la cohérence du surrationalisme

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1 La cohérence du surrationalisme RÉSUMÉ Nous voulons examiner la fonction épistémologique du surrationalisme du point de vue de la cohérence du rationalisme appliqué de Bachelard. Cet examen se fera, dans un premier temps, en regard de l’exigence d’ouverture pour toute philosophie rationaliste qui se mesure à l’aune du nouvel esprit scientifique. Il apparaîtra clairement que le surrationalisme n’est pas une emphase du rationalisme ; il en constitue à la fois un défi et un engagement. Nous examinons ensuite la description que donne Bachelard de ces mécanismes surrationalistes qui assurent à la pensée scientifique sa dynamique. Cette seconde partie, où il est question de « dialectisation » des axiomes, interroge de façon critique la cohérence, ou l’ambivalence, des prises de position de Bachelard face à la méthode axiomatique en physique. Nous terminons en exposant comment cette dernière question est tributaire d’une question plus large, à savoir : la nécessité, affirmée par Bachelard, d’accorder une fonction épistémologique au psychologisme.

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1

Lacohérencedusurrationalisme

RÉSUMÉ

Nous voulons examiner la fonction épistémologique du surrationalisme du

pointdevuedelacohérencedurationalismeappliquédeBachelard.

Cet examen se fera, dans un premier temps, en regard de l’exigence

d’ouverturepourtoutephilosophierationalistequisemesureàl’aunedunouvel

espritscientifique.Ilapparaîtraclairementquelesurrationalismen’estpasune

emphasedurationalisme;ilenconstitueàlafoisundéfietunengagement.

Nous examinons ensuite la description que donne Bachelard de ces

mécanismessurrationalistesquiassurentàlapenséescientifiquesadynamique.

Cette seconde partie, où il est question de «dialectisation» des axiomes,

interrogedefaçoncritiquelacohérence,oul’ambivalence,desprisesdeposition

deBachelardfaceàlaméthodeaxiomatiqueenphysique.

Nousterminonsenexposantcommentcettedernièrequestionesttributaire

d’une question plus large, à savoir: la nécessité, affirmée par Bachelard,

d’accorderunefonctionépistémologiqueaupsychologisme.

2

Pourunrationalismeouvert

Danslebrefarticlequienporteletitre,lesurrationalismeestproposécomme

une tâchequi incombeaurationalismequeBachelarddéfend.«Oùestalors le

devoir du surrationalisme?», demande‐t‐il1. La question peut étonner à

première vue, car Bachelard, on le sait, est beaucoup plus enclin, dans

l’élaborationde saphilosophiedes sciences, à s’inspireret tirerexemplede la

sciencequ’àluienimposerdestâches.Maisc’estàl’espritphilosophiqueetnon

àl’espritscientifiquequ’ils’adresse.Cequiestgarantdurationalismeetcequi

protège le surrationalisme du reproche de redondance par rapport au

rationalisme, c’est le maintien du caractère ouvert de ce dernier. À la fin du

mêmearticle,Bachelardyvadeconsidérationsépistémologiquestrèsgénérales

etdécritcomment,à lasuitedesavancéesrécentesde laconnaissance, legoût

«du port, de la certitude, du système» est devenu un anachronisme pour la

raison humaine, pour ajouter: «Alors, au rationalisme fermé fait place le

rationalismeouvert.2»

C’est dire qu’à ses yeux, il y a possibilité – et, en effet, danger – que le

rationalismesefermesurlui‐mêmeetcessedes’engagerdanscesdialectiques

qui en sont lemoteur.Ce thèmerenvoieauxvuesdeBachelard sur l’espritde

système et de synthèse qui anime l’esprit philosophique traditionnel. Dans

l’avant‐propos de La philosophie du non, Bachelard prend le rationalisme

cartésien à titre d’exemple de pensée philosophique traditionnelle sur la

science:

Pourlephilosophequi,parmétier,trouveensoidesvéritéspremières,l’objetprisenbloc

n’a pas de peine à confirmer des principes généraux. […] Le philosophe est préparé, à

développer,àproposdelascience,unephilosophieclaire,rapide,facile,maisquiestune

philosophie de philosophe. […] L’identité de l’esprit dans le je pense est si claire que la

1«LeSurrationalisme»,p.9.2 Ibid.,p.12.

3

science de cette conscience claire est immédiatement la conscience d’une science, la

certitudedefonderunephilosophiedusavoir3.

L’esprit philosophique représente donc, aux yeux deBachelard, une pensée

fermée,quiparexcèsdegénéralités’appliquepourainsidireàvideetdemeure

inapte à recevoir de l’expérience des indications qui puissent la porter à

remettresesprincipesenquestion.À l’opposé, lenouvelespritscientifiqueest

unepenséeouverte,commeentémoignel’avènementdelagéométriemoderne

et l’émergence de la nouvelle physique, disciplines qui, dans les termes de

Bachelard, ont opéré une «dialectisation» de leurs principes. Ce rationalisme

scientifiqueenestunquiseréaliseaugrédesesapplications,dansunprocessus

qui recouvre les deux objectifs de la construction de la réalité et de

l’objectivationdesconcepts:

Pourlerationalismescientifique,l’applicationn’estpasunedéfaite,uncompromis.Ilveut

s’appliquer.S’ils’appliquemal,ilsemodifie.Ilnereniepaspourcelasesprincipes,il les

dialectise4.

