environnement fiscal de l’entreprise en tunisie - neji_baccouche
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7/23/2019 Environnement Fiscal de lEntreprise en Tunisie - Neji_baccouche
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ENVIRONNEMENT FISCAL DE LENTREPRISE EN TUNISIE
Etude prpare par :
Nji BACCOUCHE
Professeur de droit public et directeur du Centre dEtudes Fiscales
de la Facult de droit de Sfax
Ce travail sest largement inspir dune prcdente tude prpare avec mes collgues
Sami KRAEIM et Mohamed KOSSENTINI
2009
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INTRODUCTION
1-La gravit de la rcente crise financire et conomique revitalise les dbats sur
les rapports entre lentreprise et lEtat. Dans ce cadre, la fiscalit est plus que jamais
implique dans la stratgie fixe par les pouvoirs publics de tous les Etats pour sortir de la
crise puisquelle est sollicite pour soutenir les diffrents secteurs qui se trouvent
confronts des difficults dont lampleur est probablement sans prcdent. Pourtant, les
tenants du libralisme ainsi que les entrepreneurs sont souvent hostiles la fiscalisation et
ne cessent de prner la rduction des impts. La ralit de la crise qui sest aggrave en
2008 a toutefois conduit les oprateurs conomiques solliciter linterventionnisme de la
puissance publique. Dans tous les pays, le trsor public est sollicit et son intervention se
traduit par lexplosion de lendettement public faute de pouvoir augmenter les impts dansle contexte de crise. Mais, un jour, limpt doit assurer le remboursement de cette dette.
Cest dire que limpt est au cur de la problmatique des politiques publiques de
dveloppement aujourdhui et demain.
2-LEtat tunisien est un Etat de services publics par excellence. En labsence de
ressources semblables celles dont disposent ses voisins, la Tunisie a imprativement
besoin de ressources fiscales durables pour faire fonctionner ses innombrables services
publics et accomplir sa politique de dveloppement social quilibr et qui, quoique londise, reste rellement exemplaire, du moins pour les pays en dveloppement. De notre
point de vue, cest cette politique de redistribution et de transferts sociaux qui procure la
fois la stabilit et la lgitimit aux institutions qui nous gouvernent. Cest pourquoi la
lgislation fiscale doit tre manie avec beaucoup de prudence. Elle doit viter un double
cueil. Dun ct, elle doit viter la lourdeur dont Ibn KHALDOUN avait dcrit, depuis
plus de six sicles, leffet nfaste sur lappareil de production et sur lEtat lui-mme1. De
lautre ct, elle doit viter le nivellement fiscal par le bas que semble imposer une
concurrence fiscale rude entre les divers pays et qui prive lEtat de ses ressources
ncessaires pour mener le dveloppement global et assurer la cohsion sociale.
3- En 1382, IBN KHALDOUN disait que Parfois le fisc prtend se tirer
daffaire en augmentant le taux des impts, jusquau moment o la limite du possible
est atteinte : le cot de la production est trop lev, les impts sont trs lourds et tout
espoir de gain demeure thorique. En consquence, le revenu national continu
dcrotre, les impts augmenter dans lespoir que ceci compensera cela. Finalement, la
1 IBN KHALDOUN,La Moukaddima, Chapitre 36.
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chute de la civilisation suit la disparition de toute possibilit de production et cest lEtat
qui en ptit . Lactualit de ses propos est telle quelle a inspir le clbre conomiste
LAFFER, conseiller du Prsident REGAN, pour tablir la courbe, dite courbe de LAFFER
qui met en exergue le caractre anticonomique dune fiscalit lourde.
4-Il est vrai que trop dimpt tue limpt, mais il nen reste pas moins vrai quepeu
dimpt menace lEtat et peut le tuer. Or, lEtat est notre bien commun, il est devenu
irremplaable et son affaiblissement menace, en premier lieu, lentreprise et ne sert aucune
catgorie sociale ou autres entits. Le payement de limpt est un devoir sacr et son
vitement frauduleux constitue, certes, un acte dtestable, mais qui doit interpeller les
gouvernants sur les raisons de sa non culpabilisation par la socit. La fraude fiscale nest
malheureusement pas un acte socialement condamnable. Des personnes, parfois
socialement considres, se vantent de frauder le fisc mais ne se vantent jamais de voler un
bien dautrui autre que celui de lEtat et ses dmembrements.
5-Pour la Tunisie indpendante, lamlioration du cadre juridique de lentreprise a
toujours constitu une proccupation majeure des pouvoirs publics depuis loption pour la
libralisation de lconomie entame en 1970 sous la conduite du premier ministre,
Monsieur Hdi NOUIRA. Plus tard, lvolution de lenvironnement juridique et fiscal de
lentreprise en Tunisie a t pousse grce deux acclrateurs :
6- Le premier consiste dans le plan dajustement structurel, ayant favoris
lvolution de lconomie nationale, dune conomie administre vers une conomie de
lentreprise qui opre dans un milieu concurrentiel. Depuis le dbut des annes 1970, la
Tunisie sest engage dans une politique caractrise par la rorientation de l'conomie
vers l'encouragement de l'entreprise prive, la libralisation conomique et l'ouverture sur
l'extrieur. Cette mme politique sest consolide, depuis 1986, par ladoption dun
programme d'ajustement structurel, qui a constitu la base du VIIme
Plan de
dveloppement conomique et social (1987-1991). Le changement politique survenu en
1987 a relanc le programme d'ajustement structurel et a rendu possible la mise en
oeuvre, entre autres, de profondes rformes fiscales qui ont accompagn la libralisation et
louverture effective sur lextrieur2. Grce ces rformes, la Tunisie a pu devenir, en
2 Rvision des codes d'investissement en direction d'une libralisation de l'investissement et des
procdures, libralisation progressive des prix la production et la distribution, libralisation
progressive des importations, rvision de la fiscalit par l'institution de la taxe sur la valeur ajoute et
l'impt unique sur les revenus, rforme du systme montaire et financier et rvision du rle de l'Etat etde ses moyens d'intervention dans la vie publique, par le biais d'un dsengagement progressif de son rle
d'oprateur en faveur du secteur priv
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1990, membre du GATT. Elle a sign, en tant que membre fondateur, les accords GATT /
OMC en 1994.
7- Le secondacclrateur consiste dans les exigences imposes par la conclusion
dun accord dassociation avec lUnion Europenne conscutive la signature des accords
du GATT/OMC3. Le rapprochement et lharmonisation de la lgislation tunisienne avec les
lgislations des pays de la communaut europenne sont devenus une exigence
explicitement pose par larticle 52 de lAccord dassociation. La Tunisie avait intrt
harmoniser sa lgislation avec celle des pays partenaires et lUnion Europenne sest
engage soutenir ses efforts cet effet.
8- Dans ce nouveau contexte, la prise en considration des rgles de bonne
gouvernance de lentreprise dans les pays partenaires de la Tunisie, est devenue unencessit absolue pour permettre lentreprise tunisienne dtre comptitive et dagir,
ainsi, dans un monde devenu aujourdhui presque sans frontires conomiques4. La
fiscalit est alors devenue lun des facteurs dterminants de lactivit de lentreprise et de
sa comptitivit compte tenu du cot fiscal de plus en plus lev dans le cot global des
biens et services. La comptitivit de ces derniers dpend, entre autres, de la comptitivit
du systme fiscal. Louverture sur lextrieur impose alors la comparaison entre les
systmes fiscaux qui conditionnent lactivit conomique. Ds lors, il devient
incontournable derapprocher les cots fiscaux supports par les produits et services, en
Tunisie, de ceux en vigueur dans les pays partenaires et concurrents. Le poids de la
fiscalit est devenu un dterminant que linvestisseur ne peut ignorer. Cest pourquoi lon
parle de lingnierie fiscale qui est lune des composantes de lingnierie financire.
9- Outre son impact sur les choix et dcisions faits par lentreprise, le systme
dimposition est lun des facteurs que lentreprise doit pouvoir matriser afin de fixer sa
stratgie conomique et dassurer sa bonne gouvernance. Le rgime fiscal auquel est
soumise lentreprise, la nature de la relation entre lentreprise et ladministration fiscale,
lassiette, le taux, le recouvrement et leffectivit des rgles fiscales et leur justesse,
3
La Tunisie a t le premier pays tiers-mditerranen conclure un accord dassociation avec lUnion
europenne en 1995. Nji BACCOUCHE, Les implications de laccord dassociation sur le droit fiscal et
douanier, in Mlanges Habib AYADI, op. cit. p. 5.4 Les pouvoirs publics ont entrepris depuis quelques annes des mesures pour amliorer le cadre juridique
rgissant lentreprise dans toutes les phases de sa vie juridique : cration, fonctionnement, disparition
Les rformes jusque l apportes ont t principalement influences par les mesures convergentes
rcemment prises, partout dans le monde, pour consolider lentreprise et lui permettre, le cas chant, de
faire face la crise conomique et/ou financire. Cette crise dclenche depuis 2007, est due, entre
autres, une mauvaise gouvernance de lentreprise et labsence dthique et de rgulation suffisantespour pallier les drapages au rythme desquels nous vivons depuis quelques annes.
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influencent dans une large mesure, non seulement le fonctionnement interne de
lentreprise, mais aussi laccomplissement par cette dernire de ses obligations fiscales vis-
-vis de lEtat. La perception de la fiscalit par les oprateurs conomiques est importante
et elle impose lEtat de soigner limage du fisc et davoir une politique de marketing ceteffet.
10-Lobligation de transparence pse non seulement sur lentreprise, mais aussi sur
ladministration fiscale. Or, il semble que la transparence fiscale (que nous utilisons non
pas au sens technique qui signifie limposition des membres de lentit en application de
larticle 4 du CIR, mais au sens de sincrit, de clart et de vrit) est loin dtre
suffisamment enracine. Le fisc accuse les contribuables alors que ces derniers se
plaignent, leur tour, du manque de transparence de la part du fisc. Dans certains cas, la
transparence est carrment sacrifie par des textes et par des pratiques administratives.
Pourtant, la transparence est une exigence de bonne gouvernance (Chapitre I).
