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ENTRE MINÉRALOGIE ET STATISTIQUE TERRITORIALE : LES ENQUÊTES DU JOURNAL DES MINES ENTRE L'AN III ET L'AN VII Isabelle Laboulais-Lesage Belin | Revue d'histoire moderne et contemporaine 2008/4 - n° 55-4 pages 57 à 81 ISSN 0048-8003 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-d-histoire-moderne-et-contemporaine-2008-4-page-57.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Laboulais-Lesage Isabelle, « Entre minéralogie et statistique territoriale : les enquêtes du Journal des mines entre l'an III et l'an VII », Revue d'histoire moderne et contemporaine, 2008/4 n° 55-4, p. 57-81. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Belin. © Belin. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Strasbourg - - 130.79.168.107 - 29/01/2015 17h06. © Belin Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Strasbourg - - 130.79.168.107 - 29/01/2015 17h06. © Belin

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ENTRE MINÉRALOGIE ET STATISTIQUE TERRITORIALE : LESENQUÊTES DU JOURNAL DES MINES ENTRE L'AN III ET L'AN VII Isabelle Laboulais-Lesage Belin | Revue d'histoire moderne et contemporaine 2008/4 - n° 55-4pages 57 à 81

ISSN 0048-8003

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-d-histoire-moderne-et-contemporaine-2008-4-page-57.htm

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Laboulais-Lesage Isabelle, « Entre minéralogie et statistique territoriale : les enquêtes du Journal des mines entre l'an

III et l'an VII »,

Revue d'histoire moderne et contemporaine, 2008/4 n° 55-4, p. 57-81.

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© Belin. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites desconditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votreétablissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière quece soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur enFrance. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

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Enquêter

Entre minéralogie et statistique territoriale :

les enquêtes du Journal des mines

entre l’an III et l’an VII

Isabelle LABOULAIS

L’agence des Mines est instaurée par le décret du 13 messidor an II(1er juillet 1794)1. Cette décision institutionnelle exprime la volonté républi-caine d’autarcie et témoigne du désir d’imposer une France minérale riche etpotentiellement autosuffisante. Placée sous l’autorité de la commission desPoudres, l’agence des Mines est composée de trois membres qui encadrent lesinspecteurs, ingénieurs et élèves et qui supervisent l’exploitation des mines. Le30 vendémiaire an IV (22 octobre 1795), cette agence est remplacée par leconseil des Mines. En dépit de cette nouvelle désignation, les attributions decette structure ne changent pas : le conseil continue de contrôler le corps desMines dans son ensemble et reste chargé, jusqu’en 1810, de la publication duJournal des mines, de l’organisation des enseignements dispensés à l’École et del’administration des ressources minérales. Cette dernière mission implique à lafois de réaliser l’inventaire de ces ressources, d’en mettre en œuvre l’exploita-tion et de veiller à leur extraction.

Le Journal des mines de la République, qui paraît pour la première fois envendémiaire an III (septembre-octobre 1794), est un mensuel censé « répandreles connaissances nécessaires au succès des Exploitations »2. Cette vaste ambi-tion suppose de réunir des domaines de savoir comme la minéralogie, la chi-mie, la mécanique, mais aussi les savoir-faire de l’art des mines. Loin de diffuserseulement des conseils pratiques destinés aux exploitants, le Journal des minesdoit aussi contribuer aux travaux des géologues et des minéralogistes. Parailleurs, il est tenu de répondre au projet d’inventaire soutenu par le Comité deSalut Public et de faire connaître les ressources minérales du territoire français.

1. Ernest-Jules-Frédéric LAMÉ-FLEURY, Recueil méthodique et chronologique des lois, décrets, etc. concer-nant le service des ingénieurs au corps impérial des Mines, Paris, Imprimerie impériale, 1856-1857, 2 volumes.

2. Charles COQUEBERT, «Programme», Journal des mines de la République, I/1, vendémiaire an III, p. 3-16 (p. 6).

REVUE D’HISTOIRE MODERNE & CONTEMPORAINE

55-4, octobre-décembre 2008.

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Il constitue à la fois un relais dans la diffusion des principes d’observation et unintermédiaire dans la transmission des phénomènes observés3. L’orientation dece périodique n’est donc pas seulement minéralogique, elle est aussi écono-mique, et ce double ancrage, subordonné à l’idéal d’utilité publique4 et nette-ment affirmé dans le programme5, transparaît aussi dans la table des matièresdu périodique.

Dans chaque numéro composé, pour les premiers d’environ 120 pages,puis pour les suivants de 80 à 90 pages, le Journal des mines publie différentstypes d’articles parmi lesquels on trouve des résultats d’analyses effectuées surdes minéraux, des alliages ou des eaux, des annonces de conférences, de paru-tions, des comptes rendus de livres, des descriptions minéralogiques de cir-conscriptions ou de pays, des lettres ou extraits de lettres adressées à desagents des Mines, des mémoires ou descriptions de mines, de salines, demanufactures, de gisements, etc., des mémoires de chimie, de minéralogie, degéologie ou de géographie physique, des notes sur des substances minérales,des projets de machines, des rapports lus à l’Institut ou dans d’autres institu-tions savantes, des rapports présentés à l’agence ou au conseil des Mines, enfindes statistiques départementales. Comme le montre le tableau indiquant larépartition des différents types d’articles publiés dans les neuf premiersvolumes du Journal des mines, les textes descriptifs – qu’ils soient consacrés àun département ou à n’importe quelle autre échelle territoriale – occupent uneplace considérable dans les pages du périodique. Or, ces textes témoignentpour la plupart de la volonté de réunir non seulement dans un même volume,mais plus encore dans un même article, deux domaines de savoir – la minéra-logie et la statistique – régis par des modèles d’intelligibilité distincts. Cetteambition semble particulièrement caractéristique de la première série duJournal des mines dont, pour des raisons financières, la parution s’interrompten ventôse an VII (février-mars 1799).

En germinal an IX (mars-avril 1801), lorsque Chaptal relance ce pério-dique, le titre change – il devient Journal des mines ou recueil des mémoires surl’exploitation des mines et sur les Sciences et les arts qui s’y rapportent – ; l’ancienrédacteur, Coquebert, qui vient d’être nommé à Amsterdam, est remplacé parune équipe composée de plusieurs ingénieurs des Mines, Haüy, Vauquelin,Baillet, Brochant,Tremery et Collet-Descostils. Surtout, le contenu est désor-mais organisé en quatre classes, dont chacune est placée sous la responsabilité

3. « Le Journal des mines est un trait d’union spécialement efficace entre le domaine fermé de la pro-fession et les points de vue généraux de l’économie », Jean-Claude PERROT, L’âge d’or de la statistique régio-nale française (an IV-1804), Paris, Société des Études robespierristes, 1977, p. 52.

4. Plusieurs articles évoquent cette notion tant dans leur titre que dans leur analyse ; on peut, à titred’exemple, citer le « Mémoire sur la minéralogie du Boulonnois dans ses rapports avec l’utilité publiquetirée des Mémoires des citoyens Duhamel Mallet et Monnet, officiers des Mines et de ceux du citoyenTiesset de la commune de Boulogne », Journal des mines, I/1, vendémiaire an III, p. 34-54 (p. 34).

5. Publié dans le premier numéro, ce programme annonce : «Nous suivrons les substances que l’artextrait du sein de la terre jusques dans les mains du commerce qui les transporte et les échange »,C. COQUEBERT, «Programme», art. cit., p. 12.

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LE JOURNAL DES MINES,AN III – AN VII 59

RÉPARTITION DES DIFFÉRENTS TYPES D’ARTICLES PUBLIÉS DANS LES NEUF PREMIERS VOLUMES

DU JOURNAL DES MINES :

VOL. I VOL. II VOL. III VOL. IV VOL.V VOL.VI VOL.VII VOL.VIII VOL. IX

Analyse (ou examen chimique, essai) de minéraux,

4 40 8 38 10 115 12 109 8 108 3 28 7 62 5 19 9 36

d’alliages, d’eaux

Annonce de conférences,de parution, etc.

3 5 – – – – – – 2 2 – – – – 2 5 2 5

Compte rendu de livres 4 67 3 51 6 165 5 92 2 41 1 17 1 12 1 26 1 10

Descriptionminéralogique (ou d’un autre type) d’une circonscriptionou d’un pays

3 97 5 165 2 39 – – 1 8 3 70 4 92 – – 3 138

Lettre adressée à un agent des Mines

1 4 6 19 1 3 2 35 3 18 – – 1 4 – – 5 30

Mémoire (ou description) sur des mines, salines,manufactures,gisements, etc.

10 141 11 132 12 151 6 87 2 24 4 26 4 152 2 32 – –

Mémoire (notice,observation ou essai) de chimie, minéralogie,géologie, géographie minéralogique

1 10 4 25 1 21 3 108 5 159 3 113 1 12 3 34 3 28

Note (Observations ou Mémoire) sur des substances minérales

4 142 3 53 1 3 7 44 8 67 4 57 3 17 2 12 10 115

Projet (ou Description) d’une machine ou d’une expérience

5 40 – – 3 16 – – – – 5 55 3 36 8 52 – –

Rapport lu à l’Institut ou dans une autreinstitution savante

– – – – – – – – – – – – 2 46 4 86 – –

Rapport fait à l’agenceou au conseil des Mines,lois

6 83 – – 2 21 1 2 – – – – 3 30 3 91 6 54

Notice des richessesminérales de la Républiquefrançaise par ordre de départements

– – – – – – 1 12 2 66 2 62 1 8 2 55 – –

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de rédacteurs spécifiques. Or, dans cette nouvelle structure, il semble que leprojet de concilier statistique et minéralogie décline. La première de ces quatrerubriques comprend tout ce qui concerne la minéralogie, la géologie et la géo-graphie physique ; elle est confiée à Brochant et Haüy, ce dernier ayant « pro-mis de coopérer ». La seconde réunit tout ce qui a trait à la physique, lamécanique, l’exploitation des mines et les arts qui en dépendent ; la rédactionest confiée à Baillet et Trémery. La troisième rassemble tout ce qui touche à lachimie générale, la docimasie6, la métallurgie, et les arts chimiques qui en fontpartie ; la rédaction est placée sous la responsabilité de Vauquelin et Collet-Descostils. Enfin, la quatrième comprend les lois et les arrêtés du gouverne-ment, tout ce qui relève de l’économie politique relative aux mines, les brevetsd’inventions, et les annonces qui peuvent intéresser les mines, les sciences et lesarts.Aucun rédacteur n’est désigné de façon spécifique pour prendre en chargecette dernière catégorie de textes, elle échoit donc à ceux auxquels la premièreet la seconde classes sont confiées.

