente d’aide, de motivation, de soutien et de présence rassurante

n’aurait pas vraiment servi à Rachid.

92 Annexe 2, p. 20. 93 Annexe 2, p. 22.

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 77 -

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1.5 - Mourad

Mourad a tenté une VAE baccalauréat professionnel vente qu’il a abandonné

en cours d’accompagnement.

Après huit années dans le commerce, Mourad a trouvé intéressant la

proposition de son entreprise d’obtenir une VAE bac professionnel vente. Mais

rapidement, dès le début de l’accompagnement, il a été surpris voire déstabilisé par le

travail sur le dossier qui lui était demandé avec l’impression désagréable qu’on ne

l’avait pas vraiment préparé à cela lors des réunions d’informations VAE.

« C’était un peu brut de pomme, on disait voilà ça va se passer comme

ça mais c’était pas assez détaillé dans le sens où quand on arrivait devant le fait

accompli quoi on se retrouvait un peu sans armes dans le sens où c’était beaucoup

plus compliqué que ce qu’on nous avait dit au début quoi. 94»

Même si Mourad pose un problème technique (perte informatique de son

dossier) comme étant à l’origine de son abandon, il admet un peu plus loin dans son

entretien que l’écrit a vraiment été un problème :

« Moi c’était l’écrit qui me posait un problème donc j’aurai voulu qu’ils soient

derrière moi pour l’écrit, pour m’aider à poser les choses quoi. 95»

« J’attendais pas qu’ils nous écrivent le dossier mais bon, comment expliquer,

qu’ils voient un peu ce qu’on avait en tête et qu’ils nous donnent les grandes lignes

quoi. A la réunion d’info à les écouter parler, on avait tout ce qu’il fallait pour

réussir. Arrivé à la maison eh ben c’était feuille blanche quoi… mais vraiment feuille

blanche. Dans un sens je leur disais moi je préfèrerais passer directement à l’oral, je

suis sûr que j’aurais réussi parce que tout ce que j’avais en tête je le répétais et ça

passait. C’était autant que ce que faisait les gens en 80 pages, c’était pareil quoi. 96»

Mourad est persuadé que l’oral est largement suffisant pour faire preuve de son

expérience. Dans ce cas-là, le dossier n’a pas été réalisé et le pouvoir de l’écriture n’a

94 Annexe 2, p. 23. 95 Annexe 2, p. 24. 96 Annexe 2, p. 25.

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 78 -

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pas agit sur la prise de recul tant nécessaire. La ligne invisible et imaginaire dont nous

parle Philippe Crognier (cf. p. 50) n’est pas franchie.

Le contact avec d’autres candidats qui auraient pu motiver Mourad n’a pas été

bénéfique, au contraire :

« Et quand on voyait certains qui arrivaient avec des pavés comme ça on se

demandait ce qu’ils avaient à raconter… J’ai essayé quand même mais j’avais

l’impression de tout le temps me répéter, c’était hallucinant… et puis quand on a une

famille, travailler à la maison c’est pas évident, à 22h t’as pas trop envie de t’y

mettre.97 »

Mourad soulève un problème intéressant : « Et puis les gens ça les dévalorisent parce qu’ils se disent ouh la la je sais

plus écrire… pour certaines personnes ça a du être très dur à vivre.98 »

« Moi j’ai été déçu mais d’autres étaient dégoûté… Quelqu’un qui n’est pas

très bien psychologiquement ça peut le toucher… et puis ça veut dire que quelque part

tu sais pas travailler puisque t’es pas capable d’avoir le diplôme… »

Le fait d’échouer à la VAE peut-être très dévalorisant, voire dangereux pour les candidats.

97 Annexe 2, p. 26. 98 Annexe 2, p. 26.

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 79 -

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Chapitre 3 – Vérification des hypothèses et synthèse des résultats

1.1– Hypothèse 1

Cette première hypothèse s’appuyait sur le fait que le fondement de la relation

d’accompagnement était la confiance. Au travers des analyses des entretiens des

accompagnateurs dans un premier temps, puis des candidats, nous avons pu vérifier

que cette hypothèse était validée.

En effet, nous avons noté, dans le discours des accompagnateurs, les trois

attitudes de l’approche centrée sur la personne de Carl Rogers : congruence, regard

positif inconditionnel et empathie. Les candidats viennent faire écho des témoignages

des accompagnateurs, ils parlent de personne « motivante ». Comment être motivé par

une personne en qui l’on ne fait pas confiance ?, « elle nous a accroché », « Elle est à

ton écoute ».

