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Institut de recherches sociales de Hambourg (éd.) Guide de l’exposition Hamburger Institut für Sozialforschung Edition. CRIMES DE LA WEHRMACHT DIMENSIONS DE LA GUERRE D’EXTERMINATION 1941 - 1944

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Institut de recherches sociales de Hambourg (éd.)

Guide de l’exposition

Hamburger

Institutfür Sozialforschung

Edition.

CRIMES DELA WEHRMACHTDIMENSIONS DE LA GUERRE D’EXTERMINATION 1941 - 1944

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Hamburger Edition HIS Verlagsges. mbH

Mittelweg 36

D-20148 Hamburg

© 2004 by Hamburger Edition

Tous droits réservés

Éditeures du guide de l´exposition: Dr. Michael Wildt, Dr. Ulrike Jureit, Birgit Otte

Traduit de l’allemand per Bertrand Schütz

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La guerre contre l’Union soviétique fut foncièrement différente de toutes les guerres modernes

européennes et elle se distingua des autres guerres que la Wehrmacht allemande mena durant

la Seconde Guerre mondiale ailleurs en Europe. Ce fut une guerre qui était non seulement faite

à une autre armée, mais aussi à une partie de la population civile. Il était prévu d’assassiner la

population juive, de décimer les civils non-juifs par la famine et la terreur et de les astreindre aux

travaux forcés. Ces procédés criminels ne peuvent nullement être considérés comme les

conséquences d´une escalade des hostilités, car ils furent d’emblée partie intégrante des plans

de campagne.

Toutefois, les options stratégiques ne constituèrent qu’un des facteurs qui déterminèrent ce qui

fut accompli concrètement au cours de l’occupation de l’Est par les Allemands. Chaque cas

particulier porte l’empreinte des conditions spécifiques dans lesquelles s’est déroulé tel ou tel

acte, soumis en outre aux influences du moment et caractérisé par les types de comportement

des acteurs respectifs.

Les lois et coutumes de la guerre et le droit international de l’époque comportaient un certain

nombre de principes reconnus par la communauté internationale qui étaient censés être

respectés lors de tout conflit armé. Ainsi la population civile et les prisonniers de guerre devaient

jouir d’une protection particulière. Bien que les lois et coutumes de la guerre autorisent à

prendre des mesures profondément inhumaines et bien qu’elles n’aient pas prévu de

réglementation pour toutes les éventualités, la ligne de démarcation entre acte licite et acte

illicite était clairement tracée.

L’exposition „Crimes de la Wehrmacht. Dimensions de la guerre d’extermination 1941 - 1944“,

en se référant aux lois et coutumes de la guerre et au droit international alors en vigueur, entend

montrer dans quelle mesure la Wehrmacht participa aux crimes perpétrés lors de la Seconde

Guerre mondiale sur les théâtres de guerre en Europe de l’Est et du Sud-est. Elle distingue six

dimensions de la guerre d’extermination: le génocide des juifs soviétiques; la décimation des

prisonniers de guerre soviétiques; la guerre par la faim; la déportation aux travaux forcés;

la guerre contre les partisans; les représailles et les exécutions d’otages.

L’exposition montre dans quelle mesure la Wehrmacht contribua activement ou passivement aux

forfaits. La recherche historique ne permet jusqu’alors pas d’évaluer le nombre des soldats et

officiers allemands impliqués. Par contre, l’exposition fournit des documents sur le comportement

d’individus dans des situations concrètes. La section „marges de décision“ démontre que la

guerre d’extermination ne participe pas d’une dynamique abstraite, mais de l’interaction de

décisions échelonnées et de responsabilités individuelles.

INTRODUCTION

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Il est rare que les guerres aient lieu hors de tout cadre de référence juridique. Les sociétés les

plus diverses ont toujours tenté de soumettre à certaines règles l’exercice de la violence même

extrême. En définissant ce qui en cas de guerre est requis, licite et illicite, une société se définit

elle-même. Après le désastre de la guerre de Trente Ans, on tenta en Europe de créer un droit

de la guerre international. Au début du 20e siècle, un certain nombre d’États, dont l’Empire

allemand, signèrent plusieurs accords fixant les limites de ce qui était considéré comme licite

lors d’actions belliqueuses.

Le droit de la guerre en vigueur pendant la Seconde Guerre mondiale consistait en un ensemble

de traités et de règles coutumières. Les traités provenaient d’accords entre États. Les traités

les plus importants étaient la Convention de La Haye de 1907 ( avec en annexe le Règlement

concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre) ainsi que les Conventions de Genève

de 1929.

Le droit international de la guerre engageait les Etats à s’y conformer. Il engageait tout soldat à

l’observer dès qu’il avait été adopté par son pays et intégré au droit national.

LA GUERRE ET LE DROIT / LE RÈGLEMENT DE LA HAYE CONCERNANT LES LOIS ET COUTUMES DE LA GUERRE SUR TERRE4

LA GUERRE ET LE DROIT

Lors des conférences internationales de 1899 et 1907 à La Haye, plus de 40 États contractants ratifièrent et

confirmèrent la „Convention concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre“, à laquelle était annexé

le Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre. Celui-ci définissait essentiellement la

qualité de belligérant, les droits et obligations des prisonniers de guerre, interdisait des moyens illicites de

nuire à l’ennemi et réglementait l’autorité militaire sur le territoire de l’État ennemi.

Le Règlement de La Haye concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre ne représentait pas la

création d’un droit nouveau, mais regroupait par écrit différents éléments du droit coutumier. L’Allemagne

reconnut la convention et l’intégra au droit national. De ce fait, les membres de la Wehrmacht étaient

légalement tenus d’observer le Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre.

LE RÈGLEMENT DE LA HAYE CONCERNANT LES LOIS ET COUTUMES DE LA GUERRE SUR TERRE

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LA GUERRE ET LE DROIT / LE RÈGLEMENT DE LA HAYE CONCERNANT LES LOIS ET COUTUMES DE LA GUERRE SUR TERRE 5

Convention de La Haye concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre du 18.10.1907

“ […]Considérant que, tout en recherchant les moyens de sauvegarder la paix et de prévenir les conflits armés

entre les nations, il importe de se préoccuper également du cas où l'appel aux armes serait amené par des

événements que leur sollicitude n'aurait pu détourner;

Animés du désir de servir encore, dans cette hypothèse extrême, les intérêts de l'humanité et les exigences

toujours progressives de la civilisation;

Estimant qu'il importe, à cette fin, de réviser les lois et coutumes générales de la guerre, soit dans le but de les

définir avec plus de précision, soit afin d'y tracer certaines limites destinées à en restreindre autant que possible

les rigueurs;

Ont jugé nécessaire de compléter et de préciser sur certains points l'oeuvre de la Première Conférence de la Paix

qui, s'inspirant, à la suite de la Conférence de Bruxelles de 1874, de ces idées recommandées par une sage et

généreuse prévoyance, a adopté des dispositions ayant pour objet de définir et de régler les usages de la guerre

sur terre.

Selon les vues des Hautes Parties contractantes, ces dispositions, dont la rédaction a été inspirée par le désir de

diminuer les maux de la guerre, autant que les nécessités militaires le permettent, sont destinées à servir de règle

générale de conduite aux belligérants, dans leurs rapports entre eux et avec les populations.

Il n'a pas été possible toutefois de concerter dès maintenant des stipulations s'étendant à toutes les circonstances

qui se présentent dans la pratique;

D'autre part, il ne pouvait entrer dans les intentions des Hautes Parties contractantes que les cas non prévus

fussent, faute de stipulation écrite, laissées à l'appréciation arbitraire de ceux qui dirigent les armées.

Page de garde des instructions pour l’armée de 1940,contenant le texte de la Convention et du RèglementBundesarchiv/Militärarchiv ,pp. 107-151

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LA GUERRE ET LE DROIT / LE RÈGLEMENT DE LA HAYE CONCERNANT LES LOIS ET COUTUMES DE LA GUERRE SUR TERRE6

En attendant qu'un Code plus complet des lois de la guerre puisse être édicté, les Hautes Parties contractantes

jugent opportun de constater que, dans les cas non compris dans les dispositions réglementaires adoptées par

Elles, les populations et les belligérants restent sous la sauvegarde et sous l'empire des principes du droit des

gens, tels qu'ils résultent des usages établis entre nations civilisées, des lois de l'humanité et des exigences de

la conscience publique. […]

(dénomination des plénipotentiaires )

Lesquels, après avoir déposé leurs pleins pouvoirs, trouvés en bonne et due forme, sont convenus de ce qui

suit:[…]

Annexe à la Convention.

Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre

.

[…]

D e s p r i s o n n i e r s d e g u e r r e

A r t i c l e 4

Les prisonniers de guerre sont au pouvoir du Gouvernement ennemi, mais non des individus ou des corps

qui les ont capturés.

Ils doivent être traités avec humanité.

Tout ce qui leur appartient personnellement, excepté les armes, les chevaux et les papiers militaires,

reste leur propriété.

[…]

A r t i c l e 7

Le Gouvernement au pouvoir duquel se trouvent les prisonniers de guerre est chargé de leur entretien.

A défaut d'une entente spéciale entre les belligérants, les prisonniers de guerre seront traités, pour la nourriture,

le couchage et l'habillement, sur le même pied que les troupes du Gouvernement qui les aura capturés.

