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REVUE DE L’ORDRE DES URBANISTES DU Q UÉBEC HIVER 2017 Montréal en effervescence 11,25 $ Envoi de Poste-publication N° de convention : 400 33 006 MARC BRUXELLE

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URBANITÉR E V U E D E L ’ O R D R E D E S U R B A N I S T E S D U Q U É B E C

HIVER 2017

Montréal en effervescence11,25 $Envoi de Poste-publication

N° de convention : 400 33 006

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Message du président 5

Célébrons Montréal et ses bâtisseursDonald Bonsant, urbaniste

Montréal en effervescenceet en devenir 6

MONTRÉALEntre passé et avenir 7ENTREVUE AVEC LE MAIRE DENIS CODERREPropos recueillis par SERGE VAUGEOIS, urbaniste

BLANCHE ET SANDY VAN GINKELDes pionniers de l’urbanisme montréalais 10ANDRÉ BOISVERT, urbaniste émérite

LES 375 ANS DE MONTRÉALDe projet missionnaire à métropolenord-américaine 14ANDRÉ BOISVERT, urbaniste émériteet SERGE VAUGEOIS, urbaniste

PRÉSENCE AUTOCHTONEUne histoire à revisiter, une reconnaissanceà concrétiser 16JACQUES TRUDEL, urbaniste

Un centre consolidé,réinvesti et habité 18

L’effervescence du centre-ville montréalais 18JEAN-CLAUDE MARSAN, urbaniste émérite

La ville intérieure, un modèle mondial 20JACQUES BESNER, urbaniste émérite

RÉHABILITATION DES QUARTIERS ANCIENSLe succès d’une approche systémiqueet collaborative 22CLÉMENT DEMERS, urbaniste émérite

QUARTIERS DU CENTRERéinventer Montréal par le designde ses espaces publics 25RENÉE DAOUST, urbaniste émériteet RÉAL LESTAGE, urbaniste émérite

Des quartiers diversifiés,inclusifs et conviviaux 28

Reconstruire la ville sur elle-même 28SYLVAIN DUCAS, urbaniste émérite

La patrimonialisation des quartierscentraux et des centres historiques 31GÉRARD BEAUDET, urbaniste émérite

Maintenir le cap sur un habitatdistinctif et de qualité 34ENTREVUE AVEC AURÈLE CARDINAL,URBANISTE ÉMÉRITEPropos recueillis par JACQUES TRUDEL, urbaniste

LOGEMENT SOCIALUn modèle intégré de gestion partenariale 38JACQUES TRUDEL, urbaniste

ÉVOLUTION DES ESPACES COMMERCIAUX À MONTRÉALNouveaux défis pour l’urbanisme 41ALEXANDRE MALTAIS

Espaces verts et bleus :la nature accessible 44

La trame verte et bleue de Montréal 44RÔLE DES URBANISTESJEAN DÉCARIE

Le parc Jean-Drapeau, un grand espacealliant loisir et fleuve 47MARIE LESSARD, urbaniste émérite

Le Vieux-Port de Montréal, un patrimoinetoujours en changement 48CLAUDE BENOIT

COMPLEXE ENVIRONNEMENTAL DE SAINT-MICHELLa métamorphose d’un grand espace urbain 50MARIE CLAUDE MASSICOTTEMARIE LESSARD, urbaniste émérite

La table de concertation du Mont-Royal 53UN OUTIL POUR GÉRER UN SITE PATRIMONIALDE PORTÉE NATIONALECLAUDE CORBO

Grand Montréal : unecoopération régionale renforcée 56

PLANIFICATION RÉGIONALELa longue marche vers le PMAD de la CMM 56MARIE-ODILE TRÉPANIER, urbaniste émérite

LE PMAD DE LA CMMUn modèle de coopération métropolitaine 59SUZY PEATE, urbaniste et MICHEL ROCHEFORT, urbaniste

L’emprise fédérale 62ALEXANDRE LAMBERT

L’avenir de la mobilité urbaine 64MARIE-JOSÉE LESSARD, urbaniste

L’émergence d’une agriculture périurbaine 66PASCALE TREMBLAY

Le système alimentaire montréalais 68MARIE-JOSÉE LESSARD, urbaniste

NOYAUX URBAINS DE LA RÉGIONDes projets inspirants 69MARIE-JOSÉE LESSARD, urbanisteJEAN-PHILIPPE LOISELLE-PAQUETTE, urbanisteSERGE VAUGEOIS, urbanisteCHANTAL DESCHAMPS

Le rayonnement de Montréal 74

LE MONTRÉAL DE DEMAINMieux planifier pour une ville meilleure 74TABLE RONDE ANIMÉE PAR MARIE-JOSÉE LESSARD, urbaniste– AVEC DINU BUMBARU, FÉLIX GRAVEL,urbaniste-stagiaire, FLORENCE PAULHIAC SCHERRER,MARTINE PHILIBERT, urbaniste ETLORAINE TELLIER-COHEN, urbaniste

PARTICIPATION PUBLIQUEUn urbanisme collaboratif pour Montréal 78MICHEL GARIÉPY, urbaniste émérite

MONTRÉAL, MÉTROPOLE CULTURELLELa rencontre entre la culture et l’urbanisme 81RAPHAËL FISCHLER, urbaniste émérite

Redécouvrir l’hiver montréalais 83ALAIN A. GRENIER

Un cadre de vie comme facteur d’attractivitéet de compétitivité 85ENTREVUE AVEC HUBERT BOLDUC,PDG DE MONTRÉAL INTERNATIONALPropos recueillis par SERGE VAUGEOIS, urbaniste et FRÉDÉRICDUFAULT, urbaniste

MONTRÉAL EN LECTUREParutions récentes sur Montréal, son histoireet son aménagement 86JACQUES TRUDEL, urbaniste

Nouvelles de l’ordre 88

L’Ordre participera activement au processusde renouvellement des orientationsgouvernementales en matière d’aménagementdu territoire 88PAUL ARSENAULT, urbaniste

Regroupement des aménagistes etdes urbanistes du Saguenay –Lac-Saint-Jean-Charlevoix-Côte-Nord 88JULIE SIMARD, urbaniste

LAURENTIDESPlanifier le territoire municipal par les airesde paysage 89ANDRÉ M. BOISVERT, urbaniste

Nomination de Nathalie Blanchetà titre d’adjointe administrativeà l’Ordre des urbanistes du Québec 89

À l’agenda 90

3URBANITÉ | HIVER 2017

MONTRÉAL sommaire

R E V U E D E L ’ O R D R E D E S U R B A N I S T E S D U Q U É B E C

HIVER 2017

Montréal en effervescence11,25 $Envoi de Poste-publication

N° de convention : 400 33 006

L’image de la couverture illustrant La Joute, œuvre du peintreet sculpteur Jean-Paul Riopelle, souligne le caractère emblématique

de son intégration à un espace public et à un ensemble urbainparmi les plus remarquables de Montréal : la place Jean-Paul Riopelle

et le Quartier international. Installée dans un bassin où se déploieun cercle de feu à la surface de l’eau, conformément à la visionde l’artiste, cette sculpture-fontaine, ellemême effervescente,

peut être vue comme une métaphore de l’effervescence montréalaiseen matière de design urbain, d’architecture et d’urbanisme.

L’aménagement du Quartier international s’est inscrit dansle développement d’un centre habité, caractérisé par la multiplication

de ses quartiers. Il a permis de créer un pôle d’activités majeurqui abrite plusieurs édifices prestigieux, dont le Palais des congrèset l’Édifice JacquesParizeau encadrant la place Jean-Paul Riopelle,tous connectés par le réseau piétonnier souterrain. Ce grand projet,

initié, conçu et réalisé par les urbanistes émérites Renée Daoustet Réal Lestage, a pu être mis en œuvre avec succès grâce

à une formule originale de partenariat réunissant de nombreuxpartenaires publics et privés, s’apparentant à l’esprit de l’urbanisme

collaboratif dont la pratique s’étend aujourd’hui à l’ensembledu Grand Montréal.

Jean Paul Riopelle, La Joute, 1969-1970, bronze 19743,8 m (hauteur) × 12,40 m (diamètre)

© Succession Jean Paul Riopelle / SODRAC (2017)

Don collectif des docteurs M. Bovo, C. Charest, S. Charlebois,H. Grégoire, M. Lafortune, A. G. Légaré, H. Martin, H. Mheir,

P. C. Millette, A. Pagacz et C. ValléeCollection Musée d’art contemporain de Montréal

Crédit photo : Marc Bruxelle

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4 URBANITÉ | HIVER 20174

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MONTRÉAL message du président

En raison de son évolution constante, on ne peut passer soussilence le nombre important de chantiers ayant eu lieu outoujours en cours depuis les dernières années sur le territoirede Montréal, ainsi que leur impact sur la vie urbaine. Ceschantiers sont pourtant le fruit de projets d’aménagementpensés et repensés pour l’avenir. Ils sont ainsi synonymes deprogrès. Cette année, le 375e anniversaire de Montréal nousdonne l’occasion de mettre en lumière plusieurs de ces nom­breux gestes posés pour assurer un environnement durable.

Étant donné qu’ils sont les spécialistes de l’aménagementdu territoire, il importe de rappeler que les urbanistes jouentun rôle majeur dans les activités d’une ville. Bien qu’ils soientparfois discrets, les urbanistes sont partout; ils interagissentaux niveaux économique, social, politique, culturel et environ­nemental. En considérant l’ensemble des enjeux et des partiesprenantes, ils s’assurent de la cohésion des actions posées.Depuis déjà plusieurs années, notamment par l’organisation etle développement des milieux de vie, il est clair que l’urbanismea marqué la ville de Montréal, et ce, par des réalisationsconcrètes qui perdurent dans le temps, comme en témoignece numéro d’Urbanité.

En cette année du 375e anniversaire de Montréal, je tiens àsaluer l’apport de ceux et celles qui ont contribué de près oude loin à l’effervescence de la ville que l’on connaît aujourd’huiet à sa renommée internationale. Montréal rayonne non seule­ment par sa culture et ses innovations technologiques, maiségalement par ses particularités, qui font d’elle un endroitunique et inspirant.

Ce 375e est aussi l’occasionde célébrer notre nordi­cité et l’ensemble dela planification urbaineadaptée à nos conditionsclimatiques, comme ledémontre le réputé réseau decorridors souterrains que nousdevons en partie à la visiond’un de nos premiers membres,Vincent Ponte (voir le plan à la page 21).

En plus de nous permettre de faire le point sur les grands accom­plissements, ce 375e nous amène également à nous questionnersur les défis qui se présentent. En ce sens, l’urbaniste se doitnotamment de poursuivre ses efforts dans la lutte aux chan­gements climatiques en planifiant le territoire de manière àatteindre un modèle énergétique durable.

Dans une optique de progression et de surpassement, l’Ordredes urbanistes du Québec est convaincu que l’implication d’unnombre encore plus important d’urbanistes dans la réalisationdes projets d’aménagement est nécessaire au développementet à la prospérité de Montréal comme métropole. C’est parl’expertise et le savoir­faire de nos membres dans la planifi­cation et l’aménagement du territoire que nous pourrons avoirune vision d’ensemble cohérente dont nous pourrons êtrefiers encore très longtemps.

En terminant, je tiens à souligner les efforts soutenus des membresdu comité éditorial qui ont permis de livrer ce numéro sur le375e anniversaire de Montréal. Ce numéro est le dernier duprésident du comité Serge Vaugeois. En effet, celui­ci a annoncéson intention de se retirer afin de consacrer plus de temps à sesactivités personnelles. Je tiens à le remercier pour les annéespassées à la barre d’Urbanité à initier et à coordonner plusieursdossiers en plus de rédiger de nombreux articles.

Je remercie Paul Arsenault, membre du comité éditorial depuisbientôt 15 ans, d’avoir accepté la présidence intérimaire ducomité et je salue tous les membres de ce comité pour leurengagement à la promotion de notre profession dans les dossierset diverses chroniques d’Urbanité. Le comité éditorial auracomme mandat au cours des prochains mois de sonder lelectorat de la revue afin de continuer à répondre aux attentesdans un souci d’amélioration continue et de gestion des coûtsde production.

Bon 375e!

Le président,Donald Bonsant, urbaniste

5URBANITÉ | HIVER 2017

Célébrons Montréalet ses bâtisseurs

Pour cette édition hivernale qui marque le début de l’année et des festivités du 375e anniversairede Montréal, le comité éditorial vous propose un numéro consacré entièrement à Montréal etaux gestes urbanistiques qui ont façonné cette ville.

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« Étant donné qu’ils sontles spécialistes de l’aménagementdu territoire, il importe de rappelerque les urbanistes jouent un rôle majeurdans les activités d’une ville. Bien qu’ilssoient parfois discrets, les urbanistessont partout; ils interagissent auxniveaux économique, social, politique,culturel et environnemental. »

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6 URBANITÉ | HIVER 2017

Montréal en effervescence et en devenirÀ l’occasion du 375e anniversaire de la fondation de Montréal,la revue Urbanité publie un numéro entièrement consacré auxinterventions d’urbanisme sur le territoire du Grand Montréalcorrespondant à l’ensemble de sa Communauté métropoli­taine. Tout en s’adressant au lectorat habituel de la revue, cenuméro veut saisir l’occasion de rejoindre un public plus large,dont l’intérêt pour Montréal sera stimulé par les festivitésainsi que par les nombreux congrès et les multiples conférenceset événements culturels, souvent internationaux, qui s’y tiendrontau cours de l’année 2017.

Le numéro vise à montrer comment l’urbanisme a façonnéMontréal et a contribué à son effervescence actuelle. Il met enévidence les gestes et les processus qui ont été et demeurentles plus déterminants pour le développement régional et laqualité de l’aménagement tout en faisant valoir le savoir­fairedes urbanistes qui y ont contribué. Il rappelle également lesdéfis qui restent à relever afin de promouvoir une planificationdu territoire plus durable pour l’avenir. Anniversaire oblige,le choix a toutefois été fait de mettre l’accent sur les forcesplutôt que sur les faiblesses. Ce sont ainsi les meilleurespratiques et ce, à toutes les échelles de l’intervention urbanis­tique, qui ont été privilégiées.

Après quelques articles de portée plus générale, les réalisa­tions présentées sont réparties selon une logique spatiale,partant du centre pour aller aux quartiers, aux grands espacesverts et finalement à la région, le tout se concluant par desréflexions sur l’apport de l’urbanisme au rayonnement duMontréal de demain.

De nombreux auteurs, plusieurs connus de nos lecteurs etayant fait eux­mêmes leur marque en aménagement urbain,ont bien voulu collaborer à ce numéro. Nous les en remercionset nous espérons que ce travail collectif fera mieux connaîtrel’urbanisme montréalais dans ses réalisations concrètescomme dans son influence plus discrète et de longue portée.Nous souhaitons qu’il soit une source d’inspiration pour leMontréal en devenir.

Bonne lecture !

LES MEMBRES DU COMITÉ RESPONSABLE» ANDRÉ BOISVERT, urbaniste émérite

» FRÉDÉRIC DUFAULT, urbaniste

» MARIE LESSARD, urbaniste émérite

» MARIE-JOSÉE LESSARD, urbaniste

» JACQUES TRUDEL, urbaniste

» SERGE VAUGEOIS, urbaniste

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7URBANITÉ | HIVER 2017

MONTRÉAL

Entre passé et avenirENTREVUE AVEC LE MAIRE DENIS CODERRE

Montréal fête cette année 375 ans d’existence, qu’est-ceque cet évènement signifie pour vous comme maire dela ville et président de la Communauté métropolitainede Montréal?Célébrer les 375 ans de Montréal est une occasion de prendrele temps de regarder l’évolution de notre ville et l’histoirede ses habitants, et d’apprécier la richesse et la diversitédes quartiers montréalais.

Mais c’est aussi un moment pour penser à ce que l’on va trans­mettre aux générations futures, à travers les legs du 375e, soitdes projets structurants pour l’avenir de la ville. Pensons notam­ment aux projets d’aménagement du domaine public commeles Promenades urbaines, ce parcours reliant le fleuve et lamontagne, la réhabilitation de la place Vauquelin et celle dela rue Saint­Paul. Pensons aussi à deux projets majeurs aucentre­ville visant à supprimer d’importantes barrières phy­siques : le remplacement de la structure de l’autoroute Bonaven­ture par le boulevard urbain Robert­Bourassa et la poursuitedu recouvrement d’une partie de l’autoroute Ville­Marie, quilaissera place dans les prochaines années à un vaste espacepublic reliant le Vieux­Montréal et le reste du centre­ville.Je mentionnerais également la transformation du site duComplexe environnemental de Saint­Michel en vaste parc, quiest l’un des plus ambitieux projets de réhabilitation environne­mentale jamais entrepris en milieu urbain en Amérique du Nord.

Cette célébration représente l’occasion d’une grande opéra­tion de rénovation de la ville, d’une mise à niveau nécessaireà plusieurs endroits stratégiques. Au lendemain de la fête,les legs subsisteront au bénéfice — quotidien — de la population.

Quel regard portez-vous sur l’évolution du développementurbain de Montréal au cours des dernières décennies,notamment par rapport aux principes de développementdurable? Qu’est-ce qui s’est fait de mieux selon vous?Tout d’abord, en 2017, nous célébrerons aussi 25 ans deplanification urbaine à Montréal ! En 1992, le premier Pland’urbanisme a permis de poser des jalons pour un développe­ment urbain viable. Les fondements du Plan guident encorenos actions aujourd’hui : la consolidation des quartierscentraux, le choix du transport collectif, la protection deséléments naturels comme le mont Royal et le fleuve, et enfinle principe d’équité, à travers une offre diversifiée de loge­ments, une répartition des équipements publics et des es­paces verts et des mécanismes de participation citoyenne.

Par le biais de certains grands projets urbains (Quartier inter­national, Quartier des spectacles), mais aussi par la consolida­tion des quartiers, un terrain et un tronçon à la fois, la ville sereconstruit sur elle­même. À cet égard, nous pouvons être fiersdu retour de l’habitation au centre­ville, qui apparaît comme un

milieu de vie attrayant tout en demeurant le principal pôled’emplois de la région métropolitaine et du Québec.

Ces dernières décennies ont vu la construction de plusieursdizaines de milliers de logements sociaux et la mise en placed’une Stratégie d’inclusion de logements abordables dans lesnouveaux projets résidentiels. De même, le réseau cyclablemontréalais ne cesse de s’étendre pour atteindre aujourd’huiprès de 750 km, ce qui est largement supérieur aux réseaux deToronto ou Vancouver. Ainsi, nous soutenons toutes les initiativesoffrant aux Montréalais une alternative à la possession d’uneautomobile : réseau de métro et d’autobus, Bixi, autopartage.

Vous représentez Montréal et sa région au sein d’orga-nismes internationaux, et à ce titre, vous avez à rencontrerdes élus de plusieurs villes dans le monde. Comment cesgens perçoivent-ils le développement urbain de Montréalet qu’est-ce qui nous distingue selon eux des autres villesde la planète?Pour les touristes qui déferlent par millions dans le Vieux­Montréal, Montréal c’est d’abord un riche patrimoine archi­tectural et historique qui marie les influences européennes etnord­américaines. Puis, Montréal, c’est le fleuve et la montagne,deux symboles emblématiques du paysage qui seront bientôtreliés par une superbe promenade. Les visiteurs et les travail­

» Propos recueillis par SERGE VAUGEOIS, urbaniste

Dans le cadre du 375e anniversaire de Montréal, Urbanité a rencontré le maire Denis Coderre pour échanger avec lui sur l’évolutiondu développement urbain de Montréal, sur sa vision de l’avenir de la ville et de la grande région et sur la contribution de l’urbanismedans la mise en œuvre de cette vision.

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8 URBANITÉ | HIVER 2017

MONTRÉAL

leurs apprécient également le métro et le réseau de corridorssouterrains qui relie le métro aux bureaux, aux commerces etaux institutions du centre­ville.

Au cœur de la ville, la concentration des sièges sociaux,l’innovation architecturale et l’effervescence créée par lesnombreux festivals donnent à Montréal une couleur interna­tionale et festive, des traits distinctifs ayant été mis en scènepar d’importants projets d’aménagement.

Au­delà du spectaculaire, Montréal c’est également sa cultureet ses quartiers, sa véritable richesse. C’est en déambulantle long d’une ruelle verte ou au hasard d’une rencontre dansun café que l’on goûte vraiment à la saveur montréalaiseet que l’on comprend pourquoi notre ville figure parmi lesmétropoles du monde qui offrent la meilleure qualité de vie...à un prix abordable !

Et par qualité de vie, nous entendons aussi une santé dequalité. Montréal, c’est un milieu urbain sain, c’est la verdureautour de chez soi avec ses arbres sur rue et ses parcs dequartiers tout comme ses grands parcs­nature en pleine ville.Sans oublier le mont Royal, un poumon de fraîcheur et desérénité, un joyau de verdure au cœur de notre métropole.Que ce soit pour se détendre, pour une promenade ou desactivités de loisirs, Montréal offre ainsi plusieurs milieux oùla personne qui y réside tout comme le visiteur y trouverontréponse à leurs besoins.

Notre métropole est portée sur l’avenir, sur la planète quenous souhaitons léguer à nos enfants. En tant que gouverne­ment de proximité, nous accordons une grande importanceà nos citoyens et à leur environnement. Nous l’avons démon­tré dans le cadre de la dernière Conférence des parties àParis, la COP21, où les villes se sont mobilisées pour démon­trer toute l’importance à accorder à la lutte aux changementsclimatiques, et Montréal assume de plus en plus un rôle deleadership à cet égard à travers les différentes mesures qu’elledéploie afin de réduire les émissions de gaz à effet de serreet contrer les îlots de chaleur. Et, l’environnement n’a pas defrontières. Nous y avons tous notre rôle et nos responsabilités.Montréal s’assure que son développement urbain et sondéveloppement économique aient toujours en leur cœurle développement durable, car après tout, c’est la qualitéde vie de nos citoyens d’aujourd’hui et des générations dedemain qui en dépend.

Quand vous regardez l’aménagement du territoire devilles qui constituent des phares en matière de qualité devie pour leurs citoyens — pensons seulement à Copen-hague, Barcelone et Vancouver — qu’est-ce que cela vousinspire pour l’avenir de Montréal? Quelle est donc votrevision pour le développement urbain régional? Commentle statut de métropole va-t-il soutenir cette vision?Chaque ville a ses particularités, ses bons coups et ses défis.Si certaines expériences peuvent être inspirantes — la placedu vélo à Copenhague, la reconquête des berges à Barceloneou la densification verte à Vancouver par exemple — il fautsavoir les ajuster à notre territoire et à nos manières de faireet ne pas simplement « copier­coller ».

Dans la région de Montréal, notre priorité reste de limiterl’étalement et de mettre en œuvre une densification agréable :

le réseau vert et bleu, un patrimoine bâti mis en valeur,un réseau de transport collectif performant, une placecentrale pour le piéton, des équipements publics de qualité.Il y a de nombreux avantages à une vie urbaine, y comprispour les familles, et Montréal dispose de nombreux atoutsque nous voulons conserver et enrichir. L’un des enjeuxmajeurs est aussi d’améliorer la vie en ville tout en permettantaux citoyens de tout le spectre social de continuer à y vivre.

Avec le statut de métropole, la Ville pourrait élargir son coffred’outils adaptés à son territoire, en termes de paramètres etde financement. Son intervention en matière de constructionde logements sociaux, de requalification de terrains contami­nés, notamment, serait plus efficace.

Comment la pratique de l’urbanisme à Montréal et dansla grande région métropolitaine va-t-elle vous aider àmettre en œuvre votre vision de la ville pour l’avenir?Quel rôle vont jouer les urbanistes dans tout cela?Pour accompagner et baliser cette vision, les urbanistes sontessentiels. Ce sont les garants d’une vision d’ensemble, de lacohérence des diverses actions qui ont un impact sur l’aménage­ment du territoire à l’échelle de l’agglomération comme des ar­rondissements. Au carrefour des orientations municipales et desbesoins de la communauté (citoyens, promoteurs, entreprises,institutions, etc.), ils ont un rôle intégrateur et rassembleur,comme en témoigne l’évolution des outils de planification. L’en­semble des outils et des interventions en urbanisme misent surune approche inclusive et concertée, avec les citoyens et les par­ties prenantes institutionnelles et privées, où les volets dedéveloppement économique et social s’ajoutent aux interventionsd’aménagement. Ces processus placent aussi les citoyens aucœur de la prise de décision, ce qui m’apparaît fondamental pourl’aménagement et le développement du territoire montréalais.

Mais l’urbanisme permet aussi d’influencer la forme de laville. En guidant la densification, en mettant de l’avant desprojets urbains intégrateurs, les urbanistes contribuent àl’enrichissement du paysage urbain.

« Montréal s’assure queson développement urbain et

son développement économiqueaient toujours en leur cœur

le développement durable, caraprès tout, c’est la qualité de vie

de nos citoyens d’aujourd’huiet des générations de demain

qui en dépend. »

entrevue

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Montréal dans nos revues en ligneIl y a maintenant trente ans, un dossier intitulé « Montréalsous le signe de l’urbanisme » occupait la presque totalitéd’un numéro de la revue L’urbaniste (vol. 4, no 2, automne 1986)que publiait alors la Corporation professionnelle des urbanistesdu Québec. Fait à signaler, la rédactrice en chef de la revueau moment de cette parution était notre collègue Marie Lessard,qui a également collaboré au présent numéro.

C’est l’occasion de rappeler que tous les numéros d’Urbanité,ainsi que des revues de l’Ordre ou de la Corporation qui l’ontprécédé, sont accessibles en ligne sur le site de l’OUQ. On peutretrouver dans la plupart d’entre eux des articles qui traitent desujets montréalais.

9URBANITÉ | HIVER 2017

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BLANCHE ET SANDY VAN GINKEL

Des pionniers de l’urbanisme montréalaisAu milieu du siècle dernier, Blanche Lemco van Ginkel et Daniel (Sandy) van Ginkel ont communiqué une impulsion nouvelle àl’urbanisme montréalais, une impulsion qui a marqué les paysages et les esprits. En plus de détenir une formation et une expérienceprofessionnelle remarquables, ils participaient activement aux grandes discussions de l’époque en matière d’aménagement, d’archi-tecture et de design. Il convient donc de souligner leur contribution à l’occasion du 375e anniversaire de la fondation de Montréal.

» ANDRÉ BOISVERT, urbaniste émérite

J’ai eu le grand privilège de rencontrerBlanche Lemco van Ginkel, une éminentepionnière de l’Ordre des urbanistes duQuébec, lors d’une entrevue qu’elleaccordait à Urbanité en octobre 2015.À cette occasion, elle a tenu à soulignerque si ses habiletés de communicatricel’ont souvent placée à l’avant­plan, c’esten tant que couple qu’elle et son mariont joué leur rôle, en particulier durantcette période des années 1960 au coursde laquelle l’agence Van Ginkel etassociés a œuvré en lien avec le Serviced’urbanisme de la Ville de Montréal.Elle garde un vif souvenir, entre autres,du Vieux­Montréal qu’elle a toujoursvu d’abord et avant tout comme unmilieu de vie urbain intégral et nonpas seulement comme un lieu touris­tique. Blanche Lemco se dit toujoursMontréalaise et conserve un sentimentd’attachement pour cette ville. BlancheLemco van Ginkel et Sandy van Ginkeldemeurent encore aujourd’hui unegrande source d’inspiration pourl’avenir de Montréal.

Des professionnels d’exceptionBlanche Lemco est née à Londres en1923 de parents originaires de Pologne.Dans les années 1930, la famille s’installeau Canada. Elle habite à Westmount, d’oùelle conserve le souvenir de ses pre­mières véritables tempêtes de neige.Elle y termine ses études secondaireset, à seize ans, est admise en architec­ture à l’Université McGill. Elle devient,en 1945, l’une des premières femmesdiplômées en architecture de l’UniversitéMcGill. La profession étant à cette époqueentièrement masculine, il n’est pas facilede décrocher ses premiers emplois dans

un marché plutôt tranquille. Elle arrivemalgré cela à pratiquer l’architectureainsi que l’enseignement universitaire.Lors d’un séjour en Europe, elle travaillechez Le Corbusier. Puis, elle entreprenddes études en urbanisme à l’UniversitéHarvard et accepte un poste de profes­seure à l’Université de Pennsylvanie.

Sandy van Ginkel est né en 1920 àAmsterdam. Il acquiert une formationmultidisciplinaire en arts appliqués àl’institut Elckerlyc1. Le programmeincluait sculpture, design, architectureet urbanisme. En 1942, il termine le cours,mais son diplôme lui est refusé parcequ’il n’accepte pas de signer les docu­ments de l’occupant nazi. Toutefois, avantd’entreprendre sa carrière profession­nelle, il fait des études en sociologie àl’Université d’Utrecht. Il sera par la suitesuccessivement fonctionnaire ou consul­tant. La Ville d’Amsterdam lui confie laresponsabilité de la ville historique. Puis,à l’époque du grand plan de Stockholm,il participe, comme fonctionnaire de l’Étatsuédois, à un projet de ville nouvelle.À titre de consultant installé à Amsterdam,il réalise des mandats pour des clientsen Irlande. Aux Pays­Bas, il participe, enassociation avec l’urbaniste Aldo vanEyck, à la préparation du plan du villagerural de Nagele, dans le Noordoostpol-der, dont on voulait faire un modèled’architecture et d’urbanisme moderne2.

Sandy van Ginkel et Blanche Lemco serencontrent en 1953 à Aix­en­Provence,aux assises des Congrès internationauxd’architecture moderne (CIAM). Tousdeux y présentent des réalisations : luiavec la délégation néerlandaise etelle avec l’équipe de l’Université dePennsylvanie. Ils se marient à la finde 1956 et choisissent de s’installer

à Montréal pour y fonder une agenced’architecture et d’urbanisme.

Dans un Montréal en mutationLe Montréal des années 1950 est à untournant de son histoire. L’inaugurationde la voie maritime du Saint­Laurent allaitinfléchir son évolution. En même tempsque la ville commençait à déborder deson cadre insulaire, un large consensus secrée afin d’accommoder l’usage de l’auto­mobile. L’urbanisme, en tant que champde pratique autonome, n’existait pasencore au Québec; la mise sur pied d’uneagence arrivait donc à point nommé.

Un des premiers gestes professionnelsdu couple fut de participer au congrèsde l’Institut canadien des urbanistes(ICU) qui, en 1957, se déroulait à Lac­Beauport. Les principaux protagonistescanadiens et québécois de l’urbanismes’y trouvaient réunis. Blanche van Ginkelse joint à l’Association des urbanistesprofessionnels du Québec (AUPQ) etparticipe aux réunions3. Entretemps,l’agence Van Ginkel et associés, touten réalisant ses mandats dans plusieursrégions du Canada, mène des réflexionssur les moyens de bien gérer l’exurbani­sation, dans le contexte nord­américain.

À la fondation de l’Institut d’urbanismede l’Université de Montréal, en 1961,Blanche van Ginkel devient respon­sable de l’atelier de première année.Plus tard, au début des années 1970et jusqu’à son départ pour Toronto en1977, elle est professeure responsablede la première année en urbanisme àl’Université McGill. Pour sa part, peuaprès son arrivée à Montréal, Sandyvan Ginkel devient chargé de cours àl’École d’architecture de l’UniversitéMcGill où il est amené à reconnaître

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1 L’institut Elckerlyck a été fondé dans les années 1930 par Hendrik Wijdeveld (1885-1987) dont les intérêts sont multiples : du design à l’urbanisme et à l’architecture. Par sa production architecturale,Wijdeveld se rattache à l’école d’Amsterdam. Grand admirateur de Frank Lloyd Wright, il a longtemps maintenu contact avec le maître.

2 VAN DER WAL. In Praise of Common Sense. Planning the ordinary: A physical planning history of the new towns in the IJsselmeerpolders. 010 Publishers, Rotterdam, 1997, pp. 113-125.3 Les Van Ginkel participeront par la suite à la fondation de la Corporation professionnelle des urbanistes du Québec en 1963; voir : BOISVERT, André. « L’émergence de l’Ordre des urbanistes du Québec »

dans Urbanité, automne 2013, pp. 26 à 31.

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le talent de Moshe Safdie, lequel colla­borera durant un certain temps auxtravaux de l’agence et fera sa marqueavec Habitat 67.

En mars 1958, le couple Van Ginkelest consterné par l’annonce du projetd’autoroute est­ouest qui aurait eu l’effetd’ériger une cloison malencontreuse entrele port et le Vieux­Montréal. Blanche entête, un mouvement d’opposition s’orga­nise avec l’appui de membres del’AUPQ. Mettant à profit l’expériencede Sandy, originaire d’un pays devieille tradition maritime, ils convain­quent le Montréal Citizen Committee4

de parrainer une évaluation des effetspotentiels du projet sur les activités

portuaires ainsi que sur les réseauxferroviaires et routiers. La premièrerecommandation du rapport est d’annulerle projet en raison de ses effets négatifs,prévisibles à coup sûr, sur le port etsur l’intégrité de la ville historique.Avec la réélection de Jean Drapeau ennovembre 1960, ce rapport contribueà l’annulation du projet.

Au service de l’urbanisme montréalaisDans sa démarche pour moderniserl’administration municipale, Jean Drapeaunomme Claude Robillard à la directiondu Service d’urbanisme. Ingénieur ethomme de culture, celui­ci avait fait samarque au Service des parcs. En postedurant quatre ans seulement, il réussira

à moderniser le Service d’urbanisme.L’agence Van Ginkel et associés joueraun rôle prépondérant dans ce processus.Se voyant offrir le poste d’adjoint audirecteur et ne tenant pas à redevenirfonctionnaire, Sandy van Ginkel négocieune entente de collaboration qui prévoitun lien organique entre l’agence etle Service d’urbanisme. Il devientainsi adjoint au directeur qu’il assistedans la réorganisation du Service.Blanche anime plusieurs comités etmène plusieurs dossiers à terme. Leurscompétences se complètent en unprofessionnalisme de haut niveau.« Avec eux, dira Guy R. Legault, urba­niste à la Ville, l’urbanisme est entréau Service d’urbanisme. Ces gens-là

4 Ibid., p. 30.

Blanche Lemco van Ginkel dans sa maison de Toronto, en septembre 2012.(traduction à partir du texte original, Urbanité, 18 janvier 2017).

