l'évolution de la population rurale durant le règne de philippe ii : l'exemple du...

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M. Francis Brumont L'évolution de la population rurale durant le règne de Philippe II : l'exemple du nord-ouest de la Vieille Castille In: Mélanges de la Casa de Velázquez. Tome 14, 1978. pp. 249-268. Citer ce document / Cite this document : Brumont Francis. L'évolution de la population rurale durant le règne de Philippe II : l'exemple du nord-ouest de la Vieille Castille. In: Mélanges de la Casa de Velázquez. Tome 14, 1978. pp. 249-268. doi : 10.3406/casa.1978.2269 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/casa_0076-230X_1978_num_14_1_2269

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M. Francis Brumont

L'évolution de la population rurale durant le règne de Philippe II :l'exemple du nord-ouest de la Vieille CastilleIn: Mélanges de la Casa de Velázquez. Tome 14, 1978. pp. 249-268.

Citer ce document / Cite this document :

Brumont Francis. L'évolution de la population rurale durant le règne de Philippe II : l'exemple du nord-ouest de la Vieille Castille.In: Mélanges de la Casa de Velázquez. Tome 14, 1978. pp. 249-268.

doi : 10.3406/casa.1978.2269

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/casa_0076-230X_1978_num_14_1_2269

L'EVOLUTION DE LA POPULATION RURALE

DURANT LE REGNE DE PHILIPPE II

L'EXEMPLE DU NORD-OUEST DE LA VIEILLE-CASTILLE

Par Francis BRUMONT Membre de la Section Scientifique

Le règne de Philippe II est particulièrement riche en documents d'ordre démographique; outre le «recensement» 1 de 1591, dit «de Tomâs Gonzalez», bien connu et en passe d'être étudié exhaustivement, nous pouvons mentionner ceux de 1561, 1570, 1586, 1588, 1597 2. Nous nous proposons d'étudier les caractéristiques de quatre d'entre eux, les plus fiables (1561, 1586, 1591, 1597) en nous appuyant sur un exemple concret: les «merindades» du nord-ouest de la Vieille-Castille 3. Cette région a été choisie en raison de son importance politique, économique et démographique (n'est-elle pas la plus densément peuplée du royaume?); le déclin relatif qu'elle connaît sous Philippe II (décadence des foires, primauté de Seville, transfert de la Cour à Madrid...) s'accompagne-t-elle d'une perte de substance démographique? ou bien la population continue-t-elle à s'accroître, sur la lancée du règne précédent en quelque sorte? et, dans ce cas, quelles peuvent-être les causes de cette résistance?

1 Nous emploierons ce terme, bien qu'à proprement parler on ne puisse comparer ces dénombrements, d'origine fiscale, avec les recensements modernes.

2 Ce recensement est peu connu bien qu'il concerne tout le royaume de Castille et qu'il présente l'avantage de se situer juste avant les grandes épidémies de 1599- 1600.

3 II s'agit des circonscriptions suivantes: «tierras» de Medina del Campo, Tordesillas, Olmedo, Valladolid, «valle» de Trigueros dans l'actuelle province de Valladolid; «merindades» de Saldafia, Carrién de los Condes, Monzôn, Cerrato, «partido» de Campos, «alfoz» de Carriôn, dans celle de Palencia; «merindades» de Villadiego, Castrojeriz, Can de Muflo, «partidos» de Burgos, Lara, Juarros dans celle de Burgos. Nous avons été parfois obligés à quelque rectification de frontières, la distribution des villages dans les circonscriptions étant parfois assez fantaisiste; pour la clarté de l'étude, nous avons été amené à diviser certaines circonscriptions en secteur (Nord, Centre ou Sud, cf tableau en annexe).

17. — Mélanges.

250 FRANCIS BRUMONT

Présentation et critique des sources

Les recensements de 1561, 1586 et 1597 ont été effectués dans le même but: ils sont une partie d'une enquête ordonnée par le Roi pour évaluer — et si possible réévaluer — le produit des «alcabalas» et des «tercias» à la suite des banqueroutes de 1557, 1575 et 1596. Nous les étudierons donc ensemble, laissant pour la fin celui de 1591.

Recensements de 1561, 1586, 1597

Contadurias générales.

Ces documents se trouvent dans la série «Contadurias générales» des Archives de Simancas: le premier dans les «legajos» 2.305 et 2.306, 1586 dans les liasses 2.307 et 2.308 et 1597 dans les liasses 2.309 et 2.310. Il s'agit de la compilation par les services centraux de la monarchie des résultats fournis par les enquêtes effectuées sur le terrain 1. La source donne pour chaque village, outre des renseignements d'ordre fiscal, un chiffre pour la population et, à la fin de chaque «partido» ou «merindad» la somme de tous les villages qui en font partie. Quelles sont les caractéristiques de cette source? Peut-elle être utilisée pour connaître l'évolution de la population castillane?

Son principal avantage provient de sa maniabilité: les données concernant chacun des recensements se trouvent regroupées dans deux liasses commodément accessibles, et de son universalité puisque tout le royaume de Castille est intéressé par ces dénombrements.

Mais, même si ces avantages ne sont pas minces pour le chercheur, les inconvénients de cette source doivent le conduire à s'en méfier.

— D'une année sur l'autre le nombre de villages de chaque circonscription varie, soit que leur appartenance à l'une ou à l'autre soit mal définie (certains paient l'alcabala dans une «merindad» et les tercias dans une autre), soit qu'entre deux recensements le village ait été vendu, soit pour d'autres raisons que nous ignorons: ainsi, en 1597, le nombre de villages recensés est plus élevé. Il ne faut donc pas se fier au chiffre global donné par le «sumario» de chaque «merindad», mais effectuer le compte village par village, pour éliminer ceux qui n'apparaissent pas dans les trois recensements.

