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"GÉNÉALOGIE DES TRES ANCIENS ROYS, DUCS &
PRINCES QUI, AU TEMPS PASSÉ,
ONT RÉGY ET GOUVERNÉ
LA ROYALLE PRINCIPAUTÉ DE BRETAGNE "1
Guy LE MOUEL
(SAHPL)
C’est en fouinant dans les rayons du Fonds breton de la bibliothèque de l’Université de
Bretagne Sud à Lorient que j’ai découvert – par hasard – une petite brochure de 42 pages,
dans laquelle Jean Kerhervé2 présente "La généalogie des Rois, Ducs et Princes de Bretaigne"
du chroniqueur Pierre Le Baud (1486). Intéressé par la question, et soucieux d’en apprendre
davantage, je vérifiai – comme je le fais dorénavant à chaque fois au moment de m’intéresser
à un nouveau thème d’étude ou de recherche - que l’honorable SAHPL n’a pas, dans un passé
antérieur à mon adhésion, organisé une conférence, ou que l’un de ses membres n’a pas publié
une communication sur la question. C’est ainsi que j’ai trouvé, dans le Bulletin annuel de
notre Société3, le compte-rendu d’une conférence de Joseph Rio, maître de conférences en
langue, littérature, civilisation bretonne et celtique à l’U.B.S. Lorient, sur le thème : Mythes
fondateurs de la Bretagne.
L’auteur reprenait là le titre de son livre, publié en 2000, qui constitue – selon J. Rio
lui-même – "l’édition revue, corrigée et abrégée de la thèse de doctorat de Littérature
française / Etudes celtiques" qu’il soutint en 1997 devant l’Université de Rennes. Il s’agit là
d’un ouvrage doctoral, donc fort sérieux et documenté, un document déjà incontournable sur
la question des origines légendaires et historiques des gouvernants de la Bretagne et sur la
celtomanie.
Personnellement, ce n’était pas ce thème qui m’intéressait. Ce que je voulais savoir,
c’était ce qui reliait entre eux Brutus, le prince issu des Troyens – d’autres disent de Japhet et
Noé -, Conan Mériadec, le premier roi (légendaire sans doute) de Bretagne Armoricaine et
Anne, dernière duchesse régnante de Bretagne. Ce que je voulais faire, c’était reconstituer la
généalogie – si possible ininterrompue – de tous ceux et celles qui, dans la légende puis
l’histoire de notre province, auraient gouverné celle-ci. On ne trouvera donc ci-après aucune
discussion, aucune polémique, sur le caractère légendaire ou historique de tel ou tel monarque
breton, mais juste une liste raisonnée et documentée aux meilleures sources des quelques 160
1 Ce titre est emprunté au texte de l’œuvre du chroniqueur Pierre LE BAUD intitulée Généalogie des Roys, Ducs
et Princes de Bretaigne. 2 Historien breton contemporain, Jean Kerhervé est, entre autres, l’auteur de nombreux ouvrages et
communications sur l’histoire de Bretagne. Il a signé en particulier un article intitulé Aux origines d’un sentiment
national. Les chroniqueurs bretons de la fin du Moyen-Age, publié dans le Bulletin de la Société archéologique
du Finistère, t. CVIII, 1980, p. 165-206. Le texte de P.Le Baud dont il est ici question est un tiré-à-part des
Mélanges offerts à Léon Fleuriot, le grand historien de la Bretagne, par ses pairs. 3Bulletin N° 30 / Année 2000-2001 / P. 39 à 42
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souverains qui gouvernèrent la Bretagne, la Grande d’abord, la Petite ensuite, de l’an 1139
avant J.C. à l’an 1514 après J.C., soit pendant 26 siècles et demi.
Dans cette perspective, le document de base qui s’imposait à moi était la Généalogie
précitée de Pierre Le Baud, car elle est la seule à couvrir la totalité de la période définie ci-
dessus, puisqu’elle commence avec Brutus et finit avec François II, père d’Anne de Bretagne
et avant-dernier duc de Bretagne. Les autres documents cités ci-dessous m’ont servi à
compléter, critiquer ou conforter l’œuvre de P. Le Baud. Ayant réalisé tout ce travail de
comparaison et de compilation, je ne prétends pas avoir fait œuvre biblique sur le sujet. Il
existe bien encore ici et là quelques ouvrages que j’ai identifiés, mais que je n’ai pas
personnellement consultés, pour diverses raisons, les Chroniques de A. Bouchart (1514), de
Bertrand d’Argentré (1582), de Th. de Saint-Luc (1668), et sans doute de quelques autres.
La Généalogie des Roys, Ducs et Princes de Bretaigne de Pierre Le Baud (1486)
Pierre Le Baud - mort en 1505 - est l’un des principaux historiographes français du
"Moyen Age finissant"(L’expression est de Jean Kerhervé). Il est surtout connu par sa
"Compillation des croniques et ystoires des Bretons"(1480) et par son "Livre des Croniques
des roys, ducs et princes de Bretaigne armoricaine, aultrement nommée la moindre
Bretaigne"(1505). A une époque où Côtes-du-Nord et Loire-Inférieure apparaissent
comme des qualificatifs avilissants, voire insultants, en tout cas intolérables aux yeux, aux
oreilles et à l’épiderme délicat de nos concitoyens ultra-régionalistes, voilà bien une
expression – "moindre Bretaigne"!!! – que ces censeurs ombrageux, ces ayatollah de la
bretonnitude, auraient vite fait de caviarder de leurs infâmants barbouillages au goudron !
Pourtant, les intentions de Pierre Le Baud étaient pures, son objectif fort louable et ces
deux mots malencontreusement associés par sa plume ne méritent pas un tel opprobre.
Heureusement, les langues aussi évoluent avec le temps. La langue française actuelle est
d’ailleurs plus prudente que celle du XVème siècle ; car, s’il y a toujours aujourd’hui une
Grande-Bretagne, il n’y en a pas de petite, ni, pis encore !, de moindre : il y a LA Bretagne.
Le but de Pierre Le Baud est de montrer comment, à travers son ascendante, la "Grant
Bretaigne"insulaire, la "Bretaigne Armorique" continentale et nous, ses habitants, "sommes
venus et descendus de ceux de Troye la grant". Pas la Troyes en Champagne de la chanson à
boire, mais bien Troie la grande en Asie Mineure, celle de l’histoire et de la légende grecque,
de Priam, de Pâris et d’Hélène, celle de la Guerre de Troie qui eût bien lieu (n’en déplaise à
M. Jean Giraudoux !), la grande Ilion elle-même, mère de nos civilisations occidentales,
puisque génitrice de Rome par les descendants d’Enée interposés.
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Combien de nos concitoyens se savaient-ils descendants directs de Zeus, "père des
dieux et des hommes" (Homère), par sa fille Aphrodite, déesse de l’Amour et de la Fécondité,
qui engendra Enée, ainsi que par Priam, roi de Troie, par sa fille Creüse, qui épousa Enée ?
Personnellement, je l’avoue, je l’ignorais. Mais cette révélation m’a tout de suite beaucoup
plu, bien entendu. Enfin du grandiose dans notre passé, du peplum dans l’Histoire de
Bretagne ! J’ai donc décidé d’approfondir la question en utilisant plusieurs autres sources
d’information.
Mes sources d’information
J’ai orienté ma recherche dans deux domaines principaux :
1 – Sources concernant directement le sujet lui-même.
Je me suis basé essentiellement sur trois documents du Haut Moyen-Age :
a - The History of the Kings of Brittain (L’Histoire des Rois de Bretagne) publiée en
latin (Historia Regum Brittaniae) c. 1136 par Geoffrey de Monmouth. Ce dernier était un
intellectuel, un "clerc"(érudit ? chercheur ? professeur ?), très féru de culture ancienne –
Saintes Ecritures, auteurs latins et grecs, … - attaché à ce qui deviendrait bientôt l’Université
d’Oxford ; sur la fin de sa vie, il fut ordonné prêtre et nommé évêque. Ceci est très intéressant,
car on lit sous la plume de A.L. Rowse4 les lignes suivantes : Plus que les philosophes, pour la
plupart liés à Oxford, "les archevêques et leurs suffragants étaient de façon écrasante des
hommes d’Oxford ; de même que les chanceliers, les trésoriers et les secrétaires qui faisaient
marcher l’administration. Même avant que l’Université ne prenne forme au début du XIIIème
siècle, Oxford était un centre d’étude, autour du prieuré de Saint Frideswide (dont la
Réforme fit une cathédrale) et de la chapelle collégiale dans le château (aujourd’hui la
prison). C’est dans cette dernière que Geoffrey de Monmouth écrivit son Histoire des Rois de
Bretagne qui catapulta la "matière de Bretagne"- les histoires arthuriennes – dans toutes les
littératures et tous les arts d’Europe."
Monmouth était aussi doué d’une grande imagination : n’est-il pas le père de Merlin
l’Enchanteur et l’inventeur des légendes du roi Arthur et – disent certains - de Conan
Mériadec ? Ce qui ne prouve d’ailleurs pas qu’il n’était pas aussi capable de faire preuve
d’une grande rigueur scientifique dans ses travaux historiques. Dans la Dédicace de son
ouvrage, l’auteur nous cite deux auteurs connus à son époque, Saint Gildas et Bède, qui ne
font d’ailleurs nous dit-il - et c’est vrai - que de rares allusions à ces rois qui régnèrent sur la
Bretagne avant, et même depuis, l’Incarnation du Christ. Il en était donc réduit à se fier à la
tradition orale, la seule source d’information dans ce domaine, dont on sait les excès auxquels
elle peut mener. Jusqu’à ce qu’un très ancien livre en langue bretonne (galloise ?)5 (5) lui soit
offert par Walter, archidiacre d’Oxford, un homme "très qualifié dans l’art oratoire et très
bien informé sur l’histoire des pays étrangers."On y trouvait toute l’histoire des rois de
Bretagne insulaire, depuis Brutus jusqu’à Cadwallader. Et Monmouth, ayant traduit ce livre
en latin, en aurait fait la source principale d’information pour son Historia Regum Brittaniae.
"Je laisse les rois des Saxons, écrit ailleurs G. de Monmouth (rapporté ici par G. Minois), à
William de Malmesbury et à René de Huntingdon, mais je leur recommande de ne rien dire
des rois des Bretons, car ils ne possèdent pas le livre en langue bretonne que Walter,
4 A.L.ROWSE – Heritage of Britain – Treasure Press, London, 1983 – 184 p 5 On sait que c’est dans les montagnes arides du Pays de Galles que furent repoussés et confinés les derniers Bretons chassés
de leurs terres par les envahisseurs Scots et Saxons.
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archidiacre d’Oxford, a rapporté du Pays de Galles. C’est ce livre que j’ai pris tant de peine
à traduire en latin, car il était composé avec une grande exactitude au sujet des actions de ces
princes et à leur honneur." Et il insiste sur la rigueur qu’il a mise dans sa traduction, affirmant
n’avoir "cueilli aucune fleur de langage de mauvais goût dans les jardins d’autres auteurs".
Car, poursuit-il, "si j’avais paré mon texte de pompeuses figures de rhétorique, j’aurais
ennuyé mes lecteurs, car ils auraient passé plus de temps à découvrir le sens de mes propos
qu’à suivre l’histoire elle-même."
Le traducteur et commentateur de Monmouth, Lewis Thorpe, nous indique les autres
sources d’information et d’inspiration principale de Monmouth. En effet, écrit-il, "étant donné
le grand nombre d’emprunts qu’il fait au De excidio Brittaniae de Gildas et à l’Historia
Brittonum de Nennius, sa dette envers ces deux chroniqueurs est certainement considérable."
Pour ses autres œuvres peut-être, mais pour l’Histoire des Rois de Bretagne certainement pas ;
pour notre part, en nous basant sur les versions de ces ouvrages publiés par Christine M.J.
Kerboul-Vilhon, nous qualifierions l’aide respective de Gildas et de Nennius pour cet ouvrage
de nulle et de très réduite. Mais là ne se limitent pas ses sources d’inspiration et d’information
: Thorpe cite aussi Cicéron, Virgile, Juvénal, Apulée et quelques autres. Un autre auteur
britannique a noté, chez Monmouth, de nombreuses références croisées à la Bible (Ancien et
Nouveau Testament), ainsi qu’à vingt-huit différents auteurs latins. Ceci exposé, on reviendra
plus loin sur la crédibilité historique de l’œuvre de Monmouth, qui reste la base
incontournable pour l’étude de l’histoire des rois de Bretagne jusqu’à la fin du VIIème siècle
de notre ère chrétienne.
Le fameux livre ancien rapporté du Pays de Galles par Walter, qui a une telle
importance pour l’œuvre de Monmouth, n’a jamais été retrouvé. Certains commentateurs en
déduisent - sinon à tort, du moins un peu légèrement - que l’ouvrage de Monmouth n’est que
le fruit de son imagination, un roman historique en fait, pas un livre d’histoire. D’autres, plus
tolérants, admettent que le vieux livre gallois a pu, comme tant d’autres, disparaître tout
simplement entre le début du XIIème siècle et nos jours. Ce qui ne serait pas un cas unique
dans l’histoire des manuscrits médiévaux, ni donc une preuve de son inexistence à l’époque
où Monmouth prétend l’avoir traduit et utilisé. Car, comme le dit l’adage, l’absence de preuve
n’est pas la preuve de l’absence.
b - Chronicon briocense (Chronique de Saint-Brieuc) écrite en latin entre 1389 et
1416, et ainsi présentée par son éditeur : "La Chronique de Saint-Brieuc fut composée aux
alentours de 1400 par un auteur dont nous ne savons pas grand-chose, sinon qu’il fut
certainement un clerc. La dénomination de cette chronique vient de ce que le plus ancien
exemplaire qu’on en connaisse a été retrouvé dans la bibliothèque du chapitre de Saint-
Brieuc, et que tous ceux qui l’ont utilisée, depuis Pierre Le Baud, l’ont ainsi appelée. Il s’agit
en fait du plus ancien recueil connu de textes touchant à l’histoire de la Bretagne. Ce n’est le
plus souvent qu’une compilation retouchée de textes connus par ailleurs, mais elle conserve
aussi bien des légendes, bien des rumeurs populaires, bien des documents perdus. Sa valeur
historique est faible …"
L’auteur du Chronicon briocense nous a donné lui-même ses sources d’information, à
savoir :
- une "histoire illustre traduite du breton en latin par Saint-Gildas"(S’agirait-il du De
excidio Brittaniae ?). "Ce livre, écrit l’auteur du Chronicon, traite des faits et gestes des rois
bretons depuis Brutus, qui fut le premier, jusqu’à Cadualladrus (Cadwallader), qui fut le
dernier roi de Grande Bretagne."
