encyclopedie genetique de l'indivdu

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  • 8/8/2019 Encyclopedie Genetique de l'Indivdu

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    lontologie gntique que viennent prcisment nourrir les influences prcdemment cites, et

    qui est fournie parLindividu et sa gense physico-biologique etLindividuation psychique etcollective. Aussi bien ces deux ouvrages sont-ils issus de la Thse principale de Simondon

    pour le Doctorat dEtat, tandis que le classique qui a fait de lui un grand philosophe de la

    technique constitue sa Thse complmentaire. Mais parce queDu mode dexistence des objets

    techniques fut publi quelques mois aprs ses soutenances, cest--dire ds 1958 et donc sixans avant la premire dition deLindividu et sa gense physico-biologique et trente-et-un ans

    avant Lindividuation psychique et collective, le nouvel Encyclopdisme propos par laThse complmentaire tait en avance la fois sur la crise dont il dessinait la solution et sur

    ses propres conditions inter-textuelles de comprhension. Do leffet de fascination maisaussi le succs phmre deDu mode dexistence des objets techniques.

    Cest donc juste titre que la redcouverte actuelle de cette Thse complmentaire, par

    une nouvelle gnration de philosophes, se fait par le biais de la dcouverte de la Thse

    principale, et notamment de sa fin qui nest parue quen 1989 sous le titre Lindividuation psychique et collective, et qui est consacre au rgime psycho-social ou transindividuel

    dindividuation dont la Thse complmentaire revisite les conditions en questionnant le

    mode dexistence des objets techniques. Les pralables thoriques fournis par la Thseprincipale sont ici en mme temps dans une relation de tension avec la Thse complmentaire.Or cette tension nest pas la seule que lon puisse relever, et cest pourquoi nous ne saurions

    nous arrter ni lide que Simondon tait en avance sur son poque, ni mme celle dune publication de ses textes dont lordre serait anti-pdagogique et nuisible la rception de

    loeuvre. Le succs actuel de sa pense tmoigne certes de ce que les conditions ntaient pas

    runies lpoque pour que le sens profond et la porte de cette pense puissent se rvler.

    Mais la responsabilit en incombe sans doute autant Simondon qu ses lecteurs et

    dtracteurs, et cest pourquoi aujourdhui encore les commentateurs de Simondon sont aussi

    et peut-tre dabord des philosophes soucieux dlaborer leur propre pense partir mais aussi

    au-del de Simondon, mme si chaque fois se pose la question de savoir si lexgse qui

    nourrit le dpassement a t digne de la complexit de la pense simondonienne et a vis

    le centre de cohrence possible, par-del les tensions internes, de cette pense.

    Si la prsente tude se propose justement dexaminer cette question du centre de cohrencepossible chez Simondon, elle ne saurait cependant reprocher aux commentateurs de vouloir

    aussi sinspirer de lui pour dvelopper leurs propres vues. En cela Simondon nest pas et ne

    sera sans doute jamais un classique, lui qui fut dailleurs le premier sinspirer dautres

    penses, et le plus souvent sans mme le dire. Mais sil y a chez Simondon des tensions

    internes, elles relvent peut-tre davantage dune incompltude que de lincohrence dune

    pense dont on pourrait sinspirer en la revendiquant seulement partiellement. Cest pourquoi

    nous ne suivrons pas Deleuze dans sa faon trs personnelle de mobiliser les concepts

    simondoniens. Si Deleuze fut certes le premier attirer lattention sur luvre de Simondon,il a aussi contribu ce que les thses propres Simondon ne soient pas reues de son vivant

    mais seulement aujourdhui3. Cest notamment le cas pour ce qui est de la question de lanti-humanisme, auquel certains ont beaucoup trop rapidement rattach Simondon.

