des navires égyptiens en rade d'aboukir. le père de l’histoire et les bateaux d’une ville...

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1 1. Bonjour messieurs-dames! Tout d’abord j’aimerais remercier M.le Président et M.Robert Vergnieux pour leur aimable invitation à donner cette conférence qui est un très grand honneur pour moi. 2. La première image que je voulais vous montrer est celle de Hâpy, du dieu du Nil, découverte dans la ville engloutie de Thônis-Héracleion. Comme il s’agit ici d’une conférence de l’Association Egyptologique, il est superflu de se répandre sur l’importance de ce fleuve pour la civilisation égyptienne. Selon Hérodote, qui occupe la place centrale de cette conférence, L'Égypte est un don du Nil’. Ainsi les bateaux n’étaient pas seulement des moyens de transport mais de fait des moyens d’existence, surtout pendant la crue. 3. Dilwyn Jones dans son glossaire remarquable consacré à la navigation égyptienne énumère 89 types de bateaux qui apparaissent dans les sources égyptiennes. 4. Face à une telle diversité, on sera étonné de se rendre compte qu’avant la découverte des bateaux d’Héracleion, seules 8 coques des bateaux égyptiens plus au moins complètes ont été étudiées par les archéologues et aujourd’hui il nen reste physiquement que cinq! 5. Heureusement nous pouvons suivre l’évolution de l’architecture navale en Egypte par les représentations dans les temples et les tombeaux, 6....ainsi que par les maquettes de bateaux.

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1. Bonjour messieurs-dames! Tout d’abord j’aimerais remercier M.le Président et M.Robert Vergnieux pour leur

aimable invitation à donner cette conférence qui est un très grand honneur pour moi.

2. La première image que je voulais vous montrer est celle de Hâpy, du dieu du Nil, découverte dans la ville

engloutie de Thônis-Héracleion. Comme il s’agit ici d’une conférence de l’Association Egyptologique, il est superflu

de se répandre sur l’importance de ce fleuve pour la civilisation égyptienne. Selon Hérodote, qui occupe la place

centrale de cette conférence, ‘L'Égypte est un don du Nil’. Ainsi les bateaux n’étaient pas seulement des moyens de

transport mais de fait des moyens d’existence, surtout pendant la crue.

3. Dilwyn Jones dans son glossaire remarquable consacré à la navigation égyptienne énumère 89 types de bateaux

qui apparaissent dans les sources égyptiennes.

4. Face à une telle diversité, on sera étonné de se rendre compte qu’avant la découverte des bateaux d’Héracleion,

seules 8 coques des bateaux égyptiens plus au moins complètes ont été étudiées par les archéologues et aujourd’hui il

n’en reste physiquement que cinq!

5. Heureusement nous pouvons suivre l’évolution de l’architecture navale en Egypte par les représentations dans

les temples et les tombeaux,

6....ainsi que par les maquettes de bateaux.

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Cependant cette source d’information assez riche se raréfie vers la fin du Nouvel Empire. Ainsi les méthodes de

construction en usage pendant la Basse Epoque (664-332 av J.-C.), cette période si riche en innovations

technologiques, se perdent dans l’obscurité.

7. De plus, comme les types de bateaux de tradition phénicienne et grecque deviennent de plus en plus répandus en

Egypte, il est nécessaire de bien établir la distinction entre les bateaux d’origine étrangère et les bateaux égyptiens

traditionnels.

Quelques documents iconographiques et les restes d’un seul bateau, d’ailleurs mal documentés (le bateau de Mataria),

auraient composé tout le matériel sur l’architecture navale pendant la Basse Epoque, si cela n’était pour le texte

exceptionnel d’Hérodote qui date du milieu du Ve siècle av.J.-C.

8. Le Livre II de ces ‘Histoires’ contient des informations précieuses sur l’histoire de l’Egypte au cours de

quelques 2700 années. Or, l’ouvrage d’Hérodote a été abondamment critiqué déjà dans l’Antiquité. Aristote, par

exemple, en a qualifié l’auteur de ‘romancier’ (μυθόλογοϛ). Plutarque écrivit un oeuvre intitulée ‘De la malignité

d'Hérodote’ et Hérodote est donc devenu ‘Le père du mensonge’ bien avant qu’il ne devienne ‘Le père de l’histoire’.

De nos jours, certains chercheurs sont convaincus qu’Hérodote n’a jamais posé le pied en terre égyptienne. Nous

allons examiner ce que des fouilles récentes peuvent apporter à ces débats et maintenant je vous propose de lire

ensemble le chapitre 96 du Livre II d’Hérodote dans lequel ce dernier décrit la construction du bateau égyptien la

baris.

