introduction à l'information quantique - michel le bellac

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1 Prtirage INLN 2003/08 e

INTRODUCTION A LINFORMATION QUANTIQUEMichel Le BellacCours donn a lEcole Suprieure de Sciences Informatiques (ESSI) e` e Octobre 2003

Rsum. Ce cours a pour objectif dexposer a un public de non physiciens les notions de physique quane e ` tique ncessaires pour comprendre linformation quantique et dillustrer le calcul quantique en prenant e comme exemple de lalgorithme de factorisation de Shor.

INSTITUT NON LINEAIRE DE NICE UMR 6638 1361 routes des Lucioles 06560 Valbonne e-mail : michel.le [email protected]

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Table des mati`res e1 Quest-ce quun qu-bit ? 1.1 Polarisation de la lumi`re . . . . . . . . . . e 1.2 Polarisation dun photon . . . . . . . . . . . 1.3 Formulation mathmatique : le qu-bit . . . e 1.4 Principes de la mcanique quantique . . . . e 1.5 Gnrateur quantique de nombres alatoires e e e 1.6 Cryptographie quantique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 6 8 10 12 14 15 19 19 21 23 27 27 29 32 33 37 39 39 41 45 47 51

2 Manipulations dun qu-bit 2.1 Sph`re de Bloch, spin 1/2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . e 2.2 Evolution dynamique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3 Manipulations de qu-bits : oscillations de Rabi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 Corrlations quantiques e 3.1 Etats a deux qu-bits . . . . . . . . . ` 3.2 Oprateur densit et entropies . . . . e e 3.3 Thor`me de non clonage quantique e e 3.4 Ingalits de Bell . . . . . . . . . . . e e 3.5 Tlportation . . . . . . . . . . . . . ee 4 Introduction au calcul quantique 4.1 Calcul rversible . . . . . . . . . . . e 4.2 Portes logiques quantiques . . . . . . 4.3 Transformation de Fourier quantique 4.4 Priode dune fonction . . . . . . . . e 4.5 Ralisations physiques . . . . . . . . e . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Contents

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` TABLE DES MATIERES

Chapitre 1

Quest-ce quun qu-bit ?Linformation quantique est la thorie de lutilisation des spcicits de la physique quantique pour e e e le traitement et la transmission de linformation. Toutefois il convient de bien sentendre sur cet nonc, e e car tout objet physique, si on lanalyse susamment en dtail, est un objet quantique, ce que Rolf e Landauer a exprim dans une formule provocatrice : Un tournevis est un objet quantique. De fait, les e proprits conductrices de la lame mtallique du tournevis font fondamentalement appel aux proprits ee e ee quantiques de la propagation des lectrons dans un milieu cristallin, tandis que le manche est un isolant e lectrique car les lectrons sont pigs dans un milieu dsordonn. Cest encore la mcanique quantique e e e e e e e qui permet dexpliquer que la lame, conducteur lectrique, est aussi un conducteur thermique, tandis que e le manche, isolant lectrique, est aussi un isolant thermique. Pour prendre un exemple plus directement e li a linformatique, le comportement des transistors qui sont gravs sur la puce de votre PC na pu e ` e tre imagin en 1947 par Bardeen, Brattain et Shockley qu` partir de leurs connaissances en physique e e a quantique. Bien quil ne soit pas un ordinateur quantique, votre PC fonctionne suivant les principes de la mcanique quantique ! e Cela dit, ce comportement quantique est aussi un comportement collectif. En eet si la valeur 0 dun bit est reprsente physiquement dans un ordinateur par un condensateur non charg tandis que la valeur 1 e e e est reprsente par le mme condensateur charg, la dirence entre tats charg et non charg se traduit e e e e e e e e par le dplacement de plusieurs millions dlectrons. Un autre exemple pour illustrer cette notion : dans e e une exprience de TP classique, on excite de la vapeur de sodium par un arc lectrique, et on observe une e e lumi`re jaune, la fameuse raie jaune du sodium. Mais on nobserve pas le comportement dun atome e individuel, la cellule contient typiquement 1020 atomes. La grande nouveaut, depuis le dbut des anne 1980, est la possibilit pour les physiciens de manipuler e e e e et dobserver des objets quantiques lmentaires individuels : photons, atomes, ions etc., et pas seulement ee dagir sur le comportement quantique collectif dun grand nombre de tels objets. Cest cette possibilit e de manipuler et dobserver des objets quantiques lmentaires qui est a lorigine de linformation quanee ` tique, o` ces objets quantiques lmentaires permettront de construire physiquement les qu-bits. Cela u ee dit, aucun concept fondamentalement nouveau na t introduit depuis les annes 1930, et les p`res fonee e e dateurs de la mcanique quantique (Heisenberg, Schrdinger, Dirac . . .), sils ressuscitaient aujourdhui, e o ne seraient pas surpris par linformatique quantique, mme sils seraient srement blouis les prouesses e u e des exprimentateurs, qui ralisent aujourdhui des expriences qualies a lpoque de gedanken expee e e e ` e riment. Il vaut aussi la peine de signaler que la miniaturisation croissante de llectronique va trouver ses limites e en raison des eets quantiques, qui vont devenir incontournables en dessous du nanom`tre. Ainsi on e estime que le loi de Moore pourrait ne plus tre valable dici dix a quinze ans. e ` Quelques rfrences ee Le livre de base est celui de Michael Nielsen et Isaac Chuang Quantum Computation and Quantum Information, Cambridge University Press, Cambridge (2000). Egalement intressant est le cours de John Preskill que lon trouve (avec des exercices) sur le site e http ://www.theory.caltech.edu/ preskill/

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CHAPITRE 1. QUEST-CE QUUN QU-BIT ? Ce cours se place a un niveau plus avanc que celui de Nielsen et Chuang. ` e Voir aussi le cours de David Mermin http ://www.ccmr.cornell.edu/ mermin/qccomp/CS483.html Comme introduction sans quations a la physique quantique, je recommande le livre de Valerio e ` Scarani, Introduction a la physique quantique, Vuibert (2003). ` Pour un texte plus complet, voir par exemple mon livre Physique quantique, EDPSciences/ Editions du CNRS, (2003).

1.1

Polarisation de la lumi`re e

Notre premier exemple de qu-bit sera fourni par la polarisation dun photon, mais il faut dabord rappeler bri`vement ce quest la polarisation de la lumi`re. La polarisation de la lumi`re a t mise en e e e ee vidence pour la premi`re fois par le chevalier Malus en 1809. Malus observait la lumi`re du soleil couchant e e e rchie par la vitre dune fentre du Palais du Luxembourg a travers un cristal de spath dIslande. En e e e ` faisant tourner ledit cristal, il constata que lune des deux images du soleil disparaissait. Comme nous le verrons ci-dessous, le spath dIslande est un cristal birfringent, qui dcompose un rayon lumineux en e e deux rayons polariss perpendiculairement, tandis que le rayon rchi par la vitre est (partiellement) e e e polaris. Pour une orientation convenable du cristal, on observera donc une extinction (ou une forte e attnuation) dun des deux rayons. Le phnom`ne de polarisation met en vidence le caract`re vectoriel e e e e e des vibrations lumineuses, proprit galement partage par les vibrations sonores de cisaillement : dans e ee e un cristal isotrope, une vibration sonore peut correspondre, soit a une vibration transverse a la direction ` ` de propagation, ou onde de cisaillement, soit a une vibration longitudinale, ou onde de compression. Dans ` le cas de la lumi`re, la vibration est uniquement transverse : le champ lectrique de londe lumineuse est e e orthogonal a la direction de propagation. ` Rappelons la description mathmatique dune onde scalaire progressive se propageant suivant laxe Oz : e lamplitude de vibration u(z, t) est de la forme u(z, t) = u0 cos(t kz) o` est la frquence de la vibration, = ck, c tant la vitesse de propagation. Dans le plan z = 0 u e e u(z = 0, t) = u(t) = u0 cos t Dans le cas dune onde lectromagntique ltre par un polaro la vibration est un vecteur du plan e e e d, xOy, transverse a la direction de propagation ` Ex = E0 cos cos t Ey = E0 sin cos t (1.1)

o` dpend de lorientation du polaro Lintensit (ou lnergie) lumineuse, mesure par exemple a u e d. e e e ` 2 laide dune cellule photolectrique, est proportionnelle au carr du champ lectrique, I E 0 (en gnral e e e e e lnergie dune vibration est proportionnelle au carr de lamplitude de vibration). Le vecteur unitaire p e e du plan xOy p = (cos , sin ) E = E0 p cos t (1.2) caractrise la polarisation (linaire) de londe lectromagntique. Si = 0 la lumi`re est polarise suivant e e e e e e Ox, si = /2, elle est polarise suivant Oy. La lumi`re naturelle est non polarise, elle se compose e e e dune superposition incohrente (ce terme important sera dni ultrieurement de faon prcise) de 50% e e e c e de lumi`re polarise suivant Ox et de 50% de lumi`re polarise suivant Oy. e e e e Pour tudier de faon quantitative la polarisation, nous allons nous servir dun ensemble polariseur/ e c analyseur. Nous faisons dabord passer la lumi`re dans un polariseur dont laxe fait un angle avec laxe e Ox, puis dans un second polariseur, appel analyseur, dont laxe fait un angle avec laxe Ox (gure 1.1), e avec n = (cos , sin ) (1.3)

` 1.1. POLARISATION DE LA LUMIERE

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x Ex Ey y

analyseur x

polariseur y

z

Fig. 1.1 Ensemble polariseur-analyseur. ` A la sortie de lanalyseur, le champ lectrique E sobtient en projetant le champ (1.1) sur n e E = (E n) = E0 cos t ( n) n p n = E0 cos t (cos cos + sin sin ) n = E0 cos t cos( ) n On en dduit la loi de Malus pour lintensit e e I = I cos2 ( ) (1.5) (1.4)

La polarisation linaire nest pas la plus gnrale possible. Une polarisation circulaire sobtient en choie e e sissant = /4 et en dphasant la composante Oy de /2, par exemple e E0 Ex = cos t 2 E0 Ey = cos t 2 2 (1.6)

E0 = sin t 2

Le vecteur champ lectrique dcrit un cercle de rayon |E0 | dans le plan xOy. Le cas le plus gnral est e e e e celui de la polarisation elliptique, o` lextrmit du champ lectrique dcrit une ellipse u e e e e Ex = E0 cos cos(t x ) = E0 Re cos ei(tx ) Ex = E0 sin cos(t x ) = E0 Re sin ei(ty ) (1.7)

Il sera important de remarquer pour la suite que seule la dirence = (y x ) est physiquement e pertinente. En eet, un simple changement de lorigine des temps permet de choisir par exemple x = 0. En rsum, la polarisation la plus gnrale est dcrite par un vecteur complexe normalis a lunit (ou e e e e e e` e vecteur unitaire) dans un espace a deux dimensions, de composantes ` = cos eix = sin eiy

avec ||2 + ||2 = 1. En fait, en raison de larbitraire de phase, le vecteur de composantes ( , ) = ei = ei reprsente la mme polarisation que (, ). Il est plus correct de dire que la polarisation est reprsente e e e e mathmatiquement par un rayon, cest-`-dire un vecteur a une phase pr`s. e a ` e Remarques

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CHAPITRE 1. QUEST-CE QUUN QU-BIT ? Une lame birfringente (gure 1.2) permet de sparer deux tats de polarisation orthogonaux, tandis e e e quun polaro absorbe une des deux polarisations en laissant passer la polarisation orthogonale. d Considrons un ensemble analyseur/polariseur croiss, par exemple le polariseur suivant Ox et lanae e lyseur suivant Oy. Aucune lumi`re nest transmise. Mais si on introduit un polariseur intermdiaire e e dont laxe fait un angle avec Ox, alors une partie de la lumi`re est rtablie : une premi`re projection e e e donne un facteur cos et une seconde un facteur sin , do` lintensit a la sortie de lanalyseur u e` I = I cos2 sin2 qui sannule uniquement pour = 0 ou = /2

axe optique x E O O y lame birfringente e Dy Dx z

Fig. 1.2 Dcomposition de la polarisation par une lame birfringente. Le rayon ordinaire O est polaris e e e horizontalement, le rayon extraordinaire E est polaris verticalement. e

