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1 Introduction à la Psychologie clinique, Prof. Dr Michaël Reicherts Psychopathologie et Psychothérapie I & II – AA 2009/10 Introduction à la Psychologie clinique, Psychopathologie et Psychothérapie Cours du « Bachelor of Science in Psychology » Première année (faisant partie des cours propédeutiques) Université de Fribourg, Département de Psychologie Année académique 2009-2010 Prof. Dr Michaël Reicherts - Chaire de Psychologie clinique Assistante : lic. phil. Tatiana Walther

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Introduction à la Psychologie clinique, Prof. Dr Michaël ReichertsPsychopathologie et Psychothérapie I & II – AA 2009/10

Introduction à la Psychologie clinique, Psychopathologie et PsychothérapieCours du « Bachelor of Science in Psychology »

Première année (faisant partie des cours propédeutiques)

Université de Fribourg, Département de PsychologieAnnée académique 2009-2010

Prof. Dr Michaël Reicherts - Chaire de Psychologie clinique

Assistante : lic. phil. Tatiana Walther

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Introduction à la Psychologie clinique, Prof. Dr Michaël ReichertsPsychopathologie et Psychothérapie I & II – AA 2009/10

Séances du 23-10, 30-10 et 6-11 2009

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La Psychologie clinique

et les autres disciplines

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La Psychologie clinique et les autres disciplines : la philosophie, la sociologie et l’informatique (exemples)

La philosophie :théorie et philosophie des sciences, la logique, l'anthropologie, l'éthique

La sociologie :l'influence qu'exercent la classe sociale, les groupes marginaux et minoritaires, la famille, l'insertion dans le groupe social, les institutions et organisations sociales, sur les troubles et problèmes psychiquesex : “labeling approach” (“étiquetage”)

L'informatique :systèmes de traitement de l’information,systèmes informatisée pour le testing, pour l'observation (enregistrement, système d'experts pour le diagnostic, analyse, etc.), télé-psychologie, modèles de simulation

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Psychologie clinique et les autres disciplines: la médecine I

Psychiatrie : s'occupe des maladies et troubles psychiques, se centre surtout sur les composantes somatiques ou biologiquesPsychopathologie : la branche de la médecine qui étudie la description (symptomatologie), la systématisation (nosologie), les causes et le développement des troubles psychiques (pathogénèse)Médecine psychosomatique : étudie le rôle des facteurs psychologiques (personnalité, conflits, biographie) par rapport aux maladies somatiques; liée notamment aux conceptions psychanalytiques, et cible des maladies dites "psychosomatiques" (p. ex. asthme bronchique, ulcère gastrique, hypertension)Médecine comportementale : vise l'analyse des facteurs psychologiques intervenant dans l'étiologie, la prévention et le diagnostic des maladies, aux méthodes de promouvoir l'ajustement, la réhabilitation des troubles physiques.

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Psychologie clinique et les autres disciplines: la médecine II

Et encore: Gériatrie, Neurologie, Neurobiologie – Neuropsychologie, …

Attention: Psychologie de la santé: la contribution scientifique et pratique de la Psychologie à l’amélioration et au maintien de la santé, à la prévention, au traitement et à la réhabilitation des maladies, à l’analyse des comportements à risque et des causes des problèmes de la santé ainsi qu’à l’amélioration des systèmes des soins.

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Les activités des psychologues cliniciens : la prise en charge dans le milieu médical (I)

DiagnosticDiagnostic psychologique et différentiel en lien avec les problèmes et maladies somatiques (p. ex. douleurs, maladies “psychosomatiques”, facteurs et comportements à risque)

Intervention

• PréventionPréparation à un traitement médical important (p. ex. une opération chirurgicale importante)

• ThérapieTraitement psychologique accompagnant un traitement médical (p. ex. chimiothérapie d’un cancer)Accompagnement des patients atteints d’une maladie chronique grave ou des patients en face de la mort

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Les activités des psychologues cliniciens : la prise en charge dans le milieu médical (II)

• RéhabilitationSuivi et accompagnement après opération ou accident(p. ex. réhabilitation psychologique d’un infarctus, réhabilitation “psychoéducative” en neurologie après des lésions cérébrales)

• ConseilConcernant des décisions médicales à prendre, évaluant les implications psychologiques des démarches, des risques, du pronostic