C'est ce qui ressort, par exemple de cette déclaration du comptable chargé de la merindad de Monzôn (A. G. S., Contadurias Générales, legajo 2.307, année 1586): «La quai dha Relacion se saco por mi Juan Vazquez de buitron que por comision del Rey nro senor hize las aberiguaciones del valor de las Rentas de la dha merindad de nionçon y a todo mi leal saber y entender va cierta y verdadera segun lo que Résulta de las dhas aberiguaciones originales de donde se saco y conforme a la yns- truccion y horden que para hazerla se me dio y la entregue a los contadores de su magd a cuyo cargo estan las dhas aberiguaciones en madrid a beinte y dos de Otu- bre de qui°s y ochenta y siete anos» (souligné par nous).

ÉVOLUTION POPULATION RURALE, RÈGNE PHILIPPE II 251

— Les critères retenus pour l'élaboration du nombre des «vecinos» varient suivant les années et les «merindades», parfois même à l'intérieur d'une même circonscription, suivant les enquêteurs (des «escribanos» généralement). Nous pouvons dire, avec les réserves qu'implique une telle diversité, qu'en 1561 les curés sont omis, et parfois les «menores» 1; en 1586, on ne compte plus le orphelins et on oublie presque toujours les curés; en 1597, 'les curés sont presque toujours omis, et les veuves (et parfois les «menores») sont comptées pour un demi-«vecino».

On voit tout de suite que cette absence de critère commun aux trois dénombrements peut fausser, et fausse en fait, le sens de l'évolution démographique (ou du moins la connaissance que nous en avons en nous en tenant à cette source) puisque le nombre des curés atteint dans notre région 4 ou 5% du nombre des «vecinos» et, celui des veuves 15 à 20%; le nombre des «menores» est quant à lui beaucoup plus variable. x

L'historien doit-il donc se résigner à n'avoir qu'une connaissance imparfaite du mouvement de la population ? Doit-il s'en tenir à l'utilisation, longue et difficile, des registres paroissiaux?

Heureusement nos sources ne se limitent pas à celles-là car sont également conservés à Simancas les originaux des enquêtes qui ont servi à la confection des documents de «Contadurias générales».

Expedientes de Hacienda.

Ces originaux sont conservés dans la richissime section des «Expedientes de Hacienda» où ils occupent la deuxième série («legajos» 31 à 208); les villages y sont classés par ordre alphabétique, soit individuellement (il s'agit le plus souvent alors de l'enquête de 1597), soit par «merindades» et «par- tidos» 2. En ce qui concerne la démographie, chacune de ces enquêtes donne une liste des «vecinos» avec généralement leur métier ou leur «qualité» («hidalgos» — ils paient l'alcabala — veuves, pauvres — exemptés ou payant une somme symbolique — «menores», curés — ils ne paient que s'ils se livrent à un commerce quelconque — ); en 1597, les enquêtes sont moins précises, mais elles distinguent cependant les «vecinos enteros», les veuves et

On appelait «menor» ou «huérfano» les orphelins de père ou de père et mère; quand ils vivent avec leur mère, on les compte avec elle pour un «vecino»; les autres (orphelins complets si l'on ose dire) sont comptés à part, soit tous les frères et sœurs d'une même famille pour un «vecino», soit chacun d'eux pour un «vecino»: dans ce cas, évidemment leur nombre est très élevé et l'erreur forte. Voici les «legajos» concernant les circoncriptions les plus importantes: «legajos» 62, 63, 64, 65: Burgos, 71: Can de Muflo (1586); 73: Carriôn (1597 et 1586); 76: Castrojeriz (1586); 77 d° -(1597); 78: — ■d°— (1561 et 1586); 80: Cerrato (1597); 124: Olmedo (1561) et Campos (1561); 125: Medina et sa terre (1561, 1597); 131: Monzôn (1597); 134: Olmedo (1597); 139: Campos (1597); 158: Saldana (1561); 186: Tordesillas (1597); 196: Villadiego (1586); 197: — d°— ; 198: Villadiego (1597).

252 FRANCIS BRUMONT

les curés en donnant un chiffre pour chaque catégorie, car souvent la liste nominative est omise. Il suffira donc d'adopter un critère commun pour pouvoir comparer les trois recensements; nous proposons de compter pour un «vecino» aussi bien les curés que les veuves, mais d'exclure les «menores», ceux-ci vivant le plus souvent avec leur mère.

Tout cela serait bel et bon si tous les originaux des enquêtes étaient parvenus jusqu'à nous: or, il n'en est rien; un certain nombre d'entre elles ont disparu, ou n'ont pas été encore retrouvées (car les Archives de Simancas sont si riches qu'il ne faut pas désespérer de les retrouver un jour); la si-

Divisions administratives

Fig. 1.

ÉVOLUTION POPULATION RURALE, RÈGNE PHILIPPE II 253

tuation varie selon les «merindades» et selon les années comme le montre le tableau suivant:

TABLEAU I

CIRCONSCRIPTIONS

Terre de Medina Terre de Tordesillas Partido d'Olmedo Terre de Valladolid Valle de Trigueros Merindad de Saldana Merindad de Garriôn Alfoz de Carriôn Merindad de Monzôn Partido de Campos Merindad de Cerrato Merindad de Villadiego Merindad de Castrojeriz Partido de Juarros Merindad de Can de Mufio Partido de Burgos Partido de Lara

Totaux

nombre

24 13 20 25

6 41 22 31 30 27 35 89 74 22 44 86 14

548

1561

tous aucun

16 aucun

5 tous

1 1 7

tous 8 2

62 tous

18 67 13

314

1586

aucun tous aucun aucun tous

4 1

12 5

aucun aucun tous

59 12 29 28 12

270

1597

tous tous

16 14

tous tous tous tous

19 19 25 53

tous tous

1 tous

13

424

Légende: nombre = nombre de villages de chaque circonscription; 1561, 1586, 1597=nombre de villages dont l'enquête a été conservée.

Ainsi nous possédons une bonne connaissance du recensement de 1597 (4/5 des enquêtes conservées), une assez bonne de celui de 1561 (3/5) et une connaissance moyenne de celui de 1586 x. Sur le plan géographique, c'est l'actuelle province de Burgos qui est la mieux lotie (notament la «merindad» de Castrojeriz) alors que nous sommes moins bien renseignés sur celles de Palencia et de Valladolid (les plus importantes du point de vue économique).