1.2

Polarisation dun photon

Depuis Einstein (1905), on sait que la lumi`re est compose de photons, ou particules de lumi`re. Si e e e lon rduit susamment lintensit lumineuse, on devrait pouvoir tudier la polarisation des photons ine e e dividuels, que lon sait parfaitement dtecter a laide de photomultiplicateurs. Supposons que lexprience e ` e dtecte N photons. Lorsque N , on doit retrouver les rsultats de loptique ondulatoire que nous e e venons dnoncer. Eectuons par exemple lexprience suivante (gure 1.2) : une lame birfringente spare e e e e un faisceau lumineux dont la polarisation fait un angle avec Ox en un faisceau polaris suivant Ox et un e faisceau polaris suivant Oy, les intensits tant respectivement I cos2 et I sin2 . Rduisons lintensit e e e e e de telle sorte que les photons arrivent un a un, et plaons deux photodtecteurs D x et Dy derri`re la ` c e e lame. Lexprience montre Dx et Dy ne cliquent jamais simultanment1 : un photon arrive entier soit sur e e Dx , soit sur Dy , un photon ne se divise pas. Dautre part lexprience montre que la probabilit px (py ) e e de dtection dun photon par Dx (Dy ) est de cos2 (sin2 ). Si lexprience dtecte N photons, on aura e e e donc Nx (Ny ) photons dtects par Dx (Dy ) e e N sin2 o` le u tient compte des uctuations statistiques de lordre de N. Comme lintensit lumineuse est e proportionnelle au nombre de photons, on retrouve la loi de Malus a la limite N . Cependant on ` note deux probl`mes. e Premier probl`me. Peut-on prvoir, pour un photon donn, sil va dclencher D x ou Dy ? La e e e e rponse de la thorie quantique est NON, nonc qui a profondment choqu Einstein (Dieu ne e e e e e e Nx N cos2 Ny1 Sauf

cas de dark count, o` un compteur se dclenche spontanment. u e e

1.2. POLARISATION DUN PHOTON

9

joue pas aux ds !). Certains physiciens (dont Einstein) ont t tents de supposer que la thorie e ee e e quantique tait incompl`te, et quil y avait des variables caches dont la connaissance permettrait e e e de prvoir le sort individuel de chaque photon. Moyennant des hypoth`ses tr`s raisonnables sur e e e lesquelles je reviendrai au chapitre 3, on sait aujourdhui que de telles variables caches sont exclues. e Les probabilits de la thorie quantique sont intrins`ques, elles ne sont pas lies a une connaissance e e e e ` imparfaite de la situation physique, comme cest le cas par exemple dans le jeu de pile ou face. Deuxi`me probl`me. Recombinons2 les deux faisceaux de la premi`re lame birfringente, en e e e e utilisant une seconde lame symtrique de la premi`re (gure 1.3). Cherchons la probabilit quun e e e photon traverse lanalyseur. Un photon peut choisir le trajet x avec une probabilit cos2 ; il a e ensuite une probabilit cos2 de traverser lanalyseur, soit une probabilit totale cos2 cos2 . Sil e e choisit le trajet y, il aura une probabilit sin2 sin2 de traverser lanalyseur. La probabilit totale e e sobtient en additionnant les probabilits des deux trajets possibles e ptot = cos2 cos2 + sin2 sin2 (1.8)

Ce rsultat est FAUX ! En eet loptique classique nous apprend que lintensit est I cos2 ( ), e e et le rsultat correct, conrm par lexprience, est e e e ptot = cos2 ( ) ce qui nest pas du tout la mme chose ! e axes optiques x E O z y polariseur y analyseur x (1.9)

Fig. 1.3 Dcomposition et recombinaison de polarisations a laide de lames birfringentes. e ` e En fait, pour retrouver les rsultats de loptique ondulatoire, il faut introduire en physique quantique la e notion fondamentale damplitude de probabilit, dont le module carr donne la probabilit e e e a( x) = cos a( y) = sin a(y ) = sin a(x ) = cos

et on doit additionner les amplitudes pour des trajets indiscernables atot = cos cos + sin sin = cos( ) ce qui redonne bien (1.9) Supposons que lon ait un moyen de savoir si le photon emprunte le trajet x ou le trajet y (impossible dans notre cas, mais des expriences analogues rpondant a la question Quel trajet ? ont t ralises e e ` ee e e avec des atomes). On pourrait alors diviser les photons en deux classes, ceux qui ont choisi le trajet x et ceux qui ont choisi le trajet y. Pour les photons ayant choisi le trajet x, on pourrait bloquer le trajet y par un cache sans rien changer, et inversement pour les photons ayant choisi le trajet y on pourrait bloquer le trajet x. Bien videmment, le rsultat ne peut tre alors que (1.8). Si on arrive a discriminer e e e ` entre les trajets, le rsultat nest plus le mme, les trajets ne sont plus indiscernables. Dans les conditions e e exprimentales o` il est impossible en principe de distinguer entre les trajets, on peut dire, au choix : e u2 Toutefois

ptot = |atot |2 = cos2 ( )

il faut prendre quelques prcautions : voir Physique quantique, exercice 3.1. e

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CHAPITRE 1. QUEST-CE QUUN QU-BIT ?

soit que le photon emprunte les deux trajets a la fois ; ` soit (ce qui a ma prfrence) que cela na pas de sens de poser la question Quel trajet ?, puisque les ee conditions exprimentales ne permettent pas dy rpondre, et, suivant Asher Peres Unperformed e e experiments have no results !. Il faut noter que si lexprience permet de dcider entre les deux trajets, le rsultat est (1.8), mme si e e e e lon dcide de ne pas les observer. Il sut que les conditions exprimentales permettent, en principe, de e e distinguer entre les deux trajets. Nous avons examin un cas particulier de phnom`ne quantique, la polarisation dun photon, mais les e e e rsultats que nous venons de dcrire nous ont conduits au coeur de la physique quantique. e e

1.3

Formulation mathmatique : le qu-bit e

On peut utiliser la polarisation des photons pour transmettre de linformation, par exemple par une bre optique. On dcide, tout a fait arbitrairement, dattribuer la valeur un du bit a un photon polaris e ` ` e suivant Ox et la valeur zro a un photon polaris suivant Oy. En information quantique, les personnes e ` e qui changent de linformation sont appeles conventionnellement Alice (A) et Bob (B). Alice envoie par e e exemple a Bob une suite de photons polariss suivant ` e yyxyxyyyx Bob analyse la polarisation de ces photons a laide dune lame birfringente comme dans la gure 1.2 et ` e en dduit le message dAlice e 001010001 Ce nest videmment pas une faon tr`s ecace dchanger des messages, mais cest a la base de la e c e e ` cryptographie quantique. Cependant la question intressante est maintenant : quelle est la valeur du e bit que lon peut attribuer par exemple a un photon polaris a 45o ? Suivant les rsultats de la section ` e` e prcdente, un photon polaris a 45o est une superposition linaire dun photon polaris suivant Ox et e e e` e e dun photon polaris suivant Oy. Un qu-bit est donc une entit beaucoup plus riche quun bit ordinaire, e e qui ne peut prendre que les valeurs 0 et 1. En un certain sens, un qu-bit peut prendre toutes les valeurs intermdiaires entre 0 et 1 et contiendrait donc une quantit innie dinformation ! Cependant cet nonc e e e e optimiste est immdiatement dmenti lorsque lon se rend compte que la mesure du qu-bit ne peut donner e e que le rsultat 0 ou 1, quelle que soit la base choisie. Malgr tout on peut se poser la question de cette e e information cache dans la superposition linaire, et nous verrons au chapitre 4 quon peut lexploiter e e sous certaines conditions. An de rendre compte de la possibilit des superpositions linaires, il est naturel dintroduire pour la e e ` description mathmatique de la polarisation un espace vectoriel a deux dimensions H. A tout tat de e ` e polarisation on va faire correspondre un vecteur de cet espace vectoriel. On peut par exemple choisir pour vecteurs de base de H les vecteurs |x et |y correspondant aux polarisations linaires suivant Ox et Oy. e Tout tat de polarisation pourra se dcomposer suivant cette base3 e e | = |x + |y (1.10)

Une polarisation linaire sera dcrite par des coecients et rels, mais la description dune polarisation e e e circulaire (1.6) ou elliptique (1.7) exige de faire appel a des coecients et complexes : lespace H est ` donc un espace vectoriel complexe. Les amplitudes de probabilit vont correspondre a un produit scalaire sur cet espace. Soit deux vecteurs e ` | (1.10) et | | = |x + |y Le produit scalaire de deux vecteurs sera not | et par dnition e e | = + = |

(1.11)

3 Jutilise des lettres grecques majuscules pour les vecteurs gnriques de H an dviter toute confusion avec des vecteurs e e e reprsentant des polarisations linaires comme | , | etc. e e

1.3. FORMULATION MATHEMATIQUE : LE QU-BIT

11

o` c est le complexe conjugu de c. Ce produit scalaire est donc linaire par rapport a | et antilinaire u e e ` e par rapport a | . Il dnit une norme |||| du vecteur | ` e ||||2 = | = ||2 + ||2 (1.12) Notez que les vecteurs |x et |y sont orthogonaux par rapport au produit scalaire (1.11) et quils sont de norme unit e x|x = y|y = 1 x|y = 0 La base {|x , |y } est donc une base orthonorme de H. Nous allons ajouter a la dnition dun tat e ` e e physique la condition (commode, mais non essentielle) de normalisation ||||2 = ||2 + ||2 = 1 (1.13)

Lamplitude de probabilit pour quun photon polaris suivant traverse un analyseur orient suivant e e e est, comme nous lavons vu, a( ) = cos( ) = | (1.15) Elle est donc donne par le produit scalaire des vecteurs | et | , et la probabilit de traverser lanalyseur e e est donne par le module carr de cette amplitude (voir (1.9)) e e p( ) = cos2 ( ) = | | |2

Revenons maintenant aux amplitudes de probabilit. Un tat de polarisation linaire suivant sera not e e e e | et | = cos |x + sin |y (1.14)

Les tats de polarisation seront donc reprsents mathmatiquement par des vecteurs unitaires (de norme e e e e unit) de lespace H. Un espace vectoriel muni dun produit scalaire dni positif est appel un espace e e e de Hilbert, et H est lespace de Hilbert des tats de polarisation. e

(1.16)

De faon gnrale on dnira des amplitudes de probabilit (lamplitude de probabilit de trouver | c e e e e e dans | ), o` | et | reprsentent des tats de polarisation gnraux, par u e e e e a( ) = | et la probabilit correspondante sera e p( ) = |a( )|2 = | | |2 N.B. En fait un vecteur dtat nest dni qu` une phase multiplicative pr`s e e a e (, ) ei (, ) car remplacer | par | = ei | (1.18) (1.17)

ne change pas les probabilits | | |2 , qui sont les seules quantits mesurables. Une phase multiplicative e e globale nest donc pas physiquement pertinente : la correspondance nest pas entre tat physique et e vecteur, mais plutt entre tat physique et rayon, cest-` dire un vecteur a une phase pr`s. o e a ` e Nous sommes maintenant prts a aborder la question cruciale de la mesure en physique quantique. e ` La notion de mesure repose sur celle de prparation dun tat quantique et celle de test. Reprenons e e lensemble polariseur/analyseur, en supposant que lanalyseur est orient suivant Ox. Si le polariseur est e aussi orient suivant Ox, un photon sortant du polariseur traverse lanalyseur avec une probabilit de e e 100% ; si le polariseur est orient suivant Oy, la probabilit est nulle. Lanalyseur eectue un test (de la e e polarisation), et le rsultat du test est 1 ou 0. Le test permet donc de conna ltat de polarisation du e tre e photon. Mais ceci nest pas le cas gnral. Supposons que le polariseur soit orient suivant la direction e e e ou la direction orthogonale | = cos |x + sin |y | = sin |x + cos |y (1.19)

