histoire de l'afrique de nord gsel

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Gsell, Stéphane (1864-1932). Stéphane Gsell, membre de l'Institut, professeur au Collège de France. Histoire ancienne de l'Afrique du Nord. T. 1. Les Conditions du développement historique. Les Temps primitifs. La Colonisation phénicienne et l'empire .... 1927. (5 juillet.) In-8, 544 p. 1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de la BnF.Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 : *La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source. *La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits élaborés ou de fourniture de service. Cliquer ici pour accéder aux tarifs et à la licence 2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques. 3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation particulier. Il s'agit : *des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés, sauf dans le cadre de la copie privée, sans l'autorisation préalable du titulaire des droits. *des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothèque municipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisation. 4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle. 5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue dans un autre pays, il appartient à chaque utilisateur de vérifier la conformité de son projet avec le droit de ce pays. 6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de non respect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978. 7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition, contacter [email protected].

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Gsell, Stéphane (1864-1932). Stéphane Gsell, membre de l'Institut, professeur au Collège de France. Histoire ancienne de l'Afrique du Nord. T. 1. Les Conditions du développement historique. Les Temps primitifs. La Colonisation phénicienne et l'empire .... 1927. (5 juillet.) In-8, 544 p.1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de la BnF.Leur réutilisation s'inscrit dans le

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Gsell, Stphane (1864-1932). Stphane Gsell, membre de l'Institut, professeur au Collge de France. Histoire ancienne de l'Afrique du Nord. T. 1. Les Conditions du dveloppement historique. Les Temps primitifs. La Colonisation phnicienne et l'empire .... 1927. (5 juillet.) In-8, 544 p.

1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numriques d'oeuvres tombes dans le domaine public provenant des collections de la BnF.Leur rutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n78-753 du 17 juillet 1978 : *La rutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la lgislation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source. *La rutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par rutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits labors ou de fourniture de service. Cliquer ici pour accder aux tarifs et la licence

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HISTOIRE

ANCIENNE DR

L'AFRIQUE

DU

NORD

TOME

I

LES CONDITIONSDU DVELOPPEMENTHISTORIQUE LES TEMPS PRIMITIFS LA COLONISATION PHNICIENNEET L'EMPIRE DE CARTHAQE

QUATRIME lIVI OX REVUE

LIBRAIRIE HACHETTE .'AR1S 79BOULEVARD SAINT-GERMAIN,

HISTOIRE

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L'AFRIQUE

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HISTOIRE ANCIENNE DE L'AFRIQUE DU NORD V.ux M. STPHANE GSELL VOLUMES VENTE: EX I. Les Conditionsdu dveloppement historique. Les Tempsprimitifs. La Colonisationhniciennet l'Empirede Carlhage. e p II. L't'tlcarthaginois. III. Histoire militairede* Carthaginois. Ces volumes oui obtenu le Grand Prix Hrot|uetle-Gonin, l'AcadmieFranaise(1919). IV. La Civilisation carthaginoise. V. l-e*Hoyaumes indignes. rganisationoeiale, olitiqueet conomique. O s p VI. L'S Hoyaumes e indignes.Vwmatrielle,intellectuelle t morale. : EN PRPARATION romaine lesroisindignes. et Vil, La Rpublique VIII. JulesCsaret l'Afrique.Findesroyaumes indignes.

5-7. 8*33. Coalommlers I'AVL BKODARD. Imp.

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L'AFRIQUE

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TOME

I

LES CONDITIONSDU DVELOPPEMENTHISTORIQUE LES TEMPS PRIMITIFS LA COLONISATION PHNICIENNE ET L'EMPIRE DE CARTHAQE

QUATRIME DITION REVUE

LIBRAIRIE HACHEtTE PARIS 79*BOULEVARD SAINT-GERMAIN,

dereprodattUa Toi roiu tradactlM, d 4* tittnft tt d'adaptaiioa pwaIM paji. iM. Uaektltt, Ctnttfkty LitrairU

HISTOIRE

ANCIENNE DE DU

L'AFRIQUE

NORD

LIVRE LES CONDITIONS

PREMIER DU DVELOPPEMENT

HISTORIQUE

CHAPITRE

PREMIER

LES RGIONS NATURELLES DE L'AFRIQUE DU NORD I La contre dont nous nous proposons d'tudier l'histoire ancienne, jusqu' la conqute arabe, s'tend, au Nord, entre lo dtroit de Gibraltar et l'extrmit Nord-Est de la Tunisie; au Sud, entre l'Anti-Atlas et le golfe de Gabs. Nous adoptons pour la dsigner le terme conventionnel d'Afrique du Nord; on l'a aussi nomme Berbrie, Afrique Mineure. Nous y joindrons, comme une sorte d'annex, le littoral du fond des Syrtes: dans l'antiquit, cetlo lisire du Sahara a t rattache l'tat carthaginois, puis l'Afrique romaine. Vaste quadrilatre, baign par la mer l'Ouest, au Nord et l'Est, bord par le dsert au Midi, l'Afrique du Nord est isole

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LES CONDITIONS DUDEVELOPPEMENT HISTORIQUE.

comme une lie : les Arabes ont pu l'appeler l'Ile de l'Occident 1. Mais cet isolement fait seul son unit. Elle est compose d'un grand nombre de rgions disparates*.

II Celle qu'on nomme le Rif, et qui est encore fort mal connue, s'tend au Nord du Maroc actuel, opposant la Mditerrane un front escarp. A l'intrieur, se succdent, des intervalles rapprochs, des plis parallles au rivage; dans la partie NordOuest du pays, ils se recourbent vers le Nord, constituant avec les montagnes de l'Espagne mridionale un grand hmicycle, que le foss de Gibraltar a coup brusquement et qui marque la bordure d'un massif ancien, effondr dans la Mditerrane. La disposition du relief empche la formation de rivires importantes. Mais, grce au voisinage de la mer et l'existence de montagnes leves, les pluies sont abondantes; les valles, courtes et troites, qui sillonnent cette rgion tourmente et d'accs malais, se prtent l'arboriculture, l'levage et, par endroits, la culture des crales ; elles peuvent nourrir une forte population, capable de dfendre son indpendance. A l'Est du Rif, dbouche la Moulouia, qui, du moins dans son c i. Djezirat l Maghrib. de d 2. Il n'a pastcritd'ouvrage gnralsur la gographie l'Afriqueu Nord l vnhertelte,omeXI, 1880). Pourle G depuisEliseReclus(Homlie ographie traduction ernard B Th. Maroc, voirsurloutSchnell,LV(tlasmarocain, (1898); Fischer. A Mittelmeer-BUdcr, 358et suiv.; L. Gentil,le Maroc hysique i, p. p (1012); . Ber nard, le Maroc(1012), . 11-31. Pour l'Algrie,Bernardet Ficheur,Les p dansles Annales Gographie, 1002, 221de XI, p. Rgionsnaturellesde l'Algrie, La 410437. la Tunisie,Pervinquire, Tunisiecentrale,dans Pour 240,330-365, de le de tesAnnales Gographie, 1000, . 431-453; mme,tude IX, p gologique t>t d Tunisieentrale1003): mme,Le Sud tunisien,dans la Revue e Gographie, c le ( E de P 1000, 111, p. 395470; h. Thomas, ssaid'unedescription gologique la Tunisie, sur Premire (1007). Pourla Tripoliphysique partie,Aperu la gographie de dansles Nouvelles Archives missions, des XII,1004, laine,Mhier Mathuisieulx, de de du e p. 48-59, t dans lesPublications ^Association historique f'Afrique Nord, V. 1906, . 47-81. p

NATURELLES L'AFRIQUE NORD. DE LES RGIONS DU

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cours infrieur, a marqu pendant des sicles une limite entre des royaumes indignes, puis des provinces romaines. Au Sud, une longue dpression 1, oriente de l'Est l'Ouest, tablit une communication facile entre l'Algrie et la cte de l'Atlantique. En suivant un affluent de gauche de la Moulouia, on arrive par Taza un affluent de droite de l'oued Sebou, fleuve qui se jette dans l'Ocan. Ce fut probablement par cette voie naturelle que passa la frontire militaire des Romains dans la Maurtanie Tingitane. Le reste du Maroc a pour pine dorsale le Haut-Atlas. Cette chane commence au-dessus de l'Ocan, au cap Ghir, et, se dirigeant du Sud-Ouest au Nord-Est, forme une norme muraille compacte, dont les sommets atteignent 4500 mtres et o les cols sont levs et difficiles. Ce n'est qu'au Sud de la haute valle de la Moulouia qu'elle s'abaisse et se morcelle, ouvrant des passages qui permettent d'atteindre sans peine les oasis sahariennes de l'oued Ziz et de l'oued Guir. Sur une grande partie de son parcours, le Haut-Atlas est flanqu, au Nord-Est, par les plissements parallles du MoyenAtlas, au Sud-Ouest, parla chane deTAnti-Atlas, rattache au Haut-Atlas par l'norme volcan teint du Siroua. Au Nord et au Nord-Ouest du Haut et du Moyen-Atlas, s'tend, partir du littoral, une rgion d'architecture tabulaire, que l'on a propos d'appeler toit le plateau subatlantique, soit la mesela marocaine (parce qu'elle offre la mme structure que la mesela ibrique, plateau central espagnol). Une longue falaise la divise en deux terrasses superposes, la premire d'une altitude moyenne de 150 mtres, la seconde de 500 mtres, coupes par les lits profonds de quelques rivires qui se dirigent vers l'Ocan, en s'cartant comme les branches d'un ventail. troites au Sud-Ouest, ces terrasses s'largissent ensuite; I. Quifutun dtroita l'poquemiocne, commel'a montrM.GentiL

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LES CONDITIONS DUDVELOPPEMENT HISTORIQUE.

elles disparaissent au Nord pour faire place la plaine d'alluvions de l'oued Sebou, entoure d'un pays de collines et de mamelons. Le long des ctes et sur une profondeur moyenne de 70 kilomtres, cette rgion est en gnral suffisamment arrose par des pluies qu'amnent les vents d'Ouest. Il y a l d'excellentes terres, surtout les sols noirs auxquels on a donn le nom indigne de tirs et dont l'origine est encore trs discute. Celte partie du Maroc, dpourvue d'arbres, est, sur de vastes espaces, trs propice la culture des crales; elle offre aussi de riches pturages au gros btail, chevaux et boeufs. Mais les sources y sont trs rares et l'on doit s'y procurer l'eau potable en creusant des puits profonds, ou en tablissant des rservoirs. En arrire, s'allonge une zone de steppes, dont la strilit a pour cause la raret des pluies, bien plus que la nature du sol. L'irrigation y est difficile cause de la hauteur des berges des fleuves. On y l/e des troupeaux qui, pendant l't, doivent transhumer. Enfin, une altitude moyenne de 600 mtres, au pied mme des montagnes, qui attirent les pluies et dont les neiges gardent des rserves d'eau jusque vers la fin du printemps, de nombreuses sources peuvent servir des irrigations et faire prosprer de magnifiques vergers. Des ceintures de jardins entourent les villes et les villages qui ont pris naissance dans cette rgion leve, au climat tempr et salubre. Le Haut et le Moyen-Atlas forment des crans qui arrtent les nuages chargs d'humidit. Au del de ces montagnes, la vie n'est possible que le long des rivires qui en sortent et dont l'eau sert arroser des cultures. Du ct de l'Atlantique, entre le Haut-Atlas et l'Anti-Atlas, l'oued Sous parcourt, sur environ 200 kilomtres, une plaine troite, trs encaisse. C'est un dsert en dehors de la bande

NATURELLES L'AFRIQUE NORD. DE DU LES RGIONS

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de jardins qui accompagne la rivire, entirement utilise pour les irrigations. L'oued Ziz, l'oued Guir et d'autres cours d'eau qui les rejoignent naissent sur le versant mridional du massif atlantique et vont alimenter, en plein Sahara, des chapelets d'oasis, dont les plus belles sont celles du Tafilelt. Plus l'Ouest, l'oued Draa, d'abord peu prs parallle ces rivires, tourne ensuite brusquement vers le couchant et son sillon so prolonge jusqu' l'Ocan, travers le dsert. Des oasis bordent les rivires qui le forment et celles qui, sortant de l'Anti-Atlas, cherchent le rejoindre. Au del mme du coude qu'il dcrit, l'oued Draa gurde quelque humidit souterraine, et de maigres cultures sont possibles dans son large lit.

