la lutte contre la déforestation en afrique centrale : victime de l'oubli du politique ?

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LA LUTTE CONTRE LA DÉFORESTATION EN AFRIQUE CENTRALE : VICTIME DE L'OUBLI DU POLITIQUE ? Symphorien Ongolo et Alain Karsenty Presses de Sciences Po | Ecologie & politique 2011/2 - N° 42 pages 71 à 80 ISSN 1166-3030 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-ecologie-et-politique-2011-2-page-71.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Ongolo Symphorien et Karsenty Alain , « La lutte contre la déforestation en Afrique centrale : victime de l'oubli du politique ? » , Ecologie & politique, 2011/2 N° 42, p. 71-80. DOI : 10.3917/ecopo.042.0071 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Presses de Sciences Po. © Presses de Sciences Po. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - cirad - - 193.51.119.34 - 18/10/2011 08h46. © Presses de Sciences Po Document téléchargé depuis www.cairn.info - cirad - - 193.51.119.34 - 18/10/2011 08h46. © Presses de Sciences Po

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LA LUTTE CONTRE LA DÉFORESTATION EN AFRIQUE CENTRALE :VICTIME DE L'OUBLI DU POLITIQUE ? Symphorien Ongolo et Alain Karsenty Presses de Sciences Po | Ecologie & politique 2011/2 - N° 42pages 71 à 80

ISSN 1166-3030

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-ecologie-et-politique-2011-2-page-71.htm

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Ongolo Symphorien et Karsenty Alain , « La lutte contre la déforestation en Afrique centrale : victime de l'oubli du

politique ? » ,

Ecologie & politique, 2011/2 N° 42, p. 71-80. DOI : 10.3917/ecopo.042.0071

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Distribution électronique Cairn.info pour Presses de Sciences Po.

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La lutte contre la déforestation en Afrique centrale : victime de l’oubli du politique ?

symPHoRien ongolo et alain kaRsenty

La lutte contre les changements climatiques met la question des forêts tro-picales à un rang très élevé dans l’agenda des négociations internationales sur l’environnement 1. L’intégration de la déforestation dans la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) comme source majeure de réduction des émissions de CO2, confirme ainsi que le processus de structuration d’un régime international sur les forêts est en marche 2. La dernière étape en date de ce processus est le mécanisme de réduction des émis-sions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts (REDD+).

REDD a été proposé initialement en 2003 3, puis a été sujet à diverses négo-ciations onusiennes sur le climat, notamment la 13e Conférence des Parties (CdP) de 2007 à Bali. Depuis, REDD a évolué et tente de se structurer au fil des conférences. Ce mécanisme a vu le champ de ses activités s’élargir, et est devenu REDD+ lors de la 15e CdP à Copenhague. L’élargissement de son périmètre au reboisement, à la gestion forestière et à la conservation des forêts marque la prééminence d’un agenda « carbone » sur l’agenda « biodiversité ». De même, la mention explicite de la gestion forestière, c’est-à-dire l’exploita-tion du bois, a conduit plusieurs ONG à rejeter le mécanisme dans sa forme REDD « plus ». La 16e CdP, qui a eu lieu à Cancún en 2010, a marqué l’adoption formelle de cette nouvelle version REDD+ dont l’ambition politique est d’im-pliquer les pays forestiers du Sud dans un mécanisme incitant à réduire la défo-restation. Les pays tropicaux à faible taux de déboisement, comme ceux du bassin du Congo, sont les plus concernés par cet élargissement (voir encadré).

REDD+ repose sur l’hypothèse qu’une réduction des émissions de CO2 dues à la déforestation est possible à faible coût. La condition étant que les pays du Nord (principaux émetteurs historiques de CO2) versent des incitations finan-cières aux pays tropicaux. Le but est d’obtenir de ces pays souverains sur leurs ressources naturelles, qu’ils infléchissent leurs politiques sectorielles agrofo-restières et minières en faveur de la conservation des forêts. Cette idée soulève

1. A. Karsenty, « The Architecture of Proposed REDD Schemes After Bali: Facing Critical Choi-ces », International Forestry Review, vol. 10, n° 3, 2008, p. 443-457.