Ainsi grâce à ces deux sources (à défaut d'enquête on doit bien utiliser le chiffre de «Contadurias») nous pouvons accéder à une assez bonne connaissance de la population rurale du royaume.

Cependant il reste des lacunes que nous pouvons combler, soit en utilisant un autre recensement (celui de 1591), soit en calculant la marge

1 Cela est dommage car cette enquête est beaucoup plus détaillée que les deux autres, surtout pour les petits villages où elle donne des renseignements économiques de tout premier ordre: structure de la propriété et de l'exploitation, production agricole, quantités vendues par chaque paysan...

254 FRANCIS BRUMONT

d'erreur résultant de l'utilisation exclusive des chiffres des «Contadurias». Mais ce recensement n'est pas sans défaut, et ce calcul ne va pas sans difficultés: il faut en effet trouver une «merindad» pour laquelle nous ayons conservé le plus grand nombre possible d'enquêtes pour les trois recensements; cet «oiseau rare» trouvé, il n'est pas sûr d'ailleurs que l'erreur soit la même pour les autres circonscriptions, même si elle est, nous le pensons, du même ordre de grandeur; la «merindad» de Bureba (que nous avons étudiée par ailleurs) au nord-ouest de Burgos, remplit les conditions requises et ce, pour un échantillon représentatif de plus de 80 villages: nous y possédons toutes les enquêtes de 1561 et 1586 et la quasi totalité de celles de 1597. Quels sont les résultats obtenus? En 1561, le chiffre obtenu à partir des «Contadurias» est supérieur de 3,86% à celui que nous trouvons en appliquant aux enquêtes des «Expedientes de Hacienda» les critères définis plus haut; par contre, en 1586, le chiffre des «Contadurias» est inférieur de 4,45% (en raison de l'omission des curés qui représentent en Bureba 5 % du nombre des «vecinos»); avantage encore aux «Expedientes» en 1597 (+ 3,76%). Ainsi, si nous suivons seulement les «Contadurias» nous risquons de croire à une évolution différente de celle qui s'est produite en réalité, surtout entre 1561 et 1586, le premier chiffre étant majoré et le second sous-estimé: il faut ajouter environ 8% au chiffre de l'évolution que nous fournit cette source (la population de la Bureba, si nous suivons les «Contadurias» aurait baissé de 5,88% alors qu'en réalité elle a augmenté de 1,81%) par contre, entre 1586 et 1597 l'erreur est négligeable (0,7%) 1.

Recensement de 1591

Peut-on alors, pour remédier à ces imprécisions, utiliser le recensement de 1591?

Ce recensement est bien connu et a été souvent utilisé depuis que Tomâs Gonzalez l'a publié; l'original (A. G. S. «Direcciôn del Tesoro» legajo 1.301) est d'un accès facile et présente l'avantage de fournir des chiffres pour la totalité du royaume. Certains auteurs en ont cependant précisé les limites et, récemment encore, Modesto Ulloa montrait que certains chiffres sont peu vraisemblables et que d'autres ne sont que la répétition de recensements antérieurs 2.

En outre, tant que nous n'aurons pas retrouvé les enquêtes («averi- guaciones») d'où ont été tirés ces chiffres, nous ne pourrons pas porter un

Brumont (Francis): La Bureba à l'époque de Philippe II. Essai d'histoire rurale quantitative. New York 1977, 161 p. + 33 tableaux, 20 cartes, 5 graphiques II-T; ici calculs à partir du tableau II et des chiffres des «Contadurias générales» (lega- jos 2.305, 2.307, 2.309). Ulloa (Modesto): La hacienda real de Castilla en et reinado de Philippe II. 2e éd., Madrid, 1977, 889 p., ici p. 15-18.

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jugement définitif sur leur valeur car nous ne connaissons pas les critères employés lors de leur élaboration. Nous savons seulement que les religieux ont été comptés à raison de 10 pour un «vecino», mais comme nous avons leur nombre exact, il est facile de faire la rectification quand nous voulons compter les habitants (pour une étude de la densité par exemple). De plus, il semble que les veuves aient été souvent comptées pour un demi- «vecino»: à combien évaluer l'erreur commise? Comme nous l'avons dit plus haut leur nombre varie de 15 à 20% du nombre des «vecinos»; l'erreur serait donc de 7,5 à 10%. Une vérification tirée de nos chiffres: la population du secteur que nous avons appelé «Castrojeriz-Centre» l ne varie guère entre 1586 (2.119 vecinos) et 1597 (2.116 vecinos); or le chiffre de 1591 est de 1963 vecinos, soit une baisse de 7,21%; comme il est probable que la population de 1591 est supérieure à celle de 1586, car celle-ci baisse toujours entre 1591 et 1597, nous retrouvons bien nos 7,5-10%. Cependant cette façon de compter les veuves n'a pas été utilisée pour toutes les circonscriptions et cette rectification ne doit pas être automatique.

Quelles sont les caractéristiques de ce recensement pour les «merindades» et «partidos» de notre région?

— Terre de Medina del Campo: chiffres inutilisables; dans plus de la moitié des cas le chiffre de 1586 a été repris et on s'est contenté de lui ajouter curés et religieux. C'est le cas à Medina: la population est de 2.582 vecinos en 1586, or que lisons-nous pour cette ville, au recensement de 1591? 1882 roturiers plus 700 nobles (soit 2.582 v°s) auxquels on ajoute 136 curés et 474 religieux pour obtenir le chiffre de 2.760 vecinos (les religieux, rappelons-le, sont comptés à raison de 10 pour un vecino, certains ordres étant même exclus). On peut aussi donner l'exemple de la ville voisine de la Nava del Rey où aux 922 v°s de 1586 (100 nobles et 822 roturiers) s'ajoutent les 10 curés 2.