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Maquette préparée en 1962 par l’agence Van Ginkel sous le thème de « L’Homme et la ville », pour illustrer le premier site choisi par le Service d’urbanisme en vued’Expo 67, comprenant la jetée Mackay et les espaces riverains adjacents sur l’île de Montréal.

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avaient une solide culture, une largevision et maîtrisaient à fond les tech-niques de l’urbanisme 5. »

En 1961, le Service d’urbanisme leur confiele mandat d’étudier le Vieux­Montréal, quipériclitait. Le rapport qui s’ensuit met enlumière l’iniquité des valeurs foncières etrecommande d’y attirer des résidents etdes emplois. Cette étude, avec celle déjàproduite sous l’égide du Montréal CitizenCommittee, servira de guide aux inter­ventions de la Ville pour faire du Vieux­Montréal ce qu’il est maintenant.

L’annulation de l’autoroute est­ouestimposait une solution de rechange, carla circulation automobile était alors enforte croissance. Le Service d’urbanismen’avait pas encore de plan de transport.Sandy van Ginkel réalise le Plan de

circulation de la zone centrale, unepremière stratégie de mobilité quiembrasse l’ensemble des caractéris­tiques du territoire conjuguant le métroet le réseau autoroutier. Complété en1961, ce plan n’a été réalisé qu’enpartie. Notons cependant que c’estaux Van Ginkel que l’on doit l’idée deconstruire une autoroute en tunnel eten tranchée dans l’axe de l’anciennerivière Saint­Martin. Par contre, leurproposition d’une jonction plus directeentre l’autoroute Décarie et l’autoroutedes Laurentides n’a pas été retenue.

Expo 67 : de « l’Homme et la ville »à « Terre des Hommes »Nombre d’empreintes dans les paysagesrappellent que l’exposition universellede 1967, « Expo 67 », a créé un pointde repère dans l’histoire moderne de

Montréal. Pour la population montréalaise,québécoise et canadienne, l’évènement aouvert une fenêtre sur le monde. La féériedes îles et les paysages iconiques quis’offraient aux cinquante millions devisiteurs figurent parmi les facteursde ce succès immense et multiforme.Il importe toutefois de rappeler l’existenced’un scénario antérieur auquel l’agenceVan Ginkel était associée.

En avril 1962, lorsque Jean Drapeau estinformé que l’URSS ne tiendra pas l’expo­sition universelle de 1967, il se met à latâche : l’évènement aura lieu à Montréal.Afin de satisfaire aux exigences duBureau international des expositions (BIE),le Comité exécutif confie au Serviced’urbanisme le mandat de proposerdes sites potentiels. Claude Robillards’entoure de Hans Blumenfeld et de

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5 BOISVERT, André. Aménagement et urbanisme au Québec. Les Éditions GID, 2014, pp. 332-333.

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l’agence Van Ginkel. Une trentaine d’em­placements potentiels font l’objet d’uneanalyse. Arrivent en tête la jetée Mackayet les espaces riverains adjacents sur l’îlede Montréal, entre l’île des Sœurs et le sitede Radio­Canada, incluant un Vieux­Montréal rénové. L’agence Van Ginkelprépare une maquette et avance lethème de « L’Homme et la ville ». Fort decette idée, Jean Drapeau se rend à Parisen novembre 1962 et revient avec l’ac­cord du BIE.

Au congrès de l’Ordre des architectesdu Québec, en janvier 1963, BlancheLemco van Ginkel présente le conceptde « l’Homme et la ville ». Se référant àsa recherche sur les expositions univer­selles tenues à compter du XIXe siècle,elle fait valoir que celle de Montréaldoit s’inspirer de l’esprit des premièresexpositions et promouvoir l’avancementhumain. Montréal deviendra ainsi unevitrine de l’environnement urbain pourle XXIe siècle, en concrétisant l’alterna­tive à l’étalement urbain. À cet effet,la conception des bâtiments et des amé­nagements, pour les six mois que devaitdurer l’évènement, prévoit leur réinser­tion sous la forme d’un nouveau modèleurbain multifonctionnel qui offrirait desaisissants points de vue sur le fleuve.Les dépenses en matière d’infrastruc­tures et de superstructures bénéficierontaux générations à venir.

Ce programme comportait toutefoisune embûche de taille : des opérationsd’acquisition et de remembrement de

terrains impliquant un grand nombred’interlocuteurs qui ne pouvaient se plierà un calendrier serré. L’idée des îles del’Expo s’est imposée dans ce contexte.Édouard Fiset, nommé architecte en chef,mandate une nouvelle équipe pour pré­parer un plan général du site avant la finde l’année. En désaccord avec le cadrebudgétaire imposé, Sandy van Ginkeldémissionne vers la fin de 1963. Parla suite, il saura néanmoins convaincreles autorités responsables de construireHabitat 67 sur la jetée Mackay selonles plans de Moshe Safdie, l’un de sesétudiants en maîtrise à l’Université McGill.

Par ailleurs, en 1993, le Centre canadiend’architecture (CCA) organisait une expo­sition sur le thème des expositionsuniverselles, dont le titre était Imagedes villes idéales : les expositions univer-selles. On pouvait notamment y voirla maquette des Van Ginkel et le pro­gramme de l’exposition y faisait réfé­rence en ces termes : « […] depuis lasaison triomphale d’Expo 67, les îlesSainte-Hélène et Notre-Dame posentà Montréal un dilemme d’intégrationchronique, et l’on ne peut s’empêcherde jeter un regard nostalgique sur leprojet abandonné des Van Ginkel »6.

Un parcours professionnelexemplaire et diversifiéDans les années subséquentes, l’agencepoursuit ses activités dans le domainedu design, de l’architecture et del’urbanisme : son rayonnement s’étendà l’Amérique du Nord et à l’Asie.

En 1977, le couple s’installe à Toronto.Blanche devient la doyenne de laFaculté d’architecture et d’architecturede paysage de l’Université de Torontode 1980 à 1982. Dès lors, en plus deses activités professionnelles, Sandys’intéresse à la sculpture et produit desœuvres remarquées. Les Van Ginkel ontreçu les plus grands honneurs pour leurcontribution à l’architecture et à l’urba­nisme. Chacun de leur côté, ils ont aussiété des professeurs et des conférenciersadmirés; ils ont aussi écrit nombred’articles dans des revues spécialisées.

La contribution des Van Ginkel à l’urba­nisme montréalais, dans l’effervescencedes années 1960, est remarquable.Montréal a connu une profonde muta­tion, positive à plusieurs égards, maisla puissante vague de fond en faveurde l’automobile laissait entrevoir desconséquences négatives qu’il fallaitcontrer par une autre vision de l’avenir.Gens d’idées et d’action, inventifs etcombattifs, ils se sont faits rassembleurslorsqu’il a fallu défendre l’intérêt public,la qualité de l’espace urbain et la valeurdu patrimoine bâti. Dans un climatd’incertitude, ponctué de revers et deréussites, ils n’ont pas hésité à sedémarquer des idées reçues, quandils jugeaient que c’était à propos.

André Boisvert, Ph. D., urbaniste émérite, a fait carrière princi-palement à Hydro-Québec. Il a aussi œuvré à Sainte-Foy età Saint-Jérôme de même qu’au ministère des Affaires muni-cipales. Collaborateur régulier d’Urbanité, il s’est notammentdistingué par la publication d’un ouvrage regroupant les nom-breuses entrevues de pionniers de l’urbanisme qu’il a réaliséespour la revue pendant plusieurs années.

6 CENTRE CANADIEN D’ARCHITECTURE. Programme de l’exposition : Image des villes idéales — les expositions universelles. Montréal, 1993, p. 28.

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LES 375 ANS DE MONTRÉAL

De projet missionnaire à métropolenord-américaine

Pour le géographe Raoul Blanchard, Montréal est une ville Protée, du fait qu’elle a sans cesse changé de rôle et de physionomiesuivant les vagues successives de son histoire1. De son côté, l’historien Jean-Louis Roy souligne que « l’expérience montréalaisese déploie sur près de quatre siècles dans un rapport permanent au lointain et dans un rapport immédiat à la pluralité 2 ». Ces traitsde caractère révèlent des aspects essentiels du génome urbain de Montréal3.

La présence humaine sur l’île de Montréalremonte à environ 6000 ans. JacquesCartier est le premier à avoir rapporté,en 1535, l’existence d’un bourg appeléHochelaga. Celui­ci abritait alors environmille habitants, des Iroquoiens du Saint­Laurent, logés dans une cinquantainede maisons longues entourées d’unepalissade. Au début du siècle suivant,Samuel de Champlain ne trouve toute­fois pas de traces de cette population,phénomène encore inexpliqué.

De ville missionnaireà carrefour commercialVille­Marie est née en 1642 d’un projetmissionnaire consistant à évangéliserles « Sauvages » et à les sédentariseren fusionnant les populations indienneet française. Dès sa fondation, Ville­Marie baigne dans la ferveur religieuse.La menace permanente d’attaques, la dif­ficulté de recruter des colons, la faiblessedes moyens et l’attrait du commercedes fourrures limitent la concrétisationdu rêve. L’arrivée des Sulpiciens en 1663est l’occasion d’une seconde fondation.

La traite des fourrures devient très impor­tante à partir de 1665. Cette activitétransforme le bourg en accordant uneimportance accrue au commerce — entre­pôts et boutiques — par rapport au faitreligieux. Parallèlement s’amorce la miseen valeur de l’île par sa division en côtes.Ce parcellaire influence l’établissementdu réseau routier et la formation desparoisses. L’agriculture nourrit la popula­tion urbaine et aide à approvisionnerles expéditions vers l’intérieur. En 1672,Dollier de Casson réalise un premier pland’aménagement comprenant le bornage

et l’alignement des neuf premières ruesselon une grille en damier.

Dans le contexte des guerres coloniales,la ville devient également une base mili­taire et sert de point de ravitaillement auxnombreux postes français de l’intérieurdu continent. On construit une palissadeentre 1687­1689, qui fut remplacéeentre 1717 et 1744 par des fortificationsen dur. Des incendies dans la villefortifiée ont amené l’adoption de règle­ments améliorant la sécurité : construc­tion en pierre, murs coupe­feu, etc.L’accroissement des coûts de construc­tion en résultant a favorisé la croissancespontanée des faubourgs le long despremières voies de circulation.

Ayant perdu toute utilité, les fortificationsseront démolies en 1801, ce qui permetnotamment le prolongement des ruesNotre­Dame et Saint­Jacques. La sépara­tion entre la vieille ville et les faubourgsdisparaît de ce fait.

De la révolution industrielleà l’innovation technologiqueet institutionnelleAu XIXe siècle, Montréal entre dans unemutation profonde due à plusieurs fac­teurs : l’élargissement de son économie,la révolution des transports et l’affluxmassif de populations en provenance deGrande­Bretagne. À l’époque des guerresnapoléoniennes, le commerce du blé,de la potasse et du bois se substitueprogressivement à celui de la fourrurepour l’exportation transatlantique.

Durant cette période, le transport connaîtd’importantes innovations : navires mari­times à vapeur et à coques d’acier,creusage du Saint­Laurent et construc­tion du canal de Lachine, apparitiondes chemins de fer. L’aménagement

du canal de Lachine (1825­1848) et laconstruction du pont Victoria, vers lemilieu du siècle, ont fait de Montréalet de son port un nœud de transportmaritime et ferroviaire et un centreindustriel d’importance continentaletout en modelant la forme urbaine.

Devenue métropole du Canada, Montréalvoit son industrie bénéficier du dévelop­pement de l’Ouest canadien et devientun pôle d’attraction pour des populationsdes îles britanniques, de l’Europe del’Ouest, mais aussi des régions rurales duQuébec. Le boulevard Saint­Laurent estl’axe de pénétration qui constitue la ported’entrée pour les nouvelles populationset un lieu de mixité culturelle. Les condi­tions d’une urbanisation vigoureuse sontréunies, la demande de logements estsoutenue, et Montréal s’agrandit versl’intérieur de l’île par l’annexion de nom­breuses municipalités. L’état sanitairedans ces nouveaux quartiers laissait biensouvent à désirer et l’hygiénisme a été lapremière forme d’intervention publique.

Cette effervescence remarquable s’estaussi traduite sur le plan de la cultureet des arts laissant un riche patrimoinearchitectural. De plus, dès le débutdu siècle dernier, Montréal était déjà aupremier rang sur le plan de l’innovationtechnologique avec l’électrification destransports urbains et l’éclairage au gaz,puis à l’électricité. L’innovation amèneune transformation de l’offre de servicepublic avec la création en 1910 de laCommission des services électriquesde Montréal (CSEVM), qui réalise l’en­fouissement des réseaux dans les zonesdenses de la ville.

Jusqu’à la crise de 1929, l’abondancede la main­d’œuvre continue à stimuler

1 BLANCHARD, Raoul. Montréal : esquisse de géographie urbaine. VLB Éditeur, Montréal, 1992, 279 p. Voir la présentation de Gilles Sénécal, p. 17.2 ROY, Jean-Louis. Montréal : ville nouvelle, ville plurielle. Hurtubise HMH, Montréal, 2005, p. 33.3 Ce texte s’appuie notamment sur : ROBERT, Jean-Claude. Atlas historique de Montréal. Art Global, Éditions Libre Expression, Montréal, 1994, 167 p. ; voir aussi la bibliographie sommaire en encadré.

» ANDRÉ BOISVERT, urbaniste émérite

» SERGE VAUGEOIS, urbaniste

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la croissance de l’industrie autour dela vieille ville, le long du port et desvoies navigables ainsi qu’aux abords desvoies ferrées. L’urbanisation se poursuitpar la consolidation d’anciens faubourgset l’apparition de quartiers ouvriers. Dèslors, l’automobile apparaît petit à petitdans la trame urbaine. Érigé durantcette période, le pont Jacques­Cartierconstitue un important apport au paysagemontréalais des années 1930. L’aména­gement du Jardin botanique et laconstruction des marchés publics —dont le marché Jean­Talon — sont desacquis de cette époque, motivés par lalutte au chômage.

Les effets de la mutation économiquede l’après-guerre sur la villeLa période de l’après­guerre est marquéepar une mutation économique atteignantson apogée avec l’ouverture en 1959 dela voie maritime du Saint­Laurent. Débuteainsi le déclin économique de Montréalau profit de Toronto. La vieille infrastruc­ture industrielle disparaît graduellementdans l’est de Montréal et le long du canalde Lachine. Par contre, quelques annéesplus tard, Montréal se positionne sur lascène internationale en tenant Expo 67 etles Jeux olympiques en 1976.

Sur le plan de la forme urbaine, des chan­gements importants se font sentir. Pourfaire plus de place à l’automobile, des ruessont transformées en grandes artères,notamment le boulevard René­Lévesque(anciennement nommé Dorchester) etl’avenue McGill College. Le réseau detramways disparaît graduellement dansles années 1950 et l’ouverture de la PlaceVille Marie concrétise le déplacement ducentre des affaires du Vieux­Montréal versun nouveau centre­ville. La ville intérieureprend forme dès 1962, et les premièresstations du métro ouvrent en 1966.

En parallèle, Montréal a commencé àdéborder de son île, notamment vers le sudavec la construction des ponts Honoré­Mercier, Jacques­Cartier et Champlain etdu tunnel Louis­Hyppolite­Lafontaine. Cedébordement est soutenu, voire accéléré,par le déploiement du réseau autoroutier.L’importance de l’étalement urbain dansla région de Montréal soulève des préoc­cupations pour un meilleur encadrementde l’urbanisation.

De la gestion urbaineà la gestion métropolitaineLe projet Horizon 2000, en 1967, issu duService d’urbanisme de la Ville constitue

une première tentative de gestion métro­politaine de l’urbanisation. La créationde la Communauté urbaine de Montréal(CUM), en 1969, a donné lieu à un pre­mier schéma d’aménagement couvrantl’île de Montréal. Le principal héritagede la CUM est constitué par la créationdes grands parcs régionaux sur lepourtour de l’île.

Une série d’actions entreprises au débutdes années 1980 donne un nouvel élanà Montréal. Une entente entre le minis­tère des Affaires culturelles du Québecet la Ville de Montréal marque le débutde la réhabilitation du Vieux­Montréal.La Société du Vieux­Port de Montréalaménage l’ouverture d’une fenêtre surle Saint­Laurent en créant un vasteespace public accessible à tous.

En 1992, l’adoption du premier pland’urbanisme de Montréal préconise laconsolidation des quartiers centraux, lechoix du transport collectif, la protectiondu mont Royal et du fleuve et la diver­sification de l’offre de logements. Unretissage de la ville est donc entrepris.L’inauguration du Quartier internationalen 2004 et la création du Quartier desspectacles en 2007 s’inscrivent dans cemouvement. La ville connaît donc uneeffervescence immobilière dans les diffé­rents quartiers par le redéveloppementdes faubourgs Québec et Saint­Laurentet dans les arrondissements centraux,notamment le long du canal de Lachineet dans Griffintown. Le centre­ville et lesquartiers centraux sont réinvestis par laclasse moyenne, diminuant ainsi l’exodevers les banlieues. Le transport collectif etle vélo occupent une place importante

dans les déplacements. Des ruelles fontl’objet de verdissement, de petits espacespublics sont aménagés et le patrimoineest mis en valeur, améliorant ainsi laqualité de vie de ces quartiers. La straté­gie Centre­Ville rendue publique en 2016par Montréal compte soutenir cet élan.

L’importance grandissante des airesmétropolitaines dans les enjeux de déve­loppement des différentes métropolesdu monde a amené, en 2001, la créationde la Communauté métropolitaine deMontréal (CMM) après trois décennies dedébats, d’études et de tentatives de créerune structure régionale. Cette décisionavait pour but de renforcer l’attractivité etla compétitivité dans un environnementen mutation où les aires métropolitainesentrent directement en compétition lesunes avec les autres.

Ainsi, la CMM adopte son premier Planmétropolitain d’aménagement et dedéveloppement (PMAD) en 2011. Par sesorientations, le PMAD mise sur une plani­fication intégrée de l’aménagement duterritoire et du transport, de même quesur la protection et la mise en valeur desmilieux naturels, visant ainsi à corriger leslacunes découlant de plusieurs décenniesd’urbanisation non coordonnée.

André Boisvert, Ph. D., urbaniste émérite, a fait carrière princi-palement à Hydro-Québec. Il a aussi œuvré à Sainte-Foy et àSaint-Jérôme de même qu’au ministère des Affaires munici-pales. Collaborateur régulier d’Urbanité, il s’est notammentdistingué par la publication d’un ouvrage regroupant les nom-breuses entrevues de pionniers de l’urbanisme qu’il a réaliséespour la revue pendant plusieurs années. Serge Vaugeois, urba-niste, est détenteur d’une maitrise en aménagement du terri-toire et développement régional de l’Université Laval et d’unemaîtrise en Montage et gestion de projets de l’Université deMontréal. Après avoir travaillé dans l’entreprise privée et dansdivers ministères du gouvernement du Québec, il est mainte-nant consultant au sein de l’entreprise Enviro 3D Conseils.

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Autres références sur MontréalGERMAIN, Annick et Rose DAMARIS. Montreal: The Quest for a Metropolis, Wiley, Chichester, R.­U., 2000, 306 p.MARSAN, Jean­Claude. Montréal en évolution. Quatre siècles d’architecture et d’aménagement. Presse del’Université du Québec, 2016, 752 p.

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16 URBANITÉ | HIVER 2017

PRÉSENCE AUTOCHTONE

Une histoire à revisiter,une reconnaissance à concrétiser

L’anniversaire de Montréal fournit l’occasion de s’interroger sur ce que représente aujourd’hui, pour la population montréalaise,la présence millénaire de ses premiers habitants. Au cours des dernières années, le rôle de plus en plus actif de ceux-ci dansla société montréalaise et le réel regain de la sensibilisation à cette réalité ont commencé à briser le carcan d’ignorance et depréjugés qui a longtemps prévalu. Des mesures d’aménagement pourraient contribuer à une reconnaissance plus complète,notamment par la présence accrue de signes formels et de lieux emblématiques dans l’espace urbain.

Bien avant la rencontre avec JacquesCartier et l’installation sur l’île ducontingent dirigé par Chomedey deMaisonneuve, des groupes d’origineasiatique multimillénaires ont parcourul’Amérique du Nord et s’y sont implantésà de multiples endroits pour y vivre se­lon divers modes de subsistance. À lafin de la glaciation, il y a environ 4000 à6000 ans, la vallée du SaintLaurent aainsi pu devenir un territoire convoitépour ses caractéristiques à la fois favo­rables aux déplacements fluviaux etaux premières formes d’agriculture desgroupes sédentarisés.

Selon les comptes rendus historiques, larencontre avec Cartier est empreinte d’unrespect mutuel. Le lieu nommé Hochelagaétait alors habité par une populationsédentaire considérable pour l’époque,selon un mode d’aménagement typiquedes Iroquoiens, dont une reproductionidéalisée a été par la suite largement diffu­sée. La recherche archéologique n’a toute­fois pas réussi à déterminer la localisationdu site qui demeure l’objet d’hypothèses.

Le climat des relations sera différent auretour des Français. Les Iroquoiens vus parCartier se sont retirés pour des raisonsinconnues1. La rivalité entre nationsautochtones voisines pour le contrôle desvoies de communication de l’archipel est àson comble. C’est dans ce contexte difficilede guerre larvée que Paul de Chomedeyde Maisonneuve décide de s’y installercoûte que coûte, quand bien même, au­rait­il dit, « tous les arbres de cette Isle sedevroient changer en autant d’Iroquois »2.

On peut comprendre que du point de vueautochtone, la fondation de Montréalpuisse être vue avant tout comme uneétape de la grande conquête qui allaitrefouler l’ensemble des nations autoch­tones hors de leurs territoires traditionnelsà travers l’Amérique et, subséquemment,s’accompagner d’un déni de droits terri­toriaux dont les conséquences se pro­longent aujourd’hui dans de nombreuxconflits toujours non réglés.

Les témoignages préhistoriqueset historiquesCette longue histoire, parsemée de dursévénements guerriers, mais aussi d’épi­sodes de convergence étroite comme laGrande Paix de Montréal et la très largealliance dans la guerre menant à laconquête anglaise3, a fait l’objet de nom­breux ouvrages, mais sa connaissancea longtemps été handicapée par le peude traces matérielles retrouvées. Lesrecherches se poursuivent maintenantplus activement. On trouve au Muséequébécois d’archéologie de la Pointe­du­Buisson, non loin de Beauharnois,une collection archéologique sans cessecroissante provenant entièrement de cesite de passage fréquenté par les autoch­tones à diverses époques.

À Montréal même, ce sont surtout lesmusées de Pointe­à­Callière et McCord­Stewart ainsi que le Centre d’histoire deMontréal qui présentent une panoplied’artefacts à caractère archéologique etethnologique témoignant de la présencedes Premiers Peuples4. De nombreux sitesont fait et font présentement l’objet defouilles à divers endroits de l’île, mais leursignalisation laisse souvent à désirer.

À titre d’exemple, le site Dawson, lieud’importantes fouilles antérieures aucoin de la rue Metcalfe et du boulevardDe Maisonneuve, pourrait facilement êtresignalisé à l’entrée du métro.

Au Jardin botanique de Montréal, le Jardindes Premières Nations inauguré en 2001rend hommage à la culture, aux traditionset aux savoir­faire autochtones en bota­nique et en agriculture. Il permet de fairedécouvrir ces aspects aux visiteurs touten faisant le lien avec les activitéscontemporaines des communautés dansce domaine.

La présence actuelleQui sont à Montréal aujourd’hui lesdescendants des premiers habitants etcombien sont­ils dans la région? Lesdernières données populationnellesdisponibles sont celles du Recensementde 2011, qui a dénombré 26285 person­nes « déclarant avoir une identité autoch­tone5 » dans la Région métropolitaine deMontréal (RMR). Toutefois, cette estima­tion ne peut prendre en compte la popu­lation résidente des deux établissementsmohawks qui de longue date ne partici­pent pas aux recensements6. Or, selon lesdonnées fournies par le Secrétariat auxaffaires autochtones du Québec7, lesrésidents étaient en 2012 au nombre de7745 dans la « réserve » de Kahnawake,voisine de la ville de Châteauguay surla rive sud du fleuve, et de 1383 àKanesatake (communauté reconnue, maissans statut de réserve) adjacente à lamunicipalité d’Oka, ce qui donnerait,en les ajoutant, un total d’environ35000 personnes, soit environ 1% dela population régionale.

1 TREMBLAY, Roland. Les Iroquoiens du Saint-Laurent : le peuple du maïs. Pointe-à-Callière/Les Éditions de l’Homme, 2006.2 Selon Dollier de Casson, Histoire du Montréal 1640–1672, cité par Marie-Claire Daveluy, dans : www.biographi.ca/fr/bio/chomedey_de_maisonneuve_paul_de_1F.html3 D’ailleurs appelée la « French and Indian war » par les Britanno-Américains.4 Pour une liste plus complète, voir : BÉLANGER, Diane et Jean-François LECLERC. Le Montréal des Premières Nations. Centre d’histoire de Montréal, 2011.

Voir aussi le site : www.musees-histoire-montreal.ca.

» JACQUES TRUDEL, urbaniste

MONTRÉAL origine

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5 En utilisant ce critère, Statistique Canada se conforme à l’usage international qui le reconnaît comme le meilleur indicateur de dénombrement des populations autochtones à travers le monde.6 Le recensement indique en note que les données manquent sur les populations résidentes de ces établissements au motif « Permission non accordée ».7 Source : SECRÉTARIAT AUX AFFAIRES AUTOCHTONES. Statistiques des populations autochtones du Québec 2012.8 Ce problème avait été abordé par le chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, M. Ghislain Picard, au cours d’une entrevue publiée dans le dossier : « Présence autochtone

et aménagement du territoire », Urbanité, été 2010, p. 17.9 Voir notamment à ce sujet : MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX. « Les Premières Nations et les Inuits. » Politique nationale de lutte à l’itinérance. 2014 (disponible en ligne). Ce document

consacre un chapitre à l’itinérance chez les autochtones et insiste sur la nécessité d’y remédier par des moyens spécifiques.

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Plan de la mission Saint-François-Xavierdu Sault Saint-Louis, située surle premier site à l’originede Kahnawake (c1670).

L’histoire de ces deux établissements estpeu connue. Ils sont issus à l’origine demissions d’évangélisation sous le régimefrançais — mission Saint­François­Xavierdu Sault Saint­Louis créée en 1667 etdéménagée plusieurs fois, Kahnawakeoccupant son site actuel depuis 1716;mission du lac des Deux­Montagnes en1720, sur un site à l’origine de Kanesatake.La situation qui en a découlé avec letemps a laissé perdurer des conflits terri­toriaux, qui ont été notamment à la sourcede la crise d’Oka de 1990.

Cette situation entraîne une difficulté deconcilier les droits et les compétences per­çus différemment de part et d’autre8 d’où,entre autres conséquences, l’absence deces communautés dans la planificationrégionale. Si l’on peut le comprendre enraison des circonstances précitées, com­ment peut­on ne pas se préoccuper dufait que Kahnawake, l’équivalent d’unepetite ville avec près de 10000 habitantsqui vivent, se déplacent et travaillent dansla région, ne soit qu’un espace blancsur la carte du Plan métropolitain d’amé­nagement et de développement, dontle texte ne mentionne même jamais lemot « autochtone »?

La population vivant « hors réserve » estdisséminée sur le territoire régional. Peunombreuse à l’échelle de la région, ellepeut passer inaperçue. Sa présence semanifeste néanmoins de plus en plus

par l’existence d’un réseau de services etd’activités s’adressant spécifiquement àcette population et géré de manièrelargement autonome.

Plusieurs organismes d’appartenancecommunautaire et de services ont pignonsur rue et créent ainsi des lieux de réfé­rences. Parmi ceux­ci, mentionnons leCentre d’amitié autochtone de Montréal,établi de longue date à l’angle du boule­vard Saint­Laurent et de la rue Ontario, etMontréal autochtone, de création plusrécente, installé rue Sherbrooke Est. Dansle domaine culturel et artistique, Terres envues, avenue De Gaspé, organise diversesactivités qui culminent dans le festivalPrésence autochtone de Montréal, tenuchaque année depuis 1990.

Les moyens de la reconnaissanceLes progrès ont été constatés au cours desdernières années, tant sur le plan des ser­vices aux communautés que sur le plan dela sensibilisation obtenue par les activitésculturelles et la présence au sein des ins­titutions, muséales et autres. Ces progrèsdevraient également s’accompagner d’unmeilleur soutien social et du développe­ment des solutions de logement9.

Qu’y aurait­il à faire de plus pour complé­ter ces efforts dans le domaine de l’amé­nagement, outre de chercher activementla voie possible d’un règlement des obs­tacles institutionnels évoqués plus haut àla participation mutuellement acceptée

des communautés territoriales autoch­tones à l’aménagement régional?

Le projet de créer un lieu de rassemble­ment bien identifié, présentement encours de développement sous l’égide deDestiNATIONS conjointement avec Tou­risme Autochtone Québec, pourrait jouerun double rôle en donnant une assiseimmobilière aux organismes à vocationculturelle et touristique et en revêtant uncaractère symbolique par sa localisation etson identification. Jusqu’à maintenant, eneffet, aucun lieu emblématique montréa­lais n’est consacré à la présence historiqueet actuelle des autochtones sur le sol mon­tréalais. Il est à souhaiter que cette dimen­sion symbolique du lieu soit spatialementbien étudiée pour donner un signal fort.

Cette entreprise devrait être complétéepar d’autres formes d’identification àdivers endroits de la ville, comme la meil­leure signalisation des lieux de fouillesarchéologiques. Les dénominations publi­ques référant à des autochtones, très rareset parfois menacées, devraient aussi rece­voir une attention particulière. C’est à cesconditions qu’on progressera vers unereconnaissance réelle et partagée danscet espace urbain dont nous sommesaujourd’hui les héritiers.

Jacques Trudel, urbaniste et diplômé en architecture, a d’abordtravaillé au Service d’urbanisme de la Ville de Montréal. Il aensuite poursuivi sa carrière jusqu’en 2015 dans la fonctionpublique québécoise.

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L’effervescence du centre-ville montréalais

Pour comprendre les effets de l’efferves­cence actuelle du centre­ville sur sesusages et ses paysages, il est instructifde comparer deux temps forts de sondéveloppement depuis un demi­siècle.Le premier, à l’ère de la ville moderne,a trait au déplacement du Centre desaffaires grâce à l’érection du complexede la Place Ville­Marie de 1958 à 1962.Le second, à l’ère de la ville postmoderne,concerne la réalisation du projet duQuartier international de 1997 à 2004.

Comme l’a signalé le sociologue MichelMaffesoli1, la période des années 1960 futpréoccupée par le temps. À cette époque,on prévoyait que la métropole mont­réalaise atteindrait 7 millions d’habitantsen l’an 2000. Encadré par l’urbanismeprogressiste, le développement du centre­ville s’est alors projeté dans le temps àvenir, prenant la forme d’un diagramme :la Place Ville Marie en fut le pôle et lesautoroutes urbaines les embranchements.

Il résulta d’un tel développement desavantages et des inconvénients. Endéplaçant le Centre des affaires versl’Ouest, le projet de la Place Ville Mariea permis la conservation et la mise

en valeur du Vieux­Montréal, a donnénaissance à la ville intérieure tout enattirant dans son voisinage des édificesd’intérêt tels la tour de la Bourse etla Place Bonaventure. L’insertion deces édifices dans la trame urbaine futcependant brutale : il n’y a guère grandmonde qui aime aujourd’hui flâner à leurpourtour. De plus, la Place Bonaventureen témoigne bien, l’architecture del’époque fut plutôt introvertie et très peuen relation avec les paysages existants.

Le Quartier international constitue le projetfort de la ville postmoderne. Contribuantau réaménageant du square Victoria, il futintégré d’une façon créative dans cesecteur en donnant naissance à la placeJean­Paul Riopelle et en amalgamant desbâtiments existants, confirmant ainsi leconstat de Maffesoli : la ville postmoderneest davantage concernée par l’espace. Lamultiplication aujourd’hui des « Quartiers »au centre­ville est d’ailleurs révélatricede cette évolution. Dans les années 1960,il n’y avait guère que le Quartier latinet le Quartier chinois. Aujourd’hui, outrece Quartier international, se sont ajoutéle Quartier des spectacles, le Quartier duMusée, le Quartier des gares et le Quartierdes grands jardins.

Si les immeubles de bureaux ont proliféréau centre­ville au cours des années 1960,maintenant ce sont les immeubles rési­dentiels de copropriété ou à logementslocatifs qui mènent la marche. Ainsi, auQuartier des gares, les deux récentsimmeubles de bureaux sont accompagnésd’une dizaine de tours résidentielles encours de réalisation, dont les deux Toursdes Canadiens, l’Avenue, le Babylone, leRoccabella, le YUL et l’ICÔNE. Certainesatteignant les hauteurs maximalespermises pour protéger les vues du montRoyal, soit une cinquantaine d’étages.Même boom résidentiel du côté duQuartier des spectacles, notamment avecl’Îlot Balmoral, les deux tours prévues surle site du Spectrum et les deux tours de20 et 25 étages du projet Laurent & Clark,regroupant 335 condos2.