III L'Algrie comprend dans toute sa longueur une zone centrale de grandes plaines, situes une altitude leve, et, au Midi et au Nord, deux zones fort accidentes. Au Sud, c'est la srie de montagnes, orientes du Sud-Ouest au Nord-Est, qui constituent l'Atlas saharien. Au Nord, s'tend, sur une largeur moyenne de cent kilomtres, le Tell, dont le nom se rattache un mot arabe signifiant colline, plutt qu'au mot latin leltus, terre cultivable. Le Tell est hriss de chanes confuses de diffrents ges, diriges le plus souvent du Sud-Ouest au Nord-Est dans la partie occidentale de cette contre, de l'Ouest l'Est dans la partie orientale, jusque vers Bne, o une sparation assez nette est marque par la plaine basse de la Seybouse. Il est fort difficile de dbrouiller le chaos des montagnes du Tell 1. I. Le Tell n'a pas d'unitorognique. C'estun habitd'Arlequin : Gautier, Anna.es Gographie, de XX,1911. 366. p.

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LES CONDITIONS DUDVELOPPEMENT HISTORIQUB. MM. Bernard et Ficheurl'ont tent dans un mmoire 1que nous avons beaucoup mis contribution pour tracer celte rapide esquisse de l'Algrie. Le littoral est bord par les dbris, pars et l, d'un massif ancien, fait de gneiss et de schistes, contre lequel s'est dresse au Sud une chane calcaire. Le massif, qui couvrait une partie de l'espace occup aujourd'hui par la Mditerrane, a t presque entirement englouti. Le golfe de Bougie est une fosse creusto par cet effondrement, qui eut lieu l'poque pliocne et fut accompagn de phnomnes volcaniques sur les bords do la fracture*. ' Entre les restes de ce massif, dans le voisinage immdiat de la mer, s'insrent quelques plaines basses, trs tendues, mais dont les anciens n'ont pas pu tirer grand parti. Celle qui s'allonge au Sud-Ouest et au Sud d'Oran, et qu'encombre une cuvette sans coulement, est rendue strile par la salure des terres; ce sel, arrach des gisements situs sur le rebord de la plaine, est charri par les eaux et vient s'amasser dans Je lac. Plus l'Est, deux rivires importantes, le Sig et l'Habra, se runissent et forment, dans la' plaine de la Macta, des marcages que les alluvions comblent peu peu. Dans l'antiquit, le sol humide devait tre presque partout impropre la culture. On ne trouve gure de ruines que sur la lisire mridionale do ces deux plaines, le long d'une voie qui parait avoir marqu, pendant plus d'un sicle et demi, la frontire militaire de l'Empire romain. Sn arrire d'Alger, la Milidja, que la colonisation franaise a rendue si prospre, fut jadis un golfe, puis un lac, qu'un bourrelet de collines sparait de la mer et que les apports de3 rivires qui viennent du Sud ont lentement combl : l'coulement des eaux y est encore imparfait. Le centre de la plaino 1.Voirplushaut,p. 2, n. 2. 2. Bernard Ficheur,l. c, p. 222. Au Sud-Ouest et d'Oran,la rgiond'Ain Temouchent rsentedes vestigesde volcans,dont les enesdtruitset les p des roules form terresnoires,trs fertiles,exploites dans l'antiquit. ont dj

N DR DUNORD. LBS RGIONS ATURELLES L'AFRIQUB

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tait probablement marcageux aux premiers sicles de notre re. Des ruines romaines ne se rencontrent que sur les bords de la Mitidja, au pied des montagnes qui l'enserrent de tous les cts. A l'extrmit orientale de l'Algrie, une autre grande plaine s'tend prs de la Mditerrane, derrire Bne. Elle est aussi occupe en partie par des marcages. Parmi les pays montagneux qui bordent les ctes, le Dahra, limit au Sud par la valle du Chlif, oire des plateaux dnuds, favorables la culture des crales, pourvus de sources abondantes, et des chanes encadrant plusieurs valles, dont les parties les plus fertiles ont t exploites par les anciens. A l'Est du Dahra, la rgion schisteuse de Miliana est trs ravine et en gnral strile, avec de maigres pturages dans les clairires des forts et quelques sols cultivables sur les lisires du massif. La grande Kabylie est constitue au centre par un plateau de terrains anciens, gneiss, schistes, micaschistes, et borde au Sud par la chane calcaire du Djurdjura, aux cimes denteles, dont la plus haute dpasse 2300 mtres. Des valles trs encaisses coupent le plateau et t forment de vritables fosss entre les tribus dont les innombrables villages couronnent les crtes1. Le sol est peu fertile, mais l'eau abonde, grce aux condensations que provoquent les hautes altitudes et aux rserves de neige que le Djurdjura garde jusqu'au mois de mai. C'est un pays d'arboriculture, o, dans l'antiquit, la population devait tre dj dense, mais o la colonisation romaine ne semble pas avoir pntr.. Au Nord, s'tend, de l'Est l'Ouest, la valle de l'oued Sebaou, propice aux crales; puis, entre ce fleuve et la mer, une chane de grs, au pied de laquelle des ruines de cits s'chelonnent le long du rivage. L'angle oriental de la Kabylie est aussi occup par des grs, qui portent de belles forts de chnes. 1. Bernard Ficheur,f. e., p. 226. et

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DUDEVELOPPEMENT LES CONDITIONS HISTORIQUE.

A l'Est de la grande Kabylie et jusqu' Bne, la Mditerrane est borde presque partout par des massifs trs tourments, o les rivires se fraient pniblement un chemin. Les grs couvrent de vastes espaces, revtus de magnifiques boisements de chnes. Les terres, siliceuses, se prtent mal la culture des crales, sauf dans les valles, d'ailleurs troites, o des alluvions argileuses se sont dposes. Mais, dans cette rgion leve et bien expose aux vents humides, les pluies entretiennent de belles prairies et des vergers prosprent autour de nombreuses sources. En dehors des forts, elle parait avoir t assez peuple aux temps antiques. A l'intrieur du Tell, des valles, de hautes plaines, des plateaux sparent ou pntrent les massifs montagneux. Des plaines, d'une altitude moyenne de 400 mtres, se succdent l'Est de la Moulouia jusqu'au del de Mascara. Celle des Angads, qui fait partie du Maroc, est sche et strile. Celles qui s'tendent au Nord de Tlemcen et de Lamoricire sont mieux partages. La plaine de Sidi bel Abbs est couverte de terres lgres, friables, dans lesquelles sont incorpores des parcelles de phosphate de chaux et qui n'ont pas besoin de beaucoup d'humidit pour porter de belles moissons. Les pluies, bien rparties il est vrai, atteignent peine une hauteur annuelle de 40 centimtres Sidi bel Abbs. La plaine d'gris, au Nord de laquelle se trouve Mascara, en reoit moins encore et la constitution du sol y est moins bonne : aussi n'a-t-elUvuo peu de valeur agricole. Ces plaines sont bordes au Midi par une srie de grands gradins, forms de grs, de dolomies, de calcaires 1. Des rivires assez importantes prennent naissance dans cette rgion accidente et la traversent pour se diriger vers le Nord, coulant dans des gorges ou dans des valles troites; elles dbouchent 1.Monts e Tlemcen, e Dajra, e Salda.de Frenda. d d d

DE DUNORD. LES REGIONS ATURELLES L'AFRIQUE N

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brusquement sur le pays plat, quelques-unes par des cascades. Les sources, nombreuses la lisire des plaines, permettent la cration de beaux jardins. Tlemcen, admirablement situe plus de 800 mtres d'attitude, tourne vers la mer, dont elle reoit les brises rafrachissantes, dfendue des vents brlants du Sud par le vaste talus auquel elle est adosse, s'appelait l'poque romaine Pomaria (les Vergers), et ce nom serait encore trs justifi. Sur les gradins, il y a des forts tendues, mais clairsemes; quelques zones marneuses sont propres l'agriculture. Une frontire militaire, tablie par les Romains vers le dbut du troisime sicle, longeait, par LallaMarnia, Tlemcen, Lamoricire, Chanzy, le rebord septentrional de ce haut pays, qu'elle coupait ensuite, passant vers Franchetti, Tagremaret, Frenda, et traversant, sur une partie de son parcours, des bandes de terrains fertiles. Au del mme de cette frontire, une population assez dense s'est installe, soit dans l'antiquit, soit plus tard, sur les sols favorables la culture, en particulier aux alentours de Saida. Le Chclif, fleuve, qui nat dans l'Atlas saharien, traverse les hautes plaines de l'Algrie centrale; s'tant soud un cours d'eau mditerranen, il entre dans le Tell Boghari. Bientt, il tourne vers l'Ouest, direction qu'il garde jusqu' la mer. La valle qu'il suit forme une longue dpression entre le massif de Miliana et le Dahra, au Nord, le massif de l'Ouarsenis, au Sud. Elle tait parcourue par une voie militaire romaine, qui a sans doute t faite aussitt aprs la conqute de la Maurtanie et qui a dvelopp la colonisation. Cette valle n'est cependant pas un couloir largement ouvert : des tranglements, forms par des collines, la divisent en trois parties '. Les terres alluviales, compactes et profondes, sont trs fertiles quand elles sont arroses. Mais la barrire du Dahra arrte les pluies qui, I. Plaines Djendel t d'AITreville, du e plainedes Altafs,plainesd'Orleansville et d'inkermann.

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DUDVELOPPEMENT LES CONDITIONS HISTORIQUE.

souvent, tombent en trop petite quantit pour assurer la bonne venue des crales et qui s'infiltrent mal dans un sol peu permable. C'est par une irrigation bien comprise ou par le choix d'autres cultures que la valle du Chlif peut prospror. Le massif de l'Ouarsenis est form de plissements confusment entasss autour d'un grand dme calcaire et coups par des affluents du Chlif. Il offre de belles forts, mais, sauf dans quelques valles, o l'on trouve des ruines antiques, les terrains, schisteux ou grseux, ne se prtent gure qu' l'levage. Ce massif est bord l'Ouest par la Mina, qui, avant de rejoindre le Chlif dans une large plaine, facilement irrigable, descend un couloir donnant accs au plateau de Tiaret, au Sud de l'Ouarsenis. La rgion, d'une altitude del 000 1200 mtres, situe au Sud et au Sud-Est de Tiaret, se distingue par sa fertilit des plaines leves du centre de TAlgrie, qui la coutinuent sans transition. Grce aux pluies qu'elle reoit du NordOuest par la valle de la Mina, les terres d'alluvions, riches en phosphate de chaux, qui la couvrent peuvent porter de belles moissons. En grande partie incorpore par les Romains dans leur frontire militaire du ut' sicle, elle a t tr3 peuple dans l'antiquit, et mme dans les temps qui ont suivi l'invasion arabe. Cette zone fertile se continue, au Nord-Est, le long du Nahr Ouassel, qui se dirige vers le Chlif. La frontire romaine dont nous venons de parler passait par l, sur la lisire mridionale de l'Ouarsenis, pour -aller couper le Chlif vers Boghari. Au del des montagnes abruptes et ravines qui dominent au Sud la plaine de la Mitidja, le plateau, argileux et nu, de Mda, au relief tourment, dcoup par les profonds sillons des rivires qui s'loignent vers l'Ouest, le Nord et l'Est, a de nombreuses sources e.t n'est pas dpourvu d' terres propices aux crales. Il forme un passage, d'ailleurs assez difficile, entre la valle

DE DU N LES RGIONS ATURELLES L'AFRIQUE NORD.