— Terre de Tordesillas: Dans 6 villages (sur 12) la population paraît sous-évaluée (exemple: Yelilla a 144 v°s en 1586, 108 en 1597 et en aurait seulement 84 en 1591); par contre Tordesillas affiche 1.044 v°s en 1591 contre 865 en 1586 et 878 en 1597.

— Valladolid et sa terre: la comparaison est difficile car les chiffres de 1586 sont peu sûrs et nous n'avons pas tous ceux de 1597; il semble qu'il faille, après Modesto Ulloa, rejeter le chiffre de Valladolid, qui d'ailleurs avait semblé surestimé à B. Bennassar 3.

— «Merindad» de Saldafia: les veuves sont parfois comptées pour un demi- «vecino»; mais les chiffres semblent corrects comme chaque fois que

Rappelons que pour cette circonscription nous avons un grand nombre d'enquêtes des «Expedientes de Hacienda», et que la population que nous donnons pour 1586 et 1597 est très proche de la réalité. Le fait que l'on donne pour les nobles des chiffres «ronds» (700, 100) doit nous faire douter de leur véracité. Ulloa (M.): La hacienda..., p. 27.

256 FRANCIS BRUMONT

nous avons affaire à de tous petits villages, la «merindad» de Villadiego et le «partido» de Burgos sont dans la même situation.

— «Partido» de Campos: les chiffres sont dans l'ensemble corrects, mais 3 villages répètent le chiffre de 1586 tout comme Palencia, ville la plus importante de ce «partido»: 2.864 v°s contre 2.865 en 1586 auxquels s'ajoutent 176 curés et 225 religieux (23 v°s) pour obtenir le total de 3.063 vecinos.

— «Merindad» de Castrojeriz: les veuves paraissent avoir été comptées pour un demi-«vecino», surtout dans les villages les plus importants ce qui fait que ces derniers sont souvent sous-évalués: Padilla de Arriba: 1586, 122 v°s; 1591, 72,5 v°s; 1597, 100 v°s, ou Villasandino qui a 341 v°s en 1586, 339 en 1597 et seulement 328,5 v°s. Si nous corrigeons ce dernier chiffre en ajoutant 7,5% nous obtenons le total plus vraisemblable de 353 v°s.

— «Merindad» de Can de Muno: même remarques que précédemment, les trois villages les plus importants sont clairement sous-évalués:

Santa Maria del Campo Mahamud Covarrubias

1586

550 170 453

1591

436 160 425

1597

469 172 436

En ce qui concerne les autres circonscriptions, il semble que les chiffres donnés par le recensement de 1591 soit acceptables. En résumé, ce recensement peut rendre de grands services à condition d'en faire une étude critique grâce aux dénombrements voisins; mais il ne faut pas se fier aveuglément aux chiffres qu'il nous fournit surtout en ce qui concerne les villages les plus importants dont la population est sous-estimée généralement; pour les villes une étude cas par cas s'impose.

Quelques aspects de la population en 1561

Petits villages et gros bourgs.

La population de l'est et du nord de notre région est regroupée dans une poussière de petits centres, voire de tout petits, ainsi que le montre le chiffre de population moyenne par village (colonne M. du tableau publié en annexe); par contre, le sud et l'ouest présentent un plus grand nombre de bourgs importants; c'est notamment le cas dans toute l'actuelle province de Valla- dolid et dans la majeure partie de celle de Palencia; c'est ainsi que des 33 agglomérations du «partido» de Campos, 9 seulement ont moins de 100 vecinos alors que dans la «merindad» de Villadiego, sur 89 villages, 2 seulement

ÉVOLUTION POPULATION RURALE, RÈGNE PHILIPPE II 257

dépassent ce chiffre et 79 ont moins de 50 vecinos. On imagine aisément les conséquences de cet état de choses, en particulier sur le plan culturel. Quelle différence entre ces petits hameaux où le curé, aussi paysan que ses ouailles, ne s'en distingue que par les trois mots de latin qu'il connaît et ces bourgades, presque villes, où le paysan côtoie les œuvres d'art de l'église, les notaires et les barbiers, les artisans à la langue et à l'esprit déliés, où il se frotte à une certaine culture... Mais la différence existe aussi sur le plan économique, et dans ce cas à l'avantage des hameaux où les transactions sont rares, et où la bourgade qui en est le centre suffit à les assurer toutes, alors que dans l'ouest de notre région, le paysan, qui voit circuler beaucoup d'argent — relativement — est conduit à s'endetter, si bien que la part qui revient à la propriété paysanne y est beaucoup plus réduite que dans les terroirs exigus du nord et de l'est.

Si nous nous intéressons maintenant à la superficie, nous retrouvons le même contraste (colonne L); les villages dont la superficie ne dépasse pas 10 km2 sont légion dans les «merindades» et «partidos» de Burgos, Villadiego, Gastrojeriz-Nord, Saldana, Lara, alors qu'ils atteignent couramment 30 km2 et souvent les dépassent dans les actuelles provinces de Palencia, Va- lladolid et au Sud de celle de Burgos. Nous sommes cependant loin des immenses terroirs d'Andalousie et d'Estrémadure.

La densité de la population

Le tableau récapitulatif publié en annexe nous fournit dans les colonnes A et B les éléments nécessaires au calcul de la densité: superficie des circonscriptions étudiées (nous avons exclu de ce chiffre les villages pour lesquels nous n'avions pas de renseignements), population en 1561 (ou à défaut celle de l'année la plus proche); la densité (colonne G) a été obtenue après multiplication du nombre des vecinos par le coefficient 4, celui-ci nous semblant amplement suffisant pour les villages. Remarquons que nous n'avons pas inclus les villes (Medina, Valladolid, Palencia, Burgos) dans nos calculs de densité car, comme elles sont à la tête de circonscriptions de petite taille (population de Valladolid: 6.677 v°s, de sa terre 3,728 v°s) cela aurait conduit à grossir artificiellement les chiffres de ces «merindades»; le chiffre de la colonne C est celui de la densité de la population rurale x.