Sans cette confiance, l’accompagnement peut être compromis. Ainsi, le

témoignage de Mourad en est l’exemple : Mourad s’est trouvé, dès le début de son

accompagnement, déstabilisé. Il a ressenti un grand décalage entre ce qu’on lui avait

annoncé, lors de la réunion d’information VAE dans son entreprise, et le travail réel

qui lui était demandé pour son dossier. « C’était beaucoup plus compliqué que ce

qu’on nous avait dit au début ». La sensation d’être trahi est ici bien apparente. La

confiance, si importante dans le cadre de la VAE, est mise à mal. Mourad

abandonnera quelques temps plus tard cette VAE sans aller jusqu’au bout de son

accompagnement.

1.2 – Hypothèse 2

Cette hypothèse devait nous permettre de percevoir, lors de nos entretiens, si

certaines sources du sentiment d’efficacité personnelle (SEP) développées par Albert

Bandura étaient présentes lors des accompagnements et si celles-ci pouvaient être à

l’origine du développement de la confiance en soi du candidat.

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 80 -

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La première source du SEP est la maîtrise personnelle : les succès servent

d’indicateurs de capacité et permettent de construire une solide croyance tandis que les

échecs la mine.

Certains candidats, en ce qui concerne l’école et les diplômes, ont une croyance

assez faible en leur capacité. Dominique parle d’une suite d’échecs scolaires qui ne

favorisent pas son SEP. Mais durant son accompagnement et grâce à celui-ci, il s’est

aperçu qu’il avait beaucoup de missions annexes à son travail dont il n’avait pas perçu

l’importance et qui valorisent la pratique de son métier. Les simulations de passage

devant le jury lui ont donné confiance : même si finalement cela ne s’est pas très bien

passé lors de son passage réel, il insiste sur le fait qu’il a plutôt bien vécu cette

expérience grâce à l’accompagnement. Le succès, qui était présent lors des

simulations, a augmenté son SEP de façon significative ainsi que la réflexion sur la

pratique de son métier.

Pour Corinne, le SEP est amélioré dès la recevabilité de sa demande de VAE.

Cette acceptation officielle permet au candidat d’être reconnu.

Richard va se lancer à corps perdu dans son dossier, persuadé qu’il est très en-

dessous des capacités des autres candidats. Mais au fur et à mesure, après quatre mois

de travail de rédaction, il commence à récolter le fruit de son labeur : il s’aperçoit, en

comparant son dossier à celui des autres candidats, qu’il a beaucoup évolué et qu’il a

produit un dossier finalement meilleur que les autres. Ce phénomène, après des mois

de travail acharné, va bien sûr fortement contribuer à augmenter son SEP : « On était

tous fiers… même avant le passage devant le jury ».

L’accompagnateur 1 parle de « développement personnel », à propos de candidats qui

suivent un accompagnement VAE, que l’on peut rapprocher de la prise de confiance

en soi.

On notera aussi la présence d’un SEP très développé chez Rachid qui a réalisé

sa VAE sans accompagnement.

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 81 -

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Les entretiens que nous avons mené ne nous ont pas apporté suffisamment

d’informations significatives pour vérifier si la deuxième source du SEP,

l’apprentissage social, était présente lors des accompagnements en VAE.

En revanche, la troisième source, la persuasion verbale semble être importante

dans l’accompagnement. Les candidats sont unanimes, une fois que la mise en

confiance dans le processus relationnel est installée, l’accompagnateur est

« encourageant… présent… disponible… il te pousse… »… L’accompagnateur est

indéniablement un des instigateurs de cette source du SEP : l’accompagnateur en

motivant, encourageant, poussant le candidat, va lui donner confiance en ses capacités.

Pour certains, la famille joue un rôle important. Corinne nous le confirme dans

son entretien dans lequel elle souligne la fierté avouée de sa famille devant ses efforts,

ainsi que l’envie exprimée par certaines de ses collègues de travail qui auraient

apprécier tenter l’aventure…

L’état émotionnel, quatrième source du SEP de Albert Bandura n’a pu être

vérifié lors de nos entretiens.

La maîtrise personnelle et la persuasion verbale semblent être deux paramètres

important dans le processus de développement de la confiance en soi du candidat VAE

et dont il faut tenir compte lors d’accompagnements.

1.3- Hypothèse 3

Notre dernière hypothèse concernait l’écriture et son importance dans la

transformation du candidat et le développement de la confiance en soi.

Le récit de Richard est très intéressant à ce propos, son évolution en quelques

mois a été une vraie révélation. Richard a pris conscience que cela faisait des années

qu’il n’écrivait plus, ni dans sa vie privée, ni sur son lieu de travail.

