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Cet article est disponible en ligne à l’adresse : http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=HER&ID_NUMPUBLIE=HER_127&ID_ARTICLE=HER_127_0124 Géopolitique du tourisme à Madagascar : de la protection de l’environnement au développement de l’économie par Bruno SARRASIN | Éditions La Découverte | Hérodote 2007/4 - n° 127 ISSN 0338-487X | ISBN 978-2-7071-5355-5 | pages 124 à 150 Pour citer cet article : — Sarrasin B., Géopolitique du tourisme à Madagascar : de la protection de l’environnement au développement de l’économie, Hérodote 2007/4, n° 127, p. 124-150. Distribution électronique Cairn pour les Éditions La Découverte. © Éditions La Découverte. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

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Cet article est disponible en ligne à l’adresse :http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=HER&ID_NUMPUBLIE=HER_127&ID_ARTICLE=HER_127_0124

Géopolitique du tourisme à Madagascar : de la protection de l’environnement au développement de l’économiepar Bruno SARRASIN

| Éditions La Découverte | Hérodote2007/4 - n° 127ISSN 0338-487X | ISBN 978-2-7071-5355-5 | pages 124 à 150

Pour citer cet article : — Sarrasin B., Géopolitique du tourisme à Madagascar : de la protection de l’environnement au développement de l’économie, Hérodote 2007/4, n° 127, p. 124-150.

Distribution électronique Cairn pour les Éditions La Découverte.© Éditions La Découverte. Tous droits réservés pour tous pays.La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

* Politologue, l’auteur est professeur au département d’Études urbaines et touristiques del’université du Québec à Montréal. Il remercie le Fonds québécois de la recherche sur la sociétéet la culture dont l’appui financier a rendu possible la recherche dont cet article rend compte.Il remercie également Haja Ramahatra pour sa contribution à la recherche.

Géopolitique du tourisme à Madagascar : de la protection de l’environnement au développement de l’économie

Bruno Sarrasin*

Ny olombelona toy ny embok’akondraRaha manondro ny lanitra, iray ihanyFa raha miondrika, samy manana ny lafiny.

Les hommes ressemblent aux fleurs du bananier,Quand elles sont encore dirigées vers le ciel, elles paraissent ne

former qu’un seul tout,Mais quand elles s’inclinent, chacune occupe sa place propre.

Poème malagasy.

Madagascar est un territoire d’exception à plusieurs titres. Isolée du continentafricain depuis quelque 160 millions d’années, Madagascar est la cinquième plusgrande île du monde – après l’Australie, le Groenland, la Nouvelle-Guinée etBornéo – avec une superficie de 587 014 km2, soit l’équivalent de la Franceet du Benelux réunis. Le pays possède cinq grandes régions géographiques pré-sentant un relief très diversifié et des écosystèmes uniques. Au nord, le massif deTsaratanana est caractérisé par ses forêts primaires endémiques et son relief acci-denté, ses îles, ses grottes et surtout ses sites côtiers à hauts potentiels touristiques

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dont l’île de Nosy Be est le plus connu. En abordant les hautes terres du Centre, onobserve un relief beaucoup plus accidenté avec les massifs des hauts plateaux– d’origine volcanique – dont les pointes peuvent atteindre 2 876 m d’altitude.Cette région se caractérise notamment par l’abondance des précipitations et lamise en culture des terres, principalement rizicole. La côte Est, plus exposée auxprécipitations – offrant une végétation plus abondante et plus diversifiée –, estcomposée de larges plaines mais partage des similitudes avec la côte Ouest carac-térisées par les plages, les récifs, les barrières de coraux, les lagons et les mangroves.Enfin, la région du Sud-Ouest, formée d’un vaste plateau, de plaines et desavanes, offre ses régions arides marquées par la désertification. Reconnue commeétant l’un des pays les plus riches du point de vue écologique, Madagascar faitpartie des pays du monde présentant une mégabiodiversité avec un taux d’endé-misme des espèces végétales et animales pouvant atteindre jusqu’à 95 % (Christieet Crompton, 2003). L’île permet ainsi la découverte, l’observation et l’interpré-tation de communautés biologiques variées qui ont disparu de la masse conti-nentale depuis des milliers d’années. Ces caractéristiques constituent l’atouttouristique le plus important pour Madagascar. Le panorama offert par certainssites comme la réserve naturelle des Tsingy du Bemaraha à l’ouest, qui consisteen une spectaculaire formation karstique, procure une expérience unique aux visi-teurs. Son extraordinaire capital biologique, tant au niveau de la faune que de laflore, à la fois terrestre et marin, en fait une destination de premier plan pour unegamme variée d’activités touristiques, où l’écotourisme occupe la première placepour la moitié des visiteurs non résidents (la principale attraction étant l’observa-tion des lémuriens et autres mammifères au sein des aires protégées) (ibid.).

Ces quelques repères « naturels » de Madagascar et son potentiel de mise envaleur touristique s’insèrent dans un double paradoxe qui fonde l’intérêt d’analyserla géopolitique du tourisme sur la Grande Île. D’une part, le pays possède unebiodiversité exceptionnellement riche dans un contexte de grande pauvretéhumaine. D’autre part, l’intérêt grandissant pour le tourisme – et en particulierpour l’écotourisme – contribue à dégrader les conditions (naturelles, sociales etculturelles) qui président à sa propre existence. Ces éléments placent le territoireet son appropriation au centre des enjeux dits de « développement » en général etdu tourisme en particulier. À travers une dialectique opposant croissance écono-mique et protection des ressources naturelles, nous tenterons de mieux cerner lagéopolitique du tourisme à Madagascar en posant trois hypothèses principales :1) cette géopolitique s’appuie fortement sur l’endémisme élevé de ses ressourcesnaturelles et sur la perception des menaces qui pèsent sur elles. Cela fonde unevision particulière de l’environnement et de ses problèmes ; 2) l’insertion de laGrande Île au capitalisme mondial place le tourisme dans un « modèle de dévelop-pement » produit par les institutions financières internationales ; 3) la population

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rurale constitue la clé de voûte des problèmes et des solutions associés à la dégra-dation de ressources naturelles et doit en conséquence jouer un rôle dans ledéveloppement du tourisme sur la Grande Île. Plusieurs questions sous-tendent lavérification de ces hypothèses : quels liens existe-t-il entre les caractéristiques duterritoire et le développement touristique à Madagascar ? Quels sont les détermi-nants du développement touristique et qui sont les principaux acteurs en cause ?Comment le développement touristique à Madagascar façonne-t-il (ou est-ilfaçonné par) les pouvoirs politique et économique ? Dans quel type de représenta-tion et au profit de quel groupe d’acteurs le développement par et pour le tou-risme – et l’écotourisme – s’insère-t-il ? Ces quelques questions guideront notredémarche qui vise à explorer la géopolitique du tourisme à Madagascar à traversles enjeux qui motivent les positions des acteurs, leurs éventuelles confrontationset les dynamiques territoriales qui en découlent.

L’environnement naturel : de la représentation internationaleà l’enjeu malgache

Avant la fin des années 1970, on faisait peu de cas, au sein des institutions bila-térales et multilatérales de crédit, du caractère limité des ressources naturelles(CMED, 1988). Du point de vue des économistes de la Banque mondiale cepen-dant, des « avancées considérables », sur les plans de la préoccupation environ-nementale, de la recherche sur l’écologie et de l’application des principes del’économie néoclassique à l’« environnement », se sont réalisées depuis la décen-nie 1970 (ibid. ; Cleaver et Schreiber, 1998). Pour eux, la Stratégie mondiale deconservation (World Conservation Strategy) publiée en 1980 par l’Union interna-tionale pour la conservation de la nature et des ressources naturelles est considéréecomme l’événement ayant présidé à l’émergence du « développement durable » etcontribué à placer l’« environnement » sur l’agenda des décideurs politiques,autant au Nord qu’au Sud. Nous croyons que ce type de lecture révèle un certainnombre d’enjeux de pouvoir fondés sur l’identité « environnementale » que tousles acteurs, internationaux et malgaches, tentent de s’approprier.