La supériorité démographique de la région que nous étudions se trouve confirmée: «le noyau politique ancien du royaume — les terres de Valladolid, Palencia, Ségovie, Avila — présente alors [en 1541] une densité plus grande

II faut noter toutefois que la densité réelle, qui est en fin de compte, inversement proportionnelle à la superficie disponible pour nourrir chaque habitant, était plus élevée, surtout dans les provinces de Palencia et de Valladolid, que celle qui apparaît dans la colonne C, car ces provinces nourrissaient en grande partie ces villes, ainsi que Medina.

258 FRANCIS BRUMONT

que le reste du pays, avec des coefficients supérieurs à 15 habitants au kilomètre carré et même à 20 pour les trois premières provmces mentionnées» 1.

Mais sur ce point aussi, le diversité règne: les villages du nord de notre région, au pied quasiment des Monts Gantabriques, ont souvent une densité inférieure ou égale à 10 h/km2; il en va de même poui quelques petits «par-

Densité de la population

• 10 h/km2

• 15 h/km2

• 20 h/km2

25 h/km'

30 h/km2

Fia. 2.

Castillo Pintado (Alvaro): «Population el "richesse" en Castille durant la seconde moitié du XVIe' s.». A. E. S. C. juillet-août, 1965, p. 723.

ÉVOLUTION POPULATION RURALE, REGNE PHILIPPE II 259

tidos» situés dans des régions plus ou moins accidentées: Lara et Juarros au sud de Burgos, «valle de Trigueros» dans les monts de Torozos au nord de Valladolid.

Les régions de densité moyenne se trouvent sur les «pâramos» du nord, est ou sud de Burgos; nous pouvons y ajouter les terres de Medina et d'Ol- medo où une partie des terroirs, impropres à la culture, ou délaissés, sont dès cette époque voués aux pinèdes.

Les plus fortes densités peuplent les bonnes terres de la «Tierra de Cam- pos», au sens large, qui atteint, Palencia exclue, 25 h/km2 (densité de la province de Palencia sans Saldana et Cerrato). Ce sont là des régions céréa- lières et viticoles où les échanges sont développés, la circulation de l'argent relativement abondante, une partie de la production étant destinées à la vente, et donc, la division du travail, dans ces bourgs de 400 vecinos et plus, assez poussée.

L'évolution de la population rurale

Les chiffres.

Plusieurs problèmes se posent au sujet de cette évolution: si tous les auteurs — excepté A. Girard — s'accordent sur une augmentation de la population au cours du règne de Philippe II, cet accord cesse dès qu'il s'agit de fixer la date à partir de laqLielle cette poussée s'arrête; 1591 a été d'abord proposé, mais aujourd'hui on a tendance à rabaisser cette date, à la suite des remarques de Ramôn Carande, et 1570 semble plus vraisemblable !.

Un autre problème est celui de l'exode rural; l'accord semble ici complet: vers la fin du règne, à la faveur de mauvaises récoltes et aussi d'une augmentation de la pression fiscale, une partie des paysans pauvres se réfugie à la ville.

Pierre Chaunu, repris et appuyé par B. Bennassar, a proposé d'admettre l'hypothèse d'un glissement progressif de la population castillane du nord vers le sud (l'Andalousie, Seville, l'Amérique); verrons-nous ce glissement s'opérer dans notre région? 2.

Le tableau récapitulatif nous montre (colonnes H, I, J, K), l'évolution de la population dans chacune de nos «merindades». Les circonscriptions de l'actuelle province de Burgos ont atteint leur plafond dès 1561 ou du moins en 1565, année de la peste dite «de Burgos», à l'exception, toutefois, des

Carande (Ramôn): Carlos V y sus banqueros, t. 1, 2e éd. 1965, p. 60. Chaunu (Pierre): L'Espagne de Charles Quint, Paris, 1973, p. 131 où cet auteur reprend ses conclusions de: Seville et V Atlantique, Paris, 1959, t. VIII, p. 247-248: Bennassar (Bartolomé): Valladolid au siècle d'or. Une ville et sa campagne au X VIe s. Paris-La Haye, 1967, 634 p., ici p. 174.

260 FRANCIS BRUMONT

«merindades» de Villadiego et Castrojeriz (en partie). La province de Palencia continue à croître ainsi qu'une bonne partie de celle de Valladolid.

Les résultats sont encore plus probants si nous appliquons aux chiffres des «Contadurias» que nous avons été obligés d'utiliser parfois x les correctifs que nous avons proposés plus haut (1561: — 4%; 1586: +4%):

TABLEAU II Evolution de la population (1561-86)

(Données corrigées)

Terre de Medina Terre de Tordesillas Partido d'Olmedo

Merindad de Saldafia Alfoz de Carriôn-Nord Merindad de Monzôn Merindad de Cerrato

Villadiego-Nord le reste inchangé

0/ /o

+ 22 — 5 + 24

+ 16 + 22 + U + 19

+ 14

Terre de Valladolid Valle de Trigueros Total province

Merindad de Carriôn Alfoz Carriôn-Sud Partido de Gampos Total province

Villadiego-Sud Province de Burgos

+ 17 — 4 + 13

+ 17 2

+ 16 + 16

+ 5 + 1,5

Ainsi les régions de l'est stagnent ou baissent, alors que celles de l'ouest à de rares exceptions près connaissent un essor certain, bien que modéré: cette hausse est étalée en 25 ans. Notons qu'Alvaro Castillo a de cette évolution une vue très différente de la nôtre puisque pour lui, c'est la province de Burgos qui augmente le plus entre 1541 et 1591 (+ 50%); par contre, celles de Palencia et Valladolid (+ 30% et + 25% respectivement) ont une évolution plus conforme à nos vues 2. Rappelons que, de plus, nous n'incluons pas dans nos calculs la ville de Burgos, contrairement à cet auteur, ville dont on connaît le déclin, au moins à partir de 1565. Il se pourrait aussi que les parties de cette province — très vaste — que nous n'incluons pas dans notre étude aient une évolution différente de celles dont nous nous occupons ici; mais nous ne le croyons pas, nous avons les chiffres pour trois autres «merindades» de cette province: la Bureba, déjà citée, hausse de 1,88%, la Rioja passe de 4.602 v°s en 1561 à 4.467 v's en

Ce sont les «merindades» du tableau I pour lesquelles nous n'avons pas ou très peu d'enquêtes des «Expedientes de Hacienda». Castillo Pintado (A): art. cit.

