eclats arvernes - fragments archéologiques
TRANSCRIPT
Bribes d’un quotidien
Haute coutureAurélie Ducreux
De la guerre à la chasseMatthieu Poux
“Si tu donnes…”Matthieu Demierre, Matthieu Poux
Caligæ romainesMarion Dacko, Aurélie Ducreux
Un ensemble de vaisselle en bronzeAurélie Ducreux
Fausse argenterieAurélie Ducreux
La coriandre (Coriandrum sativum), un condiment d’importation en région Auvergne ?Manon Cabanis, Philippe Marinval
Les pains romains en grande Limagne, bilan des découvertesManon Cabanis, Philippe Marinval
Histoires d’eauAurélie Ducreux
Un possible pied de meuble en bois tourné !François Blondel
Nécessaire de toiletteAurélie Ducreux
Peigne en bois estampilléGuy Alfonso, Pierre-François Mille
Les pyxides découvertes aux Martres-de-VeyreFrançois Blondel
Un rare exemple de verrerie découvertdans une sépulture en Auvergne : la bouteille de Bègues (Allier)Cédric Gérardin
Un vase en black-shales dans un puits arverneSophie Liegard
Coutelas miniatureMatthieu Poux
Des tuiles en plomb dans une villaAurélie Ducreux, Sophie Liegard
Croyances
Un volcan, un dieuBertrand Dousteyssier
Petit temple pour grandes croyancesJérôme Besson
Un exceptionnel sanctuaire domestiqueBertrand Dousteyssier
L’autel du “Carré Jaude 2”Guy Alfonso, Bernard Clémençon, Bernard Rémy
Le plomb inscrit du sanctuaire de Rajat à MurolPierre-Yves Lambert
Les tablettes magiques de CorentBernard Clémençon, Matthieu Poux
Que s’est-il passé à la source de Maponos ?Pierre-Yves Lambert
Les graffiti à Totates du bourg routier antique de Beauclair (Puy-de-Dôme)Bernard Clémençon, Pierre M. Ganne
Bouilloires graffitées et mutilées en contexte cultuelJérôme Trescarte
Terrine de Lezoux. Que faisait Rosmerta dans cette nécropole ?Pierre-Yves Lambert
Une grenouille dans un potMaxence Segard
Un dieu qui impose le silencePhilippe Bet, Bertrand Dousteyssier
À Mithra : un ex-voto céramique de Lezoux à Angers (Maine-et-Loire)Maxime Mortreau
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Fragments archéologiques (Ier-Ve siècle apr. J.-C.)
Sous la direction de Philippe Betet Bertrand Dousteyssier
Presses universitaires BLAISE PASCAL9 782845 166653
35 €
PressesUniversitaires
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60 chercheurs en archéologie vous proposent de faire connaissance avec des “éclats” à la fois débris ou
joyaux, objets du quotidien ou d’exception, mais tous pièces d’un puzzle culturel reflétant le territoire des
Arvernes – une partie de l’Auvergne actuelle – des premiers siècles de notre ère (Ier-Ve siècle apr. J.-C.). Cet ouvrage rassemble plus de 300 objets phares, inédits ou insolites de la culture romaine provinciale (vaisselle, objets et mobilier divers en céramique, en fer, en bronze, en os…). Mis en lumière par une iconographie exceptionnelle, ces fragments archéologiques invitent à revisiter notre perception d’une “culture arverne”, spécifique à ce territoire : quelle est la part du “modèle” romain et celle d’un substrat plus autochtone ?
Résistance ? Acculturation ? Assimilation ? Alors qu’assimilation et intégration sont au
cœur de débats sociétaux, il est parfois bon de se tourner vers le passé et de revisiter les
Gaules pour voir la richesse des mélanges culturels et la perpétuelle construction d’une “culture” qui,
finalement, ne révèle sa cohérence que lorsqu’elle est examinée avec beaucoup de recul.