Un centre-ville unifié dans sa diversitéEn déplaçant le Centre des affaires, leprojet de la Place Ville Marie a accentué àl’époque la division du centre­ville entrel’Ouest et l’Est. Or, aujourd’hui, apparaîtune tout autre réalité. D’une part, le Centredes affaires s’est agrandi dans toutesles directions, vers les rues Drummond etde la Montagne, Sherbrooke Ouest, Saint­Urbain et Notre­Dame Ouest. De l’autre,l’émergence au centre­ville de quartiers

» JEAN-CLAUDE MARSAN, urbaniste émérite

Le réinvestissement dans le centre-ville de Montréal qui se poursuit depuis plusieurs années a permis l’émergence de nombreux immeublesd’usages diversifiés répartis spatialement dans des quartiers identifiables. Cette effervescence offre à la Ville une occasion exceptionnellede s’investir d’une façon créative et professionnelle pour améliorer l’usage et l’environnement de son centre-ville en mutation. Ainsi, àl’avenir, celui-ci deviendra encore plus accueillant et intéressant pour les citoyens, tout en présentant aussi plus d’attraits pour le tourisme.

1 MAFFESOLI, Michel. Notes sur la postmodernité : le lieu fait le lien. Paris, Éditions du Félin/Institut du monde arabe, 2003.2 CORRIVEAU, Émilie. « Laurent & Clark : deux tours, deux personnalités, une adresse », Le Devoir, 16 et 17 avril 2016, p. H5.

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Un centre consolidé,réinvesti et habitéL’image du « trou de beigne » n’a jamais été vraie pour Montréal,même si l’on a déjà pu craindre une tendance en ce sens.Les urbanistes ont fortement contribué à promouvoir la visiond’un centre multifonctionnel et habité, d’où découle en grandepartie l’effervescence actuelle de Montréal.

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identifiables par leurs fonctions et leursambiances a effacé la frontière historiquedu boulevard Saint­Laurent séparantanglophones et francophones. Le Quartierdes spectacles s’avère maintenant unaimant pour les citoyens de toutes lesorigines culturelles. Le Musée McCord­Stewart songe d’ailleurs à s’y installer.

Les campus bornant le centre­ville contri­buent pour leur part à son animation touten enrichissant ses paysages. L’UniversitéConcordia, incluse dans le Quartier desgrands jardins grâce au site de l’anciennemaison mère des Sœurs Grises, a contri­bué à la restructuration de ce secteur ducentre­ville avec le pavillon EV et celuide l’École de gestion John Molson. Cespavillons forment un impressionnantportail de part et d’autre de la rue Guy àl’angle de Sainte­Catherine. L’imposantpavillon J.­A.­DeSève de l’UQAM, ancré àl’angle sud­est des rues Sainte­Catherineet Sanguinet, a eu un effet structurantsemblable. Quant à l’Université McGill, elleoffre au centre­ville une vue imprenablesur le mont Royal. Il n’y a pas au Canadaun centre­ville plus choyé pour la diversitéde ses usages, paysages et ambiances.

L’augmentation des résidents dans cecentre­ville élargi va avoir un effet béné­fique également. La multiplication descondos et des appartements dans leQuartier des gares accroîtra l’usage dumétro ainsi que l’achalandage de la villeintérieure et de la rue Sainte­Catherine,de même que de celles qui y mènent,telles les rues de la Montagne, Crescentet Bishop. Le Quartier des spectacles pro­fitera aussi de plusieurs de ces avantages.Restent cependant, pour ces deuxQuartiers, des questions en attente, notam­ment concernant la qualité architecturale

de ces nouvelles tours et l’impact de leursombres sur les espaces publics.

Le projet de la rue Sainte-CatherineLe lieu public phare de cette effervescencedu centre­ville est la rue Sainte­Catherine.D’un côté, cette artère et ses embranche­ments assurent des liens avec tous cesQuartiers. De l’autre, par ses commerces,services et ambiances, elle attirera davan­tage de résidents et d’usagers. Comme elleconnaîtra elle­même dans ce contexte destransformations, voilà une occasion uniquepour la Ville d’intervenir sur le plan dudesign urbain en prenant appui sur le pro­jet qu’elle a mis de l’avant pour remplacerles infrastructures souterraines et réamé­nager la rue.

de repos et de nature. Voilà une possibilitéde densifier cette voie d’une façon plushomogène, de bonifier son architecture,d’élargir et de verdir ses trottoirs, enfinde la doter d’un lieu de nature et derepos fascinant.

La Ville pourrait ainsi tirer parti de laprésence du pavillon EV de l’UniversitéConcordia pour réaliser ce lieu. En effet,sur le mur de ce pavillon du côté de la rueMackay se trouve, déployée sur cinqétages, la remarquable murale photogra­phique florale de Nicolas Baier. Celle­cidomine le paysage de l’îlot voisin, oùest logée, dans un agréable espace deverdure longeant la rue Sainte­Catherine,l’église St. James the Apostle. Il s’agirait

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simplement de raser l’affreux bâtimentsitué à l’angle nord­est des rues Sainte­Catherine et Mackay pour agrandir subs­tantiellement cet espace naturel, ce quimettrait en valeur à la fois l’église et lepavillon universitaire, tout en renouantavec la tradition des squares caractéris­tiques du centre­ville montréalais.

Jean-Claude Marsan est architecte, urbaniste émérite etprofesseur émérite à l’Université de Montréal.

C’est la section de la rue Sainte­Catherineentre les rues Peel et Guy, reliée auQuartier des grands jardins et à celui duMusée, qui peut le plus profiter d’un telprojet de design urbain. Car à l’exceptionde quelques édifices remarquables telcelui du magasin Ogilvy (angle rueDe la Montagne), l’environnement decette section de l’artère est hétéroclite :architecture médiocre, densités et hau­teurs en dents de scie, absence de lieux

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20 URBANITÉ | HIVER 2017

MONTRÉAL un centre consolidé, réinvesti et habité

La ville intérieure, un modèle mondial

Peu de villes ont développé un réseau pié­tonnier intérieur d’étendue comparable.Les plus connus sont le PEDWAY àChicago et le PATH à Toronto. Ici, plusde 500000 personnes circulent tous lesjours dans les corridors et tunnels de laville intérieure, accessibles aux heuresd’ouverture du métro. Comment cela est­ilpossible? Il y a bien sûr des raisons clima­tiques, mais aussi des facteurs liés à lamorphologie du centre­ville, à la localisa­tion des lignes du métro, au partenariatavec le secteur privé ainsi qu’au fait queles décideurs publics, fonctionnaires,architectes et urbanistes en sont lesmaîtres d’œuvre depuis ses tout débuts.

Un centre-ville compactet actif en toute saisonMontréal est une ville d’hiver et elle l’étaitencore plus il y a 50 ans, avant les chan­gements climatiques qui en ont réduit larigueur. Malgré tout, le réseau piétonnierintérieur est aussi pertinent qu’à sesdébuts, car il a réussi à étendre sur douzemois les activités commerciales et socio­culturelles du centre­ville. Celui­ci, trèscompact et de forme rectangulaire, estcoincé entre le mont Royal et le fleuveSaint­Laurent. Ses deux lignes de métrosont orientées d’est en ouest et ne sontdistantes que de 750 m, ce qui favorise le« maillage » des axes piétonniers de la villeintérieure, tel un immense TOD.

Les années 1920 virent l’érection des pre­miers gratte­ciel à Montréal et l’ouverturedes grands magasins sur la rue Sainte­Catherine. La Gare Centrale construite surle site de la première gare de la Compa­gnie des chemins de fer nationaux duCanada (CN) ouverte en 1918 sera inau­gurée en 1943, mais il faudra attendrela fin des années 1950 pour que débute

vraiment l’ère contemporaine du centre­ville. Le CN, qui avait auparavant acquis90000 m² de terrain réparti sur trois qua­drilatères, adossera à la gare son siègesocial, puis l’hôtel Queen­Elisabeth qui,avec ses 1040 chambres, sera un recordpour l’époque.

Les dirigeants du CN approcheront enoutre un promoteur de New York, BillZeckendorf, qui reconnaîtra immédia­tement le potentiel des droits aériens dusite, desservi par une gare à proximitéde la rue Sainte­Catherine. Il confie leprojet à l’architecte Henry N. Cobb dela firme Ieoh Ming Pei & Associates2.L’urbaniste Vincent Ponte, du bureau dePei, aura la tâche de planifier non seule­ment le réseau piétonnier du projet, maisaussi des terrains environnants. PlaceVille Marie ouvrira ses portes en 1962 etsa « plaza » couvrira une immense galeriecommerciale reliée à la Gare Centrale parun tunnel sous le boulevard Dorchester3.Sa tour cruciforme de 47 étages étaitalors le plus haut gratte­ciel du Common­wealth et le troisième au monde endehors des États­Unis. L’urbaniste Ponte4

sera même qualifié de « Multi-levelman » dans un article du magazine Timeen 1967.

Les stations du métro du centre-ville :un véritable TODQuelques mois avant l’ouverture de PlaceVille Marie, les autorités municipalesavaient décidé de localiser les stationsde métro du centre­ville sous des ruessecondaires, celles­ci offrant un meilleurpotentiel de développement que les artè­res commerciales5. La Ville acquerra ainsiplus de terrains que nécessaire, profitantde la plus faible valeur des terrains.Les préparatifs de l’Exposition universellede 1967 forceront l’accélération des

travaux entamés en 1962 et l’on ajouterales stations Square­Victoria et Bonaven­ture, auxquelles se relieront le ChâteauChamplain, la Place du Canada, la Tourde la Bourse et la Place Bonaventure,augmentant d’autant l’envergure de laville intérieure. La Ville mettra ensuiteen marché par soumission publique lesparcelles excédentaires de part et d’autredes stations. L’attribution des droits deconstruire par baux emphytéotiquesconstituait une formule avantageuse, tantpour les promoteurs que pour la Ville,celle­ci étant assurée que les programmesde développement allaient être respectés.

Le métro ouvrit ses portes en 1966, àtemps pour l’Expo 67. Dix édifices étaientalors reliés aux stations du centre­ville.L’annonce de l’obtention des Jeux olym­piques de 1976 stimulera le marché immo­bilier et, parmi la vingtaine de nouveauxprojets en chantier, sept bénéficieront desdroits de construire sur le métro. Faitnouveau, certains promoteurs raccorde­ront leurs immeubles à d’autres déjà reliésou en voie de l’être. Le centre­ville de l’Est,rêve du maire Drapeau, verra alors le jour,et grâce à un judicieux remembrement deterrains, à la cession des ruelles par la Villeet à l’adoption d’un premier Plan d’en­semble6, le Complexe Desjardins viendrarelier les stations Place­des­Arts et Place­d’Armes par un lien piétonnier continu.

Un autre outil de développement de laville intérieure sera la permission donnéeaux promoteurs d’occuper le domainepublic sous les rues pour se raccorder aumétro. Cette permission, octroyée parrèglement du Conseil municipal, feral’objet d’un contrat liant les parties etcomprenant un ensemble de conditions,dont la construction et l’entretien par lepromoteur en contrepartie d’un loyer

» JACQUES BESNER, urbaniste émérite

On a souvent dépeint la ville intérieure de Montréal comme étant le fruit d’une privatisation de l’espace public. C’est pourtantle contraire qui est vrai, puisque les usagers empruntent les corridors des propriétés privées à partir des gares et des stations demétro pour se rendre à leur lieu de travail, en toute sécurité et gratuitement. Sa réalisation et son entretien n’ont rien coûté auxMontréalais. Depuis ses origines en 1962, notre ville intérieure, connue sous le nom de RÉSO1, est devenue un modèle mondial quiinspire de nombreuses métropoles, comme Hong Kong, Kuala Lumpur et bien d’autres.

1 Voir le site : ville.montreal.qc.ca/portal/page ?_pageid=7317,79977650&_dad=portal&_schema=PORTAL2 En collaboration avec les architectes montréalais Affleck, Dimakopoulos, Lebensold, Michaud et Sise.3 Renommé depuis boulevard René-Lévesque.4 Ponte a été membre de la CPUQ de 1964 à 1990.5 Il faut souligner ici l’apport de l’urbaniste émérite Guy R. Legault, directeur du Service d’urbanisme de la Ville, qui a mis en œuvre le dossier de localisation du tracé des lignes et emplacements des

stations, puis soutenu la participation des architectes pour la construction des stations.6 Pouvoirs de dérogation aux règles de zonage octroyés à la Ville de Montréal par la Loi 100 en 1972 (Art. 612a de la Charte) pour des projets sur plus de deux acres (0,8 ha) de terrain.

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21URBANITÉ | HIVER 2017

annuel nominal, puis la cession d’uneservitude de passage sur la propriétédu promoteur qui devra être ouverte auxheures du métro depuis la rue.

Une croissance organique continueAvec l’érection des Promenades de laCathédrale, des Cours Mont­Royal, dela Place Montréal Trust et du CentreEaton sera créé, au tournant desannées 1980, le plus grand centre com­mercial de la région métropolitaine,accessible par le métro, le train ou l’auto.Dans l’est du centre­ville, l’Universitédu Québec à Montréal (UQÀM) installerason nouveau campus au­dessus de lastation Berri­Demontigny7. La fin desannées 1980 sera aussi marquée par unesérie de mégaprojets reliés à la villeintérieure, soit le Centre de commercemondial, le 1000 De La Gauchetière etle 1250 René­Lévesque.

Le développement de la ville intérieuren’a cessé depuis de s’étendre, toujourssur les mêmes bases. Avec les nou­veaux pavillons de l’UQÀM, le tunnelreliant le Centre Eaton à la PlaceVille Marie, le Centre Bell, l’agrandis­sement du Palais des Congrès, puisle Quartier international de Montréal8

et bientôt le nouveau Centre hospitalierde l’Université de Montréal (CHUM),RÉSO est aujourd’hui le réseau piéton­nier protégé le plus étendu au monde.

La Ville de Montréal possède un équipe­ment urbain unique, sans avoir eu àinvestir pour le réaliser, l’entretenir etle surveiller. Grâce à la symbiose entrela ville intérieure et les artères commer­ciales, le centre­ville a pu garder savitalité malgré les crises économiques.La ville intérieure est aussi devenue, au fildes ans, une attraction courue qui s’ajouteaux autres produits touristiques de lamétropole, en plus d’accueillir elle­mêmedes événements comme les expositionssur la grande place du Complexe Desjar­dins et l’exposition annuelle Art souter-rain. Tous ces atouts en font un modèlereconnu à l’échelle mondiale.

Jacques Besner, urbaniste émérite, est détenteur d’un baccalauréaten architecture et d’une maîtrise en urbanisme de l’Université deMontréal. À la suite de divers emplois au Gouvernement du Québecet dans le secteur privé, il est embauché comme urbaniste parla Ville de Montréal en 1983. Il a coordonné la préparation de diversplans d’ensemble et dossiers urbains d’envergure, dont celui dela ville intérieure. Maintenant retraité, il agit comme consultantet bénévole au sein de diverses organisations.

7 Renommée depuis Berri-UQÀM.8 L’urbaniste émérite Clément Demers sera le maître d’œuvre du Quartier international.

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22 URBANITÉ | HIVER 2017

MONTRÉAL un centre consolidé, réinvesti et habité

Le quartier ancien aujourd’hui appeléle « Vieux­Montréal » est situé le longdu fleuve Saint­Laurent, là où la ville aété fondée en 1642. Il a connu unepériode de déclin difficile au début desannées 1960, par suite du déplacementdes activités d’affaires vers un nouveausecteur en développement autour de

la Place Ville Marie et des entrepôtstributaires des activités portuaires versles grands axes autoroutiers. De plusen plus d’immeubles anciens du XIXe etdu début du XXe siècle étaient alorsabandonnés, si bien qu’au recensementde 1976, il n’y avait qu’à peine plusde 555 habitants dans le quartier etses faubourgs.

L’entente historiquede deux pouvoirs publicsDès 1979, le ministère des Affaires cultu­relles du Québec et la Ville de Montréalconcluaient une entente quinquennale,l’Entente MAC­Ville, renouvelée depuisà plusieurs reprises, qui visait à soute­nir la conservation et la mise en valeurdu bâti patrimonial à Montréal et, plusspécialement, à réhabiliter le Vieux­

» CLÉMENT DEMERS, urbaniste émérite

RÉHABILITATION DES QUARTIERS ANCIENS

Le succès d’une approche systémiqueet collaborative

Pour réhabiliter des quartiers anciens, il faut les remettre sur le marché, c’est-à-dire créer dans ces quartiers, par des opérationsurbaines de très grande qualité, des environnements attirants tant pour la fonction résidentielle que commerciale ou d’affaires.En utilisant une approche systémique et collaborative à l’échelle de quartiers entiers avec la participation des pouvoirs publics etdes promoteurs privés, il devient alors possible d’atteindre une masse critique suffisante pour avoir un effet d’entraînement durable,ce que la requalification d’immeubles à la pièce n’atteindra qu’exceptionnellement.

Plan stratégique du Vieux-Montréal (1988) :la mise en valeur passe par le développement des faubourgs

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Montréal laissé longtemps à l’abandonaprès avoir échappé de justesse àla destruction. Au fil des ans, cette ententea permis d’intervenir pour assurerle réaménagement d’espaces publics –place Jacques­Cartier, Champ­de­Mars –requalification de bâtiments publics –marché Bonsecours, hôtel de ville – et lacréation d’institutions publiques, commele Musée d’histoire et d’archéologiePointe­à­Callière inauguré en 1992sur les lieux mêmes de la fondationde Montréal.

À la fin des années 1980, la portée etla souplesse de cette entente entrepouvoirs publics ont permis à la Sociétéimmobilière du patrimoine architecturalde Montréal (SIMPA), elle­même issue del’Entente, de définir une approche de pla­nification originale pour mettre en valeurle Vieux­Montréal, approche qui futensuite utilisée pour requalifier desterritoires contigus et complémentaires àla vieille ville : le Quartier international

(27 hectares), en 1999, et le Quartierdes spectacles, secteur Place des arts(30 hectares), en 2007.

Cette approche repose sur les modèlessystémiques développés notammentpar Ludwig von Bertalanffy en biologieet Norbert Wiener en cybernétique,appliqués à la gestion de grands projetsurbains, et repose aussi sur l’approchecollaborative, soit le partage d’informa­tions entre les diverses parties prenantestrès en amont des processus traditionnelsde consultation, de manière à favoriserl’adhésion et l’appropriation collectivedes projets.

Le Vieux-Montréal : une île dansune ville elle-même insulaireDans le Vieux­Montréal, l’équipe de laSIMPA constatait dès 1988 que la villeancienne se trouvait coupée du Montréalmoderne au nord par le creusement del’autoroute Ville­Marie, à l’est et à l’ouestpar l’abandon des anciens faubourgs,laissés à l’état de « no man’s land », et

était privée d’accès au fleuve au sudpar les infrastructures et l’activitéportuaires (voir les cartes). Il fallaitdonc rétablir des ponts, en explorant lepotentiel d’expansion des fonctionsexistantes sur le territoire (administrationpublique, justice, affaires, habitation)ainsi que le potentiel d’implantation denouvelles fonctions (commerce interna­tional, création culturelle) à partir depetits foyers d’activité existants, maisprécaires, ou de grands projets dontles plans n’étaient pas encore dressés,telle la Cité internationale devenue plustard le Quartier international.

Le développement des faubourgs, oùabondaient les terrains disponibles,paraissait une avenue prometteuse.Toutefois, au­delà de cette approcheencore toute théorique, il importait debien définir la relation entre chacundes sous­systèmes existants en termesde fonctions urbaines et d’espaces, afinde déterminer sur lequel de cessous­systèmes intervenir en premier

Cartes extraites du plan stratégique du Vieux-Montréal montrant comment les fonctions traditionnelles (A) et de nouvelles fonctions (B) pouvaientse développer à l’intérieur de l’arrondissement historique et s’étendre dans les faubourgs pour créer des liens vers les autres quartiers.

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24 URBANITÉ | HIVER 2017

MONTRÉAL un centre consolidé, réinvesti et habité

lieu. L’hôtel de ville de Montréal étaità cette époque bordé de terrains destationnement de surface sur trois côtés– place Jacques­Cartier au sud,Champ­de­Mars au nord et terrain vagueà l’est –, ce qui était un non­sens, tant dupoint de vue fonctionnel qu’urbanis­tique et patrimonial. Le développementsur le flanc est du complexe Chausse­gros­de­Léry livré en 1992, qui com­prenait des bureaux pour la fonctionpublique municipale, des résidencesainsi qu’un vaste stationnement souter­rain, a permis de rendre sa dignité àl’hôtel de ville, de restituer le caractèrehistorique du Champ­de­Mars en ydécouvrant les vestiges des anciennesfortifications, de réaménager la placeJacques­Cartier, lieu de rassemblementet de destination touristique, et de com­bler en partie le manque de stationne­ment qui freinait l’investissement privédans le secteur.

À peu près simultanément (1991), dansun secteur de l’ouest du Vieux­Montréalappelé à faire partie du Quartier interna­tional quelques années plus tard, s’étaitdéveloppé le projet du Centre de com­merce mondial avec une composantehôtelière et un stationnement souterrainde 600 places. C’est donc le remplace­ment des stationnements de surface pardes stationnements intérieurs souterrainsqui a produit, par ses effets, la valeurajoutée dont le quartier avait besoinpour stimuler son redéveloppement, lesextrants de ce projet initial devenant lesintrants des suivants, pour reprendre levocabulaire de l’approche systémique.En 1992, après seulement quatre annéesd’efforts soutenus et concertés entre lepublic et le privé, il y avait déjà pour1,34 milliard de dollars de projets dans lavieille ville, couvrant quelque 575000 m2

de plancher additionnel, rénové ourestauré, dédié à des usages diversifiéset complémentaires.

L’importance des liensde communication dansla requalification d’un quartierEn novembre 1993, à l’issue d’un collo­que de deux jours organisé conjointe­ment par la SIMPA et l’Université duQuébec à Montréal (UQAM), les partiesprenantes jusqu’alors isolées par leurspécialité ou leur statut dans le quartierdécidèrent de créer la Table deconcertation du Vieux­Montréal, unforum d’échanges qui existe toujourset demeure notamment utile dans la

mitigation des conflits entre fonctionset usages divers. Il s’agissait là d’unepremière version de ce qui allait devenirl’approche collaborative dans les grandsprojets montréalais.

En 1996, le Palais des Congrès deMontréal, construit au­dessus de l’auto­route Ville­Marie à la limite nord duVieux­Montréal, manifestait des besoinsd’agrandissement qui ne semblaientpas pouvoir être satisfaits sur place.Le déménagement projeté du Palais,l’un des trois plus importants en Amé­rique du Nord pour l’accueil des congrèsinternationaux, aurait compromis l’avenir

du secteur en le privant d’une destina­tion prisée par les congressistes et letourisme d’affaires, ce qui aurait eu deseffets négatifs notamment sur le Centrede commerce mondial voisin. Par ailleurs,l’abandon sur place de l’immeuble debéton massif et quasi aveugle où logeaitle Palais aurait posé d’énormes défisde vocation.

Tous les partenaires du milieu se sontdonc mis au travail pour définir unprojet qui permettrait l’agrandissementsur place du Palais, qu’on aurait dotépar la même occasion d’une plusgrande ouverture sur son environne­ment urbain. Plusieurs scénarios furentenvisagés pour donner une nouvelleimpulsion à ce secteur identifié depuisplusieurs années par la Ville commepropice à l’établissement d’une « Citéinternationale » articulée autour de laBourse de Montréal, du Centre decommerce mondial, où la Caisse dedépôt et placement du Québec (CDPQ)avait des bureaux, et du siège del’Organisation de l’aviation civile inter­

nationale (OACI), une agence de l’ONU.C’est dans ce contexte qu’en 1997, lesurbanistes Renée Daoust et Réal Lestage,de la firme montréalaise Daoust Lestage,parvinrent à convaincre les dirigeantsde la CDPQ de réaliser un projet d’aména­gement urbain, le Quartier internationalde Montréal (QIM), pour accompagnerl’agrandissement éventuel du Palais.

C’est aussi par sa formule collaborativeque se distingue le projet du Quartierinternational. Il a en effet été réalisédans le cadre d’un véritable partenariatpublic­privé, impliquant un grandnombre de partenaires qui ont travailléen étroite collaboration : la CPDQ,le gouvernement du Québec, le gouver­nement du Canada, la Ville de Montréalainsi que tous les propriétaires riverainsbénéficiant des investissements publicset acceptant de payer une taxe d’amélio­ration locale, regroupés au sein del’Association des riverains du Quartierinternational de Montréal (ARQIM).

Suite à la signature de la premièreentente MAC­Ville, et plus particulière­ment depuis 1988, plus de dix milliardsde dollars ont été investis par des promo­teurs privés dans le Vieux­Montréal etses faubourgs. Alors qu’en 1976 le secteurne comptait que 555 résidents, plus de9500 personnes y habitaient en 2011.Cet accroissement spectaculaire sepoursuit avec la construction de nouveauxprojets et la rénovation du parc immobi­lier existant. Les activités d’affaires etde tourisme se sont développées à unrythme soutenu. Le taux d’inoccupationdes immeubles de bureaux qui étaitdeux fois supérieur à celui du centre desaffaires au début des années 1980 estmaintenant comparable.

Aujourd’hui, plus de 30 hôtels de 10 à370 chambres accueillent des millionsde touristes et de gens d’affaires, pourle plus grand bonheur des centainesde commerçants et de restaurateurs quiont pignon sur rue dans ce quartier riched’une architecture résidentielle, commer­ciale, industrielle et institutionnelleunique, témoignant de plus de troissiècles d’histoire. La collaboration soute­nue entre les initiatives publiques etprivées et l’approche systémique mise del’avant auront été à l’origine de ce grandsuccès qui est maintenant durable.

Clément Demers, urbaniste émérite, est architecte etgestionnaire de projet, et a été directeur général de la SIMPAde 1988 à 1994 et du Quartier international de Montréal de2000 à 2015.

« C’est aussi parsa formule collaborative

que se distingue le projetdu Quartier international.

Il a en effet été réalisédans le cadre d’un véritable

partenariat public­privé,impliquant un grand

nombre de partenairesqui ont travaillé en

étroite collaboration. »

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25URBANITÉ | HIVER 2017

Peu de gens se souviennent des lotsvacants et des stationnements de surfaceque l’on retrouvait dans les secteursdu Quartier international de Montréalet du Quartier des spectacles il y a àpeine une dizaine d’années. Pourtant,ces non­lieux urbains, en marge del’animation montréalaise, étaient alorsconsidérés comme non sécuritaires etde peu d’intérêt.

C’est par le levier à la fois de la requalifi­cation de l’espace public et d’investisse­ments concertés que se sont développésces deux quartiers du centre­ville mont­réalais. Aujourd’hui lieux de destinationprisés, ces témoins de la vie financière et

culturelle de Montréal présentent uneanimation urbaine soutenue et un fortattrait sur le plan immobilier.

L’analyse de ces deux opérations deréhabilitation urbaine révèle d’abordl’importance de leaders visionnaires enamont du processus qui défendront leprojet, de son amorce à la finalisationdes travaux, parfois même jusqu’àl’occupation des lieux publics.

Ces leaders œuvrent souvent à l’extérieurde la machine municipale, même si l’inter­vention porte essentiellement sur ledomaine public. En effet, la structuredes institutions municipales empêchecelles­ci d’agir efficacement dans lecontexte des échéanciers serrés des opé­rations de grande envergure. La stratégie

retenue implique ainsi souvent des orga­nisations paramunicipales ou à but nonlucratif dédiées bénéficiant de l’imputabi­lité nécessaire à une prise de décisionstructurée, efficace et responsable.

Soulignons aussi la nécessaire concer­tation avec des gestionnaires, desprofessionnels de l’aménagement, desarchitectes et designers urbains, baséesur un véritable travail d’équipe et d’inté­gration pluridisciplinaire et un processusdécisionnel optimisé.

Pour faire en sorte que l’intervention surle domaine public rallie les investisseurspublics et privés ainsi que les intérêts despropriétaires riverains, des occupants etdes usagers, il faut une vision mobilisa­trice. Cette dernière se définit par unecompréhension de l’échelle urbaine etune maîtrise de multiples disciplines — ledesign urbain, l’architecture, le paysageet le design industriel — pratiquées defaçon intégrée afin d’assurer une cohé­rence d’ensemble. Pour que cette visionsoit bien communiquée et bien comprise,un dialogue soutenu entre les partiesprenantes responsables et décisionnellesest nécessaire. C’est également ce dialo­gue qui permettra à tous de comprendreles contraintes spécifiques du donneurd’ouvrage ainsi que les exigences de lastratégie de mise en œuvre. Toutefois,trop souvent, la hiérarchie à outrancede notre société actuelle ne permetplus cette communication directe entrel’expert­conseil et les décideurs.

Une vision mobilisatrice représenteaussi une opportunité et une responsa­bilité civique uniques tout en requérantdes investissements adéquats afin depermettre la réalisation d’espaces publicsde grande qualité et qui répondent aucontexte spécifique de l’intervention.Il s’agit là d’un geste de développementdurable : investir dans la qualité et lapérennité. Le contexte actuel favorisant

» RENÉE DAOUST, urbaniste émérite

» RÉAL LESTAGE, urbaniste émérite

QUARTIERS DU CENTRE

Réinventer Montréal par le designde ses espaces publics

Aménager l’espace public fournit l’occasion rare d’orienter et de marquer de manière pérenne le développement de secteurs urbainsentiers, les faisant passer de non-lieux à destinations recherchées. L’étude iconographique de l’évolution historique de Montréaldémontre d’ailleurs de façon éloquente l’influence déterminante et durable qu’ont eue les places publiques dans le développementde la ville et dans la formation de son identité.

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La place des Festivals

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plutôt l’octroi des contrats aux plus bassoumissionnaires, il est urgent de mettreen place un processus de sélectioncompétitif où l’équilibre entre la qualitéet le prix permettra d’atteindre le meilleurrapport qualité­coût pour la réalisationdes ouvrages.

De la Cité internationale au QuartierDans les années 1980 et 1990, le secteurdélimité par la rue University, l’avenueViger, le boulevard Saint­Laurent et la rueSaint­Antoine est qualifié de Cité interna­tionale en raison des multiples siègessociaux qui s’y trouvent. Toutefois, la zonese caractérise par un état de déstructura­tion avancé compte tenu des nombreuxlots vacants dominés par le stationne­ment de surface et de la tranchée à cielouvert de l’autoroute Ville­Marie.

En 1997, à l’annonce de l’agrandisse­ment du Palais des Congrès, l’agenceDaoust Lestage élabore un plan d’aména­gement du secteur, une prestation offertespontanément sur une base volontaire.En s’inspirant des opérations de mêmenature à Lyon, l’agence identifie alors laCaisse de dépôt et placement du Québec(CPDQ) comme intervenant clé pourla réalisation de l’opération, celle­cidétenant alors de multiples propriétésimmobilières dans le secteur.

Concours de circonstances, la CPDQaccepte de devenir le chef d’orchestrede la réhabilitation du secteur, renom­mé Quartier international de Montréal(QIM), et contribue à la création del’organisme à but non lucratif du mêmenom qui, de concert avec l’équipe deDaoust Lestage, gère et réalise le projet.Au conseil d’administration du QIMsiègent des représentants de la Ville,des gouvernements fédéral et provin­cial, des propriétaires riverains et dela Caisse, traduisant cette volonté d’uneffort concerté pour la réalisation del’opération urbaine.

Le plan proposé mise d’abord et avanttout sur une lecture rigoureuse du sited’intervention et de ses enseignementshistoriques afin d’élaborer une proposi­tion d’aménagement contemporaine enréférence au génie du lieu. Les espacespublics nord­sud, soit l’axe de la rueUniversity (aujourd’hui boulevard Robert­Bourassa), le square Victoria réhabilitéet la nouvelle place Jean­Paul­Riopelleavec sa sculpture­fontaine « La Joute »

sont aménagés de façon distinctive;ils permettent de retisser des liens pri­vilégiés entre le Vieux­Montréal et leCentre des affaires tout en créant unvéritable lieu de destination1.

Le Quartier international est aujourd’huiune adresse prisée, enrichie par un

nouveau cadre bâti érigé sur les lotsautrefois vacants; deux milliards dedollars y ont été investis sur unepériode d’un peu plus de dix ans,confirmant le pouvoir attractif d’espacespublics de qualité et leur utilisation àtitre de levier immobilier2.

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Le concept d’aménagement du Quartier international

26 URBANITÉ | HIVER 2017

MONTRÉAL un centre consolidé, réinvesti et habité

1 Pour en savoir plus sur le projet et sur les prix et distinctions qu’il s’est mérités, voir la description fournie sur le site Web de la société AGIL.2 BERGERON, Maxime. « L’édifice de la Caisse a 10 ans ». La Presse, 21 décembre 2012.

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urbaniste - conseil514.929.5738 / [email protected]

L'urbanisme de solutions

27URBANITÉ | HIVER 2017

Du spectacle au QuartierL’aménagement du Quartier des spec­tacles s’amorce en 2007 par un appelde propositions visant la production d’unprogramme particulier d’urbanisme3,pour lequel les services de DaoustLestage sont retenus sur une basequalitative. En réponse à la désertionde ce secteur de la ville au profitdes salles de spectacles de banlieue,la commande se veut claire : créer unvéritable lieu de destination à Montréalafin de confirmer l’importance de cesecteur en tant que pôle culturel.

À l’instar du Quartier international,le plan proposé mise sur le caractèreludique du quartier (mise en lumière,graphisme) et sur la nécessité de créerdes espaces publics structurants, àl’échelle des besoins et en adéquationavec la trame des îlots types montréalais.Mentionnons par ailleurs la mobilisationexceptionnelle des propriétaires riverainsprovenant majoritairement du milieuculturel, un atout majeur pour la miseen œuvre du Quartier.

