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26001552 COMMENTAIRE DE L’ARRET DE LA COUR SUPREME ANGLAISE : DALLAH REAL ESTATE AND TOURISM HOLDING COMPANY v THE MINISTRY OF RELIGIOUS AFFAIRS, GOVERNMENT OF PAKISTAN [2010] UKSC 46 Mots clés: arbitrage international convention de new-york compétence-compétence cour suprême extension convention d’arbitrage non-signataire exequatur Résumé : La Cour Suprême considère que Le juge de l’exequatur, en droit anglais comme français, n’est pas limité dans son contrôle de la validité de la sentence arbitrale étrangère prévu à l’article V(1)(a) de la Convention de New York. En revanche, en ce qui concerne l’extension de la convention d’arbitrage ratione personae, les jugements de la Cour Suprême et de la Cour d’Appel de Paris expriment les positions opposées en droit anglais et français. Introduction Les fondements de refus de reconnaissance et d’exequatur d’une sentence étrangère sont formulés à l’article V de la Convention Pour la Reconnaissance et l’Exécution des Sentences Etrangères de New York de 1958. Considérant que l’article V ne renseigne pas sur l’étendue du pouvoir de contrôle du juge pour refuser l’exequatur, il revient aux juridictions des Etats contractants de se prononcer, ce que la Cour Suprême anglaise a fait dans son arrêt Dallah Real Estate and Tourism Holding Company v The Ministry of Religious Affairs, Government of Pakistan 1 du 3 novembre 2010. Adoptant une approche très comparatiste, les jugements de Lord Collins et de Lord Mance contiennent à la fois une reformulation complète, limpide et extensive d’une jurisprudence constante des juridictions inférieures et des travaux de la doctrine, et une interprétation du droit français de l’arbitrage international, notamment le droit applicable à la convention d’arbitrage. L’arrêt constitue aussi sans aucun doute une explication générale de la politique des juridictions anglaises lorsqu’ils sont saisis d’une 1

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Page 1: devoir arbitrage international Dallah Real Estates 2010

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COMMENTAIRE DE L’ARRET DE LA COUR SUPREME ANGLAISE : DALLAH REAL ESTATE AND TOURISM HOLDING COMPANY v THE MINISTRY OF RELIGIOUS AFFAIRS, GOVERNMENT OF PAKISTAN [2010] UKSC 46

Mots clés: arbitrage international convention de new-york compétence-compétence cour suprême extension convention d’arbitrage non-signataire exequatur

Résumé : La Cour Suprême considère que Le juge de l’exequatur, en droit anglais comme français, n’est pas limité dans son contrôle de la validité de la sentence arbitrale étrangère prévu à l’article V(1)(a) de la Convention de New York. En revanche, en ce qui concerne l’extension de la convention d’arbitrage ratione personae, les jugements de la Cour Suprême et de la Cour d’Appel de Paris expriment les positions opposées en droit anglais et français.

Introduction

Les fondements de refus de reconnaissance et d’exequatur d’une sentence étrangère sont formulés à l’article V de la Convention Pour la Reconnaissance et l’Exécution des Sentences Etrangères de New York de 1958. Considérant que l’article V ne renseigne pas sur l’étendue du pouvoir de contrôle du juge pour refuser l’exequatur, il revient aux juridictions des Etats contractants de se prononcer, ce que la Cour Suprême anglaise a fait dans son arrêt Dallah Real Estate and Tourism Holding Company v The Ministry of Religious Affairs, Government of Pakistan1 du 3 novembre 2010.

Adoptant une approche très comparatiste, les jugements de Lord Collins et de Lord Mance contiennent à la fois une reformulation complète, limpide et extensive d’une jurisprudence constante des juridictions inférieures et des travaux de la doctrine, et une interprétation du droit français de l’arbitrage international, notamment le droit applicable à la convention d’arbitrage. L’arrêt constitue aussi sans aucun doute une explication générale de la politique des juridictions anglaises lorsqu’ils sont saisis d’une demande d’exequatur d’une sentence étrangère issu d’un Etat contractant.