- une Vita Corentini (Vie de Saint Corentin) ;
- une Legenda Sancti Goeznovii (Légende de Saint Goëznou) ;
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- l’Historia Regum Brittaniae (Histoire des Rois de Bretagne) de Geoffrey de
Monmouth citée ci-dessus. On retrouve dans le Chronicon un bon quart du texte de
Monmouth, parfois reproduit mot à mot.
c – La Genealogie des roys, ducs et princes de Bretaigne (1486), l’une des œuvres
consacrée à la "Bretagne armoricaine, aultrement nommée la moindre Bretaigne" et aux
Bretons par le chroniqueur de la fin du XVIème siècle, Pierre Le Baud. J’y reviendrai ci-
après.
J’ai aussi utilisé les ouvrages contemporains suivants (voir Bibliographie en fin
d’article) :
- Les Bretons de Nominoé de J.C. Cassard (1990),
- Naissance de la Bretagne de N.Y. Tonnerre (1994),
- Mythes fondateurs de la Bretagne de J. Rio (2000),
- Les rois de Bretagne – IVème – Xème siècle de Ph. Tourault (2005).
2 – Sources concernant l’histoire générale de la Bretagne et des Bretons.
Dans ce domaine, j’ai utilisé les deux ouvrages de Christine M.J. Kerboul-Vilhon
consacrés respectivement aux œuvres de Saint Gildas et du moine Nennius (voir
Bibliographie en fin d’article). Ceux-ci se sont d’ailleurs révélés de peu d’intérêt pour l’étude
du sujet qui nous intéresse ici.
J’ai aussi utilisé les ouvrages d’histoire générale de Bretagne les plus récents, car on
s’aperçoit qu’il y a eu une évolution très importante de la pensée depuis la période très
prolifique du XIXème siècle. Je me suis donc appuyé essentiellement sur les ouvrages de Skol
Breizh (collectif, 1970), G. Minois (1992), N.Y. Tonnerre (1994), et J. Cornette (2005). Sans
oublier pourtant, les incontournable du genre, à savoir :
- l’Histoire de Bretagne de Dom Gui-Alexis Lobineau (1707),
- l’Histoire ecclésiastique et civile de la Bretagne de Dom Pierre-Hyacinthe Morice
(1746),
- l’Histoire de Bretagne de Arthur Le Moyne de La Borderie (1896-1914).
On rappellera que, l’imprimerie n’ayant été inventée qu’au milieu du XVème siècle
par Gutenberg, les trois textes anciens de référence ont été initialement écrits à la plume par
leurs auteurs respectifs, puis reproduits par des copistes, parfois plusieurs, avant de parvenir
jusqu’à nous sous la forme de manuscrits, plus ou moins nombreux, plus ou moins récents ;
avec tous les aléas dus à ce mode de transmission de l’écrit.
En ce qui concerne Geoffrey de Monmouth, j’ai travaillé sur la traduction en anglais
réalisée par Lewis Thorpe en 1966 d’après le texte latin publié en 1929 par A. Griscom (Man.
1706 Camb. Univ. Libr.) ; Thorpe dit aussi s’être servi des trois versions existantes en anglais
publiées en 1718, 1842 et 1896. Le texte de Monmouth a suscité beaucoup plus de travaux de
traduction et de critique par les historiens anglais, que les textes français suivants ne l’ont fait
parmi les historiens français. La place de l’ouvrage de Monmouth dans la littérature historique
d’outre-Manche est donc bien plus importante que celles du Chronicon et de la Genealogie
dans la littérature historique française.
G. Le Duc et C. Sterckx, qui ont traduit et publié l’édition critique du Chronicon
briocense de 1972 que j’ai utilisée, écrivent : "Le texte du Chronicon Briocense … est connu
par deux manuscrits dont l’archétype est malheureusement perdu (documents du XVème
siècle, conservés à la Bibliothèque Nationale), ainsi que par des extraits conservés dans un
troisième (également du XVème, aux Archives départementales d’Ille-et-Vilaine)."Le texte
latin qu’ils ont publié est un composé de ces deux premiers manuscrits ; ils l’ont accompagné
de leur propre traduction de ce texte en français.
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Enfin, J. Kerhervé a donné pour les Mélanges offerts à Léon Fleuriot une version de la
Genealogie de P. Le Baud. Il écrit qu’ "on connaît l’existence de cinq manuscrits de la
Genealogie, dont quatre ont survécu."(Deux sont à la Bibliothèque nationale à Paris, un
troisième aux Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, le quatrième enfin à la Bibliothèque
publique et universitaire de Genève (Ms. Fr. 131). C’est ce dernier qui sert de base à sa
publication commentée.
Les nombreuses citations que j’ai faites des ouvrages et des auteurs cités ci-dessus
pourront laisser penser que je n’ai réalisé là qu’un plagiat de ces documents anciens. Je ne
peux évidemment accepter une telle qualification pour mon travail. D’abord, je n’ai jamais
caché mes sources et je n’ai jamais manqué d’y faire référence dans mon texte même ; je n’ai
pas l’âme d’un plagiaire. Ensuite, j’ai toujours utilisé la/les citation(s) d’un ou de plusieurs
auteurs pour illustrer une thèse ou pour exposer des points de vue discordants, voire
contradictoires, concernant certains points de cette histoire. Si je rejette le terme "plagiat",
j’accepte par contre volontiers celui de "compilation"qui implique pour moi la triple notion de
respect des auteurs et des œuvres cités, de distance vis-à-vis de l’événement et de neutralité
dans son interprétation, cette dernière découlant de la multiplicité des points de vue exposés.
Pierre Le BAUD et les Ducs de BRETAGNE
Se basant sur les documents décrits ci-dessus, Pierre Le Baud écrivit sa Généalogie
des Roys, Ducs et Princes de Bretaigne en 1486, pour le compte de sa "tres haulte, tres
puissante, tres excellante princesse et souveraine dame Margarite, par la grâce de Dieu
duchesse de Bretaigne, contesse de Montfort, de Richemont, d’Estempes et de Vertuz",
autrement dit Marguerite de Foix, seconde épouse du duc de Bretagne François II (1458-
1488), et mère de la future duchesse Anne de Bretagne. Ce faisant, le "tres humble et tres
obeissant subget, serviteur et orateur Pierre Le Baud" poursuivait un double objectif : d’une
part, apprendre à sa "souveraine dame"- elle qui, "en ses premiers jours n’y (a) pas pris
nourriture"6– l’ "extraction, generacion et progression"de ces "roys, ducs et princes"qui, au
temps passé, "ont regy et gouverné"… la principauté de Bretagne, avant elle et son mari le
duc ; d’autre part, réfuter "une opinion et erreur vulgalle" selon laquelle "la succession
desdits roys et princes depuis le commancement jusques a present a este continue en ligne
masculine (…) les femmes n’y ont point eu de lieu".
Pourquoi ce second objectif, sans aucun doute le plus important des deux pour
Marguerite de Foix et son époux ? Parce que le duc François II n’a, pour lui succéder, que
deux filles, et qu’il est donc important, pour éviter qu’à sa mort le duché ne tombe dans
l’apanage du roi de France (seul héritier mâle au duché), que – contrairement au royaume de
France, régi par la loi salique réservant le trône aux hommes -, la capacité juridique à diriger
le duché soit aussi reconnue aux filles ; or, la meilleure preuve de cette capacité n’est-elle pas
celle de l’Histoire ? D’où l’intérêt politique, encore plus qu’éducatif, de cette généalogie. A
condition d’y trouver des femmes reines ou duchesses. Dévoué comme il l’est à ses
souverains, Pierre Le Baud va s’y atteler avec courage. La tâche est en effet bien délicate. Car
François II est un Montfort, un descendant direct de Jean III. Or, souvenons-nous des
conditions dans lesquelles leur ancêtre, Jean de Montfort, s’attribua la couronne ducale de
Bretagne en 1341.
6 La duchesse de Bretagne était en effet originaire du comté de Foix, appartenant à cette époque au royaume de
Navarre, appartenant lui-même à la famille d’Albret, dont sortira bientôt le roi de France Henri IV. Elle n’était
donc bretonne que de cœur et d’adoption, l’étant devenue par son mariage avec le duc François II, mais devait en
ignorer la langue, l’histoire et les légendes.
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Bien que marié trois fois, Jean III (duc de 1312 à 1341), fils et successeur d’Arthur II
(1305-1312), meurt sans descendance. Il veut assurer sa succession à sa nièce Jeanne de
Penthièvre, fille unique de son frère Guy décédé avant lui (1341), en excluant Jean de
Montfort, son frère consanguin, fils d’Arthur II et de sa seconde femme Yolande de Dreux.
Jeanne de Penthièvre est mariée à Charles de Blois, neveu du roi de France Philippe V. Dès la
mort de Jean III, Jean de Montfort, le frère écarté, prétend néanmoins au trône ducal, et
s’empare de plusieurs villes – en particulier Nantes, dont il fait sa capitale – ainsi que du
trésor ducal qu’il va aussitôt récupérer à Limoges où il était jalousement conservé.
Convoqué devant la cour de ses pairs à Paris, Jean de Montfort invoque la loi salique,
qui réserve le trône aux hommes. Comme preuve de l’inéligibilité des femmes à gouverner, il
invoque en particulier celle-ci : "Nous avons l’exemple de la benoiste Vierge Marie, qui ne
succéda mie à Dieu au gouvernement temporel ni spirituel ; et bien doit apparoir que femme
ne peut succéder en pairie, car les pairs sont conseillers des rois, et doivent au couronnement
mettre la main à l’épée ; et certes que serait-ce si tous les pairs de France devenaient
femelles ?" Il est vrai qu’à l’époque, les Françaises n’étaient pas encore championnes du
monde d’escrime et ne rapportaient pas de médailles d’or olympiques à l’épée … O tempora,
o mores …
Pour sa part, son concurrent, Charles de Blois, invoque le principe de représentation et
cite le récent exemple de Maheut d’Artois à qui la pairie paternelle a été adjugée de
préférence à son neveu Robert III. Jean de Montfort sent bien que ses arguments n’emportent
guère l’assentiment de ses pairs. Il se rend aussi compte que le roi de France est surtout
intéressé à faire main basse sur le trésor des ducs de Bretagne qu’il a en sa possession. Il
s’enfuit donc de Paris avant que le jugement ne soit rendu. Il a raison : Philippe V et ses
barons font de Charles de Blois le duc de Bretagne au nom de sa femme Jeanne de Penthièvre.
Ainsi commence une longue et sanglante guerre interne de vingt-quatre ans, la Guerre de
Succession de Bretagne, qui va endeuiller et appauvrir la Bretagne de 1341 à 1365. Mais, au
bout de ce quart de siècle de troubles, de malheurs et de sang, les dieux de la guerre finissent
par trancher ce long et sanglant débat au profit des descendants de Jean de Montfort. En effet,
si ce dernier est tué dès 1345, Jean IV, puis Jean V, François Ier, Pierre II, Arthur III lui
succédent dans cet ordre au trône de Bretagne.
Un siècle plus tard, en 1458, François II, petit-fils de Jean IV, donc un Montfort, lui-
aussi, mais de la branche cadette, accède à son tour au duché de Bretagne. Il épouse, en
secondes noces, Marguerite de Foix, qui ne lui donnera que deux filles, la future Anne de
Bretagne et Ysabeau. La position prise par son ancêtre Jean de Montfort un siècle plus tôt
pour justifier sa revendication au trône ducal (la succession uniquement par les hommes)
semble donc fatale cette fois pour la dynastie Montfort, qui a jusque-là respecté la
transmission masculine du duché. Consciente de ce problème, la duchesse Marguerite de Foix
demande à Pierre Le Baud, son chroniqueur fidèle, de vérifier si, dans l’histoire des rois et
ducs de Bretagne, il n’y a pas d’exemples de femmes ayant accédé de leur propre chef au
pouvoir, ce qui permettrait à ses filles de revendiquer le trône à la mort de leur père et d’éviter
que le duché ne tombe dans l’escarcelle de l’autre prétendant, le roi de France lui-même. Plus
que d’une question familiale, c’est donc d’un véritable problème d’Etat (la survie ou la
disparition du duché de Bretagne) qu’il s’agit. Conscient de l’importance de sa tâche
d’historien, et dévoué à sa duchesse, Pierre Le Baud remonte alors – via Geoffroy de
Monmouth - jusqu’à Brutus, fondateur et premier roi de la Bretagne insulaire, comme on l’a
dit ci-dessus, pour trouver la réponse à cette question capitale.
"Ou racomptement de laquelle genealogie, si je voulloye depuis à présent jucques au
commancement encercler leurs aieulx et besaieulx, je ne m’aresteroye en montant par
innummerables roys jucques a ce que je fusse venu à Dardanus, premier auteur de Ylyon,
lequel les anciens ont dit avoir esté filz de Juppiter."Mais, "pour brévité,"il se contentera de
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remonter à "Eneas, prince troyan, aucteur du lignaige romain de sa femme Creüsa, fille du
roi Priamus de Troie, qui engendra Ascanius ; Ascanius engendra Silvius ; Silvius engendra
Brutus, lequel Brutus, après plusieurs batailles, conquist la Grant Bretaigne par avant
nommée Albion et à présent Angleterre, et lui imposa Brutus ce nom Bretaigne a la
derivacion de son nom, et si la peupla de la gent de Troye qu’il nomma Bretons, puis y ediffia
la cité de Troye-Neufve au temps de Hely le prophète et de Silvius Eneas."Ceci se passait
"environ l’an après la creacion du monde quatre mil soixante." Depuis cette date jusqu’à la
conquête de la Bretagne Armorique, s’écoulèrent 1525 ans ; ce qui signifie que la création de
Troye-Neuve – qui deviendra plus tard la Londinium romaine – se situa aux environs de 1139
avant J.C.
