les familles moyennes à dakar : une forme d’adaptation au contexte en mutation

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Les familles moyennes à Dakar : une forme d’adaptation au contexte en mutation 1. Introduction La famille, lieu par excellence de reproduction socio- économique et de socialisation des individus aux traditions, aux mœurs et aux valeurs de leurs sociétés n’a cessé de se transformer et d’évoluer partout dans le monde. Mais la convergence vers la famille nucléaire comme l’unique type des sociétés modernes, prédite par Émile Durkheim et bien après par Talcott Parsons, est contredite par les nouveaux comportements familiaux et matrimoniaux observés en particulier, en Afrique. La diversité des évolutions observées (Pilon, 1997) 1 est la preuve que la famille nucléaire est loin d’être l’unique modèle des sociétés contemporaines. En effet, les modes de composition et de recomposition des familles qui révèlent la dynamique des structures familiales est un aspect par lequel ces mutations familiales sont observées. La crise économique endémique aurait-t-elle participé à ces mutations des structures familiales ? Cette préoccupation qui consiste précisément à vérifier les effets des chocs économiques sur les structures familiales a été à la base de l’Enquête sue la Pauvreté et les Structures Familiales 2 réalisée pour la première fois au Sénégal en 2006-2008. Dès lors, faudrait-il lire les changements familiaux constatés à Dakar comme la capacité des familles à s’adapter au nouveau contexte. Le rapport de cette enquête qui constate l’invalidité de l’hypothèse de la nucléarisation des familles, même en ville, conclut à la prédominance de la famille étendue au plan national et interprète son maintien comme une stratégie de solidarité face à la crise économique. Cette conclusion est d’ailleurs la même dans la plupart des analyses faites des données relatives aux structures familiales dans d’autres villes africaines. Or ce que montrent les données à propos de Dakar comme d’autres villes que nous citerons plus tard pour 1 Pilon, M., & al, Ménages et familles en Afrique. Approche des dynamiques contemporaines, Les Études du CEPED, 1997, n° 15 2 Enquête réalisé par l’ANSD, Sénégal. 1

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Les familles moyennes à Dakar : une forme d’adaptationau contexte en mutation

1. Introduction La famille, lieu par excellence de reproduction socio-économique et de socialisation des individus aux traditions,aux mœurs et aux valeurs de leurs sociétés n’a cessé de setransformer et d’évoluer partout dans le monde. Mais laconvergence vers la famille nucléaire comme l’unique type dessociétés modernes, prédite par Émile Durkheim et bien après parTalcott Parsons, est contredite par les nouveaux comportementsfamiliaux et matrimoniaux observés en particulier, en Afrique.La diversité des évolutions observées (Pilon, 1997)1 est lapreuve que la famille nucléaire est loin d’être l’unique modèledes sociétés contemporaines. En effet, les modes de compositionet de recomposition des familles qui révèlent la dynamique desstructures familiales est un aspect par lequel ces mutationsfamiliales sont observées.

La crise économique endémique aurait-t-elle participé à cesmutations des structures familiales ? Cette préoccupation quiconsiste précisément à vérifier les effets des chocséconomiques sur les structures familiales a été à la base del’Enquête sue la Pauvreté et les Structures Familiales2

réalisée pour la première fois au Sénégal en 2006-2008. Dèslors, faudrait-il lire les changements familiaux constatés àDakar comme la capacité des familles à s’adapter au nouveaucontexte. Le rapport de cette enquête qui constate l’invaliditéde l’hypothèse de la nucléarisation des familles, même enville, conclut à la prédominance de la famille étendue au plannational et interprète son maintien comme une stratégie desolidarité face à la crise économique. Cette conclusion estd’ailleurs la même dans la plupart des analyses faites desdonnées relatives aux structures familiales dans d’autresvilles africaines. Or ce que montrent les données à propos deDakar comme d’autres villes que nous citerons plus tard pour

1 Pilon, M., & al, Ménages et familles en Afrique. Approche des dynamiques contemporaines, Les Études du CEPED, 1997, n° 152 Enquête réalisé par l’ANSD, Sénégal.

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les besoins de la comparaison, ce n’est pas le maintien de lafamille étendue, mais une prédominance des ménages nucléaireset des ménages à deux noyaux qui sont des familles de taillemoyenne et à structure beaucoup moins complexe que la familletraditionnelle. Ce cas des ménages à deux noyaux mérite quel’on s’y attarde. Ce qui justifie l’examen des donnéesl’Enquête sur la Pauvreté et les Structures Familiales, maisaussi d’autres enquêtes qui l’ont précédée afin de se faire uneidée plus claire.

Le contexte est marqué à la fois par l’urbanisation et la criseéconomique et, qui situe la composition et la recomposition desfamilles dans une réelle tension entre l’individualisation etla solidarité. Analyser la tendance des ménages à Dakar àadopter soit la forme nucléaire soit la forme bi-nucléaire àtravers ce paradoxe permet de comprendre dans quelle mesure lescomportements normatifs sont articulés à des stratégiesd’autonomisation des sous-groupes et des individus. Ce qui faitqu’en dépit de l’accroissement des ménages nucléaires dansDakar, des résistances à l’éclatement de la famille sontnotoires. Étant donné que la thèse de la convergence vers lafamille nucléaire est sérieusement ébranlée, l’on ne doit pass’attendre, a fortiori dans nos pays touchés par une criseendémique, à la nucléarisation comme un évènement majeurdécoulant de la modernisation, — un schéma somme touteclassique. Ce qui ne veut nullement dire que les familles nechangent pas ou ne changent que lentement. Elles se muent ens’adaptant au contexte particulièrement marqué par lesdifficultés économiques. En partant des données statistiques,nous cherchons à démontrer parmi la diversité des formesfamiliales qu’elle est ou quelles sont celle (s) qui sedonne(nt) comme une stratégie d’adaptation à un environnementen mutation.

Notre analyse est fondée essentiellement sur les données deL’EPSF (Enquêtes sur la Pauvreté et les Structures Familiales)de 2007-20083 concernant spécifiquement Dakar urbain. La miseen parallèle entre l’évolution des structures familiales etl’environnement économique est un objectif clair dans l’EPSFqui est la plus récente. Les données fournies par cette enquêtesont nombreuses, multidimensionnelles et nationales. En ce qui3 Ces données ont été mises à jour en 2012

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concerne cette contribution, nous avons fait le choix detravailler uniquement sur les données de Dakar urbain quiprésentent les évolutions les plus manifestes en termes decomposition familiale. La comparaison des données de l’EPSFavec celles issues de l’ESAM1 (Enquête auprès des Ménages) de1994-1995 et de l’ESAM 2 de 2004-2005 et avec quelques donnéesissues d’autres villes africaines sera la démarche sur laquelleva se fonder l’analyse de l’évolution de la structure familialedakaroise.