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Table des matières
La marque de Rome
Le pied colossal en bronze de Clermont-FerrandGuy Alfonso, Maria-Pia Darblade-Audoin, Benoit Mille
César en médaillonMatthieu Poux
Prince et potiersPhilippe Bet
Deux portraits impériaux réhabilitésSophie Descamps-Lequime
Figures arvernes
Un soldat de la cohorte lyonnaise inhumé à VichyAurélien Blanc
Un marbrier arverne à l’époque romaineAurélien Blanc, Pierre Boivin, Didier Miallier
Sanuillus, une enquête sur plus d’un sièclePierre Pouenat
Confirmation de l’existence de l’épitaphe de Sidoine ApollinairePatrice Montzamir
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La parole est aux Arvernes
Redonner des voies à des bornes muettes. Bornes milliaires anépigraphes de la cité des ArvernesMarion Dacko, Bertrand Dousteyssier
Signalisation routièreMarion Dacko
Les boîtes à sceau de Lezoux : des témoins de l’activité commerciale au Ier sièclePhilippe Bet
Le plat de Lezoux : testament, lettre ou règle de conduite ?Pierre-Yves Lambert
Une urne inscrite redécouverte en conservationAurélien Blanc
Une tuile inscrite redécouverte en conservationLaurent Lamoine
Une inscription romaine dans une terrasse auvergnateAurélien Blanc
Une inscription inédite du département du CantalAurélien Blanc, Bertrand Dousteyssier, Laurent Lamoine, Franck Vautier
Correspondances romainesAurélie Ducreux
Histoire d’argile
Des millions de vases ratés et seulement quelques moutonsPhilippe Bet
D’une industrie de prestige à l’autre : la Serve d’ErvierMarie-José Henry
Éléments architecturaux à engobe blanc de LezouxPierre Pouenat
Fruits artificiels et œufs facticesPhilippe Bet
Des poinçons-matrice bien authentiquesPhilippe Bet
Une monnaie en terre cuite de VERCA, une pièce sans valeur ou un objet inestimablePhilippe Bet
Un vase à reliefs d’applique fabriqué en territoire arverne : le Déchelette 74Damien Tourgon
Sous le signe du lionJulie Charmoillaux
De Lezoux à Trèves, la métallescente, exemple d’une vraie réussitePhilippe Bet, Daniel Gras
Des cruches tombées au fond du puits. L’Antiquité tardive à LezouxSandra Chabert
Un vase culinaire rhénan du IVe s. apr. J.-C. trouvé aux portes de la capitale arverneAlain Wittmann
Les derniers Drag. 37 de l’Empire romain ont été fabriqués à LezouxPhilippe Bet, Bertrand Dousteyssier
Palmettes et rouelles : un plat en dérivée de sigillée paléochrétienne à RomagnatSandra Chabert
Une forme inédite de sigillée à Lezoux : la 277e
Delphine Beranger
Des lions dans la cité arvernePhilippe Bet
Antéfixes et éléments de toiture d’exceptionPhilippe Bet
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Bribes d’un quotidien
Haute coutureAurélie Ducreux
De la guerre à la chasseMatthieu Poux
“Si tu donnes…”Matthieu Demierre, Matthieu Poux
Caligæ romainesMarion Dacko, Aurélie Ducreux
Un ensemble de vaisselle en bronzeAurélie Ducreux
Fausse argenterieAurélie Ducreux
La coriandre (Coriandrum sativum), un condiment d’importation en région Auvergne ?Manon Cabanis, Philippe Marinval
Les pains romains en grande Limagne, bilan des découvertesManon Cabanis, Philippe Marinval
Histoires d’eauAurélie Ducreux
Un possible pied de meuble en bois tourné !François Blondel
Nécessaire de toiletteAurélie Ducreux
Peigne en bois estampilléGuy Alfonso, Pierre-François Mille
Les pyxides découvertes aux Martres-de-VeyreFrançois Blondel
Un rare exemple de verrerie découvertdans une sépulture en Auvergne : la bouteille de Bègues (Allier)Cédric Gérardin
Un vase en black-shales dans un puits arverneSophie Liegard
Coutelas miniatureMatthieu Poux
Des tuiles en plomb dans une villaAurélie Ducreux, Sophie Liegard
Croyances
Un volcan, un dieuBertrand Dousteyssier
Petit temple pour grandes croyancesJérôme Besson
Un exceptionnel sanctuaire domestiqueBertrand Dousteyssier
L’autel du “Carré Jaude 2”Guy Alfonso, Bernard Clémençon, Bernard Rémy
Le plomb inscrit du sanctuaire de Rajat à MurolPierre-Yves Lambert
Les tablettes magiques de CorentBernard Clémençon, Matthieu Poux
Que s’est-il passé à la source de Maponos ?Pierre-Yves Lambert
Les graffiti à Totates du bourg routier antique de Beauclair (Puy-de-Dôme)Bernard Clémençon, Pierre M. Ganne
Bouilloires graffitées et mutilées en contexte cultuelJérôme Trescarte
Terrine de Lezoux. Que faisait Rosmerta dans cette nécropole ?Pierre-Yves Lambert
Une grenouille dans un potMaxence Segard
Un dieu qui impose le silencePhilippe Bet, Bertrand Dousteyssier
À Mithra : un ex-voto céramique de Lezoux à Angers (Maine-et-Loire)Maxime Mortreau
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Maillet au piedBertrand Dousteyssier
Une statue de dieu gaulois découverte place Grégoire-de-Tours à Brioude (Haute-Loire)Fabrice Gauthier
Superstition ou convivialitéPhilippe Bet
“Le bronze le plus précieux” du musée de Saint-Germain-en-Laye a été découvert à Lezoux !