On s’étonnera peut-être de voir Pierre Le Baud remonter jusqu’aux origines de la
Grande-Bretagne (Britain), alors que la Petite Bretagne (Brittany), celle des ducs pour
lesquels il travaille, ne date que de la fin du IVème siècle de l’ère chrétienne. C’est que, pour
lui, il y a continuité parfaite (ce qui est inexact) entre les rois de Bretagne et ceux qui
administrèrent la Bretagne armoricaine : "ceulx de ladicte Grant-Bretaigne dont nous avons
pris nom et loys …"Nous montrerons cependant ci-après – même si la notion de lignée
continue est inappropriée - comment se créèrent, puis se maintinrent les liens entre les
dirigeants des deux états depuis la naissance de la Bretagne Armorique jusqu’à la mort du
dernier roi breton de Grande-Bretagne.
P. Le Baud ne reconnaît comme source d’information que le "cathalogue"des rois de
Bretagne "scelon que Geffroy, evesque de Monemite (Geoffroy de Monmouth) l’a escript …".
Son commentateur, J. Kerhervé, n’en cite d’ailleurs pas d’autre. Il est vrai que l’œuvre de
Monmouth, reprise et totalement confirmée par le Chronicon briocense plus récent, suffisait
largement à P. Le Baud pour sa démonstration.
Mais revenons d’abord à la naissance de la Grande-Bretagne et de sa royauté.
A l’origine du peuple breton :
Brutus, descendant d’Enée ? ou Britto, de la race de Japhet ?
Deux versions différentes de l’origine de la race bretonne ont existé, mais l’une
d’entre elles a rapidement et définitivement pris le pas sur l’autre. On notera que toutes deux
se retrouvent dans l’Historia Brittonum, attribuée au moine gallois Nennius. Il s’agit d’un
recueil de textes, sans doute d’origine galloise, écrits à partir du VIème siècle, et compilés par
Nennius entre 796 et 806. Il s’agit en tout cas des textes écrits les plus anciens dont nous
disposions dans le domaine de l’histoire des Bretons. On se souvient que Thorpe indique que
Monmouth s’était largement inspiré de Nennius. Quand on connaît l’influence de Monmouth
sur Le Baud, on comprend l’intérêt de s’intéresser d’abord à l’œuvre du moine gallois du
VIIIème/IXème siècle.
Abordant le sujet de l’origine des Bretons, Nennius expose d’abord la tradition venue
de l’histoire de Rome, la fameuse "tradition troyenne", selon laquelle les Bretons
descendraient de Brutus, lui-même descendant d’Enée ; une hypothèse qui semble d’ailleurs
lui convenir, car elle correspond sans doute aux opinions prévalant depuis quelque temps déjà
sur ce sujet. Car, l’ayant exposée de façon un peu détaillée (Chap. 17), il ajoute – mais c’est,
semble-t-il, pour témoigner de l’étendue de ses connaissances ou de son objectivité – qu’il
existe une autre version, tirée de la "tradition des Anciens", qui ferait descendre les Bretons de
Japhet, troisième fils de Noé, et donc de Seth, troisième fils d’Adam et Eve, et ancêtre de
Noé.
9
La tradition "biblique": Britto, ancêtre des Bretons
D’après la Bible, Noé eut trois fils : Sem, Cham et Japhet. Japhet eut sept fils : Gomer,
père des Gaulois, Magog, père des Scythes et des Goths, Madaï, père des Mèdes, Yavan, père
des Grecs, Tubal, père des Ibères, des Espagnols et des Italiens, Meshek, père des Turcs et
Tiras, père des Thraces. A partir d’ici, la descendance de Yavan selon la Bible diffère de celle
que lui attribue Nennius : pour ce dernier, le descendant de Yavan à la dix-septième
génération se nommait Alanus ou Alaneus (on trouve aussi Alanius).
Alanus eut trois fils, qui furent eux-mêmes les ancêtres de tous les peuples européens,
comme le montre le tableau ci-dessous :
Les trois fils d’Alanus, descendant de Japhet et de Noé
1 – Hessitio ou Hisition 2 – Nègue ou Négius 3 - Armenon
eurent pour descendants respectifs :
A - Francus A - Vandalus A - Gothus
B - Romanus B - Saxo B - Valaghotus
C - Britto C - Boguarus C - Gebidus
D - Alamanus D - Burgundus
E – Longodardus
Les douze petits-fils d’Alanus portaient-ils vraiment ces noms ? Ou bien Nennius, ou
un autre chroniqueur, les inventa-t-il à partir du nom des treize peuples européens connus à
l’époque (Francs, Romains, Vandales, Goths, …) ? En tout cas, dans cette thèse, Britto fut
évidemment le père des Bretons, qui se retrouvent donc cousins germains des Francs (leurs
pires ennemis !), des Romains (loin d’être leurs meilleurs amis !) et des Alamans.
Faut-il admettre, avec J. Rio, que l’ordre ci-dessus, implique une "hiérarchie
symbolique des nations", dans laquelle les Bretons viendraient donc après les Francs et les
Romains ? Ce qui pourrait signifier, pour lui, que cette hiérarchie aurait été établie par un
auteur franc …
Nous abandonnerons cette thèse de l’origine biblique des Bretons, aussi vite que
Nennius, qui n’y consacre que quelques lignes, juste, sans doute, par seul souci de se montrer
complet dans sa compilation, sans être réellement convaincu de la pertinence de la thèse.
On peut tout de même se poser la question de savoir pourquoi, dans un monde aussi
dominé par la religion que l’était la société moyenâgeuse, cette thèse biblique n’a pas survécu
et, au contraire, a disparu devant la thèse profane de l’hérédité troyenne et latine.
Il est vrai que, dans cette généalogie d’origine biblique, une fois qu’on a échappé à la
double fatalité de descendre de Caïn d’abord, de Cham ensuite, il n’y a aucun avantage
particulier à descendre d’Alanus plutôt que de l’un de ses frères, d’Hessitio plutôt que de
Armenon ou Nègue, et de Britto plutôt que de Francus ou Romanus. Car aucun de ceux-ci, à
notre connaissance (la Bible en tout cas ne le dit pas, et Nennius non plus), ne s’est illustré de
façon particulière, en bien ou en mal, par rapport à ses frères ou cousins. Or ce qui compte
avant tout pour les dirigeants – tels les rois de Bretagne – qui se mettent progressivement en
place, c’est l’hérédité et la gloire acquise par leurs ascendants, censée rejaillir sur eux et
conforter leur propre pouvoir. Et, dans ce domaine, il faut bien reconnaître que la tradition
biblique n’offre pas les mêmes avantages que la tradition troyenne. Mieux vaut donc aller
10
chercher ailleurs ce "plus" qui fait la différence réelle entre les dirigeants de ce monde. Et
pourquoi pas dans la tradition troyenne, puisque celle-ci s’y prête.
La tradition "troyenne": Brutus, prince troyen, ancêtre des rois bretons
"Voici ce qui est écrit dans les Annales des Romains."(Nennius)
Après la chute de Troie, Enée arrive en Italie avec son fils Ascagne, fils de Crëuse,
fille de Priam, roi de Troie. Puis, ayant fondé la ville d’Albe, Enée épouse Lavinia, fille de
Latinus, roi des Latins. Naît alors Silvius ; mais le récit de Nennius concernant l’origine de ce
dernier est confus : dans la même page, il est d’abord fils d’Enée et de Lavinia : et, quelques
lignes plus bas, fils d’Ascagne, c’est-à-dire petit-fils d’Enée. Mais en fait, ceci n’a que peu
d’importance. Car Silvius se marie à son tour et a un fils, Brutus.
Mais ce dernier est maudit, car, conformément aux prévisions d’un mage, il tue sa
mère (elle meurt en le mettant au monde), puis son père (dans un accident de jeu ou de
chasse). "Il fut chassé d’Italie et devint maudit" (Nennius). Il commença alors le périple sur
lequel nous reviendrons plus loin. "Voilà, conclut Nennius, la généalogie de ce Brutus honni ;
nous, les Bretons, nous ne l’avons jamais revendiqué comme ancêtre, même pas quand les
Scots, qui ne connaissaient pas leur propre origine, voulurent la faire descendre de lui."
Maudit ou pas, Nennius indique bien pourtant que ce Brutus "parvint à notre île qui
reçut son appellation à partir de son nom, c’est-à-dire la Bretagne : il y fit souche et y habita.
Et c’est ainsi que, depuis ce jour-là, la Bretagne fut habitée, et ce, jusqu’à nos jours." Et plus
loin : "Quand Brutus régnait en Bretagne, Postumus son frère régnait sur les Latins, le prêtre
Héli était juge en Israël et l’Arche de l’Alliance était alors entre les mains des étrangers."
C’était donc dans la première moitié du XIème siècle av. J.C.
ENEE, prince de TROIE, ancêtre des rois bretons pour Pierre LE BAUD
P. Le Baud a décidé d’ignorer l’origine biblique de Brutus pour se concentrer sur la
voir troyenne. Mais, pour faire court, il ne commence pas sa généalogie des princes bretons à
Dardanus, fils de Zeus et "premier auteur de Ylion", comme il aurait pu le faire, mais à son
descendant "Enéas, duc troyan", le héros de l’Enéide lui-même. L’histoire des rois de
Bretagne à laquelle nous nous intéressons ici commencera donc pour nous vers 1139 avant
Jésus-Christ.
C’est en effet vers cette date que, portant son vieux père aveugle, Anchise, sur ses
épaules, Enée s’enfuit de Troie, emmenant aussi avec lui son jeune fils Ascagne. Ayant atterri
sur les côtes du Latium, après moult pérégrinations – dont une visite aux Enfers -, il fonde la
ville de Lavinium, du nom de Lavinia, la fille du roi des Rutules, qu’il vient d’épouser.
Ascagne, dit Iule, fils de sa première épouse, Creüse, fonde pour sa part la ville d’Albe la
Longue. Il est considéré comme l’ancêtre de la grande famille romaine Iulia (qui produira,
entre autres, un certain Jules César). C’est l’un de ses descendants, Romulus, qui, quelques
siècles plus tard (en 753 av. J.C.) fondera Rome, avec son frère jumeau Rémus.
Brutus, on l’a dit, est considéré comme maudit, pour avoir causé la mort de sa mère,
puis celle de son père (qu’il a tué accidentellement d’une flèche en jouant avec d’autres
enfants, selon Nennius, en chassant avec lui, selon Monmouth). Chassé d’Italie pour ces
forfaits, il se réfugie en Grèce, au milieu d’une colonie de Troyens ayant échappé, comme lui,
à la guerre et au massacre de leur race. Brutus devient le chef de cette communauté de la
diaspora troyenne. Ayant vaincu le roi grec qui tenait ses compatriotes en esclavage, Brutus
obtient de lui une flotte et des ressources qui lui permettent de fuir la Grèce hostile avec ses
11
compatriotes. Reprenant la mer, il erre en Méditerranée et en Afrique, et, passant les colonnes
d’Hercule (le détroit de Gibraltar), finit par atterrir sur la côte gauloise, au niveau de
l’embouchure de la Loire. Il remonte celle-ci jusqu’à la Mayenne et crée la ville de Tours.
ÉNÉE, prince troyen, et son fils ASCAGNE
(Détail d’une fresque de POMPÉI. Musée national de NAPLES)
Puis il reprend la mer et se retrouve finalement sur Albion, la grande île ainsi nommée
pour ses falaises de craie blanche. Celle-ci n’est peuplée que de quelques géants (certains de
quatre mètres de haut !), mais révèle de grandes richesses. Il va la conquérir et la rebaptiser
Bretaigne, d’après son propre nom. Puis il la peuple de Troyens, ajoutant à ceux qu’il a
amenés avec lui d’autres qu’il fait venir de la diaspora d’Asie Mineure : il les nomme Bretons.
Il édifie, sur la Tamise, la cité de Troia Nova (selon Geoffroi de Monmouth ; Troye-Neuve
pour Pierre Le Baud), qui deviendra plus tard Trenovantum, puis Londres. Ceci se passait,
selon Le Baud, "au temps d’Hély le prophète"(qui mourut vers 1050 avant J.C.) ; il s’était
donc écoulé entre un demi et un siècle depuis la fuite d’Enée et Ascagne de Troie. A quelques
dizaines d’années près, cette chronologie est donc cohérente ; ce qui n’est pas si mal pour un
événement vieux de 2500 ans au moment où Le Baud en parle. Plus étonnant : ceci fait de
Londres une ville plus ancienne que Rome d’environ trois à quatre siècles !7
Quelle qu’en soit la raison, Saint Gildas ne parle nulle part de Brutus et de ses
Troyens ; pour lui, l’histoire de la Bretagne commence avec l’arrivée des Romains. C’est
donc Nennius qui, le premier (en tout cas de nos sources), les fait débarquer en Albion et créer
le royaume insulaire de Grande-Bretagne. "Plus tard, il parvint à notre île qui reçut son
appellation à partir de son nom, c’est-à-dire la Bretagne : il y fit souche et y habita. Et c’est
ainsi que, depuis ce jour-là, la Bretagne fut habitée, et ce, jusqu’à nos jours."Mais, ayant
raconté cette histoire, Nennius poursuit : "Voilà la généalogie de ce Brutus honni ; nous, les
Bretons, nous ne l’avons jamais revendiqué comme ancêtre, même pas quand les Scots, qui ne
connaissaient pas leur propre origine, voulurent la faire descendre de lui." Pour Christine
Kerboul-Vilhon, "il est probable que ce sont les Romains eux-mêmes qui ont établi ce
rapprochement dans un but de meilleure assimilation de l’île de Bretagne." G. de Monmouth
prête à Jules César, qui vient de débarquer en Bretagne pour la première fois et de découvrir
l’origine de ses habitants, les propos suivants : "Par Hercule ! Ces Bretons sont de la même
race que nous, car nous Romains, aussi, nous descendons de la souche troyenne. Après la
destruction de Troie, Enée fut notre premier ancêtre, comme le leur fut Brutus, ce même
Brutus dont le père était Silvius, fils d’Ascagne, lui-même fils d’Enée. En même temps, sauf
erreur de ma part, ils sont complètement dégénérés, si on les compare à nous, et ils ne savent
rien du confort moderne, vivant comme ils le font au milieu de la grande mer et complètement
7 – Selon la tradition romaine, Romulus fonda Rome en 753 av. J.C.