Si le polariseur prpare par exemple le photon dans ltat | et que lanalyseur est orient suivant Ox, e e e la probabilit de russite du test est cos2 . Deux remarques sont essentielles e e

12

CHAPITRE 1. QUEST-CE QUUN QU-BIT ? Apr`s le passage dans lanalyseur, ltat de polarisation du photon nest plus | , mais |x . La e e mesure modie ltat de polarisation. e Si le photon est polaris elliptiquement, et non linairement e e = cos = sin ei =0

la probabilit de russite du test est encore cos2 : le test ne permet pas de dterminer la polarisation e e e de faon non ambigu. Cest seulement si la probabilit de russite du test est 0 ou 1 que la mesure c e e e permet de dterminer ltat de polarisation initial. Il nexiste donc pas de test permettant de e e dterminer a coup sr ltat de polarisation (inconnu) dun photon. e ` u e On constate donc une dirence de principe entre la mesure en physique classique et la mesure en e physique quantique. En physique classique, la quantit physique a mesurer prexiste a la mesure : si e ` e ` un radar mesure la vitesse de votre voiture a 180 km/h sur lautoroute, cette vitesse prexistait a sa ` e ` mesure par le gendarme (ce qui lui donne la lgitimit pour verbaliser). Au contraire, dans la mesure e e de la polarisation dun photon | par un analyseur orient suivant Ox, le fait que le test donne une e polarisation suivant Ox ne permet pas de conclure que le photon test avait au pralable sa polarisation e e suivant Ox. Si lon reprend lanalogie de la voiture, on pourrait imaginer que comme dans (1.19) la voiture soit dans un tat de superposition linaire de deux vitesses4 , par exemple e e |v = 1 |120km/h + 3 2 |180 km/h 3

Le gendarme mesurera une vitesse de 120 km/h avec une probabilit de 1/3 et une vitesse de 180 km/h e avec une probabilit de 2/3, mais il serait erron de penser que lun des deux rsultats existait avant la e e e mesure.

1.4

Principes de la mcanique quantique e

Les principes de la mcanique quantique gnralisent ce que nous avons vu dans le cas de la polarisation e e e dun photon. Principe 1. Ltat physique dun syst`me quantique est reprsent par un vecteur | appartenant e e e e a un espace de Hilbert (en gnral de dimension innie) H. Sauf mention explicite du contraire, | ` e e sera choisi unitaire : ||||2 = 1. Principe 2. Si | et | sont deux tats physiques, lamplitude de probabilit a( ) de e e trouver dans est donne par le produit scalaire | e a( ) = | et la probabilit pour de russir le test est e e p( ) = |a( )|2 = | | |2 Pour raliser le test, on doit disposer dun premier dispositif prparant le syst`me quantique dans e e e ltat | (polariseur) et dun second dispositif capable de le prparer dans ltat | , que lon e e e utilisera comme analyseur. Apr`s le test, le syst`me quantique est dans ltat | , ce qui veut dire du point de vue mathmatique e e e e que lon ralise une projection orthogonale sur | . Soit P ce projecteur. Comme5 e |P P | = | | = (| |)| on peut crire ce projecteur sous la forme tr`s commode e e P = | | (1.20)

4 Bien s r on ne sait pas raliser un tel tat avec une voiture, mais on sait tr`s bien fabriquer une particule lmentaire u e e e ee ou un atome dans un tat de superposition linaire de deux vitesses. e e 5 Laction dun oprateur M sur un vecteur | sera crite indiremment M | ou |M . e e e

1.4. PRINCIPES DE LA MECANIQUE QUANTIQUE

13

La projection du vecteur dtat est appele dans linterprtation de Copenhague de la mcanique quane e e e tique rduction du vecteur dtat, ou, pour des raisons historiques, rduction du paquet dondes. e e e Cette rduction du vecteur dtat est une ction commode de linterprtation de Copenhague, qui vite e e e e davoir a se poser des questions sur le processus de mesure, et elle est souvent ajoute comme principe ` e de base supplmentaire. Cependant on peut parfaitement se passer de ce principe si on prend en compte e le processus de mesure. Un exemple en sera donn dans la section 4.4. e Illustrons ces notions en revenant a la polarisation. Dans la base {|x , |y }, les projecteurs P x et Py sur ` ces tats de base sont e Px = |x x| = 1 0 0 0 Py = |y y| = 0 0 0 1

On remarque que loprateur identit peut tre crit comme la somme des deux projecteurs P x et Py e e e e Px + Py = |x x| + |y y| = I relation dite relation de fermeture, qui se gnralise a une base orthonorme dun espace de Hilbert H de e e ` e dimension NN i=1

|i i| = I

i|j = ij

Les projecteurs Px et Py commutent [Px , Py ] Px Py Py Px = 0 Les tests |x et |y sont dits compatibles. En revanche les projecteurs sur | et | P = | | = cos2 sin cos sin cos sin2 P = | | = sin2 sin cos sin cos cos2

ne commutent pas avec Px et Py , comme on le vrie immdiatement par un calcul explicite e e [Px , P ] = Les tests |x et | sont dits incompatibles. Pour des dveloppements ultrieurs, il sera utile de remarquer que la connaissance des probabilits de e e e russite dun test T permet de dnir une valeur moyenne T e e T = 1 p(T = 1) + 0 p(T = 0) (= p(T = 1)) 0 sin cos sin cos 0

Par exemple si le test est T est reprsent par la procdure | et quon lapplique a un tat | e e e ` e p() = | | |2 = | | = (| | ) = |P (1.21)

Il est dusage en physique quantique dappeler valeur moyenne dun oprateur M dans ltat | la e e quantit e |M M Au test T = | on peut donc associer le projecteur P dont la valeur moyenne dans ltat | donne e suivant (1.21) la probabilit de russite du test. e e La gnralisation de cette observation permet de construire des proprits physiques dun syst`me quane e ee e tique. Donnons un exemple en revenant au cas de la polarisation. Supposons que nous construisions (de faon tout a fait arbitraire) une proprit M dun photon de la faon suivante : M vaut +1 si le photon c ` ee c est polaris suivant Ox et M vaut 1 si le photon est polaris suivant Oy. On peut associer a la proprit e e ` ee physique M loprateur hermitique M e M = P x Py

14 qui vrie bien e M |x = +|x La valeur moyenne de M est par dnition e

CHAPITRE 1. QUEST-CE QUUN QU-BIT ?

M |y = |y

M = 1 p(M = 1) + (1) p(M = 1) Supposons le photon dans ltat , alors la valeur moyenne M e M

dans ltat | est e

= |Px |Py = cos2 sin2 = cos(2)

Loprateur M construit ci-dessus est un oprateur hermitique (M = M , ou Mij = Mji ), et de faon e e c gnrale, les proprits physiques en mcanique quantique sont reprsentes mathmatiquement par des e e ee e e e e oprateurs hermitiques, souvent appels observables. Nous avons construit M a partir de projecteurs, e e ` mais rciproquement on peut construire les projecteurs a partir dun oprateur hermitique M grce au e ` e a thor`me de dcomposition spectrale. e e e

Thor`me. Soit M un oprateur hermitique. Alors on peut crire M en fonction dun ensemble de e e e e projecteurs Pn qui vrient e M Pn Pm =n

a n Pnn

(1.22) Pn = I (1.23)

= Pn mn

o` les coecients rels an sont les valeurs propres de M . Les projecteurs Pn sont orthogonaux entre eux u e (mais en gnral ils projettent sur un sous-espace de H et non sur un seul vecteur de H) et leur somme e e est loprateur identit. e e

1.5

Gnrateur quantique de nombres alatoires e e e

Lutilisation des proprits quantiques permet de raliser exprimentalement des gnrateurs de ee e e e e nombres alatoires, et non pseudo-alatoires, ce qui est essentiel pour la cryptographie quantique, comme e e on le verra dans la section suivante. Un des dispositifs les plus simples utilise une lame semi-transparente, ou sparateur de faisceau. Si un rayon lumineux tombe sur une lame semi-transparente, une partie de la e lumi`re est transmise et une partie est rchie. On peut sarranger que ceci se fasse dans des proportions e e e de 50%/50%. Si maintenant on diminue lintensit de sorte que les photons arrivent un a un sur la lame, e ` on constate que ces photons peuvent tre, soit rchis et dtects par D 1 , soit transmis et dtects par e e e e e e e D2 (gure 1.4). Il ny a aucune corrrlation entre les dtections, et on a un vritable jeu de pile ou face e e e non biais. e D1

D2

Fig. 1.4 Lame semi-transparente et dtection de photons. e

1.6. CRYPTOGRAPHIE QUANTIQUE

15

Un prototype a t ralis suivant ce principe par le groupe doptique quantique de Gen`ve. Il fournit ee e e e des nombres alatoires au taux de 105 nombres par seconde et labsence de biais (ou de corrlations entre e e nombres supposs alatoires) a t teste par des programmes standard. e e ee e

1.6

Cryptographie quantique

La cryptographie quantique est une invention rcente fonde sur lincompatibilit de deux bases e e e direntes dtats de polarisation linaire. La cryptographie usuelle repose sur une cl de chirage connue e e e e seulement de lexpditeur et du destinataire. Ce syst`me est appel a cl secr`te. Il est en principe tr`s e e e` e e e sr6 , mais il faut que lexpditeur et le destinataire aient le moyen de se transmettre la cl sans que u e e celle-ci soit intercepte par un espion. Or la cl doit tre change frquemment, car une suite de messages e e e e e cods avec la mme cl est susceptible de rvler des rgularits permettant le dchirage du message e e e e e e e e par une tierce personne. Le processus de transmission dune cl secr`te est un processus a risque, et cest e e ` pour cette raison que lon prf`re maintenant les syst`mes fonds sur un principe dirent, dits syst`mes ee e e e e a cl publique, o` la cl est diuse publiquement, par exemple sur Internet. Un syst`me a cl publique ` e u e e e ` e courant7 est fond sur la dicult de dcomposer un nombre tr`s grand N en facteurs premiers, alors que e e e e lopration inverse est immdiate : sans calculette on obtiendra en quelques secondes 137 53 = 7261, e e mais tant donn 7261, cela prendra un certain temps a le dcomposer en facteurs premiers. Avec les e e ` e meilleurs algorithmes actuels, le temps de calcul sur ordinateur ncessaire pour dcomposer un nombre N e e en facteurs premiers cro avec N comme exp[(ln N )1/3 (ln ln N )2/3 ]. Il faut aujourdhui quelques mois a t ` une grappe de PC pour factoriser un nombre de 150 chires. Dans le syst`me de chirage a cl publique, e ` e le destinataire, appel conventionnellement Bob, diuse publiquement a lexpditeur, appel conventione ` e e nellement Alice, un nombre tr`s grand N = pq produit de deux nombres premiers p et q, ainsi quun e autre nombre c (voir lannexe 1.6.1). Ces deux nombres N et c susent a Alice pour chirer le message, ` mais il faut disposer des nombres p et q pour le dchirer. Bien sr un espion (appel par convention e u e ` Eve) disposant dun ordinateur susamment puissant nira par casser le code, mais on peut en gnral se e e contenter de conserver secret le contenu du message pendant un temps limit. Cependant, on ne peut pas e exclure que lon dispose un jour dalgorithmes tr`s performants pour dcomposer un nombre en facteurs e e premiers, et de plus, si des ordinateurs quantiques voient le jour, aucun nombre ne pourra leur rsister. e Heureusement la mcanique quantique vient a point nomm pour contrecarrer les eorts des espions ! e ` e Cryptographie quantique est une expression mdiatique, mais quelque peu trompeuse : en eet, il ne e sagit pas de chirer un message a laide de la physique quantique, mais dutiliser celle-ci pour sassurer ` que la transmission de la cl na pas t espionne. Comme nous lavons dj` expliqu, la transmission dun e ee e ea e message, chir ou non, peut se faire en utilisant les deux tats de polarisation linaire orthogonaux dun e e e photon, par exemple |x et |y . On peut dcider dattribuer par convention la valeur 1 a la polarisation |x e ` et la valeur 0 a la polarisation |y : chaque photon transporte donc un bit dinformation. Tout message, ` chir ou non, peut tre crit en langage binaire, comme une suite de 0 et de 1, et le message 1001110 e e e sera cod par Alice grce a la squence de photons xyyxxxy, quelle expdiera a Bob par exemple par e a ` e e ` ` une bre optique. A laide dune lame birfringente, Bob spare les photons de polarisation verticale et e e horizontale comme dans la gure 1.2, et deux dtecteurs placs derri`re la lame lui permettent de dcider e e e e si le photon tait polaris horizontalement ou verticalement : il peut donc reconstituer le message. Sil e e sagissait dun message ordinaire, il y aurait bien sr des faons bien plus simples et ecaces de le u c ` transmettre ! Remarquons simplement que si Eve sinstalle sur la bre, dtecte les photons et renvoie a e ` Bob des photons de polarisation identique a ceux expdis par Alice, Bob ne peut pas savoir que la ligne a ` e e t espionne. Il en serait de mme pour tout dispositif fonctionnant de faon classique (cest-`-dire sans ee e e c a utiliser le principe de superposition) : si lespion prend susamment de prcautions, il est indtectable. e e Cest ici que la mcanique quantique et le principe de superposition viennent au secours dAlice et e de Bob, en leur permettant de sassurer que leur message na pas t intercept. Ce message na pas ee e besoin dtre long (le syst`me de transmission par la polarisation est tr`s peu performant). Il sagira en e e e gnral de transmettre une cl permettant de chirer un message ultrieur, cl qui pourra tre remplace e e e e e e e6 Un chirage absolument s r a t dcouvert par Vernam en 1935. Cependant la scurit absolue suppose que la cl soit u e e e e e e aussi longue que le message et ne soit utilise quune seule fois ! e 7 Appel chirage RSA, dcouvert par Rivest, Shamir et Adleman en 1977. e e

