mise en évidence d’un réseau viaire et parcellaire structuré de l’âge du bronze à...

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Pierre Broutin, Assistant d’études et d’opération, Inrap CIF Steve Glisoni, Assistant d’études et d’opération, Inrap CIF. Le diagnostic de Réau (77), Parc d’Activités de l’A5, Mise en évidence d’un réseau viaire et parcellaire structuré de l’âge du Bronze à l’Époque moderne. Méthodes d’enregistrement et résultats Résumé : De 2007 à 2009, un diagnostic archéologique à Réau (77), sur le Parc d’Activités de l’A5, a été réalisé sur une parcelle de 195 hectares ; plusieurs occupations diachroniques y ont été mises au jour. A partir de l’âge du Bronze et jusqu’au début de l’Époque moderne, des réseaux viaires et parcellaires structurent l’espace. L’étude de ces réseaux était nécessaire afin de comprendre les évolutions et les changements d’organisation parcellaire selon les époques. Afin d’étudier les quatre systèmes de voirie mis aux jours sur la parcelle, nous avons mis en application la fiche d’enregistrement établi dans le cadre du PCR Dynarif. Nous proposons ici, les résultats de ce test et les conclusions qu’il a permis. Summary: From 2007 until 2009, an archaeological diagnosis in Réau (77), on the Park of Activities of A5, was accomplished on a 195-hectare plot; several diachronic occupations were discovered there. From the Bronze Age and until the beginning of modern Epoch, trenched and ways networks structure the space. The study of these networks was necessary to understand evolutions and changes of organization according to epochs. To study the four systems of rail and waterways network put in days on plot, we applied the chip of recording established as part of PCR Dynarif. We offer the results of this test and conclusions here, which he allowed. Pierre Broutin, Inrap CIF, UMR 7041 Centre archéologique Inrap de Croissy-Beaubourg 56 boulevard du Courcerin 77183 Croissy-Beaubourg 1

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Pierre Broutin, Assistant d’études et d’opération, Inrap CIF

Steve Glisoni, Assistant d’études et d’opération, Inrap CIF.

Le diagnostic de Réau (77), Parc d’Activités de l’A5, Mise enévidence d’un réseau viaire et parcellaire structuré de l’âgedu Bronze à l’Époque moderne. Méthodes d’enregistrement etrésultats

Résumé : De 2007 à 2009, un diagnostic archéologique à Réau(77), sur le Parc d’Activités de l’A5, a été réalisé sur uneparcelle de 195 hectares ; plusieurs occupations diachroniquesy ont été mises au jour. A partir de l’âge du Bronze etjusqu’au début de l’Époque moderne, des réseaux viaires etparcellaires structurent l’espace. L’étude de ces réseaux étaitnécessaire afin de comprendre les évolutions et les changementsd’organisation parcellaire selon les époques. Afin d’étudierles quatre systèmes de voirie mis aux jours sur la parcelle,nous avons mis en application la fiche d’enregistrement établidans le cadre du PCR Dynarif. Nous proposons ici, lesrésultats de ce test et les conclusions qu’il a permis.

Summary: From 2007 until 2009, an archaeological diagnosis inRéau (77), on the Park of Activities of A5, was accomplished ona 195-hectare plot; several diachronic occupations werediscovered there. From the Bronze Age and until the beginningof modern Epoch, trenched and ways networks structure thespace. The study of these networks was necessary to understandevolutions and changes of organization according to epochs. Tostudy the four systems of rail and waterways network put indays on plot, we applied the chip of recording established aspart of PCR Dynarif. We offer the results of this test andconclusions here, which he allowed.