12
coupés du monde. Il sera facile de les faire payer le tribut et de jurer obéissance perpétuelle à
la majesté de Rome. Tout d’abord, je leur enverrai un message, pour leur ordonner de payer
l’impôt, comme les autres peuples honorent le Sénat sans même avoir été approchés ou
attaqués par le peuple de Rome ; car nous ne devons pas verser le sang de nos alliés, ni
offenser la dignité ancienne de notre ancêtre commun Priam." Il lui fallut pourtant trois
tentatives et plusieurs années pour parvenir à ses fins …
Depuis la conquête de la Grant Bretaigne insulaire par Brutus, jusqu’à celle de
l’Armorique continentale par ses lointains successeurs Maxime et Conan Mériadec, il
s’écoulera environ 15 siècles, au cours desquels vont succéder à Brutus, sur le trône de
Bretagne, de 83 à 89 rois selon les auteurs. Le premier de ceux-ci sera Locrius, fils de Brutus
- qui règnera dix ans -, puis la femme de ce dernier, Gwendoline, fille du duc de Cornouaille,
Corineus8, qui règnera, 15 ans, et tutti quanti …
A la fin de cette longue saga royale ininterrompue, en 386 après J.C., Maxime traverse
la Manche, accompagné de son cousin Mériadec. Ils conquièrent entre autres l’Armorique,
dont Conan Mériadec devient le premier roi.
Présentée par P. Le Baud comme une saga ininterrompue, la longue période de plus de
26 siècles qui couvre cette Bretagne des rois et des ducs doit pourtant être divisée en trois
parties de durée fort inégale :
- la première s’étend sur 15 siècles, de 1139 avant à 386 après J.C. ; c’est la période
des rois bretons de la Bretagne insulaire, ou Grande Bretaigne, les successeurs directs de
Brutus ; le dernier d’entre eux devient empereur de Rome sous le nom de Maxime ou
"Maximianus"9 ;
- la seconde dure de 386 à 874, soit environ 5 siècles, de Conan Mériadec, premier
"roi"des Bretons d’Armorique, jusquà Salomon, le dernier d’entre eux ;
- la troisième enfin va de 874 (accession au trône du duché d’Allain le Grand) à 1514
(décès d’Anne de Bretagne).
De 1139 avant à 386 après J.C. : Les roys bretons de Grant Bretaigne
Parti d’Italie par la mer, Brutus, arrière-petit-fils d’Enée, s’empare donc de l’ancien
royaume d’Albion, qu’il rebaptise Bretagne d’après son propre nom, dont il devient le premier
roi et qu’il peuple de Troyens exilés en Grèce après la chute de Troie, qu’il fait venir en
Bretagne et qu’il baptise à leur tour Bretons. Après lui, 82 roys (selon Le Baud, quelques-uns
de plus d’après Monmouth) se succéderont sur le trône de Bretagne insulaire, jusqu’à ce que
"Maximianus", le dernier d’entre eux, qui avait pris la tête des légions romaines de Grande
Bretagne, traverse la Manche, accompagné de son cousin Conan Mériadec, conquière une
bonne partie de la Gaule et se fasse nommer empereur de Rome par ses légions. Il fait cadeau
à Conan Mériadec "as a kingdom", de la partie occidentale de la Gaule que César appellera
Armorique. Pour peupler ses nouvelles terres d’habitants qui lui soient favorables, "il fist
venir de l’isle trente mil chevaliers, cent mil populaires et soixante mil pucelles non nobles
pour marier auxditz populaires. Unze mille autres pucelles nobles se mistrent sur mer en
espérance d’y venir pour estre femmes des chevaliers, desquelles estoit chef Ursulle, fille de
Dyonotus, duc de Cornouaille (insulaire), qui femme du roy Conan devoist estre. Mais les
vents contraires les fistrent appliquer en Germanie et de la allerent a Romme, puis en
8 Corineus, le meilleur lieutenant de Brutus, a choisi, pour s’y établir, la pointe sud-ouest de Bretagne, qu’il
baptise Cornwall (Cornouaille), d’après son propre nom : il en devient le roi. Plus tard, on l’appellera aussi
Cornubie ou Cornubia. 9 Empereur usurpateur connu dans l'Histoire romaine sous le nom de Magnus Maximus, d'où le le nom de
Maxime. Par la suite, nous garderons cette forme "Maximianus", telle qu'elle apparaît dans nombre d'auteurs
anciens.
13
retournant souffrirent martire, et sont nommées les Unze Mille Vierges. Et après ceste
conqueste Maxime passa plus avant en Gaulle. Si trouva l’empereur Gracian a Paris, lequel
il occist en bataille, et chacea Vallentin de Lyon, puis se fist empereur."
On remarquera que, comme Brutus lors de la création du royaume de Bretagne,
Maxime fait venir de son île d’origine plusieurs dizaines de milliers de Bretons insulaires,
hommes et femmes, pour défendre, fertiliser et repeupler le nouveau royaume de Bretagne
Armorique (dont il a préalablement décimé les populations) tout en conservant la langue
bretonne (Pour éviter que les femmes franques qu’il n’a pas tuées et qu’il a mariées à ses
guerriers bretons ne continuent de pratiquer leur parler originel, au lieu du breton, il leur
coupe la langue). Sans oublier une épouse pour Conan Mériadec, premier roi des Bretons
Armoricains : Ursule, destinée à devenir la première reine des Bretons. Comment échappa-t-
elle au massacre des Onze Mille Vierges et devint-elle sainte ? Mystère ! Un de plus sans
doute dans cette sombre histoire.
Car la première question qui se pose concerne la véracité historique de cette saga
étalée sur 15 siècles. Qu’y a-t-il d’historique, qu’y a-t-il de légendaire dans toutes ces
histoires ? Les historiens bretons modernes et contemporains, ces briseurs de mythes et de
rêves, n’hésitent pas à déclarer que Conan Mériadec n’est qu’un héros légendaire. A-t-il
même jamais existé ? Mais alors, qui fut le premier roi de Bretagne armoricaine ? Et en quelle
année ?
Pour sa part, Pierre Le Baud ne s’est pas posé cette question d’authenticité, car il
pensait avoir trouvé la bonne source d’inspiration pour écrire cette première partie de sa
généalogie : l’œuvre de Geoffroy de Monmouth, Historia Regum Brittaniae, terminée en
1136, largement reprise et confirmée depuis par d’autres auteurs, dont celui du Chronicon
Briocense. Pourquoi donc aurait-il remis en cause l’œuvre d’un homme reconnu pour le
sérieux et la qualité de ses travaux historiques10
? Et qui, en outre, lui apportait d’emblée une
réponse positive à sa question "politique": les femmes peuvent-elles monter sur le trône de
Bretagne ? Mais Monmouth lui-même, qui écrivait près de quatre siècles avant Le Baud, où
trouva-t-il la matière de son ouvrage ?
En fait, tout ce que l’on savait d’eux venait, soit de la tradition orale. avec tous les
"enjolivements"que celle-ci apporte avec le temps, soit de quelques livres anciens, tels ceux
de Gildas et Bede (que Monmouth lui-même cite comme faisant partie de ses sources - voir
bibliographie), soit d’autres tels le Chronicon de Réginon de Prüm ou l’Historia Brittonum de
Nennius (c. 800) et quelques autres documents généalogiques encore existants. Mais
Monmouth avoue avoir eu pour source principale un livre très ancien, écrit en breton, que lui
offrit Walter, archidiacre d’Oxford, "un homme très qualifié en matière d’histoire des pays
étrangers". Ce livre remarquable citait "tous les faits de ces hommes, de Brutus, le premier roi
des Bretons, jusqu’à Cadwallader, le fils de Cadwallo." A la demande de Walter, il traduisit
ce livre en latin, en faisant très attention de ne pas en modifier le sens ou l’esprit par des
ajouts et considérations personnels. Puis il utilisa essentiellement cette source pour écrire lui-
même, en latin, son Historia Regum Brittaniae (1136).
Le problème est que l’on n’a jamais retrouvé cet ouvrage de référence. Mais, comme
l’écrit fort justement Lewis Thorpe, qui a traduit et mis en page l’édition du livre de
Monmouth pour les éditions Penguin Books (1966) : "Le fait que nous ne possédions pas ce
livre n’exclut pas la possibilité qu’il ait existé à un moment donné. C’était un manuscrit,
évidemment, et peut-être une copie unique ; et il y a eu beaucoup plus de manuscrits
médiévaux détruits qu’il n’en est parvenu jusqu’à nous." Ceci ne prouve évidemment pas le
caractère historique de l’œuvre de Monmouth – ni donc de celle de Le Baud, sa copie -, mais
10 Outre Historia Regum Brittaniae (The History of the Kings of Britain) , G. de Monmouth a écrit les
Prophecies of Merlin, puis une Vita Merlini (The Life of Merlin), et quelques autres moins connus. Il fut
professeur à Oxford et évêque.
14
ne suffit sans doute pas pour la ranger d’un geste méprisant dans la catégorie des pures
œuvres de légende ou d’imagination. Il est vrai que les deux autres ouvrages les plus connus
de Monmouth sont les Prophéties de Merlin et une Vie de Merlin. Ce qui, évidemment, ne
plaide pas d’emblée en faveur de la rigueur scientifique de l’auteur…
Il y a bien quelques petites divergences entre les textes de Monmouth et de Le Baud.
Mais elles peuvent être attribuées à des problèmes de langue, à des incompréhensions ou à des
erreurs des copistes. Car, en quatre cent ans, le livre de Monmouth a connu plusieurs copies,
et, selon J. Kerhervé, celui de Le Baud en a lui-même connu cinq, "dont quatre nous sont
parvenues", et qui montrent entre elles les mêmes petites erreurs de copie, reproduites et
amplifiées d’un exemplaire à l’autre. Mais, au final, la liste des rois de Bretagne insulaire de
Le Baud est identique à celle de Monmouth, à très peu d’unités près. Et l’ordre de succession
de ces quelques 90 rois est strictement le même. Il est donc clair que la source unique de Le
Baud pour cette première partie de son travail est le livre précité de Geoffroy de Monmouth,
malgré les différences souvent importantes entre les deux ouvrages dans les noms des rois
(Rubrudibras pour Rud Hud Hudibras ; Gurguintartrud pour Gurguit Barbtruc, Cumanius
pour Ennaunius, …)
Sans doute y a-t-il une bonne part de légende, en tout cas de tradition orale, dans le
livre de Monmouth. Mais la chronologie indiquée par l’auteur est très proche de celle des
autres faits de l’Histoire de cette période telle qu’admise par les historiens actuels (Voir
tableau joint). On en retient donc que, mises à part les outrances et les incohérences dues à
l’influence de la légende ou de la tradition orale, on peut penser qu’il y a un fond de vérité
historique dans l’histoire des rois de Bretagne écrite par Monmouth et reprise par Le Baud.
Ceux qui le nient s’appuient essentiellement sur l’absence de documents d’époque. Mais, si
tel est le cas, sur quoi appuient-ils donc eux-mêmes leurs dénégations ?
Pour P. Le Baud, il n’y a pas, à ce stade de l’Histoire de différence entre Grande et
Petite Bretagne, cette dernière n’existant d’ailleurs pas en tant que telle. Il est donc tout à fait
normal pour lui de considérer les rois de Grande Bretagne depuis l’origine jusqu’à la création
du royaume d’Armorique comme les prédécesseurs naturels de ses maîtres, les ducs de
Bretagne de cette fin du XVème siècle de notre ère, qui en recueillent ainsi toute l’ancienneté
et toute la majesté. Car il y a dans cette histoire des moments très glorieux. Mais surtout, en
s’attribuant cette ascendance, la lignée des rois et ducs de Petite Bretagne devient largement
plus ancienne que celle des rois de France, et peut donc prétendre à s’exonérer de la tutelle de
cette dernière.
On trouve aussi dans cette ancienne généalogie – à condition de l’accepter au pied de
la lettre - des éléments de preuve incontestables en faveur de la thèse de l’accessibilité des
femmes au trône de Bretagne. En effet, dans la liste des rois ayant régné sur la Bretagne
insulaire jusqu’en 386 après J.C., Le Baud, suivant Monmouth, peut faire état de quatre reines
ayant régné en personne : la reine Gwendoline, la bru de Brutus lui-même, le fondateur de la
dynastie, qui régna 15 ans ; la reine Cordelia ou Cordeille, fille de Lyer (5 ans) ; la reine
Marcia, qui édicta la Loi marcianne ; la reine Hélène – qui fut aussi sainte -, la fille de
l’empereur Claudian. Quant à "Maximianus" ou Maxime, le dernier de cette première liste, il
devint "roy de Grant Bretaigne … par cause de sa femme", seule héritière de son
prédécesseur, le roi Octavius. La démonstration de Le Baud est commencée ; elle se
poursuivra à la période féodale.
N.B. - Le lecteur intéressé par la liste nominative exhaustive des rois bretons de
Grande et de Petite Bretagne trouvera celle-ci dans l’exemplaire de ce bulletin annuel de la
S.A.H.P.L. conservé à la bibliothèque de la Société, ainsi que sur le site Internet de cette
dernière. Ce document montre côte à côte les listes respectives de nos trois auteurs, G. de
Monmouth, le Chronicon Briocense et P. Le Baud, plus diverses autres informations liées au
sujet.
15
La Grande et la Petite BRETAIGNE, d’après le Portulan de Brouscon.11
De 386 à 876 après J.C. : Les rois de Bretagne Armorique
Ayant succédé en 381 à son beau-père Octavius, constitué un énorme trésor de guerre,
recruté une armée puissante et conforté son pouvoir sur l’île de Grande Bretagne, Maxime
décide de se lancer à la conquête de la Gaule (386). Pour ce faire, il prend comme lieutenant
Conan Mériadec, le neveu d’Octavius. Conan est fort dépité, voire fâché après Maxime, car il
pensait bien épouser la fille de son oncle Octavius et, du même coup, hériter du royaume. Il
accepte cependant l’offre de Maxime et, avec lui, conquiert d’abord le royaume d’Armorique
("the kingdom of the Armorici"), qui s’étendait, à l’ouest de la Gaule, entre la Seine et
l’Aquitaine. Ceci fait, Maxime – qui vise le reste de la Gaule et l’empire de Rome – tient à
Conan ce langage : "Tu ne dois pas te sentir frustré pour avoir laissé le royaume de Bretagne
tomber dans mes mains, alors que tu espérais en obtenir la possession. Quoi que tu aies
perdu en Bretagne, je te le compenserai dans ce pays. Je t’élèverai à la dignité royale en ce
royaume. Ce sera une deuxième Bretagne et, lorsque nous aurons supprimé tous les
indigènes, nous le repeuplerons avec notre propre race." Ce qu’ils font. Puis Maxime
conquiert l’Allemagne, installe sa capitale à Trèves et meurt, assassiné, à Rome en 392 ap.