Depuis plusieurs années, et particulièrement depuis le Sommet de la Terre tenuà Rio en 1992, la « question environnementale », qu’elle insiste sur le type dedégradation, la zone géographique et les espèces menacées ou sur les moyensnécessaires pour réduire ou arrêter les effets négatifs des actions de l’homme surla nature, semble ne plus faire de doute. Qui, en effet, peut s’en prendre à l’idée de« protéger l’environnement » sans être critiqué pour son égoïsme et sa courte vue ?Comment questionner davantage la pertinence d’« actions de sauvegarde » dansles pays dont les conditions de vie sont à la limite de la survie, comme c’est le cas

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en Afrique dont l’image, forgée par les médias occidentaux et locaux, particulière-ment depuis la famine en Éthiopie au cours des années 1980, présente un mondede misère (Anderson et Grove, 1987) ? Pour ou contre l’« environnement » ? Qui« sauver » ? Comment et pourquoi le faire ? Voilà autant de questions qui sous-tendent les « politiques environnementales », peu importe la région du monde oùelles se posent.

Au milieu des années 1980, les analystes de la Banque mondiale insistaient surla menace que représentaient les « proportions massives » de la « destruction envi-ronnementale » dans plusieurs pays du tiers monde, particulièrement en Afrique(Banque mondiale, 1985). Grâce aux médias et à l’utilisation de termes-chocs telles« catastrophe », « menace », « autodestruction », etc., l’« environnement » est pré-senté comme une préoccupation planétaire, incontournable. Puisque la pollutionne connaît pas de frontières, que les forêts tropicales, où qu’elles soient, sontnécessaires à la fixation du dioxyde de carbone et que la biodiversité d’unpays – comme c’est le cas à Madagascar – peut être qualifiée de patrimoine del’humanité, l’« environnement » est présenté comme une responsabilité collective(CMED, 1988). Ce contexte rend le cas de Madagascar particulièrement intéres-sant pour qui cherche à comprendre les raisons qui ont fait de l’« environnement »un enjeu de premier plan. Le Pape Jean-Paul II, en visite à Madagascar en 1989,décrivait la situation en ces termes :

De plus en plus, l’opinion mondiale prend conscience du bien précieux qu’est laterre avec tout ce qu’elle recèle et produit. On parle de l’environnement : il s’agitdu cadre dans lequel l’homme doit vivre ; il s’agit de la nature qui lui est confiée. Etl’on sait les menaces qui pèsent sur des régions entières du fait d’une exploitationinconsidérée. [...] Il est urgent que la communauté internationale se donne lesmoyens juridiques et techniques de garantir la protection de l’environnement,d’empêcher les abus inspirés parce qu’il faut bien nommer l’égoïsme des uns audétriment des autres 1.

L’intervention du pape n’est pas anodine dans un pays qui compte 75 % dechrétiens et où religion et politique sont intimement liées (Roubaud, 2000). Lesmaîtres-mots du président Marc Ravalomanana ne sont-ils pas sainteté (fahamari-nana) et vérité (fahamasinana) ? Le chef de l’Église catholique résume d’ailleurstrès bien l’essentiel des représentations construites autour des ressources natu-relles avec la logique qui s’impose par la suite à Madagascar : le problème de

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1. Discours du pape Jean-Paul II au corps diplomatique de Madagascar le 30 avril 1989, citédans « Environnement et impératifs industriels », La Lettre mensuelle de JURECO, n° 30,juin 1989, p. 24.

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dégradation est causé essentiellement par le comportement des paysans mal-gaches, la conscience et la connaissance (la solution au problème) provenantnécessairement de l’extérieur. Quelques années plus tard, la situation est toujoursprésentée comme « catastrophique » bien qu’un programme d’action environne-mental ait été mis en œuvre au début des années 1990 : « Madagascar brûle-t-il ? »titrait, avec un brasier en couverture, la Revue de l’océan Indien, Madagascar dansson édition de décembre 1996. Les tavy 2, destinés à la culture itinérante, sontdécrits en termes apocalyptiques qui résument bien l’état d’esprit véhiculé autourde la notion de « dégradation environnementale » :

On connaît très bien les méfaits engendrés (par l’abattis-brûlis en à-pic 3), maison allume quand même. La mise à nu de pentes abruptes ravine sous l’action despluies. De profondes griffes d’érosion ouvrent dans le plateau des plaies béantes. Etpourtant, la terre malagasy n’est ni ingrate ni hostile. C’est un faux dilemme et unincroyable gâchis. Le Malagasy serait-il devenu masochiste, au point de faire laribouldingue en ayant les mains crochues par le feu ? Ou bien serait-il méphisto-phélique, au point de s’anéantir lui-même 4 ?

On peut se demander dans quelle mesure de telles images marquent la percep-tion éventuelle d’un « problème environnemental » à Madagascar, unanimementreconnue pour sa mégabiodiversité (Jolly et Jolly, 1984 ; Jolly, 1990 ; Richard etO’Connor, 1997). Par son caractère original, la « nature » malgache intéresseet fascine. Comme l’écrivait déjà Philippe Commerson en 1771, « la nature sembles’être retirée dans un sanctuaire privé, où elle peut travailler à des modèles diffé-rents de tout ce qui est utilisé ailleurs. On trouve là, à chaque pas, des formesétranges et merveilleuses5 ». L’image associée à la richesse naturelle de Madagascar,

2. Ce phénomène ne doit pas être confondu avec les « feux de brousse ». À Madagascar,comme ailleurs, le tavy et les feux de brousse sont considérés comme étant distincts, bien queles deux impliquent la mise à feu de la végétation. Le premier est une culture itinérante sur brûlisen milieu forestier humide ; son but est d’éliminer la forêt, parfois après l’abattage, et de ferti-liser la terre avec les cendres. Il s’agit d’un feu presque toujours ciblé et contrôlé, associé à laculture du riz de montagne et au manioc. Par contre, les feux de brousse supposent la mise à feude pâturages extensifs en milieu subhumide – surtout sur les hauts plateaux de l’île – à la fin dela saison sèche afin d’accélérer la régénération de la végétation, surtout de l’herbe pour le bétail.Rarement maîtrisés, les feux de brousse sont parfois utilisés à Madagascar comme signe decontestation politique.

3. La culture itinérante sur brûlis, en milieu forestier humide et en relief.4. Éditorial, « Madagascar brûle-t-il ? », Revue de l’océan Indien, Madagascar, n° 162,

décembre, 1996, p. 3.5. Traduction libre, cité dans (Jolly, 1990, p. 38).

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qu’elle prenne une forme symbolique (Éden) ou scientifique (biodiversité), contri-bue à mieux comprendre le contexte historique dans lequel sera éventuellementperçue la « dégradation de l’environnement » comme problème géopolitique etcomment le tourisme interviendra éventuellement comme solution de sauvegarde.

Le rôle de la population rurale dans la dégradation des ressources naturelles

À Madagascar, la problématique de l’« environnement », largement associée àla biodiversité, s’est principalement construite autour de sa dégradation. Dans lecas de la forêt primaire, par exemple, habitat naturel pour l’essentiel des espècesqui font de ce pays un lieu de biodiversité unique, la situation est qualifiée decatastrophique et elle « découle d’un processus de déforestation commencé depuisl’implantation de la première habitation dans la région. Les récits des voyageursqui ont traversé la région attestent bien du recul de la forêt depuis le XVIIe siècle »(Rakotoarisoa, 1997, p. 338) 6. Malgré la mise en place d’une Charte de l’environ-nement en 1990 et du Plan d’action environnemental (1993-2008) appuyé par despartenaires et des bailleurs de fonds internationaux, les dernières décennies ont vus’opérer une baisse continue de la qualité de l’environnement, ainsi qu’une régres-sion quantitative des formations naturelles dans plusieurs écorégions, en parti-culier la forêt primaire. Le pays continue de connaître un taux élevé de dégradationde sa biodiversité et en particulier de sa couverture forestière qui enregistre des tauxde déforestation estimés de 150 000 à 200 000 ha par an (Minten, Randrianarisoa,Randrianarison, 2005). En dépit des multiples stratégies qui s’inscrivent dans lesdivers programmes de préservation et de conservation, cette tendance ne semblepas encore avoir changé de façon significative, avec une déforestation moyenneannuelle de plus de 1 % de 1990 à 2005 (FAO, 2005) 7. Les Nations unies ont aussiestimé qu’au cours des 60 dernières années 75 % de la couverture forestière avaientdisparu, dont 10 % pendant la dernière décennie. Bien que ces estimations s’insèrentdans un débat concernant la couverture forestière originelle, celle-ci était estiméeà 13 260 000 ha en 1996, soit 22,6 % du territoire national, tandis que la période1997-2000 a été marquée par une diminution forestière annuelle moyenne de1,2 %, avec plusieurs conséquences directes, dont la perte de biodiversité, la

6. Traduction libre.7. Le taux de déforestation est une moyenne, tous types de forêts confondus (forêt humide,

forêt sèche et mangrove). Il importe de souligner la difficulté de comparer les chiffres obtenus,étant donné que les éléments considérés (critères d’évaluation) sont souvent différents d’uneinstitution à l’autre.