Pierre Broutin, Inrap CIF, UMR 7041

Centre archéologique Inrap de Croissy-Beaubourg

56 boulevard du Courcerin

77183 Croissy-Beaubourg

1

06 84 81 92 19

[email protected]

Steve Glisoni, Inrap CIF

Centre archéologique Inrap de La Courneuve

34-36 avenue Paul Vaillant-Couturier

93120 La Courneuve

[email protected]

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Introduction

1. Le diagnostic. Périodes et structuration.

2. L’analyse des trames viaires. Méthodologie

3. Le réseau routier ancien à Réau

Conclusion et mise en perspective

Introduction

La ville nouvelle de Sénart a connu depuis 1993 plusieurscoordinations archéologiques sous l’égide de l’AFAN, puis del’INRAP. L’expansion des constructions a favorisé de nombreusesopérations archéologiques sur de grandes surfaces. Dans cecadre et sur prescription du SRA d’Île-de-France, un diagnosticarchéologique de 195 ha été engagé sur l’emplacement du futurParc d’Activités de l’A5 sur les communes de Moissy-Cramayel(77) et de Réau (77) entre 2007 et 2009 (BLASER 2008 ; BROUTIN2008a et BROUTIN 2008b ; BROUTIN 2009a et BROUTIN 2009b ;GIORGI 2009 ; GLISONI 2008 ; LEGRIEL 2008 ; SARON 2008).Placées sur la rive droite de la Seine, elles appartiennent àl’extrémité occidentale du plateau de la Brie française,largement entaillée par les vallées de la Seine et de l’Yerres.Alternant entre limon de plateau et sables stampiens, lecontexte pédologique de Sénart est extrêmement riche et a pupermettre une alternance entre agriculture et pastoralité. Lediagnostic se situe au nord du bassin versant du ru de Balory.Les vestiges archéologiques apparaissent au niveau del’interface semelle de labour / limons des plateaux ; selon unealtitude comprise entre 88,5 et 93 m NGF (Fig. 01).

Figure 01 - localisation du Diagnostic de Réau (77), Parcd’Activités de l’A5 sur fond IGN 1/25000e.

Lors de l’intervention, plusieurs tronçons de fossés et dechemins ont été révélés montrant une évolution des occupations

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de l’âge du Bronze à l’Époque moderne ; depuis un modèleparcellaire aréolaire à un espace réticulé définissant desniveaux hiérarchiques emboités (BROUTIN 2011). Ayant réalisé125 ha du décapage, nous avons entrepris une étude conjointe deces réseaux en privilégiant une analyse morphologique.Bénéficiant des travaux archéogéographiques de S. Robert(ROBERT 1995), nous avons également eu l’opportunité dedisposer du protocole d’études des réseaux viaires mis en placelors du PCR Dynarif et utilisé lors de l’opération par S.Glisoni (GLISONI 2009). Enfin un travail sur les réseauxhydroparcellaires de Réau a été réalisé par P. Broutin mettanten relation l’évolution des trames viaires et parcellaires dansla longue durée (BROUTIN 2011). Nous présenterons dans unpremier temps, les principaux résultats du diagnostic afin deremplacer les réseaux dans les différents contextes, puis nousdévelopperons l’analyse des réseaux viaires en présentant laméthode appliquée puis les résultats.

1. Le diagnostic. Périodes et structuration

Sur le territoire de Réau et Moissy-Cramayel, toutes lesépoques d’occupations humaines sont représentées, duPaléolithique à l’Époque moderne (Fig. 02). Les éléments connuspar les fouilles et diagnostics ont complété le fichier généralcompilé par cartographie et photo-interprétation lors de lapremière coordination Sénart (BATS, ROBERT 1995). Lesrecherches archivistiques de M. Houdayer (BELARBI, BROUTIN,HOUDAYER 2008) sont venues compléter ce travail tandis que legéo-référencement des cartes anciennes était réalisé par M.Belarbi (BELARBI 2008).

Figure 02 Plan général par périodes du diagnostic de Réau, Parcd'Activités de l'A5

L’implantation d’une vingtaine de loci du Bronze final distantsentre eux d’une cinquantaine de mètres s’inscrit dans uncontexte régional dense, dont l’originalité est une occupationde plateau, jusqu’ici inédite. Les éléments structurants quesont les systèmes de fossés et de chemins laissent pressentir

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une organisation spatiale complexe de niveaux différents :pôles d’habitats, d’artisanat, et de nécropoles.