EVOLUTION POPULATION RURALE, REGNE PHILIPPE II 261

1586 ( — 3%) et la «merindad» de Logrono baisse de 0,75% (3.781 v°s contre 3.753) 1, Ainsi il semble qu'il faille incriminer le recensement de 1541, ou du moins l'estimation qu'en donne A. Castillo, sous-évaluée en ce qui concerne cette province, au moins.

Evolution de la population

Fig. 3.

La Bureba d'après Brumont (F.): La Bureba..., p. 16 (où apparaît un chiffre légèrement différent car ce ne sont pas exactement les mêmes villages), Logrono, d'après A. G. S. Expedientes de Hacienda, legajo 116, et la Rioja d'après les «Con- tadurias Générales»: même en appliquant les correctifs à cette province nous obtenons un chiffre (+ 5%) qui ne modifie pas nos conclusions.

262 FRANCIS BRUMONT

Felipe Ruiz Martin 1, quant à lui, étudie l'évolution entre le recensement dit «de 1530» (effectué entre 1528 et 1534) et celui de 1591; l'évolution que ses tableaux proposent sont plus conformes à nos calculs: Burgos: + 10%, Valladolid: +17%, Palencia, + 23%. Ainsi, l'évolution entre 1530 et 1591 pourrait dans ces provinces s'être produite de la façon suivante:

oo oooo oooo ooooo

o

Evolution de la population

(1586-1597)

Fis. 4.

1 Ruiz Martin (Felipe): «La poblaciôn espanola al comienzo de los tiempos modernos». Cuadernos de Historia, I, 1967, p 189-202 + 2 tableaux H-T.

ÉVOLUTION POPULATION RURALE, REGNE PHILIPPE II

TABLEAU III

Evolution de la population (1530-1591)

263

PROVINCES

Burgos Palencia Valladolid

1530-61

0/ /o

+ 10,5 + 16,0 + 10,0

1561-86

0/ /O

+ 1,5 + 16,0 + 13,0

1586-91

0/ /o

— 3,5 — 9,0 — 7,0

Remarquons que si ces chiffres sont mathématiquement faux (puisque nous additionnons des pourcentages qui se cumulent), ils nous paraissent historiquement justes, à condition de s'en tenir aux ordres de grandeur qu'ils donnent. Il faut ajouter à cette critique le fait que les circonscriptions de Felipe Ruiz, qui recouvrent les provinces dans leur ensemble sont plus étendues que les nôtres et, que, de plus, il inclue les villes dans ses calculs. Malgré cela, quels enseignements tirer de ces chiffres? La population de nos régions augmente sous le règne de Charles-Quint, mais assez faiblement (Pierre Vilar parle de «montée modeste de la population» *) et semble continuer au même rythme, dans les provinces occidentales, jusqu'en 1586. Il semble que, dès cette date, ces régions aient atteint leur maximum puis- qu'entre 1586 et 1591 la population baisse dans la quasi-totalité des secteurs. Même si les chiffes de 1591 sont sous-évalués légèrement, un plafond a été atteint, et le reflux a certainement commencé. Les «merindades» dont la population augmente entre 1586 et 1591 sont, soit des régions isolées, évoluant en quelque sorte de façon autonome (Villadiego, Castrojeriz- Nord), soit des régions qui avaient baissé avant 1586 (Tordesillas), soit les deux à la fois (Trigueros).

Faut-il faire coïncider, avec Felipe Ruiz Martin, la date du début de la baisse, avec «celle de la faillite de notre agriculture» pour [lui] dès la fin de la décade des 70, exactement de la très mauvaise récolte de 1578»? Seule une étude de nombreux registres paroissiaux peut apporter une réponse.

Entre 1591 et 1597, le sens de l'évolution ne fait pas de doute: c'est la baisse générale à laquelle seuls de très rares secteurs font exception; cette baisse est de l'ordre de 10 à 12%, mais peut atteindre localement 20%, voire 30% dans les régions déshéritées du nord de la province de Burgos. La peste de 1599-1600 frappe donc une population déjà diminuée, déjà affaiblie, et n'en frappe que plus fort.

Vilar (Pierre): «Quelques problèmes de démographie historique en Catalogne et en Espagne», Annales de Démographie Historique 1965, p. 11-30; ici p. 14.

264 FRANCIS BRUMONT

Quelques réflexions au sujet de cette évolution

Glissement vers le Sud!

Que le maximum de population soit atteint plus tôt dans le nord-est de notre région qu'au sud et à l'ouest — les chiffres de Felipe Ruiz, et ceux fournis pour la Bureba, la Rioja et Logrono nous confirment amplement ce fait — pourrait sembler indiquer que la population glisse vers le sud, mais il s'agit ici d'être très prudents: notre échantillon est-il assez étendu et

odQOO o o o

o o o o o o o o o

o o o o o o o a o

o o o o*OOO

o o o oom OO O O O OO(J)OO o o o o ojuOOO

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Evolution de la population

(1561-1597)

Fig. 5.

ÉVOLUTION POPULATION RURALE, RÈGNE PHILIPPE II 265

diversifié? les causes particulières de la décadence de la province de Burgos (déclin de la Ville, peste de 1565-66) ne l'emportent-elles pas sur les causes générales? Comment avoir une preuve de ces migrations internes? x

Evolution de la population des vallées.

La recherche des causes de l'évolution de la population, en l'absence de toute donnée d'ordre économique, passe par l'étude géographique différentielle; or, quelle différence plus nette, dans nos régions, que celle qui existe entre vallées et «pâramos»? Aussi avons-nous étudié l'évolution de la population dans les vallées de la province de Burgos, qui est celle où cette différence est la plus marquée.

