dossier la vaccination

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102 | La Lettre du Pharmacologue • Vol. 29 - n° 3 - juillet-août-septembre 2015 DOSSIER La vaccination Grossesse et vaccination : quels sont les risques ? Comment les évaluer ? Pregnancy and vaccination: what risks? How to assess them? F. Chavant*, C. Lafay-Chebassier*, M.C. Pérault-Pochat* * Service de pharmacologie clinique et Vigilances, CHU de Poitiers. L a vaccination a été une avancée majeure dans la médecine contemporaine par l’impact qu’elle a eu sur la diminution de la morbi-mortalité en permettant d’éradiquer, ou tout au moins de réduire la survenue d’infections dévastatrices à travers le monde. Chez la femme enceinte, la vaccination peut avoir comme objectif non seulement de protéger la mère d’une infection potentiellement sévère, mais également le fœtus grâce au passage transplacentaire des anti- corps. Vacciner une femme enceinte reste néanmoins une étape délicate en raison des risques (le plus souvent théoriques) pour la femme et le fœtus. Grossesse et vaccination : principes généraux Grossesse et immunité Pendant la grossesse, l’immunité maternelle est modifiée ce qui peut conduire à une plus grande sensibilité de la femme enceinte aux infections. En effet, le fœtus, immunologiquement étranger à l’organisme maternel, entraîne des adaptations physiologiques pour empêcher le processus de “rejet”. Le système immunitaire maternel, à travers ses 2 composantes que sont l’immunité cellulaire et l'immunité humorale, doit ainsi s’adapter à la “greffe semi-allogénique” que constitue le fœtus. Au cours de la grossesse, il y a ainsi un déséquilibre entre les 2 systèmes immunitaires avec diminution de l’immunité cellulaire et renforcement de l’immu- nité humorale (1). L’immunité cellulaire est essentielle dans le contrôle des infections à pathogènes intracellu- laires. Ainsi, quelques études épidémiologiques ont montré une augmentation de l’incidence et/ ou de la sévérité d’un certain nombre d’infec- tions chez la femme enceinte, comme la toxo- plasmose, la listériose, la grippe, la rougeole ou la pneumocystose (2). La sévérité de ces infec- tions est variable selon la période de la grossesse ; la sévérité de la toxoplasmose est plus importante pendant la première moitié de la grossesse, alors que celle d’une infection par le virus de la grippe ou par Listeria monocytogenes est plus marquée au cours des deuxième et troisième trimestres (3). Les décompensations respiratoires sévères parfois observées en cas de grippe ou de rougeole peuvent également s’expliquer, outre les modifications immu- nitaires, par des modifications hémodynamiques et respiratoires au cours du troisième trimestre de grossesse (4). D'autre part, du fait de la réponse inflammatoire qu’elles entraînent, les infections peuvent être à l’origine de contractions utérines, de fausses couches ou d’accouchements prématurés. Certains virus (varicelle, rubéole, etc.) sont également respon- sables de fœtopathies infectieuses potentiellement à l’origine d’anomalies congénitales ou d’atteinte placentaire pouvant engendrer un retard de crois- sance in utero (4). Vaccination chez la femme enceinte : principes et risques La vaccination permet de prévenir certaines infec- tions pouvant toucher la femme enceinte et le fœtus. La vaccination maternelle génère une immu- nité active (cellulaire et humorale) augmentant la résistance aux infections et réduisant le risque

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Page 1: DOSSIER La vaccination

102 | La Lettre du Pharmacologue • Vol. 29 - n° 3 - juillet-août-septembre 2015

DOSSIER La vaccination

Grossesse et vaccination : quels sont les risques ? Comment les évaluer ?Pregnancy and vaccination: what r isks? How to assess them?

F. Chavant*, C. Lafay-Chebassier*, M.C. Pérault-Pochat*

* Service de pharmacologie clinique et Vigilances, CHU de Poitiers.