If

du Chlif et les trois plaines des Bni Slimane, des Aribs et de Rouira, qui se suivent de l'Ouest l'Est, reprsentant uno ancienne valle, une altitude de 600-500 mtres. La premire de ces plaines souffre de la scheresse; plus l'Est, la rgion d'An Bessem a de bonnes terres et reoit assez d'eau de pluie : les ruines antiques y abondent. La plaine de Rouira conduit la valle de l'oued Sahel, appel plus bas oued Soummane, qui borde la grande Kabylie au Sud et l'Est. Comme celle du Chlif, cette valle est coupe par des obstacles : sur deux points 1, le fleuve a d se frayer un passage travers des barrires rocheuses. Le sol d'alluvions est trs fertile. Mais, l encore, les pluies sont souvent insuffisantes : la chane du Djurdjura les arrte. La culture des crales est alatoire; l'arboriculture, qui craint moins la scheresse, court moins de risques. L'extrmit de la valle, prs de la mer, jouit pourtant de conditions plus favorables. Les ruines s'y pressent et une colonie importante, Tubusuptu, y fut fonde ds l'poque d'Auguste. La voie militaire romaine, venant de la valle du Chlif, ne passait pas par Mda, ni par les plaines qui se suivent jusqu' l'oued Sahel. Elle filait plus au Sud, par Berrouaghia, our Djouab et Aumale, tablie sur une large bande calcaire*, dans la partie septentrionale d'une rgion accidente, que parcourent d'Ouest en Est des chanes parallles. Les intervalles ravins sont occups et l par des marnes, mles de phosphate de chaux, qui constituent des terres fertiles, ou par des argiles d'o sortent des sources et qui portent de beaux pturages. Ce pays montagneux fut enferm dans la frontire militaire du m* sicle, qui en suivait la lisire mridionale, depuis Boghari jusqu' Sidi Ass, au Sud d'Aumale. Dans le Nord de la province de Gonstantine, derrire la 1.A.Takrietset Sidi Afcb. 2. Gautier, nnales Gographie. tOIOr 252. A de XIX. p.

1-2

LES CONDITIONS DUDEVELOPPEMENT HISTORIQUE.

'chane calcaire qui borde le massif ancien, les montagnes de grs ou de calcaire se succdent, gnralement en rangs compacts, jusqu'aux hautes plaines de la lone centrale. Les rivires suivent d'troites valles, ou se faufilent avec peine dans des gorges trangles. Cependant, les pluies sont abondantes, et, l o les terres conviennent aux crales, l'arboriculture, l'levage du gros btail, les tablissements antiques ont t nombreux. Deux bassins compris dans cette rgion furent surtout trs peupls. Celui de Constantine est un ancien lac, long d'environ 80 kilomtres de l'Ouest l'Est, large d'une vingtaine de kilomtres, combl par des argiles et des poudingues, d'un aspect tourment. Quoiqu'il ne soit pas particulirement fertile, il a t cultiv d'une manire intense, formant en quelque sorte la banlieue de la ville de Cirta (Constantine), qui, bien avant la conqute romaine, a d son importance une incomparable position dfensive, sur un roc abrupt. Le bassin de Guelma, parcouru par la Seybouse, qui en sort en rompant une barrire, offre des marnes favorables la viticulture et aux crales. On rencontre partout des ruines romaines au Sud de ce bassin, dans le pays montagneux sillonn par l'oued Cherf, une des branches de la Seybouse, et par ses affluents, par d'autres rivires qui vont se jeter plus loin dans la Seybouse, enfin par le cours suprieur del Medjerda : des terres fertiles, argileuses, satures de phosphate de chaux, y couvrent de grandes tendues.

IV Au Sud du Tell, s'allonge, dans les provinces d'Oran et d'Alger, une rgion de steppes, qui commence ds le Maroc, entre le Moyen et le Haut-Atlas, et qui va se rtrcissant et s'abaissant de l'Ouest l'Est, avec une altitude de 1200 800 mtres.

DU N DE LES REGIONS ATURELLES L'AFRIQUE NORD.

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Elle se compose de vastes plaines, spares par des rides lgres et parsemes de grands lacs, cuvettes peu profondes, prcsquo sec en t, rceptacles en hiver d'eaux qui charrient des sels. Le sol des steppes est form d'alluvions d'ordinaire siliceuses, meubles ou agglomres, recouvertes peu prs partout par une sorte de crote calcaire, qui empte des cailloux et des graviers, et dont l'paisseur varie de quelques centimtres plusieurs mtres 1.L'existence de celte carapace, la nature sale de beaucoup de terres rendraient la rgion impropre la vgtalion arbustivo et l'agriculture, nme si les pluies y tombaient en quantit suffisante. Il n'y pousse que d'humbles plantes, qui rsistent la scheresse et se plaisent dans les terrains sals. C'est un pays de maigres pturages, qui ne durent mme pas toute l'anne. Entre ces steppes et les hautes plaines de la province de Constantine, s'intercale le Hodna, bassin ferm, qui offre au centre un grand lac, aliment par les eaux du pourtour. Rgion effondre ou cuvette d'rosion*, le Hodna n'a qu'une altitude moyenne de 400 mtres, trs infrieure celle des pays qui le flanquent. H reoit peu de pluie et ne pourrait tre qu'une steppe, malgr la fertilit de ses terres d'alluvions, s'il n'tait le dversoir de rivires qui naissent dans les hautes montagnes de la bordure septentrionale du bassin, ou qui les franchissent, permettant des irrigations sur de grands espaces, au Nord du lac. Au Sud, des dunes forment une sorte de dsert, avec la belle oasis de Bou Saada. Le Hodna a t incorpor au territoire romain. Le centre de la province de Constantine est occup par de hautes plaines, qui se prolongent dans la Tunisie occidentale. et l, surgissent des chanons, le plus souvent calcaires, morcels et ravins par les rosions, aux flancs nus ou portant I Bernard Ficheur,I.e., p. 420. et 2. VoirGautier, ansla Gographie. 1910, 08. d XXI, p. OSELL.Afrique NorJ.I. do

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DUDVELOPPEMENT LES CONDITIONS HISTORIQUE.

une maigre vgtation de pins d'Alep, de thuyas, de genvriers, d'oliviers sauvages. Dans la partie Nord-Ouest de celte vaste rgion, ils se dirigent de l'Ouest l'Est, comme les plissements du Tell de l'Algrie orientale. Les autres, beaucoup plus nombreux et qui se rencontrent dj dans le voisinage du 'Hodna, sont orients du Sud-Ouest au Nord-Est, comme l'Atlas saharien; ils se prsentent souvent sous l'aspect, de dmes h base circulaire ou elliptique : type caractristique do l'orographie tunisienne, mais qu'on observe dj en Algrie. A l'Est, les rosions ont parfois dcoup des tables, platesformes aux pans abrupts, dont la plus remarquable est la Kalaa es Senam, entre Tbessa et le Kef 1. Les plaines, mamelonnes dans la Medjana et aux alentours de Stif, plus unies l'Est, sont situes des altitudes de 700 1000 mtres. Celle de la Medjana s'incline vers le Sud et c'est la direction des cours d'eau qui vont rejoindre l'oued Ksob, avant son entre dans le Hodna. Les autres plaines septentrionales de la rgion dont nous parlons appartiennent au versant mditerranen et sont parcourues par des rivires qui contribuent la formation de la Soummane, de l'oued el Kbir, de la Seybouse. Au Sud, il y a des plaines cuvettes centrales, o viennent s'amasser en hiver des eaux souvent sales, absorbes en t par l'vaporalion : nous retrouvons l, mais dans de petites proportions, la. nature des steppes des provinces d'Oran et d'Alger. Dans l'Algrie orientale et dans la Tunisie occidentale, d'autres plaines ont leur coulement par l'affluent principal de la Medjerda, l'oued Mellgue, qui prend sa source au Nord de l'Atlas saharien, non loin de Khenchela, et se dirige du Sud-Ouest au Nord-Est, ainsi quo par les affluents de cette rivire. Enfin, en Tunisie, des eaux s'coulent vers le Sud-Est. I. La mmeforme'tabulairee retrouve Kef.Unetableanalogue s au constitue une forteressenaturelle &la Mestaoua, Nord-Ouest Balna: Bernardet au de Ficheur,I. e., p. 362.

DE DUNORD. N LES RGIONS ATURELLES L'AFRIQUE

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Cette zone n'est pas partout fertile. Les sols, imprgns de sel, qui s tendent autour des cuvettes des bassins ferms, et mme ailleurs, en particulier entre Souk Ahras et Tbessa, ne conviennent gure qu' l'levage du mouton; leur superficie est du reste assez restreinte. De vastes espaces, couverts de limons et de marnes riches en phosphate de chaux, se prtent au contraire fort bien la culture des crales. Mais les pluies sont parfois insuffisantes dans les plaines du Nord; elles le sont souvent dans celles du Sud, sauf en avant de l'Aurs et des monts de Raina, dont les masses provoquent des condensations. Toutes ces plaines sont entirement dnudes et il est probable que le dfrichement n'a fait disparatre que des broussailles, la nature du sol n'tant pas favorable aux arbres 1. Abandonnes en gnral aux pasteurs avant la conqute romaine, elles ont t ensuite habites par une population agricole trs dense, surtout autour et au Sud du Kef, sur la lisire de l'Aurs, bien pourvue de sources et o une forte occupation militaire a donn l'essor la colonisation, enfin au Sud-Est et au Sud de Stif.

V La zone centrale de l'Algrie est borde au Midi par l'Atlas saharien, prolongement oriental du Haut-Atlas marocain. Au Sud des hautes plaines des provinces d'Oran et d'Alger, comme au Sud du bassin du Hodna, s'allongent des plissements parallles, orients du Sud-Ouest au Nord-Est, crtes troites et nues, formes surtout de grs friables. Les intervalles sont remplis par les dbris infertiles de ces chanes et l'on y retrouve les maigres plantes des steppes. Cependant, le massif du djebel Amour, qui prsente dans sa partie orientale de grandes tables aux flancs verticaux, est mieux partag. 11 a de beaux ptui. Voir loin,au chapitreir. plus

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LES CONDITIONS DUDEVELOPPEMENT HISTORIQUE.

rages, entre des forts de thuyas, de pins d'Alep et de genvriers; les sources, asse nombreuses, servent irriguer des vergers et alimentent des villages, qui sont sans doute trs anciens. Dans le Sud de la province de Constantine, s'tend le massif de l'Aurs, auquel on peut rattacher, au Nord-Ouest, les mont calcaires dits de Batna, qui dpassent 2000 mtres et portent des forts de chnes, de genvriers et de cdres. Entre ces monts et l'Aurs, un long passage s'ouvre vers le Midi, command aujourd'hui par Batna et dans l'antiquit par Lambse, le grand camp de l'Afrique romaine. Cette voie de communication importante entre les hautes plaines et le dsert suit l'oued el Kantara, qui a coup une barrire transversale par une courte gorge, au del de laquelle on rencontre aussitt une oasis saharienne. Les plissements calcaires, minces et abrupts, de l'Aurs, qui culmine plus de 2 300 mtres, sparent des valles troites, s'inclinant vers le Sud-Ouest. Une rosion trs intense a profondment creus ces dpressions et entran jusqu'au Sahara des masses normes de dbris. Dans ce massif, o la population indigne tait dense aux premiers sicles de notre ie, les sources abondent et les rivires peuvent servir des irrigations. C'est surtout, comme la grande Kabylie, un pays d'arboriculture. De belles forts de chnes verts, de genvriers, de pin d'Alep, de cdres couvrent les flancs des montagnes. A l'Est de l'oued el Arab, le djebel Chechar, trs tourment, coup de ravins que des cailloux encombrent, fait suite ' l'Aurs. Plus loin, les plissements serrs de l'Atlas saharien disparaissent. Le pays des Nmenchas, situ au Sud-Ouest de Tbessa, se partage en deux rgions distinctes. Au Nord, de vastes dmes elliptiques ont t dcaps, aplanis par les rosions el transforms en plaines, d'une altitude moyenne de 4000 mtres, dont les rebords saillants indiquent le pourtour

DE DU N LES REGIONS ATURELLES L'AFRIQUE NORD.

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d'anciennes montagnes et donnent naissance des sources. La rgion est sans arbres; il n'y'pleut pas assez pour la culture des crales; l'levage du mouton est peu prs la seule ressource des indignes. A l'poque romaine, ces plaines furent, en grande partie, plantes d'oliviers et bien peuples. Au Midi, une srie de gradins caillouteux, dirigs de l'Ouest l'Est, descendent vers le dsert, sillonns et ravins par des oUeds. L'orientation de ces terrasses et du bourrelet qui les termine au Sud se retrouve dans le relief de la Tunisio mridionale. Les eaux abondantes qui dvalent du Haut-Atlas font, nous l'avons dit, prosprer de belles oasis au Sud du Maroc. En Algrie, les oasis de la lisire du dsert ont beaucoup moins d'importance. Elles doivent leur existence aux oueds qui sortent de l'Atlas saharien, ou aux nappes souterraines qui sont alimentes par des eaux de mme provenance. Les principales sont celles de Laghouat, au Sud-Ouest des monts des Ouled Nal et la tte de l'oued Djedi, qui, s'avanantde l'Ouest l'Est, creuse un long sillon dans le Nord du dsert; celles des Zibans, dans la rgion de Biskra; enfin celles qui se sont formes aux points o des rivires dbouchent de l'Aurs, du djebel Chechar et des terrasses des Nmenchas. Au Sud du Hodna, entre des plissements des monts des Ouled Nal, les Romains ont tabli, bien au del de leur frontire, une ligne de postes militaires, qui ne s'arrtait qu' peu de distance de Laghouat et gardait un passage reliant le Hodna et le Sahara. Ils ont occup les oasis des Zibans et, de ce ct, la limite de l'Empire longeait l'oued Djedi; puis elle suivait le bord mridional du massif de l'Aurs.