Jugeant une coïncidence des positions françaises et anglaises en la matière, la Cour Suprême admet ainsi que le juge de l’exequatur peut examiner entièrement en droit et en fait la validité de la sentence arbitrale étrangère sur le fondement de l’article V(1)(a)(para 20). Ainsi le juge sera donc habilité, lorsqu’il est amené à se prononcer sur la validité de la convention d’arbitrage en vertu de la section 103(b) de l’Arbitration Act 1996, ou de l’article V(1)(b) de la CNY, à donner très peu de poids au fait que l’arbitre ait statué sur sa propre compétence(para 30). On s’interroge alors sur la portée du principe de compétence-compétence, notamment sur le poids et le statut à accorder à l’appréciation de l’arbitre de sa propre compétence.

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Cependant l’intérêt pour le droit français réside surtout dans l’application que fait la Cour Suprême justement du droit français. A la différence de la décision de la Cour d’Appel de Paris du 17 février 2011 ( CA Paris, chambre 1, 17 février 2011 ) saisi d’une demande d’annulation de la sentence arbitrale sur le fondement de l’article 1502 du Nouveau Code de Procédure Civile (NCPC), la Cour Suprême tranche en faveur du gouvernement pakistanais en refusant de reconnaitre une extension de la convention d’arbitrage qui aurait inclut le gouvernement comme partie à l’arbitrage. Il est alors intéressant d’examiner les différentes approches conduites par les deux juridictions. Leurs approches illustrent non seulement de manière frappante la subtilité du fonctionnement des règles matérielles internationales françaises en matière d’arbitrage international comme entendue par l’arrêt Dalico ( Cas 1 ère civ. 20 décembre 1993, Dalico c. Khoms et El Mergeb , Rev. arb. 1994, p. 116), mais aussi soulignent l’actualité des débats concernant l’extension ratione personae de la convention d’arbitrage en droit comparé.

Après avoir rappelé les faits et la procédure de l’arrêt « Dallah » (A), l’analyse portera dans un premier temps sur l’étendue du pouvoir de contrôle du juge de l’exequatur (B). Dans un second temps il portera sur les applications divergentes du droit français, en matière d’extension de la convention d’arbitrage à des parties non signataires, par la Cour Suprême et la Cour d’Appel de Paris(C).

A) L’arrêt « Dallah» de la Cour Suprême

En Juillet 1996, Dallah Real Estates (« Dallah »), conclu un contrat avec le ministère des affaires religieuses Pakistanaises. Le contrat prévoyait notamment l’établissement du Awami Hajj Trust (« le Trust »). En septembre 1996, Dallah conclu une convention avec le Trust dans laquelle fut insérée une clause d’arbitrage. En décembre 1996, ce dernier perdit toute existence légale. Face à l’impossibilité d’attraire le Trust devant la CIC de Paris, Dallah assigna le gouvernement pakistanais en soutenant que le gouvernement était partie au contrat conclu entre le Trust et Dallah : du fait de son statut et de son comportement, il était l’alter ego du Trust, et ce dernier une création purement formelle. En 2006, le tribunal trancha en faveur de Dallah. Ce dernier tenta alors d’exequaturer la sentence en Angleterre devant la Haute Cour ([2008] APP.L.R.). Cette dernière rejeta sa requête : sur le fondement de l’article V(1)(a) : le juge peut refuser l’exequatur d’une sentence étrangère si la convention d’arbitrage n’est pas valide selon le droit du siège, le droit français, notamment si la personne débitrice n’est pas une partie à la convention d’arbitrage. Dallah fit appel et la Cour d’appel rejeta sa requête sur les mêmes moyens ([2009] EWCA Civ 755)

Dallah déposa une requête devant la Cour Suprême. Cette dernière rejeta à l’unanimité l’appel. Dans leurs discours, Lord Mance et Lord Collins identifièrent de nombreuses questions de droit : a) qu’entend l’article V(1)(a) par le droit du pays dans lequel la sentence a été rendu? b) quelles sont les dispositions de ce droit en ce qui concerne l’existence et la validité de la convention d’arbitrage ? c) quelle est la nature du contrôle exercé par le juge de l’exequatur autre que celui du pays dans lequel la sentence a été rendue ? et d) quel poids attacher à l’appréciation par l’arbitre de sa propre compétence ?