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8. Voir à ce sujet CONSERVATION INTERNATIONAL, Conservation Regions : Madagascar (enligne, août 2007), <http ://web.conservation.org/xp/CIWEB/regions/africa/madagascar/ conser-vation.xml>.

diminution de la fertilité des sols, l’érosion, l’ensablement des lits et des embou-chures des rivières. De 1990 à 2000, c’est donc 24 446 ha de forêts en moyennepar année qui ont été brûlés à des fins agricoles (dont 74 % concentrés dans lesfaritany de Diégo et de Tamatave), tandis que l’exploitation forestière a augmentéde façon exponentielle durant cette période (Nations unies, 2003, p. 22-23).

Selon une estimation réalisée dans la forêt des Mikea (sud-ouest de la GrandeÎle), la déforestation s’accompagne de la disparition de 75 % des espèces végé-tales originelles exploitées comme bois d’œuvre ou utilisées comme plantes médi-cinales et de 25 % des espèces animales (Grouzis et Milleville, 2000). Celaconstitue une situation alarmante compte tenu du fait que les forêts malgachesabritent la quasi-totalité des espèces endémiques de l’île. Dans une perspectiveéconomique, la perte que représente l’ensemble de ces dégradations était estiméeen 2000 entre 12 et 40 millions $US, soit l’équivalent de 5 à 15 % du PIB(ANGAP, 2001 ; MEEF, 2005). Il est certain que si les taux de dégradationdemeurent à leur niveau actuel, les prévisions issues des récentes études du Centerfor Applied Biodiversity Science (CABS) pour le compte de Conservation Inter-national qui prévoient la disparition complète du couvert forestier malgache d’iciquarante ans pourraient se confirmer 8. Bien que la perte écologique due à ladégradation des habitats naturels – en particulier du couvert forestier – n’ait pas étéentièrement évaluée, il est indéniable que l’érosion de la biodiversité à Madagascars’avère très élevée et débouche sur plusieurs questions qui moduleront le rapportde forces entre les acteurs : comment réfréner la dégradation de manière effi-cace dans un contexte de grande pauvreté ? Comment agir sur les principalescauses de la dégradation évoquées précédemment ? Pour le gouvernement mal-gache et les bailleurs de fonds internationaux, les réponses résident dans la relationpauvreté/croissance économique/protection des ressources naturelles. Si l’hommecause la « dégradation environnementale », il importe donc qu’il « prenneconscience » des conséquences de son comportement prédateur sur la nature etconsente à le changer. Bien que la situation ne soit pas aussi simple, elle est sou-vent présentée par les bailleurs de fonds internationaux, les organisations nongouvernementales (ONG) et le gouvernement malgache sous une forme plus oumoins confuse d’objectifs de conservation, de développement économique etsocial, inspirés de valeurs morales et symboliques dont les enjeux politiques sontsouvent éludés. Sur le plan touristique par exemple, la création, la gestion et la

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mise en valeur des Aires protégées s’inscrivent dans la logique qui place la popu-lation pauvre comme vecteur principal des pressions qui pèsent sur la biodiversitéet s’appuient sur un ensemble de relations et d’hypothèses que nous pouvonsrésumer de la façon suivante (ANGAP, 2002 ; Nations unies, 2003) : Madagascarest un des pays les plus pauvres dans le monde ; 85 % des pauvres sont des rurauxet ils dépendent considérablement des ressources naturelles ; leur mode de vie(survie) et leurs systèmes de production contribuent à la dégradation de l’environ-nement et à une perte accélérée de la couverture forestière. Cette situation, à sontour, accroît davantage la vulnérabilité des pauvres en milieu rural par rapport auxcataclysmes naturels dont la fréquence augmente. Ce type de lecture n’est pasnouveau puisqu’il structure la construction des « problèmes environnementaux »et leur solution, en Afrique subsaharienne comme dans les autres pays du Sud,depuis au moins deux décennies (Sarrasin, 2005). Parce qu’elle est devenue unenjeu incontournable au cours des vingt dernières années à Madagascar, la « ques-tion environnementale » constitue une clé importante de compréhension des stra-tégies de développement économique et, par extension, un des éléments moteursdu développement touristique de la Grande Île.

Quelques repères économiques et politiques

Le gouvernement malgache n’a pas toujours été le « bon élève » économiquecité par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) aujour-d’hui. La IIe République instaurée par Didier Ratsiraka (1975-1993) se réclamaitdu socialisme radical marqué par la malgachisation de l’économie, l’apologie dumodèle soviétique et les rapprochements politique et militaire avec la Coréedu Nord. La géopolitique mondiale et l’évolution économique, tant nationalequ’internationale, ont donné tort au régime Ratsiraka qui sera remplacé en 1993par Albert Zafy à la faveur des premières élections libres et de la création de laIIIe République. La démarche de notre article ne cherche pas à faire l’analyseapprofondie des dimensions économique et politique de Madagascar mais viseplutôt, à la manière des géopolitologues anglo-saxons (O’Thuatail, 1998 ; Tayloret Flint, 2000), à établir les lignes de forces qui se sont manifestées au cours desvingt dernières années et qui ont présidé à l’émergence de certains groupesd’acteurs ou influencé le comportement d’autres acteurs existants. Cette lecturepermettra de comprendre que l’intérêt pour le tourisme n’est pas un phénomène degénération spontanée mais s’inscrit en continuité avec un modèle de dévelop-pement de construction relativement récent.

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Le développement par l’ajustement structurel : l’influence du Groupede la Banque mondiale

Contraint à l’ajustement structurel depuis 1983, dans la foulée de la crise éco-nomique mondiale, le gouvernement socialiste de Didier Ratsiraka réalisait àl’époque un virage à 180 degrés de son modèle de production, passant du collecti-visme agraire au capitalisme d’exportation. Cela a eu notamment pour consé-quence de multiplier par quatre – de la décennie 1970 à la décennie 1990 – lemontant des prêts obtenus par le gouvernement malgache auprès des bailleurs defonds internationaux. En conséquence, le financement accordé à Madagascar parle Groupe de la Banque mondiale (GBM) a augmenté de 30,2 % en moyenneannuellement pendant la décennie 1980 et de 15,3 % au cours de la décennie 1990aux chapitres des finances, de la politique et du développement du secteur privé,c’est-à-dire de l’ajustement structurel 9. Bien qu’il ne représente pas le seul acteurinstitutionnel impliqué dans le financement de la dette à Madagascar, nous insiste-rons particulièrement sur l’influence du GBM puisque, en plus du rôle incontour-nable joué par ses représentants dans la conceptualisation du « modèle » danslequel s’insère l’économie de la Grande Île depuis les années 1980, son finance-ment représentait 65,54 % de la dette extérieure en 2004, soit la position la plusimportante occupée par un bailleur de fonds unique 10. Cette évolution consacre laplace incontournable que possèdent les représentants de la Banque mondiale etde ses institutions associées11, mais aussi celle du FMI et des agences bilatérales decoopération dont les stratégies de développement économique convergent toutesvers un modèle néolibéral de croissance extravertie.