Bachelard estime que ce nouvel esprit scientifique ou cette nouvelle

philosophiedessciences–cettenouvellephilosophieenscience,devrait‐ondire

–estlaseulephilosophiequisoitunepenséeouverte.

Finalement la philosophie de la science physique est peut‐être la seule philosophie qui

s’applique en déterminant un dépassement de ses principes. Bref, elle est la seule

philosophieouverte.Touteautrephilosophiepose sesprincipes comme intangibles, ses

premièresvéritéscommetotalesetachevées.Touteautrephilosophiesefaitgloiredesa

fermeture5.

3 LaPhilosophiedunon,pp.8‐9.4 Ibid.,p.7.5 Ibid.,p.7.

4

Bachelard orientera d’emblée son épistémologie sur le rationalisme de la

nouvelle physique, tout en professant une allégeance kantienne: «La

philosophie criticiste, dont nous soulignerons la solidité, doit êtremodifiée en

fonctiondecetteouverture»6.Envisageantunephilosophiedessciencesquisoit

une philosophie de scientifiques et non une philosophie de philosophes, il

voudrapourvoirlaphilosophiecriticisted’uneteneurdialectiquequienassure

le caractère ouvert. Toutefois, Bachelard affirme, dans Le nouvel esprit

scientifique,douterdelacapacitédel’espritphilosophiqued’allerainsicontresa

nature:

Cette dialectique où nous invite le phénomène scientifique pose‐t‐elle un problème

métaphysique à l’esprit de synthèse? C’est là une question que nous n’avons pas été

capablederésoudre7.

Bref, lerationalismeest,en tantquetel,unedoctrinephilosophiqueet,àce

titre, il doit répondreà la critiquequeBachelardadresse lui‐mêmeà l’endroit

desdoctrinesphilosophiques,àsavoir,qu’ellesconstituentunepenséeclose.Or

il semble bien que le surrationalisme soit la solution à ce problème que

Bachelardavouait,deuxansplustôt,n’avoirpurésoudredanssonesprit.

Lerationalismeappliqué

Ayant dégagé ce qui semble avoir mené à l’introduction la notion de

surrationalisme,nousvoulons,ensecondlieu,brièvementdiscuterdesbasesdu

rationalisme bachelardien en vue de pouvoir interroger ultérieurement la

nécessitédecettecatégorie.

Bachelardseproposaitdoncd’arrimersonépistémologiesurlenouvelesprit

scientifique–ouvert–régnantenphysiquemathématique.Ilavaitaudépart

6 Ibid.,p.11.7 LeNouvelespritscientifique,p.19.

5

fait œuvre d’épistémologie historique en retraçant, dans sa thèse doctorale

complémentairede1928,l’avènementdecettephysiquemathématiquedansun

domaine particulier, la théorie de la propagation thermique dans les solides.

Bachelardymontraitcommentl’élaborationdemodèlesrationnels,c’est‐à‐dire

explicatifs et naturellement mécanistes, avait fait place à une approche

phénoménologique où l’expérience était entièrement prise en charge par la

mathématique8.Aurationalismequianimaitlaphysiqueclassiqueàl’époqueoù

l’esprit scientifique était entièrement engagé dans la rationalisation du réel,

succédaitlerationalismenouveaudelaphysiquemathématiquedéfinitivement

axésurlaréalisationdurationnel,c’est‐à‐direlaréalisationdesmathématiques9.

Bachelard s’applique à expliciter ce nouveau rationalisme, qu’il situe au

centreduspectredesdiversesphilosophiesquiontcoursenscience(ouavaient

encorerécemment cours,dans lecasde l’idéalisme). Ilchoisitde leprésenter,

parmi tous les qualificatifs qui s’offrent à lui, sous le sigle du rationalisme

appliqué, «car c’est par ses applications que le rationalisme conquiert ses

valeurs objectives»10. Se trouve réinscrite ici la filiation kantienne de

l’épistémologie bachelardienne, qui fait sienne le legs de l’Erkenntnisproblem

dont la problématique centrale était celle de la mise au jour du processus

d’objectivationdesconcepts.

