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Les forêts du bassin du Congo Biome TROPICAL FICHE 5 Les forêts du bassin du Congo constituent le second plus grand massif de forêts tro- picales denses et humides au monde après celles d’Amazonie en Amérique du Sud. S’étendant sur six pays africains, soit le Cameroun, la République centrafricaine, la République démocratique du Congo (RDC), la Guinée équatoriale, le Gabon et la République du Congo, ces forêts couvrent une superficie totale de plus de deux mil- lions de kilomètres carrés, soit un peu plus de la superficie totale du Québec. Plusieurs centaines d’espèces d’arbres habitent ces forêts, telles que l’okoumé (Aucoumea klaineana), le sapelli (Entandrophragma cylindricum), l’ayous (Triplochiton scleroxylon), le limba (Terminalia superba), et le moabi (Baillonella toxisperma), toutes très connues en raison de leur grande valeur commerciale. Biodiversité Les forêts du bassin du Congo hébergent une biodiversité animale et végétale d’une grande richesse qui fait d’elles parmi les plus majestueuses forêts au monde. La majorité des espèces végétales ou animales présentes dans le bas- sin du Congo est endémique dans cette région. L’endé- misme fait référence au fait qu’une espèce est unique à un endroit donné et absente partout ailleurs sur la pla- nète. Cette caractéristique est tout à fait extraordinaire d’un point de vue écologique, mais représente un grand défi de conservation. Étant donné que les écosystèmes sont grandement perturbés par l’homme, la biodiversité en est menacée et plusieurs formes de vie sont en péril. À titre d’exemple, la continuité du couvert forestier entre les différents pays du bassin du Congo, qui permet aux ani- maux de circuler librement d’un endroit à l’autre, est com- promise par le développement de l’agriculture qui tend à morceler certains secteurs de ce grand massif forestier. La biodiversité en Afrique centrale est mise en danger © Anne Bernard Vannerie pratiquée par les femmes (RDC) © Anne Bernard Cour à bois d'une industrie forestière (RDC) • Superficie forestière totale du bassin du Congo : 230 millions d’hectares, soit 6 % de la superficie des forêts du monde. • Les forêts du bassin du Congo constituent les principales ressources forestières du continent africain. • Les précipitations moyennes dans ces forêts varient entre 1 600 mm et 2 000 mm par an. • Les forêts du bassin du Congo hébergent plusieurs bassins versants d’importance. Le plus imposant est le bassin versant du fleuve Congo qui draine plus des 2/3 des forêts humides d’Afrique centrale. • 30 millions de personnes dépendent directement de ces forêts. • 20 % des emplois disponibles dans cette région sont dans le secteur forestier. • L’aménagement forestier représente entre 3 et 8 % du produit national brut des pays de la zone. • Le produit intérieur brut (PIB) des pays du bassin du Congo variait entre 2 (République centrafricaine) et 26 milliards (Cameroun) de dollars américains courants en 2011. QUELQUES CHIFFRES 12 54 86 3 967 37 07 254 4 5907 57 Forêt tropicale humide (RDC) © Anne Bernard 2011 Gouvernance Terme utilisé pour définir les méthodes, les outils et les mé- canismes mis en place pour assurer le bon fonctionnement d’une organisation, la gouvernance sous-entend l’interaction entre les différents acteurs d’un endroit commun, tel qu’un territoire forestier, une ville ou un pays. En Afrique centrale, la gouvernance est discutable, tant dans les hautes sphères politiques qu’à plus petite échelle dans les municipalités. La République démocratique du Congo, par exemple, a connu au cours des cinquante dernières années la dictature et la guerre civile et ce n’est que depuis 2006 que des élections sont te- nues. La démocratie et le règne du droit trouvent difficilement à s’établir dans de telles conditions. Localement, l’attribution des permis de coupe de bois se fait de façon arbitraire et elle tend à favoriser des élites locales et des entreprises fores- tières étrangères. Il en résulte que les communautés locales en retirent peu de bénéfices. Des mesures internationales pour contrer ce genre de corruption sont en cours dans le but d’assurer le développement économique des populations et le développement durable des écosystèmes forestiers. Forêt primaire de Madula (RDC) ©Caroline Olivier L’enseignement de la foresterie dans le bassin du Congo www.projetfogrn-bc.ulaval.ca/ Un des enjeux de la gestion durable des ressources naturelles dans le bassin du Congo passe par l’éducation et la formation d’une main-d’œuvre locale qualifiée. En République démocratique du Congo, dont 60 % du territoire est couvert de forêts, seulement une quarantaine d’ingénieures et ingénieurs forestiers y travaillaient en 2008. La guerre et les conflits armés des vingt dernières années dans ce pays ont déstabilisé les insti- tutions, et il n’existait plus de programme de formation en génie forestier. Depuis la fin des années 70, la Faculté de foresterie, de géographie et de géomatique de l’Université Laval à Québec entretient