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Bonne gouvernance et associations de droits humains au Maroc Fatiha Daoudi E & E, n° 19 Les Études et Essais du Centre Jacques Berque N° 19 Janvier 2014 (Rabat Maroc) www.cjb.ma

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Bonne gouvernance et associations de droits humains au Maroc

Fatiha Daoudi

E & E, n° 19

Les Études et Essais du Centre Jacques Berque

N° 19 – Janvier 2014

(Rabat – Maroc)

www.cjb.ma

Sommaire

Introduction ..................................................................................................................................... 7

Première partie. Fondements théoriques de la bonne gouvernance associative ................... 10

Chapitre I. L'adaptabilité des principes de bonne gouvernance au projet associatif ..................... 11

1. Actes réglementaires ............................................................................................................. 11

2. Prévention du risque et évaluation ........................................................................................ 12

3. Transparence et responsabilité des différents acteurs ........................................................... 13

Chapitre II. Adéquation du cadre juridique avec les exigences de la bonne gouvernance ........... 14

1. Le dahir de 1958 tel que modifié en juillet 2002 .................................................................. 15

2. La circulaire n° 7/2003 du Premier ministre sur le partenariat de l'État avec les associations

........................................................................................................................................................ 18

Deuxième partie. L'effectivité de la mise en œuvre des principes de la bonne gouvernance

par les associations de droits humains ........................................................................................... 21

Chapitre I. Analyse des données recueillies .................................................................................. 23

1. Les actes réglementaires ........................................................................................................ 23

2. Les mécanismes de prévention du risque et évaluation ........................................................ 25

3. Transparence et responsabilité des acteurs ............................................................................ 26

4. Autres questions .................................................................................................................... 28

Chapitre II. Conclusion et recommandations ................................................................................ 28

1. Conclusion ............................................................................................................................. 28

2. Recommandations ................................................................................................................. 29

Bibliographie ................................................................................................................................. 31

Bonne gouvernance et associations de droits humains au Maroc

Fatiha Daoudi

Résumé

Au Maroc comme ailleurs, l’obligation de bonne gouvernance fait l'objet d'un consensus. Elle doit être présente à tous les niveaux d'organisation et de prise de décision. La transparence, la responsabilité et la reddition de comptes en sont ses principes essentiels.

Les appliquer au monde des associations reviendrait à obliger les responsables associatifs à rendre des comptes, à faire en sorte que la gestion de leur mandat soit transparente, efficiente, efficace et respectueuse de la primauté du droit.

Les associations qui œuvrent dans le domaine des droits humains en sont encore plus comptables puisque leurs objectifs sont ceux-là même de la bonne gouvernance.

Cette étude qualitative, en choisissant quelques-unes de ces associations, essaye d’aborder la problématique de l'effectivité de la mise en œuvre des principes de bonne gouvernance dans leur gestion quotidienne à travers les fondements théoriques de la bonne gouvernance associative et l’analyse des données recueillies sur le terrain.

Mots-clés : associations, droits humains, gouvernance associative, Maroc.

Les données relevées dans cette étude datent de 2009.

Le CJB n'entend apporter aucune approbation, ni improbation quant au contenu du texte qui relève de la seule responsabilité de l'auteur.

Acronymes BM : Banque mondiale

PNUD : Programme des Nations unies pour le développement

IDH : Indice de développement humain

OMD : Objectifs du millénaire pour le développement

PIB : Produit intérieur brut

FMI : Fonds monétaire international

PAS : Programme d'ajustement structurel

FNUAP : Fonds des Nations unies pour la population

AMDH : Association marocaine des droits de l'homme

OMDH : Organisation marocaine des droits de l'homme

TM : Transparency Maroc

EA : Espace associatif

AMESIP : Association marocaine d’aide aux enfants en situation précaire

AGO : Assemblée générale ordinaire

AGE : Assemblée générale extraordinaire

SGG : Secrétariat général du gouvernement

ARUP : Association reconnue d'utilité publique

CNSS : Caisse nationale de sécurité sociale

Études et Essais du CJB, n° 19, 2014

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Bonne gouvernance et associations de droits humains au Maroc

Fatiha Daoudi

Chercheur associée au CJB [email protected]

Introduction

De nos jours, le concept de « bonne

gouvernance » fait l'objet d'un consensus un peu partout dans le monde. Il est présent à tous les niveaux d'organisation et de prise de décision. Le Maroc ne fait pas exception. La complexité de plus en plus grande des structures à gérer et l'obligation de résultats y rendent la bonne gouvernance impérative.

L'impact de la mondialisation et l'aisance de communication que permettent les nouvelles technologies de l'information font que, partout, on adhère aux principes de la bonne gouvernance afin rendre la gestion de la vie en collectivité, quelle qu'elle soit, aisée ou moins difficile.

La notion de bonne gouvernance se retrouve aussi bien dans le monde de l'entreprise que dans la gestion de la chose publique et de la vie associative. En effet, cette dernière n'échappe plus à l'exigence de bonne gouvernance.

Que signifie exactement le concept de bonne gouvernance ?

Selon la Banque mondiale (BM) et le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), la bonne gouvernance est un ensemble de procédures permettant la responsabilisation et non plus la simple responsabilité des dirigeants, ainsi que la participation des populations cibles à la prise de décision en vue d'un développement humain durable.

Ces mécanismes ont pour fondements et pour buts :

- La primauté du droit et de l'égalité de tous devant la loi.

- L'implication et la participation de toutes les parties dans la prise de décision.

- La transparence dans la gestion des affaires à travers une communication fluide et un rendement caractérisé par l'efficacité et l'efficience.

- Et la reddition de comptes par les responsables sur leur gestion avec possibilité de sanction en cas de non-respect du mandat. La BM et le PNUD, principaux bailleurs

de fonds pour le développement humain et la lutte contre la pauvreté, font de la bonne gouvernance une exigence pour l'octroi de leurs aides1. Cependant, même s'ils se rejoignent sur les principaux éléments de la bonne gouvernance, ils n'en ont pas moins une approche différente.

L'approche de la BM du concept de la bonne gouvernance est d'abord économique du fait même de son appui financier aux pays en développement sous forme de crédits à faible taux d'intérêt ou sans intérêts. Cet appui s'est trouvé, dans les pays cibles, face à une absence de cadre juridique et institutionnel clair rendant son efficacité toute relative. C'est ainsi que, dès les années quatre-vingt, la BM a

1 L. Drössler, La bonne gouvernance vue par les bailleurs de

fonds : la diversité des approches et du rôle accordé aux élections démocratiques, site web de l'Institut de recherche et de débat sur la gouvernance: www.institut-gouvernance.org/fr/analyse/fiche-analyse-374.html, consulté 10 juin 2009.

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fait de l'exigence d'une gouvernance saine une condition pour l'octroi de ses prêts2.

Le cadre juridique et institutionnel exigé doit s'articuler autour de la responsabilité, de la transparence, de la reddition de comptes, de la libre circulation de l’information, de l'efficacité et de l’État de droit, dans une perspective de développement et de réduction de la pauvreté3.

Cependant, l'approche de la BM se limite à l'exigence d'un cadre juridique et institutionnel formel et ne met pas en avant l'effectivité des droits humains4.

A contrario, le PNUD a adopté une approche « droits humains » dans le concept de bonne gouvernance. Le but recherché de cette approche est le développement humain durable et l'atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). En effet, le PNUD axe la bonne gouvernance sur l'amélioration de la participation des populations et l’obligation pour les autorités de leur rendre des comptes. Dans ce sens, la bonne gouvernance prend la forme de la réalisation effective des droits de l'homme : civils, politiques, économiques, sociaux et culturels.

À son tour, la Commission des droits de l'homme énumère dans sa résolution 2000/645, les principes de la bonne gouvernance de la chose publique comme suit : transparence, responsabilité, obligation de rendre compte, participation, prise en compte des besoins de la population.

Cette approche onusienne est adaptable à toutes les structures et organisations y compris les associations. La présente étude sur la bonne gouvernance des associations marocaines de droits humains la prend en considération.

2 Banque mondiale. Governance and Development.

Washington D.C., 1992, p. 3. 3 Idem. 4 L. Drössler, op. cit. 5 Commission des droits de l'homme, Résolution 2000/64,

Genève.

Au Maroc, le droit d'association a pour cadre juridique le dahir de 1958 tel qu'il a été modifié en 20026. Ce dahir est largement inspiré de la loi française de 1901 sur les associations7. Son article premier définit l'association comme : « [...] la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d'une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices. Elle est régie, quant à sa validité, par les principes généraux du droit applicable aux contrats et obligations. »

Essayer d’appliquer les principes de bonne gouvernance au monde des associations reviendrait à obliger les responsables associatifs à rendre des comptes, à faire en sorte que la gestion de leur mandat soit transparente, efficiente, efficace, réceptive, prospective et respectueuse de la primauté du droit. Il est cependant clair que les principes de bonne gouvernance ne sont pas nés ex nihilo mais ils ont toujours existé comme une aspiration au mieux-être de l’être humain, aussi bien à travers les préceptes des religions, de la morale ou de l'éthique. C’est dans ce sens que la recherche de la justice et de l'équité, but ultime de la bonne gouvernance, est, et a toujours été une quête de l'humanité. Les anciens ouvrages philosophiques tels que La république de Platon et son concept de la cité idéale en témoignent.

Les principales religions monothéistes, judaïsme, christianisme et islam sont basées sur la quête du bien-être de l'âme humaine. En Islam, c'est grâce à son équité et à sa bonne foi que le musulman obtient la récompense divine8.

La recherche de la justice et de l'équité est devenue, de nos jours, une solution pour parer aux dysfonctionnements et à l'inadaptation de l'action publique face à un monde de plus en plus complexe. Certes,

6 Voir texte du dahir de 1958 tel qu'il a été modifié en

2002. 7 Voir texte de la loi française de 1901 sur les associations. 8 Lecture transversale du Coran.