16

CHAPITRE 1. QUEST-CE QUUN QU-BIT ?

a la demande. Alice envoie vers Bob quatre types de photons : polariss suivant Ox : et Oy : ` e comme prcdemment, et polariss suivant des axes inclins a 45o Ox : e e e e ` et Oy : , correspondant respectivement aux valeurs 1 et 0 des bits. De mme Bob analyse les photons envoys par Alice a laide e e ` danalyseurs pouvant prendre quatre directions, verticale/horizontale, et 45 o. Une possibilit serait e dutiliser un cristal birfringent orient alatoirement soit verticalement, soit a 45 o de la verticale et e e e ` de dtecter les photons sortant de ce cristal comme dans la gure 1.3. Cependant, au lieu de faire e tourner lensemble cristal+dtecteurs, on utilise plutt une cellule de Pockels, qui permet de transformer e o une polarisation donne en une polarisation oriente de faon arbitraire et de maintenir xe lensemble e e c cristal+dtecteur. La gure 1.5 donne un exemple : Bob enregistre 1 si le photon est polaris ou , 0 sil e e est polaris ou . Apr`s enregistrement dun nombre susant de photons, Bob annonce publiquement e e la suite des analyseurs quil a utiliss, mais non ses rsultats. Alice compare sa squence de polariseurs a e e e ` celle de Bob et lui donne toujours publiquement la liste des polariseurs compatibles avec ses analyseurs. Les bits qui correspondent a des analyseurs et des polariseurs incompatibles sont rejets (), et, pour les ` e bits restants, Alice et Bob sont certains que leurs valeurs sont les mmes : ce sont les bits qui serviront e a composer la cl, et ils sont connus seulement de Bob et Alice, car lextrieur ne conna que la liste des ` e e t orientations, pas les rsultats ! Le protocole dcrit ci-dessus est appel BB84, du nom de ses inventeurs e e e Bennett et Brassard. polariseurs dAlice squences de bits e analyseurs de Bob mesures de Bob bits retenus 1 1 1 0 1 1 0 0 0 0 1 1 1 1 1 1 0 0 1 0 0 1 1 1

Fig. 1.5 Cryptographie quantique : transmission de photons polariss entre Bob et Alice. e Il reste a sassurer que le message na pas t intercept et que la cl quil contenait peut tre utilise sans ` ee e e e e risque. Alice et Bob choisissent au hasard un sous-ensemble de leur cl et le comparent publiquement. La e ` consquence de linterception de photons par Eve serait une rduction de la corrlation entre les valeurs e e e ` de leurs bits : supposons par exemple quAlice envoie un photon polaris suivant Ox. Si Eve lintercepte e avec un polariseur orient suivant Ox , et que le photon est transmis par son analyseur, elle ne sait pas e que ce photon tait initialement polaris suivant Ox ; elle renvoie donc a Bob un photon polaris dans la e e ` e ` direction Ox , et dans 50% des cas Bob ne va pas trouver le bon rsultat. Comme Eve a une chance sur e deux dorienter son analyseur dans la bonne direction, Alice et Bob vont enregistrer une dirence dans e 25% des cas et en conclure que le message a t intercept. Cette discussion est bien sr simplie : elle ne ee e u e tient pas compte des possibilits derreurs quil faut corriger, et dautre part il faut raliser des impulsions e e a un seul photon et non des paquets dtats cohrents qui ne seraient pas inviolables. 8 . Nanmoins la ` e e e mthode est correcte dans son principe et un prototype a t ralis rcemment pour des transmissions e ee e e e dans lair sur plusieurs kilom`tres. Il est dicile avec une bre optique de contrler la direction de la e o polarisation sur de longues distances, et cest pourqui on utilise un support physique dirent pour mettre e en oeuvre le protocole BB84 avec des bres. Dans ces conditions la transmission a pu tre eectue sur e e une centaine de kilom`tres. e Annexe 1.6.1 : le codage RSA. Bob choisit deux nombres premiers p et q, N = pq, et un nombre c nayant pas de diviseur commun avec le produit (p 1)(q 1). Il calcule d qui est linverse de c pour la8 Dans le cas de transmission de photons isols, le thor`me de non clonage quantique ( 6.3.2) garantit quil est impossible e e e a Eve de tromper Bob, mme sil lui est possible de faire moins de 50% derreurs en utilisant une technique dinterception ` ` e plus sophistique. e

1.6. CRYPTOGRAPHIE QUANTIQUE multiplication modulo (p 1)(q 1) cd 1 mod (p 1)(q 1)

17

Il envoie a Alice par une voie non scurise les nombres N et c (mais pas p et q sparment !). Alice veut ` e e e e envoyer a Bob un message cod, qui doit tre reprsent par un nombre a < N (si le message est trop ` e e e e long, Alice le segmente en plusieurs sous messages). Elle calcule ensuite b ac mod N et envoie b a Bob. Quand Bob reoit le message il calcule ` c bd mod N = a (!) Le fait que le rsultat soit prcisment a, cest-` dire le message original dAlice, est un rsultat de thorie e e e a e e des nombres. En rsum, sont envoys sur voie publique, non scurise, les nombres N , c et b. e e e e e Exemple. p = 3 q = 7 N = 21 (p 1)(q 1) = 12 c = 5 na aucun facteur commun avec 12, et son inverse par rapport a la multiplication modulo 12 est ` d = 5 car 5 5 = 24 + 1. Alice choisit pour message a = 4. Elle calcule 45 = 1024 = 21 48 + 16 Alice envoie donc a Bob le message 16. Bob calcule ` b5 = 165 = 49.932 21 + 4 et Bob rcup`re donc le message original a = 4. e e 165 = 4 mod 21 45 = 16 mod 21

18

CHAPITRE 1. QUEST-CE QUUN QU-BIT ?

Chapitre 2

Manipulations dun qu-bitDans le chapitre prcdent, jai examin un qu-bit a un instant dtermin. Dans un espace de Hilbert e e e ` e e H, ce qu-bit est dcrit par un vecteur unitaire | e | = |0 + |1 ||2 + ||2 = 1 (2.1)

Jai choisi une base orthonorme {|0 , |1 } de H et dcompos le vecteur | suivant cette base. Je me e e e propose maintenant dexaminer lvolution temporelle de ce qu-bit, ce qui expliquera comment nous e pourrons le manipuler.

2.1

Sph`re de Bloch, spin 1/2 e

Avant de passer a cette volution temporelle, je voudrais donner une description un peu plus gnrale ` e e e du qu-bit et de ses ralisations physiques. Jai choisi en crivant (2.1) une base orthonorme {|0 , |1 } de e e e H, et les coecients et peuvent tre paramtrs, compte tenu de larbitraire de phase, par e e e = ei/2 cos 2 = ei/2 sin 2 (2.2)

Les deux angles et peuvent tre considrs comme des angles polaires et azimutal, et (, ) param`trent e e e e la position dun point sur la surface dune sph`re de rayon unit, appele sph`re de Bloch (ou sph`re de e e e e e Poincar pour le photon) (gure 2.1). e Si lon revient a la polarisation dun photon en identiant |0 |x et |1 |y , les tats |x et |y ` e correspondent aux ples nord et sud de la sph`re o e |x : = 0, indtermin e e , = 2 2 |y : = , indtermin e e

tandis que les polarisations circulaires correspondent a des points sur lquateur ` e |D : = |G : = , = 2 2

Une autre ralisation physique importante du qu-bit est le spin 1/2. La RMN (Rsonance Magntique e e e Nuclaire) et lIRM (Imagerie par Rsonance Magntique...nuclaire 1) reposent sur le fait que le proton e e e e poss`de un spin 1/2, ce que lon met en vidence de la faon suivante : on fait passer un faisceau de e e c particules2 de spin 1/2 dans un champ magntique orient suivant une direction n perpendiculaire a la e e ` direction du faisceau. On constate que le faisceau se scinde en deux sous-faisceaux, lun est dvi dans e e la direction n, lautre dans la direction oppose . Cest lexprience de Stern-Gerlach (gure 2.2, avec e n e n Oz), qui est tr`s analogue dans son principe a la sparation dun rayon de lumi`re naturelle en deux e ` e enuclaire, politiquement incorrect, a t supprim pour ne pas erayer le grand public... e e e e on doit utiliser des atomes neutres et non des protons, sinon les eets seraient masqus par des forces dues e aux charges, et de plus le magntisme nuclaire est trop faible pour tre mis en vidence dans une telle exprience. e e e e e2 Toutefois 1 Ladjectif

19

20 z

CHAPITRE 2. MANIPULATIONS DUN QU-BIT |x

P | /4

|G x |/4

O y

|D

|y Fig. 2.1 Sph`re de Bloch. e rayons par un cristal birfringent. On peut imaginer lanalogue dune exprience analyseur/polariseur avec e e un spin 1/2 (gure 2.3). Toutefois on remarque que la situation polariseur/analyseur croiss correspond e a = et non a = /2 comme dans le cas des photons3 . On construit une base de H en prenant pour ` ` vecteur de base les vecteurs |+ et | , qui correspondent aux tats prpars par un champ magntique e e e e parall`le a Oz. Suivant (2.1) et (2.2), ltat de spin 1/2 le plus gnral est e ` e e e |+ + ei/2 sin | 2 2 et on montre4 que cet tat est celui slectionn par un champ magtique parall`le a n, avec e e e e e ` | = ei/2 cos n = (sin cos , sin sin , cos ) (2.3)

(2.4)

La sph`re de Bloch poss`de dans ce cas une interprtation gomtrique vidente : le spin 1/2 dcrit par e e e e e e e le vecteur (2.3) est orient suivant la direction n. e Nous avons vu que les proprits physiques des qu-bits taient reprsents par des oprateurs hermitiques. ee e e e e Une base commode pour ces oprateurs est celle des matrices de Pauli e 1 (ou x ) = 0 1 1 0 2 (ou y ) = 0 i i 0 3 (ou z ) = 1 0 0 1 (2.5)

Ces matrices sont hermitiques (et aussi unitaires) et toute matrice 2 2 hermitique M peut scrire e comme3

M = 0 I +i=1

i i

(2.6)

avec des coecients rels. Les matrices de Pauli vrient les importantes proprits suivantes e e ee2 i = I3 Le 4 Ceci

1 2 = i3 + perm. circ.