Bribes de sites
Brut de destructionÉlise Nectoux, Bertrand Dousteyssier
Un ovni signalé aux Martres-d’Artière, ou intermède tragi-comiqueRené Murat
Pierre d’ancrage de pressoir (La Roche-Noire)Anne Curvale
Un bâtiment vinicole découvert dans la villa antique de Champ Chalatras aux Martres-d’Artière (Puy-de-Dôme)Pierre Vallat
L’enclos de la Montagne de la Vèze (commune de Pailherols, Cantal)Frédéric Surmely
Des blés sacrés et des sacrés déblais, le site de Blanède (Le Broc, Puy-de-Dôme)Bertrand Dousteyssier
Fin de carrière pour une ville ?Philippe Bet, Bertrand Dousteyssier
Un site de production remarquable à Lezoux : Le Teix / Les FromentauxAlain Ferdière
Voie romaine à Malintrat (Puy-de-Dôme)Daniel Parent
Arvern’art
Représentations phalliques sur la céramique arverneAlain Wittmann
Loulous chez les ArvernesJean-Claude Béal
Le dauphin-fontaine de ProndinesAntoine Hermary
Entre établissement rural et lieu de culte : une statue de cavalier à l’anguipède à RiomMaxence Segard
Éléments de statuaire en trachyte du puy Cliersou ou de l’Aumône / Petit-SuchetPierre Boivin, Sophie Liegard
Décors peints d’époque romaine sur le site de Trémonteix à Clermont-FerrandJulien Boislève
Un opus sectile du “pauvre” à Vertaizon ?Laurence Lautier, Daniel Parent
Un poète grec chez les Arvernes : portrait de MénandreEmmanuelle Rosso
Travail d’orfèvre ou de forçat
Un outil de potier destiné à la décoration des vases : la molette de GondoleAlain Wittmann
Image de marqueAurélie Ducreux
Ça balance pas mal…Aurélie Ducreux
Tas de ferAurélie Ducreux
L’outillage en fer d’une villa gallo-romaine arverneSophie Liegard
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Une houe en bois de cerfSébastien Gaime, Pierre Pouenat
Charpenterie des mines gallo-romaines du filon Saint-Denis (district minier de Pontgibaud, Puy-de-Dôme)Christophe Marconnet
Une carrière antique de grande envergure dans le cratère d’un volcanDidier Miallier, Pierre Boivin, Nicolas Cluzel, Bertrand Dousteyssier
Tuyaux et génie hydrauliquePhilippe Bet
Attentions pour l’au-delà
Un cercueil en sapin de l’époque gallo-romaine parfaitement conservé découvert aux Martres-de-Veyre (Puy-de-Dôme)François Blondel
Le chant du cygneBertrand Dousteyssier
Dernières attentionsKristell Chuniaud
Sept figurines pour l’au-delàBertrand Dousteyssier
Inhumer des chiens avec des humains ? L’exemple du Pâtural, au Ier siècle de notre èreSylvain Foucras
Les vases ossuaires et leurs couvercles percésFrédérique Blaizot, Alain Wittmann
Des vases brisés et usagés dans les sépulturesFrédérique Blaizot, Alain Wittmann
Les vases miniatures en contexte funéraireFrédérique Blaizot, Alain Wittmann
Des pots dans la tombe. Sépulture 153 de la nécropole de la Maison BlancheSandra Chabert
Mystères arvernes
Le “menhir” de la Pierre Piquée à Aubière (Puy-de-Dôme)Frédéric Surmely
Les Arvernes face aux vestiges funéraires protohistoriques : un intérêt particulier ?Fabien Delrieu, Bertrand Dousteyssier, Pierre-Yves Milcent
La vieille femme de Vichy : fonction énigmatique d’un vase anthropomorpheSophie Descamps-Lequime
Une vie de chien pour la meute de CébazatPierre Caillat
Un bœuf à queue coupéePierre Caillat
Clin d’œil
La tête gauloise de ClermontBernard Clémençon
Céramique plombifère antique et culture archéologiquePhilippe Bet
Musée imaginaire
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LA MARQUE DE ROME
César en médaillon
Matthieu Poux