Exportateur de matières premières (café, vanille, coton, sucre) comme la plu-part des pays d’Afrique subsaharienne, Madagascar a traversé durement les deuxcrises économiques mondiales qui ont marqué les années 1980 et 1990. Le revenupar habitant a décliné de 40 % depuis les années 1970 et se trouvait à 857 $ USen 2004 (PNUD, 2006) 12. Cet indicateur montre une régression annuelle moyenne

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9. Nos calculs sont effectués à partir des données du Groupe de la Banque mondiale.10. Source : Banque mondiale (2006). Le financement associé à la Banque mondiale se réa-

lise par l’entremise de l’Agence internationale de développement (IDA). Pour fins de compa-raison, la dette associée au Fonds monétaire international (FMI) ne représentait que 6,53 % dutotal en 2004 et les autres sources de financement, notamment bilatéral (principalement laFrance, mais aussi les États-Unis, l’Allemagne, le Japon et l’Italie), représentaient un totalde 27,93 %.

11. Agence de développement international (IDA), Société financière internationale (SFI) etAgence multilatérale de garantie des investissements (MIGA).

12. Produit intérieur brut (PIB) en parité de pouvoir d’achat.

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de – 1,8 % au cours de la période 1985-1995 et de – 0,1 % au cours des années1995-2005, montrant que la croissance démographique a été en moyenne plusélevée que la croissance de la production durant cette période (Banque mondiale,2006). Bien que Madagascar ait une des densités de population les plus faibles del’Afrique subsaharienne, les principaux agrégats macroéconomiques en font l’undes pays les plus pauvres avec 71 % de la population sous le seuil national de pau-vreté (ibid.). Ces conditions ont poussé le gouvernement malgache à élaborer,avec l’appui actif du GBM, du FMI, du Programme des Nations unies pour ledéveloppement (PNUD) et des agences bilatérales de financement, un ensemblede stratégies visant non seulement le rétablissement des équilibres financiersinternes et externes, mais aussi la lutte contre la paupérisation, la recherche d’unmeilleur équilibre régional, la protection de l’environnement et l’amélioration desconditions sociales. C’est dans ce contexte que s’insère le développement du tou-risme à Madagascar, c’est-à-dire dans une relation où la croissance économique,la protection de l’environnement naturel et la lutte contre la pauvreté constituentles principaux enjeux au croisement desquels se trouve la population rurale. Le« modèle de développement » qui en résulte pourrait se résumer de la manière sui-vante : la croissance économique, notamment celle des exportations, contribueà faire reculer la pauvreté tout en protégeant la biodiversité. Puisque l’ajustementstructurel vise notamment à « replacer » le secteur agricole comme moteur de lacroissance, les mesures favorisant l’agriculture intensive d’exportation devraientbénéficier aux pauvres dont le travail est relié à ce secteur de l’économie. L’objec-tif ultime de la lutte contre la pauvreté grâce à l’ajustement structurel repose enfait sur l’intégration de ce segment de la population au processus de productionnationale tourné vers l’extérieur et à son inclusion dans l’économie « formelle ».Pour les Institutions financières internationales (IFI) et les ONG de conservation,seule une telle approche permet de protéger la biodiversité et les ressources natu-relles – une matière première essentielle à la mise en valeur touristique – dans uncontexte de pauvreté rurale, d’instabilité politique et de croissance économiqueincertaine comme c’est le cas à Madagascar.

L’influence acquise dans ce pays au cours des 20 dernières années par le GBMdépasse largement la sphère économique. À l’instar d’autres auteurs (Jarosz, 1996 ;Peet et Watts, 1996 ; Szablowski, 2007), nous croyons en fait que les IFI ont, à lafaveur des crises économiques et politiques, nationales et internationales, imposéleur référentiel économique sur l’ensemble des enjeux qui touchent Madagascar, àcommencer par l’environnement. La valorisation économique de la biodiversitépermet en effet de poser « tous les problèmes de développement » à partir durapport offre/demande et de la dialectique coût/opportunité. Cet article chercheà mettre en évidence les conséquences de cette logique sur le type d’enjeux quipeuvent être identifiés dans ces conditions, le type de solutions accessibles à

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l’organisation économique des relations entre les différents acteurs et les rapportsde forces qui en résultent. Avant d’aborder comment le tourisme constitue, danscet esprit, un puissant vecteur d’organisation du territoire et d’expansion du« modèle de développement » décrit précédemment, nous verrons comment lesdéveloppements politiques récents ont accru l’influence du GBM sur la Grande Île.

La crise politique de 2002 et la nouvelle géopolitique malgache

Comme plusieurs pays de l’Afrique subsaharienne, la démocratisation de lapolitique est relativement récente à Madagascar. Sous la pression de la rue, lerégime de Didier Ratsiraka abandonnait la IIe République à la faveur d’électionsprésidentielles et législatives tenues en 1992-1993 (Roubaud, 2002). Les débuts dela IIIe République ayant été marqués par le court passage d’Albert Zafy – destituéen 1996 –, Didier Ratsiraka reprendra le pouvoir par la voie des urnes, fin 1996.Ce retour de l’ancien dictateur marque l’accélération de l’influence des IFI dansles stratégies malgaches dites de « développement ». L’ajustement structurel entamépar Ratsiraka dix ans plus tôt commence à porter ses fruits sur le plan macro-économique et la croissance redevient positive à partir de 1997 pour atteindre 7 %en 2001 (ibid.). Les retombées de cette croissance étant largement inégalesentre les classes sociales mais aussi entre les diverses régions de la Grande île, lesélections présidentielles de l’année 2002 ont mis en relief les vives tensions éco-nomiques et politiques présentes depuis plusieurs années – voire plusieurs décen-nies – au sein de la société malgache.

Catastrophique sur le plan économique avec la suspension de 140 000 emploisselon les estimations de la Banque mondiale, la crise politique du début de ladécennie a particulièrement frappé les ménages plus pauvres (Blanc-Pamard etRamiarantsoa, 2003, p. 185). Au plus fort de la crise, la tentative du clan Ratsirakade morceler le pays en micro-États « fédérés », à travers l’instrumentalisation poli-tique d’un « clivage ethnique » largement récupéré par les médias nationaux etinternationaux, a provoqué plusieurs mois de chaos marqués par la destructiond’infrastructures stratégiques pour la capitale et le pays, le blocage des activitéséconomiques et l’incapacité de gouverner pour Marc Ravalomanana, le nouveauprésident élu. Comme le suggèrent certains auteurs (Roubaud, 2000 ; Mauro, 2002 ;Ramamonjisoa, 2002), le « conflit ethnique » entre « Merina 13 » et « Côtiers 14 »,supposé être à l’origine de cette crise, relève davantage de l’économie politique

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13. L’appartenance « ethnique » du président élu.14. L’appartenance « ethnique » du président sortant.

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néocoloniale où chaque groupe, toutes origines confondues, tente d’accroître sadomination sur les autres. Comme le suggère Guilhem Beauquier (cité dansMauro, 2002, p. 4), « la vision de la France sur Madagascar n’a quasiment pasévolué depuis Gallieni 15 : il y a d’un côté les Merina des hauts plateaux, fourbes etarrogants, qu’il faut mater et rabaisser, et de l’autre les Côtiers, exploités et humi-liés, qu’il faut défendre et promouvoir. Ce manichéisme n’est pas innocent : il aété forgé à dessein pour servir la colonie dans le passé, des intérêts stratégiques,politiques et financiers aujourd’hui ». Dans ces conditions, les clivages entre lesgroupes sociaux et politiques, bien réels à Madagascar, sont davantage socio-économiques qu’ethniques. Comme le suggère Mauro, ce clivage distingue d’unepart un ensemble qui forme une classe dirigeante, qui n’est ni « merina » ni« côtière », mais composée de divers groupes constitués en bourgeoisie urbaine,et, d’autre part, une population massivement rurale dont le mode de survie seréalise largement en dehors du système politique et économique formel.