Par ailleurs, la comptitivit de lentreprise est conditionne par le poids de la
fiscalit. Or, et en dpit des rformes louables qui ont t introduites par le lgislateur
depuis 1988, la comptitivit fiscale semble tre mise mal dans la mesure o la fiscalit
supporte par lentreprise tunisienne savre lourde par rapport ses concurrentes
trangres en raison de la rpartition inquitable de la charge fiscale au sens large, cest--
dire celle englobant les prlvements sociaux (Chapitre II).
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CHAPITRE I
LEXIGENCE DE TRANSPARENCE
11-La bonne gouvernance de lentreprise est tributaire dune double transparence,
interne lentreprise et externe cette dernire. Dun ct, lentreprise doit pouvoir
surmonter les problmes lis sa transparence vis--vis du fisc (SectionI). Mais, dun
autre ct, lentreprise risque dtre confronte des problmes lis au manque de
transparence de ladministration fiscale elle-mme (Section II).
SECTION I : LA PROBLEMATIQUE DE LA TRANSPARENCE DE
LENTREPRISE
12-La transparence de lentreprise dans ses rapports avec le fisc est une vritable
quation laquelle il est impratif de trouver un fait gnrateur pour la rendre irrversible.
Elle est commande par deux facteurs dterminants.
Le premier facteur est dordre psychologique et moral dans la mesure o la
transparence de lentreprise nest que le reflet du degr du civisme des personnes agissant
au nom de lentreprise. La transparence fiscale est, avant tout, une conviction des
personnes de contribuer positivement leffort collectif de couverture des charges
publiques. Mais, la conviction des dirigeants dentreprises et des contribuables en gnral
est conditionne par la conduite du fisc et par lexemplarit quil doit assurer.
Le deuxime facteurqui commande la transparence consiste dans la comparaison
de la situation financire de lentreprise elle-mme avec celle des autres car, le sentiment
dune injustice fiscale ou de limpt sanctionpeut conduire lentreprise pratiquer la
fraude puisque ceux qui ludent limpt sont forcment favoriss. Lorsquil se transforme
en conviction, le sentiment dtre bern ou sanctionn conduit le contribuable, dune
manire quasi invitable, la fraude. Il faut le savoir, pour survivre, lentreprise se sent,
dans certains cas, oblige de frauder mme si le dirigeant de lentreprise a tort de raisonner
et de se comporter ainsi.
13- En pratique, la transparence de lentreprise tunisienne se trouve
involontairement sacrifie soit cause de lampleur du secteur informel, foncirement en
fraude ( 1), soit cause du manque dune culture fiscale de transparence chez les
dcideurs au sein de lentreprise et ce pour des raisons complexes ( 2).
1 : Lampleur du secteur informel
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14-Le secteur informel nest pas un phnomne rcent en Tunisie. On peut mme
penser que le tissu conomique sest constitu, au lendemain de lindpendance, dans
lambiance de linformel compte tenu de la raret du capital dans le pays et de labsence
dune culture de lorganisation du travail et de lentreprise. Mais, durant les vingt derniresannes, et alors mme que lEtat avait entrepris les rformes fiscales et conomiques les
plus audacieuses pour moderniser lconomie, on a assist un accroissement
spectaculaire du secteur informel qui, dans la meilleure des hypothses, opte pour le
forfait dimpt. Loption pour le forfait dimposition sexplique, en particulier, par la
rduction des cots du travail quil permet grce au contournement de la lgislation sociale
et des contraintes fiscales. Le secteur informel se justifie essentiellement par le souci
dviter la fiscalisation.
Outre lexistence dun march parallle souvent en fraude et difficile quantifier
(A), lentreprise transparente souffre galement de laccroissement dmesur du nombre
des forfaitaires qui supportent une charge fiscale insignifiante. Le secteur informel gnre,
au mieux, des forfaitaires (B).
A- Un march parallle en fraude
15- Le secteur informel englobe lensemble des activits dont lexercice illgal
constitue une fuite devant les diffrentes normes fiscales, sociales, commerciales et autres.
Lexistence de ce type dentreprises exerant souvent des activits lgales mais par des
personnes non dclares au fisc et la scurit sociale, est de nature fausser le jeu normal
de la concurrence. En effet, les entreprises exerant leurs activits en toute lgalit se
trouvent ainsi pnalises par leur transparence. Les biens produits ou les services fournis
par le secteur informel sont naturellement moins coteux. Ils sont donc plus comptitifs par
rapport ceux raliss par les entreprises organises conformment la loi. Dans une
socit o le pouvoir dachat est relativement modeste, la qualit nest pas, pour le
consommateur, le dterminant de larbitrage quil effectue lors de ses dpenses.
16- Le secteur informel constitue une vritable agrgation dintervenants. Par
dfinition, ce secteur est difficile de quantifier de manire trs prcise dautant plus quen
Tunisie, le critre de non enregistrement nest pas utilis par lappareil statistique pour
mesurer le secteur informel5. Certains conomistes murmurent que ce secteur
reprsenterait entre 20% et 40% des activits conomiques du pays6. Pendant les vingt
5
Mondher BEN AROUS, Le secteur informel en Tunisie : Rpression ou organisation ? Universit deLimoges, p. 6.
6 Nous navons pas rencontr dtudes qui quantifient le secteur.
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notion de forfait constitue la ngation de la bonne gouvernance parce quelle carte le
revenu ou le chiffre daffaires rellement ralis et repose sur des suppositions
approximatives qui sont trs loin de la ralit.
20-Alors que lEtat est oblig demprunter annuellement des sommes de lordre de
4000 millions de dinars environ (soit le tiers de ses besoins financiers) afin dquilibrer son
budget, plusieurs professions parmi les plus lucratives du pays occultent encore leur devoir
fiscal en se rfugiant dans les niches du forfait. Le nombre des forfaitaires ne cesse
daugmenter : il a pass de 140.000 lors de la promulgation du CIR en 1989, environ
270.000en 1999. Leur nombre a encore augment puisque parmi ceux qui sadonnent
une activit industrielle et commerciale, le nombre des forfaitaires en 2007, dpasse
350.0009. Compte tenu des difficults du recensement de cette catgorie dagents
conomiques, nous estimons quactuellement, le nombre de forfaitaires serait
probablement suprieur 400.000. En revanche, le nombre des entreprises soumises au
rgime rel serait de lordre de 90.000 uniquement soit environ 20% des contribuables
passibles de limposition au titre des bnfices industriels et commerciaux. On peut
regretter que le ministre des finances ne communique pas rgulirement et ne publie pas
des statistiques fiscales jour. Pourtant, cest l une exigence de transparence (infra, n27).
21-Certes, le lgislateur soumet le bnfice du rgime forfaitaire des conditions
multiples. Mais, la rigueur de ces conditions semble avoir produit des effets inverses. Aussi
paradoxal que cela puisse paratre, au fur et mesure que le lgislateur tunisien alourdit et
multiplie les conditions du bnfice du rgime forfaitaire, le nombre de forfaitaires
augmente. En instituant un nouveau type de forfait optionnel10
en 1999, le lgislateur na
fait quencourager la prolifration des forfaitaires et tendre le champ dapplication du
rgime forfaitaire. Le tarif du forfait est absurde car le chiffre daffaires de rfrence pour
fixer le montant de limpt est bizarrement bas. Il est irraliste et incite la fraude. Peut-on
comprendre quune exploitation puisse vivre durablement si elle ralise un chiffre
daffaires gal 3000DT ou 6000DT ou mme 30.000DT avec une marge bnficiaire
gnralement infrieure 10% ?
22- Le produit de limpt forfaitaire est tellement faible quil ne couvre
probablement pas les frais de sa perception. Il y a une dizaine dannes, la contribution
moyenne par forfaitaire tait infrieure 50DT. Depuis, il ne semble pas quelle a
9 Dclaration du Ministre des finances devant le Parlement en dcembre 2007.10
Par la Loi de finances pour la gestion 1999, le lgislateur a permis aux personnes physiques ralisant desrevenus dans la catgorie des bnfices industriels et commerciaux dopter pour le paiement dun impt
forfaitaire annuel gal 1500DT (Article 44 IV 1-bis du CIR).
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sensiblement augment puisque le produit de limpt sur le revenu au titre des BIC se
limite, pour lanne 2009, 47 millions de dinars (des acomptes et avances, y compris pour
les contribuables soumis au rgime rel, cest--dire de prs de 500.000 contribuables)11
.
Ds lors, ce sont les salaris dont le revenu est soumis la retenue la source, ainsi que lesentreprises soumises au rgime rel qui supportent la charge fiscale relle au titre des
impts directs. Le nombre important des forfaitaires ne nuit pas seulement aux finances
publiques mais il constitue un vritable danger pour lconomie organise. Lampleur du
secteur informel et le nombre dmesur des forfaitaires constituent, avec leur faible
contribution au titre des prlvements obligatoires, une source de concurrence dloyaleet
un autre facteur qui pnalise les entreprises fiscalement honntes qui supportent forcment
une charge fiscale et sociale plus leve que celle que laisse penser le taux nominal des
prlvements obligatoires.
23-Par ailleurs, la distorsion fiscale trop grande entre les entreprises qui supportent
la charge fiscale et sociale conformment au droit commun et celles qui ne la supportent
pas, soit en bnficiant des incitations fiscales, soit en tant soumises au forfait dimpt,
risque dtre conomiquement fcheuse. La tentation de la fraude ou de lvasion
continuera se dvelopper au dtriment du civisme fiscal et de la transparence de
lentreprise vis--vis du fisc. Actuellement, tout se passe comme si ladministration fiscale
ne voulait pas ou ne pouvait pas sattaquer aux forfaitaires. Si tel est le cas, il doit y avoir
des raisons. Le discours du chef de lEtat du 11 octobre 2009 a, fort heureusement,
annonc une rforme du rgime fiscal des forfaitaires qui ne devrait pas manquer de
rduire lampleur du phnomne forfaitaire et le contenir dans des dimensions
raisonnables12
.Tout dpendra du degr de dtermination de la haute administration pour
traiter ce phnomne que nous considrons comme tant la plaie du systme fiscal tunisien.
