« les arrêts notables et la pensée juridique de la renaissance ». 2014

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Les arrêts notables et la pensée juridique de la Renaissance De Jacques Cujas, jugeant perniciosissimum le Recueil d’arrêts notables de Jean Papon 1 , aux historiens contemporains qui, à la suite de Christian Chêne, dénoncent cette science fort douteuse qu’est l’arrestographie 2 , c’est peu de dire que les recueils ayant réuni sous l’Ancien Régime des arrêts, en principe commentés, ont été décriés. Inutile d’en énumérer ici les raisons. Ce qu’il faut retenir de cette antienne critique, c’est qu’à l’évidence ces recueils répondent mal aux critères de fiabilité et de rigueur qu’a exigé progressivement, depuis la fin du XVI e siècle, la science juridique. Et que par ailleurs, encore aujourd’hui, ceux-ci restent en partie énigmatiques, déroutant par leur extrême diversité comme par leur ampleur. Dès lors, si très nombreux sont les contemporains qui, en quête de renseignements techniques sur l’état du droit ancien, font appel à eux, bien plus rares sont ceux qui se hasardent à les étudier en tant que tels 3 . Et il faut le regretter, à ce jour, aucune bibliographie de ces ouvrages n’existe. Leur recensement reste à faire tant au niveau local, à l’échelon de chaque cour souveraine, qu’au niveau national, et ce d’autant plus qu’à la partie émergée de cette production, correspondant aux recueils d’arrêts imprimés, répondent vraisemblablement nombre de manuscrits sommeillant encore au fond des dépôts d’archives 4 . Car le paradoxe en effet est bien là: malgré les critiques, depuis la fin du Moyen Âge, les décisions judiciaires exercent sur les juristes français une force d’attraction considérable. Et ce faisant, les volumes d’Arrêts notables et d’Arrêts mémorables deviennent une source d’inspiration et de réflexion majeure pour les jurisconsultes. Jacques Cujas en atteste du reste lui-même, qui utilise au moins à neuf reprises le recueil de Papon, ce qui est loin d’être négligeable au regard de l’importance qu’il accorde aux auteurs contemporains 5 . Or ces volumes non seulement incarnent un nouveau genre d’écriture juridique, mais aussi deviennent un mode d’expression privilégié de la pensée juridique moderne. Aussi, même s’il reste bien sûr permis de considérer qu’il s’agit là d’une littérature qui, caractéristique de la première modernité, relève de la «préhistoire des décisionnaires» 6 et non de l’âge classique de ceux-ci 7 , ils n’en faut pas moins considérer le fait que celle-ci se trouve au carrefour de plusieurs enjeux majeurs de la culture juridique. Du temps de Pétrarque jusqu’à celui de Descartes, son évolution constitue un excellent révélateur de l’évolution de la manière d’écrire et de penser le droit. Car force est de le constater, en s’émancipant progressivement des autres genres d’écriture juridique médiévaux, des recueils de notables comme des Questiones, la littérature des arrêts notables atteste de l’effort à l’œuvre en matière de mise en ordre et de codification du droit (I), accompagnant non seulement la mise en avant des «raisons du droit» et des maximes juridiques mais aussi une certaine forme de rationalisation du droit (II). I. Les arrêts notables, des recueils de notables à la mise en ordre du droit Apparemment, ce n’est qu’à la fin du Moyen Âge que la littérature des arrêts notables se développe avec l’œuvre composée aux alentours de 1382-1396 par Jean Le Coq (v. 1340-1399): les Questiones. Incipit: Sequuntur plura notabilia arresta que vidit et audivit pronunciari in curia 1 J. Cujas, Opera omnia, Paris, 1658, 3 e partie, col. 203; R. Martinage, «Jean Papon (1507-1590), le mal aimé?», dans Figures de justice. Études en l’honneur de Jean-Pierre Royer, Lille, Centre d’histoire judiciaire, 2005, p. 247-257. 2 C. Chène, «L’arrestographie, science fort douteuse», Mémoires et travaux de la Société d’histoire du droit et des institutions des anciens pays de droit écrit, Montpellier, 1985, p. 179-187; auquel répond récemment S. Dauchy, «L’arrestographie, science fort douteuse?», Sartoniana, 23 (2010), p. 87-99; id., «L’arrestographie, un genre littéraire?», Revue d’histoire des facultés de droit, 31 (2012), p. 41-53. 3 Voir notamment, outre les références précitées, la revue Droits. Revue française de théorie, de philosophie et de culture juridique, 38 (2003), dont G. Leyte, «‘‘Le droit commun de la France’’. Observation sur l’apport des arrêtistes», p. 53-67 et A. Lefebvre-Teillard, «Naissance du droit français: l’apport de la jurisprudence», p. 69-82; Les recueils d’arrêts et dictionnaires de jurisprudence (XVI e -XVIII e siècles), dir. S. Dauchy, V. Demars-Sion, Paris, La Mémoire du droit, 2005. 4 G. Cazals, L’arrestographie flamande, Lille, Centre d’histoire judiciaire, à paraître. 5 X. Prévost, Jacques Cujas (1522-1590). Le droit à l'épreuve de l’humanisme, thèse de droit, Paris I, soutenue le 7 septembre 2012. 6 G. Guyon, «Les décisionnaires bordelais, praticiens des deux droits (XV e -XVIII e siècles)», dans Les recueils d’arrêts, p. 125-126. 7 S. Dauchy, «L’arrestographie, science fort douteuse?», p. 96, pour qui le Journal du Palais et le Journal des audiences constituent le modèle de la période classique de l’arrestographie, dans la seconde moitié du XVII e siècle.

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Les arrêts notables et la pensée juridique de la Renaissance

De Jacques Cujas, jugeant perniciosissimum le Recueil d’arrêts notables de Jean Papon1, aux historiens contemporains qui, à la suite de Christian Chêne, dénoncent cette science fort douteuse qu’est l’arrestographie2, c’est peu de dire que les recueils ayant réuni sous l’Ancien Régime des arrêts, en principe commentés, ont été décriés. Inutile d’en énumérer ici les raisons. Ce qu’il faut retenir de cette antienne critique, c’est qu’à l’évidence ces recueils répondent mal aux critères de fiabilité et de rigueur qu’a exigé progressivement, depuis la fin du XVIe siècle, la science juridique. Et que par ailleurs, encore aujourd’hui, ceux-ci restent en partie énigmatiques, déroutant par leur extrême diversité comme par leur ampleur. Dès lors, si très nombreux sont les contemporains qui, en quête de renseignements techniques sur l’état du droit ancien, font appel à eux, bien plus rares sont ceux qui se hasardent à les étudier en tant que tels3. Et il faut le regretter, à ce jour, aucune bibliographie de ces ouvrages n’existe. Leur recensement reste à faire tant au niveau local, à l’échelon de chaque cour souveraine, qu’au niveau national, et ce d’autant plus qu’à la partie émergée de cette production, correspondant aux recueils d’arrêts imprimés, répondent vraisemblablement nombre de manuscrits sommeillant encore au fond des dépôts d’archives4. Car le paradoxe en effet est bien là: malgré les critiques, depuis la fin du Moyen Âge, les décisions judiciaires exercent sur les juristes français une force d’attraction considérable. Et ce faisant, les volumes d’Arrêts notables et d’Arrêts mémorables deviennent une source d’inspiration et de réflexion majeure pour les jurisconsultes. Jacques Cujas en atteste du reste lui-même, qui utilise au moins à neuf reprises le recueil de Papon, ce qui est loin d’être négligeable au regard de l’importance qu’il accorde aux auteurs contemporains5. Or ces volumes non seulement incarnent un nouveau genre d’écriture juridique, mais aussi deviennent un mode d’expression privilégié de la pensée juridique moderne. Aussi, même s’il reste bien sûr permis de considérer qu’il s’agit là d’une littérature qui, caractéristique de la première modernité, relève de la «préhistoire des décisionnaires»6 et non de l’âge classique de ceux-ci7, ils n’en faut pas moins considérer le fait que celle-ci se trouve au carrefour de plusieurs enjeux majeurs de la culture juridique. Du temps de Pétrarque jusqu’à celui de Descartes, son évolution constitue un excellent révélateur de l’évolution de la manière d’écrire et de penser le droit. Car force est de le constater, en s’émancipant progressivement des autres genres d’écriture juridique médiévaux, des recueils de notables comme des Questiones, la littérature des arrêts notables atteste de l’effort à l’œuvre en matière de mise en ordre et de codification du droit (I), accompagnant non seulement la mise en avant des «raisons du droit» et des maximes juridiques mais aussi une certaine forme de rationalisation du droit (II).