La vaccination a été une avancée majeure dans la médecine contemporaine par l’impact qu’elle a eu sur la diminution de la morbi-mortalité

en permettant d’éradiquer, ou tout au moins de réduire la survenue d’infections dévastatrices à travers le monde.Chez la femme enceinte, la vaccination peut avoir comme objectif non seulement de protéger la mère d’une infection potentiellement sévère, mais également le fœtus grâce au passage transplacentaire des anti-corps. Vacciner une femme enceinte reste néanmoins une étape délicate en raison des risques (le plus souvent théoriques) pour la femme et le fœtus.

Grossesse et vaccination : principes généraux

Grossesse et immunité

Pendant la grossesse, l’immunité maternelle est modifiée ce qui peut conduire à une plus grande sensibilité de la femme enceinte aux infections.En effet, le fœtus, immunologiquement étranger à l’organisme maternel, entraîne des adaptations physiologiques pour empêcher le processus de “rejet”. Le système immunitaire maternel, à travers ses 2 composantes que sont l’immunité cellulaire et l'immunité humorale, doit ainsi s’adapter à la “greffe semi-allogénique” que constitue le fœtus. Au cours de la grossesse, il y a ainsi un déséquilibre entre les 2 systèmes immunitaires avec diminution de l’immunité cellulaire et renforcement de l’immu-nité humorale (1).L’immunité cellulaire est essentielle dans le contrôle des infections à pathogènes intracellu-

laires. Ainsi, quelques études épidémiologiques ont montré une augmentation de l’incidence et/ou de la sévérité d’un certain nombre d’infec-tions chez la femme enceinte, comme la toxo-plasmose, la listériose, la grippe, la rougeole ou la pneumocystose (2). La sévérité de ces infec-tions est variable selon la période de la grossesse ; la sévérité de la toxoplasmose est plus importante pendant la première moitié de la grossesse, alors que celle d’une infection par le virus de la grippe ou par Listeria monocytogenes est plus marquée au cours des deuxième et troisième trimestres (3). Les décompensations respiratoires sévères parfois observées en cas de grippe ou de rougeole peuvent également s’expliquer, outre les modifications immu-nitaires, par des modifications hémodynamiques et respiratoires au cours du troisième trimestre de grossesse (4). D'autre part, du fait de la réponse inflammatoire qu’elles entraînent, les infections peuvent être à l’origine de contractions utérines, de fausses couches ou d’accouchements prématurés. Certains virus (varicelle, rubéole, etc.) sont également respon-sables de fœtopathies infectieuses potentiellement à l’origine d’anomalies congénitales ou d’atteinte placentaire pouvant engendrer un retard de crois-sance in utero (4).

Vaccination chez la femme enceinte : principes et risques

La vaccination permet de prévenir certaines infec-tions pouvant toucher la femme enceinte et le fœtus. La vaccination maternelle génère une immu-nité active (cellulaire et humorale) augmentant la résistance aux infections et réduisant le risque

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Points forts » Pendant la grossesse, l’immunité maternelle est modifiée pouvant conduire à une plus grande sensi-

bilité aux infections. » La vaccination au cours de la grossesse permet de prévenir certaines infections pouvant toucher la

femme enceinte et le fœtus. » Cette vaccination peut exposer à des risques le plus souvent théoriques pour la femme enceinte, le

fœtus et le nouveau-né. » Les données de sécurité d’emploi des vaccins au cours de la grossesse sont limitées et les recomman-

dations françaises actuelles ne reposent ainsi que sur la nature du vaccin (vivant ou inactivé). » La surveillance postcommercialisation via la pharmacovigilance reste essentielle pour l’évaluation de

la sécurité d’emploi des vaccins chez la femme enceinte.

Mots-clésGrossesse

Vaccination

Pharmacovigilance

Highlights » During pregnancy, maternal

immunological changes can lead to a more sensitivity to infections.

» Vaccination during preg-nancy can prevent infections that may affect pregnant woman and fetus.

» This vaccination could expose to risks, more often theoretical, for mother, fetus and newborn.