- 2 : La culture fiscale de non transparence
24- La transparence de lentreprise vis--vis du fisc ncessite un haut degr de
civisme fiscal. Or, il semble que le mal qui guette la fiscalit tunisienne est le dficit de
civisme fiscal li une conjoncture trs peu favorable laccomplissement par les
contribuables de leur devoir fiscal. En dpit de lvolution remarquable du niveau de
linstruction des tunisiens, grce un systme ducatif gnralis, la transparence est loin
dtre ancre dans lesprit des citoyens. Il est vrai que le pass naide pas ltablissement
11 Selon les prvisions de la loi de finances rectificative du 8 juillet 2009. La rgularisation pour toutes les
personnes physiques (salaris et professionnels libraux compris) devra rapporter 83millions de dinars.12 Discours du Prsident de la Rpublique lors de louverture de la campagne lectorale pour les lectionslgislatives et prsidentielles 2009. La Presse du 12 octobre 2009.
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dune culture fiscale qui intgre la transparence et le civisme. Le non payement de limpt
tait un acte de nationalisme puisque le fisc tait celui de la puissance occupante.
25-Mais, le manque de civisme fiscal rsulte aussi de ltat actuel de la lgislation.
En effet, ct du rgime du forfait dimpt, le lgislateur maintient toujours, mme pour
les professions librales, des mthodes dvaluation forfaitaire de lassiette imposable. Les
entreprises concernes par ces mthodes dvaluation trouveront leur compte dans la
mesure o limpt quelles auront payer ne concide pas avec les revenus quelles ont
rellement raliss. Cette dmarche lgislative de forfaitisation de limpt ou de lassiette,
parfois au profit des catgories sociales aises (professionnels libraux), prsente
linconvnient dencourager des mthodes de gestion qui favorisent la fraude au dtriment
de la transparence alors que, dans une conomie moderne, la transparence de gestion est
une exigence morale, politique, conomique et juridique dsormais incontournable.
Lentreprise a besoin dune gestion transparente pour tre crdible auprs du march. Le
respect de la loi fiscale par lentreprise rassure les associs et les cranciers.
26-LEtat moderne et dmocratique se doit dexpliquer que le fonctionnement des
services publics et la ralisation des infrastructures sont financs par limpt. Dans
nimporte quel pays, les gouvernants doivent viter de confisquer par la propagande
mdiatique les ralisations car cette conduite mdiatique ne favorise pas le civisme
fiscal. La perception de limpt par la conscience collective est un dterminant du civisme.
Les autorits publiques ne peuvent pas ne pas en tenir compte dautant plus que nos
gouvernants mobilisent toutes les ressources pour garantir des prestations de services
publics. En Tunisie, la bonne utilisation des finances publiques a mme valu, en 2008, un
satisfecit international puisque le pays a t class deuxime dans le monde13
. Il convient
de modeler la communication avec lopinion publique pour faciliter ladhsion limpt
mme sil faut reconnatre que cette adhsion dpend de plusieurs facteurs.
SECTION II : LEXIGENCE DE TRANSPARENCE DE
LADMINISTRATION FISCALE
27- Ladministration fiscale a beaucoup de marge pour accomplir des progrs rels
et pratiquer la transparence effective. Un des aspects lmentaires et pralables concerne
les statistiques et autres informations. Actuellement, ladministration ne communique pas
les chiffres sur les dpenses fiscales14
, sur les recettes fiscales par catgories de
13
Selon le rapport du Forum Davos pour 2008. Pour 2009, la Tunisie est classe 5me
au monde.14Au Maroc, lvaluation des dpenses fiscales est devenue priodique et les rapports sont publis. Pour
lanne 2009, le rapport est dj publi.
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contribuables et par zones, sur le nombre de vrifications accomplies, sur les critres de
slection des dossiers contrler et mme certaines notes explicatives des textes fiscaux.
Les SAI et les prises de position ne sont pas accessibles toutes les personnes qui les
demandent. Tout se passe comme si ces domaines taient scells par la confidentialit
15
.Or, il suffit de les mettre sur le site du ministre. Plus gnralement, la doctrine
administrative fiscale doit tre rationalise et rigoureusement contrle. La bonne
gouvernance laquelle on est attache repose sur une information fiable et facilement
accessible. La confidentialit est lennemi de lEtat de droit qui suppose la transparence16
.
28-Alors que dans la nouvelle philosophie de gestion des administrations fiscales
modernes, le contribuable est considr comme un client ou usager17
, en Tunisie, le
contribuable est toujours considr comme un assujetti. La relation administration -
contribuable est historiquement marque par la mfiance et les tensions ayant parfois
conduit des rvoltes18
. Ce type de rapport est de nature creuser le dsquilibre naturel
entre les deux parties : une administration fiscale dont les prrogatives sont de plus en plus
renforces sans que ce renforcement ne soit utile ( 1) et un contribuable dont les garanties,
mme juridictionnelles, sont encore limites ( 2).
-1 : Le renforcement inutile des prrogatives de ladministration fiscale
29- En dpit des amliorations apportes par le lgislateur pour rassurer lecontribuable, lentreprise en Tunisie continue percevoir ladministration fiscale comme
une source darbitraire et dinscurit juridique. Le fisc est encore peru comme un
gendarme redoutable et non comme une structure au service de lintrt gnral. Mme sil
y a de lexagration dans cette perception, elle est rvlatrice de lincapacit de
ladministration soigner son image auprs de lentreprise contribuable. Ladministration
fiscale ne semble pas lutter avec beaucoup de dtermination contre certaines pratiques de
certains vrificateurs et qui, mme si elles sont rares, crent une psychose nocive au
civisme fiscal. En outre, lorsquelles ne sont pas rprimes avec svrit, tout en assurant
la publicit cette rpression, ces pratiques risquent fort de se propager grande vitesse.
30-Avec ladoption en 2000 du Code des Droits et Procdures Fiscaux (CDPF), on
a lgitimement espr un certain rquilibrage des rapports entre ladministration et le
15 Le projet de la loi de finances nest pas diffus pour recueillir les avis des experts.16
La raison dEtat ne peut encore tre valablement invoque que lorsquil sagit de la scurit de lEtat ou
du droulement dune enqute.17 Bernard PLAGNET, Les facteurs de la comptitivit fiscal dun pays, Revue Etudes Juridiques, n 10,
2001, p. 27.18 La rvolte fiscale dAli BEN GHDHEHUM a t provoque par des pratiques fiscales hasardeuses
imputables au gouvernement beylical.
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contribuable et une consolidation au niveau des droits de ce dernier. Mais lobjectif
annonc na t que partiellement atteint. Certes, le CDPF a consacr des droits non
ngligeables notamment au niveau des garanties juridictionnelles dans la phase
contentieuse. Certes aussi, le CDPF a fait lobjet de quelques modifications qui ontamlior le statut du contribuable. Nous visons en particulier les dispositions concernant
lobligation faite pour ladministration de rpondre aux observations du contribuable la
notification des rsultats de la vrification (article 44bis introduit en 2006)19
.
31-Mais le code a reconnu des prrogatives exorbitantes au profit de
ladministration fiscale. Les rdacteurs du CDPF ont consolid les prrogatives de
ladministration fiscale au dtriment des garanties offertes au contribuable dont le statut
na volu que timidement. Lirrecevabilit de la comptabilit dpose au-del du dlai de
30 jours fix par larticle 38 du CDPF est une aberration car elle fait prvaloir la forme sur
la vrit que peut comporter la comptabilit. Elle peut conduire ladministration des
situations absurdes puisque le contribuable tax doffice peut apporter la preuve de
lexactitude de son revenu moyennant sa comptabilit car lirrecevabilit ne concerne que
la phase administrative du contrle. Le juge est dans lobligation den tenir compte. Cette
disposition de larticle 38, ajoute par la loi de finances du 31 dcembre 2004, constitue
une sorte de ruse procdurale qui ouvre la voie des abus incompatibles avec lEtat de
droit qui repose sur la justesse des dcisions de la puissance publique. LEtat na pas
besoin de cette prrogative absurde et qui peut tre remplace par une pnalit lencontre
du contribuable qui ne fournit pas sa comptabilit dans le dlai imparti. Il est souhaitable
que lautorit politique comptente purifie, au plus vite, notre lgislation de ce type de
dispositions. Le formalisme doit se soucier de protger le contribuable car il est la partie
faible dans son rapport avec le fisc. La loi se doit de faire valoir la vrit sur les
commodits administratives, furent-elles lgitimes.
32- Par ailleurs, outre la soumission des contribuables un rgime de contrle
fiscal pratiquement continu et labsence de critres transparents pour le choix des dossiers
vrifier, le contribuable vrifi est quasiment condamn subir une taxation doffice
moins quil accepte la demande du fisc. Cette mesure unilatrale qui aurait d tre
exceptionnelle, comme cest le cas en droit compar, constitue dans le CDPF, le procd
19 Larticle 57 de la loi de finances du 25 dcembre 2006.
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dimposition de droit commun. Le champ dapplication de la taxation doffice a t
paradoxalement gnralis20
.
33-Au niveau du contrle fiscal, la gnralisation de la taxation doffice, y compris
en cas de vrification prliminaire, est une mesure malencontreusequi affecte inutilement
limage de ladministration fiscale et nuit sa rputation. Le contribuable risque dtre tax
doffice non seulement par suite un contrle approfondi mais aussi par suite une
vrification prliminaire. De mme, et compte tenu de la formulation large des textes
relatifs aux cas de la taxation doffice21
, ladministration fiscale peut recourir la taxation
doffice chaque fois que la rponse du contribuable aux rsultats de la vrification ne la
satisfait pas. Il faut le savoir, la gnralisation de la mesure de taxation doffice, qui se
caractrise par son unilatralit trop pousse, nest pas de nature rassurer lentreprise car,
lentreprise taxe doffice se verra transfrer la charge de la preuve son dtriment.