2. M.-C. Smouts, « The Issue of an International Forest Regime », International Forestry Review, vol. 10, n° 3, 2008, p. 429-433.

3. M. Santilli et al., Tropical Deforestation and the Kyoto Protocol: A New Proposal, UNFCCC, Milan, 2003.

ÉCOLOGIE & POLITIQUE n° 42/2011

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plusieurs questions : ces pays, pour la plupart en crise institutionnelle plus ou moins profonde, sont-ils réellement capables de réagir positivement à ce type d’incitation, comme pourrait le faire un agriculteur ou une entreprise ? Suffit-il de verser une rente (carbone) à ces États, réputés « fragiles », pour qu’ils soient en mesure, d’abord de prendre la décision de réduire la déforestation, puis de mettre en œuvre les politiques et mesures permettant d’agir sur une dynamique dont les causes structurelles semblent échapper à leur contrôle ?

De REDD à REDD+ : débat écologique ou intérêts géopolitiques ?

Depuis son introduction dans la négociation sur le climat, RED, qui concernait uni-quement la « déforestation évitée », a muté en REDD (intégrant ainsi la dégradation) puis s’est élargi en REDD+. Cette dernière version étend les activités éligibles à la conservation, la gestion forestière et les plantations. Ceci est le fruit de pressions politi-ques de certains pays du Sud soucieux du respect de leurs intérêts dans les négociations. Pour les pays d’Asie du Sud-Est (Malaisie, Inde et Chine), il fallait tirer avantage du développement spectaculaire des plantations ces dernières années, notamment d’espè-ces à croissance rapide pour la production de pâte à papier. Les pays du bassin du Congo, aux taux de déboisement relativement faibles, militaient quant à eux en faveur d’une prise en compte de la « dégradation évitée », le but étant la reconnaissance des efforts d’aménagement des forêts de production. Avec environ 4,5 millions d’hectares de concessions forestières certifiés FSC (Forest Stewardship Council), cette région est sur ce point nettement en avance par rapport à l’Amazonie ou à l’Asie du Sud-Est. L’introduction de la « conservation » correspondait également au souhait de ces pays d’obtenir une rémunération pour les « efforts passés » de préservation des forêts, avec des paiements à proportion du carbone qu’elles contiennent. Cette dernière perspective est âprement défendue, notamment par le Gabon ou le Congo-Brazzaville. Ces pays veulent accréditer l’idée que si leurs vastes massifs forestiers sont encore largement intacts, c’est par la « vertu » de leurs politiques publiques, bien qu’il faille surtout y voir l’absence de pression agro-industrielle et foncière dans ces pays peu peuplés.

Une autre motivation pour les pays d’Afrique centrale est de plaider pour la prise en compte d’un « facteur d’ajustement », c’est-à-dire d’obtenir qu’une partie de la déforesta-tion future ne soit pas comptabilisée dans leurs émissions afin de pouvoir se développer. Ce point reste un des sujets épineux des négociations en cours pour la détermination du scénario de référence à appliquer au mécanisme REDD+.

Contexte et enjeux de la déforestation dans le bassin du Congo

Dans le bassin du Congo, les forêts relèvent de la propriété publique, même si certaines législations, comme celle de la République démocratique du Congo (RDC), reconnaissent la possession coutumière comme une situation de fait. L’Afrique centrale compte six pays riches en forêts tropicales humides : le Cameroun, la RDC, le Congo, la République centrafricaine (RCA), le Gabon et la Guinée équatoriale. Paradoxalement, plus de 70 % de la population rurale de cette région vit en dessous du seuil de pauvreté. Ces six pays couvrent une superficie de 4 millions de km2 et comptaient, en 2005, 86,11 millions d’habi-tants. Cette région est caractérisée par une très forte croissance démographi-que (estimée à 2,87 % par an entre 2000 et 2005), ce qui devrait engendrer un

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doublement de la population dans les 25 à 30 ans à venir 4. Les forêts tropicales denses et humides du bassin du Congo couvrent environ 140 millions d’hecta-res, soit le tiers de la surface totale des six pays concernés.

