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ACADEMIE DE PARIS
Année 2017
MEMOIRE
pour l’obtention du DES d’Anesthésie-Réanimation
Coordonnateur : Monsieur le Professeur Benoit Plaud
Par
Virginie Tarazona
Présenté et soutenu le 14 septembre 2017
ETUDE COMPARATIVE DE LA MYOGLOBINE
ET DES CPK POUR LA PREDICTION DU
RISQUE D’INSUFFISANCE RENALE AIGUE
CHEZ LES PATIENTS TRAUMATISES
Travail effectué sous la direction du Dr Anatole Harrois
Et du Pr Jacques Duranteau, Réanimation Chirurgicale, Hôpital Bicêtre
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Etude comparative de la myoglobine et des CPK pour la prédiction du
risque d’insuffisance rénale aigue chez les patients traumatisés
INTRODUCTION La survenue d’une insuffisance rénale aigue (IRA) chez les patients
polytraumatisés est la complication principale de la rhabdomyolyse. La myoglobine est au
centre de cette toxicité rénale, et est, avec la créatine phosphokinase (CPK) le principal
marqueur de suivi de la rhabdomyolyse. L’objectif principal de notre étude était de comparer
la valeur prédictive de la myoglobine et des CPK dans la survenue d’une insuffisance rénale
aigue modérée à sévère (définie par les stades 2 et 3 de la classification KDIGO).
MATERIELS ET METHODES Il s’agit d’une étude observationnelle monocentrique
(réanimation chirurgicale de l’Hôpital Bicêtre) rétrospective, menée de novembre 2015 à juin
2017, à partir de données collectées prospectivement dans un registre de traumatologie. Les
patients admis par le biais d’un transport primaire, et ayant eu au moins une mesure de
myoglobine plasmatique à leur arrivée ont été inclus. Nous avons collecté la myoglobine
initiale, maximale, CPK initiale, maximale et la créatinine plasmatique au cours des 7 premiers
jours suivant l’admission. Nous avons individualisé 2 populations : la population totale et la
population comprenant tous les patients ayant au moins deux mesures de myoglobine.
RESULTATS 565 patients polytraumatisés graves ont été inclus dans la population totale
parmi lesquels 352 patients avaient au moins 2 mesures de myoglobine au cours des 7 premiers
jours. L’aire sous la courbe ROC de la Mb initiale prédit significativement l’IRA modérée à
sévère avec une AUC de 0,84 [0,78-0,9], et est supérieure à celle de la CPK initiale (0,74 [0,67-
0,80]) (p=0,04) chez les patients ayant eu plusieurs mesures de myoglobine. Une myoglobine
plasmatique supérieure à 1409 UI/L permet de prédire une IRA modérée à sévère, avec une
sensibilité de 78%, et une spécificité de 80%. La myoglobine intiale permet de de prédire
significativement une rhabdomyolyse sévère définie par un pic de myoglobine au-delà de 5000
UI/L ou de 10 000 UI/L dans les 7 jours suivant l’admission.
CONCLUSION La myoglobine plasmatique initiale prédit significativement mieux que la
CPK le risque rénal en lien avec une rhabdomyolyse dans une population de patients pris en
charge pour suspicion de traumatisme grave. La myoglobine plasmatique initiale permet de
prédire significativement la survenue d’une insuffisance rénale aigue modérée à sévère dans
les 7 jours qui suivent l’admission, ainsi qu’une rhabdomyolyse sévère avec un pic de
myoglobine plasmatique élevé.
Mots clés : rhabdomyolyse, insuffisance rénale aigue, CPK, myoglobine, traumatisme
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Sommaire
RESUME ……………………………………………………………………………………...3
ABBREVIATIONS UTILISEES………………………………………………………….…5
I. INTRODUCTION…………………………………..……………………..….……...…….6
1.1 Epidémiologie de l’insuffisance rénale aigue en traumatologie …………………………..6
1.2 La rhabdomyolyse : une composante d’insuffisance rénale aigue en traumatologie …...…7
1.3 Toxicité rénale de la Myoglobine …………………………………………………………9
1.4 Le pic de CPK est il prédictif du risque d’IRA au cours de la rhabdomyolyse ?................12
1.5 Le pic de Myoglobine serait il un meilleur marqueur prédicitif d’IRA ? ………………...12
1.6 Un marqueur plus précoce de rhabdomyolyse pourrait il mieux prédire l’IRA ? …………13
1.7 Hypothèse de travail………..………………………………………………………...…...14
1.8 Objectifs de l’étude……….………….………………………………………...……...…..14
II. MATERIELS ET METHODES …………………………………..………………...….15
2.1 Type d’étude ………………….……………………………………………….…….........15
2.2 Critères d’inclusion et de non inclusion ………………………………………………......15
2.3 Procédure d’investigation ……………..………………………………………………….15
2.4 Données recueillies……………………………………………………………………......17
2.5 Critère de jugement principal……………………………………………………………...17
2.6 Critères de jugement secondaires…………………………………………………………18
2.7 Analyse statistique…………………………………………………………………...........18
2.8 Calcul d’effectif …………………………………………………………………………..18
III.RESULTATS…………………………………………………………………………….20
3.1 Population étudiée ………………………..…………….…………………………………20
3.2 Comparaison des deux populations : population avec plus de deux mesures de Mb et
population totale …………………………………………………………………….……….22
3.3 Prédiction de l’IRA par la myoglobine et la CPK initiales ………………………………23
3.4 Prédiction de l’IRA par les pics de myoglobine et de CPK ……………………………….24
3.5 Prédiction de la myoglobine maximale à partir de la myoglobine initiale dans les deux
population……………………………………………………………………………………..25
IV. DISCUSSION………….……………………………………………………...................27
4.1 Messages Clés …………………………………………………………………..………...27
4.2 Validité de l’étude ………………………………………………………………..............27
V. CONCLUSION……………………………………………………………………...........31
VI. BIBLIOGRAPHIE ………………………………………………………………….…..32
VII. ANNEXES………………………………………………………………………..…….35
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Liste des Abréviations
AIS :abbreviated injury scale
ARA : agression rénale aigue
AUC : area under curve, aire sous la courbe
CPK : créatine phosphokinase plasmatique
CPK i : créatine phosphokinase plasmatique initiale
CPK max : pic de : créatine phosphokinase plasmatique
DAMP : damage-associated molecular pattern
IRA : insuffisance rénale aigue
ISS : injury severity score
KDIGO : kidney disease international guidelines outcome
Mb : myoglobine plasmatique
Mbi : myoglobine plasmatique à l’arrivée
Mb max : pic de myoglobine plasmatique
PDC : produit de contraste
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I. INTRODUCTION
1.1 Epidémiologie de l’insuffisance rénale aigue en traumatologie
La survenue d’une agression rénale aiguë (ARA) est un événement fréquent en réanimation :
selon les séries, une insuffisance rénale aigue (IRA) serait retrouvée chez 35 à 65 % des patients
(1). L’IRA est un facteur de risque indépendant de mortalité (45 à 55 %) et est associée à un
surcroît de morbidité (épuration extra-rénale, allongement des durées de séjour, coûts) (2). Il a
été rapporté que même de petites augmentations de créatinine (>26,2 µM) sont associées à une
augmentation de la mortalité chez les patients de réanimation (3). Si le sepsis est la principale
cause d’IRA en réanimation, d’autres circonstances en sont également pourvoyeuses: les
chirurgies majeures dont la chirurgie cardiaque, les états de chocs, l’inflammation systémique
(post opératoire, post traumatique) et la néphrotoxicité de certains agents (administration
d’aminosides, injection de produit de contraste iodé) (4). Les patients traumatisés sont
également à risque d’IRA puisqu’ils combinent souvent plusieurs facteurs de risque
(inflammation systémique, hypovolémie, rhabdomyolyse, bas débit au cours du choc
hémorragique) (figure 1).