Trois de ces quatre rubriques affichent très explicitement ce que PierreBourdieu désigne comme le « capital scientifique » de ce périodique savant etce parti pris semble renforcé par l’énumération des titres de chaque rédacteur :Brochant est présenté comme membre de la Société philomathique de Paris7

et ingénieur des Mines de France, Haüy comme membre de l’Institut natio-nal, professeur à l’École des Mines et au Muséum d’histoire naturelle, Bailletapparaît comme membre des sociétés philomathique et d’histoire naturelle deParis, inspecteur des Mines de France et professeur à l’École des Mines,Tremery est, lui aussi, présenté comme membre de la Société philomathiqueet ingénieur des Mines de France, Vauquelin est désigné comme membre del’Institut national, ancien inspecteur des Mines, et professeur au Collège deFrance, enfin Collet-Descostils est présenté comme membre de « plusieurssociétés savantes », ingénieur des Mines de France et professeur à l’École desMines8. Les titres sont de valeur inégale mais la légitimité savante est souli-gnée aussi souvent que possible. Cette caractéristique instaure une différenceassez nette avec la première série du périodique dont Coquebert était le seulrédacteur, un rédacteur dont les compétences d’administrateur semblent l’em-porter sur la légitimité savante9. De plus, à partir de l’an IX, la quatrième classe

6. La docimasie désigne l’analyse d’une substance minérale censée permettre d’identifier la nature etles proportions des métaux utiles contenus dans les mélanges naturels ou artificiels.

7. Lors de sa création en 1788, la Société philomathique se donne comme objectif la propagation desLumières. Comme on peut le lire dans la préface du premier volume imprimé du Bulletin des sciences publiépar la Société philomathique de Paris : « Ces motifs [i.e. la propagation des Lumières] engagèrent […] unesociété de jeunes gens cultivant des sciences diverses, à se réunir non pas dans l’espérance présomptueused’alimenter leur commerce par le récit de leurs propres découvertes, mais pour se communiquer respec-tivement tout ce qu’ils pourraient apprendre, tout ce qu’ils pourraient recueillir et s’exciter au travail enprenant pour objet d’émulation le spectacle entier des progrès de l’esprit humain. » (I/16-17, octobre-novembre 1792, p. III-IV, citation extraite de la page III).

8. « Avis », Journal des mines, XI, vendémiaire an X, p.V-VI.9. Isabelle LABOULAIS, Lectures et pratiques de l’espace : l’itinéraire de Charles-Etienne Coquebert de

Montbret (1755-1831), savant et grand commis d’État, Paris, Honoré Champion, 1999.

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qui laisse place à l’économie politique n’est confiée à aucun rédacteur aux com-pétences avérées dans ce domaine de savoir. Cette réorganisation du périodiquemarque donc un tournant dans la manière d’appréhender ce qui est alors dési-gné comme la « science des mines ».

Au travers d’une présentation des cinquante-quatre premiers numéros (oudes neuf premiers volumes) de ce périodique, publiés entre l’an III et l’an VII,nous voudrions évoquer la manière dont les méthodes d’enquête, les énoncésdescriptifs et les modèles d’intelligibilité mis en œuvre dans le Journal des minesont pensé de manière spécifique les modalités de l’articulation entre minéralo-gie et statistique territoriale.

LES MÉTHODES D’OBSERVATION ET D’ENQUÊTE DESTINÉES À « CEUX QUI CULTIVENT

L’ART DES MINES »

« Si vous n’êtes tourmentés du besoin de connaître la vérité, vous n’inter-rogerez que faiblement la nature et elle ne vous répondra pas »10 : c’est ainsi queCoquebert termine la recension de l’ouvrage de Werner qu’il publie en l’an IV,cherchant jusque dans cette note à faire de ses lecteurs de futurs enquêteurs,soucieux de questionner la nature.

Inciter les lecteurs à transmettre des observations et des échantillons identifiés

Le programme qui ouvre le premier numéro du Journal des mines suggèredéjà ce type de collaboration ; il annonce en effet la mise en chantier d’une «des-cription minéralogique de la France » et évoque la contribution de « savants esti-mables », de « voyageurs employés à la recherche des mines », et de « ceux quis’associeront volontairement à ces travaux »11. Il est évident que ces volontairesdoivent être recrutés parmi les lecteurs du journal, sans qu’aucune différencene soit faite entre ces lecteurs anonymes et les savants reconnus12. D’ailleurs,quelques pages plus loin, dans l’« Apperçu [sic] de l’extraction et du commercedes substances minérales en France avant la Révolution », le rédacteur invite« tous les citoyens à concourir avec zèle à l’exécution » du « Tableau général desmines de France et de leurs produits » qui est censé offrir un panorama del’activité minière de chaque département13. Ce type d’invitation se retrouvedans presque toutes les notices départementales publiées à partir de l’an IV.

10. « Analyse de l’ouvrage allemand intitulé : Neue Theorie von der Entstehung der Gänge, etc. c’est-à-dire, Nouvelle Théorie de la formation des filons appliquée à l’exploitation des mines, et particulière-ment de celles de Freyberg ; par Abr. Gottlob Werner, in 8°, 256 pages, Freiberg, Gerlach, 1791 », Journaldes mines, III/18, ventôse an IV, p. 61-99 (p. 99).

11. C. COQUEBERT, « Programme », art. cit., p. 8.12. « Il n’est presque pas de Citoyen qui, en décrivant les fouilles dont il est témoin, en notant et trans-

mettant à l’Agence les substances qui en sont extraites, en visitant les ravins et les escarpements ne puissecontribuer à cette utile entreprise », Ibidem, p. 8.

13. « Apperçu [sic] de l’extraction et du commerce des substances minérales en France avant laRévolution », Journal des mines, I/1, vendémiaire an III, p. 55-92 (p. 56).

LE JOURNAL DES MINES,AN III – AN VII 61

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Cependant, aucune consigne précise n’accompagne ces sollicitations adresséesaux lecteurs. Tout au plus trouve-t-on dans le périodique des indicationséparses qui peuvent tenir lieu de consignes fragmentées. Ainsi, lorsque leJournal des mines publie des extraits des registres de la conférence des Mines,on peut y lire :

« Sur la proposition d’un membre, la conférence arrête que tout [sic] ceux qui enverronsdes mémoires ou observations à l’agence des Mines, seront invités à exprimer en langageméthodique, les substances et les outils qu’ils auront occasion d’observer dans les divers tra-vaux, d’indiquer le rapport que les outils peuvent avoir entr’eux, et d’ajouter les noms vul-gaires, et particulièrement ceux qu’ils portent dans le lieu des observations »14.

On retrouve donc ici des indications assez conformes à celles énoncées parles naturalistes, et très représentatives de celles qui se trouvent disséminées dansde nombreux articles15. Ces consignes insistent sur l’inscription des échan-tillons dans les lieux de la collecte ; cependant, la quête d’exactitude n’est iciénoncée que de manière approximative. On peut en effet se demander ce qu’estle « langage méthodique » évoqué ici. Est-ce, comme le suggère l’un des lecteursdu Journal des mines, la « langue minéralogique de Werner » qui, selon lui, doitfaciliter l’identification des fossiles par les voyageurs naturalistes16 ? Ou bienest-ce simplement une manière d’insister sur la rigueur avec laquelle les obser-vations devaient être rapportées ? Il est, à vrai dire, difficile de trancher.Wernerfonde son classement sur la forme des minéraux et sur leurs caractères chi-miques. Ses positions sont souvent évoquées dans le périodique ; cependant, leJournal des mines ne publie jamais aucune consigne pour en généraliser l’adop-tion. Une telle position n’aurait d’ailleurs certainement pas été tenable puisquela méthode de Werner s’oppose à celle d’Haüy, qui considère que les formesextérieures dérivent d’un petit nombre de systèmes cristallins, qu’il désignecomme la « molécule intégrante »17. Or, dès l’an III, Haüy est nommé conser-vateur des collections de minéraux de l’agence des Mines, il est chargé du coursde cristallographie dispensé aux élèves de l’École des Mines et collabore aussitrès régulièrement au Journal des mines.

Lorsque le « langage méthodique» est évoqué, c’est donc manifestement unemanière d’inciter les correspondants à la rigueur, sans toutefois fixer précisément

14. « Extrait des registres de la conférence des Mines, séance du 17 ventôse, an troisième », Journaldes mines, I/6, ventôse an III, p. 26.

15. Coquebert revient sur cette méthode dans le commentaire d’une collection de minéraux :« Indépendamment du catalogue raisonné des collections il est à désirer que chaque échantillon soit accom-pagné d’une courte indication des circonstances où il a été trouvé ; puisque ce sont souvent ces circons-tances qui en font tout le prix. La tradition se perd, les catalogues s’égarent ou ils deviennent inutileslorsqu’un cabinet est dispersé et des morceaux intéressants sont négligés faute d’être accompagnés destitres qui les rendraient recommandables » : « Mineralien Cabinet gesammlet und beschrieben von demVerfasser der Erfahrungen vom innern des Gebirge ; c’est-à-dire Collection de minéraux formée par l’au-teur des Observations sur l’intérieur des montagnes et décrite par lui-même, Clausthal, 1795 », Journal desmines, IV/23, thermidor an IV, p. 66-84.

16. « Lettre du citoyen Berthout au citoyen Coquebert rédacteur du Journal des mines », Journal desmines, II/7, germinal an III, p. 65-66.

17. Gabriel GOHAU, Une histoire de la géologie, Paris, Seuil, 1990, p. 117.

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les conditions de son énonciation et sans se référer de manière constante à un seulprincipe méthodologique. Il faut dire que la logique de l’inventaire ne l’exige pas.En revanche, le Journal semble indiquer de manière plus explicite les phéno-mènes à observer.

Désigner les phénomènes à observer

Le Journal des mines n’a jamais publié un questionnaire spécifiquementconçu en fonction de son projet. Cependant, certains articles suggèrent desclés d’observation à leurs lecteurs, et cela de plusieurs manières. Toutd’abord, il faut relever que, lors de la composition des textes, des rubriquessont très souvent insérées dans les marges, elles indiquent les principalesarticulations du texte. Or, lorsqu’il s’agit de notices descriptives, cesrubriques, immédiatement visibles pour le lecteur, peuvent suggérer lesdomaines auxquels un observateur doit en premier lieu s’attacher. Dans lecas de la description du Meissner, le plan d’observation suggéré par lesrubriques est le suivant : situation du Meissner, forme de cette montagne,disposition des couches, disposition du mur de la couche de combustible,disposition du toit de cette couche, différences dans la qualité du combus-tible qu’elle renferme, houille, bois fossile, exploitation, produit, usage,observations géologiques, hypothèse de M. de Beroldigen, réflexions18. Onretrouve, dans cette liste qui s’impose immédiatement au regard des lecteurs,la forme la plus élémentaire des instructions de voyage, celle qui énumère leschoses à voir.