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LES CONDITIONS DVELOPPEMENT DU HISTORIQUE.

VI La Medjerda nat dans les montagnes qui s'lvent au Sud du bassin de Guelma et va dboucher dans le golfe de Tunis. Elle pntre en Tunisie aprs s'tre glisse dans une cluse, limite par deux plissements d'un massif, dont les chanes couvrent l'angle Nord-Est de l'Algrie, entre la plaine de Bne, la Calle et Souk Ah ras, et se continuent dans la Tunisie septentrionale, au Nord du cours moyen du fleuve, en Khoumirie et en Mogodie. Celte rgion trs accidente offre des suites de croupes allonges, orientes, comme l'Atlas saharien, du Sud-Ouest au NordEst, coupes par de profonds ravins, spares par des valles courtes et troites. Des falaises pic dominent la Mditerrane entre la plaine de Bne et le cap Blanc, voisin de Rizerie. Elles sont interrompues par des dunes h l'Est de Tabarca, le point du littoral qui communique le plus facilement avec la valle de la Medjerda. Les grs du massif, de mme nature que ceux qui s'tendent plus l'Ouest jusqu' la grande Kabylie, portent de magnifiques forts de chnes. Les pluies sont trs abondantes, les sources nombreuses. H y a de beaux pturages dans les valles et les clairires. Mais le sol siliceux se prte mal la culture des crales. Au Sud d'une bonne partie de cette zone montagneuse, depuis la frontire algrienne jusqu'au confluent de l'oud Uja, la Medjerda traverse deux plaines, celle de Ghardimaou et celle de la Dakhla, qui furent autrefois des lacs. La premire a une vingtaine de kilomtre d longueur, l'autre est beaucoup plus tendue; une barrire. : oe par le fleuve, les spare. A l'extrmit oppose de la Dakhla, la Medjerda se heurte des chanes qu'elle franchit avec peine, par des dfils tortueux, et

DU DE NATURELLES L'AFRIQUE NORD LES RGiONS

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qu'elle longe ensuite jusque vers Tbourba. L, commence sa basse plaine, accrue, dans le cours des sicles, par les alluvions que ses eaux entranent vers la mer et souvent encore inonde. Combles par les limons fertiles qu'ont apports la Medjerda, l'oued Mellgue (qui rejoint ce fleuve dans la Dakhla) et d'autres rivires, les plaines de Ghardimaou et de la Dakhla. les Grandes Plaines des anciens', sont d'admirables terres crales. Elles ont t exploites ds l'poque punique. Le centre de la Tunisie est occup, au Sud de la Medjerda, par un vaste plateau, d'une hauteur moyenne de 800 mtres'. .C'est, en ralit, un immense dme, trs surbaiss, parsem de bosses irrgulires, dcoup par les rosions en tables, dont les flancs tombent pic sur des valles profondes'. De l, de rivires s'chappent dans toutes les directions. Au Nord, ce sont l'oued Tessa, l'oued Khalled et la Siliana, affluents de la Medjerda; l'Ouest, des oueds qui se jettent dans l'oued Mellgue; au Sud et l'Est, des cours d'eau qui vont converger vers la sebkha Kelbia, prs de Kairouan ; au Nord-Est, l'oued el Kbir, appel plus bas oued Militne, qui apporte en toute saison de l'eau au golfe de Tunis. Les valles, plus ou moins larges, que ces rivires parcourent et qui s'toilent autour du plateau central, ont un sol form d'alluvions paisses et fertiles. Sur le plateau, dominent des marnes, mlanges de phosphate de chaux et propres la culture des crales. Les sources ont, pour la plupart, un dbit mdiocre, mais elles abondent. D'ordinaire, il. tombe assez de pluie, grce l'altitude. Tout ce pays fut jadis trs peupl, trs prospre, mme avaut la conqute romaine. Du plateau se dtache, l'Est, la chane Zeugitane, forme de calcaires gris ou bleus, aux crtes denteles 1. On y retrouve 1. Polybe.XlV, Tite-Lire,XXX, . 8 7; 2. Rgions Ksour,Bllex, oukel Djemaa, aktar,Henchir. ided, tssera. de S K M M 3. Perrinquire, de Annotes Gographie, p. 411-5. IX, 4. Pervinquire, c, p. 417-8. f.

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LES CONDITIONS DVELOPPEMENT DU HISTORIQUE.

des sries de dmes, souvent morcels, spars par des cuvettes : en particulier au djebel Zaghouane, haut do prs de 1300 mtres, massif riche en sources, d'o les Romains ont tir l'eau ncessaire l'alimentation de la grande ville de Carthago. Cette chaino se dirige d'abord du Sud-Ouest au Nord-Est, comme toutes les montagnes de la Tunisie septentrionale et ontraie; puis, elle s'oriente vers le Nord et aboutit au fond du golfe de Tunis, prs de Hammam Lif. Des plissements secondaires la flanquent et encadrent avec elle, au Nord, la fertile valle de l'oued Miliane, cultive partout dans l'antiquit; au Sud, la longue plaine de l'oued Nebaane, rivire qui se dtourno ensuite vers le Sud-Est pour rejoindre la sebkha Kelbia. Deux autres plis se prolongent jusqu' l'extrmit de la pninsule du cap Ron. Dans la Tunisie orientale, les ctes plates qui courent du golfe de Hammamet au golfe de Gabs prcdent la rgion dito du Sahel, bande de plaines basses, comme l'Enfida (entre la chaino Zeugitane et la mer), ou de plateaux trs peu levs, comme celui d'El Djem. Au del, s'tendent des bassins, dont la cuvette est lgrement concave et que limitent de faibles bourrelets. Des lacs fond argileux se forment en hiver au centre de ces plaines, ne laissant gure sur le sol, pendant l't, que des efflorescences salines. Le plus important, mais non le plus tendu, est la sebkha Kelbia, au Nord-Est de Katrouan, o convergent de nombreux oueds, qui viennent du Nord-Ouest, de l'Ouest, du Sud-Ouest, et prennent leur origine soit dans la chane Zeugitane, soit dans, le plateau central. Ils ne sont pas grossis en route par des affluents, car il n'y a que fort peu de sources dans cette rgion, o il ne pleut gure, et ils n'alimentent que trs mdiocrement la sebkha, leur eau tant absorbe par l'vaporation, ou s'infiltrant dans des sols trs permables. La sebkha Kelbia n'est cependant jamais tout fait sec. Elle a un missaire qui la relie quelquefois, aprs de

DU DE N LES RGIONS ATURELLES L'AFRIQUE NORD,

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fortes pluies, une lagune du littoral, la sebkha d'Hergla. On rencontre d'autres lacs plus au Sud; le plus grand est la sebkha Sidi el Hani, au Sud-Est de Kairouan. La Tunisie orientale a des espaces sals, qui ne comportent que l'levage du mouton. .Mais, en gnral, les terres, lgres, sont composes d'lments fertiles. Les bls des environs de Sousse taient fameux dans l'antiquit pour la grosseur de leurs pis. Par malheur, les pluies sont trs souvent insuffisantes pour la bonne venue des crales : la chane Zeugitane et la masse du plateau central les arrtent du ct du NordOuest. Si les rcoltes sont assez rgulires autour de Sousse, elles deviennent trs alatoires plus au Sud et l'intrieur du pays. Mais, comme l'a montr M. Bourde 1, la constitution du sol se prte trs bien l'arboriculture. Sous la couche suprieure, o le sable absorbe rapidement la pluie et que les racines des crales ne dpassent pas, existe, une profondeur assez faible, une couche de tuf calcaire, peu permable. Alors que la surface est compltement dessche, le sous-sol reste humide : c'est l que se dveloppent les racines des arbres. Ainsi, dans des campagnes o les oueds ne tranent que de misrables filets d'eau, taris en t, o les sources sont trs rares, une population nombreuse peut vivre par les cultures fruitires. A l'poque romaine, des plantations d'oliviers couvrirent une grande partie des stoppes que parcouraient auparavant les troupeaux des nomades. A l'Ouest de cette zone*, au Sud du plateau central et des plaines qui continuent celles do la province de Constantine *, s'tend une rgion borde au Midi par une vaste dpression, vers laquelle elle s'abaisse. Cette dpression n'a jamais t, comme on l'a soutenu, i n bassin maritime, communiquant avec 1. Rapport Uscultures sur e s de dans fruitires, nparticulierurla culture FoUeler, lecentre la Tunisie, de Tunis,ditionde 18. 2. Onne peut Hierta limiteque d'une faonassexarbitraire.Ceserait peu prsune lignepassantj*arKasserine, Sbilla,Djilma.

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DU LES CONDITIONS DVELOPPEMENT HISTORIQUE.

le golfe de Gabs. Elle est remplie par le chott el Djerid, qui projette au Nord-Est un long bras, appel chott el Fedjedje, par le chott Gharsa et, plus & l'Ouest (au Sud de l'Algrie), par une suite de sebkhas aux contours capricieux, dont la principale est le chott Melgbr. Dans la Tunisie mridionale, les plissements qui s'allongent vers la latitude de Gafsa et plus au Sud, jusqu'aux cholts, sont gnralement orients de l'Ouest l'Est. Ces chanes hrissent le pays, limitant des valles ou des plaines profil court, dont le centre est occup, pendant une partie de l'anne, par des mares. Au Nord de Gafsa, courent, dans diverses directions, de petites artes, isoles ou soudes entre elles, dominant de larges plateaux. Cette rgion est presque entirement dnude. Les pauvres pturages des steppes sont brouts par des moutons, des chvres et des chameaux. Cependant, en maints endroits, le sol n'est pas infertile : beaucoup de terres sont riches en dbris de phosphate de chaux. Mais la pluie tombe trop rarement pour assurer les rcoltes do crales. Les cultures arbuslives, qui rsistent mieux la scheresse, se sont dveloppes, aux premiers sicles de notre re, dans les lieux o des amnagements hydrauliques pouvaient procurer aux hommes l'eau ncessaire pour vivre et faire quelques irrigations. Autour'des rares sources, se sont formes des oasis, avec leurs palmiers, accompagns d'autres arbres fruitiers. Ce pays de transition produit la fois des dattes et des olives '. A la lisire mme du Sahara, que la domination romaine a atteinte, ily a de belles oasis dans le Djerid, entre le chot. el Djerid et le chott Gharsa; dans le Nefzaoua, l'Est du chott el Djerid et au Sud du chott el Fedjedje; enfin, sur la mer, h Gabs. I. La Blanchre. ans lesNouvelles d Archives missions, 1897,p. 83, des VII,

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VII Comme nous l'avons dit, nous rattachons l'Afrique du Nord, pour des raisons tires de l'histoire, les terres qui bordent au Sud le vaste golfe des Syrtes. A l'Est de la grande Syrie, s'tend la Cyrnaque, contre physionomie bien dis tincle. sorte d'Ile qui appartient la Mditerrane orientale. Une colonisation prospre en fit un pays grec; plus tard, la Cyrnaque, devenue romaine, ne forma qu'une province aveo elle appartient et historiquement, la Crte. Gographiquement un monde tout diffrent de ce que nous appelons l'Afrique du Nord. Entre Gabs et le cap Misrata, le littoral, bas, bord de dunes derrire lesquelles des lagunes s'talent A et l , sem d'oasis que sparent des espaces dserts, prcde un pays de plaines lgrement ondules, qui s'lve en pente trs douce vers l'intrieur. C'est la Djeffara des indignes, dont la profondeur atteint 100 kilomtres la frontire tunisienne et diminue vers l'Est. Sablonneuse et sche, elle n'est pas habite. Elle ne l'tait pas davantage l'poque antique, sauf dans sa partie NordOuest, en Tunisie, o elle est trs troite : la proximit du bourrelet dont nous allons parler la fait, de ce ct, bnficier de quelques pluies et permet d'utiliser jusque dans la plaine les oueds qui descendent des hauteurs, pour des cultures exigeant peu d'eau. La Djeffara est domine pic par une longue suite de falaises calcaires, qui se dressent une altitude moyenne de 300 mtres, formant un vaste demi-cercle, tourn vers le Sud, depuis les environs de Gabs jusqu'au voisinage du cap Misrata. Cette 1. Depuisles paragesde DJerbajusqu'aux ruines de Sebralha.