Figure 1 : Mécanismes responsables de l’IRA chez le patient polytraumatisé
Parmi les études rapportant la proportion l’IRA chez les patients traumatisés graves, l’incidence
rapportée est de 6 à 37 % et l’IRA (avec un taux d’épuration extra rénale de 19%), est un facteur
de risque indépendant de mortalité (5). Dans une étude rétrospective de 2013, les auteurs ont
étudié les facteurs prédicitifs d’une IRA chez des patients ayants des valeurs de CPK> 1000
UI/L et nécessitant une épuration extra rénale : ces facteurs étaient l’âge, les urines pourpres,
les valeurs initiales et pic de myoglobine, la créatinine plasmatique, et l’urée plasmatique.
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Ainsi, chez les patients traumatisés, l’objectif de l’anesthésiste-réanimateur est également de
prévenir l’IRA et, le cas échéant, de la diagnostiquer le plus précocément possible.
1.2 La rhabdomyolyse : une composante d’insuffisance rénale aigue en traumatologie
La rhabdomyolyse correspond à une lyse des fibres musculaires squelettiques avec issue dans
la circulation générale d’électrolytes et de protéines intracellulaires, au cours de laquelle le
calcium intracellulaire a un rôle majeur. En condition physiologique le calcium sarcoplasmique
est contrôlé de manière à pouvoir augmenter rapidement au cours de la période de contraction
des fibres d’actine. En cas d’atteinte direct des sarcolemmes par traumatisme musculaire direct
ou par diminution de l’ATP disponible comme dans le cas d’une pathologie ischémique
(ischémie de membre), l’homéostasie calcique intracellulaire est perturbée (6). En effet, un
traumatisme direct ou une ischémie entraînent une dysfonction de la pompe Na/K ATPase qui
est responsable d’une augmentation du Na intracellulaire lui-même responsable de l’activation
des échangeurs 2Na+/Ca2+ conduisant à l’accumulation de calcium intracellulaire (figure 2).
Le calcium intracellulaire s’accumule par défaut de fonctionnement de la pompe Ca2+ ATPase
et active entre autre, la phospholipase A2 ce qui conduit à la production de radicaux libres et
participe à la libération du contenu mitochondrial dans le cytosol le tout conduisant à une lyse
cellulaire (6).
Figure 2: Physiopathologie de la rhabdomyolyse
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Les deux principaux marqueurs protéiques plasmatiques de la rhabdomyolyse issus de la
destruction des fibres musculaires sont la créatine phosphokinase et la myoglobine.
➢ Créatine PhosphoKinase
La rhabdomyolyse est diagnostiquée par le chiffre de créatine phosphoKinase (CPK), lorsque
celui-ci est au dessus de la normale (100 UI/L). Cependant, des chiffres de 5 à 10 fois la
normale, (500 à 1000 UI/L) sont considérés comme significatifs. Par ailleurs, les experts
s’accordent à engager un traitement préventif de l’IRA et une surveillance accrue pour des
CPK> 5000 UI/L (7). La créatine-kinase ou créatine-phosphokinase est une enzyme
intracellulaire cytosolique ou mitochondriale. Il s’agit d’un dimère de deux sous-unités : M
muscular et B brain. Il existe 3 isoformes qui résultent de la combinaison de ces trois sous-
unités : la CPK-BB, CPK-MB et CPK-MM réparties différemment dans les différents organes
(8). Ainsi, dans les muscles squelettiques, on retrouve principalement de la CPK-MM, cette
isoforme représente plus de 95% des CPK dosées dans le sérum à l’état physiologique. La CPK-
BB est retrouvée dans le cerveau, dans le tractus gastrointestinal, respiratoire et la vessie et
n’est pas détectée dans le sérum à l’état physiologique. Dans le cœur, on retrouve
principalement de la CPK-MB et une faible proportion est détectée (<5%) dans le sérum
physiologique à l’état normal. Le rôle principale des CPK est de catalyser la réaction de
phosphorylation de la créatine par l’ATP en créatine phosphate (8).
Créatinine +ATP ↔ créatine-phosphate + ADP
Elles participent ainsi à la contraction musculaire par échange de phosphates dans les tissus.
En effet lors d’un effort musculaire, l’ATP est consommé et l’ADP s’accumule rapidement.
Cela déplace l’équilibre de la réaction avec un transfert du radical phosphoryl de la
phosphocréatinine vers l’ADP et une production d’ATP. Cette régénération rapide de l’ATP
permet de poursuivre l’effort musculaire pour une très courte durée car en effet d’autres voies
énergétiques entrent rapidement en jeu telle que la voie du métabolisme anaérobie lactique puis
le métabolisme aérobie. Au repos l’ADP formé par la réaction inverse est directement
consommé par la mitochondrie pour produire de l’ATP et permet un équilibre.
Le lien entre IRA et CPK est indirect : en effet, la CPK n’est pas impliquée dans la toxicité
rénale. Cependant, le degré d’élévation du taux plasmatique de CPK reflète l’intensité de la
lésion musculaire et ainsi peut être prédictif de complications telles que l’IRA. Les CPK ont
longtemps été le marqueur de choix dans le suivi de la rhabdomyolyse. Cependant, la
myoglobine plasmatique, dont la valeur est également un reflet de l’intensité de la
rhabdomyolyse est un marqueur possédant une demi vie plus courte que les CPK, et qui a une
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toxicité rénale intrinsèque, ce qui en fait un marqueur plus intéressant que les CPK. Il a été
montré au cours d’un précédent travail (9) réalisé en réanimation chirugicale de l’hôpital de
Bicêtre, dont l’objectif était de comparer la myoglobine et la CPK dans le suivi de la
rhabdomyolyse post traumatique, que le pic de myoglobine est plus précoce et mieux corrélé
au risque d’IRA chez le patient polytraumatisé que le pic de CPK. Ainsi, le dosage répété de la
myoglobine paraît plus intéressant que celui des CPK pour suivre en temps réel la
rhabdomyolyse traumatique.
➢ Myoglobine (Mb)
Parmi les molécules libérées dans le sang au cours de la rhabdomyolyse figure la myoglobine.
La myoglobine est une protéine transporteuse d'oxygène dans les cellules musculaires lisses et
squelettiques. C'est une petite molécule (17.8 kDa) présente en grande quantité dans le muscle
squelettique. Elle est rapidement éliminée par le rein (demi-vie de 6 h) car capable de passer au
travers de la membrane basale glomérulaire (<65 kDa), et responsable d’une peroxydation
lipidique au niveau endothélial. Certaines études ont également mis en avant que la myoglobine
pourrait être éliminé par le foie et la rate (10). Elle est constituée d’une chaine de polypeptides
de 154 acides aminés qui forment 8 hélices alpha entourant un résidu héminique central qui
peut lier l’oxygène, le monoxyde de carbone (CO) ou le monoxyde d’azote (NO). L’atome de
fer central sous forme ferreux, Fe2+, participe au transport de l’oxygène (6).
Elle est libérée dans le plasma suite à la nécrose des myocytes. La myoglobinurie est détectée
dans les urines seulement lorsque le seuil de 0,5 à 1,5 mg/dl de myoglobine est dépassé. Elle
est visible macroscopiquement sous forme d'urine rouge pourpre lorsque le taux de myoglobine
atteint 100 mg/dl car la quantité de myoglobine libérée dépasse alors les capacités de fixation
aux protéines plasmatiques (11).