9. ‘Les bateaux qu’ils [les Egyptiens] emploient pour transporter des cargaisons, sont faits de bois d’acacia qui

rapelle tout à fait, par son aspect extérieur, le lotus de Cyrène, mais dont la sève est une résine. Ils le débitent en

planches de deux coudées, qu’ils assemblent comme des briques, et voici comment ils donnent au bateau la forme

voulue: autour de tenons forts et longs ils attachent ces planches de deux coudées; puis, lorsqu‘ils ont bâti ainsi le

bateau, ils étendent les baux au-dessus. Ils ne font jamais usage de couples: intérieurement, ils lutent les joints

avec du papyrus. Ils font un gouvernail, qu’ils passent à travers la quille, puis un mât avec l’acacia, et des voiles avec

le papyrus. Ces bateaux ne peuvent pas remonter le fleuve, à moins d’être poussés par un grand vent ; ainsi ils sont

dragués depuis la berge. Voici la manière dont on les conduit en aval: on a une claie de tamaris tissée avec du jonc,

et une pierre percée pesant environ deux talents ; on attache la claie avec une corde à l’avant du vaisseau,

et on la laisse aller au gré de l’eau; on attache la pierre à l’arrière avec une autre corde : la claie, emportée par la

rapidité du courant, entraine avec elle la baris (c’est ainsi qu’on appelle cette sorte de bateau), et la pierre qui traine à

l’arrière au fond de l’eau, redresse sa course. Ils ont un grand nombre de ces bateaux, dont quelques-uns portent une

charge de plusieurs milliers de talents’.

Il est possible de tirer un parallèle entre la baris et le terme de br ou byr dont la première attestation remonte à la

XVIIIe dynastie et se rapporte aux bateaux de mer. Les sources égyptiennes font assez souvent mention de ce type

de bateau qui semble être le terme général utilisé pour les bateaux de transport de cette époque. Or, plus tard le

mot en démotique désigne spécifiquement les embarcations nilotiques. Dans la littérature grecque la baris est

déjà liée à l’Egypte dans les oeuvres d’Eschyle (la fin du sixième – milieu du cinquième siècles av.J.-C. [525-

456]).

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10. Selon les papyrus grecs la baris était un bateau de charge multifonctionnel qui pouvait transporter du blé,

de la pierre, des passagers (les soldats y inclut ), ou cargos divers.

11. Maintenant j’aimerais introduire de nouvelles informations archéologiques en provenance du site

d’Thônis-Héracleion qui se situe à une distance de 20 kilomètres à l’est d’Alexandrie.

A partir de la première moitié du VIe siècle av. J.-C. on retrouve chez les auteurs classiques de nombreuses

descriptions de la région canopique, dont Thônis-Héracleion était un site important. Hérodote, lui aussi, a visité

le temple d’Hercule qui était situé à l’embouchure de la branche Canopique du Nil. C’est dans cette description

qu’on note pour la première fois le nom de Thônis qui, selon Hérodote, était le gardien de l’embouchure du

fleuve au temps de la guerre de Troie. Le toponyme de Thônis est confirmé ensuite par Pseudo-Scylax (IVe

siècle av. J.-C.), Nicandre (début du IIe siècle av. J.-C.), Diodorus Siculus (90-30 av. J.-C.) et Strabon (25 av. J.-

C.). Il existe aussi des descriptions assez détaillées de la région canopique chez les auteurs de l’ère chrétienne.

L’analyse du texte d’Hérodote a permis à J.Yoyotte de supposer que la ville frontière et l’emporion de Thônis

existait déjà au VIIIe ou au début du VIIe siècle av. J.-C.169. Pendant la Basse Epoque la ville contrôlait l’accès

au bras canopique du Nil, commerçait avec des régions grecques et supervisait les bateaux étrangers en transit

pour Naukratis. Selon J.Yoyotte l’étymologie du toponyme de ‘Thônis’ remonte au nom égyptien du lac

lagunaire [(T)-henet] qui existait dans l’estuaire du Nil durant l’Antiquité. Strabon dans sa description de la

région canopique qui date de l’an 25 av. J.-C. affirme qu’ « A Canope succède immédiatement Héracléum, qui

possède un temple dédié à Hercule ; puis on voit s'ouvrir la bouche Canopique et commencer le Delta »

(Strabon, Géographie, Livre XVII, 1.17). Strabon nous communique aussi que «... la tradition place en ce même

endroit de la côte certaine ville des temps anciens appelée Thônis, du nom du roi qui offrit l'hospitalité à

Ménélas et à Hélène ». Ainsi plusieurs sources confirment l’existence des villes d’Héracleion et de Thônis à la

position stratégique dans l’embouchure de la branche Canopique du Nil.

12. L’exploration de la côte entre Alexandrie et la ville d’Aboukir par les naturalistes a commencé dès le

milieu du XVIIIe siècle. La recherche archéologique dans la région a été très intensive tout au long du XIXe et

au début du XXe siècle. La première tentative de reconnaissance sous-marine a été effectuée par le prince Omar

Toussoun dans les années trente du vingtième siècle.

13. Des ruines de constructions anciennes et du matériel archéologique retrouvés sous la mer par les

scaphandriers à une distance de 1800 mètres de la côte attestaient de l’ existence d’un site archéologique

important à cet endroit, qui a été justement identifié par O.Toussoun comme la partie de la ville de Canope.