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DU LES CONDITIONS DVELOPPEMENT HISTORIQUE.

zone ', que les indignes appellent le Djebel (la Montagne), n'est que le rebord d'un immense plateau saharien. Elle est loin d'avoir l'aspect rgulier d'un rempart continu. Sur une largeur variable, elle a t dcoupe, dchiquete, dmantele par les rosions. Parfois, elle se prsente en gradins. Certaines parties ont t dtaches de la masse; elles constituent des avantchanes dans la partie Nord-Ouest du Djebel*. Au Nord-Est, ce qu'on nomme le djebel Tarhouna est un plateau ravin, qui forme une sorte de grand bastion, en saillie sur la bordure, et qui se prolonge, dans la direction de Khoms et de Lebda, par des collines s'levant au-dessus du littoral*. Le brusquoobstacle du Djebel contraint les vents humides qui soufflent quelquefois do la mer se dcharger de la vapeur d'eau qu'ils contiennent; les pluies, quoique peu frquentes, permettent une population assez nombreuse de vivre dans cette rgion. Des ruisseaux se prcipitent en cascatelles travers les crevasses, les couloirs tortueux, et servent des irrigations; sur les pentes, ont t constitues des terrasses tages, que bordent des murs de soutnement et qui portent des champs d'orge ou des arbres fruitiers, surtout des oliviers et des figuiers. Au pied mmo des falaises, au del des boulis de la frange saharienne, l'irrigation rend la culture possible. Mais les oueds s'puisent trs vite; ils n'ont pas la force de traverser la Djeffara. Derrire le Djebel, commence le dsert, immense champ de pierres. Le littoral occidental de la grande Syrto, au Sud-Est du cap Misrata, est bord par la longue lagune, aujoiu J.'hui dessche, de Taorga, vers laquelle convergent de nombreux oueds, venant de l'Ouest. Ces ravins sillonnent le plateau saharien qui, de ce ct, s'incline vers l'Orient et qui n'est qu'une vaste solitude. Mais les fonds plats et souvent assez larges des oueds les 1. Elle porte successivement nomsde djebel Mat ata, djebel Dminer, m ' Douirat, jebel Nefousa, jebelYffrne, jebel Gariana. d d d djebel en 2. Dansle paysdes Ourgbammas, avantdu djebel Dminer. de 3. Collines Msellala.

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sont imprgns de quelque humidit, circulant par un parcours souterrain, et ne se refusent pas de pauvres cultures. Ces thalwegs ont t peupls dans l'antiquit, comme ils le sont encore aujourd'hui. Dans les intervalles pierreux qui les sparent, la vie a toujours t impossible. Au Sud de la grande Syrte, le dsert s'avance jusqu'au rivage. Il n'y a rien tirer de cette rgion; il a suffi aux anciens d'tablir, le long de la cte, une route assurant les communications avec la Cyrnaque.

VIII Cet aperu gographique montre combien l'Afrique du Nord manque de cohsion. Si les rgions que renferme la France sont trs diffrentes, elles se groupent autour d'un noyau central, elles se succdent sans violents contrastes, elles s'ouvrent et se parcourent par des voies faciles, terrestres et fluviales. La France est un pays d'harmonie et d'quilibre. Il n'en est pas de mme de .la Berbrie. S'tendant sur une longueur de plus de quatre cents lieues, depuis l'ocan Atlantique jusqu'au golfe des Syrtes, mais n'ayant qu'une largeur mdiocre, elle se prte mal la formation d'un empire unique, au dveloppement d'une civilisation uniforme. A l'Ouest, il est vrai, la contre fertile comprise entre l'Ocan, le Rif et l'Atlas forme un ensemble assez bien agenc'; l'Est, un grand plateau, d'ailleurs tourment, occupo le centre de la Tunisie, et de nombreuses valles en rayonnent. Mais, mme proximit de ces deux rgions, il en est d'autres que la nature a isoles : au Nord du Maroc, le Rif, I. Il ne faut cependant pas en exagrer l'unit : voir Tb. Fischer, MiildmeerBi'.Ur,II, p. 370.AuSud de l'oued BouRegreg, le pays trs accidentde*Zars spare lesdeux rgions qui ont actuellementpour capitales F et Mcrrakecb. coupanten deuxle paysobissantau sultan du Maroc

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hriss de chanes compactes; au Sud, le Sous, qui s'enfonce entre deux hauts remparts; au Nord de la Tunisie, le massif bois do la Khoumirie. Dans l'intervalle, l'Algrie est obstrue par des montagnes le long de la Mditerrane, en grande partie occupe par des steppes l'intrieur des terres. Dans ce corps long et mince, mal conform, les cours d'eau n'assurent pas la circulation. La navigation n'est possible que sur deux ou trois fleuves de l'Ouest du Maroc 1, qui sont spars de la mer par une barre dangereuse. Les autres rivires se desschent presque toutes, ou n'ont qu'un dbit insignifiant pendant l't ; en hiver, ce sont pour la plupart des torrents, se prcipitant dans un lit encombr de rochers, par de fortes pentes. Leurs valles mmes n'offrent que rarement des voies d'un accs facile. Pour gagner la Mditerrane, de nombreux oueds coupent transversalement des chatnes parallles la mer; ils se fraient avec peine un passage par des gorges profondes et tortueuses, ou par de brusques cascades; d'autres, dont le cours s'adapte l'orientation gnrale du relief, sont parfois resserrs entre deux plissements, ou doivent rompre a et l des obstacles, par des dfils troits. Le fleuve lo plus important de la Berbrie orientale, la Medjerda, traverse, en amont et en aval des Grandes Plaines, deux rgions tourmentes, o sa valle se rduit un couloir. Dans le Tell algrien, les longues valles du Chlif et de la Soummane s'tranglent ou deux endroits. Entre les plaines de Guelma et de Bne, la Seybouse est un foss parois rocheuses. Plus loin vers l'intrieur, des oueds vont se perdre dans des cuvettes sans issue. Les rivires de la Berbrie ont quelquefois servi de limites politiques. Mais leur rle conomique a toujours t trs modeste. Beaucoup changent de nom, selon les p'ys qu'elles 1. Surtoutl'ouedSebou.

DE NATURELLES L'AFRIQUEDU NORD. LES RGIONS

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; ce qui prouve qu'on ne les suit gure. Au del du 'parcourent littoral, les villes du Tell se sont leves auprs de sources abondantes et dans des lieux faciles dfendre; elles n'ont pas t, comme tant de cits gauloises, des carrefours fluviaux. Parmi les rgions naturelles de l'Afrjque du Nord, certains massifs montagneux sont trs peupls, malgr la mdiocrit du sol, car les hommes s'y sentent plus en scurit qu'aillours : tels l'Aurs, la grande Kabylie, le Rif. Il s'y est form de petites socits, jalouses de leur indpendance, n'occupant que des territoires restreints. La valeur des pays plats est, nous l'avons vu, fort ingale. Les uns ne reoivent pas assez de pluie, d'autres sont marcageux, d'autres striliss par la forte proportion de sel qui se mle la terre. Sauf quelques rgions tendues, surtout le centre de la Tunisie et l'Ouest du Maroc, les espaces fertiles ne forment que des Ilots, qui contrastent avec la pauvret et la rudesse des pays environnants, et qui communiquent difficilement entre eux, par des passages dont les montagnards sont les matres. Celto vaste contre tait-elle donc destine n'avoir d'autre histoire que les annales monotones d'une foule de cantons, agits par des ambitions vulgaires et de mesquines querelles de voisinage? Il est certain que les Berbres ont trop souvent dpens leur nergie dans des luttes, sans grandeur et sans intrt, d'individus, de familles, de coteries, de villages, de tribus. Ils ont presque toujours manqu des sentiments de large solidarit qui constituent les nations*. 1. Il n'en est pas de mmedu Moyenet du Haut-Atlas, la densit de la o est population faible: Bernard,le Maroc, . 136. 163. p 2.Onpeutdire d'eux ce que Strabon(III,4,5) disaitdes Bspagnols ... n'ayant : d audace que pour les petites choses, mais incapables d'en entreprendre de grandes, parce qu'ils n'avaient pas sa se former en socits fortes et puis santes..

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LES CONDITIONS DUDVELOPPEMENT HISTORIQUE.

Cependant des rapports se sont tablis de bonne heure entre les habitants des diverses rgions de l'Afrique septentrionale. Une seule langue s'est rpandue partout, celle dont drivent tous les dialectes berbres. Dans les stations qui remontent a la civilisation de la pierre, on trouve dj des indices de lointains changes. La domestication de certains animaux dut rendre les relations plus frquentes et plus rgulires : le climat obligeait, en effet, beaucoup de pasteurs transhumer. Les nomades du Sud eurent besoin des crales moissonnes par les agriculteurs du Tell, auxquels ils apportrent les laines de leurs troupeaux et les dattes des oasis. Des groupements, que nous appelons des tribus, naquirent sans doute des besoins de la dfense et de l'attaque. Plus tard, des Etats se formrent, unissant des rgions naturelles distinctes, mais coupant en tronons la longue bande nordafricaine. Carthage s'annexa une grande partie de la Tunisie, un royaume se constitua dans le Maroc, d'autres royaumes s'tendirent sur l'Algrie et la Tunisie occidentale. Enfin, Rome fit, en plusieurs tapes, la conqute de tout le pays. Mais chacune des provinces qu'elle cra vcut de sa vie propre. Tandis que Lyon fut vritablement la capitale des Gaules, Carthage, redevenue aux premiers sicles de notre re une des plus grandes villes du monde, ne fut que le chef-lieu d'une de ces provinces. Dans l'antiquit, l'Afrique du Nord n'a jamais eu une entire unit politique et administrative, comme la valle du Nil et h*s plaines ouvertes de la Msopotamie 1. Ses matres n'ont jamais pu faire accepter leur domination d'une manire dfinitive et complte. Les souverains des grands royaumes maures et numides ne paraissent pas avoir t aussi absolus qu'ils prten1. O l'agriculturedpendd'irrigationsqui exigentdes mesuresgnraleset o solidaires,par consquentun gouvernement bi de tous. Les conditionsde du l'exploitation solsontautresdans la Berbrie.

LES RGIONSNATURELLESOE L'AFRIQUE DU NORD.

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daient l'tre; ils eurent souvent, comme Carthage, rprimer des soulvements de leurs sujets. La paix romaine fut frquemdont les moins ment trouble par des rvoltes d'indignes, graves ne furent pas celles qui clatrent sous le Bas-Empire, aprs plusieurs sicles d'occupation. La structure du pays maintenait chez ses diverses popula* tions le contraste des moeurs et des intrts. La civilisation et la barbarie vivaient cte cte : l'une, dans les plaines et les dans les rgions dshrites des plateaux fertiles; l'autre, et iso steppes, dans les massifs montagneux qui dominaient Iaient les riches campagnes, et d'o elle guettait les occasions favorables pour se prcipiter au pillage. Cette opposition a empch la formation d'une nation berbre, matresse de ses destines, et, quand la conqute trangre a pu imposer une apparence d'unit, elle n'a pas l'Afrique septentrionale russi fondre dans une harmonie durable des lments aussi disparates.

Cstu. - Afriw de Xerd.L

CHAPITRE L'AFRIQUE

II

DU NORD DANS LE MONDE MDITERRANEN

I L'Afrique du Nord est peine une terre africaine. Au Sud, elle est isole du centre du continent par un immense* dsert, qui existe depuis de longs sicles 1. Des textes grecs et latins nous apprennent que des populations noires occupaient dans l'antiquit la plupart des oasis du Nord du Sahara*. Mais nous ne savons pas si ces thiopiens taient troitement apparents aux Soudanais; en tout cas, ils n'empitaient pas, du moins aux temps historiques, sur la Berbrie proprement dite. Le transit entre l'Afrique s'ptentrionale et le Soudan dut se dvelopper avec l'emploi gnral du chameau, Vers les m* et iv* sicles de notre re< Mais il ne cra pas, notre connaissance, de lions politiques, il n'influa pas sur la civilisation des deux contres'. Du ct do l'Orient, on devine des rapports trs anciens 1. l'our le climatdu Saharadaiu l'antiquit, voirchap. m. 2. Voirlivre 11,chap. iv. 3. Il n'en fut pas de mme,il lit vrai, quelquespoquesplus rcente*.Les au Almoravides, onzimesicle, le sultan marocainKl Mansour, la fin du l seizime, tendirentleur domination jusqu'au Soudan:conf. Schirmer,e Sahara, L au p. 237-8. a propagationde la religion musulmane Soudanse lit par l'Afrique du Nord.