[…]

D e s h o s t i l i t é s .[…]

A r t i c l e 2 5

Il est interdit d'attaquer ou de bombarder, par quelque moyen que ce soit, des villes, villages, habitations

ou bâtiments qui ne sont pas défendus.

[…]

A r t i c l e 2 8 .

Il est interdit de livrer au pillage même une ville ou localité prise d'assaut.

[…]

D E L ' A U T O R I T E M I L I T A I R E S U R L E T E R R I T O I R E D E L ' É T A T E N N E M I […]

A r t i c l e 4 6

L'honneur et les droits de la famille, la vie des individus et la propriété privée, ainsi que les convictions

religieuses et l'exercice des cultes, doivent être respectés.

La propriété privée ne peut pas être confisquée.

[…]

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UNE GUERRE SANS PRÉCÉDENT 7

Les premiers préparatifs pour la guerre contre l’Union soviétique furent entrepris dès l’automne

1940. Trois mois avant le début des hostilités, Hitler dévoila au haut commandement de la

Wehrmacht que cette campagne revêtirait un caractère particulier. L’Union soviétique, considérée

comme l’ennemi par excellence, devait non seulement être militairement conquise et vaincue,

il fallait en outre que le système du „bolchevisme juif“ soit entièrement éliminé. Les buts

idéologiques de la guerre exigeaient, selon Hitler, une stratégie différente, qui ne pouvait plus

être soumise au droit international des conflits armés. Cette guerre, notait le Général de

corps d’armée Franz Halder dans son journal à propos de la conception de Hitler, n’était pas

„l’affaire des tribunaux militaires. [...] Le combat sera très différent du combat à l’Ouest.

À l’Est, la rigueur nous garantira un avenier paisible.“

Le haut commandement de la Wehrmacht donna alors en mai et juin 1941 des ordres devant

garantir „la rigueur inouïe“ exigée par Hitler pour l’Est. Avec le Kriegsgerichtsbarkeitserlass

(décret sur la juridiction militaire) et le Kommissarbefehl (ordre concernant les commissaires),

il invalidait pour la Wehrmacht des éléments essentiels du droit de la guerre alors en vigueur et

mettait ainsi en place les conditions pour une guerre raciste et d’extermination sans précédent.

Conscients des conséquences criminelles de leurs ordres, Hitler et le haut commandement de

la Wehrmacht levèrent les garanties de protection des personnes civiles en temps de guerre et

donnèrent ordre d’exécuter des commissaires politiques. En outre, le 28 avril 1941, le haut

commandement donnait son accord pour que les Einsatzgruppen (unités spéciales) de la

Sicherheitspolizei (Police de sécurité) et du Sicherheitsdienst (Service de sécurité), commandés

par Heinrich Himmler, prennent, sur les territoires des opérations, „[...],dans le cadre de leur

mission, de leur propre initiative, des mesures coercitives envers la population civile“.

UNE GUERRE SANS PRÉCÉDENT

Décret concernant l’exercice de la juridiction militaire sur le territoire „Barbarossa“et sur les mesures spéciales concernant la troupe, daté du 13.5.1941Bundesarchiv/Militärarchiv, RW 4/v. 557, pp. 72-74, fac-similé, p. 73

Réglementation du 28.4.1941 concernant l’action de la Sicherheitspolizei (Police de sécurité) et du SD (Sicherheitsdienst, Service de sécurité) au sein de l’arméeBundesarchiv/Militärarchiv, RH 22/155

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LE GÉNOCIDE 8

Les dirigeants de la Wehrmacht adhéraient sur le fond aux buts idéologiques que poursuivait

Hitler avec cette guerre, ils souhaitèrent toutefois, suite aux expériences faites avec les

Einsatzgruppen de la Sicherheitspolizei et du SD pendant la guerre contre la Pologne, que

la mission et les compétences des unités engagées fussent définies. En mars 1941, le haut

commandement de la Wehrmacht se déclarait d’accord pour que soient attribuées au

Reichsführer-SS Heinrich Himmler, sur le territoire des opérations de la Wehrmacht, „des

missions spéciales sur ordre du Führer, qui compte tenu du combat entre deux systèmes

politiques opposés, devait être mené jusqu’à son terme. Dans le cadre de cette mission, le

Reichsführer-SS agit de manière autonome en assumant la responsabilité des mesures prises“.

Les Einsatzgruppen de la Police de sécurité et du Service de sécurité, de même que les

unités des commandants SS et de Police supérieurs (Höhere SS- und Polizeiführer) n’auraient

toutefois pas pu accomplir le massacre de la population juive sans le concours de la

Wehrmacht. La Wehrmacht répartit sur tout le territoire des Feldkommandanturen et des

Ortskommandanturen qui détenaient le pouvoir exécutif dans une région tant que celle-ci se

trouvait sous administration militaire. Toutes les Wehrmachtskommandanturen furent avisées

d’enregistrer la population juive, de veiller à ce qu’elle porte la marque distinctive obligatoire

et soit regroupée dans des ghettos. En plus de ces mesures anti-juives, des unités de la

Wehrmacht participèrent aussi à des pelotons d’exécution. De nombreux commandants en

chef justifièrent expressément dans leurs ordres du jour le massacre des juifs soviétiques.

En même temps, les administrations militaires s’appropriaient les biens des victimes en les

réquisitionnant comme étant „fortune de juifs“, avec l’accord du Wirtschaftsstab Ost (office

chargé des mesures économiques à l’Est). À plusieurs reprises, les unités de la

Sicherheitspolizei et du SD soulignèrent dans leurs rapports combien les unités de la

Wehrmacht coopéraient avec zèle et efficacité.

LE GÉNOCIDE

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LE GÉNOCIDE / KRIVOÏ ROG 9

Fin août 1941, des unités de la Wehrmacht envahirent la ville de Krivoï Rog, un centre ukrainien d’extraction

de minerai de fer, qui comptait environ 200 000 habitants. L’administration locale fut d’abord assurée par la

Feldkommandantur (V) 538, qui fut relayée le 20 Septembre 1941 par la Feldkommandantur (V) 246.

L’administration militaire décréta dès la prise de la ville les premières mesures anti-juives.

Les juifs durent porter un brassard, ils furent recrutés pour les travaux forcés, ils reçurent l’interdiction d’acheter

librement de la marchandise et d’égorger le bétail selon les règles kascher. En outre, les Kommandanturen

locales réquisitionnèrent les fortunes juives et permirent aux administrations des villes ukrainiennes d’imposer

des contributions aux juifs. Il n’y eut toutefois pas de ghetto à Krivoï Rog.

Non loin de Krivoï Rog, dans le raïon (district) de Chirokoë, la 2ème compagnie du bataillon de police 318,

sous la responsabilité de la même Kommandantur, assassinait à ce moment-là déjà la population juive. On

prévoyait un massacre semblable à Krivoï Rog. L’Ortskommandantur compétente annonça le 15 octobre que

l’on prenait les mesures nécessaires pour que Krivoï Rog soit judenfrei („libre de juifs“). Une unité de police

subordonnée aux commandants SS et de Police supérieurs Russie Sud (Höhere SS- und Polizeiführer Rußland

Süd), qui n’a toutefois jusqu’alors pas pu être identifiée plus précisément, assassinait dans les mines d’Iljitsch,

avec l’aide de la police auxiliaire ukrainienne, environ 2 500 civils et 800 prisonniers de guerre qui avaient

été sélectionnés dans un camp de prisonniers de guerre de la Wehrmacht.

Victimes menées à l’exécution,censées être du 15.10.1941.Landesarchiv Schleswig-Holstein, Abt. 352 Nr. 2477, Lichtbildmappe

KRIVOÏ ROG

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LE GÉNOCIDE / KAMENETS-PODOLSK 10

En juin 1941 des troupes hongroises, qui combattaient aux côtés de la Wehrmacht, déplacèrent plusieurs

milliers de juifs vers la ville ukrainienne de Kamenets-Podolsk.

Le commandant de place allemand informa ses supérieurs qu’il ne pouvait ni ne voulait les nourrir. Les

consultations quant à leur sort étaient encore en cours au mois d’août. Kamenets-Podolsk devant être

transférée à l’administration civile le 1er septembre, les autorités compétentes firent pression pour qu’une

solution rapide fut trouvée. Lors de la concertation décisive du 25 août 1941 avec le colonel Hans Georg

Schmidt von Altenstadt, chef de la Abteilung Kriegsverwaltung beim Generalquartiermeister des Heeres

(section administration de guerre auprès de l’intendant en chef de l’armée de terre), des militaires et des

fonctionnaires de l’administration haut placés notèrent que le commandant SS et de Police supérieur Russie

Sud (Höherer SS- und Polizeiführer Rußland Süd), Friedrich Jeckeln (absent en l´occurrence) espérait

„avoir achevé la liquidation de ces juifs d’ici au 1.9.1941.“

Le 29 août, ponctuel, Jeckeln communiquait à Berlin que ses unités avaient fusillé non seulement les juifs

de Hongrie, mais aussi ceux de l’endroit, à Kamenets-Podolsk, au total 23600 personnes. Du point de vue de

la Wehrmacht, rien ne s’opposait plus à ce que la ville soit transférée à l’administration civile allemande.