Quant à Héracleion-Thônis, sa localisation restait toujours problématique.

14. Avant la découverte des villes englouties, la baie d’Aboukir était surtout célèbre pour avoir été l’emplacement

de la bataille sanglante de 1798 qui opposa la flotte britannique aux navires napoléoniens.

15. La plupart des bateaux coulés au cours de cette bataille ont été balisés grâce au relevé magnétométrique

comme les pièces aussi massives que cette carronade, par exemple, changent considérablement le champ magnétique.

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Les premières missions de l’Institut Européen de l’Archéologie Sous-Marine ont été consacrées à ce matériel mais

vers l’an 2000 ces fouilles ont été suspendues. J’ai quand-même eu l’occasion de plonger une fois sur le site de

naufrage du vaisseau amiral L’Orient de 118 canons qui s’est explosé au cours de la bataille. Certes, c’est un site très

sombre comme il n’y avait pas beaucoup de survivants de plus que mille personnes de l’équipage.

16. IEASM a commencé ses travaux dans la baie d’Aboukir en 1996. Les données littéraires et les résultats

des premières recherches sur la position possible de Thônis-Héracleion ont servi de points de départ pour le

début de l’exploration. Pendant les années suivantes, la prospection des zones sélectionnées à l’intérieur d’une

vaste région de 110 km2 a été réalisée par différentes méthodes modernes, tels les relevés bathymétriques de

haute précision, aussi bien que magnétométriques et acoustiques (le sonar latéral remplacé aujourd’hui par le

système multi-faisceau). Celles-ci ont beaucoup apporté à la découverte des sites et à l’établissement de la

topographie générale de la région canopique. Les villes anciennes de Canope et de Thônis-Héracleion ont été

complètement englouties à la suite des actions combinées de plusieurs phénomènes naturels : la transgression de

la mer, l’affaissement du sol et le séisme.

Le matériel qui nous intéresse aujourd’hui a été découvert à Héracleion. Le site se trouve à une distance de 6

kilomètres de la côte occidentale de la baie d’Aboukir dans des fonds de 7 à 10 mètres. Personallement j’apprecie

qu’on est éloigné de la côte dont je trouve trop peuplée et bruyante.

17. Quelques mots à propos de l’organisation du travail sur le site. Depuis le début des fouilles en 1999 les

travaux sont menés depuis le navire de recherche archéologique ‘Princess Duda’. Il s’agit d’un ancien bateau de

pêche allemand qui a été complètement reconstruit. Le navire est très bien adapté aux missions sous-marines et

accueille cinq membres d’équipage et une équipe d’une dizaine de chercheurs et de plongeurs archéologiques.

Normalement il y a une seule mission de 40 jours par année soit au printemps, soit en automne, qui sont les

saisons les plus clémentes.

18. On utilise également quatre-cinq petits bateaux de pêche égyptiens pour avoir la possibilité de travailler

sur plusieures secteurs des fouilles en même temps. On se divise en équipes de 2-3 personnes dans chacune qui

s’occupent des fouilles proprement dites ou des reconnaissances et sondages de nouvelles zones prometteurs.

19. A la différence des fouilles terrestres en Egypte où le sol est creusé par les ouvriers égyptiens dirigés par

les archéologues, sous l’eau on continue à compter sur son propre main d’oeuvre et donc il y a toujours beaucoup

de travail manuel à faire. Personne ne se plaind comme à cause de la richesse de ce site on fait des trouvailles

intéressantes très souvent et cela donne du grand plaisir à tout le monde. Pour fouiller sur cette petite profondeur

on utilise un appareil qui s’appelle ‘la souceuse à l’eau’ qu’on peut comparer avec un grand aspirateur sub-

aquatique.

20. Equipés d’un bloc de deux bouteilles de 12 litres chacune et en raison de la faible profondeur du site on

peut rester sous l’eau pendant très longtemps. Normalement on y passe entre 4 et 6 heures par jour en deux

plongées mais parfois on reste sous l’eau pendant plus de 8 heures par jour.

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21. Les plateformes pétrolières et les usines chimiques de la côte sont une source importante de la pollution

dans la baie et la visibilité reste très médiocre avec une moyenne d’un où deux mètres. La baie est assez exposée

à la houle du nord et en cas de mauvais temps cela pose un problème parce que la force des vagues se ressent

jusqu’au fond. Des fois on est obligé d’enfoncer la pique en métal dans l’argile et de s’y accrocher pour

maintenir la position plus au moins stable. On travaille sans palmes pour être plus libre et précis dans les

mouvements et ne pas faire abimer le matériel archéologique.

22. La ville de Thônis-Héracleion occupe un espace rectangulaire d’une surface d’environ 1,2 km2. La partie

principale de Thônis-Héracleion se situe sur une péninsule, entourée par un grand lac intérieur à l’ouest et

quelques bassins de plus petite taille à l’est. Ces derniers reliaient la ville à la branche Canopique du Nil grâce à

d’étroits passages entre les dunes.