des liens étroits avec ce pays et, en 2008, le programme de formation en gestion des ressources naturelles dans le bassin du Congo a été mis sur pied. Ce projet d’envergure a permis de relancer l’enseignement de la foresterie en République démocratique du Congo, d’accroître le nombre de profession- nelles et professionnels en gestion forestière dans tout le bassin du Congo et de former, au Canada, les professeures et professeurs d’universités de demain en Afrique centrale. Il résultera de ce projet une capacité pérenne et autonome de formation et de recherche. NOUVELLE EN BREF BREF Sur l’importance des femmes : le cas du Cameroun Au Cameroun, 85 % des femmes vivent en milieu rural. Elles jouent un rôle économique, culturel et social très important, puisqu’elles sont responsables de la com- mercialisation des produits forestiers non ligneux, de la transformation des produits de chasse et de pêche et du bon fonctionnement des ménages. Elles sont engagées dans des organisations communautaires qui permettent de stimuler l’économie de leur communauté. Cependant, leur juste place reste à prendre dans les processus décisionnels. La foresterie communautaire est un moyen d’impliquer les femmes dans la gestion des ressources naturelles, et le Cameroun mise grandement sur ce type de structures pour assurer une équité entre les sexes. QUELQUES FAITS fo info in info info inf info info in nfo info info nfo info info Références pour photos : 1 GROSS L., (2007). « In the Shadows of the Congo Basin Forest, Elephants Fall to the Illegal Ivory Trade », PLoS Biology, vol. 5, no 4, plosbiology.org/article/info %3Adoi %2F10.1371 %2Fjournal. pbio.0050115, Thomas Breuer 2007 Économie Le secteur industriel associé à la foresterie génère entre 3 et 8 % du produit intérieur brut des pays du bassin du Congo. Encore peu développée, l’industrie forestière produit principalement des grumes destinées à l’exportation. Devant l’intérêt accru de la Chine et des pays occidentaux pour ce bois, l’aménagement forestier se développe, et les pays du bassin du Congo devront veiller à utiliser ces ressources de façon durable. Pour sa part, le Gabon interdit, depuis 2010, l’exportation de grumes afin de favoriser le développement de son industrie de la transformation du bois et d’exporter des produits à valeur ajoutée. Des milliers de produits forestiers non ligneux des forêts tropicales du bassin du Congo font partie de la richesse de cette région, et les com- munautés qui vivent en forêt sont détentrices des connaissances traditionnelles sur ces produits. En plus de connaître le comportement des espèces et les interactions entre ces dernières, ces peuples sont en mesure de savoir quelles sont leurs diffé- rentes propriétés médicinales, culinaires, cosmé- tiques, etc. Ce savoir se transmet de génération en génération depuis des millénaires. Comme ces populations vivent dans des situations finan- cières précaires, développer une économie en lien avec le commerce des produits forestiers non ligneux est une perspective d’avenir prometteuse. Par leurs connaissances du milieu, elles sont bien placées pour pratiquer une gestion durable des ressources forestières. Compte tenu du très grand potentiel de développement des produits forestiers ligneux et non ligneux, leur utilisation doit faire l’objet d’une gestion concertée pour un avenir durable. © Anne Bernard 2011 © Anne Bernard 2011 Modèle de gestion sylvo (limba) - caféier (RDC) ...sur les produits des forêts d’Afrique centrale Les escargots géants (Achatina fulica) Étonnant de retrouver des escargots géants lors d’une balade en forêt tropicale dans le bassin du Congo. Pourtant, ce petit animal rampant se retrouve bel et bien dans ces forêts luxuriantes. Bien appréciée par les populations locales, la chair de l’escargot est une bonne source de protéines et de lysine, élément nu- tritif essentiel et souvent déficitaire en Afrique. Bien que la récolte en nature soit toujours importante, des élevages d’escargots sont à l’essai pour assurer un approvisionnement constant dont les populations ur- baines pourraient aussi bénéficier. Le moabi Le moabi, un des plus grands arbres des forêts denses sempervirentes d’Afrique centrale, peut atteindre à maturité plus de 70 mètres de hauteur avec un dia- mètre, à la base, de cinq mètres ! Le bois de cet arbre est très prisé en construction pour ses caractéris- tiques esthétiques. Les Pygmées Baka sont les prin- cipaux cueilleurs des graines de moabi qui servent à produire une huile comestible très utilisée dans la cui- sine africaine. L’écorce sert à concocter des infusions qui soulagent les douleurs musculaires et les maux de dents. Selon la légende populaire, les Pygmées Baka utilisaient aussi l’écorce pour se rendre « invisibles » des éléphants lors de la chasse. QUELQUES FAITS fo info in info info inf info info in nfo info info nfo info info © Anne Bernard 2011 Tronc d’un moabi où l’écorce a été prélevée par les villageois pour des usages pharmaceutiques Enfants d'un village forestier au sud du Cameroun