Transport des victimes à l’exécution, 27. 8. 1941

KAMENETS-PODOLSK

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LE GÉNOCIDE / KAMENETS-PODOLSK 11

Juifs sur le chemin de l’exécution à Kamenets-Podolsk, 27.8.1941Photographe: Gyula SpitzUnited States Holocaust Memorial Museum, 28214 -28271

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LES SOLDATS SOVIÉTIQUES PRISONNIERS DE GUERRE DES ALLEMANDS12

Entre l’été 1941 et le printemps 1942, plus de 2 millions de prisonniers de guerre soviétiques

moururent en détention allemande. La Wehrmacht était seule responsable du transport, de

l’approvisionnement et de l´hébergement des prisonniers de guerre. À la différence des

prisonniers de guerre de l’Ouest, les prisonniers de guerre soviétiques ne furent pas traités

conformément aux exigences minima des normes du droit international humanitaire. Le

ravitaillement et les installations furent par conséquent si catastrophiques que des millions

de personnes en moururent.

Avant le début de la guerre déjà, la direction de la Wehrmacht décréta le Kommissarbefehl

(ordre concernant les commissaires) édictant l’assassinat des commissaires politiques de

l’Armée rouge. En outre, des unités de la Wehrmacht collaborèrent avec les Einsatzgruppen

(unités speciales) de la Police de sécurité et du Service de sécurité SD lors de sélections dans

les camps pour prisonniers de guerre soviétiques. Les personnes „politiquement suspectes“,

dont les prisonniers juifs faisaient partie, étaient sélectionnées et livrées aux Einsatzgruppen,

qui les fusillaient en dehors des camps. On „sélectionnait“ aussi parmi les prisonniers de guerre

déjà transportés vers le Reich. Ces prisonniers étaient ensuite transférés dans des camps de

concentration. Le nombre des victimes n’a pu être vérifié jusqu’à ce jour, les estimations vont

de 40 000 à 120 000 morts.

Ce n’est qu’avec l’échec du Blitzkrieg et la pénurie de main-d’oeuvre qui s’ensuivit qu’en

1942 un changement de politique apparut opportun. De plus en plus, les prisonniers de

guerre soviétiques furent utilisés pour les besoins de l’économie de guerre dans le Reich

allemand. Le haut commandement de la Wehrmacht eut beau ordonner l’amélioration de

l’approvisionnement de ces prisonniers de guerre, cet ordre arriva trop tard pour des

centaines de milliers d’entre eux.

LES SOLDATS SOVIÉTIQUESPRISONNIERS DE GUERRE DES ALLEMANDS

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LES SOLDATS SOVIÉTIQUES PRISONNIERS DE GUERRE DES ALLEMANDS / LES CAMPS DE LA LANDE 13

Dans les Landes de Lüneburg (Lüneburger Heide), en Allemagne du Nord, il y eut trois camps dénommés

„camps de Russes“: ceux de Wietzendorf, Oerbke, Bergen-Belsen. Au début, les prisonniers de guerre durent

s’y abriter en se creusant des trous dans la terre ou en bâtissant des huttes en terre. Ce n’est que peu à peu

que l’on construisit des baraques pour améliorer leur hébergement.

Dans les trois camps des Landes de Lüneburg, les conditions de vie furent désastreuses. Le ravitaillement

était tellement catastrophique que notamment les prisonniers affaiblis ou malades mouraient au bout de

quelques semaines. Entre novembre 1941 et février 1942, une épidémie de typhus et d’autres maladies, mais

principalement la sous-alimentation décimèrent les prisonniers: 40 000 au moins y laissèrent la vie. En avril

1942, le nombre des internés était réduit à 6 500 au total.

Les Heidelager (camps des landes) devinrent des buts d’excursion populaires pour les habitants de la région.

En fin de semaine, on allait se promener du côté des clôtures des camps, pour aller voir les prisonniers de

guerre russes. Les curieux ne se laissèrent pas décourager par des mesures de barrage supplémentaires.

Huttes rudimentaires en terre, non datéStaatsanwaltschaft Hamburg, 147 Js 29/65, Lichtbildmappe

Stalag Wietzendorf

Cimetière, 1941/42Zentralnachweis zur Geschichte von Widerstand und Verfolgung 1933—1945

auf dem Gebiet des Landes Niedersachsen

(Niedersächsische Landeszentrale für politische Bildung), 4000—20

Stalag XIC: Bergen-Belsen

Oerbke 1941: „candidat à la mort“Zentralnachweis zur Geschichte von Widerstand und Verfolgung 1933-1945

auf dem Gebiet des Landes Niedersachsen (Niedersächsische Landeszentrale

für politische Bildung), 4016A

LES CAMPS DE LA LANDE

Stalag XI D/321: Oerbke

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LA GUERRRE PAR LA FAIM / LENINGRAD14

Afin d’assurer le ravitaillement de la Wehrmacht en Union soviétique et de la Volksgemein-

schaft („communauté raciale du peuple“) en Allemagne, les territoires occupés devaient être

systématiquement pillés. „Procurer autant de vivres et de pétrole que possible à l’Allemagne“

– telles étaient les directives pour les responsables de la gestion économique des forces

d’occupation. Ils étaient conscients du fait que cela signifiait que des millions d’êtres humains

risquaient de mourir de faim. Le Wirtschaftsstab Ost (office chargé des mesures économiques

à l’Est) devait appliquer les mesures. Il réunissait alors les compétences des ministères

du Reich et des sections économiques de la Wehrmacht.

Indépendamment de ces projets généraux d’exploitation économique, les unités de la

Wehrmacht en campagne souffrirent, après quelques mois de guerre, déjà, de problèmes de

ravitaillement parfois aigus. Les réquisitions de vivres par les troupes prirent une telle ampleur

en 1941 qu’il en résulta ce qui fut dénommé Kahlfraßzonen (zones ravagées par les saisies

de ravitaillement). Jusqu’à 300 kilomètres derrière le front, des régions entières furent

dévastées. On n’y trouvait même plus d’animaux reproducteurs ni de semences.

Ce faisant, la Wehrmacht compromettait à long terme son propre ravitaillement tout autant

que le maintien de la main-d’oeuvre soviétique. Ainsi, dès l’automne 1941, des rations exiguës

devaient assurer un minimum d’alimentation pour la population – à condition qu’elle soit en

état de travailler. „Tous les parasites et mangeurs inutiles“, ce qui voulait dire en premier lieu

les adversaires politiques et les juifs, de même que les habitants des grandes villes ainsi que

les personnes âgées, malades, faibles et les enfants ne devaient obtenir qu’une alimentation

insuffisante. Il n’est plus possible aujourd’hui d’évaluer le nombre de victimes que provoqua

la politique allemande qui avait pour but d’affamer la population civile.

L’encerclement de la ville de Leningrad, qui dura presque 500 jours, du 8 septembre 1941 au 18 janvier 1943,

ne fut pas uniquement un siège militaire. Il était aussi conçu afin d’affamer délibérément et systématiquement

la population d’une ville entière. En automne 1941, elle comptait environ 3 millions d’habitants.

À plusieurs reprises, Hitler avait exprimé son intention de détruire Leningrad. Les ordres décisifs de renoncer

à prendre la ville et d’en décréter le blocus furent donnés en accord avec les hauts commandements de la

Wehrmacht et de l’armée de terre. Ils culminèrent dans la décision de refuser une éventuelle offre de

capitulation. Malgré certains scrupules, les dirigeants militaires devant Leningrad se montrèrent intransigeants

et sans merci. Selon les indications de source soviétique, 623 000 habitants moururent durant le blocus, à

l’Ouest on évalue le nombre des victimes à plus d’un million de personnes.

LA GUERRRE PAR LA FAIM

LENINGRAD

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LA GUERRRE PAR LA FAIM / KHARKOV 15

KHARKOV

Le haut commandement de l’armée et le Heeresgruppe Süd (Groupe d’armées de terre sud) avaient laissé

libre choix au commandant de la 6ème armée de répéter à Kharkov la stratégie d’encerclement de Leningrad.

Le Generalfeldmarschall Walter von Reichenau fit excessivement usage de sa marge de manoeuvre. Bien

qu’il ne procéda pas à un blocus alimentaire, mais occupa la ville, ce fut l’administration militaire qui pilla de

fond en comble la ville et ses environs en ordonnant le prélèvement direct de vivres, de bétail et de céréales.

Le haut commandement de la 6ème armée divisa la région de Kharkov en Erfassungsräume (zones

d’enregistrement), qui en devint un territoire Kahlfraßzonen (zones ravagées par les saisies de ravitaillement).

Durant la première année d’occupation 1941/42, cette politique eut pour conséquence la mort de 11918

habitants, si l´on se tient aux recensements que fit l’administration de la ville instaurée par l’occupant.

Photos de S.N. Petrova, de Leningrad, d’avant-guerre,mai 1942 et octobre 1942 (de gauche à droite).Musée historique d’État, Saint-Pétersbourg, sans cote

Statistiques de la mortalité à Leningrad de juillet 1941 à mars 1942indications se basant sur: Leningrad pendant le blocus. Recueil de documents .

édités par A.R. Dzeniskevich et. al.