Deux très fortes occupations antiques, datées entre le Ier etle Ve siècle apr. J.-C se sont implantées au centre d’un réseauparcellaire et viaire complexe sur plus d’une dizained’hectares. Les très nombreux segments de fossés, isolés ouformant de véritables systèmes fossoyés sur des centaines demètres, définissent plusieurs trames parcellaires organiséesdans lesquelles se placent plusieurs réticules qui permettentde concevoir l’existence d’une organisation interne avecdifférents sous-ensembles où s’organise l’ensemble des vestigesrévélés pour ces périodes. D’autres réseaux, plus anciens,viennent s’y greffer. Enfin, d’autres systèmes fossoyéssemblent plutôt correspondre à un ensemble plus vaste quis’étendrait plus largement autour des parcelles sondées.

Se superposant à l’occupation gallo-romaine et durant latotalité du premier Moyen âge, du VIe au XIIe siècle, uneoccupation de grande ampleur a été mise au jour structuréeautour de systèmes fossoyés et de chemins datés de l’époquecarolingienne. Au sud-est de la parcelle, à proximité immédiatedu village actuel d’Ourdy, et légèrement décalé par rapport àl’occupation du premier Moyen âge, un ensemble de structuresdatées du second Moyen âge ont également été découvertes.

De nombreuses observations ont été faites sur des occupationsdatées de la Préhistoire (BLASER 2008). Néanmoins, les indicesles plus importants sont sur les occupations de l’âge duBronze, de l’Antiquité et du Moyen Age. Les réseaux de cheminset de fossés leur correspondant ont été étudiés afin decomprendre leur relation, montrer leur résilience et tenter devoir une chronologie ; 106 fossés et tronçons de fossés et cinqtronçons de chemins empierrés anciens ont ainsi été découvertslors du diagnostic du Parc d'activités de l'A5 (Fig. 03).

Figure 03 Plan du site avec localisation des fossés et deschemins

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Une étude de ces chemins associée aux données de terrain, à lacartographie ancienne et appuyée par le mémoire de maitrise deS. Robert (ROBERT 1995) a permis de dégager un certain nombred'hypothèses sur leurs origines, leurs tracés, leurs fonctionet leur durée d'utilisation.

2. L’analyse des trames viaires. Méthodologie

En concertation avec S. Robert, un modèle conceptuel de donnéespour l'enregistrement des voies, mis au point dans le cadred'une réflexion menée lors du PCR Dynarif, a été utilisé aucours de cette opération de diagnostic. Ce modèle, au départprévu pour les mentions de voies dans les DFS, s'est avéréparfaitement adapté à l'enregistrement de terrain. Sonexhaustivité permet de prendre en compte toutes lesinformations nécessaires à l'étude d'un tronçon de voieancienne dès la phase de terrain. Ce test avait, en outre,vocation à apporter d'éventuelles améliorations à ce modèledevant constituer, à terme, une base de données. On peut d'oreset déjà confirmer sa viabilité et son utilité sur le terrain,et seuls quelques ajouts ponctuels sont à apporter (Tab. 01).

La mise en forme a été effectuée sous Excel© ; un transfertsous Access© étant directement possible. Le travail exposé icin'est donc qu'une base préparatoire à l'élaboration de lafuture base de données. Ce modèle étant applicable à tout typede voie, on constate que certains champs n'ont pas été remplislors de l'enregistrement tel le champ "Recharge" que l'onutilisera plus facilement en contexte urbain que rural.

Il faut tout d'abord préciser que l'empierrement de ces cheminsapparaît souvent dans les niveaux de labour ce qui nécessiteune rigoureuse attention lors du décapage de la tranchée etpeut, dans le cas contraire, entraîner sa destruction quandl'archéologue n'a pas l'expérience de ce genre de structure.

Afin de mieux observer la mise en œuvre de ces chemins, nousavons procédé à l'ouverture de fenêtres de décapage permettantun dégagement et un nettoyage de l'empierrement du chemin plusétendu que la seule largeur de la tranchée de diagnostic et à

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des coupes transversales effectuées à la pelle mécanique.Toutefois, dans le souci de préserver les vestiges les bordant,ces sondages se sont faits de manière limitée.

La terminologie adoptée : SVO ou Système de Voirie (paranalogie à SFO, Système Fossoyé) est volontairement neutreainsi que le terme de chemin employé dans le texte.