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Les forêts du bassin du Congo

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FICHE

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Les forêts du bassin du Congo constituent le second plus grand massif de forêts tro-picales denses et humides au monde après celles d’Amazonie en Amérique du Sud. S’étendant sur six pays africains, soit le Cameroun, la République centrafricaine, la République démocratique du Congo (RDC), la Guinée équatoriale, le Gabon et la République du Congo, ces forêts couvrent une superficie totale de plus de deux mil-lions de kilomètres carrés, soit un peu plus de la superficie totale du Québec. Plusieurs centaines d’espèces d’arbres habitent ces forêts, telles que l’okoumé (Aucoumea klaineana), le sapelli (Entandrophragma cylindricum), l’ayous (Triplochiton scleroxylon), le limba (Terminalia superba), et le moabi (Baillonella toxisperma), toutes très connues en raison de leur grande valeur commerciale.

BiodiversitéLes forêts du bassin du Congo hébergent une biodiversité animale et végétale d’une grande richesse qui fait d’elles parmi les plus majestueuses forêts au monde. La majorité des espèces végétales ou animales présentes dans le bas-sin du Congo est endémique dans cette région. L’endé-misme fait référence au fait qu’une espèce est unique à un endroit donné et absente partout ailleurs sur la pla-nète. Cette caractéristique est tout à fait extraordinaire d’un point de vue écologique, mais représente un grand défi de conservation. Étant donné que les écosystèmes sont grandement perturbés par l’homme, la biodiversité en est menacée et plusieurs formes de vie sont en péril. À titre d’exemple, la continuité du couvert forestier entre les différents pays du bassin du Congo, qui permet aux ani-maux de circuler librement d’un endroit à l’autre, est com-promise par le développement de l’agriculture qui tend à morceler certains secteurs de ce grand massif forestier. La biodiversité en Afrique centrale est mise en danger

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Vannerie pratiquée par les femmes (RDC)

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Cour à bois d'une industrie forestière (RDC)

• Superficie forestière totale du bassin du Congo : 230  millions d’hectares, soit 6 % de la superficie des forêts du monde.