(2.7)

photon a un spin 1, et non 1/2 ! est une consquence de linvariance par rotation : voir Physique quantique, chapitre 3. e

2.2. EVOLUTION DYNAMIQUE

21

N z S four fentes collimatrices x Bz aimant y

Fig. 2.2 Exprience de Stern-Gerlach. e |+ (a) |+ (b) Fig. 2.3 Polariseurs croiss pour le spin 1/2. e Les tats |+ et | sont vecteurs propres de z avec les valeurs propres 1 e |+ = 1 0 | = 0 1 z | = | (2.8) E |+ E

et on vrie immdiatement que le vecteur | (2.3) est vecteur propre de e e n = x nx + y ny + z nz avec la valeur propre +1 n= cos e sin i

ei sin cos

(2.9)

Nous venons de voir la ralisation physique dun qu-bit par un spin 1/2, mais il en existe bien dautres, e comme par exemple un atome a deux niveaux. Dans tous les cas on aura un espace de Hilbert de ` dimension 2, et ltat dun qu-bit pourra toujours tre reprsent par un point sur la sph`re de Bloch. e e e e e Revenant a la notation {|0 , |1 }, on pourra (par exemple) faire lidentication |+ |0 et | |1 . `

2.2

Evolution dynamique

Nous introduisons explicitement le temps, en supposant que (2.1) est valable a t = 0 ` |(t = 0) = (t = 0)|0 + (t = 0)|1 Nous allons supposer (Principe no 3) que la transformation |(0) |(t) (2.10)

22

CHAPITRE 2. MANIPULATIONS DUN QU-BIT

est linaire et que la norme de | reste gale a lunit5 e e ` e |(t)| + |(t)|2

|(t)

= (t)|0 + (t)|1 = 1

(2.11) (2.12)

2

La transformation |(0) |(t) est donc une transformation unitaire U (t, 0) |(t) = U (t, 0)|(t = 0) En gnral e e |(t2 ) = U (t2 , t1 )|(t1 ) De plus U doit obir a la proprit de groupe e ` ee U (t2 , t1 ) = U (t2 , t )U (t , t1 ) (2.14) U (t2 , t1 ) = U 1 (t2 , t1 ) (2.13)

et enn U (t, t) = I. Utilisons la proprit de groupe et un dveloppement de Taylor avec dt innitsimal ee e e pour crire e U (t + dt, t0 ) = U (t + dt, t)U (t, t0 ) d U (t + dt, t0 ) U (t, t0 ) + dt U (t, t0 ) dt U (t + dt, t)U (t, t0 ) I i dtH(t) U (t, t0 ) o` nous avons dni loprateur H(t), le hamiltonien, par u e e dU (t , t) H(t) = i dt (2.15)

t =t

La prsence du facteur i assure que H(t) est un oprateur hermitique. En eet e e I = U (t + dt, t)U (t + dt, t) [I + i dtH (t)][I i dtH(t)] I + i dt(H H)

ce qui implique H = H . On dduit de ce qui prc`de lquation dvolution (aussi appele quation de e e e e e e e Schrdinger) o dU (t, t0 ) i (2.16) = H(t)U (t, t0 ) dt Comme H est un oprateur hermitique, cest une proprit physique, et de fait H nest autre que e ee loprateur nergie du syt`me. Dans le cas frquent o` la physique est invariante par translation de e e e e u temps, loprateur U (t2 , t1 ) ne dpend que de la dirence (t2 t1 ) et H est indpendant du temps. e e e e Illustrons ceci par la RMN (ou lIRM). Dans une premi`re tape les spins 1/2 sont plongs dans un champ e e e magntique intense ( 1 Tesla, 1 Tesla= 104 gauss, environ 104 fois le champ magntique terrestre, cest e e pourquoi il vaut mieux ne pas garder sa montre pour passer une IRM !) indpendant du temps. Le e hamiltonien est alors indpendant du temps, et comme il est hermitique, il est diagonalisable dans une e certaine base A 0 (2.17) H= 0 B A et B sont les niveaux dnergie du spin 1/2. Si le champ magntique est parall`le a Oz, les vecteurs e e e ` propres de H ne sont autres que les vecteurs de base |+ |0 et | |1 . Comme H est indpendant e du temps, lquation dvolution (2.16) e e dU i = HU dt5 Cette seconde condition semble aller de soi, mais elle suppose en fait que tous les degrs de libert quantiques soient e e pris en compte dans H : lvolution nest pas en gnral unitaire lorsque le qu-bit est seulement une partie dun syst`me e e e e quantique plus vaste et que lespace de Hilbert des tats est plus grand que H. Le fait que la transformation soit linaire e e peut tre dduit dun d a thor`me de Wigner : voir Physique quantique, chapitre 8. e e u` e e

2.3. MANIPULATIONS DE QU-BITS : OSCILLATIONS DE RABI sint`gre immdiatement e e soit, dans la base o` H est diagonal u

23

U (t, t0 ) = exp[iH(t t0 )] eiA (tt0 ) 0 0 eiB (tt0 )

(2.18)

U (t, t0 ) = Si |(t = 0 est donn par e alors

(2.19)

|(t = 0) = |0 + |1 |(t) = eiA t |0 + eiB t |1 (2.20)

soit (t) = eiA t (t) = eiB t Lvolution temporelle est dterministe et elle garde la trace des conditions initiales et . En raison de e e larbitraire de phase, en fait la seule quantit physiquement pertinente dans lvolution est la dirence e e e 0 = B A On pourrait aussi bien crire H sous la forme e 1 H = 2 0 0 0 0 (2.21)

La quantit 0 joue un rle capital et elle est appele nergie (ou frquence6 ) de rsonance. e o e e e e Jen prote pour dire un mot sur une autre ralisation physique dun qu-bit, latome a deux niveaux. e ` Latome poss`de deux niveaux dnergie, un niveau fondamental A et un niveau excit B , B > A ; e e e sil est port dans son tat excit, il revient spontanment dans son tat fondamental en mettant un e e e e e e photon de frquence 0 = B A . Si lon envoie sur latome dans son tat fondamental un faisceau e e laser de frquence 0 , on observera un phnom`ne de rsonance : labsorption de la lumi`re laser sera e e e e e dautant plus importante que lon sera proche de 0 .

2.3

Manipulations de qu-bits : oscillations de Rabi

Comme nous le verrons au chapitre 4, pour les besoins du calcul quantique, il est ncessaire de pouvoir e transformer par exemple un tat |0 du qu-bit en une superposition linaire de |0 et de |1 . Pour ce faire, e e en prenant comme exemple le spin 1/2, la solution est dappliquer au spin un champ magntique tournant e dans le plan xOy a une vitesse angulaire ` B1 (t) = B1 ( cos t y sin t) x Cest ce qui est fait dans la RMN. La forme de H(t) est alors 1 H(t) = 2 0 1 eit 1 eit 0 (2.22)

o` 1 est proportionnelle a B1 , et donc ajustable7 . La frquence 1 est appele frquence de Rabi. Il reste u ` e e e a rsoudre lquation dvolution (2.16). Celle-ci se transforme aisment en un syst`me de deux quations ` e e e e e e direntielles du premier ordre couples pour (t) et (t), et la rsolution de ce syst`me ne pose aucune e e e e6 En toute rigueur,jaurais d prciser qunergie et frquence sont relies par la relation de Planck-Einstein E = , o` u e e e e u est la constante de Planck. An de simplier, je me suis plac dans un syst`me dunits o` = 1. e e e u 7 On peut comprendre lorigine de (2.22) en admettant que le hamiltonien est de la forme B

H B = Bz z + B1 (x cos t y sin t) Cette forme du hamiltonien provient du couplage entre le moment magntique associ au spin 1/2 et le champ magntique. e e e

24

CHAPITRE 2. MANIPULATIONS DUN QU-BIT

dicult (voir lannexe 2.3.1). On peut exprimer le rsultat sous la forme suivante : si le qu-bit est au e e temps t = 0 dans ltat |0 , il aura au temps t une probabilit p01 (t) de se trouver dans ltat |1 donne e e e e par 1 2 2 t 2 = ( 0 )2 + 1 sin p01 (t) = (2.23) 2 p+ (t) 1 =0 p+ (t) 1 = 31

2

t

2

t

Fig. 2.4 Oscillations de Rabi. Le dsaccord = 0 et p+ (t) p01 (t). e Cest le phnom`ne des oscillations de Rabi. Le phnom`ne doscillation entre les niveaux |0 et |1 prend e e e e son ampleur maximale pour = 0 , cest-`-dire a la rsonance a ` e p01 (t) = sin2 1 t 2 = 0 (2.24)

Pour passer de ltat |0 a ltat |1 , il sut dajuster le temps t dapplication du champ tournant e ` e 1 t = 2 2 t= 1

Cest ce que lon appelle une impulsion . Si lon choisit un temps intermdiaire entre 0 et / 1 , on e obtiendra une superposition de |0 et de |1 , en particulier si t = /(21 ), ou impulsion /2 1 |0 (|0 + |1 ) 2 (2.25)

Annexe 2.3.1 : solution de lquation dvolution. Suivant (2.22), (t) et (t) obissent au syt`me e e e e dquations direntielles couples e e e d(t) dt d(t) i dt i Il est commode de dnir e (t) = (t)ei0 t/2 Le syst`me dquations direntielles de simplie en e e e d(t) dt d(t) i dt i 1 i(0 )t (t) e 2 1 = ei(0 )t (t) 2 = (t) = (t)ei0 t/2 = = 0 1 it (t) e (t) 2 2 0 1 it (t) e (t) 2 2

Cette opration sera dune importance cruciale pour le calcul quantique. Les quations sont essentiellee e ment identiques dans le cas dun atome a deux niveaux dans un champ laser, une fois faite une approxi` mation en gnral bien vrie, lapproximation des ondes tournantes ; est la frquence de londe laser e e e e e et la frquence de Rabi 1 est proportionnelle au produit du moment dipolaire lectrique (de transition) e e de latome d par le champ lectrique E de londe laser, 1 d E. e

2.3. MANIPULATIONS DE QU-BITS : OSCILLATIONS DE RABI

25

Ce syst`me se transforme aisment en une quation direntielle du second ordre pour (t) (ou (t)). Je e e e e me contenterai dexaminer le cas de la rsonance = 0 , o` e u i La solution du syst`me est alors e 1 t 1 t + b sin 2 2 1 t 1 t + ib cos (t) = ia sin 2 2 (t) = a cos Les coecients a et b dpendent des conditions initiales. Partant par exemple de ltat |0 au temps t = 0 e e (t = 0) = 1, (t = 0) = 0 ou a = 1, b = 0 on trouve au temps t = /(21 ) (impulsion /2) un tat qui est une superposition linaire de |0 et de e e |1 1 | = ei0 t/2 |0 + iei0 t/2 |1 2 Les facteurs de phase peuvent tre rabsorbs dans une rednition des tats |0 et |1 de faon a obtenir e e e e e c ` (2.25). d2 (t) 2 = 1 (t) 2 dt 4