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l'exigence de gouvernance a été, en premier lieu, du domaine de l'entreprise privée anglo-saxonne surtout américaine9 pour, ensuite, concerner le secteur public et les associations. En effet, le concept de bonne gouvernance comme moyen de promouvoir l'économie libérale est apparu en 1930. Des embryons de ce concept existent depuis la révolution industrielle du XIXe siècle qui a été l’occasion pour les grandes puissances de se concurrencer pour écouler leurs marchandises hors de leurs frontières. Cette concurrence les obligeait à s'organiser afin d’être performants. C'est ainsi que l'organisation de l'entreprise anglo-saxonne, souple et adaptable, a permis une meilleure conquête des marchés mondiaux par rapport au dirigisme et à la rigidité de l'entreprise française. L'accélération, à partir de 1950, de l'interdépendance de l'économie mondiale à travers les échanges commerciaux et financiers a fait que l'efficacité, l'efficience et la bonne gouvernance en général sont devenues des exigences primordiales pour ne pas dire vitales.

Les organisations financières internationales comme le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale (BM) en sont devenues les chantres dans les années quatre-vingt. La bonne gouvernance est devenue une condition d'octroi d'aide aux pays en voie de développement. Ce conditionnement s'est imposé suite au détournement des aides pour le développement vers des fins autres que le bien être des peuples.

A leur tour, la chute du mur de Berlin et la fin du clivage politique est/ouest ont conduit à une approche non plus uniquement économiste de la bonne gouvernance mais à une approche où le développement humain durable en est la source et la finalité.

9 Corporate governance,

http://en.wikipedia.org/wiki/Corporate_governance, traduction en français consulté le 19 juin 2009 http://en.wikipedia.org/wiki/Corporate_governance revisité le 25 septembre 2013.

Plus encore, la crise économique mondiale actuelle fait en sorte que la prise en considération de l'élément humain est devenue centrale dans toute entreprise de développement ayant pour objectif la durabilité. C'est dans ce sens que le PNUD a popularisé ou, plus exactement, universalisé l'Indice de Développement Humain (IDH) en le déclinant en trois axes : la santé ou espérance de vie, le savoir ou le niveau d'instruction et le niveau de vie, mesuré par le Produit Intérieur Brut (PIB) de chaque habitant10.

Cette approche par les droits humains a toujours été revendiquée par les associations qui œuvrent dans le domaine des droits de l'homme. Ces associations plaident et agissent pour la promotion de ces droits tels que universellement reconnus et qui ont pour base la dignité, l'égalité et la liberté dans toutes leurs déclinaisons. Ces droits ont pour principes11 : l'universalité et l'indivisibilité, l'égalité et la non-discrimination, la participation et l'inclusion, la responsabilité, la primauté du droit. En considérant ces principes et afin d’atteindre leurs objectifs, les associations de droits humains ont normalement pour quête la bonne gouvernance. Les associations de droits humains marocaines doivent être dans la même logique.

L'intérêt de ce thème consiste à essayer de voir si ces associations qui promeuvent les droits humains et la bonne gouvernance les mettent en pratique dans leur gestion quotidienne et dans leurs relations avec leurs adhérents, leurs salariés et tous leurs partenaires.

Ainsi, la problématique porte sur l'effectivité de la mise en œuvre des principes de bonne gouvernance dans la gestion quotidienne des associations.

10 Ministère du Développement social, de la Famille et

de la Solidarité, Comprendre le développement humain, septembre 2006, p. 16, http://www.social.gov.ma/MdsfsFichiers/pdf/Brochure_finale.pdf, revisité le 25 septembre 2013.

11 Nations unies, Une méthodologie pour l'application de l'approche axée sur les droits humains, Tanger, juillet 2006.

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Cette problématique pousse à poser deux questions principales :

- Le cadre légal actuel des associations est-il en adéquation avec les exigences de la bonne gouvernance telles que nous venons de les définir ? Autrement dit, le dahir de 1958 peut-il accompagner une gestion moderne des associations ? Est-ce que l'abondance de la littérature sur la bonne gouvernance autre que juridique n'est pas, en soit, une réponse par la négative ?

- Les associations de droits humains mettent-elles en œuvre le référentiel de bonne gouvernance et des droits humains dans leur gestion quotidienne et, en général, est-il bien assimilé par les fondateurs et les dirigeants des associations eux-mêmes ?

La réponse à ces questions se fera en deux

parties. La première sera axée sur une étude théorique des fondements de la bonne gouvernance associative. Son premier chapitre aura pour objet l'adaptabilité des principes de bonne gouvernance au projet associatif et le second, l'adéquation du cadre légal aux exigences de bonne gouvernance.

La seconde partie portera sur l'étude empirique de la bonne gouvernance sur un échantillon d'associations marocaines de droits humains. Cette étude s’est appuyée sur des entretiens menés sur la base d'une grille de questions12. Elle sera, à son tour divisée en deux chapitres : le premier analysera les données recueillies lors des entretiens et le second sera consacré aux conclusions tirées et aux recommandations qui, pour rester dans le pragmatisme, concluront l'étude.

Ce travail empirique est qualitatif et non quantitatif. Il a porté sur six associations :

- Association marocaine des droits de l'homme (AMDH)

- Organisation marocaine des droits de l'homme (OMDH)

12 Pour la consultation de la grille des questions, prière

de s’adresser à l’auteur : [email protected]

- Transparency Maroc (TM) - Espace associatif (EA) - Association marocaine d’aide aux enfants

en situation précaire (AMESIP) - Oujda Ain Ghazal 2000.

Ces associations, tout en étant différentes,

œuvrent toutes pour la dignité de la personne humaine.

Les deux premières sont généralistes et promeuvent les droits humains dans leur globalité. Les quatre autres défendent chacune une catégorie de droits humains.

Ainsi, Transparency Maroc lutte pour la promotion de la transparence comme un rempart contre la corruption.

L'Espace associatif a pour objectif le renforcement des capacités des associations pour l'acquisition des principes d'efficacité et de transparence. Cette association a publié plusieurs documents sur la gouvernance associative.

L'Association marocaine d’aide aux enfants en situation précaire aide les enfants en situation difficile.

Oujda Ain Ghazal 2000 promeut le développement économique, social et culturel de la région de l’Oriental dans une approche genre et droit.

Cette diversité et cette convergence concomitantes ont motivé notre choix appuyé en cela par l'adhésion de toutes ces associations aux principes de bonne gouvernance comme fondement de tous les droits.

Première partie. Fondements théoriques de la bonne gouvernance associative

La bonne gouvernance appliquée à la vie

associative doit permettre d’articuler les relations entre les différents acteurs de l'association : bénévoles, adhérents et salariés. La clarté et la précision du rôle de chacun avec un exposé des droits et obligations de chaque catégorie en sont des piliers.

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Les actes de la conférence plénière du 10 mai 2005 sur la gouvernance associative : comment améliorer et rendre plus sûrs la conduite, la gestion et le fonctionnement des organismes sans but lucratif, organisée par l'Académie française des sciences et techniques comptables et financières, sont une source d'enseignements sur la gouvernance associative. La technicité et le pragmatisme des objectifs de cette académie en expliquent la richesse13.

De leur lecture, trois éléments de base de la bonne gouvernance peuvent être déduits :

- L'existence d'un véritable projet associatif, décliné en actes réglementaires, tels que des statuts, un règlement intérieur et une charte écrits et accessibles à tous, sont le premier élément.

- L’existence de mécanismes de prévention de toute dérive portant atteinte à la démocratie interne de l’association et de mécanismes d’évaluation des acteurs et des actions entreprises en sont le deuxième élément.

- Le troisième élément et, peut-être, le plus important quant à la bonne gouvernance, est la transparence à travers une circulation fluide de l'information concernant la vie quotidienne de l'association et la reddition de comptes par les dirigeants sur leur gestion qui ne doit pas dépasser le cadre de leur mandat.

Chapitre I. L'adaptabilité des principes de bonne gouvernance au projet associatif

L'existence de statuts clairement définis, un

règlement intérieur qui détaille ce que les statuts n'ont pu établir et une charte des valeurs sur lesquelles s'est fondée l'association

13 Académie française des sciences et techniques

comptables et financières, La gouvernance associative : comment améliorer et rendre plus sûrs la conduite, la gestion et le fonctionnement des organismes sans but lucratif, actes de la conférence plénière du 10 mai 2005, p. 8-13. http://www.oecparis.fr/documents/93_manuel_gouvernance_associative.pdf, consulté le 25 septembre 2013.

sont la concrétisation des principes de bonne gouvernance dans la vie associative.

En effet, ces trois composantes doivent refléter la transparence, la participation de tous à la prise de décision, l'efficience, le tout couronné par l'obligation des responsables de rendre des comptes sur leur gestion.

1. Actes réglementaires

La mise en œuvre des principes de bonne

gouvernance ne peut être possible, dans les associations, dans la mesure où le projet associatif est clair et ne souffre pas d'ambiguïté. Des statuts clairs, un règlement intérieur précis et une charte des valeurs fondatrices en sont les bases.

Des statuts clairs

L'association étant un contrat, les statuts

sont la concrétisation de la volonté des fondateurs de l'association14. Les fondamentaux de l'association doivent y figurer : la dénomination, le siège social. Les objectifs de l'association doivent y être clairement déclinés afin de circonscrire le projet associatif. Les organes de décision doivent être distincts et les rôles des principaux acteurs clairement définis. Les statuts doivent prévoir des mécanismes de contrôle et de suivi du projet associatif auxquelles l'association reste attachée. Ils doivent permettre leur modification à la lumière de l'expérience par un organe adéquat, en l'occurrence, l'Assemblée générale extraordinaire (AGE).

La périodicité de l'Assemblée générale ordinaire (AGO) élective ou non élective doit être clairement établie ainsi que les modalités de son fonctionnement et les différentes sortes de quorum de vote. Les conditions d'adhésion et d'exclusion doivent y être prévues.

14 Ministère du Développement social, de la Famille et

de la Solidarité avec l'appui du FNUAP, Guide de l'associatif, guide pratique d'information des associations, Royaume du Maroc, 2006, p. 13.

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Pour finir, les statuts doivent être disponibles pour tout demandeur et leur visibilité garantie sur les sites web des associations.

Un règlement intérieur précis

Malgré le fait que la rédaction d'un

règlement intérieur ne soit pas obligatoire sauf s'il est prévu dans les statuts, celui-ci est d'une utilité pratique indéniable puisqu'il complète et précise les dispositions statutaires15. Il peut être un outil de bonne gouvernance dans la mesure où il fixe l'administration interne de l'association, organise la répartition des tâches et détaille les différents mécanismes de contrôle et de suivi.