Nous ferons quelques précisions sémantiques, de nature à guiderl’argumentaire, mais aussi avouer humblement l’insuffisancesémantique qui explique la difficulté que nous avons à nommerla forme familiale qui nous intéresse le plus ici, parce qu’ilreprésente un phénomène décalé des typologies précédentes. Ilsera question ensuite de faire un bref survol historique de lafamille sénégalaise pour mieux comprendre le sens desstructures familiales élargies, de décrire les évolutions queprésentent les données, avant d’en venir au pouvoirtransformateur du milieu urbain sur les famillestraditionnelles, au sens que l’on peut réserver aux famillesnucléaires et aux « familles moyennes » dans la mise enrelation entre les structures familiales et les changementssocioéconomiques et culturels.

2. Considérations sémantiques

Dans les enquêtes citées en référence, le ménage qui est définicomme étant « un groupe de personnes, apparentées ou non, quivivent ensemble sous le même toit et mettent en commun tout oupartie de leurs ressources pour subvenir à leurs besoinsessentiels,»4 est l’unité opératoire à partir de laquelle lescomportements familiaux sont observés. Chaque ménage estconstitué d’un ou de plusieurs noyaux conjugaux comprenantleurs progénitures et leurs dépendants. L’approche centrée surle ménage et ses noyaux en tant qu’unité domestique permet desaisir les manières de faire famille par des mécanismesd’agrégation et de désagrégation selon les circonstances, dansle temps et dans l’espace. Le terme groupe domestique sera4 EPSF, ANSD, 2008, p 5

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employé ici comme un synonyme du ménage, quant au noyau, ilcorrespond à l’unité la plus simple composé d’un couple ou d’unseul adulte avec enfants et ses dépendants. Le groupedomestique peut comprendre en son sein un seul ou plusieursnoyaux, dans le premier cas il est un ménage nucléaire, dans lesecond un ménage polynucléaire. Le fait de considérer toutesles formes polynucléaires comme des familles étendues àorganisation traditionnelle résulte d’une généralisation quiconfond dans une même catégorie, des variantes que l’on peutbien distinguer.

Le ménage qui retient notre attention à l’examen des donnéesest celui composé de deux noyaux. La composition des ménagesqui affiche une fréquente cohabitation des chefs de ménagesavec leurs fils chefs de noyaux, représentant 41,1% des foyersdomestiques sont des éléments qui portent à croire que cesménages sont dans une large mesure des unités résidentielles oùvivent un (e) ascendant(e) et un (e) descendant(e) étantchacun(e), chef d’un noyau. Ce type de ménage qui n’est pasmononucléaire, et est, par ailleurs, très différent du groupedomestique étendu. Par contre, la faible cohabitation des chefsde ménages avec leurs collatéraux seulement, 4,3%, montre unenette baisse de type d’agrégation familiale inspirée desprincipes et du mode d’organisation typiquement traditionnels.

En effet, cette famille, par son caractère résidentiels’apparente à la famille-souche imparfaite dont parle MATTEUDI.E (1997) dans son étude sur les zones touristiques des Alpes enFrance. Elle serait proche de la famille souche si l’on neconsidère que son caractère résidentiel. Cependant, latransmission du patrimoine familial à un seul des fils, unepratique inconnue au Sénégal les distingue nettement. Ce risquede confusion sémantique justifie notre réserve et notreprudence quant à l’usage de ce terme. À défaut de trouver unterme meilleur pour désigner le type de famille que représentele ménage à deux noyaux, nous retenons l’expression « famille-moyenne », un terme assez approximatif, mais relativementcirconscrit pour dire le phénomène en question.

3. Un détour par le passé pour comprendre la famille sénégalaise

Dans la sous-région de l’Afrique subsaharienne de l’ouest quiconstitue un espace géographique, culturel et économique plus

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ou moins unifié, la famille est restée pendant longtempsassociée à la dépendance de noyaux familiaux et d’individus.Cet aspect de l’organisation familiale africaine estparticulièrement visible dans le ménage, un groupe domestiqueétendu où vivent en commun des personnes unies par les liens desang et d’alliance ayant à sa tête une autorité à la foismorale et instrumental que l’on désigne par le terme usuel dechef de ménage. La hiérarchie qui est une caractéristiquefondamentale de cette famille à structure complexe pouvaits’illustrer à travers la soumission des cadets aux aînés, desfemmes aux hommes, la polygamie, une forte fécondité et lasolidarité, (Diop. A.B, 1982), (Pilon, 1996). Dans l’imaginairecollectif, les morts vivants sont partie intégrante de ce décorfamilial, (Ocholla-Ayayo, 1999). Ce mode d’organisationfamiliale majoritaire en milieu rural était également trèscourant dans les quartiers du centre et de la périphérie deDakar. À l’instar de la famille traditionnelle africaine, lafamille étendue qu’on trouve au Sénégal est une institutionsociale restée relativement stable pendant la période colonialeet longtemps après l’avènement de l’État sénégalais souverain.Ce modèle survit tant bien que mal en dépit du temps et malgréles changements politiques, économiques et sociaux qui l’onttraversé.

La famille étendue qui était un groupe de production dans lasociété traditionnelle, (Barthez, 1982)5, (Diop. A.B, 1982) etqui le demeure encore dans beaucoup de contrées rurales, voiredans des zones urbaines périphériques était le socle social deséconomies de subsistance et de rente. Elle était aussi un havrede paix, un lieu de reconnaissance sociale, de solidarité et derefuge pour ses membres. L’introduction des cultures de rente,de l’industriel, de l’école et du travail salarié avaientconsacré l’avènement d’une économie monétaire véritable. Cesprocès exogènes de modernisation ne sont pas sans effets surles clans et les lignées familiales qui avaient commencé à sedésagréger depuis cette période dans les campagnes et dans lesvilles africaines, Diop, A.B, (1982). Cependant, ARYEE.A.F,(1999 : p 109) disait à propos de ces changements résultant dela colonisation, que : «l’avalanche de changements n’a qu’à peine5Alice Barthez, Famille, travail et agriculture, Economica, 1982, Ellemontre en quoi l’organisation familiale correspond en milieu rural à uneorganisation productive qui donne lieu à l’exploitation familiale agricoleayant une fonction économique principale.