MEDITERRANEEN. L'AFRIQUEDU NORDDANS LE MONDE

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entre la Berbrie el le Nord-Est de l'Afrique. Les langues ont la mme origine lointaine. Ls ressemblances physiques d'une de croire des parents plus partie des habitants permettent ou moins troites. Vers le second millnaire avant J.-C, une divinit gyptienne tait adore dans le Sud-Ouest de l'Algrie', les relations Mais, l'poque historique, par terre entre le Nord-Ouest et le Nord-Est du continent n'eurent aucune importance : les dserts qui bordent la grande Syrie sparaient la Cyrnaque grecque de l'Afrique carthaginoise, puis latine. Ce fut seulement la fin des temps antiques que la voie de terre fut suivie par les conqurants arabes; trois sicles aprs,-les conqurants fatimides prirent la mme route, en sens inverse, pour gagner l'Egypte. La Berbrie appartient la .Mditerrane occidentale, bien plus qu' l'Afrique. C'est avec les deux pninsules europennes vers elle, l'Italie et l'Espagne, Qu'elle a eu les qui s'avancent relations les plus nombreuses et les plus fcondes. Des anciens la plaaient en Europe*. Si vous voulez en croire la renomme, dit Lucain*, la troisime partie du monde est la Libye, mais si vous tenez compte des vents et du ciel, vous la regarderez comme une partie de l'Europe. Autant que son climat, sa structure, sa flore, et, dans une certaine mesure, sa faune la rattachent au Sud de notre continent. Elle ressemble l'Espagne* par les hautes terres qui occupent la surtout 1. Voir litre II, ehap. m. 2. Salin*!",Jugurtha, XVII. 3 : In divisione orbs terrae plerique in parte tnia Africainposuere, pauci UnlummodoAsiam et Kuropamesse, sed Africain in K'iropa. Voir aussi saint Augustin, Ci.Dei, XVI, 17; Orose, Ade.paganos, I, 'i. \ c\ 85. Conf. H. Berger, GeuhichUder wissensehaftliehen Erdkunde Grieder 2*dit., p. 78, n. 1. dun, 3. Pharsale,IX, 411-3: Tcrtiapart rerumI.ibf si crederefamae. e, Caociavelis; at, si reatos caetamqao sequans. Fars erit Enropae. Je ne croispas qu'au vers 413on puisselire par: par*se justifie par le contexte itertia pars, etc.) et aussi par le passage de Salluste cit a la note prcdente. 4. Conf. Bernard rt Ficheur, Annales Gographie, 1902,p. 222;Joly, Bail, de XI, dela Socit gographieTAijer,XII, 1907,p. 283et suiv. de (

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LES CONDITIONS U DVELOPPEMENT D HISTORIQUE.

majeure partie des deux contres, par les plaines basses qui. et l, s'tendent dans le voisinage du littoral, au pied de des montagnes escarpes, par le rgime et la disposition rivires, torrents en hiver, fosss pour la plupart desschs en t, qui se fraient difficilement un passage vers la mer et sont des sillons plutt que des voies. L'Afrique du Nord fut soude jadis l'Europe. Le dtroit de Gibraltar ne date que du dbut de l'poque pliocne 1; la Tunisie a peut-tre t relie l'Italie pendant une partie de dans des temps o ces deux contres l'poque quaternaire, pouvaient tre dj habites par des hommes*. Du reste, dans sa foime actuelle, la Mditerrane occidentale n'est pas un obstacle infranchissable, mme pour des primitifs, ne disposant que de moyens de navigation trs rudimentaires. Le dtroit de Gibraltar a seulement quatorze kilomtres de largeur* : il convient d'ajouter que les couranls et les vents rendent le passage difficile. Ailleurs, les lignes grises des fies, se profilant dans les clairs horizons, pouvaient des abris. La mer intguider les traverses et promettaient rieure n'est que trs rarement voile par des brouillards et, pendant des priodes plus ou moins prolonges, on peut se fi( r au calme de ses flots. En gnral, les ctes d'Afrique, entre le dtroit et le Nord-Est de la Tunisie, sont bordes par de 1. Gentil,apudde Segonzac, Cceur e TAllas 707el suiv.Il est vrai qu'auAu d p. et paravant,la Mditerrane l'Ocancommuniquaient eut-trepar des dtroits, p s'ouvrant l'un au Nordde la Cordillrebtique,l'autre au Suddu Rif: Gentil, le Marocphysique, . 93 et suiv. De son cot, M. Boule(dans VAnthropologie, p s terXVII,1906, . 283-4)e demandesi, l'poquepliocne,une communication p restre n'a pas exist, l'Ouestdu dtroit,entre le Marocet la pninsuleibrique. 2. Boule,l. c, p. 283. 3. Exactement13890mtres au point le plus lroit, 16050au point te plus des large. Tissot (Mmoires prsents f'Acadmie Inscriptions, 1" partie, 1878, IX, p. 173et suiv.)cet dispos croire que le dtroit s'est largi depuis les temps historiques.Strabon(II, 5,19; XVII,3, C)indique une largeur de 60 &70stades 3 (Il 100 et 1205) mtres); Pline l'Ancien(111, et 4) donne d'autres chiffres, infrieursaussi aux chiffresactuels. Vous aimons mieux admettre de erreurs dans le calculdes distances.

MDITERRANEN. 33 L'AFRIQUEDU NORDDANS LE MONDE grandes profondeurs : avant de les atteindre, on ne risque gure de s'abmer sur des rcifs. des vents violents dchanent Il est vrai que, frquemment, de subites temptes' : vents qui soufflent de l'Ouest et du NordOuest, en hiver, vents de Nord-Est et d'Est, de mai octobre. Les parages des Syrtes taient trs redouts des anciens et clbres par le.is naufrages* : le plus grand de ces golfes est surtout dangereux, soit par les vents du Nord*, qui poussent les navires la cte, soit par les vents du Sud, qui, parcourant librement des terres basses, viennent bouleverser les flots*. Aux approches des ctes, certains courants peuvent contrarier les marins. Tels sont ceux qui se heurtent autour du cap Bon: tel celui qui, venant de l'Ocan, longe le littoral du Maroc, de l'Algrie et de la Tunisie : s'il favorise les voyages d'Ouest en dans le sens oppos. Il Est, il gne ceux qui s'accomplissent faut aussi tenir compte des calmes plats, qui rgnent parfois sur la Mditerrane pendant plusieurs jours et qui sont un obstacle la navigation voile. Mais les relations maritimes de l'Afrique du Nord avec les autres contres mditerranennes sont surtout entraves par la nature de ses ctes. < Mer sans ports , dit Salluste*. L'historien exagre. Il est exact, cependant, que, sur ce littoral, les abris sont peu nombreux. Il n'offre pas de dcoupures profondes, formant des havres bien protgs : ce qui s'explique, pour la plus grande partie de la cte septentrionale, par le paralllisme du rivage et des montagnes qui le bordent. Les 1. Maresacvum ,dit Salluste, Jag., XVII,5. 2. Priple du Pseudo-Sc>Iax, 10 (Geojraphigraeciminores,cdil. M 1 lier, I, p. 88).Salluste,Jug., LXXV1II, PomponiusMla, I, 33 et 37. Lucain, IX, 439 3. et suiv. Josphe, Bell, jud., II, 381. Silius Italicus, II, 63; III, 320; VII, 370; XVII,2W,631.Procope,difices, 3. Corippus,Johannide, , 356et suiv. Etc. VI, I Cette mauvaiserputation tait d'ailleurs exagre: voir Perroud, De Syrlicis emporiis, 117-123; di p. Tissot, Gographie la provinceromaine d'Afrique,I, p. 223. 3. Curif.Stace, Thbcde, 410-7. VIII, 4. Lucain,IX, 319et suir.; Silius Italicus, XVII,246-7. onf.Tissol, t. e. C 5. Jag., XVII,5 : mare... inportuosum.

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LES CONDITIONS UDVELOPPEMENTISTORIQUE. D H

golfes tendus sont rares 1. Ceux de l'Algrie s'ouvrent trs largement au Nord, celui de Tunis, au Nord-Est, cts d'o viennent des vents redoutables. Il n'y a ailleurs que des chande la mer sur des tercrures, creuses par des empitements rains peu rsistants; elles sont plus ou moins exposes aux souffles du large. Le littoral septentrional de la Berbrie consiste surtout en des pentes raides ou en des falaises verticales, contre lesquelles les navires, entrans par les vents, risquent de so briser. Sur quelques points, il s'abaisse, mais il est alors bord de dunes. A l'Ouest, le long de l'Ocan, des suites de falaises et de dunes forment un rivage monotone, peu prs dpourvu de fortes saillies et de baies 2, sans dfense contre les vents d'Ouest et du Nord : on n'y trouve aucun bon abri. Les ctes orientales de la Tunisie, exposes aux vents d'Est cl de et celles de la Tripolitaine sont basses, sablonNord-Est', neuses, souvent bordes de lagunes et prcdes de hautsfonds*; l oussi, les abris srs font dfaut 3. Dans la petite Syrie, o la mare s'lve jusqu' trois mtres, le reflux accrot les dangers d'chouement*. avaient besoin de nomPourtant, les marins de l'antiquit breux ports. Pendant longtemps, ils craignirent de s'loigner des rivages et vitrent de voyager la nuit. Le soir, autant que possible, ils s'arrtaient, ils tiraient leur btiment sur la grve; au jour, aprs avoir fait leur provision ils se rembarquaient d'eau. A ce cabotage primitif, il fallait de nombreuses escales 7. Plus tard, les vaisseaux s'aventurrent plus facilement en 1. Conf.Slrabon,H, 5, 33; Pline, V, I. 2. Slrabon(XVII,3, 2) dit le contraire, mais il a tort. 3. Conf.Corippus,Johannide, , 359-360. I 4. Conf. Polybe, I, 39, 3; Salluste, Juj., LXXVIII, -3; Slrabon, XVII,3, 20; 2 Mla,I, 35; Lucain,IX, 303et suiv. 3. Conf.Mla,l. thsetrscontestable. 2. Delmas, ail,dela Socit auphinoise Analogie d'anthropologie, * et B d IX,1902, >par M.Flamand. p. 140,flg.iv. Dessin m'a t communiq qui 3. BeisenndEntdeckungem, 210-2,lg. p. 210. a I, p. f 4. Entreeux est un boeuf. 5. Cette ressemblance me frappe nulleu^nt sur le dessin insr dans ne de du q imparfaite. l'ouvrage Barthet que celui-ci ualifie m v d'esquisse

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LES TEMPSPRIMITIFS.

il tient soit un arc, soit plutt un bouclier ovale*. Des io;utres, auxquels la superstition attribuait une existence t 2,p. 130-117; Maumen, 1901, . 301-3. es prinp cipales stations sont celles d'Ain Sfissifa,de Kef Mektoubaet des environs d'Kr Richa(enparticulier Ennefous). i. Stationsde BouAlem(Gsell,t. c, I, p. 4647et flg. 13),de Ksarel Ahmar, et prsde Keragda(ibid.,p. 43-46 flg. 12),de GuebarRechim(ibid.,p. 4G),de Tnzina(ibid., . 43el flg. Il), d'Aned Douis, 'AsIa,etc. d p 7. Djebel ahisserat M e (ibid.,p. 43);Tyout(ibid.,p. 41-43 t flg. 10,avecla biblioet J graphie); Moghar Tathani (ibid.,p. 43-44; jouter la bibliographieacquet, a BtvaedeVcole d'anthropologie, XVI,1906, . 289-291). p m n 8. El HadjMi ou (tfamy,Bvue 'ethnographie, 1,1882, . 131-4, 87et 88); d p flg. S OuedDermel colde Zenaga(Gautier, aharaalgrien, . 87-93). ; p 9. Barrebi,dans l'oasisde Taghit(Gautier,l. c., p. 94-97); l Aouedj, lu*au E p et Sud-Ouest Barthlmy Capilan, Bernede fcoled'anthropologie,- 1902, XII, ( e p. 306 et fig. 108); Ain Memnouna, ntre la Zousfanaet le Guir (Gautier, sur entre BniAbbs Kerzaz(Gautier, et p. 9399);lladjra Mektouba, la Saoura,' , p. 1OJ-I0I).