De cette crise politique récente, nous retiendrons essentiellement trois élé-ments aux effets potentiels importants pour le développement du tourisme àMadagascar. D’abord, l’enjeu « ethnique » traduit davantage les limites de la répar-tition des bénéfices du « modèle de développement » au sein des diverses classessociales et des régions du pays qu’une opposition « raciale ». La capitale malgacherecueille l’essentiel du pouvoir politique et des retombées économiques malgré lesmultiples tentatives de décentralisation initiées au cours des vingt dernièresannées. Ensuite, le nouveau président, américanophile et néolibéral déclaré,marque d’une part la volonté de rupture avec la traditionnelle domination de laFrance dans les sphères économiques et politiques et, d’autre part, accentue l’in-fluence des IFI en accélérant le processus de libéralisation de l’économie. À titred’exemple, la première visite officielle du nouveau président en Europe se faitd’abord en Allemagne et Lufthansa Consulting est préféré à Air France pourmener à bien le redressement de la compagnie nationale Air Madagascar, en vuede sa privatisation (Blanc-Pamard et Ramiarantsoa, 2003). Le nouveau gouver-nement multiplie les investissements dans les zones franches, accélère la priva-tisation des entreprises étatiques et accroît l’ouverture de l’économie auxinvestisseurs étrangers... autant d’actions qui s’inscrivent dans la réalisation du« modèle de développement » exposé plus haut avec, à la clé, une consolidation dupouvoir des élites politiques et économiques qui produisent et sont produites parce « modèle ».

Enfin, le processus de décentralisation, amorcé au lendemain de la création de laIIIe République révèle un découpage territorial qui n’est pas sans conséquences

15. Gouverneur général de Madagascar de 1896 à 1905.

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politiques pour le gouvernement central et la mise en œuvre des stratégies de« développement ». Dans son état actuel, la décentralisation politique et adminis-trative comporte quatre niveaux, sous la tutelle du ministère de l’Intérieur : lesprovinces (6), les préfectures ou régions (18), les sous-préfectures, ex-fivondronana(158), et les communes (1 392, dont 1 346 rurales). Ce découpage doit cependanttenir compte de l’existence des provinces autonomes installées par le gouver-nement Ratsiraka et dépendant d’un autre secrétariat d’État, celui chargé desProvinces autonomes. Sa mise en place traduit la volonté de transférer plus deresponsabilités aux communes, un des éléments chers au « modèle de dévelop-pement » des IFI qui cherche à faire des communautés locales les structures debase chargées de la gouvernance, de l’administration de proximité et du dévelop-pement. Comme le suggèrent Blanc-Pamard et Ramiarantsoa (ibid.), le processusde décentralisation s’est cependant heurté à trois principaux problèmes de mise enœuvre. D’abord, l’intervention des deux ministères a posé un problème de répar-tition des compétences, quand il s’est agi d’appuyer les acteurs locaux à qui ilrevenait de tisser le canevas des plans communaux de développement (PCD).Ensuite, la multiplicité des intervenants sur le terrain – bureaux d’études, ONG,institutions internationales – a contribué à la confusion des rôles et à la dilution dela population locale. Cette situation s’est notamment traduite dans les communesrurales par la proposition de deux ou trois PCD différents, alors que chaquecommune devait en élaborer un seul, rendant davantage politiques les négocia-tions avec les bailleurs de fonds. Enfin, la montée en influence des IFI a contribuéà changer les priorités du gouvernement, du développement agricole et pastoralqu’elles étaient vingt ans plus tôt à la protection de l’environnement. Derrière undiscours où croissance économique et lutte contre la pauvreté vont de pair avec laprotection des ressources naturelles, la logique du « modèle » sur laquelle reposele développement du tourisme à Madagascar s’insère dans un ensemble de consé-quences politiques implicites (ibid., p. 189) : « Il s’agit souvent moins de défendrel’environnement pour lui-même que de l’utiliser à des fins de maîtrise du territoireet d’exclusion d’autres groupes sociaux. » Les multiples enjeux politiques, écono-miques et sociaux évoqués jusqu’à présent sont motivés par des confrontations etdes rivalités qui modèlent l’espace et contribuent à comprendre l’évolution de ladynamique territoriale malgache. C’est dans ce contexte que s’insère la géo-politique du tourisme sur la Grande Île.

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Du « développement » à la mise en tourisme du territoire : les fondements de la géopolitique du tourisme à Madagascar

Madagascar est une destination touristique encore peu explorée avec une per-formance très modeste tant au niveau mondial (0,01 % de parts de marché) qu’auniveau régional (10 % du nombre total de visiteurs dans la zone sud-ouest del’océan Indien) 16. Cette situation s’explique par plusieurs facteurs, dont certainsont déjà été évoqués : l’orientation politique et économique du régime de laIIe République où le tourisme n’avait pas de place ; l’éloignement géographiquedes marchés émetteurs ; le manque d’infrastructures touristiques comme les hôtels,les routes et les moyens de transport intérieur ; le manque de promotion de la des-tination (Dorosh, 2003). Ces éléments ont influencé l’émergence du tourisme surla Grande Île et nous reviendrons sur certains d’entre eux afin de comprendre leurinfluence dans l’évolution du secteur qui s’est fortement développé au cours desdernières années. Les statistiques du ministère du Tourisme montrent une crois-sance des arrivées internationales avec un peu moins de 23 000 arrivées en 1982contre 310 000 en 2006, soit une multiplication par dix sur une période de 24 ans.En dehors de la place que possède le capital naturel dans l’image touristiquede Madagascar, l’essor du tourisme dans ce pays a véritablement commencé avecl’apparition des premiers vols charters en 1997 et l’ouverture des lignes aériennesdirectes vers l’Asie en 2002. La croissance des arrivées coïncide également avecle début de la mise en œuvre par le gouvernement, au lendemain de la crise sur-venue en 2002, d’une vaste politique de restructuration et de classification del’offre touristique favorisant les investissements étrangers dans le but d’accroîtreet d’améliorer les infrastructures d’accueil et d’accès au pays.

Trois principales catégories de touristes visitent Madagascar : le touristed’aventure et de découverte (43 %), le touriste balnéaire (15,3 %) et le touriste« vert » (41,7 %) avec le marché de « niche » que représentent les écotouristes, enforte progression au cours des dix dernières années 17. La frontière entre le tou-risme de découverte et l’écotourisme reste floue, compte tenu des basescommunes nécessaires à la pratique de ces activités (le réseau des parcs nationauxet le motif de visite de ces parcs) et le manque d’informations plus précises pour

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16. La Réunion, l’île Maurice et les Seychelles accueillaient 1,2 million de visiteurs en 2005(OMT, 2005).

17. Taux d’accroissement annuel moyen de 32 % pour l’écotourisme, comparativement à11,4 % pour l’ensemble des arrivées touristiques (selon nos calculs basés sur les statistiques duministère du Tourisme de Madagascar, 2003 et de l’Office national de l’environnement, 2002).

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pouvoir différencier le tourisme d’aventure et le tourisme de découverte. Nousretiendrons cependant que l’environnement naturel constitue l’atout principalde Madagascar, comme en témoigne la répartition géographique des visiteurs,fortement concentrée autour d’un « pôle », le plus souvent un parc national ou unsite balnéaire (voir carte 1). Le ministère du Tourisme divise d’ailleurs le territoirenational en cinq « régions touristiques » au volume inégal de fréquentationtouristique avec, en tête de liste, la région du Sud (incluant notamment les villesde Toliara, de Fianarantsoa et de Toalagnaro ainsi que les parcs nationaux deRanomafana, Isalo et de l’Ifaty) avec 38 % des visiteurs. Vient ensuite la régiondu Nord (avec la ville d’Anstiranana, la montagne d’Ambre et Nosy Be, la princi-pale destination du Nord) avec 21 % des visiteurs. Les régions de l’Est (la ville deToamasina, Sainte-Marie, parc national d’Andasibe, etc.) et de l’Ouest (villede Mahajanga, Morondava, parc national de Bemarah, etc.) attirent plus ou moinsle même volume de visiteurs (respectivement 19 % et 14 %) ; toutefois, c’est larégion des Hautes Terres (Antsirabe, Itasy, Ampefy, Mantasoa, etc.) qui attire lemoins de visiteurs avec seulement 7 % d’entre eux (ministère du Tourisme, 2004).On note que les régions du Nord et du Sud – la Banque mondiale parle de plutôtde « clusters » ou de grappes d’excellence pour identifier les zones ayant unpotentiel élevé de développement touristique – accaparent près de 60 % des visi-teurs, montrant combien l’évolution spatiale du tourisme se réalise de manièreinégale sur le territoire malgache (Christie et Crompton, 2003).