1.3 Toxicité rénale de la Myoglobine (Mb)
La myoglobine exerce une toxicité rénale propre et est responsable d’un défaut de perfusion
rénale, d’une tubulopathie et d’une inflammation rénale. (Figure 3)
➢ Vasocontriction intrarénale
La vasoconstriction rénale est en partie provoquée par l’hypovolémie induite par l’œdème
musculaire et l’inflammation qui accompagnent la rhabdomyolyse. On décrit en effet
expérimentalement une diminution du volume circulant associé à une diminution du débit
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cardiaque en l’absence de réanimation à la phase aigue de la rhabdomyolyse (12). Cette
diminution du volume sanguin circulant entraîne l’activation du système rénine angiotensine
aldostérone. Alors que l’effet vasoconstricteur de l’angiotensine II est modéré sur l’artériole
rénale afférente, ce dernier est exacerbé en présence de myoglobine (13). En effet, la
myoglobine augmente la concentration d’anion superoxyde et diminue le monoxyde d’azote
(NO) disponible au sein des fibres musculaires lisses vasculaires de l’artériole afférente
entraînant une vasoconstriction excessive. D’autres médiateurs participent à la vasoconstriction
préglomérulaire, notemment l’isoprostane, issu de la peroxydation lipidique de l’acide
arachidonique par le stress oxydant rénal induit par la myoglobine (14). L’abolition de la
vasodilatation endothélium-dépendante par exès de production de radical hydroxyle ainsi qu’un
exès de tonus sympathique ont également été rapportés au cours de la rhabdomyolyse (15).
Cette vasoconstriction rénale s’accompagne de l’expression de marqueurs d’hypoxie cellulaire
rénale comme en témoigne l’activation de HIF 1 (Hypoxia Inducible Factor 1), au niveau des
cellules tubulaires rénales au cours de la rhabdomyolyse (16). En effet, la zone médullaire
rénale fonctionne physiologiquement dans des conditions de basse PO2 de l’ordre de 15 à 20
mmHg, ce qui explique que des zones tubulaires puissent devenir dépourvues d’oxygène en cas
de vasoconstriction rénale prononcée.
➢ Obstruction tubulaire
L’obstruction tubulaire résulte de la précipitation de la myoglobine avec la protéine de Tamm
Horsfall (glycoprotéine excrétée de facon physiologique dans les urines) en milieu acide (pH
avoisinant 5,7), et se situe préférentiellement au niveau du tubule distal. En effet, la
concentration en myoglobine (elle même filtrée par le glomérule rénale) augmente le long du
tubule. La déplétion vasculaire et la vasoconstriction des artérioles rénales accentuent ce
mécanisme (par baisse du débit sanguin rénal). (17)
➢ Cytotoxicité tubulaire
Au niveau tubulaire, la myoglobine peut induire une peroxydation lipidique des membranes en
l’absence de fer libre (18). En effet la forme ferreuse de l’hème (Fe2+) est d’abord oxydée sous
forme de myoglobine ferrique (Fe3+), qui produit un cycle d’oxydoréduction avec la ferryl
myoglobine capable d’entrainer une peroxidation lipidique des membranes. Ainsi, la
myoglobine est à la fois toxique en elle-même par sa capacité de peroxydation lipidique et par
ses produits de dégradation, dont le fer qui induisent la formation de radicaux hydroxyle
particulièrement délétères pour les cellules tubulaires (19). Le stress oxydant produit est tel que
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les défenses rénales contre les espèces radicalaires de l’oxygène peuvent être dépassées. En
effet, on constate que le niveau de consommation des défenses antioxydantes (concentration de
gluthation) est corrélé à la sévérité de l’insuffisance rénale. (20)
➢ Inflammation rénale
L’inflammation rénale est provoquée par l’hème de la myoglobine qui active l’endothélium et
les polynucléaires neutrophiles (21) avec la production locale de molécules pro-inflammatoires
telles que NF-Κb (nuclear factor kappa) et l’IL-6 (interleukine-6). Les lésions tubulaires
oxydatives induites par la myoglobine entraînent également la sécrétion de chémokines qui
provoquent la migration des cellules monocytaires au niveau rénal (22). La myoglobine entraine
alors une maturation de ces monocytes en macrophages dont le phénotype prédominant est M1.
Ceux-ci induisent une inflammation tubulaire prolongée par sécrétion d’IL1 (interleukine 1) et
d’IL12 (interleukine 12) ainsi qu’une fibrose (fibronectine et collagène) (23).
Figure 3 : Mécanismes de la toxicité rénale de la myoglobine
L’identification d’un marqueur précoce pourrait être intéressant afin de suivre le retentissement
rénal de la rhabdomyolyse et d’adapter les thérapeutiques adéquates. Actuellement, les
concentrations de CPK et de myoglobine sont les deux marqueurs proposés. L’intensité de leur
pic serait associée au risque d’IRA. Toutefois, le diagnostic d’une rhabdomyolyse sévère
Vasoconstriction
intra rénale
Obstruction
tubulaire de la myoglobine en
pH acide Cytotoxicité
directe de la myoglobine
Inflammation
activée par la
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devrait idéalement précéder le pic pour permettre un traitement préventif efficace de l’IRA. De
plus, les CPK et la myoglobine n’auraient pas la même valeur informative.
1.4 Le pic de CPK est il prédictif du risque d’IRA au cours de la rhabdomyolyse ?
Le pic de CPK est le paramètre le plus utilisé afin de suivre l’intensité de la rhabdomyolyse.
Une métaanalyse récente (24) reprenant les études qui ont étudié la valeur prédicitve d’IRA a
inclus 18 études. Le pic de CPK était associé à la survenue d’une IRA avec une aire sous la
courbe de 0,75 (0,71-0,79). La valeur prédictive du pic de CPK était la plus relevante dans les
sous-populations de patients traumatisés et ceux victimes d’un « crush syndrome » par rapport
à toutes les autres causes de rhabdomyolyse. Le seuil de 5000 UI/L est considéré comme une
valeur absolue du pic de CPK, associé à un risque accru d’IRA (25). Le pic de CPK est
représentatif de la masse musculaire atteinte, et est un marqueur de risque d’IRA d’autant
meilleur que le tableau de rhabdomyolyse est pur. Néanmoins, l’importance de la
rhabdomyolyse n’est pas un critère absolu. Certains patients avec des pics de CPK > 50 000
UI/L ne feront pas d’IRA tandis que d’autres avec des CPK de 10 000 UI/L présenteront une
IRA. En effet, certains auteurs ont trouvé une corrélation très faible entre le pic de CPK et
l'incidence de l’IRA (26). La CPK n’étant pas impliquée dans la toxicité rénale, il n’est pas
connu, à ce jour la valeur seuil de CPK au dessus de laquelle le risque d’IRA est nettement
augmenté. Il est actuellement recommandé de suivre la rhabdomyolyse à partir de CPK > 5000
UI/L. Néanmoins, la Mb étant responsable d’une toxicité rénale, il serait justifié d’étudier ce
marqueur dans l’IRA secondaire à la rhabdomyolyse.
1.5 Le pic de Myoglobine serait il un meilleur marqueur prédicitif d’IRA que la CPK ?
La valeur seuil de myoglobine prédictive d’une IRA chez les patients traumatisés n’est, à notre
connaissance, pas établie. Dans une étude prospective de 2010, (27) menée dans une unité de
soins intensifs et portant sur 30 patients, admis aux urgences avec un diagnostic de
rhabdomyolyse associé à un taux de CPK > 1000 UI/L dans les 72h (moins de la moitié des
patients étaient hospitalisés pour traumatisme), les auteurs ont suggéré que la valeur du pic de
la myoglobine pourrait être un facteur prédictif de l'IRA. L’analyse de la courbe ROC avait
montré que la zone sous la courbe de pic de myoglobine qui prédisait l’IRA était de 0,88 contre
0,73 pour le pic de CPK. La meilleure valeur seuil prédictive d’IRA pour le pic de myoglobine
était de 3865 µg/L (sensibilité de 0,92, et spécificité de 0,83). Dans une étude rétrospective de
2013, Chen et al (28) ont étudié les facteurs prédicitifs d’une IRA (tels que l’âge, les urines
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pourpres, les valeurs initiales et pic de myoglobine, la créatinine plasmatique, et l’urée
plasmatique) chez des patients ayants des valeurs de CPK> 1000 UI/L et nécessitant une
épuration extra rénale. L'aire sous la courbe de la myoglobine initiale pour prédire l’insuffisance
rénale aigue était de 0,72 (Sensibilité 0,93 ; Spécificité 0,53). Le seuil de Mb plasmatique initial
(à l’arrivée aux urgences) afin de prédire l’insuffisance rénale aigue était de 597, 5 ng/ml (28).