• Les forêts du bassin du Congo constituent les principales ressources forestières du continent africain.

• Les précipitations moyennes dans ces forêts varient entre 1 600 mm et 2 000 mm par an.

• Les forêts du bassin du Congo hébergent plusieurs bassins versants d’importance. Le plus imposant est le bassin versant du fleuve Congo qui draine plus des 2/3 des forêts humides d’Afrique centrale.

• 30  millions de personnes dépendent directement de ces forêts.

• 20 % des emplois disponibles dans cette région sont dans le secteur forestier.

• L’aménagement forestier représente entre 3 et 8 % du produit national brut des pays de la zone.

• Le produit intérieur brut (PIB) des pays du bassin du Congo variait entre 2 (République centrafricaine) et 26  milliards (Cameroun) de dollars américains courants en 2011.

QUELQUES CHIFFRES 12 54 867 3 967 37 07 254 46 5907 57

Forêt tropicale humide (RDC)

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2011

Gouvernance Terme utilisé pour définir les méthodes, les outils et les mé-canismes mis en place pour assurer le bon fonctionnement d’une organisation, la gouvernance sous-entend l’interaction entre les différents acteurs d’un endroit commun, tel qu’un territoire forestier, une ville ou un pays. En Afrique centrale, la gouvernance est discutable, tant dans les hautes sphères politiques qu’à plus petite échelle dans les municipalités. La République démocratique du Congo, par exemple, a connu au cours des cinquante dernières années la dictature et la guerre civile et ce n’est que depuis 2006 que des élections sont te-nues. La démocratie et le règne du droit trouvent difficilement à s’établir dans de telles conditions. Localement, l’attribution des permis de coupe de bois se fait de façon arbitraire et elle tend à favoriser des élites locales et des entreprises fores-tières étrangères. Il en résulte que les communautés locales en retirent peu de bénéfices. Des mesures internationales pour contrer ce genre de corruption sont en cours dans le but d’assurer le développement économique des populations et le développement durable des écosystèmes forestiers.

Forêt primaire de Madula (RDC)

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L’enseignement de la foresterie dans le bassin du Congowww.projetfogrn-bc.ulaval.ca/

Un des enjeux de la gestion durable des ressources naturelles dans le bassin du Congo passe par l’éducation et la formation d’une main-d’œuvre locale qualifiée. En République démocratique du Congo, dont 60 % du territoire est couvert de forêts, seulement une quarantaine d’ingénieures et ingénieurs forestiers y travaillaient en 2008. La guerre et les conflits armés des vingt dernières années dans ce pays ont déstabilisé les insti-tutions, et il n’existait plus de programme de formation en génie forestier. Depuis la fin des années 70, la Faculté de foresterie, de géographie et de géomatique de l’Université Laval à Québec entretient des liens étroits avec ce pays et, en 2008, le programme de formation en gestion des ressources naturelles dans le bassin du Congo a été mis sur pied. Ce projet d’envergure a permis de relancer l’enseignement de la foresterie en République démocratique du Congo, d’accroître le nombre de profession-nelles et professionnels en gestion forestière dans tout le bassin du Congo et de former, au Canada, les professeures et professeurs d’universités de demain en Afrique centrale. Il résultera de ce projet une capacité pérenne et autonome de formation et de recherche.

NOUVELLE EN BREF BREF

Sur l’importance des femmes : le cas du Cameroun Au Cameroun, 85 % des femmes vivent en milieu rural. Elles jouent un rôle économique, culturel et social très important, puisqu’elles sont responsables de la com-mercialisation des produits forestiers non ligneux, de la transformation des produits de chasse et de pêche et du bon fonctionnement des ménages. Elles sont engagées dans des organisations communautaires qui permettent de stimuler l’économie de leur communauté. Cependant, leur juste place reste à prendre dans les processus décisionnels. La foresterie communautaire est un moyen d’impliquer les femmes dans la gestion des ressources naturelles, et le Cameroun mise grandement sur ce type de structures pour assurer une équité entre les sexes.