La vision élaborée pour le Quartier desspectacles se définit par la créationd’un réseau d’espaces publics animés,tant en mode événementiel lors desfestivals qu’en mode urbain, étantfréquentés et traversés au quotidien.Visuellement interconnectés, les espacespublics s’articulent autour du secteur dela Place des Arts : la place des Festivalset ses vitrines habitées, la promenadedes Artistes et ses vitrines éphémères,le Parterre, l’Esplanade Clark et la rueSainte­Catherine.

Les signatures urbaines, paysagères,architecturales, lumineuses et ciné­tiques contribuent à la définition d’unquartier structuré et structurant aucœur du centre­ville. Le génie du lieuest célébré par la fontaine interactivede la place des Festivals et des cani­veaux de brume du Parterre, référenceiconographique au spectacle, et par desvitrines habitées et des vitrines éphé­mères mettant en avant­scène le poulsde la vie culturelle montréalaise.

À ce jour, les retombées économiquesimmobilières du Quartier des spectaclesse chiffrent à 1,5 milliard de dollars4,incluant les projets de la Maison duFestival, de l’édifice des Grands Balletscanadiens et du nouveau siège social del’Office national du film (ONF). D’autres

projets, dont un bâtiment résidentiel faceau Parterre et le nouveau Musée McCord,sont aussi prévus.

Expression permanente d’une culture,les espaces publics de qualité exercentun pouvoir structurant sur le dévelop­pement tant immobilier que touristiqued’une ville. Avec l’apport d’un orga­nisme comme le Partenariat du Quartierdes spectacles qui en assure l’animation,ces espaces deviennent le lieu d’expres­sion d’une culture événementielle eturbaine soutenue, optimisant ainsi laqualité attractive et la fréquentation deces nouveaux espaces urbains.

Renée Daoust, architecte et urbaniste émérite, et Réal Lestage,urbaniste émérite, sont les associés de l’agence DaoustLestage inc. – architecture et design urbain.

3 VILLE DE MONTRÉAL. Programme particulier d’urbanisme : Quartier des spectacles. 2007 (disponible en ligne).4 GROUPE ALTUS. Étude des retombées économiques immobilières liées au projet d’aménagement du pôle Place des Arts. 2014 (disponible en ligne)

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Place Jean-Paul-Riopelle,Quartier international

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28 URBANITÉ | HIVER 2017

Reconstruire la ville sur elle-même

L’évolution de la forme urbaine deMontréal, son expansion ou sa transfor­mation ont été, historiquement, le faitde projets. L’industrialisation, associéeau développement des infrastructures detransport, dès le milieu du XIXe siècle,marquera la transformation de Montréalpar la construction du port, du cheminde fer, du canal de Lachine, des usines,des églises, des quartiers résidentielset, plus tard, des gratte­ciel et du métro.

Au cours des vingt­cinq dernières années,la transformation de Montréal, notam­ment le centre de l’île, a été aussi le faitde projets urbains, certains d’enver­gure, d’autres plus modestes. Ceux­civiendront toutefois marquer une ruptureavec les projets des années 1960 et1970, qui visaient à assurer le progrèspar la construction de larges boulevardset d’autoroutes et par la démolition dequartiers pour faire place soit aux gratte­ciel du centre­ville, soit à des ensemblesrésidentiels jugés parfois impersonnels,ce qui entraîna souvent une résistancecitoyenne à plusieurs de ces projets,jugés brutaux.

Le retissage de la ville centraleC’est au cours des années 1980 qu’unenouvelle prise de conscience s’est forgée

sur la qualité de l’aménagement urbain.Le débat public en réaction à un projetcommercial dans l’axe de l’avenue McGillCollege avivera la prise de consciencedes citoyens et des promoteurs immobi­liers eux­mêmes à l’égard de la qualitéde l’aménagement du centre­ville. Lepremier plan d’urbanisme de Montréal,adopté en 1992, y favorisera la construc­tion résidentielle grâce aux nouvellesrègles d’urbanisme et aux programmesmunicipaux d’habitation. Ces mesuresporteront leurs fruits, puisque la crois­sance démographique aura été de l’ordrede 20 % au centre­ville depuis le débutdes années 1990, ce qui en fait un caspresque unique en Amérique du Nordavec Toronto.

Le retissage du centre­ville se pour­suivra dans la première décennie desannées 2000 avec les projets du Quartierinternational et du Quartier des spec­tacles. Ces projets auront assuré lareconstruction de quartiers aux abordsdu centre des affaires autrefois marquéspar la discontinuité du tissu urbain quecréaient des îlots vacants voués austationnement, sans grande valeur detaxation foncière. L’effervescence immo­bilière résidentielle aura aussi permisde retisser de vastes pans négligés ducentre­ville par le redéveloppement

des faubourgs Québec et Saint­Laurentdans l’est et, plus récemment, par laconstruction de nombreuses toursrésidentielles dans l’ouest.

Dans la périphérie du centre, les opéra­tions de rénovation de logements soute­nues par des programmes municipauxassociées à une prise de conscience dupatrimoine bâti et à la défense desquartiers par les Montréalais se matériali­seront surtout par la revitalisation desquartiers des arrondissements centraux,aussi bien Le Plateau­Mont­Royal,Rosemont–La Petite­Patrie et Mercier–Hochelaga­ Maisonneuve que Le Sud­Ouest et Côte­des­Neiges­Notre­Dame­de­Grâce.

La construction résidentielle du vaste ter­rain des anciennes usines Angus par laSociété des terrains Angus, au coursdes années 1980, représente aussi unbel exemple de prise en charge parles associations de citoyens et unorganisme parapublic afin de mettreen valeur une friche industrielle et d’ycréer un quartier de grande qualité.

La notion de la reconstruction de la villesur elle­même est reprise par le pland’urbanisme de 2004. En ne considé­rant que les ensembles fonciers de plusd’un hectare, on constate alors que

» SYLVAIN DUCAS, urbaniste émérite

Un nouveau courant d’urbanisme caractérise la transformation qu’a connue Montréal depuis le milieu des années 1980. Ce courant,véhiculé notamment dans plusieurs villes européennes, vise à reconstruire la ville sur elle-même, une notion qui englobe autantce que certains désignent comme la réhabilitation de secteurs que la reconstruction systématique de lieux ou encore le redévelop-pement urbain. Reprise par le plan d’urbanisme de 2004, cette notion s’applique également aux opérations de planification en coursqui s’inspirent de cette même perspective.

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Des quartiers diversifiés,inclusifs et conviviauxLa reconstruction de la ville sur elle-même est un processuscontinu dans l’ensemble du territoire. Elle assure une transitionprogressive des milieux de vie vers un aménagement mieuxadapté aux exigences de la convivialité, de la valorisationdu patrimoine bâti et de la qualité de l’habitat.

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29URBANITÉ | HIVER 2017

seulement 11% du territoire de l’îleest disponible pour la construction, soitprincipalement de grands terrainsvacants aux extrémités est et ouest del’île et de grands secteurs à transformerdans les anciennes aires industrielles.

Mais il ne faut pas perdre de vue quede nombreuses constructions résiden­tielles continueront de se réaliser aucœur même des secteurs établis, surde petits ensembles fonciers. Une mul­titude de projets d’insertion, parfoismodestes, viendront combler les terrainsvacants disséminés dans les différentsquartiers, remplaceront des stations­service ou transformeront des usinesdésaffectées, venant ainsi consoliderles quartiers centraux déjà desservis parle transport en commun, des équipe­ments collectifs et des services commer­ciaux. Une étude récente a d’ailleursconfirmé que près de 100000 logementsont été construits dans la trame urbaineexistante entre 2001 et 2015, majoritai­rement dans les quartiers desservis parle réseau du métro.

Le redéveloppement du quartierGriffintown se démarque toutefois parl’ampleur des constructions résiden­tielles adoptant une forme urbainedistincte du quartier d’insertion. Latransformation de ce quartier industrieldu XIXe siècle en un quartier résidentielplus dense, aux confins du centredes affaires, permettra d’y construirequelque 10000 logements au cours desprochaines années.

Autre exemple : sur le terrain d’une an­cienne gare de triage aux abords desstations Acadie et Outremont se construi­ra aussi le projet du site Outremont,un quartier résidentiel et universitaire de1300 logements attenant aux premiersédifices d’un pôle universitaire scienti­fique de 150000 m2. Ce projet vise égale­ment à faire le pont avec les secteursavoisinants par le maillage d’entreprisesau pôle scientifique universitaire.

Les défis des années 2020Depuis les vingt­cinq dernières années,les opérations de réhabilitation ou deredéveloppement ont visé surtout des

secteurs issus de l’urbanisation de lapériode 1870­1950, dans le centre­villeou dans les quartiers centraux, avec untissu urbain plus dense et une grillede rues adaptée aux déplacements actifs.

Les futurs projets urbains situés dans deszones urbanisées après les années 1950soulèvent des enjeux d’aménagementet de design urbain nouveaux. Ils devrontpermettre de retisser des quartiers etde donner un sens plus urbain à cesmorceaux de ville, tout en alliant desobjectifs de densification et d’aménage­ment durable.

Le schéma d’aménagement de l’agglo­mération adopté en 20151 reconnaîtdes secteurs stratégiques de planifica­tion, qui sont appelés à changer de vo­cation dans une perspective de densifi­cation et de diversification des activitésurbaines. Ces secteurs sont liés à desinfrastructures de transport collectifactuelles ou à venir.

Le secteur où se situe le projet Le Triangle,entrepris dès2009, enest unbonexemple.

1 VILLE DE MONTRÉAL. Schéma d’aménagement et de développement de l’agglomération de Montréal. 2015 (disponible en ligne).

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Sur un territoire de moins de 30 hectares,aux abords de l’autoroute Décarie, de larue Jean­Talon et de la station de métroNamur, quelque 4500 logements surgis­

sent déjà d’un secteur industriel plusrécent, issu des années 1960, caractérisépar des installations vouées au commerceautomobile. Ce projet sera le fer­de­lance

du renouveau aux abords de cette stationde métro à un jet de pierre de l’ancienhippodrome. Ce secteur offre en effet lapossibilité d’une diversification et d’unedensification des activités urbaines. En yajoutant la capacité d’accueil du terrainde l’ancien hippodrome, c’est quelque8000 logements qui pourront y êtreconstruits d’ici 2030, en plus de projetsimmobiliers commerciaux ou de services.

La transformation du secteur Anjou–Langelier, qui sera desservi par le pro­longement de la ligne bleue du métro,offre de son côté une capacité d’accueilde plus de 5000 logements. Des projetsimmobiliers se confirment aussi auxabords de la station Assomption et dans lesecteur Lachine­Est, ajoutant à termequelque 7000 logements dans un horizonde 2030.

L’annonce récente de l’implantation duRéseau électrique métropolitain (RÉM),reliant la Rive­Sud au centre­ville deMontréal et à l’aéroport Pierre­Elliott­Trudeau, offrira d’autres occasions deconsolidation de secteurs aux abordsde certaines gares sur le parcours duRÉM, que ce soit près du centre­villeet dans Griffintown, ou encore dansles arrondissements Saint­Laurent etPierrefonds­Roxboro.

Ces divers projets de renouvellementurbain s’inscrivent toujours dans la mou­vance de la reconstruction de la ville surelle­même. Les secteurs concernés sonttous localisés aux abords d’infrastruc­tures lourdes de transport collectif etoffrent une capacité d’accueil importanteen termes de projets résidentiels ou deservices. Cependant, ils représentent desdéfis différents, étant le produit de l’urba­nisation de l’après­Seconde Guerre mon­diale, caractérisée par la domination del’automobile et un tissu urbain très lâche.

Ce type d’opérations nécessitera uneréflexion nouvelle quant au rapport àl’urbain. Ce défi devra être relevé égale­ment dans d’autres villes issues de cecourant d’urbanisation d’après­guerre,ainsi que dans les couronnes des villesplus anciennes, à Montréal et ailleurs auQuébec. Un « projet urbain » en soi.

Sylvain Ducas, urbaniste émérite, est directeur de l’urbanismeà la Ville de Montréal.

30 URBANITÉ | HIVER 2017

MONTRÉAL des quartiers diversifiés, inclusifs et conviviaux

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Vue aérienne du Technopôle etdu quartier Angus, arrondissement

Rosemont–La Petite-Patrie.

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31URBANITÉ | HIVER 2017

La patrimonialisation des quartierscentraux et des centres historiques

La prise de conscience de la vulnérabilitéde l’héritage urbain de l’ère victoriennesuscitée par cette destruction a entraînéla constitution de groupes de défensedu patrimoine, notamment de SauvonsMontréal (1973) et d’Héritage Montréal(1975) ainsi que le passage d’uneapproche à la pièce de la conservation àune perspective plus globale. La bataillemenée pour la sauvegarde du quartierMilton Parc aura cristallisé cette évolution,notamment en ciblant un patrimoine« ordinaire ». Tout n’était pas gagnépour autant, loin de là. On était encoreloin d’une approche urbanistique dela conservation2.

Dans les années 1970, le cœur de lamétropole, le secteur compris entre lesrues Atwater, des Pins et Papineau, étaitsoumis à de fortes pressions immobi­lières. N’eut été de l’intervention duministère des Affaires culturelles, cesont plusieurs dizaines de bâtimentsexceptionnels, notamment la maisonmère des Sœurs Grises et le collègeMont­Saint­Louis, qui seraient tombéssous le pic des démolisseurs. Même si onn’était confronté à rien d’équivalent ail­leurs, la situation n’en était pas moinspréoccupante. Éprouvés par la désindus­trialisation et la perte de population,certains des vieux quartiers ouvrierssubissaient les contrecoups de grandschantiers : construction d’une polyvalenteen plein cœur de Saint­Henri, démolitionde centaines de logements au nord dela rue Notre­Dame dans Hochelaga­Maisonneuve. Des villages étaient détruits(p. ex. Longue­Pointe) ou menacés(p. ex. Sault­au­Récollet) par la construc­tion d’infrastructures autoroutières.

Par ailleurs, plusieurs projets de réno­vation urbaine avaient été commandés

par des municipalités aux prises avec laperte de dynamisme et la désuétudedes cadres bâtis des centres histo­riques. À Terrebonne, la mise en œuvredu plan proposé se serait traduite pardes démolitions massives, le réaména­gement du réseau viaire, des remem­brements fonciers, la construction de24 bâtiments multifamiliaux isolés oujumelés comptant six logements et deneuf immeubles en hauteur de 24 loge­ments, ainsi que l’aménagement dequelques centaines de places de sta­tionnement3. Heureusement, aucun deces projets n’a été réalisé.

Là aussi, les interventions du ministèredes Affaires culturelles auront permisde limiter les dégâts. Le classement(1973) et l’acquisition par expropriation(1974) du site historique de l’Île­des­Moulins, ainsi que le classement à titrede monuments historiques (entre 1972

et 1976) et l’enregistrement des airesde protection de trois maisons an­ciennes à Terrebonne, de même que leclassement de l’arrondissement histo­rique de La Prairie (1975) ont été lesinterventions les plus ambitieuses.Bien que de portée moindre, plusieursautres classements ont permis au mi­nistère de jouer le rôle de chien degarde dans bon nombre de localités.

Le tournant des années 1980Un changement de cap s’est graduelle­ment imposé à compter du début desannées 1980.

Des secteurs d’intérêt ont été identifiésdans les schémas d’aménagement etles plans d’urbanisme. L’exercice n’atoutefois pas toujours été suivi del’adoption de mesures conséquentes.Faute d’une réelle volonté politique,l’urbanisme peinait à relever le défi de

» GÉRARD BEAUDET, urbaniste émérite

La démolition de la maison Van Horne, en 1973, est considérée comme un moment inaugural du combat du patrimoine à Montréal1.Où en sommes-nous quelque 40 ans plus tard ? C’est la question à laquelle ce texte tentera d’apporter réponse en s’intéressant auxquartiers anciens de l’île de Montréal et aux centres historiques de la région métropolitaine.

PIER

RELA

HOUD

Le Vieux-Terrebonne, un ensemble urbain exceptionnel, tant en raison du caractère et des modalitésde mise en valeur de son cadre bâti que du pittoresque de son site.

1 DROUIN, Martin. Le combat du patrimoine à Montréal (1973-2003), Presses de l’Université du Québec, 2007, 386 p.2 BEAUDET, Gérard. « Le patrimoine urbain : autopsie d’une conquête inachevée », Urbanité, vol. 2, n° 3, 2007, p 28-34.3 SOUDRE, LATTÉ et MORALES. Ville de Terrebonne; étude de rénovation urbaine. 1971, cahier 1, 91 p. et annexe.

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32 URBANITÉ | HIVER 2017

MONTRÉAL des quartiers diversifiés, inclusifs et conviviaux

la prise en charge du patrimoine,d’autant que la question restait l’affairede quelques experts.

La ville de Terrebonne s’est démarquée,au point où on pouvait affirmer autournant du millénaire que le Vieux­Terrebonne était « l’un des ensemblesurbains les mieux conservés au Québec4 ».On reconnaît qu’il est « un cas exem-plaire d’une stratégie de conservationet de mise en valeur dont l’originalitétient de son inscription dans une pers-pective urbanistique 5 ». D’autres muni­cipalités ont peu à peu emboîté le pas.Des sites du patrimoine ont été cons­titués, par exemple à Boucherville,Longueuil, Sainte­Thérèse et au Sault­au­Récollet (Montréal). Des équipementsculturels de qualité comme des théâtreset des bibliothèques ont été construitsdans les centres historiques, entreautres à L’Assomption, Terrebonneet Saint­Eustache. Des interventionspubliques ont permis de redynamiserdes lieux jusque là moribonds, parexemple à Sainte­Anne­de­Bellevue,où la mise en valeur du site des éclusesa eu un impact immédiat sur la vitalitéde la rue principale. Des municipalitésont adopté des stratégies foncièrespour favoriser la réalisation de projets

immobiliers, notamment à Terrebonne6

et à Chambly ou pour s’attaquer à desproblèmes spécifiques, par exemplel’acquisition d’une conserverie au cœurdu Vieux­La Prairie.

Les études de caractérisation se sontmultipliées au cours des deux dernièresdécennies. Une plus grande attention aété portée à la morphologie des milieuxbâtis, notamment en conséquence del’intérêt pour de nouveaux outils d’urba­nisme, dont le règlement sur les plansd’implantation et d’intégration architec­turale, introduit dans la Loi sur l’aména-gement et l’urbanisme en 1989. De nosjours, la plupart des centres historiqueset des quartiers anciens sont soumis àune telle réglementation. Les résultatssont toutefois inégaux, tant en raison desdifficultés inhérentes à l’exercice d’unpouvoir discrétionnaire que des compé­tences inégales mobilisées dans les comi­tés consultatifs d’urbanisme et des partisarchitecturaux privilégiés.

Les défis actuelsBien que de réels progrès aient étéaccomplis, les défis restent nombreux.Ne serait­ce que parce que le champdu patrimoine urbain n’a de cesse de sereconfigurer et que de nouveaux enjeuxen découlent. Les pressions de redéve­

loppement immobilier qui ont cours dansle quartier Norvick (1942) de l’arrondis­sement Saint­Laurent et dans le lotis­sement coopératif de Saint­Léonard­de­Port­Maurice (1956) de l’arrondisse­ment Saint­Léonard en constituent unexemple. Ces deux ensembles résiden­tiels pavillonnaires ont aujourd’hui unevaleur patrimoniale reconnue. La super­ficie modeste des maisons, combinée àla localisation stratégique des quartiers, atoutefois suscité des agrandissements etdes reconstructions qui en menaçaientl’intégrité. Des mesures d’encadrementont dû être adoptées.

La vocation des quartiers anciens et descentres historiques continue toutefois àposer problème. Il n’est en effet pas facilede déterminer quels sont les usages etles activités les plus souhaitables, notam­ment en regard de la cohabitation avecla fonction résidentielle, dont on recon­naît qu’elle est de première importance.

Plusieurs dossiers ont par ailleursmontré que les années 1970 ne sontpas si loin derrière nous. C’est le casde la maison Alcan au centre­ville deMontréal, où la Ville entendait laisserconstruire une tour de 33 étages quiaurait dénaturé une des réalisations lesplus emblématiques des années 1980.La ministre de la Culture et des Commu­nications a jugé bon d’émettre un avisd’intention de classement. C’est aussi lecas de la destruction précipitée, par leministère des Transports, des vestigesarchéologiques du village des Tanneriessur le site de l’échangeur Turcot.

Les nombreux exemples d’improvisation,de tergiversation et de négligence pro­longée — hôpitaux Hôtel­Dieu et Royal­Victoria, square Viger, ancienne biblio­thèque Saint­Sulpice, studio Ernest­Cormier, maison Chénier de Saint­Eustache, écoles des quartiers centrauxde Montréal — révèlent par ailleurs queles autorités publiques n’ont toujourspas développé une véritable culture patri­moniale. Aujourd’hui comme hier, lavigilance des citoyens et des groupesvoués à la défense et à la valorisationdu patrimoine reste de mise.

Gérard Beaudet, urbaniste émérite, est professeur titulaire etchercheur associé à l’Observatoire Ivanhoé-Cambridge dudéveloppement urbain et immobilier de l’École d’urbanisme etd’architecture de paysage, Université de Montréal.

S’étirant le long de la rivière des Prairies, le village du Sault-au-Récollet est un secret bien gardé.Les vestiges des moulins de la chaussée y ont été habilement mis en valeur.

GÉRA

RD B

EAUD

ET

4 VARIN, François et Louise MERCIER. « Milieux de vie », Continuité, no 83, 1999, p. 39-54.5 BROCHU, Johanne. « Le patrimoine urbain, entre conservation et avenir », Urbanité, mai 2005, p. 10-13.6 MINISTÈRE DES AFFAIRES MUNICIPALES. L’acquisition et la revente d’immeubles au centre-ville de Terrebonne, collection Aménagement et urbanisme, 1989.

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33URBANITÉ | HIVER 2017

Le patrimoine institutionnel religieux dans la régionAujourd’hui, les municipalités de banlieue et les villes­satellites de la grande région de Montréal sontaux prises avec une problématique qui, sans avoir l’acuité qu’elle présente dans les quartiers centraux,n’en est pas moins préoccupante. Dans bien des cas, la recherche d’une solution à un problèmereconnu parfois de longue date peut tarder à être mise en œuvre. Heureusement, bon nombre d’édificesont conservé, en l’adaptant, leur vocation d’origine tandis que plusieurs initiatives municipales ou enpartenariat ont permis de sauvegarder et de donner une seconde vie à un patrimoine qui contribuesignificativement à l’identité des communautés.

Souvent relativement discrète, la transformation de nombreux petits couvents jouxtant l’église paroissialeprimitive en hôtels de ville et en centres administratifs ou communautaires a contribué à préserverl’intégrité des noyaux institutionnels des villages qui sont devenus le cœur de plusieurs banlieuesdes couronnes nord et sud. Quelques presbytères accueillent également de nouveaux usages, parfoisen conservant leur fonction résidentielle, comme à Saint­Eustache.

Imposants édifices construits au XIXe siècle, les anciens séminaires de Sainte­Thérèse et de Valleyfield,ainsi que les collèges de l’Assomption et de Rigaud, ont été adaptés aux réformes de la Révolutiontranquille et sont demeurés des hauts lieux en matière d’éducation, comme l’est devenu l’anciennoviciat des pères de Sainte­Croix de Sainte­Geneviève­de­Pierrefonds, qui accueille en ses mursle CÉGEP Gérald­Godin.

Si l’abbaye des moniales bénédictines de Sainte­Marthe­sur­le­Lac a conservé sa vocation d’origine,d’autres grands ensembles conventuels ont par ailleurs trouvé une nouvelle vocation, devenant souventdes résidences pour personnes âgées ou des centres d’hébergement. À Châteauguay, la municipalité a faitl’acquisition du domaine des Sœurs Grises constitué de plusieurs bâtiments, dont une auberge, un manoiren pierre, une grange, un ancien moulin à vent et un cimetière. Cet ensemble exceptionnel, situé àla pointe ouest de l’île Saint­Bernard, est désormais ouvert à la population.

Les églises posent ici comme partout ailleurs un problème particulier, principalement en raison de leurscaractéristiques architecturales. Plusieurs conversions ont néanmoins été réalisées avec succès. Le Centred’art La petite église de Saint­Eustache est logé dans une ancienne église presbytérienne, ce qui estle cas également du Musée de société des Deux­Rives à Valleyfield. Une école de cirque occupel’ancienne église Notre­Dame­de­l’Assomption de Châteauguay. D’autres accueillent maintenant descentres communautaires ou des services municipaux.

Le recyclage d’églises à des fins résidentielles est un exercice périlleux qui donne trop souvent des résultatspour le moins discutables. Certains promoteurs relèvent malgré tout le défi. L’église Saint­Christophedu quartier Pont­Viau à Laval a été transformée avec succès en une résidence pour personnes âgées.D’abord acquise pour être transformée en salle de spectacle polyvalente, l’église Saint­Paul à Beauharnoispourrait être recyclée en condos résidentiels.

Malgré bon nombre de réussites, on doit malheureusement déplorer plusieurs démolitions, alors quedes dizaines d’autres ont un avenir incertain, ou sont même sérieusement menacées, à l’instar de l’égliseSaint­Gérard­Majella à Saint­Jean, pourtant considérée comme une œuvre architecturale majeure du débutdes années 1960.

Si la sécularisation de la société a contribué à compromettre l’avenir d’un immense parc immobilier institu­tionnel à vocation religieuse, elle n’en a pas affecté pour autant la perception de l’intérêt patrimonial. Celui­ciest toujours considéré comme un bien commun d’une grande importance, notamment d’un point de vue del’identité des communautés. Aussi n’est­ce pas étonnant que les municipalités et leurs partenaires aient jouédepuis plusieurs années un rôle de premier plan dans la sauvegarde et la valorisation de cet héritage. Le défià relever est toutefois considérable et comportera inévitablement des choix qui seront difficiles à faire.Imagination et conviction devront continuer à être au rendez­vous. Mais il faudra également mieux assumerla nécessaire mise en perspective urbanistique du projet patrimonial religieux1. GB

1 BEAUDET, Gérard. « Redécouvrir l’urbanité des églises », dans MORISSET, Lucie K., Luc NOPPEN et Thomas COOMANS (éd.). Quel avenir pour quelles églises ?Presses de l’Université du Québec, 2006, p. 371-392.

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34 URBANITÉ | HIVER 2017

MONTRÉAL des quartiers diversifiés, inclusifs et conviviaux

Maintenir le cap sur un habitatdistinctif et de qualitéENTREVUE AVEC AURÈLE CARDINAL, URBANISTE ÉMÉRITE

La carrière d’Aurèle Cardinal, qui est aussi professeur hono-raire à la Faculté d’aménagement de l’Université de Montréal,a été intimement reliée à la production des nouveaux espacesrésidentiels montréalais. Pratiquant l’architecture et l’urbanismedepuis près de 40 ans, il a contribué à modeler l’image deMontréal par la conception d’un grand nombre d’ensemblesrésidentiels à diverses échelles ainsi que par de nombreuxprojets d’aménagement et de design urbain, dont l’aménage-ment du Vieux-Port et le réaménagement de la place d’Armes.Il a été le récipiendaire, en décembre 2015, de la médailledu Mérite de l’Ordre des architectes du Québec.

Depuis une quarantaine d’années à Montréal, on constateune amélioration substantielle de la qualité des nouveauxensembles résidentiels. Quels ont été les grandes étapeset les principaux moteurs de cette renaissance de l’archi-tecture résidentielle montréalaise?Les années 1960­1970 avaient été des années pauvres pourl’architecture résidentielle au Québec. Le point tournant a vrai­ment été l’Opération 10000 logements (puis 20000 logements)de la Ville de Montréal, début 1980. Le processus de sélectionbasé sur des critères de qualité — les prix des terrains étantfixes — a permis la reconnaissance du rôle des professionnelsde l’aménagement, qui étaient des collaborateurs obligéspour les promoteurs. Cette implication des architectes et urba­

nistes dans le domaine résidentiel a d’ailleurs essaimé ailleursqu’à Montréal, grâce au succès et à la visibilité des résultats.

Au même moment, les typologies associées à la copropriété,surtout des petits immeubles collectifs, se développaient pourrépondre à de nouveaux modèles de vie répondant à l’évolu­tion sociodémographique. L’évolution culturelle amenée parl’éducation contribuait à créer des attentes plus sophistiquéeschez les acheteurs.

La typologie domiciliaire montréalaise demeure distinctiveen Amérique du Nord par la prédominance des densitésintermédiaires ainsi que par des modèles issus d’un héri-tage culturel spécifique. Les architectes et les urbanistesont-ils su miser sur ces particularités pour développer unearchitecture originale?La typologie des « plex » avait généré un tissu urbain de hautequalité, souvent grâce aux propriétaires occupants qui recher­chaient pour eux­mêmes un bon logement; d’où aussi laqualité continue des anciennes rues urbaines. Après la guerre,le modèle des plex s’est toutefois détérioré : façades degarage, entrées latérales, etc.

Mais lorsque le tournant vers la renaissance de l’architecturerésidentielle s’est produit, on a pu retrouver les atouts de latypologie traditionnelle, tout en bénéficiant d’une productionqui demeurait à petite échelle. N’oublions pas aussi le modede financement des infrastructures qui passait par la munici­palité, favorisait les petits constructeurs et les nombreuxprojets de taille modeste ce qui permettait d’éviter les tropgrands ensembles anonymes.

Les clientèles et les modes de vie ont évolué au cours desdernières décennies tandis que les avancées technologiqueschangeaient les façons de construire et les attentes desconsommateurs. La conception des habitations a-t-ellebien répondu à ces changements?Nous avons connu en effet une évolution sociodémographiquetrès importante. La baisse de la taille des ménages a étémarquante; il y a davantage de logements pour personnesseules et la grandeur des logements a diminué pour unemême typologie. Les modes de vie ont généré un accroisse­ment des exigences de qualité; les consommateurs sontplus avertis. Les petites familles redécouvrent l’intérêt d’unlogement urbain qui limite les déplacements journaliers.

La production résidentielle propose des projets orientés vers le« style de vie » avec des espaces communautaires en conséquence.

» Propos recueillis par JACQUES TRUDEL, urbaniste

L’habitation représente l’occupation dominante de l’espace urbain. C’est dire l’importance qu’elle prend dans l’image de la villecomme dans la qualité de la vie urbaine, tout en étant également un déterminant des conditions sociales et un moteur des activitéséconomiques. Le parc résidentiel montréalais est aujourd’hui un constituant majeur de l’image et de la réalité urbaine de Montréal.Sa production a connu des développements contrastés. Pour en témoigner, Urbanité a choisi d’interroger l’un de ses principauxartisans, l’architecte et urbaniste Aurèle Cardinal.

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Les lofts Redpath (2003), un projet de recyclage,en condominiums résidentiels et en bureaux, d’unensemble industriel aux abords du canal Lachine.

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35URBANITÉ | HIVER 2017

L’espace communautaire est devenu l’extension du logementcompensant pour la réduction de taille des logements. Cettesegmentation a aussi favorisé la production de projets spécifiquesavec des services adaptés pour les populations vieillissantes.L’habitation vise ainsi un marché plus précis, segmenté, et l’offres’adapte aux attentes des consommateurs.

À mon avis, les avancées technologiques ont eu un impactmoins important. C’est maintenant surtout qu’elles jouentde plus en plus un rôle en matière de confort et d’économiedes ressources — isolation, eau, qualité de l’air — si l’on accepted’en payer le prix.

Les tendances plus récentes inspirées de la lutte contreles changements climatiques et du développement durablepointent maintenant vers l’économie des ressources, ladensification et le retour en ville. Comment cela se traduit-ilconcrètement dans la production actuelle de l’habitat?De nombreux projets s’inscrivent effectivement dans le courantdu développement durable, qui s’impose progressivement.Le réinvestissement dans les quartiers centraux est une réalité.La nécessité de l’économie des ressources est reconnue, maisla clientèle n’est pas toujours prête à payer la différence de prixà court terme.

Les lofts du Quai de la Commune (1995),sont une démonstration de la viabilitéde transformer des bâtiments industrielsavec des gabarits atypiques en lofts résidentiels.

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Quel jugement d’ensemble peut-on porter sur la situationactuelle de l’habitation montréalaise? Les professionnelssont-ils présentement en bonne position pour intervenir?La production résidentielle s’est clairement améliorée à Montréal,entre autres grâce à l’intervention des professionnels del’aménagement et à la collaboration qu’ils ont généralementsu établir avec les constructeurs. Ce qui a le plus aidé à créercette association positive a été les concours d’idées et l’accep­tation des projets selon des critères privilégiant la qualité.Des approches réglementaires du type PIIA et PPCMOI vont

dans ce sens. Un autre facteur qui favorisel’intervention professionnelle est le fait que lesprojets doivent composer avec des situationsqui deviennent plus complexes, en raison desdifficultés présentées par les sites résiduels etles exigences accrues de toute sorte, notammentréglementaires.

La préoccupation de la Ville d’intégrer des loge­ments sociaux et abordables dans la productionrésidentielle a conduit à la nécessité d’ententesentre plusieurs parties prenantes — service d’urba­nisme, promoteur, organismes d’habitation —,ce qui donne aux professionnels de l’aménagementl’occasion de jouer le rôle d’interlocuteurs « posi­tifs » dans la recherche des meilleures solutions.

En somme, les professionnels sont en bonneposition. Pour la maintenir, ils doivent s’assurerque leurs connaissances et leur expertise soienttoujours à la hauteur, particulièrement en ce quiconcerne le contexte et les pratiques du marchéimmobilier ainsi que les tendances internatio­

nales en matière de développement urbain.

Quels sont finalement les principaux défis de l’avenir pourl’habitation montréalaise?Je dirais que le premier défi demeure de produire un habitatde qualité dans une forme urbaine compatible avec le milieurécepteur. À la base, il faut pour cela savoir adapter le produitaux différences de milieux et de clientèles.