Enfin dans les recommendations sus-décrites, il n’est pas fait mention de la valeur seuil du pic
de myoglobine ou de la valeur de myogobine à l’arrivée, prédictive d’une insuffisance rénale
aigue. Cette discordance est à l’origine de notre réflexion et de notre travail.
1.6 Un marqueur plus précoce de rhabdomyolyse pourrait il mieux prédire l’IRA ?
En effet, au cours d’une rhabdomyolyse traumatique, l’idéal serait de diagnostiquer la gravité
d’une rhabdomyolyse avant le pic de CPK ou de myoglobine puisque le pic de ces deux
protéines survient alors que la rhabdomyolyse a exercé sa toxicité rénale. Pour se faire, on
pourrait s’intéresser aux valeurs initiales de CPK ou de myoglobine (à l’arrivée des traumatisés
en salle de déchocage), certes plus faibles que les valeurs au pic mais qui pourraient être
d’autant plus élevées que la rhabdomyolyse est sévère.
Pour le suivi de la rhabdomyolyse et du risque rénal, les CPK ont une demi vie plus longue que
la Mb (29). Ainsi le pic de myoglobine est plus précoce que celui des CPK et permet donc
d’évaluer l’intensité de la rhabdomyolyse de manière plus rapide. Deux cohortes de patients de
soins intensifs avec un taux de CPK > 5000UI/L, avaient retrouvé que le pic de Mb était plus
précoce que les CPK, et permettait in fine, d’évaluer l’intensité de la rhabdomyolyse plus
rapidement (30,10). De même, une étude récente de El-Abdellati (31), a étudié l’ensemble des
patients hospitalisés en réanimation polyvalente de manière rétrospective. Une corrélation
positive était retrouvée entre la myoglobine et le taux de CPK (r = 0,714, p < 0,001). La
myoglobine à l’arrivée est donc prédictive de l’intensité de la rhabdomyolyse.
Dans une cohorte de 202 patients présentant une rhabdomyolyse et hospitalisés en soins
intensifs, une valeur de myoglobine initiale de 598 µg/l était associée à une sensibilité de 93%
et une spécificité de 53% pour prédire une IRA (32). Or, la rhabdomyolyse dans cette étude
avait deux étiologies principales :la rhabdomyolyse d’origine traumatique (26,7% de la
population) et d’origine infectieuse (18,3%). Ainsi, la recherche d’un seuil de myoglobine
prédicitf d’une IRA en population exclusivement polytraumatisée, n’est pas connue.
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1.7 Hypothèse de travail
Nous formulons l’hypothèse que la valeur initiale de myoglobine plasmatique à l’arrivée en
salle de déchocage, est prédictive de la survenue d’une insuffisance rénale aigue chez les
patients polytraumatisés, dans les 7 premiers jours suivant leur admission.
1.8 Objectifs de l’étude
Objectif principal : montrer que la valeur de myoglobine plasmatique initiale est associée à la
survenue d’une insuffisance rénale aigue chez les patients polytraumatisés, dans les 7 premiers
jours suivant leur admission.
Objectifs secondaires :
- Montrer que la valeur de myoglobine initiale est meilleure que la valeur de CPK initiale
pour prédire la survenue d’une insuffisance rénale aigue chez les patients
polytraumatisés, dans les 7 premiers jours suivant leur admission.
- Montrer que la valeur maximale de myoglobine est prédictive de la survenue d’une
insuffisance rénale aigue chez les patients polytraumatisés, dans les 7 premiers jours
suivant leur admission.
- Montrer que la valeur de myoglobine maximale est meilleure que la valeur de CPK
maximale pour prédire la survenue d’une insuffisance rénale aigue chez les patients
polytraumatisés, dans les 7 premiers jours suivant leur admission.
- Montrer que la myglobine initiale peut prédire une rhabdomyolyse sévère avec une
myoglobine maximale élevée (> 5000 UI/L ou > 10000 UI/L).
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II. MATERIELS ET METHODES
2.1 Type d’étude
Il s’agit d’une étude observationnelle monocentrique (réanimation chirurgicale de l’Hôpital
Bicêtre dans le département d’Anesthésie Réanimation), rétrospective de novembre 2015 à juin
2017, à partir de données collectées prospectivement dans un registre de traumatologie. Les
données de traumatologie du centre spécialisé en traumatologie de Bicêtre forment avec les
données d’autres centres (5 autres centres d’Ile de France et plusieurs centres hors Ile de France)
la traumabase. Dans cette étude nous n’utilisons que les données propres à notre centre.
Cette base de données a reçu les autorisations du Comité Consultatif pour le Traitement de
l’Information en matière de Recherche dans le domaine de la Santé (CCTIRS, autorisation 11-
305) (Annexe 4) et de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL,
autorisation (2016-234) (Annexe 5). Le Comité de Protection des Personnes (CPP) de Paris VI
a autorisé l’exploitation des données à but scientifique (14 Novembre 2012) (Annexe 6).
2.2 Critères d’inclusion et de non inclusion
• Critères d’inclusion
Nous avons inclus successivement :
-tous les patients hospitalisés pour suspicion de traumatisme sévère
- âgés de plus de 18 ans
- hospitalisés via transports primaires
- en salle de déchocage à Bicêtre
- ayant au moins un bilan biologique prélevé à leur arrivée comprenant ; au moins 1 mesure de
la myoglobine plasmatique, de la Créatinine Phosphokinase, et de la créatinine plasmatique
• Critère de non inclusion
- Grossesse en cours.
2.3 Procédure d’investigation
Après inclusion des polytraumatisés d’origine primaire, les caractéristiques des patients étaient
relevées: l’âge, le poids, la taille, le mécanisme et la cinétique du traumatisme. La durée du
transport (influançant la valeur de myoglobine à l’arrivée) était rapportée.
Les paramètres cliniques comprenaient les renseignements sur l’état préhospitalier du patient
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(pression artérielle, fréquence cardiaque, saturation, score de glasgow initial, nécéssité
d’intubation par l’équipe médicalisée préhospitalière, catécholamines en préhospitalier).
A son arrivée dans le service, la prise en charge médicale était réalisée sous la direction du
médecin réanimateur en charge. Dès son arrivée, les paramètres cliniques relevés étaient les
mêmes que ceux en préhospitalier.
Les patients bénéficiaient d’un bilan biologique prélevé dès leur arrivée, sauf si la situation
clinique ne le rendait pas possible (arret circulatoire dès l’arrivée, décès). Le bilan biologique
comprenait entre autre une mesure de la myoglobine plasmatique, des CPK, et de la créatinine
plasmatique. En fonction de la rhabdomyolyse et de la surveillance du patient, ces bilans
pouvaient être répétés de façon pluriquotidienne.