26

CHAPITRE 2. MANIPULATIONS DUN QU-BIT

Chapitre 3

Corrlations quantiques e3.1 Etats ` deux qu-bits a

On pourrait sattendre a ce que le passage dun qu-bit a deux qu-bits napporte que peu de nouveaut. ` ` e En fait nous allons voir que la structure a deux qu-bits est extraordinairement riche, car elle introduit des ` corrlations quantiques entre les deux qu-bits, et on ne peut pas en rendre compte par des considrations e e de probabilits classiques. Comme nous le verrons a la section 4, lintrication est a la base des spcicits e ` ` e e du calcul quantique. Essayons de construire mathmatiquement un tat a deux qu-bits. Le premier qu-bit, A, vit dans un e e ` espace de Hilbert HA , dont une base orthonorme est {|0A , |1A }, et le second qu-bit dans un espace de e Hilbert HB , dont une base orthonorme est {|0B , |1B }. Il est naturel de reprsenter un tat physique e e e o` le premier qu-bit est dans ltat |0A et le second dans ltat |0B par un vecteur que lon crit u e e e |X00 = |0A 0B ; en prenant en compte les autres valeurs possibles de qu-bits on aura a priori quatre possibilits e |X00 = |0A 0B |X01 = |0A 1B |X10 = |1A 0B |X11 = |1A 1B (3.1)

Il nest pas dicile de construire ltat o` le qu-bit A est dans e u |A = A |0A + A |1A et le qu-bit B dans |B = B |0B + B |1B On notera cet tat |A B e |A B = A B |0A 0B + A B |0A 1B + A B |1A 0B + A B |1A 1B = A B |X00 + A B |X01 + A B |X10 + A B |X11 (3.2)

Nous avons construit lespace HA HB produit tensoriel des espaces HA et HB . On note que le vecteur |A B est bien de norme unit1 . Les physiciens sont assez laxistes sur les notations, et on trouvera e au lieu de |A B , soit |A |b , soit mme |A B , en omettant le symbole du produit tensoriel. e Le point crucial est que ltat le plus gnral de HA HB nest pas de la forme produit tensoriel |A B : e e e les tats de la forme |A B ne forment quun petit sous-ensemble (et pas un sous-espace !) des vecteurs e de HA HB . Ltat le plus gnral est de la forme e e e | = 00 |0A 0B + 01 |0A 1B + 10 |1A 0B + 11 |1A 1B = 00 |X00 + 01 |X01 + 10 |X10 + 11 |X11 (3.3)

1 En toute rigueur il faudrait vrier que le produit | e e A B est indpendant du choix des bases dans HA et HB . Cette vrication est immdiate. e e

27

28

CHAPITRE 3. CORRELATIONS QUANTIQUES

et pour que | soit de la forme |A B , une condition ncessaire (et susante) est que e 00 11 = 01 10 ce qui na aucune raison dtre valide a priori. Donnons un exemple tr`s simple dun tat | qui nest e e e pas de la forme |A B 1 (3.4) | = |0A 1B |1A 0B 2 En eet 1 1 10 = 11 = 0 00 = 0 01 = 2 2 On dnit de mme le produit tensoriel MA MB de deux oprateurs MA et MB e e e [MA MB ]iA pB ;jA qB = [MA ]iA jA [MB ]pB qB Donnons comme exemple le produit tensoriel de deux matrices 2 2 MA = a c b d MB =

La matrice MA MB est une matrice 4 4, lordre de lignes et a a aMB bMB MA M B = = c cMB dMB c Exercices 3.1.1. Montrer que loprateur e 1 (I + A B ) 2 permute les valeurs des deux bits A et B

des colonnes tant 00, 01, 10, 11 e a b b a b b c d d c d d

1 (I + A B ) |iA jB = |jA iB 2 La notation A B dsigne a la fois un produit scalaire et un produit tensoriel. Montrer galement que e ` e loprateur cNOT, reprsent par la matrice 4 4 e e e 1 0 0 0 0 1 0 0 I 0 cNOT = = 0 0 0 1 0 x 0 0 1 0 nest pas un produit tensoriel. Montrer que laction de cNOT sur le vecteur produit tensoriel 1 |0 + |1 2 donne un tat intriqu. e e Un tat de deux qu-bits qui nest pas de la forme |A B est appel tat intriqu (entangled state). e ee e La proprit fondamentale est la suivante : si | est un tat intriqu, alors le qu-bit A ne peut pas tre ee e e e dans un tat quantique dni |A . e e |0

Montrons le dabord sur un exemple, celui de ltat | (3.4). Soit M une proprit physique du qu-bit A, e ee et calculons sa valeur moyenne |M M

= |M

= =

1 0A 1B | 1A 0B | |(M 0A ) 1B |(M 1A ) 0B 2 1 0A |M 0A + 1A |M 1A 2

(3.5)

3.2. OPERATEUR DENSITE ET ENTROPIES o` on a utilis u e 0B |0B = 1B |1B = 1 Il nexiste pas dtat e |A = |0A + |1A tel que |M = A |M A En eet on aurait alors 0B |1B = 1B |0B = 0

29

A |M A = ||2 0A |M 0A + ( 0A |M 1A + c.c.) + ||2 1A |M 0A Pour reproduire (3.5), une condition ncessaire serait que || = || = 1/ 2, et les termes en ne e seraient pas nuls. Le rsultat (3.5) a une interprtation physique simple : ltat du qu-bit A est un e e e mlange incohrent de 50% de ltat |0A et de 50% de ltat |1A , et non une superposition linaire. En e e e e e rsum, on ne peut pas en gnral dcrire une partie dun syst`me quantique par un vecteur dtat. e e e e e e e Un exemple de superposition incohrente est fourni par la lumi`re naturelle, non polarise : cest un e e e mlange incohrent de 50% de lumi`re polarise suivant Ox et de 50% de lumi`re polarise suivant Oy e e e e e e alors quune lumi`re polarise a 45o est une superposition cohrente de 50% de lumi`re polarise suivant e e ` e e e Ox et de 50% de lumi`re polarise suivant Oy e e 1 | = /4 = |x + |y 2 de mme quune lumi`re polarise circulairement a droite e e e ` 1 |D = |x + i|y 2

3.2

Oprateur densit et entropies e e

Je vais gnraliser ces rsultats a un syst`me quantique form de deux sous-syst`mes quelconques, e e e ` e e e en appelant |iA (|iB ) une base orthonorme du sous-syst`me A (B). An dallger les notations, il sera e e e commode de faire les substitutions iA i et iB . Ltat le plus gnral est alors e e e | =i,

i |i

(3.6)

Soit M une proprit physique du sous-syst`me A ee e |M = Calculons la valeur moyenne de M |M =j, i,

i,

i |M i

i j |M i j i j|M i = j ij j|M i =i,j i,j

=i,j

ij Mji = Tr (M )

(3.7)

Pour obtenir (3.7) on a utilis e j |M i = j|M i et on a dni un objet qui joue un rle crucial, la matrice (ou plus correctement loprateur) densit e o e e du sous-syst`me A e ij = i (3.8) j

30

CHAPITRE 3. CORRELATIONS QUANTIQUES

Loprateur densit du sous-syt`me A est aussi appel oprateur densit rduit et est souvent not A . e e e e e e e e Le sous-syst`me A nest pas en gnral dcrit par un vecteur dtat, mais par un oprateur densit. Cet e e e e e e e oprateur densit est hermitique ( = ), il est positif ( 0) et de trace gale a un : Tr = 1 e e e ` Tr =i

ii =i

|i |2 = ||||2 = 1

Un tat physique tel que ceux examins dans le chapitre 1 sont appels des cas purs. Il est facile de e e e vrier que loprateur densit dun cas pur obit a 2 = et inversement tout oprateur densit tel que e e e e ` e e 2 = dcrit un cas pur. Mais la description la plus gnrale dun syst`me quantique se fait au moyen e e e e de loprateur densit. e e Comme est hermitique, il peut tre diagonalis et il scrit dans une base orthonorme |i comme e e e e =i

pi |i i|

En raison de la positivit de , pi 0 et la condition Tr = 1 donne i pi = 1, ce qui fait que les pi e peuvent tre interprts comme des probabilits. On peut dire que reprsente un mlange statistique e ee e e e dtats |i , chaque tat |i ayant une probabilit pi . Ceci nous am`ne a dnir une gnralisation de e e e e ` e e e lentropie de Shannon, lentropie de von Neumann HvN = pi log pi = Tr log (3.9)

i

o` log est un logarithme de base 2. On note que lentropie dun cas pur est nulle, car tous les p i sont u nuls a lexception dun seul qui vaut un. Il est important de noter que peut tre interprt de plusieurs ` e ee faons si lon admet de choisir des tats | de norme un mais non orthogonaux ( | = ), et qui par c e consquent ne peuvent pas tre parfaitement distingus2 e e e =

p | |

p = 1

Il y a en gnral une innit de mlanges statistiques dirents qui donnent le mme oprateur densit, e e e e e e e e et on montre que p log p Tr log

Lentropie HvN quantie linformation incompressible contenue dans la source dcrite par loprateur e e densit . La dirence entre lentropie de Shannon et celle de von Neumann est particuli`rement vidente e e e e sur un tat compos AB reprsent par un oprateur densit AB . On construit a partir de AB les e e e e e e ` oprateurs densit de A, A , et de B, B , en prenant la trace de AB par rapport aux espaces HB et HA e e respectivement A = TrB AB B = TrA AB ou sous forme matricielle A,ij =

[AB ]i,j

B, =i

[AB ]i,i

Les oprateurs A et B sont les oprateurs densit rduits de A et B. On montre alors les ingalits e e e e e e |HvN (A ) HvN (B )| HvN (AB ) HvN (A ) + HvN (B ) Lentropie de Shannon dune distribution de probabilit jointe HSh (pAB ) vrie quant a elle e e ` Max HSh (pA ), HSh (pB ) HSh (pAB ) HSh (pA ) + HSh (pB )2 On

peut par exemple former un mlange de 70% de photons linairement polariss |x et de 30% de photons |/4 . e e e

3.2. OPERATEUR DENSITE ET ENTROPIES o` u pA (xA ) =xB

31

pAB (xA , xB )

pB (xB ) =xA

pAB (xA , xB )

Lingalit de droite est la mme pour les deux entropies, mais celle de gauche (ingalit de Araki-Lieb) e e e e e est dirente. Par exemple si AB est loprateur densit dcrivant ltat pur de deux qu-bits (3.4), e e e e e HvN (AB ) = 0, alors que HvN (A ) = HvN (B ) = 1 Lentropie de von Neumann donne la cl pour la gnralisation quantique des deux thor`mes de Shannon e e e e e sur la compression des donnes et la capacit maximale de transmission dun canal bruit. e e e Limportance de la notion doprateur densit est conrme par le thor`me de Gleason, qui dit en gros e e e e e que la description la plus gnrale dun syst`me quantique est donne par un oprateur densit. e e e e e e Thor`me de Gleason. Soit un ensemble de projecteurs Pi agissant sur lespace de Hilbert des tats e e e H et soit un test associ a chaque Pi dont la probabilit de russite est p(Pi ) qui vrie e` e e e 0 p(Pi ) 1 ainsi que p(Pi Pj ) = p(Pi ) + p(Pj ) si Pi Pj = (ou Pi Pj = ij Pi ) Alors, si la dimension de H 3, il existe un oprateur hermitique, positif et de de trace unit tel que e e p(Pi ) = Tr (Pi ) Il est vident que lapplication dune transformation unitaire a un produit tensoriel de deux qu-bits e ` redonne un produit tensoriel : si | est un produit tensoriel de la forme |A B et si lon applique sur | une transformation unitaire qui est un produit tensoriel de transformations agissant sur A et B, UA UB , ceci correspond simplement a un changement de base orthonorme dans les espaces H A et HB ` e et on ne peut pas fabriquer dtat intriqu. Pour fabriquer un tat intriqu, il faut faire interagir les deux e e e e qu-bits. Le thor`me de purication de Schmidt permet de gnraliser ces rsultats. e e e e e Thor`me de purication de Schmidt. Tout tat | de HA HB peut scrire sous la forme e e e e | = avec Les tats |iA et |iB dpendent bien videmment de | . Cette expression donne immdiatement3 les e e e e oprateurs densit rduits A et B e e e A =i

p(I) = 1

i

pi |iA iB

(3.10)

iA |jA = iB |jB = ij

pi |iA iA |

B =i

pi |iB iB |

(3.11)