La pièce ci-contre est un denier en argent frappé à l’effigie de l’empereur Vespasien, qui a régné entre 69 et 79 de notre ère. Son portrait à l’avers et la titulature inscrite sur ses deux faces permettent de la dater plus précisément des années 70-74. Au revers figure un caducée porté par deux ailes et entouré de deux serpents entrelacés. La monnaie a été sertie dans un médaillon de facture sommaire, formé d’une bandelette d’argent enroulée et maintenue par un tenon de même métal, bouleté à l’une de ses extrémités. L’autre extrémité est brisée, de sorte qu’il n’est pas possible d’établir s’il était suspendu ou porté à la manière d’une broche (fibule).Ce portrait monté en médaillon peut être interprété comme un témoignage du culte rendu aux empereurs après leur mort et leur “apothéose”. L’usure de la pièce indique qu’il a été déposé après la mort de Vespasien plutôt que de son vivant, vers la fin du Ier siècle ou au début du IIe siècle. En territoire arverne comme dans les autres cités de Gaule, le culte impérial a connu un essor fulgurant durant le Haut-Empire. Introduit sous le règne d’Auguste, il s’exerçait principalement dans les centres urbains. Un temple monumental consacré à Rome et à Auguste s’élevait sur le forum d’Augustonemetum, place de la Victoire à Clermont-Ferrand. Le pied d’une statue d’empereur en bronze de taille colossale, découvert sur le site de la gare routière, est lui aussi daté par comparaison stylistique de la fin du Ier siècle ou du début du IIe siècle. Cette offrande est beaucoup plus modeste et s’inscrit dans un tout autre contexte. En effet, elle a été retrouvée en 2008 sur le puy de Corent, siège d’une ancienne ville gauloise identifiée à la capitale des Arvernes indépendants, abandonnée peu après la guerre des Gaules. Seul son sanctuaire a été maintenu en l’état et même, reconstruit à plusieurs reprises entre le début du Ier siècle et le IIIe siècle. Il est associé à un petit théâtre de type gallo-romain et à d’autres édifices construits et fréquentés au cours de la même période. Repérés uniquement par le
biais des prospections aériennes ou géophysiques, leurs vestiges s’étendent sur une surface importante, supérieure à 3 hectares. Ils appartiennent à un complexe religieux dont l’importance a longtemps été sous-estimée. On sait aujourd’hui que les théâtres construits sur les sanctuaires, à distance des grandes agglomérations, ont précisément servi de cadre aux cérémonies régulièrement organisées par les notables de la cité en l’honneur de l’empereur. Ce bijou a été retrouvé dans l’enceinte d’un petit enclos maçonné, dont le plan n’a été reconnu que partiellement, mais dont la vocation cultuelle fait peu de doute au vu des autres mobiliers retrouvés (antéfixe et statuette en terre cuite, fibules intactes). Il est également possible que la pièce montée en médaillon ait été choisie pour le motif figurant à son revers. En effet, le caducée ailé est l’emblème de Mercure, divinité tutélaire des Arvernes honorée par de nombreuses inscriptions et dans le grand temple qui lui était dédié sur le puy de Dôme. Or de nombreux indices désignent la divinité gauloise vénérée à Corent avant la conquête romaine comme l’ancêtre de ce Mercure local, appelé Mercurius Dumias ou Arvernus. Le fait que le site ait été désigné, jusqu’au XIe siècle, par le toponyme Mons Arvernicus (mont Arverne) appuie cette hypothèse. Son sanctuaire et son théâtre ont vraisemblablement servi de cadre, durant l’époque romaine, à des cérémonies commémoratives célébrant l’alliance des dieux indigènes et de la puissance impériale. Par le port et le don d’un médaillon associant Vespasien au caducée, un fidèle a pu manifester à cette occasion son attachement à l’empereur, autant qu’au dieu tutélaire des Arvernes. Ce geste de dévotion populaire s’adresse, paradoxalement, à un empereur qui n’a jamais attaché une grande importance à la religion et à l’immortalité de l’âme. Envahi par la maladie dans les dernières années de sa vie, il aurait déclaré : “Malheur, voilà que je me transforme en dieu !” (Suétone, Vie des douze Césars, Vespasien, 23).