Les données initiales étaient donc recueillies, ainsi que les données maximales (mesure de
myoglobine, de CPK et de créatinine la plus élevée) durant les 7 premiers jours. Enfin, une
créatinine plasmatique dite basale (reflétant l’état habituelle de la fonction rénale du patient)
était estimée par le chiffre le plus bas de créatinine mesuré chez les patients au cours des 7
premiers jours. (Figure 4)
Figure 4 Schéma de l’étude Avec Mb : Myoglobine plasmatique ; CPK : Créatine Phosphokinase plasmatique ; Créatinine :
créatinine plasmatique
L’insuffisance rénale aigue était caractérisée par le score de KDIGO, en se basant sur
l’élévation de la créatinine plasmatique (Annexe 1). Le score KDIGO était déterminé pour
chaque patient par la réalisation du rapport (créatinine maximale /créatinine basale). Ceux qui
avaient un rapport inférieur à 2, étaient dans le groupe « absence d’IRA » et correspondaient
aux scores KDIGO 0 (inférieur à 1,5 fois la créatinine de base) et KDIGO 1 (entre 1,5 et 2 fois
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la créatinine de base). Ceux qui avaient un rapport supérieur à 2 (correspondant aux scores
KDIGO 2 et 3) correspondaient au groupe « IRA » .
Le dosage de myoglobine plasmatique était effectué par immunomarquage à partir d’un tube
sec (technique « sandwich » par deux anticorps spécifiques ruthénylés, test ELECSYS
MYOGLOBINE, automate COBAS, Roche). Le dosage des CPK plasmatiques était effectué
par mesure de l’activité créatinine-kinase en présence de Dglucose (test Ultra Violet, COBAS,
Roche).
Les patients qui ont eu plusieurs mesures de myoglobine (surveillance prolongée) ont été jugés
par le clinicien comme à risque de développer une rhabdomyolyse sévère. Pour cette raison,
nous avons voulu nous intéresser à cette population à risque dans un premier temps. Toutefois,
nous avons voulu explorer si la myoglobine initiale était prédictive d’une myoglobine maximale
> 5000 ou 10000 UI/L. Il nous paraissait intéressant de savoir si la myoglobine initiale gardait
sa valeur prédictive d’une myoglobine maximale élevée (> 5000 ou 10000 UI/L) dans la
population générale (comprenant également les patients avec une seule mesure de myoglobine).
Nous parlerons donc de « population totale » (patients quel que soit le nombre de mesures de
myoglobine) et de « population avec au moins deux mesures de myoglobine », la dernière étant
comprise dans la première.
2.4 Données recueillies
• Données Biologiques
Nous recueillons les résultats plasmatiques suivants :
-Myoglobine plasmatique initiale (à l’arrivée)
-Myoglobine plasmatique maximale durant les 7 jours suivant l’admission
-Le nombre de mesure de la myoglobine plasmatique
-CPK plasmatique initiale
-CPK plasmatique maximale durant les 7 jours suivant l’admission
-la créatinine plasmatique la plus basse (dite basale) pendant les 7 jours suivant l’admission
-la créatinine plasmatique à l’arrivée
-la créatinine plasmatique maximale au cours des 7 jours suivant l’admission
2.5 Critère de jugement principal
Le critère de jugement principal est la survenue d’une insuffisance rénale aigue.
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L’insuffisance rénale a été caractérisée par le score de KDIGO, en se basant sur l’élévation de
la créatinine. Nous avons classé les patients selon le critère insuffisance rénale aigue sévère
(KDIGO 2-3) ou absence d’insuffisance rénale aigue sévère (pas d’IRA ou IRA KDIGO 1).
2.6 Critères de jugement secondaires
Les critères de jugement secondaires sont :
- les valeurs de Mb et de CPK initiales
- les pics de Mb et de CPK (Mb et CPK maximales) dans les 7 premiers jours
- le seuil de Mb plasmatique initial associée à la survenue d’une IRA dans les 7 premiers jours
2.7 Analyse statistique
Les résultats sont présentés sous forme de moyenne déviation standard (DS) ou sous forme
de médiane (interquartile-1 ;3). Les variables catégorielles sont présentées sous forme de
nombre (pourcentage). Les comparaisons des valeurs de CPK (ou de myoglobine) entre les
groupes (présence versus absence d’IRA/mesure d’au moins 2 valeurs de myoglobine versus
une seule mesure de myoglobine) ont été réalisées avec un test t de Student. Les courbes ROC
de la valeur prédictive des CPK et de la myoglobine (initiales et au pic) pour l’IRA ont été
construites. Les courbes ROC de la valeur prédictive de la myoglobine initiale d’une
myoglobine au pic > 5000 UI/L ou > 10000 UI/L ont également été construites. Un seuil de
myoglobine initiale et au pic à risque d’IRA a été calculé en prenant la valeur de myoglobine
qui donnait l’indice de Youden (Sensibilité + Spécificité -1) le plus élevé. Un seuil de
myoglobine initiale à risque d’une myoglobine au pic > 5000 UI/L ou > 10000 UI/L a également
été calculé. Une comparaison des deux courbes ROC de prédiction de l’IRA par la myoglobine
initiale et la CPK initiale a été effectuée par un test de Delong. Un p<0.05 était considéré comme
significatif. L’analyse statistique a été réalisée à l’aide du programme GraphPad Prism et à
l’aide du logiciel R 3.1.1 (disponible en ligne http ://www.R-project.org).
2.8 Calcul d’effectif
Dans une étude réalisée chez 30 patients traumatisés qui ont comparé la valeur prédictive d’
IRA du pic de la myoglobine et des CPK (27) (pas d’étude disponible ayant comparé les valeurs
initiales de CPK et myoglobine pour prédire l’IRA chez les patients traumatisés), une aire sous
courbe de 0,88 et de 0,73 avaient été rapportées par les auteurs pour la myoglobine et les CPK
respectivement. En appliquant donc une différence attendue entre les aires sous courbes de 0,15,
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pour un alpha de 0,05 et une puissance de 80%, un effectif de 30 cas (un cas = 1 patient avec
une IRA stade 2 ou 3 de la classification KDIGO) est nécessaire (32). Sachant que l’IRA stade
2 ou 3 de la classification de KDIGO est retrouvée chez 10% des patients hospitalisés pour
suspicion de traumatisme sévère, 300 patients sont nécessaires. Nous avons inclus 600 patients
au total dont 350 patients avec au moins deux mesures de myoglobine pour s’affranchir des
données manquantes.
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III. RESULTATS
3.1 Population
600 patients ont été inclus. 35 patients ont été exclus secondairement : 34 patients n’avaient
aucune mesure de Mb, et 1 patient n’avait aucun dosage de créatinine plasmatique. Au total,
après exclusion des 35 patients, 565 patients ont été inclus dans le protocole de l’étude. Parmi
ces 565 patients, 213 patients n’avaient qu’une seule mesure de la Mb pendant les 7 premiers
jours et 352 avaient au moins 2 mesures de Mb. (Figure 5)
Figure 5: Flow Chart de la population J0 : le premier jour d’hospitalisation du patient
Les caractéristiques générales de la population incluse sont représentées dans le tableau 1.
Les patients étaient majoritairement des hommes (77,7%), agés de 36 ans en moyenne. 3% des
patients avaient un traumatisme pénétrant. Le délai de prise en charge médian (incluant la prise
en charge extra hospitalière et le temps de trajet jusqu’à l’arrivée à l’hopital) était de 90 minutes
(71-108). La médiane du score SOFA était à 1 (0-8) et l’IGS II à 20 (11-46). La médiane du
score lésionnel ISS était à 19 (9-27). La concentration de lactates à l’arrivée à l’hopital était en
moyenne de 1,8 mmol/L. 7% des patients inclus étaient en choc hémorragique à leur arrivée à
l’hopital et 11% ont reçu des vasopresseurs en préhospitalier. Au cours de leur séjour en
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réanimation, moins de 1% de la population incluse avait une défaillance rénale nécessitant une
épuration extra rénale. 12% des patients sont décédés au cours de leur séjour en réanimation
(Tableau 1).