Le taux moyen annuel de déforestation est de 0,16 % 5, ce qui est faible si on le compare à celui du Brésil (0,63 % par an en moyenne sur 2000-2005) ou de l’Indonésie (1,91 %). La déforestation est surtout notable le long des côtes et des grandes voies de communication, ainsi qu’autour des agglomérations. Les plus grandes menaces qui pèsent sur l’avenir des forêts du bassin du Congo sont constituées d’un ensemble de facteurs étroitement liés à sa forte crois-sance démographique, aux pratiques agricoles extensives et aux insuffisances de l’État de droit (les lois sont peu ou pas appliquées et les sanctions sont rares). Plus de 80 % de l’énergie domestique des habitants des grandes métropoles d’Afrique centrale étant basés sur le bois énergie, l’impact sur la dégradation forestière est sensible 6. Une forte pression foncière accentue également le recul des espaces boisés du bassin du Congo. Dans un contexte de quasi-absence d’un régime foncier clair, la pression foncière, accélérée par l’augmentation de la population, dégrade les forêts, aussi bien en zone rurale (pour les activités agricoles et minières) qu’en milieu urbain (pour l’habitat, l’agriculture urbaine et périurbaine). La dépendance des populations vis-à-vis des ressources fores-tières (bois, gibier et produits forestiers non ligneux) alimente un secteur infor-mel en plein essor. Les volumes de bois mobilisés dans ce secteur sont compa-rables, voire supérieurs, à ceux exploités par le secteur industriel dans les pays les plus peuplés de la région, comme le Cameroun ou la RDC 7.

À ces différentes causes sectorielles de déforestation et de dégradation des forêts dans le bassin du Congo, il convient également de souligner le rôle important que jouent les insuffisances de l’État de droit. Il s’agit notamment de la corruption pour l’accès illicite aux ressources forestières et de l’impunité à portée de main des entrepreneurs fortunés qui ne souhaitent pas s’encombrer des lois protégeant la nature. Malgré REDD+, ces défaillances politiques, éco-nomiques et institutionnelles risquent fort de continuer à produire leurs effets dans les pays d’Afrique centrale qualifiés d’« États fragiles 8 » par une littéra-ture institutionnelle en plein essor.

4. R. Eba’a Atyi, D. Devers, C. de Wasseige et F. Maisels, « État des forêts d’Afrique centrale : synthèse sous-régionale », in C. de Wasseige, D. Devers, P. de Marcken, R. Eba’a Atyi, R. Nasi et P. Mayaux (dir.), Les forêts du bassin du Congo. État des forêts 2008, Office des publications de l’Union européenne, Luxembourg, 2009, p. 17-44.

5. R. Eba’a Atyi et al., op. cit.6. FAO, Foresterie urbaine et périurbaine. Quelles perspectives pour le bois énergie en Afrique ?

Document de travail sur la foresterie urbaine et périurbaine, FAO, Rome, 2010.7. G. Lescuyer, P. O. Cerutti, E. Essiane Mendoula, R. Eba’a Atyi et R. Nasi, « Chainsaw Milling in

the Congo Basin », in W. Marieke et J. van Dam (dir.), Chainsaw Milling: Supplier to Local Markets, ETFRN News, Wageningen, 2010, p. 121-128.

8. R. Pourtier, « Ressources naturelles et fragilités de l’État. Quelques réflexions à propos de l’Afri-que centrale », in J.-M. Châtaigner et H. Magro (dir.), États et sociétés fragiles. Entre conflits, recons-truction et développement, Karthala, Paris, 2007, p. 91-105 ; L. C. Irland, « Désintégration de l’État et corruption : défis pour la politique forestière », Actualités des Forêts Tropicales, vol. 17, n° 1, 2010, p. 3-6.