Les articles du Journal des mines diffusent aussi des consignes d’observationimplicites, en indiquant assez souvent aux lecteurs les phénomènes à vérifier.Ainsi, pour rédiger sa notice du département de l’Ain, Coquebert reprend desindications qu’il a trouvées dans des descriptions des années 1770 et 1780, ilsuggère donc à ses lecteurs d’aller s’assurer de leur exactitude en supposant queces notations émanent de «personnes peu versées dans la minéralogie »19. Sansnécessairement mettre en cause la fiabilité des observations dont il dispose,Coquebert incite aussi ses lecteurs à aller visiter certains sites pour confirmer oucontredire les indices, notamment ceux de la présence de houille repérés par lesingénieurs des Mines20. Là encore, il ne s’agit pas de consignes d’observationprécises mais seulement d’indications de choses à voir. Guillot Duhamel (fils)procède un peu de la même manière dans le préambule d’un de ses rapportspubliés dans le Journal des mines en prairial an III ; il énumère en effet les ques-tions qu’un observateur doit se poser lorsqu’il entend décrire une exploitation

18. « Extraits d’ouvrages étrangers : Description du Meissner, montagne de la Hesse, qui renfermeun immense amas de houille et de bois fossile recouvert par un massif très considérable de basalte ; tiré dedivers auteurs allemands », Journal des mines, IV/22, messidor an IV, p. 73-79.

19. « Département de l’Ain », Journal des mines, IV/23, thermidor an IV, p. 39-51 (p. 48).20. « Département de l’Allier », Journal des mines,V/26, brumaire an V, p. 119-159 (p. 142 sq.).

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minière21. Cet exemple montre bien comment le périodique remplit son rôle derelais entre l’administration et les citoyens. Le conseil des Mines apparaît quantà lui comme un lieu de collecte d’informations brutes et d’échantillons, qu’ilrevient à ses membres de trier et d’ordonner.

Plusieurs descriptions fournissent enfin des éléments pour reconnaître lanature de certains sols. Par exemple, lorsque Coquebert décrit les terres pyri-teuses et inflammables qui se trouvent dans l’Aisne, il donne de nombreusesindications à ses lecteurs pour qu’ils soient, eux aussi, en mesure de les recon-naître. Il indique leur couleur, leur aspect, leur consistance et même leur goût22,autant de données susceptibles de faciliter leur identification par le futur obser-vateur. La mention de telles consignes, aux ambitions ouvertement pédago-giques, revient fréquemment dans le journal. Cependant, à une époque où lesinstructions de voyage tentent d’imposer « la discipline d’un regard objectif etanalytique »23, à un moment où Dolomieu se plaint du peu de place accordé àl’observation minéralogique24, des indications aussi disséminées ne peuventsuffire à former un regard, un coup d’œil ; il faut aussi compter avec de véri-tables questionnaires.

Publier de véritables questionnaires

Bien que le Journal des mines n’ait jamais conçu « son » propre question-naire, il en évoque quelques-uns qui paraissent conformes à ses vues. En l’anIII, il mentionne ainsi à plusieurs reprises les deux lettres circulaires quel’agence des Mines a adressées aux directeurs des exploitations et par lesquelleselle les invite à lui procurer les matériaux pour le tableau général des mines.Cependant, le journal se contente de les mentionner, sans jamais les publier.

21. Dans son mémoire intitulé «Avantages d’une exploitation de houille et de plomb aux environs deMontaigu, département du Puy-de-Dôme», Duhamel annonce le cadre qu’il a suivi et qu’il entend voirsuivre par ses confrères avant d’émettre son avis : «Avant d’entrer en matière, je crois devoir faire une courtedigression et tracer rapidement les observations auxquelles on doit avoir égard lorsqu’on veut s’intéresserdans une entreprise de mine. Quelle est l’espèce de minerai ? Quelle est sa richesse présumée? Quelles sontles dimensions du filon ou de la couche? Paroit-il réglé? Est-il découvert en plusieurs points ? Quelle est saposition topographique? L’exploitation exigera-t-elle des machines hydrauliques? Y a-t-il des courans d’eausuffisans? Y a-t-il des bois pour les étais ? Existe-t-il des grandes routes qui rendent l’accès facile, et descanaux ou des rivières qui fassent espérer de diminuer les frais de transport ? Enfin, le débit des substances,lorsqu’elles seront extraites, paroît-il assuré? Voilà, je crois, les questions que l’on doit faire avant de prendreun intérêt dans une mine car c’est de la réunion du plus grand nombre possible de ces circonstances quedépend le succès d’une telle entreprise », Journal des mines, II/9, prairial an III, p. 14-24 (p. 14-15).

22. « La plupart de ces terres pyriteuses laissent sur la langue un goût plus ou moins stiptique [sic] »,« Département de l’Aisne », Journal des mines,V/25, vendémiaire an V, p. 49-73 (p. 57).

23. Claude BLANCKAERT, « Histoire du terrain. Entre savoirs et savoir-faire », in ID. (éd.), Le terraindes sciences humaines (XVIIIe-XXe siècle), Paris, L’Harmattan, 1996, p. 24.

24. Antonella VANNONI, « Les instructions pour les voyageurs : voyage, expérience et connaissance auXVIIIe siècle », in C. BLANCKAERT (éd.), Le terrain…,op. cit., p. 79-81 ; Silvia COLLINI et Antonella VANNONI

(éd.), Les instructions scientifiques pour les voyageurs (XVIIe-XIXe siècle), Paris, L’Harmattan, 2005. En 1791,Déodat Gratet de DOLOMIEU présenta ses Notes à communiquer à Messieurs les naturalistes qui font le voyagede la Mer du Sud et des contrées voisines du Pôle austral, lues à la Société d’histoire naturelle de Paris le 29 juillet1791, Paris, Chardon, 1791.

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En revanche, en ventôse an III (février-mars 1795), puis en floréal an IV(avril-mai 1796), le périodique fait paraître intégralement deux instructions devoyage, considérées comme conformes à ses objectifs : il s’agit en premier lieude l’« Essai d’un manuel du voyageur métallurgiste » que l’auteur, AlexandreMiché, un ingénieur des Mines, a déjà présenté à la conférence des Mines ; puisdu célèbre « Agenda ou tableau général des observations et des recherches dontles résultats doivent servir de base à la Théorie de la terre » qu’Horace-Bénédictde Saussure a fait paraître la même année dans le quatrième volume de sesVoyages dans les Alpes25. Les articles peuvent offrir des approches complémen-taires : l’un s’attache en effet à l’inventaire des ressources, l’autre cherche àrendre intelligible leur localisation. Cependant, ces deux textes reposent surdeux modalités de découpage du réel régies par des principes bien distincts. Demanière assez conforme aux entreprises statistiques contemporaines, la grilleproposée par Miché ancre l’inventaire sur une trame topographique : les mines,fonderies et usines doivent être situées non seulement au sein du maillage admi-nistratif (département, district, canton puis commune), mais aussi dans leurs« positions propres » (montagnes, côteaux, gorges, vallons, plaines, etc.)26. Cequi l’emporte néanmoins ici dans les intentions de l’auteur, c’est bien la consti-tution d’un tableau général ordonné topographiquement. Comme dans la sta-tistique départementale, l’espace reste un principe d’exposition, un moyend’introduire ordre et liaison dans la description27.

En revanche, en floréal an IV (avril-mai 1796), avec le texte de Saussure,c’est une toute autre approche que propose le Journal des mines28. Cet« Agenda » s’ouvre par trois chapitres dans lesquels Saussure expose les prin-cipes astronomiques, chimiques et physiques, enfin les monuments historiques.Ce sont là les connaissances liminaires qui doivent, selon lui, guider le travaildu géologue. Ensuite, les observations à faire sont classées dans des chapitresdistincts, en fonction des lieux où elles sont réalisées : le bord de la mer, lesfleuves et les eaux courantes, les plaines, les montagnes, les vallées, les volcans,les mines. Saussure détaille ses consignes. À la lecture de son texte, on saisitavec évidence son souci de rigueur. Il reprend certains conseils de manièrerécurrente, et recommande ainsi en toutes circonstances de noter la hauteur, lanature, l’étendue, la pente ou l’inclinaison, les dimensions, la largeur, la

25. René SIGRIST (éd.), H.-B.de Saussure (1740-1799).Un regard sur la terre, Chêne-Bourg et Genève,Georg, 2001. On consultera aussi Albert V. CAROZZI, « Symboles et codes pour la simplification et la stan-dardisation des observations géologiques de terrain : un projet manuscrit inédit du dix-huitième siècle parHorace-Bénédict de Saussure (1795-1797) », in Gabriel GOHAU (éd.), De la géologie à son histoire, Paris,Éditions du CTHS, 1997, p. 75-89.

26. « Essai d’un manuel du voyageur métallurgiste présenté à la conférence des Mines le 12 ventôsean troisième par Alexandre Miché, ingénieur des Mines de la République », Journal des mines, I/6, ventôsean III, p. 3-25 (p. 6).

27. Marie-Noëlle BOURGUET, Déchiffrer la France. La statistique départementale à l’époque napoléo-nienne, Paris, Éditions des archives contemporaines, 1988, p. 84-87.

28. « Agenda ou tableau général des observations et des recherches dont les résultats doivent servirde base à la Théorie de la terre par M. de Saussure de Genève (envoyé par l’auteur au conseil des Minespour être inséré dans son Journal) », Journal des mines, IV/20, floréal an IV, p. 1-70.

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profondeur, la vitesse, la quantité, la température, l’épaisseur, la forme, la direc-tion des phénomènes retenus. Son « Agenda » ne s’en tient pourtant pas à cetteénumération d’instructions formelles, il semble suggérer au géologue de passerde la collecte des faits à la construction des savoirs et, à cette fin, il s’efforce dedonner la définition des termes qu’il emploie, suggérant même parfois des élé-ments de son raisonnement. Ce sont là les conditions censées permettre dedépasser la pratique du naturaliste pour forger celle, plus spécifique, du géo-logue. C’est donc une science générale du globe terrestre que Saussure proposeici de construire29 ; un projet qui excède très largement les tâches dévolues auxingénieurs des Mines, mais qui fait écho aux débats qui se déroulent à cettepériode où la géologie construit son projet et son discours, entre minéralogie,géographie physique et géognosie. Or, à sa manière, le Journal des mines entends’inscrire dans ce champ et, en publiant ce texte de Saussure, il en fait ladémonstration.