    Le nouvel encyclopdisme dont ce dernier avait lambition soppose certes ce quil

    nomme un facile humanisme 4, mais ce nouvel encyclopdisme constitue ce que nous

    3 Outre la dette impressionnante Simondon exprime par Deleuze dans une note centrale de Logique du sens (Paris, Minuit,

    1969, p. 126), signalons ici la recension deLindividu et sa gense physico-biologique dans laquelle Deleuze crit notamment

    que peu de livres, en tout cas, font autant sentir quel point un philosophe peut la fois prendre son inspiration dans

    lactualit de la science, et pourtant rejoindre les grands problmes classiques en les transformant, en les renouvelant. Les

    nouveaux concepts tablis par Simondon nous semblent dune extrme importance ; leur richesse et leur originalit frappent

    ou influencent le lecteur ( Gilbert Simondon, Lindividu et sa gense physico-biologique , Revue philosophique de laFrance et de ltranger, vol. CLVI, n1-3, p. 118).4Du mode dexistence des objets techniques, Paris, Aubier, 1958, p. 9.

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    nommerons quant nous un humanisme difficile , dont lontologie gntique de

    lindividuation ne saurait reprsenter la ngation par absorption de lhomme dans le vivantdont il provient. Nous disons ontologie gntique de lindividuation , parce que tel est le

    nom de cette philosophie, qui nest un encyclopdisme que parce quelle unifie les savoirs enpensant lagense dont procde en effet toute ralit. Lencyclopdisme de Simondon est un

    encyclopdisme gntique, et la notion dindividuation dsigne chez lui cette gense. Cestdire si une telle notion est revisite par Simondon. Lindividuation nest plus ici un simple

    processus perceptif de diffrenciation dunits par rapport un fond. Elle nest pas mme ce

    quentendaient par ce mot les ontologies de Duns Scot, Thomas dAquin, Leibniz.

    Lindividuation nest pas seulement une individualisation diffrenciatrice, elle est aussi etdabord un processus universel de gense, dont l individualisation devient chez

    Simondon un rgime propre au vivant en tant que ce dernier se caractrise par une gense

    ou individuation -permanente.

    Un passage de Lindividuation la lumire des notions de forme et dinformation nouspermet de comprendre toute loriginalit de la conception simondonienne de lindividuation :

    On peut se demander pourquoi un individu est ce quil est. On peut aussi se demanderpourquoi un individu est diffrent de tous les autres et ne peut tre confondu avec eux. [] Au

    premier sens, lindividuation est un ensemble de caractres intrinsques ; au second sens, un

    ensemble de caractres extrinsques, de relations. Mais comment peuvent se raccorder lune

    lautre ces deux sries de caractres ? En quel sens lintrinsque et lextrinsque forment-ils une

    unit ? Les aspects extrinsques et intrinsques doivent-ils tre rellement spars et considrs

    comme effectivement intrinsques et extrinsques, ou bien doivent-ils tre considrs comme

    indiquant un mode dexistence plus profond, plus essentiel, qui sexprime dans les deux aspects

    de lindividuation ? 5.

    Ce que rejette ici Simondon, cest en fait la sparation des deux questions du type

    intrinsque de lindividu et de sa particularit diffrentielle ou extrinsque . Cest laconsidration de la gense qui va permettre de les unifier, voire de les rendreinterchangeables : lintrinsque est aussi bien ce qui appartient lindividu et lui seul que ce

    qui le dfinit comme essence gnrale ou type, et lextrinsque est aussi bien relation

    essentielle que relation diffrenciatrice : les vritables proprits dun tre sont au

    niveau de sa gense, et, pour cette raison mme, au niveau de sa relation avec les autres

    tres 6. Cest partir dune telle remise en question des oppositions traditionnelles que

    Simondon entendra concevoir une gense anti-substantialiste qui soit en mme tempsaffirmation anti-rductionniste de lindividu. Et la ralit originelle partir de laquelle la

    gense peut ainsi tre repense sans rduction devra tre dite plus quun , car potentiellement porteuse de lindividu comme de son milieu associ , lui aussi rsultat

    dindividuation. Telle est la ralit prindividuelle dont procde toute gense. Cest elleencore qui permettra de passer gntiquement de lindividuation physique

    lindividualisation vitalesans rduction, parce que cette ralit est aussi bien pr-physique que pr-vitale .

    Or, ici encore lambition de Simondon le conduit de linachev. Non pas seulement parce

    que Du mode dexistence des objets techniques applique au progrs technique ce concept

    dindividualisation sans penser jusquau bout les conditions et les limites dune telletransposition du vital vers le technique, mais aussi parce que dans la Thse principale elle-

    mme ce qui fonde lontologie gntique de lindividuation est dj problmatique.