23. Les régions portuaires et plusieurs canaux secondaires occupent une partie importante dans la topographie

d’Thônis-Héracleion. A ce jour, 64 épaves antiques ont été découvertes dans ces endroits de la ville. Elles sont

marquées par des losanges bleus sur la carte. Il s’agit de la plus grande accumulation d’épaves antiques au monde

connue à ce jour.

24. La plupart des bateaux sont immergés dans une couche d’argile grise très dense.

25. Grâce à cette couche anaérobique et organiquement stérile, le bois des bateaux se trouve toujours dans un

bon état de conservation.

26. L’argile conserve même les éléments aussi fragiles que les cordes de matière végétale. (Click)

27. Cette même argile rend les fouilles très difficiles et lentes parce que le seul moyen de dégager les vestiges de

l’argile est de procéder prudemment au couteau jusqu’à faire apparaître le bois fragile.

28. Mis à part les bateaux, tous les espaces navigables sont clairement marqués par un semis d’ancres anciennes,

dont le nombre atteint actuellement à 700. La majorité des ancres retrouvées à Héracleion-Thônis sont en calcaire avec

des pattes en bois. Normalement il n’est pas possible de bien dater ce type d’ancre, car son apparence n’a pas changé

au cours de plusieurs siècles. Cependant, quelques pattes en bois ont toujours été préservées dans le corps des ancres

d’Héracleion-Thônis comme c’est le cas de cette ancre sur la photo et donc il est possible de les dater avec précision

par radiocarbon. Si la répartition des bateaux est caractérisée par quelques accumulations bien prononcées, celle des

ancres est beaucoup plus homogène. Les ancres, aussi bien que des tessons et des petits fragments de plomb marquent

très nettement les régions qui sont toujours restées immergées dans l’Antiquité. Mis à part ces marqueurs, toute

l’étendue du Grand Canal est extrêmement riche en objets rituels et votifs. Il faut souligner que le chiffre important

des bateaux et des ancres retrouvés témoigne de l’intense activité du port antique.

29. En vue de la quantité de matériel fouillé, il n’a été possible de prélever qu’un ou deux échantillons de bois par

bateau pour les analyses C14 et la détermination des essences du bois. La plupart des bateaux sont datables de la

période allant du VIe au IIe siècles av. J.-C. Comme on peut le constater sur ce graphique, la proportion des bateaux

appartenant à la Basse Epoque est très importante.

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30. Le bois d’acacia domine indubitablement pour le matériau du bordé des bateaux de Thônis-Héracleion.

Plusieurs espèces d’acacia étaient et restent toujours natives d’Egypte. Selon les sources, les Egyptiens bâtissaient des

bateaux en acacia allant jusqu’à 60 coudées de long, ce qui correspond à 32 m.

31. La conglomération des bateaux d’Héracleion, qui se présentent comme des coques vides, peut être considérée

comme un cimetière de bateaux.

32. Les bateaux sont privés de vestiges de cargaison, d’affaires de l’équipage, du gréement, et de gouvernail. Il

semble que les bateaux aient été intentionnellement abandonnés à la fin de leur vie économique soit pour augmenter la

surface habitable de la ville soit pour créer une barrière défensive. L’importance stratégique de la position

d’Héracleion à l’embouchure du Nil est à la base de cette dernière hypothèse.

33. Plusieurs pieux de bois ont été retrouvés entre les bateaux pour bien les caler au fond du port.

34. L’épave numéro 17 a fait l’objet de ma thèse de doctorat soutenue récemment à l’Université de Bordeaux

Montaigne sous la direction de Robert Vergnieux. Les fouilles de cette épave ont permis d‘établir plusieurs parallèles

entre l’épave et le texte d’Hérodote auquel nous revenons maintenant.

35. ‘Les bateaux qu’ils [les Egyptiens] emploient pour transporter des cargaisons, sont faits de bois d’acacia qui

rapelle tout à fait, par son aspect extérieur, le lotus de Cyrène, mais dont la sève est une résine.’ On a déjà vu que le

bois d’acacia domine parmi les matériaux de construction des bateaux d’Héracleion et le bateau numéro 17 n’y fait

pas l’exception. En Egypte, la pénurie d’espèces bien adaptées à la construction navale, forçait les Egyptiens à

recourir, faute de mieux, aux essences locales depuis la période prédynastique. Or, le bois d’acacia est extrêmement

difficile à travailler ; il a une teneur élevée en silice qui émousse rapidement les outils. Il est dur mais en même temps

très nerveux et se brise facilement. De nos jours, les Soudanais l’utilisent encore pour la construction de leurs bateaux.

On a eu l’occasion de faire l’expérience de la solidité de ce bois lors de sciage de la quille du bateau 17. Avec mon

partenaire on travaillait au tour de rôles pendant deux plongées en consommant les volumes incrédibles d’oxygène

juste pour faire couper une pièce ayante une section de 30 par 40 cm. Je peux vous dire qu’on suait à grosses gouttes

même si cela restait invisible.