Ainsi, il prévoit les modalités de fonctionnement des assemblées délibératives, des comités ou sections, la spécification des ressources de l'association, l'exercice comptable et les sanctions disciplinaires. Sa rédaction est libre, à charge de ne pas être en contradiction avec les statuts, et de ce fait, sa modification n'a pas besoin, comme pour les statuts, d'une AGE. Elle peut se faire à la demande et à l'aune de l'expérience.

Une charte des valeurs

La charte des valeurs est également

facultative. Elle a pour but de décliner les valeurs morales et humaines pour lesquelles le projet associatif a vu le jour.

Elle donne un caractère solennel à ces valeurs et engage ainsi, aussi bien, les fondateurs que les dirigeants ou les simples adhérents d'une association. Les valeurs doivent y être clairement établies.

Les associations en général et les associations de droits humains en particulier s'engagent sur un référentiel de droits humains et donc doivent faire de la bonne gouvernance un outil pour leur promotion.

Conscient de l'importance de la charte éthique dans le projet associatif, le ministère

15 Idem, p. 16.

du Développement social, de la Famille et de la Solidarité en a fait un préalable à son processus de qualification des associations16.

2. Prévention du risque et évaluation

La bonne gouvernance associative ne peut

être effective sans la prévision, dans le projet associatif, de mécanismes faisant fonction de remparts contre les dérives antidémocratiques dans la gestion interne ainsi que de mécanismes d'évaluation du projet associatif lui-même et des actions réalisées permettant à l'association d'être efficiente17.

Prévention des risques de pratiques non démocratiques

La séparation des pouvoirs et leur

limitation, un contrôle interne grâce à une répartition claire des rôles, l'accession démocratique aux responsabilités et le changement périodique du staff dirigeant lors des assemblées électives sont autant de mécanismes permettant de préserver la démocratie interne des associations.

Évaluation du projet associatif et des actions entreprises

Les critères d'évaluation du projet

associatif doivent être clairement définis. La rédaction des rapports moraux et financiers doivent prendre en considération les principes de bonne gouvernance et obéir aux règles de transparence.

L'adéquation des actions au projet associatif doit faire, pour plus d'impartialité et de pertinence, l'objet d'évaluation aussi bien interne qu'externe.

16 Ministère du Développement social, de la Famille et

de la Solidarité, www.social.gov.ma/upload/visuel/Charte_fr.jpg consulté le 19 juin 2009.

17 Actes de la conférence plénière du 10 mai 2005, op. cit., p. 21.

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Les statuts eux-mêmes doivent faire l'objet d'évaluation afin d'être ou non réadaptés aux besoins de l'association.

3. Transparence et responsabilité des différents acteurs

La transparence et la responsabilité des

différents acteurs associatifs au cours de leurs mandats avec obligation de rendre des comptes sont la pierre angulaire de la bonne gouvernance18. Sans elles, la bonne gouvernance serait un vain mot.

Transparence

La transparence associative a pour base

une politique de communication fluide. Elle permet, aux membres actifs, aux adhérents sans oublier les étrangers désirant se renseigner, de pouvoir consulter les actes instrumentaires (statuts, règlement et charte), d'être au courant des actions menées par l'association.

Cette dernière doit pouvoir communiquer sur ses actions dans des circonstances autres que les classiques AGO où l'on présente les rapports moraux et financiers.

La communication peut se faire à travers des visuels, des envois par courrier ou email, des bulletins et un site web. Ce dernier est le miroir d'une association compte tenu de la démocratisation de l'information rendue possible par Internet.

Le site web doit être continuellement mis à jour afin d'être une source de renseignements sur le projet associatif. Les différents rapports de l'association doivent y figurés.

La préservation de la mémoire de l'association, à travers un archivage simple et efficace de la documentation, la tenue de cahier de correspondance et de livres de comptabilité, sont essentielles à la transparence de l'association.

18 Idem.

Responsabilité des différents acteurs19 Chaque acteur associatif doit obéir à des

obligations strictes et pouvoir bénéficier de droits précis. Ceci conditionne sa responsabilisation et l'oblige à rendre des comptes dans le cadre de ses droits et de ses obligations.

Les dirigeants Les dirigeants doivent garder présent à

l'esprit qu'ils ont un mandat à respecter. Ils doivent s'y tenir afin que soient évités une trop forte hiérarchisation. Le culte de la personnalité et le conflit d'intérêts sont les réels ennemis de la démocratie associative. La clarification des tâches des différents dirigeants et la prise de décisions collégiale sont les garants de cette dernière.

Les dirigeants associatifs doivent régulièrement rendre compte de leur gestion et de leur travail. Ils ont une obligation de résultat. Des sanctions, en cas d’écart du cadre de leur mandat, doivent être prévues. Ils doivent pouvoir bénéficier de formation continue en gouvernance dans un but de perfectionnement.

Les adhérents et la population cible L'inclusion de ces parties au projet

associatif dans la prise de décision est nécessaire à l'efficacité des plans d'action. La proximité avec les populations cibles afin de prendre les bonnes décisions de même que la communication sur toutes les actions entreprises sont, à leur tour, des éléments importants de la bonne gouvernance.

Les règles d'adhésion et de révocation des membres et adhérents doivent être claires afin d'éviter les abus.

La libre expression des adhérents et des populations cibles ainsi que le respect de leurs avis constituent une garantie de la bonne gouvernance au sein des associations.

19 Ibidem.

Études et Essais du CJB, n° 19, 2014

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Les salariés L'établissement des règles strictes et

transparentes en matière de recrutement permet de lutter contre le népotisme et l'impunité qui s'ensuit.

L'efficience du travail des salariés nécessite la clarification de leurs droits et de leurs obligations. Il doit être clairement établi qu’en contrepartie du respect de leurs droits sociaux, les salariés ont l'obligation d'être efficaces.

De même, les rapports avec les salariés doivent dépasser la simple subordination. Le projet associatif étant désintéressé et d'intérêt général, il faut œuvrer pour partager les valeurs de l'association avec les salariés. Comme pour les dirigeants, des formations continues doivent leur être prévues pour une meilleure efficacité.

Les principes de bonne gouvernance adaptés à la vie associative étant exposés, il serait pertinent de se demander si le cadre juridique actuel relatif aux associations permet de répondre aux exigences de ces principes.

Chapitre II. Adéquation du cadre juridique avec les exigences de la bonne gouvernance

Même si le Maroc a, dans le de faciliter la

vie collective et professionnelle, toujours connu des pratiques communautaires d'entraide, de solidarité et de soutien aux démunis, à l'exemple de l'agadir, endroit où toutes les récoltes étaient emmagasinées, la twiza, les moussem ou sorte de foires commerciales annuelle, il n'en demeure pas moins que l'organisation associative au sens moderne du terme a été introduite dans le Royaume par les autorités du Protectorat, par le biais du dahir de 191420.

Inspiré de la loi française de 1901 sur les associations, il soumet, cependant, la création des associations à une demande d'autorisation

20 Dahir du 24 mai 1914 sur les associations, B.O., n° 85

du 12 juin 1914, p. 431-432.

auprès du Secrétariat général du Gouvernement (SGG) et non à la simple déclaration comme en métropole.

Au lendemain de son indépendance, le Maroc s'est doté, en 1958, d'un dahir21, largement inspiré de la loi française régissant les associations de 1901. Suite aux troubles politiques qu'a connus le Maroc, le dahir a été amendé dans un sens restrictif en 1973.

Le dahir du 23 juillet 200222 y a introduit des amendements plus libéraux tenant compte de l'ouverture politique du Maroc et surtout des revendications permanentes de la société civile pour une plus grande liberté des associations. C'est le cadre légal actuel des associations au Maroc. Mais est-ce à dire que le Maroc de l'indépendance est le même que le Maroc d'aujourd'hui ? Est-ce que les derniers amendements introduits dans le dahir de 1958 sont en adéquation avec le rôle de plus en plus important des associations sur la scène marocaine et leur nombre croissant ?

Leur travail de proximité avec les populations cibles, le vide laissé par l'État dans de nombreux secteurs sociaux à cause du Programme d'ajustement structurel (PAS) imposé par le FMI ont fait que les associations sont devenues des acteurs incontournables sur la scène nationale et de véritables partenaires de l'État marocain.

L'importance du rôle des associations a mis en évidence l’obligation de mettre sur pied des supports autres que ledit dahir. Dans ce sens, la lettre royale adressée au « Forum du mouvement associatif au Maroc » à l'occasion des journées d'étude sur le management associatif organisées le 14 février 2002 par la Fondation Mohammed V pour la Solidarité à Rabat23, a qualifié les associations de « richesse nationale » et les a exhortées à adopter les principes de bonne gouvernance pour être encore plus efficaces.

21 Dahir n° 1-58-376 du 15 novembre 1958. 22 Dahir n° 1-02-206 du 23 juillet 2002, B.O., n° 5048 du

17 octobre 2002, p. 1062-1063-1064. 23 Voir texte de la lettre sur www.google.fr, consulté le

20 juin 2009.

Études et Essais du CJB, n° 19, 2014

15

De son côté, le Premier ministre a publié, le 27 Juin 2003, la circulaire n° 7/2003 qui établit le cadre réglementaire du partenariat entre l’État et les Associations24 et qui pose les jalons de la bonne gouvernance à travers des procédures de suivi et d'évaluation.

A son tour, le ministère du Développement social, de la Famille et de la Solidarité, avec l'appui du Fonds des nations unies pour la population (FNUAP), a publié, en 2006, le Guide de l'associatif, guide pratique d'information des associations25. Ce guide a pour objectif d'aider les associations à connaître aussi bien le cadre juridique les réglementant que les méthodes pour gérer leur quotidienneté dans l'efficacité et la transparence.

Hormis les textes cités, il convient de souligner que la littérature sur les associations et les méthodes de bonne gestion est abondante. Cette littérature émane aussi bien des institutions marocaines que des principaux bailleurs de fonds à l'exemple du PNUD, du FNUAP et de la BM, pour ne citer que ceux-là. Cette abondante littérature a pour vocation d'actualiser, d'enrichir les règles du dahir de 1958 et de les adopter aux exigences de la bonne gouvernance associative. Il n'empêche que le dahir de 1958 a posé quelques jalons de bonne gouvernance associative. Qu'en est-il exactement ?