Saint-Pétersbourg 1995, p. 298 et 314 (en langue russe)

Ordre du commandant en chef de la 6ème armée, Generalfeldmarschall vonReichenau, du 28.9.1941Bundesarchiv/Militärarchiv, RH 20-6/133, p 76

Kharkov, non datéPhotographe de la Compagnie de propagande:

Hermann Hoeffke

Bildarchiv Preußischer Kulturbesitz

nombre de morts enregistrés officiellement

1941 juillet 4,162septembre 6,808octobre 7,353novembre 11,085décembre 52,8811942janvier 96,751février 96,015mars 81,507

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LES DÉPORTATIONS 16

Des millions de civils soviétiques furent déportés pendant la guerre comme travailleurs.

Immédiatement après l’invasion de l’Union soviétique le 22 juin 1941, la Wehrmacht se mit à

enrôler de la main-d’oeuvre pour la construction de routes, de voies de chemin de fer et pour

des travaux de campagne sur le territoire des opérations. Après l’échec du Blitzkrieg pendant

l’hiver 1941/42, et comme la production industrielle de guerre devait être réadaptée, une

grave pénurie de main-d’oeuvre se manifesta dans le Reich également.

En mars 1942, Hitler nomma le Gauleiter de Thuringe, Fritz Sauckel, au poste de „Mandataire

général pour le service de travail“ (Generalbevollmächtigter für den Arbeitseinsatz). C’est alors

que les offices de l’emploi allemands se mirent à recruter dans les territoires occupés des

travailleurs civils pour des travaux en Allemagne. Le nombre des volontaires d’abord assez

considérable recula au bout de quelques semaines à peine, au point d’être quasiment nul,

lorsque les informations sur les conditions de travail effectives se répandirent. Alors les offices

du travail, avec le soutien de la police et de la Wehrmacht, recoururent de plus en plus à la

force. Entre novembre 1941 et juin 1944 environ 2,8 millions de personnes, uniquement en

provenance des territoires de l’Union soviétique, furent transportées vers le Reich pour des

travaux forcés.

Bien que la Wehrmacht fût d’abord sceptique par rapport au recrutement de main-d’oeuvre,

parce qu’elle lui était par là-même soustraite, elle faisait partie intégrante de l’organisation des

mesures coercitives. Sans la collaboration des administrations militaires, l’enrôlement et la

déportation de millions de travailleurs forcés eussent été impossibles.

En outre, l’administration civile, la Wehrmacht, les SS et la police tirèrent parti dès 1942/43 des

„opérations en grand “ (Großaktionen) pour recenser la population locale et la contraindre aux

travaux forcés. Le haut commandement de la Wehrmacht approuva expressément que des

„complices de bandes et des suspects de participation à des bandes“, ainsi que ceux supposés

tels, fussent déportés dans des camps de concentration SS et astreints aux travaux forcés.

Lorsqu’en 1943/44 commença la retraite de l’Union soviétique, la Wehrmacht, sur ordre

de Hitler, draina de force des centaines de milliers de civils. D’une part pour en priver l’Armée

rouge, d’autre part afin de pouvoir les utiliser pour leur compte comme main-d’oeuvre.

LES DÉPORTATIONS

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LES DÉPORTATIONS 17

Le Groupe d’armées de terre sud (Heeresgruppe Süd) à propos de la collaboration des Feldkommandanturen lorsde recrutement de main-d’oeuvre, le 3.5.1942Bundesarchiv/Militärarchiv, RH 23/99, p. 83

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LES DÉPORTATIONS / LA 3ÈME PANZERARMEE18

Au cours des mesures de recrutement de main-d’oeuvre pour le Reich, la 3ème Panzerarmee (armée de

blindés) déporta des civils de Vitebsk vers le camp de regroupement de Borisov, situé sur le territoire

d’opération de la 4ème armée. À Borisov, les civils étaient examinés et ensuite acheminés vers le Reich.

En outre, dans le cadre du combat contre les partisans, et avec l’aide de la 3ème Panzerarmee, les SS, la

police, la Wehrmacht et l’administration civile effectuaient des „opérations en grand“ (Großaktionen), comme

par exemple l’opération „averse de pluie“ (Unternehmen Regenschauer) ou „fête de printemps“ (Frühlings-

fest). Pendant ces opérations, des unités encerclaient des territoires d’opération de partisans, les ratissaient

et incendiaient ensuite les villages. Les civils étaient soit fusillés en tant que „présumés partisans“ ou menés

aux travaux forcés.

Camp Borisov, Mars 1944

Départ de main-d’oeuvre civile du camp de regroupement de Borisov le 27.3.1944Bundesarchiv/Militärarchiv, RW 31/860

Il n’est pas possible d’affirmer que ces photos montrent des habitants de Vitebsk, étant donné quedes personnes recrutées de force dans d’autres territoires étaient également transférées à Borisov.

LA 3ÈME PANZERARMEE

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LES DÉPORTATIONS / LA 3ÈME PANZERARMEE 19

Liste de la main-d’oeuvre recensée au cours de l’opération Frühlingsfest, non daté.Bundesarchiv/Militärarchiv, RH 21-3/671, p. 320

Opération Frühlingsfest fin avril/début mai 1944Photographe de la compagnie de propagande:Johannes BergmannBundesarchiv, Bild 146/90/86/2

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LA GUERRE CONTRE LES PARTISANS 20

La guerre contre l’Union soviétique ne se déroula pas seulement sur le front de plusieurs milliers

de kilomètres de long. Il y avait aussi la guerre contre les partisans dans les territoires occupés.

Pendant les premiers mois de la guerre, la Wehrmacht rencontra surtout des groupes de

partisans mal organisés, qui malgré l’appel de Staline furent militairement sans importance.

Néanmoins, le haut commandement de la Wehrmacht et le haut commandement de l’armée

de terre élargirent leur définition des personnes à traiter comme francs-tireurs. Outre des

partisans simplement présumés et des soldats isolés de l’Armée rouge, des unités de la Wehr-

macht tuèrent également des civils, en particulier des juifs, qui étaient d’emblée soupçonnés

d’être des partisans ou de les soutenir. Les personnes arrêtées devaient systématiquement

être battues et torturées lors des interrogatoires, puis tuées au cours des interrogatoires dits

„rigoureux“.

La contre-offensive de l’Armée rouge durant l’hiver 1941/42 eut pour conséquence un retrait

important de forces d’occupation, notamment dans la zone Heeresgebiet Mitte (territoire des

armées de terre centre). De ce fait, les partisans, dont la formation et l’équipement avaient

entre-temps été améliorés, réussirent à prendre le contrôle de régions entières derrière les lignes

allemandes et commençaient à harceler sérieusement les armées allemandes. C’est pourquoi

quelques commandants de la Wehrmacht tentèrent d’infléchir la politique de terreur généralisée

et de limiter les „mesures coercitives collectives“ dirigées contre la population civile, pour éviter

que celle-ci ne se rallie aux partisans. Hitler par contre insistait pour que le combat contre les

partisans continue à être mené avec les „moyens les plus brutaux“.

À partir de 1942, une victoire militaire contre les partisans n’était plus concevable.

Afin de détruire l’infrastructure des unités de partisans, les SS, la police et la Wehrmacht se

mirent à transformer en „zones désertiques“ (Wüstenzonen) des régions entières au cours

d’“opérations en grand“ (Großaktionen). Des villages furent incendiés, des milliers d’êtres

humains assassinés ou déportés aux travaux forcés.

LA GUERRE CONTRE LES PARTISANS

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LA GUERRE CONTRE LES PARTISANS / MINSK 21

Le 26 octobre 1941, un dimanche, douze personnes furent pendues publiquement à Minsk. La ville était

alors sous le commandement militaire de la 707ème division d’infanterie. Huit hommes et quatre femmes

furent menés à quatre lieux d’exécution différents, tambour battant. Autour du cou, ils portaient des

pancartes où l’on pouvait lire en allemand et en russe: „Nous sommes des partisans et nous avons tiré

sur des soldats allemands. “

Les victimes n’étaient pas des partisans et n’avaient pas non plus tiré sur des soldats allemands. Elles

faisaient partie d’un groupe de résistance qui fournissait à des soldats de l’Armée rouge en convalescence

à l’infirmerie de l’hôpital pour maladies infectieuses des faux passeports et des vêtements de civils afin

de les conduire ensuite vers leurs lignes de front.

Archives d’État biélorusses pour documents cinématographiques, photographiques et sonores,

Dzerjinsk, No. 0-133773

Bundesarchiv, Bild 146/72/62/43

MINSK

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LA GUERRE CONTRE LES PARTISANS / L’ OPÉRATION „DREIECK“ ET „VIERECK“22

Depuis le printemps 1942, les activités des partisans s’intensifiaient dans la partie sud du territoire

Heeresgruppe Mitte (Groupe d’armées de terre centre). Après deux opérations de „purge“ sans succès, le

haut commandement de la 2ème armée de blindés donna l’ordre de déclencher l’opération Dreieck

(triangle) et Viereck (carré).

Le régiment d’infanterie 727, plusieurs régiments de l’infanterie royale hongroise ainsi que des unités de

volontaires russes avaient mission d’encercler en plusieurs „enclaves“ et d’anéantir les 4000 partisans environ

qui opéraient autour du noeud ferroviaire de Brjansk.