J.C.
"Conan Meriadech demoura adoncq roy de ceste Bretaigne Armorique, autrement
nommee la petite a difference de la plus grant. Et depuis lui jusques a present, au plaisir de
Dieu, scelon nos croniques, continueroy la genealogie, pour ce que le dit Conan fut le
premier du lignaige des Bretons qui y seigneurit, et de lui et sa posterité sont yssuz et
descenduz ceulx qui depuis y ont regné.". Notons que P. Le Baud reprend ici encore l’opinion
de G. de Monmouth
Après Maxime, G. de Monmouth continue de relater l’histoire des rois de Grande
Bretagne, jusqu’à Cadwallader (689 ap. J.C.), dernier des rois bretons, chassé par les Saxons à
cette date.
11 Cette illustration est empruntée à la couverture du livre de Mme Christiane M.J. Kerboul-Vilhon, Gildas le
Sage – Vies et œuvres, aux Editions du Pontig, Sautron, 1997
16
Après Conan Mériadec, P. Le Baud raconte l’histoire des rois de Bretagne Armorique
jusqu’à 876 et la mort de Salomon ; car, d’après lui, après celle-ci, "cessa en Bretaigne la
dignité royal."
Sarcophage dit "de Conan Mériadec"
(Eglise Saint-Paul-Aurélien, ancienne cathédrale de Saint-Pol-de-Léon)
En fait, Conan ne resta que peu de temps sur le trône de Bretagne (de 386 à 392).
Lorsque Maxime et lui avaient conquis l’Armorique, celle-ci était encore peu peuplée. Elle
l’était encore moins lorsque la conquête fut terminée, car les deux conquérants bretons avaient
assassiné systématiquement tous les hommes, n’épargnant que les femmes. Mais ils
interdirent à leurs soldats bretons de se mésallier en épousant ces femmes franques. Sauf à
leur couper la langue, pour éviter qu’elles ne parlassent la langue franque à leurs enfants. Il
leur fallait donc repeupler le pays. Se souvenant de l’exemple de Brutus après sa conquête
d’Albion, ils firent donc "venir de l’isle trente mil chevaliers, cent mil populaires et soixante
mil pucelles non nobles pour marier auxditz populaires". Mieux : "Onze mille autres pucelles
nobles se mirent sur mer en espérance d’y venir pour estre femmes des chevaliers". 201000
Bretons et Bretonnes de plus sur le sol armoricain : c’est un chiffre considérable pour
l’époque. En effet, les historiens estiment la densité de la population armoricaine à l’époque à
+/- 5 habitants / km2.
Il s’agissait donc, par ce transfert massif de Bretons des deux sexes, de pratiquement
doubler la population autochtone. S’il eut bien lieu, au nombre de combien furent-ils
réellement, ces "immigrants"? On l’ignore évidemment. Le Livre des faits d’Arthur, un
manuscrit des environs de l’an mil (histoire ou légende ? son authenticité est contestée), parle
seulement de 1000 plébéiens et de 30000 nobles. Pas question de pucelles, ni nobles, ni
roturières. On est bien loin des chiffres précédents.
Ces transferts massifs de populations bretonnes sur le continent eurent-ils bien lieu ?
Ou n’est-ce encore qu’une légende ? Le fait est que, si les nombres de migrants varient
considérablement selon les sources, la migration elle-même est reprise dans plusieurs
documents. Et l’Histoire de Bretagne (Léon Fleuriot, par exemple) date bien du IVème au
VIème siècle la première grande migration bretonne vers l’Armorique.
Le tableau de la page suivante montre, en parallèle, les successions respectives de
Conan sur le trône de Bretagne Armorique et de Maxime sur celui de Bretagne insulaire. Les
noms encadrés dans ce tableau sont ceux des rois de Bretagne insulaire qui périrent de mort
violente. On remarque que, jusqu’au milieu du VIème siècle, la succession au trône de
Bretagne insulaire se fait "naturellement" par assassinat du roi en place ou de son légitime
héritier, à tout le moins par mort violente. Sur les 10 rois concernés, de Maxime à Constantin
III, six sont assassinés par le fer, deux empoisonnés, un subit "la vengeance de Dieu" en
17
ROIS DE BRETAGNE ARMORIQUE & ROIS DE BRETAGNE INSULAIRE
du Vème au VIIème siècle de notre ère (d’après Pierre LE BAUD – col. de gauche - et Geoffrey de MONMOUTH – col. de droite)
________
OCTAVIUS
à qui succéda :
CONAN MERIADEC (+ 386) MAXIMIANUS "/ MAXIME
neveu d’Octavius ……………………….. gendre d’Octavius et cousin de Conan Mériadec 1ER Roi de Bretagne Armorique Roi de Grande Bretagne, Empereur de Rome à qui succéda : assassiné à Rome par les amis de son successeur, GRALLON (+ 405)
à qui succéda : GRACIANUS
SALOMON Ier
à qui succéda : à qui succéda :
son fils aîné, AUDRAON (*) ..(tous deux fils de Salomon Ier)… CONSTANTIN12
à qui succéda : à qui succédèrent successivement ses 3 fils : (I) (II) (III)
BUDICIUS / BUDIC Ier CONSTANS AURELIUS UTHER
reçut en Armorique et éleva les deux frères…………………………….. AMBROSIUS & PENDRAGON
S’intercalèrent entre Constans et Aurelius Ambrosius : - VORTIGERN, après l’assassinat de Constans par ses amis, puis
- VORTIMER, fils aîné du précédent, puis
- VORTIGERN, à nouveau, après la mort de son fils (v. 425).
Succéda à BUDIC Ier Succéda à UTHER P. son fils
son fils, BUDIC II époux de EMME ou ANNA ……. (sœur et frère) ……. ARTUR (+ 542)
beau-frère & compagnon d’armes d’ARTUR (Les enfants de Uther Pendragon) Lui succéda
à qui succéda : CONSTANTIN III
(Roi de 542 à 546) son fils HOEL Ier, dit Le Grand, compagnon d’armes de son oncle ARTUR, AURELIUS CONANUS à qui succéda : (Roi de 546 à 549) à qui succéda :
VORTIPORIUS à qui succéda : son fils HOEL II époux de ………..RIMO , la fille de ..………….. ………. MALGO
(donc gendre du roi Malgo) à qui succéda :
à qui succéda : son fils ALLAIN Ier KEREDIC
à qui succéda : à qui succédèrent :
3 Tyrans anonymes son fils HOEL III à qui succéda : à qui succéda : CADVAN, fils de IAGO son fils SALOMON II à qui succéda : qui éleva Cadwallo et l’envoya conquérir
le trône de Grande Bretagne ………………………………………………… son fils CADWALLO
élevé par Salomon II à qui succéda : à qui succéda : son neveu ALLAIN II, dit Le Long (+ 689) son fils CADWALLADER (+ 689) qui reçut Cadwallader pendant 11 ans, …………………………… accueilli par Allain Le Long
avant de le renvoyer en Grande-Bretagne en Armorique.
pour y succéder à son père
Après CADWALLADER, les Saxons chassent les
Bretons vers l’Ouest (Pays de Galles) : c’est la
fin du règne des rois bretons sur le Royaume de Bretagne.
12 Après que Maxime et Conan eurent quitté la Bretagne insulaire avec les meilleurs de ses soldats, l’île se trouva fort
affaiblie. Ce qu’apprenant, les Barbares venus de l’est se jetèrent sur l’île qu’ils conquirent et pillèrent. Les Romains refusant obstinément de revenir les protéger, les Bretons insulaires demandèrent aide et protection à leurs cousins continentaux, alors dirigés par le roi Aldroenus ou Audraon, fils de Salomon Ier. Celui-ci refusa même la couronne de Grande Bretagne qu’on lui offrait ; mais, pour venir en aide à ses "cousins "grands-Bretons, il leur donna son frère Constantin et 2000 soldats. Ceux-ci libérèrent l’île, et Constantin en fut fait roi. C’est ainsi que les deux fils de Salomon Ier se retrouvèrent respectivement et
simultanément rois de Petite et de Grande Bretagne.
18
rémission de ses propres assassinats ; un seul, Artur, connaît une mort glorieuse, sur le champ
de bataille de Camblam en défendant ce qui reste de son royaume.
Alors que, à la même époque, le trône de Bretagne Armorique - pourtant né
récemment sous les auspices d’une extrême violence, selon certains récits - se transmet le plus
souvent de père en fils ou en neveu, sans violence physique. Ceci correspond d’ailleurs à
l’esprit d’apaisement et de concorde qui semble régner alors dans la population armoricaine,
si l’on en croit la légende de Saint Gouëznou (rapportée dans le Chronicon briocense, § 84) :
"Armoricains et Bretons insulaires, soumis aux mêmes lois et vivant dans une affection
fraternelle, furent gouvernés par un seul roi et n’étaient qu’un seul et même peuple."
On notera aussi les liens matrimoniaux ou familiaux qui continuent d’exister entre les
deux dynasties. On se souvient que Conan Mériadec était le neveu du roi de Grande Bretagne
Octavius, et Maxime le gendre de ce dernier ; ils étaient donc cousins par alliance. Les deux
fils de Salomon Ier sont respectivement et simultanément rois de Bretagne Armorique et de
Bretagne insulaire ; ce qui crée évidemment entre les deux états indépendants l’un de l’autre
des liens très particuliers. Emme ou Anna, épouse du roi de Petite Bretagne Budic, est la sœur
du grand roi Artur ; Hoël le Grand, fils de Budic et d’Emme, lui-même roi d’Armorique, sera
l’un des meilleurs compagnons de son oncle Artur dans ses campagnes ; Rimo, épouse de
Hoël II, roi d’Armorique, est la fille de Malgo qui règne à ce moment sur la grande Bretagne.
On notera enfin que si, sur cette période de trois siècles, la durée de règne moyenne est
de l’ordre de trente ans en Bretagne armoricaine, elle n’est que de quinze outre-Manche. Et,
curieusement, ceci n’a rien à voir avec le mode de succession par la violence que nous
signalions ci-dessus. En effet, les dix rois bretons qui moururent de mort violente avaient
régné en moyenne une quinzaine d’années, comme leur dix successeurs morts de mort
naturelle.
Les chemins de Le Baud et de Geffroy de Monmouth se séparent donc après la
conquête de l’Armorique par "Maximianus"/Maxime et Conan Mériadec. Seize autres rois
succèderont à ce dernier sur le trône de Bretagne, dont les dix cités dans le tableau ci-dessus.
"Et après Allain le Long regna Daniel, surnomme Dremruz, qui signifie visage rouge
… paravant être roy de Bretagne il fut comte de Cornouaille …" Ce Daniel Dremruz fut "roy
de toute Bretaigne et d’Allemaigne ; il regna jusques environ l’an sept cens trente."Après la
mort de Daniel, "les princes du pays se divisèrent en sept parties et se nommoit chacun d’eux
roy en sa portion." Cette situation dura trente-huit ans, jusqu’à l’avènement de Charles le
Grant (Charlemagne) au royaume de France (768). Ce dernier mit plus de trente ans à les
réduire, mais y parvint. Charlemagne nomma alors Arrastanus roi de Bretagne. Ce dernier
l’accompagna dans sa campagne d’Espagne : mal lui en prit, il mourut à Roncevaux avec le
preux Roland, dont il devait être l’un des familiers, car Roland était à cette époque le chef de
la Marca Britonnica. Mandonus succéda à Arrastanus. Il tenta d’échapper au pouvoir
qu’exerçait sur lui l’empereur Louis, après son père Charlemagne. On notera que seul P. Le
Baud cite les noms d’Arrastanus et de Mandonus
C’est seulement en 829 que le roi de Bretagne, profitant d’une conspiration des enfants
de l’empereur Louis, réussit à s’exempter du pouvoir impérial. Rentré en Bretagne, il élimine
tous les gouverneurs nommés par l’empereur et régne seul pendant vingt et un ans. Il meurt en
851. Il s’appelait Nominoé. A qui succède son fils Erispoé, tué en bataille par son cousin
Salomon en 857. Salomon régnera dix-sept ans et sera à son tour "occis par les Bretons avec
son fils nommé Albigeon. Et après sa mort cessa en Bretaigne la dignité royal." (874)
Malheureusement, cette généalogie bien huilée est contestée par les historiens
modernes. Si le personnage de Conan Mériadec est connu de ces derniers, ils le tiennent
généralement pour une "invention"pure et simple de G. de Monmouth, reprise avec bonheur
par P. Le Baud. Pour eux, le personnage de Conan n’est que légendaire. De même ignorent-ils
tous ses successeurs directs, de Grallon à Mandonus inclus.
19
Il faudrait arriver – mais par quel chemin ? - à Neomenius / Nominoé pour trouver
enfin le premier roi "historique" de Bretagne armorique. Du moins son premier souverain ; car
on se demande encore s’il porta ou non le titre de "roi": aucun texte de l’époque où figurent
son nom et ses prérogatives ne semble utiliser ce qualificatif (Voir le livre de J.C. Cassard sur
Les Bretons de Nominoë.)
Qu’est-ce qui fait la différence entre un "vrai" roi et un autre ? On pourrait penser à
l’onction et au couronnement. Mais, à en croire le Chronicon Briocense, ce ne semble pas être
le cas. En effet, lorsque, dans son § 28, il énumère "les rois chrétiens", il les classe en deux
catégories :
- ceux qui doivent être couronnés, et donc oints. Ce sont les rois de Jérusalem, de France, de
Sicile et de Grande Bretagne, qui seuls "en ont le privilège de toute antiquité";
- tous les autres : Castille, Léon, Bohème, Majorque, Cologne, … et quatorze autres, parmi
lesquels le "roi de Petite Bretagne". Ceux-là ne doivent pas être couronnés.