» Safety data of vaccination during pregnancy are limited and french current recommen-dations of vaccination depend thus on the type of vaccines (life attenuated or inactivated).

» Post-commercialization assessment via pharmacovigi-lance is fundamental in order to evaluate safety of vaccine during pregnancy.

KeywordsPregnancy

Vaccination

Pharmacovigilance

d’une transmission des infections au fœtus. De plus, cette vaccination génère des anticorps systémiques (IgG) capables de traverser la barrière placentaire et ainsi d’être transmis au fœtus. De même, des anticorps IgG, IgA et IgM sont sécrétés dans le colostrum et le lait et peuvent être ingérés par le nouveau-né au cours de l’allaitement (3).La vaccination en cours de grossesse peut donc avoir 3 objectifs :

➤ protéger la mère dont l’immunité est modifiée pendant la grossesse ;

➤ protéger le fœtus d’éventuelles fœtopathies infectieuses et/ou de complications obstétricales ;

➤ conférer une immunité passive au nouveau-né : la plupart des vaccins étant non immunogènes dans les premiers mois de vie.La vaccination chez la femme enceinte peut néan-moins exposer à plusieurs risques théoriques :

➤ pour la femme enceinte : risques classiques d’une vaccination en général ;

➤ pour le fœtus : risque tératogène éventuel pour les vaccins vivants ;

➤ pour le nouveau-né : risque d’interactions avec les vaccinations au cours des premiers mois de vie ; en réalité, ce risque semble théorique et non complètement élucidé à l’heure actuelle (3).Les données de sécurité d’emploi d’une vaccination chez la femme enceinte restent limitées, notam-ment pour les nouveaux vaccins, cela s'expliquant en partie par le fait que les femmes enceintes sont habituellement exclues des essais cliniques (5). Les informations proviennent essentiellement d’études épidémiologiques, de petites études descriptives, voire de cas rapportés. Ainsi, la surveillance post-commercialisation est essentielle à l’évaluation de la sécurité d’emploi des vaccins chez la femme enceinte. Il faut également garder à l’esprit que pour interpréter la causalité d’un vaccin dans la survenue d’un événement indésirable comme une issue défavorable de la grossesse, il est indispen-sable de connaître les taux habituels d’issues défa-vorables dans la population générale. À l’heure actuelle, d’une manière générale, on considère qu’il n’y a pas de risque pour le fœtus après une vaccination par des vaccins inactivés ou par des anatoxines (6). En effet, de nombreuses données sont disponibles concernant la sécurité

d’emploi des vaccins inactivés ; c’est le cas notam-ment de la vaccination antigrippale. La grippe expose la femme enceinte à un risque accru de complications respiratoires et d’hospitalisation (7). De même, une augmentation de risque pour le fœtus est également décrite incluant une mort fœtale, un accouchement prématuré ou encore un faible poids à la naissance (5). De nombreuses études ont prouvé l’efficacité de la vaccination antigrippale chez la femme enceinte qui réduit non seulement le risque de complications respi-ratoires, mais assure également une protection aux nouveau-nés et nourrissons (5). Concernant les répercussions fœtales éventuelles, les données, là encore très abondantes, n’ont pas montré d’aug-mentation des issues défavorables de la grossesse ou encore des anomalies congénitales (5, 8). En France, depuis 2012, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) recommande ainsi la vaccination contre la grippe saisonnière chez la femme enceinte lors de la campagne vaccinale quel que soit le terme de la grossesse (9).A contrario, les vaccins vivants atténués sont de principe contre-indiqués au cours de la grossesse afin d’éviter la transmission du virus vaccinal au fœtus et l’éventualité d’une malformation néona-tale. De plus, peu d’études permettent de conclure quant à leur sécurité d’emploi. Néanmoins, concer-nant la rubéole, par exemple, un certain nombre de données sont disponibles pour une vaccina-tion au cours de la grossesse et sont rassurantes avec l’absence de cas de rubéole congénitale mis en évidence parmi les 811 nouveau-nés de mères vaccinées au cours de la grossesse (10). Il en est de même pour les autres vaccins vivants pour lesquels les données de la littérature semblent rassurantes (4, 11). La contre-indication des vaccins rougeole-oreillons-rubéole (ROR), par exemple, n’est donc qu’une mention de principe, car il s’agit de vaccins vivants. L’administration accidentelle pendant la grossesse ou dans les semaines précé-dentes ne justifie d’ailleurs pas de pratiquer une interruption de grossesse (12).Les recommandations françaises actuelles de vacci-nation au cours de la grossesse sont résumées dans le tableau, p. 104 et ne reposent donc que sur la nature des vaccins (vivants ou inactivés).