I. Les arrêts notables, des recueils de notables à la mise en ordre du droit

Apparemment, ce n’est qu’à la fin du Moyen Âge que la littérature des arrêts notables se

développe avec l’œuvre composée aux alentours de 1382-1396 par Jean Le Coq (v. 1340-1399): les Questiones. Incipit: Sequuntur plura notabilia arresta que vidit et audivit pronunciari in curia

1 J. Cujas, Opera omnia, Paris, 1658, 3e partie, col. 203; R. Martinage, «Jean Papon (1507-1590), le mal aimé?», dans Figures de justice. Études en l’honneur de Jean-Pierre Royer, Lille, Centre d’histoire judiciaire, 2005, p. 247-257. 2 C. Chène, «L’arrestographie, science fort douteuse», Mémoires et travaux de la Société d’histoire du droit et des institutions des anciens pays de droit écrit, Montpellier, 1985, p. 179-187; auquel répond récemment S. Dauchy, «L’arrestographie, science fort douteuse?», Sartoniana, 23 (2010), p. 87-99; id., «L’arrestographie, un genre littéraire?», Revue d’histoire des facultés de droit, 31 (2012), p. 41-53. 3 Voir notamment, outre les références précitées, la revue Droits. Revue française de théorie, de philosophie et de culture juridique, 38 (2003), dont G. Leyte, «‘‘Le droit commun de la France’’. Observation sur l’apport des arrêtistes», p. 53-67 et A. Lefebvre-Teillard, «Naissance du droit français: l’apport de la jurisprudence», p. 69-82; Les recueils d’arrêts et dictionnaires de jurisprudence (XVIe-XVIIIe siècles), dir. S. Dauchy, V. Demars-Sion, Paris, La Mémoire du droit, 2005. 4 G. Cazals, L’arrestographie flamande, Lille, Centre d’histoire judiciaire, à paraître. 5 X. Prévost, Jacques Cujas (1522-1590). Le droit à l'épreuve de l’humanisme, thèse de droit, Paris I, soutenue le 7 septembre 2012. 6 G. Guyon, «Les décisionnaires bordelais, praticiens des deux droits (XVe-XVIIIe siècles)», dans Les recueils d’arrêts, p. 125-126. 7 S. Dauchy, «L’arrestographie, science fort douteuse?», p. 96, pour qui le Journal du Palais et le Journal des audiences constituent le modèle de la période classique de l’arrestographie, dans la seconde moitié du XVIIe siècle.

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parlamenti et alibi8. L’œuvre fait aujourd’hui figure de pionnière, de première au sein d’une longue tradition juridique. Mais elle n’était pas issue de rien. Si Papon se trompe qui estime que l’on a commencé à collecter les arrêts vers 1310 en faisant du Stilus curiae parlamenti de Guillaume Du Breuil le premier recueil9, il ne paraît pas impossible de faire remonter bien en amont cette tradition. De fait, dès le début du XIIIe siècle, l’émancipation urbaine et l’essor pris par le pouvoir royal mettent l’accent sur les décisions rendues par les autorités judiciaires. Dès cette période ces décisions s’invitent dans les ouvrages composés par les praticiens du droit. Alors que la rédaction des coutumes de Toulouse ne paraît être que la mise par écrit de décisions rendues par le tribunal des capitouls10, Beaumanoir annonce dans le prologue de ses Coutumes de Clermont en Beauvaisis son intention de «confermer grant partie de cest livre par les jugemens qui ont esté fet» et cite dans le corps de l’ouvrage une bonne centaine de décisions11. Commencé à la fin du siècle, le Liber practicus de consuetudine Remensi contient lui aussi entre autres textes un certain nombre de sentences, de même que l’Ancien coutumier inédit de Picardie et l’Ancien coutumier de Champagne, où l’on trouve, entre les ordonnances des comtes et les règlements municipaux, pas moins de cinquante-neuf «notables» tirés de la jurisprudence du parlement de Paris, de tribunaux de bailliages ou des Grands jours de 127012. S’il paraît sans nul doute excessif de considérer que l’importance majeure prise dans ces œuvres par la jurisprudence peut suffire à faire d’elles ou de certaines d’entre elles des recueils d’arrêts13, selon des perspectives somme toute anachroniques, il semble donc tout aussi réducteur de ne les considérer que comme des «coutumiers». Croisant non seulement des problématiques juridiques variées mais aussi diverses sources du droit, c’est bien au carrefour de plusieurs genres d’écriture juridique qu’elles se trouvent. Sans répondre bien sûr parfaitement aux canons contemporains des uns et des autres. Il faut ainsi le constater, dans l’ancien droit, entre ce que l’on identifie aujourd’hui comme des recueils de notables, des coutumiers et des recueils d’arrêts, la frontière s’avère poreuse14. La chose n’y est pas étrangère: de la fin du Moyen Âge jusqu’à la Révolution française, la question de la preuve de la coutume en justice s’avère essentielle. Dans les pays de droit coutumier, la décision judiciaire est «l’un des moyens les plus sûrs de connaître la coutume qui n’a pas encore fait l’objet d’une rédaction officielle»15. Commenter la coutume se trouve dès lors très naturellement, et très intimement, lié au fait de collecter et d’analyser les décisions de justice.

Pour autant, en rapportant des cas jugés, le but des juristes médiévaux est «souvent moins d’établir une règle de principe (sauf sous une forme très brève) que d’en attester l’application par telle juridiction»16. Ainsi s’intéressent-ils moins au précédent lui-même qu’à la règle qui s’en dégage17, les sentences étant la plupart du temps rapportées sans date, lieu ou nom des parties, à l’exception peut-être de l’Ancien coutumier de Champagne où les citations sont comparativement plus précises18. Souvent, ne subsistent donc de la décision judiciaire que les règles dont il a été fait application, les «notables du droit»19, qui sont généralement recueillis sans ordre, à l’état informe de renseignements jetés rapidement, comme au hasard, sur un cahier20, parfois à la suite d’un manuscrit de style21. 8 M. Boulet-Sautel, Questiones Johannis Galli, Paris, De Boccard, 1944, p. XXI. 9 J. Papon, Recueil d’arrestz notables des courts souveraines de France, Lyon, J. de Tournes, 1559, prologue, p. 16. Connaissant le Stylus dans la version imprimée par Du Moulin, Papon y comprend en effet sans doute les arrêts identifiés dans ce volume par P. Arabeyre, «L’ombre portée du parlement de Paris sur le premier recueil d’arrêts toulousain (début du XVIe siècle)». 10 H. Gilles, Les coutumes de Toulouse (1286) et leur premier commentaire (1296), Toulouse, Recueil de l’Académie de législation, t. 94, 1969. 11 Ph. de Beaumanoir, Les coutumes de Beauvaisis, éd. Beugnot, Paris, J. Renouard, 1842, 1, «Prologue», p. 13. 12 Dictionnaire historique des juristes français, Paris, Presses universitaires de France, 2007 (désormais DHJF), p. 213-214 (J. Foviaux). 13 H. Pissard, Essai sur la connaissance de la preuve des coutumes, Paris, A. Rousseau, 1910, p. 93, n. 1. 14 Ainsi en est-il en Flandre, G. Cazals, L’arrestographie flamande, à paraître. 15 P. Godding, «L’origine et l’autorité des recueils de jurisprudence dans les Pays-Bas méridionaux (XIIIe-XVIIIe siècles)», dans Rapports belges au VIIIe Congrès international de droit comparé, Bruxelles, Centre interuniversitaire de droit comparé, 1970, p. 1-37; Id., La Jurisprudence, Turnhout, Brepols (Typologie des sources du Moyen âge occidental, 6), 1973, p. 29. 16 P. Godding, La jurisprudence, p. 30. 17 J. Hilaire, C. Bloch, «Connaissance des décisions de justice et origine de la jurisprudence», dans Judicial records, law reports, and the growth of case law, éd. J.-H. Baker, Berlin, Duncker und Humblot, 1989, p. 62-63. 18 DHJF, p. 213-214 (J. Foviaux). 19 P. Godding, La jurisprudence, p. 28 sq. 20 M. Boulet-Sautel, Questiones Johannis Galli, p. l. 21 J. Hilaire et C. Bloch, «Connaissance des décisions de justice», p. 62.

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À l’égard de cette manière de réunir et d’utiliser les décisions juridiques, le recueil constitué par Jean Le Coq (1340-1399) marque donc clairement une rupture, non seulement parce qu’il pourrait être le premier à collectionner les arrêts du Parlement mais aussi parce qu’il témoigne d’une évolution notable quant à la méthode de travail des juristes. Par certains aspects, certes, il tient encore en partie du recueil médiéval de notables. C’est un ensemble assez disparate de textes qu’il réunit: les uns correspondent au report de décisions de justice, les autres s’avèrent relatifs à des affaires traitées mais non finalement plaidées par l’avocat, d’autres enfin sont tirés d’ordonnances royales, de notables «dont l’origine imprécise rend l’autorité incertaine» ou de casus reproduisant probablement des hypothèses de la pratique mais auxquels il manque la solution donnée par les tribunaux. Pourtant, il est aussi en grande partie un journal d’audience, lequel suit pour l’essentiel chronologiquement les sessions parlementaires des années 1383-1384 et 1397-1398. Malgré l’hétérogénéité des décisions rapportées, une bonne partie de celles-ci provient du Parlement, ayant été retrouvée dans les registres de ce dernier22. Et, dans le traitement qu’il fait de ces arrêts, Le Coq non seulement note les faits en cause dans le litige, les noms des parties en présence et leurs prétentions, mais aussi la solution apportée par la Cour, précisant même le cas échéant la ratio decidendi23. C’est dire à quel point, déjà, l’œuvre répond à des préoccupations absentes des recueils médiévaux. Tout en restant comme eux extrêmement marquée par la subjectivité du collecteur des textes. Car non content de rapporter les décisions qui lui ont paru notables, Le Coq les discute et parfois les critique24. Au fond, les arrêts ne sont pour lui qu’une manière comme une autre de soulever des problèmes juridiques et de poser des questions, raison pour laquelle sans doute est donné à son recueil le titre de Questiones, qui le rattache très explicitement, comme le rappelait Marguerite Boulet-Sautel, à la tradition du même nom25. Bien que l’auteur soit de formation probablement savante, l’œuvre n’atteint pas, loin s’en faut, l’ampleur de questions qui pouvaient atteindre dans la scolastique médiévale des dizaines d’articles et des centaines d’objections. Dans la plupart des cas, c’est succinctement que les arrêts sont par lui traités. Mais en toute hypothèse, c’est son autorité doctrinale qui est mise en avant par son texte, non pas tant une solution tranchant une cause que l’argumentaire suscité par cette dernière, comme dans les questiones non decisae26.