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La notion d’« États fragiles » : de quoi s’agit-il ?

À cause d’un contexte sécuritaire préoccupant, la décennie 1990 a connu une prolifération de termes qualificatifs des États en difficultés dans le Sud. Depuis le concept d’« État faible » de Gunnar Myrdal 9 qui scrutait déjà les diverses carences des États africains postcoloniaux, dont la corruption des éli-tes, le diagnostic de faiblesse étatique s’est transformé en constat de fragilité. Durant cette phase de mutation, plusieurs concepts sont nés avec pour point d’ancrage commun l’analyse des États jugés incapables de prioriser l’intérêt général par rapport aux intérêts particuliers des dirigeants. De même, une des caractéristiques de ce type d’États est qu’ils peinent à assurer leur sécurité nationale, ce qui compromet de fait la sécurité régionale et globale.

La notion d’« État fragile » a été mobilisée dans le débat des relations inter-nationales pour expliquer en partie l’inefficacité des politiques d’aide au déve-loppement. L’ambiguïté de cette notion a favorisé la prolifération de termino-logies par différents auteurs, qui essayent de mieux saisir cet objet de plus en plus étudié par les économistes, les politologues et les juristes 10. On a parlé de « quasi-États 11 », d’« États faillis 12 », voire « suspendus » (pour reprendre une récente expression de D. Darbon). La notion prétend englober un ensemble de pays en situation de crises (politiques, économiques, environnementales) issues elles-mêmes de contextes institutionnels variés (régimes politiques, situations sécuritaires, processus de formation de l’État, etc.). Face à une approche exclu-sivement sécuritaire prônée par la notion d’États faillis dans les années 1990, celle d’États fragiles ambitionne de remettre à l’ordre du jour le constat qu’il ne peut y avoir de sécurité globale durable dans un contexte marqué par une pauvreté croissante. D’autre part, cette notion aspire aussi à s’attaquer à ce que les agences d’aide publique au développement (APD) appellent la « mauvaise gouvernance », c’est-à-dire essentiellement la corruption, les conflits d’intérêts, la faible effectivité des lois et l’implication insuffisante de la société civile dans les processus de décision. La notion, bien que confuse, fut institution-nalisée en 2005 13 et apparaît désormais comme un tremplin pour la nouvelle vision des agences d’APD 14. Nous adopterons ici la définition proposée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) : « Un État est fragile lorsque les instances étatiques n’ont pas la capacité et/ou la volonté politiques d’assumer les fonctions essentielles requises pour faire reculer la pauvreté et promouvoir le développement, ni d’assurer la sécurité de

9. G. Myrdal, Le défi du monde pauvre, Gallimard, Paris, 1971.10. S. Sur, « Sur les États défaillants », Commentaire, vol. 28, n° 112, 2005, p. 891-899.11. R. H. Jackson, Quasi States: Sovereignty, International Relations and the Third World, Cam-

bridge Univ. Press, Cambridge, 1990.12. G. Helman et S. Ratner, « Saving Failed States », Foreign Policy, vol. 89, 1992, p. 3-20.13. DFID, Why We Need to Work More in Fragile States, Department for International Develop-

ment, Glasgow, 2005.14. OCDE, Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au développement et programme d’ac-

tion d’Accra, Organisation de coopération et de développement économique, Paris, 2005.

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la population et le respect des Droits de l’homme 15. » Dans cette réflexion sur la lutte contre la déforestation tropicale en Afrique centrale, cette définition met l’accent sur les deux problèmes que nous allons analyser : la volonté poli-tique et la capacité d’agir.

Que peut apporter la notion d’« États fragiles » dans le débat sur l’efficacité potentielle de REDD+ ?