Les opération Dreieck (triangle) et Viereck (carré) firent de vastes „zones désertiques“ (Wüstenzonen). Au

moins 1000 personnes périrent, des entrepôts de récoltes et du bétail furent emportés, les villages rasés et

la population de la région, 18 596 personnes au total, déportée. Il y avait des ordres spéciaux concernant le

traitement des juifs et des „membres des bandes“: ils devaient servir de „détecteurs de mines 42“. On leur

passait une longue corde autour du cou et les faisait courir à travers les champs, reliés à des herses et des

rouleaux. L’auteur du rapport de combat nota satisfait: „ La mise à disposition de nombreux ‘détecteurs de

mines’ [...] a fait ses preuves et a épargné beaucoup de sang à la troupe“.

Ordre de mission du commandant du territoire d’armée arrière 532 pour les opérations Dreieck et Viereck du23.9.1942Bundesarchiv/Militärarchiv, RH 23/26, p. 90

L’ OPÉRATION „DREIECK“ ET „VIERECK“

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LA GUERRE CONTRE LES PARTISANS / L’ OPÉRATION „DREIECK“ ET „VIERECK“ 23

Rapport de combat de l’opération Dreieck et Viereck du 17.9.-2.10.1942Bundesarchiv/Militärarchiv, RH 23/25, pp. 3-52, cit., pp. 51-52..

„[...] e) Création d’une ‘zone désertique’:

Les ordres pour la création d’une ‘zone désertique’ par la destruction des entrepôts, la mise à sac de villages etc.

ont partout été appliqués sans ménagement aucun. Les nombreux stocks de récoltes ne purent être recueillis par la

troupe faute d’effectifs suffisants.

Par conséquent, avant le début d’une opération, il faut regrouper des équipes de transport (civils, milice etc.) sous

un commandement énergique, afin de pouvoir assurer le transport de toutes les provisions etc., qui autrement doi-

vent être détruites, hors de la zone purgée par la troupe. De la marchandise et des stocks de beaucoup de valeur

auraient ainsi pu être préservés.

En particulier le total de la récolte de pommes de terre de la vallée fertile de la Revna ainsi que les grandes quan-

tités de foin et de paille qui s’y trouvaient auraient pu être recueillies.

f) en résumé, on peut constater que sur le territoire Dreieck et Viereck l’adversaire est désormais pour un certain

temps dépourvu – en grande partie du moins – de moyens d’existence, en raison

1.) des grandes pertes qui lui ont été infligées

2.) de la destruction totale de tous les villages et de nombreux entrepôts

3.) de l’évacuation de la population, suite à laquelle il est dépourvu de main-d’oeuvre, notamment pour

les travaux des champs en automne et au printemps.

En outre, par les mesures de barrage le long de la Navlya, une réinfiltration dans le territoire purgé est empêchée.

Toutes les unités allemandes, hongroises et de volontaires russes ayant participé à l’opération Dreieck et Viereck

se sont remarquablement bien battues au cours de ces 3 semaines, toutes les armes coopérant impeccablement,

contre un adversaire bien armé et se battant avec acharnement et persévérance, de même lors du ratissage des

forêts denses, en partie impraticables et très marécageuses.”

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REPRÉSAILLES ET EXÉCUTIONS D’OTAGES 24

Le droit international des conflits armés de l’époque autorisait des mesures de représailles

envers la population civile et même, en guise „d’expiation“, l’exécution d’otages afin de protéger

les soldats d’attentats et pour assurer la sécurité de l’occupant.

La Wehrmacht fit dans l’Europe entière un usage criminel de cette possibilité. En France, en

Norvège, en Italie, en Serbie et en Grèce des dizaines de milliers de civils furent fusillés.

Toutefois, la Wehrmacht attisait ainsi la résistance nationale. Elle se trouvait prise dans un

dilemme qu’elle avait elle-même créé: d’une part, elle voulait maintenir son autorité d’occupant

par des mesures draconiennes, d’autre part, dépendant de la collaboration des populations

locales, la Wehrmacht se mit à exécuter ses „mesures d’expiation“ principalement à l’égard des

juifs et des tsiganes.

Surtout en Serbie et en Grèce, alors sous l’administration militaire du commandant en chef

Sud-est (Oberbefehlshaber Südost), la population subit la terreur des forces d’occupation

allemandes. En Serbie, la Wehrmacht se montra particulièrement intransigeante à l’égard de

la population civile, dans le but de briser la soi-disant „mentalité balkanique“. Après la révolte

communiste de l’été 1941, le commandant en chef pour la Serbie appliqua dans toute leur

ampleur les directives du haut commandement de la Wehrmacht et ordonna que pour chaque

soldat allemand tué 100 civils fussent exécutés et 50 civils pour chaque soldat allemand

blessé. De plus en plus, des juifs devinrent les victimes de cette politique de représailles.

En Grèce, dès 1943, la terreur envers la population civile empira, lorsqu’à la suite de la

capitulation de l’Italie, l’Allemagne occupa également les territoires jusqu’alors sous domination

italienne. La crainte d’une invasion des Alliés et la recrudescence des attaques des partisans

amenèrent les autorités de la force d’occupation à faire subir à la population civile des mesures

de plus en plus brutales et arbitraires.

REPRÉSAILLES ET EXÉCUTIONS D’OTAGES

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Au début du mois d’octobre 1941, les combats avec des unités de partisans avaient

considérablement augmentés près des localités de Kraljevo et de Kragujevac. Le 13 octobre,

les partisans réussirent à encercler la ville de Kraljevo et la 717ème division d’infanterie qui y était

stationnée. Celle-ci pris des otages dans la ville. Deux jours plus tard, les insurgés poursuivirent

leur attaque, que les Allemands réussirent à repousser, au prix de pertes considérables. Dans la

soirée, on entendit à nouveau des coups de feu dans la ville, à quoi les unités de la Wehrmacht

ripostèrent en tuant 300 civils serbes.

Les pertes allemandes lors des combats de Kraljevo furent „expiés“ le jour suivant. Des soldats

de la 717ème division d’infanterie rabattirent les hommes parmi les habitants vers la cour de la

fabrique de wagons de l’endroit et les fusillérent. D’après les sources yougoslaves, entre 4000

et 5000 civils furent tués à Kraljevo et dans les environs.

Le 21 octobre 1941, une autre exécution de masse eu lieu à Kragujevac. Après un combat avec

des partisans, au cours duquel dix soldats allemands furent tués et 26 blessés, des soldats du

749ème et du 724ème régiments d’infanterie, commandés par le Major Paul König, fusillèrent

2 300 personnes au total dans les environs de la ville.

REPRÉSAILLES ET EXÉCUTIONS D’OTAGES / KRALJEVO ET KRAGUJEVAC 25

Légende des archives: „Otages détenus dans lebâtiment de construction de locomotives de lafabrique de wagons de Kraljevo, juste avant leurexécution en octobre 1941“Musée militaire de Belgrade, No. 20835

Exécution d’otages à Kraljevo

Légende des archives: „Otages menés au lieud’exécution près de la fabrique de wagons de Kraljevo, en octobre 1941“Musée militaire de Belgrade, No. 20849

Légende des archives: „Otages fusillés aux alentours de la fabrique de wagons de Kraljevo, enoctobre 1941“Musée militaire de Belgrade, No. 20850

KRALJEVO ET KRAGUJEVAC

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REPRÉSAILLES ET EXÉCUTIONS D’OTAGES / KALAVRYTA 26

Les exécutions de masse à Kalavryta furent le plus grand massacre isolé en Grèce. Il fut la riposte à la

capture par l’organisation de partisans ELAS, dirigée par des communistes, d’une compagnie allemande en

octobre 1943. Les soldats, environs 80, furent passés par les armes et précipités dans un ravin. Après quoi

le commandant de la 117ème division de chasseurs, Generalmajor Karl von Le Suire, donna l’ordre le 10

décembre 1943 de raser Kalavryta et Mazeika, ainsi que les localités qui avaient soutenu les partisans.

En l’espace de quelques jours, les Kampfgruppen (groupes de combat) „Gnass“ et „Ehrensberger“

incendièrent, selon leurs propres rapports, 24 localités et trois monastères et fusillèrent 696 habitants.

Ordre de Karl von Le Suire, du 10.12.1943, de détruire Kalavryta et Mazeika.Bundesarchiv/Militärarchiv, RH 26-117/16, p. 247

KALAVRYTA

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REPRÉSAILLES ET EXÉCUTIONS D’OTAGES / KALAVRYTA 27

Rapport final sur des „mesures d’expiation“ au cours de l’opération „Kalawrita“,transmis par téléscripteur par la 117ème division de chasseurs au LXVIIIème corps d’armée,du 31 décembre 1943Bundesarchiv/Militärarchiv, RH 26-117/16

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MARGES DE DÉCISION / „UN ORDRE EST UN ORDRE“28

Un ordre n’est pas affaire univoque. Souvent, celui qui donne l’ordre et celui qui le reçoit ne

se trouvent pas en même temps au même endroit. Alors l’exécutant n’a d’autre recours que

lui-même et il doit décider de l’exécution et des modalités d’exécution de l’ordre. Si un ordre

ne comporte pas dans tous les cas des instructions détaillées, il représente toujours un mandat

pour agir.

La situation dans laquelle un ordre est donné représente un espace permettant le déploiement

d’un certain nombre de possibilités envisageables. Néanmoins, elles ne sont pas illimitées. Ainsi,

la perception de la situation est un facteur décisif, duquel dépendra l’usage que l’exécutant fera,

ou non, de sa marge de décision. La fonction militaire ainsi que la position dans la hiérarchie

limitent et élargissent à la fois les possibilités d’action.