    5Lindividuation la lumire des notions de forme et dinformation , Grenoble, Millon, 2005, pp. 60-61.

    6Ibid., p. 90.

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    Lontologie gntique, ou ontogense 7, se veut philosophie premire , mais elle est en

    mme temps drive dun certain nombre de schmes de pense scientifique, particulirement de pense physique 8 : si la ralit prindividuelle est aussi bien pr-

    physique que pr-vitale, ce sont cependant des schmes physiques qui viennent en valider la

    conceptualisation, parce que ces schmes appartiennent une physique contemporaine qui

    transcende la rationalit de la physique moderne de Galile et Newton - devenue de ce fait classique . Notre Chapitre Premier montrera ainsi que lpistmologie simondonienne du

    ralisme des relations doit sa porte ontologique son ancrage dans les schmes

    physiques contemporains de la mtastabilit thermodynamique, du champ relativiste et

    de la dualit quantique onde-corpuscule . Pour linstant lessentiel est de remarquer latension engendre par le fait quune philosophie premire soit drive , comme disait

    Simondon, de schmes physiques. Nous avons explor ailleurs la possibilit par l cre dune

    relativisation englobante de lontologie gntique simondonienne, cest--dire de sa

    validation mais sous condition de sa transformation en problmatique seconde, parcequontologique et inexorablement pr-critique dans sa prtention tre premire 9.

    Un dernier mot encore avant dentrer dans cette tonnante entreprise intellectuelle qui fut

    celle de Simondon. Il va de soi que le prsent petit livre na pas dautre ambition quedintroduire, aussi fidlement que possible, une pense dont la richesse dpasse de loin les

    possibilits dexposition dune tude comme celle-ci. Bien des aspects de luvre ont d tre

    ngligs ici, au profit de ceux-l seulement qui nous paraissaient rpondre aux critressuivants : dune part, tre un thme rcurrent des textes de Simondon ; dautre part, constituer

    un apport vritable de la part du philosophe ; enfin, permettre ltude de redonner une

    logique et une cohrence pleines une pense inspire mais, par l mme, parfois obscure et

    ambigu. Le lecteur qui la prsente tude donnerait lenvie dapprofondir sa connaissance

    de Simondon trouvera dans notre bibliographie finale de quoi satisfaire sa curiosit.

    Soulignons toutefois que lexgse simondonienne nen est sans doute qu ses dbuts, sil est

    vrai que, comme sattachera lindiquer notre Conclusion, lEncyclopdisme gntique

    possde une actualit extrme et un avenir certain.

    7 Simondon crit quant lui systmatiquement ontognse , laccent aigu sur le premier e venant sans doute de la

    lecture deLa place de lhomme dans la nature de Teilhard de Chardin, ouvrage qui tait paru en 1956, soit deux ans avant la

    soutenance de Simondon, et qui se singularisait dj par cette orthographe. Nous ne pourrons revenir ici sur ce que Simondon

    doit Teilhard, et privilgierons le rapport central de Simondon Bergson, qui fut un matre pour Teilhard. Nous renvoyons

    donc le lecteur notre Penser lindividuation. Simondon et la philosophie de la nature, Paris, LHarmattan, 2005, Chapitre

    Premier, 2.8Lindividuation psychique et collective, Paris, Aubier, 1989, p. 232. Signalons ici que le mme passage, dans la nouvelle

    dition complte de la Thse principale, dit autre chose qui met davantage laccent sur la pluralit des domaines dinspiration

    que sur la prfrence accorde au domaine physique, puisque lontologie gntique y est cette fois drive dun certain

    nombre de schmes de pense emprunts aux domaines de la physique, de la biologie, de la technologie (Lindividuation

    la lumire des notions de forme et dinformation , Grenoble, Millon, 2005, p. 327 ; nous soulignons).9

    Voir notre Penser la connaissance et la technique aprs Simondon, Paris, LHarmattan, 2005, Premire Partie, Chapitre

    Premier, et Deuxime Partie, Chapitre III.