Le rationalisme appliqué, nous dit Bachelard, n’est que l’avers d’une pièce

dontl’enversestlematérialismeinstruit.Cematérialismeinstruit,qu’ilappelle

8 VoirÉtudesurl’évolutiond’unproblèmedephysique.Sesvuessurlaphysiquemathématique

sontreprisesdans«Larichessed’inférencedelaphysiquemathématique».9 «Toutefois, le sens du vecteur épistémologique nous paraît bien net. Il va sûrement du

rationnel au réel […]. Autrement dit, l’application de la pensée scientifique nous paraît

essentiellementréalisante.Nousessaieronsdoncdemontreraucoursdecetouvrageceque

nousappelonslaréalisationdurationnelouplusgénéralementlaréalisationdurationneldu

mathématique».‐LeNouvelespritscientifique,p.810 Lerationalismeappliqué,p.4.

6

également«matérialismerationnel»et,àlasuitedel’introductiondelanotion

de phénoménotechnique, «matérialisme technique», s’oppose avant tout au

matérialismenaïf, dans lamesuremêmeoù laphilosophiebachelardiennedes

sciences récuse le réalisme naïf. Lors de premières études sur la théorie de

relativité et sur la théorie quantique, il n’a de cesse d’attaquer le réalisme

scientifique.Ilprendactedesthéoriesexplicitesdel’espace‐tempsqu’endossent

ces mêmes théories et il relève les implications épistémologiques qui se

dégagent du problème général de la localisation de l’objet physique; ses

analysesvisentàétablircommentcelles‐cirendentcaduqueslesprétentionsdu

réalismeissudelaconnaissancecommune.

Cescritiquesduréalismescientifiqueenphysiquemathématiqueavaienteu

comme base et prolégomènes une attaque du réalisme mathématique, Dans

l’Essai sur la connaissance approchée qui mettait en place son épistémologie

constructiviste, Bachelard y allait de réflexions nuancées sur le platonisme

auquel invitent les formesmathématiques, élaborant sur ce qu’il appelait «le

caractèreprogressifdel’existencemétaphoriquedel’êtremathématique»11.Le

réalismemathématiquequ’ilestalorsdisposéàadmettrerelèved’uneontologie

constructive «qui correspond plutôt à une action qu’à une trouvaille», plus

précisément:qui tientd’unprocessusderéificationprogressiveoù«lanature

desobjetsdonnés s’effacedevant les règlesqui lesgouvernent» –on croirait

entendre Carnap! – et où les êtres mathématiques n’ont aucune réalité

intrinsèque,leurexistenceétantrelativeàleurdomainededéfinition12.

Cette allusion à Carnap n’est pas fortuite. Rappelons que l’Aufbau, qui

paraissaitdanslamêmeannéequelesthèsesdoctoralesdeBachelard,professait

un structuralisme strict posant que tous les énoncés scientifiques sont des

11 Essaisurlaconnaissanceapprochée,p.186.12 Ibid.,pp.187‐188.

7

énoncés structurauxqui affirmentque tel et tel domainepossède telle et telle

structure:

Il sera démontré qu’il est en principe possible de caractériser tous les objets par leurs

propriétés structurelles et de transformer ainsi tous les énoncés scientifiques en purs

énoncésstructuraux13.

Ceprincipeposaitlaprioritédelarelationsurlesrelatés,faisantensorteque

la question de la nature des éléments sur lesquels s’érige notre connaissance

s’avérait,enfait,externeàlaquestiondelaconstructiondesconcepts,quiseule

étaitpertinente:lesélémentsquicomposentledomained’unestructuredonnée

sontentièrementetexclusivementdéterminéspar les relationsdéfinies surce

domaine. Il découle de ce principe qu’on ne saurait parler de la «nature

intrinsèque» des relatés; la question de leur nature ne trouve sa formulation

authentique que dans celle de la nature des relations ou concepts qui les

déterminent,etcelle‐ciseréduisantenretouràcelledesmoyensutiliséspour

identifierleursréférents.LadistinctionqueCarnapferaultérieuremententreles

questionsinternesetlesquestionsexternesneferaquereprendrecetteapproche

oùlesquestionsontologiquestraditionnellesserésorbentenquestionsdechoix

de«cadreslinguistiques».

Les communautés de vues structuralistes entre Bachelard et Carnap

s’estompent certes rapidement sur cedernierpoint. C’est cependant armédes

mêmespréceptesstructuralistesqueBachelardlivrebataillecontreleréalisme

scientifiquedanslesétudesci‐dessusmentionnéessurlanouvellephysique.De

lathéoriedelarelativité,ilécrit:

La relativité s’est d’abord constituée comme un franc système de la relation. Faisant

violenceàdeshabitudes–peut‐êtreàdeslois–delapensée,ons’estappliquéàsaisirla

relationindépendammentdestermesreliés,àpostulerdesliaisonsplutôtquedesobjets,

13 RudolfCarnap,Laconstructionlogiquedumonde,p.7.

8

ànedonnerunesignificationauxmembresd’uneéquationqu’envertudecetteéquation,

prenantainsilesobjetscommed’étrangesfonctionsdelafonctionquilesmetenrapport14

Laportéeontologiquedustructuralismebachelardiensetrouveainsiformulée:

Aussi croyons‐nous utile de poser le problème de la relation au niveau des questions

d’existence,danslaformemêmeoùl’onajoute,aprèsladéfinitiondecertainesfonctions

mathématiques,desthéorèmesd’existencequilégitimentetenquelquesorte«réalisent»

cettedéfinition.Aucommencementestlarelation[…],Enparticulierilserait,ànotresens,

complètement insuffisant de voir dans la relation une simple condition de la mesure

physique,carlarelationaffectel’être,mieuxellenefaitqu’unavecl’être.[…]Enpoussant

ainsilarelativitéjusqu’àcequenouscroyonsêtresesconséquencesmétaphysiquesona

l’impression que les conditions mathématiques qui lui servent de point de départ se

multiplientetseprolongentenuneontologied’autantpluscohérentequ’elleestd’essence

mathématique15.

Quant à lamécanique quantique et aux fonctions qui y sont déléguées aux

opérateursmathématiques,Bachelardjugequelesadieuxauréalismesontàtel

point internes et tranchés que la question du réel ne trouve de salut qu’en

s’inversantencelledel’objectivité:

Parmi les résultats qu’on peut tirer des méthodes de localisation que nous venons

d’exposer,ilnoussemblequeleprincipalestl’inversiondelaperspectivedel’objectivité.

Lasourcepremièredel’objectivité,cen’estpasl’objet,c’estlaméthodeobjective[…].Les

valeursdecertitudesontattachéesàlapréparationexpérimentaleplutôtqu’auxrésultats

de l’expérience.Lesrésultatsbruts, isolés, toujours flottants,désignentmal leréel. Ilest

plussûrdedésignerleréelparlesopérationsquiproduisentlephénomène.[…].

Àquoiservirait‐ild’ailleursdeséparerlanotiond’objectivitéetlanotionderéalitéet

de répéter sans cesse que l’objectivité de l’expérience est possible parce que la réalité

existe à plein, une et immuable, objectivement? Cette existence inconditionnée est

14Lavaleurinductivedelarelativité,p.92.15 Ibid.,pp.210‐211.

9

obscure, vague, illusoire. Elle ne peut justifier les corrélations de l’objectivité. Au

contraire, au niveau des opérateurs bien définis et bien agencés, l’objectivité est

naturellementorganisée.C’estsonorganisationquiadelastabilité,delapermanence,de

ladétermination,delacohérence,breftouslescaractèresqu’onattribued’ordinaireàla

réalité16.

C’estdanscesmêmesréflexionssur lesmathématiquesquiavaientétayéce

qu’on appellerait aujourd’hui son antiréalisme que Bachelard s’explique dès

l’Essai de 1928 sur la notion de rationalité qui fonde le rationalisme qu’il

promulgue. Le contenu des formesmathématiques a pour base l’arithmétique

élémentaire et ses extensions, l’extension principale étant l’arithmétique

généraleetcorrespondantà lathéoriedescorpsausensdel’algèbremoderne.

Invoquant la notion kroneckerienne de «domaines de rationalité» pour

qualifiercedonnémathématique,Bachelardsoutientquelerationnelensoi,de

même l’irrationnelensoi,n’ontpasdesensetqu’ilnepeuts’agir, lorsque l’on

parle de rationalité, que d’une rationalité par rapport à des moyens de

connaissancenettementspécifiés17.

Cette identification du rationnel et du mathématique est au centre de la

modification apportée par le rationalisme bachelardien au criticisme kantien.

Les mathématiques s’y voient dévolues toutes les fonctions épistémologiques

quinousmettentenprésencedelanécessitéetdel’apriorienscience,bienque

cet a priori soit relatif et non exempt de conventionalité. C’est cependant

l’intégration d’une dynamique dialectique qui doit faire en sorte que le

rationalismeappliqué«soitsuffisammentouvertpourrecevoirde l’expérience

desdéterminationsnouvelles»18.

16 L’expériencedel’espacedanslaphysiquecontemporaine,pp.85‐86.17 Essaisurlaconnaissanceapprochée,pp.186‐187.18 Lerationalismeappliqué,p.4.

10

Lesdialectiquesdusurrationalisme

Dans le but de cerner un tant soit peu ce qu’il faut entendre par

surrationalisme, voyons ce que Bachelard décrit comme trois constructions

surrationalistes, qui constituent selon lui autant de tâches spirituelles se

présentantdéjà,à l’étatd’ébauches,dans ledéveloppementscientifiquedeson

époque.