36. ‘Ils le débitent en planches de deux coudées, qu’ils assemblent comme des briques,’

Dans les années trente le chercheur français Charles Boreux a qualifié ce procédé du terme ‘imbrication’. Par cette

technique, les constructeurs évitaient systématiquement d’aligner les joints verticaux entre les virures voisines et, par

conséquent, la muraille du bateau acquérait l’apparence d’un mur de brique. De toute évidence le bordé a été assemblé

par l’ajout des planches une par une, ce qui apporte encore plus de pertinence à ce terme. Le procédé d’imbrication

permettait de consolider la coque composée de bordages très courts. Normalement dans l’architecture navale il est

préférable d’avoir des planches aussi longues que possible et dans la construction de la barque de Chéops, par

exemple, on trouve des bordages qui atteignent 23 m de long. Or, selon Théophraste, le bois d’acacia ne permettait

d’obtenir que des planches mesurant jusqu’à 12 coudées de long, soit un peu plus de 6 m.

37. Les représentations d’imbrication des murailles des bateaux égyptiens ne manquent pas et la barque de Chéops

en fournit une illustration physique.

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38. D’un autre côté, bien que la description d’Hérodote appartienne au milieu du Ve siècle av. J.-C, les

représentations les plus tardives connues de ce procédé sont datables de la fin du Nouvel Empire.

39. Le phénomène de ‘l’imbrication’ des bordages est très prononcé pour la construction des bateaux d’Héracleion.

Click ! Leurs coques sont composées de bordages très courts et épais. Les bordages sont presque réctangulaires en

section.

40. Voilà comment se présente le bordé du bateau 17 dont les bordages ont une longueur moyenne de 190 cm.

Cette longueur est deux fois plus importante que celle évoquée dans le texte. Pourtant Hérodote dit qu’il existait des

barides de taille très différente. Le bateau 17 était un grand bateau de charge qui mesurait environ 27 m de long. Ainsi

il est logique d’expliquer cette légère incompatibilité entre textes et vestiges par la taille plus importante du bateau 17

par rapport à la baris décrite par Hérodote. On peut souligner ici l’importance de cette nouvelle trouvaille qui fournit

une preuve archéologique à ce que le procédé d’imbrication des bordages était toujours utilisé au Ve siècle av. J.-C.

41. ...et voici comment ils donnent au bateau la forme voulue: autour de tenons forts et longs ils attachent ces

planches de deux coudées;

Le bordé du bateau 17 met en lumière un type de construction qui n’était connu que par cette description d’Hérodote

et qui n’a jamais été attesté auparavant par du matériel archéologique.

42. Le bordé est assemblé transversalement par un système de tenons très longs qui passent à l’intérieur des

bordages et à travers plusieurs virures (jusqu’à onze).

43. Ainsi que la coupe de la coque l’a révélé, la longueur de ces pièces atteint 2 mètres.

44. Il est intéressant de noter que cette technique semble pouvoir trouver son origine dans les pratiques de l’Ancien

Empire. Les représentations des bateaux en construction dans les tombes de cette époque montrent des charpentiers

qui travaillent des pièces de bois longues et étroites et il semble que les proportions et les dimensions des tenons de

l’assemblage des épaves d’Héracleion correspondent bien à ce qu’on voit sur ces représentations.

45. ...puis, losqu‘ils ont bâti ainsi le bateau, ils étendent les baux au-dessus.

Les baux qui traversent le bordé sont très caractéristiques de la construction navale de l’Egypte ancienne. Or, certains

auteurs, ont proposé une traduction alternative de cette phrase dans laquelle le terme grec ‘zuga’ serait rendu comme

‘membrure’.

46. On a découvert de nombreux baux transversaux dans la construction des bateaux d’Héracleion. Les baux ont

été souvent élaborés à partir de troncs d’acacia peu travaillés. Ainsi les fouilles ont permis de confirmer la traduction

du mot zuga comme ‘baux’.

47. Ils ne font jamais usage de couples:

Les couples, ou, autrement, les membrures, sont les côtes des bateaux qui renforcent la coque dans son axe transversal.

Normalement elles s’appuient sur la quille qu’on peut comparer à son tour à une colonne vertébrale. Il existait des

navires égyptiens sans membrures, les bateaux de Dahchour en fournissent un exemple. En revanche, la barque de

Chéops en était dotée en quantité. A l’intérieur du bateau 17, nous avons découvert des pièces qu’on a nommé ‘bois de

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renfort transversal’. Malgré le fait qu’elles ne s’appuyaient pas sur la quille, ces pièces renforçaient la structure

transversale, ce qui était probablement indispensable pour les barides de grandes dimensions.

48. intérieurement, ils lutent les joints avec du papyrus.

Ici encore, les épaves d’Héracleion ont permis non seulement de prouver l’existence de cette technique dans l’Egypte

ancienne, mais aussi de mettre la fin à une controverse entre chercheurs à propos d’une traduction alternative du texte

d’Hérodote qui suggère que la coque de la baris était ligaturée par des cordes en papyrus. La couche du lutage

observée entre les bordages du bateau 17 atteint une largeur de 6 cm.