Ce faisant, l’œuvre de Le Coq vient aussi répondre à des exigences plus concrètes. L’abstraction cède chez lui le pas à la pratique, les hypothèses d’école aux cas réels. Ses Questiones pouvaient donc servir à documenter27, notamment dans des plaidoiries, pour d’éventuelles citations en justice28. Il n’y a pas là hasard. Au XIVe siècle, la procédure judiciaire évolue. Si, jusque-là, les plaideurs n’avaient pas besoin d’alléguer la coutume puisque le juge la faisait jouer de lui-même, désormais, ils sont susceptibles d’avoir à fournir la preuve des règles qu’ils invoquent. En matière de coutume, comme la sentence devient un élément essentiel de la preuve, les trop abstraits recueils de notables ne suffisent plus. Ainsi la nécessité de la citation en justice amène-t-elle la transformation du recueil de notables en recueils d’arrêts29. Avec une utilité immédiate, tant pour l’auteur du recueil que pour ses lecteurs. Et avec d’importantes incidences sur l’évolution du droit, comme en atteste la fixation dans les rédactions ultérieures de la coutume de Paris de la jurisprudence du Parlement telle que diffusée par l’œuvre de Le Coq30.

22 M. Boulet-Sautel, Ibidem, p. XXII, XXXVIII. 23 Ibidem, p. XXVIII. 24 Ainsi lorsqu’il affirme, au sujet du duel Carrouges-Le Gris, que «nul n’a jamais su la vérité en cette affaire». E. Jager, Le dernier duel: Paris, 29 décembre 1386, Paris, Flammarion, 2010. 25 M. Boulet-Sautel, Ibidem, notamment p. XXI; B. Bazàn, G. Fransen, D. Jacquart, J. W. Wippel, Les questions disputées et les questions quodlibétiques dans les facultés de théologie, de droit et de médecine, Turnhout, Brepols, 1985, notamment G. Fransen, «Les questions disputées dans les facultés de droit», p. 223-277; M. Bassano, Dominum Domini mei dixit…, Enseignement du droit et construction d’une identité autour des juristes et de la science juridique. Le studium d’Orléans (c. 1230-c 1320), thèse, Université de Paris II, 2008, p. 152-155. 26 G. Fransen, Ibidem, p. 44-45. 27 M. Boulet-Sautel, Ibidem, p. XLVIII. 28 Et ce d’autant plus facilement que, depuis la fin du XIIIe siècle, le syllogisme est admis comme un raisonnement juridique valable. M. Bassano, «Du raisonnement par parallélisme au syllogisme juridique: le tournant des années 1260 dans l’École de droit d’Orléans», Droit et cultures, 2010, p. 73 sq. 29 M. Boulet-Sautel, ibidem, p. LVII-LX; aussi J. Hilaire et C. Bloch, «Connaissance des décisions de justice», p. 64-65. 30 J. Hilaire, C. Bloch, Ibidem, p. 67.

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Dès lors, les recueils d’arrêts se multiplient. Parfois donné à un recueil de décisions de la Rote romaine dû au canoniste Bernard Du Bousquet (1320-1371)31, le titre de Questiones tend alors à s’effacer derrière celui de Decisiones, choisi pour les Decisiones capellae tolosanae de l’official toulousain Jean Corsier (entre 1388 et 1404) reprises au début du XVIe siècle par Étienne Aufréri (v. 1458-1511)32, comme pour les Decisiones parlamenti Delphinalis de Gui Pape († 1477)33 ou pour les Decisiones burdegalenses de Nicolas Bohier (1469-1539)34. Mais, dans ces œuvres, l’ombre des questiones demeure, qui se retrouve dans la méthode d’exposition des arrêts, souvent intitulés «questiones» et divisés en de très nombreux points de droit, comme dans le choix des problèmes traités, puisqu’il n’est pas rare de trouver dans ces œuvres des questions tranchées uniquement à partir d’une dissertation savante sans qu’aucun arrêt ne soit cité, dans un mélange des genres qui fait aussi bien appel à de véritables décisions judiciaires qu’à des ordonnances royales ou à d’autres actes encore. Ces œuvres ainsi en témoignent: au début du XVIe siècle, l’émancipation d’un nouveau genre d’écriture juridique, proprement «arrestographique», s’avère bien incertaine.

Tirée d’un côté vers les recueils de notables ou les questiones, la littérature des arrêts notables l’est de l’autre vers les traités. La chose est à cet égard significative: Guillaume Benoît comme Charles de Grassaille regardent la collection d’arrêts réunie par Aufréri comme un tractatus arrestorum35, et lorsque Gilles Le Maistre (1499-1562) envisage la publication de ses Décisions notables, ce sont cinq traités distincts qu’il tire des notes manuscrites qu’il a jusqu’alors compilées36. Par ailleurs, des traités, ces œuvres ne recueillent pas alors seulement le titre, mais aussi à l’évidence une certaine manière de regarder le droit. Au moment même où se trouve remis à l’ordre du jour le projet cicéronien de jus in artem redigere, nombreuses sont en effet celles qui viennent illustrer la tendance contemporaine à la systématisation et à la codification du droit37. En 1553, en quête d’une mise en ordre rationnelle de la jurisprudence qu’il rapporte, l’avocat Jean Du Luc (XVIe siècle) choisit ainsi pour ses Placitorum summae apud Gallos curiae libri XII un exposé en douze livres38. Classiquement initié par un De re divina et aedibus sacris puis par l’évocation du pouvoir et de la juridiction de l’Église (livres 1-2), celui-ci se consacre à des questions d’ordre public (3-6) avant de s’intéresser au droit privé (7-10) et pour finir aux crimes (12). Si Jean Papon (1507-1590) préfère, pour ses célébrissimes Arrests notables, un ordonnancement en vingt-quatre titres, «le plus facilement, que possible ha esté, avec l’accordance d’aucuns, qui ressembloient estre contraires», le cheminement intellectuel qu’il suit est similaire39. Posant les bases d’un possible «comparatisme jurisprudentiel», ce dernier confronte en effet les décisions de plusieurs juridictions pour dégager des solutions communes à l’ensemble du royaume de France pour embrasser la plupart des grands problèmes du droit40. Sans doute masque-t-il ce faisant très arbitrairement, comme Du Luc, la diversité des jurisprudences du royaume, présentant la solution qu’il a élue comme une «loy certaine» quand bien d’autres eussent pu être alléguées. Sans doute échoue-t-il aussi à présenter l’ensemble des domaines juridiques que son plan énumère puisque, en réalité, les matières ne sont représentées dans son œuvre que parce tel thème se trouve illustré, plus ou moins parfaitement, par l’un de ces arrêts «notables, rares et singuliers, qui n’ont qu’un motif, 31 B. Du Bousquet, Decisiones Rotae romanae, Rome, G. Laur, 1475. 32 J. Corsier, É. Aufréri, Decisiones capelle sedis archiepiscopalis Tholose, Lyon, J. Sacon, 1503. 33 G. Pape, Decisiones parlamenti Delphinalis, Grenoble, E. Forest, 1490. 34 N. Bohier, Decisionum aurearum in sacro Burdegalens. senatu, Lyon, J. -F. de Gabiano, 1559; G. D. Guyon, «Un arrêtiste bordelais: Nicolas Boerius (1469-1539)», Annales de la faculté de droit, des sciences sociales et politiques et de la faculté des sciences économiques. Université de Bordeaux, 1 (1976), p. 2-44. 35 Voir dans ce volume la contribution de Patrick Arabeyre. 36 G. Le Maistre, Décisions notables, Paris, J. Kerver, 1566; A. Rousselet-Pimont, «Normes et ordres juridiques dans les Décisions notables de Gilles Le Maistre», dans Normes et normativité. Études d’histoire du droit rassemblées en l’honneur d’A. Rigaudière, éd. C. Leveleux-Teixeira, A. Rousselet-Pimont, P. Bonin et F. Garnier, Paris, Économica, 2009, p. 189-211; dans ce volume l’article de J.-L. Thireau. 37 Sur le jus in artem redigere, voir notamment les travaux de J.-L. Thireau, dont «L’enseignement du droit et ses méthodes au XVIe siècle», dans Organisation générale des études et méthodes d’enseignement du droit au Moyen Âge. Annales d’histoire des facultés de droit et de la science juridique, 2 (1985), p. 27-36 ; «Cicéron et le droit naturel au XVIe siècle», Revue d’histoire des facultés de droit, 4 (1987), p. 55-85. 38 J. Du Luc, Placitorum summae apud Gallos Curiae Libri XII, Paris, C. Stephane, 1553. Dans les pièces liminaires il est question de «placitorum commentarios». 39 Le recueil s’ouvre sur les «choses divines» et le droit canonique (livres 1-3), se prolonge par les questions d’ordre public (4-9) puis de droit privé (10-21) avant de s’achever sur le droit pénal (22-24). J. Papon, Recueil d’arrestz notables des courts souveraines de France, ordonnez par tiltres en vingt-quatre livres, Lyon, J. de Tournes, 1556. 40 G. Leyte, «“Le droit commun de la France”».