B) L’étendue du pouvoir de contrôle du juge de l’exequatur : coïncidence des positions en droit français et anglais

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N’ayant jamais été tranché par la Chambre des Lords, la Cour Suprême dut répondre à la question de la qualité du contrôle opéré par le juge de l’exequatur autre que celui de l’Etat du siège en application de l’article V(1)(a) de la convention de New York de 1958.

En effet, Dallah soutenait que le juge de l’exequatur autre que celui du siège ne pouvait que procéder à un contrôle limité de la validité de la sentence, et qu’il devait prendre en considération le fait que l’arbitre ait statué sur sa compétence (Para 21).

La Cour répond que similairement au droit français, le juge de l’exequatur n’est pas limité dans son examen prévu à l’article 103(2)(a) du Arbitration Act 1996. Il s’assimilerait au contrôle prévu pour les sentences rendu en Angleterre à la section 67 (Azov Shipping Co. v Baltic Shipping Co. [1999] 1 Lloyd's Rep. 68) : Le juge peut vérifier en droit et en fait tous les éléments concernant les vices en question (République Arabe d’Egypte v Southern Pacific Properties Ltd, Cass Civ, 1ère, 6 janvier 1987). Le juge n’est pas limité par les considérations du tribunal arbitral sur sa propre compétence.

Lord Mance justifie cet argument en examinant le principe de compétence-compétence. Il rappelle que la faculté de l’arbitre de statuer sur sa propre compétence est d’ordre pratique (Para 25 ). L’arbitre ne peut pas se créer ou étendre une compétence : son appréciation ne vaut que pour lui et peut donc faire l’objet d’un contrôle. Le juge devra même obligatoirement revisiter la question de la compétence de l’arbitre si l’absence du consentement à l’arbitrage est invoquée par l’une des parties.

La position coïncide avec le droit français : La faculté reconnue à l’arbitre de statuer sur sa compétence est d’ordre pratique. Il appartient à l’arbitre de se prononcer en premier sur la question de sa compétence. De cette manière la compétence des tribunaux étatiques est exclue durant l’instance arbitrale et empêche entre autres le déclenchement de procédures parallèles et les manœuvres dilatoires du défendeur (Beguin, Menjuck, Droit Du Commerce International, Litec, 2005, p.941-942). En revanche, cette exclusion de la compétence des tribunaux étatiques cesse d’opérer une fois l’instance terminée. Ainsi au stade de l’exequatur, le juge est en droit, sur le fondement de l’article 1502 du Nouveau Code de Procédure Civile, de remettre en cause la compétence de l’arbitre.

On peut conclure que la Cour Suprême s’est taché en réalité de justifier l’application du principe de compétence-compétence en droit anglais, tel le droit français, confirmant qu’il doit être conçu comme un principe général du droit et non comme un droit exclusif reconnu à l’arbitre.

C) Une application erronée du droit français par la Cour Suprême et contradictions avec l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 17 Février 2011.

1) Une interprétation identique de l’arrêt Dalico

En vertu de l’article V(1)(a), le droit français se devait d’être appliqué par la Cour Suprême car il était le droit du pays dans lequel la sentence a été rendue. Cette dernière s’est donc efforcé de dégager les règles françaises applicables en matière de validité de la convention d’arbitrage, et plus spécifiquement, au sujet du consentement, si le droit français permettait l’extension de la convention d’arbitrage à une partie non signataire.