Dans le même numéro, paraît une recension de l’ouvrage de Berchtold,An Essay to direct and extend the inquiries of patriotic travellers (Essai pour diri-ger et étendre les recherches des voyageurs qui se proposent l’utilité de leur patrie),recension dans laquelle Coquebert évoque l’utilité des voyages pour « ceux quicultivent l’art des mines »30. De tels voyages permettent, selon lui, à la foisd’étendre leurs connaissances et de mettre à profit celles qu’ils ont déjàacquises. Il publie d’ailleurs à la fin de son compte rendu les questions rela-tives aux mines proposées par Berchtold ; elles concernent à la fois lesrecherches historiques sur le sujet, l’état actuel des mines, la manière généralede procéder dans l’exploitation de celles-ci, les progrès de l’art des mines, lesmineurs, les lois et les règlements en faveur des mines. Dans son compterendu, Coquebert tient l’ouvrage de Berchtold pour un guide capital afin d’ap-préhender « les objets les plus importants de l’économie politique » ; et il ajouteque « ces questions composent, par leur réunion, un agenda semblable à celuique M. de Saussure a donné pour le voyageur géologue »31. Cette remarquen’est pas anodine puisque le compte rendu paraît dans le même numéro quel’« Agenda » de Saussure. On retrouve ici la manière dont Coquebert conçoitla formation des agents des Mines. D’après lui, les travaux des futurs ingé-nieurs des Mines doivent en effet être à la fois guidés par des questions susci-tées par les sciences naturelles et par des interrogations propres aux attentesde l’administration ; il considère qu’ils sont

« Appelés tout-à-la fois [sic] à servir l’État et les sciences, ils ne doivent exclusive-ment s’attacher ni aux observations scientifiques, ni aux objets d’économie et d’adminis-tration ; mais embrassant les sujets qu’ils traitent dans toute leur étendue, la préférence

29. René SIGRIST, « La géographie de Saussure à l’horizon des savoirs du XVIIIe siècle », in ID. (éd.),H.-B. de Saussure…, op. cit., p. 215-248 (p. 231).

30. « An essay to direct and extend the inquiries of patriotic travellers, etc. », Journal des mines, IV/20,floréal an IV, p. 71-84.

31. Ibidem, p. 80.

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qu’ils pourraient accorder à l’une ou à l’autre de ces parties ne doit point influer sur leursrecherches ni se faire apercevoir dans leurs rapports »32.

Pour le rédacteur du Journal des mines, l’enquête minéralogique et l’enquêtestatistique doivent donc être conduites conjointement, ou plutôt parallèlementcar il n’expose jamais les conditions de leur articulation. C’est donc vers lesnotices descriptives qu’il faut se tourner pour tenter d’en prendre la mesure.

QUELLE ARTICULATION ENTRE STATISTIQUE ET MINÉRALOGIE DANS LES NOTICES DESCRIPTIVES ?

À la fin du XVIIIe siècle, il est couramment admis que «bien connaître, c’estdécrire »33 ; et ce principe s’applique de manière très évidente au domaine de lastatistique. Plusieurs modèles de descriptions censées répondre aux attentes del’État sont alors bien fixés. C’est le cas notamment de la monographie d’établis-sement industriel, que Jean-Claude Perrot considère comme établie à partir del’an IV et qui, par certains aspects, fait songer aux travaux des agents des Mines.Cette forme de description comprend en effet la localisation des matières pre-mières, les techniques de traitement, la main-d’œuvre, le produit de l’activité, lesaires de ventes, les coûts et bénéfices34. Les informations sont ici sélectionnéespour nourrir la monographie en fonction de l’objectif de départ.

Les textes de nature descriptive occupent, nous l’avons vu, une large placedans les premiers volumes du Journal des mines ; en 1813, Xavier Leschevin lesdésigne d’ailleurs comme relevant de la « statistique minéralogique »35.Cependant, il s’agit là d’un critère de classement qui émerge plus tardivementdans la revue. Entre l’an III et l’an VII, les textes descriptifs publiés par le pério-dique savant ne relèvent pas d’une catégorie unique et ne présentent pas decontenu stable. À cette époque, on peut cependant distinguer dans le Journal desmines deux types de textes : ceux qui contribuent à la «description de la France »,ceux qui relèvent au contraire du « tableau de la situation de la République»36.Les premiers s’attachent à une circonscription – le plus souvent un département,mais il peut aussi s’agir d’un pays – sous l’angle de la minéralogie. Ils doivent

32. « Extraits d’ouvrages étrangers : Uber den bergbau in Spanien, etc. ; Sur l’état des mines enEspagne, et particulièrement sur celui des mines de mercure d’Almaden ; par Jean-Martin Hoppensacck,Weimar, 1796, un volume, in 8°, de 160 pages, accompagné de quatre planches ; Bericht über die königl.spanischen silberbergwercke zur Cazalla und Guadalcanal, etc. ; Rapport sur les mines d’argent de Cazallaet Guadalcanal, dans la province d’Estramadoure en Espagne ; avec un plan pour l’établissement d’unecompagnie pour l’exploitation de ces mines, par le même, ibid, volume in 8°, de 62 pages », Journal desmines,V/29, pluviôse an V, p 388-389.

33. Bernard LEPETIT, « En présence du lieu même… Pratiques savantes et identification des espacesà la fin du XVIIIe siècle », in ID., Carnet de croquis. Sur la connaissance historique, Paris, Albin Michel, 1999,p. 196-221 (p. 197).

34. J.-C. PERROT, L’âge d’or…, op. cit., p. 56.35. Xavier LESCHEVIN, Table analytique des matières contenues dans les 28 premiers volumes du Journal

des mines, Paris, Bossange et Masson, 1813, p. II.36. Dominique MARGAIRAZ, François de Neufchâteau. Biographie intellectuelle, Paris, Publications de

la Sorbonne, 2005, p. 268.

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pouvoir s’insérer dans un éventuel projet de connaissance du territoire denature encyclopédique. Avec le deuxième type d’outil, l’objet à connaîtren’est plus une entité spatiale mais une ou plusieurs substances, non pas entant qu’objet d’étude du minéralogiste mais comme objet de commerce.Cette approche fait assez directement écho à l’enquête nationale de fructi-dor an III (août-septembre 1795) dans laquelle les richesses minéralesconstituent l’une des rubriques à renseigner. L’articulation entre minéralo-gie et statistique y est toutefois moins prégnante et ce sont donc les textesdescriptifs qui vont ici retenir notre attention ; ils sont alors loin d’offrir desstructures régulières.

Des intentions…

Le titre de certains articles publiés dans le Journal des mines suggère la co-présence de la minéralogie et de la statistique dans la même description. Ainsi,dans le numéro 15, Coquebert publie des extraits d’un mémoire sur la Sommerédigé par Lamblardie, le directeur de l’École des Ponts et Chaussées, extraitsqu’il intitule « vues économiques et géologiques relatives à la vallée de laSomme »37. Cette volonté – celle de réunir, au sein de l’art des mines, l’écono-mie et la géologie, mais aussi « toutes les parties de l’histoire naturelle », laconnaissance des «hommes dont ils sont entourés » et « tout ce qu’il importe auxlégislateurs et au gouvernement de connaître sur la situation économique, poli-tique et morale des pays qu’ils visitent »38 – est très souvent rappelée dans lejournal entre l’an III et l’an VII. Certains auteurs tentent même de justifier unetelle articulation en montrant le plus souvent que les ressources naturelles d’unterritoire contribuent au bien-être de ses habitants39. Pourtant, de même queles procédures d’enquête restent disjointes, cette ambition tarde à susciter laconception d’un système descriptif spécifique.

37. « Vues économiques et géologiques relatives à la vallée de la Somme, extraites d’un mémoire ducitoyen Lamblardie, directeur de l’école des Ponts et Chaussées, membre du Conseil des travaux publics »,Journal des mines, IV/15, frimaire an IV, p. 31-51.

38. À propos des voyages de «ceux qui cultivent l’art des mines», Coquebert note : « si à l’amour de leurétat ils joignent un goût décidé pour toutes les parties de l’histoire naturelle ; si l’observation des phénomènesphysiques, l’examen des hypothèses de la géologie, l’attrait de la botanique répandent de l’intérêt sur descourses qu’ils sont obligés de faire dans les montagnes ; […] si enfin ils fixent leur regard sur les hommes dontils sont entourés ; s’ils étudient leurs besoins, leurs penchants bon ou mauvais ; s’ils cherchent à les rendremeilleurs et plus heureux, à les instruire de ce qui leur est utile de savoir, à les enrichir par l’industrie, ils béni-ront bientôt le sort qui ne les sépare des plaisirs que pour multiplier autour d’eux les occasions d’éclairer leuresprit et de satisfaire leur cœur. Il est encore un moyen d’ajouter à l’utilité de leurs fonctions, c’est d’embras-ser dans leurs recherches tout ce qu’il importe aux législateurs et au gouvernement de connaître sur la situa-tion économique, politique et morale des pays qu’ils visitent » : «An essay to direct…», art. cit., p. 72.

39. « La topographie générale d’un pays, la connaissance de ses productions non seulement miné-rales mais même végétales, de sa température, de son influence sur l’état de santé et de maladie, me sem-blent devoir intéresser les vues vastes et bienfaisantes d’une administration qui veut utiliser les productionsnaturelles de chaque pays au profit de ses habitants. Qu’il me soit donc permis de dire un mot de chacunde ces articles intéressans [sic] », « Essai sur la topographie minéralogique du ci-devant district de Laon, etd’une partie de celui de Chauny, où se trouvent la Fère et Saint-Gobain par le Cen F. Lemaistre », Journaldes mines,VI/35, thermidor an V, p. 853-878 (p. 853).

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C’est à partir du moment où le Comité de Salut Public et la Commissiond’agriculture et des arts encouragent des monographies partielles à titre d’essaique paraissent les premiers mémoires de minéralogie économique dans leJournal des mines40. Dans le programme du Journal, une «description minéra-logique de la République» est déjà évoquée, elle est désignée comme un « tableaufidèle des richesses fossiles »41. Aucun plan d’ensemble n’est cependant tracé, etles premiers volumes du périodique témoignent de la simple juxtaposition demonographies minéralogiques consacrées à différents pays sans que l’échelle duterritoire retenu soit toujours identique, sans qu’un principe de contiguïté déter-mine l’ordre des parutions, sans enfin chercher à couvrir la totalité du territoire.Même juxtaposés, les mémoires «minéralogiques » ne constituent pas une des-cription cohérente de la France42. Dès l’an IV, ils disparaissent d’ailleurs peu àpeu des volumes du Journal des mines, en partie au moins du fait de la créationde la notice des richesses minérales de la République française.