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occulte, et mal aisé à prendre» qu’il a jugé bon de collationner. Il n’empêche que, sur la base des travaux effectués par ses prédécesseurs Le Coq, Aufréri ou Pape, chez qui il puise une grande part de la matière qu’il compile, et grâce à la méthode trouvée chez Du Luc, il fournit un effort louable pour rassembler dans un ensemble cohérent la jurisprudence nationale des arrêts notables. S’il ne s’agit pas là d’une codification qui répond aux critères actuels du genre, lesquels réduisent d’ailleurs trop souvent celle-ci à la réunion ordonnée de normes législatives revêtues de la sanction de l’autorité souveraine, il y a là sans conteste une entreprise dont il ne faut pas sous-estimer le rôle dans l’histoire de la codification moderne41. L’a-t-on du reste oublié? Papon, qui représente sa région aux États d’Orléans en 1560, de Montbrison en 1574 et 1585, n’est pas étranger à ces élites qui prennent l’initiative de réclamer au roi la compilation des ordonnances royales «nécessaires» et appeler de leurs vœux un embryon de codification du droit français42. Trop souvent oubliée par les historiens contemporains qui se penchent sur ses Arrests notables, cette perspective s’avère donc essentielle pour comprendre le sens de son travail. Celle-ci pouvait d’ailleurs justifier que, plus encore que ses prédécesseurs, il ait pu juger inutile de mentionner la date des arrêts ou le nom des parties en cause puisque c’est extraites des circonstances propres à chaque cas d’espèce que les règles de droit qu’il avait réunies pouvaient paraître d’application plus générale et servir au mieux ses desseins. Quoi qu’il en soit, et quelles que soient les imperfections de son travail, force est de constater que celui-ci trouva jusqu’à la Révolution française un public tout acquis, demandeur et redemandeur d’un recueil qui ne connut pas moins de quarante éditions pour demeurer l’une des références majeures de la littérature des arrêts notables d’Ancien Régime.

Témoignage s’il en faut du fait que cette manière ordonnée d’envisager les arrêts notables parlait alors à un vaste public, au début du XVIIe siècle, plusieurs magistrats s’efforcent de mettre en ordre logique leurs propres recueils. Et ceux-ci deviennent dès leur parution, comme celui de Papon, de véritables succès de librairie, même lorsqu’ils sont consacrés comme le Codex d’Antoine Favre (1557-1624) à une jurisprudence particulière, en l’occurrence celle du sénat de Savoie43, ou même lorsqu’ils sont comme le Code des décisions forenses et des choses jugées de Pierre Des Brosses (fin du XVIe-début du XVIIe siècle) l’œuvre d’un modeste conseiller du roi, lieutenant général civil et criminel au bailliage de Gex44. Or les titres donnés à ces deux œuvres ne sauraient être anodins: ce que l’ordonnancement des arrêts vient ici servir, c’est la volonté affirmée de constituer de véritables codes de jurisprudence. Volonté dont participeront encore de manière plus ou moins directe, bien qu’en conservant des titres moins explicites, les Questions notables de Simon d’Olive (1584-1647)45, les Arrests de Jean Catellan (1617-1700)46, ou enfin ceux de Balthazar Debézieux (1655-1722) revus par l’avocat Sauveur Eirie’s, lequel avoue du reste avoir cherché à s’attacher «plus scrupuleusement» «à la méthode que l’Empereur Justinien a suivie dans la composition de son Code», pour inviter à voir son travail comme

un corps de jurisprudence, lequel, quoique restreint à la discussion de certains faits particuliers, forme cependant un assemblage de decisions sures et respectables, qui peuvent avoir trait à beaucoup d’autres matieres47.

Au temps de Descartes, l’engouement pour ces «codes de jurisprudence» paraît tel qu’au gré des rééditions de recueils d’arrêts antérieurs, des présentations ordonnées voient le jour, soit par le biais de 41 Voir à cet égard les remarques de J. Vanderlinden, Le concept de code en Europe occidentale du XIIIe au XIXe siècle. Essai de définition, Bruxelles, Éditions de l’Institut de sociologie, Université libre de Bruxelles, 1967; J. Gaudemet, «Code, collections et compilations», Droits, 24-1 (1996), p. 3-16; B. Oppetit, Essai sur la codification, Paris, Presses universitaires de France, 1998. 42 J.-L. Halpérin, L’impossible code civil, Paris, Presses universitaires de France, 1992, p. 38. 43 A. Favre, Codex fabrianus, Lyon, Cardon, 1606. 44 P. Des Brosses, Le Code des decisions forenses et des choses jugées, Coligny, J.-A. Sarrasin, 1612. 45 Simon d’Olive, Questions notables du droict, dans Les Œuvres, Toulouse, P. Bosc et A. Colomiès, 1638. Le souci de «composer un corps par le melange de diverses pieces» est attesté dans les Actions forenses du même auteur (Toulouse, P. Camusat, 1626, «Preface»). 46 J. de Catelan, Arrests remarquables du parlement de Toulouse, Toulouse, Caranove, 1705. 47 B. Debézieux, Arrêts notables de la cour du parlement de Provence, Paris, Le Mercier-Desaint-Saillant-Herissant, 1750, «Préface», p. VJ.

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nouvelles tables des matières, comme pour certaines rééditions du recueil de Sébastien Frain (1570-1642)48, soit dans le cadre d’un remaniement total du corps de l’œuvre, comme dans la réédition du recueil de Debézieux ou dans celle faite en 1692 par Nicolas Chorier (1612-1692) du recueil de Guy Pape, dans le but explicite ici encore «de faire de ce corps informe, un corps mieux ordonné, dans les cinq livres françois de sa jurisprudence»49.

Pour surprenante qu’elle puisse paraître dans le cadre de recueils d’arrêts50, l’adoption d’une présentation thématique est donc loin d’être anodine, qui entérine en la matière un effort de systématisation du droit que l’on retrouvera sous peu dans de nombreux autres ouvrages juridiques, dont les fameux Arrestez de Guillaume de Lamoignon51 ou Les lois civiles de Jean Domat52. Ainsi la littérature des arrêts notables contribue-t-elle, à partir de la Renaissance, au lent effort de codification du droit à l’œuvre sous l’Ancien Régime. Et ce faisant, elle s’efforce de trouver une manière de mieux servir ses objectifs: se démarquant en partie des longs commentaires érudits chers à la littérature juridique médiévale, elle tend progressivement à dégager de la pratique des règles fondamentales du droit français, des articles et maximes susceptibles d’ériger le droit en véritable science, selon les désirs de certains jurisconsultes modernes.

II. Les arrêts notables, des Questiones aux maximes juridiques

Au-delà des perspectives logiques visibles dans certains recueils d’arrêts, il faut reconnaître que

nombreux sont aussi ceux qui conservent après le XVIe siècle un certain désordre. De fait, le goût du commentaire et de l’annotation, le désir de conter, qui se surajoute parfois à celui d’informer, favorisent alors la constitution de recueils polymorphes, démesurément grossis par le nombre des décisions comme par les ajouts personnels53. À la faveur des rééditions des recueils médiévaux, ces derniers en effet se multiplient, dans le corps du texte comme sous forme d’annotations diverses, marginales ou infrapaginales. La matière recueillie se complexifie. Suivant la tradition scolastique, il n’est pas rare que la relation des arrêts notables continue de suivre une structure proche de celle des questiones médiévales, dans le cadre d’une discussion savante ordonnée autour du casus exponitur, des rationes, oppositiones et des éventuelles solutiones. Mais il n’est pas rare non plus que la matière recueillie déborde très largement de ce cadre. Commentés par d’illustres maîtres, certains arrêts notables donnent en effet lieu à des ampliations extraordinaires, voire à des publications à part. L’exemple le plus connu en est l’arrêt prononcé au parlement de Toulouse le 12 septembre 1560 dans l’affaire Martin Guerre54, lequel suggère à Jean de Coras (1512-1572) une centaine d’annotations55 avant de faire l’objet d’autres publications56. Or cet exemple n’est pas isolé. L’Arrest memorable de la cour de parlement de Doel, donné à l’encontre de Gilles Garnier, Lyonnois, pour avoir en forme de loup garou devoré plusieurs enfans57, l’Histoire prodigieuse d’une jeune damoiselle de Dole, en la Franche Conté, laquelle fit manger le foye de son enfant à un jeune gentilhomme qui avoit violé sa pudicité sous ombre d’un mariage pretendu58 ou l’Histoire tragique et arrêt de la Toulousaine 48 S. Frain, Arrest du parlement de Bretagne, 3e éd. par P. Hévin, t. 2, Rennes, P. Garnier, 1684. 49 Alors que l’édition de 1573 n’avait pas même de table des arrêts, seulement un très copieux index des matières. N. Chorier, La jurisprudence du célèbre conseiller et jurisconsulte Guy Pape dans ses Décisions, Lyon, J. Certe, 1692. 50 Marguerite Boulet-Sautel par exemple estime qu’un classement méthodique est «plus convenable à un commentaire théorique qu’à un recueil de jurisprudence», Questiones Johannis Galli, p. cxxxvi. 51 G. de Lamoignon, Arrestez, [s. l.], [s. n.], 1702-1703, «Préface»; J.-L. Thireau, «Les arrêtés de Guillaume de Lamoignon (1617-1677): une œuvre de codification du droit français?», Droits, 39 (2004), p. 53-68, notamment p. 65. 52 J. Domat, Lois civiles dans leur ordre naturel, Paris, J.-B. Coignard, 1689. 53 Un exemple pour le parlement de Grenoble: alors que le recueil de Guy Pape comptait 632 décisions, celui de François Marc († entre 1522 et 1523) en recueille 2337. F. Marc, Nove decisiones supreme curie Parlamenti Delphinalis, Grenoble, A. Amabert, 1531-1532. 54 Sur laquelle voir récemment Martin Guerre, retour sur une histoire célèbre. Annales du Midi, 120-264 (octobre-décembre 2008). 55 J. de Coras, Arrest mémorable du parlement de Toloze, Lyon, A. Vincent, 1561. 56 Histoire admirable d’un faux et supposé mary, advenue en Languedoc, l’an mil cinq cens soixante, Paris, pour V. Sertenas, 1561 (attribué tantôt à Jean de Coras tantôt à Martin Guerpe ou Guillaume Le Sueur); Admiranda historia de pseudimartino, Lyon, J. de Tournes, 1561. 57 Lyon-Sens-Paris, 1574; H. Campangne, «Arrest memorable contre Gilles Garnier, pour avoir en forme de loup-garou dévoré plusieurs enfants et commis autres crimes: métamorphose et commentaire dans une lettre de Daniel d’Auge», Nouvelle revue du XVIe siècle, 15 (1997-2), p. 343-357. 58 Troyes, N. Dureau, 1608.