49. Ils font un gouvernail, qu’ils passent à travers la quille,

Malgré le fait que ces paroles d’Hérodote sont sans ambiguïté, elles ont souvent été mises en doute. Effectivement, il

était difficile d’imaginer un gouvernail qui passait par une ouverture dans la quille et par ailleurs il n’existait aucune

preuve archéologique de cette pratique. Ainsi, nous étions d’abord très perplexes de retrouver deux ouvertures dans la

quille à la poupe du bateau 17.

50. Le rapport au texte d’Hérodote a immédiatement clarifié cet élément et plus tard le même détail a pu être

constaté dans la construction des autres bateaux d’Héracleion.

51. puis un mât avec l’acacia, et des voiles avec le papyrus.

Malheureusement le gréement n’a pas survécu à l’intérieur des bateaux d’Héracleion qui ont fait l’objet de fouilles.

Cependant, l’encoche dans le segment central de la quille du bateau 17 destinée à recevoir le mât témoigne qu’il s’agit

d‘un voilier.

52. En ce qui concerne la technique de la descente à vau-l’eau selon Hérodote, elle s’est révélée très efficace.

53. Dans les années 70, Georges Goyon et des spécialistes du Laboratoire Central d’Hydraulique de France ont

réalisé une série d’expériences qui ont prouvé d’une façon convaincante tous les avantages de cette technique. Ces

résultats ont été également confirmés par des calculs mathématiques.

54. Ils ont un grand nombre de ces bateaux, dont quelques-uns portent une charge de plusieurs milliers

de talents’.

Selon Hérodote les barides étaient nombreuses sur le Nil et possédaient des tonnages différents. La première version

du modèle numérique du bateau 17 d’Thônis-Héracleion propose une tentative de restitution probable de la forme de

sa coque. Ce modèle a permis d’obtenir les premières estimations des dimensions et des caractéristiques

hydrostatiques du bateau.

55. Selon les résultats préliminaires de la modélisation, le bateau 17 avait un déplacement d’environ 150 tonnes et

un port en lourd, ce qui veut dire une charge maximale possible, de 112 tonnes. Si on fait une estimation grossière où

un millier de talents correspondra à 25 tonnes métriques de port en lourd, le bateau 17 aurait été capable d’embarquer

une cargaison d’environ 4.000 talents.

56. Grâce à l’information d’Hérodote et aux fouilles d’Héracleion il se révèle possible de proposer une hypothèse

sur la séquence de construction de la baris.

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Tout d'abord, les segments de la proto-quille, placés à plat sur le sol, ont été assemblés entre eux par des joints à

mortaise et tenon.

(Click) La proto-quille était courbée en forme de croissant et des supports étaient placés en dessous. En prenant en

considération la longueur et le poids considérable de la quille en acacia, un mécanisme quelconque a dû avoir été

employé pour faciliter l'opération de cintrage et pour soutenir la coque pendant la construction. Il est possible qu’un

câble de cintrage, tel celui qui apparaît sur de nombreux reliefs de l'Ancien Empire, ait été utilisé pour cette opération.

Quatre ou cinq mortaises latérales ont été découpées dans chaque segment de la quille pour le passage de la première

série des longs tenons de l’assemblage du bordé.

(Click) Les bordages ont été sciés de telles dimensions que le joint entre les segments de la quille correspondait

exactement au point central de chaque bordage (selon un principe de non-alignement des joints). L'installation

des bordages commençait probablement au centre du navire et les bordages ont été ajoutés un par un et non pas

comme une virure intègre. Ce procédé devait apparaître comme une méthode très étrange dans la tradition

antique de la construction navale méditerranéenne et c’est probablement pour cette raison qu’Hérodote l’a jugée

digne d’une description détaillée.

Les bordages des quatre à cinq premières virures ont été assemblés de cette manière. Le lutage des joints devait

accompagner l'assemblage du bordé.

(Click) Le tenon de la première série se terminait dans la virure numéro cinq et les nouveaux tenons assemblaient les

sept à huit virures suivantes. A partir de la virure numéro cinq, des bordages en forme de couteau ont été employés

dans les régions de la proue et de la poupe pour fermer la coque à ses extrémités.

(Click) Des baux transversaux ont été installés et fermés au loquet dans le bordé par la quatrième série de tenons. Les

troncs et les grandes branches d’acacia conservant la courbe naturelle de l’arbre ont servi de matériau pour la

fabrication de ces pièces.

(Click) Les bois de renfort transversal ont été installés dans les endroits choisis par le charpentier. On peut supposer

aussi l’existence hypothétique d’une plateforme de barreur.

57. Comme nous l’avons vu il existe de nombreux parallèles entre le texte d’Hérodote et les traits de construction

des bateaux de Thônis-Héracleion. La ressemblance commence par le matériau de construction (l’acacia) et le type du

navire (le bateau de charge nilotique) et continue à travers la structure longitudinale (la quille, le bordé) et transversale

(les tenons, les baux transversaux). Les méthodes employées pour l’assemblage du bordé et pour rendre la coque

étanche sont exactement les mêmes. De plus, les systèmes de gouverne et de propulsion (voile) correspondent aussi.