C’est le 1er thermidor an IV (19 juillet 1796) – au début de ce que Jean-Claude Perrot a qualifié de « l’âge d’or des descriptions statistiques départe-mentales »43 – qu’un arrêté du conseil des Mines décide la publication d’un« Tableau des mines et usines de la France », également désigné comme noticedes richesses minérales de la République française « par ordre de départemens[sic] ». Le Journal des mines reproduit intégralement le texte de cet arrêtéquelques jours après son adoption. L’entreprise ainsi annoncée reprend à soncompte la tradition des enquêtes globales envisagées dans les limites d’un res-sort administratif44. Néanmoins, il ne s’agit pas de tout consigner (hydrogra-phie, climat, population, etc.) mais seulement d’observer la corrélation entreressources et richesses. L’énumération l’emporte donc sur le commentaire.L’ordre retenu pour ces descriptions est justifié par l’objectif de la publication ;on estime en effet

« qu’un des moyens d’exciter l’activité des citoyens à se porter vers ces objets, est de leurindiquer les lieux où existent les substances minérales ou fossiles qui peuvent être utilisées,les établissements en activité et ceux qui ont été abandonnés, en joignant à l’indication deslieux, des observations sur la quantité, et la qualité des minerais, les avantages des localités, età l’indication des établissements, des réflexions sur les améliorations dont ils paraissent sus-ceptibles, et sur les moyens de reprendre ceux abandonnés qui présenteraient des espérancessuffisantes »45.

40. J.-C. PERROT, L’âge d’or…, op. cit., p. 19.41. Journal des mines, I/1, vendémiaire an III, p. 8.42. Dès le premier numéro, paraît un «Mémoire sur la minéralogie du Boulonnais…» ; dans les numé-

ros quatre et cinq, un « Mémoire pour servir à la description minéralogique du département du Mont-Blanc » ; dans les numéros sept et huit, un « Mémoire sur la minéralogie du département de la Manche »,etc.Tous ces textes sont rédigés par Charles Coquebert et résultent d’un travail de compilation qui s’ap-puie sur les mémoires d’agents des Mines, ou d’autres agents du gouvernement, voire sur les observationsou les lettres envoyées au conseil par des savants ou des professeurs d’histoire naturelle.

43. J.-C. PERROT, L’âge d’or…, op. cit., p. 21.44. « Arrêté du conseil des Mines, Relatif à la publication d’une notice des richesses minérales de la

République française, par ordre de départemens [sic] », Journal des mines, IV/23, thermidor an IV, p. 37-38 (p. 37).

45. Ibidem.

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Puisqu’il s’agit d’inciter les citoyens français à exploiter les ressources natu-relles de leur territoire, il faut leur indiquer la localisation de celles-ci. C’est doncen fonction de principes économiques, guidés par la logique de l’inventaire, quel’arrêté définit la structure des descriptions, censées devenir des outils de la sta-tistique territoriale. Pour chaque département, ces textes doivent présenter :

« 1°. Les établissements en activité, la nature de leurs produits, leur emploi et celui dontils seraient susceptibles, leurs débouchés ordinaires de ceux qu’ils pourraient encore obtenir,les machines ou objets intéressans [sic] qui s’y rencontrent et qui peuvent être utiles à l’avan-cement de la science et au perfectionnement des arts ;

2°. Les indices reconnus, et les mines abandonnées susceptibles d’être travaillées utile-ment ;

3°. Les indices restant à constater, et les mines abandonnées qui n’ont pu encore êtrevisitées de manière à s’assurer s’il serait utile, ou non, d’en reprendre l’exploitation ;

4°. Les indices, et les mines abandonnées dont il serait reconnu impossible de tireraucun parti »46.

L’objectif est précisément fixé, il s’agit d’inventorier les ressources miné-rales et de les hiérarchiser en fonction de leurs conditions d’exploitation. Cetteinitiative est guidée par la volonté de dénombrer les richesses, de manière àdresser le plus rapidement possible un bilan de la situation économique. Lesreprésentants du conseil des Mines insistent d’ailleurs pour rappeler que cetteentreprise ne relève pas de la minéralogie. L’arrêté du 1er thermidor an IV(19 juillet 1796) précise ainsi qu’« il ne s’agit pas d’une description minéralo-gique de chaque département, travail dont le conseil s’occupe aussi, mais uni-quement de l’énonciation des objets utiles à des établissements industriels etcommerciaux »47. Dans les intentions, il faut donc dissocier minéralogie et éco-nomie ; les notices départementales doivent offrir une nomenclature des minesen activité et des indices connus, les descriptions minéralogiques quant à ellessemblent moins directement liées à l’exploitation. Pourtant, si ce projet de des-cription minéralogique de chaque département est souvent rappelé dans lesbilans que le conseil des Mines adresse au ministère de l’Intérieur, c’est tou-jours pour en relancer la mise en œuvre sans cesse retardée faute de personnel :les agents des Mines se consacrent en effet à l’inspection des sites avant de tra-vailler à la description des territoires. Du point de vue de l’administration, lanotice des richesses minérales de la France par ordre de département est évi-demment prioritaire, elle est d’ailleurs présentée dans le compte rendu del’anVIII comme un outil grâce auquel « la marche de l’administration est deve-nue plus éclairée »48. Bien qu’il soit placé sous l’autorité du conseil des Mines,le journal se démarque assez nettement des dispositions de l’arrêté de l’an IVet publie des descriptions qui, qu’elles concernent ou non les départementsfrançais, mêlent minéralogie et statistique.

46. Ibidem.47. Ibidem.48. AN, F14 1301 B, « Compte-rendu par les membres du conseil des Mines, le 22 frimaire an 8 »,

Extrait du chapitre I : « De l’existence des substances minérales ».

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…aux descriptions

Les descriptions des productions minérales publiées par le Journal desmines entre l’an III et l’an VII ne permettent pas de dégager un modèle stable ;elles sont ordonnées tantôt en fonction de la localisation de celles-ci, tantôt enfonction de leur nature. Lorsque la nature des minerais inventoriés structure lanotice, celle-ci prend la forme d’une nomenclature des objets, dépourvue decommentaires : les faits sont ici censés parler d’eux-mêmes, mais ce « tableau defaits vrais » n’offre aucun moyen de dégager des principes d’intelligibilité. C’estpour parvenir à cet objectif que l’espace peut jouer un rôle primordial et deve-nir un principe d’exposition.

Lorsque, dans le mode d’exposition, l’inscription spatiale prévaut sur latypologie des productions, ou bien l’ordre topographique est retenu et les res-sources sont décrites en fonction du principe de contiguïté, ou bien les catégo-ries de la géographie physique l’emportent et la description procède par bassinhydrographique. Ainsi, lorsque, dans le numéro 50 du Journal des mines, estpublié l’extrait d’un «mémoire sur la minéralogie du Piémont considérée prin-cipalement sous le point de vue économique», la notice commence par exposerla disposition générale des montagnes, puis elle propose quelques observationssur l’ordre des couches, sur les blocs et les cailloux roulés, viennent ensuite desconsidérations sur les causes présumées de la constitution géologique de ce pays,une théorie de la formation des vallées, une topographie souterraine minéralo-gique, enfin un inventaire des ressources vallée par vallée49. Choisir ainsi d’adap-ter la structure d’une description aux «circonstances locales » ne semble pourtantpas aller de soi, car cela suppose de disséminer les informations sur les ressourcesminérales partout dans le texte, et cela fractionne l’inventaire.

Au début de sa lithologie du département de la Manche, Duhamel prendd’ailleurs la peine d’avertir son lecteur du parti pris descriptif pour lequel il aopté et explique les aménagements discursifs qu’il a réalisés pour en faciliter laconsultation. Il souligne ainsi :

« Avant d’entrer en matière, je dois prévenir que j’ai cru me rapprocher davantage de lanature en donnant la description des vallées principales et de leurs embranchements : celam’a forcé néanmoins de m’éloigner souvent beaucoup d’un point, pour revenir parler, longt-temps [sic] après, d’un autre placé à côté ; mais un résumé général, fait par arrondissemens[sic] de terrains de chaque espèce, présentera un grand tableau qui réunira tout ce qu’ilimporte le plus de connaître »50.

49. « Extrait d’un mémoire de M. Robilant sur la minéralogie du Piémont considérée principalementsous le point de vue économique ; où l’on trouve l’indication des mines et carrières de ce pays », Journaldes mines, IX/50, brumaire an VII, p. 81-164.

50. « Sur la lithologie du département de la Manche, pour faire suite au Mémoire sur la minéralogiede ce département imprimé dans les numéros VII et VIII de ce journal » par le Cen Duhamel fils, Journaldes mines, IX/52, nivôse an VII, p. 249-294 (p. 250). Duhamel père et fils avaient déjà publié un « Mémoiresur la minéralogie du département de la Manche, considérée sous le rapport de l’utilité publique », ilsavaient alors passé en revue les six districts dont le département de la Manche était composé, cf. Journaldes mines, II/7, germinal an III, p. 25-63.

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C’est donc seulement par le biais d’un artifice de présentation – le recoursau tableau synthétique proposé en annexe de la monographie – que Duhameltente de concilier d’un point de vue discursif les attentes doubles de la « statis-tique minéralogique » et plus largement du Journal des mines : celles de l’inven-taire et celle de la description.

Dans la première série du journal, les auteurs des descriptions ne disposentd’aucun principe d’intelligibilité, ni d’aucune catégorie spatiale adaptée à leurtâche et qu’ils pourraient systématiquement utiliser. Les seules tentatives duJournal des mines en la matière consistent à subordonner un domaine à l’autre,mais aucun essai d’articulation véritable, capable de donner naissance à unmodèle descriptif spécifique, n’est mis en œuvre entre l’an III et l’an VII. Lesauteurs des articles tentent alors de « bricoler » en utilisant toutes les notions quicirculent sans en revendiquer aucune. Les notices consacrées à chaque dépar-tement français rendent bien compte de ces « bricolages » et de ces « ajuste-ments » imaginés dans la première série du Journal des mines.