34-Souvent, lentreprise ne peut viter la taxation doffice que si elle se conforme
la demande de ladministration fiscale. Ainsi, lentreprise se trouve parfois oblige
daccepter les rsultats de la vrification fiscale non pas par conviction, mais pour viter la
taxation doffice compte tenu du cot de gestion lev du contrle et du contentieux fiscal
et compte tenu du renversement de la charge de la preuve qui rsulte de la taxation
doffice. Les entreprises soumises au contrle fiscal suscitent la mfiance de la part des
institutions financires et des cranciers.
35-En confrant la prrogative redoutable de taxation doffice en tant que mesure
de redressement de droit commun, alors quelle constitue une mesure exceptionnelle en
France, la loi fiscale traite indiffremment le contribuable, ayant au moins accompli sa ou
ses dclarations, et le contribuable qui se situe en dehors du droit puisquil na mme pas
observ son obligation lmentaire de dclaration. Ce traitement juridique gal ouvre la
voie de mauvaises pratiques par certains vrificateurs22
.
36-Une fois larrt de taxation doffice a t pris lencontre du contribuable, ce
dernier doit, en principe, lexcuter mme sil entend le contester devant le juge23
. Or,
lexcution de larrt de TO peut, dans certains cas limites, aboutir des consquences
irrparables pour lentreprise. Lexcution dun arrt de TO ayant fix un montant trop
20Maysoun BOUZID-AJROUD, La taxation doffice en droit fiscal tunisien, Thse de doctorat, Facult de
droit dAix-en Provence et Facult de droit de Sfax, mars 2009.21 Article 47 du CDPF.22 Maysoun BOUZID-AJROUD, La taxation doffice en droit fiscal tunisien, Thse de doctorat, Facult de
droit dAix-en Provence et Facult de droit de Sfax, mars 2009.23 Selon larticle 52 du CDPF, Larrt de taxation doffice est excutoire nonobstant les actions en
opposition y affrentes.
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lev, peut mettre en pril la situation financire de lentreprise. Cette dernire risque
mme la faillite cause dune taxation doffice24
. Il faut dire que lexcution de larrt de
taxation doffice y compris en cas de recours intent par le contribuable a t une
innovation du CDPF qui fragilise le statut du contribuable. Le Prsident de la Rpublique,aprs avoir cout des chefs dentreprises le 26 juillet 2001, a pris linitiative pour
introduire des adoucissements concernant le secret bancaire et le montant consigner par
le contribuable tax doffice qui demande la suspension de larrt de taxation. Le code a
t rvis par deuxloisavant son entre en vigueur pour tenter de limiter le dsquilibre
entre le fisc et le contribuable. Lune des lois modifiant le code avant son entre en vigueur
est dnomme loi portant assouplissement des procdures fiscales25. Cette double
rvision, dicte par la sagesse politique, devrait interpeller les rdacteurs des textes fiscaux
sur le bien-fond de leur dmarche.
37- Par ailleurs, la restitution des sommes indment payes sapparente un
combat auquel lentreprise doit se livrer avec beaucoup de patience. L aussi, le droit fiscal
tunisien a beaucoup de marge pour rquilibrer les rapports entre ladministration et le
contribuable. Actuellement, le dsquilibre est flagrant et nuit limage du fisc. Les
demandes de restitution sont pratiquement conditionnes par une vrification approfondie
et mme lorsque ladministration se rend lvidence que la demande du contribuable est
fonde, la restitution nintervient pas immdiatement. Il nous a t donn de constater que,
dans certains cas, deux ans se sont couls depuis le verdict de ladministration et la
restitution na pas t encore accorde. Entre la demande de restitution et la restitution
effective les annes scoulent et le contribuable nose pas demander les intrts
moratoires par crainte de rtorsion ultrieure. La loi doit rendre le versement de ses
intrts automatique.
38-En outre, la compensation entre le crdit dimpt et la dette fiscale est interdite
au contribuable26alors que la compensation est institue au profit du fisc27. Le rgime de
24 Sami KRAIEM, La taxation doffice en droit tunisien, Revue Tunisienne de Fiscalit, publie par le
centre dEtudes Fiscales de la Facult de Droit de Sfax, n 7, p. 347 et s.25 La rvision, par la loi du 8 janvier 2002, des dispositions de larticle 52 du code a t vot le 27 dcembre
2001 par la chambre des dputs alors que lentre en vigueur du CDPF, promulgu en 2000, a t fixeau 1erjanvier 2002. Lautre modification du code avant son entre en vigueur fut par la loi de finances du
28 dcembre 2001.26
Larticle 39 du CCP dispose qu aucune compensation ne peut tre faite entre les crances et les
dettes publiques, sauf drogation par dcret.27 Selon larticle 33 du CDPF La restitution des sommes perues en trop seffectue aprs dduction des
crances fiscales constates dans les critures du receveur des finances la charge de la personne ayantdemand la restitution ou de son ayant cause, mme si ces crances sont encore partiellement ou
totalement litigieuses.
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restitution est tellement lourd quil a t ncessaire denvisager des rgimes drogatoires
au titre des avantages fiscaux et au titre de la TVA. Lamlioration du rgime par larrt
du ministre des finances du 7 juillet 200828
est timide et ne rpond pas aux exigences de
lexercice dun droit fondamental, celui de la restitution. De mme, et afin dviter que lecontribuable se trouve amen payer des pnalits de retard au titre des sommes notifies
dans le cadre dune vrification fiscale conscutive une demande de restitution, la loi de
finances pour la gestion 2009 a prvu que la pnalit constate suite lintervention des
services du contrle fiscal ne sapplique pas aux montants de limpt exigible suite une
vrification fiscale approfondie et ce, dans la limite du crdit dimpt confirm soit par les
services eux-mmes, soit par le juge29
. En effet, pour limiter le risque pour le Trsor, la loi
peut exiger le visa du commissaireauxcomptesdes demandes de restitution.
39-Les retards dans la restitution des impts et la non compensation au profit du
contribuable ont un cot politico-conomique difficilement quantifiable. Ce qui est certain,
la non rforme indique nencourage pas la transparence. Dans son discours du 11
octobre 2009, le Chef de lEtat a annonc lamlioration du rgime de la restitution de
limpt et lon peut esprer que cette mesure intervienne le plus rapidement possible et
quelle rapproche le systme tunisien de restitution de ceux applicables dans les pays
modernes et dmocratiques. Mme sil y a un cot financier cette rforme, cette dernire
vaut la peine dtre engage compte tenu de son impact politique immdiat.
- 2 : Linsuffisance des garanties juridictionnelles au profit du contribuable
40-La scurit juridique de lentreprise, lune des conditions favorisant le terrain
pour la transparence, est tributaire, entre autres, des garanties juridictionnelles qui sont
offertes lentreprise face ladministration fiscale. Dailleurs, la dcision dune
entreprise trangre de venir simplanter en Tunisie ne dpend pas uniquement des
incitations fiscales offertes, mais aussi et surtout de lexistence dun appareil juridictionnel
suffisamment quitable et protecteur des droits des contribuables. Or, les juridictions
fiscales noffrent pas encore, les garanties suffisantes et effectives au contribuable.
Certaines dcisions du tribunal administratif ont provoqu la colre de la doctrine la plus
autorise30
. Nous pensons en particulier au rejet des pourvois pour des raisons qui
28 Arrt du ministre des finances du 7 juillet 2008, portant modification de larrt du 8 janvier 2002
fixant les modalits de statuer sur les demandes de restitution des sommes perues en trop.29 Voir les dispositions de larticle 82 du CDPF telles quajoutes par larticle 23 de la loi n 2008-77 du 22
dcembre 2008, portant loi de finances pour lanne 2009.30 Habib AYADI, La discontinuit du contentieux de la cassation fiscale, in Mlanges BEN ACHOUR,
CPU, 2008, p. 628.
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sapparentent, dans certains cas, des prtextes. Lorsque le tribunal refusait le pourvoi
parce que lauteur du pourvoi avait introduit le recours contre le ministre des finances et
non contre la direction gnrale du contrle fiscal, redevenue en 2007 direction gnrale
des impts, la haute juridiction ne se faisait aucun souci de la justice et de lquit dautantplus que la loi ne prvoit pas cette rgle procdurale. Et mme si la loi prvoyait cette
rgle, elle ne lui rattachait pas une telle sanction.
41-Certes, un effort a t entrepris par les rdacteurs du CDPF afin dassurer la
sparation entre ladministration et la fonction contentieuse. Avec ce code, lessentiel du
contentieux fiscal a t juridictionnalis. Mais, au-del de cette juridictionnalisation, le
contentieux fiscal en Tunisie souffre toujours de certaines imperfections qui risquent de
compromettre la scurit juridique de lentreprise et sa confiance en lappareil
juridictionnel.
42- Outre lparpillement des textes rgissant la comptence et la procdure
juridictionnelle, le lgislateur na pas opt pour linstitution dun juge fiscal spcial. Le
contentieux fiscal est extrmement dispers entre les diffrents juges l o ils se trouvent :
juges de lordre juridictionnel judiciaire et juges de lordre juridictionnel administratif31
.
43- Le lgislateur a certes instaur travers le CDPF, la voie dappel dans le
contentieux fiscal, qui constitue une garantie essentielle au profit du justiciable. Mais, laconscration de la rgle du double degr de juridiction est limite certains litiges fiscaux.
Dabord, elle est limite par la lourdeur de la justice. Ensuite, la rgle du double degr de
juridiction na pas t gnralise tout le contentieux fiscal. Le contentieux des droits de
douane et le contentieux des impts locaux, restant en dehors du champ du CDPF, tout
comme le contentieux de recouvrement, ne sont pas couverts par la rgle du double degr
de juridiction.
44-Par ailleurs, mme si le lgislateur a consacr la possibilit pour le contribuable
de se concilier avec ladministration devant le juge, la phase juridictionnelle de
conciliationsemble tre peu raliste ou mme une dmarche risque pour le contribuable
pour deux raisons :
Dune part, le reprsentant de ladministration nest pas habilit engager
ladministration lors de la phase de conciliation.