Subdivisé en huit entrées, la base de données des réseauxviaires offrent la possibilité sur le terrain de pouvoirreprésenter de façon synthétique l’essentiel des informationsmorphologiques de ce type de structures.

En effet, si des tronçons de chemins et de voies peuvent êtremis au jour lors des intervenions archéologiques, il estparfois difficile de rendre l’information pertinente. Ce typed’enregistrement permet de n’oublier aucune des informationsnécessaires à leur étude.

Elles permettent également de pouvoir hiérarchiser l’étude etde métrer les différentes constituantes de la structurefacilitant de fait le travail sur le terrain mais surtout enpost-fouille. Pour le diagnostic de Réau, elle nous a permitune intervention et un traitement extrêmement rapide sur leterrain et augmenté la pertinence des observations lors del’étude.

Les caractères morphologiques ainsi recueillies par S. Glisoniont pu être critiqués de façon pertinente puisque placés encomparaison d’autres ensembles précédemment fouillés sur lesecteur et dans d’autres lieux d’Ile-France (Cf. Infra). Defaçon générale, les chemins découverts à Réau présentent uneconservation et une matérialité très ténue. Par ailleurs, commesouvent en contexte de plateau, les vestiges sont directementsous la semelle de labour. Enfin, les matériaux utilisés pourla structuration des chemins et voies sont adaptés en fonctiondes matériaux disponibles au niveau local.

L’étude archéogéographique et archéologique a permis, par lechangement d’échelle, de définir de façon certaine les éléments

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auxquels nous avions affaire (GLISONI 2009). En effet, encontexte de diagnostic, les fenêtres d’ouvertures limitentnotre vision, à l’exemple du SVO 4. Placé dans un contextemultiséculaire, le réseau viaire et parcellaire de Réau estparticulièrement difficile à appréhender chronologiquementnéanmoins, l’étude morphologique a permis de relativiser ladatation bien que l’hypothèse d’une datation très ancienne deschemins ait été avancée (BROUTIN 2011).

3. Le réseau routier ancien à Réau

L'emprise diagnostiquée qui couvre près de 200 ha est situéeentre trois des principaux axes traversant le plateau de Sénartdès l'Antiquité : la voie de Melun à Paris (actuelle RD 306,ancienne RN 6) la voie de Melun à Brie-Comte-Robert, le long delaquelle s'est fixé le bourg médiéval de Réau et son église, etla voie de Corbeil à Nangis (Fig. 04). Les deux premièresadoptent un axe général sud-est/nord-ouest et la dernière unaxe est-ouest et desservent les trois villes qui étendentdirectement leur influence sur le plateau de Sénart : Melun,Corbeil et Brie-Comte-Robert.

Le réseau routier et parcellaire anciens du plateau de Sénartont fait l'objet d'une étude détaillée par S. Robert dans lecadre de son mémoire de maîtrise (ROBERT 1995) (Fig. 04). Sesrecherches ont mis en évidence l’existence sur le plateau deSénart d’un enchevêtrement de plusieurs réseaux parcellaires(linéaires ou quadrillés), dont les anciens chemins de grandparcours d'origine antique voire plus ancienne constituentl’élément structurant (ROBERT 2008 :19). Son étude faitapparaître que les formes du paysage sénartais sont en grandepartie fixées dès le Ier siècle de notre ère (ROBERT 1995 :108) et ont perduré jusqu’à aujourd’hui suivant un phénomène derésilience de la morphologie des parcellaires anciens. On peutdonc s'appuyer sur cette précieuse analyse des formespaysagères du plateau pour mettre en perspective les tronçonsde chemins découverts lors du diagnostic.