Au début de ses essais rédactionnels, il s’est vite aperçu qu’il ne dépassait pas

le niveau CM1, selon lui. Peu à peu, il s’est accroché et a fait des progrès grâce à ses

efforts mais aussi aux encouragements de l’accompagnatrice qui systématiquement le

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 82 -

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faisait retravailler ses écrits : « Le niveau d’exigence était énorme… et en fait elle

revenait toujours dessus et quand elle voyait qu’on avait bien progressé sur un

domaine, elle pouvait revenir sur un thème qu’on avait fait déjà le mois d’avant

encore, parce que quand on avait atteint un nouveau niveau elle nous faisait revoir ce

qu’on avait déjà fait… ».

Aujourd’hui, Richard a compris l’intérêt de ce travail et l’enrichissement

personnel qu’il lui a procuré. La difficulté de cet exercice est aussi une réflexion sur

soi : « C’est particulier parce qu’on parle de soi et de son travail quand même ».

Pour Dominique : « C’est vraiment un truc personnel… tu t’arrêtes, tu recules

et tu regardes ce que tu as fais ». Même si Dominique a aussi souffert lors de ce

passage par l’écriture, il reconnaît que ce travail lui a beaucoup apporté et notamment

du point de vue de son capital confiance qui avant cette VAE était plutôt en berne.

L’aide et les encouragements des accompagnateurs lui ont été bénéfiques bien

que parfois angoissants.

Nous avons vu que Rachid avait déjà lui une confiance en lui très importante

qui lui a permis de se lancer dans une VAE sans accompagnement. Mais lui aussi a

connu des moments de solitude qui ont été enrichissants : « Par rapport à une

formation, tu es plus seul et c’est vraiment un bilan que tu fais, c’est enrichissant et

très valorisant de se dire qu’on est capable… qu’on a des compétences ».

L’écriture du dossier a eu un effet très valorisant sur Rachid.

Mourad, quant à lui, n’a pas passé le cap de la « feuille banche ». Il se fait

l’écho des autres candidats sur le phénomène de dévalorisation : « ça veut dire que

quelque part tu sais pas travailler puisque t’es pas capable d’avoir le diplôme… »

L’écriture, pour ceux qui ont construit leur dossier et qui sont allés jusqu’au

bout de leur VAE, a eu un impact important sur la prise de recul, la réflexion sur soi

qui les a amené a prendre conscience de leurs compétences. Ce travail leur a permis

de toute évidence d’augmenter leur capital confiance. Pour cela, l’aide et le soutien de

l’accompagnateur est souvent indispensable.

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 83 -

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Le témoignage de Mourad vient en contre-partie éclairer le vécu de ceux qui

n’ont pas pu réaliser leur dossier, qui se sont arrêtés devant leur feuille blanche et

n’ont jamais pu repartir malgré la présence des accompagnateurs.

L’augmentation de la confiance en soi chez les candidats ayant réussi leur

VAE est-elle proportionnelle à la dévalorisation ressentie par ceux restés sur le bas-

côté de la route ?

L’écriture dans ce parcours VAE est une étape incontournable mais qui n’est

pas sans risques : elle semble impulser des effets bénéfiques pour certains, des

cicatrices douloureuses pour d’autres.

___________________________

En conclusion de ce chapitre concernant la vérification de nos hypothèses

nous pouvons retenir certains points importants :

La relation de confiance entre l’accompagnateur et le candidat est la base du

processus relationnel qui se met en place. Une fois cette confiance établie,

l’accompagnateur peut favoriser la prise de confiance de la part du candidat en

utilisant ce que Albert Bandura appelle la maîtrise personnelle et surtout la persuasion

verbale.

Enfin l’accompagnateur, en aidant et encourageant le candidat à écrire son

expérience, permet à l’écriture d’agir comme révélateur. Le candidat se transforme en

changeant son regard sur ses actions et en modifiant la pratique de son métier. La

révélation de ses compétences agit sur la prise de confiance et la valorisation de soi.

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 84 -

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CONCLUSION

Devant la multitude des questionnements qu’ouvre la validation des

acquis de l’expérience, notre stage, au sein de l’AFPA nous a permis de

rencontrer les différents acteurs de la VAE et de mieux appréhender son terrain.

Au travers du chantier commandité par l’AFPA, il nous a paru intéressant de

nous pencher sur l’accompagnement qui semblait être une source d’interrogation

pour les formateurs.

Aujourd’hui, le dispositif de validation des acquis de l’expérience semble

efficacement mis en place par les différents ministères qui l’ont impulsé dès la

parution de la loi du 17 janvier 2002.