Dautre part, lors de la phase de conciliation, les propositions faites par le
contribuable peuvent tre utilises son encontre. Le juge a mme considr que la
31 Sami KRAIEM, Le juge comptent en matire fiscale en Tunisie, LHarmattan, Paris 2007, p. 57.
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conciliation constitue un aveu, de la part du contribuable, du bien-fond de la taxation
doffice32
. Ainsi, si lentreprise tente la voie de la conciliation avec ladministration, cette
tentative risque de lui coter la perte du procs devant le juge.
45-Par ailleurs, mme si lentreprise a remport le recours devant le juge, elle ne
serait pas labri de toute intervention de ladministration fiscale. En effet, en se fondant
sur les dispositions de larticle 46 du CDPF, ladministration fiscale peut procder une
nouvelle taxation doffice, mme par suite lintervention du juge33
. Permettant de taxer
doffice de nouveau le contribuable dj tax doffice sous certaines conditions alors mme
que la Cour dappel se trouve saisie, larticle 46 du CDPF confre ladministration fiscale
une prrogative vritablement exorbitante dont la mise en uvre risque de supplanter la
dcision juridictionnelle par un nouvel arrt de taxation doffice34
. Cette prrogative
injustifie est inutilement fcheuse pour limage de ladministration fiscale car, il suffit
pour le fisc de formuler une demande de rehaussement du montant de limpt et il
appartiendra au juge de statuer sur le bien-fond de la demande.
46- Au total, le rgime du contrle et du contentieux fiscal nencourage pas
lentreprise adopter la transparence. Au contraire, ce rgime peut pousser lentreprise
senfoncer dans la fraude pour faire face, le jour J, aux alas du contrle fiscal. En tout
cas, cest ce quaffirment beaucoup doprateurs conomiques, lorsquils sont interrogs
sur leur perception de la transparence. Les pouvoirs publics tunisiens ne doivent pas
ignorer que le risque fiscal est, parfois, trs difficile matriser par lentreprise. Le
professionnel de la fiscalit est parfois dans lincapacit de donner une solution rassurante.
Et puis, comment comprendre le refus dintroduire le rescrit fiscal dans la lgislation
fiscale? Pourtant, cette technique est conue dans tous les pays modernes au nom de la
scurit juridique qui, rappelons-le, est au moins aussi importante que la scurit publique
laquelle nous sommes attachs et dont les pouvoirs publics tunisiens sont fiers, trs
juste titre dailleurs.
47- Les dcideurs politiques ne doivent pas lignorer, lorsquun contribuable est
condamn verser des sommes pour non observation dune simple formalit (un visa
32 Nji BACCOUCHE, Droit fiscal gnral, op.cit., p. 371.33 Selon larticle 46 du CDPF Ladministration fiscale peut procder une rduction ou un
rehaussement des rsultats de la vrification fiscale, et ce, pour rparer les erreurs matrielles relatives
limposition ou lorsquelle dispose de renseignements touchant lassiette ou la liquidation de
limpt et dont elle na pas eu connaissance prcdemment Le rehaussement des rsultats de la
vrification fiscale seffectue, aprs le prononc du jugement de premire instance, par arrt detaxation doffice .
34 Nji BACCOUCHE, Droit fiscal gnral, op. cit. p. 353.
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pralable ou une omission sur une dclaration demployeur ou encore une demande
adresse un service plutt qu un autre), il prouvera un sentiment de frustration ou
dinjustice qui ne sert pas lEtat et ses gouvernants. Ces faits laisseront des traces. Le pire
pour un systme fiscal est que le contribuable vive limpt comme une sanction. Cesentiment ouvre la voie des pratiques odieuses. Le fisc et le juge fiscal se doivent de faire
valoir la vritsur les formalits non substantielles. Lui aussi, le lgislateur doit veiller
ce que les impositions soient justes. Mme si elle est dtestable, une fraude qui chappe
la vigilance des vrificateurs est politiquement moins grave quun abus commis par ces
derniers. Le civisme fiscal passe par la lutte impitoyable contre les abus des agents du fisc
travers un verrouillage de leurs prrogatives et un contrle administratif et juridictionnel
dont les rsultats sont ports la connaissance du public. En mme temps, la fraude
dment tablie doit tre rprime avec la svrit ncessaire pour asseoir lautorit de
lEtat. Limpunit des uns et des autres favorise la fraude et affaiblit lEtat. La fermet
et la justesse de laction administrative sont le garant de la prennit lEtat.
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CHAPITRE II
LEXIGENCE DE COMPETITIVITE
48-La question fiscale est au centre du dbat sur la prennit de lentreprise et de
sa comptitivit. Depuis sa formation jusqu sa disparition, lentreprise baigne dans un
environnement fiscal complexe et gre une panoplie de prlvements fiscaux frappant son
bnfice, son chiffre daffaires et parfois mme son capital :
- Limpt sur le revenu,
- Limpt sur les socits,
- La TVA,
- Le droit de consommation,
-
La TCL,- La taxe htelire,
- Les droits denregistrement,
- Les droits de timbre,
- La TFP,
- La contribution au FOPROLOS,
- La taxe unique sur les assurances,
- Les droits de licence sur les dbits de boissons,
- La taxe sur les spectacles,
- La contribution au Fonds de dveloppement de la comptitivit dans le secteur
industriel,
- La contribution au fonds de dveloppement de la comptitivit dans le secteur de
lagriculture et de la pche,
- La contribution au fonds de dveloppement de la comptitivit dans le secteur du
tourisme,
-
Les taxes de circulation,
- Les droits de douane et assimils.
- Les cotisations sociales multiples (CNSS, CNAM, accidents de travail,).
Tels sont les principaux prlvements fiscaux et quasi fiscaux que lentreprise qui
opre en Tunisie peut tre amene, selon son statut, supporter. Il faut prciser que cette
longue liste nest pas le propre du systme tunisien qui na rien invent. Un peu partout, et
pour des raisons complexes, on assiste un foisonnement des prlvements, li la
sollicitation de plus en plus grande de la puissance publique pour fournir des prestations.
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49-En Tunisie comme ailleurs, la multiplicit des prlvements fiscaux soulve la
question de leur impact sur la comptitivit de lentreprise tunisienne qui volue dans un
milieu conomique dsormais hautement concurrentiel en raison de labandon de la
protection douanire conscutive ladhsion de la Tunisie aux accords multilatraux delOMC et la Zone de libre-change rsultant de laccord dassociation avec lUnion
europenne et autres accords de ZLE35
. La mondialisation et la libralisation des changes
internationaux imposent des comparaisons entre lenvironnement fiscal de lentreprise
oprant en Tunisie et celui des entreprises oprant ltranger afin de mesurer le degr de
comptitivit de lentreprise tunisienne.
50-Ces diffrentes considrations ont conduit la plupart des Etats sengager dans
une bataille fiscale pour attirer les investissements et qui sest traduite par un
mouvement continu dassainissement de la fiscalit des entreprises afin dassurer leur
comptitivit fiscale et damnager un climat de bonne gouvernance fiscale des entreprises,
condition essentielle de leur prennit. Les pouvoirs publics tunisiens ont tent depuis
ladoption du programme dajustement structurel, en 1986, de rformer la fiscalit de
lentreprise tunisienne travers :
- La rationalisation de la taxation du chiffre daffaires des entreprises suite
ladoption en 1988 du CTVA ;
- La rationalisation de limposition des bnfices des entreprises suite ladoption
en 1989 du CIR ;
- La rationalisation de limposition des mouvements des capitaux physiques des
entreprises suite ladoption en 1993 du CDET ;
- La rationalisation des rgimes fiscaux incitatifs accords aux entreprises suite
ladoption en 1993 du CII ;
- La refonte de la lgislation douanire travers ladoption du code des douanes du
8 juin 2008.
51- Outre ces rformes globales de la fiscalit des entreprises, les pouvoirs publics
ont t amens prendre des mesures pour consolider la bonne gouvernance fiscale des
entreprises soit dans le cadre des rcentes lois de finances, soit dans le cadre des lois
fiscales spciales modificatives des codes fiscaux en vigueur. Tel est le cas de :
35
La Tunisie a conclu des accords de zone de libre-change avec des pays de la zone arabe. LaccorddAgadir et laccord conclu dans le cadre de la ligue arabe en sont des illustrations mme si leur porte
pratique est trs limite.
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- La loi du 18 dcembre 2006 relative la rduction des taux de limpt et
lallgement de la pression fiscale pour les entreprises ;
- La loi de finances pour lanne 2007 (loi du 25 dcembre 2006) qui a apport
dimportantes mesures relatives au traitement fiscal de la transmission des entreprises ;- La loi du 27 dcembre 2007 relative linitiative conomique qui contient des
mesures lies la fiscalit des entreprises.
52- Malgr toutes ces rformes tantt globales, tantt ponctuelles, lexamen des
textes fiscaux en vigueur et du contexte de leur mise en uvre permet de constater que
lentreprise tunisienne qui pratique une gestion fiscale transparente baigne dans un
environnement fiscal qui met mal sa comptitivit. La lourdeur de la charge fiscale de
lentreprise pratiquant un gestion fiscale transparente (Section I) se ddouble par
lexistence de certaines ponctions fiscales touffantes de la trsorerie de lentreprise
(Section II).
SECTION I : LA LOURDEUR DE LA CHARGE FISCALE DE LENTREPRISE
PRATIQUANT UNE GESTION FISCALE TRANSPARENTE
53-La lourdeur de la charge fiscale de lentreprise pratiquant une gestion fiscale
transparente est due plusieurs facteurs qui brisent sa comptitivit :
- Le taux effectif de la pression fiscale est assez lev lgard des entreprises
pratiquant une gestion fiscale transparente ;
- Lexistence de certaines distorsions fiscales entre les entreprises tunisiennes ;
- Le caractre comparativement gonfl du rsultat imposable des entreprises du fait
des rgles dassiette qui sont manifestement restrictives par rapport aux rgles comptables;
- Lvolution contraste des taux des impts dus par les entreprises.