Bibliographie
Poux Matthieu (dir.) (2012), Corent, voyage au cœur d’une ville gauloise, Paris, Errance (2e éd.)
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B RIB ES D'UN QUOTIDIEN
De la guerre à la chasse
Matthieu Poux
Ce lot d’armes en fer a été découvert à la fin des années 1960 à l’angle des rues Niel et de la Liève, dans une tombe à incinération associée à une petite nécropole implantée au nord-ouest d’Augustonemetum. Exposé depuis au musée Bargoin de Clermont-Ferrand, il n’avait pas attiré l’attention jusqu’à sa “redécouverte” fortuite au début des années 2000.Hormis un plat en céramique (malheureusement disparu), la sépulture recelait huit pointes en fer parfaitement conservées, appartenant à différentes catégories d’armement. La première correspond à une arme de poing de type poignard ou épée courte, composée d’une soie pour l’emmanchement et d’une lame à bords droits et pointe triangulaire, ornée sur ses deux faces de trois cannelures. La tombe comprenait aussi un fer de lance ou de javelot de forme foliacée, prolongé par une douille circulaire. Le lot est complété par une série d’armes de jet caractérisées par une douille et une pointe effilée de section carrée, de longueur décroissante (de 13 à 7 cm pour la plus courte).La forme atypique du poignard et l’interruption de son décor prouvent qu’il a été recoupé et retaillé à partir d’une arme plus longue, de type gladius (l’épée courte utilisée par les légionnaires pour le combat au corps à corps) ou spatha (l’épée longue utilisée par les corps de cavalerie auxiliaire pour le combat à cheval). Il a sans doute connu un changement d’usage, puisque les autres pointes retrouvées dans la tombe ne correspondent pas à l’équipement standard des soldats du Haut-Empire. Il s’agit plus probablement d’armes de chasse : javelot, épieux et flèches, particulièrement adaptés à la chasse du gros et du petit gibier, sont complétés par un coutelas servant à achever l’animal blessé. Des pointes à douille de module et de facture identique garnissaient une tombe de chasseur fouillée à Narbonne, tandis qu’un fer similaire découvert à Montagnac dans l’Hérault est interprété comme un trait d’arbalète, arme réservée à l’époque romaine à
la pratique de la chasse. Son utilisation à des fins cinétiques est documentée par deux bas-reliefs précisément découverts non loin de Clermont-Ferrand, à Solignac-sur-Loire et à Saint-Marcel chez les Vellaves. Le célèbre testament du Lingon, attaché à un monument funéraire construit par un notable près de Langres, énumère toute une panoplie dont la composition correspond à cet ensemble : “Je veux que tout mon attirail pour chasser et prendre les oiseaux soit brûlé avec moi, avec mes épieux, mes glaives, mes coutelas […].”Les tombes de soldats sont exceptionnelles en Gaule romaine et présentent rarement la même composition. En Auvergne, on peut citer comme exemple la sépulture d’officier de Chassenard dans l’Allier. Outre une panoplie d’équipement militaire, elle a livré une pointe de flèche considérée comme une arme de chasse plutôt que de guerre. Ces armes ont pu appartenir dans un premier temps à l’équipement de soldats, qui, devenus vétérans, les ont reconverties pour une nouvelle utilisation dans la vie civile. Le testament du Lingon nous apprend que la pratique de la chasse, avec ses règles et son armement particulier, était l’apanage des élites en Gaule romaine. Il est rare qu’elle soit mise en évidence par l’archéologie et, de ce point de vue, l’ensemble funéraire de la rue Niel peut être considéré comme tout à fait exceptionnel.