La spécificité des descriptions départementales

En dépit de l’importance conférée à cette tâche par l’arrêté du 1er thermi-dor an IV (19 juillet 1796), seules sept notices de ce type sont publiées dans lapremière série du Journal des mines, la huitième ne paraît qu’en l’an XII ; toutesces descriptions sont composées par Coquebert. Elles se démarquent assez net-tement des consignes de l’arrêté. Il ne s’agit en effet jamais de dénombrementsmais toujours de descriptions, qui regardent plus du côté de la minéralogie quede la statistique territoriale, et qui tentent de dépasser les logiques du catalogue,sans pour autant parvenir à imaginer un cadre d’exposé en mesure de rendreintelligibles les structures et les formations minérales. Coquebert les rédige ens’appuyant sur la méthode inductive : c’est en comparant les observations cen-tralisées à l’agence des Mines qu’il entend parvenir à une connaissance sûre. Ilmultiplie donc les sources d’information ; les mémoires des ingénieurs et desinspecteurs lui sont évidemment très utiles, de même que la correspondanceadressée à l’agence puis au conseil des Mines. Il semble même avoir eu recoursaux catalogues départementaux qui inventorient les échantillons collectés danschaque département français51.Au dos de la couverture de ces fascicules figuresouvent la référence à quelques articles consacrés par le Journal des mines audépartement concerné. Cet indice suggère que ces catalogues ne sont pas seu-lement utilisés à des fins de classification, mais qu’ils constituent aussi dessources d’information monographiques.

51.Tous ces catalogues sont conservés au Musée de minéralogie de l’École Nationale Supérieure desMines de Paris. Ce fonds est classé mais pas encore coté. À ce sujet, voir Isabelle LABOULAIS, « Quand lesagents des Mines délimitent leur domaine de savoir : la mise en place des collections de l’agence des Minespendant la Révolution française », in Soraya BOUDIA et Anne RASMUSSEN (éd.), Patrimoine, savoirs et com-munautés savantes, Rennes, Presses universitaires de Rennes, à paraître.

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Pour organiser l’ensemble des informations réunies, Coquebert se plie aucadre imposé et adopte le maillage départemental, non d’ailleurs sans en mettreen cause la pertinence52. Mais, contrairement à ce que préconise l’arrêté du1er thermidor an IV (19 juillet 1796), ses notices ne se contentent pas d’uninventaire localisé des ressources minérales ni même, comme le suggérait leprogramme du Journal des mines, d’un « tableau fidèle des richesses fossiles denotre vaste République »53. Refusant donc de réduire la description au statut denomenclature, Coquebert conçoit toutes ses notices départementales en deuxtemps : une notice géographique précède toujours une notice des richessesminérales ; la première est organisée en fonction des entités naturelles repé-rables au sein du département – le découpage est le plus souvent fondé sur lanature des terrains –, alors que la seconde présente une typologie des res-sources. Le recours à la description, d’une part, et la structure des notices,d’autre part, doivent permettre, une fois encore, de concilier les intérêts de la« minéralogie » voire de la « géologie » et ceux de la « science économique »54.

Son objectif consiste cependant d’abord à rendre intelligibles les unitésphysiques qu’il nomme parfois « arrondissemens naturels », et il ne manquejamais de distiller quelques indices susceptibles d’intéresser les géologues55. S’ils’efforce le plus souvent de retenir des catégories pertinentes aux yeux dessciences de la terre, il ne dispose pas pour autant d’un ensemble de catégoriesbien déterminées qu’il mobiliserait dans toutes ses descriptions. Au contraire,il semble plutôt utiliser indifféremment la théorie des filons empruntée à la géo-gnosie et la théorie des bandes généralisée par Guettard56. Alors qu’il structurecertaines notices selon les filons identifiés dans le département concerné, danssa notice dédiée à l’Ardèche, Coquebert note : « Après avoir suivi ainsi le terrainhouiller sous le calcaire qui le recouvre, nous reviendrons à la bande principaleque nous avons quittée près d’Aubenas »57.

Dans cette vaste entreprise descriptive, Coquebert est, lui aussi, confrontéà l’inadéquation discursive de la nomenclature et de la description. Comme ilne se contente pas d’énumérer les ressources minérales mais qu’il entend lesresituer dans leur configuration physique, il ne peut se plier aux règles de

52. I. LABOULAIS, Lectures et pratiques…, op. cit., p. 303-322.53. C. COQUEBERT, « Programme », art. cit., p. 8.54. « Il est possible qu’il se soit glissé quelque erreur dans la division que nous avons faite des diffé-

rens gîtes de houille de ce département, suivant la nature de terrain qui les renferme. Nous n’avons pujuger que d’après les renseignements que nous avions sous les yeux. C’est aux naturalistes du pays, ou auxminéralogistes qui y voyagent, à rectifier ces données. Nous nous sommes proposé seulement d’appelerl’attention sur une différence qui intéresse tout à la fois la géologie et la science économique »,« Département de l’Ardèche », Journal des mines,VIII/44, floréal an VI, p. 615-643 (p. 642).

55. « Un terrain semblable offre plus d’un sujet de méditation aux amateurs de la géologie ; mais cen’est point là que l’on peut espérer de trouver des mines : tout ce qu’on rencontre en ce genre dans ce ter-rain d’alluvion, ce sont quelques faibles portions d’oxyde de fer » :« Département de l’Ain », art. cit., p. 41.

56. Dans sa notice consacrée à l’Ardèche, Coquebert note ainsi : « après avoir suivi ainsi le terrainhouiller sous le calcaire qui le recouvre, nous reviendrons à la bande principale que nous avons quittée prèsd’Aubenas » : « Département de l’Ardèche », art. cit., p. 640.

57. Ibidem, p. 640.

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l’inventaire, au risque de se répéter. Dans sa notice du département de l’Allier,il explique ainsi les ajustements auxquels il a procédé :

« Nous pouvons réunir pour les considérations minéralogiques qui leur sont communes,les différentes mines de houille exploitées dans ces cantons, afin d’éviter de répéter lesmêmes faits pour chacune d’elles : après quoi nous donnerons en particulier l’historique dechaque exploitation »58.

La nomenclature et la description s’avèrent difficiles à associer. En effet, sile texte se contente d’énoncer un volume de ressources, alors la « configurationdes espaces se dissout »59 et anéantit ainsi toute ambition d’intelligibilité. Cetteaporie explique l’impossible mise en œuvre d’une statistique minéralogique, quitenterait de concilier dans un même texte les ambitions de la statistique terri-toriale et celles de la minéralogie. Les descriptions publiées dans le Journal desmines ne parviennent pas à mettre en place une écriture ni des schémas d’ana-lyse rigoureux, ou du moins stables. Les textes parus s’efforcent d’agencer lesrésultats de l’observation locale de manière à rendre compte des configurationsphysiques. Cependant, les auteurs proposent le plus souvent une descriptionpropre à chaque territoire traité, sans parvenir à sacrifier certains détails pourgagner en généralisation et suggérer une synthèse.

Face à l’impossibilité de concilier les ambitions de la statistique territorialeet celles de la minéralogie, les notices départementales publiées dans le Journaldes mines privilégient finalement, entre l’an III et l’an VII, le second domained’objets, sans réussir pourtant à mettre en place une écriture ni des schémasd’analyse rigoureux. Le périodique s’inscrit donc dans le milieu qui, entre géo-graphie physique, minéralogie et géologie a tâché de rendre intelligibles lesformes de la terre, mais c’est en tâtonnant, et en élaborant tour à tour différentsregistres de discours qu’il le fait, sans parvenir à rendre visible une démarchequi aurait affiché son positionnement au sein de ce champ.

PROCÉDURES COGNITIVES ET MODÈLES D’INTELLIGIBILITÉ MIS EN ŒUVRE

Comme le proclame déjà Desmarest dans l’article « géographie physique »publié en 1757 dans le volume VII de l’Encyclopédie, puis d’Holbach, dans l’ar-ticle « minéralogie » publié en 1765 dans le volume X, le programme du Journaldes mines affirme à son tour son attachement aux observations conduites sur leterrain et, de manière plus radicale encore, sa méfiance voire son refus enversles systèmes. Dans ce texte, Coquebert compare même le goût des systèmes àl’avidité, deux travers qui, à ses yeux, ont l’un et l’autre perverti la connaissancedes ressources minérales et l’ont réduite à « la recherche et la poursuite defilons »60. Il admet toutefois que cette entreprise d’inventaire repose sur des

58. « Département de l’Allier », art. cit., p. 131.59. B. LEPETIT, Carnet…, op. cit., p. 206.60. C. COQUEBERT, « Programme », art. cit., p. 9.

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conjectures mais, selon lui, d’une part ces conjectures ne doivent pas s’appuyersur des théories mais sur des observations qu’il faudrait multiplier et combiner« à la lueur de l’analogie »61 ; d’autre part, les fouilles entreprises ne doivent passe contenter de localiser des ressources mais sont également censées contribuerau progrès des connaissances géologiques. Cette méthode inductive doit donc,elle aussi, porter une égale attention au diagnostic économique et à l’histoirenaturelle, à l’inventaire et à l’examen ; au risque parfois de concilier l’inconci-liable ou d’en donner au moins l’apparence, comme la structure des descrip-tions le montre62.

Un recours prudent à l’analogie

Cette méthode inductive exposée en tête du journal est ensuite appliquéenon seulement par Coquebert lui-même mais dans l’ensemble des descrip-tions publiées entre l’an III et l’an VII. Cela dit, le recours à l’analogie n’est pastoujours aussi prudent que ce que Coquebert aurait souhaité. Certes, à la dif-férence des théories de la terre, les textes publiés dans le Journal des minesreposent toujours sur une part non négligeable d’observation, cependant ils nesont pas toujours capables d’éviter ce que Coquebert voit comme « nécessai-rement conjectural dans la recherche et la poursuite de filons »63.Ainsi, lorsquedans le troisième numéro du Journal des mines paraît l’extrait traduit d’unedescription minéralogique de la Cornouaille, Coquebert justifie ce choix enévoquant les similitudes entre la Cornouaille et la Bretagne, similitudes clima-tiques et physiques. Or, souligne-t-il « quoique la Bretagne exploite aussi desmines, elle est bien loin de soutenir la comparaison à cet égard »64. La des-cription de la Cornouaille doit donc susciter, mais aussi diriger, la rechercheen Bretagne de filons que Coquebert imagine « parallèles à ceux que lesAnglais exploitent »65. Ce mode de raisonnement est une nouvelle fois mis enœuvre une année plus tard, lorsque Coquebert publie, à partir des notes tiréesde ses propres carnets de voyage, une description des mines de cuivre qu’il a

61. Ibidem.62. Claude BLANCKAERT, « 1800 – le moment “naturaliste” des sciences de l’homme », Revue d’his-

toire des sciences humaines, 3, 2000, p. 121.63. Ibidem.64. « Extraits d’ouvrages étrangers : Mineralogia Cornubiensis ou Description minéralogique de la

province de Cornouaille, par W. Pryce, en anglais ; Londres, 1778, fol., extrait par Ch. C. », Journal desmines, I/3, frimaire an III, p. 91-126 (p. 91).