1 : Un taux effectif de pression fiscale lev
54-Dans le dernier rapport de la Banque Centrale, le taux de la pression fiscale est
estim 22,5%36
alors que le ministre des finances maintient, depuis plusieurs annes,
que le taux serait plutt de lordre de 21%. Mais au del de cette divergence non
ngligeable, il convient dajouter cette pression fiscale proprement dite, les charges
sociales pour obtenir la pression des prlvements obligatoires. Situ 30 %environ du
PIB37
, le taux nominal de la pression des prlvements obligatoires semble tre rassurant
36 Le 50me Rapport de la BCT sur lanne 2008, p183.37
Selon le Rapport de la Banque Centrale de lanne 2007, le taux de la pression fiscale slve 21,3 %du PIB, auquel il convient dajouter 1 % environ reprsentant le poids de la fiscalit locale et 7 %
environ au titre des prlvement sociaux.
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dans la mesure o il se situe au mme niveau que celui des Etats-Unis (28 %) et du Japon
(27 %)38
alors que le taux de la pression fiscale dans les pays de lUnion Europenne se
rapprocherait de lordre de 40% en 200439
.
55- Cependant, sil est vrai que le taux nominal global des prlvements
obligatoires est, en Tunisie, comparativement raisonnable, il nen reste pas moins vrai que
ce taux nest plus comptitif (Infra n90 et s.). De mme, le taux des prlvements ne pse
pas de manire gale sur toutes les entreprises. Certaines entreprises supportent un taux de
pression fiscale trs rduit. Il sagit essentiellement des entreprises soumises au rgime
forfaitaire dimposition qui contribuent trs faiblement leffort fiscal du pays et qui ne
supportent pratiquement pas de charges sociales. Il en est ainsi galement de certaines
entreprises ligibles aux divers avantages fiscaux prvus par une lgislation foisonnante et
qui, dans certains cas, bnficient dune franchise fiscale quasi totale.
Le caractre discriminatoire de la fiscalit des entreprises entrane une variation du
taux rel de la pression fiscalequi est assez lourd pour les entreprises qui supportent une
charge fiscale et sociale conformment au droit commun et trs rduit pour les entreprises
qui ne la supportent pas savoir celles ligibles au rgime forfaitaire dimposition et celles
ligibles aux avantages fiscaux.
1- Les entreprises ligibles au rgime forfaitaire dimposition : une
vritable prime la fraude
56-La distorsion du poids rel des prlvements obligatoires entre les entreprises
apparat notoirement surtout lorsque lentreprise est soumise lun des rgimes
forfaitaires dimposition applicables aux entreprises individuelles ralisant des BIC (forfait
lgal et forfait optionnel).
Le rgime forfaitaire dimposition sapplique aux petites entreprises individuelles
industrielles et commerciales qui remplissent un certain nombre de conditions et
notamment la condition relative au chiffre daffaires annuel qui ne doit pas dpasser
30.000 dinars. Si lon sen tient ce chiffre daffaires, le contribuable qui le ralise et
mme avec une marge bnficiaire de 10%, ne pourrait mme pas subvenir aux besoins
vitaux les plus lmentaires. En ralit, le tableau fixant le chiffre daffaires entretient une
illusion et constitue une contre-performance de notre systme fiscal.
38 Voir Bernard PLAGNET les facteurs de la comptitivit fiscale dun pays , Revue Etudes Juridiques
publie par la Facult de Droit de Sfax, n 10, 2003, p. 19.39 Syndicat national unifi des impts, Quelle Europe fiscale ?, Fiscalit et justice sociale, Prface de John
CHRISTENSEN, d. Syllepse, 2008, p. 44.
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57-Un exemple concret peut illustrer lencouragement de la loi au rgime de
forfait depuis une rvision du CIR en 199840
. Le contribuable qui dclare un chiffre
daffaires de 30.000DT, lui suffit de payer 1500DT (au lieu de 1330DT soit 700+630 AP)
au titre du forfait optionnel pour chapper la taxation doffice si son chiffre daffairesrel nest pas suprieur 100.000DT. Il chappe aussi la TVA puisque la loi a
malencontreusement libr les forfaitaires de la TVA depuis 199341. Or, le contribuable
qui ralise 100.000DT devrait, sans lavantage que lui procure le forfait, se soumettre au
rgime rel et payer la TVA. En outre, et cest ce qui nous parat inadmissible, la loi admet
que le contribuable puisse minorer son chiffre daffaires et auquel cas, il sera gratifi
puisque le montant de limpt ne peut pas tre redress. Le contribuable qui ralise un
chiffre daffaires gal 50.000DT et qui se soumet au rgime rel simplifi aura
supporter la TVA et il peut, tout naturellement, subir un redressement sil savre quil
avait minor son chiffre daffaires.
58-Lapplication du rgime forfaitaire dimposition constitue, selon lexpression du
professeur H. AYADI, une sorte de dgrvement occulte42
. En ralit, la loi fiscale
institutionnalise, involontairement, la fraude fiscale. La contribution moyenne par
forfaitaire serait infrieure 50DTalors que celle dun salari serait de lordre de 700DT43
environ. Ce rgime permet aux petits exploitants de bnficier des avantages suivants :
* une dispense de la tenue dune comptabilit 44;
* la non soumission la TVA45
;
* une faible contribution leffort fiscal, au titre de lIR, qui ne dpasse pas 1330
DT annuellement au cas o le forfaitaire ralise le plafond du chiffre daffaires limite qui
est de 30.000 DT46
. Mme lorsque le chiffre daffaires annuel dpasse les 30.000 DT,
lexploitant pourrait bnficier dun forfait dit optionnel en payant annuellement un
impt forfaitaire fix 1500 DT tant que son chiffre daffaires annuel ne dpasse pas
100.000 DT
47
.
40 Larticle 61 de la loi de finances du 28 dcembre 1998.
41 Larticle 105 de la loi de finances pour la gestion 1993.42 Habib AYADI droit fiscal, impt sur le revenu des personnes physiques et impt sur les socits ,
CERP, Tunis, 1996, p. 30.43 Fayal DERBEL a fait une excellente tude intitule : Regards sur la pression fiscale : tat des lieu et
benchmarking dans laquelle il a tent, avec les chiffres dont il pu disposer, de procder des
quantifications et comparaisons trs utiles. Selon ses calcules, la contribution moyenne du salari est de
664.DTalors que celle du forfaitaire serait de 45.DT.44 Cette dispense est accorde expressment par larticle 62 III 1) du CIR.45
Voir larticle 44 IV du CIR.46 Voir lannexe 2 du CIR relatif aux tarifs de limpt forfaitaire.47
Voir larticle 44 IV du CIR.
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Les avantages ci-dessus prsents et qui sont lis lexercice de lactivit
industrielle et commerciale sous le rgime de limpt forfaitaire constituent un vritable
danger pour lconomie organise. Les faux forfaitaires, cest dire ceux qui procdent
une minoration frauduleuse de leur chiffre daffaires pour bnficier du forfait, sont trsprobablement plus nombreux que les vrais forfaitaires.
59-Lattrait du rgime forfaitaire qui constitue une vritable prime la fraude a
entran une augmentation spectaculaire des assujettis ce rgime dont le nombre ne cesse
de crotre en dpit de la succession des mesures lgislatives restrictives. Laccroissement
dmesur du nombre des entreprises forfaitaires par rapport aux entreprises soumises au
rgime du bnfice rel constitue une source de concurrence dloyale au dtriment des
entreprises organises et pratiquant une gestion transparente qui supportent une charge
fiscale et sociale plus leve que celle que laisse penser le taux nominal de la pression
fiscale. Le forfait est une vritable nichedans laquelle se rfugient confortablement des
dizaines de milliers de fraudeurs sous couvert dun chiffre daffaires irrel.
2- Les entreprises qui bnficient des avantages fiscaux
60- Certaines entreprises bnficient dune quasi-franchise fiscale grce une
panoplie davantages fiscaux prvus essentiellement par le CII. Loctroi de ces avantages
fiscaux qui constituent une aubaine fiscale pour lentreprise, tend inciter lesinvestissements dans un certain nombre de secteurs vitaux et privilgis tels que le secteur
de lagriculture, de lexportation, du logement universitaire, du dveloppement rgional,
etc.
61-Abstraction faite du bien-fond de ces avantages fiscaux, il est ncessaire de
prciser que ces avantages sont nuisibles la fois pour le trsor public et pour les
entreprises qui ne bnficient pas de ces avantages. Du ct du trsor, les incitations
fiscales linvestissement qui se traduisent essentiellement par des exonrations et
abattements, sont coteuses. Le cot des avantages fiscaux ne cesse daugmenter. Il est
estim en 2006 654.744 millions de dinars48
, soit 9% des recettes fiscales ralises et 2%
du PIB. Par ailleurs, et du ct de lentreprise, loctroi des avantages fiscaux au profit dun
nombre considrable dentreprises se traduit par une augmentation de la pression fiscale
pesant sur le reste des entreprises qui nen bnficient pas. Ces dernires supportent un
48 Ce chiffre a t indiqu dans un tableau relatif laide tatique linvestissement. Ce tableau est insr
dans document labor par le ministre des finances et mis la disposition du Conseil National desImpts, relatif lvaluation de la politique fiscale suivie au cours de la priode du 9meplan et selon les
orientations du 10me
plan.
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taux rel suprieur celui que laisse penser le taux nominal de 30 % environ49
. Une
meilleure rpartition de la pression fiscale entre les entreprises commande une
rationalisation des avantages fiscaux qui constitue une orientation plus rationnelle et qui
pargne le systme fiscal tunisien les reproches ventuels que le contexte de crise pourraitractiver
50.