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Violante de Bats commentée par le conseiller Guillaume de Ségla59 sont autant d’occasions d’explorer des problèmes juridiques et de donner une ampleur nouvelle à l’éclat des supplices60, en soulevant au besoin le voile du secret pesant sur la procédure, que de faire la narration de récits prodigieux et de répondre au goût des lecteurs pour les histoires tragiques et les «canards sanglants»61.

Suivant cette évolution, d’importantes amplifications se retrouvent au cœur des recueils d’arrêts. En atteste en premier lieu le volume constitué par Coras autour de son Arrest memorable mais aussi diverses œuvres de la fin du XVIe siècle dans lesquelles il n’est pas rare de voir le commentaire d’une seule décision occuper plusieurs dizaines de pages. Tel est le cas par exemple des Quaestiones notissimae de Jean-Étienne Duranti (1534-1589)62, des Rerum judicatarum d’Anne Robert († 1619)63, ou des Arrests notables de Guillaume de Lesrat (1545-1586)64. La relation des arrêts notables s’en trouve naturellement bouleversée. Bien mal en peine se trouve évidemment celui qui recherche là les sentences telles que prononcées au Parlement. Comment s’en étonner? C’est à un travail d’écriture soigné, du reste parfaitement assumé, que celles-ci donnent alors lieu. Pour la nouvelle génération d’auteurs qui exerce là ses talents, c’est d’ailleurs aux attentes d’un lectorat particulièrement exigeant qu’il s’agit de répondre, comme Lesrat l’explique sans fards:

c’est chose certaine, que beaucoup de harangues, et actions publiques sont bien souvent fort agreables, quand on les oit prononcer, lesquelles, quand vient à les lire à loisir, ne plaisent tellement, et n’ont de beaucoup tant de grace65.

C’est donc sans aucuns scrupules qu’il s’autorise à inclure dans son recueil un arrêt qu’il n’a pas réellement prononcé mais qu’il a «dressé» comme il l’eut voulu prononcer,

59 Lille-Paris, 1613; J. Poumarède, «De l’Arrêt mémorable de Coras (1561) à l’Histoire tragique (1613) de Ségla. L’invention de la chronique criminelle», Annales du Midi, 120/264 (oct.-déc. 2008), p. 503-534. 60 Notamment en matière de sorcellerie mais pas seulement, Arrêt notable donné par la chambre ordonnée par le roi, au temps des vacations, contre grand nombre d’hérétiques et blasphémateurs du grand marché de Meaux, s. l. n. d.; Récit véritable de l’exécution du comte de Chalais, criminel de lèse-majesté, condamné par arrêt des commissaires députés de par le roi, d’avoir la tête tranchée au château de Nantes en Bretagne; sa prise, les causes de son emprisonnement, la suite des procédures, la teneur de l’arrêt, et ce qui s'est passé de plus mémorable à sa mort (19 août), Paris, A. Bacot, 1626; Histoire véritable et mémorable d’un habitant de la ville de Chaalons, qui a égorgé sept enfants; ensemble l’arrêt et exécution de mort qui s’en est ensuivie, Paris, [s. d.?], jouxte la copie imprimée à Châlons, 1637; Arrêt notable par lequel un particulier habitant paris (Gabriel de Sesne) a été condamné à faire amende honorable (1656) au profit d’une damoiselle sur la naissance d’un sien fils arrivé quatre ans après l’absence de son mary et sans avoir eu cognoissance d’aucun homme (1637); Arrests notables, rendus à l’audience de la grande tournelle, qui ont jugé qu’une femme condamnée pour adultere a estre renfermée dans un monastere le reste de ses jours, est bien fondée après la mort de son mari, à demander sa liberté pour en épouser un autre, Paris, G. Quinet, 1684. 61 Imprimés vendus «à l’occasion d’un fait divers d’actualité, ou relatant une histoire présentée comme telle», certains canards en effet, notamment les canards criminels, renvoient aux procès en incluant parfois certaines pièces de procédure. J.-P. Seguin, L’information en France avant le périodique. 517 canards imprimés entre 1529 et 1631, Paris, G.-P. Maisonneuve et Larose; Aubenas, Lienhart et Compagnie, 1964, p. 28-36, lequel donne en bibliographie divers titres qui relèvent des arrêts notables, tel l’Arrest notable donné contre Guillaume Pingré banqueroutier, portant deffences à toutes personnes de cacher ny receller aucuns banquerouttiers sur les peines portées par l’arrest, Paris, J. Millot, 1609 (n. 46 et 47); voir aussi J. Céard, La nature et les prodiges, Genève, Librairie Droz, 1977; V. Combe, Histoires tragiques et «canards sanglants»: genre et structure du récit bref épouvantable en France à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle, thèse, Université de Nice, 2011. Le succès de ces récits et de certains arrêts mémorables trouve aussi écho dans la presse, notamment dans le Mercure françois et dans la Gazette de Théophraste Renaudot, respectivement nés en 1611 et 1631. Il faut remarquer d’ailleurs que le mot «information» garde encore à l’époque le sens juridique d’enquête de vie et de mœurs avec déposition des témoins pendant l’instruction des procès. G. Feyel, L’annonce et la nouvelle. La presse d’information en France sous l’Ancien Régime (1630-1788), Oxford, Voltaire Foundation, 2000. 62 J.-É. Duranti, Quaestiones notatissimae, Lyon, P. Drobet et J. Huguetan, 1634. 63 A. Robert, Rerum judicatarum libri IV, Paris, J. Mettayer et P. Lhuillier, 1596; Quatre livres des arrests et choses jugées, éd. G. Michel de La Rochemaillet, Paris, J. Cottereau, 1611; M. Houllemare, «Un avocat parisien entre art oratoire et promotion de soi (fin XVIe siècle)», Revue historique, 630 (avril 2004), p. 283-302. 64 G. de Lesrat, Arrests notables, donnez en la court de parlement de Bretagne, et prononcez en robbe rouge, Paris, N. Chesneau, 1581. 65 Ibidem, fol. [a IIJ v.].

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prenant plaisir à traicter bien au long les questions qui y sont decidées, et à rechercher les principales raisons qui se pouvoient alleguer pour chacune des parties, et pour la confirmation de ce qui a esté jugé66.

Un même goût pour le raisonnement et le verbe se retrouve dans les Arrests sur quelques questions notables recueillis par Guillaume Du Vair (1556-1621), l’auteur d’un célèbre De l’Eloquence françoise 67, dans ceux réunis par André de Nesmond (1553-1616)68, ou Antoine de Lestang (1541-1617)69. Sans être aujourd’hui toujours très bien compris, comme dans l’œuvre de ce dernier, dont les 763 pages, dédiées à onze décisions, sont jugées d’autant plus pédantes que l’auteur s’y fait le promoteur d’une étrange réforme de l’orthographe70. Pourtant, si ces œuvres aujourd’hui déroutent, il ne faut pas s’y tromper: ce qu’elles expriment, au fond, c’est tout l’amour que portent les juristes du temps à la littérature, la volonté qui est la leur de faire non seulement œuvre juridique mais aussi œuvre littéraire, comme en témoigne bien souvent le paratexte de ces volumes, qui révèle l’insertion des auteurs au sein de cénacles où se cultivent les muses. Aussi, même s’il ne faut pas non plus être dupe du fait que cet étalage d’érudition n’est pas toujours désintéressé, et qu’il participe d’une entreprise de promotion personnelle chère aux avocats comme aux magistrats71, il ne faut pas l’ignorer : ce que ces œuvres véhiculent, de manière essentielle, c’est une vision du droit qui, suivant les ambitions de l’humanisme, ne saurait être réduit à une technique mais au contraire est regardé comme embrassant l’ensemble du spectre des connaissances humaines. Aussi est-ce en définitive par ce que certains considèrent aujourd’hui comme leurs pires travers que ces recueils incarnent le mieux, peut-être, des ambitions intellectuelles portées haut par la Renaissance française.

Illustrant cet idéal du jurisconsultus perfectus encore vivace à la charnière des XVIe et XVIIe siècles, la littérature des arrêts notables est alors, plus que jamais, l’expression d’une culture et d’une pensée propre à chaque arrestographe. S’interroge-t-on aujourd’hui sur l’authenticité des textes qu’elle produit? Pour Julien Pillieu († 1625), les choses sont alors très claires: celle-ci réside non seulement dans le fait d’avoir pu, certes, assister à la cause et en faire un report fidèle mais aussi dans le simple fait d’en avoir le cas échéant plus tard, en son étude, médité les enseignements pour en signer le commentaire:

il y a une autre sorte d’imposteurs qui vont disans par les compagnies, que les causes traictees en mon livre ne sont pas veritables ny fidelement rapportees, qui est une meschante et malheureuse calomnie, et la plus effrontee qu’il est possible d’imaginer, pour ce qu’il n’y a une seule question que je n’aye plaidee ou traictee par escrit, comme advocat de l’une des parties, ou que je n’aye ouy playder de part et d’autre, et soigneusement remarquee, puis disputee en mon estude, ou de laquelle je n’aye veu exactement toutes les pieces, et s’il y a homme qui puisse monstrer du contraire, je confesseray que j’auray tort72.