65. « Il est difficile de penser qu’une différence aussi prodigieuse soit due tout entière à la nature,qu’au nord de la Manche les schistes et les granits soient abondants en filons de certains métaux, et queles mêmes terrains, les mêmes roches en soient dépourvues en deçà de ce bras de mer : il semble plus natu-rel de croire avec quelques minéralogistes éclairés, que des filons parallèles à ceux que les Anglais exploi-tent, existent dans cette partie de la République, et qu’on pourra les découvrir en faisant des recherchessoutenues et bien dirigées ; nous avons pensé que pour parvenir à ce but important, on ne pouvait réunirtrop de connaissances sur la minéralogie de cette partie de l’Angleterre, qui se rapproche le plus de laBretagne à tous égards. C’est dans cette intention que nous publions cet extrait de l’ouvrage de Pryce, quioffre, d’ailleurs des faits neufs et curieux ; on peut le regarder au moins comme un supplément à ce queJars a donné au public sur ce même sujet » : Ibidem.

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observées dans le comté de Wicklow ; il établit alors une comparaison entre lePays de Galles et l’Irlande. Qu’il s’agisse de la Bretagne et de la Cornouaille oude l’Irlande et du Pays de Galles, la démarche reste pourtant identique. Celadit, dans le second cas, la notice n’est pas consacrée aux ressources minéralesqui se trouvent sur le territoire national. Elle vise seulement à transmettre desobservations.

Les systèmes comme «mal nécessaire »

Lorsqu’il évoque les travaux de Monge,Vandermonde et Berthollet sur lefer et l’acier, Coquebert considère que, pour les sciences physiques, la théorieconstitue un modèle d’intelligibilité absolument indispensable, et il conclut :

« Sans le flambeau de la théorie, la nature semblera toujours inégale et bizarre, lorsmême qu’elle observe la marche la plus régulière et la plus constante. Ceux qui ont pris lapeine de remonter à la cause des phénomènes, ont toujours un grand avantage sur ceux quiattendent leur instruction des leçons lentes et incertaines de l’expérience »66.

Si la théorie peut stimuler l’esprit d’observation67, les auteurs qui publientdans le Journal des mines se méfient évidemment d’une tendance à généraliserde manière abusive. Aussi, après avoir rendu compte des observations faitesdans les mines du Palatinat par le baron de Beroldigen, Coquebert nuance-t-illes conclusions de cet auteur, qui considère que les mines de mercure se trou-vent dans le voisinage des volcans. Coquebert estime quant à lui que la connais-sance des volcans n’est pas encore assez développée et craint « qu’on ne veuillevoir des volcans dans toutes les montagnes coniques, des cratères dans tous lesenfoncements qui avoisinent les sommets et des substances volcanisées […]dans tout ce qui ressemble aux laves noires compactes et au vrai basalte »68.

Coquebert récuse donc un mode de raisonnement aussi étroit et rapide. Enrevanche, de la même manière que le recours à l’analogie peut selon lui susci-ter des observations utiles, il regarde les systèmes – dès lors qu’on ne les consi-dère pas comme figés – comme un moyen de donner de « l’activité auxrecherches et un aliment à l’esprit d’observation »69. En aucun cas, le rédacteurne souhaite que le périodique qu’il compose ne puisse être soupçonné de reje-ter l’usage de la théorie. Elle ne doit pas décourager les observateurs de bonnevolonté auxquels il fait régulièrement appel dans ses articles, mais elle ne peutpas totalement être absente des articles publiés dans le Journal.

66. « Mémoire sur un procédé inventé en Angleterre, pour convertir toute espèce de fonte en excel-lent fer forgé », Journal des mines, I/6, ventôse an III, p. 27-37 (p. 27).

67. Isabelle LABOULAIS, « Les systèmes, un enjeu épistémologique de la géographie des Lumières »,Revue d’histoire des sciences, 59/1, 2006, p. 97-125.

68. « Extraits d’ouvrages étrangers : Bemerckungen auf einer Reise, etc. Observations faites dans unvoyage aux mines de Mercure du Palatinat et du duché des Deux Ponts, par Fr. Baron de Beroldigen ;publiées par Brandis, Berlin, Nicolaï, 1788, un vol., in 12, de 240 pages, accompagné d’une carte pétro-graphique », Journal des mines, III/17, pluviôse an IV, p. 52-56 (p. 56).

69. Ibidem.

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Ainsi, lorsque dans ses «Observations sur l’histoire physique de la vallée de laSomme» Girard (qui est ingénieur des travaux publics) semble récuser les sys-tèmes de manière définitive70, Coquebert, dans un texte qu’il intitule «Remarqueset preuves», relativise cette condamnation des systèmes et précise que leur élabo-ration peut seulement résulter d’observations accumulées, et que, de facto, seul untravail tenace, conduit au cours de plusieurs siècles, peut y contribuer. Coquebertfait donc des systèmes la perspective suivant laquelle les minéralogistes doiventorganiser leurs enquêtes. La construction d’un système peut même, selon lui,constituer le cadre heuristique commun aux enquêtes que le Journal des mines doitsusciter – «notre unique tâche, écrit-il, doit consister à réunir les matériaux néces-saires à la construction de l’édifice, sans essayer de les mettre en œuvre »71.Cependant, Coquebert reconnaît que «ce n’est presque toujours que parce qu’ona l’espoir d’expliquer, c’est-à-dire d’adapter à un système favori les observationsque l’on pourra faire, que l’on entreprend d’observer»72 ; et il conclut :

« Les systèmes sont donc un mal nécessaire ; si d’un côté ils nous éloignent du vrai, ennous donnant des explications du même fait souvent contradictoires, de l’autre ils ont celad’utile que pour les soutenir ou les combattre, nous ne craignons pas de suivre avec soin desobservations multipliées, qui tôt au tard conduiront à la vérité »73.

Pour Coquebert, l’inventaire des ressources minérales a donc pour finalitéla collecte d’observations localisées, collecte qui, pour se défaire de la simplejuxtaposition de détails – pratique qui ne peut en aucun cas véhiculer du sens– doit contribuer à construire une théorie de la terre. Dans la lettre qu’il adresseau Journal des mines, Bertrand approuve cette conception des systèmes, lesregardant comme le seul moyen « par lequel nos observations puissent devenirdes faits »74. Entre l’an III et l’an VII, le Journal des mines se trouve bien danscette logique ; il entend concilier inventaire et examen, réunir des observationspour construire des faits. C’est ainsi qu’il propose de contribuer au long travailde constitution d’une science générale de la terre. Cette volonté de combiner

70. « L’ancienne histoire de la terre est écrite à sa surface mais les caractères de cette histoire n’ontpas la même signification pour ceux qui les observent, et chaque manière différente de les expliquer a pro-duit autant de systèmes dont le peu d’accord prouve au moins la difficulté d’en établir un à l’appui duquelles observations recueillies jusqu’à présent, concourent avec le même succès », « Observations sur l’histoirephysique de la vallée de la Somme, par le citoyen Girard, ingénieur des travaux publics », Journal des mines,II/10, messidor an III, p. 15-82 (p. 25).

71. « Remarques et preuves », Journal des mines, II/10, messidor an III, p. 59-60.72. Ibidem, p. 60.73. Ibidem. L’année suivante, il tient de nouveau un discours comparable à celui-ci : « Les systèmes

sont, dans les sciences, ce que les passions sont pour l’âme humaine ; ils ont fait tomber dans de grandeserreurs, mais ils ont fait faire aussi de grands efforts. Soit qu’on les défende, soit qu’on les combatte, il fauttour à tour observer, comparer, généraliser, les moindres objets acquièrent de l’importance et de l’intérêt.Bannissons l’orgueil, la mauvaise foi, l’obstination, l’intolérance ; les systèmes feront alors plus de bien quede mal. », « Analyse de l’ouvrage allemand intitulé : Neue Theorie von der Entstehung der Gänge… », art.cit., p. 99.

74. «Réflexions sur la théorie des filons, telle qu’elle est analysée par le Cen Coquebert, dans le Journaldes mines, n° 18, par le ci. Bertrand», Journal des mines,VII/41, pluviôse an IV, p. 371. Philippe BERTRAND

est l’auteur des Nouveaux Principes de géologie… ou Manière plus simple d’observer et d’expliquer les principauxfaits naturels, avec un abrégé de la géologie nouvelle publié à Paris en 1797 chez l’auteur, puis réédité en 1803.

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des observations éparses pour leur donner sens ne suscite toutefois aucun texteméthodologique rigoureux. Seuls quelques indices dispersés se trouvent dansle journal et font écho aux positions affichées par des savants comme Saussureou Desmarest. C’est de manière tout aussi fragmentaire que le recours à la carteest présenté aux lecteurs du Journal des mines comme un outil susceptible d’ac-compagner les enquêtes conduites par ses correspondants.

La carte : un outil heuristique ?

Dans le Journal des mines, la carte est évoquée de plusieurs manières. D’unepart, elle apparaît comme une ressource documentaire. Ainsi, de même que lesauteurs des notices descriptives citent parfois les mémoires réalisés par desingénieurs des Mines ou des témoignages recueillis auprès de naturalistes75, ilsmentionnent aussi, parmi leurs sources, les feuilles de la carte de Cassini76 oucelles publiées dans l’Atlas minéralogique de Guettard et Monnet77. Ces cartespermettent en effet de repérer certains sites décrits, qu’il s’agisse de mines oumême de manufactures.

Plusieurs auteurs semblent par ailleurs inciter leurs lecteurs à consulter leJournal des mines avec une carte à leurs côtés. En effet, en marge de la plupartdes descriptions qui concernent le territoire français, se trouve un renvoi aunuméro de la feuille de la carte de Cassini correspondant aux lieux mention-nés. Pour l’espace germanique, la carte d’Allemagne de Chauchard est utiliséede la même manière78. La carte permet à la fois de situer les lieux dans unrepère orthonormé, mais aussi de visualiser leur position par rapport aux prin-cipaux éléments topographiques. Elle complète donc les indications transmisespar le maillage administratif toujours soigneusement indiqué dans les textes.Aufil de ses différents articles, Coquebert entend guider ses lecteurs dans l’usagequ’ils doivent avoir de la carte. Dans sa description de l’Ardèche, il note parexemple : « Pour faciliter la désignation des lieux et leur recherche sur la cartenous indiquerons, sous le nom de la partie septentrionale du département, leci-devant Haut-Vivarais, qui porta quelques temps le nom de district de

75. Le « Mémoire sur la minéralogie du département de la Manche » s’appuie sur un mémoire deRomain Coquebert et sur la correspondance de Brongniart, cf. « Suite du mémoire sur la minéralogie dudépartement de la Manche », Journal des mines, II/8, prairial an III, p. 28-29 et p. 30-31. La notice consa-crée au département de l’Allier s’appuie sur des données transmises par plusieurs ingénieurs des Minesdont les noms sont cités et dont les initiales sont indiquées après chaque affirmation fondée sur leurs obser-vations, cf. « Département de l’Allier », art. cit., p. 123, 131, 152. Charles-Etienne Coquebert utilise égale-ment des publications du Journal de Physique, les travaux de Darluc, ceux de Guettard (« Département desAlpes (basses) », Journal des mines, VI/32, floréal an V, p. 619-650 ; « Département des Alpes (hautes) »,Journal des mines,VI/34, messidor an V, p. 761-790), de Faujas ou de Giraud-Soulavie (« Département del’Ardèche », art. cit.).