Bibliographie
Poux Matthieu, Feugère Michel et Demierre Matthieu (2008), “Autour de Gergovie. Découvertes anciennes et récentes”, in Sur les traces de César. Militaria tardo-républicains en contexte gaulois (Actes de la table ronde de Bibracte, 17 octobre 2002), Matthieu Poux (dir.), Glux-en-Glenne, Centre archéologique européen, p. 203-224
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De haut en bas : ensemble d’armes de chasse (coutelas, fer de lance, épieux et armatures de fl èches) retrouvé dans une tombe à incinération de la rue Niel à Clermont-Ferrand ; scène de chassesur un bas-relief de la villa de Saint-Marcel (Haute-Loire)
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B RIB ES D'UN QUOTIDIEN
“Si tu donnes…”
Matthieu Demierre, Matthieu Poux
Cette bague en bronze, formée d’un simple anneau surmonté d’un chaton lisse, a été découverte en 2002 dans les niveaux de fréquentation de la cour du sanctuaire gallo-romain de Corent, datés du IIe siècle de notre ère. Son faible diamètre (1,45 cm) laisse supposer qu’elle appartenait à une femme ou à un adolescent.Son plateau comporte une inscription latine, gravée sur deux lignes en lettres cursives bien lisibles : SI DAS / DABO, qui signifient littéralement “Si tu donnes / je donnerai”. Le bijou affiche une promesse qui pourrait être rapprochée, eu égard à son contexte, de la formule religieuse do ut des (“Je donne afin que tu donnes”), adressées aux divinités dans le cadre des rites d’offrande et d’ex-voto.Il peut être rapproché d’une série d’anneaux inscrits répertoriés principalement dans la région rhénane, dont il constitue l’un des exemplaires les plus méridionaux connus à ce jour. Une cinquantaine de bagues similaires ont été retrouvées empaquetées dans un sol des canabæ du camp de légionnaires de Bonn (D). Produites localement au début du IIIe siècle, elles étaient probablement destinées à la vente aux occupants modestes de cette zone périphérique du camp militaire. Elles comportent pour la plupart des inscriptions analogues, interprétées comme des formules amoureuses : SI DAS / DO (“Si tu donnes / je donne”), DA VITA(m) (“Donne la vie”), TE AMO (“Je t’aime”) ou DULCIS (“À ma douce”).Comme ces dernières, la bague de Corent correspond vraisemblablement à un cadeau entre amants, offert en guise d’offrande à une divinité ou perdu sur le sol du sanctuaire. Mais la formule est ambiguë et pourrait également correspondre à du racolage : “Si tu (me) donnes (de l’argent), je (te) donnerai (mon corps).” Cette supposition s’accorde bien avec le fait qu’elle ait probablement été portée par une femme.
Le contexte de découverte des exemplaires de Bonn va également dans ce sens : situées à l’extérieur du camp, les canabæ hébergeaient une population civile qui vivait principalement de ses échanges avec l’armée. Or les contacts entre soldats et prostituées y étaient particulièrement fréquents.Une scène de l’Asinaire de Plaute (IV, 1) illustre cette hypothèse, qui décrit deux hommes établir un contrat pour la “location” d’une prostituée pendant une année. Entre autres formalités visant à protéger le locataire et à lui garantir l’entière et exclusive propriété de la jeune fille, une clause du contrat stipule qu’elle ne devra “ni montrer sa bague ni demander à voir celle des autres” (Spectandum ne quoi anulum det, nec roget). La bague est clairement assimilée à un instrument de racolage ou, du moins, de séduction. Il est possible qu’elle ait pu servir concrètement aux prostituées pour interpeller les passants.On peut imaginer que cette bague a appartenu à une femme originaire des provinces de l’Est, venue exercer son art en territoire arverne, ou qu’elle correspond à un souvenir de campagne rapporté par un soldat au retour de son cantonnement sur le limes rhénan. Il s’agit, dans les deux cas de figure, d’un bijou porté par des individus de faible statut social.