Dans ce dispositif, somme toute assez technique, la part d’ombre de

l’accompagnement et les interrogations qu’elle suscite nous ont interpellé.

Le cadre de notre recherche étant fixé, nous nous sommes lancé dans des

recherches bibliographiques sur notre sujet.

Ainsi nous avons dégagé plusieurs dimensions présentes dans

l’accompagnement et dans la relation accompagnateur/accompagné : une

dimension formative, une relation formative, une relation thérapeutique, une

relation d’aide.

A partir d’une phase exploratoire constituée par notre chantier et

complétée par nos recherches bibliographiques, nous avons dégagé une

problématique concernant l’impact du processus relationnel sur la prise de

confiance en soi du candidat durant l’accompagnement.

Nous avons appuyé cette problématique sur trois hypothèses.

La première pose la confiance comme fondement de la relation

d’accompagnement. Nous avons vérifié sur le terrain si l relation qui se crée lors

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 85 -

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de l’accompagnement peut relever des trois attitudes prépondérantes de la théorie

de Carl Rogers : congruence, regard positif inconditionnel et empathie.

Notre deuxième hypothèse s’appuie sur la théorie du sentiment

d’efficacité personnelle de Albert Bandura dont les différentes sources sont la

maîtrise personnelle (les succès servent d’indicateurs de capacité et permettent

de construire une solide croyance tandis que les échecs la minent),

l’apprentissage social (pour évaluer ses capacités, l’individu tire des conclusions

de l’observation des actions réalisées par d’autres personnes), la persuasion

verbale (peut exister si des individus significatifs pour la personne lui expriment

leur confiance dans ses capacités), l’état émotionnel (en évaluant ses capacités,

l’individu se base en partie sur des indices tels que sa santé physique,

émotionnelle et sa gestion du stress).

Enfin, notre dernière hypothèse concerne l’écriture : l’écriture du dossier,

étape incontournable du dispositif VAE permet au candidat de prendre du recul

pour être ensuite capable de se transformer, de transformer la pratique de son

métier et d’acquérir de la confiance en soi.

Pour vérifier nos hypothèses, nous avons choisi d’adopter la méthode

qualitative. L’enquête par entretien nous a semblé la plus appropriée à notre

recherche et il ne nous a pas paru nécessaire de sélectionner une certaine

catégorie de personne, notre objet concernant uniquement le statut

accompagnant/accompagné dans le cadre de la validation des acquis de

l’expérience.

Après analyse de nos entretiens, nous avons pu vérifier que notre première

hypothèse était validée, la deuxième l’était partiellement (notamment sur les sources

du sentiment d’efficacité personnelle de maîtrise personnelle et de persuasion verbale),

enfin la troisième hypothèse était validée sous condition pour le candidat de pouvoir

dépasser l’appréhension qu’engendre le cap de l’écriture.

Au cours de l’analyse de nos entretiens menés auprès des accompagnateurs

ainsi que des candidats à une VAE, de nouvelles pistes de recherche et de réflexion

Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 86 -

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sont apparues. En effet, nous ne pouvons écarter certaines réflexions qui ont émergées

des entretiens avec les candidats.

Ainsi, il faut prendre en considération les candidats ayant connu un échec à la

VAE. Nous avons pu constater lors de nos entretiens qu’une VAE réussie pouvait être

très porteuse pour le candidat et l’aider à développer de la confiance en soi mais nous

devons souligner qu’un échec peut être très mal vécu. Il serait intéressant d’enquêter

auprès de ces candidats et de mesurer l’impact de cet échec d’un point de vue

personnel et professionnel.

D’autre part, les VAE collectives dans les entreprises, dans de grandes

enseignes commerciales (Fnac, Leroy-Merlin) se développent. Certains candidats

interviewés ont fait partie de ces VAE collectives et tous ont souligné le même point :

le regard des autres sur leur propre travail d’écriture. Ce fameux regard qui juge, qui

évalue n’est pas ici constitué de candidats anonymes mais de collègues de travail et

même parfois de supérieurs hiérarchiques.

Comment mesurer cette pression supplémentaire ? Comment impacte-t-elle le

processus VAE ? Comment dans cette situation faire face à l’échec ?

Nous mesurons au terme de cette étude son caractère limité et partiel mais nous

espérons avoir modestement contribué à un certain éclairage sur le processus

relationnel qui se crée lors d’un accompagnement en VAE.

En ce qui nous concerne, l’intérêt pour la VAE n’a fait que grandir et le travail

de recherche, de rédaction de ce mémoire nous a beaucoup enrichi et nous a conforté

dans notre choix de réorientation professionnelle.

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ANNEXES