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Historique

de la psychologue clinique

Evénements marqueurs

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Historique de la Psychologie clinique (survol I)

“La psychologie a un long passé, mais seulement une courte histoire” (Hermann Ebbinghaus, Edwin Boring)

1896 Fondation comme discipline et comme profession :

Lightner Witmer (USA)fonde la première "clinique psychologique"institution de service public (child guidance)recherche et formationprésente devant l'APA (American Psychological Association) une conception de "psychologie clinique" et de "méthode clinique en psychologie"

Emil Kraepelin (D; élève de Wilhelm Wundt)introduit un laboratoire de psychologie expérimentale dans la clinique psychiatrique et publie "Der psychologische Versuch in der Psychiatrie" (1895)

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Historique de la Psychologie clinique (survol II)

Sigmund Freud (à partir de 1895) propose la première théorie "psychologique" des troubles psychiques, comprenant une théorie étiologique des troubles ainsi que des techniques de traitement

Pierre Janet en 1897 utilise le terme "psychologie clinique"

Développement lors de la Seconde Guerre mondiale :examens de l'intelligence, des aptitudes et de la personnalité (et recherches) par des psychologues, assistance psychologique aux hôpitaux militaires et aux centres de réhabilitation

US Veterans Administration propose (1946) le premier programme universitaire de formation clinique :reconnaissance officielle du rôle et des fonctions du psychologue clinicien :

diagnostic (non seulement pour enfants), psychothérapie,expériences pratiques

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Historique de la Psychologie clinique (survol III)

APA (“American Psychological Association”) et US Public Health Service proposent le “Recommended Graduate Program” (1947) avec critères pour la formation :

(1) psychologie générale, (2) psychologie dynamique du comportement, (3) méthodes diagnostiques, (4) méthodes de recherche,(5) disciplines apparentées,(6) thérapies

Etablissement du "American Board of Professional Psychology" 1947

Conférence de Boulder 1949 propose le modèle "scientist-practionner" pour la formation en psychologie clinique

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Historique de la Psychologie clinique (survol IV)

Code of ethical standards of psychologist (APA) 1953

L'établissement des centres communautaires de santé mentale (1963) : élargissant les fonctions du psychologue clinicien (diagnostic et traitement) par

- la formation, - l'administration et l'évaluation des programmes- le rôle du consultant auprès des institutions sociales

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Historique de la Psychologie clinique:

événements significatifs Les slides suivants (voir aussi Huber, 2000) ont été distribués comme support supplémentaire

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Evénements significatifs dans l’histoire de la psychologie clinique (1)1889 P. Janet publie L’automatisme psychologique.1890 J. McKeen Cattell emploie le mot « test », premiers travaux psychodiagnostiques.1892 Fondation de l’American Psychological Association (APA).1895 Breuer et Freud publient les Etudes sur l’hystérie.

Kraepelin publie Der psychologische Versuch in der Psychiatrie.1896 Witmer fonde la première « clinique psychologique » à l’Université de

Pennsylvanie, et y traite des enfants handicapés mentaux et physiques.1904 Janet et Dumas fondent le Journal de Psychologie normale et pathologique.1905 Binet et Simon publient leur test d’intelligence.1906 M. Prince édite le Journal of Abnormal Psychology.1908 C. Beers fonde le National Committee for Mental Hygiene.1909 Healy fonde le Juvenile Psychopathic Institute à Chicago.1910 Fondation de l’ « Internationale psycho-analytische Gesellschaft ».1912 Münsterberg propose la notion de « pathopsychologie » concevant les

phénomènes anormaux comme exagération ou inhibition des phénomènes normaux.

1913 Jaspers publie son Allgemeine Psychopathologie et introduit en psychiatrie la référence à la « psychologie compréhensive » et à la phénoménologie.

1917 Développement des US Army Alpha et Beta tests, et du Woodworth Personal Data Sheet, pour l’examen de l’intelligence et de la personnalité des recrues.

1919 Formation de la section « Psychologie clinique » de l’American Psychological Association. A. Adler ouvre le premier centre de consultation pour problèmes éducatifs à Vienne.