Il faut aussi s’assurer que les coûts de production restent abor­dables tout en s’assurant que l’atteinte de la qualité demeuretoujours possible. Il y a présentement un danger que les coûtsde construction augmentent hors de proportion avec l’évolu­tion de l’économie, dans un contexte où les exigences despouvoirs publics augmentent également et où les sitesdeviennent plus rares et souvent plus difficiles. En ce sens, ondoit être soucieux d’éviter que les projets ne deviennent tropcomplexes et ainsi difficiles à gérer et à entretenir à long terme.

Ceci dit, il faut espérer que des contraintes financières ne devien­nent pas prétextes à un glissement vers des choix publicsqui privilégient les considérations de prix au détriment dela qualité. Le plus important professionnellement doit êtrede toujours pouvoir continuer à faire prévaloir la qualité del’habitat, parce c’est ce qui va rester, ce sera notre legs pourle futur.

Jacques Trudel, urbaniste et diplômé en architecture, a d’abord travaillé au Service d’urbanisme dela Ville de Montréal. Il a ensuite poursuivi sa carrière, jusqu’à 2015, dans la fonction publiquequébécoise, principalement à la Société d’habitation du Québec.

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MONTRÉAL des quartiers diversifiés, inclusifs et conviviaux

Les appels de propositions d’organismes gouvernementauxcomportant des exigences de cet ordre alimentent ce courant,comme dans le cas des Bassins du Nouveau Havre, dont ledéveloppement a fait l’objet d’un appel de la Société immobi­lière du Canada (SIC). Le projet a été certifié LEED® pour leplan d’ensemble et les bâtiments : c’est un projet de bonnedensité qui favorise le retour en ville, avec des immeubles detaille moyenne, un milieu de vie animé et une offre de logementsdiversifiée s’adressant aussi bien à des familles qu’à desretraités et incluant des logements sociaux.

Depuis plusieurs années, la planification urbaine a misl’accent sur le redéveloppement d’espaces et la reconversiond’immeubles vers l’habitation, ainsi que sur la revitalisationdes espaces centraux et la réoccupation résidentielle ducentre-ville. Les professionnels de l’aménagement en ont-ilsbien profité pour innover et améliorer les formes d’habitat?Le redéveloppement planifié des espaces centraux de la ville estun courant international. On en voit de multiples exemples : ZACParis Rive Gauche autour de la Grande Bibliothèque, redéveloppe­ment du cœur de Berlin, reconversion des zones portuaires àHambourg, transformation des zones industrielles à Copenhague,ce sont tous là des exemples inspirants.

À Montréal, c’est entre autres aux abords du Vieux­Montréalqu’a pris place l’amorce du mouvement, il y a déjà quelquesdécennies. Le 1 McGill, par exemple, a fait figure de projetpionnier. Puis, il y a eu le faubourg des Récollets, les abords ducanal de Lachine, le Faubourg Québec, Griffintown. L’un desdéfis majeurs a été d’éviter une rupture trop marquée avec lesmilieux urbains environnants, en respectant la morphologieexistante et en adoptant un langage architectural approprié.

C’est dans cette optique que s’est fait le recyclage desimmeubles industriels de la Redpath à Pointe­Saint­Charles,à des fins mixtes de bureau et d’habitation — un projet qui,je pense, a eu une certaine influence. En respectant la fenestra­tion et en profitant au mieux de la forme bâtie, on a créé deslofts qui sont des logements traversants avec d’intéressantesvues des deux côtés.

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Les Bassins du Havre (2009),un projet qui s’implante entenant compte des traces dupassé, et qui s’intègre avec lesbâtiments anciens du canal.

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37URBANITÉ | HIVER 2017

La stratégie d’inclusion de la Ville de MontréalLa mixité est une préoccupation constante de la Ville de Montréal dans ses interventionsen matière de logement. En 2005, la Ville a innové en adoptant une stratégie d’inclusionde logements abordables dans les nouveaux projets résidentiels d’une certaine ampleur.Depuis son adoption, la Stratégie s’est appliquée à plus de 70 projets d’inclusion qui repré­sentent un potentiel de 44000 logements, comprenant des proportions d’environ 15 % delogements sociaux communautaires et d’environ 15 % de logements abordables privés dansles projets concernés.

Cette stratégie montréalaise vise à maintenir la mixité sociale en encourageant le dévelop­pement d’une gamme diversifiée de logements dans les grands projets résidentiels de mêmequ’à faciliter, dans ce cadre, la réalisation de logements sociaux communautaires tout enstimulant la production de logements abordables privés, de façon à répondre aux besoinsde ménages à revenus variés. Son application accompagne souvent les opérations derevitalisation urbaine dans le cadre desquelles interviennent la réutilisation de terrainsmunicipaux et le recyclage d’immeubles industriels.

Les urbanistes, tant municipaux que consultants, sont appelés à jouer un rôle de premierplan dans l’application de la stratégie, d’une part en prévoyant les conditions et les modalitésd’ententes, et d’autre part, en servant d’intermédiaires entre les parties prenantes privées,communautaires et publiques dans cette application. JT

Pour en savoir plusCOMMUNAUTÉ MÉTROPOLITAINE DE MONTRÉAL. Répertoire de bonnes pratiques (I) Le rôledes municipalités dans le développement du logement social et abordable, fiche 12 : 50;Étude de cas 5 : 60 [disponible en ligne]. VILLE DE MONTRÉAL. Stratégie d’inclusion delogements abordables dans les nouveaux projets résidentiels, 2005 et Révision de la Stratégied’inclusion, 2015 [disponibles en ligne]. Pour des exemples d’application, voir aussi le siteWeb : www.batirsonquartier.com/.

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Coopérative des Bassins du Havre, arrondissementdu Sud-Ouest – construction neuve; 180 logements;

programme ACL en application de la stratégied’inclusion, 2016.

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38 URBANITÉ | HIVER 2017

MONTRÉAL des quartiers diversifiés, inclusifs et conviviaux

LOGEMENT SOCIAL

Un modèle intégré de gestion partenariale

Le logement social est la principaleforme d’aide au logement au Québec.Dans les centres urbains, sa présence,même modeste en termes d’espaceoccupé, peut contribuer de façon trèssignificative à la qualité des milieux devie, notamment dans les opérationsde requalification. Depuis son origineaprès la Seconde Guerre mondiale, ledéveloppement du logement social dansle cadre des divers programmes fédé­raux et provinciaux qui se sont succédéa toujours correspondu à l’initiative desmilieux concernés, principalement lesmunicipalités. C’est ainsi que la Ville deMontréal a pu lancer le mouvement parla réalisation des Habitations Jeanne­Mance à la fin des années 1950, avecle soutien financier fédéral.

Dès la création de la Société d’habitationdu Québec devant servir de relais dansl’application des programmes fédéraux,c’est aussi Montréal qui a été la premièreville à entreprendre le développementcontinu du parc social sur son territoire.Par suite du retrait fédéral survenu en19941, c’est encore l’administration mon­tréalaise qui a relancé ce développementen proposant, par la « Résolution Mon­tréal », une formule permettant d’y asso­cier les intervenants communautaires.Cette formule novatrice a inspiré la créa­tion, en 1997, du programme AccèsLogisQuébec (ACL) devenu le principal outilde croissance du parc social partout auQuébec, tout en constituant également,pour Montréal, un instrument majeur dela revitalisation de ses quartiers centraux.

Une démarche originale bien orientéeLa construction des Habitations Jeanne­Mance — près de 800 logements dans28 immeubles — au centre­ville deMontréal, sur un site occupé auparavantpar un plus grand nombre de logements

qualifiés alors de « taudis », correspondaità la tendance de l’époque. Dix ans plustard, lorsqu’il s’est agi de relancer le déve­loppement du logement social, les pers­pectives avaient changé. Instruits desdifficultés rencontrées ailleurs dans lesgrands ensembles sociaux, les respon­sables ont su prendre le virage de laréduction de l’échelle des projets, allantprogressivement de tailles de 300, puis de100 logements et moins, jusqu’à l’inser­tion, sans démolition, de petits immeublessemblables au bâti environnant2.

Parallèlement à cet effort public bienorienté, le mouvement communautaire,s’articulant sous les formes de coopéra­tives et de gestion à but non lucratif, jetaitles bases d’un parc social autogéré quiallait produire avec le temps un « tiers sec­teur » fournissant un solide apport com­plémentaire. À cet égard, la contestation

du projet de Cité Concordia dans le quar­tier Milton Parc, au milieu des années 1970,aura été l’un des moments déclencheursde la dynamique communautaire devenueaujourd’hui le fer de lance du développe­ment du logement social.

Un héritage bien conservéLe parc social ainsi constitué, grâce à lacontinuité de l’intervention et du modèlede développement, constitue aujourd’hui,dans l’ensemble de la région, un patri­moine de qualité bien intégré aux diversmilieux où il a été implanté. Sa typologievarie généralement selon la clientèlevisée, comprenant surtout des immeublesde 6 à 10 étages pour les personnesâgées et de 2 à 4 étages pour les familles,lesquels composent de petits ensemblesou s’insèrent dans une trame urbaine demême gabarit. Le modèle d’implantationfacilite une mixité sociale relative, qui

» JACQUES TRUDEL, urbaniste

Montréal a été la ville pionnière dans le domaine du logement social au Québec et elle demeure à la fine pointe de son évolution,notamment en raison du lien qu’on a su maintenir entre les préoccupations d’aménagement, la gestion partenariale et le développe-ment social. Une réussite en bonne partie méconnue, pourtant exemplaire à l’échelle continentale, voire internationale.

1 Le gouvernement fédéral avait alors cessé de subventionner le développement de nouveaux logements sociaux au Canada, tout en continuant par la suite de respecter ses engagements à long termedans le financement des logements existants.

2 Voir à ce sujet : LEGAULT, Guy R. La ville qu’on a bâtie : trente ans au service de l’urbanisme et de l’habitation à Montréal, 1956-1986. Liber, 2002.

JACQ

UES

TRUD

EL Place Lachine, OMHM, arrondissement de Lachine –400 logements HLM pour familles; ensemble construiten 1971, rénové en 2015.

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39URBANITÉ | HIVER 2017

n’empêche pas les regroupements com­munautaires naturels.

Le Grand Montréal compte environ74400 logements sociaux sous diversmodes de gestion, fortement concentréssur l’île de Montréal (environ 75 %), cequi reflète en bonne partie la répartitiondes populations auxquelles ils sont desti­nés. Bien qu’inégale entre les quartierset les municipalités, la répartition de ceslogements sur le territoire ne crée pasde déséquilibres majeurs, le financementet l’accessibilité étant régionalisés sousl’égide de la Communauté métropolitainede Montréal (CMM)3.

Le parc HLM public du Grand Montréalcompte plus de 27500 logements, géréspar 434 Offices municipaux d’habitation(OMH), dont près de 21000 par l’OMHde Montréal. Initialement conçu pour lespersonnes âgées et les familles, le parcHLM a dû s’adapter pour recevoir ausside nombreuses personnes seules nonâgées qui nécessitent souvent des servicesde soutien particuliers. Grâce à unegestion de plus en plus participative etsensible aux besoins de la clientèle ainsiqu’aux exigences du maintien en bonétat des logements, on a généralementréussi à en faire de bons milieux de vie,tout en contribuant à la vitalité des quar­tiers environnants. La concentration del’immigration dans la région a égalementeu pour conséquence une présencetrès significative de nouveaux arrivants,surtout dans les logements destinés auxfamilles. Encore là, la configuration duparc et la compétence acquise par lesgestionnaires ont généralement permisd’assurer un bon niveau d’intégration,ce qui demeure un défi constant.

Parallèlement au secteur public, le secteur« communautaire », développé principa­lement sous la forme de coopératives oud’organismes à but non lucratif, regroupedes logements très diversifiés quant à ladestination, la localisation, la typologie etle mode de gestion. Ce parc multiformeest issu d’initiatives venant d’un grandéventail de personnes ou de groupes,associant souvent les usagers eux­mêmeset des animateurs sociocommunautairesspécialisés. La formule facilite une mixité

sociale entre des ménages à faible revenurecevantuneaidepersonnaliséeetd’autresqui peuvent payer un loyer modéré.En outre, la gestion par des organismesà but non lucratif permet de répondre àdes besoins spécifiques : perte d’autono­mie, violence conjugale, itinérance, etc.

Les projets réalisés l’ont été en grandemajorité à petite échelle, mais on trouveaussi des ensembles communautairesd’une certaine ampleur. L’exemple leplus étonnant est sans doute celuide la Coopérative d’habitation VillageCloverdale, formant aujourd’hui unensemble de 866 logements, situé dansl’arrondissement Roxboro­Pierrefondsau nord­ouest de l’île de Montréal.C’est par le rachat progressif d’un pro­jet privé en difficultés financières quecet ensemble s’est constitué, devenantla plus grande coopérative d’habitationdu Québec et du Canada. En dépit de sataille, on a réussi à en faire un milieude vie exemplaire où cohabitent desménages variés d’origines multiples5.

Une culture de gestionpartenariale innovatriceLes défis auxquels est confronté le parcsocial montréalais demeurent nombreux.Le maintien en bon état des logements etla croissance nécessaire pour répondreaux besoins encore insatisfaits dépendentdu financement public continu émanantdes trois ordres de gouvernement. Lescontraintes budgétaires alléguées tour àtour par l’un ou l’autre ont souvent main­tenu un climat d’incertitude sur la conti­nuité des ressources requises. Malgrécela, le parc social montréalais, dans sesdiverses composantes, paraît représenterune réussite que pratiquement personnene conteste. Seule, en fait, l’offre limitéeest un objet courant de critiques.

Or, si le virage vers de meilleures formesd’aménagement s’est fait assez tôt dansl’histoire du développement de ce parc, lepassage d’une gestion traditionnelle àune gestion participative avancée, dansle secteur public, s’est fait plus tardive­ment et en plusieurs étapes : approcheclient dans les années 1990, participationaccrue des résidents au tournant des an­nées 2000 et maintenant, accent mis sur

des relations partenariales s’étendant auxmilieux environnants, dans une perspec­tive de régénération des quartiers.

Ce qu’on réalise aujourd’hui à la suite decette évolution remarquable, c’est à quelpoint la culture de gestion partenarialequi s’est ainsi répandue aussi bien dansles activités de développement qued’administration des logements, soutenuepar le haut niveau de compétence desacteurs, est un facteur essentiel du succèsde l’intervention sociale en habitation etun complément à l’aménagement indis­pensable pour assurer la qualité durabledes milieux de vie.

Cette culture de gestion est aujourd’huilargement partagée par les intervenantspublics et communautaires. On la retrouvedans l’ensemble de la région comme dansles principes de gestion mis de l’avantpar la CMM. Elle préside à l’organisationdu soutien social en HLM. Elle inspire laremise en état des immeubles avec parti­cipation des usagers que pratique notam­ment l’OMHM. On la retrouve dans lesexpériences réussies de requalificationd’ensembles de grande taille, commele Village Cloverdale et les HabitationsJeanne­Mance (voir l’encadré). Elle està la base des ententes multipartitesde développement des nouveaux loge­ments sociaux réalisés sous l’égidedu programme ACL et par l’applicationde la stratégie d’inclusion de la Villede Montréal6.

Les enseignements qu’on peut en tireront une portée universelle. Il existebien sûr ailleurs d’autres exemplesinspirants7, mais Montréal n’a rien àenvier sur ce plan aux meilleures pra­tiques connues. Pérenniser, poursuivre,étendre encore cette grande entreprisesociétale est de toute évidence nonseulement bénéfique pour les personneslogées, mais également essentiel, par sesdiverses retombées, à la qualité de la vieurbaine montréalaise.

Jacques Trudel, urbaniste et diplômé en architecture, a d’abordtravaillé au Service d’urbanisme de la Ville de Montréal. Il aensuite poursuivi sa carrière, jusqu’à 2015, dans la fonctionpublique québécoise, principalement à la Société d’habitationdu Québec.

3 Dernières données datant de 2010-2012 traitées par la CMM. On trouve une vaste documentation à ce sujet sur la page Logement social du site Web de la CMM.4 En incluant la Corporation d’habitation Jeanne-Mance.5 Pour plus d’information, voir le site de la coopérative : www.habitationvillagecloverdale.com. Voir aussi : DUCHARME, Marie-Noëlle. La coopérative d’habitation Village Cloverdale. Cahiers du LAREPPS/

CRISES, 2013 (disponible en ligne).6 VILLE DE MONTRÉAL. Stratégie d’inclusion de logements abordables dans les nouveaux projets résidentiels. 2005 (disponible en ligne). Voir aussi l’encadré.7 Comme l’illustre, à une tout autre échelle, le cas de la Ville de New York; voir : TSENKOVA, Sasha. « Investing in New York Future. Affordable Rental Housing in Mixed Income Project » in Plan Canada,

Canadian Institute of Planners, automne 2013, vol. 53, no 3.

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MONTRÉAL des quartiers diversifiés, inclusifs et conviviaux

Les Habitations Jeanne-ManceQuiconque s’intéresse à l’intégration sociale et urbaine de l’habitat social doitparcourir le site actuel des Habitations Jeanne­Mance dans le centre­ville estde Montréal. Maisons de ville de deux étages, collectifs de trois étages etquelques tours de proportion modeste se trouvent inscrits au sein d’espacespublics bien aménagés, ayant chacun leur destination propre : jardinscommunautaires, terrains de sports, square de détente, le tout offrantune bonne connectivité avec le quartier environnant. Sur certains mursaveugles, des murales colorées complètent l’ambiance accueillante del’ensemble. Logement social? Oui, dans sa meilleure expression!

Objet de critiques quasi unanimes dès sa conception, cet ensemble a long­temps été mal aimé, à l’instar de toute la génération de grands ensemblesconstruits dans le contexte de l’après­guerre, répondant à des impératifs dereconstruction massive en Europe et, en Amérique du Nord, à l’insuffisancedes marchés en matière d’habitation populaire urbaine. Ces critiques nes’embarrassaient pas de nuances, alors que tous les ensembles n’étaient pasidentiques dans leurs lacunes. Celui­ci, d’échelle moindre que bien d’autres,de densité et de gabarit acceptables, relié convenablement au milieu, recelaitdes qualités qui passèrent longtemps inaperçues.

L’ensemble a connu par la suite de longues périodes difficiles, comme c’étaitgénéralement le cas des grands ensembles occidentaux, en bonne partie pardéni des exigences de maintien et de bonne gestion, nécessairementonéreuses et complexes. L’aménagement réputé déficient était alors le pré­texte tout trouvé de la négligence institutionnalisée. Ici comme ailleurs sontapparues diverses propositions qui devaient « rentabiliser » la solution desproblèmes sociaux induits par cette négligence : démolir, densifier, diversifierl’occupation, privatiser des espaces, etc. Heureusement, rien de cela n’afranchi l’étape des spéculations.

C’est finalement par une approche de saine gestion et d’investissementconséquent, jouant sur tous les tableaux et sur les mérites ignorés del’ensemble, qu’on a réussi ce qui est aujourd’hui une éclatante démons­tration des possibilités d’intégration urbaine d’un ensemble d’habitationsociale géré de façon conséquente. On redécouvre également les qualitésdu concept initial d’aménagement qui misait sur des espaces verts offrantdiverses aménités aux résidents, à la condition d’être convenablementanimés et entretenus. JT

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Vue de la partie sud-ouest des HabitationsJeanne-Mance, arrondissement de Ville-Marie.

Les dates clés1959Inauguration des HabitationsJeanne­Mance

1967Création du Service de l’habitationde la Ville de Montréal

1969Premiers projets montréalais sousla coordination du SHVM

1979Création des coopérativesd’habitation Milton­Parc

1994Résolution Montréal à l’originedu programme ACL

2001La CMM, responsabledu financement du logement social

2002Législation conférantune mission sociale aux OMH

2005Adoption de la stratégiemontréalaise d’inclusion

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41URBANITÉ | HIVER 2017

ÉVOLUTION DES ESPACES COMMERCIAUX À MONTRÉAL

Nouveaux défis pour l’urbanisme

La région métropolitaine de Montréalcompte sur son territoire une grandediversité de zones commerciales : centre­ville, rues commerçantes de quartier,strips malls et boulevards périphé­riques, anciens noyaux villageois,centres commerciaux, power et lifestylecentres, etc. Chacune de ces formesreflète les conditions économiques etsociales de l’époque où elle s’est déve­loppée, mais les profondes transforma­tions tant du tissu urbain que del’industrie du commerce de détail enont diversement influencé le dévelop­pement dans les dernières décennies.

Quatre espaces commerciauxen mutationOn a beaucoup parlé dans les dernièresannées du déclin commercial du centre,à la faveur du réaménagement en courssur la rue Sainte­Catherine et du déclintrès visible de certaines artères commer­ciales du quartier Plateau Mont­Royal.Si ces centralités héritées de l’ère indus­trielle ont en effet connu des joursmeilleurs, les débats sur leur mauvaisefortune ont souvent été trop partiels.

Ainsi, ceux sur la relance commercialedu centre­ville ont sans doute été tropcentrés sur la seule rue Sainte­Catherine.Cette artère est un grand symbole etses trottoirs surpeuplés et mal entrete­nus sont certes un problème majeur –d’image, d’accessibilité et de sécurité– mais il ne faut pas perdre de vue que,depuis les années 1980, le commercede ce secteur est avant tout constituéd’une enfilade de centres commerciauxreliés par des galeries souterraines.On peut regretter leur impact négatifsur l’animation de surface, mais celareste un avantage concurrentiel dansune ville où le climat n’est pas toujoursfavorable aux déambulations en pleinair. C’est aussi, malheureusement, unenvironnement assez banal qui exploitepeu le caractère distinctif et la grandevaleur patrimoniale du centre­ville.

Il s’agit d’un réel problème de position­nement face à des centres commerciauxpériphériques qui offrent sensiblementles mêmes boutiques et la mêmeambiance et que le projet de réaménage­ment de la rue vient en partie régler enélargissant et en enjolivant l’espacepiéton. Mais la focalisation sur la rueSainte­Catherine cache une évolu­tion plus large et positive du commerceau centre­ville : la multiplication desrestaurants et des bars sur les artèrestransversales et les petites rues avoisi­nantes (Mayor, Beaver Hall, etc.). Cesétablissements n’auraient jamais pu etne pourront jamais s’offrir les loyersde la grande rue, dont ils viennentpourtant compléter l’offre commercialeet consolider l’urbanité distinctive.La rue Sainte­Catherine doit donc êtreconsidérée comme un corridor et noncomme une simple artère. Il faudraitaussi, plus généralement, faciliter lerattrapage de Montréal en matière decommerce central, avec des supermar­chés adaptés à la population spécifiquequ’on y retrouve (ménages plus petits,

plus aisés, étudiants, etc.) et un reca­librage des grands magasins autourde ces segments de clientèle appelésà augmenter au centre­ville avec la mul­tiplication des tours de condominiums etle développement de Griffintown. Deschangements sont déjà en marche,comme en témoignent l’ouverturerécente de supermarchés Adonis et leregroupement des grands magasinsde luxe Holt Renfrew et Ogilvy. La métro­pole québécoise est toutefois à la traînedans ce domaine par rapport à Toronto etVancouver, et encore davantage vis­à­vis de certaines métropoles européennesdont tant les entreprises que les amé­nagistes montréalais auraient avantageà s’inspirer.

Les déboires de la rue Saint­Denis etdu boulevard Saint­Laurent ont pourleur part été largement attribués auxtravaux et aux choix urbanistiquesde l’administration de l’arrondissementLe Plateau­Mont­Royal en matière demobilité. Ceux­ci ont clairement affectéplusieurs commerçants, notammentceux qui comptaient sur une clientèle

» ALEXANDRE MALTAIS

À la croisée de l’aménagement et du développement économique, la question du déclin et de la prospérité des zones commercialesinterpelle directement les urbanistes, qui disposent d’outils précieux pour encadrer et orienter leur évolution.

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Rue Sherbrooke Est, arrondissement de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve. Garages automobiles, motels etcentres commerciaux en déclin côtoient des habitations dans ce paysage commercial typique des années1960, aujourd’hui confronté au vieillissement de la population.

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MONTRÉAL des quartiers diversifiés, inclusifs et conviviaux

métropolitaine, mais ils s’inscriventnéanmoins dans une évolution normaledes espaces centraux d’une métropoleà mesure que le centre se densifie et seréurbanise. L’omniprésence des discourssur les « villages urbains » a tendance àfaire oublier que Montréal est unemétropole de près de quatre millionsd’habitants ! Un problème majeur deces rues est que les loyers y reflètentencore ceux de la période des années1970 à la fin des années 1990, alorsqu’elles constituaient le centre métro­politain du commerce spécialisé pourles couches moyennes et supérieures– notamment celles qui recommen­çaient alors à s’établir dans les quar­tiers centraux. Si ce segment de popu­lation n’a cessé de croître et de sediversifier dans les dernières décennies,l’offre a augmenté encore plus vite etse déploie maintenant à l’échelle del’agglomération. Les boutiques de designet les bonnes tables sont aujourd’huinombreuses dans les anciens noyauxvillageois et dans les nouveaux centresde banlieue, où habite d’ailleurs unegrande partie de la «classe créative »

montréalaise dont il n’est pas évidentqu’un stationnement peu cher et abon­dant sur le Plateau permettrait leretour providentiel.

Les quartiers moins centraux et laproche banlieue posent quant à euxune série de défis liés au vieillissementde leur population. Si à Lasalle lesprojets de densification autour du pôleAngrignon constituent un pas dansla bonne direction en ce qu’ils entraî­neront sans doute un rajeunissementet un renouvellement de la clientèle,d’autres secteurs semblent au contraire àla traîne. Ainsi la multiplication des mai­sons de retraite sur la rue Sherbrooke Estapparaît largement en décalage avecl’évolution de cette artère commercialeen déclin, dont l’assortiment et les instal­lations sont très défavorables à uneclientèle à mobilité réduite. De mêmel’appauvrissement de Montréal­Nord etdu bas Saint­Léonard a contribué audéclin de plusieurs petits centres com­merciaux et strip malls qui s’y étaientlocalisés dans les années 1960 et 1970.Aujourd’hui, ces espaces dévalorisésabritent souvent un commerce bas de

gamme qui dessert une population deplus en plus multiethnique et qu’il fautéviter d’éliminer sous couvert de revi­talisation. C’est d’ailleurs précisémentce que disait Jane Jacobs dans son plai­doyer pour les « vieux bâtiments », tropsouvent détourné au profit de la seulepréservation du patrimoine. Les espacesdévalorisés facilitent l’entrée sur lemarché du commerce de détail de nou­veaux établissements dont certainspourront sans doute se développer, enplus de favoriser la subsistance et lasociabilité de communautés souventmarginalisées sur le marché du travailcomme sur le marché résidentiel.D’autant que ce type de problématiqueest appelé à se manifester de plusen plus loin en périphérie, comme entémoignent les exemples du boulevardTaschereau et du mail Champlain surla rive Sud, passablement affectés parle développement du Quartier Dix30.D’ailleurs, le contrôle des grandessurfaces et autres power ou lifestylecentres constitue un défi politique detaille, ceux­ci canalisant désormaisune grande partie des investissements

ALEX

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Le centre commercial Domaine, arrondissement de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve. Les espaces commerciaux en déclin sont souvent favorablesaux établissements indépendants et aux sociabilités de proximité, notamment pour les personnes âgées et les communautés culturelles.

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commerciaux et contribuant souvent audéclin des centralités existantes.

Si l’on s’éloigne encore davantage ducentre, c’est la question de l’arrimagedes infrastructures de transport et deséquipements commerciaux qui apparaîtsans doute la plus cruciale, dans uneperspective de développement durable.Or tant les recherches scientifiques queles quelques expériences montréalaisesmontrent à quel point il est difficile deconstituer des milieux de vie completset denses autour des points d’entrée duréseau de transport collectif – ce que pré­conise pourtant la formule TOD adoptéepar le Plan métropolitain d’aménagementet de développement. Ces aménage­ments n’atteignent généralement pas ladensité résidentielle et ne permettentpas le transfert modal qui sont pourtantnécessaires à la survie des commerces.La proximité d’une gare – au demeurantsouvent assez mal desservie – n’est passuffisante pour renverser les habitudesd’approvisionnement dans un tissuurbain d’abord conçu pour drainer lesconsommateurs vers les croisementsd’autoroutes où se concentrent tantl’offre commerciale que celle de diver­tissement. À cet égard, il serait sansdoute fructueux de moins miser sur

les petits commerces de proximité demanière à mieux prendre en compte lesbesoins de la clientèle de transit, presséeet par conséquent très sensible à l’effi­cience et à la rapidité de son approvi­sionnement. D’ailleurs, le temps consa­cré aux courses ne cesse de diminuerau Canada depuis les années 1980, cequi va à l’encontre de l’idée roman­tique et tenace d’un retour au petit com­merce. Ici encore l’enthousiasme autourde l’idée de village urbain a sans doutecontribué à la surestimation de sa viabi­lité économique dans le contexte actuel1.

Les voies d’avenirCes quatre espaces bien différents souli­gnent le rôle central des urbanistes enmatière de planification et de régulationdu commerce. Leur formation multidisci­plinaire permet d’envisager cette acti­vité au delà de sa seule dimensionéconomique, comme une composanteessentielle de milieux de vie riches etéquilibrés. Cela va parfois à l’encontred’un processus de planification quitend encore trop souvent à limiter leurimplication à des questions de zonageou à des aménagements trop circonscritsdans le temps ou l’espace (programmede revitalisation, plan d’ensemble ou degestion de la circulation). Mes propres

recherches sur les quartiers centrauxont par exemple montré que de nou­veaux promoteurs immobiliers spécia­lisés dans la moyenne et la haute densitéont fait leur apparition depuis les années19902 et que ceux­ci connaissent bienles logiques commerciales de ces espa­ces, qu’ils contribuent souvent à consoli­der en intégrant des commerces à leursprojets. Mais trop souvent l’approcherèglementaire encore prédominantefavorise les tensions après la conceptiondu projet, plutôt qu’une collaboration enamont des différents acteurs économi­ques et sociaux, incontournables dans cesmilieux complexes. Le problème est sansdoute encore plus évident en banlieue, oùen dépit d’une certaine densification etd’exigences plus grandes de la part decertaines municipalités, les promoteursrésidentiels et commerciaux restentsouvent méfiants à l’égard d’une mixitépourtant favorisée par les instancesmétropolitaines de planification3.

Détenteur d’une maîtrise en urbanisme de l’Université deMontréal et titulaire d’un doctorat en études urbaines, AlexandreMaltais est chercheur à l’Institut national de la recherche scienti-fique. Ses recherches portent sur le développement immobilier,le commerce de détail et l’évolution socio-économique desmétropoles, notamment les dynamiques de gentrification etde polarisation sociale.

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1 GRANT, Jill et Katherine PERROTT. « Where Is the Café? The Challenge of Making Retail Uses Viable in Mixed-Use Suburban Developments. » Urban Studies, vol 48, no 1, 2011, p. 177-195.2 MALTAIS, Alexandre. « Le réaménagement des faubourgs du Vieux-Montréal » dans HUBERT, Michel, Paul LEWIS et Michel Max RAYNAUD. Les grands projets immobiliers : Territoires, acteurs et stratégies.

Montréal. Presses de l’Université de Montréal, 2014, p. 41-68.3 FELDMAN, Sarah, Paul LEWIS et Rebecca SCHIFF. « Transit-oriented Development in the Montreal Metropolitan Region: Developer’s Perceptions of Supply Barriers. » Canadian Journal of Urban Research,

vol. 21, no 2, 2012, p. 25-44.

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La trame verte et bleue de MontréalRÔLE DES URBANISTES

Montréal est l’une des grandes villes lesplus choyées à cet égard, sise au centred’une trame verte et bleue naturelle, unvaste archipel à la confluence du Saint­Laurent et de la rivière des Outaouais. Letout forme un delta intérieur «penché»dû à la rupture de pente de la plateformede Montréal de 30 mètres sur 100 kilo­mètres qui les a divisés et démultipliésen 3 lacs, 6 chenaux, 12 rapides et325 îles, sur 1000 kilomètres de rives.De surcroît, ce dénivelé a obligé lecreusage de 6 canaux pour la navigation,les prises d’eau et l’hydroélectricité(3000 mW). Cette trame bleue porte unécosystème exceptionnel dû au mélangedes eaux alcalines (Saint­Laurent) etacides (Outaouais) qui multiplie lescombinatoires écologiques et donc lesespèces fauniques et floristiques. Quantà la trame verte, elle est liée à la géomor­phologie, aux Montérégiennes d’abord,qui ponctuent et structurent le paysagede la plaine de Montréal, dont le montRoyal au centre et les monts Saint­Bruno, Saint­Hilaire et Saint­Grégoire enMontérégie, les deux collines lauren­tiennes de Rigaud et d’Oka ainsi que lesplateaux de terrasses marines formées

dans le sillage de ces collines, de mêmeque plusieurs boisés d’érablières, le toutformant une ceinture verte discontinueautour de l’archipel.

Reste à voir comment l’aménagement duterritoire à travers les années, avec lerôle des urbanistes, aura réussi à trans­former cette trame naturelle en unevéritable trame verte et bleu urbaine etrégionale. Jusqu’à tout récemment, cescollines, comme le fleuve et ses rivières,ont servi essentiellement aux communi­cations! En fait, au XIXe siècle, sur lefleuve et la montagne — le père et la mèrede Montréal! –, seuls l’île Sainte­Hélène(1874) et le mont Royal (Olmsted 1876)seront constitués en parcs, après lescimetières ex-orbi (Mount Royal 1852,Notre­Dame­des­Neiges 1854), premiersparcs «historiques et naturels » alorsutilisés comme tels.