Caractéristiques Démographie (n=565)
Age, années 36±18
Sexe féminin, n(%) 134 (22,3)
IGS 2 20 (11- 46)
SOFA à 24 heures 1 (0-8)
ISS 19(9-27)
AIS par organe
AIS tête et cou 2(0-4)
AIS visage 0(0-1)
AIS thorax 2(0-3)
AIS abdomen 0(0-2)
AIS périphérique 1(0-2)
AIS peau 1(0-1)
Traumatisme pénétrant n(%) 17(3)
Délai de prise en charge (min) 90 (71-108)
Lactates (mmol/l) 1,8(1,1-2,8)
Variables préhospitalières
PAS (mmHg) 130 (117-146)
Fc (bpm) 89 (74-100)
SpO2 (%) 97(95-99)
Glasgow 15(13-15)
Hémocue pré hospitalier (g/dL) 14(12,7-15,3)
Choc hémorragique à l’arrivée à l’hôpital,
n(%)
38(7%)
Catécholamines pré hospitalier , n(%) 60(11%)
Intubation préhospitalier, n(%) 168(30%)
Durée de séjour en réanimation (jours) 4(2-7)
Epuration Extra Rénale, n(%) 5(0,9%)
Décès, n(%) 69(12%)
Tableau 1: Caractéristiques de la population Avec IGS 2 Indice Gravité Simplifié ; SOFA Sequential Organ Failure Assesment ; Acute Organe ; ISS Injury
Severity Score ; AIS Abbreviated Injury Scale
Les résultats sont exprimés en médiane (interquartile 25%- interquartile 75%)
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➢ IRA dans la population totale
Les caractéristiques de la population totale avec IRA (KDIGO 2-3) et sans IRA (KDIGO 0-1)
figurent dans le tableau 2.
Chez les patients qui présentaient une insuffisance rénale aigue, la Mb médiane d’arrivée était
de 2306 UI/L, versus 383 UI/L chez les patients sans IRA (p=0,0001). Les patients avec IRA
avaient des chiffres de Mb initiale et maximale, de CPK initiale et maximale significativement
plus élevés que les patients sans IRA (p<0,0001).
Tableau 2 : Valeurs de myoglobine et CPK dans les groupes IRA (KDIGO 2-3) et absence
d’IRA (KDGO 0-1) dans la population totale (n=565) Les résultats sont exprimés en médiane (interquartile 25%- interquartile 75%)
Mb i: Myoglobine initiale, Mb max : Myoglobine maximale ; CPK i : CPK initial ; CPK max :CPK maximal
3.2 Comparaison des deux populations : population avec plus de deux mesures de
myoglobine et population totale
Le tableau 3 résume les valeurs de Mb plasmatiques initiales et maximales, CPK initiales et
maximales dans les deux populations étudiées. Dans la populations totale, la Mb initiale était
en médiane de 464 UI/L versus 760 UI/L dans la population ayant au moins deux mesures de
Mb (p=0,007). Les mesures de Mb initiales et maximales, de CPK initiales et maximales, étaient
significativement plus élevées dans la population comprenant au moins deux mesures de Mb.
Tableau 3 : Comparaison des chiffres de CPK et de myoglobine dans les 2
populations (une mesure de myoglobine versus au moins deux mesures de myoglobine) Avec CPK i : mesure de CPK initiale ; CPK max : mesure de CPK maximale ; Mbi : mesure de Myoglobine
plasmatique initiale ; Mbmax : mesure de Myoglobine plasmatique maximale
Les résultats sont exprimés en médiane (interquartile 25%-interquartile 75%)
IRA
population totale (n=61)
Absence d’IRA
population totale (n= 504)
p
Mb i (U/L) 2306 (1259- 4226) 383 (166- 942) p<0,0001
CPK i (U/L) 1064 (650-1633) 366 (209-742) p<0,0001
Mb max (U/L) 3864 (1920-9061) 441 (172- 1182) p<0,0001
CPK max (U/L) 4876 (2209 -11880) 611 (251- 1760) p<0,0001
population totale (n=565) Population > 2 mesures de Mb
(n= 352)
p
Mb i (U/L) 464(184-1212) 760(318-1635) p=0,007
CPK i (U/L) 421(222-841) 584(297-1126) p=0,035
Mb max (U/L) 553(197-1464) 951(376-2306) p= 0,02
CPK max (U/L) 774(274- 2551) 1478(535-3873) p= 0,02
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En ce qui concerne l’IRA dans ces deux populations, notre population totale (n=565)
comprenait 89% de patients sans insuffisance rénale (KDIGO 0-1) et 11% ayant développé une
insuffisance rénale modérée à sévère (KDIGO 2-3). Notre population de polytraumatisés graves
avec au moins 2 mesures de Mb (n=352) était constituée de 84% de patients sans insuffisance
rénale et de 16% de patients qui avaient développé une IRA modérée à sévère (KDIGO 2 ou 3)
(tableau 4). La proportion d’IRA sévère est plus élevée dans la population avec au moins deux
mesures de myoglobine.
KDIGO 0 KDIGO 1 KDIGO 2 KDIGO 3
Population totale (n=565) 395 (70%) 109 (19%) 41 (7%) 20 (4%)
Population avec au moins 2
mesures de Mb (n=352)
202 ( 57%)
95 (27%)
37 (11%)
18 (5%)
Tableau 4: Sévérité de l’IRA selon la classificiation KDIGO dans la population totale et
chez les patients avec au moins 2 mesures de myoglobine Avec KDIGO (kidney desease inernational guidlines outcome), Mb : Myoglobine plasmatique
3.3 Prédiction de l’IRA par la myoglobine et la CPK initiales
➢ Prédiction de l’IRA par la myoglobine initiale dans la population avec plusieurs
mesures de myoglobine (n= 352)
L’aire sous la courbe ROC de la Mb initiale pour prédire une IRA est de 0,84 [0,78-0,9], avec
p<0,0001 (figure 6). Un seuil de 1409 UI/L a une sensibilité de 78% [65-88] et une
spécificité de 80% [75-85] pour prédire une IRA KDIGO 2-3.
Figure 6 : Courbe ROC de la prédiction d’une IRA stade 2 ou 3 de la classification
KDIGO par la myoglobine initiale
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➢ Prédiction de l’IRA par la CPK initiale dans la population avec plusieurs mesures
de myoglobine (n= 352)
L’aire sous la courbe ROC de la CPK initiale est de 0,74 [0,67-0,80], avec p<0,0001 pour
prédire une IRA (figure 7). Cette valeur d’aire sous courbe est significativement inférieure
à celle de la myoglobine initiale pour prédire une IRA (p=0,04).
Figure 7 : Courbe ROC de la prédiction d’une IRA stade 2 ou 3 de la classification
KDIGO par la CPK initiale
3.4 Prédiction de l’IRA par les pics de myoglobine et de CPK
➢ Prédiction de l’IRA par la myoglobine maximale dans la population avec plusieurs
mesures de myoglobine (n= 352)
L’aire sous la courbe ROC de la Mb maximale pour prédire une IRA est de 0,87 [0,83-0,92],
avec p<0,0001 (figure 8). Un seuil de 1468 UI/L a une sensibilité de 87% [75-95] et une
spécificité de 74% [69-79] pour prédire une IRA KDIGO 2-3.
Figure 8: Courbe ROC de la prédiction d’une IRA stade 2 ou 3 de la classification
KDIGO par la myoglobine maximale
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➢ Prédiction de l’IRA par la CPK maximale dans la population avec plusieurs
mesures de myoglobine (n=352)
L’aire sous la courbe ROC de la CPK maximale pour prédire une IRA est inférieure à celle de
la myoglobine maximale avec une valeur de de 0,79 [0,72-0,85], avec p<0,0001 (figure 9).