TABLEAU IV Evolution de la population des vallées

VALLÉES

Ubierna Urbel Hormazue-

las Odra Pisuerga Arlanzôn

8 villages 11 villages

13 villages 9 villages

25 villages 19 villages

1561

274 460

403 1092 1722 823

1586

442

468 932

1670 701

1591

278 502

431 985

1674 585

1597

287 470

400 963

1611 567

1561/86

+ — 4,0

+ 14,0 — 15,0 — 3,0 — 15,0

1586/91

1,5 + 13,5

— 8,0 + 6,0

= — 17,0

1591/97 %

+ 3,5 — 6,0

— 7,0 — 2,0 — 4,0 — 4,0

1561/97

+ 4,5 + 2,0

— 0,7 — 12,5 — 6,0 — 31,0

Quelles conclusions tirer de ces chiffres assez disparates? Si nous comparons le bilan des 3 vallées situées le plus à l'Est (Ubierna, Hormazuelas, Urbel) avec celui des secteurs dont elles font partie: Burgos-Nord: — 32%, Burgos- Centre: — 22%, Castrojeriz-Nord: — 4%, il apparaît nettement positif: ces vallées maintiennent leur population tout au long du règne, malgré quelques fluctuations.

Les vallées du Pisuerga et de F Odra ont une évolution grossièrement parallèle; si la seconde baisse beaucoup entre 1561 et 1586 (la peste a sévi à Villasandino en 1566, et ce n'est sans doute pas un cas isolé), elles se reprennent ensuite; leur bilan sur le demi-siècle est plus favorable que celui du reste de la région.

1 L'anthroponymie pourrait peut-être fournir une réponse; le nom des habitants de nos régions au XVIe s. peut présenter deux formes; soit un nom castillan classique (Juan Gômez), soit un prénom suivi d'un nom de village, par exemple, Juan de Carriôn, ou Pedro de Busto... L'étude cartographique d'un grand nombre de ces noms nous donnerait sans doute quelque résultat. Mais ce travail très long, fastidieux (et en fin de compte peut-être improductif) appelle un travail en équipe.

18. — Mélanges.

266 FRANCIS BRUMONT

Cela pourrait provenir — et être le signe — d'une plus grande activité de l'axe Valladolid-Palencia-Santander (dont ces régions bénéficient dans une certaine mesure) au détriment de la voie Valladolid-Burgos-Santander dont le déclin est attesté et que confirme magistralement la baisse continue de la vallée de l'Arlanzôn.

L'exode rural.

La baisse de la population rurale que nous constatons dans les années difficiles peut-elle s'expliquer par un reflux des habitants des villages vers les villes? Parmi celles-ci quelles sont celles qui en sont les bénificiaires?

Nous avons étudié, d'une part les «petites villes» (celles dont la population est comprise entre 400 et 1.000 vecinos) et, d'autre part, les 4 cités les plus importantes de notre région.

Les petites villes pour lesquelles nous avons conservé le chiffre de population pour au moins les années 1561, 1586, 1597 (nous savons qu'il faut se méfier du chiffre de 1591 pour ces petites villes) sont au nombre de 13: cinq dans la province de Valladolid (La Nava del Rey, Tordesillas, Villalar, Olmedo, Tudela de Duero), six dans celle de Palencia (Cisneros, Carriôn, Becerril, Fuentes de Don Bermudo, Frechilla, Torquemada) et deux seulement, situées dans la même «merindad» de Can de Muno pour la province de Burgos: Santa Maria del Campo et Covarrubias. Leur population passe de 7.749 v°s en 1561 à 8.615 en 1586 (+ 11,2%) et baisse ensuite de 13% jusqu'en 1597, l'évolution entre les dates extrêmes étant de — 3,2%.

La population de ces villes augmente légèrement moins que celle des campagnes environnantes, si l'on tient compte du fait que ces villes sont presque toutes situées dans la partie ouest de notre région, mais elle résiste mieux entre 1586 et 1597, puisqu'entre ces deux dates l'évolution du plat pays est la suivante: Burgos: — 11%, Valladolid: — 19% et Palencia:

Cette meilleure résistance, dans les dernières années de siècle peut s'expliquer par un certain exode des campagnards vers ces villes toujours proches et qui leur sont familières.

Se dirigent-ils également vers les villes les plus importantes? Examinons tout d'abord les chiffres:

TABLEAU V Evolution de la population des villes

Medina Valladolid Palencia Burgos

1561

3.160 6.644 1.733 4.347

1586

2.582 6.941 2.865 2.214

1591

2.665

1597

1.898

3.060 2.347

ÉVOLUTION POPULATION RURALE, RÈGNE PHILIPPE II 267

A notre avis, on ne peut pas tirer grand chose de ce chiffres: la forte baisse de la population de Burgos et de Medina n'a que peu de rapports avec la conjoncture agricole, la faible hausse de Valladolid cache en réalité une baisse suivie d'une reprise (à partir de 1578 x). Seule l'expansion rapide de Palencia est à mettre en rapport avec celle de la tierra de Campos dont cette ville est le principal marché. L'exode rural a peut-être contribué au maintien de sa population dans les années difficiles ainsi qu'à la relative reprise de Burgos.

En un mot, nous ne pouvons pas dire que l'exode rural soit, dans notre région, un phénomène spectaculaire et, partant, bien visible.

Conclusion: population et agriculture

Prospérité agricole et expansion économique vont de pair; c'est ainsi que dans l'ouest de notre région, se développent les plantes industrielles (le sumac, par exemple 2 ou la vigne dont le produit est destiné à la vente hors-région (vignobles de Medina, Valladolid, Campos). Si nous reprenons l'exemple des vallées étudiées plus haut, nous constatons que ce sont les villages situés le plus au sud — là où ces vallées sont le plus large— qui maintiennent ou augmentent leur population: l'agriculture se maintient bien là où les conditions lui sont favorables.