Le « fonds vert pour l’environnement » créé à Copenhague a généré des promesses de financement public qui s’élèvent désormais à cinq milliards de dollars pour la période de démarrage précoce 2010-2012. À ces fonds, pour l’essentiel promis par huit pays donateurs (par ordre décroissant : États-Unis, Norvège, Japon, Grande-Bretagne, France, Allemagne, Danemark et Australie), s’ajoute une provision d’un milliard de dollars du Fonds pour l’en-vironnement mondial (FEM). Il est envisagé de transférer ces financements publics sous forme d’APD, afin de rémunérer la contribution des pays du Sud à la lutte contre les changements climatiques. À l’exemple de l’APD, l’efficacité des investissements des fonds REDD+ dépendra des mesures correctives à apporter aux problèmes institutionnels et géopolitiques qui compromettent le développement des États fragiles. Il est par exemple admis qu’« une partie du déficit global de croissance de l’Afrique s’explique tout simplement par la per-manence des conflits sur ce continent 16 ». À ce stade, l’ensemble des agences de coopération des pays engagés dans l’allocation des fonds du démarrage pré-coce adhère à la notion d’États fragiles. Ces pays basent désormais leur APD sur les principes d’engagement dans les États fragiles édictés par l’OCDE.

La lutte contre la déforestation face aux problèmes des « États fragiles »

REDD+, fondé sur une logique de récompense, repose sur l’incitation. Il est implicitement admis, d’une part, que l’État est un agent économique qui compare des gains possibles : est-il plus avantageux de protéger les forêts pour être rémunéré ou d’y développer d’autres activités comme le palmier à huile ? D’autre part, sur la base de cette estimation, l’État pourrait prendre les mesures qui vont conduire soit à la protection soit à la destruction des forêts.

Le problème de la décision

L’idée qu’un État quelconque raisonne ainsi sur la base d’une analyse coûts-bénéfices est déjà douteuse : la diversité des intérêts au sein de la sphère

15. OCDE, Principes pour l’engagement international dans les États fragiles et les situations précaires, Organisation de coopération et de développement économique, Paris, 2007.

16. A. Bonnel, « L’aide publique au développement face aux crises environnementales », in S. Michailof et A. Bonnel, Notre maison brûle au Sud. Que peut faire l’aide au développement ?, Fayard, Paris, 2010, p. 273-346.

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publique n’est pas toujours tranchée par un décideur suprême. La difficulté de déterminer et d’imposer une forme d’intérêt général à tous les acteurs en lice est sans doute une caractéristique générale de l’époque actuelle, mais elle est encore plus évidente dans les États fragiles. Les discours des représentants de ces États dans les enceintes internationales contrastent bien souvent avec les actes des gouvernants, sans que ce contraste ne soit toujours l’expression d’un cynisme froid. Au cours de ces réunions, les représentants des pays prennent des engagements sur la protection de l’environnement, tandis que se déroulent quotidiennement des tractations entre les ministères sectoriels et des investis-seurs pour le développement des cultures de rente ou l’ouverture de nouvelles mines dans les zones boisées. Aux pressions foncières locales, souvent condui-tes par les classes moyennes enrichies, s’est ajouté depuis les années 2000 un phénomène d’« accaparement » des terres par des firmes d’agrobusiness. Au Gabon, la société Olam International (Singapour) prépare des plantations de palmiers à huile sur des terres estimées à plus de 300 000 ha. Au Cameroun, c’est une filiale locale de la société américaine Sithe Global qui projette de planter 80 000 ha de palmier à huile dans une zone couverte par des titres exis-tants (forêts communautaires, concessions forestières) et des aires protégées aux alentours du parc national de Korup. Cette entreprise projette à long terme une extension à 207 000 ha de ses plantations. En RDC, des annonces d’achat par une société chinoise de 2,8 millions d’hectares de forêts pour y développer du palmier à huile ont été rapportées par la presse en 2010 (avant que ne soit avéré que ce chiffre était trop exagéré) 17. Au Congo-Brazzaville, des sociétés coréennes et chinoises négocient avec les autorités pour établir de vastes plan-tations de palmier à huile et d’hévéa.