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ébréché la rigidité ou la sacralité qui maintiennent ces institutions traditionnelles »6

que sont la famille et les pratiques matrimoniales. Il fautdire donc, qu’à l’opposé de la famille européenne qui s’estmuée en une famille nucléaire sous les effets combinés del’économie capitaliste, de l’idéologie de la liberté et del’individualisme, des politiques matrimoniales et des lois, lafamille traditionnelle africaine s’est raffermie pendant lapériode coloniale, même si les grandes concessions lignagèresse sont désagrégées. En réalité le pouvoir colonial français ya joué un rôle déterminant. Dès le début du XIXème siècle,l’État français a commencé à jouer un rôle primordial dansl’affaiblissement des systèmes patrimoniaux avec la garantiedes libertés et de la sécurité des individus. Depuis lapromulgation par Napoléon Bonaparte du Code Civil de 1804,visant la création d’un statut de la personne, la suppressiondu droit patrimonial et la création pour la première fois, desdroits des enfants à la protection et à l’héritage, la famillede cette époque qui était une famille patriarcale n’a cessé dese transformer. Cette intervention de l’État dans l’espacefamilial a ainsi contribué à former la famille nucléaire quiest une famille biologique, relationnelle et affective.L’immixtion de l’État français dans la famille s’inscrivaitdans la promotion de valeurs en phase avec la philosophie desLumières.

Par contre, du côté des colonies, la visée qui était toutautre, consistait principalement à exploiter les ressourceséconomiques, à décimer les jeunes monarchies, à endiguer lesidéologies et cultures indigènes et l’islam, en particulier, enAfrique de l’Ouest où les caravanes arabes et les missionsd’islamisation ont précédé les missionnaires français etanglais de plusieurs siècles. La violence et la politique de lamain forte qui caractérisait l’administration directe employéepar la France pour s’implanter, mais aussi, la volontémanifeste de ce régime de servir les intérêts français avaientdonné aux populations indigènes de bonnes raisons de renforcerles liens familiaux et le groupe familial qui était unemuraille pour ses membres. Dans ce contexte, la finalité des

6 ARYEE.A.F L., L’évolution des modèles matrimoniaux. In Adépoju, A. (dir). La famille africaine. Politique démographiques et de développement. Karthala, 1999, p 109

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États coloniaux n’était pas d’intervenir dans la famille et lesrelations matrimoniales, comme ce fût le cas en France.

Ainsi, au Sénégal comme dans la plupart des pays africains, lerenversement des ordres socio-politiques autochtones a entrainéla suppression de la vocation politique des lignées familialestout en leur laissant leur fonction sociale et économique. Danscette situation confuse et menaçante, la famille étendue estrestée un rempart fort à l’insécurité sociale et économique.Pour l’Afrique subsaharienne, cette famille traditionnelle estun modèle générique unifiant un vaste ensemble géographiquemalgré les diversités socio-culturelles. L’éclatement d’unlignage et la migration qui s’ensuivait, se justifiaientsouvent par la recherche de terres économiquement prometteuseset d’un capital social constitué des consanguins et des alliésen vue d’assurer une plus grande sécurité au groupe domestique.Aussi, cette famille africaine qui est un groupe domestiqueayant la double fonction de production et de reproductionbiologique et sociale a perduré. Le besoin des communautés dese protéger face aux agressions économiques, culturelles etsymboliques venant d’une administration exogène, qu’elle soit« blanche » ou « noire » les avait amenés à pérenniser leslignées et à réinventer constamment la proximité et lasolidarité entre leurs membres. L’imaginaire d’une certaineinvulnérabilité des communautés endogènes et de leurautoconservation par des rituels et des croyances nous sontsouvent rapportés dans des récits et des anecdotes ayant renducélèbres certaines localités7. Par la conservation de sa7 Les récits qui illustrent l’imaginaire de l’invulnérabilité à travers despratiques mystiques dont le but est d’empêcher les visites indésirables etinopinées de l’administration coloniale sont infinis. Plein d’anecdotessont racontées à propos de villages réputés pour cette forme de croyance.Évoquant ses souvenirs d’enfance lors d’une discussion amicale avec nousdans un village nommé « Santioub Sine », un vieillard décrivait allègrementl’efficacité du pouvoir mystique des patriarches qui avaient la tâche deveiller sur les différentes directions qui mènent dans leur village. Selonlui, l’objectif était d’empêcher la venue d’un représentant « blanc » del’administration française, qui, se réjouit-il, n’y a jamais mis les pieds.Il est clair que l’État colonial ne pouvait pas administrer le territoiresénégalais village par village, sa présence était justifiée par les enjeuxdu moment. Notre intention n’est ni de chercher à vérifier ces croyances nide les éprouver ou les démentir, mais simplement de montrer leur existenceet le rôle qu’elles ont joué dans la survie des clans qui donnaient à ses

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fonction économique et de l’acuité des valeurs et des normessociales ancestrales, la famille traditionnelle est restée,pendant longtemps, un lieu de refuge et de sécurité économiqueet sociale pour ses membres. Une responsabilité que les Étatsafricains ont beaucoup de mal à assumer de nos jours. La criseéconomique qui perdure depuis les années 1970 a contribuélargement à bousculer cette intégrité de la famille africainedont la structure s’est notablement transformée.

4. La variation de la structure des familles sénégalaises de1994 à 2006 

Dans la table ci-dessous figurent les statistiques les plusrécentes relatives à la structure des familles sénégalaises. Laconnaissance du nombre de noyaux permettant de saisirl’organisation familiale. Elle montre nettement trois tendancesrévélant à chaque fois un phénomène important. D’abord laréduction drastique des ménages regroupant plus de quatre chefsde noyaux dans une grande concession avec seulement 5,3% àDakar, 4,8% dans les autres villes 7,8% au niveau national et10,3% en milieu rural dénotant le recul de la famille étendued’un certain type, pas seulement à Dakar, mais dans tout lepays.

Tableau 1 : Répartition des ménages (en %) selon le nombre denoyaux familiaux par milieu de résidence.8

Nombre denoyauxfamiliaux

Dakar AutresVilles

Rural Total

1 noyau 31,1 19,4 9,9 17,8

2 noyaux 45,3 51,0 41,9 44,6

3 à 4 noyaux 18,4 24,8 37,9 29,7

5 noyaux etplus

5,3 4,8 10,3 7,8

Total 100,0 100,0 100,0 100,0

membres un plus grand sentiment de sécurité.8 Rapport de l’EPSF, 2008, ANSD, Sénégal, p 20. Rapport inédit.