D’ailleurs, poursuit-il, "de nos jours"(vers 1400), (le roi de Bretagne) "n’a plus titre de
roi, mais de duc. Toutefois, il jouit de toutes les libertés et des droits royaux dans son duché,
tout comme un roi."Le 14 août 1532, "lors de très solennelles cérémonies, François, fils du
roi François Ier
et dauphin de France, était couronné duc de Bretagne, en la cathédrale (de
Rennes), sous le nom de François III : l’évêque lui remit l’épée et "ce fait, fut faite la
bénédiction de la couronne ducale et lui fut posée sur le chef."(J. Cornette). Très récemment,
un autre historien, Ph. Tourault, a publié un ouvrage sur les rois de Bretagne du IVè au Xè
siècle - c’est-à-dire de Conan Mériadec à Alain le Grand - dans lequel il ne concède le titre de
"roi"qu’aux trois derniers d’entre eux, à savoir : Erispoë, fils de Nominoë, Salomon, fils
d’Erispoë, et Allain le Grand, neveu de Salomon. Pour lui en effet, la quinzaine de souverains
de Bretagne continentale qui se succédèrent – selon la tradition ou la légende - de Conan
Mériadec à Murman / Morvan et Guiomarc’h, s’ils furent qualifiés de rois, ce ne peut-être
qu’abusivement. Nominoë a été qualifié, dans les différents textes de l’époque le mentionnant,
de missus, dux, gubernans ou regnans, jamais de rex. Erispoë est, pour Tourault, le premier à
mériter l’appellation authentique de roi, car il en avait toutes les attributions (titre, terres et
pouvoirs), à lui conférées par le roi de France, Charles le Chauve, par le traité d’Angers (851).
Son règne fut bref, six ans seulement, puisqu’il fut assassiné en 857 par son cousin
Salomon. Ce dernier fut alors "prince de Bretagne" pendant onze ans (857 – 868), avant
d’être à son tour reconnu pour roi par le même Charles le Chauve, qui, du même coup, élargit
le royaume de Bretagne au Cotentin. Il sera lui-aussi assassiné, par des dignitaires bretons et
francs, et la Bretagne connaîtra alors une longue période de guerres civiles (874 – 890),
jusqu’à ce que Alain, neveu de Salomon, devienne, à la mort de son co-souverain, Judicaël, le
seul maître de la Bretagne (v. 890). Mais la dignité royale ne lui est conférée, par Charles le
Simple, qu’en 898. Alain, qualifié de "le Grand", meurt neuf ans plus tard (v. 907) et avec lui
"cessa en Bretaigne la dignité royal", comme l’écrit P. Le Baud.
En résumé, pour suivre Ph. Tourault en ne reconnaissant pour "rois de Bretagne" que
ceux qui tinrent cette dignité d’un roi authentique (en l’occurrence celui de France, dont ils
étaient les obligés), la royauté n’aurait véritablement prévalu en Bretagne Armoricaine que
pendant une période très courte, comme le montre le tableau ci-après13
:
13 Nous nommons, dans les tableaux suivants : - "rois sans le titre "ceux qui sont appelés "roi "par certains
auteurs, mais qui n’en ont pas le titre officiel, selon les critères décrits par Ph. Tourault ci-dessus ; - "rois
officiels "ceux qui répondent aux critères de Ph. Tourault, dès le début de leur mandat ou à partir du moment où
ils répondent à ses critères
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D’après Ph. TOURAULT
"Roi"sans le titre "Roi"officiel
* Nominoë 831 – 840 : Missus
14 de Louis le Pieux
846 – 851 : Duc de Bretagne
* Erispoë 851 – 857 : Roi de Bretagne * Salomon 857 – 868 : Prince de Bretagne 868 – 874 : Roi de Bretagne
874 – 876 : Pacsweten et Gurvant se partagent et dirigent la Bretagne.
876 – 890 : Leurs fils respectifs, Alain et Judicaël, leur succèdent.
890 : A la mort de Judicaël, Alain devient le seul maître de la Bretagne. * Alain le Grand 890 – 898 : Chef de la Bretagne 898 – 907 : Roi de Bretagne
Il nous a semblé intéressant de comparer cette généalogie selon Ph. Tourault à celle de
P. Le Baud concernant les mêmes personnages, à savoir :
D’après Pierre LE BAUD "Roi"sans le titre "Roi"officiel
* Nominoë 840 – 861 : Roi de Bretagne * Erispoë 861 – 866 : Roi de Bretagne
* Salomon 866 – 876 : Roi de Bretagne
876 : Fin de la dignité royale en Bretagne continentale * Alain le Grand &
son frère Pacsweten15
876 – 894 : co- "ducs royaux"de Bretagne
894 : Pacsweten assassiné par les envahisseurs normands
* Alain le Grand 894 – 907 : "Seul au gouvernement de Bretagne" 894 : Début de la dignité ducale en Bretagne
Et si toute cette querelle de titres n’était finalement que purement sémantique ? C’est
Jean-Jacques Monnier qui écrit16
: "… Le titre de "ri"("roi") est le seul nom donné par les
Bretons à leurs chefs du IVème au XIème siècle, avec des équivalents latins divers. C’est la
chancellerie franque, puis française, qui essaie de rabaisser ces chefs par le titre de comte
(comes)." Quel que fût son titre officiel, les Bretons ont toujours qualifié leur souverain de
"ri"et l’ont toujours considéré comme roi. C’est dire que les réticences de certains historiens
modernes (Cassard, Tourault) à accepter la qualification royale des gouvernants bretons n’ont,
pour leurs sujets de l’époque (et pour certains au moins de leurs descendants), qu’un intérêt
limité.
Qui fut donc réellement le dernier "roi"/ "ri" de Bretagne selon nos hommes de l’art ?
Salomon, comme l’écrit P. Le Baud ? Ou Allain le Grand comme le soutient Ph. Tourault
(voir son livre pp. 204/205) ?
14 On trouve dans N.Y.Tonnerre – Naissance de la Bretagne (P. 81), une carte du territoire commandé par
Nominoë, intitulée : Le Missaticum de Nominoë. 15 Selon J.Cornette, Pacsweten, comte de Vannes, n’était pas le frère, mais le père d’Alain ; il était aussi le
gendre de Salomon. Il gouverna la Bretagne avec Gurvant en 874-875 ; tous deux moururent en 876. Ils furent
remplacés par leurs fils respectifs, Alain et Judicaël, jusqu’à la mort de ce dernier, sans doute vers 890. Les
informations de P. Le Baud semblent donc ici bien approximatives 16 in Histoire de la Bretagne et des Pays celtes – Collectif – Ed. Skol Breizh, Morlaix, 1970 – T. I, Chap. 6 :
L’immigration bretonne en Armorique, p. 134.
21
J.C.Cassard est d’accord avec le point de vue de ce dernier. "Au terme de deux
décennies d’équilibre fragile et de paix, les termes du compromis passé en 851 (entre Erispoë
et Charles le Chauve) sont balayés par la guerre civile en Bretagne et les incursions des
Vikings : le titre royal n’est plus relevé par les chancelleries après Alain le Grand, et bientôt
il tombe dans l’oubli, les descendants d’Alain Barbetorte étant écartés du trône et la Bretagne
échouant à des familles étrangères ou comtales au XIème siècle".
S’il en est bien ainsi, la question suivante est donc : qui fut réellement le premier duc
de Bretagne ?
D’environ 900 ou 935/936 (?) jusqu’à 1514 ou 1532 : Les Ducs de Bretagne
L’indécision, voire l’embarras, qui règne quant aux dates d’apparition et de disparition
officielles du titre de duc de Bretagne ressort des dates indiquées ci-dessus.
Geoffrey de Monmouth qualifie encore Alain II le Grand ou le Long, le fils de
Salomon II, de "king of Brittany". Mais ce sera le dernier. Il est vrai qu’Alain II était
contemporain de Caldwallader, le dernier roi breton de Grande Bretagne mentionné par
Monmouth, et qu’ils moururent la même année (689). C’est à cette date qu’il arrête son
histoire des rois de Bretagne, supplantés sur le trône de Grande-Bretagne par la dynastie des
rois saxons. C’est aussi à cette date que s’arrête, pour lui, mais pour lui seulement, l’histoire
des rois de Bretagne continentale.
Pour l’auteur du Chronicon Briocense (v. 1400), "Alain le Grand, appelé aussi le
Long, neveu de Salomon, fut le onzième roi de Petite Bretagne"(§ 96). Et plus loin : "Alain,
roi des Bretons …", "Alain, roi de Petite Bretagne", "Alain, par la grâce de Dieu roi des
Létaviens ou Bretons armoricains …"A qui succéda "Conober ou Conobertus, douzième roi
de Bretagne …" Le Chronicon ne va pas plus loin dans la généalogie des rois de Bretagne.
Mais, si l’on considère que ce Conober fut le dernier roi de Bretagne, le premier duc aurait
donc été son successeur, Alain Barbetorte.
Dans sa Chronique abrégée des rois et ducs de Bretagne - § 1 (vers 1470), Jean de
Saint-Paul, chambellan du duc François II, déroule la séquence des gouvernants bretons "de
Conan Mériadec à Alain Barbetorte", en ne citant jamais, à propos de ces derniers, le titre
qu’ils portaient17
. Par contre, dès le titre du § 2 de sa chronique, il qualifie Alain Barbetorte de
duc. Et, dans les premières lignes de ce §, il dit d’Alain le Grand, le père de Barbetorte, qu’il
"vaillamment deffendit sa duché (sic) en son temps." Ceci suffit-il pour considérer qu’il tient
Alain le Grand pour le premier duc de Bretagne ?
Si l’on interroge maintenant P. Le Baud (1486), Alain le Grand et Pacsweten "se
fistrent ducs royaux de Bretagne": ils prirent le pouvoir (et ce titre ?) en 874. Pacsweten ayant
été tué en 894, "demeura le duc Allain le Grant seul au gouvernement de Bretaigne, qu’il tint
treize ans, savoir jusques a l’an de grace neuf cent sept, auquel an il mourut." P. Le Baud
ayant déclaré la fin de "la dignité royal en Bretagne" en 876, à la mort de Salomon, Alain le
Grand est donc pour lui le premier duc de Bretagne. Mais à quelle date ?
Une intéressante constatation s’impose concernant la liste nominative et
chronologique des ducs de P. Le Baud : elle est parfaitement conforme à celles des historiens
modernes de référence que nous avons retenus18
. Il n’y a donc pas sur ce plan – comme c’était
le cas avec les rois bretons - de "querelle des Anciens et des Modernes". Il y a cependant une
petite divergence, à propos du titre porté par les souverains de Bretagne après Salomon :
furent-ils d’emblée ou non "ducs de Bretagne"? Pour Le Baud, on l’a vu, il n’y a aucun doute,
ni pour Allain le Grand ni pour ses successeurs.
17 Sauf pour Houel le Grand, le compagnon de batailles et de croisade du grand roi de Grande-Bretagne, Artur.
Hoël/ Houel/Houaël est toujours qualifié de roi par Saint-Jean. 18 Noël-Yves Tonnerre, Georges Minois, Joël Cornette, le collectif de Skol Breiz
22
Pour nos historiens contemporains, le problème cependant se pose différemment.
Ainsi, si Joël Cornette reconnaît que, en 898, "Alain s’intitule dans les actes "par la
grâce de Dieu pieux et pacifique roi de Bretagne", il ne lui attribue pour sa part "que"la
qualité de "1er
duc de Bretagne". Puis il décerne ensuite le titre ducal à tous ses successeurs,
comme le fait Pierre Le Baud. "Alain Barbetorte, écrit-il, ne récupéra jamais le titre royal de
ses ancêtres, notamment de son grand-père Alain le Grand … Bien qu’il fût petit-fils de roi,
Alain Barbetorte n’a pas songé à relever ce titre ; ses successeurs non plus qui s’intituleront
indifféremment "comtes", "ducs", ou "princes des Bretons". Même si, pour leur peuple,
bretonnant, ils sont des ri (rois), "le royaume subordonné de Salomon n’est plus qu’un
souvenir." Si Alain Barbetorte, ayant récupéré son pouvoir sur la Bretagne par son retour
d’exil en 836, et la totalité de son territoire en chassant les Normands par sa victoire de Trans
(839), ne "songe pas à relever le titre de roi de ses ancêtres", c’est sans doute parce qu’il
n’accorde qu’un intérêt mineur à un titre attribué par la chancellerie française : pour lui, son
titre local de "ri"- que ne lui conteste aucun de ses sujets bretons - lui suffit largement.
Pour sa part, Georges Minois ne sait quel titre attribuer à Alain le Grand ; il se pose
d’ailleurs aussi la question pour son successeur Alain Barbetorte : "duc ou comte de
Bretagne ?", se demande-t-il ? Il nomme Hoël Ier "maître du duché", ce qui n’est pas un titre
nobiliaire ; mais, en bonne logique, s’il y a duché, il y a duc. Alain III "dirige l’ensemble de la
Bretagne", mais avec quel titre ? "Totius Brittaniae princeps"ou "Comes totius Brittaniae"?
(Prince ou Comte de toute la Bretagne ?) : il ne se prononce pas. Avec son successeur Conan
II, "le titre de duc est lui-même remis en question ; il n’apparaît que dans un seul document,
alors que, dans tous les autres, Conan est qualifié de comte." Sans doute Hoël V est-il
qualifié de duc, mais son autorité territoriale est réduite à la Bretagne méridionale
(Cornouaille, Broérec, Nantais). C’est Alain Fergent qui remet de l’ordre en rassemblant le
nord et le sud, dotant l’administration du duché d’une chancellerie et utilisant, à partir de
1108, un sceau ducal.
Noël-Yves Tonnerre écrit à propos d’Alain Barbetorte, le successeur direct d’Alain le
Grand : "… le pouvoir du prince breton était dès le départ limité. Plus question de titre royal,
le nouveau chef breton devait se contenter du titre ducal". Le même auteur limite même
géographiquement l’étendue de son pouvoir à la Bretagne méridionale (Cornouaille,
Vannetais, Nantais), le comte de Rennes gardant une liberté d’action à peu près totale tout en
acceptant l’hégémonie d’Alain Barbetorte. "C’est, ajoute-t-il, ce titre (duc) qu’il se donne
dans le seul acte que nous possédons de lui. Ce titre sembla disproportionné à ses
successeurs. Le titre de comte apparaît en concurrence avec le titre ducal, même dans les
actes instrumentés par le duc." Pourtant, quarante ans après Barbetorte, Conan le Tort se
qualifie lui-même de Brittanorum Princeps et se fera imposer une couronne "à la manière des
rois."
