dans l’infection à vih la translocation microbienne pourrait favoriser les lymphomes

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24 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - SEPTEMBRE-OCTOBRE 2013 - N°455 Dans l’infection à VIH la translocation microbienne pourrait favoriser les lymphomes Les sujets infectés par le VIH sont à haut risque de développement de lymphopro- liférations B, qu’il s’agisse de lymphomes hodgkiniens (LH) ou non hodgkiniens (LNH). Ce risque est évidemment dû à l’immunosuppression observée au cours du sida mais pas seulement, puisque certains lymphomes (en particulier les LNH) se développent chez des patients efficacement traités et présentant une bonne reconstitution immunitaire. Une autre hypothèse incrimine la sti- mulation chronique des lymphocytes B comme favorisant l’émergence de ces lymphomes, potentiellement par le biais des mitoses (avec risque d’anomalie chro- mosomique associée) que cette stimu- lation provoque. L’activation immune s’observe tout au long de l’infection à VIH, mais essentiellement aux phases précoces de l’infection, au cours des- quelles les formations lymphoïdes du tube digestif sont rapidement altérées, facili- tant la déplétion lymphocytaire digestive et les translocations bactériennes. Un travail s’est intéressé à cette pro- blématique, en comparant le niveau de quatre marqueurs de translocation bac- térienne chez des sujets VIH-positifs, porteurs ou non de LNH. Cette étude cas/ témoin a inclus 56 cas de LNH diagnosti- qués chez des sujets infectés par le VIH, les comparant à 190 sujets contrôles, sans LNH, également infectés par le VIH et appariés sur des critères démogra- phiques et immuno-virologiques. Les quatre marqueurs étudiés sont les niveaux circulants de lipopolysaccharide (LPS), d’anticorps anti-endotoxine, de LPS bin- ding protein (LBP) et de CD14 soluble (sCD14). Tous ces marqueurs ont été dosés en duplicate dans des échantillons sériques ou plasmatiques, par des tech- niques biologiques ou immunologiques (ELISA) de référence. Si les valeurs médianes continues de ces 4 marqueurs ne s’associent pas significativement à un risque plus éle- vé de lymphome, un pourcentage sta- tistiquement plus important de sujets atteints de LNH montre des taux élevés de sCD14 (> 1,76 pg/mL), comparé aux sujets sans lymphome (p < 0,01), avec un risque relatif de lymphome estimé à 2,72 (IC 95 % : 1,29-5,76) en cas de sCD14 augmenté. Une sous-analyse por- tant uniquement sur les sujets (n = 108) présentant des taux de LPS situés dans l’intervalle recommandé par le fabricant du test retrouve également un risque plus élevé de LNH chez les sujets présentant les niveaux les plus élevés de LPS cir- culant (RR = 3,24, IC 95 % : 1,10-9,53 ; p = 0,03). En dépit des limites méthodologiques et statistiques de ce travail, l’hypothèse est suffisamment séduisante pour que ces résultats puissent être confrontés à d’autres études, portant sur des popu- lations plus importantes et/ou utilisant d’autres approches, qu’elles soient cel- lulaires ou sur modèle animal. Marks MA, Rabkin CS, Engels EA et al. AIDS 2013;27:469-74. La stimulation chronique des lymphocytes B favoriserait l’émergence de ces lymphomes. SEP : inactiver l’IL-2 réduit la fréquence des poussées La prise en charge thérapeutique de la sclérose en plaques (SEP) connaît depuis quelques années de nombreuses avancées, grâce au développement de différents immunomodulateurs et/ou anticorps monoclonaux dirigés contre des cibles immunitaires variées. En seconde ligne par rapport à l’interféron β se présentent aujourd’hui le fingoli- mod et le natalizumab (dirigés contre les récepteurs de la sphingosine-1-phos- phate et l’intégrine 4, respectivement) et probablement dans un futur proche, l’alemtuzumab (dirigé contre la molé- cule CD52). Un essai thérapeutique évaluant contre placebo un nouvel anticorps monoclonal vient d’être rapporté dans The Lancet. Il s’agit de l’essai randomisé multicen- trique en double aveugle SELECT, qui a inclus plus de 600 sujets souffrant de SEP, randomisés en 3 bras : placebo (n = 204) ; daclizumab 150 mg (n = 208) et daclizumab 300 mg (n = 209). Le daclizu- mab est un anticorps monoclonal dirigé contre la sous-unité (ou molécule CD25) du récepteur de l’IL-2. L’anticorps (tout comme le placebo) était administré par voie sous-cutanée une fois toutes les quatre semaines, pendant 52 semaines, le critère d’évaluation principal étant le nombre annuel de poussées à l’issue des 52 semaines de suivi. L’inactivation de la signalisation de l’IL-2 reste prometteuse mais mérite des investigations plus poussées.