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Effectiftotal

340.302 231.383 613.461 1.185.146

Sources : ESFP, 2008, ANSD, Sénégal

Ensuite un nombre assez important de ménages à un noyau à Dakar avec31,1%, des ménages dakarois qui est un phénomène spécifique à Dakar.Et enfin, les ménages à deux noyaux avoisinant la moitié desménages dans les lieux indiqués avec des taux variant entre41,9% et 51%, ils restent partout le modèle le plus dominant.

La modification de la taille et de la structure des ménagesrenseigne sur l’évolution de la famille. Ce sont également deuxéléments concrets de l’organisation familiale facilitant laclassification des familles et la comparaison entre familletraditionnelle, famille moderne et post-moderne. Les donnéesdans les ESAM9 1 et 2 révèlent une légère baisse de la taillemoyenne des ménages à Dakar allant de 9,2 personnes à 8,2. Ilapparaît en même temps une certaine augmentation des famillesde petite taille avec des taux variant entre 20,4% et 24,1%,respectivement entre 1994, 2004. Dans l’EPSF ces ménages ontatteint un taux de 31,8%, soit un tiers des ménages urbains.Cette hausse des ménages de petite taille est mitigée par laprésence dans les ménages de dépendants apparentés ou non auxchefs de ménages. La dépendance d’individus vis-à-vis desfamilles nucléaires qui les ont accueillis, est favorable àl’augmentation des ménages de taille moyenne. Dans la mêmepériode les ménages ayant 10 personnes et plus ont nettementreculé laissant plus de place aux ménages de taille moyenneestimés à 43,3% des ménages à Dakar dans l’ESFP (2008) contre41,5% et 41,7% et entre 1994, 2004. Cette prédominance desménages de taille moyenne résulte du recul des ménages composésde 10 personnes et plus. D’un côté, l’éclatement fréquent desménages de grande taille et la baisse même légère de l’indicede fécondité et l’accueil de dépendants de l’autre pouvantatteindre 30% de la population du ménage favorise une mobilitédes ménages de Dakar vers des structures de taille moyenne. Enbref les ménages vivant dans Dakar sont recentrées sur lemodèle de regroupement domestique de taille moyenne justifié9 Enquête Sénégalaise Après des Ménages 1, 1994-95 ; et 2004-2005, DPS, Sénégal.

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pour la majorité par la préférence d’une structure moinscomplexe réunissant au maximum deux noyaux nucléaires. Il estfort probable que la majorité de ces ménages correspondent àceux de taille moyenne mais aussi à la structure que l’on peutqualifier de famille-moyenne.

Plusieurs éléments fondent cette analyse qui assimile lamajorité des familles dites moyennes à une famille-conjugaleélargie à un fils ou une fille adulte marié. Premièrement,d’après la répartition de la population des ménages selon lelien de parenté avec le chef de ménage, toutes ces enquêtesrévèlent que les collatéraux de ce dernier vivant avec lui dansle même ménage ne représentent que 4,5%. En outre, parmi lesnoyaux familiaux accueillis au sein des ménages, ceux dirigés parles frères et sœurs du chef de ménage ne représentent que 12% enmilieu urbain. Or, la cohabitation des frères et sœurs, chefs denoyaux avec ou sans la présence de leurs ascendants est unemarque spécifique à l’organisation familiale étendue et surtouttraditionnelle. Il est donc probable que la majorité de cesménages de taille moyenne soient des « familles moyennes » quisont le résultat de nouveaux comportements familiaux.Deuxièmement, la baisse du nombre d’enfants du chef de ménagecohabitant avec lui allant respectivement de 44,3%, à 41,4% età 38,8% dans l’ESAM 1, l’ESAM 2 et l’ESFP. Cette évolution,même si elle est faible, relève de l’éclatement des ménagescomplexes conduisant à la constitution de ménages nucléairesdont le nombre estimé à 31,1%, représentant le tiers desménages à Dakar. En outre, 44% des noyaux accueillis dans lesménages sont ceux des enfants biologiques. La combinaison deces deux faits montre que les enfants ne partent pas tous duménage de leur ascendant, mais n’y restent pas tous non plus.En plus du fait que les noyaux familiaux sont généralement depetite taille avec un taux de 75.6% à Dakar, —un chiffre quin’est pas loin de ceux enregistrés en milieu rural, — ils sontessentiellement composés de membres du « noyau biologique » quireprésente en moyenne 85.7% du noyau considéré, contrairementau ménage dont la part des membres appartenant à la « famillebiologique » est estimée à 70%, parce qu’il accueille plusd’individus dépendants de lui. Au regard de ces éléments, ilest probable que la cohabitation d’un chef de ménage avec un deses fils ou fille soit le modèle dominant actuellement à Dakar.Ces données qui montrent les relations entre personnes adultes

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apparentées au premier et au second degré et les autres typesd’affinité permettent d’apprécier l’évolution de la famille.

On ne saurait prendre ces familles à deux noyaux généralementde taille moyenne pour des familles élargies traditionnelles,mais pour des familles-moyennes pour ne pas dire des familles-souches imparfaites, (Matteudi, 1997), (Bessière, 2006)10 .Cette famille-moyenne est à mi-chemin entre la famille étenduetraditionnelle et la famille nucléaire moderne. De même que lafamille nucléaire, cette famille qui résulte d’unesimplification de la structure familiale complexe est fondéesur les liens biologiques et conjugaux. Elle est une familleafricaine qui accueille des individus dont la durée de séjouren son sein est variable. Aujourd’hui, l’accueil de personnesdépendantes du ménage est une donnée constante de la familleafricaine des villes et en particulier des capitales.

5. L’urbanisation : un dilemme pour les familles étendues

La distribution des modèles familiaux est étroitement liée àune délimitation géographique qui distingue l’urbain, du semi-urbain et du rural différenciés par des modes de production, dereproduction et de rapports sociaux distincts. Dans la zone deDakar urbain les données issues de l’EPSF affichent d’embléeune faible représentativité des ménages étendus. En réalité, cetype de ménage qui suppose la cohabitation de frères et sœursavec des ascendants et des consanguins, tous mariés vivant avecleurs enfants, est une organisation familiale plus fréquente enmilieu rural. Depuis quelques décennies, son nombre n’a cesséde décroître à Dakar. Certains auteurs imputent le déclin de cetype de famille étendue à la diffusion des valeurs occidentalesà travers l’école et les technologies de communication moderne,(Kauraï, 2009), (Ocholla-Oyayo, 1999). Cette interprétationdiffusionniste de la mutation des structures familiales négligel’interdépendance entre la dimension matérielle et la dimensionimmatérielle de l’organisation familiale. Pourtant une étudepionnière prenant appui sur la famille wolof, (Diop, A.B, 1982)

10 Bessière, C., Sybille Gollac Reprendre mais entreprendre. Le paradoxe desentreprises familiales contemporaines, AFS RT12, Sociologie économique, Bordeaux, 2006

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explique la transformation de la famille traditionnelle dans lasociété sénégalaise par des changements économiques concretsqui sont en rapport direct avec la famille. Les analyses dePilon, M et Vikigni, K, (1996) à propos des changements et dela diversification des structures familiales restent dans lamême veine.