C’est l’individu qui décide de sa conduite dans une situation donnée. Personne ne saurait

répondre des actes d’autrui.

„UN ORDRE EST UN ORDRE“

Le 8 mai 1954, le tribunal de première instance de Darmstadt (Landgericht Darmstadt) condamnait l’ancien

Kompaniechef (commmandant de companie) Friedrich Nöll et son Hauptfeldwebel (feldwebel en chef) Emil

Zimber à quatre et trois ans de prison respectivement pour assistance à homicide. En 1956, les peines furent

réduites à trois et deux ans de prison respectivement. La cour considéra Nöll et Zimber responsables de

l’exécution par balle de la population juive de Krutcha – principalement des personnes âgées, des femmes et

des enfants.

„ DANGER: PARTISANS“

En automne 1941, le 691ème régiment d’infanterie fut chargé de „mesures de sécurité et d’apaisement“ sur

le territoire occupé de la Biélorussie, à l’ouest de Mogilev, Orcha et Vitebsk. Bien que le 1er bataillon signalât

quotidiennement des „contacts avec l’ennemi“, il ne pouvait être question d’un danger émanant de partisans.

L’un des commandants de la compagnie, l’Oberleutnant Hermann Kuhls, participa au stage „ Combattre

les partisans“, organisé à l’initiative du commandant de l’arrière du terrritoire d’armée de terre centre

(rückwärtiges Heeresgebiet Mitte), le Général Max von Schenckendorff. Lors de ce stage, on lança le slogan:

Un juif est un partisan, un partisan est un juif. Pour la première semaine d’octobre, le 1er bataillon notait

dans son rapport qu’en guise de représailles pour la blessure infligée à un soldat allemand et de contacts

qu’ils auraient eu avec des partisans, 41 juifs avaient été tués.

C’est dans ce contexte que début octobre 1941 le Major Alfred Commichau, commandant en chef du 1er

bataillon du 691ème régiment d’infanterie, donna à ces trois chefs de compagnie de vive voix l’ordre de fusil-

ler l’ensemble de la population juive dans les lieux de cantonnement respectifs.

MARGES DE DÉCISION

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MARGES DE DÉCISION / „UN ORDRE EST UN ORDRE“ 29

UN ORDRE - TROIS VARIANTES D’EXÉCUTION

Le commandant de la 1re compagnie, l’Oberleutnant Josef Sibille, né en 1894, enseignant dans le civil,

membre du parti nazi (NSDAP) depuis 1933, Block- und Zellenleiter (responsable de l´organisation nazie au

niveau d’un „bloc“ et d’une „cellule“), affirme n’avoir pas exécuté l’ordre. Il déclara au commandant en chef

du bataillon qu’il ne voyait pas qu’il y eût des rapports entre juifs et partisans. De toute manière, la population

juive dans son secteur n’était plus composée que de vieillards, de femmes et d’enfants, qui tous ne

représentaient aucun danger pour la sécurité de la troupe. Un à deux jours plus tard, Commichau se renseigna

par téléphone pour si l’ordre avait entre temps été exécuté. Sibille s’y refusa expressément. Commichau lui

demanda quand il allait enfin finir par faire preuve de rigueur. Sibille déclara avoir répondu: jamais.

L’Oberleutnant Hermann Kuhls, commandant de la 2ème compagnie, âgé alors de 33 ans, membre du parti

nazi (NSDAP), des SS et participant au stage anti-partisan, exécute manifestement l’ordren immédiatement et

sans hésitation.

Le troisième commandant de la compagnie, le Hauptmann Friedrich Nöll, né en 1897, également enseignant

dans le civil, hésite. Il se concerte avec son Hauptfeldwebel Emil Zimber. Ils ont des doutes, car ils se rendent

bien compte que cet ordre implique aussi l’exécution de femmes et d’enfants, alors qu’il n’existe pas le

moindre indice laissant supposer que des juifs de Krutcha, un village d’environ 1000 habitants, entretiennent

des rapports avec les partisans. Ils demandent une confirmation par écrit de l’ordre. Peu après, l’ordre du

commandant en chef du bataillon leur parvient: les juifs à Krutcha doivent être fusillés. Nöll et Zimber sont

consternés, l’ordre est formel. Nöll regimbe d’abord, puis il craint les conséquences éventuelles d’un acte

d’insubordination. Nöll donne l’ordre à Zimber de fusiller tous les juifs du village. Selon ses propres

déclarations, il tenta de pallier l’agitation que l’injonction d’assassiner provoqua parmi les soldats en indiquant

que toute l’affaire avait été décidée en haut lieu. Un ordre ne saurait être discuté.

Le 10 octobre 1941, les soldats de la 3ème compagnie du 691ème régiment d’infanterie et des membres de

la police auxiliaire du pays vont chercher les juifs de Krutcha dans leurs maisons, les regroupent et les mènent

près d’un fossé, où ils ont ensuite fusillés.

Il y eut un incident lors de l’exécution. Selon ses propres déclarations, le Gefreiter Wilhelm Mangel, affecté

au peloton d’exécution, ferme les yeux avant de tirer, et rate sans doute ainsi sa victime. En tout cas, tous les

juifs ne sont pas morts. Magel est alors remplacé et affecté à une unité devant barrer l’accès aux lieux, et

l’exécution se poursuit.

APRÈS LA GUERRE

Le commandant en chef du bataillon Commichau et le chef de la compagnie Kuhls ne survécurent pas à la

guerre. Le Hauptmann Nöll et le Hauptfeldwebel Zimber furent inculpés et condamnés. Le tribunal acquitta le

Gefreiter Magel.

Karl Friedrich Nöll et Emil Zimber sur le banc des accuses du Landgericht Darmstadt,le 9 mars 1956.ullstein bild

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L´APRÈS-GUERRE30

Le 9 mai 1945, le haut commandement de la Wehrmacht annonçait dans son dernier rapport

que depuis minuit, les armes avaient été déposées et que la Wehrmacht allemande avait

„finalement succombé honorablement aux forces immensément supérieures.“ Quelques mois

plus tard, des anciens généraux hauts placés formulèrent leur point de vue quant au rôle de la

Wehrmacht pendant la Seconde Guerre mondiale. La guerre conte les partisans, les exécutions

d’otages et le recrutement des travailleurs forcés auraient été des mesures imposées par les

nécessités de la guerre. La persécution et le meurtre des juifs auraient selon eux été l’affaire

de la Reichsführer-SS, sans que les autorités de la Wehrmacht y aient collaboré ou en aient eu

connaissance. Ainsi naissait l’image d’une Wehrmacht qui n’avait pas participé aux crimes de

guerre et qui était donc restée „propre“.

Cette croyance ne demeura pas inébranlée. Des militaires hauts placés durent comparaître

devant le Tribunal militaire international de Nuremberg et ils furent jugés coupables. Mais alors

que le Tribunal des alliés qualifia la Gestapo, le Sicherheitsdienst (Service de sécurité) et la SS

d’organisations criminelles, il ne parvint pas aux mêmes conclusions pour l’état-major et le haut

commandement de la Wehrmacht. Pour l’opinion publique, cela équivalait à un acquittement

de la Wehrmacht.

Au cours des années cinquante, la question de savoir quel genre de rapport il convenait

politiquement et socialement d’entretenir avec les anciens membres de la Wehrmacht était

influencée par la guerre froide et la décision de réarmer l’Allemagne. L’intégration des deux États

allemands à leurs systèmes d’alliances respectifs relégua la poursuite judiciaire des criminels

de guerre au second plan. L’Allemagne de l’Est et l’Allemagne de l’Ouest eurent besoin des

anciennes élites pour la reconstruction de l’État et de l’armée. En Allemagne de l’Ouest, il fallut

l’espace d’une génération avant de pouvoir s’attaquer aux traditions sujettes à caution et aux

questions de société frappées de tabou. Et ce n’est que vers la fin des années soixante-dix

que se développa une historiographie critique de l’histoire militaire, qui entreprit des études

approfondies sur la participation de la Wehrmacht aux crimes de guerre. Malgré les résultats de

la recherche, l’image d’une „Wehrmacht propre“ prévalut dans l’opinion public ouest-allemand

jusque dans les années quatre-vingt.

L´APRÈS-GUERRE

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STATUT DU TRIBUNAL MILITAIRE INTERNATIONALE DE NUREMBERG 8.8.1945 (Extrait)Recueil des traités des Nations Unies, vol. 82 p. 288.