1. Le dahir de 1958 tel que modifié en juillet 200226

La lecture du dahir de 1958 permet de

distinguer deux régimes de constitution et de dissolution d'associations : un régime général et un autre particulier à certaines associations.

24 Voir texte de la circulaire n° 7/2003 établissant un

cadre réglementaire du partenariat entre l’État et les associations.

25 Guide de l'associatif, guide pratique d'information des associations, op. cit.

26 Dahir n° 1-02-206 du 23 juillet 2002, B.O., n° 5048 du 17 octobre 2002, p.1062-1063-1064.

L'amendement du 23 juillet 2002, contrairement à la version initiale du dahir de 1958, insiste sur l'obligation de déclaration pour toute création d'association. En effet, la version initiale permettait la création d'association sans déclaration préalable sauf pour celles qui veulent acquérir la personnalité juridique27. Il est à noter, cependant, que la version actuelle est moins restrictive que celle apportée par l'amendement de 1973 qui permettait à la déclaration de se transformer en une véritable autorisation administrative sans obligation de motivation.

Régime général des associations Ce régime établit les règles de constitution

et de dissolution des associations ainsi que celles de la gestion de leurs ressources financières.

Dispositions régissant la constitution et

la dissolution L'obligation de la déclaration et les

formalités conséquentes sont les principales dispositions régissant la constitution d'une association. L'article 5 fait obligation de déposer, lors de la déclaration de constitution d'une association, les statuts, entre autres pièces à fournir : « […] Les statuts seront joints à la déclaration visée au premier alinéa du présent article. Trois exemplaires de ces pièces seront déposés au siège de l'autorité administrative locale qui en transmettra un au Secrétariat général du Gouvernement... » Selon cet article, toute modification dans la direction de l'association ou dans ses statuts doit faire l'objet d'une déclaration qui obéit aux mêmes conditions que celles de la constitution. Autrement dit, la déclaration modificative doit recevoir un récépissé daté et cacheté sur le champ.

Constituées légalement, les associations peuvent, selon l'article 6 du dahir de 1958,

27 O. Bendourou, Libertés publiques et État de droit au

Maroc, ouvrage publié avec le concours de F. Ebert Stiftung Fès Maroc, 2004, p. 115, Coll. Droit public.

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ester en justice, administrer et disposer de leurs biens ou acquérir à titre onéreux.

L'obligation de déposer des exemplaires des statuts lors de la déclaration et celle de déclarer toute modification peuvent être considérées comme un pas vers la bonne gouvernance car le cadre formé par les engagements écrits d'une association l'oblige à s'y limiter28.

Quant aux conditions de dissolution, elles sont principalement régies par les articles 3 et 7. Selon l'article 3 du dahir de 1958 : « Toute association fondée sur une cause ou en vue d'un objet illicite, contraire aux lois, aux bonnes mœurs ou qui a pour but de porter atteinte à la religion islamique, à l'intégrité du territoire national, au régime monarchique ou de faire appel à la discrimination est nulle. » L'article 7 stipule que : « Le tribunal de première instance est compétent pour connaître des demandes de déclaration de nullité de l'association prévue à l'article 3. Il est également compétent pour connaître des demandes de dissolution de l'association si cette dernière est en situation non conforme à la loi, à la demande de toute personne concernée ou à l'initiative du ministère public. Le tribunal peut ordonner à titre de mesure conservatoire, et nonobstant toute voie de recours, la fermeture des locaux et l'interdiction de toute réunion des membres de l'association. »

Une lecture positive de ces articles permet de dire que leur côté restrictif a pour objectif de protéger l'exercice de la liberté d'association en précisant les cas de dissolution et en soumettant celle-ci à la justice, ne laissant plus au pouvoir exécutif la possibilité de dissoudre une association par simple décret comme c'était le cas en 1973.

De même, la dissolution pour motif de trouble à l'ordre public n'est plus possible puisque ce dernier n'est plus mentionné comme cause de dissolution. Connaissant la possible élasticité du concept « ordre public »,

28 Voir actes de la conférence plénière du 10 mai 2005,

op. cit.

sa suppression peut être appréciée comme limite à l'arbitraire de l'administration.

Ces stipulations peuvent assurer un cadre de travail serein pour les associations malgré le fait que le tribunal garde la possibilité d'ordonner la fermeture des locaux ou l'interdiction de toute réunion des membres comme mesure conservatoire avant de statuer sur la dissolution elle-même29.

Cadre légal de gestion des ressources

financières Après avoir été dûment déclarées, les

associations peuvent recevoir des subventions publiques, des aides du secteur privé ou d'une organisation internationale. La gestion de cette aide est soumise aux conditions décrites dans les articles 32, 32 bis, 32 ter.

Ainsi, selon l'article 32, les associations qui reçoivent périodiquement des subventions d'une collectivité publique doivent tenir une comptabilité réglementée par arrêté et la fournir au ministère de tutelle afin de lui permettre d'exercer son contrôle financier. L’article continue, en disposant : « Les infractions à l'arrêté visé à l'alinéa ci-dessus sont punies d'une amende de 12 000 à 100 000 dirhams30 prononcée à l'encontre de tout gérant responsable. L'association est civilement responsable. »

L'article 32 ter précise les obligations des associations qui reçoivent périodiquement des subventions publiques supérieures à 10 000 dirhams de la part d'une collectivité locale, d'un établissement public ou d'une société à capital public. Ces associations doivent remplir des livres comptables fixés par arrêté du ministère des Finances.

Quant aux associations qui reçoivent des aides étrangères, elles sont tenues, selon l'article 32 bis : « d'en faire la déclaration au Secrétariat général du Gouvernement en spécifiant le montant obtenu et son origine et ce dans un délai de 30 jours francs à compter

29 Voir article 7, alinea 3, du dahir de 1958, op. cit. 30 Voir article 32 du dahir de 1958, op. cit.

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de la date d'obtention de l'aide. Toute infraction aux dispositions du présent article expose l'association concernée à la dissolution conformément aux dispositions de l'article 7. »

Les obligations auxquelles sont soumises les associations pour gérer leurs ressources ont pour but d'améliorer leur gouvernance. Cependant, certaines de ces obligations peuvent s'apparenter à une volonté de surveillance administrative telle la déclaration au SGG de toute aide étrangère.

Régimes particuliers

Deux sortes d'association feront l'objet de

ce paragraphe : les associations reconnues d'utilité publique (ARUP) et les associations étrangères.

Nous n'étudierons pas les partis politiques car même s’ils constituent des associations particulières, la loi 36-04 qui les régit, les a extraits du cadre du dahir de 1958.

Les associations reconnues d'utilité

publique ou ARUP31 Les articles 9 jusqu’à 13 du dahir

réglementent les ARUP aussi bien en ce qui concerne la reconnaissance d'utilité publique que la gestion des ressources.

La reconnaissance de l'utilité publique Selon l'article 9, hormis les partis politiques

et les associations à caractère politique, toute association peut prétendre au caractère d'utilité publique qui permet de jouir de plus de possibilités financières.

Pour obtenir ce caractère, l'association doit déposer une demande auprès de l'administration compétente. La reconnaissance d'utilité publique se fait désormais par décret et non plus par dahir comme le voulait l'ancienne version du dahir de 1958.

31 Voir dahir n° 1-02-206 du 23 juillet 2002, B.O., n°

5048 du 17 octobre 2002, p. 1062-1063-1064.

La décision doit être motivée et avoir lieu dans les six mois qui suivent le dépôt de la demande32. L'obligation de motivation de la décision met fin au pouvoir discrétionnaire de l'administration et permet d'ester en justice en cas de refus.

Les conditions de l'octroi de l'utilité publique sont fixées par voie réglementaire. La reconnaissance de l'utilité publique peut être retirée après injonction à régularisation dans un délai de trois mois dans le cas où l'ARUP n'observe pas certaines règles légales telles que les formalités de la gestion financière.

La gestion des ressources L’obtention de la reconnaissance d'utilité

publique permet, ainsi après déclaration au SGG, à l'association de faire appel, une fois par an, à la générosité publique ou tout autre moyen autorisé afin de se procurer des ressources financières. Le SGG peut cependant, s'y opposer dans les délais précisés par décision motivée. Elle permet, également, après autorisation du Premier ministre, l'acquisition de biens à titre gratuit entre vifs ou par testament.

Les ARUP sont soumises à des obligations telles que la tenue d'une comptabilité fixée par voie réglementaire afin de rendre visibles le patrimoine, la situation financière et les résultats de ce genre d'associations. La comptabilité doit être conservée pendant cinq ans. La soumission au SGG d'un rapport annuel sur l'affectation des ressources obtenues certifié par un expert-comptable constitue une autre obligation.

L'association reconnue d'utilité publique ne peut pas accepter une donation mobilière ou immobilière qui réserve l'usufruit au donateur. Toutes les valeurs mobilières doivent être immatriculées au nom de l'association. Toute aliénation ne peut se faire qu'après autorisation du Premier ministre.

32 Voir dahir n° 1-02-206 du 23 juillet 2002, B.O., n°

5048 du 17 octobre 2002, p. 1062-1063-1064.

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Les associations étrangères33 Les articles 21 jusqu’à 28 réglementent les

associations étrangères.

Selon l'article 21, sont qualifiées d'étrangères, les associations qui ont un siège à l'étranger ou si elles ont un siège au Maroc, leurs dirigeants de fait ou la moitié de leurs membres sont étrangers.

Pour pouvoir exister juridiquement au Maroc, ces associations doivent faire l'objet d'une déclaration préalable dans les conditions de l'article 5 à l'instar de toutes les associations (article 23).

Cependant, le gouvernement dispose d'un délai de trois mois au lieu de 60 jours pour répondre après la délivrance du récépissé avec la faculté de s'opposer à la constitution, à toute modification de statuts, à tout changement de direction ou création de filiales. Délai pendant lequel les associations étrangères ne peuvent exercer leurs activités.

Il est à noter que l'autorité locale a le droit de demander à l'association étrangère de lui fournir par écrit dans un délai maximum d'un mois toutes sortes de renseignements la concernant selon les dispositions de l'article 22.