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Grossesse et vaccination : quels sont les risques ? Comment les évaluer ?DOSSIER

La vaccination

Exemple d’une évaluation postcommercialisation de la vaccination chez la femme enceinte réalisée par le Réseau français des centres régionaux de pharmacovigilance

Pharmacovigilance des vaccins contre la grippe A (H1N1) chez la femme enceinte au cours de la pandémie de l’hiver 2009-2010

Dans certains cas, la mise à disposition d’un vaccin peut être faite dans l’urgence, c’est ce qu’il s’est produit lors de la pandémie de grippe A en 2009.

Initialement appelée grippe porcine, la grippe A (H1N1) est apparue en 2009 et a été déclarée pandémie mondiale par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en juin de cette même année. Les femmes enceintes constituaient une popu-lation à risque du fait de complications sévères pouvant conduire à une détresse respiratoire, voire au décès (13) ; ce risque de complications étant plus important au cours des deuxième et troisième trimestres. Dans ce contexte, 4 laboratoires ont développé un vaccin contre le virus de la grippe A (H1N1) pandémique en vue de son utilisation en Europe. Trois de ces laboratoires l’ont fait sur la base d’un vaccin “mock-up”, c’est-à-dire préparé en avance avec une souche virale H5N1 puis adapté avec la souche du virus H1N1 telle qu’identifiée par l’OMS en mai 2009, cette procédure n’étant pas de nature

Tableau. Recommandations concernant l’utilisation des principaux vaccins pendant la grossesse (d'après [12]).

Vaccins Nature du vaccin Recommandations Commentaire

Grippe Inactivé RecommandéLa vaccination est recommandée quel que soit le trimestre de la grossesse

Rougeole Vivant atténué

Contre-indiqué

La vaccination est contre-indiquée, cependant, une vaccination réalisée par inadvertance chez une femme enceinte ne doit pas être un motif d’interruption de grossesseToute grossesse doit être évitée dans le mois suivant la vaccination Il convient de conseiller aux femmes ayant l’intention de débuter une grossesse de différer leur projet

Rubéole Vivant atténué

Oreillons Vivant atténué

Varicelle Vivant atténué Contre-indiqué

La vaccination est contre-indiquée pendant la grossesseToute grossesse doit être évitée dans le mois suivant la vaccination Il convient de conseiller aux femmes ayant l’intention de débuter une grossesse de différer leur projet

Coqueluche Anatoxine PossibleLa vaccination est justifiée dans le cas d’un risque infectieux important

Fièvre jaune Vivant PossibleLe vaccin ne doit être utilisé chez la femme enceinte qu’en cas de nécessité absolue et seulement après évaluation soigneuse du rapport bénéfice/risque

Hépatite A Inactivé Non recommandéPar mesure de précaution (en raison de l’absence de données), il est préférable de ne pas utiliser ce vaccin pendant la grossesse, sauf en situation de risque important de contamination

Hépatite B Antigène de surface PossibleL’utilisation pendant la grossesse n’est recommandée que si le bénéfice est supérieur au risque potentiel encouru par le fœtus

Diphtérie Anatoxine Non recommandé La vaccination n’est pas recommandée pendant la grossesse

Tétanos Anatoxine PossibleCe vaccin peut être prescrit pendant la grossesse, si besoin, quel que soit le terme