QUELQUES FAITS

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Références pour photos :1 GROSS L., (2007). « In the Shadows of the Congo Basin Forest, Elephants Fall to the Illegal Ivory

Trade », PLoS Biology, vol. 5, no 4, plosbiology.org/article/info %3Adoi %2F10.1371 %2Fjournal.pbio.0050115, Thomas Breuer 2007

Économie Le secteur industriel associé à la foresterie génère entre 3 et 8 % du produit intérieur brut des pays du bassin du Congo. Encore peu développée, l’industrie forestière produit principalement des grumes destinées à l’exportation. Devant l’intérêt accru de la Chine et des pays occidentaux pour ce bois, l’aménagement forestier se développe, et les pays du bassin du Congo devront veiller à utiliser ces ressources de façon durable. Pour sa part, le Gabon interdit, depuis 2010, l’exportation de grumes afin de favoriser le développement de son industrie de la transformation du bois et d’exporter des produits à valeur ajoutée.

Des milliers de produits forestiers non ligneux des forêts tropicales du bassin du Congo font partie de la richesse de cette région, et les com-munautés qui vivent en forêt sont détentrices des connaissances traditionnelles sur ces produits. En plus de connaître le comportement des espèces et les interactions entre ces dernières, ces peuples sont en mesure de savoir quelles sont leurs diffé-rentes propriétés médicinales, culinaires, cosmé-tiques, etc. Ce savoir se transmet de génération en génération depuis des millénaires. Comme ces populations vivent dans des situations finan-cières précaires, développer une économie en lien avec le commerce des produits forestiers non ligneux est une perspective d’avenir prometteuse. Par leurs connaissances du milieu, elles sont bien placées pour pratiquer une gestion durable des ressources forestières. Compte tenu du très grand potentiel de développement des produits forestiers ligneux et non ligneux, leur utilisation doit faire l’objet d’une gestion concertée pour un avenir durable.

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Modèle de gestion sylvo (limba) - caféier (RDC)

...sur les produits des forêts d’Afrique centrale

Les escargots géants (Achatina fulica)Étonnant de retrouver des escargots géants lors d’une balade en forêt tropicale dans le bassin du Congo. Pourtant, ce petit animal rampant se retrouve bel et bien dans ces forêts luxuriantes. Bien appréciée par les populations locales, la chair de l’escargot est une bonne source de protéines et de lysine, élément nu-tritif essentiel et souvent déficitaire en Afrique. Bien que la récolte en nature soit toujours importante, des élevages d’escargots sont à l’essai pour assurer un approvisionnement constant dont les populations ur-baines pourraient aussi bénéficier.

Le moabiLe moabi, un des plus grands arbres des forêts denses sempervirentes d’Afrique centrale, peut atteindre à maturité plus de 70 mètres de hauteur avec un dia-mètre, à la base, de cinq mètres ! Le bois de cet arbre est très prisé en construction pour ses caractéris-tiques esthétiques. Les Pygmées Baka sont les prin-cipaux cueilleurs des graines de moabi qui servent à produire une huile comestible très utilisée dans la cui-sine africaine. L’écorce sert à concocter des infusions qui soulagent les douleurs musculaires et les maux de dents. Selon la légende populaire, les Pygmées Baka utilisaient aussi l’écorce pour se rendre « invisibles » des éléphants lors de la chasse.