La provenance des visiteurs correspond à peu de chose près aux relations écono-miques de la Grande Île avec le reste du monde : 64 % des arrivées touristiques sonteuropéennes et 60 % des arrivées européennes sont françaises. L’Allemagne etl’Italie sont aussi deux marchés émetteurs importants pour Madagascar. L’Amériquedu Nord (États-Unis et Canada), le Japon, l’Australie et le Royaume-Uni constituentles marchés secondaires et se partagent 27 % de l’ensemble des arrivées touris-tiques. Quant au marché national, son existence demeure encore marginale, consi-dérant le faible pouvoir d’achat des Malgaches, la rareté des congés payés (seulsles cols blancs des secteurs public et privé y sont éligibles) et la faible propensiondes Malgaches aux loisirs et aux vacances loin du domicile. Nous avons aussimontré dans les sections précédentes combien les conditions économique et poli-tique défavorables avaient contribué à la dégradation du revenu moyen par habi-tant. Enfin, dans un contexte de libéralisation de l’économie, les prix pratiqués parles opérateurs touristiques se sont « ajustés » aux budgets des visiteurs interna-tionaux, réduisant d’autant l’accessibilité du secteur à la demande touristiquenationale et orientant l’évolution de l’offre (Christie et Crompton, 2003).

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CARTE 1. — LES VOIES D’ACCÈS ET LES PÔLES TOURISTIQUES À MADAGASCAR

Délimitation des provinces

LÉGENDE

Chef-lieu de province

Villes reliées par les routes nationales

Routes nationales goudronnées

Aéroports – Vols internationaux et

régionaux (Océan Indien et Afrique)

Liaisons maritimes permanentes

Ports maritimes internationaux

Parc national (PN)Superficie totale PN : 12 279 km2

PN superficie % Madagascar : 2,07 %

Source des données : Ministère du Tourisme, ANGAP, Tourism Master plan GATO ACRéalisation : Haja Ramahatra – Août 2007

Pôles touristiquesLa taille des zones correspond

au volume de visiteurs

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18. L’impact sur le tourisme a également été néfaste avec une chute radicale de – 63 % desarrivées touristiques en 2002 comparativement à 2001 (ministère du Tourisme, 2004).

L’offre touristique malgache : l’inégalité des pôles touristiques

L’offre touristique malgache s’articule autour de deux principaux axes, soit lecircuit « descente vers le Sud » (axe Antananarivo à Toliara passant par le parcnational de Ranomafana et d’Isalo) et le circuit « soleil et plage » à Nosy Be. Prèsde 90 % des tour-opérateurs (nationaux et internationaux) incluent obligatoi-rement ces deux circuits dans leur offre, façonnant ainsi la concentration spatialedu développement touristique à Madagascar autour de quelques pôles, au détri-ment des zones périphériques (carte 1). Dans un contexte d’ajustement structurel,de libéralisation des échanges et d’insertion du pays à l’économie mondiale, lesopérateurs touristiques malgaches sont largement tributaires des partenariats avecles tour-opérateurs spécialisés, grossistes et forfaitistes étrangers. Malgré cela, lafaible notoriété de la Grande Île comme destination touristique oblige les opéra-teurs nationaux à assumer l’essentiel des charges liées à la promotion sur lesmarchés émetteurs (foires, expositions, publicités, etc.), limitant ainsi l’envergureet la portée des actions promotionnelles. Cette situation est exacerbée par lesconjonctures politiques et économiques que nous avons présentées et qui permet-tent à peine au gouvernement de maintenir une structure compétente dans ledomaine (Rasoamaharo, 2004 ; Ramanda, 2004). Fortement sollicité par lesacteurs de l’industrie nationale en vue d’améliorer la promotion, l’accès, la sécuri-sation foncière, etc., le gouvernement arrive tout juste à s’organiser politiquementet économiquement. Dans un contexte où le « modèle de développement » basésur l’ajustement structurel l’oblige à rationaliser ses investissements et à laisserles « forces du marché » trouver l’équilibre nécessaire à l’évolution du secteur, ilreste peu de ressources aux opérateurs malgaches face à la concurrence internatio-nale et au décloisonnement de l’offre en dehors des quelques pôles touristiquesexistants. Cela est d’autant plus vrai que les pôles eux-mêmes répondent diffici-lement aux critères minimum d’accessibilité et dépendent trop souvent du trans-port aérien, national et international.

Ce secteur a été durement affecté par la dernière crise politique et la suspen-sion de l’autorisation de vols nationaux de la mi-2002 jusqu’à fin février 2004 18.La situation s’est graduellement normalisée avec la réintégration de Madagascardans la chambre de compensation de l’IATA (Association internationale du trans-port aérien) en juin 2003 – lui permettant de vendre des billets avec des tronçonsou continuités de voyage sur d’autres compagnies – et l’entente bilatérale signéeavec la France en juillet 2005 permettant l’ouverture du ciel malgache à d’autres

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compagnies aériennes qu’Air France et Air Madagascar. Cette nouvelle relance del’accord « open sky », annoncé depuis 1999 dans la foulée d’une libéralisation dutransport aérien entamée depuis 1997, génère de fortes attentes de la part desopérateurs touristiques nationaux, particulièrement en termes de croissance duvolume des arrivées et de réduction du prix des billets 19. Sur le volume, et malgrél’augmentation constante – hors crises – des arrivées touristiques internationalestelle que nous l’avons exposée dans la section précédente, l’objectif arbitraire fixépar le gouvernement d’atteindre les 700 000 arrivées en 2010 ne correspond àaucun scénario réaliste. Dans le meilleur des cas, c’est-à-dire dans un scénario decroissance ambitieuse, le bureau d’études mandaté pour réaliser le Master Plan dutourisme à Madagascar prévoit l’atteinte des 500 000 arrivées à l’horizon 2013(GATO, 2004b, p. 4-128-130). En dehors du débat sur le bien-fondé de ces objectifs,le décalage constant et systématique entre les intentions du gouvernement et lesmoyens disponibles pour y arriver nuit à sa crédibilité, autant auprès des opéra-teurs nationaux qu’internationaux. Le « modèle de développement » appliqué parles IFI place le gouvernement malgache dans la situation paradoxale suivante :d’un côté, faire la promotion du tourisme comme secteur d’exportation porteur decroissance et, de l’autre, réduire ses budgets et sa capacité d’intervention dans uncontexte d’« assainissement » des finances publiques que commande l’ajustementstructurel. Le « verrouillage » du secteur est ainsi consacré et laisse la place auxseuls acteurs capables de survivre et de se développer dans un contexte deconcurrence internationale. Sur le prix des billets d’avion (critère d’accessibilité),les tentatives des gouvernements précédents de libéralisation du transport aérienn’ont pas mené aux effets escomptés malgré l’arrivée des charters de Corsair etla signature d’un accord « ciel ouvert » avec les États-Unis en 2005 (Christieet Crompton, 2003 ; GATO, 2004a). En plus du monopole que possède AirMadagascar sur les vols intérieurs, une des principales raisons de ce blocageréside à nouveau dans les infrastructures déficientes. Madagascar compte 12 aéro-ports et 43 aérodromes. Les vols internationaux ne peuvent toutefois atterrir quesur cinq d’entre eux dont quatre se situent dans les chefs-lieux de province(incluant l’aéroport d’Ivato à Antananarivo) et un sur l’île de Nosy Be. À cela, ilimporte d’ajouter que l’aéroport de la capitale demeure le principal hub du réseauaérien (interne et externe) avec, d’une part, le seul aéroport doté d’une piste

19. Voir notamment, « Tourisme à Nosy Be », L’Express de Madagascar, 19 mars 2003 ;« Madagascar veut se lancer à la reconquête des touristes », Agence France Presse, 16 avril 2003 ;« Tourisme : colère des opérateurs ! », La Gazette de la Grande Île, 16 mai, 2003 ; « 21 réservesfoncières touristiques disponibles dans tout Madagascar », Midi Madagascar, 27 septembre,2003.