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Ainsi la Cour Suprême interprète correctement l’arrêt Dalico, retenant donc que la validité de la convention d’arbitrage s’apprécie en dehors de toute référence à un droit étatique, seulement d’après la commune intention des parties, et sous réserve de l’ordre public international. Elle dégage alors, retraçant une jurisprudence française constante, la règle matérielle internationale française pertinente: « que selon les usages du commerce international, la clause compromissoire a une validité et une efficacité propres qui commandent d’en étendre l’application aux parties directement impliqués dans l’exécution du contrat et les litiges qui peuvent en résulter, dès lors qu’il est établi que leur situation contractuelle, leurs activités et les relations commerciales habituelles existent entre les parties font présumer qu’elles ont accepté la clause d’arbitrage dont elles connaissaient l’existence et la portée, bien qu’elle n’aient pas été signataires du contrat qui la stipulait » .( CA Paris, 11 Janvier 1990 , Orri c/ Société des Lubrifiants Elf Aquitaine, Jur Fr 95 )

C’est cependant dans l’application de cette règle matérielle aux faits de l’espèce que les positions anglaises et françaises divergent. Il semblerait que la Cour Suprême ait fait une application erronée du droit français.

2) Divergence des approches françaises et anglaises : l’application du droit français

La Cour Suprême et la Cour d’Appel de Paris ont vérifié si le gouvernement du Pakistan était la partie réelle à la clause d’arbitrage conclu entre le Trust et Dallah Estates.

Cependant la Cour Suprême a attaché, à la différence de la Cour d’Appel de Paris, une grande importance à l’intention réelle des parties : cette dernière a recherché, à partir d’une analyse des comportements des parties, une intention présumée.

a) L’approche factuelle de la Cour d’Appel de Paris

La Cour d’Appel fait une application correcte de la jurisprudence française Dow Chemical c/ Isover-Saint-Gobin ( CA Paris, 1 ère chb.supp 21 octobre 1983 ) : qu’en vertu d’une règle matérielle du droit de l’arbitrage international, une clause d’arbitrage accepté par certains membres d’un groupe de sociétés peut lier une autre société du groupe qui ne serait pas signataire de la clause dans certaines situations. Il faut, premièrement que la société non signataire ait joué un rôle dans la négociation, la conclusion, l’exécution et la résiliation du contrat, et que deuxièmement le groupe de sociétés constitue une « réalité économique unique », c’est-à-dire que le contrôle opéré par la société non signataire sur la ou les sociétés signataires soit tel qu’on ne puisse les distinguer, justifiant qu’on ne tienne pas compte leur personnalités juridiques distinctes. La jurisprudence généralise la règle dans son arrêt Cotunav ( CA Paris, Cotunav c. Comptoir Commercial André, Rev. arb. 1990, p. 675 ): elle considère que l’extension de la convention d’arbitrage est possible, indépendamment d’une appartenance de la partie non signataire à un groupe de sociétés, du seul fait de sa participation à une opération du commerce international dès lors que sa situation et son activité font présumer sa connaissance de l'existence et de la portée de la clause d'arbitrage.

La Cour d’Appel retient alors en l’espèce, sans rechercher si les parties avaient l’intention réelle d’inclure le gouvernement comme partie au contrat d’arbitrage, que le comportement du gouvernement pendant la période précontractuelle et durant l’exécution du contrat indiquait que le trust n’était qu’une création formelle (confirmé par son absence d’actions durant la période

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contractuelle), de telle sorte à considérer légitimement que le gouvernement a agi comme la partie réelle lors de l’opération économique.

b) L’approche en droit de la Cour Suprême

De son côté la Cour Suprême s’est attaché à vérifier si les parties avaient l’intention réelle d’inclure le gouvernement comme partie au contrat. Elle s’est donc refusé de présumer l’intention des parties, exigeant une charge de la preuve plus lourde que celle exigé par la Cour d’Appel de Paris. Elle a été particulièrement influencée, entre autres, par les clauses du contrat entre Dallah et le Trust qui attribuaient un rôle limité au gouvernement, et par le fait que le Trust possédait sa propre personnalité juridique. En outre elle a attaché peu de poids au rôle du gouvernement durant les négociations de la convention entre Dallah et le Trust.