Notons à cet égard que Montréal s’inscri­vait alors dans un préurbanisme social ethygiéniste en réaction aux phalanstèresde l’urbanisation industrielle. Quelquesgrands parcs­nature s’ajouteront, Lafon­taine en 1888 et Maisonneuve en 1918 surla terrasse Sherbrooke, le plateau du montRoyal, Jarry (ruisseau Provost) et Angri­gnon (canal Atwater) en 1925. D’autres

suivront : Laurier, Marquette, Lafond, etc.,pas pour leur nature ceux­là, mais pourl’histoire : fermer les anciennes carrièresdevenues dépotoirs et répondre à l’urbani­sation industrielle galopante!

L’émergence d’un urbanisme axésur les espaces verts et bleusEn 1941, le plan Corriveau, premier «pland’urbanisme» de la Ville, visait surtout àcontenir ce développement, alors que leplan Gréber (1949) l’étendait, mais sansceinture verte comme son plan d’Ottawa.Le premier Plan directeur des parcs(Robillard 1954) était surtout normatif etdistributif et même pour le mont Royal,devenu le «mont Chauve» suite aux«coupes de moralité des buissons­ardents » du maire Drapeau, le plandes architectes américains Clarke etRapuano de 1954 visait surtout à l’ouvriraux voitures, ce qui fut fait par et pour lavoie Camillien­Houde en 1958.

L’ère automobile allait tout changer. Lesnouvelles générations quittaient déjà lesfaubourgs pour la banlieue plus «verteet bleue» : les rives des lacs Saint­Louisou Deux­Montagnes, la rivière des Mille­Îles après celle des Prairies, ces deuxpremières couronnes nord, sans compterla villégiature des Laurentides. L’État

» JEAN DÉCARIE

La trame verte et bleue est un concept assez récent dans la planification territoriale montréalaise. En fait, il aura fallu attendrela création de la Communauté urbaine de Montréal en 1969 et l’arrivée des premières cohortes d’urbanistes pour voir apparaître etse développer un tel concept.

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Espaces verts et bleus :la nature accessibleMontréal a tardé à se doter d’une planification des espacesverts et naturels. Plusieurs gestes précurseurs commela sauvegarde du mont Royal ont cependant permis, parun aménagement plus volontaire, de rendre accessibleun vaste réseau d’espaces verts et bleus sur le plan régional.

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allait suivre dans les années 60 avec laRévolution tranquille qui découvre enfinl’urbanisme et la planification : Conseild’orientation économique du Québec, Loisur les cités et villes, ministère de laCulture, ministère du Tourisme, créationdu Vieux­Montréal et des parcs d’Okaet de la Côte­Sainte­Catherine pourl’Expo 67, qui ouvrira nos yeux au fleuvecomme au monde. La Ville aussi s’ouvreà l’urbanisme avec les plans «Horizon2000», étendu à toute la région et, àdéfaut, à «Une île, une ville», qui ira deDrapeau à Bourque. L’ouverture de laVoie maritime va aussi modifier profon­dément l’hydrographie de l’archipel etl’économie de la région. Soulignons enfin

la création en 1961 de l’Institut d’urba­nisme de l’Université de Montréal et de laCorporation professionnelle des urba­nistes du Québec qui auront un impactmajeur sur les décennies subséquentes…

La trame verte et bleue sera en effetrelancée dans les années 70, grâce àl’effervescence communautaire (SauvonsMontréal, Loisir­Ville, Héritage Montréal,etc.), universitaire (INRS Urbanisation,Centre de recherche et d’innovation uni­versitaire de l’Université de Montréal) etpolitique avec les lois novatrices (aména­gement et urbanisme, territoire agricole,environnement, culture), sans oublier en1970 la création de la Communauté

urbaine de Montréal et de ses grands«parcs nature», tous sur la «back river»des Prairies. Sur le fleuve, il y aura «Unfleuve, un parc» (Tony Le Sauteur), quiamènera la création du parc des îles deBoucherville et la préservation de l’îleSainte­Thérèse, sans oublier les parcsmontérégiens de Saint­Bruno, Yamaskaet de Saint­Hilaire, celui­ci déclaréRéserve de la Biosphère en 1978 incluantla Réserve naturelle Gault (UniversitéMcGill). Le gouvernement fédéral ne serapas en reste sur le fleuve avec les îlesde la Paix au lac Saint­Louis et le débutd’aménagement du parc du canalde Lachine.

Ce développement d’un urbanisme axésur les espaces verts et bleus va s’accen­tuer dans les années 80. Le fédéral varécidiver avec la création de la Sociétédu Vieux­Port pour son réaménagementrécréotouristique, mais c’est le ProjetArchipel qui marquera la décennie.Lancé par Québec en 1979 pour se réap­proprier et contrôler Montréal, ce projetde développement environnemental eturbain sur le modèle de ceux de laTennessee Valley et du Rhône baséssur l’aménagement hydraulique à finsmultiples, visait à régler les problèmes– inondations, pollution, etc. – mais aussià développer les potentiels – dilution,alimentation, flore et faune, récréation,habitation en rives, etc. – avec, pourfinancer le tout, l’exploitation hydroélec­trique des rapides de Lachine. Hélas,ce sera cette dernière, avec Hydro­Québec, qui plombera le projet. Celui­ciaura au moins permis une mise à jourde l’état de la connaissance grâce aux50 millions de dollars d’études et à latenue de la première table de concer­tation de notre histoire urbaine, unprocessus incontournable ici, l’eaun’appartenant à personne…

Pour sauver l’essentiel, un projet de Parcnational Archipel suivra en 1984, encadrédès 1983 par un projet de Politique desparcs urbains pour la région métropoli-taine, le premier et plus important jamaisréalisé, et proposera des schémas concer­tés pour faire des six bassins de l’archipelautant de parcs régionaux ainsi qu’unparc­plage de dix kilomètres au bassin deLa Prairie sur la digue de la Voie maritimeet une étude d’inscription des rapides deLachine à la liste du patrimoine mondial!

Les projets mis en œuvreCes projets nationaux ne survivront pas,

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Concept de la Trame verte et bleue. Carte extraite de : CMM. Un Grand Montréal attractif, compétitifet durable. Plan métropolitain d’aménagement et de développement, carte 24, page 199.

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MONTRÉAL espaces verts et bleus : la nature accessible

« La Trame verte et bleue du Grand Montréal existe désormais officiellement et on y trouvedéjà 42 000 hectares d’aires protégées et 15 corridors forestiers, ceux du mont Saint­Bruno

et de Chateauguay­Léry, le sentier polyvalent entre Oka et Mont­Saint­Hilaire passantpar le Réseau vert, de même que le projet de parc discontinu des Montérégiennes,

soumis en 2008 au et par le Bureau du Mont­Royal, ainsi que le Parc­plagede la digue de la Voie maritime et le parc de la Rivière­des­Mille­Îles.»

comme souvent, aux élections, maisseront repris dans les années 90, pourle «Bleu» par les projets du Vieux­Port etdu canal de Lachine et la Stratégie Saint­Laurent avec ses Zones d’interventionprioritaires (ZIP), et pour le «Vert», parplusieurs projets de la nouvelle adminis­tration à la Ville de Montréal. Celle­cireprendra le projet de Politique des parcsde Québec, devenu un Cadre de réfé-rence pour les espaces libres, et sonprojet de Réseau intermédiaire métro­politain, qui deviendra le Réseau vert(1990­1994), dont le plan directeurprévoyait 150 kilomètres de sentierspolyvalents «cyclopédiques» reliant lamontagne à la ceinture bleue enempruntant les friches ferroviaires,industrielles et institutionnelles : «unsentier dont le parc serait la ville », le« système sympathique» de la villepostindustrielle… Hélas, seuls trois kilo­mètres seront réalisés à Rosemont dansl’emprise du Canadien Pacifique aprèsune entente historique sur l’emprunt desemprises vives en milieu urbain.

Mais le principal projet sera la relancedu dossier du mont Royal dès 1987 avecun Plan de mise en valeur élargi à toutela montagne, le parc des Trois sommetsreliés par un chemin de ceinture, enconcertation avec les villes voisines,Outremont et Westmount, et les grandesinstitutions alentour représentant lesquatre fonctions sociétales de la monta­gne, les «4 S» : sacré, santé, savoir,statut social. Ce projet central auraconnu un grand succès, avec la créationen 2005 de l’Arrondissement historiqueet naturel et de la Table de concertationtoujours en action depuis.

La Communauté métropolitaine deMontréal (CMM) a aussi repris le flambeaudans les années 2010 avec son Planmétropolitain d’aménagement et dedéveloppement entré en vigueur en 2012.La Trame verte et bleue du Grand Montréalexiste désormais officiellement et on ytrouve déjà 42000 hectares d’aires

protégées et 15 corridors forestiers, ceuxdu mont Saint­Bruno et de Chateauguay­Léry, le sentier polyvalent entre Oka etMont­Saint­Hilaire passant par le Réseauvert, de même que le projet de «parc dis­continu des Montérégiennes», soumis en2008 au et par le Bureau du Mont­Royal,ainsi que le Parcplage de la digue de laVoie maritime et le parc de la rivière desMille­Îles. Un autre projet est à l’étudepour la confluence aval de l’archipel.

Une nouvelle approche à privilégierEn terminant, on pourrait aussi parler desAires protégées de l’Union internationalepour la conservation de la Nature (UICN)et de ses catégories V (Paysage terrestre)et VI (Ressources gérées), qui avaient ins­piré en 2001 la formation par le ministèrede l’Environnement et la Communautéurbaine de Montréal (CUM), d’un impor­tant «Groupe de travail ad hoc, milieuurbain et périurbain» réunissant une cin­

quantaine d’experts, dont de nombreuxurbanistes pour élaborer la Stratégiequébécoise sur les aires protégées. Cetteapproche, depuis longtemps appliquéeen France pour la création des Parcsnaturels régionaux, a été reprise par laVille de Montréal pour le mont Royal,mais devrait l’être aussi pour toute larégion. Des «parcs habités », où urba­nisme et architecture de paysage serejoignent, comme ils ont finalementété réunis en 2015 en une seule Écoled’urbanisme et d’architecture de paysageà la Faculté de l’aménagement del’Université de Montréal.

Géographe et détenteur d’une maîtrise en urbanisme de l’Universitéde Montréal, Jean Décarie a été l’un des principaux artisans duréseau vert et bleu de la région montréalaise, notamment commeresponsable du développement et de l’aménagement régional auProjet Archipel (années 1980) ainsi que du Plan de mise en valeurdu mont Royal, du Plan directeur du Réseau vert et d’une nouvellepolitique des parcs à la Ville de Montréal (années 1980-1990).Retraité depuis 1998, il reste actif comme consultant et a reçuplusieurs prix pour sa contribution au domaine des parcs etespaces verts.

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Le parc Jean-Drapeau, un grand espacealliant loisir et fleuve

Formé des îles Sainte­Hélène et Notre­Dame, au centre du fleuve Saint­Laurent, le parc Jean­Drapeauest non seulement un lieu montréalais emblématique, mais également un grand espace multifonction­nel des plus fréquentés qui offre à la population régionale et à de nombreux touristes une panoplied’activités de détente et de loisir dans un environnement fluvial.

Remarquée par Champlain lors de son arrivée à Montréal en 1611 et propriété du baron de Longueuilà partir de 1665, l’île Sainte­Hélène est le dernier bastion des troupes françaises postées à Ville­Marie.Elle deviendra, en 1760, un site de défense de l’armée britannique contre les États­Unis. Cédée augouvernement canadien en 1870, l’île conserve une fonction militaire tout en accueillant un parc en1876 à la demande de la Ville. Elle sera transférée à l’administration montréalaise en 1908, mais lesdeux vocations y cohabiteront jusqu’au milieu du XXe siècle, notamment pendant la Seconde Guerremondiale. Le parc est aménagé dans les années 1930 à partir des plans de l’architecte paysagisteFrederick Todd. Son accessibilité est alors facilitée par la construction du pont Jacques­Cartier, etil deviendra un parc très prisé, notamment avec ses piscines extérieures construites dans les années 19501.

L’Exposition universelle 1967 de Montréal, pour laquelle la nouvelle île Notre­Dame et le prolongementde la jetée Mackay seront construits, donnera une envergure internationale aux lieux. Parmi les nouvellesinstallations, on retrouve divers pavillons, dont la Biosphère de l’architecte Richard Buckminster Fuller,le parc d’attractions de la Ronde, la Place des Nations, cœur de l’Expo, ainsi que des canaux et le lacdes Régates. Toutes ces réalisations, individuellement et par le paysage qu’elles forment, témoignentde la contribution majeure d’Expo 67 au mouvement moderne, que confirment les œuvres d’art publicinstallées à la même époque, dont L’Homme d’Alexandre Calder. Le site est accessible par métro etpar un réseau de circulation routière et ferroviaire reliant les îles entre elles et à Montréal.

L’exposition se prolongera jusqu’en 1981, sous le nom de Terre des Hommes. Si plusieurs pavillons sontdémolis pendant cette période, le développement des îles se poursuit, avec la construction d’un bassinde compétitions pour les Jeux olympiques (1976) et de la piste du Grand Prix de formule 1 de Montréal (1978)ainsi qu’avec la tenue des Floralies internationales de Montréal en 1980. Au début des années 1990,une plage publique est aménagée dans l’île Notre­Dame, où s’installe aussi le Casino de Montréal.

À la fin des années 1980, constatant la détérioration des lieux et le manque de cohérence résultantdes interventions à la pièce, la Ville reconnaît la nécessité d’élaborer un plan directeur afin d’établirun meilleur équilibre entre la vocation de parc et les grands équipements et événements. Le Parcdes îles (268 hectares), dont le nom est choisi pour donner une vision commune aux deux îles,est inauguré en 1992; il sera renommé Jean­Drapeau en 1999, en hommage à ce maire de Montréal,initiateur d’Expo 67. À partir de 2001, des travaux de restauration et de mise en valeur du site militairede l’île Sainte­Hélène, qui accueillait déjà le Musée Steward, mèneront à la reconnaissance de l’îlecomme site patrimonial municipal en 2007.

Après bien des tergiversations sur la vocation et l’aménagement futurs du site, il semble que le 375e anni­versaire de Montréal et le 50e anniversaire d’Expo 67 en 2017 fourniront enfin l’occasion de mettre aupoint une approche de planification cohérente pour l’ensemble du territoire insulaire. La premièreétape de cette nouvelle approche de planification a consisté à définir l’aménagement et la mise envaleur du secteur sud­ouest de l’île Sainte­Hélène, soit le mail central, la promenade riveraine panora­mique, le parterre de l’île Sainte­Hélène et la place des Nations. La première phase du Plan d’aména-gement et de mise en valeur du secteur sud-ouest de l’île Ste-Hélène (excluant la Place des nations)a été rendue publique en 20162. Selon l’échéancier en place, les travaux seront complétés en 2018.

1 DAIGNAULT, Sylvain et Paul-Yvon CHARLEBOIS. L’île Sainte-Hélène avant l’Expo 67. Les éditions GID, 2015.2 Voir le site : www.parcjeandrapeau.com/fr/projet-amenagement-mise-en-valeur-ile-sainte-helene/

» MARIE LESSARD, urbaniste émérite

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MONTRÉAL espaces verts et bleus : la nature accessible

Le Vieux-Port de Montréal,un patrimoine toujours en changement

En 1642, Paul de Chomedey, sieur deMaisonneuve et Jeanne Mance établis­sent une colonie missionnaire sur lapointe au confluent du fleuve Saint­Laurent et de la petite rivière Saint­Pierre.

En 1977, 335 ans plus tard, les Mont­réalais héritent d’un territoire marquépar les traces de son passé, du lieu defondation de la ville jusqu’au grandport commercial et industriel du milieudu XXe siècle1. En 1981, le gouvernementfédéral crée la Société du Vieux­Port deMontréal (SVPM) avec pour mandat demettre en valeur ce site et de retisser lesliens entre la ville et son fleuve.

Les chantiers d’uneappropriation citoyenneLa SVPM a, sans conteste, relevé le défi.Grâce à la réhabilitation de la frangeriveraine et portuaire, les citoyens ontretrouvé la joie de la promenade surles quais et redécouvert le fleuve, les îleset les courants qui les agitent. La démoli­tion des silos et l’aménagement de voiesde transport ont dégagé les magnifiquesfaçades emblématiques de la rue de laCommune. La conservation de l’inté­grité historique et physique du site etles interventions en architecture dupaysage l’ont sauvegardé de la frénésieimmobilière et commerciale qui, sou­vent, défigure les rives de grandesvilles nord­américaines.

Pour composer avec les exigences desinstallations portuaires et du transportferroviaire, les transformations ont étéréalisées en trois temps. D’abord, unefenêtre a été ouverte sur le fleuve (1982­1984) avec la mise en valeur du parvisde la ville. Puis, pour le 350e anniversairede Montréal, un pôle récréotouristiqueet culturel d’envergure internationale aété créé en exploitant le caractère patri­monial et le potentiel commercial des

installations. Enfin, le Centre des sciencesde Montréal (1997­2000) a été édifié pouroffrir une vitrine du savoir­faire québécoiset canadien dans le domaine des scienceset des technologies.

Par la suite, plusieurs initiatives ont ren­forcé le caractère exceptionnel du Vieux­Port, comme la conversion de l’ancienentrepôt frigorifique en complexe immo­bilier (1999­2000) et la réfection du quaide l’Horloge, l’aménagement de sa plageet l’illumination de sa tour (2010­2012).

L’efficacité de la SVPM à réaliser cettemétamorphose tient à son habileté àconjuguer les volontés politiques, citoyen­nes et urbaines. En effet, les consultationspubliques ont conduit à la mise en œuvrede plans directeurs respectueux des con­sensus établis, bénéficiant de la contri­

bution d’experts soucieux d’innover etd’apporter des solutions durables. De plus,les grands travaux ont concrétisé l’objectifdu gouvernement du Canada d’urbaniserles friches portuaires dont il est proprié­taire et de les faire fructifier au profit deséconomies locales.

Un succès aux retombées mesurablesDe 1984 à 2000, l’achalandage annuelest passé de 2 à 6 millions de visiteurs.Les Montréalais ont fait du Vieux­Port leurdestination estivale et adopté sa program­mation hivernale, et les touristes ontreconnu son caractère incontournable2.

Les espaces verts ont rafraîchi le quartierfait de pierres et de bitume. Les aménage­ments ont favorisé l’essor d’une cinquan­taine d’entreprises de restauration auxpropositions audacieuses et inédites.

» CLAUDE BENOIT

Du berceau de l’industrialisation du Canada au pôle touristique de calibre international, l’histoire d’une revitalisation urbaine quirassemble les gens, le fleuve et la ville.

1 DESJARDINS, Pauline. Le Vieux-Port de Montréal, Les Éditions de l’Homme, Montréal, 2007, 224 p.2 SOCIÉTÉ DU VIEUX-PORT DE MONTRÉAL INC. Rapport annuel 2011-2012, Montréal, 2012, 83 p.

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La tour de l’Horloge (érigée entre 1919 et 1922),à l’époque où Montréal était le principal

port céréalier en Amérique du Nord

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Les nouvelles installations des quais ontrelancé l’industrie du tourisme nautique.L’ouverture du canal de Lachine (2002)a reconnecté le centre­ville au lacSaint­Louis et redonné aux Montréalaisl’accès au berceau de l’industrialisationcanadienne. La programmation du Vieux­Port a tiré profit du potentiel des théma­tiques portuaires et maritimes avec plusde 35 événements annuels. Les exposi­tions du Centre des sciences de Montréalcontinuent de surprendre et d’amuserplus de 750000 visiteurs chaque année.

Les impacts sur le Vieux­Montréal sontimportants. Les 425 millions de dollarsengagés par le gouvernement du Canadaau Vieux­Port ont permis de générerprès de 2,4 milliards de dollars d’investis­sements publics et privés pour le déve­loppement immobilier et le déploiementde nouveaux produits et de servicesdans le sud du centre­ville. La synergiedes transformations du Vieux­Montréalet du Vieux­Port a contribué au lance­ment de la Cité du multimédia et duQuartier international de Montréal, àla conversion des édifices historiquesdu Vieux­Montréal et à la valorisationdu quartier Griffintown.

Vers un quatrième chantier...Toutefois, depuis quelques années, lavétusté des infrastructures s’est faitsentir. Des aménagements comme laportion à l’ouest de la rue de la Communeou le quai des Convoyeurs ne sonttoujours pas achevés. L’omniprésencedes stationnements altère encore le

paysage grandiose. Le caractère exclusifet l’originalité de l’offre ont commencéà s’effriter au profit d’une commerciali­sation intensive.

Par ailleurs, la faible profitabilité desopérations a eu raison de la patiencedu gouvernement du Canada, malgréune hausse constante et significativede son achalandage et de ses revenus.C’est ainsi qu’en 2012, il décidait d’amal­gamer la SVPM à la Société immobilièredu Canada limitée (SIC), une sociétéfédérale autofinancée spécialisée enimmobilier, aménagement et gestiond’attractions. Il lui confiait le mandatde revoir la raison d’être et le modèled’affaires de la SVPM afin que son équi­libre budgétaire et sa viabilité à longterme soient enfin assurés. Pour ce faire,la SIC a amorcé, en janvier 2016, uneconsultation publique pour l’élaborationd’un nouveau plan de revitalisation duVieux­Port3 qui intègre désormais leSilo 5 et la Pointe­du­Moulin à son inven­taire déjà lourd à entretenir.

Pour qu’il porte fruit, cet exercice devra,selon nous, impliquer les trois paliers degouvernement et faire en sorte de mettreun terme aux arguments nationalistes(le Vieux­Port, un bastion fédéral en terrequébécoise) et constitutionnels (la Villeet le Québec ne peuvent pas investirdans une propriété fédérale).

Il faudra accepter que les activités nes’autofinancent jamais, une large portiondu site ne générant aucun rendement.

De même, on se défera de l’idée qu’uneconversion des terrains en complexesimmobiliers est possible, car celle­ci fait fides contraintes incontournables poséespar les voies de chemin de fer, les zonesinondables et les infrastructures souter­raines. Force sera aussi de constater quele Centre des sciences de Montréal auquai King­Edward, la Gare maritime auquai Alexandra et le jardin des Éclusess’imposent de plus en plus comme desdestinations autonomes et distinctes,ce qui a pour effet de morceler le site.À cet égard, le temps est peut­être venud’imaginer élargir les entrées et de pro­longer les quais au­delà de la rue dela Commune pour ouvrir encore plusle Vieux­Port sur la ville. Enfin, il est àespérer que les principes directeurs quiont fait le succès de la transformationdu Vieux­Port seront maintenus.

La Ville de Montréal et les citoyens onttoujours voulu le Vieux­Port comme ungrand parc public avec des installationsqui desservent la collectivité. Une inté­gration du territoire au portefeuille deséquipements communautaires et desespaces verts de la ville serait la meilleuresolution pour respecter cette volonté.Il est donc temps de fusionner le Vieux­Port et le Vieux­Montréal pour créer unseul quartier historique, une destinationunique aux promesses multiples.

Au cours de sa carrière, Claude Benoit a contribué au développe-ment d’institutions qui caractérisent de façon unique le Québecd’aujourd’hui, du Biodôme au Centre des sciences de Montréalen passant par la Biosphère et le Musée McCord. Elle a dirigéla Société du Vieux-Port de Montréal de 2000 à 2013.

3 SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DU CANADA INC. Vieux-Port de Montréal – Document de consultation (V11), Montréal, 2016. (En ligne : http://www.avenirvieuxport.com/consultation)

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Le Vieux-Port aujourd’hui,une destination unique,

tant pour les Montréalaisque pour les touristes

L’accessibilité visuelleau fleuve retrouvée

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MONTRÉAL espaces verts et bleus : la nature accessible

COMPLEXE ENVIRONNEMENTAL DE SAINT-MICHEL

La métamorphose d’un grand espace urbain

En raison de leurs impacts sur les popu­lations riveraines, de nombreux sitesd’enfouissement situés en milieu urbainont été fermés et transformés en parcsau début du XXe siècle. À Montréal parexemple, les parcs Laurier, Baldwin etPère­Marquette sont situés sur d’anciensdépotoirs. Toutefois, une conscience et destechnologies environnementales accruesde même que la grande superficie deceux qui sont encore en opération ontcomplexifié les pratiques de conversionde ces lieux.

Quelques projets sont ainsi en coursà travers le monde, comme Fresh Kills(New York, 890 ha, 2009­2040) et VillaDomínico (Buenos Aires, 500 ha, 2004 —).Si ces projets ont encore pour finalité lacréation de parcs, ils veulent aussi avoirune contribution plus globale surle plan environnemental et même socio­économique. Le CESM est l’un de cesprojets novateurs. Créé à partir d’un lieud’enfouissement des déchets qui a lui­même été implanté dans une carrière decalcaire, son réaménagement pour en faireun parc métropolitain de 192 hectares esten bonne voie d’être complété.

L’innovation environnementaleL’intérêt du CESM est d’abord environne­mental. Entre 1968 et 2009, le sited’enfouissement a accueilli 40 millions detonnes de déchets, sur une profondeurallant jusqu’à 60 mètres — les orduresputrescibles n’étant toutefois plus admisesdepuis mai 2000. Sa transformation enparc requérait ainsi des prouesses techno­logiques et un suivi environnementalrigoureux. D’abord, la formation de biogazgénérés par la décomposition des déchets

a exigé la mise en place de réseaux decaptage : 320 puits sont actuellementutilisés sur le site, reliés par 21 kilomètresde conduits. Depuis 1997, la centraleGazmont (aujourd’hui Biomont) utiliseces biogaz pour la production d’électri­cité. De plus, environ 2100 m3 de lixiviatsont pompés quotidiennement, traités etacheminés vers la station d’épurationdes eaux usées de la Ville. Les puits sontsous surveillance 24 heures sur 24 et lesnormes environnementales en vigueursont rigoureusement respectées1.

Enfin, le CESM est conçu comme unlaboratoire de recherche et d’innovation.À titre d’exemple, les travaux de recou­vrement final du site ont permis d’innoverdans la transformation des feuilles autom­nales en compost. Un nouveau sol estainsi créé à même le site, sans requérir ledécapage et le transport de terres arableset fertiles, et une partie de ce compost estdistribué gratuitement aux citoyens deuxfois par année.

Le plan directeur d’aménagementLe CESM est un complexe de technologieenvironnementale et d’éducation dansun espace vert. La fonction éducative y estprivilégiée et l’expérimentation favorisée.Le secteur d’enfouissement est ainsiréaménagé pour rappeler l’histoire du lieuet faire prendre conscience de l’immen­sité du site2. À terme, on y retrouverale lac, la plaine, le boisé, l’amphithéâtre,l’agora et les terrasses de jeu et de détente(voir la figure 1).

Le parc comprend aussi une couronne,où un sentier polyvalent de cinq kilomè­tres a été aménagé. Trois pôles y ont étécréés : un pôle culturel, où s’est implantéela Cité des arts du cirque, un pôle sportifet un pôle industriel/commercial. La cou­

ronne est accessible depuis 1995, et lapartie centrale du parc sera progressive­ment ouverte à la population au cours desprochaines années. Les aménagementsseront enrichis d’œuvres d’art et derepères thématiques.

Avec ses imposantes falaises de calcairesculptées par l’homme et ses dunes allon­gées remplies de déchets, le site met enscène des paysages contrastés. La visionde son aménagement a ainsi été gui­dée par les notions d’évolution et demétamorphose. Le CESM est un parcqui incarne le passage de carrière à lieud’enfouissement à parc environnemental3.C’est pourquoi, s’il vise à accueillir une di­versité d’activités éducatives, sportives etde loisirs, son mandat comprend aussi ladécouverte de la transformation des lieux.Il deviendra donc une destination priséedes environnementalistes et des amateursd’architecture de paysage, de design etd’innovation technologique.

La concertation entreles parties prenantesLe CESM est d’abord un projet de laVille de Montréal, un projet de parcet également un projet technologique.Si le design et la mise en œuvre duparc et, plus largement, l’élaborationdu plan directeur du CESM sont pilotéspar une équipe d’architectes paysa­gistes de la Ville, celle­ci est appuyéepar plusieurs firmes de spécialistes etcollabore étroitement avec les arron­dissements et les services de la Ville.

Par ailleurs, divers exercices de consul­tation publique ont été réalisés tout aulong du parcours4. Pilotée par le Bureaude consultation de Montréal en 1989, lapremière a porté sur la mise en valeurdu site, d’où a émergé un consensus sur

Aménager un parc sur un dépotoir n’est pas nouveau, mais le faire en mettant en scène l’histoire du lieu demande de l’audace etde l’imagination. Avec la création du Complexe environnemental de Saint-Michel (CESM), dans le quartier Saint-Michel de l’arron-dissement Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension, Montréal est en voie de se doter d’un parc métropolitain aussi grand que celuidu mont Royal, au sein de quartiers denses et habités.

1 Voir le site Internet du CESM sur le portail de la Ville de Montréal : ville.montreal.qc.ca/portal/page ?_pageid=7377, 142233176&_dad=portal&_schema=PORTAL2 MASSICOTTE, Marie-Claude et Diane MARTIN. « Le complexe environnemental de Saint-Michel : un parc unique à Montréal qui attire l’attention », Paysages, édition n° 9, 2014, p. 47-49 (disponible en ligne).3 MASSICOTTE, Marie-Claude. « Le CESM : un site en perpétuel mouvement », Landscapes Paysages, vol. 11 no 1, hiver 2009, p. 20-23 (disponible en ligne).4 VACHON, Jean-François Luc. L’évaluation de la durabilité du projet du complexe environnemental de Saint-Michel : une nouvelle approche pour opérationnaliser le concept de durabilité en aménage-

ment ? Institut d’urbanisme de l’Université de Montréal, 2007.

» MARIE CLAUDE MASSICOTTE» MARIE LESSARD, urbaniste émérite

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les fonctions à privilégier, en particuliersur la création d’un grand parc. Cetteconsultation a été déterminante. En effet,le Plan de réaménagement du Complexeenvironnemental de Saint­Michel, adoptéen 1997, confirmé dans le Plan d’urba­nisme de 2004 et en cours de réalisation,s’en est étroitement inspiré. Des orga­nismes du milieu, soit Vivre Saint­Michelen santé et le Projet d’aménagement rési­

dentiel et industriel de St­Michel (PARISaint­Michel), ont aussi joué un rôle enmobilisant la population et en sensibili­sant l’administration municipale auxenjeux portés par le site. Des consulta­tions publiques sur des aspects technolo­giques et environnementaux, à la foispropres au site (Bureau d’audiencespubliques sur l’environnement, 1994) et àl’échelle de la ville ou de l’agglomération

(Bureau de consultation de Montréal,1992; Office de consultation publique deMontréal, 2011) ont également orienté leréaménagement du CESM. De plus, uneTable de concertation réunissant toutesles parties prenantes vient d’être mise surpied afin d’arrimer les attentes du milieutout en assurant le respect des normesenvironnementales.

Le rôle éducatif du CESM etsa contribution au développementdu quartierSi l’existence du quartier Saint­Michelest d’abord due à l’exploitation des car­rières, la qualité de vie de ses habitantsa été malmenée par les activités indus­trielles qui en ont marqué l’évolution.Saint­Michel est l’un des quartiers mon­tréalais les plus défavorisés économi­quement et socialement5. Ainsi, au­delàde la mission environnementale duCESM et de l’aménagement du parc,la Ville de Montréal s’est donné pourmission de contribuer au développe­ment du quartier.

La Ville a d’abord adopté, en 1989, unprogramme de visites du CESM à l’inten­

5 GROUPE DE TRAVAIL SUR LES PORTRAITS DES QUARTIERS VILLERAY, SAINT-MICHEL ET PARC-EXTENSION. Portrait du quartier Saint-Michel. CEDEC Centre-Nord et arrondissement Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension, 2004.

Figure 1 : Plan directeur du Complexe environnemental de Saint-Michel, Ville de Montréal, 2016.VI

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Falaise de calcaire

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MONTRÉAL espaces verts et bleus : la nature accessible

tion des groupes scolaires, des citoyens,des chercheurs et des délégations étran­gères. En 2004, elle a confié ce mandatà la TOHU, qui a pris le relais des visitesguidées et des activités éducatives surles technologies liées à la transformationdu site, la gestion des matières résiduelles(via une visite du Centre de tri) et le ver­dissement. La TOHU a aussi mis sur piedun ensemble d’activités destinées auxcitoyens6. Enfin, la TOHU et les autrespartenaires du CESM ont développé descollaborations avec des organismes duquartier et contribué, depuis 1988, à lacréation de plus de 2400 emplois locaux7.

Parmi les quelques défis encore à releverfigure la programmation des activités;harmoniser les besoins locaux, les atten­tes associées au statut métropolitain duparc et l’innovation environnementaledemande de la créativité. Les choix àfaire devront aussi permettre de concilier

la sécurité des lieux et les contraintesd’usage posées par les sols reconstitués.L’entretien et l’accessibilité sont d’autresenjeux déterminants qui nécessiterontdes investissements importants à longterme. Enfin, la concertation avec lemilieu est essentielle pour maintenirle cap sur les engagements pris par lespartenaires, adapter les lieux aux chan­gements technologiques et sociétauxtout en conservant les qualités intrin­sèques du site. La nouvelle Table deconcertation est ainsi appelée à jouerun rôle majeur.

Marie Claude Massicotte est architecte-paysagiste et gestionnairereconnue. Elle a coordonné plusieurs projets d’aménagementau sein de la Ville de Montréal, dont celui du CESM. Actuellement,elle enseigne à l’École d’urbanisme et d’architecture de paysagede l’Université de Montréal en plus d’avoir sa firme en architecturede paysage et en design urbain. Marie Lessard est urbanisteémérite et professeure honoraire à l’École d’urbanisme et d’archi-tecture de paysage de l’Université de Montréal. Elle préside la Tablede concertation du CESM.

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Le parc en devenir.

Le CESM a reçu deux prix internationaux et un prix national en 2004 :la médaille d’or Environmentally Sustainable Projects Award, le mériteInternational Award for Liveable Communities et une mention spécialedu programme Collectivités en fleurs Canada. Il a représenté la Villede Montréal lors de l’exposition universelle 2010 à Shanghai dansle secteur des meilleures pratiques urbaines.