On ne remarque que deux disparités entre le texte et l’évidence archéologique. Il s’agit, premièrement, de la longueur

des bordages et, deuxièmement, de la présence des bois de renfort transversaux dans la construction du bateau 17. Ces

désaccords peuvent être expliqués par la taille supérieure de certains des bateaux d’Héracleion par rapport à la baris

décrite par Hérodote. Ces arguments permettent de postuler que de nombreux bateaux d’Héracleion appartiennent au

type de la baris ou au moins à un type qui était très proche à cette dernière.

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Le texte d'Hérodote s'avère être très précis en dépit de l'originalité de la technique de la construction décrite. Le

nouveau matériel archéologique à mon avis ne conduit qu’à partager la conviction de nombreux chercheurs

qu’Hérodote ait assisté en personne à la construction d’une baris. Steve Vinson, l’auteur de nombeuses ouvrages

consacré à l’architecture navale égyptienne l’a exprimé en paroles suivantes il y a déjà plusieurs décennies:

‘Sans vouloir faire de grandes conclusions pour ou contre le Livre II d’Hérodote dans son ensemble, il y a une chose

que je pense être en mesure d’affirmer et souligner : que la description de la construction du bateau égyptien que l'on

trouve dans le chapitre 96 du livre II d’Hérodote a été faite par un témoin.’

58. Après cette conclusion qui supporte la précision du récit d’Hérodote, j’aimerais vous raconter une petite

anecdote sur un autre historien célèbre dont le texte peut se révéler un peu moins précis. Cette anecdote peut

démontrer pourquoi certains chercheurs mettent en question la véracité et l’objectivité des auteurs anciens, en fait de

la même façon que, de nos jours, diverses sources médiatiques peuvent rapporter un même événement ou une même

situation de façon très différente selon leur agenda politique et idéologique. Il y a un mois j’ai assisté ici à Pessac à la

conférence du professeur de l’université d’Oxford Jonathan Prag. Ce chercheur étudie les inscriptions sur les éperons

d’Egadi qui ont été trouvés récemment à la grande profondeur sur la côte ouest de Chypre.

59. Le contexte et la position géographique de la trouvaille se rapportent à la Première guerre punique (264 - 241

av. J.-C.) et même plus précisément à la bataille de l’an 241. Selon Polybe (Histoires 1.59-1.61) cette bataille se

termina par la victoire de la flotte romaine sur celle de Carthage. Sans pertes de leur côté, les Romains coulèrent 50

vaisseaux puniques et s’emparèrent de 70 autres. Comme les éperons étaient profondément incorporés dans la

structure des navires de guerre, il n’existe aucun doute que chaque éperon découvert par les archéologues correspond

au bateau coulé. Or, sur les huit éperons remontés et étudiés, un seul portait une inscription punique et les autres

étaient inscrits en Latin... Pourtant il ne s’agit que d’une petite anecdote et je ne veux point discréditer Polybe comme

il est bien possible que les chercheurs encore une fois interprètent son texte d’une façon erronée.

Pour revenir à Héracleion j’aimerais proposer quelques idées à propos de l’espace de navigation des bateaux

découverts à Héracleion.

60. La topographie deThônis-Héracleion est très complexe et se présente comme un vrai labyrinthe de ports, de

lacs et de canaux. De toute évidence elle ressemble beaucoup à ce qu’on voit sur la mosaïque nilotique de Préneste

(c.100 av. J.-C.).

61. De plus, récemment un des bateaux représentés sur cette mosaïque (Click) a été identifié comme une baris par

Patrice Pomey, professeur émérite de l’université Aix-Marseille.

Pour Hérodote la baris était un bateau nilotique et il existe de nombreux arguments en faveur de la même conclusion

pour les bateaux d’Héracleion. Pour commencer, il y a beaucoup de limitations purement structurelles qui empêchent

de considérer la baris comme un bateau de mer. Parmi celles-ci on peut mentionner les détails de construction très

courts, le fond plat, l’absence de pont, le gouvernail axial et le bois de construction local.

62. Par exemple l’absence de pont devait limiter la gîte du bateau 17 à un maximum de 8 degrés, ce qui n’est point

suffisant pour la navigation en mer.

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63. En même temps il ne faut pas sous-estimer les dangers de la navigation dans l’estuaire du Nil qui sont

documentés, par exemple, par cette description du début de 19e siècle. On sait bien, d’ailleurs, que les passes de

l'estuaire de la Gironde ne sont pas faciles non plus.