TATSfCIAL. MAGIEBT RELIGION. RT. A

t

Maroc, signales d*nsle Sous, dans l'Anti-Atlas et au Sud d< l'oued Draa '. Les indications donnes par quelques voyageurs ne peuvent donc tre utilises qu'avec rserve, A la lisire septentrionale du Sahara constantinois, au SudOuest de Biskra, dans un ravin voisin d l'oued Itel, il existe un groupe intressant d'images, qui appartiennent la srie ancienne*. v Il y a aussi quelques gravures dites prhistoriques Tintrieur mme du grand dsert*. Mais le nombre des dessins rcents (avec figures de dromadaires) est infiniment plus lev. D'autres appartiennent peut-tre une priode intermdiaire*. Ces images, traces sur des grs (sauf de rares exceptions, o la roche est calcaire*), dcorent presque toutes des parois Bull,dela Socit 1. Duveyrier, 'aprs les estampagesdu rabbin Mardoche, d de gographie, e 1876, I, p. 129-146t planche. Douls,ibid., 1883,p. 436. Lenz, I Timbuklu, p. II. Cestroisauteurs mentionnent 'lphantparmiles animaux* II, l reprsents;Duveyrierndiqueaussile rhinocros,Douls,l'hippopotame. i e 2. Blanche!,Bec.de Conslantine, XXXIII,1899,p. 294-310t planches.Gsell, f. c, p. 4849.YoiraussiBec.de Constantine, XXXVIII, planches la p. 167. 1901, 3. Elles y semblentrares: Gautier,/. c, p. 120et 133.Il y en a peut-tre la historique, 1903, gara BouDouma,dans le Tadmat(Flamand,Bail,degographie p. 290et pi. X, n* 8), el l'oued Taghit, dans l'Ahnet(Gautier,p. 104, 103). Gau'ier (p. 112-3) n signale Timissao,dans le Tanezrouft;Foureau(Doeae m-nls,p. 1071,fig. 380),dans le Tassili. En Tripolitaine, l'ouadiel Cheil, entre Mizdaet Ghadams, ohlfs(Qter durehAfrika,I, p. 52)indique, sur les R paroisd'une caverne,desfigures r grossire*,eprsentantdes lphants,des chades meaux,des antilopes,une femme: il y a l probablement gravuresprhistoriqueset des grandes libyco-berbresRohlfsnote cependant l'absencede ( Pour les gravuresde Telliz Zarhne,dans la rgion de Ghat, voir liflnagh). and L Barth,Beisen Entdeckungen, 210-7. es personnages tte d'animal(conf. I, p. plus haut, p. 247) et sans doute aussi des boeufsappartiennent a la srie ancienne,maisil doit y avoir des gravures plus rcentes; Barthsignale en ce lieude nombreux a ( tiflnagh. Nachtigal Saharauni Sadan,l, p. 307-9) vudans le Tibesti,sur des rochersdu fleuvedes Gazelles,des gravures reprsentant surtoutdes boeufs. figurehumaine,isole,est un guerriertenant une lance Une et un bouclier,fine image de chameau, fort mal dessine,a para Nachtigal Peut-trefaut-ildistingueren effetdeuxsries d'poplusrcenteque lesboeufs. de quesdiffrentes;mais la plus ancienneest-ellecontemporaine nos gravures q prhistoriques? Les gravuresd'Anal(au Sud du Fezzan}, u'on a signales a DuveyrierTouareg Nord,p. 221,438),reprsenteraient es boeufs bosse, d da ( tranant des chariots. Il est probablequ'elles n'appartiennentpas &la srie prhistorique. 4. Yoirplus haut, p. 239,n. 5. 5. A Hadjra Mektouba, ur la Saoura: Gautier,p. 100.Les grottesde l'oued s Itelont t taillesdansdesbancscalcaires: Blanche",. e., p. 293.Les gravures. t

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LES TEMPSPRIMITIFS.

dominent des points d'eau. verticales, qui, frquemment, A Khanguet el Hadjar, elles couvrent les deux faces d'un vaste rocher (la face principale mesure peu prs 17 mtres de long), l'entre d'une gorge et au-dessus d'une source. A Tyout, elles occupent une paroi longue d'environ 75 mtres, haute de 20. Il est rare qu'elles soient graves sur des surfaces horizontales, comme Moghar et Tathani, o elles s'talent sur une longue srie de roches, parsemant le plateau qui domine l'oasis; comme aussi An Memnouna 1. Nous avons dit qu'elles tapissent, l'oued Itel, des grottes faites de main d'homme et, ailleurs, des cavits naturelles*. On s'est rendu compte, surtout dans le Sud oranais, de la technique employe *. Un trait lger indiquait d'abord l'ensemble de la figure. Sur cette esquisse, l'artisan excutait, l'aide d'un poinon, un pointill fortement accus, qu'il polissait ensuite avec soin, de manire produire un trait rgulier, continu, trs net, large de 1 centimtre 1 centimtre et demi, profond de 10 millimtres, vas sa partie suprieure, jamais anguleux, lisse et parfaitement poli; il semble avoir t obtenu par le frottement prolong d'un instrument extrmit mousse *. Cet outil ne pouvait tre ni en bois, ni en mtal, car il aurait t soit trop mou pour entamer le grs, soit trop tranchant; il tait ncessairement en pierre, comme aussi, sans doute, la sur calcaireque Lenz (f. c.) a vuesdans l'Anti-Atlasparaissent tre en gnral libyco-berbres;eeltes de Tilmas Djelguem,dans le Tadmait (Flamand, la Gographie, 1900,1,p. 362),sont aussi d'un type rcent, 11.Gautier fp. 43-49) fait remarquerque les gravures sur calcaireont pu tre beaucoupplus nombreuses, le calcairersistant moins la ploie que le grs. 1. Gautier,I. c, p. 98.Il signale aussi des gravures sur des surfaceshorizontalesau colde Zenaga(p. 88). Il y en avait peut-treun plus grandtiombre : plusexposes la ploie que les gravures tracesdans le sens vertical, elles risquaient plus de disparatre. 2. Supra,p. 236. 3. Bonnet, Bvued'ethnographie, VIII, 1889,p. 152.Flamand, VAnthropologU, da III, 1892,p. 149-130. Maumen,Bail, archologique Comit, 901, . 301.Conf., 1 p pour les gravures de la rgion de Constantine,Boscoet Sotignac,Ree.de Constantine, LV,1011, . 337et 339. X p 4. Bonnet,l. c.

TATSOCIAL. AOIEET RELIGION. M ART.

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pointe et le poinon employs pralablement. On a constat quelquefois un polissage de la roche l'intrieur des contours '. Les dimensions des images sont fort variables. Gnralement, elles sont plus petites que nature. Il y a cependant des exceptions : par exemple Kef Messiouer *. A notre connaissance, des plantes, des arbres, des fleurs n'apparaissent nulle part : on sait du reste* que les primitifs reproduisent rarement les vgtaux. Partout, au contraire, des animaux, sauvages ou domestiques; nous avons mentionn les espces reprsentes*. Ce ne sont gure que des quadrupdes; sauf des autruches, les oiseaux sont rares*; les reptiles sont exceptionnels*. Nous avons parl aussi des hommes et de leurs attitudes*. Il y a quelques objets isols. A Asla, on reconnat une hache, un bouclier* et peut-tre des boumerangs*. A Moghar, deux images nigmatiques sont formes de lignes croises ou enchevtres *. el 1. Bonnet,p. 136( Tyout).Flamand,apudPomel,Singe homme, 20 (h p. MM.Bosco Solignae c, et Ksar el Ahmar).Gautier, p. 92 ( Zenaga). (l. quelquesgravuresdont p. 311,312)indiquent,dans la rgionde Conslantine, les creux offriraientquelques vestiges d'une couleur rouge-brun.S'agit-il biend'une coloration intentionnelle,destine faire ressortirles images?ou d ne serait-cepas la teinte naturelle de la roche,au-dessous e la crote plus fonce formela surface?dansce cas, les traits qui apparaissenten rouge qui auraient,pourtelle ou telle raison,t prservsde ta patinequi a donnaux autrestraits unecouleursombre. u 2. AKsarel Ahmar, ne femmemesureI m.33: Flamand,f'Anthropologie, III, n les A grandeur aturelle:Gautier, Etc. p.SS. p. 148. Zenaga, figuressontsouventde P. 217 3.Supra, . 106-7, les animauxsauvages, (chien),219-220 (boeuf.), pour p 2 22341 et (mouton chvre), 28(ne),231(cheval). 4. chassierndtermin Ksar el Ahmar: Pomel,Bubalusntiquas. i. X, i a p e ( p. flg.I. Outarde Tyout,selonBonnet I.c., p. 136);Pomel(Singe t homme, 13 et pi. II, flg. 2) indiqueaussi Tyouten oiseauqu'il dsignedubitativement sousle nomd'outarde: j'y verrais pluttune autruche.Deuxoiseauxindterd : mins Moghar Jaequol,Revue e tcoled'anthropologie, 1906. . 289, XVI, p de d II, p flg.97(conf.Bail,dela Socite gographie Toulouse, 1883, i. 2, la p. 40). d de Bull, Yoiraussi Duveyrier, de ta Socit e gographie Paris, 1376, planche II, n" d jointeau mmoire es p. 129-146, 42 et 43. 3. M.BonnetI.c, p. 136)ndiqueune vipre cornes Tyout;M.Maumen ( i (Lc, p. 301),unebauchede serpent&AfnSfissifa. 6. Supra,p. 201-3 231-3. et 7. Pomel, inge homme, I, fig, 7 et 9. S el pi. 8. Pomel, bid.,fig.5 et 6. Conf.plus haut, p. 202. i 9. L'un de ces objetsest reproduitpar Bonnet,f. c, p. 132,fig. 5 : sphre

264

LES TEMPS PRIMITIFS.

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Les animaux se prsentent de profil; les hommes, au conde face. Les figures se rduisent traire, sont frquemment d'ordinaire des contours, de simples silhouettes; parfois, dtails intrieurs sont sommairement quelques indiqus : yeux, poils, ligne des hanches, etc. Le dessin est presque toujours enfantin, gauche, incorrect 1. Ces images sont assurment trs suprieures aux graffites libyco-berbres, mais elles ne peuvent en aucune manire soutenir la comparaison avec les admirables oeuvres de peinture, de gravure et de sculpture que les troglodytes quaternaires de l'Europe occidentale nous ont hisses. Bien souvent, il est impossible de distinguer l'animal que 1' < artiste a voulu reprsenter. Il y a pourtant des exceptions. Les lions, les chacals et le sanglier de Kef Messiouer 1, le blier sacr de Bou Alem*, des lphants* et des buffles 3 de plusieurs stations du Sud oranais rvlent des dons d'observation assez remarquables : un profil ferme et net rend avec bonheur l'aspect des animaux, parfois mme leur attitude dans tel ou tel mouvement. Il semble bien qu'en gnral les images graves dans chaque station aient t excutes sparment. En quelques lieux, surtout Tyout et Khanguet el Hadjar, les figures, fort nomaplatie, raye de traits qui se croisentet pourvuede trois appendicesallongs; on peut se demandersi ce n'est pas une sorte de coiffure,destine un animal sacr. Pour l'autre, voir Jacquol, Bvuede Vcole d'anthropologie, XVI, p. 2J0, de flg. 98 (conf.Rail,dela Soc.degographie Toulouse, pi. 2, h droite, en haut), II, Voiraussi Jacquol,I. c., p. 289,fig. 97 (en bas) : deux objetsindtermins,de formeallonge.Flamand, Bail,de la Soc.d'anthr.de Lyon,XX,p. I >, flsr.iv (en bas, gauche): objet allong, qui sembletre attach par une corde (;>oul-tre la jambe d'un personnage).Pomel,l. c, pi. II, fig. 6 (et p. 22): peut-treune coquille(conf.supra,p. 210, n. 3). Dansla rgion de Constantine,il y a aussi iU'i ligures nigmatiques,formesde lignes enchevtres: Boscoet Solignae, ilec.deConslantine, XLY,1911, i. Y et YI, la p. 310. p 1. En particulierpour les extrmits. 2. Gsell, Monuments, p. 43, flg. 14. I, 3. Gsell,ibid.,p. 46, fig. 13.Ztilschriflfdr Ethnologie, 1908,flg. la p. 92. XL, 4. Pomel,lphants uaternaires, XIV, fig. 4 (GucbarRfchimi; pi. XV,-fig. 6 q pi. (djebelMahisserat). 3. Pomel, Bubalus anliquas,pi. X; FlamanJ, Bull,de la Soc.d'anthr. -deLyon, XX,p. 191,193,197.flg. t-tii (Ennefous.Tazins. Ksarel Ahmar).