Le CESM au fil du temps1925Début de l’exploitation dela carrière de calcaire

1968Début de l’enfouissement des déchets

1984Acquisition du site par la Villede Montréal

1987Fin de l’exploitation de la carrière

1988Création du Centre de tri et d’éliminationdes déchets (CTED)

1989Consultations publiques surl’avenir du site

1995Création du CESM

1996Début de la conversion des biogaz enélectricité – inauguration du siège socialdu Cirque du Soleil — aménagementdes parcs riverains Jean­Rivardet Champdoré

1997Adoption du Plan directeurd’aménagement du CESM

2000Fin du déversementdes ordures ménagères

2004Ouverture de la TOHU et du pavillond’accueil du CESM

2009Fin de l’enfouissement desmatériaux secs — ouverture du TAZ

2015Ouverture du Stade de soccerde Montréal

2017Ouverture d’autres secteurs du parc

2020Ouverture prévue de l’ensembledu site au public

2020­2036Poursuite du suivi environnemental

6 Site Internet de la TOHU consulté en 2016 à la page Services aux groupes : tohu.ca/fr/services/7 VILLE DE MONTRÉAL. Le complexe environnemental de Saint-Michel : un projet d’aménagement exemplaire. Ville de Montréal, 2010.

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La table de concertation du Mont-RoyalUN OUTIL POUR GÉRER UN SITE PATRIMONIAL DE PORTÉE NATIONALE

Cette décision concluait une série dedémarches visant une meilleure pro­tection d’un lieu exceptionnel au cœurde la métropole montréalaise : en 1987,création par la Ville de Montréal du« Site du patrimoine du Mont­Royal »;en 1992, adoption par Montréal d’unpremier Plan de mise en valeur duMont-Royal 2; en 2002, demande parle Sommet de Montréal de mesuresaccrues de protection du mont Royal

face à des pressions constantes audéveloppement immobilier. À la suitede l’annonce par le gouvernementdu Québec de sa décision de donnerune suite à cette demande, Montréals’engage à veiller à la concertation et àla gestion de la montagne. Anticipantla décision du gouvernement quant aunouveau statut de la montagne, la villese dote d’un « Bureau du Mont­Royal »et elle institue le 1er septembre 2004la Table de concertation du Mont­Royal(TCMR)3.

Une gestion complexeLa création de cette instance de concer­tation n’était pas un luxe inutile. En effet,la gestion d’un ensemble comme le sitepatrimonial du Mont­Royal est particu­lièrement complexe. Outre la juridictiondu ministère de la Culture et des Com­munications, le site ou certaines de sesparties tombent sous des compétencesde juridiction de la Ville de Montréal,des arrondissements de Ville­Marie,du Plateau­Mont­Royal, d’Outremont, deCôte­des­Neiges–Notre­Dame­de­Grâce,

» CLAUDE CORBO

Le 9 mars 2005, le gouvernement du Québec établissait par décret l’« Arrondissement historique et national du Mont-Royal »(aujourd’hui « Site patrimonial »), considérant que « le mont Royal constitue un point de repère visuel majeur et un lieu identitaireet emblématique du Québec »1. Il s’agissait d’une première reconnaissance des dimensions historique et naturelle d’un ensemble etd’une décision à portée nationale engageant le gouvernement, ses ministères, ses organismes publics, de même que les autoritésmunicipales et de nombreux propriétaires institutionnels ou privés.

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Vue sur quelques grandescomposantes du flanc estde la montagne, soit le parcJeanne-Mance, le monumentà sir Georges-Étienne Cartiersur la côte Placide, la falaiseet la croix du Mont-Royal.

1 Décret 190-2005, Gazette officielle du Québec, Partie 2, 23 mars 2005, 137e année, no 12, p. 963-970.2 VILLE DE MONTRÉAL. (1992). Plan de mise en valeur du Mont-Royal. 63 p., ISBN-2-89417-282-6.3 La Table de concertation du Mont-Royal a été créée par la résolution CE04 1710 (dossier 1040192001) du Comité exécutif de la Ville de Montréal, en date du 1er septembre 2004.

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MONTRÉAL espaces verts et bleus : la nature accessible

de la Ville de Westmount (3 % du terri­toire), ainsi que du Conseil d’aggloméra­tion. En outre se retrouvent dans le sitedes hôpitaux, deux universités, deuxcollèges privés, l’oratoire Saint­Joseph,des cimetières, des propriétaires privés.Comme, en plus, plusieurs groupes asso­ciatifs existants nourrissent leur proprevision de ce que devrait devenir le montRoyal, on comprend que la gestion dusite offrait toutes les possibilités de dursconflits sur la place publique.

La TCMR regroupe depuis ses débuts lesintervenants institutionnels, politiques etassociatifs à titre de membres formels ouà titre d’observateurs permanents4.

Dès ses débuts, travaillant à la mise aupoint d’un nouveau plan de protectionet de mise en valeur du mont Royal,la TCMR a dû surmonter des périls quiauraient pu la faire échouer : multiplici­té de juridictions municipales, multi­plicité de ministères québécois et deréseaux institutionnels en dépendant,multiplicités d’intérêts différents inspi­rés les uns par des volontés de déve­loppement, les autres par la volonté deprotection. En fait, la reconnaissance dumont Royal comme site patrimonial peutconduire à deux visions opposées desconséquences : ou bien le développe­ment demeure possible, bien qu’il soitdevenu plus compliqué du fait du statutdu lieu, ou bien il n’y a plus de déve­loppement possible. La TCMR a dûcomposer avec des enjeux compliquésallant de ce que des membres dési­gnent comme la « capacité limite » dela montagne aux développements accep­tables dans le contexte.

Des réalisationsTravaillant dans la discrétion, la TCMRcompte à son actif des réalisations signi­

ficatives comme instruments de gestiondu site patrimonial du mont Royal.

La Table a été et demeure un lieu derassemblement et de discussion de tousles partenaires intéressés par le montRoyal. À ce titre, grâce à une trèsgrande continuité dans le temps, elle apermis de partager les préoccupationspropres aux membres, de développerun vocabulaire commun, de sensibiliserchacun aux sensibilités des autres, etde construire une réflexion commune.Au cours d’une trentaine de réunionsplénières, préparées par des groupes detravail spécialisés, la TCMR a réussi àconvenir de plus de quarante « consen­sus », c’est­à­dire des prises de positionacceptées par l’ensemble des membres,et la moitié de ces consensus portent surdes enjeux de substance.

La Table a d’abord identifié les prin­cipes directeurs devant présider à lamise à jour du plan de protection dumont Royal. Une fois ce travail complé­té, elle a donné un avis sur le projet dePlan de protection et de mise en valeurdu Mont-Royal (PPMVMR)5 soumis àl’approbation des instances municipales.Ce plan a été adopté par le Conseild’agglomération de Montréal, et parla même occasion, le 30 avril 2009,le Conseil d’agglomération a « confirméla pérennité de la Table dans son rôle-conseil auprès des instances munici-pales à l’égard du mont Royal et dansson rôle de suivi du plan précité, ainsiqu’à l’égard des conditions à réunirpour en assurer le succès »6. C’est effecti­vement ce qu’elle fait depuis l’adoptiondu Plan. La TCMR a ensuite élaborédes orientations pour la gestion du sitesur des questions telles l’accessibilitéde la montagne, les transports vers et

sur la montagne, la sécurité, la gestiondu parc du Mont­Royal, l’offre de station­nement, la réfection et la vocation nou­velle du Chalet du Mont­Royal, la protec­tiondepaysages, l’élaborationdeparcourspiétonniers sur la montagne, etc.

En outre, la TCMR a amené de grandesinstitutions du mont Royal à formulerdes engagements régissant leur déve­loppement futur dans une approchede planification concertée avec lesresponsables municipaux.

Les travaux de la Table dans le cadre dela préparation du PPMVMR ont aussiconduit à la création du Comité perma­nent d’harmonisation de la gestion dumont Royal. Ce comité, composé dereprésentants des quatre arrondisse­ments ayant prise sur le territoire, ainsique de Montréal et de Westmount,a pour mandat, comme l’indique sonappellation, d’harmoniser la gestionfaite par les différentes entités munici­pales de leur partie du territoire du sitepatrimonial (règlements, procédures etencadrements administratifs) et d’échan­ger toutes les informations pertinentesà la gestion du territoire.

La Table, depuis plus de dix ans, a réussiune réconciliation pragmatique de visionspotentiellement antagonistes du statutdu mont Royal, tout comme elle a facilitéla discussion et l’examen approfondisdes enjeux les plus importants. À cetégard, son apport a été très bénéfiqueà la montagne au cœur de Montréal7.

Formé en philosophie et en science politique, Claude Corbo a faitcarrière à l’Université du Québec à Montréal comme professeurau département de science politique et dans plusieurs fonctionsde gestion, notamment à titre de recteur de l’UQAM (1986-1996et 2008-2013). Il préside la Table de concertation du mont Royaldepuis 2004.

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4 Pour des informations détaillées sur la Table de concertation du Mont-Royal et sur le Bureau du Mont-Royal, on consultera avec profit les sites www.ville.montreal.qc.ca/siteofficieldumontroyalet www.ville.montreal.qc.ca/bureaumontroyal.

5 VILLE DE MONTRÉAL. Plan de protection et de mise en valeur du Mont-Royal. 90 p., ISBN-978-2-7647-0790-6. Le document existe aussi en version anglaise : Mount Royal Protection and EnhancementPlan, 90 p., 2009.

6 CONSEIL D’AGGLOMÉRATION. Résolution CG09 0130 du 30 avril 2009.7 Sur le travail fait par la Table, on consultera avec profit le document 5 ans déjà ! publié conjointement en 2011 par la Ville de Montréal et le ministère de la Culture, des Communications et de la Condition

féminine, dans le cadre de l’Entente sur le développement culturel de Montréal (80 p., ISBN-978-2-9812410-0-9).

« La Table, depuis plus de dix ans, a réussi une réconciliation pragmatiquede visions potentiellement antagonistes du statut du mont Royal,tout comme elle a facilité la discussion et l’examen approfondis

des enjeux les plus importants. »

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La collaboration entre desURBANISTES PASSIONNÉSet la VILLE DE MONTRÉALpermet d’offrir desaménagements urbainsde grande qualité dontnous sommes tous très fiers.

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PLANIFICATION RÉGIONALE

La longue marche vers le PMAD de la CMM

Le service d’urbanisme de Montréal aété créé en 1941 et commença dès lorsles études en vue d’un plan directeur.Pour ce faire, la Ville a eu recours auxservices du célèbre urbaniste françaisJacques Gréber, lequel avait aussi pré­paré des plans pour la région d’Ottawaet celle de Québec. Pour Montréal,Gréber croit aussi qu’il faut une visionrégionale. Toutefois, les propositions duplan Gréber de 1950 concernent essen­tiellement l’île de Montréal. Gréberentrevoyait une urbanisation consolidée,en continuité des zones urbaines exis­tantes, encadrant les zones résidentiellesde zones industrielles et d’espaces verts.Il limitait l’expansion par des périmètresd’urbanisation qui conservaient le carac­tère rural des deux bouts de l’île. Pourlui, Laval, la couronne nord, la rive sud(hormis Longueuil et Saint­Lambert)n’étaient que des zones rurales, ponc­tuées de villages. Il voyait la circulationà travers des boulevards urbains nouéspar des ronds­points, comme les boule­vards haussmanniens (voir la carte 1).

Pourtant, quelques années plus tard,dans les années 60, le réseau destramways avait disparu, remplacé parle métro souterrain et les autobus, tan­dis que les autoroutes ceinturaient lazone centrale et de nouveaux pontsétaient ajoutés. Dès les années 70, lasuburbanisation gagnait la ville de La­val issue de la fusion des municipalitésde l’île Jésus, mais aussi les couronnesde façon déjà importante. « Ainsi, lespropositions du plan Gréber seraienten déphasage par rapport aux change-ments fondamentaux qui allaient mar-quer de façon décisive la structurationde l’espace montréalais, comme c’étaitle cas ailleurs dans les métropolesnord-américaines.1 » Le plan Gréberne sera donc guère mis en œuvre, dumoins en tant que vision régionale.

Une première amorcede planification régionalePeu après, un nouveau type de pland’aménagement, Montréal Horizon 2000,présentera une vision audacieuse etambitieuse de l’avenir de la région ainsiqu’une structuration équilibrée de la

croissance urbaine, qui débordera large­ment l’île de Montréal2. C’était en 1967,et ce document devait surtout servircomme outil de promotion pour l’équipedu maire Jean Drapeau, pour montrerque sa ville était capable d’une visionlarge et éclairée, et qu’il fallait, pour agir,doter la région d’une organisation muni­cipale adéquate. En fait, Drapeau prônaitl’annexion de toutes les municipalitésde l’île, avec son slogan : « Une île, uneville ». Il va sans dire que ces velléitésont suscité une grande résistance desbanlieues de l’île. Et pourtant, la visiond’Horizon 2000 allait plus loin; nonseulement elle englobait les îles deMontréal et de Laval ainsi que lescouronnes, mais par­delà, elle mettaitde l’avant l’idée des villes satellites,pôles économiques dynamiques, commeValleyfield, Saint­ Hyacinthe, Granby,Sorel, Saint­Jérôme, Saint­Jean et Joliette(voir les cartes 2 et 3). En 1970, plutôt quede fusionner les municipalités, le gou­vernement crée la Communauté urbainede Montréal (CUM) pour coordonnerle développement de l’île de Montréal etde ses 29 municipalités.

» MARIE-ODILE TRÉPANIER, urbaniste émérite

La Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) a adopté un Plan métropolitain d’aménagement et de développement (PMAD),entré en vigueur en 2012. L’adoption du PMAD est en soi une réussite, là où de nombreuses tentatives avaient précédemment avorté.Ce fut un lent cheminement. En fait, l’idée d’une planification urbaine régionale, débordant les îles de l’archipel de Montréal, est relativementrécente. Les urbanistes y ont été pour quelque chose, car comme l’urbanisation avançait, il fallait bien prévoir et s’organiser.

1 M’BALA, José. « Prévenir l’exurbanisation : le Plan Gréber de 1950 pour Montréal », Revue d’histoire urbaine, vol. 29, no 2, 2001, p. 68. À noter qu’il ne reste de ce plan que la partie cartographique,le rapport explicatif ayant été perdu, semble-t-il.

2 MARSAN, Jean-Claude. Montréal en évolution, Montréal, Fides, 1974, p. 335.

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Grand Montréal :une coopérationrégionale renforcéeLa coopération des instances municipales à l’échelle métropolitaineest la condition d’une meilleure coordination des ressources visantl’aménagement du territoire. Le nouveau PMAD, en renforçantle rôle du Grand Montréal, lui permettra de relever les défisd’un aménagement régional durable.

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Bien que cela fasse partie de sesobligations dès le début, la CUMn’adoptera son schéma d’aménage­ment qu’en 1986. Différentes versionsavaient été débattues dès 1972, et lesprincipaux enjeux concernaient alorsla protection des milieux naturels etagricoles, les liaisons du réseau arté­riel, l’extension du réseau de transporten commun, ainsi que la mise en valeurde deux sous­centres dans l’axe duboulevard Métropolitain3. La méfianceentre les municipalités était telle quele schéma risquait de n’être jamaisadopté si le gouvernement québécoisn’avait pas insisté, notamment parl’effet de l’adoption, en 1979, de la Loisur l’aménagement et l’urbanisme(LAU)4, rendant les schémas d’aména­gement obligatoires partout au Québec.

Finalement, le territoire de la CUM étaitbien limité, et l’adoption du schéma en1986 est arrivée bien tard : les grandesinfrastructures autoroutières étaient enplace et avaient déjà stimulé le dévelop­pement urbain bien au­delà de l’île deMontréal. Le schéma de la CUM va doncviser les enjeux internes de l’île, sanssusciter beaucoup d’intérêt public. Mêmeà cet égard, il est resté modeste, tropcollé à l’existant, sans grande ambitionou abordant les enjeux du redéveloppe­ment, de l’habitation ou des milieuxnaturels de façon encore bien vague5.

Le gouvernement prendles commandesEn réalité, dès 1978, c’est le gouverne­ment québécois qui prend vraiment encharge la planification régionale, avecl’Option préférable d’aménagement pourla région de Montréal6, et par l’effetcombiné de la Loi sur la protection duterritoire agricole (LPTA) et de la LAU.Les grandes orientations de l’Optionréaffirmée en 1983 consistaient à :

« Consolider le tissu urbain àl’intérieur du périmètre bâti etviabilisé actuel. »

« Réaménager prioritairement lesterritoires les plus anciennementbâtis de l’espace central mont-réalais et des centres-villes deLongueuil et de Laval. »

3 SANCTON, Andrew. Governing the Island of Montreal, Berkeley, University of California Press, 1985; TRÉPANIER, Marie-Odile. « Metropolitan Government in the Montreal Area », dans Rothblatt, DonaldN. et Andrew Sancton (éd.). Metropolitan Governance: American/Canadian Intergovernmental Perspectives. Berkeley, Institute of Governmental Studies Press, University of California, 1993, pp. 53-110.

4 Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, L.R.Q., c. A-19.1.5 GAUDREAU, Marcel et Calvin VELTMAN. Le schéma de la CUM, 1970-1982 : la difficile recherche d’une rationalité métropolitaine en aménagement. Montréal, INRS-Urbanisation, 1986; TRÉPANIER, ibid., 1993.6 Cette option sera réaffirmée et étayée en 1983 : GOUVERNEMENT DU QUÉBEC. Option d’aménagement de la région métropolitaine de Montréal, 1984, 98 p. et annexes.7 Ibid., p. 80.

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« Apporter une attention particu-lière à l’amélioration de la qualitéde la vie sur l’île de Montréal7. »

À la même époque, le gouvernements’investissait aussi dans la planifica­tion, l’organisation et le financementdu transport en commun dans la régionde Montréal. En matière d’espaces verts,après la création des parcs nationauxde Boucherville, Oka et Saint­Bruno,il donnait un coup de main financier àla CUM pour l’acquisition de parcs régio­naux. Il entreprenait aussi une vasteplanification autour du Projet Archipel etdu concept de parc national de l’Archipel.Toutefois, la conjoncture économique etle changement de gouvernement en1985 ont stoppé leur mise en œuvre. Parcontre, le gouvernement a consenti dessommes considérables pour l’assainis­sement des eaux dans l’ensemble de larégion montréalaise. D’autres program­mes ont été développés en matière

d’habitation ainsi que d’équipementsculturels et touristiques, notamment.

Toutefois, l’arrimage entre l’Option etles schémas d’aménagement des MRC afait défaut, en l’absence de mécanismesde coordination d’ensemble à l’échellede la région métropolitaine. L’Option afini par s’étioler par manque de suivi etde mesures concrètes de mise en œuvre.

La nécessaire réforme des structuresmunicipales et régionalesEn 1991, le gouvernement a créé le Groupede travail sur Montréal et sa région(GTMR). Le GTMR, selon son mandat, aposé un diagnostic sévère sur l’absencede vision d’ensemble de la région,la conjoncture économique et démo­graphique difficile, la concertationinsuffisante entre les municipalités fortnombreuses et disparates, le manquede cohérence et de coordination del’action gouvernementale, et de multiples

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MONTRÉAL Grand Montréal : une coopération régionale renforcée

problématiques financières et fiscales8.En décembre 1993, il a ensuite mis del’avant les bases d’une vision communepour une ville­région, doublée de la pro­position de l’établissement d’une entitérégionale qui réunirait l’ensemble duterritoire compris dans la région métro­politaine de recensement, en une seuleentité administrative. C’était une sortede vision stratégique pour « Montréal,une ville-région efficace, prospère etvibrante; à vocation internationale; auservice de ses citoyens »9.

L’idée a lentement fait son chemin.En 1996, une consultation est lancéeen vue de créer une commission dedéveloppement de la métropole, maissans succès. En 1999, la Commissionsur les finances et la fiscalité locales(commission Bédard) a formulé de nom­breuses propositions de réformes pourl’ensemble du régime municipal. Entreautres, elle a proposé pour la régionde Montréal à la fois des fusions pourréduire le nombre de municipalités etune instance de coordination à l’échellede la grande région métropolitaine.Enfin vint la réforme des structuresavec la Loi sur la communauté métropo-litaine de Montréal adoptée en juin 2000,suivie plus tard du projet de loi 170 surles fusions des grandes villes10.

En matière d’aménagement du terri­toire, la Loi sur la CMM a innové à biendes égards. Ainsi, pour la première fois,la loi jumelait « aménagement et déve­loppement », en rendant obligatoireun « schéma métropolitain d’aménage­ment et de développement ». C’est aussila première fois que la loi exigeait « une

vision stratégique du développementéconomique, social et environnemental »(on ajoutera plus tard « culturel »). Autreinnovation : le gouvernement a produit,dès 2001, un Cadre d’aménagement pourla région métropolitaine de Montréal,tenant lieu d’orientations gouvernemen­tales encadrant la préparation du schémamétropolitain par la CMM, mais ausside cadre de référence pour les actionsdu gouvernement et des ministères dansla région métropolitaine. Quant au conte­nu, le Cadre d’aménagement comprenaitun énoncé de vision, ainsi qu’un conceptd’organisation spatiale11.

Le PMAD de la CMM, un aboutisse-ment longtemps attenduLa CMM a produit un projet de schémamétropolitain en 2005. Cependant,son adoption aurait signifié la mort desschémas des MRC, qu’il remplaçaitselon l’article 146 de la Loi sur la CMM.Cette disposition était difficile à accepterpour les MRC. Aussi, après négociation,une entente a été conclue en 2008entre les municipalités de la CMM pourun schéma métropolitain distinct etpour conserver les schémas des MRC.Alors, la Loi sur la CMM fut modifiéeen 2010 par la Loi 5812, qui a donné nais­sance au concept de « plan métropolitaind’aménagement et de développement(PMAD) »13. Un tel plan devait être plusstratégique, avec un contenu plus ciblésur l’organisation spatiale, la planifica­tion intégrée de l’aménagement et dutransport, la gestion de l’urbanisation(seuils minimaux de densité, dans uneperspective de ville compacte) et le main­tien des espaces agricoles, des milieux

naturels et du patrimoine bâti. La Loidonnait jusqu’à décembre 2011 pourl’adoption du plan métropolitain. Lecalendrier a été respecté et le PMAD estentré en vigueur en mars 2012.

La région métropolitaine a appris d’unelongue série d’essais et d’erreurs. LePMAD est le fruit d’une conjoncture faited’un mélange de fermeté et de souplesse.Le gouvernement a maintenu le cap, maisa fait montre de souplesse à l’égard desMRC. La prise de conscience des particu­larités démographiques et économiquesde la région et des nouvelles tendancesen matière d’habitation et de dévelop­pement a amené les partenaires à despositions plus réalistes. Le PMAD a aussibénéficié d’une mobilisation sans précé­dent de la société civile, qui a clairementexprimé ses préoccupations en matièrede gestion plus serrée de l’urbanisa­tion, de transport collectif, de dévelop­pement durable et de milieux naturels,de qualité des milieux de vie et d’habi­tat, de préservation des terres et dedéveloppement agricole.

Le PMAD est ainsi le résultat de la con­ciliation des préoccupations de l’en­semble de la région. Le PMAD n’estsans doute pas parfait, mais il est deve­nu un référent incontournable. Sa miseen œuvre se poursuit maintenant vial’action de la CMM et différents plansd’action sectoriels, ainsi que via lesschémas et plans des MRC et des muni­cipalités locales.

Marie-Odile Trépanier, urbaniste émérite à la retraite, estprofesseure honoraire de l’École d’urbanisme et d’architecturedu paysage de l’Université de Montréal.

URBANITÉ | HIVER 201758

8 GROUPE DE TRAVAIL SUR MONTRÉAL ET SA RÉGION. Rapport d’étape, janvier 1993, 72 p. et annexes.9 GROUPE DE TRAVAIL SUR MONTRÉAL ET SA RÉGION. Montréal, une ville-région, décembre 1993, 139 p. et annexe.10 Loi portant réforme de l’organisation territoriale municipale des régions métropolitaines de Montréal, de Québec et de l’Outaouais.11 GOUVERNEMENT DU QUÉBEC. Cadre d’aménagement et orientations gouvernementales — Région métropolitaine de Montréal 2001-2021, juin 2001, p. 67 et carte 11. Une version révisée de ce cadre

orientera l’élaboration du PMAD, sous le titre : Addenda modifiant les orientations gouvernementales en matière d’aménagement pour le territoire de la Communauté métropolitaine de Montréal en vuede l’élaboration d’un plan métropolitain d’aménagement et de développement, 6 mai 2011 (documents disponibles en ligne).

12 Loi modifiant la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme et d’autres dispositions législatives concernant les communautés métropolitaines.13 LAU, article 2.24.

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LE PMAD DE LA CMM

Un modèle de coopération métropolitaine

Le gouvernement du Québec créait,en 2001, la Communauté métropolitainede Montréal (CMM). Résultat d’une longueréflexion et de plusieurs commissions ougroupes de travail répartis sur plus de troisdécennies, la création de la Communautéavait pour but de renforcer l’attractivité etla compétitivité du Grand Montréal dansun environnement en mutation où lesaires métropolitaines entrent directementen compétition les unes avec les autres.

La Communauté métropolitainede MontréalLa Communauté est un organisme deplanification, de coordination et de finan­cement dont les principaux champsd’intervention sont : l’aménagement duterritoire, le développement écono­mique, le développement artistique ouculturel, le logement social, les équipe­ments, infrastructures, services et

activités à caractère métropolitain, letransport en commun, la planificationde la gestion des matières résiduelles,l’assainissement de l’atmosphère etl’assainissement des eaux. Elle intervientégalement dans la protection et la miseen valeur des espaces bleus et verts etproduit des outils d’information enmatière de géomatique. Elle est dirigéepar un conseil de 28 élus locaux repré­sentant les 82 municipalités du GrandMontréal, soit plus de 3,9 millions depersonnes réparties sur un territoirede plus de 4360 km2.

Le Plan métropolitain d’aménagementet de développement1

En décembre 2011, la CMM accomplitun de ses principaux mandats et adopteson premier Plan métropolitain d’aména­gement et de développement (PMAD),lequel entre en vigueur en mars 2012à la suite d’un avis positif du gouver­nement du Québec. Issu d’un vasteprocessus de consultation publique,le PMAD fait le pari d’agir sur leséléments qui permettent de structurerl’urbanisation de la région métropoli­taine afin de la rendre plus attractive etplus compétitive dans une perspectivede développement durable. Par sesorientations, objectifs et critères, lePMAD mise sur une planification inté­grée de l’aménagement, du transportainsi que sur la protection et la mise envaleur des milieux naturels.

En matière d’aménagement, le PMADétablit l’orientation selon laquelle leGrand Montréal devrait avoir desmilieux de vie durables. Pour ce faire,il propose d’orienter au moins 40 % dela croissance des ménages projetée dansdes quartiers de type TOD en lien avec

les points d’accès, actuels et projetés,du réseau de transport en communmétropolitain structurant. Par ailleurs,il propose une densification du cadrebâti sur les terrains vacants ou à redéve­lopper situés à l’extérieur des aires TOD.D’autres objectifs visent la délimitationdu périmètre métropolitain, la localisa­tion des installations métropolitainesactuelles et projetées, l’occupation opti­male du territoire agricole et les contrain­tes géomorphologiques et anthropiquesdu territoire.

En matière de transport, le PMAD établitl’orientation selon laquelle le GrandMontréal devrait avoir des réseaux etdes équipements de transport perfor­mants et structurants. Pour ce faire,le PMAD propose un réseau de trans­port en commun métropolitain structu­rant afin de hausser la part modale dutransport en commun de 25 % à 35 %en période de pointe du matin d’ici 2031.Ce réseau constitue l’armature de laplanification intégrée de l’aménage­ment et du transport visée par la Com­munauté. Le PMAD propose égalementle parachèvement de certains tronçonsdu réseau routier afin d’assurer lamobilité des marchandises et la dessertedes principaux pôles d’emploi métropoli­tains ainsi que la mise en place d’unréseau vélo métropolitain qui permettrad’augmenter le transport actif.

En matière d’environnement, le PMADétablit l’orientation selon laquelle leGrand Montréal devrait avoir un envi­ronnement protégé et mis en valeur.Pour ce faire, le PMAD s’est donnécomme objectif de protéger 17 %du territoire du Grand Montréal enassurant, notamment, la protection et

Les aires métropolitaines sont au cœur des enjeux actuels de développement social, culturel, environnemental et économique dela planète. Pour relever les défis auxquels elles font face, des organismes de gouvernance et de coordination sont mis en placeà l’échelle métropolitaine, avec des compétences en matière de développement économique, de transport et d’aménagement duterritoire, et ce, autant au Québec qu’ailleurs dans le monde. Dans ce contexte et depuis sa création, la Communauté métropolitainede Montréal (CMM) a démontré, dans l’exercice de ses compétences, comment une approche de collaboration multiniveaux permet-tant d’impliquer les différents paliers gouvernementaux (local, régional, métropolitain et national) s’avère primordiale, afin d’êtreen mesure de relever les nombreux défis à l’échelle de la région métropolitaine de Montréal. Elle est ainsi devenue un modèlede coopération en aménagement et développement du territoire.

1 cmm.qc.ca/fileadmin/user_upload/pmad2012/documentation/20120530_PMAD.pdf (disponible en ligne)

» SUZY PEATE, urbaniste

» MICHEL ROCHEFORT, urbaniste

« [...] le PMAD mise surune planification intégréede l’aménagement,du transport ainsi quesur la protection etla mise en valeurdes milieux naturels. »

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MONTRÉAL Grand Montréal : une coopération régionale renforcée

la mise en valeur des bois d’intérêtmétropolitain, des corridors forestierset des milieux humides. D’autres critèressont également prévus pour assurerla protection des rives, du littoral, desmilieux humides, des paysages et dupatrimoine bâti d’intérêt métropolitain.Afin de mettre en valeur tous ces élé­ments, le PMAD vise la mise en placed’un réseau récréotouristique métropo­litain structuré autour d’une trameverte et bleue.

Une mise en œuvre qui s’appuiesur des mécanismes et des outilsde collaboration et de suiviOutre les exercices de conformité prévusà la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme(LAU) entre le PMAD, les schémas d’amé­nagement et de développement des MRCet des agglomérations métropolitaines etles outils d’urbanisme locaux (plans etrèglements), la mise en œuvre du PMADn’aurait pu se faire sans la mise en placed’un mécanisme collaboratif qui favoriseles interactions entre la CMM, la sociétécivile et le gouvernement du Québec.

La mise en œuvre du PMAD est intime­ment liée à une collaboration étroite

avec le gouvernement du Québec.Faisant suite à une demande de la CMM,le gouvernement a mis en place la TableQuébec­Montréal métropolitain pourl’aménagement et le développement,qui a pour mission d’assurer unecohérence de l’action gouvernemen­tale dans la mise en œuvre du PMADet réunit des ministres clés et des élusde la CMM. Elle est assistée par lecomité interministériel, formé des admi­nistrateurs des principaux ministères etorganismes gouvernementaux concer­nés par le développement territorialde la métropole.

De plus, l’un des mécanismes prévusau PMAD afin d’assurer le suivi de samise en œuvre est la tenue d’une Agoramétropolitaine bisannuelle avec élus etcitoyens. Celle­ci permet aux partiesprenantes de s’informer, d’échanger,de débattre et de proposer des idéesquant à la mise en œuvre du PMAD.La première Agora métropolitaine a eulieu à l’hiver 2013 et a réuni près de700 personnes (élus, citoyens, acteursclés) autour des différents thèmesd’intervention constitutifs du PMAD,

soit l’aménagement, le transport etl’environnement. Une deuxième édi­tion2 s’est tenue en octobre 2015 enprésence de près de 600 participants.L’événement a pris à nouveau la formed’un grand rendez­vous réunissantélus et citoyens afin de faire le bilandes trois premières années de la miseen œuvre du PMAD.

En lien avec son plan d’action 2012­2017 pour le PMAD3, la Communauté amis en place des programmes d’aidefinancière afin de soutenir la mise enœuvre du Plan métropolitain. Ces pro­grammes visent la réalisation d’uneplanification détaillée au sein d’une aireTOD, la protection et la mise en valeur decomposantes de la Trame verte et bleuedu Grand Montréal4 et la réalisation deplans de développement de la zone agri­cole. La mise en place de ces programmesa été rendue possible grâce au soutienfinancier du gouvernement du Québec.

La Déclaration de Montréalsur les aires métropolitainesLa mise en œuvre du PMAD ne sauraitse faire sans la mise en place de méca­nismes et d’outils de collaboration et

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2 cmm.qc.ca/evenements/agora-2015/3 cmm.qc.ca/fileadmin/user_upload/pmad2012/documentation/20120530_PMAD_planAction.pdf4 Sentier cyclable et pédestre entre Oka et Mont-Saint-Hilaire, le Corridor forestier du mont Saint-Bruno, le Corridor forestier Châteauguay-Léry, le Parc-plage du Grand Montréal ainsi que le Parc de la

rivière des Mille-Îles

Cartes tirées du PMAD, 2012

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de suivi interpellant l’ensemble despaliers gouvernementaux concernés.Pour répondre aux nombreux défis liésau développement urbain durable, uneapproche de collaboration multiniveauxpermettant d’impliquer l’ensemble desparties prenantes sur des enjeux com­muns s’avère primordiale.

Cette approche a été au cœur de laConférence thématique de Montréal surles aires métropolitaines tenue enoctobre 2015. Organisée par la Commu­nauté, sous l’égide de l’Organisationdes Nations Unies (ONU), cette confé­rence faisait partie des onze réunionsthématiques et régionales préparatoiresà la troisième conférence des NationsUnies sur le logement et le développe­ment urbain durable (Habitat III) qui s’esttenue à Quito à l’automne 2016 pouradopter le Nouvel agenda urbain (NAU)qui inspirera les politiques urbaines desÉtats pour les 20 prochaines années.