QUELQUES FAITS

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Tronc d’un moabi où l’écorce a été prélevée par les villageois pour des usages pharmaceutiques

Enfants d'un village forestier au sud du Cameroun

par les activités de braconnage. Le commerce grandis-sant des animaux sauvages chassés pour diverses raisons (alimentation, trophée de chasse, commerce illégal, culte) nuit gravement aux populations animales, mais aussi aux communautés locales qui vivent en forêt et dépendent de la faune pour se nourrir. Puisque environ 75 % des arbres natifs des forêts tropicales du monde dépendent des ani-maux pour se régénérer, le braconnage accentue l’appau-vrissement de l’écosystème en ressources forestières. Des lois contre la chasse illégale sont en vigueur dans tous les pays du bassin du Congo, mais le manque de moyens financiers, entre autres, ne permet pas de contrôler adéquatement ces pratiques illicites. De grands projets de conservation de la biodiversité sont en cours dans la sous-région.

PerturbationsL’augmentation de la population, l’émigration en zones urbaines et la volonté d’accroître le niveau de vie des ha-bitants sont des éléments qui occasionnent une grande pression sur les ressources naturelles africaines. Les cultures itinérantes sont en pleine expansion dans le bassin du Congo et elles entraînent la déforestation de grandes superficies, principalement en République démo-cratique du Congo, au Cameroun et en Guinée équato-riale. La récolte de bois illégale est aussi un facteur qui nuit grandement à la qualité des écosystèmes forestiers en Afrique centrale et qui met en situation précaire cer-taines essences d’arbres telles que le sapelli, l’okoumé, l’ébène (Diospyros crassiflora) et le moabi. Les récoltes illégales, ajoutées au peu de connaissances scientifiques quant à la régénération des arbres des forêts tropicales du bassin du Congo, nuisent grandement à la durabilité des écosystèmes et vont à l’encontre de la conservation de la biodiversité. L’industrie minière est aussi en expansion dans cette région en raison de la forte concentration de minerais très convoités, tels que le diamant et le coltan, utilisés pour fabriquer les téléphones cellulaires. L’impact des activités minières sur l’environnement est difficile-ment réversible.

QUELQUES CHIFFRES...sur la biodiversité dans le bassin du Congo,selon l’état des connaissances en ce début de 21e siècle

NOMBRE D’ESPÈCESPlantesPlantes endémiques

10 0003 000

Arbres de valeur commerciale 6 000Oiseaux 1 086Mammifères 400Reptiles 280Amphibiens 216Poissons 686Papillons 900

Nos plus proches parents sont le gorille, le chim-panzé commun et le bonobo (chimpanzé des forêts et espèce endémique de la République démocratique du Congo), trois grands singes qui vivent dans les forêts d’Afrique centrale. Le gorille est une espèce grandement en danger et des mesures doivent être rapidement prises pour protéger son habitat et lutter contre le braconnage.

SAVIEZ-VOUS QUE ... ?? ?...sur l’éléphant des forêts

L’éléphant des forêts est une espèce qui se retrouve uniquement dans les forêts d’Afrique centrale. Différent de son cousin l’éléphant des savanes, il est plus petit et ses oreilles sont plus arrondies. Étrange qu’un gros mammifère comme l’éléphant ait choisi la forêt comme habi-tat, mais il s’avère que ce dernier est très agile pour se déplacer dans ce milieu. L’éléphant des forêts indique sa présence en couchant des arbres au travers des chemins qu’il croise. L’homme doit être prudent lorsqu’il s’approche des secteurs où il se trouve. Cette espèce est très territoriale et les éléphants peuvent charger férocement lorsqu’ils sentent une présence étrangère. L’éléphant joue un rôle essentiel en forêt, puisqu’il permet la régénération de certaines espèces d’arbres, telles que le moabi. En digérant les graines, les éléphants sont en me-sure de disséminer les semences dans la forêt. En Afrique, environ 700 000 éléphants ont été tués entre les années 70 et le début des années 90 pour le commerce international de l’ivoire. C’est pourquoi toutes les espèces d’éléphants figurent maintenant sur la liste des espèces menacées. Le braconnage et le commerce illégal de l’ivoire mettent l’éléphant dans une situation de survie extrêmement précaire.