Sans réponse aux exigences de ceux qui, comme Cujas, paraissent chercher avant tout dans les recueils des réponses utiles à la pratique, des noms et des dates correspondant à des jugements réels, Pillieu défend ici, avant toute chose, le droit pour l’arrestographe de s’emparer d’une cause pour en approfondir les questions par lui jugées essentielles, en son «estude», en bénéficiant d’un temps d’analyse et de réflexion impossible au prétoire. Avec la légitimité de sa démarche, ce qu’il revendique, c’est le droit de n’être pas réduit aux fonctions d’un greffier. Il convient dès lors d’en prendre acte: y a-t-il dans son œuvre ou dans celles de ses contemporains des digressions personnelles,

66 Ibidem, fol. [e IJ v.]. 67 G. Du Vair, Arrests sur quelques questions notables prononcez en robbe rouge au parlement de Provence, Paris, A. L’Angelier, 1606. 68 A. de Nesmond, Remonstrances, ouvertures de palais et arrestz prononcés en robes rouges, Poitiers, A. Mesnier, 1617. 69 A. de Lestang, Arrêts de la cour de parlement de Toulouse, prononcés an robe rouge, Toulouse, Veuve J. Colomiès et R. Colomiès, 1612. La table des notables du premier arrêt atteint cinq pages. 70 DHJF, p. 502 (J. Poumarède); A. de Lestang, De l’ortografe de la langue franceze, Paris, G. Marette, 1613. 71 M. Houllemare, «Un avocat parisien entre art oratoire et promotion de soi», p. 301. 72 Cité par G. Leyte, «Des arrêts aux arrêtistes: généalogie de quelques arrêts de principe du parlement de Paris», dans Le parlement de Paris au fil de ses archives. Histoire et Archives, 12 (juillet-décembre 2002), p. 129.

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des références incertaines, voire, comme dans les Dicaearchiae de Raoul Spifame (1500-1563)73, des arrêts fictifs? À tout prendre, il n’y a là que la continuité d’une ancienne tradition juridique dans laquelle l’apprentissage du droit et de la rhétorique juridique se noue autour d’un cas qui peut tout aussi légitimement être réel que fictif74. La continuité d’une tradition qui fait de la réflexion juridique une pensée globale, laquelle refuse d’être réduite à l’exposé de la pratique ou des normes applicables pour laisser libre cours à une culture et à une éloquence jugées intimement liées à l’exercice des fonctions juridiques. C’est la raison pour laquelle du reste à cette époque, des arrêts notables aux plaidoyers il n’y a qu’un pas, allègrement franchi non seulement par Pillieu75 mais aussi par Louis Servin (1566-1626) 76 , Cardin Le Bret (1558-1655) 77 , Jacques Corbin (1580-1653) 78 , Louis Le Caron (1536-1614)79 et bien d’autres encore.

Authentiques plaidoyers en faveur de la culture juridique humaniste et en faveur de l’autorité doctrinale des juristes, ces œuvres participent de ce fait tout autant de l’illustration de la science du droit que de celle de la langue française. Reflétant la volonté affirmée de «donner à nostre jurisprudence un vestement françois» selon la formule employée par Corbin80, leur composition se fait encore, comme au Moyen Âge, à l’ombre des coutumes qu’il est désormais question de réformer. Noël Du Fail (1520-1591) en atteste pour la Bretagne81 comme Job Bonnot dit Bouvot (1558-1636) pour la Bourgogne82 ou Gaspard Thaumas de La Thaumassière (1631-1712) pour le Berry83. En faisant écho aux préoccupations majeures que constituent à l’heure de cette réformation la simplification du droit et la sécurité juridique. Dès lors une importante mutation des perspectives les guidant s’opère: désormais en effet, pour les auteurs de recueils, il s’agit avant tout non plus tant de poser des questions que de trouver des solutions certaines. Des cent-quarante-sept arrêts qu’il a retenus, Corbin choisit de ne conserver que «le suc et l’âme», les «rétrécissant en un corps tout de nerfs et plein de force, comme le lyon»84.

Certes, au début du XVIIe siècle, l’heure est encore celle d’imposants recueils, aussi riches d’arrêts que de commentaires. Sont à cet égard révélatrices les Notables et singulières questions de Géraud de Maynard (1537-1607)85, parfois qualifiées de «Pandectes de la jurisprudence du parlement de Toulouse pour la seconde moitié du seizième siècle»86. Si l’auteur en effet se fait fort de différencier «les disputes particulieres faictes à l’ombre des escholes» et «les resolutions des affaires signalez et publiques qui se font dans un palais aux rayons du soleil de justice», jugeant que «ce n’est que confusion des disputes et altercations scholastiques, jusques à ce que la practique survient, qui resoult les nuages, et les esclaircit»87, c’est avec un plaisir manifeste que non seulement il analyse avec soin les questions qu’il a élues, mais aussi qu’il laisse libre cours à des digressions de tout ordre, littéraire, philosophique ou moral, sacrifiant aux traditions dont il dénonce les excès sans savoir se

73 R. Spifame, Dicaearchiae Henrici regis christianissimi progymnasmata, s. l., 1556. 74 G. Fransen, «Les questions disputées», p. 231, 233. 75 J. Pillieu, Les actions forenses singulieres et remarquables, Paris, N. Buon, 1603. 76 L. Servin, Actions notables et plaidoyez, Paris, J. de Heuqueville, 1603-1613. 77 C. Le Bret, Recueil d’aucuns plaidoyez faicts en la Cour des aides [...] et les arrests intervenus sur iceux, Paris, J. Houzé, 1597. 78 J. Corbin, Plaidoyez. Ensemble les arrests intervenus sur iceux: et autres prononcez en robbes rouges, et autrement dignes et remarquables à la posterité, Paris, J. Millot, 1610. 79 Sur l’œuvre de L. Le Caron, voir dans ce volume les contributions d’A. Rousselet-Pimont et S. Geonget, ainsi que de ce dernier la thèse d’habilitation à diriger des recherches, en cours. 80 J. Corbin, Plaidoyez. Ensemble les arrests intervenus sur iceux: et autres prononcez en robbes rouges, et autrement dignes et remarquables à la posterité, Paris, J. Millot, 1610. 81 N. Du Fail, Memoires recueillis et extraicts des plus notables et solenels arrests du parlement de Bretagne, Rennes, J. Du Clos, 1579, «Préface». Voir dans ce volume les contributions de Xavier Godin et Bruno Méniel. 82 J. Bonnot, Nouveau recueil des arrests de Bourgongne, I, Genève, P. et J. Chouet, 1623; II, Genève, J. Stoer, 1628. 83 À commencer par ses Questions et responses sur les coustumes de Berry, avec les arrests et jugemens rendus en interpretation d’icelles, Paris, Osmont, 1642. 84 J. Corbin, Plaidoyez, «Au lecteur», n. p. 85 G. de Maynard, Notables et singulieres questions du droit escrit, decises ou préjugees par arrests memorables de la cour souveraine du parlement de Tholose, conferees aux jugemens et arrests intervenus sur mesmes subjects, Paris, Fouet, 1603-1618. 86 R. Bénech, «Notice historique sur Géraud de Maynard, conseiller au parlement de Toulouse», Mémoires de l’Académie des sciences, inscriptions et belles lettres de Toulouse, 3e s., 6 (1850); rééd. dans Mélanges de droit et d’histoire, Paris, Cotillon, 1857, p. 339 et 328. L’œuvre comporte huit cents questions ou chapitres répartis en huit livres. 87 G. de Maynard, Notables et singulieres questions du droit escrit, I, 71.

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contenter, loin s’en faut, d’aller droit aux résolutions qu’il prétend mettre en avant. Il est en cela loin d’être isolé. Et pour cause: alors que le rattachement de la littérature des arrêts notables aux Questions reste explicite chez de très nombreux auteurs, c’est une manière assez scolastique d’exposer les arrêts qui se maintient. Le phénomène est particulièrement visible en pays dit de droit écrit, à Toulouse notamment, où la majeure partie de la production arrestographique d’Ancien Régime conserve, en tout ou partie, le titre de Questions88. Mais c’est aussi le cas dans le reste du royaume. La terminologie utilisée par les auteurs est à cet égard éloquente. Il est aisé de le constater via les œuvres déjà citées de Pillieu, Du Vair, Bonnot, Thaumas de La Taumassière, comme par celles de Chenu (1559-1627)89, Rochette 90 , Bouguier († 1639) 91 , Belordeau (XVIe-XVIIe siècle) 92 , Salviat (XVIIe siècle) 93 , Bouchel (1559-1629) 94 , Le Bret (1558-1655) 95 , Tournet († avant 1631) 96 , Henrys (1593-1662) 97 , Fremyn (XVIIIe siècle) 98 , Le Prestre (XVIe-XVIIe siècle) 99 , Dupérier (1588-1667) 100 , Soefve († 1695)101, et même dans celles plus tardives d’Augeart (1673-1751) 102, Pollet (1645- vers 1714)103 ou Bretonnier (1656-1727)104. Mais, insensiblement, une différenciation s’opère entre arrêts et questions. Ici encore, les titres des œuvres sont révélateurs: des Questions purement et simplement identifiées à des arrêts on passe à des Recueils d’arrêts sur des questions notables, à des Questions décidées ou confirmées par arrêts, enfin à des Arrêts décisifs ou à des Décisions de plusieurs notables questions. Alors que, dans un autre registre juridique, apparaissent des Questions et réponses et même seulement des Réponses105, il semble que nombreux soient désormais ceux qui anticipent le vœu de Germain-Antoine Guyot et souhaitent en venir avant tout à la décision des questions pour «faciliter la sortie de ce labyrinthe féodal»106.