L’EPSF confirme le recul de ces ménages de grande taille et àstructure hypercomplexe ayant plus de noyaux. Dans ce type defamille que Diop, A.B, (1982) appelle une « concession »11, —que l’on peut appeler « famille-concession », — un patriarchecohabite avec des collatéraux (frères et sœurs), des fils etdes non-parents à la tête de leurs noyaux respectifs. Ce modèlede famille étendue à la tête de laquelle se trouve l’homme leplus âgé de la lignée agnatique, (Diop, 1982) est la famillepatriarcale que l’on trouve dans la typologie leplaysienne,avec la différence que la famille patriarcale africaine intègredes collatéraux et des affins. En effet, ce type d’organisationfamiliale à la fois communautaire et hiérarchique étaitparticulièrement favorisé en milieu rural par un système deproduction agricole faiblement mécanisé dont les rendementsdépendaient essentiellement des efforts humains fournis par lafamille de grande taille et à structure complexe. Elleintégrait des fonctions de reproduction12, de production et deconsommation, (Aderanti, 1999). En effet, elle était lesubstrat social d’une économie de subsistance traditionnelle,Barthez, (1982), Diop, (1982), laquelle s’occupait de lasolidarité, de l’équité, de la réciprocité, de la compensationsociale et la sécurité de ses membres, le tout régenté par lahaute autorité et la bienveillance du chef de famille, lepatriarche. Son recul en milieu rural est expliqué dans lerapport de l’EPSF par l’importance de l’exode des populationsvers les villes. Diop, A.B, (1982) démontre de manière plusconcrète que la transmission islamique du patrimoine,l’implantation de l’économie monétaire qui a supplantél’économie de subsistance et le début de modernisation agricole

11 La concession ou maison en français sont employé comme des équivalents duterme wolof « Kër » qui désigne en même temps l’espace et le groupedomestique qui l’occupe.12 La reproduction est à la fois biologique et sociale. Elle se déroule enpartie dans la famille qui est le micromilieu et le cadre légitime de miseau monde, d’adoption, de socialisation des enfants et le lieu detransmission des habitus et des statuts sociaux aux enfants.

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ont été des éléments ayant favorisé l’éclatement del’organisation familiale traditionnelle et par ce biais,l’autonomisation des chefs de ménages13 qui dépendaient deschefs de famille. Ces derniers happés par la logique del’intérêt que véhicule la dimension subjective de l’économiemonétaire, dès leurs premières accointances avec ce systèmed’échange, — dans le fond, néolibéral, — devenaient de moins enmoins capables d’agir en toute équité dans l’intérêt de lagrande famille. (Diop, 1982)

À Dakar, l’affaiblissement de ce modèle serait dû à la crise dulogement. En tout état de cause, qu’elles soient en milieurural ou en milieu urbain, les familles qui font face à lacrise économique réalisent la plus grande difficulté à adapterle mode de production et de consommation des grands groupesdomestiques aux contraintes de leur environnement économique.Comme le montrent les données, la conjoncture impose un seuiltolérable de regroupement qui permet des mécanismes desolidarité mais demeurant toutefois supportables en termes dedépenses d’entretien par les chefs de ménages et par les autrescontributeurs que les sont les épouses et les descendants. Lesfaibles taux de ce type de ménages enregistrés partout sont unindice de son éclatement progressif dans une ville comme Dakar.À la différence des sociétés agraires fondées sur des formes deproduction et de propriété familiales, La ville de Dakar estprincipalement associée à l’industrie, à la construction et auxservices, activités basées sur le travail salarié (Kauraï,2009). Cet ordre économique a favorisé de fortes concentrationshumaines autour des centres polarisant ces activitéséconomiques du secondaire et du tertiaire. Kauraï, (2009)montre qu’au-delà de ces raisons économiques, la formation desvilles était fondée sur la volonté de créer des entités

13 L’entité désignée sous le terme de ménage par Abdoulaye B Diop (1982) estl’équivalent du noyau dans l’ESFP. Toujours selon Diop, (1982) laconcession est une famille étendue comprenant plusieurs ménages pouvantcompter plus de 20 ménages. Dans sa terminologie la famille est unregroupement domestique d’un ou de plusieurs ménages. Son travail sur unéchantillon de 908 ménages dans le centre du pays, montre que les mutationsfamiliales sont amorcées depuis fort longtemps. L’emploi du terme noyauemployé dans l’ESFP pour désigner l’entité familiale le plus réduit est uneinnovation par rapport à la terminologie de Diop, A.B, (1982), qui a permisd’observer plus finement les liens de parenté entre les personnes quivivent quotidiennement ensemble.

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homogènes composées de citoyens ayant les mêmes droits pardifférence aux appartenances ethniques et tribales. Alain. M,(1996), dément la détribalisation des familles en ville.14

Quoiqu’il en soit, l’état de fait en matière de développementest tel que, la vie à Dakar comparée au milieu rural comportedes avantages comme le plus facile accès aux établissementsd’enseignement général et professionnel permettant à son tourl’acquisition d’un capital scolaire monnayable sur le marché dutravail. Dakar est également le creuset d’infrastructures et demoyens de communication qui dominent l’espace et le temps,facilitent le contact, l’échange et le réseautage renforçant lecapital social. Avec le temps, le marché du travail dans cetteville devient de plus en plus saturé, même s’il continuetoujours de faire du travail salarié comme du travailindépendant des voies d’accès à la propriété individuelle et àl’autonomie. La croissance démographique, l’exode etl’urbanisation accélérée, un corollaire immédiat, sontrévélateurs de l’attraction que les conditions avantageuses dela ville exercent sur les populations.