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24 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - SEPTEMBRE-OCTOBRE 2013 - N°455

Dans l’infection à VIH la translocation microbienne pourrait favoriser les lymphomesLes sujets infectés par le VIH sont à haut risque de développement de lymphopro-liférations B, qu’il s’agisse de lymphomes hodgkiniens (LH) ou non hodgkiniens (LNH). Ce risque est évidemment dû à l’immunosuppression observée au cours du sida mais pas seulement, puisque certains lymphomes (en particulier les LNH) se développent chez des patients efficacement traités et présentant une bonne reconstitution immunitaire.Une autre hypothèse incrimine la sti-mulation chronique des lymphocytes B comme favorisant l’émergence de ces lymphomes, potentiellement par le biais des mitoses (avec risque d’anomalie chro-mosomique associée) que cette stimu-lation provoque. L’activation immune s’observe tout au long de l’infection à VIH, mais essentiellement aux phases précoces de l’infection, au cours des-quelles les formations lymphoïdes du tube digestif sont rapidement altérées, facili-tant la déplétion lymphocytaire digestive et les translocations bactériennes.Un travail s’est intéressé à cette pro-blématique, en comparant le niveau de quatre marqueurs de translocation bac-térienne chez des sujets VIH-positifs,

porteurs ou non de LNH. Cette étude cas/témoin a inclus 56 cas de LNH diagnosti-qués chez des sujets infectés par le VIH, les comparant à 190 sujets contrôles, sans LNH, également infectés par le VIH et appariés sur des critères démogra-phiques et immuno-virologiques. Les quatre marqueurs étudiés sont les niveaux

circulants de lipopolysaccharide (LPS), d’anticorps anti-endotoxine, de LPS bin-ding protein (LBP) et de CD14 soluble (sCD14). Tous ces marqueurs ont été dosés en duplicate dans des échantillons sériques ou plasmatiques, par des tech-niques biologiques ou immunologiques (ELISA) de référence.Si les valeurs médianes continues de ces 4 marqueurs ne s’associent pas

significativement à un risque plus éle-vé de lymphome, un pourcentage sta-tistiquement plus important de sujets atteints de LNH montre des taux élevés de sCD14 (> 1,76 pg/mL), comparé aux sujets sans lymphome (p < 0,01), avec un risque relatif de lymphome estimé à 2,72 (IC 95 % : 1,29-5,76) en cas de sCD14 augmenté. Une sous-analyse por-tant uniquement sur les sujets (n = 108) présentant des taux de LPS situés dans l’intervalle recommandé par le fabricant du test retrouve également un risque plus élevé de LNH chez les sujets présentant les niveaux les plus élevés de LPS cir-culant (RR = 3,24, IC 95 % : 1,10-9,53 ; p = 0,03).En dépit des limites méthodologiques et statistiques de ce travail, l’hypothèse est suffisamment séduisante pour que ces résultats puissent être confrontés à d’autres études, portant sur des popu-lations plus importantes et/ou utilisant d’autres approches, qu’elles soient cel-lulaires ou sur modèle animal.

Marks MA, Rabkin CS, Engels EA et al. AIDS 2013;27:469-74.

La stimulation chronique des lymphocytes B favoriserait l’émergence de ces lymphomes.

SEP : inactiver l’IL-2 réduit la fréquence des pousséesLa prise en charge thérapeutique de la sclérose en plaques (SEP) connaît depuis quelques années de nombreuses avancées, grâce au développement de différents immunomodulateurs et/ou anticorps monoclonaux dirigés contre des cibles immunitaires variées. En seconde ligne par rapport à l’interféron β se présentent aujourd’hui le fingoli-mod et le natalizumab (dirigés contre les récepteurs de la sphingosine-1-phos-phate et l’intégrine �4, respectivement) et probablement dans un futur proche, l’alemtuzumab (dirigé contre la molé-cule CD52).

Un essai thérapeutique évaluant contre placebo un nouvel anticorps monoclonal vient d’être rapporté dans The Lancet.

Il s’agit de l’essai randomisé multicen-trique en double aveugle SELECT, qui a inclus plus de 600 sujets souffrant de SEP, randomisés en 3 bras : placebo (n = 204) ; daclizumab 150 mg (n = 208) et daclizumab 300 mg (n = 209). Le daclizu-mab est un anticorps monoclonal dirigé contre la sous-unité � (ou molécule CD25) du récepteur de l’IL-2. L’anticorps (tout comme le placebo) était administré par voie sous-cutanée une fois toutes les quatre semaines, pendant 52 semaines, le critère d’évaluation principal étant le nombre annuel de poussées à l’issue des 52 semaines de suivi.

L’inactivation de la signalisation de l’IL-2 reste prometteuse mais mérite des investigations plus poussées.