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Evénements significatifs dans l’histoire de la psychologie clinique (2)1921 Rorschach publie sa Psychodiagnostik.1922 J. McKeen Cattell fonde la Psychological Corporation.1924 M. Cover Jones publie Le cas de Pierre, premier texte de thérapie

comportementale. Gesell : Mental Growth of the Preschool Child présente des tests de développement.

1935 Ch. Morgan et H. Murray publient le Thematic Apperception Test.1936 Louttit présente sa Psychologie clinique.1939 Wechsler publie le Wechsler-Bellevue Intelligence Test.1942 Rogers publie Counseling and Psychotherapy, et prépare sa thérapie non directive.

Hathaway et McKinley sortent le Minnesota Multiphasic Personality Inventory (MMPI). Lewin développe les méthodes de discussion en groupe.

1946 Le Menthal Health Act crée une législation fédérale pour la prévention et le traitement des troubles psychiques. L’US Veterans Administration, le National Institute of Mental Health, et l’US Public Health commencent à financer des programmes de formation en psychologie clinique au niveau doctoral.

1947 Etablissement de l’American Board of Professional Psychology.1949 La Conférence de Boulder propose le modèle de formation en psychologie clinique

appelé le modèle du scientifique-professionnel (scientist-professional). Lagache publie Psychologie clinique et méthode clinique, L’unité de la psychologie, et réintroduit la psychologie clinique en France.

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Evénements significatifs dans l’histoire de la psychologie clinique (3)

1950 Dollard et Miller publient Personality and Psychotherapy où ils appliquent les principes de l’apprentissage à la psychothérapie.

1952 Eysenck publie son article « the Effects of Psychotherapy : An evaluation ».1953 Parution des Ethical Standards de l’APA.1958 Wolpe publie le premier livre sur la thérapie comportementale : Psychotherapy by

Reciprocal Inhibition.1963 Le Community Mental Health Centers Act promulgue l’installation des centres

communautaires de santé mentale aux Etats-Unis.1964 Ouverture du Centrum voor Client Centered Psychotherapie en Counseling à

l’Université de Leuven.1969 Fondation aux Etats-Unis de la Society for Psychotherapy Research (SPR).

Fondation à Munich de la Gesellschaft zur Förderung der Verhaltensterapie (Société de thérapie comportementale).

1970 Fondation à Hambourg de la Gesellschaft für wissenschaftliche Gesprächstherapie (Société de thérapie non directive).

1971 Reconnaissance par les autorités de tutelle et par le ministère de la Santé d’un diplôme de psychologue clinicien à l’Université de Paris VII.

1973 La Conférence de Vail (Etats-Unis) propose un modèle de formation professionnelle. Rapport de l’OMS sur le rôle du psychologue dans les services de santé mentale de différents pays européens.

1974 Premier Congrès européen de thérapie non directive à Würzburg.

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Evénements significatifs dans l’histoire de la psychologie clinique (4)

1975 Publication du Rapport sur l’état de la psychiatrie dans la RFA – sur les soins psychiatriques et psychothérapeutiques/psychosomatiques dispensés à la population. Etablissement en RFA d’un « Groupe de travail des associations de psychothérapie (AGTV) » comprenant quatre associations et la section clinique de la Fédération des Psychologues allemands.

1978 Etablissement à l’APA de la Division de Psychologie de la Santé (Div. 38)1980 Premier Congrès de psychologie clinique et de psychothérapie organisé à Berlin

par la Société allemande de thérapie non directive (GWG) et la Société allemande de thérapie comportementale (DGVT).

1981 1st European Conference on Psychotherapy Research à Trèves (RFA).1983 Fondation à New York de la Society for the Exploration of Psychotherapy

Integration (SEPI).1985 2nd European Conference on Psychotherapy Research à Louvain-la-Neuve,

organisée par la Society for Psychotherapy Research et les journées de Psychologie clinique de Louvain-la-Neuve.

1987 Le Comité de formation des psychologues européens (COTEP) rédige un document établissant des exigences minimales de formation professionnelle en psychologie. 1st International Conference on Psychotherapy Research organisée par la Society for Psychotherapy Research (SPR) à Ulm. Atelier international sur la psychologie de la santé : Perspectives en Europe, organisé à Rome par la Società Italiana per la Psicologia et la branche « Santé mentale » de la World Health Organization.