La première construction se présente comme une dialectique interne de la

pensée rationnelle tel qu’exemplifiée par l’apparition des géométries non‐

euclidiennes et leur intégration à la géométrie moderne. Dans ce contexte,

Bachelard parle également d’une dialectisation de la notion géométrique de

parallèle. Il caractérise cet événement de la raison comme unmouvement de

dialectiqueinterneoùlaraisonsescinded’elle‐même.Ellesedivised’elle‐même

carlesmotivationsquiontprésidéàlarefontedelanotiondeparallèlenesont

pas d’ordre empirique, par opposition à celles qui ont motivé la refonte, en

Relativité, de la notion de simultanéité et la prise en compte théorique du

résultatde l’expériencedeMichelsonetMorley.Cemouvementenestunpour

Bachelard de dialectique externe où la raison se scinde sur l’obstacle

expérimental.

Dans un mouvement de dialectique interne donc, la raison se réorganise

spontanément et cette réorganisation s’accompagne d’un réagencement de

l’expérience; alors que dans un mouvement de dialectique externe, il y

enrichissement de l’expérience qui entraîne une refonte de son encadrement

théorique. En troisième lieu et à la croisée de ces deux dialectiques se

présentent, nous dit Bachelard, «des surempirismes d’une étrange mobilité,

d’une étrange force novatrice»19. En vertu de cette solidarité nouvelle que la

physiquemathématiqueinstaureentrethéorieetexpérience,lesurrationalisme

sedoubled’un surempirisme.Les concepts fondamentaux sont introduitsavec

19 «LeSurrationalisme»,,p.8.

11

l’expérienceenrichiequi leurcorrespond,et ledonnéeststrictementpenséen

termesdesaxiomesoudes règlesopératoiresqui ledéfinissent.D’oùprovient

l’étrangeté et la mobilité que l’on peut attribuer à ces nouvelles empiries?

Bachelard, il nous semble, a ici en tête une empirie qui inclut dorénavant les

expériencesdepensée, courantesdans lesexpositions formelleset informelles

delaRelativitéetdelaMécaniquequantique,etintrigantesparlacohabitation

qu’onyrencontredel’imaginaireetdunécessaire.Dansunautreordred’idées,

onpourraitdireque toutprocessusdialectique impliquéenscience induitune

interaction entre sursomption ouAufhebung des concepts et sursomption des

intuitions.

BachelardreprendralethèmedusurrationalismeaupremierchapitredeLa

philosophie du non. Le surrationalisme se constitue d’un «rationalisme

complexe» et d’un «rationalisme dialectique», ces deux derniers termes

renvoyant à des stades plus évolués de la pensée rationaliste en physique (la

penséeréalisteappartenantàunestadeantérieur).Bachelardentreprenddans

ce chapitre de faire la démonstration de la maturation philosophique de la

penséescientifiqueàl’exempleduconceptdemasseenmécanique.Lestadedu

rationalismecorrespondàl’émergence,avecNewton,delamécaniqueclassique.

La masse apparait comme terme primitif défini axiomatiquement par la loi

d’inertie f =ma. Les trois notions de force, demasse et d’accélération y sont

définies corrélativement et aucune préséance ontologique ne saurait, nous dit

Bachelard, être accordée à l’un ou à l’autre de ces éléments d’un «corps de

notions».«D’ailleurs»,ajoute‐t‐il,«dufaitdelacorrélation,onpourradéduire

unedesnotions,n’importe laquelle,desdeuxautres»20.Quiveutdéfendreune

forme de réalisme scientifique à l’égard de cette corrélation devra passer du

réalismedesentitésauréalismedeslois.Maisdéjà,dit‐il,admettredeuxordres

20 Laphilosophiedunon,p.28.

12

deréalitéminelathèseréaliste:leréalismenomologiquesecomplexifieraavec

laréalisationdetypesdeloisdeplusenplusvariés,desorteque:

Bientôtlabellesimplicitéduréalismes’effacera; leréalismeserafeuilletédetoutepart,

danstoutessesnotions,sans jamaispouvoirrendrecompte,avecsespropresprincipes,

de lahiérarchiedesniveaux.Pourquoi alorsnepasdésigner lesniveauxdu réel et leur

hiérarchieenfonctionmêmedesprincipesquidivisentetquihiérarchisent,c’est‐à‐direen

fonctiondesprincipesrationnels21?

Le rationalisme newtonien participe de la philosophie kantienne dans la

mesure où ses éléments fondamentaux, espace absolu, temps absolu, masse

absolue, en tant qu’éléments primitifs, introduits par voie d’axiomes, ne sont

pas plus amplement analysés sur le plan sémantique tout en faisant fonction

d’apriorissurleplandelamesure.C’estdirequelerationalismenewtonienest

effectivement,auxyeuxdeBachelard,unepenséefermée.Toutefois,dufaitqu’il

estunrationalismeappliqué,cerationalisme,dèssapremièreébauche,«laisse

présager le surrationalisme»22. Dans son entreprise d’étudier l’aspect

dynamique de la masse, le rationalisme se développera dans le sens d’une

complexitécroissanteoùémergentvraimentlesvaleursrationnelles.

Maisvoiciveniruneépoque,avecl’èredelarelativité,oùlerationalisme,essentiellement

formédanslesconceptionsnewtonienneetkantiennes,vas’ouvrir23.