QUELQUES FAITS

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Agriculture itinérante (plantation de manioc)

Bonobos (RDC)

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Chutes et forêt tropicale humide en Afrique centrale

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Les Pygmées Baka escaladent les arbres de plus de 60  mètres de hauteur pour atteindre les nids d’abeilles et récolter le miel. Entourant une liane à leur hanche, les petits hommes sont en mesure d’atteindre leur cible. Bien que la récolte de ce produit fasse partie des rites tradition-nels et spirituels, le miel est aussi vendu ou échangé contre des produits agricoles dans les villages environnants.

SAVIEZ-VOUS QUE ... ?? ?

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Village typique des forêts du bassin du Congo (Cameroun)

Société Quelque 150 ethnies vivent dans les forêts du bassin du Congo. Des fouilles archéologiques ont permis d’identifier des vestiges de la présence humaine datant de 400 000 ans. Au Cameroun et au Gabon, un peuple a conservé ses traditions ancestrales et vit toujours en symbiose avec la nature. Appartenant aux peuples d’hommes de petites tailles ou Pygmées, les Baka seraient entre 30 000 et 40 000 dans le bassin du Congo. Les traits physiques distinctifs de ce peuple les différencient des autres, mais c’est aussi leur mode de vie autarcique qui les distingue. En effet, puisant l’ensemble de leurs ressources de l’écosystème qui les entoure, les Baka sont les meilleurs biologistes et pharmaciens de la région. Allant des remèdes pour guérir le paludisme, en passant par ceux pour contrer l’impuissance sexuelle, la médecine traditionnelle baka est utilisée par tous. Toutefois, les autres ethnies vivant à proximité des Baka les ont toujours considérés comme un peuple inférieur ayant conservé un mode de vie jugé préhistorique. Pour-tant, les autres peuples qui partagent le territoire forestier avec les Baka dépendent d’eux, car ils les approvisionnent en produits médicinaux et en gibier. Les campements typiques en forêt pour les grandes chasses existent toujours, mais peu à peu les Baka cultivent la terre, pratique auparavant peu courante chez ce peuple semi-nomade. Autrefois, les Baka échangeaient leurs denrées contre des outils, des poteries ou des produits agricoles dont dis-posaient les peuples bantous. Malheureusement, les produits de la forêt sont aussi maintenant échangés contre de l’alcool, et l’alcoo-lisme est devenu un grave problème. Les Baka sont étudiés par de nombreux anthropologues, mais ils restent mystérieux à bien des égards. Ils désirent conserver leurs savoirs traditionnels et leur culture, et commencent à revendiquer leurs droits pour préser-ver leur identité culturelle et leur territoire. La marginalisation des peuples autochtones en Afrique centrale reste réelle, et des efforts devront être déployés pour préserver la richesse de leur culture.

Services environnementauxLe bassin du Congo, deuxième massif forestier tropical au monde, remplit une multitude de fonctions environnemen-tales sur les plans local, national et international. Par exemple, les forêts du bassin du Congo jouent un rôle crucial dans la régulation de la disponibilité en eau, puisque 77 % des préci-pitations dans cette zone proviennent de l’évaporation et de la transpiration des arbres du massif. En effet, seulement 23 % de l’eau qui se retrouve au sol est extérieure à la région et provient de la circulation atmosphérique globale. De manière générale, les études démontrent que la diminution du cou-vert forestier dans les forêts tropicales a une influence directe sur le débit des rivières. En retirant les arbres du site, l’eau accumulée dans l’arbre et dans le sol est alors rejetée dans les rivières et s’évapore, diminuant la quantité d’eau dispo-nible dans les nappes phréatiques et pouvant nuire ainsi à l’agriculture. Considérant que le continent africain vit souvent de grandes périodes de sécheresse que le réchauffement cli-matique pourrait accentuer, la disparition du couvert forestier dans cette région engendre de graves répercussions sur les autres écosystèmes et les populations.

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Coupe illégale (RDC)

Baka revenant de la chasse au singe (Cameroun)

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Éléphants des forêts

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Essences commerciales (RDC) De gauche à droite : padouk, ebiara, limba