“[…] Article 6

Le Tribunal établi par l’Accord mentionné à l’article premier ci-dessus pour le jugement et le châtiment des

grands criminels de guerre des pays européens de l’Axe, sera compétent pour juger et punir toutes personnes

qui, agissant pour le compte des pays européens de l’Axe, auront commis, individuellement ou à titre de

membres d’organisations, l’un quelconque des crimes suivants :

Les actes suivants ou l’un quelconque d’entre eux sont des crimes soumis à la juridiction du Tribunal et entraînant

une responsabilité individuelle :

a) Les crimes contre la paix : c’est à dire la direction, la préparation, le déclenchement ou la poursuite d’une

guerre d’agression ou d’une guerre de violation des traités, assurances ou accords internationaux, ou la

participation à un plan concerté ou à un complot pour l’accomplissement de l’un quelconque des actes qui

précèdent ;

b) Les crimes de guerre : c’est à dire les violations des lois et coutumes de la guerre. Ces violations comprennent,

sans y être limitées, l’assassinat, les mauvais traitements ou la déportation pour des travaux forcés, ou pour

tout autre but, des populations civiles dans les territoires occupés, l’assassinat ou les mauvais traitements des

prisonniers de guerre ou des personnes en mer, l’exécution des otages, le pillage des biens publics ou privés,

la destruction sans motif, des villes et des villages ou la dévastation que ne justifient pas les exigences militaires ;

c) Les crimes contre l’humanité : c’est à dire l’assassinat, l’extermination, la réduction en esclavage, la déportation

et tout autre acte inhumain commis contre toutes populations civiles, avant ou pendant la guerre, ou bien les

persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux, lorsque ces actes ou persécutions, qu’ils aient

constitué ou non une violation du droit interne du pays où ils ont été perpétrés, ont été commis à la suite de

tout crime entrant dans la compétence du Tribunal, ou en liaison avec ce crime.

Les dirigeants, organisateurs, provocateurs ou complices qui ont pris part à l’élaboration ou à l’exécution d’un plan

concerté ou d’un complot pour commettre l’un quelconque des crimes ci-dessus définis sont responsables de tous

les actes accomplis par toutes personnes, en exécution de ce plan. […] «

L´APRÈS-GUERRE 31

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L´APRÈS-GUERRE32

BULGANIN ET ADENAUER LORS DE LA SIGNATURE DU COMMUNIQUÉ FINAL LE 13.9.1955Bundesarchiv, Bild 183/32875/1

RAPATRIEMENT D’UNION SOVIÉTIQUE D’ANCIENS PRISONNIERS DE GUERRE VERS LE CAMP DERÉFUGIÉS FRIEDLAND, 1955Alfred Strobel/SV-Bilderdienst

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L´APRÈS-GUERRE 33

Décret sur la tradition du Ministre fédéral de la défense, Kai-Uwe von Hassel (CDU), du 1.7.1965Bundesarchiv/Militärarchiv, BW 2/4238, cit. d’après Donald Abenheim, Bundeswehr und Tradition. Die Suche nach dem gültigen Erbe des deutschen Soldaten;

München 1989, pp.225-229, cit. pp. 227-229

„[...] 14. D’après la tradition militaire allemande, l’efficacité et la dignité du soldat allemand sont en grande

partie redevable à sa liberté dans l’obéissance. L’entraînement à la maîtrise de soi, l’exigence d’une participation

intelligente et le style de commandement, tel qu’il s’exprimait dans la „tactique de la mission“ [Auftragstaktik –

principe de commandement supposant une responsabilisation du subordonné (N.D.T)], élargirent de plus en plus

cette marge de liberté. Ce n’est qu’avec le régime national-socialiste qu’elle fut désavouée.

C’est à cette liberté dans l’obéissance que nous devons maintenant nous rattacher. La responsabilité personnelle

impliquant le risque de la vie, de la position et de la réputation, rend sa dimension humaine à l’obéissance du

soldat. En dernier lieu ne répondant plus de leurs actes que face à leur conscience seule, des soldats ont su faire

leurs preuves jusqu’à la conséquence ultime, contre l’injustice et le crime de la tyrannie national-socialiste.

La Bundeswehr (force armée fédérale) se doit de cultiver cette „fidélité à la conscience“ (Gewissenstreue).

25. [...] les symboles avec la croix gammée ne seront ni arborés ni montrés. Lors de manifestations spéciales dans

le cadre du maintien de la tradition et pour honorer les morts, la Bundeswehr peut escorter des drapeaux

d’anciennes unités de la troupe, à condition que le drapeau de la troupe soit arboré.

26. Les traditions d’anciennes unités de la troupe [ comprenant aussi décorations militaires, insignes etc. (N.D.T.)]

ne sont pas remises à des unités de troupe de la Bundeswehr. [...].”

Directives du Ministre fédéral de la défense Hans Apel (SPD) relatives au sens de la tradition et à son maintien ausein de la Bundeswehr, émises le 20.9.1982BMVg. GenInspBW Fü S 13 - Az 35-08-07, Information für Kommandeure Nr. 1/82, vom 20.9.1982, Anl. 1, zit. n. cit. d´après Donald Abenheim,

Bundeswehr und Tradition.

„ [...] 6. L’histoire des forces armées allemandes a connu des phases de rupture considérables. Sous le

national-socialisme, les forces armées se sont d’une part rendues coupables par leurs agissements, et ont d’autre

part été utilisées abusivement sans faute de leur part. Un régime en rupture avec les fondements du droit et de

la justice [Unrechtsregime], tel que le fut le Troisième Reich, ne saurait être la référence d’aucune tradition.

7. Toute action militaire doit s’orienter par rapport aux normes de l’État de droit et du droit international. Les

obligations du soldat – fidélité, courage, obéissance, solidarité, sincérité, discrétion ainsi qu’un comportement

exemplaire et soucieux du bien-être d’autrui de la part des supérieurs – obtiennent à notre époque leur dimension

morale par leur rattachement à la Loi fondamentale [Grundgesetz – la constitution de la République fédérale

d’Allemagne (N.D.T)]. [...]

22. Dans le cadre du maintien de la tradition, des rencontres avec des personnes ou des groupements ne sont

envisageables que si ceux-ci se réfèrent à l’ordre de notre constitution quant à leurs options poltiques de base et

à leurs objectifs.

Des traditions [comprenant aussi décorations militaires, insignes etc. (N.D.T.)] d’unités de troupes d’anciennes

forces allemandes ne sauraient être remises à des unités de troupes de la Bundeswehr. Des drapeaux et étendards

d’anciennes unités de troupes allemandes ne sauraient être portés ni escortés au sein de la Bundeswehr. Il est

interdit d’entretenir des contacts officiels avec des organisations qui se situent dans la succession de l’ancienne

Waffen-SS.

Il est interdit de montrer des insignes national-socialistes, en particulier la croix gammée. Sont exceptés de cette

règle les représentations dont le but est l’étude du national-socialisme dans le cadre de la formation à une

conscience politique ou historique, des expositions du Wehrgeschichtliches Museum [Musée d’histoire militaire] ainsi

que l’usage de ces insignes dans le cadre de la recherche scientifique et de l’enseignement. [...]“

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L´APRÈS-GUERRE / „GUERRE D’EXTERMINATION. CRIMES DE LA WEHRMACHT 1941 À 1944“34

Lorsque le 5 mars 1995 fut inaugurée à Hambourg l’exposition „Guerre d’extermination. Crimes

de la Wehrmacht 1941 à 1944“, réalisée par l’Institut de recherches sociales de Hambourg, on ne

s’attendait vraisemblablement pas à ce qu’elle accueille en l’espace de quatre ans plus de 800 000

visiteurs dans 33 villes d’Allemagne et d’Autriche. Cette exposition entendait démontrer que la

Wehrmacht avait participé à l’élaboration et la réalisation d’une guerre d’extermination contre les

juifs, les prisonniers de guerre et la population civile. La recherche historique ne permettait plus

guère de doute à ce sujet. L’écho auprès du grand public démontra toutefois que, 50 ans après la

fin de la guerre, l’image d’une Wehrmacht „propre“ avait toujours cours dans certains milieux de

la société allemande.

Pendant les quatre ans où elle fut montrée, l’exposition rencontra beaucoup d’approbation et de

reconnaissance officielle. Les débats du Bundestag du 13 mars 1997 ont été qualifiés d’heure de

gloire de la vie parlementaire. Mais cette exposition provoqua aussi des critiques et de violentes

protestations. Lors de sa présentation à Munich en 1997, il apparut clairement qu’elle était devenue

une affaire politique.

En octobre 1999, la polémique culmina à nouveau autour du reproche que les légendes de

certaines photos étaient erronées. Quelques historiens affirmèrent qu’elles ne montraient pas,

comme le prétendait l’exposition, des victimes de pogromes contre les juifs, mais des victimes

des services secrets soviétiques NKVD. Le conflit qui s’ensuivit menaça de remettre en question

toute l’exposition. Le 4 novembre 1999 le directeur de l’Institut de recherches sociales de

Hambourg, Jan Philipp Reemtsma, suspendit l’exposition et soumit photos et textes à l’examen

d’une commission d’historiens. Un an plus tard, ils présentèrent un rapport. Ils concluaient que

les réalisateurs de l’exposition ne s’étaient rendus coupables ni de falsification ni de manipulation.

Ils constatèrent toutefois que la documentation contenait des erreurs et que l’argumentation

comportait parfois des généralisations abusives. C’est pourquoi ils recommandaient de réviser

méticuleusement, éventuellement de refondre l’exposition, avant de la présenter à nouveau

au public.