L’exemple de l’accord entre la Norvège et l’Indonésie conclu en 2010 pour limiter la déforestation en constitue une bonne illustration et préfigure ce qui peut se passer en Afrique centrale. L’accord prévoyait essentiellement que l’Indonésie imposerait au 1er janvier 2011 un moratoire de deux ans sur la conversion légale de forêts naturelles et de tourbières. Ce moratoire devrait s’appliquer tant pour le développement des activités agricoles que pour la plan-tation des essences à croissances rapides pour la pâte à papier. En échange, la Norvège s’était engagée à verser jusqu’à un milliard de dollars à l’Indonésie. Bien que signé par le président indonésien, cet accord – qui ne s’applique qu’aux nouveaux permis de conversion signés après le 1er janvier – a eu le plus grand mal à entrer en vigueur. Pour cause, l’État a été lontemps incapable de décider face aux intérêts divergents : début février 2011, soit un mois après le début théorique du moratoire, le président indonésien s’est retrouvé avec deux projets de décrets. L’un préparé par l’équipe qui négocie avec la Norvège et l’autre préparé par le ministère des Forêts, par ailleurs proche des milieux industriels du bois. Le premier décret, qui se voulait conforme à l’engagement

17. A. Karsenty, Large-Scale Acquisition of Rights on Forest Lands in Africa, CIRAD & RRI, Washington, 2011.

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pris avec la Norvège, proposait un gel de la conversion de toute forêt naturelle, soit jusqu’à 43 millions d’hectares (et 20 millions d’hectares de tourbières). Le second décret visait à rassurer les entreprises papetières (qui s’approvisionnent à 60 % sur les forêts naturelles) face à cette menace du gel des permis d’ex-ploitation des forêts naturelles dégradées. Le 31 décembre 2010, soit la veille de l’entrée en vigueur théorique du moratoire, le ministère des Forêts a délivré 2,9 millions d’hectares de permis de conversion au profit de 44 entreprises désireuses de développer des plantations 18. Et c’est finalement le second décret, favorable à l’industrie, qui a été signé en mai 2011. Il ne « protège » que les forêts primaires et les tourbières profondes, déjà, pour l’essentiel, protégées par les lois existantes. La conversion des forêts « secondaires » peut continuer...

Le problème de la mise en œuvre

Cette difficulté à décider n’est pas propre aux États fragiles (la valse-hésitation du gouvernement français sur la contribution climat-énergie en est une illustration). Par contre, la mise en œuvre des mesures appropriées pour réduire la déforestation (une fois la décision prise) est particulièrement aiguë dans les pays concernés. De telles mesures sont coûteuses et heurtent de nom-breux intérêts. Les compensations attendues dans le cadre de la REDD qui seront versées aux États parviendront-elles à ceux qui fourniront les princi-paux efforts ? Peut-on faire, ici, abstraction de la corruption ? Le risque est que les acteurs les plus puissants soient suffisamment influents pour capter indû-ment ces compensations, tandis que les populations locales ne recueilleraient que des miettes. Le rapport Potentiel REDD+ de la RDC 19 de décembre 2009, signé part le ministère en charge de l’environnement, mais préparé par le cabi-net d’experts McKinsey, montre clairement comment cela peut se faire. Ce rapport note qu’« il peut être estimé qu’environ 60 % du potentiel de réduction des émissions et de séquestration peuvent être atteints à un coût inférieur à 5 €/t CO2e », grâce au faible niveau des paiements nécessaires pour compen-ser les agriculteurs pauvres auxquels on demandera de réduire leurs cultures annuelles sur brûlis. Le rapport aborde ensuite le problème des investissements futurs dans l’agriculture industrielle. Il est ainsi fait mention d’un « levier de mitigation » relatif à l’agriculture commerciale intensive « destinée principale-ment à l’export (huile de palme en particulier). Le potentiel de réduction [est] d’environ 80 Mt CO2e (19 %) ».