Figure 9 : Courbe ROC de la prédiction d’une IRA stade 2 ou 3 de la classification
KDIGO par la CPK maximale
3.5 Prédiction de la myoglobine maximale à partir de la myoglobine initiale dans les
deux populations
➢ Prédiction de la myoglobine maximale par la myoglobine initiale au cours des 7
premiers jours dans la population avec plusieurs mesures de myoglobine (n=352)
L’aire sous la courbe ROC de la Mb initiale pour prédire une valeur de Mb maximale au dessus
de 5000UI/L est de 0,90 [0,84-0,96], avec p<0,0001 (figure 10A). Un seuil de 1651 UI/L de
myoglobine a une sensibilité de 83% [67-93] et une spécificité de 82% [77-86] pour prédire
une myoglobine maximale supérieure à 5000 UI/L.
L’aire sous la courbe ROC de la Mb initiale pour prédire une valeur de Mb maximale au dessus
du seuil de 10 000UI/L est de 0,88 [0,78-0,97], avec p<0,0001 (figure 10B). Un seuil de
myoglobine de 2412 UI/L a une sensibilité de 82% [57-96] et une spécificité de 87% [83-91]
pour prédire une myoglobine maximale supérieure à 10000 UI/l.
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Figure 10: Courbes ROC de la prédiction d’une myoglobine maximale à 5000 U/L (A)
ou d’une myoglobine maximale supérieure à 10000 U/L (B) par la myoglobine initiale
➢ Prédiction de la myoglobine maximale par la myoglobine initiale dans la
population totale (n=565)
L’aire sous la courbe ROC de la Mb initiale pour prédire une valeur de Mb maximale au dessus
de 5000 UI/L dans la population totale est de 0,93 (0,89-0,97) avec une sensibilité de 85% et
une spécificité de 88% pour un seuil de 1634 UI/L (courbe non montrée).
L’aire sous la courbe ROC de la Mb initiale pour prédire une valeur de Mb maximale au dessus
du seuil de 10 000 Ui/L dans la population totale est de 0,91 (0,84-0,98) avec une sensibilité de
89% et une spécificité de 85% pour un seuil de 1651 UI/L (courbe non montrée).
La prédictibilité d’une myoglobine maximale élevée par la myoglobine initiale n’est donc pas
altérée quand on s’adresse à une population tout venant de patients traumatisés (population
totale dans notre étude, n=565) accueillis en salle de déchocage et pas seulement aux patients
jugés à risque de rhabdomyolyse sévère par le clinicien (patients avec au moins deux mesures
de myoglobine dans notre étude, n=352).
A B
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IV. DISCUSSION
4.1 Messages Clés
1- Une Mb initiale supérieure à 1409 UI/L, permet de prédire significativement une IRA
dans les 7 premiers jours suivant l’admission avec une sensibilité de 78%, et une
spécificité de 80%.
2- La Myoglobine plasmatique (initale ou maximale) prédit mieux que la CPK le risque
rénal en lien avec une rhabdomyolyse dans une population de patients hospitalisés pour
suspicion de traumatisme sévère
3- Des pics de myoglobine au dela de 5000 UI/L et 10 000 UI/L dans les 7 premiers jours,
peuvent être significativement anticipés par la valeur de myoglobine initiale à l’arrivée
du patient en salle de déchocage.
4.2 Validité de l’étude
➢ IRA dans notre population
Dans notre population monocentrique de 565 patients polytraumatisés sévères, la proportion
d’IRA modérée à sévère était de 11% (comprenant 7% de patients stade 2 et 4% de patients
stade 3 de la classification de KDIGO). Il s’agit d’une proportion plus faible que ce qui est
rapporté dans la littérature. En effet, le pourcentage de patients ayant une rhabdomyolyse qui
vont développer une IRA est variable selon les études allant de 14.4% à 65% chez les adultes
(tous stade d’IRA confondus: de mineur à sévère) (26, 33). Cette variation s’explique
principalement par trois points : 1/ les populations étudiées sont très différentes allant de
patients de soins intensifs à des patients de soins de salles conventionnelles. De ce fait les
étiologies retrouvées sont très variées comme le polytraumatisme, l’intoxication
médicamenteuse, la myopathie… (33, 34) 2/ la définition de la rhabdomyolyse varie suivant
les études. Beaucoup d’études utilisent une valeur seuil de CPK comme critères d’inclusion,
allant de >1 000 UI/L à >10 000 UI/L. 3/ Enfin, la définition de l’IRA fluctue suivant les études.
Cette définition a évolué au cours des années : reposant initialement dans la plupart des études
sur une augmentation de la créatininémie seule puis progressivement sur des scores d’IRA
comme le score de RIFLE puis KDIGO pour les études les plus récentes (35). De plus, cette
proportion d’IRA sus-mentionnée fait état de toutes les IRA : c’est-à-dire des mineures aux
sévères. Par ailleurs, nous avons décidé de définir les patients avec une IRA comme ceux qui
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avaient un score KDIGO 2 et 3, c’est-à-dire les patients qui développent une IRA modérée à
sévère, contrairement aux études de la littérature qui incluent les patients avec une IRA de
mineure à sévère. Nous avons défini la créatinine de base comme la valeur la plus basse des 7
premiers jours d’hospitalisation. Cette définition de la créatinine de base pourrait être biaisée
par la fonte musculaire survenant en réanimation. De plus, celle-ci pourrait être anormalement
basse en rapport avec une hyperfiltration post traumatique. Ainsi, les stades KDIGO reposant
sur une élévation de la créatininémie ont pu être surdiagnostiqués en diminuant de façon
artificielle la créatinémie de base ce qui représente une des limites de ce travail.
Enfin, nous avons mis en évidence que les valeurs de Mb initiale, maximale et CPK initiale,
maximale sont significativement plus élevées dans la population avec plusieurs mesures de Mb.
Ceci est probablement lié au fait que les patients les plus à risque de rhabdomyolyse sévère (et
donc d’IRA sur rhabdomyolyse), ont été suveillés par le clinicien en charge de manière plus
étroite et plus prolongée que les autres polytraumatisés.
➢ La Myoglobine est un meilleur marqueur pour prédire l’IRA que la CPK
Nous avons montré dans notre étude que la Mb est un meilleur marqueur que la CPK pour
prédire l’IRA chez le patient traumatisé. Ce résultat n’était pas connu. Bien que certaines études
rapportent une corrélation significative entre la valeur initiale des CPK et l’IRA (36, 37), toutes
les études ne retrouvaient pas cette corrélation (38) ou une corrélation très faible entre le pic de
CPK et l'incidence de l’IRA (26).
Une métaanalyse de 2016, (35) reprenant les études qui ont étudié la valeur prédictive d’IRA
des CPK ayant inclus 18 études, retrouvait que le pic de CPK était associé à la survenue d’une
IRA avec une aire sous la courbe de 0,75 [0,71-0,79]. Nous retrouvons des résultats
semblables puisque l’aire sous la courbe ROC de la CPK initiale et maximale pour prédire une
IRA étaient respectivement de 0,74 [0,67-0,80] et de 0,79 [0,72-0,85]. Cependant, nous
rapportons dans cette étude, que la CPK prédit moins bien le risque rénal que la myoglobine, et
que cette dernière doit être privilégiée pour évaluer de façon plus précise le risque rénal des
patients à l’arrivée en salle de déchocage.
Le pic de myoglobine est encore un meilleur marqueur du risque rénal que la valeur initiale de
myoglobine. Cependant, le pic de myoglobine est tardif et donnerait « a posteriori » une
information sur le risque rénal, il est ainsi moins utile en tant que biomarqueur de risque rénal
que la myoglobine initiale.