Lerejetdesnotionsdetempsetd’espaceabsolus,laredéfinitionduconceptde

simultanéité,etlamiseenrelationdelamassed’unobjetaudéplacementdecet

objet(E=mc2)sontlesinstancesd’unmouvementdedialectiqueinterneoùles

21Ibid,p.29.22 Ibid.,p.28.23 Ibid,p.29.

13

éléments fondamentaux de la mécanique newtonienne sont, ici, rejetés, là,

complexifiés.

Cette complexification du rationalisme s’amplifiera en une véritable

dialectisationexterneàl’heuredelamécaniquequantique.Bachelardévoqueà

cesujet les travauxdeDirac,àqui l’ondoit l’équationquantiquerelativistede

l’électron et la prédiction théorique de l’existence du positron. Comme à

l’accoutumée,Bachelarddébuteensoulignantlefosséimmensequiexisteentre

lesanciennesvuesréalistessurlamasseetl’approchedeDirac,laquelles’appuie

sur la notion fondamentale de propagation. Le substrat de cette propagation

étant pensé en termes du relaté par rapport à la relation (conformément à

l’approche structuraliste), «la mécanique de Dirac est donc, au départ,

déréalisée.24» Plus encore, la théorie de l’antimatière ébauchée par Dirac

accomplit,si l’onveutsuivreBachelard,unedialectisationde l’anciennenotion

demasseconçuecomme«quantitédematière».

Voilà donc exemplifiée sur la base de la notion de masse enmécanique la

dimensiontemporelledusurrationalismeen tantque termed’unprocessusde

maturationdurationalisme.

Ambivalencebachelardiennefaceàl’axiomatisation

Ces deuxmoments de complexification et de dialectisation du rationalisme

témoignent donc du caractère ouvert du nouvel esprit scientifique et du

néorationalismequiyrègne.Bachelardsemblecependantpenserque lemême

processusquiaprésidéàl’ouverturedel’espritscientifiquepeutaussimenerà

saclôture.Danslecasdelapenséegéométriqueetdeladialectiqueinterne, la

méthodeaxiomatiqueaété lemoteurdecetteouvertured’esprit tantcélébrée

parBachelard.L’axiomatiqueétaitpourBachelardégalementimpliquéedefaçon

essentielledansladialectiqueexternedelamécaniquequantique.Dansl’étude

24 Ibid.,p.34.

14

précitée, il retraçait les conséquences épistémologiques des relations

d’incertituded’Heisenbergqu’ilconsidéraitcommedesaxiomesjetantlesbases

d’une géométrie qui déroge à la localisation absolue à laquelle s’étaient

confinéeslesanciennesintuitions.Néanmoins,cetteaxiomatiquequiincarnele

mouvement dialectique de l’esprit scientifique peut aussi constituer son cran

d’arrêt.Àelleseule,ellen’estpasengagéeàremettreenmouvementcesformes

épuréesdontelleavérifiélaconsistance.Puisqueladialectisationdesconcepts

s’accompagned’unedialectisationdesintuitions,uncontenudoitêtreredonnéà

cequiaétévidédesoncontenuparvoied’axiomatisationformelleouplutôt,par

lebiaisdelaformalisation.

D’oùl’ambivalencedelapositiondeBachelardfaceàl’axiomatique.D’uncôté,

illatientenhauteestimeenraisondesesvaleursdesynthèse,d’épurationdes

formes,d’homogénéisationdesconcepts.Déjà,danslecompte‐renduqu’ilfaisait

en 1935 de l’ouvrage de Reichenbach sur les fondements logiques et

mathématiques de la théorie des probabilités, il reconnaissait lesmérites des

investigations axiomatiques et soulignait la «saine pédagogie de la

formalisation» et la «soudaine homogénéité» conceptuelle apportée par une

axiomatisationcomplète,disantdecemêmeouvragequ’ilétait«unmodèlede

philosophie scientifique et de sciencephilosophique»25.Mais, dira‐t‐il dansLe

rationalisme appliqué, c’est mutiler le caractère de l’axiomatique que de la

restreindre à son simple formalisme26. Dans l’approche strictement formaliste

d’unHilbert,parexemple,lesconceptsdebasetelslepoint,ladroite,leplan,etc.

sontdéfinisaxiomatiquement,c’est‐à‐diredefaçonimpliciteetenbloc,desorte

que pris un à un, ils sont interchangeables, comme ne manque pas de le

soulignerBachelard.CommentantHilbert,ilécrit:

25 CompterendudeHansReichenbach,1935‐36,p.446.26 Lerationalismeappliqué,p.30.

15

Direquelagéométrieconsidèretroissortesd’êtresgéométriquesdésignéesparleslettres

A, a,α, et que les majuscules sont des points, les minuscules des droites et les lettres

grecques des plans, c’est déréaliser complètement la géométrie et corrélativement en

dégager la structure logique. Ce formalisme logique correspond à une organisation

indispensable de la rigueur. Mais ce formalisme ne peut évidemment pas donner une

philosophiegénéraledelagéométrie.Iln’estqu’unpointdevue,ilnedonnequ’unepartie

delapenséegéométrique.Àsonoccasion,onpeutvoirprécisémentladifférencequ’ilya

entreunlogicismeetunrationalisme.L’étudedesbaseslogiquesd’unsavoirn’épuisepas

l’étudeépistémologiquedecesavoir27.