Enfin, Ph. Tourault, qui n’hésite pas à attribuer la dignité royale à Alain le Grand, la
refuse à son successeur Alain Barbetorte. "Nul besoin (pour le nouveau roi de France Louis
IV) de faire d’Alain Barbetorte un roi subordonné, qui serait plus gênant qu’utile. Alain reste
duc, chef de sa principauté … Ses successeurs porteront le même titre après sa mort en 952
… C’est ce duché établi par et pour Alain Barbetorte – et étoffé après lui – qui survivra
autonome jusqu’à son annexion à la France par François Ier en 1532 …"
On voit donc qu’il existe un très grand flou dans l’attribution de la qualité de duc à
Alain le Grand et à ses successeurs immédiats. Et qu’il ne s’agit pas d’une "querelle des
Anciens et des Modernes": les premiers sont en effet aussi divisés que les seconds sur le sujet.
Suivant l’Historia Regum Britanniae de G. de Monmouth, l’auteur du Chronicon Briocense
reconnaît toujours à Alain le Grand le titre de roi. Mais, dans la dernière partie du XVème
siècle, successivement Saint-Jean (v.1470), puis Le Baud (v.1486) lui attribuent le duché de
Bretagne et le titre de duc ?
23
Il n’empêche qu’après ce départ hasardeux, la dignité ducale se transmit jusqu’au
début du XVIème siècle avec une interruption notable et fort regrettable : le très fâcheux
épisode de la Guerre de Succession de Bretagne (1341 – 1364).
Suivant en cela les historiens bretons contemporains, nous écrivons, dans nos tableaux
généalogiques des ducs de Bretagne, que ce titre ne fut pas attribué pendant la Guerre de
Succession de Bretagne, de 1341 à 1364, même si chacun des deux antagonistes, Charles de
Blois et Jean de Montfort (puis le successeur de ce dernier après sa mort en 1345), prétendît
être le légitime souverain. Il est pourtant un auteur, notre compatriote et ami Yvonig Gicquel
qui, dans son remarquable ouvrage sur Le Combat des Trente, attribue à Charles de Blois et à
son épouse Jeanne de Penthièvre les titres de duc et duchesse de Bretagne pour la période
1341-1364. Et, dans le même temps, il qualifie aussi Jean de Montfort et son épouse Jeanne
de Flandre des mêmes titres pour la période 1341-1345. Mais ceci est une autre histoire.
Pendant cette période de six siècles, du début du Xème siècle à celui du XVIème, la
Bretagne fut la plupart du temps un état indépendant, de son grand voisin, le royaume de
France. Même si les liens avec ce dernier – de même qu’avec le royaume d’Angleterre –
demeurèrent particuliers. Le pouvoir ducal s’y transmit le plus souvent "naturellement", de
père à enfant aîné (qu’il fût garçon ou fille), ou du moins à l’ayant-droit de ce dernier (époux,
neveu, …) ; car, à l’exception d’Anne, on ne vit jamais d’autre duchesse régnante.
L’histoire du duché de Bretagne ne coula pourtant pas, tout au long de ces six siècles,
comme un "long fleuve tranquille". Son cours, parfois calme et lisse, prit à d’autres moments
des allures de rapide, voire de torrent. Elle connut en effet les invasions et les exactions des
"hommes du Nord", les guerres intestines entre barons locaux, une véritable guerre civile au
milieu d’un conflit international (la Guerre de Succession de Bretagne et la Guerre de Cent
Ans), des périodes de régence, d’autres de domination étrangère directe (roi d’Angleterre de
1166 à 1181, et roi de France à partir de 1515) … Elle vit se succéder, au trône ducal, les
représentants des comtes de Vannes (Alain le Grand, parent de Pacsweten), des comtes de
Nantes (Alain Barbetorte et ses successeurs), de Rennes (Conan le Tors et ses descendants),
de Cornouaille (Hoël V, fils d’Alain Canhiart), … les familles de Dreux, de Montfort, …
Bref, ce sont de vingt-cinq à trente ducs et duchesses, selon les auteurs, qui portèrent la
couronne de Bretagne et le manteau frappé d’hermines, pour une durée moyenne de vingt à
vingt-cinq ans chacun19
. Pour finir par une union (forcée) avec le royaume de France et la
perte de son statut de duché et de son indépendance.
De même que nous avons observé quelques divergences de vue entre les auteurs
concernant le premier titulaire du titre de duc de Bretagne, de même on peut ouvrir le débat
concernant l’identité du dernier souverain breton. Qui, en effet, fut le dernier titulaire du titre
de "duc de Bretagne"? Anne de Bretagne, qui apporta le duché en dot à la couronne royale par
son premier mariage avec un roi de France ? Ou sa fille Claude de France, elle-même reine de
France, qui avait hérité du duché de sa mère la duchesse Anne ? Ou encore du fils de Claude
de France et du roi de France François Ier, le jeune François II, trop jeune pour régner à la
mort de sa mère (1524) et qui fut consacré duc en la cathédrale de Rennes le 14 août
1532 avec un protocole plus royal que ducal ? S’il fut duc, ce ne fut que pour quelques jours,
puisque le 3 septembre 1532, était proclamé l’Edit de Plessis-Macé entérinant l’Acte d’Union
des Royaumes de France et de Bretagne, qui faisait désormais de cette dernière une simple
province française. N’était-ce pas là la vraie fin du duché et donc du titre de duc ?
Nous avons ici encore des interprétations différentes selon les auteurs.
Version de Joël Cornette : "Epilogue dynastique et matrimonial, le 18 mai 1514,
Claude, la fille aînée d’Anne de Bretagne, épousait à Saint-Germain-en-Laye le futur
19 C’est Arthur III qui régna le moins longtemps, deux ans (1457-1458). Et Jean Ier le plus longtemps, 49 ans
(1237-1286).
24
François Ier
, qui devint roi le 1er
janvier 1515. En avril (Anne est morte le 9 janvier
précédent), Claude faisait donation du duché à son royal époux, acceptant qu’il revienne
ensuite au dauphin et non à un fils cadet qui aurait assuré une dynastie distincte. Le destin de
l’Armorique était cette fois bel et bien scellé et, avec lui, le rêve d’indépendance d’Anne de
Bretagne définitivement brisé …" Autrement dit, pour l’auteur, le régime ducal de Bretagne
est bien mort ce 18 mai 1514. Il ne qualifiera d’ailleurs jamais la reine Claude, fille et
sucesseure d’Anne, de "duchesse de Bretagne". Il considère en effet qu’à partir du moment où
Claude a accepté que ce soit son fils aîné, le dauphin de France, qui lui succède à la tête du
duché, ce dernier est tombé entièrement sous la coupe du roi de France. D’ailleurs écrit-il,
François Ier ne s’intitule-t-il pas lui-même "Roy de France, usufructuaire des Pays et Duché
de Bretaigne, père et légitime administrateur des biens de notre très cher et très aimé fils le
Dauphin, Duc et sieur propriétaire desdits Pays et Duché."? Ce sont là les qualifications
qu’il se donne dans le texte de l’Edit de Plessis-Macé qui scelle la fin du Duché et la
naissance de la Province de Bretagne.
Ayant atteint sa majorité, le dauphin François a bien été couronné duc de Bretagne en
la cathédrale de Rennes20
. Mais c’est le gouverneur en poste à Rennes (depuis la fin du
XVème siècle) qui administre la province au nom du roi. De même, lorsque François meurt en
1536 et que son frère cadet Henri est désigné par le roi pour lui succéder, il faudra quatre ans
pour que ce dernier reçoive effectivement la responsabilité du duché (9-02-1540). Et encore
n’est-ce que pour "son entretenement", tout ce qui relève de la souveraineté réelle dépendant
directement du roi.
Dans ces conditions, J.Cornette estime que c’est bien avec la mort d’Anne de Bretagne
que le titre et la fonction de duc de Bretagne ont disparu. Car, si la transformation officielle du
duché en province ne date que de 1532, il est certain que, entre 1514 et cette date, c’est bien
François Ier qui, avec l’aide de ses gouverneurs successifs (le maréchal de Rieux, le duc
Charles d’Alençon, son beau-frère, le comte Guy de Laval), administra directement le duché.
Version de Georges Minois : "François (Ier) devient roi en janvier 1515, et, dès le 22
avril, obtient de sa jeune épouse de seize ans (Claude, la fille d’Anne de Bretagne) la
donation du duché, avec le droit d’en disposer "comme de sa propre chose et héritage". En
1524, une nouvelle étape est franchie : Claude accepte que son fils, François, dauphin de
France, âgé de six ans, devienne duc de Bretagne, sous le nom de François III. Claude étant
morte la même année , François Ier garde l’administration de la Bretagne au nom de son fils.
Puis vient 1532, le couronnement de François III à Rennes et l’édit du Plessis-Macé. "Cet
acte, écrit Minois, n’est en aucun cas un "traité"entre puissances égales, puisque la Bretagne
n’est pas un pays indépendant. C’est bien un édit, octroyé par le roi à un corps de son
royaume." Le dauphin-duc François III étant mort en 1536, le titre de duc de Bretagne s’éteint
avec lui. Avec le nouveau dauphin, Henri, futur roi Henri II, la Bretagne n’est plus qu’une
province du royaume.
Qu’en conclure ? Les faits relatés par les deux historiens sont strictement les mêmes ;
il ne s’agit donc entre eux que d’une question d’interprétation. Minois, qui concède le titre de
duc à François III (quid de sa mère Claude de France ?), est plus formaliste. Cornette, qui ne
reconnaît ni duc ni duchesse après Anne, est plus réaliste. Mais la fin est la même dans leurs
deux versions, et ce ne sont pas vingt-deux ans de plus ou de moins (entre 1514 et 1536) qui
changeront quoi que ce soit au sort réel de la Bretagne.
A. Cornette écrit : "A Saint-Denis, comme pour toutes les reines de France, Anne n’eut
pas droit au cri "La reine est morte, vive le roi !", signifiant la transmission immédiate d’une
20 Ce couronnement semble inhabituel et ne correspond pas à la tradition bretonne. Il ne nous semble pas que les
ducs de Bretagne aient été oints et couronnés à la manière des rois de France. On se souvient que le Chronicon
briocense classait les rois de Bretagne dans la catégorie des rois non soumis à l’onction et au couronnement.
Pourquoi, si les rois ne l’étaient pas, les ducs l’eussent-ils été ?
25
souveraineté pas même interrompue par le trépas. Le roi d’armes de la duchesse cria
simplement :"La reyne treschrestienne et duchesse notre souveraine dame et maistresse est
morte. La reyne est morte. La reyne est morte …"Le long silence après cette proclamation
symbolisait bien la rupture que sa disparition signifiait pour une Bretagne à jamais orpheline
de sa souveraineté."
Avec Anne de Bretagne, la "bonne duchesse en sabots", le duché de Bretagne est bien
mort ; vive donc la Province de Bretagne !
Enfin, pour en revenir aux deux objectifs, l’un pédagogique et l’autre politique, que se
fixait Pierre Le Baud, sa Genealogie les atteint-elle ?
Pour le premier, incontestablement, en
utilisant les meilleures sources disponibles à
l’époque. Ayant lu l’œuvre de son fidèle
chroniqueur, la duchesse de Bretagne en sait
désormais autant que le plus grand des lettrés de
son époque sur l’ "extraction, generacion et
progression"de ces "roys, ducs et princes" qui, au
temps passé, "ont regy et gouverné"… la
principauté de Bretagne, avant elle et son mari le
duc François. Comme si sa "souveraine dame",
dès "ses premiers jours" y eût "pris nourriture"…
Pour le second également. En effet, on a
montré que, dans la liste des rois bretons de
Bretagne insulaire, Le Baud avait trouvé
plusieurs femmes ayant régné sur la grande
Bretagne et que "Maximianus"/Maxime lui-
même avait régné "à cause de" son épouse. Par contre, on ne trouve aucune femme,
directement ou indirectement, reine de Bretagne Armorique entre Conan Mériadec et
Salomon, le dernier des rois de Bretagne. Heureusement pour P. Le Baud, on trouve, dans la
liste des ducs de Bretagne de Alain le Grand à François II, plusieurs nouveaux exemples de
souverains bretons mâles ayant exercé la fonction de duc pour le compte d’une femme,
titulaire réelle de la fonction21
.
Marguerite de Foix était ainsi, grâce à son cher chroniqueur, non seulement instruite
de l’histoire du duché de Bretagne, mais aussi rassurée sur le sort qui attendait ses filles.
Anne, l'aînée, sera bien, à la mort de son père, duchesse de la Bretagne, sur laquelle elle
règnera elle-même pendant vingt-six ans. Quant à Claude, la fille d’Anne, si elle ne régna pas
en personne, elle était bien elle-même titulaire du titre de duchesse, hérité de sa mère ; sinon,
comment aurait-elle pu transmettre à son fils un titre qui ne lui eût pas appartenu ?
21 Il en fut ainsi de Alain Barbetorte, "duc a cause de sa mere ", la fille d’Alain le Grand ; de Hoël V, fils d’Alain
Cagniard, époux de Havoise, fille d'Alain III, qui devint duchesse à la mort de son frère Conan II ; Alain Fergent, fils de Hoël V et de Havoise, qui hérita du duché à la mort de sa mère, alors que le duc régnant, son père Hoël V
était toujours vivant ; Eudon de Porhoët, qui exerça la régence pour le compte de sa femme Berthe, mère du duc
Conan IV pendant sa minorité ; Geoffroy II Plantagenêt, duc pour le compte de sa femme Constance, fille de
Conan IV ; Randoul, second mari de Constance après la mort sans héritier de Geoffroy II, puis Guy de Thouars,
troisième mari de Constance (après la mort sans héritier de Randoul; Pierre Mauclerc, époux de Alix, fille et
héritière de Constance, qui régna au nom de sa femme ; Jean le Roux, fils d’Alix et de Pierre Mauclerc, qui reprit
le trône en héritage de sa mère Alix. On le voit, si aucune autre femme qu’Anne n’exerça directement et
effectivement le pouvoir en qualité de duchesse, plusieurs le devinrent par héritage et confièrent la gestion du
duché à leur fils ou à leur époux.