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Evénements significatifs dans l’histoire de la psychologie clinique (5)

1991 Publication du Rapport de recherche sur les questions d’une loi concernant les psychothérapeutes (RFA), par Meyer, Richter, Grawe, v. d. Schulenburg et Schulte. Parution de Psychotherapy Integration, journal de la Society of the Exploration of Psychotherapy Integration (SEPI). Parution de Psychotherapy Research, journal of the Society for Psychotherapy Research (SPR). Premier Congrès international de la Society for the Exploration of Psychotherapy Integration (SEPI), à Londres.

1992 Pose de la première pierre de la première Deutsche Fachklinik für Psychologie (clinique spécialisée en psychologie) à Münster i. W. (Christoph-Dornier-Klinik):

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Les types de savoir

en Psychologie clinique

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Types de savoir en psychologie clinique (d’après Bunge, 1967; Perrez, 1989; Reicherts, 1999)

(1) Le savoir factuel(2) Le savoir nomologique(3) Le savoir nompragmatique(4) Le savoir conceptuel

(1) Le savoir factuel porte sur des faits singuliers et est décrit par des propositions singulières (faits établis par une démarche objective ou intersubjective). Il concerne des caractéristiques définies d'une population ou d'un individu déterminés, à un moment donné.Exemples : "le patient X a subi un événement critique de vie (p. ex. licenciement) au moment T"."La prévalence d'un trouble X au moment T est de Y%"

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Types de savoir en psychologie clinique (d’après Bunge, 1967; Perrez, 1989; Reicherts, 1999) (suite)

(2) Le savoir nomologique porte sur des relations entre variables et vise l'explication et la prédiction des phénomènes en question. Ces propositions sont souvent exprimées sous forme de "loi" : "Si A, alors B" ou "Plus A, plus B"Exemples : "Si expériences non-contrôlables (A), alors détresse apprise (B)" (version déterministe)"Si expériences non-contrôlables (A), alors - avec la probabilité p - détresse apprise (B)" (version probabiliste)

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Types de savoir en psychologie clinique (d’après Bunge, 1967; Perrez, 1989; Reicherts, 1999) (suite)

(3) Le savoir nomopragmatique (technologique) concerne les modifications, les relations moyen-fin. Il se définit par sa référence à l'action. Il décrit des actions (A) et les effets auxquels elles conduisent (E), sous certaines conditions (C). La structure "E par A, si C" ou "Pour atteindre E, dans les conditions C, fais A !"

(4) Le savoir conceptuel porte sur les représentations des phénomènes de la réalité en précisant les définitions scientifiques, leur liens avec d'autres concepts théoriques, et leurs critères d'application (opérationalisation).Exemples : les définitions (opérationnelles) des concepts ("constructions ou construits théoriques") comme le "renforcement instrumental positif" ou la "détresse acquise"; les concepts ou catégories diagnostiques des troubles, p. ex. "épisode dépressif majeur"

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La Psychologie clinique en tant que science :

L’explication scientifique

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Le terme « explication » (Stegmüller, 1969; Huber, 1993)

• Explication de la signification d’un mot (explication informelle d’une définition précise ou d’un usage langagier)

• L’interprétation d’un texte d’un film, d’une oeuvre d’art

• Description détaillée d’actions (comment l’auteur les a accomplies)

• L’explication d’une façon de faire (« mode d’emploi »)

• Eclaircissement du fonctionnement d’un objet complexe

• Justification (morale) d’actions qui ne correspondent pas aux normes

• Explication causale de faits et d’événements / processus-> explication scientifique

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L'explication scientifique en Psychologie (clinique)

Variantes de l'explication scientifique en psychologie clinique

(1) L'explication déductivo-nomologique

(2) L'explication dispositionnelle

(3) L'explication historique-génétique

(4) L'explication « incomplète »(p. ex. explication «comment a-t-il été possible que…»)

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L’explication déductive-nomologique : structure et composantes

Structure L1, L2,… Explanans (ce qui explique)A1, A2,…------------E Explanandum (ce qui est à expliquer)

Composantes L1, L2,… étant des lois générales, des hypothèses ou suppositions théoriques (de nature déterministe)

A1, A2,… étant des propositions décrivant les conditions antécédentes

E étant la description de l’événement qu’il s’agit d’expliquer.

---------- indiquant que E suit logiquement de L1, L2,… et de A1, A2,… (et symbolisant le passage à la conclusion).