Sous le poids d’une fièvre de la rente foncière et de l’aviditéde certains lobbies et dignitaires influents en cette matière,les gouvernements qui se sont succédé depuis 1980 en étantincapables de poursuivre les politiques d’aménagement et delogement sociaux amorcés dans les années 1970-80, ont laissé sedévelopper une urbanisation anarchique. Dakar devenait réputépour les inondations, la forte pression foncière et le coût dulogement élevé. Ces circonstances qui ont accentué lescontraintes associées à la vie dans cette ville, n’ont pascomme seule conséquence le difficile accès au logement, ellesont également modifié les modes d’occupation de l’espace, letype d’habitat et la nature des familles qui les occupent.C’est ce que montre le rapport de l’EPSF qui explique lanucléarisation progressive des familles de Dakar par les modesd’occupation de l’espace et d’habitat souvent inadaptés à lafamille de grande taille. Il confirme ainsi les résultatsd’autres études sur les familles africaines15 qui ont établi14 Marie. A, 1996 : « Les structures familiales à l'épreuve de l'individualisation citadine » in Ménages et familles africaines en pleine mutation, CEPED, pp 257-277.15 Pilon,. M, Ménages et familles en Afrique, en pleine mutation. Dossier duCEPED, 1996, n°15. Baya.B & Laliberté,. D 2007, Communication, 5èmeConférence africaine sur la population

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les effets de l’urbanisation sur la recomposition de la familleafricaine.

Cette thèse qui explique l’éclatement de la famille par le modede résidence atomisé s’applique naturellement à la Presqu’îlede Dakar dont le foncier habitable est soumis à une pressiondémographique impressionnante. Cependant, les effets du facteurrésidentiel sur la structure familiale sont doubles. Autant lacrise du logement dans une ville comme Dakar peut entraîner laréduction du nombre de noyaux réunis dans un ménage, ce qui estd’ailleurs le cas, autant dans le contexte actuel, où ladifficulté d’accéder à un emploi permanent combinée audifficile d’accès au logement peut prolonger la dépendance dejeunes chefs de noyaux vis-à-vis d’ascendants. Ce qui est uncas de figure beaucoup plus fréquent à Dakar si l’on se fie auxdonnées des trois enquêtes prises en référence, contrairement àla dépendance entre collatéraux.

6.La nucléarisation des ménages en milieu urbain : unprocessus mitigé

Les transformations familiales les plus marquantes ont commencéà apparaître au Sénégal comme dans le reste de l’Afrique,durant les années de crise économique allant des années 1970 ànos jours. Les politiques d’ajustement structurel des années80, corollaires de cette crise, conduisaient à la suppressiondes politiques étatiques de sécurité sociale. Leursconséquences lancinantes se font encore sentir à travers lesmodes de vie familiale. C’est dans ce contexte que la familleafricaine contemporaine a le plus manifesté son caractèredynamique et la nature du « phénomène social total »16 qu’elleest. La structure familiale est largement tributaire descontraintes, des possibilités et des opportunités quiconstituent les circonstances dans lesquelles, les ménages etles noyaux en leur sein s’organisent et articulent ladépendance et l’autonomie entre générations dans le cycle devie familiale. Il est évident que la décomposition et larecomposition des structures familiales se font autour de latrame conjugale. Cependant dans les familles africaines, dontla plupart ne sont pas typiquement conjugales, au sens16 Cette expression qui est de M. Mauss permet une mise en situation desphénomènes sociaux dans le rapport de détermination et d’interaction entrele microcosme familial et le macrocosme social ou sociétal.

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durkheimien du terme, les possibilités et les contrainteséconomiques, l’intensité des principes de solidarité, lahiérarchisation et la dépendance selon l’âge et le sexe sontdes éléments associés au lien conjugal fondateur des noyaux etqui participent à la dynamique des structures familiales. Donc,que la configuration familiale d’un ménage soit mononucléaireou polynucléaire, la présence de dépendants apparentés ou nonreste une constante dont l’intensité peut varier au fil dutemps et en fonction du contexte. Ce qui n’empêche pas de voirdes changements réels dans les nouvelles configurationsfamiliales que l’on trouve à Dakar et dans les milieux urbains.

Dans l’EPSF le taux des ménages nucléaires qui représente untiers du total des ménages à Dakar est certes important, mais,l’hétérogénéité des structures familiales y apparaît clairementdans les résultats de cette enquête. Les ménages de plus detrois noyaux s’élèvent à 24.9% du total, soit un quart desménages dans cette ville, un chiffre qui permet de dire que ladisparition de la famille étendue n’est pas à l’ordre du jour.Pendant ce temps les ménages situés entre un et deux noyauxnucléaires sont estimés 76.4%. Cette tendance vers desstructures familiales plus réduites est une évolutionsignificative en termes d’éclatement des famillescommunautaires et de recomposition de structures familialesdifférentes. En plus de la réduction de la part réservée auxfamilles nucléaires par une présence plus importante de ménagesà deux noyaux, les déterminants comme le niveau d’instruction,l’occupation et le niveau de vie économique, qui étaientassociés à la nucléarisation ne semblent pas l’avoir favoriséselon les données concernant Dakar. Les analyses des donnéessur les structures familiales à Yaoundé et à Douala, (JeanWakam, 1996), mais aussi à Ouagadougou, (Baya & Laliberté,2007) ont abouti à la même conclusion. La variation de lastructure familiale selon l’âge des individus est remarquabledans leur cycle de vie familiale dont l’agencement des étapesen fonction des âges est socialement sanctionné et validé. Leschefs de ménage âgés entre 14-34 ans, c’est-à-dire les jeunesoccupent la première place parmi les chefs ménages nucléaires.Les personnes âgées de 35-54 ans ont un rapport inverse avec la

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famille à un noyau. Ce qui veut dire que les chefs de ménagesplus âgés sont plus nombreux à diriger des ménagespolynucléaires. Les tendances globales montrent en outre queles femmes sont la tête de ménages de taille moyenne avec untaux estimé à 51,2 (ESFP 2008).

Cette diversité des modes d’organisation familiale qui est lamême dans plusieurs ville africaines a sérieusement ébranlél’hypothèse de la généralisation des familles nucléaires commephénomène relevant de la modernisation. Pour Pilon. M (1998 :15), l’évolution des structures familiales africaines résidedavantage dans l’adaptation que dans la rupture, entreéclatement et survivance de la famille traditionnelle, entreindividualisation et diversification des formes d’organisationfamiliale. Il exprime clairement cette idée en ces termes  :« En Afrique subsaharienne, cette transformation apparaîtdoublement orientée par l'individualisation, résultant del'ordre économique dominant, et par un solidarismecommunautaire, d'ordre culturel mais devenu contractuel »17 Cequi ne veut nullement signifier le constat d’un statisme. Lerecul incessant du groupe domestique communautaire, l’entitérésidentielle de la famille patriarcale, est la preuve quel’éclatement et la recomposition, deux mouvements du cyclefamilial sont fréquents et ont conduit à des structures plusréduites, en l’occurrence les ménages nucléaires et les ménagesà deux noyaux. 