TATSOCIAL. AGIEET RELIGION. M ART.

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breuses, s'offrent dans le plus grand dsordre, avec des dimensions trs diverses, en diffrents sens; quelquefois mme elles se coupent et se mlent. Cependant on trouve et l des scnes plusieurs acteurs, des tableaux composs. A Ennefous, d'Er Richa, c'est un combat de deux grands buffles ' ; An prs Sfissifa, un lphant protgeant un lphanteau contre une panthre, en prsence d'un autre lphant*; Kef Messiouer, la cure du sanglier par une famille de lions, tandis que plusieurs chacals semblent attendre le moment de se jeter sur les restes* (le tableau comprend dix figures); Guebar Rechim et au djebel Mahisserat, ce sont des troupeaux d'lphants, s'avanant en file*; Tyout, des chasseurs, accompagns de chiens et visant de leur arc quelque gibier, autruche ou quadrupde*; l'oued Itel, trois personnages aligns, dont l main gauche leve porte peut-tre une offrande*; Telliz Zarhne, deux guerriers couverts, semble-t-il, de masques d'animaux et se faisant vis--vis dans une danse sacre *. Les gravures que nous venons d'tudier se rpartissent sur une longue suite d'annes, sans doute sur plusieurs sicles. Leur abondance, en certains endroits, les recoupements que nous avons signals attestent que de nombreuses gnrations ont pass par l. Mais il est difficile d'tablir la chronologie de 1. Flamand,t. c., p. 191,fig. i (reproduite dans la Revue ePcole'anthropod d I. logie,XII,1902, . 169,flg. 60; dans la Zeilsehrifl Ethnologie, e., fig. h la p fur Manuel conf. p. 91; dansDchelette, I, d'archologie prhistorique, p. 267,fig. 109); da Bail, Maumen, archologiqueComit, 1901, . 303,fig.3. p 2. Delmas, ull,dela Socit auphinoise B et IX, d d'ethnologie d'anthropologie, 1902, f. p. 133,ig. i; Maumen, e., p. 301,flg. 1. f 3. Yoirsupra,p. 260,n. 2. Sur la croyance, commune diverspeuples, ue q leschacalssontles serviteurs lionset mangentleurs restes, voir O.Relier, des Thiere esclassischen d Alterthams, 192. p. 4. Flamand, Anthropologie, 1892, . 149, lg. I. Tissot,Gographie,p. 372, F III, p f I, flg.41; conf.Gsell,f. e., p. 43. 5. Gsell,t. c., p. 42, fig. 10;conf. Pomel,Singe homme, Il, flg.2 et 3. el pi. 6. Bec. e Constantine, d XXXIII, 899, i. la p. 304. Sur une gravurede la 1 p W t rgiond'EI Uaria, t'Est de Constantine, y a aussi, autant qu'il semble, rois personnages debout,aligns: ibid.,XLY,1911, i. III, la p. 336. p 7. Barth,Reisen, flg. la p. 210. I,

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LES TEMPSPRIMITIFS.

cet art primitif. Constater par l'examen des patines que, dans le Sud oranais, les figures anciennes sont bien antrieures aux graffites libyco-berbres, cela permet seulement de dire qu'elles doivent remonter au moins au premier millnaire avant J.-C. La faune reprsente dans cette rgion, et aussi dans le Sud du Maroc, comprend des espces aujourd'hui disparues et qui avaient probablement besoin d'un climat plus humide que le climat actuel'. Mais ce n'est pas une preuve d'une antiquit trs recule* : nous savons que l'lphant existait encore dans l'Afrique septentrionale au dbut de notre re *. Nous avons dit que les hommes qui tracrent ces images avaient des animaux domestiques, chiens, moutons, chvres, boeufs, chevaux; qu'ils se servaient, autant qu'il semble, de haches emmanches, identiques celles que l'on trouve dans les stations nolithiques rcentes; que quelques-unes de ces stations ont d tre habites par eux*. Peut-tre est-il permis de prciser davantage, si Ton admet avec nous que le cheval ait t introduit d'Egypte en Berbries et que les bliers coiffs d'un disque soient des images du dieu gyptien Ammon*. 11deviendrait vraisemblable que les gravures reprsentant des chevaux et des bliers sacrs ne sont pas antrieures au Nouvel Empire, qu'elles ne datent gure que de la deuxime moiti du second millnaire 1. D'au1. Conf.supra,p. 34. sur et 2. Qu'admet M. Flamand (Recherches gologiques gographiques te Haut' Pays de l'Oranie,p. 728et 746).Tout en reconnaissantsur ces gravures la prsenced'ovids et de chiens domestiqus,et d'une hache dont la silhouetteest tout fait celle d'une hache nolithiqueemmanche,il croit qu'elles sont du rcent,c'est--dire quaternaires,et non actuelles;elles remontentdonc pleistocne a unetrs haute antiquit .Je regrette de ne pas pouvoiradopter celle opinion. 3. Voirp. 74-75. 4. Supra,p. 201. 5. P. 233. 6. P. 230et suiv. 7. H y aurait lieu aussi d'invoquerla forme des boucliersa cbanerureslatrales (conf. p. 203, n. 2), si cette forme n'avait pu tre invente dans diverses rgions, restes sans relations entre elles. Le bouclier rond ne parait pas avoir t en usage dans les pays mditerranensavant les derniers siclesda 1910,1, p. 28 et 29; conf. archologique, secondmillnaire (A. J.-Reinaeb,Revue

TAT SOCIAL.MAGIEET RBLIGION. RT. A

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trs dessins de la srie dite prhistorique peuvent tre plus anciens ou plus rcents. Des gravures ont t traces sur des rochers 'des poques et dans des rgions trs diverses. Elles sont gnralement fort diffrentes des ntres, mme celles de Sude et des Alpes maritimes, qui, elles aussi, pourraient dater en partie du second millnaire 1. On connat fort mal les images rupestres qui existent le long du Nil, dans la Haute Egypte* et en Nubie*. Il faut cependant les mentionner ici, car celles qui paraissent tre les plus anciennes et qui reprsentent, entre autres animaux, des lphants et des girafes, rappellent les gravures oranaises par leur technique et par leur style *. Mais, mme si ces ressemblances ne doivent pas tre imputes au hasard, on ne saurait en conclure que les hommes qui ont trac ces figures aient t Rtruede rhistoiredesreligions, 910,I, p. 203-9). Nousaurions peut-trel un 1 indicechronologique, s'illcertainque celtearmeait t figure Asla(voir p. 202,n. 10). 1. Dchelette, Manuel,l, p. 492et suiv. On peut observerque des images i d'hommesgravesou peintesde la rgion de Constantine et (Bosco Solignac, Bec. e Conslantine, Y, 1911, i. IV, la p. 338)rappellentassez,par leur style d XL p cellesdes AlpesMaritimesconf.,par exemple,Issel,Lujuria H-hemaliijue, ( prtsdi torioi,dans AllideltaSocitigure storiapalria,XL,1908, . 472-3). je ne Mais l p s.iissi ellessont contemporaineses gravurescertainement rhistoriques e la d d p nit'ine ont rgion. MM. apitan,Breuil et Charbonneau-Lassy tudides graC vuresrupestres,d'poqueindtermine, ui se trouvent la Yaulx,en Yende q rendus eFAcadmie Inscriptions, p. 132-133). disentau sujet d des Ils (Comptes 1904, d\< ligures de quadrupdes p. 140): Leur stylisationest extrme,et, chose ( c singulire,rappelleabsolument elledecertainesgravuresrupestresd'Algrie. Si ion tient cette comparaison, doit s'appliqueraux graffteslibyco-berelle bres,et non aux gravuresprhistoriques. 2. EntreEdfouet Silsilis: voirde Morgan sur (d'aprsLegrain),Becherches les de et d orijines FgypU, p. 163-4 flg. 487-192; I, Capart,lesDbutseFarten Egypte, : p. 194et suiv. Prs d'Assouan Schweinfurth, fur XLIY, Zeilsehrifl Ethnologie, 12, p. 627-638. 3. Weigall,a Report n the antiqmities LoverA'abia o en (Oxford, 907), partio/ 1 culierpi. XXXVII LXYII. et 1.M. Capartle remarque(t. e., p. 198). De quand datent ces images?On ne sauraitle dire. Leur stylerappellebeaucoup celui des gravureset des peintures tracessur des vasesgyptiensqui peuvent tre attribusau quatrime millnaire et M (conf.Capart,p. 101 flg. 101, la p. 134). aiscela ne prouvepas soientde la mmepoque. tout cas, il me parat impossible, Kn qu'elle* malgr la ressemblance es styles,de faire remonteraussi haut les gravuresrupestres d de la Berbra

/ LES TEMPSPRIMITIFS. 1 et d'autres aprs lui* ont voulu attriapparents. Duveyrier buer celles de l'Afrique septentrionale des populations noires*. Il est vrai qu' l'poque historique des Ethiopiens occupaient les parties habitables du dsert, au Sud de la Berbrie*. Il en tait sans doute de mme dans des temps plus reculs et, malgr l'absence de preuves, nous pourrions admettre que les gravures du Sahara, du Sud marocain, peut-tre celles du Sud crnais ont t faites par des noirs. Mais nous n'avons point les mmes raisons de croire que des thiopiens aient trac celles des rgions de Constantine et de Guelma. Il 'n'y a pas faire intervenir l'anthropologie dans cette question, pas plus que dans celle des dolmens et dans d'autres encore o elle a t imprudemment invoque. L'excution de ces dessins exigeait un travail long et pnible. Ceux qui les ont tracs obissaient videmment d'autres mobiles qu' un simple instinct d'imitation*. Le caractre religieux de plusieurs figures n'est pas contestable : nous l'avons montr pour les bliers coiffs d'un disque. Nous avons indiqu aussi que les attitudes de certains personnages semblent rituelles, que des scnes paraissent tre des mascarades sacres. Nous avons dit encore que les croyances de la magie sympathique expliquent peut-tre une bonne partie des gravures : possdant les images des animaux, les hommes pensaient pouvoir se rendre matres des animaux eux-mmes, soit pour s'en nourrir* soit pour obtenir leur assistance ou acqurir les quad 1. TouareguHord,p. 279-280; de laSocit egographie, II, p. 144; d Bail, 1876, r dela d Compteendudessances Socit egographie, p. 56-57. 1882, La Bail, 2. Parexempte Blanchre, decorrespondance I, africaine, 1882-3, 356-8. p. 3. Lesimagesd'hommes qu'on rencontresur les gravuressont si sommaires' et si imparfaites qu'ellesne peuvent rien nous apprendre cet gard. Notons cependantque Rohlfs(Querdarch Afrika,I, p. 52)a cru reconnatrele type ngre chezune femmereprsentedans une grottede l'intrieurde la Tripolilaine. 4. Yoirplus loin, ehap. iv. 5. Conf.,pour les gravureset peintures quaternairesd'Europe,S. Reinaeb, ' e Cultes, jths t religions, p. 132;DcheleUe, m I, Manuel, p. 268-271. I, 6. Reinaeb, . c, p. 132-3. f M.Reinach(ibid.,p. 126)emarqueque les animaux r 268

F PRATIQUES UNRAIRES.

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lits qu'ils leur prtaient 1. Les petits tableaux de Tyout reprsentant des chasseurs ont pu garantir le succs des chasses vritables*. L'image du blier Ammon rendait le dieu prsent au milieu de ses adorateurs. En fixant sur le rocher certains rites que les dvots jugeaient propres la ralisation de leurs souhaits, ils croyaient peul-tre leur assurer une efficacit permanente. Sans doute, il est impossib