En cas de contravention aux règles les régissant, les associations étrangères sont dissoutes par voie judiciaire (article 27). La dissolution par décret a été abrogée par le dahir du 23 juillet 2002. Cependant, l'invocation de l'ordre public reste un motif de dissolution. En outre, les fondateurs, les directeurs et les administrateurs d'une association dissoute peuvent encourir une peine d'emprisonnement de trois mois à deux ans et une amende de 10 000 à 50 000 dirhams ou de l'une des deux peines.

Pour conclure, il semble que l'adéquation du dahir de 1958 aux exigences de la bonne gouvernance dans le sens moderne du concept se limite à l'obligation de produire des statuts écrits et de suivre les règles de la gestion des ressources financières.

33 Voir dahir de 1958, op. cit.

Ce qui reste en deçà des impératifs de bonne gouvernance et laisse la place à d'autres cadres réglementaires de la vie associative. Dans cette optique, peuvent être appréciés la circulaire du Premier ministre n° 7/2003 du 27 juin 2003 qui réglemente le partenariat de l’État avec les associations et le Guide de l'associatif élaboré en 2006 par le ministère du Développement social, de la Famille et de la Solidarité avec l'appui du FNUAP.

2. La circulaire n° 7/2003 du Premier ministre sur le partenariat de l'État avec les associations34

Le rôle efficace des associations dans

différents domaines sont à l'origine de l’établissement du cadre de partenariat avec l'État marocain. En effet, les associations se sont imposées par leur proximité avec les populations souvent dans des domaines où le Programme d'ajustement structurel (PAS) du FMI a exigé, dans les années quatre-vingt, le retrait de l’État marocain. Ainsi, les associations sont devenues des interlocuteurs incontournables. De même, là où la machine administrative échoue à cause de sa lourdeur, les associations font preuve d’efficience.

Il n'en demeure pas moins qu’elles travaillent fréquemment selon des règles qui ne cadrent pas avec les normes de la bonne gouvernance. La circulaire du Premier ministre tente de pallier cet état de chose par l’élaboration d’un cadre conventionnel de partenariat qui oblige à la mise en œuvre de certains principes de bonne gouvernance. Par ailleurs, elle propose en annexe les différentes modalités nécessaires dans le cadre du partenariat État/associations.

Cadre réglementaire du partenariat

L’objectif de la circulaire du Premier

ministre (n° 7/2003) est la modernisation du cadre réglementaire du partenariat État/associations. La circulaire énumère les

34 Voir circulaire n° 7/2003, op. cit.

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directives pour une meilleure gestion associative et entend donner au partenariat État/associations un cadre conventionnel : « avec pour but d’optimiser l’emploi des ressources, de centrer les partenariats sur les besoins des populations défavorisées et de garantir la transparence... »35 Par ce biais, l’ambition du gouvernement est : « de faire du partenariat avec les associations l’un des instruments privilégiés permettant de concrétiser la nouvelle politique de proximité qui vise à lutter contre la pauvreté et à améliorer les conditions de vie des citoyens en situation de précarité ou de difficulté, à travers la satisfaction de leurs besoins prioritaires, moyennant un ciblage pertinent des projets et des bénéficiaires. »

La procédure d’éligibilité des projets associatifs aux contributions financières publiques est confiée à des comités d'éligibilité36. Une partie de la circulaire est réservée au suivi, à l’évaluation et à la reddition des comptes comme socle de la bonne gouvernance37. En faisant référence à

35 Idem. 36 « Les décisions des comités d’éligibilité doivent se

fonder sur des critères garantissant la transparence, l’objectivité et le bénéfice direct aux populations cibles ». « Les comités d’éligibilité devront s’attacher à la conclusion de partenariat avec les seules associations qui s’astreignent à l’application rigoureuse de la législation et la réglementation en vigueur, et au respect de leur statut, notamment en matière de correspondance de l’activité projetée avec l’objet statutaire de tenue régulière des réunions de leurs organes statutaires délibérant et de respect des règles de fonctionnement démocratique de leurs instances. »

37 « A cet égard, et compte tenu des impératifs du respect des règles de bonne gouvernance, j’attire votre attention sur la nécessité de faire respecter les dispositions des articles 32 et 32 ter du dahir 1-58-376 du 15 novembre 1958 réglementant le droit d’association, tel qu’il a été modifié et complété, et, qui font obligation aux associations qui reçoivent périodiquement des subventions d’une collectivité publique ou d’un organisme public, de leur fournir budgets et comptes, établis conformément aux conditions d’organisation financière et comptable définies par l’arrêté du 31 janvier 1959. »

« Je rappelle également que, conformément aux dispositions de l’article 32 bis du dahir précité, les associations qui reçoivent des aides étrangères sont tenues d’en faire déclaration au Secrétariat général du

certains articles du dahir de 1958, la circulaire semble insister sur leur importance dans la gestion des associations.

Les modalités du partenariat Pour donner corps aux ambitions de

bonne gouvernance de la circulaire du Premier ministre (n° 7/2003), deux annexes lui sont jointes. L'annexe I38 qui est en fait, une convention-type de partenariat entre l'État et les associations et dont le titre IV intitulé, « Suivi, évaluation et contrôle », fait une part importante aux exigences de bonne gouvernance. La production de rapports semestriels sur l'état d'avancement des projets, objets de la convention en est une. Elle a pour base des indicateurs de suivi mis en place et des tableaux de bord qui rendent compte de la concrétisation des projets.

Un comité paritaire composé de représentants des deux parties du partenariat est chargé semestriellement du suivi et de l'évaluation des réalisations du projet. Selon l'article 13 de la convention-type, un contrôle des opérations administratives et financières relatives à la mise en œuvre de la convention est fait par les services d’inspection du département ministériel et du ministère des Finances. Ainsi, conclusion peut être faite que le titre IV a pour objectifs l’obligation de résultats et la transparence dans la gestion d'un projet associatif.

L'annexe II est, quant à elle, consacrée aux différentes modalités d’engagement, d’ordonnancement et de paiement des contributions financières publiques versées aux associations dans le cadre d’une convention de partenariat.

Cette circulaire peut-elle servir de cadre juridique aux associations de droits humains ?

Gouvernement, en spécifiant le montant obtenu et son origine, dans un délai de 30 jours à compter de la date d’obtention de l’aide. Par ailleurs, le contrôle de la gestion financière des associations sera renforcé par le recours à la certification de leurs comptes, lorsque le cumul des contributions publiques perçues au titre d’un ou de plusieurs projets dépasse 500 000 dirhams. »

38 Ibidem.

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La réponse ne peut être qu'affirmative puisque ces associations ont, à l'instar des associations ciblées par la circulaire, pour objectif la lutte contre toutes les formes de précarité. Elles peuvent, donc, s'approprier le cadre créé par la circulaire.

Le Guide de l'associatif constitue une autre référence de la bonne gestion des associations.

Guide de l'associatif

Le guide, élaboré par le ministère du

Développement social, de la Famille et de la Solidarité avec l'aide du FNUAP en 2006, peut être considéré comme une feuille de route de la vie associative. En effet, cet outil didactique a pour but d'expliquer les différentes étapes de l'association. Sa création et sa gestion quotidienne en constituent les principaux axes pour promouvoir la bonne gouvernance.

Toujours dans un objectif de bonne gouvernance, le ministère a élaboré une charte éthique à laquelle adhèrent les associations qui s'engagent à respecter les principes de bonne gestion.

Le guide de l'associatif est composé de sept parties :

- La première partie est consacrée aux aspects juridiques, réglementaires et fonctionnels des associations39. Elle explique le terme association ; les différentes sortes d'associations ; les formalités légales et les démarches administratives de constitution et de dissolution ; l'importance des statuts et des règlements intérieurs en tant qu'actes réglementaires ; les différents organes de l'association avec une séparation des rôles comme garant contre les dérives antidémocratiques ainsi que les principales règles de gestion dont le but est de contribuer à la transparence et à la préservation de la mémoire (procès-

39 Guide de l'associatif, op. cit., p. 5-26.

verbaux, rapports et dossiers comptables).

- La seconde détaille les règles et les différentes techniques de la gestion comptable et financière40 adaptées aux associations et qui leur permettent de s'organiser efficacement tout en préservant leur caractère altruiste.

- Dans la troisième partie, les mécanismes de mobilisation des ressources41 sont expliqués pédagogiquement.

- La construction de partenariat fait l'objet de la quatrième partie42.

- L'ingénierie des projets43 constitue la cinquième et la plus grande partie du guide certainement à cause de l'importance de la planification stratégique pour la viabilité et la bonne gouvernance de tout projet associatif.

- Les textes juridiques44 les plus importants pour la vie associative, dont le dahir de 1958, sont annexés dans la sixième partie afin de permettre aux associations de s'y référer.

- La septième partie répertorie les informations et adresses utiles pour tout associatif. Elle clôt le guide.

Ainsi, parcourir le guide associatif revient à constater qu’il enrichit, précise et adapte les règles du dahir de 1958 à une conception moderniste de l'association. Les principes de la bonne gouvernance sont présents tout le long de sa lecture. Il peut être considéré comme une référence pour la vie associative. Son design attractif et la facilité de sa consultation ne sont pas les moindres atouts de cet outil pédagogique.

Pour conclure sur l'adéquation du cadre légal marocain avec les principes de bonne gouvernance tels que reconnus

40 Idem, p. 29-42. 41 Idem, p. 45-54. 42 Idem, p. 57-84. 43 Idem, p. 87-146. 44 Idem, p. 149-172.

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mondialement, il semble que le dahir de 1958 soit insuffisant comme référence à une gestion moderne et transparente de la vie associative, même s'il impose certaines formalités, telles que la production de statuts écrits et l'obéissance aux règles de gestion financière.

Cet état de fait laisse la place à d'autres cadres réglementaires plus proches de la conception moderne de la bonne gouvernance associative afin de servir de référence. C'est le cas de la circulaire du Premier ministre (n° 7/2003) et du Guide de l'associatif.

Qu'en est-il de l'effectivité de la mise en œuvre des différents cadres réglementaires par les associations de droits humains ?

La réponse à cette question fera l'objet de la deuxième partie et se basera sur une approche empirique basée sur des entretiens réalisés avec les responsables des associations de droits humains cibles.