- 2 : Les distorsions fiscales entre les entreprises
62- La bonne gouvernance des entreprises suppose comme pralable lexistence
dun rgime fiscal quitable et juste en ce sens que lentreprise doit pouvoir bnficier dun
traitement fiscal identique et uniforme des entreprises exerant dans le mme secteur
dactivit. Il est vrai que le lgislateur a t conduit, en raison de la divergence quant la
taille des entreprises oprant dans le mme secteur dactivit mettre en place untraitement fiscal prfrentiel des entreprises de petite taille par rapport aux entreprises de
taille assez importante. Tel est le cas des entreprises exerant une activit industrielle ou
commerciale et qui sont soumises quatre rgimes diffrents en fonction de leur taille :
- Le rgime rel normal applicable aux entreprises socitaires et aux entreprises
individuelles relevant de la catgorie des BIC (gnralement lorsque ces entreprises
individuelles ralisent un chiffre daffaires annuel suprieur 100.000 D) ;
- Le rgime rel simplifi applicable aux entreprises individuelles relevant de la
catgorie des BIC, lorsque le chiffre daffaires annuel ne dpasse pas 100.000 D ;
- Le rgime du forfait lgal applicable aux entreprises individuelles relevant de la
catgorie des BIC, lorsque le chiffre daffaires annuel ne dpasse pas 30.000 D ;
- Le rgime du forfait optionnel applicable aux entreprises individuelles relevant de
la catgorie des BIC, lorsque le chiffre daffaires annuel ne dpasse pas 100.000 D.
63-Bien quelles puissent tre justifies par la taille des entreprises relevant de la
catgorie des BIC, ces distorsions sont discutables, voire contestables pour deux raisons.
La premire rside dans lingalit du traitement fiscal entre les entreprises qui se
situent aux frontires des seuils dapplication de lun des quatre rgimes. Pour un dinar de
chiffre daffaires de plus, lentreprise bascule dun rgime un autre avec toutes les
consquences fiscales qui en dcoulent.
La seconde raison rside dans le fait que lentreprise forfaitaire qui ralise au cours
dun exercice un chiffre daffaires suprieur au seuil dapplication du rgime forfaitaire
49 Fayal DERBEL, Fiscalit, finances et performances de lentreprise, in Les journes de lentreprise,
IACE, 2001, p. 170.50 Le dbat actuel sur les paradis fiscaux en Europe en est lillustration. Voir le journal Le Monde
du 14 mars 2009 avec un titre la une Les paradis fiscaux sont contraints la rforme .
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sera tente sous dclarer son chiffre daffaires rel afin de ne pas perdre le bnfice du
rgime forfaitaire et des avantages comptables et fiscaux attachs ce rgime. Nous
lavons dj signal, le nombre des faux forfaitaires dpasse probablement celui des
contribuables qui mritent rellement de bnficier de ce rgime. Lattrait du rgimeforfaitaire empche les entreprises de franchir le pas vers lapplication du rgime rel
synonyme de transparence et de bonne gouvernance. La comparaison des deux rgimes
ne laisse pas de choix compte tenu de lavantage immdiatement perceptible que
confre le rgime forfaitaire mme si, dans le moyen et le long terme, le forfait
encourage la gestion artisanale et empche la modernisation de lentreprise. Ce qui est
incomprhensible, cest que le rgime forfaitaire constitue un rgime de droit commun
pour les petits exploitants. Il nest mme pas optionnel. Le comble est que, pour les BIC ,
le rgime rel est optionnel.
64- Outre ces distorsions qui pnalisent les entreprises loges au rgime rel et
pratiquant une gestion fiscale transparente, le systme fiscal tunisien dimposition des
entreprises comporte des distorsions plus graves et qui sont, pour le moins que lon puisse
dire, contestables.
65-La premire distorsion contestable concerne les entreprises relevant de la
catgorie des BNC. En effet, pour limposition des bnfices des professionnels libraux,
larticle 22 du CIR a prvu deux rgimes alternatifs de dtermination du rsultat fiscal
imposable : un rgime rel cens tre le rgime de droit commun qui suppose la tenue
dune comptabilit et un rgime de forfait dassiette cens tre un rgime dexception qui
dispense lentreprise librale de la tenue dune comptabilit complte. Cependant, il est
curieux de constater que lapplication du rgime du forfait dassiette nest subordonne
aucune condition lie la taille de lentreprise librale. Quelle soit de grande ou de petite
taille, lentreprise librale peut tre ligible au rgime du forfait dassiette. La seule
condition est que lentreprise librale nait pas opt pour le rgime rel au titre dun
exercice dtermin car cette option est dfinitive et lentreprise perdra dfinitivement la
possibilit dopter pour le forfait dassiette51
. Labsence de conditions lies la taille de
lentreprise librale pour tre ligible au rgime forfaitaire dassiette a consolid
lattrait de ce rgime combien nuisible la transparence de lentreprise librale puisquelle
est dispense de la tenue dune comptabilit. Si les professions librales, y compris celle
de lexpert-comptable, peuvent se dispenser de la tenue de comptabilit en toute
lgalit, peut-on exiger lgitimement dun commerant la tenue de comptabilit ?
51 Voir larticle 22 III du CIR.
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66-La deuximedistorsion contestable est similaire la premire. Elle concerne les
entreprises relevant de la catgorie des bnfices agricoles et de pche (BAP) pour
lesquelles larticle 24 du CIR prvu trois rgimes alternatifs de dtermination du rsultat
fiscal imposable : Deux rgimes dispensant lentreprise de tenir une comptabilit savoirle rgime du forfait dassiette et le rgime de lexcdant des recettes sur les dpenses et un
rgime rel qui oblige lentreprise de tenir une comptabilit complte et qui est cens tre
le rgime de droit commun. Cependant, il est curieux de constater que ladhsion lun des
deux rgimes sans comptabilit nest subordonne aucune condition. Une grande
entreprise agricole peut trangement tre forfaitaire !
67-Dans ces conditions, la lgislation fiscale nencourage pas la transparence et la
bonne gouvernance des entreprises agricoles, puisque lapplication du rgime
rel, normalement synonyme de transparence, nest aucunement une obligation. Pouvant
tre ligibles aux rgimes sans comptabilit , les grandes entreprises agricoles peuvent
alors pratiquer une concurrence dloyale lgard des entreprises agricoles adhrant au
rgime rel et qui ont probablement une taille moins importante que lentreprise forfaitaire.
Pour les socits, cette situation est difficilement explicable lorsquon sait que le taux de
limpt sur les socits agricoles est fix 10%.
La suppression ou la subordination de lapplication des rgimes sans
comptabilit des conditions objectives strictes est une mesure urgente afin damliorer
la gouvernance des entreprises agricoles et leur comptitivit. Lincontournable
modernisation de ce secteur lexige.
68-La troisimedistorsion discutable rside dans la diffrenciation du traitement
fiscal des entreprises en fonction de leur forme juridique. Que lentreprise individuelle soit
traite fiscalement de manire diffrente de lentreprise socitaire, cela peut tre justifi
par la progressivit de limpt. Mais quand le lgislateur traite de manire diffrentielle des
socits, qui, pourtant, ont le mme objet, les distorsions fiscales deviennent discutables,
voire contestables.
69-En matire dimposition des bnfices des socits, le lgislateur distingue
partir de 1989, date de la promulgation du CIR, entre deux rgimes dimposition. Le
premier rgime, dit rgime de lopacit fiscale , concerne les socits de capitaux (SA et
SCA) et les SARL. Ces socits sont soumises lIS pour limposition de leur bnfice au
taux proportionnel de 30 % (taux de droit commun). Le second rgime, dit rgime de la
transparence fiscale , concerne les socits de personnes (SNC, SCS et SEP), les socits
civiles, les GIE et les FCC. Ces socits de personnes et assimiles ne sont soumises, en
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tant quentits, ni lIR ni lIS. Mais leur bnfice est impos entre les mains de chacun
des associs en fonction de sa part dans le capital social, et ce selon le barme progressif de
lIR, variant entre 0 % et 35 %.
70-Lorsque la socit opaque et la socit transparente relvent du mme secteur
dactivit, des distorsions fiscales peuvent natre concernant le montant de limpt payer
sur les bnfices raliss par les deux socits. Un exemple permettra dillustrer cette
distorsion.
1) Soit une socit responsabilit limite exerant un commerce de gros dans
lalimentation gnrale et qui a ralis un rsultat net de 200.000D.
Limpt sur le bnfice, savoir lIS, sera gal 60.000 D, soit 200.000 x 30 % =
60.000 D.
2) Soit une socit en nom collectif exerant un commerce de gros dans
lalimentation gnrale et qui a ralis un rsultat net de 200.000 D. Cette socit est
constitue par cinq associs dont chacun dtient 20 % du capital social.
Limpt sur le bnfice ralis par la socit sera liquid entre les mains de chacun
des associs. Chaque associ sera impos raison de 40.000 D, soit 200.000 D X 20 % =
40.000 D. Limpt sur le revenu d par chacun des associs sur sa quote-part dans les
bnfices sociaux est gal :
Tranche du revenu Taux de lIR Montant de limpt
De 0 D 1500 D 0 % 0 D
De 1500 D 5000 D 15 % 525 D
De 5000 D 10000 D 20 % 1000 D
De 10000 D 20000 D 25 % 2500 D
De 20000 D 40000 D 30 % 6000 D
Total 10025 D
Le total de limpt sur les bnfices sociaux sera gal : 10.025 D X 5 = 50.125 D.
Ainsi, la socit fiscalement dite transparente exerant dans le mme secteur
dactivit quune socit opaque ralisera un gain dimpt de 9.875 D, soit : 60.000 D
50.125 D = 9.875 D.
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71-Par cette distorsion, la lgislation fiscale nest nullement neutre quant au choix
de la forme de lentreprise sociale par les contribuables. Le choix de la forme dune entit
fiscalement transparente permettra aux associs de raliser des conomies dimpt
comparativement au choix de la forme dune entit soumise lIS qui sera plus lourdementimpose. Dailleurs, cette distorsion a t conomiquement dommageable puisque, de
laveu mme des pouvoirs publics, elle a entran une transformation massive des socits
opaques en socits transparentes afin de raliser des conomies dimpt52
. Cette distorsion
est injustifiable et risque dencourager les contribuables souhaitant crer une socit,
constituer une socit en nom collectif fiscalement transparente au lieu dune socit
anonyme fiscalement opaque alors mme que cette dernire constitue la structure sociale la
plus solide et le foyer des grands investissements capables de rsister dans une conomie
mondialise et hautement concurrentielle. Si le lgislateur avait pris la peine de privilgier
les entits passibles de lIS (notamment les SA), son initiative aurait t justifiable car ce
type de structures modernise lconomie et facilite le recours au march financier.