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Sur la commune de Réau, trois réseaux influencent leparcellaire : le réseau violet, le réseau orangé et le réseaujaune ; selon les couleurs définies par S. Robert afin dedifférencier les réseaux parcellaires (ROBERT 1995) (Fig. 05).Les deux premiers sont des réseaux quadrillés mais nonorthonormés, c’est à dire " un réseau géométrique irrégulier "(CHOUQUER 2000 : 189) et le dernier un réseau linéaire. Onconstate d'emblée, que l'orientation des chemins mis au jourreprend l'orientation parcellaire mis en évidence par S. Robertsur ce secteur de la commune. Il s'agit du réseau orangéorienté nord-sud/est-ouest dont la voie de Corbeil à Nangisconstitue le morphogène. A savoir, selon la définition de Fr.Favory, " un élément pérenne d'un paysage susceptible de provoquerl'orientation de nouvelles formes qui prennent appui sur lui, plus ou moinslongtemps après son implantation." (CHOUQUER 2000)

2.1 La voie de Corbeil à Nangis

Cette voie qui est peut-être mise en place dès la Tène finale aété fouillée à Saint-Pierre-du-Perray, au Buisson Ribeaud (BATS1992), et a révélé un mode de construction digne d'une "grandevoie stratégique antique" (ROBERT 2008 : 18). Il est en outre apparuque ses fossés bordiers d'époque gallo-romaine participaient àun système de drainage intégrant les fossés des parcellesenvironnantes. Les fossés bordiers ont été comblés vers la findu IIe - début du IIIe siècle de notre ère, mais la voie acontinué de fonctionner jusqu'au XIXe siècle pour tomberensuite peu à peu en désuétude, disparaissant en partie dupaysage.

Au XVIIIe siècle, ce n'est déjà plus une voie de grand parcourset elle subsiste sur la commune de Réau, sous la forme dechemins de desserte locale (chemin d'Ourdy à la croix desAuges, de Réau à Viercy Courceaux de Champeaux).

2.2 La voie de Melun à Brie

Cette voie pourrait avoir été mise en place dès le Ier siècleap. J.-C. (ROBERT 2008 : 19) et constitue l’axe majeurstructurant le parcellaire jaune. Elle relie le sud au nord du

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plateau ; son tracé, très légèrement sinueux, mis en évidencepar S. Robert d’après une analyse du cadastre napoléonien, necorrespond pas toujours à celui de la N105. Ce dernier est unredressement plus tardif, parallèle à l’ancien chemin, dont letracé est légèrement plus oriental sur la commune de Vert-Saint-Denis et dans la partie sud de Réau (Fig. 05).

Au Moyen Âge, plusieurs centres importants se développent lelong de cet axe (ROBERT 1995 : 53, 54) mentionnée sur un plan

terrier du XVe siècle (ROBERT 1995 : 52). Plusieurs tracés sont

possibles à partir de Réau en remontant vers le nord (Fig. 05)dont un qui évite le bourg et qui serait le plus ancien ("antérieur à la capture de la voie par le noyau villageois de Réau ? " ROBERT1995 : 53). Cette voie pourrait être d’origine gallo-romaine.Plusieurs établissements ruraux antiques ont été mis au jour àmoins de 400m et de nombreux indices de sites la jalonnent. Lesite des Fourneaux à Vert-Saint-Denis fouillé par I. Daveau etV. Goustard, important complexe métallurgique du premier MoyenAge se développe à proximité immédiate de la voie relié àcelle-ci par un chemin de desserte à l’époque carolingienne(DAVEAU, GOUSTARD 1995).

On remarque par ailleurs que le bourg médiéval de Réau s'estdéveloppé à l'écart de ces deux grands axes que sont la voie deMelun à Brie et la voie de Corbeil à Nangis ; le tracé le plusancien de la voie Melun-Brie évitant le bourg de Réau. Il sembleainsi que le village ait capturé en partie ces deux axesanciens entraînant la création de nouveaux tracés (tracé n° 2de la voie Brie – Melun et l'ancien chemin d'Ourdy à Réau). Cephénomène de capture est fréquent1 car les itinéraires ne sontpas figés (VION 1989), ils évoluent au fil du temps et formentsouvent un faisceau plus qu'un tracé unique complètementrigide. On l'observe ainsi ailleurs sur le plateau de Sénart ;

1 E. Vion a bien explicité ce phénomène pour le Pays de Vaud, en Suisse : "Nous l'avons vu, les grands chemins évitaient une moitié des villages. Avec le temps ces derniers ont capturé les premiers. Ce mouvement de capture est continu et ancien, du Moyen Âge au Bas Moyen Âge …" (Vion 1989, p. 89)

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le bourg de Savigny-le-Temple a lui-même capturé la voie deMelun à Corbeil.