Deuxième partie. L'effectivité de la mise en œuvre des principes de la bonne gouvernance par les associations de droits humains

La lecture du rapport de la conférence

plénière du 10 mai 2005 organisée par l'Académie française des sciences et techniques comptables et financières et intitulée, la gouvernance associative : comment améliorer et rendre plus sûrs la conduite, la gestion et le fonctionnement des organismes sans but lucratif45, nous a permis d'élaborer une grille de questions à poser lors des entretiens avec les responsables des associations de droits humains. Cette grille tente de reprendre les éléments de base de la bonne gouvernance tels que déclinés par les actes de la conférence qui sont :

- l'existence d'actes réglementaires (statuts, règlement intérieur et charte) écrits et accessibles à tous ;

45 Voir rapport sur la conférence plénière du 10 mai

2005, op. cit., p. 8-13.

- l'existence de mécanismes de prévention de toute dérive portant atteinte à la démocratie interne de l'association et de mécanismes d'évaluation des acteurs et des actions entreprises ;

- la transparence grâce à une circulation fluide de l'information concernant la vie quotidienne de l'association et la reddition de comptes par les dirigeants sur la gestion de leur mandat.

Les associations, objets de cette étude empirique, sont au nombre de six et peuvent être, après lecture de leurs statuts, présentées comme suit :

- L'Association marocaine des droits de l'homme (AMDH)46 créée le 24 juin 1979 et reconnue d’utilité publique le 24 avril 200047. Ses principaux objectifs sont la préservation de la dignité humaine, le respect de tous les droits humains dans leur universalité et leur globalité ainsi que leur protection, défense et promotion. Elle a également pour buts le plaidoyer pour l'harmonisation des législations nationales avec les traités internationaux des droits humains, la dénonciation et la condamnation de leur violation ainsi que la solidarité avec les victimes. Sa principale instance est le Congrès national qui se tient tous les trois ans. Il élit une Commission administrative dont le nombre maximal de membres est fixé à soixante-quinze. Elle se réunit quatre fois par an et choisi le Bureau central qui est l´organe exécutif de l´AMDH, qui se réunit, à son tour, deux fois par mois. L'AMDH est organisée en quatre-vingt sections réparties sur les huit régions du pays encadrées par huit sections régionales.

46 http://www.amdh.org.ma/fr, consulté le 28 octobre

2013. 47 Décret n° 2.00.405 en date du 24 avril 2000, publié au

B.O., n°4795 paru le 15 mai 2000.

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- L'Organisation marocaine des droits de l'homme (OMDH)48 créée le 10 décembre 1988 et reconnue d'utilité publique le 24 avril 200049. Ses principaux objectifs sont la diffusion et l'éducation aux droits de l'homme individuels et collectifs dans les domaines socio-économiques, culturels, civils et politiques ; la contribution à leur protection effective ; la consolidation de l'indépendance et de l'impartialité du pouvoir judiciaire et le respect de la primauté du droit. Elle a pour principales instances le Congrès national, plus haute autorité décisionnelle de l’organisation qui se réunit tous les deux ans et est composé de quarante-cinq à cinquante et un membres élus. Le Bureau national se compose de treize à quinze membres élus au vote secret et à la majorité relative parmi les membres du Conseil national. L’OMDH est organisée en sections dans les principales villes du Royaume. Des correspondants sont désignés dans les régions n’ayant pas de sections.

- Transparency Maroc (TM)50, association

créée le 6 janvier 1996 et reconnue d’utilité publique par le décret n° 2.09.391 du 11 juin 2009. Elle a pour objectif général la lutte contre la corruption sous toutes ses formes et la promotion d'un système national d'intégrité. Ses principaux organes sont le Bureau exécutif composé de six membres dont le secrétaire général et le Conseil national formé de dix-huit personnes. Elle travaille sous forme de commissions. TM fait des enquêtes d'intégrité, des campagnes de sensibilisation et de plaidoyer. Elle organise des formations à la transparence.

48

http://www.omdh.org/def.asp?codelangue=23&po=2, consulté le 28 octobre 2013.

49 Décret n° 2-00-406 en date du 24 avril 2000. 50 http://www.transparencymaroc.ma/, consulté le 28

octobre 2013.

- L’Espace associatif (EA) est un réseau d'associations de développement humain créé le 21 décembre 1996. Il est composé d’une soixantaine d’associations toutes actives dans les domaines des droits humains et du développement durable, d’une vingtaine de personnes physiques parmi les acteurs économiques et sociaux ainsi que des membres fondateurs de l'EA. Son objectif global est « de contribuer à hisser le mouvement associatif au rang d’acteur incontournable de développement démocratique »51 par l'acquisition d'une expertise grâce à des formations et la mise à disposition d'outils de bonne gouvernance. Ses instances sont scindées en deux : les instances politiques et stratégiques tels que l'Assemblée générale, le Conseil d’administration, le Présidium et l'équipe managériale ou direction administrative qui dirige la structure.

- L’Association marocaine d’aide aux

enfants en situation précaire (AMESIP)52

a été créée en 1996 et déclarée d’utilité publique le 18 février 199853. Ses principaux objectifs sont la prévention des situations précaires de l’enfant, la sensibilisation de la société civile et des pouvoirs publics à ces situations et l'aide aux enfants en situation précaire par la création de centres dans les quartiers défavorisés. L’AMESIP regroupe un ensemble de huit centres d'accueil dénommés « SHEMS’Y ». Elle est dotée d'une Assemblée générale et d'un Bureau.

- Oujda Ain Ghazal 2000 a été créée à

Oujda le 14 avril 2000. Elle a pour objectif global de « promouvoir le développement économique, social et culturel de la région de l’Oriental dans le

51 http://www.espace-associatif.ma/Nos-

Objectifs?lang=fr, consulté le 26 juin 2009 et le 29 octobre 2013.

52 http://www.amesip.org/, consulté le 26 juin 2009 et le 29 octobre 2013.

53 Décret n° 298173.

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cadre d’une approche genre et droit. Ses objectifs spécifiques sont la promotion des valeurs de l’égalité et de la citoyenneté et la résolution concrète des situations de crise dues aux différentes formes de violence. » Ses principales instances sont l’Assemblée générale ordinaire qui se réunit tous les ans et qui pourvoit à la nomination ou au renouvellement des membres du Conseil d’administration ; un Conseil d’administration de quinze membres élus pour trois années ainsi que le Bureau dont la présidence et la vice-présidence sont strictement réservées aux femmes.

Les entretiens effectués avec ces

associations ont été l'occasion de recueillir des données sur leurs différentes pratiques de gouvernance et de les analyser afin de rechercher leur adéquation avec les principes de la bonne gouvernance. Les conclusions tirées de cette analyse sont la source des recommandations proposées.

Chapitre I. Analyse des données recueillies

Comme il a été souligné, les entretiens ont

été une occasion de rencontrer les responsables des associations cibles et échanger avec eux sur les principaux axes de la bonne gouvernance associative. Le premier entretien a eu lieu avec la présidente de l'AMDH54 suivi de ceux avec le directeur administratif de l'EA55, le secrétaire général de TM56, le trésorier de l'AMESIP57, la présidente fondatrice d’Ain Ghazal 200058 et le secrétaire général de l'OMDH59. Il y a lieu de signaler que les responsables de l'AMESIP et d’Ain Ghazal 2000 ont choisi de remplir la grille de questions qui leur a été envoyée par email et l'ont renvoyée par le même procédé. Ce choix

54 Madame Khadija Ryadi. 55 Monsieur Said Tbel. 56 Monsieur Rachid Filali Meknassi. 57 Monsieur Daniel Clément. 58 Madame Zahra Zaoui. 59 Monsieur Boubker Largou.

s'est imposé pour deux raisons, pour Ain Ghazal 2000, il est dû à la longue distance séparant Rabat d'Oujda et au temps limité pour élaborer cette étude ; pour l'AMESIP, il est justifié par la présence de sa présidente hors du Maroc.

1. Les actes réglementaires

Les actes réglementaires d'une association

sont la vitrine de sa bonne gouvernance. Comme il a été affirmé précédemment, des statuts clairs et évolutifs, un règlement intérieur précis et une charte des valeurs sont les premiers jalons d’une bonne gouvernance.

Avant de commencer toute analyse des données recueillies sur cette base, il est important de rappeler une règle à laquelle les actes réglementaires de toute association doivent obéir : la modification des statuts doit être faite par une AGE ou un organe équivalent. Celle du règlement intérieur et de la charte peut être le fait du bureau, à charge de les faire entériner par l'AGO.

Statuts

Toutes les associations cibles ont procédé

au moins une fois à la modification de leurs statuts. Ces modifications ont presque toutes été justifiées par les besoins empiriques de leur évolution dans le temps et pour certaines dans l'espace (AMDH, OMDH).

La différence réside dans l'organe qui a procédé aux modifications et dans la communication qui leur a été réservée.

Ainsi, l'AMDH a modifié ses statuts à plusieurs reprises depuis sa constitution en 1979. Cependant, les modifications les plus importantes ont été introduites en 2007 par le rajout d'un préambule déclinant les valeurs de l'association et par la limitation de la présidence à deux mandats pour une même personne. Ce qui est remarquable, c’est que l’organe modificateur, en l’occurrence, le Congrès national qui fait office d'AGO, n'a pas réglementairement cette latitude.

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Les différentes modifications sont ensuite reportées dans le guide de l'adhérent, revue de l’association en langue arabe qui est disponible dans ses locaux. Elles sont consultables aussi sur le site web60.

Quant aux statuts de l'EA, ils ont été modifiés trois fois depuis sa constitution. Les principales modifications ont concerné les modalités d'adhésion. Pour adhérer, les associations doivent déjà exister depuis deux ans, être parrainées et être confirmées après une période de deux ans. Pour ce qui est des personnes physiques, seules celles qui ont été membres du bureau peuvent devenir membres de l'EA.

En 2007, il a été décidé, dans un souci d'efficacité, la séparation de l'administration du mandat stratégique et décisionnel élu. C'est l'AGO qui a procédé aux modifications à l'instar de l'AMDH. Les statuts sont consultables sur place et non accessibles sur le site web en français, sa version arabe est en reconstruction.