76. « Suite du département de l’Ardèche », Journal des mines,VIII/45, prairial an VI, p. 645-670.77. Atlas et description minéralogique de la France,entrepris par ordre du roi,par MM.Guettard et Monnet,

publiés par M. Monnet, d’après ses nouveaux voyages, Paris, Didot – Desnos – Alexandre Jombert, 1780.78. À titre d’exemple, on pourra se reporter à l’article suivant : « Extraits d’ouvrages étrangers :

Description du Meissner… », art. cit.

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Mezin… »79. Les notices mentionnent même parfois les utilisations plus pré-cises que le lecteur doit faire de la carte. Dans celle qu’il consacre au départe-ment de l’Allier, Coquebert note ainsi :

« En suivant une ligne tirée du nord-est au sud-ouest, de Sauvigny à Néris, on remarquesur la carte la plupart des endroits où il a été reconnu des couches de houille avec les grès etschistes micacés qui caractérisent les terrains houillers. Sur cette direction se trouvent deuxarrondissements séparés par un intervalle de plus de deux myriamètres »80.

Cette insistance à décrire l’usage de la carte suggère que l’inventaire des res-sources doit impérativement être localisé, mais elle fait aussi de l’espace une caté-gorie qui permet d’ordonner les informations collectées. Les cartes sont aussiutilisées pour reporter le résultat des observations. Ainsi, dans la conclusion ducompte rendu qu’il consacre à l’ouvrage de Werner, Coquebert invite non seu-lement les minéralogistes à « examiner désormais sous ce point de vue tous lesfilons qu’ils auront occasion de visiter »81, mais il leur suggère aussi de « fixerleurs observations sur des cartes minéralogiques, en distinguant par des couleursdifférentes les filons qu’ils reconnaîtront avoir pris naissance dans des temps dif-férents »82. En 1795, dans le premier volume de l’Encyclopédie méthodique consa-cré à la géographie physique, Nicolas Desmarest fait une suggestionsemblable83 ; quant à Coquebert, les cartes imprimées de sa collection person-nelle portent de nombreux ajouts de couleurs qui témoignent de la mise enœuvre des principes énoncés ici84. Enfin, on retrouve dans les consignes duJournal des mines certaines similitudes avec les usages des cartes déployés par lesagents des Mines dès l’an III. Pour contribuer à rendre intelligibles les configu-rations minéralogiques, ceux-ci prennent en effet l’habitude de reporter sur desfonds topographiques toutes les données qu’ils peuvent observer, tant àl’occasion des tournées qu’ils font ponctuellement que dans le cadre des ins-pections qu’ils doivent régulièrement effectuer dans l’arrondissement minéralo-gique dont ils ont la responsabilité. Les archives du cabinet des cartes de l’agencedes Mines confirment l’usage régulier des cartes de Cassini à cette fin ; quatreséries y sont d’ailleurs conservées. De façon à synthétiser les données ainsi col-

79. « Département de l’Ardèche », art. cit., p. 632.80. « Département de l’Allier », art. cit., p. 127.81. « Analyse de l’ouvrage allemand intitulé : Neue Theorie von der Entstehung der Gänge… », art.

cit., p. 99.82. Ibidem.83. Dans un chapitre intitulé «Des cartes propres à la Géographie-physique» – chapitre qui suit celui

consacré aux «principes de la généralisation des rapports » dans lequel Desmarest explique que la géographiephysique est étroitement liée à la cartographie si bien que tous les travaux qui contribueront au progrès de lagéographie physique «consisteront à faire figurer sur des cartes exactes, les résultats des observations rap-prochées et liées ensemble par une analyse sévère» – Desmarest ajoute «qu’aucune observation ne peut appar-tenir à la géographie physique qu’autant qu’elle sera de nature à être présentée sur des cartes ». Cette analyseest étudiée dans Isabelle LABOULAIS, «Voir, combiner et décrire, les méthodes de la géographie physique selonNicolas Desmarest », Revue d’histoire moderne & contemporaine, 51/2, avril-juin 2004, p. 38-57.

84. Isabelle LABOULAIS, « Reading a vision of space : The geographical map collection of Charles-Etienne Coquebert de Montbret (1755-1831) », Imago Mundi, 56/1, 2004, p. 48-66.

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lectées sur le terrain, l’agence des Mines recommande ensuite d’utiliser la cartede Capitaine. Dès l’an III, elle cherche à s’en procurer plusieurs exemplairesauprès du Bureau de l’Agence des cartes et de Calon, qui dirige le Musée géo-graphique. Si l’on s’en tient aux commentaires qui en sont faits, ces cartes – quiont malheureusement disparu – s’attachent davantage aux étendues de terrainqu’à la localisation des sites miniers. La carte semble donc offrir un outil decombinaison, un ordre de classification des faits ; elle permet de produirel’agencement spatial des données observées.

Or, comme le pense Coquebert, dont la position illustre bien celle desauteurs de descriptions publiées dans le Journal des mines : « Les observationslocales et particulières tirent leur plus grand prix de leurs relations avec les vuesgénérales »85. Ainsi, ce qui paraît inconciliable dans l’ordre du discours, du faitde l’insoluble tension entre inventaire et examen, et du fait aussi de l’incompa-tibilité des catégories spatiales de la statistique territoriale et de la minéralogie,tout cela peut être réuni sur des cartes. Celles conçues par Guettard etLavoisier, dont certaines ont été insérées dans l’Atlas minéralogique publié parMonnet, montrent que le souci de localiser les ressources et la volonté de rendrecompte de la structure des terrains peuvent être associés sur une même feuillegrâce, d’une part, à une légende des symboles utilisés et, d’autre part, à uneéchelle stratigraphique. Les modalités de construction d’une carte adaptée auxexigences des connaissances minéralogiques ne sont jamais exposées dans lesneuf premiers volumes du Journal des mines. Cependant, l’émergence de cetteforme particulière d’acte cartographique étant étroitement liée aux commandesde l’administration, la carte s’impose comme un outil de compréhensioncapable de concilier l’inventaire des richesses avec les attentes de la minéralogie.

* * *

Entre l’an III et l’an VII, le Journal des mines a donc tenté d’articuler miné-ralogie et statistique territoriale, non seulement en réunissant dans les mêmesvolumes des articles qui relèvent de ces deux champs bien distincts, mais sur-tout à l’intérieur même d’un certain nombre de textes dont la plupart sont des-criptifs. Alors que le principe de cette articulation est souvent rappelé dans lespages du périodique, sa mise en œuvre reste en revanche complexe. Le plussouvent, il s’agit d’une simple juxtaposition de la minéralogie et de la statistiqueterritoriale, voire de la subordination de l’une à l’autre.

Si les catégories manipulées témoignent d’un ancrage assez net du côté dela minéralogie, les textes publiés restent cependant, d’un point de vue métho-dologique, très en deçà de ceux composés dans le cadre des travaux de l’écolede Freiberg. Aucun principe méthodologique directeur n’est en effet fixé et denombreux articles témoignent de la difficulté du Journal des mines à se situer

85. « Analyse de l’ouvrage allemand intitulé : Neue Theorie von der Entstehung der Gänge… », art.cit., p. 99.

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par rapport à la pluralité des positions qui sont alors discutées. Si les textespubliés diffusent des observations qui, sous l’angle de l’inventaire, peuventparaître utiles, du point de vue de la science générale de la terre, elles passentpour trop disparates. C’est l’un des défauts du périodique que la nouvelle sérietente de corriger. À partir de l’an IX, le Journal des mines renonce en effet à ten-ter de concilier minéralogie et statistique territoriale dans une descriptionunique. Les deux registres sont toujours représentés dans le périodique, maisils sont désormais traités dans des articles distincts qui se conforment aux objetset aux méthodes propres à chacun de ces champs.

Isabelle LABOULAIS

Université Marc Bloch – Strasbourg 2Palais universitaire

Institut d’histoire moderne9 Place de l’Université

67000 [email protected]

Résumé / Abstract

Isabelle LABOULAIS

Entre minéralogie et statistique territoriale : les enquêtes du Journal des mines entre l’an III et l’an VII

Le Journal des mines de la République est créé en l’an III et placé sous l’autorité de l’agence desMines. Comme le rappelle le programme publié en tête du premier volume, ce périodique est censé« répandre les connaissances nécessaires au succès des Exploitations ». Cette vaste ambition supposede réunir des domaines de savoir comme la minéralogie, la chimie, la mécanique, mais aussi lessavoir-faire relatifs à l’art des mines, enfin elle implique de répondre au projet d’inventaire des res-sources minérales du territoire français soutenu par le Comité de Salut Public.Au travers d’une pré-sentation des 54 premiers numéros de ce périodique, répartis dans les neuf volumes publiés entrel’an III et l’an VII, cet article s’attache à la manière dont les méthodes d’enquête, les énoncés des-criptifs et les modèles d’intelligibilité mis en œuvre dans le Journal des mines ont pensé de manièrespécifique l’articulation entre minéralogie et statistique territoriale.

MOTS-CLEFS : France, Révolution française, Enquête statistique, Minéralogie, Périodiquessavants, Ingénieurs des Mines �

The Journal des mines de la République was founded in year III and placed under the authorityof the agence des Mines. According to the statement printed at the beginning of the first volume, the jour-nal was intended to « spread the knowledge necessary to ensure the succes of mining exploitations ».Thisambitious program involved the conjoining of different domains of knowledge, such as mineralogy, chemis-try and mechanics, including the know-how related to mining ; in addition, it implied a response to the pro-ject supported by the Comité de Salut Public to inventory the mineral ressources of the French territory.Drawing on the analysis of the fifty-four first issues of this journal published in nine volumes between theyears III and VII, this article examines how the survey methods, the descriptive enunciations and the modelsof intelligibility deployed within the Journal des mines envisioned the specific relationship between mine-ralogy and territorial statistics.

KEYWORDS : France, French Revolution, Statistical survey, Mineralogy, Learned journal, Miningengineers.

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