2.3 La voie de Melun à Paris

Elle coïncide avec la RN 6, grande route de Melun à Paris auXVIIIe siècle, et présente toutes les caractéristiques de lavoie romaine monumentale arpentée rectiligne (ROBERT 2008 :

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18). Elle a fixé un certain nombre de limites communales(anciennes limites paroissiales) notamment entre Réau etSavigny-le-Temple et Réau et Cesson mais ne semble pas avoirvéritablement influencé l'organisation du parcellaire (ROBERT1995).

3.1 Description des chemins du Parc d‘activités de l’A5

On mentionnera la voie de Corbeil à Nangis correspondant auchemin actuel mais légèrement décalée vers le sud. Elle n'a paspu être sondée car elle est en grande partie sous l'actuelchemin encore en activité.

Deux tronçons de chemins ont été repérés sur plusieurscentaines de mètres, les SVO 1 et SVO 2, respectivement sur 625et 380m. Deux autres, les SVO 3 et SVO 4 ont été reconnus surenviron 90 m pour le premier et une vingtaine de mètres pour lesecond. Les SVO 1 et SVO 3 sont orienté N/S, le SVO 2 estorienté E/O et SVO 4 N/E-S/O. Le cas du SVO 2 est un peuparticulier. On peut émettre deux hypothèses concernant sontracé ; une bifurcation vers le nord-est ou un prolongementvers le nord comme le laissent à penser deux fossés parallèlesdécouverts un peu plus au nord, directement dans l'axe du SVO3.

Ces tronçons de chemin se caractérisent, malgré une disparitéchronologique avérée, par une morphologie analogue de leurstructure interne (Fig. 06). Elle est matérialisée par unempierrement linéaire, faisant office de bande de roulement, de4 à 5 m de large pour 0,10 à 0,15 m d'épaisseur en moyenneconsistant en un niveau compact de galets de calcaire ou demeulière roulés pris dans un sédiment sablo-argileux. Trois deces chemins possèdent des fossés bordiers qui jouxtentl'empierrement. Leur comblement riche en oxydes ferro-manganiques présente des infiltrations d'eau, signe d'unehydromorphie qui plaide en faveur de l'hypothèse d'une vocationdrainante. Ils drainent ainsi les eaux de ruissellement de lachaussée mais on pu également servir de collecteurs aux autresfossés de drainage qui viennent s'y jeter (BROUTIN 2011). Ce

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cas de figure est attesté pour la voie de Corbeil à Nangis àSaint-Pierre-du-Perray (BATS 1992).

Dans le détail, on remarque toutefois quelques différences. Enpremier lieu dans leur tracé : le SVO 1 est rectiligne mais lesautres chemins suivent un tracé plus ou moins sinueux quis'adapte à la topographie locale. Seul le SVO 1 présente unsystème de fossés double qui n'a pu être mis en évidence quepar une coupe effectuée à la pelle mécanique (Fig. 06). Il peutaussi s'agir de deux phases de fonctionnement distinctes. Lesfossés affichent également des gabarits et des profilsdifférents d'un chemin à l'autre voire de part et d'autre d'unmême chemin. En ce qui concerne le SVO 3, le fossé bordier sudest contre l'empierrement tandis que le fossé nord en estéloigné de plus d'un mètre. L'empierrement de SVO 3 est plusdense sur les bords ce qui pourrait correspondre à unaménagement destiné à assurer une meilleure contention de lachaussée ; il adopte un profil légèrement concave tandis quecelui de SVO 1 est plutôt bombé et celui de SVO 2 est plat. SVO2 est le seul à présenter de possibles traces d'ornières (Fig.06).

Ces empierrements ne reposent pas directement sur le substratgéologique mais sur une couche argilo-sableuse plastiquecompacte et hétérogène brune grise à inclusions charbonneuseset nodules de terre cuite caractérisée par des infiltrationsd'eau. S’agit-il d'une tranchée de décaissement préalable àl'installation de la chaussée ou de l’état antérieur d'unchemin de terre en creux qu'on finit par empierrer pour enassurer une meilleure viabilité. Cela semble être le cas de SVO3 dans lequel l'empierrement recouvre un fossé en "V"préexistant semblable au fossé en "V" qui flanquentl'empierrement à l'ouest. Néanmoins, seules des étudesarchéométriques pourraient éventuellement apporter une réponse.