Les statuts de TM ont été modifiés en 2002 et ont adopté, pour l'élection du Bureau exécutif, le scrutin de liste avec un chef de liste. Dans le cas d’espèce, la modification a été faite lors d’une AGE en adéquation avec les règles régissant les associations. Les statuts sont consultables sur le site web61, sur place ou envoyés par email aux adhérents.

Les statuts de l'AMESIP ont été modifiés une seule fois pour réduire le nombre des membres du bureau de 9 à 7 et revoir la répartition des responsabilités. C’est le Bureau qui a procédé à cette modification. Ceci peut paraître saugrenu puisque aucune des règles auxquelles obéissent les associations ne donne cette prérogative au bureau à cause de sa temporalité (il est appelé à changer). Lui donner cette possibilité c'est ouvrir la porte à l'instabilité du projet associatif. Les statuts

60 www.amdh.org.ma/html/presentation_amdh.htm,

consulté pour la dernière fois le 26 juin 2009. 61 www.transparencymaroc.ma, consulté pour la dernière

fois le 26 juin 2009.

sont disponibles sur le site web62 ou sur demande de tous les partenaires, mécènes et de toute personne intéressée.

Les statuts d’Ain Ghazal 2000 ont été modifiés deux fois pour permettre l'intégration de la dimension genre et du changement du siège de l’association. Conformément aux règles associatives, la décision a été prise lors d'une AGE. Le site web de l'association étant en cours d'élaboration, les statuts sont consultables sur place.

La révision des statuts de l'OMDH se fait tous les trois ans par le Congrès national qui fait initialement fonction d'AGO élective. Il n’a ainsi pour prérogative que l'entérinement des modifications des statuts. La dernière révision a eu lieu fin mars 2009 afin de rajouter une quatrième session au Conseil National. Les statuts ne sont pas disponibles sur le site web63 mais peuvent être consultés sur place.

Il est intéressant de relever que sur les six associations, seules deux (TM et Ain Ghazal 2000), ont modifié leur statut par le biais de l'AGE, conformément aux règles associatives.

Règlement intérieur

Le but du règlement intérieur est de

détailler, dans un sens pratique, les statuts d’une association. Il organise la répartition des tâches et précise les différents mécanismes de contrôle et de suivi. Il a la possibilité d’évoluer avec la progression du projet associatif lui-même. Il reste cependant obligé de rester fidèle aux statuts de création.

Sa modification ne nécessite pas, comme celle des statuts, l'organisation d'une AGE. Elle peut être le fait d'un organe exécutif. C'est dans ce sens que cet acte réglementaire ne pose pas de problème spécial d'adéquation aux règles associatives.

62 www.amesip.org, consulté pour la dernière fois le 26

juin 2009. 63 www.omdh.org, consulté pour la dernière fois le 26

juin 2009.

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Ce sont les organes exécutifs des associations qui modifient les règlements intérieurs, la Commission administrative pour l'AMDH, le Conseil national pour TM, le Bureau pour l'AMESIP, le Conseil d'administration pour Ain Ghazal 2000 et le Conseil national pour l'OMDH.

Charte des valeurs

La charte des valeurs est un élément

important de la bonne gouvernance associative parce qu'elle précise et définit les valeurs qui ont présidé à la fondation de l'association ou celles qui se sont imposées suite à son évolution. Elle oblige moralement tous ceux qui adhèrent à l'association.

Trois des six associations, objets de l'étude (AMDH, TM et AMESIP) n'ont pas de charte. Pour ce qui est de L'AMDH et TM, leurs responsables déclarent avoir introduit, à la place, des préambules dans leurs statuts. Ce qui semble assez surprenant puisque, selon le formalisme juridique, seules les conventions débutent par un préambule.

TM, pressée en cela par Transparency International, ressent actuellement le besoin d'une charte afin, selon son secrétaire général, de clarifier le sens du terme « but non lucratif » et de différencier le mandat électif de la gestion quotidienne pour permettre aux mandataires de concourir au même titre que le autres pour les postes de gestion.

L'EA, Ain Ghazal 2000 et l'OMDH ont quant à eux une charte des valeurs. L'EA a, en plus, un cahier des procédures qui est une sorte de charte administrative.

Quand elle existe, la charte est accessible sur le site web ou consultable sur place

2. Les mécanismes de prévention du risque et évaluation

La répartition claire des rôles des acteurs

associatifs est un rempart contre les pratiques non démocratiques. L'évaluation du projet associatif en est un autre.

Suite aux entretiens avec les responsables associatifs, il semble que la répartition des tâches et l'évaluation des actions entreprises sont observées par les associations choisies, du moins sur le plan formel.

Prévention des risques

La démocratie interne des associations est

préservée, comme il a été dit précédemment, par une répartition claire des rôles entre les différents acteurs aussi bien les dirigeants, les adhérents ou les salariés. Elle est préservée aussi par l'accession démocratique aux responsabilités et le changement périodique des dirigeants lors des assemblées électives.

Toutes les associations, objets de notre recherche, prévoient dans leurs statuts une différenciation des rôles et le renouvellement de leurs dirigeants à des dates fixes. Ces règles sont généralement respectées à l’exception de l'AMESIP qui est dirigée par la même personne depuis sa création, en 1996.

Par ailleurs, le travail effectué sur le terrain associatif permet de constater que l'observation, par les associations, du formalisme démocratique n’est pas une garantie solide de l'effectivité de la démocratie interne. En effet, l'organisation temporelle d’échéances électorales ou la répartition plus ou moins claire des rôles peuvent se révéler de simples formalités. Seule une obligation légale stricte de mettre en pratique des principes de bonne gouvernance au quotidien avec reddition de comptes peut garantir la démocratie au sein des associations.

Autre fait qui interpelle, l'organisation de l'AMDH et de L'OMDH sous une forme qui rappelle celle d'un parti politique. Ainsi, ces deux associations ont pour organes décisionnels un Congrès national, une Commission nationale et des sections réparties sur le territoire national.

Est-ce le fait d’une méconnaissance, par les dirigeants de ces associations, des règles associatives ? Ou est-ce qu’une structure ressemblant à celle d’un parti politique convient mieux aux associations d’envergure

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nationale, les règles associatives actuelles étant trop étroites pour elles ?

Évaluation du travail et des actions

Cette évaluation est prévue dans toutes les

associations cibles. Elle est interne, externe ou les deux.

Elle peut prendre la forme de rapports moraux et financiers. Elle est aussi souvent imposée par les bailleurs de fonds au cours de l'exécution de projets.

Le cahier de procédures de l'EA peut être considéré comme un mécanisme d'évaluation. TM procède à l'évaluation de ses projets par un audit externe. Le suivi du travail de son bureau est fait par son Conseil national une fois tous les deux mois.

L'évaluation au sein de l'AMESIP est permanente et hebdomadaire comme pour Ain Ghazal 2000. A l'AMDH, elle est le fait des Commission centrales.

3. Transparence et responsabilité des acteurs

La communication sur tout ce qui fait la

vie associative est la base de la transparence, principe fondamental de la bonne gouvernance. L’accès à l’information doit être le lot des membres de l'association mais aussi du simple curieux. L’information ne doit pas rester cantonnée chez les membres du bureau exécutif et parfois chez le seul président.

L'autre principe fondamental est la responsabilité de chaque acteur associatif quant à la gestion de ses tâches. Il doit respecter son mandat et rendre des comptes.

Les associations cibles semblent adhérer à ces principes du moins en matière de communication qui reste cependant perfectible. La reddition des comptes se limite en général aux rapports moraux et financiers présentés lors des AGO.

Transparence Dans l'échantillon étudié, la

communication sur le projet associatif se fait de différentes façons. Au premier rang arrivent les rapports moraux et financiers lors des AGO suivis par les conférences de presse sur des événements ponctuels (la présentation du rapport annuel sur les violations de droits humains par l'AMDH, le rapport sur les dernières élections communales par l'OMDH, celui sur la corruption au Maroc par TM). L'organisation de séminaires, de conférences et de portes ouvertes est une autre forme de communication. La communication par courrier via internet est très usitée. Ain Ghazal 2000 a l'originalité de programmer une communication sur la radio locale.

Le site web est à son tour un outil de communication incontournable et une garantie de transparence lorsqu’il est mis jour régulièrement.

Souvent, les sites web des associations cibles ne font pas l’objet d’une mise à jour régulière et ainsi ne permettent pas d’avoir une idée précise de leur travail. La plupart de ces associations reconnaissent que leur site web est leur « point noir » dans la gestion de la communication pour reprendre les termes de la présidente de l'AMDH. Cette association a un projet de reconstruction de son site web. Il en est de même pour l'EA. Les sites web de TM, de l’OMDH et de l'AMESIP connaissent des difficultés de mise à jour des données.

Responsabilité des différents acteurs

Le respect du mandat associatif et la

reddition des comptes des mandataires sont des principes sans lesquels le concept de bonne gouvernance perdrait son sens.

Les associations de droits humains semblent adhérer à ces principes d'autant plus qu'ils figurent sur le tableau de leurs revendications concernant la gestion de la chose publique. Tous les acteurs associatifs doivent rendre des comptes aussi bien les dirigeants que les adhérents ou les salariés. A

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chaque tâche correspond des droits et des obligations.

L'envergure nationale prise par l'AMDH et dans une moindre mesure par l'OMDH peut compliquer la reddition des comptes. L'AMDH laisse le contrôle du Bureau central à la Commission administrative qui a la latitude de le révoquer en cas de dépassement sans avoir besoin d'attendre la tenue du Congrès national qui suit. Dans les faits cela n'est jamais arrivé. Le travail du bureau exécutif de TM est évalué lors du suivi des projets et lors des rapports moraux et financiers pendant les AGO électives. C'est aussi le cas des autres associations.

Mais est-ce que les rendez-vous électifs sont de réelles occasions de questionnement des dirigeants et de leur sanction en cas de manquement à leur mandat ? Ce qui ressort des entretiens menés c'est la rareté pour ne pas dire l’inexistence de sanctions des dirigeants défaillants.

Sur le plan de la répartition des tâches, l'EA a innové en instaurant dans un souci d'efficacité, une division du travail entre deux équipes : celle des dirigeants élus pour tout ce qui est stratégique et celle des managers administratifs salariés avec à leur tête un directeur. Cette séparation est justifiée par les changements épisodiques du bureau élu et qui a, ainsi, besoin de temps pour se mettre au courant des affaires de l'association et peut retarder le rythme du travail de l'association. Il va de soi que les deux équipes ont des obligations de résultats.