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L’explication déductive-nomologique : structure et composantes

Exemple appliqué à la psychologie

L : Toute réaction suivie d’un renforcement positif augmente sa probabilité d’apparition.

A : La réaction x est suivie d’un renforcement positif._ _______________________________________

E : La probabilité d’apparition de la réaction x augmente.

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Conditions de validité des explications déductives-nomologiques

Pour être valables, de telles explications doivent satisfaire certaines conditions d’adéquation qui sont, d’après Hempel et Oppenheim (1948) et Stegmüller (1969, p.46) :

B1: L’argument qui conduit de l’explanans à l’explanandum doit être logiquement correct.

B2: L’explanans doit contenir au moins une loi générale (ou une proposition dont on puisse déduire une loi générale).

B3: L’explanans doit avoir un contenu empirique («évidence»).

B4+ Les propositions constituant l’explanans doivent être vraies.

B4+ peut être remplacé par B4:

B4 Les propositions constituant l’explanans doivent être bien confirmées ou étayées.

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La théorie de la détresse acquise « Learned helplessness » selon Seligman et coll. (1975) - L’expérience originale (1)Seligman et collaborateurs ont réalisé des expériences de conditionnement avec des chiens (en tant que « modèle animal »).La structure de l’expérimentation - le « paradigme » expérimental1ère phase: installés dans une fixation / harnachement (selon Pavlov) les chiens ont reçu des chocs électriques douloureux, mais inoffensifs.Les chocs ont été appliqués sans qu’aucun signal les précédait ou indiquait. L’animal avait aucune possibilité de réaction pour éviter les chocs ou alors de prédire leur occurrence.2ème phase (le lendemain): les chiens ont été mis dans une cage à deux compartiments, séparés par une barrière qu’ils pouvaient surmonter. La cage comprenait un sol permettant de donner des chocs électriques.En sautant sur la barrière (réaction), il a été possible de s’échapper au choc. Un signal lumineux (baisse de luminosité) précédait de 10 sec. le choc électrique.Les chiens du groupe contrôle (« yoked control ») ont reçu le même nombre de chocs lors de la première phase, en ayant la possibilité de les contrôler.

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La théorie de la détresse acquise « Learned helplessness » selon Seligman et coll. (1975) - L’expérience originale (2)

Résultats: Les chiens ayant été entraînés à la « helplessness » - quoi qu’ils faisaient il n’y avait ni possibilité de s’échapper ni prédiction de l’experience aversive - ont montré (en grande majorité) des comportements de détresse, c.-à-d. dans ce contexte :(1) Ils sursautaient d’abord, bougaient rapidement, sans orientation.(2) Ils se couchaient, gémissaient, devenaient de plus en plus passifs. Or, le chien contrôle (sans cet entraînement à la détresse) réagit dans la cage d’abord comme le chien « en détresse », en sursautant etc.. Mais il continue à bouger et à explorer lors de l’expérience aversive (le choc), jusqu’à ce qu’il essaie de sauter sur la barrière – et s’échappe ainsi aux chocs.Après un certains nombre d’essais, tous les chiens contrôle apprennent correctement : une fois dans la cage, ils s’installent proche de la barrière et attendent l’arrivé du signal pour sauter…Des recherches ultérieures montrent que les manifestations de détresse acquise (« learned helplessness ») comprennent le niveau somatique (végétatif), moteur (mouvements) et cognitif (attente, orientation perceptive, etc.)

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L'explication scientifique en Psychologie

Explication déductivo-nomologique (exemple)

L : L’exposition à des situations aversives et non contrôlables (p.ex. événements critiques) produit des réactions de détresse acquise

A : Il y a exposition à une situation aversive et non contrôlable_ ________________________________________________

E : Des réactions de détresse acquise apparaissent

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Le modèle reformulé de la détresse acquise (Abramson, Seligman & Teasdale, 1978)

L’interprétation (attribution) causale comprend trois dimensions :

Des causes 1. internes versus externes2. globales versus spécifiques3. stables versus instables/variables

Exemples d’attribution : « Pourquoi j’ai raté mon examen en stat »

J’avais le code « 13 » sur ma copie de stat

Les examens en stat ne sont pas « fair »