Une telle approche est difficilement explicable. Il est possible qu’elle ait procédé implicitement à une application d’une jurisprudence anglaise beaucoup moins libérale qui n’autorise que dans certains cas extraordinaires l’extension ratione personae de la convention d’arbitrage.

La jurisprudence anglaise, contrairement au droit français, ne distingue pas les hypothèses d’extension de la convention d’arbitrage en matière d’arbitrage de celles admises pour l’extension d’un contrat bilatéral en droit privé anglais des sociétés et des contrats. L’exclusion par Lord Collins, en ce qui concerne la levée du voile social, d’un test autonome en matière d’arbitrage en est un indice (para 141). La Cour aurait employé le test du droit des sociétés.

En effet, le droit anglais de l’arbitrage rejette expressément la doctrine de Dow Chemical c/ Isover sur le fondement du droit des sociétés dans l’arrêt Peterson Farms v C8M Farming ( [2004] 1 Lloyd’s Rep 603) : il semblerait que la Cour ait pris en compte le jugement de Adams v Cape Industries ((1991) All ER 929,CA) ; la Common Law n’autorise la levée du voile social que dans des circonstances exceptionnelles, c’est-à-dire lorsque la création par une personne physique ou morale d’une personnalité juridique distincte est motivé par un objectif de fraude.

Il est aussi possible d’expliquer le manque de libéralisme de la Cour Suprême en relevant une possible application de certains principes de droit anglais des contrats, notamment la notion de « privity of contract » (l’effet relatif des contrats). Un tiers ne peut que dans certaines situations se prévaloir du bénéfice d’une clause contenue dans un contrat bilatéral. Le droit anglais se veut strict sur ce point et requiert une situation particulière entre le tiers et le contrat. En arbitrage, en vertu de la section 82(2) du Arbitration Act, seules les hypothèses de droit privé anglais sont admises : inter alia, celui du mandant, du « promissory estoppel », du bénéfiaire d’un transfert des droits et obligations contractuelles par un co-contractant (« assignment »), et de la succession d’entreprises.

En outre on peut relever que ces situations requièrent des écrits qui rapporteraient la preuve formelle du consentement. En droit français, les dispenses de forme du consentement à l’arbitrage (Cass 1 ère civ. , 9 Nov 1993, Bomar Oil II : JDI 1994) permettent justement plus facilement l’extension de la convention d’arbitrage dans la mesure où l’intention peut être présumée à partir du comportement des parties concernées (et non forcément d’un écrit), notamment le comportement pendant la période précontractuelle.

Il est possible alors d’estimer que la Cour s’est refusé de reconnaitre que la règle matérielle française se veut générale, n’est pas limité à des situations spécifiques entre la partie non signataire et le co-

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contractant, et que l’intention des parties peut être déduit de leurs comportements, y compris pendant la période précontractuelle.

Ainsi, en l’absence d’une relation formelle et spéciale entre le Trust et le gouvernement, de fraude par cette dernière, la Cour a peut-être eu du mal à accepter qu’une intention présumée tirée de leurs comportements, et non réelle, aurait été suffisante pour considérer le gouvernement comme le réel acteur dans l’opération économique, et donc la partie réelle à la convention d’arbitrage.

Il semble ainsi que la Cour Suprême a appliqué à tort des principes de droit privé anglais sans réellement tenir compte du fait que la règle matérielle de droit français doit être interprété de manière autonome d’après l’arrêt Dalico sans devoir se référer aux droits privés étatiques.