Le nombre des pi dirents de zro est le nombre de Schmidt. Si lon applique sur un tat | quelconque e e e une transformation unitaire qui est un produit tensoriel de transformations agissant sur A et B, U A UB , on ne peut pas changer le nombre de Schmidt en manipulant sparment les qu-bits A et B. On retrouve e e le rsultat nonc ci-dessus pour un produit tensoriel en remarquant que le nombre de Schmidt dun e e e produit tensoriel est un.3 Soit

|i une base orthonorme de H et M loprateur | |. Alors e e Tr M =i

i| |i =i

|i i| = |

car

i

|i i| = I. De plus

AB = | | =

i,j

|iA iB jA jB |

32

CHAPITRE 3. CORRELATIONS QUANTIQUES

Annexe 3.3.1. Exemple de construction dun tat intriqu. Prenons lexemple de deux spins 1/2. e e Une interaction possible4 entre ces deux spins est H = 1 2 2 Utilisons le rsultat de lexercice 3.1.1 e 1 (I + 1 2 )|ij = |ji 2 pour montrer que 1 (1 2 ) |10 + |01 2 1 (1 2 ) |10 |01 2 = (1 2 )|+ = |+ = (1 2 )| = 3|

Les vecteurs |+ et | sont vecteurs propres de 1 2 avec les valeurs propres respectives +1 et 35 . Partons au temps t = 0 dun tat non intriqu |(0) = |10 . Pour obtenir son volution temporelle, il e e e sut de dcomposer cet tat sur |+ et | e e 1 |(0) = |+ + | 2 Ecrire lvolution temporelle est alors immdiat e e eiHt |(0)

=

1 eit/2 |+ + e3it/2 |+ 2 1 it/2 it = e e |+ + eit |+ 2 = eit/2 cos t |10 i sin t |01 1 | = |10 i|01 2

Il sut de choisir t = /2 pour obtenir ltat intriqu | e e

La dicult vient de ce que H est en gnral une interaction interne au syst`me, qui, contrairement aux e e e e interactions de type externe utilises pour les qu-bits individuels, ne peut pas tre branche et dbranche e e e e e facilement pour ajuster t. Si linteraction est a courte distance, il est possible de rapprocher puis dloigner ` e les deux qu-bits. On peut aussi appliquer aux deux qu-bits des interactions externes direntes, ce qui e est la technique utilise dans le cas de la RMN, o` linteraction interne est plus simple, en 1z 2z ; il est e u commode de se servir de lidentit e cNOT = H(cz )H Il est aussi possible dobtenir un tat intriqu de deux objets en faisant intervenir un troisi`me objet auxie e e liaire, par exemple intriquer deux atomes en les faisant interagir avec un photon dune cavit rsonante. e e

3.3

Thor`me de non clonage quantique e e

La condition indispensable pour que la mthode de cryptographie quantique dcrite au 1.6 soit e e ` parfaitement sre est que lespionne Eve ne puisse pas reproduire (cloner) ltat de la particule envoye u e e par Bob a Alice tout en conservant pour elle le rsultat de sa mesure, ce qui rendrait linterception du ` e message indtectable. Que ceci ne soit pas possible est garanti par le thor`me de non clonage quantique. e e e4 Une origine possible de cette interaction pourrait tre linteraction entre les deux moments magntiques associs aux e e e spins, mais en gnral il sagira plutt dune interaction dchange, due au principe dexclusion de Pauli. e e o e 5 Le lecteur physicien reonna tra dans ces deux tats un tat triplet (| + ) et un tat singulet (| ). e e e

3.4. INEGALITES DE BELL

33

Pour montrer ce thor`me, supposons que lon souhaite dupliquer un tat quantique inconnu | 1 . Le e e e syst`me sur lequel on veut imprimer la copie est not | : cest lquivalent de la feuille blanche. Par e e e exemple si lon veut cloner un tat de spin 1/2 |1 , | est aussi un tat de spin 1/2. Lvolution du e e e vecteur dtat dans le processus de clonage doit tre de la forme e e |1 |1 1 Cette volution est rgie par un oprateur unitaire U quil nest pas ncessaire de prciser e e e e e |U (1 ) = |1 1 (3.13) (3.12)

U doit tre universel (car lopration de photocopie ne peut pas dpendre de ltat a photocopier) et e e e e ` donc indpendant de |1 , qui est inconnu par hypoth`se. Bien sr si |1 tait connu, il ny aurait pas e e u e de probl`me car la procdure de prparation serait connue. Si lon veut cloner un second original | 2 on e e e doit avoir |U (2 ) = |2 2 Evaluons maintenant le produit scalaire X = 1 |U U (2 ) de deux faons direntes c e (1) X = 1 |2 = 1 |2 (2) X = 1 1 |2 2 = ( 1 |2 )2 (3.14)

Il en rsulte que soit |1 |2 , soit 1 |2 = 0. On peut cloner un tat |1 ou un tat orthogonal, e e e mais pas une superposition linaire des deux. Cette preuve du thor`me de non clonage explique pourquoi e e e on ne peut pas se restreindre en cryptographie quantique a une base dtats de polarisation orthogonaux ` e {|x , |y } pour les photons. Cest lutilisation de superpositions linaires des tats de polarisation |x et e e |y qui permet de dtecter la prsence ventuelle dun espion. Le thor`me de non clonage interdit a Eve e e e e e ` ` de cloner le photon envoy par Alice a Bob dont la polarisation lui est inconnue ; si elle tait capable e ` e deectuer ce clonage, elle pourrait alors reproduire le photon a un grand nombre dexemplaires et elle ` mesurerait sans probl`me sa polarisation. e

3.4

Ingalits de Bell e e

La peuve du caract`re non classique des corrlations dun tat intriqu est donne par les ingalits e e e e e e e de Bell, que je vais expliquer sur un exemple. Supposons que nous ayons fabriqu des paires de photons A e et B partant en sens inverse et dont les polarisations sont intriques (gure 3.1) e 1 | = |xA xB + |yA yB 2 (3.15)

Alice et Bob mesurent la polarisation dune mme paire de photons, car les paires de photons sont spares e e e par un intervalle de temps susant pour quil ny ait pas recouvrement. Alice mesure la polarisation du photon A et Bob celle du photon B, et ils constatent que les polarisations sont corrles : si Alice et Bob ee orientent tous deux leurs analyseurs soit suivant laxe Ox, soit suivant Oy, ils constatent que les deux photons soit franchissent tous deux leur analyseur, soit sont tous deux arrts ; si Alice et Bob ont leurs ee polariseurs croiss, un seul des deux photons peut passer. Mathmatiquement, ceci rsulte du calcul des e e e amplitudes de probabilit e 1 xA xB | = 2 xA yB | = 0 xA yB | = 0 1 yA yB | = 2

An de donner une forme commode a ce rsultat, on convient de dcrire la corrlation des polarisations ` e e e de la faon suivante (Ax et Bx ne sont pas autre chose que loprateur M = Px Py introduit dans la c e section 1.5)

34

CHAPITRE 3. CORRELATIONS QUANTIQUES

ya x O Alice 1 2 b

yx

Bob

Fig. 3.1 Conguration dune exprience de type EPR. e

Ax Ax

= +1 si pol. A = 1 si pol. A Alice Bob

Ox Oy

Bx = +1 si pol. B Bx = 1 si pol. B

Ox Oy

Dans ces conditions Alice et Bob observent par exemple la squence de rsultats suivants e e Ax = + + + + + Bx = + + + + + A x Bx = 1 (3.16)

do` la valeur moyenne du produit Ax Bx u ` A la rexion ce rsultat, pour linstant, nest pas trop surprenant. Cest une variante du jeu 6 des deux e e douaniers : deux voyageurs A et B partent en sens inverse depuis lorigine, chacun emportant une valise, et sont contrls ultrieurement par deux douaniers, Alice et Bob. Lune des valises contient une boule oe e rouge, lautre une boule verte, mais les voyageurs ont pris au hasard leur valise ferme et ils ne connaissent e pas la couleur de la boule enferme dans leur valise. Si Alice contrle la valise du voyageur A, elle a 50% e o de chances de trouver une boule verte. Mais si elle trouve eectivement une boule verte, il est clair que Bob, avec une probabilit de 100%, va trouver une boule rouge ! Des corrlations ont t introduites au e e ee dpart entre les valises, qui se retrouvent dans une corrlation des rsultats dAlice et Bob. e e e Cependant, comme lont remarqu pour la premi`re fois Einstein, Podolsky et Rosen (EPR) dans un e e article cl`bre7 sur un exemple dirent, la version expose ici est due a Bohm , la situation devient ee e e ` nettement moins banale si Alice et Bob dcident dutiliser dans une autre srie de mesures des orientations e e et au lieu des orientations Ox et Oy. En eet | est invariant par rotation autour de Oz, car en utilisant (1.19), on montre immdiatement que | scrit aussi e e 1 | = |A B + |A B 2 Si on remplace Ax par Apour la circonstance ! Einstein, B. Podolsky et N. Rosen, Phys. Rev. 47, 777 (1935). On parle parfois du paradoxe EPR, mais il ny a aucun aspect paradoxal dans lanalyse EPR.7 A. 6 Invent e

(3.17)

3.4. INEGALITES DE BELL A = +1 pol. A A = 1 pol. A Alors on a comme en (3.16) B = +1 pol. B B = 1 pol. B

35

A B = 1

(3.18)

Connaissant la polarisation du photon A suivant , on peut prdire avec certitude celle du photon B e (ou ), quel que soit le choix de . On a limpression que Alice et Bob vont pouvoir senvoyer suivant des messages instantanment, mme sils sont distants de plusieurs annes lumi`re, et donc violer la e e e e relativit. Bien sr ce nest quune illusion, car pour pouvoir confronter leurs rsultats et vrier (3.18), e u e e Alice et Bob doivent pouvoir changer des messages par une voie classique et donc a une vitesse infrieure e ` e a celle de la lumi`re. De plus on peut repoduire ces corrlations avec un mod`le classique (gure 3.2), o` ` e e e u les corrlations sont xes a lavance. e e ` a + + + + Alice Paire n An ()Bn ( = 1 a b) + + + + + + + Bob a + + + + b b

Fig. 3.2 Mod`le classique pour les corrlations EPR. Les valises des voyageurs A et B sont maintenant e e des cercles diviss en petits secteurs angulaires dnissant des orientations a, . . . , dans le plan xOy, e e b et qui peuvent tre tiquets + : polarisation suivant cette direction, ou : polarisation orthogonale a e e e ` cette direction. Les deux cercles sont identiques et deux points diamtralement opposs sont tous deux e e tiquets + ou . La gure correspond a Aa = +1, Aa = 1, B = 1 et B = +1. e e ` b b Mais ceci ne sera plus possible si Alice et Bob dcident dutiliser des axes a et dirents ! Nous allons e b e utiliser la gnralisation suivante du cas o` les axes taient parall`les, par exemple : pol. a : A() = +1, e e u e e a : B( = 1 et nous construisons la valeur moyenne E(, mesure sur N expriences, N pol. b b) a b) e e 1 E(, = lim a b) N NN

An ()Bn ( a b)n=1

(3.19)

Construisons maintenant la combinaison Xn avec des orientations ( ou a ) pour a et ( ou ) pour b, a b b An = An (), Bn = Bn ( ) . . ., o` n numrote les paires et Alice et Bob savent parfaitement identier les a b u e photons provenant dune mme paire e Xn = An Bn + An Bn + An Bn An Bn = An (Bn + Bn ) + An (Bn Bn ) avec Xn = 2 ce qui conduit a lingalit de Bell ` e e | X |= 1 N N limN n=1

(3.20)

Xn 2

(3.21)