Excepté le cas de l'EA, le travail associatif est, généralement, basé sur le bénévolat qui tout en étant sa force peut en constituer un handicap. Problème dont sont conscientes toutes les associations cible. En effet, les bénévoles sont obligés de travailler ailleurs pour gagner leur vie et ainsi le temps qu'ils peuvent consacrer à l'association s’en trouve réduit. Comment dans ce cas être exigeant sur l'obligation de résultats ?

Le travail d'utilité publique de l'AMESIP pour la sauvegarde de l'enfant de la précarité

est totalement basé sur le bénévolat. Les autres associations ont quelques salariés souvent payés dans le cadre de projets subventionnés. L'AMDH est seule à avoir deux fonctionnaires mis à sa disposition par leur administration sur les cinq travailleurs rémunérés qu'elle compte.

La mise à disposition de fonctionnaires est une contribution de l'État au travail associatif. Elle reste, cependant, rare ce qui oblige les associations à trouver chacune à sa manière des solutions aux problèmes posés par le bénévolat. L'AMDH verse des indemnités aux bénévoles qui prêtent main forte aux projets importants. TM essaye de trouver la meilleure solution aux problèmes posés par le bénévolat dans le cadre de son projet de charte d'éthique.

Les données recueillies concernant l'organisation de formations pour les différents acteurs associatifs comme axe important de la gouvernance permettent de signaler que, généralement, toutes les associations choisies accordent de l'importance à la formation et au renforcement des capacités. En dehors de TM qui estime que ses dirigeants n'ont pas besoin de formation, les dirigeants des autres associations renforcent leurs capacités par, à titre d'exemple, des formations en leadership (l’EA) ou en mécanismes internationaux (l'OMDH).

Des formations sont également prévues pour le staff salarié comme c'est le cas de la formation en archivage organisée par l'OMDH. L'AMDH a organisé des formations en éducation aux droits humains pour ses adhérents.

Les relations des adhérents avec leur association restent cependant épisodiques. Les AGO qu'elles soient électives ou non et quelques événements organisés sont les rares moments de rencontre. TM leur permet d'assister aux réunions du bureau s'ils le désirent.

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4. Autres questions

Cette rubrique de l’entretien propose deux

questions principales. Une des questions porte sur l'adéquation du dahir de 1958 aux exigences de la vie associative actuelle, et l'autre, sur les éventuelles recommandations des associations cibles pouvant améliorer la gouvernance associative.

Seule Ain Ghazal 2000 a clairement déclaré que le cadre juridique créé par le dahir de 1958 ne répond plus aux besoins des associations devenues pour la plupart de véritables acteurs de développement. Pour cette association, il doit être revu afin de faire du travail associatif un vecteur d'une dynamique sociétale nouvelle. Elle appelle à une certification, par le gouvernement, des associations les plus performantes et à une aide financière et logistique pérennisant leur travail. Cette certification permettra automatiquement l'octroi de la reconnaissance de l'utilité publique avec des avantages fiscaux plus conséquents que ceux accordés actuellement.

En effet, les ARUP telles que l'AMDH, l’OMDH, l'AE et TM s'accordent à dire que cette reconnaissance constitue « plus, un signal politique » selon l'expression du secrétaire général de TM qu'une véritable aide fiscale.

L'exigence du casier judiciaire des dirigeants lors des déclarations de constitution ou de modification a été qualifiée, quant à elle, d'entrave à la liberté associative par les associations cibles. Seule l'OMDH semblait être au courant qu'un amendement de cette exigence et son remplacement par la fiche anthropométrique était déposé au Parlement.

Pour TM, l'obligation pour toute association de déclarer les fonds étrangers au SGG est une autre limite à la liberté d'association. TM insiste également sur le fait que l'organisation des associations en réseaux, dans le but de créer une synergie, ne figure pas dans le dahir de 1958 qui ne prévoit que l'organisation en fédérations ou en unions. Par conséquent, les réseaux d'associations de plus

en plus nombreux n'ont pas un cadre juridique.

L'AMESIP a l'originalité de revendiquer la reconnaissance par le gouvernement d'un statut de travailleurs sociaux pour ses bénévoles afin de leur permettre par exemple de bénéficier de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) et d'une assurance maladie.

Chapitre II. Conclusion et recommandations

L'étude de la bonne gouvernance

associative à travers ses fondements théoriques et l'analyse des données obtenues lors des entretiens avec les responsables des six associations de droits humains permettent de tirer des conclusions sur l'effectivité de la mise en œuvre des principes de bonne gouvernance dans ces associations. Des recommandations afin d’améliorer cette effectivité seront la conséquence des conclusions tirées.

Étant donné que cette étude est empirique, les conclusions tirées des entretiens et les recommandations feront fonction de conclusion générale.

1. Conclusion

En guise de conclusion, il est possible

d'affirmer que certains principes de bonne gouvernance sont respectés au sein des associations cibles. Ainsi, toutes ont des statuts et des règlements évolutifs. Cependant, malgré l'importance de la charte des valeurs dans la consolidation de la bonne gouvernance, seule la moitié des associations la possède.

La modification des statuts pose le problème de la confusion des organes ayant la latitude d'y procéder. Certaines associations (AMDH, AE, OMDH et AMESIP) oublient que c'est à l'AGE ou à un organe correspondant de le faire.

L’autre fait remarquable est la structuration de l'AMDH et, dans une moindre mesure, de

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l'OMDH sous forme de parti politique. Est-ce dû à une simple méconnaissance des règles des associations ou est-ce parce que ces règles sont étroites pour les associations qui ont des sections sur tout le territoire national ?

L'étude empirique entreprise a permis de déceler trois grandes entraves à la vie associative :

- Un cadre juridique dépassé par la grande dynamique associative actuelle. En effet, les associations sont devenues de véritables entreprises qui ne peuvent plus se contenter du simple travail des bénévoles mais sont obligées d'embaucher du personnel salarié. Elles gèrent souvent des projets structurant avec des bailleurs de fonds internationaux, ce qui nécessite de faire appel à des experts rémunérés. Le dahir de 1958 ne prévoit pas ces cas de figure. Sa révision est plus que nécessaire afin de l'adapter à l'évolution associative et d'en faire un cadre juridique imposant rigoureusement les principes de bonne gouvernance comme rempart contre toutes les dérives anti démocratiques.

- La deuxième entrave au développement de l'entreprise associative est le bénévolat. Le travail dans les associations cibles est en général basé sur le bénévolat malgré le fait que certaines, comme l'AMESIP, sont de véritables entreprises. Le bénévolat pose le problème de la disponibilité des dirigeants obligés de gagner leur vie ailleurs. Cette indisponibilité ralentit le travail associatif et le rend non efficient. Certaines associations essayent de trouver des solutions à ce problème à l'instar de l'AE qui a scindé l'organisation de son travail en deux équipes pour mener à bien son projet associatif ; celle de la stratégie composée des élus et celle managériale composée de salariés. Les autres associations se contentent de recruter du personnel salarié au gré des projets. Il y a lieu de s'interroger sur le sens du terme

« but non lucratif » qui préside à la naissance de toute association et de se demander s'il impose au travail associatif de ne se baser que sur le travail bénévole ? Est-il en totale contradiction avec toute rémunération des dirigeants ?

- La troisième entrave est la précarité des

ressources financières des associations qui les obligent à mettre toute leur énergie dans la recherche de fonds leur permettant de survivre. La recherche continuelle de financement peut se faire au détriment du but essentiel de l'association qui est la recherche du mieux-être général ou pour ce qui est des associations cibles, le développement humain durable.

2. Recommandations

Les recommandations proposées dans le

cadre de cette étude ont pour ambition de vouloir trouver des solutions aux entraves citées ci-dessus. Elles peuvent être déclinées comme suit :

- Réviser le dahir de 1958 dans l'objectif de permettre aux associations de jouer pleinement leur rôle d'entreprise du développement humain durable. Tout d'abord, il devrait imposer expressément le strict respect de tous les principes de la bonne gouvernance associative et non seulement les règles de la gestion comptable. Ensuite, il devrait veiller à instaurer les conditions claires pour la certification des associations performantes qui respectent la bonne gouvernance. Une pareille révision fera du dahir de 1958 l'accompagnateur d'un projet sociétal démocratique et moderniste dans lequel la reddition de comptes et l'obligation de résultats sont les principales règles.

- Adapter, sans le remettre en cause, le

concept du bénévolat à l'évolution des associations en introduisant la notion de

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la « juste rémunération » des acteurs associatifs autre que salariés64. Cette rémunération permettra aux acteurs, surtout les dirigeants, de se consacrer à leur projet associatif. Cette adaptation doit figurer expressément dans la future version du dahir. Elle pourra être une solution aux conflits d'intérêts que certains dirigeants associatifs entretiennent impunément. En attendant la révision de la loi, il serait judicieux de permettre aux associations, à l’instar des syndicats, de bénéficier de la mise à disposition de fonctionnaires.

- Accorder une aide financière pérenne aux

associations65 répondant aux critères de gouvernance et ayant donné des résultats concrets et positifs afin de les encourager à aller de l'avant dans leur projet associatif.

- Organiser des formations diverses et

soutenues pour renforcer les capacités des différents acteurs associatifs afin que chacun connaisse ses droits et ses obligations. Ces formations seraient un rempart contre les pratiques non démocratiques puisqu'elles donneraient les moyens, par exemple, aux membres d'un bureau de demander des comptes à leur président sans avoir l'impression de commettre un crime de lèse-majesté. Des formations aux règles associatives pourraient venir à bout de certaines confusions, comme celle relevée lors des entretiens : les acteurs seraient en mesure de savoir, par exemple, que les statuts ne sont modifiables que par une AGE.

64 S. Castro, N. Alix, L'entreprise associative : aspects juridiques de l'intervention économique des associations, Economica, 1990, p. 204, coll. Droit des affaires et de l'entreprise, Série : Études et recherches. 65 Voir Espace Associatif, Mémorandum pour un financement durable des associations par les pouvoirs publics et les collectivités locales, octobre 2003.

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