- 3 : Le caractre comparativement gonfl du rsultat fiscal des entreprises
72--La lourdeur de la charge fiscale de lentreprise pratiquant une gestion fiscale
transparente sexplique par le caractre gonfl du rsultat fiscal soumis lIR (cas de
lentreprise individuelle) ou lIS (cas de lentreprise socitaire). La rforme fiscale
introduite en 1989 sest focalise sur les taux des impts sur les bnfices et en 2006, une
loi spciale a port sur la rduction des taux. Mais le texte initial du CIR a nglig
lassiette dont les rgles sont restes en retrait par rapport celles adoptes dans les pays
partenaires de la Tunisie et en particulier ceux de lUnion Europenne53
. Plus rcemment,
les pouvoirs publics ont pris conscience de la ncessit dassainir les rgles rgissant le
rsultat fiscal des entreprises et ce travers :
- La rforme des rgles relatives la transmission des entreprises en accordant ces
oprations un caractre intercalaire54;
- La rforme des rgles relatives lamortissement des biens immobiliss des
entreprises en procdant dune part lharmonisation entre les rgles fiscales et les rgles
comptables relatives lamortissement et dautre part ladmission de la dduction de
lamortissement des biens acquis en leasing entre les mains de lentreprise utilisatrice55
.
52 Voir lexpos des motifs des articles 55 et 56 de la loi de finances pour lanne 2000.53
Nji BACCOUCHE, op. cit., p.102.54 Voir les dispositions des articles 12 20 de la loi de finances pour lanne 2007.55
Voir larticle 12 bis du CIR tel quajout par larticle 41 de la loi de finances pour lanne 2008.
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73- Cependant, malgr ces retouches utiles, les rgles rgissant lassiette de limpt
sur les bnfices demeurent encore en retrait par rapport celles rgissant les entreprises
de nos partenaires europens et affectent considrablement la comptitivit des entreprises
tunisiennes. Ce retrait concerne essentiellement les rgles relatives certaines chargesdductibles, certains produits imposables et au rgime des groupes de socits.
1- Les rgles relatives aux charges dductibles
74- Partant du fait que le rsultat fiscal des entreprises est calcule partir du
rsultat comptable, un expert comptable a constat que les dispositions du CIR
comportent le nombre le plus lev des rintgrations56
, comparativement la
lgislation fiscale franaise et marocaine. Le lgislateur tunisien a, pour des raisons
financires, subordonn la dduction fiscale de certaines charges des conditionsrigoureuses qui se traduisent par la rintgration au rsultat imposable, des charges qui ne
remplissent pas des conditions exclusives. Trois exemples au moins peuvent tre cits.
75- Le premier exemple concerne le rgime des provisions dductibles. La
dduction des provisions comptables constitues est doublement limite.
La premire limite concerne la nature de la provision dductible puisque le
lgislateur nadmet la dduction que pour quatre types de provisions. Il sagit des
provisions pour crances douteuses, des provisions pour dprciation des stocks destins la vente, des provisions pour dprciation de la valeur des actions cotes en bourse et des
provisions pour dprciation de la valeur des actions et parts sociales (la dduction de la
quatrime provision nest permise quaux tablissements de crdit et aux SICAR). En droit
compar, le nombre des provisions dductibles est nettement suprieur celui adopt par le
lgislateur tunisien. En droit franais par exemple, le nombre des provisions dductibles est
de lordre dune quinzaine57
. Le droit allemand, quant lui, autorise les entreprises
dduire 11 provisions58
.
56 Fayal DERBEL, Fiscalit, finances et performances de lentreprise, in Les journes de lentreprise,
IACE, 2001, p. 170.57
En droit franais, les provisions dductibles sont les suivantes :
I-
Provisions pour dprciation :
1-
Provisions pour dprciation des immobilisations.
2- Provisions pour dprciation du portefeuille titre.3-
Provisions pour dprciation des stocks.
4-
Provisions pour crances douteuses.
II- Provisions pour risques et charges :
1-
Provisions pour frais de personnel.
2-
Provisions pour impts.
3-
Provisions pour litiges.4-
Provisions pour prestations fournir.
5- Provisions pour travaux.
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La deuxime limite consiste dans le plafonnement du montant de la dduction des
provisions 50 % du bnfice imposable (avant imputation des provisions)59
. Le
rattachement de la dduction des provisions la condition de lexistence dun bnfice est
en soi discutable, car, par ce rattachement, le lgislateur vince les entreprises dficitaireset celles lgrement bnficiaires de la possibilit de dduire les provisions constitues.
76-Le deuxime exempleconcerne le rgime des frais gnraux dductibles. En
effet, mme si larticle 12 du CIR semble avoir admis sans rserves la dduction des frais
gnraux, larticle 14 du CIR a apport plusieurs drogations au principe de la dduction
des frais gnraux. Certaines de ces drogations doivent tre revues puisquelles sont
adoptes, il y a dj 20 ans, sans tre rvises. Il en est ainsi des frais de cadeaux, de
rception et de restauration dont la dduction nest autorise que dans la limite de 1 % du
chiffre daffaires avec un plafond de 20.000 dinars par exercice. Ce plafond, fix en 1989,
na mme pas t actualis pour tenir compte de linflation alors quil fallait le moduler en
fonction de la taille de lentreprise.
77-Le troisime exempleconcerne le rgime des dficits dductibles. La dduction
du dficit constat au cours dun exercice est sans doute admise. Mais, cette dduction est
doublement limite.
La premire limiteconsiste dans le fait que le lgislateur na admis que le report en
avant des dficits60
. Le report en arrire, considr comme un rgime plus favorable pour
lentreprise que le report en avant, est totalement ignor par le droit tunisien alors mme
quil est adopt par les lgislations fiscales de nos partenaires conomiques, y compris la
France.
La deuxime limite consiste dans le fait que le lgislateur na admis le report en
avant du dficit que pour les quatre exercices ultrieurs lexercice de la constatation du
dficit. Dans certains pays europens, le report dficitaire en avant est tantt autoris sans
aucune limitation dans le temps (cest le cas de la Belgique, du Royaume-Uni de
III-
Provisions rglementes :
1- Provision pour implantation dentreprises ltranger.
2-
Provision pour hausse des prix.
3-
Provision pour fluctuation des cours.
4- Provision pour prt dinstallation des salaris.5-
Provision des entreprises de presse.
6-
Provision des entreprises dassurance.
7- Provision des entreprises ptrolires et minires.58 Voir Nji BACCOUCHE, op. cit. p.104.59 Le plafond des provisions dductibles a connu une lgre amlioration puisquil a pass de 30% 50%
du bnfice suite la modification de larticle 12 -4 du CIR par larticle 45 de la loi de finances pourlanne 2008.
60 Voir larticle 8 et 48 IX du CIR.
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lAllemagne et du Pays-bas), tantt autoris pour une dure suprieure celle adopte par
le lgislateur tunisien (10 ans en Espagne, 5 ans en France, 15 ans aux Etats-Unis).
78-Si nos partenaires conomiques tendent instituer des rgles de report en avant
sans limitation de dlai et ont mis en place un systme de report en arrire souvent limit
dans le temps, la lgislation tunisienne ne peut continuer ignorer de tels mcanismes qui,
lvidence, constituent des avantages comptitifs non ngligeables. Pendant ces temps
difficiles, le report des dficits peut tre une solution qui incite lentreprise compter sur
elle-mme pour sortir des difficults.
2- Les rgles relatives aux produits imposables
79-Le lgislateur tunisien a dfini le bnfice imposable de manire tellement large
quil englobe non seulement les produits courants de lexploitation, mais aussi les produits
exceptionnels tels que les plus-values, les subventions et les indemnits encaisses par les
entreprises. Si ladoption de cette dfinition large du bnfice imposable nest pas
conteste quant son principe, elle semble tre contestable quant ses consquences
fiscales sur lentreprise sur de nombreux points.
80-Lepremierpoint concerne le rgime des plus-values. En effet, lintgration de
la plus-value dans le rsultat fiscal de lentreprise entrane son imposition selon le taux
progressif de lIR pour le cas de lentreprise individuelle et selon le taux proportionnel de
30 % pour le cas de lentreprise socitaire soumise lIS. Ce traitement fiscal de la plus-
value ralise par les entreprises est discutable pour deux raisons. Dune part, la
soumission de la plus-value ralise par les entreprises individuelles au barme progressif
de lIR projetterait probablement lentreprise dans la tranche la plus leve du barme
progressif au taux de 35 % ce qui se traduit par une surcharge fiscale61
. Dautre part, le
traitement fiscal de la plus-value ralise par les entreprises est nettement discriminatoire
comparativement avec le traitement fiscal de la plus-value ralise par les particuliers.
Pour ces derniers, la plus-value est impose de manire spare par rapport aux autres
revenus raliss par le contribuable, et ce selon un taux de 5 % ou de 10 % nettement
infrieur celui applicable aux entreprises62
. Envisage sous cet angle, lentreprise est
paradoxalement dfavorise par rapport aux particuliers.
81-Le secondpoint concerne le rgime des produits dcoulant de la transmission
des entreprises, c'est--dire des plus-values. En effet, afin dencourager la restructuration
61 Voir Mohamed KOSSENTINI, La plus-value en droit fiscal tunisien, LHarmattan, Paris, 2008, p.337.62
Voir Mohamed KOSSENTINI, op. cit. p. 439
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des entreprises, le lgislateur a institu depuis 1946 une exonration de la plus-value de
cession globale des actifs immobiliss de lentreprise63
. Cette exonration qui a pu survivre
lissue de la promulgation du CIR en 1989 a t supprime par larticle 49 de la loi n 97-
88 du 29 dcembre 1997 portant loi de finances pour lanne 1998. La suppression de cetteexonration est une mesure anti-conomique. Elle se traduit par un cot excessif et elle
menace la prennit de lentreprise dans la mesure o les entrepreneurs rpugnent cder
leurs entreprises par crainte de raliser des plus-values importantes intgralement
imposables.