3.2 Un réseau pluriséculaire

Le matériel céramique rattaché à ces tronçons de chemin permetde proposer une datation pour chacun de ceux-ci : le SVO 2

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pourrait remonter à la période protohistorique comme le suggèrela céramique mis au jour dans les fossés bordiers ; le SVO 1est d'origine gallo-romaine et la céramique retrouvée dans lesempierrements de SVO 3 et SVO 4 remonte au premier Moyen Âge.Il faut cependant pondérer ce propos car ce matériel peut êtrerésiduel comme dans le cas du SVO 2, c'est-à-dire une phased'aménagement et d'utilisation du chemin et non pas un éventuelétat antérieur du chemin ni la totalité de sa duréed'utilisation.

S’agit-il d’anciennes voies de grand ou moyen parcours ou desimples chemins de desserte locale ? Il nous est difficile derépondre en ce qui concerne les SVO 3 et SVO 4 dans l’étatactuel du diagnostic. Il en est autrement pour le SVO 2. Sontracé s’intègre dans une des lignes du réseau orangé (Fig. 05)figurant sur le cadastre napoléonien. D’orientation est-ouest,elle est parallèle à la voie de Corbeil à Nangis entre la voieMelun à Paris (la nationale 6) et la voie de Melun à Brie(tracé n° 1a, ancien chemin de Réau à Cramayel). Sur laparcelle diagnostiquée et à l’est de la D57, elle longe lalimite communale, une ancienne limite paroissiale, de Moissy-Cramayel à Réau. Or, on constate que SVO 2 se calque en grandepartie sur cette limite communale. On peut par conséquentémettre l’hypothèse que le SVO 2 est le tronçon d’un ancienchemin dont le tracé s’est conservé sous la forme d’une limitecadastrale et administrative, d’une limite paroissiale à unedivision communale, après son abandon à une époqueindéterminée.

Ce chemin, probablement d’origine antique (voireprotohistorique), était ainsi un diverticule reliant deuxgrandes voies, de Melun à Paris et de Melun à Brie. Il estprobable qu’il ait par ailleurs, à l’image de la voie deCorbeil à Nangis, traversé le plateau d’est en ouest.

On peut faire le même type de remarque pour le SVO 1 dont letracé suit l’orientation du réseau orangé et pourrait relier lavoie de Corbeil à Nangis ; le SVO 2 en constituant soit un

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diverticule soit un chemin continuant de part et d’autre de cesdeux voies.

Quant au SVO 3, il pourrait avoir fonctionné jusqu'au milieu duXVIIIe siècle. En effet, ce chemin se trouve dans leprolongement direct de la chicane d'Ourdy (Fig. 05), or sur unplan datant de 1741 figure un chemin orienté nord-sud reliantle hameau d'Ourdy à l'ancien chemin de Moissy à Réau(l'actuelle D 57) qui disparaît peu de temps après puisqu'il nefigure déjà plus sur le plan d'Intendance de 1786. Dansl'hypothèse où le SVO 3 continue vers le nord, il pourraits'agir du même chemin.

Conclusion et mise en perspective.

Malgré leurs disparités chronologiques, ces chemins présententdes revêtements similaires : une structure légère correspondantà un empierrement solide et homogène de pierres calcaires de 4à 5 m de large faisant 0,10 m d'épaisseur moyenne, assurantleur viabilité. L'emprise au sol de ces chemins ne se limitetoutefois pas au revêtement en pierre de la chaussée, notammenten ce qui concerne SVO 1 et SVO 2 dont la surface avoisine les12 m. La bande de terre ainsi ménagée a pu servir au passaged'animaux, phénomène qui pourrait être mis en évidence paranalyses archéométriques. Enfin, il serait nécessaired'effectuer une analyse micromorphologique des niveaux surlesquels reposent les empierrements afin de comprendre s'ilscorrespondent à des états antérieurs (chemin en terre) ou à descomblements de tranchées de décaissement creusées préalablementà l'installation du chemin.