Bibliographie
Poux Matthieu (2006), “Le sanctuaire arverne de Corent”, in Religion et société en Gaule, Christian Goudineau (dir.), Paris, Errance, p. 117-134
Poux Matthieu (dir.) (2012), Corent, voyage au cœur d’une ville gauloise, Paris, Errance (2e éd. revue et augmentée)
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B RIB ES D'UN QUOTIDIEN
Coutelas miniature
Matthieu Poux
Ce couteau à lame en fer, prolongée par un manche en bronze finement ouvragé, mesure à peine 13 cm de long. Il est issu d’une fosse d’épierrement creusée dans l’orchestra du petit théâtre gallo-romain découvert en 2011 sur le plateau de Corent, parmi divers matériaux de construction provenant de la destruction de l’édifice. À l’instar des monnaies, des fibules et des céramiques retrouvées dans le même contexte, principalement datées du IIe siècle de notre ère, cet objet est probablement lié à la fréquentation du théâtre durant les deux premiers siècles du Haut-Empire.Sa forme est très caractéristique. La lame possède un dos légèrement recourbé et un seul tranchant, concave dans la partie avoisinant la poignée, convexe au niveau de la pointe. La poignée, coulée directement sur la soie, présente une garde et un pommeau ornés de plusieurs moulurations. La garde est formée d’une traverse rectiligne en arête formant un tenon, destinée en principe à retenir la main. Le pommeau est prolongé par un anneau de suspension en “col de cygne”, destiné à faciliter son accrochage à l’aide d’un lien ou d’une chaînette. Il s’agit de la version miniaturisée d’une série de coutelas bien documentée sur les marges occidentales du Massif central. Ces grands couteaux à lame ondulée figurent dans de nombreuses sépultures gallo-romaines du Limousin datées du IIe siècle de notre ère, parfois en association avec d’autres catégories d’armes (épées, fers de lance, poignards). Leur lame légèrement galbée et leur garde proéminente les rapprochent des couteaux de combat de type falcata, originaires de la péninsule ibérique et représentés en Gaule sur l’arc de triomphe d’Orange.De par sa taille réduite, cet objet n’a évidemment pas pu être utilisé en guise d’arme, tout au plus comme couteau, ou plutôt comme canif. Il s’intègre dans une série d’épées miniatures en métal ou en os taillé, imitant soit des glaives à bords droits, soit des coutelas de chasse à lame recourbée. Certains exemplaires sont associés à un fourreau finement ciselé qui n’a pas été retrouvé à Corent. Du point
de vue typologique, cet exemplaire correspond à la variante la plus commune, à lame courbe et système de suspension dissymétrique. Portés en pendentif ou à la ceinture, ces coutelas miniatures ont pu être utilisés dans le cadre des activités quotidiennes, mais ont surtout valeur de symbole. La fouille des nécropoles, en particulier à Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire), a révélé qu’ils accompagnent souvent de jeunes enfants ou des bébés. Il est difficile d’établir s’ils leur ont été offerts en guise d’offrande funéraire ou s’ils les ont véritablement portés de leur vivant, ce qui apparaît le plus probable. Dans les deux cas, ces armes miniatures avaient vraisemblablement pour fonction première de symboliser leur appartenance à une élite exerçant régulièrement l’art de la chasse. En Auvergne, cette pratique est attestée très anciennement par le dépôt d’un poignard et d’un chaudron miniature dans la tombe d’un enfant en bas-âge fouillée sur le site de Gandaillat au sud-est de Clermont-Ferrand et datée du IIe siècle avant notre ère. La présence de cet objet dans l’orchestra du théâtre de Corent laisse donc à supposer qu’il ait été fréquenté par de jeunes enfants, issus des couches moyennes ou supérieures de la société.