„GUERRE D’EXTERMINATION.CRIMES DE LA WEHRMACHT 1941 À 1944“POLÉMIQES AUTOUR D’UNE EXPOSITION

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L´APRÈS-GUERRE / „GUERRE D’EXTERMINATION. CRIMES DE LA WEHRMACHT 1941 À 1944“ 35

Dernier jour de l’exposition à Munich, le 6.4.1997Karlheinz Egginger/SV-Bilderdienst

Visite guidée pour les jeunes à Hambourg, le 1.6.1999Axel Kirchhof/action press

Page titre du magazineDER SPIEGEL du 10.3.1997

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L´APRÈS-GUERRE / „GUERRE D’EXTERMINATION. CRIMES DE LA WEHRMACHT 1941 À 1944“36

Rapport de la commission de vérification de l’exposition„Guerre d’extermination.Crimes de la Wehrmacht 1941 à 1944“, novembre 2000 (extrait)

„[...] Conclusions

1. Suite aux controverses qu’elle suscita dans l’opinion publique, et conformément à la demande adressée à la

commission de la soumettre à un examen critique, l’exposition ‘Guerre d’extermination. Crimes de la Wehrmacht

1941 à 1944’ a été examinée, autant par rapport à la thèse avancée que par rapport aux pièces présentées,

avec une minutie encore jamais mise en oeuvre pour une exposition sur un sujet d’histoire récente.

2. L’examen a mené à la conclusion que la critique exprimée dans le débat public était justifiée, en partie tout au

moins. L’exposition comporte 1. des erreurs sur le fond, 2. des inexactitudes et négligences quant aux pièces

exposées, et 3. des assertions par trop généralisantes et suggestives, ce qui est dû en grande partie à la forme

de la présentation.

3. L’exposition ne comporte en revanche aucune falsification concernant les interrogations et thèses de base.

L’examen des documents photographiques et écrits dans les archives utilisées a révélé des imprécisions et parfois

même des erreurs d’attribution, mais pour l’ensemble, elle a confirmé la méticulosité et le sérieux du travail sur

les sources qu’ont fournis les auteurs de l’exposition.

4. L’exposition, par moments, avance ses thèses en généralisant de manière abusive. C’est ainsi, et à cause de la

manière dont elle présente les choses, qu’elle a contribué à ce que l’exposition n’a pas été perçue comme une

exposition sur la spécificité de la guerre d’extermination menée en Union soviétique, mais comme une exposition

sur la Wehrmacht en général. D’où l’appellation „Exposition Wehrmacht“ [que lui attribua le grand public (N.D.T)].

5. Néanmoins, les thèses maîtresses de l’exposition au sujet de la Wehrmacht et de la guerre faite à ‘l’Est’ n’en

restent par moins justes quant aux faits. Il est incontestable qu’en Union soviétique, la Wehrmacht ne s’est pas

seulement „empêtrée“ dans le génocide des juifs, dans les crimes commis contre les prisonniers de guerre et dans

le combat contre la population civile, mais qu’elle y a participé, en jouant tantôt un rôle de premier plan, tantôt

d’homme de main. Et il ne s’agit pas ‘d’exactions’ ou ‘d’excès’ isolés, mais de mesures qui reposaient sur des

décisions des dirigeants militaires les plus haut placés et des commandants de troupes, aussi bien sur le front que

derrière le front.

6. Si la crédibilité de l’exposition fut remise en question, ce n’est pas tant à cause de quelques erreurs et

négligences qu’on a pu démontrer qu’à cause de l’arrogance et le manque de professionnalisme des auteurs de

l’exposition face aux critiques dont elle fut l’objet. Il faut admettre qu’il n’a pas toujours été facile de distinguer la

simple polémique de la critique justifiée. Mais rien n’indique que l’effort de cette distinction ait été fait à temps et

avec le sérieux requis. C’est ainsi que fut créé un climat dans lequel le fait de relever des erreurs concernant

quelques photos déclencha une crise si grave qu’il devint inévitable de suspendre l’exposition.

7. Pour toutes ces raisons, la commission recommande de continuer à montrer l’exposition, après l’avoir retravaillée

consciencieusement et en avoir éventuellement modifié la présentation. Les thèses directrices sur la Wehrmacht

et la guerre d’extermination à ‘l’Est’ ne doivent aucunement être revues, mais il faut les protéger contre des

malentendus. En outre, les documents transmis, et en l’occurence tout spécialement les photos, doivent faire l’objet

d’une attention particulière. Quant au ton de l’argumentation, il devrait participer davantage de la théorie et de la

méthodologie des sciences historiques que du réquisitoire. Il faudrait que l’exposition présente son matériel, mais

qu’elle laisse autant que possible le visiteur libre de tirer ses conclusions.

8. Il serait souhaitable que lors d’une refonte de l’exposition, la perspective qui prévaut maintenant, celle de ceux

qui ont perpétré les crimes, soit complétée par celle des victimes, par quelques exemples tout au moins, afin que

le point de vue et l’expérience de ceux qui ont subi les atrocités soient également représentés.

9. L’exposition, comme le prouve le débat public qu’elle suscita, a été utile et nécessaire. Revue en tenant compte

des critiques, des résultats des recherches récentes et des discussions qu’elle souleva, elle pourra, au cours des

années qui viennent, continuer d’apporter une contribution essentielle au développement d’une conscience

historique et politique en République fédérale d’Allemagne.“

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Institut de recherches sociales de Hambourg (éd.)CRIMES DE LA WEHRMACHTDimensions de la guerre d’extermination 1941-1944

Conception: Dr. Ulrike Jureit , Prof. Dr. Jan Philipp Reemtsma

Conseil scientifique: Prof. Dr. Hans Mommsen (président du conseil); Prof. Dr. Michael Bothe, Johann-Wolfgang-Goethe Universität Frankfurt (guerre et droit); Prof. Dr. Hagen Fleischer, University of Athens (représailles et exécutions d’otages); Dr. Jürgen Förster, The University of Glasgow (guerre contre les partisans); Prof. Dr. Ulrich Herbert, Albert Ludwigs UniversitätFreiburg (déportations); Prof. Dr. Detlef Hoffmann, Universität Oldenburg (photographies en tant que sources historiques); Dr. Klaus Latzel, Universität Bielefeld (lettre de soldats); Prof. Dr. Peter Longerich, Royal Holloway University of London (génocide); Prof. Dr. Alf Lüdtke, Max Planck Institut für Geschichte, Göttingen (marges de décision); Dr. Reinhard Otto, Dokumentationsstätte Stalag 326 (prisonniers de guerre soviétiques); Dr. Gerhard Ueberschär, Bundesarchiv-Militärarchiv Freiburg (guerre par la faim)

Coordination: Christoph Bitterberg, Dr. Ulrike Jureit, Jutta Mühlenberg

Recherches et traitement scientifique:Dr. Andrej Angrick (génocide), Christoph Bitterberg (guerre et droit), Florian Dier (représailles et exécutions d’otages), MarcusGryglewski (marges de décision), Dr. Gerd Hankel (guerre et droit), Peter Klein (guerre contre les partisans) Magnus Koch (marges de décision), Norbert Kunz (guerre par la faim), Dr. Karsten Linne (prisonniers de guerre soviétiques), Dr. Sven OliverMüller (lettres de soldats), Manfred Oldenburg (déportations), Dr. Harald Schmid (après-guerre), Oliver von Wrochem (après-guerre), Ute Wrocklage (photographies en tant que sources historiques)

Assistants: Una Gebhard, Kirsten Pörschke, Sarah StrüßmannRecherche photographique: Harriet Scharnberg

Rédaction générale: Dr. Ulrike JureitRédaction: Christoph Bitterberg, Jutta Mühlenberg, Birgit Otte

Presse et relations publiques: Silke Greve, Dr. Regine Klose-Wolf

Conception de la présentation: Andreas Heller

Architecture de l’exposition: Christian Ress, Thorsten Rohmann, Klaus Prenger BerninghoffGraphisme: Alexandra Schäfer, Hanna Beckmann, Charlotte Driessen, Jutta Strauß, Marina Eismann, Wilfried Sloman, Ritta FuhrmannÉcran: Maren BrötjeDirecteur de production: Kerstin WieseAssistants: Sabine Schöningh, Melanie ZühlkePhotos panoramiques: Jörg PotschaskeEnregistrement vocal: Bernstein voices, Livre sonore:Studio Hamburg Atelier GmbHNarrateurs: Rolf Becker, Verena von Behr, Marlen Diekhoff, Alexandra Henkel, Gerhart Hinze, Erkki Hopf, Gerd Lippert, Holger Postler, Friedhelm Prok, Thomas Vogt, Gerd Wameling, Angelika WockertMontage vidéo, traitement digital: Studio Hamburg Atelier Gmbh

Maquette catalogue, affiche: Alexandra SchäferMaquette guide de l’exposition: Maria Isabel WernerGraphisme: Jutta Strauß

Réalisation générale: Studio Andreas Heller GmbH

Installations et éclairages de l’exposition: Studio Hamburg Atelier GmbHLettrage de l’exposition: Altonaer WerbewerkstattOrdinateurs et logiciel pour visiteurs: Hamburg 4 GmbHInstallations son: Ampton Sound and communication GmbHTraitement photos: Fotofachlabor Ralf Kleinhempel GmbH; PPS. Professional Photo Sevice GmbH&Co.Scans: Grafische Werkstatt KreherTransports: Paul Filter Möbelspedition GmbH

Printed in Germany

ISBN 3-930908-74-3

1. Auflage Januar 2002

Die Deutsche Bibliothek – CIP-Einheitsaufnahme

Ein Titelsatz für diese Publikation ist bei

der Deutschen Bibliothek erhältlich