Mais, dans la scolastique médiévale, la sentence était l’aboutissement de la lectio. C’est seulement après l’étude de la lettre et l’analyse du sens que l’on pouvait en venir à une véritable intelligence du texte107; et c’est seulement au terme d’un raisonnement approfondi que la solutio venait 88 J. de Coras, Résolutions de droict, contenans cent questions notables de matières bénéficiales, civiles et criminelles, éd. J. Baron, Paris, J. Houzé, 1610 (différent du titre latin: Memorabilium senatus consultorum summae apud Tolosates, Lyon, Vincent, 1599); J.-É. Duranti, Quaestiones notatissimae in utroque jure decisae, Lyon, P. Charlot, 1624; S. d’Olive, Questions notables de droit, dans Les Œuvres, t. 1, Toulouse, P. Bosc et A. Colomiès, 1638; J. de Cambolas, Décisions notables sur diverses questions du droit, jugées par plusieurs arrests de la cour de parlement de Tolose, Toulouse, J. Boude, 1659; J.-A. Soulages, Observations sur les questions notables du droit, Toulouse, J. Robert, 1784. 89 J. Chenu, Cent Notables et singulières questions de droict, décidees par arrests memorables des cours souveraines de France, Paris, R. Foüet, G. Chaudière, 1603. 90 J. Rochette, Décisions de plusieurs questions et differens qui se présentent journellement tant ès cours ecclésiastiques que séculières, Paris, N. Rousset, 1610. 91 J. Bouguier, Arrests de la cour decisifs de diverses questions tant de droict que de coustumes prononces en robbes rouges, Paris, C. Cramoisy, 1622. 92 P. Belordeau, Épitomé ou abregé des observations forenses où sont contenues diverses questions tirées du droict civil, des ordonnances et des coustumes, et confirmées par arrest du parlement de Bretagne, Paris, N. Buon, 1617. 93 M. de Salviat, La jurisprudence du parlement de Bordeaux, avec un recueil de questions importantes, agitées en cette cour, et les arrêts qui les ont décidées, Limoges, 1624 selon le DHJF, p. 699 (C. Saphore). 94 L. Bouchel, J. Joly, Recueil d’arrests notables et decisifs de plusieurs questions qui se sont presentées en la cour de Parlement, & cour des aydes de Paris, Paris, G. Loyson, 1629. 95 C. Le Bret, Décisions de plusieurs questions notables, Paris, T. Du Bray, 1630. 96 J. Tournet, Arrests notables donnez dans les conseils du roy et par les cours souveraines de France sur toutes sortes de questions en matières bénéficiales et causes ecclésiastiques, recueillis et mis en ordre alphabétique, Paris, P. Billaine, 1631. 97 C. Henrys, Recueil d’arrest remarquables donnez en la cour de parlement de Paris, Paris, G. Alliot, 1638. 98 L. Frémyn, Décisions de plusieurs notables questions traitées en l’audience du parlement de Metz, séant à Toul; savoir sur les matières ecclésiastiques sur les mariages, et contracts, sur les testamens, Toul, 1644. 99 C. Le Prestre, Questions notables de droict, décidées par plusieurs arrests de la cour de Parlement et distribuées par centuries, Paris, G. Aliot, 1645. 100 S. Dupérier, Questions notables du droit, Grenoble, J. Nicolas, 1668. 101 L. Soefve, Nouveau recüeil de plusieurs questions notables, tant de droit que de coutumes, jugées par arrests d’audiance du parlement de Paris depuis 1640 jusques à present, divisé par centuries, Paris, C. de Sercy, 1682. 102 M. Augeard, Arrêts notables des différens tribunaux du royaume sur plusieurs questions importantes de droit civil, de coutume, de discipline ecclésiastique et de droit public, Paris, M. Guignard et C. Robustel, 1710-1718, 3 vol. 103 J. Pollet, Arrests du parlement de Flandre sur diverses questions de droit, de coutume et de pratique, Lille, Liévin Danel, 1716. 104 B.-J. Bretonnier, Recueil par ordre alphabétique des principales questions de droit qui se jugent diversement dans les différens tribunaux du royaume, avec des réflexions pour concilier la diversité de la jurisprudence, Paris, Émery, 1718. 105 Voir les œuvres de Coquille, Le Pain, Thaumas de La Thaumassière, Lange ou Beaufort. 106 DHJF, p. 394 (J. Krynen). 107 C. Bazàn, «Les questions disputées», p. 25.

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clore le cheminement intellectuel mis en branle par la questio108. En se focalisant sur la nécessité de trouver des réponses, les modernes s’émancipent de cette logique. Ici encore, il faut voir là sans doute en partie le fruit de l’effort de systématisation et de clarification conduit par l’humanisme juridique. Peut-être aussi le fruit de la volonté royale, si l’on en croit ceux qui affirment qu’en 1556, Henri II enjoint aux présidents des cours supérieures de faire un abrégé des décisions des arrêts qu’il veut faire imprimer et mettre en vente109. Quoi qu’il en soit, dès cette date, s’affirme le désir de mettre en avant les «principales raisons des decisions qui ont esté arrestées», comme l’indique Lesrat 110, la volonté de «reduire nostre prudence à ce poinct, que les loix de nos arrests, soient aussi breves, et succulentes, les paroles aussi riches et graves que celles de nos Digestes», comme le désire Corbin111. Au fond, il s’agit selon l’expression de Pillieu de rationaliser la science juridique pour dégager des «maximes generales et communes asseurees comme les Mathematiques»112. Avec une conséquence de poids: la modification en profondeur des méthodes jusque-là employées par les jurisconsultes en matière arrestographique. Déjà, l’auteur de la préface faite en 1654 à la nouvelle édition des arrêts de Du Fail augmentés par Sauvageau le remarque: certains arrêts étant plutôt «à remarquer qu’à commenter», c’est seulement sur les questions controversées qu’il convient de rapporter «comme une espece de conference d’opinions et prejugez»; lorsque l’arrêt, comme c’est souvent le cas, vient mettre un terme à une controverse et montrer le chemin à suivre pour l’avenir, il convient d’aller à l’essentiel113. Peu importent alors les circonstances particulières de la cause. Seule compte la sentence finale, la «maxime» qui en résume l’essence ainsi que les raisons de droit qui la fondent, souvent mises en exergue en guise de titre des décisions désormais rapportées114. Ce sont ainsi les maximes qui désormais sont prioritaires, se trouvant le cas échéant ici «appuyées des sentiments des plus celebres docteurs tant anciens que modernes», là «confirmées par les arrests»115, selon une idée également chère à Despeisses116.

Pour les magistrats, ces considérations impliquent dès lors une meilleure diffusion de la jurisprudence de la cour, soit la divulgation, auprès des membres du barreau, de ce qui doit être retenu de l’arrêt prononcé et de la maxime jugée117, soit la diffusion d’une rédaction sommaire des décisions dont ils pensent qu’elles permettront d’arrêter les débats pour faire cesser d’inutiles controverses (car «à des arrests donnez il ne faut plus de raisons, lesquelles servent seulement quand ils sont à donner»)118 . Les avocats manifestement se montrent séduits par cette logique119 . Délaissant la poursuite de ses Questions de droit, le Provençal Dupérier préfère finalement compiler pour son fils des Maximes que son éditeur compare aux receptae sententiae des anciens jurisconsultes120; Thaumas de la Thaumassière fait de même en délaissant ses Questions et responses sur les coustumes de Berry pour se consacrer à des Maximes du droit coustumier pour servir à l’explication et réformation de la nouvelle coutume de Berry121. Rapidement saisie par les éditeurs, cette évolution marque sans tarder la naissance de recueils d’arrêts abrégés. Dès 1627, le Codex d’Antoine Favre est publié sous cette

108 G. Fransen, «Les questions disputées», p. 233-234. 109 M. de Salviat, La jurisprudence du parlement de Bordeaux, éd. Paris, Buisson, 1787, «Préface», p. VIIJ. 110 G. de Lesrat, fol. [[a IIIJ] v.]. 111 J. Corbin, Plaidoyez, «Au lecteur», n. p. 112 J. Peleus, Questions illustres, Paris, N. Buon, 1606, «À monseigneur de Sillery», fol. [A ij]: «Les sages ont escrit, et l’experience nous apprend, qu’il n’y a point de science plus incertaine que la civile et politique, pour n’avoir pas ses maximes generales et communes asseurees comme les Mathematiques [...]». 113 N. Du Fail, Mémoires des plus notables et solemnels arrêts du parlement de Bretagne, Rennes, J. Vatar, 1654, «Aux lecteurs». 114 Un exemple chez Belordeau, Epitome: «Ignorence de fait excuse souvent, celle de droit rarement», p. 343; «meuble n’a point de suitte par hypotecque», p. 428; «Noblesse dort, pendant le trafic de bourse commune», p. 448; «L’obligation est la mere de l’action», p. 461; «Prescription ne court point, quand l’action dort», p. 505. 115 Ibidem. 116 A. Despeisses, Les Œuvres, Lyon, J.-A. Huguetan et M.-A. Ravaud, 1660. 117 J. de Montholon, Arrests de la cour prononcez en robbes rouges, Paris, C. Cramoisy, 1622, «Advis au lecteur», fol. [A ij v.]. 118 Ibidem, fol. [A iij v.]. 119 Ainsi Bonnot estime-t-il qu’«il est aussi necessaire aux advocats qui donnent conseil aux parties litigantes, de se reigler aux arrests quand c’est sur mesme faict, et circonstances: les arrests servants de loy et de vraye interpretation à la loy». J. Bonnot, Nouveau recueil, II, 1628, «Préface». 120 S. Dupérier, Œuvres, 1759, Avignon, H.-J. Joly, t. 1, «Préface», p. 12. 121 DHJF, p. 735-736 (J. Vendrand-Voyer).