7. Les « familles moyennes » : une forme d’adaptationà la crise économique

Toujours selon les données de l’EPSF, le groupe domestique detaille moyenne, composé de deux noyaux conjugaux au maximum estle ménage dominant au plan national. Dakar urbain s’estparticulièrement illustré avec un taux de 45,3%. Ce typeserait-il un ménage dans lequel cohabitent un père et son fils,tous les deux chefs d’un noyau ? Les données ne sont pasexplicites sur cette question. Mais la part relativementimportante accordée aux enfants du chef de ménage, soit 38,8%

17 PILON, M., Chaire Quetelet, 1998, p 1517

de la population vivant dans le ménage, — celle revenant auxfrères et sœurs qui représentent seulement 4,4%, la part queles fils/filles occupent dans les contributions aux dépenses,soit16% venant immédiatement après les chefs de ménages sontdes éléments qui renforcent la plausibilité que les ménages àdeux noyaux conjugaux soient constitués par un fils ou unefille adulte marié et ses ascendants. La répartition des chefsde noyau montre que les fils représentent 13% contre 2% pourles frères et sœurs. C’est ce ménage que l’on désigne à tortpar l’expression « famille biologique » dans le rapport del’EPSF.

Dans les analyses elle est souvent confondue dans ce qui appeléfamille étendue et est considérée comme faisant partie deséléments qui fondent la vision selon laquelle l’organisationfamiliale traditionnelle est conservée dans les villes. Plusque les ménages nucléaires à Dakar, ceux à deux noyaux méritentplus d’attention et éventuellement, un approfondissement desdonnées et de l’analyse. Il s’agit d’une configurationintermédiaire entre le ménage nucléaire et le ménagepolynucléaire ayant plus de deux noyaux. Il ne peut êtreconfondu avec la famille patriarcale, ne serait-ce que du pointde vue de sa taille et de sa complexité. Ces ménages de taillemoyenne ne sont pas seulement les plus représentatifs dansDakar, ils le sont aussi parmi la cohorte des chefs de ménageayant un niveau d’instruction et de vie économique plussignificatif. L’instruction pouvant traduire un niveau derevenus meilleur pour prendre en charge des ménages à structurefamiliale et de taille moyennes.

Cette dynamique familiale mérite d’être lue dans toute sacomplexité ou dans une perception dialectique pour reprendreles termes de Marie. A (1997) qui montre que la vie citadineest une réinterprétation fonctionnelle des institutionstraditionnelles. Il introduit ainsi une dimension symbolique dansl’explication des dynamiques familiales. Ce qui implique unedécentration du point de mire de la nucléarisation qui exclutde son champ les véritables changements qui ont lieu dans unecapitale comme Dakar. C’est pourquoi, Pilon. M & Vikigni. K,(1996), puis Baya. B & Laliberté. D, (2007) montrent que desstructures familiales plurielles générées par des stratégies

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d’adaptation correspondent aux nouvelles dynamiques familialesafricaines. Mais, à suivre les dernières tendances à Dakar, lesgroupes domestiques moyens semblent être le modèle privilégiédu milieu urbain, qui est aussi une forme d’adaptationremarquable. Or, il n’y a pas d’adaptation sans mue, unemutation que confirment beaucoup d’éléments statistiques.

La mise en perspective du rapport entre les chocs économiqueset des mutations familiales révèle les modes de compositions etde recompositions de la famille africaine ainsi que lesarrangements budgétaires et les agencements sociaux relevantdes liens à la fois biologiques et sociaux qui forment legroupe domestique. Les mutations de la famille en milieu ruralcomme en ville apparaissent dès lors comme les conséquencesd’une conjoncture économique ayant affecté la famille dans sastructure, ses fonctions classiques, les rôles de ses membreset les liens de parenté en son sein. Dans ce contexte "lerapport à l'argent détermine les rapports entre homme etfemme"18, de la même manière, l'instruction et l'accès aumarché du travail définissent la carrière des individus. Face àces exigences, les anciens modèles familiaux, les systèmes devaleurs et les normes de comportement sont remis en questionpar les contraintes économiques qui imposent de nouveaux choix.Même si par ailleurs, les rapports de pouvoir reposent toujourssur un soubassement culturel dominé l’idéologie patriarcale.

La prédominance des familles à deux noyaux signifie unrecentrage du lien familial sur deux aspects fondamentaux de lafamille moderne que sont le lien filial et le lien conjugal,tous les deux étant fortement investis de relations affectives.Ce qui représenterait un changement de taille par rapport à lafamille traditionnelle dans laquelle les logiques d’obligation,de dette sociale et de subsistance domestique prennent le passur les logiques affective et les logiques instrumentales biendosées dans la famille conjugale qui est historiquement unefamille européenne, mais aussi dans cette « famillemoyenne » qui lui est très proche. Partant des données en

18 Jean Marc Ela, 1997, « préface », in Ménages et familles en Afrique, Dir,Marc Pilon & al, Les Études du CEPED, n° 15

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place, l’on peut déjà dire qu’une modification remarquable dela famille est donc notée au plan morphologique. La famillenucléaire et cette « famille moyenne » à deux noyaux surlaquelle nous insistons (un chef de ménage cohabitant avec unde ses fils) sont deux types d’un même processus. C'est-à-direun processus d’éclatement des structures familiales étendues envue de la constitution de types plus réduits. Les deuxrésultent de l’évolution du cycle familial conjugal aboutissantà l’éclatement et à l’autonomisation des adultes, mais tenanttoujours à la conservation d’un socle familial qui entretientl’esprit de solidarité et permet à un adulte marié de vivredans la maison du père.

Tableau 2 : Répartition de la population selon le lien de parenté avec lechef de ménage et le milieu de résidence19

Dakar urbain Autresvilles

milieu rural Total

Chef de ménage 14,5 12,4 11,0 12,3

Epoux/epouses 9,0 8,2 12,0 10,4

Coépouse 0,3 0,2 0,3 0,3

Enfants 38,8 42,6 41,7 41,1

Enfants adoptes / confies 2,9 3,2 1,6 2,2

Petits-enfants 8,0 11,2 9,0 9,1

Parents 1,0 1,5 2,5 1,9

Frères/sœurs 4,5 3,1 4,6 4,3

Neveux/nieces 4,7 5,7 6,9 6,1

Grands-parents 0,1 0,2 0,2 0,2

Autres parents 8,3 5,6 5,6 6,3

19 Source : ESFP, 2006, ANSD, Sénégal. P 20

Beaux-parents 0,3 0,2 0,2 0,2

Beaux-enfants 1,8 2,0 1,9 1,9

Sans lien 5,6 3,7 2,1 3,4

Nd 0,2 0,2 0,4 0,3

Total 100,0 100,0 100,0 100,0

Tableau 3: Contribution à la dépense quotidienne selon le lien de parenté avec lechef de ménage20