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capable d’accueillir des gros porteurs et, d’autre part, un monopole des vols inter-nationaux (26 vols outre-mer hebdomadaires sur 37 partent d’Ivato) et un volumede passagers qui représente près de 44 % du nombre total annuel de passagers(GATO, 2004a). Sans une mise à niveau des infrastructures aéroportuaires – parti-culièrement celles des aérodromes régionaux –, la croissance des pôles touristiquesactuels sera difficile et leur enclavement restera un enjeu important dans l’avenir.

À la problématique du transport aérien s’ajoute celle du réseau routier, généra-lement en mauvais état. Celui-ci comprend quelque 31 612 km de routes dont11 862 km sont nationales, 12 250 km sont provinciales et environ 7 500 km sontcommunales. Près de 12 % (4 074 km) des routes sont goudronnés et environ 80 %sont délabrés (Christie et Crompton, 2003). Le sous-investissement et la saisonannuelle des grandes pluies accentuent la détérioration du réseau et le nombre desrégions qu’on ne peut atteindre que par des pistes non classées, souvent inacces-sibles pendant cette période. La crise politique de 2002 a mené non seulement à ladestruction de plusieurs de ces infrastructures routières (particulièrement sur l’axeAntananarivo-Tamatave) mais a exacerbé la négligence dans l’entretien du réseau,tous les fonds allant à la reconstruction. La carte 1 présente un estimé du réseauroutier « praticable » par la plupart des touristes. L’absence d’infrastructuresd’accès convenables reliant le nord au sud de Madagascar, c’est-à-dire entre lesdeux pôles majeurs de développement touristique, pose à nouveau le problème del’enclavement. La géographie du tourisme prend donc la forme à Madagascard’un ensemble de régions isolées auxquelles on ne peut accéder que par une diffi-cile combinaison de transport routier, aérien et fluvial/maritime. Le réseau routierconstituant un enjeu important dans la lutte contre la pauvreté et le développementrégional, celui-ci est identifié par le Groupe de la Banque mondiale comme uneclé permettant à la fois de favoriser la croissance des échanges et de favoriserl’accès aux touristes. Le développement des infrastructures, à travers une multi-tude de projets – les pôles intégrés de croissance en particulier –, a permis deréduire de moitié le taux d’enclavement entre 2003 (taux de 59 %) et 2006 (tauxde 31 %). Les efforts de réhabilitation du réseau routier touchent plus particulière-ment l’axe vers le sud et celui vers le nord (à partir d’Antananarivo). L’axe du Sudétant celui qui est le plus fréquenté par les visiteurs lors de leur circuit à destina-tion de Tuléar, c’est également le long de cet axe routier que l’on retrouve la majo-rité des établissements de type « écolodges » et ceux, hors des centres urbains,répondant aux normes internationales d’hébergement.

Le « modèle de développement » sur lequel s’appuient tous ces efforts destructuration de l’offre touristique à Madagascar répond à l’objectif principal quivise à faire du tourisme un vecteur de croissance et un catalyseur d’intégration deMadagascar à l’économie mondiale. Cette croissance s’appuie cependant sur uncertain nombre de conditions pour se concrétiser. Premièrement, les investissements

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nationaux et internationaux doivent s’accélérer au cours des prochaines années.Citons, à titre d’exemples récents, l’implantation du groupe italien Ventaglio(complexe hôtelier haut de gamme de 200 chambres) en juillet 2004 avec uncontrat auprès d’Air Madagascar pour affréter un vol charter hebdomadaire directMilan/Nosy Be ; la construction d’un hôtel de 170 chambres sous l’enseigneNovotel dans la capitale ; le projet d’aménagement touristique à Belo-sur-Mer parGETIM ; ou encore le projet « Tan’maraina-La Baie des Russes » du groupe mau-ricien Burlington Holdings qui prévoit le développement d’une zone touristique de1 600 hectares de 8 à 10 hôtels 3, 4 et 5 étoiles (ambassade de France à Madagascar,2006). Ces projets actuels et futurs devront se multiplier pour réaliser le scénariofort de croissance du secteur qui vise à doubler le nombre d’arrivées à l’horizon2013 (GATO, 2004b). Deuxièmement, les efforts promotionnels sur les princi-paux marchés émetteurs doivent être plus importants et plus cohérents. Cela estd’autant plus difficile à réaliser dans un contexte de retrait de l’État où les opéra-teurs privés, faute de moyens financiers importants, peuvent difficilement menerune stratégie marketing concertée dont l’envergure serait à la hauteur du potentieltouristique du pays. À cette difficulté, s’ajoute la domination par les sociétésétrangères de l’accès à la Grande Île à travers le contrôle de la formulation et de ladistribution de l’offre touristique malgache. Nous pouvons supposer, de plus, qu’àcourt et moyen termes Madagascar restera une destination onéreuse en matière deprix du transport aérien, la rendant peu concurrentielle sur le marché international,quel que soit le type de tourisme recherché : balnéaire, aventures, découvertes ouécotourisme. Ces deux premières « conditions » nécessaires à la croissance du tou-risme (investissement et mise en marché) suggèrent un développement inégal del’offre et de la demande touristiques à Madagascar qui s’articule autour de « pôles »dont l’émergence et l’évolution sont déterminées par l’accessibilité et les « forcesdu marché ». Cette situation suggère en retour que seuls les individus ou lesgroupes pouvant tirer profit des « opportunités du marché » que représente l’acti-vité touristique seront intéressés à investir dans le secteur. Quelle est la place de lapopulation rurale dans ces conditions ? Comment peut-elle tirer profit d’un secteurtertiaire – même à faible valeur ajoutée – dans un contexte d’analphabétisme élevé ?Si le « modèle de développement » sur lequel s’appuie le tourisme à Madagascarcontribue à l’exclusion de la majorité de la population, comment peut-on espérerqu’elle cesse ses pratiques dommageables pour l’environnement naturel, matièrepremière essentielle au tourisme ? Considérant les enjeux qui fondent la géo-politique du tourisme à Madagascar, nous croyons que ces problématiques sontdéterminantes dans l’évolution des pôles touristiques de la Grande Île et sur leurseffets politiques, économiques et sociaux.

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CARTE 2. – LES AXES DE DÉVELOPPEMENT TOURISTIQUE À MADAGASCAR

Délimitation des provinces

LÉGENDE

Chef-lieu de province

Villes reliées par les routes nationales

Routes nationales goudronnées

Parc national (PN)Superficie totale PN : 12 279 km2

PN superficie % Madagascar : 2,07 %

Pôles touristiquesLa taille des zones correspond

au volume de visiteurs

Source des données : Ministère du Tourisme, ANGAP, Tourism Master plan GATO ACRéalisation : Haja Ramahatra – Août 2007

Axes de développement touristiqueDéveloppement régional

selon TMP GATO AC

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Quel avenir pour le tourisme à Madagascar ? L’évolution des pôles touristiqueset la place de la population rurale

Le rapport sur le plan directeur touristique de Madagascar (Tourism MasterPlan ou TMP), commandé par le gouvernement malgache auprès de la firme alle-mande GATO AG en 2003, visait principalement à doter le pays de « schémasdirecteurs du tourisme » et d’un « concept » pour le tourisme malgache. Cerapport, déposé en 2004, présente une stratégie de développement de l’industrietouristique et de promotion de la destination, en plus d’un plan d’action qui iden-tifie géographiquement les phases de développement à privilégier. La prioritéà court terme est donnée aux régions dont l’infrastructure existante permet l’accès àla destination, à l’amélioration de la qualité et de la compétitivité de l’offre touris-tique, dans l’esprit du « modèle de développement » proposé par les IFI (GATO,2004a). La première phase de mise en œuvre conduit donc à la consolidation despôles touristiques actuels par l’amélioration des infrastructures d’accès et desoutien. La carte 2 montre que la deuxième phase du TMP met l’accent sur ledécloisonnement des pôles touristiques à travers la création d’axes liant les pôlesexistants. Plusieurs régions devraient alors bénéficier de projets d’infrastructurequi serviront à en améliorer l’accès. Cette deuxième phase devrait ainsi conduire àl’étalement géographique des pôles touristiques afin de constituer des axes devisites, comme c’est le cas actuellement avec la route du Sud qui relie Antananarivoà Toliara. Enfin, la troisième phase consiste à pérenniser les pôles touristiquesprimaires en développant des produits touristiques complémentaires économi-quement prometteurs et en poursuivant leur étalement géographique de manière àce qu’ils englobent directement les régions périphériques. Le principal objectif dela troisième phase consiste en un désenclavement des régions n’étant pas encoreaccessibles au tourisme par l’implantation d’un réseau national de pôles touris-tiques reliés entre eux par des axes de développement.