Ce diagnostic a permis de mettre en exercice la fiched’enregistrement mis au point par le travail des chercheurslors du PCR DYNARIF. Il a également servi à mettre en avant ladifficulté de perception et d’investigation de ce type destructures. Il souligne par ailleurs les problèmes techniquesque peuvent rencontrer les archéologues sur le terrain tant surles possibilités d’accéder aux informations si le chemin estencore usité, que sur les moyens mécaniques et humains. Plus

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important, si des prélèvements micromorphologiques ont étéeffectués par C. Cammas (Inrap CIF), aucun moyen n’est encoredisponible pour traiter l’information. Il est cependant tout àfait évident que les sciences du paléoenvironnement sontabsolument indispensables à l’étude de ces ensembles. De fait,ne voit-on pas là des limites techniques à une démarchescientifique établie ? Une fois, la démarche archéologiqueentreprise et référencée ne serait-il pas nécessaire de prendreen compte le volet absolument indispensable à l’étude del’homme : son environnement immédiat ?

L’étude de cette présence pluriséculaire est, en effet, l’échod’un processus de sédentarisation, dont le rythme et lesmodalités devront être discutés lors des ouvertures extensivesà venir. L’étude des réseaux fossoyés et de voiries, avec toutela prudence qu’elle requiert, implique une hiérarchie et desinteractions spatiales, que l'on ne perçoit pas encorenettement, en considérant la distribution clairsemée deshabitats groupés, qui suggère une polarisation du territoire.Sur le Parc d’Activités de l’A5, on observe cependant ladélimitation du village carolingien par des fossés, en pluschemins de desserte et plusieurs fossés servant à l’irrigationdes sols. Ces fossés, non seulement délimitent l’empriseeffective de l’occupation humaine pour cette époque, maismarquent le sol profondément. Les cadastres et plans anciensmontrent ainsi la permanence de ces formes.

Les voies de communication et les réseaux parcellaires de Réauconstituent les éléments forts qui structurent le terroirlocal. Ils servent à la fois d’éléments organisant les airesd’habitats et d’éléments parcellaires. L’exemple de Réau montreune continuité territoriale sur la longue durée, quis’organisent autour d’enclos, qui ne constituent pas unecontrainte physique, mais, participent simplement, à uneorganisation différente selon les époques ; s’incluant dans uneorganisation parcellaire reprise en partie au cours dessiècles. La présence de certains types d’anomaliesparcellaires, documentés par la cartographie ancienne, permet

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de reconnaitre un quadrillage orthonormé ancien et sonévolution. L’exploitation spécifique a pu conditionnerl’insertion des occupations dans les systèmes éco-morphologiques du bassin-versant du ru de Balory. Au fur et àmesure des occupations, on observe le passage d’exploitationsfamiliales à un domaine étendu qui se stabilise à l’époqueModerne. Cette lente évolution montre un réseau de petitesentités rurales s’établissant ensuite en petits établissementsruraux durant l’époque gallo-romaine. Il semble qu’au premierMoyen Âge, une économie rurale soit mise en place de façonsuffisamment forte pour structurer à travers le réseauhydroparcellaire et viaire le paysage. Là où les communautéss’organisaient autour de réseaux relativement souples à laprotohistoire, les périodes historiques montrent des enclosplus réguliers et un habitat qui s’adapte à un plan normérythmé par les réseaux viaires traversant le plateau de Sénart.La transmission des parcellaires anciens implique qu’une partieait dû servir à la structuration du terroir local. Lors dudiagnostic, nous avons pu observer, pour chaque époque,l’aménagement d’aires d’activités spécialisées, dédiées ouréservées soit à des activités artisanales, déictiques ou destockage. Cette évolution fait apparaitre une diversitéremarquable de l’habitat rural, en fonction de l’évolution dessociétés. Cela se traduit par des cas d’adaptations localespragmatiques, opportunistes et prospectives, en fonction descontextes topographiques, économiques et sociaux. De fait, lesdifférentes phases de l’habitat montrent un ancragetopographique évoluant de façon croissante avec d’une part, lafixation du parcellaire, et, d’autre part, la stabilisation del’habitat dans les trames viaires.

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