J’en ai marre des statistiques

Il me manque le talent mathématique

Spécifique

C’est une journée de malchance : vendredi le 13

Tous les examens ne sont pas « fair »

Je suis épuisé

Il me manque l’intelligence

GlobaleVariableStableVariableStable

ExternaleInternaleAttribution

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Le modèle reformulé de la détresse acquise (Abramson, Seligman & Teasdale, 1978)

L’interprétation (attribution) causale comprend trois dimensions :Des causes1. Internes versus externes2. Globales versus spécifiques3. Stables versus variables

Style d'attribution causale « self-serving bias » par rapport aux événements positifs et négatifs :

Spécifique Evénement -

Evénement +Globale

VariableStableVariableStable

ExternaleInternaleAttribution

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Le modèle reformulé de la détresse acquise (Abramson, Seligman & Teasdale, 1978)

L’interprétation (attribution) causale comprend trois dimensions :Des causes1. Internes versus externes2. Globales versus spécifiques3. Stables versus variables

Style d'attribution causale par rapport aux événements positifs et négatifs chez les sujets dépressifs :

Spécifique Evénement+Evénement -Globale

VariableStableVariableStable

ExternaleInternaleAttribution

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Introduction à la Psychologie clinique, Prof. Dr Michaël ReichertsPsychopathologie et Psychothérapie I & II – AA 2009/10

L'explication scientifique en Psychologie

Explication dispositionnelle (exemple)L : Les attributions causales dysfonctionnelles se produisent chez les

personnes qui ont une tendance à interpréter les événements négatifs comme une conséquence des causes internes, globales et stables

A1 : Le client présente une forte tendance à l’attribution causale dysfonctionnelle

A2 : Le client vit un événement négatif_ _________________________________________________

E : Le client interprète l’événement négatif comme une conséquence des causes internes, globales et stables

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Introduction à la Psychologie clinique, Prof. Dr Michaël ReichertsPsychopathologie et Psychothérapie I & II – AA 2009/10

L'explication scientifique en Psychologie (clinique)

Variantes de l'explication scientifique en psychologie clinique

(1) L'explication déductivo-nomologique

(2) L'explication dispositionnelle

(3) L'explication historique-génétique

(4) L'explication « incomplète »(p. ex. explication «comment a-t-il été possible que…»)

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Introduction à la Psychologie clinique, Prof. Dr Michaël ReichertsPsychopathologie et Psychothérapie I & II – AA 2009/10

L’explication historique-génétique : structure

Hempel (1965, p.451) a représenté cette chaîne d’arguments de l’explication historique-génétique de la façon suivante:

S1 S2 S3 Sn-1 Sn

S’2 S’3 S’n

+D2 +D3 +Dn

Les symboles (S1,…Sn) représentent des propositions décrivant des faits déterminés qui concernent certains états (p.ex. étapes d’un développement, d’une évolution).Les flèches représentent des relations ayant caractère de loi (régularités).S’2,…,S’n représentent des propositions décrivant des faits pouvant être expliqués à partir des états précédents.D2,…Dn représentent des informations complémentaires (qui doivent être insérées sans être expliquées, par ex. des événements de vie).

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Introduction à la Psychologie clinique, Prof. Dr Michaël ReichertsPsychopathologie et Psychothérapie I & II – AA 2009/10

L’explication historique-génétique : exemple

S’2: Instabilitéémotionnelle

S1: Prédispositionsneuro-biologiques etpsychologiques

S2: Affectivité négative,dévalorisationde soi

+D2: Situationsaversives, échecs successifs

S’3: Expectation à l’échecefficacité personnelle /contrôle réduits

S3:Tendance à ladépression

+D3: Perte de renforcement réelle,Événement critique de vie

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Critères et procédures scientifiques

– Généralités

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La démarche scientifique et empirique (« evidence-based ») en psychologie clinique (1)

La démarche de la psychologie clinique en tant que science (sociale) empirique porte sur la théorie, la réalité et leur relation.Elle comporte une double tâche :(1) produire un certain nombre de propositions sur la

réalité empirique(2) contrôler et mettre à l'épreuve le rapport de ces

propositions à la réalité observableElle comprend selon Reichenbach (1949) :Activités (1) : intuition, observation, induction

-> "contexte de découverte"Activités (2) : observation, analyse, (re)construction selon des critères logiques et méthodologiques