Le contributeur à ladépense quotidiennedu ménage (Lien deparenté avec le CM)

Dakarurbain

Autresvilles

Milieuurbain

MilieuRural

Ensemble

% % % % %Chef de ménage 50,0 30,6 44,5 43,2 44,0Epoux/épouses 13,4 3,1 10,5 4,8 8,2Coépouse 0,1 0,3 0,1 0,0 0,1Enfants 16,0 29,2 19,7 5,8 14,2Enfants adoptés/confiés 0,0 0,5 0,2 0,0 0,1Autres parents 8,9 7,3 8,4 5,5 7,3Parents 0,3 0,0 0,2 0,5 0,3Beaux-parents 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0Beaux-enfants 2,0 0,0 1,5 0,0 0,9Sans lien 2,3 0,0 1,6 0,5 1,2ND 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0Non membre 7,0 29,1 13,3 39,7 23,9Total 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0

À Dakar, la difficulté des grands regroupements domestiques àsupporter le coût de la vie devenu très cher, est avérée.Aussi, les familles et bien sûr leurs membres qui ne font pasque subir les transformations externes, se muent, s’adaptent,agissent et réagissent en se fixant des objectifs. Cela veutdire que les adultes qui composent les unités familiales20 Source : ESFP, 2006, ANSD, Sénégal

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développent des stratégies tenant compte des contraintes et desopportunités du moment. Les modes de composition familialeparticipent de ces stratégies développées dans un contexte decrise économique. Face à cette situation, les familles évoluentvers une structure familiale moyenne comme solution médiane,c'est-à-dire une taille moyenne et une structure beaucoup moinscomplexe. L’acceptation du départ et de l’autonomie de jeunesadultes ayant fondé leurs noyaux, est à la base de l’existencede cette « famille moyenne » plus adaptée aux contraintes del’environnement actuel. Malgré la poussée del’individualisation qui se manifeste à travers lamultiplication et l’autonomie des familles nucléaires, lessolidarités s’exercent. La dépendance de chef de noyaux lemontre. Seulement 64% d’entre eux sont occupés contre 73,6% deschefs de ménages. Ce qui veut dire qu’il y a plus de chefs deménages occupés que de chefs de noyaux occupés. Ce qui dénoteune dépendance d’une part de chefs de noyaux qui sont soitchômeurs soit en formation. L’importance des « famillesmoyennes » à deux noyaux illustre le recentrage des solidaritéssur les liens biologiques, filiaux précisément. Cette familles’ajuste à l’éthique de solidarité entre générations d’une mêmefamille. Un fils ou une fille étant dans les liens dedépendance ou symbolisant les liens de solidarité entregénérations vit avec les parents. S’y ajoutent les solidaritésépistolaires, (Baya. B & Laliberté. D, (2007) avec des affins.Ces systèmes de solidarité sont différents de celles connuesdans les familles communautaires. Ces auteurs les appellent àjuste titre, « les solidarités dans la crise »21, parce quejustement, à les suivre, les solidarités traditionnellesentrent en crise. Dans ce contexte la solidarité ne passe pluspar la primauté absolue de la famille étendue sur la familleconjugale ou sur les individus, comme c’était le cas jadis.Mais les membres des familles et les affins cherchent toujoursà moduler les formes de solidarité suivant leurs besoins etleurs capacités, à y répondre de sorte à maintenir les liens et

21 Baya. B & Laliberté. D, (200722

à engranger les bénéfices matériels et symboliques résultant deces réciprocités.

Conclusion

De nombreuses recherches22 ont montré en ce qui concernel’Afrique subsaharienne, des changements familiaux qui révèlentdes dynamiques très variées et très complexes menant à lacoexistence de la famille traditionnelle et de la famillenucléaire. Mais, les statistiques à propos de Dakar révèlentune coexistence des familles nucléaires et des « familles-moyennes », comme modèles dominants. Ils sont les indices desmutations familiales sous les effets de l’urbanisation et de lacrise économique, mais en même temps de la résistance àl’éclatement total de la famille urbaine. Les donnéesdisponibles relatives à l’évolution de la taille et à lacomposition des ménages, aux caractéristiques des chefs deménages et aux liens de parenté de ce dernier avec les chefs denoyaux et les dépendants, ainsi que l’organisation budgétairepermettent de saisir les dynamiques de solidarité, mais aussiles stratégies d’autonomisation qui sont articulées avecbeaucoup de délicatesse.

La structure familiale dominante à Dakar est une famillepolynucléaire, que l’on ne peut pas considérer comme unefamille étendue mais seulement comme une famille moyenne. Lelien biologique et la conjugalité apparaissent comme lesprincipaux critères de regroupement. C’est en cela que dans lesstratégies d’accueil des noyaux dépendants, ceux dirigés parles enfants du chef de ménage occupent la première place. Uneexpression des solidarités familiales sans lesquelles lesconséquences de la pauvreté seraient plus durement ressenties.Le taux élevé de cohabitation entre les noyaux familiaux desenfants et ceux de leurs parents surtout en milieu urbainrévèle en outre l’ampleur des problèmes auxquels les jeunessont confrontés pour accéder à l’autonomie résidentielle etassumer pleinement les fonctions sociales qui leur sontdévolues. En somme, l’espace familial demeure un lieu

22 Les Études du CEPED sur les familles africaines peuvent être citées en exemple

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privilégié d’expression des solidarités permettant à la famillede mutualiser ses ressources, d’assurer sa survie, de luttercontre la paupérisation et assurer aux plus vulnérables unecertaine protection sociale.

La crise économique endémique de même que l’idéologie del’économie monétaire et néolibérale a remis en causel’organisation familiale communautaire. Elles ont accentué dansle même temps la dépendance des jeunes générations et le besoinde solidarité entre affins. C’est pourquoi, ce contexte decrise pose un véritable dilemme aux familles africaines quisemblent choisir un modèle du juste milieu basé sur unerationalité syncrétique faite de l’homo oeconomicus et del’homo sociologicus. La transformation de la structure de lafamille sénégalaise n’est pas unilinéaire, mais plutôtplurielle et polysémique.

Après ce tour d’horizon des données statistiques qui sont trèsglobales, il faut reconnaître l’utilité d’approfondir lesdonnées relatives à la famille à deux noyaux et aussi l’emploid’une démarche inductive pour mieux comprendre les logiquesinternes des familles sénégalaises actuelles. Ces processusinternes à la structure familiale relèvent d’un constructivismedes personnes adultes qui participent activement àl’élaboration de leur nouveau cycle de vie.

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