Poliomyélite Inactivé PossibleCe vaccin peut être prescrit pendant la grossesse, si besoin, quel que soit le terme

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DOSSIER La vaccination

à modifier le profil d’efficacité et de sécurité du vaccin. Après l’autorisation de mise sur le marché délivrée par l’European Medicines Agency (EMA), une large campagne de vaccination a été lancée en octobre 2009 en France. Il a ainsi été recommandé de vacciner toutes les femmes enceintes à partir du deuxième trimestre de grossesse avec le vaccin sans adjuvant en raison du manque d’information sur la sécurité d’emploi chez l’homme des vaccins contenant les adjuvants AS03 et MF59. Comme décrit plus haut, plusieurs études suggéraient que les vaccins inactivés contre la grippe saisonnière ne présentaient pas de problème particulier pendant la grossesse, mais il n’existait aucune donnée concer-nant l’utilisation chez la femme enceinte de ces nouveaux vaccins mis sur le marché lors de cette pandémie.Ainsi, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), aujourd’hui Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), sous la tutelle du ministère de la Santé, avait chargé le réseau des Centres régio-naux de pharmacovigilance (CRPV) français d’obtenir des données concernant la sécurité d’emploi de ces vaccins au cours de la grossesse.Étant donné le délai très court, le réseau des CRPV a mis en place 2 approches principales afin de répondre à la question de la sécurité d’emploi de ces vaccins :

➤ l’analyse des notifications spontanées d’effets indésirables survenus chez les femmes enceintes vaccinées, transmises aux CRPV entre novembre 2009 et mars 2010 (14) ;

➤ la réalisation par le réseau des CRPV d’une étude de cohorte prospective de femmes enceintes vacci-nées contre le virus de la grippe A (H1N1) : l’étude PREGVAXGRIP (15).

◆ Analyse des notifications spontanéesEn France, le système de pharmacovigilance repose essentiellement sur la notification spontanée par les professionnels de santé. La déclaration de tout effet indésirable est une obligation pour tout médecin, pharmacien, chirurgien-dentiste et sage-femme qui a constaté cet effet. Cette déclaration peut également être réalisée par tout autre professionnel de santé et aussi, à l’heure actuelle, par les patients ou les associations de patients.L’analyse des notifications spontanées d’effets indésirables observés chez la femme enceinte vaccinée contre la grippe A (H1N1) transmises aux CRPV pendant la pandémie de grippe A a permis de recenser 30 effets indésirables graves parmi lesquels 13 morts in utero et 12 fausses couches spontanées,

ce qui était inférieur au nombre de cas attendus dans la population générale. Il a donc été conclu que la vaccination chez la femme enceinte ne semblait pas poser de problème particulier en dépit des limites liées à ce type de surveillance fondé sur la notifica-tion spontanée avec notamment la sous-notification générale des effets indésirables (14).

◆ Étude PREGVAXGRIPCette étude a été menée sur une cohorte de femmes enceintes vaccinées contre la grippe A (H1N1) entre novembre 2009 et mars 2010. Ces femmes ont été recrutées par les professionnels de santé, majo-ritairement dans les centres de vaccination et les maternités, puis celles ayant accepté de participer ont été contactées par un professionnel de santé de l’un des 17 CRPV participant à l’étude. Un suivi de la grossesse a été réalisé à nouveau par les CRPV après la date prévue d’accouchement.Les résultats ont montré que parmi les 2 415 femmes incluses dans l’étude, 98 % avaient effectivement bien reçu le vaccin sans adjuvant et que 96 % avaient été vaccinées au cours du deuxième ou du troisième trimestre de grossesse conformément aux recom-mandations. Les effets indésirables présentés par les femmes enceintes (5,5 % des femmes vaccinées) étaient similaires à ceux retrouvés dans la population générale (troubles généraux, anomalies au niveau du site d’injection, troubles neurologiques à type de céphalées, paresthésies et vertiges). Après la date prévue d’accouchement, 2 246 issues de grossesses ont été recensées (93 %) et montraient des taux de fausses couches spontanées (0,5 %), de morts fœtales in utero (0,3 %), d'anomalies congénitales (2,9 %) et de pathologies néonatales (4,2 %) compa-rables à ce qui est habituellement observé dans la population générale, bien que le faible nombre de femmes vaccinées au cours du premier trimestre de grossesse dans cette étude, période où le risque tératogène est le plus important, n'ait pas permis d’affirmer de façon certaine l’absence d’augmenta-tion du taux d’anomalies congénitales (15).Ces 2 approches mises en place dans un délai très court ont donc permis de donner rapidement, grâce à la collaboration du réseau des CRPV français, des informations sur la sécurité d’emploi des vaccins chez la femme enceinte. Ces données de sécurité d’emploi ont été largement confirmées dans des études de cohortes de taille plus importante avec un groupe contrôle de femmes enceintes non vaccinées (16). Des études ont également mis en évidence des données rassurantes pour les vaccins contenant l’adjuvant AS03 (17).