La démarche proposée par le TMP cherche à intégrer les principaux enjeuxidentifiés par notre analyse, en particulier dans l’adéquation entre dévelop-pement touristique et préservation du capital naturel malgache. Cette préoccupa-tion s’articule autour de deux objectifs spécifiques : développer un produit àmoindre impact mais aux dépenses élevées et viser un volume de visiteurs quicontribue aux profits économiques mais qui amène le moins de dégradation éco-logique/sociale possible. Cette position résume à elle seule à la fois la complexitéet les multiples paradoxes dans lesquels s’insère la géopolitique du tourisme àMadagascar. On retiendra par exemple qu’un accroissement non contrôlé duvolume de touristes contribue nécessairement à la destruction des ressources natu-relles. Le tourisme d’intérêt spécial (incluant le tourisme de découverte et l’éco-tourisme) représente déjà quelque 42 % des arrivées touristiques et 90 % des

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circuits proposés par les opérateurs locaux et internationaux et intègre souvent lavisite d’un ou de plusieurs parcs ou la fréquentation d’un site ayant un attrait géo-morphologique spécifique. Les autorités locales, malgré l’existence d’un cadreréglementaire spécifique à l’environnement, ne disposent pas de moyens suffisants(humains, matériels et financiers) pour gérer la croissance de la fréquentation desaires protégées et ses effets potentiels sur l’environnement naturel et humain. Enréponse à cette problématique, les IFI et les organismes associés (ANGAP, 2001 ;2002 ; GATO, 2004a ; 2004b ; 2004c ; TECSULT, 2005a ; 2005b) proposent detrouver un équilibre entre une fréquentation de masse et une fréquentation de basvolume afin de développer un « tourisme de haute qualité ». Même si cela étaitpossible, quels critères peuvent être utilisés pour « cesser » le développement d’unpôle ou d’une région touristiques ? L’évolution géographique « naturelle » du tou-risme à Madagascar – c’est-à-dire essentiellement basée sur la mise en tourismede la nature et sur l’accessibilité de ses ressources – pose déjà des problèmes poli-tiques et économiques énormes... aucun gouvernement (central, régional ou local)n’est en mesure de réaliser un arbitrage de long terme dans le contexte politiquequi touche la Grande Île, particulièrement depuis 2002. Peut-on déjà parler dedéveloppement touristique national alors que les disparités entre les régions per-durent et qu’Antananarivo demeure le centre de décision de la politique aériennerégionale, de développement ou d’implantation des infrastructures d’accès ?

Dans la foulée du processus de libéralisation politique et économique amorcé àMadagascar depuis le début des années 1990, les gouvernements successifs – avecl’aide des IFI et des multiples bureaux d’études qui y sont associés – ont cherché àmultiplier les revenus d’exportation en présentant le tourisme comme un secteurdifférent des autres, qui permettrait de concilier la protection de l’environnement,la croissance économique et la répartition des bénéfices de cette croissance par lalutte contre la pauvreté en milieu rural. Notre analyse a montré que la situation estbeaucoup plus complexe. Comme tous les secteurs de l’économie, le touriste-consommateur détruit, exclut, sélectionne des espaces et des personnes en fonctionde son intérêt. Dans l’esprit du « modèle de développement » préconisé par les IFI,la mise en tourisme d’une région ou d’un pays ne représente qu’une vocation éco-nomique parmi d’autres, dont la valeur et l’arbitrage éventuel dans un rapportoffre/demande reposent principalement sur sa contribution à l’équilibre macro-économique. Dans ces conditions, le tourisme et, dans sa formule plus soft, l’éco-tourisme consacrent davantage l’avancée dans les campagnes malgaches d’unmode d’organisation économique et social particulier (le libéralisme économiqueet politique) qu’une alternative crédible à l’exploitation des ressources naturellespar la population rurale.

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Conclusion

L’étude du cas malgache montre que le tourisme est, par définition, géo-politique. D’abord fondée sur les caractéristiques géographiques des territoires,l’activité touristique s’appuie et crée des rivalités de pouvoir sur les espaces visités,traversés et occupés. Elle s’alimente et contribue à construire la perception et lareprésentation qu’ont les acteurs concernés (visiteurs et visités) d’eux-mêmes, desautres et de l’espace qu’ils partagent. À Madagascar, elle consacre aussi la conver-gence de plusieurs enjeux évoqués dans cet article : la place jouée par la « pro-blématique environnementale » dans l’affectation des ressources politique etéconomique ; les rivalités de pouvoirs entre le centre (la capitale) et la périphérie(les régions) ; les conséquences du « modèle de développement » proposé parles IFI qui va bien au-delà de l’économie en suggérant un mode d’organisationsociale, politique et « spatiale ». On oublie trop souvent que l’économie capitalisteest un extraordinaire vecteur de consommation des ressources, ce qui se traduitpar un besoin perpétuel d’appropriation de l’espace. Le secteur primaire, basé surl’extraction de ressources non renouvelables comme le pétrole ou les ressourcesminières, a besoin de frontières, de cadres et de territoires clairement délimités etsécurisés afin de pouvoir alimenter de manière prévisible et constante le secteurde la transformation, quel qu’il soit. Les services (secteur tertiaire), en plus decontribuer directement à l’appropriation de l’espace par l’aménagement urbainou la structuration des rapports entre le centre (ou les services existent) et la péri-phérie (ou les services existent partiellement ou sont absents), représentent unedemande continue pour la transformation des ressources naturelles. Le tourisme,comme les autres secteurs associés aux services, transforme les territoires àl’endroit même où les investissements sont consentis et dans les lieux où les tou-ristes se déplacent mais représente aussi une forme de « délocalisation » des trans-formations spatiales en amont de la demande dite « touristique » 20. Parmi lesenjeux géographiques et politiques que représente le développement du tourismedans une économie comme celle de Madagascar, il faut aussi noter la concurrencequ’il représente face aux autres secteurs : aménager et mettre en valeur « touris-tique » un territoire suppose nécessairement de le soustraire à une utilisationconcurrente (agriculture, conservation, extraction, etc.). En d’autres termes, letourisme, loin d’être une panacée, représente un secteur aux effets comparablesaux autres secteurs de l’économie.

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20. En faisant pression sur la demande de produits agricoles par exemple ou encore en« occupant » des territoires autrefois consacrés à l’agriculture.

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Notre analyse a voulu montrer à la fois l’influence des IFI dans le dévelop-pement du secteur à Madagascar et la fragilité de l’équation qui vise à concilier ledéveloppement économique avec la protection des ressources naturelles et la luttecontre la pauvreté. Le fort « potentiel » de mise en tourisme de la biodiversité mal-gache ne doit pas occulter le double paradoxe qui en découle : l’activité touris-tique – et écotouristique – s’approprie, détruit et aménage des territoires ; elleexclut aussi de ces espaces toutes personnes et toute activité qui ne contribuentpas à son développement. Comme nous le suggérions en introduction, la géo-politique du tourisme à Madagascar repose donc sur trois notions essentielles quenotre analyse a permis de confirmer : 1) elle s’alimente d’une vision économiqueet « rationnelle » des ressources naturelles et des menaces qui pèsent sur elles ;2) l’insertion de la Grande Île au capitalisme mondial place le tourisme dans un« modèle » particulier de croissance qui oriente le développement du secteur ; 3) lapopulation rurale, bien qu’elle soit sollicitée en amont comme en aval du dévelop-pement touristique à Madagascar, se trouve devant la double impasse de devoirchanger sa relation avec l’environnement nécessaire à sa survie, en étant large-ment exclue des opportunités économiques que peut offrir le tourisme. En attendantle miracle auquel seuls les IFI et le gouvernement semblent croire, la géopolitiquedu tourisme à Madagascar présente un excellent exemple des problèmes dedéveloppement auxquels font face la plupart des pays du Sud, c’est-à-dire unehypothétique croissance économique dont les principaux intéressés semblentlargement exclus.

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