Bibliographie
Lintz Guy et Vuaillat Dominique (1987), “Les poignards et les coutelas dans les sépultures gallo-romaines du Limousin”, Gallia, no 45, p. 165-188
Poux Matthieu (dir.) (2012), Corent, voyage au cœur d’une ville gauloise, Paris, Errance (2e éd. revue et augmentée)
Riquier Sandrine (2008), “L’armement républicain dans les sépultures de Gaule centrale”, in Sur les traces de César. Militaria tardo-républicains en contexte gaulois (Actes de la table ronde de Bibracte, 17 octobre 2002), Matthieu Poux (dir.), Glux-en-Glenne, Centre archéologique européen, p. 181-202
La parole est aux Arvernes
Redonner des voies à des bornes muettes. Bornes milliaires anépigraphes de la cité des ArvernesMarion Dacko, Bertrand Dousteyssier
Signalisation routièreMarion Dacko
Les boîtes à sceau de Lezoux : des témoins de l’activité commerciale au Ier sièclePhilippe Bet
Le plat de Lezoux : testament, lettre ou règle de conduite ?Pierre-Yves Lambert
Une urne inscrite redécouverte en conservationAurélien Blanc
Une tuile inscrite redécouverte en conservationLaurent Lamoine
Une inscription romaine dans une terrasse auvergnateAurélien Blanc
Une inscription inédite du département du CantalAurélien Blanc, Bertrand Dousteyssier, Laurent Lamoine, Franck Vautier
Correspondances romainesAurélie Ducreux
Histoire d’argile
Des millions de vases ratés et seulement quelques moutonsPhilippe Bet
D’une industrie de prestige à l’autre : la Serve d’ErvierMarie-José Henry
Éléments architecturaux à engobe blanc de LezouxPierre Pouenat
Fruits artificiels et œufs facticesPhilippe Bet
Des poinçons-matrice bien authentiquesPhilippe Bet
Une monnaie en terre cuite de VERCA, une pièce sans valeur ou un objet inestimablePhilippe Bet
Un vase à reliefs d’applique fabriqué en territoire arverne : le Déchelette 74Damien Tourgon
Sous le signe du lionJulie Charmoillaux
De Lezoux à Trèves, la métallescente, exemple d’une vraie réussitePhilippe Bet, Daniel Gras
Des cruches tombées au fond du puits. L’Antiquité tardive à LezouxSandra Chabert
Un vase culinaire rhénan du IVe s. apr. J.-C. trouvé aux portes de la capitale arverneAlain Wittmann
Les derniers Drag. 37 de l’Empire romain ont été fabriqués à LezouxPhilippe Bet, Bertrand Dousteyssier
Palmettes et rouelles : un plat en dérivée de sigillée paléochrétienne à RomagnatSandra Chabert
Une forme inédite de sigillée à Lezoux : la 277e
Delphine Beranger
Des lions dans la cité arvernePhilippe Bet
Antéfixes et éléments de toiture d’exceptionPhilippe Bet
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Fragments archéologiques (Ier-Ve siècle apr. J.-C.)
Sous la direction de Philippe Betet Bertrand Dousteyssier
Presses universitaires BLAISE PASCAL9 782845 166653
35 €
PressesUniversitaires
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60 chercheurs en archéologie vous proposent de faire connaissance avec des “éclats” à la fois débris ou
joyaux, objets du quotidien ou d’exception, mais tous pièces d’un puzzle culturel reflétant le territoire des
Arvernes – une partie de l’Auvergne actuelle – des premiers siècles de notre ère (Ier-Ve siècle apr. J.-C.). Cet ouvrage rassemble plus de 300 objets phares, inédits ou insolites de la culture romaine provinciale (vaisselle, objets et mobilier divers en céramique, en fer, en bronze, en os…). Mis en lumière par une iconographie exceptionnelle, ces fragments archéologiques invitent à revisiter notre perception d’une “culture arverne”, spécifique à ce territoire : quelle est la part du “modèle” romain et celle d’un substrat plus autochtone ?
Résistance ? Acculturation ? Assimilation ? Alors qu’assimilation et intégration sont au
cœur de débats sociétaux, il est parfois bon de se tourner vers le passé et de revisiter les
Gaules pour voir la richesse des mélanges culturels et la perpétuelle construction d’une “culture” qui,
finalement, ne révèle sa cohérence que lorsqu’elle est examinée avec beaucoup de recul.
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