-> "contexte de justification"

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La démarche scientifique et empirique (« evidence-based ») en psychologie clinique (2)

Mise à l'épreuve de la relation entre (a) propositions (théories et hypothèses) et(b) réalité

se fait à l'aide des "prédictions" basée sur • le raisonnement déductif et • le principe de causalité Pour prédire les effets, il suffit de connaître les lois et les antécédentsLa "confirmation" d'une hypothèse à partir d’une prédiction consiste alors à • appliquer cette hypothèse à une situation déterminée • prédire un événement précis• en respectant les règles logiques et méthodologiquesLe but : éviter les erreurs commises par les démarches non critiques

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Principe et critères de causalité

Tout phénomène procède d'un antécédent selon une certaine règle

A -> BDans des conditions identiques, les mêmes causes produisent les mêmes effets

Critères de causalité (stricte) :(1) covariation : B covarie avec A(2) séquence (temporelle) : B suit A(3) Spécificité : B seulement, si A

Remarque : la notion de "cause" ne se réduit pas à la seule causalité linéaire simple (mono-causale), elle comprend aussi- les processus d'interdépendance- la rétro-action (“causalité réciproque”

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Principe et critères de causalité : Exemple

Les 3 critères de causalité illustrés par un exemple d’une phobie des araignéesCovariation :

Plus le stimulus (araignée) est proche, plus le vécu anxieux est important.

Séquence temporelle (principe de succession) : La rencontre avec le stimulus doit précéder la réaction anxieuse pour qu’elle puisse en être la cause !

Spécificité : Cette réaction anxieuse ne se produit qu’en présence du stimulus phobogène spécifique (araignée).

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Recherche en psychothérapie: traitement du trouble panique + agoraphobie

Barlow, D.H., Craske, M.G., Cerny, J.A. & Klosko, J.S. (1989). Behavioral treatment of panic disorder. Behavior therapy, 20, 261-282.

Groupes expérimentaux, conditions de traitement(les clients sont assignés par randomisation à l’un des groupes)

WL Liste d’attenteR Relaxation (relax. musculaire progressive) E&C Exposition et restructuration cognitiveComb. Combinaison E&C + R

EXEMPLE

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Recherche en psychothérapie Analyse d’un article original : Barlow et al. 1989

Fig. 3B. Percentage of total sample who self monitored zero panic attacks over a two week interval at pre and post assessment.

Exposition/Cogn.Combiné

RelaxationListe d’attente

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La Psychologie clinique en tant que science :

Les outils – plans – méthodes de recherche (suite)

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Critères et méthodes de la recherche en Psychologie clinique

• Les critères épistémologiques généraux :logique, causalité, théories - hypothèses

• Les types de recherche et plans de recherche (« design »)

• L’analyse de donnéesméthodes et démarches de l’analyse de données

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Recherches en Psychologie clinique : Dimensions méthodologiques des “designs” (1)

(1) Nombre de sujets (ou d’études) :• N=1 • étude au "petit N" • étude de groupe(s)• méta-analyse

(2) Nombre de points de mesure (axe temporel) :• étude transversale• étude rétrospective• étude longitudinale – « fictive »• étude longitudinale / prospective

à distinguer : – perspective “macro” (changements à plus long terme) – perspective “micro” (processus à plus court terme)

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Recherches en Psychologie clinique : Dimensions méthodologiques des “designs” (2)

(3) Degré de "contrôle" des conditions :• étude expérimentale• étude quasi-expérimentale• étude non-expérimentale

(4) Degré de "similarité" :• étude analogique• étude clinique

« clinique » et « analogique » comme pôles d’uncontinuum de « réalité clinique »

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Degré et critères de « contrôle » des conditions en recherche clinique

Étude expérimentale• Manipulation et contrôle de la variable indépendante• Assignation des sujets randomisés aux conditions • Variation des conditions alternatives• Contrôle des sources de biais (variables à contrôler)

Étude quasi-expérimentale• Variable indépendante est manipulée dans une certaine

mesure• Pas de contrôle complet des conditions• et / ou pas d’assignation de sujets randomisés

Étude non expérimentale (« passive observationnelle »)• Relations entre variables sont observées et pas manipulées• Observation des variables qui varient / co-varient• éventuellement prise en compte de la séquence (axe

temporel)