Malheureusement, il s’agit là non pas d’une réduction factuelle, mais pros-pective, c’est-à-dire hypothétique. Le rapport indique que cette « mitigation découle de la réalisation en savanes arbustives ou mosaïques savanes-forêts

18. C. Lang, « On the Eve of the Logging Moratorium, Indonesia’s Ministry of Forestry Issued Almost Three Million Hectares of Concessions », 26 janvier 2011, <www.redd-monitor.org/2011/01/26/on-the-eve-of-the-logging-moratorium-indonesias-ministry-of-forestry-issued-almost-three-million-hectares-of-concessions>.

19. MECNT, Potentiel REDD+ de la RDC, ministère de l’Environnement, de la Conservation de la nature et du Tourisme de la République démocratique du Congo, Kinshasa, 2009.

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de nouvelles plantations [de palmier à huile], qui auraient été établies [sou-ligné par nous] dans des forêts primaires (causant une déforestation de 1,6 à 3 millions d’hectares dans le scénario de référence) ». En d’autres termes, le gouvernement pourrait exprimer son intention d’allouer de grandes superficies de forêts primaires à des investisseurs agro-industriels en vertu du fait que les forêts appartiennent à l’État 20. Mais le gouvernement s’abstiendrait de procéder à ces allocations de forêts primaires, pour orienter les investisseurs vers des zones de savane, réduisant ainsi la déforestation… par rapport à un scénario de référence, lequel est par définition invérifiable (puisque si l’État prend ces mesures, le scénario business-as-usual ne se réalisera pas). Évidemment, les investisseurs seraient dédommagés : « Le coût unitaire pour le placement des nouvelles plantations en savane arbustive ou mosaïque savane-forêt est d’envi-ron 13 €/t CO2e, soit l’équivalent d’une diminution des marges de l’exploitant [souligné par nous] due à la baisse des rendements et à l’augmentation des coûts de production dans ces écosystèmes plus arides et moins fertiles. »

Ce genre de stratégie vient confirmer que « l’attitude la plus rationnelle pour un gouvernement peu soucieux de l’intérêt collectif serait, d’abord, de négocier pour avoir le scénario de référence le plus favorable, c’est-à-dire celui qui prévoit un taux élevé de déforestation, puis de… ne rien faire. En effet, si le résultat de la négociation a été fructueux, le gouvernement n’aura aucun intérêt à prendre des mesures coûteuses, alors qu’il peut avoir bon espoir d’être crédité de toute façon à l’issue de la période d’engagement, grâce au taux favorable qu’il aura négocié 21 ».

La réversibilité des réformes

Dans le domaine de la gestion des ressources naturelles en Afrique centrale, les réformes sont difficilement acquises et leur réversibilité est grande. Dans les États faibles, les enjeux se situent moins au niveau de l’adoption des lois que de leur mise en œuvre 22, les acteurs ayant, en partie grâce à la corruption, des moyens de les contourner alors qu’ils sont souvent moins bien organisés pour le lobbying législatif. Ainsi, au Gabon comme en RDC, les lois forestiè-res (adoptées respectivement en 2001 et en 2002) prévoient l’établissement de forêts communautaires. Près de dix ans après, les décrets d’application ne sont toujours pas publiés. En RDC, à la demande des bailleurs de fonds, ce sont 25,5 millions d’hectares de concessions qui ont été révoqués en 2002 (sur un total de 43,5 millions avant cela), en attendant que de nouvelles règles d’allo-cation soient adoptées pour l’avenir. Ce moratoire fut violé par l’administration

20. Cela se ferait au mépris des droits de possession des populations locales pourtant mentionnés par le Code forestier.

21. A. Karsenty et R. Pirard, « Changement climatique : faut-il récompenser la “déforestation évi-tée” ? », Natures, Sciences, Sociétés, vol. 15, 2007, p. 357-369.

22. R. H. Bates, « Macropolitical Economy in the Field of Development », in J. E. Alt et K.A. Shep-sle (dir.), Perspectives on Positive Political Economy, Cambridge Univ. Press, Cambridge, 1990, p. 31-54.