« On appelle boghâz, en Egypte, les passes étroites et périlleuses des bouches du Nil à la mer. Ces bouches sont

fermées par les sables que les flots de la mer, agités par les vents du large et combattus par le courant des eaux du

fleuve, y déposent au point d’équilibre où ces forces viennent se briser. Ces bancs de sable varient suivant les saisons

et l’action plus ou moins grande des vents, de sorte que ceux qui forment la barre qu’on trouve ordinairement aux

bouches du Nil, changent souvent de position, et rendent sans cesse nécessaires aux navigateurs les soins d’un pilote,

chargé de leur indiquer la passe ou le chenal des bouches du fleuve ; mais cette surveillance continuelle d’un pilote

n’est pas toujours suffisante pour prévenir les accidents ».

64. Pour ceux qui s’intéressent à la navigation nilotique, surtout au Moyen Age, je peux recommander les

publications en anglais de John Cooper qui se spécialise dans ce domaine. Son livre consacré à ce sujet est apparu tout

récemment.

65. Or, en ce qui concerne la question de l’espace de navigation des bateaux d’Héracleion il existe un argument

supplémentaire. En milieu marin, les bateaux en bois sont infestés par les tarets – des mollusques marins xylophages

qui apportent de grands dégâts aux constructions en bois. Ces animaux peuvent vivre dans les eaux d’une salinité de 9

g par litre (9 ‰ ‘pour mille’).

66. Pendant les fouilles du bateau 17 d’Héracleion nous avons eu l’occasion de découper et de remonter au bord le

segment central de sa quille. Sur cette photo vous voyez ce segment sur son coté avec l’encoche du mât au centre. Sa

surface supérieure est mangée par les tarets comme elle était recouverte seulement par une couche de sable et ainsi

exposée aux activités de ces organismes.

67. En même temps sa face extérieure ne porte aucune trace d’infestation par les tarets, ce qui était le cas du bois

de construction de Mersa/Wadi Gawasis et d’Ayn Soukhna. Plus que ça, cette surface ne présente pas de traces

d’érosion non plus et cela nous amène à conclure que le bateau n’a jamais accosté les berges rocheuses.

68. D’un autre côté le climat de l’Egypte a considérablement changé depuis le temps de la visite d’Hérodote et le

Nil n’est plus le même. Il ne reste que deux branches du Nil aujourd’hui au lieu des sept qui existaient au temps

d’Hérodote. Même après la construction de l’Ancien barrage d'Assouan (1902-1933) le fleuve déchargeait dans la mer

environ 84 km3 d’eau chaque année. Or, vers l’année 1970, après la mise en marche du haut barrage d'Assouan, ce

volume a diminué de 20 à 30 fois.

69. Si on regarde les données océanographiques modernes, on s’aperçoit que le champ de salinité est affecté par le

Nil même aujourd’hui et cet effet était beaucoup plus fort avant la construction des barrages.

70.Donc il est théoriquement possible que les barides aient pu naviguer au-delà de la barre pendant la crue du Nil.

71. Héracleion maintenait un commerce intense avec toute la Méditerrannée et on peut supposer que les barides

étaient très efficaces non seulement pour transporter les marchandises sur le Nil mais aussi lors du transbordement des

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cargaisons des grands vaisseaux de mer qui ne pouvaient pas entrer dans le port d’Héracleion à cause de sa petite

profondeur. Cela rappelle un même procédé dans le port d’Ostie, tel qu’en témoigne la mosaïque de La place des

Corporations. Sur cette image on voit le transbordement des marchandises du bateau de mer (à droite) au bateau

fluvial (à gauche). Ces bateaux, qui s’appelaient navis caudicaria, naviguaient ou étaient halés en amont du Tibre pour

transporter les marchandises jusqu’à la Rome.

C’est une pratique qu’on peut suivre à travers des régions et des époques différentes. Ainsi j’ai décidé d’apporter un

peu d’exotisme à la fin de cette conférence en partageant avec vous un épisode de l’histoire russe qui reste peu connu

même dans mon pays.

72. Je me permets de vous transporter dans le delta de la Volga qui est le plus grand estuaire d’Europe avec environ

500 branches qui se jettent dans la mer Caspienne. C’est une région qui a depuis toujours eu une grande

importance comme voie vers les pays d’Orient...

73.... la source de poisson délicieux, et, plus tard, comme grande réserve de pétrole. Le trafic maritime rencontrait

ici le même problème que dans le delta du Nil comme les bateaux avec un tirant d’eau important n’étaient pas

capables de remonter le fleuve. Ainsi depuis le début de 19e siècle une vraie ville flottante existait au nord de la mer

Caspienne près de la barre qui la séparait de l’estuaire de la Volga. Cette ville a reçu le nom de ‘Neuf pieds’ d’après le

tirant d’eau maximal des bateaux impliqués dans le transbordement des marchandises.

74. La ville était composée de centaines des barges et des bateaux qui étaient ancrés en respectant un certain ordre.

Il y avait des quartiers habitables, des bureaux, des hôtels, des dépôts, et même une église – tous à flot. La population

de la ville pouvait atteindre plusieurs milles de personnes. Voilà, je termine ma lecture par ce parallèle que je trouve

assez intéressant et je vous...

75. ... remercie de votre attention.