36

CHAPITRE 3. CORRELATIONS QUANTIQUES

La quantit Xn est contrefactuelle, car elle ne peut pas tre mesure sur une seule paire : on a quatre e e e choix possibles pour lorientation des axes de mesure, mais une seule orientation peut tre choisie pour e une paire dtermine. Le point de vue EPR est que chaque photon transporte avec lui toute linformation e e sur sa propre polarisation et que les quatre combinaisons An Bn An Bn existent pour toute paire n, mme si on peut en mesurer une seule dans une exprience donne. Cependant cela ne veut pas dire e e e ncessairement que le point de vue EPR est erron, car comme le dit tr`s bien Feynman It is not e e e true that we can pursue science completely by using only those concepts which are directly subject to experiment. La falsication du point de vue EPR viendra de lexprience. e Que dit en eet la physique quantique ? Il est facile de calculer E(, Grce a linvariance par rotation, a b). a ` on peut toujours choisir a parall`le a Ox ; crivons | sous la forme e ` e 1 | = |xA cos |B sin |B 2 + |yA sin |B + cos |B

en crivant |xB et |yB en fonction de |B et de |B (voir (1.19)). Il est alors immdiat de calculer les e e produits scalaires xA B | yA B | soit = = 1 cos 2 1 sin 2 1 xA B | = sin 2 1 yA B | = cos 2 (3.22)

1 2 cos2 2 sin2 = cos(2) 2 ou sous une forme manifestement invariante par rotation E(, ) = x E(, = cos(2 a b) a b) Avec le choix dangles de la gure 3.3 on trouve | X |=2 2 y b /8 /8 /8 a Fig. 3.3 Conguration optimale des angles. b a x 2.82

(3.23)

Aucune corrlation de type classique nest capable de reproduire les corrlations quantiques : les corrlations e e e quantiques sont trop fortes pour une explication classique. Mme si les qu-bits A et B sont loigns de e e e plusieurs annes lumi`re, on ne peut pas les considrer comme des entits spares et il nexiste pas e e e e e e dalgorithme probabiliste classique local susceptible de reproduire leurs corrlations. Les qu-bits A et B e forment une entit unique, ils sont non sparables, en un mot ils sont intriqus. e e e

3.5. TELEPORTATION

37

Remarquons aussi limportance du thor`me de non clonage si lon veut viter une propagation dinfore e e mation a une vitesse suprieure a celle de la lumi`re. En eet Alice pourrait choisir dutiliser la base ` e ` e {|x , |y } ou la base {|/4 , |/4 } pour mesurer la polarisation de son photon, en attribuant la valeur 0 (1) du bit a la premi`re (seconde) base. Si Bob tait capable de cloner son photon, il pourrait mesurer ` e e sa polarisation, et en dduire instantanment la base choisie par Alice. e e

3.5

Tlportation ee

La tlportation est une application amusante des tats intriqus, qui pourrrait servir a transfrer ee e e ` e linformation quantique (gure 3.4). Supposons quAlice souhaite transfrer a Bob linformation sur ltat e ` e de spin | 1 dune particule 1 de spin 1/2 tat tlport e ee e information classique Bob Alice |1 tat a e ` tlporter ee paire intrique e |2

|3

Source de particules intriques e Fig. 3.4 Tlportation : Alice eectue une mesure de Bell sur les particules 1 et 2 et informe Bob du ee rsultat par une voie classique. e

|

1

= |+

1

+ |

qui lui est a priori inconnu, sans lui transmettre directement cette particule. Elle ne peut pas faire une mesure du spin, car elle ne conna pas lorientation du spin de la particule 1, et toute mesure projetterait t en gnral | 1 sur un autre tat. Le principe du transfert de linformation consiste a utiliser une paire e e e ` auxiliaire de particules intriques 2 et 3 de spin 1/2 : la particule 2 est utilise par Alice et la particule 3 e e est envoye vers Bob. Ces particules 2 et 3 se trouvent par exemple dans ltat intriqu de spin e e e | 1 = |+ 2 |+ (3.25)

23

23

Alice va mesurer ltat de spin de la paire de particules 1 et 2 en utilisant une base particuli`re, la base e e des tats de Bell : ltat de spin de la paire de particules 1 et 2 (non intriques) peut se dcomposer sur e e e e

1

(3.24)

23

38 cette base forme dtats intriqus e e e |+ | |+ | Ltat de spin des trois particules est e |123 12

CHAPITRE 3. CORRELATIONS QUANTIQUES

12

12

12

1 = 2 1 = 2 1 = 2 1 = 2

|+ |+ |++ |++

12

+|+ |+ +| |

12

12

12

(3.26)12

12

12

12

= |

1

|

23

1 = | + + 2 |++

123

+ | +

123

| + +

123

| +

123

(3.27)

On utilise maintenant12

1 = |+ 2

12

+ |

12

et trois relations analogues pour rcrire e |123

=

1 |+ 212

12

|+3

3

+ |3

3

+ |12

12

|+3

3

+ |3

3

(3.28)

+ |+

|+

+ |

|

|+

+ |

La mesure par Alice de ltat de spin de la paire de particules 1 et 2 projette cet tat sur lun des quatre e e tats de base (3.28), ce qui projette ltat de la particule 3 sur ltat correspondant dans (3.26). Par e e e exemple si la mesure projette sur | 12 , ltat de spin de la particule 3 est | 3 = |+ 3 + | 3 . Alice e transmet alors a Bob par une voie classique le rsultat de sa mesure, et Bob sait que la particule 3 lui ` e arrive prcisment dans ltat inconnu de dpart (3.24), mais qui reste tout aussi inconnu ! Ltat de la e e e e e particule 1 a t tlport, mais il ny a jamais eu de mesure de cet tat. Si le rsultat de la mesure e e ee e e e dAlice nest pas | 12 , Bob en sait assez pour faire la correction et appliquer un champ magntique e convenable pour rorienter son spin dans ltat (3.24). e e Il est utile dajouter les remarques nales ` A aucun moment les coecients et ne sont mesurs, et ltat | 1 est dtruit au cours de la e e e mesure faite par Alice. Il ny a donc pas de contradiction avec le thor`me de non clonage. e e Bob ne conna ltat de la particule 3 que lorsquil a reu le rsultat de la mesure dAlice. La t e c e transmission de cette information doit se faire par une voie classique, a une vitesse au plus gale a ` e ` celle de la lumi`re. Il ny a donc pas transmission instantane de linformation a distance. e e ` Il ny a jamais transport de mati`re dans la tlportation. e ee

Chapitre 4

Introduction au calcul quantiqueLe schma dun calcul sur un ordinateur quantique est dessin sur la gure 4.1 : n qu-bits sont e e prpars dans ltat |0 au temps t = t0 . Cest la phase de prparation du syst`me quantique, et le vecteur e e e e e dtat initial appartient a un espace de Hilbert a 2n dimensions, Hn . Ces qu-bits subissent ensuite une e ` ` volution purement quantique dcrite par un oprateur unitaire U (t, t0 ) agissant dans Hn . La dicult e e e e exprimentale consiste dailleurs a viter toute interaction avec lenvironnement, car le phnom`ne de e ` e e e dcohrence rendrait lvolution non unitaire. En eet, dans le cas dune interaction avec lenvironnement, e e e lvolution unitaire se fait dans un espace de Hilbert plus grand que H n , car il faut non seulement tenir e compte des degrs de libert des qu-bits, mais aussi de ceux de lenvironnement. Une fois lvolution e e e quantique acheve, une mesure est eectue au temps t sur les qu-bits an dobtenir le rsultat du e e e calcul. Un point important est que lon ne peut pas observer ltat du calcul entre t0 et t, car toute e mesure modierait lvolution unitaire. Un autre point essentiel est que lvolution unitaire est rversible 1 ; e e e connaissant le vecteur dtat au temps t, on peut remonter a celui au temps t0 par U 1 (t, t0 ) = U (t0 , t). e `

U (t, t0 )

t0

t

Fig. 4.1 Schma de principe dun calcul quantique : n qu-bits sont prpars dans ltat |0 . Ils subissent e e e e une volution unitaire dans lespace Hn de linstant t = t0 a linstant t, dcrite par un oprateur unitaire e ` e e U (t, t0 ) agissant dans Hn . Une mesure des qu-bits est eectue au temps t. e

4.1

Calcul rversible e

La plupart des portes logiques usuelles sont irrversibles, car elles correspondent a un passage (2 e ` bits 1 bit), et ltat nal dun bit ne permet pas de remonter a ltat initial de deux bits. Par exemple e ` e la porte NAND x y = 1 xy1 Note pour les physiciens : il ne faut surtout pas confondre volution rversible et invariance par rapport au renversement e e du sens du temps, le renversement du temps tant reprsent dans H par une opration antiunitaire. e e e e

39

40

CHAPITRE 4. INTRODUCTION AU CALCUL QUANTIQUE

o` est laddition modulo 2 donne la correspondance u (00) 1 (01) 1 (10) 1 (11) 0 On sait que la porte NAND et lopration COPY susent a construire tous les circuits logiques. Une e ` question intressante est de savoir si toutes les oprations logiques habituelles pourraient tre conduites e e e de faon rversible. c e La question a dabord eu un intrt thorique, mis en avant principalement par Landauer et Bennett, qui e e e se sont demand sil tait possible de calculer sans dissipation dnergie. En eet, en dpit de son caract`re e e e e e abstrait, linformation est ncessairement porte par un support physique2 . Comme bonus de cette tude, e e e Bennett a pu donner une solution enn satisfaisante (apr`s plus dun si`cle !) du paradoxe du dmon de e e e Maxwell (voir lannexe 4.1.1). Un calcul o` entrent des oprations irrversibles dissipe obligatoirement u e e de lnergie, car eacer un bit cote au minimum une entropie thermodynamique kB ln 2, o` kB est la e u u constante de Boltzmann (kB = 1.38 1023 J/K), et donc une dissipation dnergie dans lenvironnement e de E = kB T ln 2, o` T est la temprature absolue de lordinateur. Le probl`me est pour le moment u e e acadmique, car sur un PC actuel on a dj` E 500kB T par bit eac, simplement en raison de la e ea e consommation lectrique, et on nen est donc pas a kB T pr`s. Mais il est possible que la question devienne e ` e intressante un jour dun point de vue pratique. e Le principal intrt du calcul rversible est la transposition au calcul quantique des algorithmes classiques. e e e Une transposition directe est impossible, car le calcul quantique est rversible, et il est au pralable e e ncessaire de remplacer lopration NAND par une opration rversible et de trouver lquivalent de e e e e e lopration COPY sans entrer en conit avec le thor`me de non clonage. La solution fait intervenir deux e e e portes logiques, la porte cNOT et la porte de Tooli (gure 4.2). Si les bits dentre sont (x, y), la porte e cNOT a leet suivant x x x x

y

xy

y

y

z (a) (b)

z xy

Fig. 4.2 Portes cNOT (a) et de Tooli (b). Les points noirs reprsentent les bits de contrle et le cercles e o les bits cible. cNOT : (x, y) (x, x y) (4.1)

La porte cNOT copie le bit x si y = 0 et donne x si y = 1. Elle est rversible car il y a correspondance e biunivoque entre tat initial et tat nal : lopration cNOT est une simple permutation des vecteurs de e e e base (voir (4.3). Il est facile de montrer quavec les portes a un bit ` x 1 x ou x x et la porte cNOT on ne peut construire que des fonctions linaires. Il faut donc ajouter une porte e supplmentaire, la porte de Tooli, qui est une porte a trois bits dentre et de sortie e ` e Tooli : (x, y, z) (x, y, z xy) (4.2)

2 Information is physical, disait Landauer, qui en dduisait (` mon sens abusivement), que les mathmatiques et e a e linformatique taient des branches de la physique ! e

4.2. PORTES LOGIQUES QUANTIQUES

41

Si z = 1, la porte de Tooli eectue lopration NAND. Le bit x dans la porte cNOT et les bits (x, y) e dans la porte de Tooli sont appels bits de contrle et le dernier bit le bit cible. Avec la porte de Tool