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forestière durant le gouvernement de transition de 2002 à 2007. Une revue des concessions menée entre 2007 et 2008 conduisit à ne légaliser que 65 des 156 titres soumis à la conversion, soit 9,7 millions d’hectares. Plus tard, environ 2 millions d’hectares supplémentaires furent légalisés et il est possible que d’autres le soient encore dans les prochains mois. Il semble surtout que les activités d’exploitation ne se sont pas arrêtées sur les concessions annulées, l’administration centrale n’ayant guère les moyens de vérifier ce qui se passe sur le terrain.

Cette réversibilité des réformes n’est pas sans lien avec le phénomène de « privatisation des États 23 », dans lequel il devient « impossible de séparer l’éco-nomie du politique, le particulier du général ou le public du privé 24 ». L’appro-che « apolitique » de la REDD, telle qu’elle est mise en avant par l’ONU et la Banque mondiale, qui permet notamment de se décharger sur les gouverne-ments du Sud (« à eux de décider des moyens, nous paierons sur la base des résultats »), butera inévitablement sur les réalités de l’économie politique de ces pays.

Conclusion

Le mécanisme REDD+ est basé sur l’hypothèse que l’incitation économique suffit pour obtenir d’un État la réduction de sa déforestation. REDD+ suppose implicitement que les pays récipiendaires des financements publics de lutte contre la déforestation pourront réagir à ces incitations en prenant des mesures d’intérêt général dignes des « États bienveillants » au sens wébérien. Est-ce réaliste dans des pays où le mélange de genres entre intérêts économiques et politiques est banal et où l’enchâssement du circuit informel dans un système formel est quasi normal ? Les capacités d’appropriation et d’absorption des flux financiers des aides sont encore très faibles dans ces pays dont certains sont déjà des États « rentiers ». Ajouter une nouvelle rente à d’autres est-il de nature à favoriser des changements de trajectoire de développement ou à conforter le maintien de pratiques contestables ? Le dysfonctionnement des institutions dans les États fragiles se traduit, entre autres, par le faible degré d’application des lois et des décisions de justice, mais aussi par un manque de transparence dans le processus de prise de décisions. On peut discuter de la légitimité de certaines lois et réglementations, mais un État de droit capable d’agir semble bien constituer une condition nécessaire pour conserver les massifs forestiers menacés par les pressions économiques. Les causes majeures de la défores-tation se situent pour l’essentiel en dehors du secteur forestier. S’y attaquer requiert, parallèlement à des réformes institutionnelles de consolidation d’un État de droit, de conduire des transformations profondes dans les pratiques agricoles et des évolutions importantes des régimes fonciers. L’« incitation »

23. B. Hibou (dir.), « L’État en voie de privatisation », Politique africaine, n° 73, mars, 1999.24. P. Chabal et J.-P. Daloz, L’Afrique est partie ! Du désordre comme instrument politique, Éco-

nomica, Paris, 1999, p. 38.

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des gouvernements, pierre angulaire du mécanisme REDD+ dans sa version la plus courante, ne semble pas devoir constituer un levier suffisant pour modifier la tendance dans les États fragiles et défaillants. De même, cette incitation ne peut se substituer à des efforts coordonnés d’investissements publics interna-tionaux multisectoriels, nécessaires pour s’attaquer aux causes structurelles de la déforestation tropicale. En plus de ces leviers d’actions sur lesquelles il est possible d’agir dans les pays tropicaux 25, soulignons ici l’intérêt majeur qu’il convient également d’accorder au fonctionnement efficace des institutions. Mais sur ce dernier point, seules comptent véritablement, pour des résultats de long terme, les actions que mèneront les citoyens de ces pays.

symPHoRien ongolo est doctorant à l’Institute for Environmental Decisions, ETH Zurich, Professorship for Environmental Policy and Economics. alain kaRsenty est socio-économiste, chercheur au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), département Environnements et So-ciétés, UPR 105.

25. Les dynamiques de consommation à l’échelle mondiale qui alimentent la demande croissante de viande, de soja, d’huile de palme et autres agrocarburants ne pouvant être traitées à cette échelle.

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