Bachelard semble par ailleurs n’accorder qu’une valeur rétrospective aux

étudesaxiomatiques:

Onaxiomatisecequedéjàl’onconnaît.Onaxiomatisepourbienadministrerlarigueurde

laconnaissance.L’axiomatiqueestunereprise,jamaisunvraidépart28.

L’axiomatiquereprendlechemindéjàfait,etlecheminqu’elletracen’estpas

celui – psychologique – de la pensée effective qui a mené aux relations

consignéesparlathéorieàl’étatachevé;iltracelesliens–pouremployerdes

termesdeHertzetdeCarnap–d’une«reconstructionrationnelle».Siellepeut

légitimement prétendre à une exposition rigoureuse du produit de la pensée

rationnelle,unetellereconstructionaffirmeenmêmetempssonautonomiepar

rapportà lagenèsedecettepensée.Noussommes icirenvoyésà ladistinction

entrelaquestiondelavalidationdesconnaissancesetcelledeleursorigineset

de leur genèse, et surtout à la question de savoir quel contexte appartient en

propreàl’épistémologie.Audébatentourantl’autonomiedel’épistémologieface

àlapsychologies’ajouteaussiceluidelapertinence,pourlesfondementsd’une

science,delarécupérationdesmomentsantérieursdecettescience.Cedernier

pointestessentielà toutmouvementdialectique,mais ilestbeletbienabsent27 Ibid.,p.18.28 Ibid.,p.28‐29.

16

dans lesreconstructionsrationnelles. Il semblequ’ici,épistémologiehistorique

telle que conçue par Bachelard et problématique des fondements soient

difficilementconciliables.

Le fait est que Bachelard s’intéresse à la raison de la même façon que

Humboldt s’intéressait au langage: son épistémologie s’adresse à l’œuvre de

raisonentantquetravail,etnonàl’œuvrederaisonentantqu’ouvrageachevé:

Ainsi, quand on interprète systématiquement la connaissance rationnelle comme la

constitution de certaines formes, comme un simple appareillage de formules propres à

informern’importequelleexpérience,oninstitueunformalisme.Ceformalismepeut,àla

rigueur, recevoir les résultats de la pensée rationnelle, mais il ne peut donner tout le

travaildelapenséerationnelle29.

J’ai montré ailleurs comment la critique que Bachelard adresse à

l’axiomatique et en général à la logique formelle est en tout point conforme à

cellequeformulaitHegel:onyposedesdéfinitionsetdesaxiomessansindiquer

larelationqu’ilsentretiennentaveclerésultatquienémergera30.Lalégitimation

duchoixdesdéfinitionsetdesaxiomesestexterneausystèmeformel,demême

quelanécessitéquigouvernelesprocèslogiques:

En ce qui concerne la connaissance [mathématique], on ne rend pas compte de la

nécessitédelaconstruction.[…]Ainsiladémonstrationsuitunevoiequicommenceenun

pointquelconquesansqu’onsacheencorelerapportdececommencementaurésultatqui

doit en sortir. Le cours de la démonstration comporte telles déterminations et tels

rapports,etenécarted’autressansqu’onpuisseserendrecompteimmédiatementselon

quellenécessitécelaalieu;unefinalitéextérieurerégituntelmouvement31.

29 Ibid.,p.5.30 VoirJeanLeroux,«BachelardetleCercledeVienne».31 G.W.F.Hegel,LaPhénoménologiedel’esprit,pp.37‐38.

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Ainsi, Bachelard affirme dans Le Rationalisme appliqué que l’axiomatisme

«masque sa finalité» et surtout, qu’il «marque l’apogée de l’anti‐

psychologisme» (p.29).S’il est sympathiqueà laméthodeaxiomatiquedu fait

qu’elle incarne ce mouvement d’émancipation de l’intuition essentiel aux

«synthèsesdiscursives»de la sciencemoderne, il déploredumêmecoupque

l’axiomatisation scientifique soit dissociée de la psychologie de l’esprit

scientifique.