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forme122, avant que ne soit fait le même sort à celui de Maynard, sous forme manuscrite tout d’abord puis sous forme imprimée ensuite123. Viendront ensuite, dans la seconde moitié du siècle, les fameuses Maximes du palais tirées des arrests de Monsieur Louet124 puis la Jurisprudence du palais réduite en maximes tirée de l’œuvre de Laurent Jovet125.

Déjà, la science juridique mise en avant par l’humanisme triomphant est dénoncée par Jean Bouguier, dans le recueil duquel, se vante-t-il:

Vous n’y verrez un ornement de belles parolles choisies, ny un assemblage de passage triez, mais les motifs et raisons des arrests nuement et simplement representees, lesquelle opposees à leurs contraires, font paroistre et reluire cette verité. Scachant bien que les arrests doivent participer de la nature des loix, que Platon dit en son livre quatriesme De legibus, user de mots imperatifs et non persuasifs comme les philosophes. Le juge aussi doit user d’un autre style qu’un orateur ou un advocat, non fucis, non lenociniis verborum, sed nuda rei veritate. Ce n’est pas que je veuille blasmer l’eloquence ni la rejetter du palais: elle sert pour fortifier le juste contre le faux, et faire prevaloir la verité par dessus le mensonge […]. L’eloquence a son usage pour fortifier la verité […] Mais quand cette verité est receue, et les arrests sont rendus, il les faut voir habillez de leur habit, de leurs raisons et motifs sans aucun deguisement […]. La verité […] representer nuement et sans fard, ornée de raisons et non de parolles126.

«Arrester et retenir l’incertitude des opinions», rechercher des lois immuables qui fondent les jugements et les éloignent de tout arbitraire contribuera à faire du droit une véritable science, illustrée par des arrêts et des décisions elles-mêmes «fondées sur les reigles du droict civil, avec leurs motifs et raisons couchées par escrit et mises en ordre»127. Pour Bouguier, il s’agit de faire connaître les arrêts avec certitude et de les rapporter de source sûre, avec les dates et les motifs authentiques128, pour faciliter le travail des lecteurs. Il s’agit de faire avant toute chose œuvre utile. Suivant une ancienne tradition juridique dont quelques recueils avaient déjà adopté la logique, il privilégie donc une présentation alphabétique des arrêts, dont La Roche-Flavin écrivait qu’elle était plus pratique «pour les treuver et s’en ayder plus commodement»129. Et il présente chaque arrêt comme illustratif d’une maxime juridique, sans hésiter à recourir à quelques adages bien connus comme «L’habit ne fait pas le Moine, mais la profession», ou «Donner et retenir ne vaut, par la pluspart des coustumes»130.

Ainsi brièvement rapportés, réduits à leur plus simple expression, les arrêts se montrent davantage sentencieux. Subrepticement, ils figurent comme un retour aux notables médiévaux, un effacement des commentaires que devait porter à son comble, sans tarder, l’essor de certains recueils de jurisprudence et journaux d’audiences.

Alors, que révèle la littérature des arrêts notables sur l’évolution de la pensée juridique à la Renaissance, du temps de Pétrarque jusque à celui de Descartes? Dans un premier temps, que celle-ci est l’expression d’une doctrine, laquelle accompagne l’affirmation de l’autorité scientifique du juriste.

122 A. Favre, Abrégé de la pratique judiciaire et civile, Genève, J. Chouët, 1627; rééd. 1650. 123 G. de Maynard, Abrégé du recueil des arrests notables de la cour de parlement de Tolose, Toulouse, A. Colomiès, 1657, 1666 et 1676 (certaines attribuées à Jean-Jacques Pelisson ou Pellisson). 124 Les maximes du Palais tirées des arrests de Monsieur Louet, Paris, C. Besongne, 1664, avec certaines formulations extrêmement brèves: «B», arrêt XIV: «C’est une maxime qu’une lesion enorme emporte un dol avec soy». 125 La jurisprudence du palais reduite en maximes. Tirées et compilées du droit et des arrests, des ordonnances et de la coustume de Paris par maistre Laurent Jovet […]. Avec une table metodique des differentes questions. Paris, C. de Sercy, 1676. 126 J. Bouguier, Arrests de la Cour, éd. Paris, P. David, 1634, «Préface». 127 Ibidem. 128 Comme pour Jean Rochette ou Barnabé Le Vest dont le fils assure que les arrêts ont été «tirez et extraits fidellement et judicieusement des registres de la cour et que pour la plus grande part ils ont esté prononcez solemnellement en robbes rouges». B. Le Vest, CCXXXVII arrests celebres et memorables du parlement de Paris, Paris, R. Fouet, 1612, «Préface». 129 B. de La Roche-Flavin, Arrests notables du parlement de Tolose, Toulouse, R. Colomiès, 1617. 130 J. Bouguier, Arrests de la Cour, 1622; 1634.

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À l’instar de la disputatio, les premiers «recueils d’arrêts» révèlent le développement de l’esprit spéculatif des penseurs médiévaux, leur capacité de poser rigoureusement des problèmes: ils sont l’expression de «la conscience de soi de la culture scientifique médiévale», illustrant la liberté intellectuelle dont jouissent les juristes de la fin du Moyen Âge et du début de l’époque moderne dans la cadre d’une «mise en question» de la tradition131. Avec succès. Au début du XVIIe siècle, la diversité des recueils, dont le nombre ne cesse de croître, est à son apogée, posant le problème de la singularité d’un genre d’écriture juridique qui reste la plupart du temps hybride: tout autant héritier des recueils médiévaux de notables ou des questiones que proches des commentaires de coutumes, de recueils de procédures, des traités, des codes et enfin des plaidoyers. Mais déjà, l’humanisme juridique comme la Réforme protestante pressent les juristes à se recentrer sur un certain nombre de principes et de règles, avec, en filigrane, l’idée de faire de la jurisprudence une véritable science, aussi sûre que les mathématiques. L’heure est venue de limiter les commentaires pour suivre, avec plus de fidélité, les arrêts prononcés par les tribunaux et les raisons de droit sur lesquelles ils se fondent. Cela aboutit un temps à valoriser les décisions elles-mêmes. Rapidement, cette évolution tend à faire primer les principes sur les arrêts, lesquels, privés de toute autorité intrinsèque, ne peuvent plus être invoqués que parce qu’ils sont conformes à ces mêmes principes132. Quant à l’autorité doctrinale des juristes, elle tend dans ce cadre à se réduire. Naturellement, c’est au juriste qu’il appartient encore de déterminer les raisons du droit. Mais en tant que juge seulement. Sitôt que la raison du droit est fixée, le rôle créateur du juge s’efface. Et l’arrêtiste en est réduit à une fonction d’enregistrement. Au fond, il se fait greffier. Désormais, faisant preuve de la fiabilité que l’historien contemporain attend, il est à même de satisfaire sa curiosité. Mais il paraît avoir perdu certaines de ses prérogatives, à l’instar de celle, essentielle, correspondant à son droit de questionner la pratique jurisprudentielle, comme le préconise d’ailleurs avec éloquence à la fin du XVIIe siècle Nicolas Chorier:

Lorsque Papinien, Pomponius, Paulus et Ulpien alleguent des senatusconsultes, ils le font avec cette retenue, et ce respect, qu’ils se gardent bien de vouloir penetrer dans les motifs du Senat: ils s’arrêtent religieusement à la disposition: ils en font le soutien de leurs sentimens: elle leur tient lieu de raison, et ils n’en cherchent pas d’autre. La souveraineté des arrests doit être parfaitement independante: elle n’est comptable à personne de ses motifs. S’en informer, c’est l’affoiblir: c’est une revolte contr’elle, qui tend à l’humilier. La chose jugée, par le magistrat supreme, est une loy. Ces princes de la jurisprudence romaine ne revoquent pas en doute la justice des senatusconsultes, en les mettant en controverse. Et certes, Monseigneur, à quoy tendent ces recherches laborieuses des raisons de douter, et de celles de decider, qu’à donner des armes à la chicanne, en lui apprenant de douter de ce qui doit passer pour infaillible133.

Géraldine Cazals

131 C. Bazàn, «Les questions disputées», p. 21, 141. 132 S. Dauchy, V. Demars-Sion, «Les arrêtistes et la création de normes juridiques. L’exemple des mariages à la Gaulmine», dans Le pouvoir réglementaire: dimension doctrinale, pratiques et sources, XVe et XVIIIe siècles. Actes du colloque de Mulhouse, 11 et 12 octobre 2002, dir. A. Lemaître et O. Kammerer, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2004, p. 125-126. 133 N. Chorier, La jurisprudence, fol. [A iij].