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➢ Seuil de Myoglobine pour prédire le risque rénal
Notre étude confirme que le pic de Mb permet de prédire significativement le risque rénal. Ce
même résultat avait été retrouvé dans une étude prospective de 2010 (27), menée dans une unité
de soins intensifs chez des patients, admis aux urgences avec un diagnostic de rhabdomyolyse
associé à un taux de CPK > 1000 UI/L dans les 72h. Les auteurs retrouvaient une valeur seuil
de 3865 µg/L (sensibilité de 92%, et spécificité de 83%). Nous n’avons pas retrouvé ce seuil de
pic de Myoglobine dans notre étude : le seuil du pic de Mb maximale, sur notre cohorte,
permettant de prédire significativement une IRA était de 1468 UI/L, avec une sensibilité de
87% et une spécificité de 74%. Les principales causes de cette discordance sont 1/la population
d’étude leur permettant d’obtenir ce résultat était composée dans l’étude de Kasaoka (27), de
30 patients, dont seulement 43% issus de traumatisme, 2/les critères d’IRA choisis dans cette
étude associaient un chiffre de créatinine supérieur à 2mg/dl, ou une oligurie inférieure à 400
ml/j ou des critères d’épuration extra rénal définis pas un médecin du service. Néamoins, il
n’était pas retrouvé dans cette même étude de valeur prédictive d’IRA pour la Mb initiale.
Dans notre cohorte, la Mb initiale permet de prédire significativement l’IRA au cours des 7
premiers jours après polytraumatisme. Nous retrouvons un seuil de Mb initial de 1409 UI/L,
avec une sensibilité de 78% et une spécificité de 80%. Il existe une seule étude à notre
connaissance ayant étudié ce seuil. Il s’agissait d’une cohorte de 202 patients, admis en soins
intensifs, présentant une rhabdomyolyse avec CPK > 1000 UI/L. L'aire sous la courbe de la
myoglobine initiale pour prédire l’insuffisance rénale aigue était de 0,72 (Sensibilité 0,93 ;
Spécificité 0,53). Le seuil de Mb plasmatique initial afin de prédire l’insuffisance rénale aigue
était de 597, 5 ng/ml (31). Cette valeur est cependant à interpréter avec mesure puisque la
population étudiée présentait une rhabdomyolyse de plusieurs origines (traumatisme (26,7%),
infection (18%), causes toxiques (12%)).
➢ Myoglobine initiale pour prédire le pic de Myoglobine au cours des 7 premiers
jours
Non seulement, la myoglobine initiale permet de prédire le risque rénal, mais elle permet
également de prédire un pic élevé de myoglobine dans les 7 jours suivant l’arrivée du partient.
Ceci n’est pas décrit dans la littérature. Nous avons retrouvé dans notre étude, qu’une mesure
de Mb supérieure à 1651 UI/L permettait de prédire significativement, un pic de Mb dans les 7
premiers jours supérieur à 5000 UI/L, synonyme d’une rhabdomyolyse sévère, avec une
sensibilité de 87%, et une spécificité de 82%. De même, une mesure de Mb initiale supérieur à
2412 UI/L, permettait de prédire significativement une myoglobine maximale supérieure à
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10 000 UI/L dans les 7 premiers jours. Ainsi, la valeur de myoglobine initiale pourrait inciter à
une prise en charge plus agressive de la rhabdomyolyse. La myoglobine possède une taille
intermédiaire de 18 kDa, qui n’est pas ou peu épurée par les membranes de dialyse et
d’hémofiltration standards, y compris avec des débits d’hémofiltration élevés (39, 40).
Néanmoins, la taille intermédiaire de la myoglobine la place dans une catégorie de protéines
dont la filtration est possible avec des membranes à seuil de filtration plus élevé. Ainsi les
membranes avec un haut « cut off » permettent d’obtenir une clairance de la myoglobine de 45
à 100 ml/min, alors que la clairance de la myoglobine avec des membranes standard est
inférieure à 10 ml/min. L’efficacité de ces membranes n’a pour l’instant été jugée que sur la
performance d’épuration de la myoglobine sur de petits effectifs. Aucun bénéfice n’a été
démontré en termes de mortalité, de durée de dépendance à la dialyse ou de durée de séjour
mais l’utilisation d’un biomarqueur précoce telle que la myoglobine à l’arrivée pourrait
permettre de sélectionner les patients pouvant bénéficier d’une stratégie d’épuration précoce
par membrane à haut « cut off ».
➢ La myoglobine plasmatique : au centre de nouvelles recommandations pour le
suivi et le diagnostic de gravité de la rhabdomyolyse
Actuellement, le suivi de la rhabdomyolyse s’effectue principalement par l’intermédiaire de la
CPK. Il est d’ailleurs mentionné dans des recommandations internationales (7) sur l’IRA en
réanimation, de surveiller les CPK lorsque celles-ci sont au delà de 5000 UI/L. Dans ces mêmes
recommandations, il n’est pas fait mention de la myoglobine. Or, elle est directment reliée à la
toxicité rénale, est un marqueur plus précoce que les CPK, et prédit mieux que les CPK l’IRA
au cours d’une rhabdomyolyse. Ainsi, il nous parait légitime de privilégier la Mb, et de répéter
ses mesures dans le suivi de la rhabdomyolyse. En effet, il nous semble intéressant de suivre la
cinétique de la myoglobine en la dosant toutes les 6h durant les première 24h en post
traumatisme afin d’en définir le pic et le moment de l’agression rénale maximale mais
également sa décroissance qui définit l’arrêt du processus pathologique actif provoquant la
rhabdomyolyse. Une myoglobine initiale supérieure à 1409 UI/L doit faire surveiller également
de façon rapprochée la fonction rénale (créatinine, diurèse). L’évaluation d’une stratégie
thérapeutique agressive (épuration extrarénale par membrane à haute perméabilité) à partir
d’une valeur de myoglobine initiale élevée serait intéressante.
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V. CONCLUSION
La myoglobine plasmatique prédit significativement mieux que la CPK le risque rénal en lien
avec une rhabdomyolyse dans une population de patients pris en charge pour suspicion de
traumatisme grave. La myoglobine plasmatique initiale permet de prédire significativement la
survenue d’une insuffisance rénale aigue modérée à sévère dans les 7 jours qui suivent
l’admission, ainsi qu’une rhabdomyolyse sévère avec un pic de myoglobine plasmatique élevé.
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VII. ANNEXES
Annexe 1 : score KDIGO (Kidney Disease International Guidelines Outcome)
Annexe 2 : score AIS (Abbreviated Injury Scale)
L’AIS est un système de classification et de codage des lésions présentées par les victimes de
traumatismes permettant une standardisation des données lésionnelles descriptives et facilitant
les comparaisons entres les études. Créé en 1971, il a depuis été révisé plusieurs fois pour être
plus exhaustif dans les descriptions des lésions. L’AIS décrit les lésions anatomiques
observées chez le patient polytraumatisé à partir d’une segmentation de l’organisme en neuf
territoires : tête, face, cou, thorax, abdomen et contenu pelvien, rachis, membres supérieurs,
membres inférieurs, lésions externes. Chaque lésion observée par territoire corporel est ainsi
codée grâce à ce système selon sa description anatomique très précise. Le code de chaque
lésion est ensuite corrélé au catalogue des lésions décrites de l’AIS afin d’obtenir l’indice de
gravité de l’AIS coté de 1 à 6.
Score AIS Gravité
1 mineure
2 modérée
3 sérieuse
4 sévère
5 critique
6 fatale
La gravité de la lésion est fixée pour une valeur seuil de 3.
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Annexe 3 : score ISS (Injury Severity Score)
Le score ISS est directement issu du score AIS. L’ISS est la somme des carrés des AIS
les plus élevés des trois régions corporelles les plus atteintes. Les six régions corporelles
définies par l’ISS sont : tête et cou, face, thorax, abdomen et contenu pelvien, membres et
ceinture pelvienne, surface cutanée.
Les valeurs d’ISS varient de 1 à 75. Par convention, l’existence d’une seule lésion dont le
score AIS est de 6 (lésion fatale) donne un score ISS maximal de 75. Dans la plupart des
études, un ISS strictement supérieur à 16 définit la gravité du traumatisme.
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Annexe 4
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Annexe 5
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Annexe 6