D’oùprovientceparti‐prisdeBachelardpour lepsychologismealorsque la

maturation d’un concept scientifique à l’état de notion rigoureuse s’accomplit

dans son émancipation progressive de l’intuition première, dans son

affranchissement du psychologisme? C’est qu’à ne considérer le concept

uniquement dans son état dépsychologisé, on ne peut pas apercevoir le

rationnel.Lerationnelest foncièrementconçuparBachelardcommecequiest

issu d’un processus de rationalisation. La considération exclusive du résultat

achevé,dépsychologisédeceprocessusenoccultelecaractèrerationnel.D’oùla

nécessitéde«restituerlaconsciencedunon­rigoureuxpourqu’unepleineprise

de conscience de la rigueur soit possible», ce qui fait en sorte que, pour

Bachelard,lepsychologismereprendsafonctionépistémologique32.Aprèsavoir

dépsychologisé,ilfautredonnersesdroitsaupsychologisme:

Pour dire les choses plus simplement, il faut remettre dans les formules un peu de

psychologiepourqu’unnon‐psychologismeenacte [lapenséerationnelle] sedéveloppe

eneffaçantlepsychologisme.Mettredupsychologismepourl’enlever,voilàunedémarche

qui est indispensable pour obtenir la conscience de rationalité. Il n’y a donc pas à

s’étonnersilerationalismeenseignantlui‐mêmereste,parcertainbiais,enrapportavec

lepsychologisme33.

32 Lerationalismeappliqué,p.29.33 Lerationalismeappliqué,pp.13‐14.

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Mais à suivre les étapes du développement historique d’un concept

scientifique,etceladèslespremierspasquisontteintésdepenséeréalisteetde

psychologisme intempérant, ne contrevient‐on pas aux préceptes de l’histoire

récurrente qui consiste à n’accorder de pertinence épistémologique qu’à

l’histoire sanctionnée d’un concept? Nous pensons que non, et que le

surrationalismedemeurecohérentsurcepoint.Carlasanctiond’unconceptest

quelquechosed’évolutifetelleselaissejustementretracerdanslesdifférentes

étapesdelaréductiondupsychologismeetdel’instaurationdurationalisme.Le

rationnelsetrouveoccultéàl’étatstatiqueetneselaisseappréhenderquedans

sa mouvance: voilà sans doute la teneur dialectique fondamentale du

rationalismebachelardien.

Conclusion

S’il apparaît enfin cohérent de voir dans le surrationalisme un réel

engagementdurationalismeentantquephilosophiedessciences,iln’enestpas

demêmepourlerationalismeentantquephilosophieenscience.Nousavonsvu

au tout début que c’est l’esprit philosophique que Bachelard engageait au

surrationalisme, ce dernier étant présent à l’état d’ébauche dans la nouvelle

physique.MaisilfautadmettrequecequeKuhnaappelélasciencenormalen’est

pas étranger à l’esprit scientifique. Également, si l’on adopte les termes de

Lakatos, on peut convenir que l’heuristique négative d’un programme de

recherchescientifiqueestadverseàlamiseenmarchededialectiquesexternes,

alorsquel’heuristiquepositived’unprogrammederecherchescientifiqueopère

sur le principe d’exclusion de dialectiques internes. Le surrationalisme

bachelardien,avecsonappelàlasciencedeconstammentremettreenquestion

sesprincipes,neseferaitjamaislechantredelasciencenormale,pasplusqu’il

nevaloriseraitleconventionnalismescientifique,toutsophistiquésoit‐il.

Quelesurrationalismeentantquephilosophiedessciencesnerecouvrepas

nécessairement le rationalisme appliqué interne au savoir scientifique ne

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poseraitproblèmequesilaphilosophiedessciencesdevaitserésorberdansla

science.

MichaelFriedman,quidanssonouvrageDynamicsofReason,réfléchitsurla

teneur de ce que serait une philosophie scientifique des sciences, offre une

vision contemporaine du rationaliste qui s’apparente à celle que Bachelard se

faisaitduphilosophedessciencesinstruitdelascience:

La science, si elle doit continuer de progresser par voie de révolutions, a besoin d’une

sourcedenouvellesidées,deprogrammesalternatifs,depossibilitésélargiesquienelles‐

mêmesnesontpas scientifiquesdans lemêmesens–quin’opèrentpas, comme le font

généralement les sciences, à l’intérieur d’un cadre généralement accepté ou de règles

admises. Car le besoin ici est précisément de créer et de stimuler l’élaboration de

nouveaux cadres de pensée ou paradigmes – de nouvelles conceptions de ce qui

constitueraitunecompréhensionrationnellecohérentedelanature[…]34.

Dans cette optique, Friedman récuse l’idée d’une «épistémologie devenue

naturelle» au sens de Quine, car elle perdrait ainsi les atouts recherchés.

L’épistémologiebachelardiennen’estpasnonplusuneépistémologie«devenue

naturelle»; bien qu’instruite de la science, elle constitue une entreprise de

secondniveauqui,parlesecoursd’uneréanimationdudépsychologisé,redonne

àlapenséepensantecequelapenséepenséeluiavaitenlevé,nommément:un

contenuquiinviteàreprendreletravailderationalisation.

JeanLeroux

Universitéd’Ottawa

34MichaelFriedman,DynamicsofReason,p.23(notretraduction).

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