Anne, Duchesse de Bretagne
et Reine de France
26
Collier de l’Ordre de l’Hermine,
(créé par le duc Jean IV de Bretagne en 1381)
En guise de conclusion …
"Je demande à tout lecteur qui aura lu ce document d’être indulgent envers moi, qui,
comme un petit oiseau babillard ou un arbitre impuissant, ose, après tant d’autres, relater ces
événements si importants. Je m’incline devant celui qui aurait plus de connaissances que moi
dans ce domaine."
Emprunté à Nennius, moine (vers 800 après J.C.)
27
Annexe 1
Généalogie des Rois de Bretagne continentale ou Armorique
Selon Geoffroy Selon le CHRONICON Selon Pierre
de MONMOUTH (1136) BRIOCENSE (V. 1400) LE BAUD (1486)
1 – CONANUS MERIADIADOCUS CONAN MERIADEC CONAN MERIADEC
2 - (Non cité) GRADLON le Grand GRALLON
3 - (Non cité) SALOMON SALOMON I
4 – ALDROENUS AUDROENUS AUDRAON ou AUDROAN
("4th British king of Brittany")
5 – BUDICIUS I )
) ……. BUDIC BUDIC
6 – BUDICIUS II )
7 – HOEL I, the Great HOEL le Grand HOEL le Grant
8 – HOEL II HOEL II HOEL IInd
9 – ALAN I ALAIN ALLAIN le Ier
10 – HOEL III HOEL III HOEL le IIIrs
11 – SALOMON SALOMON II SALOMON IInd
12 – ALAN II ALAIN le Grand ou le Long ALAIN le Long (mort v. 689)
Fin de la dynastie v. 690 CONOBER DANIEL DREMRUZ
(jusqu’en 730 env.)
RIVALLON Bretagne divisée entre 7 rois jusq. 768,
puis guerre entre Charlemagne
COMOR et les Bretons jusq. 801, puis : ARRASTANUS
MANDONUS
NEOMENIUS (829 – 860)
HERUSPOGIUS (860-866)
SALOMON (866 – 876)
Fin de la royauté en Bretagne
On peut penser, avec les historiens contemporains, que les faits, les actes et même la pertinence de leur
titre de "roi "concernant les "ri "de Bretagne Armorique de Conan Meriadec (386) à Alain le Grand (689) sont largement légendaires ; mais leurs noms, leur filiation et leur succession dans le temps semblent bien avoir un
fond historique. Il y a absence quasi-totale de documents historiques concernant la période allant de la fin du
VIIème au début du IXème siècle. Par contre, avec Nominoé, si les informations restent encore rares au début,
on commence à entrer dans un cadre historique à partir du milieu du IXème siècle.
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Annexe 2
HISTOIRE RÉSUMÉE DU DUCHÉ ET DES DUCS DE BRETAGNE
DATES DUC ou DUCHESSE AUTRES ÉVÉNEMENTS
874 Mort violente du roi SALOMON
874 - 890 GURWANT, comte de Rennes, et PACSWETEN, comte de
Vannes, puis leurs fils respectifs JUDICAEL et ALAIN.
luttent pour le duché. ALAIN bat les Vikings à
Questembert en 888. JUDICAEL meurt en 890.
890 - 907 ALAIN I le Grand, reste seul maître du duché de Bretagne ; il meurt en 907.
907 - 937 Nouvel épisode d’invasions normandes. Le "dauphin"de
Bretagne ALAIN est exilé en Angleterre en 920 avec son
père, Mathuédoï, comte de Poher. Il rentre en 935, chasse
les Normands et établit sa capitale à Nantes (937).
936 - 952 ALAIN II Barbetorte, petit-fils d’Alain le Grand, duc de Bretagne
939 Victoire d’ALAIN Barbetorte sur les Normands à Trans
(I. & V.). Fin de l’ère viking en Bretagne.
952 - 958 DROGON, seul fils légitime d’ALAIN Barbetorte, duc de Bretagne
958 - 979 A la mort de DROGON, des fils illégitimes d’ALAIN
Barbetorte se disputent le pouvoir et se partagent le duché. 979 - 992 CONAN Le Tors, comte de Rennes, s’impose et devient duc de Bretagne
992 – 1008 GEOFFROY Ier, fils de CONAN Le Tors
1008 – 1039 ALAIN III, fils de GEOFFROY Ier, beau-père de HOEL V
1039 – 1066 CONAN II, fils d’ALAIN III
1066 – 1084 HOEL V, fils d’ALAIN Caignart, duc de Cornouaille, duc de Bretagne
1084 – v. 1115 ALAIN IV Fergent, fils d’HOEL V, duc de Bretagne
v. 1115 – 1148 CONAN III Le Gros, fils d’ALAIN IV, duc de Bretagne
1147 – 1156 CONAN IV, fils mineur de CONAN III : EUDON de PORHOET exerce la régence pour
le compte de sa mère, BERTHE
1156 – 1166 CONAN IV Le Jeune ou Le Petit, duc de Bretagne 1166 – 1181 HENRI II Plantagenêt, roi d’Angleterre, assure directement
la gestion du duché. Son fils GEOFFROY épouse
CONSTANCE, fille de CONAN IV, héritière du duché.
1181 – 1186 GEOFFROY II Plantagenêt, duc de Bretagne (tué en tournoi)
(1185 : Assise au Comte Geoffroy, premier texte législatif ducal)
1186 – 1203 ARTHUR Ier, fils de GEOFFROY II et de CONSTANCE, duc de Bretagne
1203 – 1237 ALIX, fille de Guy de THOUARS et de CONSTANCE (3èmes noces), duchesse de Bretagne
1203 - 1213 Minorité d’ALIX - Guy de THOUARS assure la régence pour sa fille ALIX
1212 : Mariage d’ALIX avec Pierre de DREUX
1213 – 1237 PIERRE de DREUX Mauclerc, duc pour le compte de son fils mineur JEAN Ier 1237 – 1286 JEAN Ier Le Roux, fils de PIERRE Mauclerc, duc de Bretagne
1286 – 1305 JEAN II, fils de JEAN le Roux, duc de Bretagne
1305 – 1312 ARTHUR II, fils de JEAN II, duc de Bretagne
1312 – 1341 JEAN III Le Bon, fils d’ARTHUR II, duc de Bretagne
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1341 – 1364 …………………. Guerre de Succession de BRETAGNE …………………………………..
entre
la famille de MONTFORT et la famille de BLOIS
représentée ci-dessus par
représentée ci-dessus par
Jean de MONTFORT (1295 – 1345)
et son épouse Jeanne de FLANDRE
(dite Jeanne La Flamme)
Charles de BLOIS
(1319 –1364)
et son épouse
Jeanne de PENTHIÈVRE
1364 – 1399 JEAN IV de Montfort, petit-fils d’ARTHUR II, neveu de JEAN III, duc de Bretagne
1399 – 1442 JEAN V Le Sage, fils aîné de JEAN IV, duc de Bretagne
1442 – 1450 FRANCOIS Ier, fils aîné de JEAN V, duc de Bretagne
1450 – 1457 PIERRE II, second fils de JEAN V, frère de FRANCOIS Ier, duc de Bretagne
1457 – 1458 ARTHUR III, second fils de JEAN IV, frère de JEAN V, duc de Bretagne
1458 – 1488 FRANCOIS II, petit-fils de JEAN IV, cousin de FRANCOIS Ier et de PIERRE II, duc
de Bretagne
1488 – 1514 ANNE de Bretagne, fille de François II, épouse de Charles VIII, roi de France, puis de Louis
XII, son successeur ; duchesse de Bretagne
1514 Mort de la duchesse ANNE. Sa fille CLAUDE hérite du duché et épouse FRANCOIS d’ANGOULEME, dauphin de France.
Le roi LOUIS XII, son père, confie à ce dernier la gestion du duché.
A c. de 1515 Le roi de France, FRANCOIS Ier gère directement le duché
de Bretagne par chancelier interposé.
1524 FRANCOIS III, fils aîné de CLAUDE de France et de FRANCOIS Ier, hérite du duché à la
mort de sa mère
1526 Le duché est administré par un gouverneur royal.
14-08-1532 FRANCOIS III, dauphin de France, est couronné duc de Bretagne à Rennes
03-09-1532 L’Edit de Plessis-Macé réunit le duché de Bretagne au
royaume de France.
1536 Mort du dauphin FRANCOIS ; son frère HENRI est désigné pour lui succéder. 09-02-1540 Le roi FRANCOIS Ier remet l’administration du duché au
dauphin HENRI, mais pour son seul "entretenement"; la
souveraineté demeure l’apanage du roi.
1554 Création par édit royal d’un "Parlement et siège de justice
souveraine au duché de Bretagne"(partagé entre Nantes et
Rennes)
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Annexe 3
LES DYNASTIES DES DUCS DE BRETAGNE
DATE Comtes de Comtes de Comtes de AUTRES Maison de
NANTES RENNES CORNOUAILLE MONTFORT
890 ……… ALAIN Ier (aussi comte de VANNES) ALAIN II Barbetorte
DROGON
De 958 à 979 …………………………. Pas de Ducs de BRETAGNE ……………………………….
979 ……………………….. CONAN Le Tors
GEOFFROY Ier ALAIN III
CONAN II
1066 ……………………………………………… HOEL V
ALAIN IV CONAN III
CONAN IV
1166 ………………………………………………………………….. HENRI II Plantagenet, roi d’Angleterre
1181 GEOFFROY II Plant. ARTHUR Ier ALIX
PIERRE de Dreux
JEAN Ier Le Roux
JEAN II ARTHUR II
JEAN III Le Bon
De 1341 à 1364 ………………….. Guerre de Succession de BRETAGNE …………………………….
1364 …………………………………………………………………………………… JEAN IV JEAN V
FRANC. Ier
PIERRE II
ARTHUR III FRANC. II
ANNE
1514 Décès d’ANNE de BRETAGNE, dernière duchesse régnante
1532 Traité d’Union entre la Bretagne et la France
31
BIBLIOGRAPHIE * GILDAS (saint) – Prédicateur écossais, émigré en Armorique, où il fonda le monastère de Rhuys
(fin Vème s. en Ecosse / 570 à l’Ile d’Houat). Auteur d’un Sommaire de l’histoire d’Angleterre depuis
la conquête romaine et de De excidio Brittaniae (Décadence de la Bretagne) (VIème siècle).
Christine M.J. KERBOUL-VILHON – Gildas le sage – Vies et œuvres – Editions du Pontig, Sautron, 1997 - 175 p.
* NENNIUS – Historia Brittonum – Histoire des Bretons – Texte latin et traduction par Christine M.J.
KERBOUL-VILHON – Editions du Pontig, Sautron, 1999 - 128 p. Il s’agit d’une compilation de textes, essentiellement de Galles du Sud, réalisée entre la fin du VIème
et celle du VIIIème siècle.
* BÈDE ou BEDA (dit le Vénérable, saint) – Erudit et historien anglo-saxon (673 / 735). Auteur de nombreuses œuvres dans plusieurs domaines, et, en particulier, d’une Historia Ecclesiastica Gentis
Anglorum (731) qui va de la conquête de Jules César à l’an 73.
* REGINON de PRÜM – Chronicon – F. Kurse, éditeur, Hanovre, 1890.
* Geoffrey of MONMOUTH – The History of the Kings of Britain – 1ère publication : 1136. Traduite en anglais, commentée et rééditée par Lewis Thorpe pour les éditions Penguin Books Ltd,
London, Collection Penguin Classics, 1966 – 373 p.
Geoffrey de Monmouth était un historien anglo-normand (v. 1100 / 1154), prêtre et évêque, professeur au Collège Saint-Georges à Oxford. Il fut aussi l’auteur des Prophecies of Merlin et d’une
Life of Merlin.
* CHRONICON BRIOCENSE (Chronique de Saint-Brieuc) – Texte critique et traduction (du latin) par G. LE DUC et C. STERCKX – Librairie Klincksieck, Paris, 1972 – 237 p.
Texte d’un auteur inconnu, rédigé entre 1389 et 1416. Plus ancien recueil connu de textes
touchant à l’histoire de Bretagne. Documents connus de et utilisés par P. Le Baud.
* Jean de SAINT-PAUL (Chambellan du duc François II) – Chronique de Bretagne, comprenant une Chronique abrégée des Rois et Ducs de Bretagne, publié vers 1470
* Pierre LE BAUD – Genealogie des roys, ducs et princes de Bretaigne – Première publication en
1486. Rééditée et commentée par Jean Kerhervé in : Mélanges offerts à Léon Fleuriot, Pp. 519 à 560. * Père T. de SAINT-LUC – L’histoire de CONAN MÉRIADEC, qui fait le premier règne de l’histoire
générale des souverains de la Bretagne gauloise, dite Armorique … Exemplaire de 1664 disponible à
la Bibliothèque Universitaire de Strasbourg (pas accessible au prêt).
* CASSARD J.C. – Les Bretons de Nominoë – Editions Beltan, Brasparts, 1990 – 316 p. * RIO Joseph – Mythes fondateurs de la Bretagne – Editions Ouest-France, Rennes, 2000
* TOURAULT Philippe – Les rois de Bretagne – IVe – Xe siècle - Collection Pour l’Histoire, chez
Perrin, Paris, 2005 – 290 p.
HISTOIRES DE BRETAGNE
* LA BORDERIE (Arthur de) – Histoire de Bretagne – Paris-Rennes, 1898-1905, T. I & II.
* MINOIS Georges – Nouvelle Histoire de la Bretagne – Fayard, Paris, 1992 –
* CORNETTE Joël – Histoire de la Bretagne et des Bretons – Ed. Le Seuil, Paris, 2005 - T. I
* SKOL BREIZH, Collectif – Histoire de la Bretagne et des Pays celtiques – Skol Vreizh, Morlaix, 1970 – T. I : Des mégalithes aux cathédrales.
* TONNERRE Noël-Yves – Naissance de la Bretagne – P.U.Angers, 1994.