Les surplus arrachés aux producteurs directs peuvent alors soutenir une politique de prestige et faire vivre un nombre important d'improductifs (négociants, lettrés, rentiers, militaires, religieux...); si ces surplus d

iminuent, soit par une baisse — relative ou absolue — du nombre des producteurs, soit par une baisse prolongée de la productivité — de la production — , soit par la combinaison de ces deux facteurs, l'édifice craque, malgré le «tour de vis» fiscal, malgré l'arrivée plus massive que jamais des métaux précieux, qui ont pu faire illusion, alors que les fondements de l'empire étaient déjà sapés.

Bennassar (B.): Valladolid..., p. 168. Les registres du notaire Luis de Verdefiosa, de Simancas, contiennent vers 1550- 1560 de nombreux contrats de plantation ou d'affermage de champs de sumac (d'où on extrayait le tanin) Archivo Histôrico Provincial de Valladolid, section «Protôcolos», legajo 218, livre 4, folio 96, livre 5, folio 8, etc..

ANNEX

E: TA

BLEAU R

ECAPITU

LATIF

MERINDADES

Medina

Tordesillas Olm

edo Valladolid Trigueros Totaux province .

Saldafta Carriôn, m

erindad Carriôn, alfoz-nord Carriôn, alfoz-sud M

onzôn Cam

pos Cerrato Totaux province Villadiego-nord Villadiego-sud Castrojeriz-nord Castroj eriz-centre Castro] eriz-sud Juarros Can de M

uno Burgos-nord Burgos-centre Burgos-sud Lara Totaux province .

A

700,52 352,85 583,00 757,20 135,28

2.528,85

650,97 448,54 333,44 170,47 578,00

1.059,84 1.763,06 5.004,32

470,12 433,57 291,76 579,73 557,01 315.64 816,58 271,10 394,28 302,25 124,60

4.556,64

B

2.750 2.292 2.419 3.728

435 11.624

1.796 2.791 1.923

846 3.326 7.311 6.045

24.038 957

1.701 1.991 3.352 2.642 1.030 3.415

648 1.393 1.188

353 17.670

c

15,7 26,0 16,6 19,7 12,9 18,4

11,0 24,9 23,1 19,8 23,0 27,6 13,7 19,2 8,1

15,7 13,6 23,1 19,0 13,0 16,7 9,6

14,1 15,7 11,3 15,5

D

2.750 2.156 1.866 1.971

403 7.175

1.116 1.932 1.894

686 1.766 4.020 3.016

14.330 829

1.295 830

2.062 1.204

903 3.156

582 1.255

952 272

10.511 13.310

E

3.222 1.968 2.238

389 7.817 4.595

1.248 2.163 2.136

618 1.814 4.493 3.309

15.781 903

1.306 877

2.119 1.182

873 3.046

273 10.579

F

2.049 1.883 2.207

426

6.565 4.358

1.176,5 2.052 1.656

557 1.873 4.423 3.109,5

14.847 1.002 1.386

916 1.963 1.012

799,5 2.925

523 1.145

869 204

10.208 12.745

G

2.533 1.831 1.647 2.103

309 6.320 5.890

1.015 1.704 1.443

436 1.487 3.883 2.962

12.930 654

1.156 793

2.116 1.026

655 2.757

393 978 768 256

9.423 11.552

H

+ 17%

9%

+ 20 %

i

i +

4%

— 16 %

+ 12%

4%

+

9%

+ 12%

+ 12%

+ 13%

io %

+

3%

+ 12%

+ 10%

+ 9%

+

9%

+ 1%

+

6%

+

3%

1%

Q O/ —

3%

=

+

0,4

+ 9%

5%

6%

5%

— 22%

10%

+ 3%

2%

6%

6%

+ 11%

+ 6%

+ 4%

7%

16%

8%

4%

10%

9%

9%

— 25%

— 4%

4%

j

21% 11°/ 19 o/ LéJ /O

5%

— 27 %

— 10%

— 14%

17 0/ x ' /o

— 13%

22 %

— 21 %

12%

5%

— 13%

OO /o

— 16%

1 Q o/ lo /o

+

8%

+ 1%

18%

6%

— 25 %

15%

— 12%

+ 25%

8%

— 10%

K

8%

— 15%

13%

+ 7%

9Q O/ ^° /o 19 o/

v /o —

12 %

— 24%

36%

— 16%

Q O/ •J /o

— 2%

10%

— 21 %

11%

4%

+ 3%

— 16%

27%

— 13%

32%

— 22%

19%

6%

— 11%

13%

L

3.045 2.520 2.393 3.033 1.932

1.457 1.922 1.587 1.630 1.878 3.091 3.621

887 1.178 1.215 2.074 2.228 1.315 1.737 1.355

926 1.079

890

M

119 176 100 162 72

37 121 92 77

111 215 131

18 45 41

120 110 45 72 34 33 42 25

Légende: A: superficie (km2); B: population 1561 (vecinos); C: densité en 1561 (1 vecino = 4 hab.); D, E, F, G: population en 1561, 1586, 1591,

1597 (vecinos). H, I, J, K: évolution de la population entre 1561 et 1586 (H

), 1586-91 (I), 1591-97 (J), 1561-97 (K).

L: superficie moyenne des villages (hectares).

M: population m

oyenne des villages (vecinos). Note au sujet des cartes:

Ces cartes qui ne sont qu'une première approche, ont été établies dans le but de tester la validité de nos chiffres. Précisons qu'elles ont

été établies (pour celles concernant l'évolution de la population) d'après les données corrigées (cf. tableau II). Dans l'ensem

ble, nous pouvons dire qu'elles se tirent bien de cette épreuve (ce qui constitue une certaine preuve du bien-fondé de nos corrections);

nous pouvons en effet constater sur chacune de ces cartes des convergences de secteurs géographiques voisins. C'est par exemple

le cas des secteurs de Castrojeriz-Nord et Villadiego-Sud, Campos et Cerrato, Olm

edo et Medina, des trois secteurs de Burgos.

Cependant, nous ne cachons pas qu'un découpage plus fin ou autre des secteurs aurait peut-être pu donner une autre physionomie à nos

cartes, peut-être contradictoire de celle que nous proposons ou plus sûrement com

plémentaire.