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106 | La Lettre du Pharmacologue • Vol. 29 - n° 3 - juillet-août-septembre 2015

Grossesse et vaccination : quels sont les risques ? Comment les évaluer ?DOSSIER

La vaccination

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Références bibliographiques

Conclusion

Les études permettant d’évaluer la sécurité d’em-ploi des vaccins au cours de la grossesse sont peu abondantes. Les contre-indications de principe de certains vaccins, notamment les vaccins vivants, reposent donc sur le risque théorique d’une trans-mission du virus vaccinal au fœtus, mais, à l’heure

actuelle, aucun cas de fœtopathie infectieuse après une vaccination accidentelle n'a été relevé , et il n’y a pas d’indication à recourir à une interruption de grossesse.Néanmoins, la surveillance postcommercialisation via la pharmacovigilance reste essentielle à l’éva-luation de la sécurité d’emploi des vaccins chez la femme enceinte. ■

F. Chavant déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

Pharmacologie des cancersJacques Robert

Le livre Pharmacologie des cancers écrit par Jacques Robert va, à coup sûr, consti-tuer un ouvrage de réfé-rence pour un grand nombre d’enseignants, scientifi ques, cancérologues…Ce titre apparemment incongru, Pharmacologie des cancers, condensé de termes plus conventionnels “Phar-macologie des médicaments anti-cancéreux” et “Traite-ment des cancers” est tout à fait justifi é. En effet, si tous

les chapitres sont consacrés aux médicaments anticancéreux, les aspects moléculaires et cellulaires des cellules tumorales sont traités afi n d’éclairer les mécanismes d’action ou, au contraire, les mécanismes de résistances aux médicaments anticancéreux.

Une partie est consacrée aux concepts de base en pharmacologie : certains sont communs à toutes les classes thérapeutiques et peuvent même être utiles à des lecteurs dont l’intérêt ne se porterait pas précisément sur la cancérologie ; c’est le cas tout particulièrement des chapitres consa-crés à la pharmacogénétique et aux transporteurs des médicaments. Ils sont complétés de chapitres qui, eux, concernent spécifi quement les médicaments anticancéreux : les phénomènes de résistance des cellules tumorales, les études précliniques et essais cliniques qui permettent de développer ces médicaments anticancéreux. Dans les parties suivantes, sont abordés les différents groupes de médicaments anticancéreux : cytotoxiques, thérapies ciblées, peptides, oligonucléotides. Récemment, l’immunothérapie est venue compléter l’arsenal thérapeutique en cancé-rologie ; les molécules d’ores et déjà commercialisées sont abordées dans le dernier chapitre de cet ouvrage. À n’en pas douter, cette partie sera plus développée dans une prochaine édition. Mais n’attendons pas cette éven-tuelle prochaine édition, enrichissons nos services et bibliothèques, dès maintenant, de ce livre pour découvrir ou compléter nos connaissances sur les médicaments anticancéreux.

Éditions Lavoisier - 159,00 € - 639 pages.

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