Conclusion

Que retenir de ces arrêts ? Il aurait été peut être préférable que la Cour Suprême attende la décision de la Cour d’Appel de Paris avant de se pencher sur l’affaire. Bien qu’elle s’est entaché de procéder à une démarche comparatiste, elle n’a pu s’empêcher de faire une application du droit francais sous le prisme du droit anglais. On pourrait même y voir un exemple de la compétition entre Londres et Paris comme des lieux attractifs en matière d’arbitrage international.

Ainsi la Cour Suprême a peut être jugé nécessaire d’expliciter librement la politique des juridictions anglaises lorsque saisi d’une requête d’exequatur d’une sentence étrangère provenant d’un Etat partie à la Convention de New York, et cela sans avoir à prendre obligatoirement en compte, en vertu de l’article V(1)(e), le jugement d’une juridiction du lieu du siège de l’arbitrage. Cette saga illustre aussi les contradictions entre les droits considérés. Considérant la facilité avec laquelle une convention d’arbitrage peut être étendue ratione personae en droit français, ce dernier peut paraitre légèrement excessif dans son libéralisme : il est possible que la Cour Suprême ait refusé d’accepter ce libéralisme. A ces considérations on pourrait s’interroger sur la valeur juridique d’une interprétation d’un droit étranger en droit interne, notamment si elle vaut jurisprudence.

BIBLIOGRAPHIE:

OUVRAGES

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- Beguin J., Menjuck J., Droit du Commerce International, Litec, Paris, 2005- Poudret J.F et Besson S., Comparative Law of International Arbitration, Thomson

Sweet&Maxwell-Schultess, Zurich, 2007, - Redfern A., Hunter M., Redfern and Hunter on International Arbitration, 5th edn, Oxford

University Press, Oxford, 2009

ARTICLES

- Dundas R., Competence-competence and the jurisdiction of the English courts: the UK Supreme Court decides - Dallah Real Estate & Tourism Holding Co v Pakistan, Arbitration, 2011

- J-F. POUDRET, « L’originalité du droit français de l’arbitrage au regard du droit comparé ». Bulletin d’information de la Cour de cassation n°589 du 15/12/2003.

JURISPRUDENCE FRANCAISE

- Cour d’Appel de Paris, chambre 1, 17 février 2011, Gouvernement du Pakistan-Ministères des Affaires Religieuses c/Société Dallah Real Estate and Tourism Holding Company

- Cass. 1re civ., 20 décembre 1993, Dalico c/ Khoms et El Mergeb, Rev.arb. 1994, 116- Cour d’Appel de Paris, 11 Janvier 1990, Orri c/ Société des Lubrifiants Elf Aquitaine, Jur Fr 95- Cass 1ère civ. 6 janvier 1987, République Arabe d’Egypte v Southern Pacific Properties Ltd, - Cour d’appel de Paris, 1re Ch.suppl., 21 octobre 1983, Chemical c/ Isover-Saint-Gobain, Rev.

Arb. 1984, 98, note A. Chapelle ; JDI 1983, 899, obs.Derains- Cour d’Appel de Paris, Cotunav c. Comptoir Commercial André, Rev. arb. 1990, p. 675- Cass 1ère civ. , 9 Nov 1993, Bomar Oil II : JDI 1994

JURISPRUDENCE ANGLAISE

- Dallah Real Estate and Tourism Holding Company v The Ministry of Religious Affairs, Government of Pakistan [2010] UKSC 46

- Dallah Real Estate and Tourism Holding Company v The Ministry of Religious Affairs, Government of Pakistan [2009] EWCA Civ 755

- Dallah Real Estate and Tourism Holding Company v The Ministry of Religious Affairs, Government of Pakistan [2008] APP.L.R

- Peterson Farms v C8M Farming ( [2004] 1 Lloyd’s Rep 603- Adams v Cape Industries (1991) All ER 929,CA- Azov Shipping Co. v Baltic Shipping Co. [1999] 1 Lloyd's Rep. 68.

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