La Conférence thématique de Montréal5

et sa déclaration pour favoriser unecoopération métropolitaine ont alimen­té le contenu du NAU par une recon­naissance des partenariats multini­veaux et des aires métropolitainescomme des acteurs clés pour releverles défis de l’urbanisation mondiale etfavoriser l’atteinte des objectifs de dé­veloppement durable mondiaux.

Maintenir le cap sur la visiond’un Grand Montréal attractif,compétitif et durablePrès de cinq ans après l’entrée envigueur du PMAD, le bilan des activitésde la Communauté, en lien avec la miseen œuvre de ce Plan, est riche. Il témoi­gne du dynamisme de la Communautéqui, au cours des dernières années, amultiplié les actions et les initiatives afinde non seulement déployer ce premierPlan métropolitain d’aménagement et dedéveloppement, mais aussi faire recon­

naître l’importance de la planificationmétropolitaine à l’international.

Globalement, la Communauté a entre­pris ou complété plus d’une vingtained’actions et d’initiatives en lien avecla mise en œuvre du PMAD, comme entémoigne le rapport de surveillancesur le PMAD6. Les prochaines annéesseront tout aussi déterminantes quantà la concordance des outils de planifi­cation régionale et locale, mais aussiquant aux initiatives pouvant être misesen place pour concrétiser cette visionet soutenir la mise en œuvre du PMADafin de façonner le visage de la régionmétropolitaine et contribuer à bâtirun Grand Montréal attractif, compétitifet durable.

Suzy Peate, urbaniste, est coordonnatrice à l’aménagementdu territoire métropolitain à la CMM.Michel Rochefort, urbaniste, estprofesseur au département d’études urbaines et touristiques àl’Université du Québec à Montréal.Michel Rochefort a occupé, defévrier 2012 à mai 2016, le poste de coordonnateur à l’aménagementdu territoire métropolitain. C’est à ce titre qu’il cosigne cet article.

5 cmm.qc.ca/evenements/conference-thematique-de-montreal-sur-les-aires-metropolitaines/6 cmm.qc.ca/fileadmin/user_upload/documents/20150618_rapport-du-monitoring-pmad-2015.pdf

Tiré du PMAD, 2012

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L’emprise fédérale

Si l’année 2017 est l’occasion de soulignerle 375e anniversaire de la fondation deMontréal en 1642, elle l’est aussi pour les150 ans du Canada et de ses institutionspolitiques. La répartition constitution­nelle des pouvoirs reflète l’influencestratégique que gagne le gouverne­ment fédéral en matière de transportle 1er juillet 1867. Sur toutes les voiesnavigables, les ports d’importation etd’exportation, sur tout réseau de cheminsde fer qui traverse une frontière provin­ciale, le gouvernement fédéral disposedepuis ce jour d’un monopole d’interven­tion et de réglementation publiques. Cetteemprise fédérale sur les équipements etles réseaux qui vont structurer l’urbanisa­tion industrielle à Montréal et au Canadasera longtemps un secteur d’action poli­tique stratégique. La création de la Com­pagnie Canadien Pacifique (CP, 1881), lanationalisation de ses concurrents sousla bannière du Canadien National (CN,1919), la construction des quais et desaéroports seront autant de manifesta­tions du pouvoir du gouvernement cen­tral dans l’espace urbain et national.

Un patrimoine important en matièred’infrastructures de transportCet héritage représente aujourd’huipour les Montréalais un patrimoine infra­structurel inestimable et fort, entreautres, de 1850 kilomètres de voies fer­rées utiles au transport des personneset des marchandises, dont les voiesprincipales et trois terminaux intermo­daux de compagnies continentales1, de30 km de quais où transite notammentle quart du trafic maritime conteneurisécanadien, d’une voie maritime donnantaccès aux installations portuaires deSainte­Catherine et de Valleyfield etouvrant à la navigation tout le bassindes Grands Lacs, de trois aéroportsd’envergure et de six ponts franchissantle Saint­Laurent. Ce patrimoine qui,

on le voit, va bien au­delà des pontsChamplain et Jacques­Cartier, est pour­tant la plupart du temps une part oubliéede la contribution publique à la formationde la métropole.

Il faut dire que toute la structure règle­mentaire et organisationnelle qu’avaitéchafaudée le palier fédéral pour accom­pagner un siècle de développementindustriel s’effondre dans les années 1970et 1980 à l’orée de la mondialisation desmarchés. L’encadrement public de cesréseaux et nœuds de transport s’effacealors devant la privatisation et la dérè­glementation, remettant entre les mainsd’organisations plus flexibles et indépen­dantes la lourde tâche d’actualiser cesréseaux d’infrastructures.

Combiné à la rationalisation des réseauxet de la main d’œuvre, cet effacementde l’intervention publique a contribué àimprimer dans l’opinion collective l’idéefausse selon laquelle ces équipements neremplissaient plus qu’un rôle marginal ausein d’une économie et d’une métropolemodernes. Or, cette perception influencenégativement la « valeur politique » inves­tie dans la planification de ces équi­pements. Cette dévalorisation a graduel­lement conduit à un déficit de compétencedes autorités publiques et des aptitudesprofessionnelles autonomes à sa disposi­tion, aptitudes susceptibles d’informer etd’éclairer l’action gouvernementale.

Le rôle centraldes plateformes intermodalesOn reconnaît d’emblée le lien intimequi unit transport et habitat en réfé­rence à la mobilité de l’individu commeen témoigne la multiplication desprojets de TOD dans la région métropo­litaine. Par souci de cohérence logique,il faut aussi reconnaître que les réseauxd’acheminement des biens ont eux aussiun impact direct sur la forme urbaine etson évolution. Le transport oriente aussile développement lorsqu’il est question

des marchandises. Cette prise deconscience apparaît d’autant plus urgenteque les modes de consommation et deproduction qui émergent s’articulentautour de la redéfinition intermodaledes actifs ferroviaires, portuaires etaéroportuaires à l’échelle du globe,redéfinition incarnée par le transportpar conteneurs standards.

La région montréalaise a vu au coursde la dernière décennie se multiplier lesappels à l’investissement public en vuedu développement de projets industrielslogistiques d’envergure. Que ce soitle pôle de Vaudreuil­Soulange, celuide Contrecœur ou le corridor de l’auto­route 30 pour ne mentionner que lesplus ambitieux, ces schémas dépendentcependant d’investissements dans lesplateformes intermodales ferroviairesou portuaires sur lesquelles les pouvoirspublics n’exercent plus aujourd’hui qu’uneinfluence négligeable. Alors même queles instances métropolitaines, conscientesdes enjeux démographiques, économiqueset environnementaux de leur contexted’action ont clairement priorisé la consoli­dation du tissu urbain, une évaluationfroide du discours technique et économi­que portant ces projets est de mise, notam­ment pour ne pas occulter le mouvementspéculatif qu’ils incarnent aussi et quiforcerait le dézonage de plusieurs cen­taines d’hectares de terres agricoles.

L’attention du gouvernement québécoisa repéré ces projets d’équipements péri­phériques nouveaux comme en témoignela « Stratégie maritime » de 2015. Maisl’essentiel des plateformes intermodales,du trafic maritime, ferroviaire et aéropor­tuaire, donc des enjeux d’intégration,sont déjà, et demeureront pour l’avenirprévisible au cœur de l’agglomération etsi rien ne change, dans l’angle mort dela planification métropolitaine et gou­vernementale. C’est une capacité demanutention de trois millions2 d’unitésintermodales qui est déjà installée dans la

» ALEXANDRE LAMBERT

La planification collaborative des réseaux et des infrastructures de juridiction fédérale pourrait fournir l’occasion de renouvelerle partenariat entre le gouvernement du Canada et la métropole québécoise. La région métropolitaine bénéficierait grandementd’un réinvestissement fédéral dans les infrastructures de transport qui serait planifié en collaboration avec tous les acteurs.

1 En plus du CN et du CP opérant dans le centre ouest de l’île de Montréal, CSX, une compagnie de chemin de fer américaine, a inauguré à Valleyfield en 2014 un terminal d’une capacité annuellede manutention de 100 000 unités intermodales.

2 Outre les terminaux intermodaux Taschereau du CN (500 000 unités/année) et de Lachine du CP (250 000 unités/année), le CP opère dans ses installations de Côte-Saint-Luc un terminal dédiéau transport intermodal des semi-remorques (Expressway). Enfin, l’aménagement prochain du terminal Viau portera la capacité du port de Montréal à 2,1 millions de conteneurs par année (EVP). Seulle terminal de CSX ne se trouve pas sur l’île de Montréal.

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région, dont seulement 3,5 % hors de l’îlede Montréal. Cette position centrale com­plexe soumet certes ces activités à la con­gestion ainsi qu’aux conflits d’usage et devoisinage, mais les rend aussi accessiblesà toutes les parties de la métropole et lesmaintient au cœur des plus importantspôles d’emploi de la région.

Une planification collaborative desinvestissements en infrastructuresIl apparaît donc urgent de recadrer l’atten­tion pour planifier et mettre en œuvre unprogramme d’intervention qui fasse lesarbitrages nécessaires entre le partage etl’usage des capacités des réseaux, lemaintien du patrimoine existant et ledéveloppement de nouveaux actifs, entrela mitigation des risques et la mise envaleur des atouts environnementaux,entre l’ambition individuelle de promo­teurs et l’intérêt collectif. Le contrôleexercé sans partage sur ces réseauxd’infrastructures stratégiques par desentreprises et des agences autonomesqui n’ont pas pour mission d’assurer lacohérence globale du développementd’une métropole induit un cloisonnementqui en lui­même est générateur derisques systémiques. L’élaboration d’uneexpertise publique autonome qui fait

actuellement défaut et limite les béné­fices collectifs d’investissements publics,qui seront inévitablement réclamés,passe aussi par une prise de consciencedes professionnels de l’aménagement dela nécessité de reconsidérer ces infra­structures négligées pour favoriser undébat sain et éclaircir les enjeux qui leursont associés.

C’est dans ce contexte que l’on se doitd’admirer la clairvoyance des Pèresde la Confédération, qui ont concentréentre les mains du gouvernement fédé­ral de puissants outils d’interventionsur ces différents réseaux d’infrastruc­ture formant un continuum fonctionnel,aujourd’hui de toute évidence associéà une vague de développement et deredéveloppement urbain à caractèreéconomique. Après 40 ans de désenga­gement dans les domaines des infra­structures de transport alternatif à laroute, la région métropolitaine bénéfi­cierait d’un leadership renouvelé dugouvernement fédéral. Mais commeles réseaux sous son emprise, cetteforce de coordination potentielle pourla planification d’actifs publics ouprivés urbains aussi stratégiques doit,elle aussi, être réactualisée.

L’intégration cohérente et performante desréseaux intermodaux aux fonctions éco­nomiques existantes et potentielles,au développement urbain durable, auxbesoins du transport collectif et de lalogistique régionale et interrégionaleconstitue un projet métropolitain quiinterpelle directement le gouvernementfédéral, qui s’engage par ailleurs actuel­lement dans un vaste programme d’inves­tissement en infrastructures. Montréal,à travers une telle innovation, pourraitvoir rectifier l’iniquité qu’elle a subie parle quasi­abandon du programme desportes continentales, pour lequel l’ouestdu pays a, lui, reçu près de 1,4 milliardde dollars de fonds fédéraux3. La mise enplace d’une telle dynamique concrèted’investissement, qui est la seule suscep­tible de susciter la collaboration de tousles acteurs, constituerait enfin un legs àla hauteur de la contribution historiquede la métropole à l’économie canadienneet le gage d’une prospérité renouvelée,que nos héritiers auront le loisir de célé­brer dans 25 ans. À nous maintenantde le réclamer pour eux.

Alexandre Lambert est détenteur d’une maîtrise en urbanismede l’Université de Montréal et candidat au Ph.D en aménage-ment de cette même université. Ses travaux portent sur lesenjeux urbains des systèmes logistiques.

3 GOUVERNEMENT DU CANADA. L’initiative de la Porte et du Corridor de l’Asie-Pacifique : Investissements. 2015. www.portedelasiepacifique.gc.ca/investissements.html (disponible en ligne)

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L’avenir de la mobilité urbaine

Le métro a changé le visage de Montréal,et 50 ans plus tard, on a de la difficulté às’imaginer la ville autrement. Le réseaude transport collectif s’est agrandi : denouvelles stations et lignes de métro, deslignes de train de banlieue et des garesainsi qu’un réseau d’autobus et de voiesréservées, tout cela constitue maintenantl’offre d’infrastructures de transportdes personnes dans le Grand Montréal.De nouvelles voitures de métro Azur1

ont commencé à remplacer l’équipe­ment actuel.

Les facteurs de mobilitéLes dernières années ont été marquéespar une hausse de l’achalandage dansles transports collectifs. En 2013, lesrésidents de la région métropolitaineont effectué chaque matin2 près de2,5 millions de déplacements, reflétantune hausse de 10,9 % par rapport à 2008(tous modes confondus)3. De ce nombre,47 % des déplacements en période depointe du matin sont réalisés en modesactifs ou collectifs sur l’île de Montréal.

On se déplace de plus en plus dans leGrand Montréal. La mobilité des personnespour la période 2008­2013 est liée à lacroissance de la population de l’ordrede 5 %, à la progression du parc auto­mobile de 11 % et à l’urbanisation descouronnes et des banlieues. Un autrefacteur est l’accroissement de l’emploide façon plus importante à l’extérieurde l’île entre 2001 et 2011, même sile centre­ville de Montréal demeurele principal pôle d’emploi de la région.À l’échelle métropolitaine, le secteurrésidentiel connaît pour sa part unedensification du cadre bâti.

Depuis toujours, les infrastructures detransport ont façonné le développementde Montréal. Le Plan métropolitain d’amé­

nagement et de développement (PMAD),entré en vigueur en 2012, proposed’orienter d’ici 20 ans au moins 40 %

de la croissance des ménages projetéevers des quartiers de type TOD, soit desquartiers en lien avec les pointsd’accès, actuels ouprojetés, du réseaude transport en commun métropolitain.Il est également proposé de faire de cesquartiers des lieux de vie de qualité etd’encourager, entre autres, des inter­ventions visant la mobilité durable. Lasaturation des infrastructures de trans­port limite toutefois le développementde leur utilisation et la capacité derépondre à la demande sans cessecroissante. Les besoins sont immenses.

Les « mobilistes » de MontréalMontréal se distingue par son offre demobilité, mais aussi par le développe­ment de l’intermodalité et de la multi­modalité. Avec son réseau de voiescyclables de 730 km (1280 km prévusen 2020), la ville se situe dans le top 20des villes cyclables4. Depuis 2009, le

réseau de vélopartage BIXI, qui connaîtun franc succès, comprend aujourd’hui5200 vélos et 460 stations réparties sur

le territoire de Montréal, de Longueuilet de Westmount.

Le service d’autopartage Communauto,basé à Montréal depuis 1994, compteplus de 40000 utilisateurs qui se parta­gent un parc de plus de 1350 véhicules.En juin 2013, Communauto a lancé Auto­Mobile, un concept d’autopartage oùles véhicules sont déposés librementdans les rues de certains quartiers dela ville. La société d’autos en libre­serviceCar2go s’est aussi implantée à Montréal.

Montréal a mis en place un cadre permet­tant le déploiement, par l’entrepriseprivée, de véhicules en libre­service100 % électriques. La Ville développeaussi un réseau de bornes de rechargepubliques sur rue dans l’ensemble duterritoire municipal (l’objectif étant de1000 bornes) afin de soutenir l’arrivéedes voitures électriques.

» MARIE-JOSÉE LESSARD, urbaniste

Il y a 50 ans, plus précisément le 14 octobre 1966, le maire Jean Drapeau inaugurait le métro de Montréal, à quelques mois del’exposition universelle de 1967. Ces événements allaient confirmer la place grandissante de Montréal comme ville d’importancedans le monde. Avec un centre-ville dynamique, une croissance démographique et de l’emploi à l’intérieur du Grand Montréal,de nouvelles mobilités prennent forme pour répondre aux attentes des citoyens.

1 Ou MPM-10, acronyme pour « Matériel pneumatique de Montréal 2010 » produit par le consortium formé de Bombardier Transport et Alstom.2 En période de pointe du matin.3 Mobilité des personnes dans la région de Montréal. Enquête Origine-Destination 2013.Document préparé par le Secrétariat à l’enquête Origine-Destination.Voir en ligne :www.amt.qc.ca/Media/Default/pdf/

section8/enquete-od-2013-faits-saillants.pdf4 Voir en ligne : copenhagenize.eu/index/

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Fier partenaire du375e anniversaire de MontréalLe gouvernement du Québec investit dans plusieurs legs durables,véritable héritage pour les générations à venir.

Les avancées technologiques apportentdes solutions innovantes et des change­ments de comportement des citoyens.Les téléphones intelligents ont permis lepartage de voitures, qui connaît un essorexponentiel ici et dans le monde. Unenouvelle génération de covoiturage,par exemple, se déploie par la formationd’équipages en ligne. La géolocalisation,les notifications en temps réel et les paie­ments instantanés sont l’avenir d’unemobilité durable. Montréal, à titre de« Ville intelligente et numérique », sou­tient le déploiement de nouveaux outilsd’information permettant d’optimiserla mobilité des usagers en temps réelsur son territoire. La Ville mettra enplace un corridor d’essai permettantd’effectuer des tests en situation réelleet d’offrir une vitrine commerciale àtoutes les nouvelles technologies.

Les grands défisL’augmentation du nombre de déplace­ments ainsi que les distances et les coûtsdes services nécessitent un nouveau

cadre financier pour le transport collectifet de nouvelles sources de financementpour le développement des infrastruc­tures et l’amélioration des services detransport collectif.

La fragmentation des compétences (entreterritoires, entre types de réseaux etentre modes de transport) et le foison­nement des planifications territorialessont une réalité métropolitaine. La refontede la gouvernance du transport collectifpar la création de l’Autorité régionalede transport métropolitain (ARTM), le20 mai 2016, permettra de clarifier lepartage des responsabilités de naturespolitique, stratégique et opérationnelle,ce qui devrait favoriser un financementplus stable et prévisible.

De plus, en confiant à cet organisme lemandat d’élaborer un plan stratégiquede développement du transport collectiftenant compte du PMAD, on assure quele transport collectif et l’aménagementdu territoire seront désormais indissocia­bles. Il s’agit d’un autre défi à relever, soit

celui de lier les transports et le développe­ment urbain pour proposer des milieuxde vie durables, agréables et fonctionnels.

Finalement, 50 ans plus tard, un nouveauréseau de transport collectif prendraforme à Montréal, soit le Réseau électriquemétropolitain (REM) développé par CDPQInfra, filiale de la Caisse de dépôt etplacement du Québec. Il s’agit d’un seulréseau de système léger sur rail (SLR) de67 km, entièrement automatisé et élec­trique, incluant 24 stations. Prévu pour2020, ce nouveau réseau devrait relierle centre­ville de Montréal, la Rive­Sud,l’ouest de l’Île, la Rive­Nord, et l’aéroportinternational Pierre­Elliott­Trudeau deMontréal. Ajouté aux réseaux de transportexistants (métro, trains et autobus), ilouvrira une nouvelle ère de développe­ment pour le transport collectif dans lagrande région métropolitaine.

Marie-Josée Lessard, urbaniste, est conseillère en mobilité durableà la Ville de Montréal et a occupé divers emplois au Gouvernementdu Québec et au sein d’organismes parapublics notamment enstratégies de développement, transport et environnement.

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L’émergence d’une agriculture périurbaine

Il ressort de diverses consultations enlien avec la planification du développe­ment de la zone agricole que celle­cidoit être considérée comme un patri­moine collectif. Sa fonction nourricièreest fondamentale et doit être encoura­gée de toutes les manières possibles,d’abord au bénéfice de la populationlocale, et pourvu que cela ne constituepas une menace pour la santé et l’envi­ronnement. Les systèmes alimentairesétant de plus en plus complexes etmondialisés, le consommateur a peineà s’y retrouver et exige d’être informésur les aliments, leur provenance et lesmodes de production.

L’environnement et les changementsclimatiques font aussi partie des préoc­cupations soulevées. On y associe uncontexte d’instabilité des marchés quirappelle l’importance d’assurer un appro­visionnement alimentaire local sécuri­taire et diversifié. On s’attend aussi à ceque l’agriculture assume des fonctionscomplémentaires à la production ali­mentaire : améliorer le cadre de vie descitadins, soutenir des activités connexescomme le tourisme, maintenir voireaméliorer des milieux naturels, etc. C’estdans ce contexte que la Communautémétropolitaine doit développer unprojet agricole périurbain durable.

Les limites et les possiblesL’espace agricole périurbain est un micro­cosme où se concentrent plusieurs enjeuxde l’agriculture en général : cohabitationavec une population à la fois sensibleet déconnectée de la réalité agricolemoderne; morcellement du territoire;pression pour « dézoner » des lotsagricoles et les détourner vers desfonctions plus lucratives à court terme;abandon de l’agriculture laissant placeà des friches coûteuses à remettre en

culture; présence de milieux naturelsfragiles à protéger; contraintes légaleset réglementaires mal adaptées à laréalité agricole périurbaine; difficultépour la relève agricole d’accéder à lapropriété agricole.

Cela dit, le territoire agricole métropoli­tain jouit d’atouts inégalés en matièrede terroir : sols de grande qualité, topo­graphie plane, climat favorable, présenced’un bassin exceptionnel de consom­mateurs ouverts à accueillir une multi­tude de produits agroalimentaires etagricoles. On peut dès lors imaginerl’émergence d’un projet collectif trèsstructurant pour la population métropoli­taine et pour l’ensemble de l’agriculture.

Vitrine d’une agriculture renouveléeEn matière de production alimentaire,l’agriculture périurbaine n’est pas detaille à se mesurer aux régions ruralesreconnues pour leur grande capacitéde production. Avec ses espaces deproduction parfois très limités, l’agri­culture périurbaine se prête avanta­geusement à des modèles de fermespeu répandus au Québec : microfermesœuvrant seules ou en coopératives,partageant équipements, ruches, bâti­ments et main­d’œuvre. Elle se prêteaussi à des productions agricoles avectransformation à la ferme de produits raf­finés : vins, bières, cidres et autres alcools.

Parce qu’une agriculture, pour être rési­liente, doit être plurielle, c’est­à­dire

» PASCALE TREMBLAY

Entré en vigueur en mars 2012, le Plan d’aménagement et de développement (PMAD)1, qui dresse les lignes directrices du dévelop-pement durable du territoire du Grand Montréal sur un horizon de 20 ans, préconise une augmentation de 6 % de la superficiedes terres cultivées d’ici 2031. Ce plan fixe aussi les objectifs de protéger 17 % du territoire et d’atteindre un seuil minimal de 30 %pour le couvert forestier à l’échelle métropolitaine. Ce sont des objectifs très ambitieux qui sollicitent particulièrement la zoneagricole. Dans ce contexte, quel avenir peut-on imaginer pour l’agriculture périurbaine métropolitaine ? Quelle est sa vocation,sa place sur l’échiquier agricole et agroalimentaire du Québec ?

1 Voir sur le site de la CMM : cmm.qc.ca/champs-intervention/amenagement/dossiers-en-amenagement/agriculture/

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Plantation à Saint-Bruno-de-Montarville

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accueillir des fermes de toutes tailles.L’implantation de complexes de serreshautement technologiques spécialisésdans des produits à hautes valeurs ajou­tées (micropousses, légumes biologiques,fleurs, végétaux pour usages pharmaceu­tiques) est une option à étudier.

La juxtaposition de lots agricoles et demilieux naturels constitue à certainsendroits un frein majeur au développe­ment de modèles agricoles tradition­nels. Dans un contexte périurbain, celapeut offrir la possibilité de développerl’écotourisme ainsi que l’interprétationdes écosystèmes en milieu agricole,tout en permettant de créer des corridorsforestiers à vocation nourricière (fruits,champignons et autres).

Pour être viables dans un tel environ­nement, les modèles agricoles devront

toutefois répondre aux standards envi­ronnementaux les plus élevés. Des pansde la zone agricole périurbaine pour­raient ainsi devenir un haut lieu qué­bécois de l’agriculture écoresponsableet de la protection de la biodiversité enmilieu agricole; un laboratoire in vivode la mise en application d’approchesagronomiques innovantes faisant appelnotamment à la production biologiqueintensive, à la permaculture, au semisdirect permanent, à l’agriculture raison­née et à l’usage réduit d’intrants deproduction comme les pesticides. C’estdans cette optique que l’agglomérationde Longueuil a proposé, il y a quelquesannées déjà, le projet ÉcoTerritoire 212.Ce projet met de l’avant un modèleagricole adapté au contexte prévalantdans un bassin versant dégradé et viseà démontrer scientifiquement qu’il est

possible de remettre en culture desterres en friche tout en minimisant lesimpacts sur l’environnement.

Un tel modèle présente aussi l’avantagede générer des paysages intéressants etinvitants pour les citoyens urbains, et lesMRC les reconnaissent comme étant unevaleur ajoutée de l’agriculture. La MRC deVaudreuil­Soulages procède ainsi à uninventaire des bâtiments et des paysagesagricoles ayant une valeur distinctivepour favoriser leur préservation, maisaussi afin qu’ils fassent partie intégrantede l’offre touristique du territoire.

Les citadins demandent une agricultureplus accessible, plus transparente. Lazone agricole périurbaine peut doncsatisfaire ces attentes et faire école.L’implantation de plusieurs marchéspublics sur le territoire métropolitain est

2 Voir sur le site de Longueuil : www.longueuil.quebec/fr/agriculture

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La ferme Le Chamboisé, Ville de Longueuil

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MONTRÉAL Grand Montréal : une coopération régionale renforcée

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Le système alimentaire montréalais4

À la suite d’un important exercice de concertation des organisations montréalaises locales, régionaleset nationales, l’agglomération de Montréal se dotait, en 2015, d’un Plan de développement du systèmealimentaire montréalais (SAM) 2025 et d’un Plan d’action SAM 2014­2016. Montréal s’inscrit ainsidans un courant international où les villes reconnaissent leur rôle pour offrir une alimentation diversifiée,de proximité et abordable dans une perspective de développement durable.

Le SAM repose sur l’interaction entre des secteurs d’activité économique – production, transformation,distribution, consommation – et un ensemble d’enjeux touchant notamment les technologies (dont lestechnologies « vertes »), la recherche et la solidarité sociale, impliquant des acteurs des milieux communau­taires, coopératifs, institutionnels et privés. Chaque interaction entre ces maillons du SAM a un impactsur la santé d’une collectivité et sur les milieux de vie.

Les objectifs du SAM consistent à enrichir l’offre alimentaire montréalaise, à réduire l’empreinte écologiquedu système alimentaire, à favoriser l’accès à une saine alimentation, à promouvoir la saine alimentation età renforcer le maillage régional.

Plusieurs projets sont en cours, portés par les organisations membres du Comité des partenaires du SAM.Certaines actions visent à soutenir le développement de l’agriculture urbaine et périurbaine ainsi qued’autres initiatives plus locales, de même qu’à favoriser l’accès physique à une saine alimentation, vuecomme un déterminant de la santé. À titre d’exemple, face aux quartiers qualifiés de « déserts alimentaires »,des dépanneurs se mobilisent pour devenir de nouveaux points d’accès en alimentation saine appelés« Dépanneurs Fraîcheur ». Ce projet permet aussi à des entreprises d’économie sociale de consolider leurréseau de distribution. Il s’agit pour l’instant de projets­pilotes, qui devraient ultérieurement s’étendreà l’ensemble de l’île de Montréal afin d’impliquer davantage de commerçants et d’organismes.

4 Le présent texte est largement inspiré de l’article de Ghalia Chahine « Le système alimentaire montréalais : première planification stratégique alimentaire régionale »,Urbanité, hiver 2016, p. 38.

» MARIE-JOSÉE LESSARD, urbaniste

une autre façon de créer une interfaceentre les citadins et les agriculteurs etdonner un signal clair à ces derniers quela population locale souhaite participeràla prospérité de leur ferme.

Mettre en placedes conditions favorablesPour atteindre les objectifs fixés par lePMAD et réaliser cette vision de ceintureverte à la fois cultivée, habitée et préser­vée, des changements profonds sontnécessaires. Dans certains secteurs, celanécessitera une réappropriation desterres en friche, morcelées sous l’effetde la spéculation.

Les parcelles déstructurées ne permet­tent pas d’accueillir des projets indivi­duels ou collectifs structurants. De plus,un assouplissement du Règlement surles exploitations agricoles3 est requis, caril limite significativement la possibilité

de développer des projets d’agriculturediversifiée, et ce, même lorsqu’ils sontécoresponsables. Ce processus exigeraaussi, de la part des MRC et des agglo­mérations touchées, des stratégies deremembrement et un engagement deplusieurs années. À titre d’exemple,le Plan de développement de la zoneagricole de Laval fait du remembrementun de ses neuf projets prioritaires. Toutaussi important afin d’assurer la péren­nité de l’agriculture périurbaine, il fautgarantir que ces lots, qu’ils soient de pro­priété publique ou privée, conservent leurvocation agricole, indiquant ainsi claire­ment que la zone agricole n’est pas enattente d’être construite.

Certaines entreprises agricoles ne requiè­rent que de petites superficies pourassurer leur viabilité économique. L’orga­nisation du territoire et la Loi sur laprotection du territoire et des activités

agricoles doivent prendre en comptecette réalité et assouplir les règles. Lemarché et les attentes de la société ontévolué, l’agriculture doit s’y adapter.

L’agriculture métropolitaine a la possibili­té de se démarquer des autres en deve­nant l’espace privilégié pour l’émergenced’une « autre agriculture » résolumenttournée vers le savoir et l’acquisitionde connaissances et être le haut lieu del’innovation agricole en matière de santé,d’environnement et de mieux­être. Enmisant sur ces valeurs, l’agriculture péri­urbaine peut se voir reconnaître un rôlequi lui est propre, complémentaire à celuide l’ensemble du territoire agricole.

Pascale Tremblay, agronome, est commissaire au développe-ment agricole et agroalimentaire de la MRC des Maskoutains.Elle a notamment été responsable des dossiers agricoles etagroalimentaires à la Ville de Longueuil et elle a siégé à titrede commissaire à la Commission sur l’avenir de l’agricultureet de l’agroalimentaire du Québec (Commission Pronovost).

3 Voir l’article 50.3 du Règlement sur les exploitations agricoles : legisquebec.gouv.qc.ca/fr/ShowDoc/cr/Q-2,%20r.%2026

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La PrairieUn ensemble patrimonial de portéemétropolitaine et des milieuxnaturels à préserver

LavalLe redéveloppement d’uncentre­ville habité et animé parune activité économique et culturelleà portée métropolitaine

RepentignyL’importance du fleuve et la miseen valeur de plages et d’accèsà des fins récréatives

69URBANITÉ | HIVER 2017

LA PRAIRIE

Mettre en valeur l’histoire et les milieux naturels

L’originalité et la richesse des 82 municipalités qui composent le Grand Montréal offrentun cadre de vie exceptionnel. Il s’agit d’un archipel unique, composé de territoires urbains,d’environnements bâtis et naturels, d’attraits récréotouristiques et patrimoniaux ainsi quede paysages et de milieux de vie qui participent à l’identité et à la vitalité de la région.

L’histoire qui caractérise ces différents territoires municipaux est intimement liée àcelle de Montréal. Leur développement et leurs particularités propres constituent deséléments identitaires pour la région.

Quelques­uns de ces territoires comme La Prairie, Laval et Repentigny présententces différents visages qui façonnent la région métropolitaine. Nous verrons quelssont les gestes d’aménagement passés, présents et futurs qui caractérisent ces com­munautés et les défis de planification et d’aménagement du territoire.

Par sa position stratégique, La Prairiefut longtemps un lieu de passage entrela rivière Richelieu et le fleuve Saint­Laurent, et ce, bien avant l’arrivée despremiers colons. Plusieurs sites archéolo­giques ont révélé la présence de campe­ments amérindiens préhistoriques. C’estd’ailleurs pour cette raison que lesJésuites y ont établi une mission amérin­dienne en 1667. Le caractère humidedes terres les obligea quelques annéesplus tard à déménager la mission dans laseigneurie voisine du Sault–Saint­Louis1.La position géographique de La Prairie enfaisait également un lieu de défensecontre les Iroquois et les Anglais. C’estpourquoi l’endroit fut fortifié en 1687.Cette fortification a pendant longtempsinfluencé le développement du village.

Le début de l’ère industrielle eut desrépercussions majeures sur le dévelop­pement de La Prairie. L’industrie maritime,la construction du premier chemin defer au Canada et les briqueteries procu­rèrent du travail à la population, maisle développement urbain restera limité.Ce n’est qu’après la construction du pontChamplain et du réseau autoroutier queLa Prairie se développera comme unebanlieue traditionnelle d’après­guerre.

Aujourd’hui, 44 % des Laprairiens serendent chaque jour sur l’île de Montréalpour aller travailler.

Protection du patrimoineet des espaces naturelsLa valeur historique, architecturale eturbanistique du Vieux­La Prairie futreconnue dès 1975 par son classementcomme Site patrimonial déclaré, quicorrespond à l’emplacement de la mission

des Jésuites, du fort de La Prairie ainsique du vieux bourg. En 2015, soit 40 ansplus tard, le ministère de la Culture etdes Communications a élaboré un plande conservation rendu nécessaire envertu de la nouvelle Loi sur le patrimoineculturel. Ce plan présente les orientationsen vue de la préservation, de la réhabili­tation et de la mise en valeur du site.Le Vieux­La Prairie est également recon­

» MARIE-JOSÉE LESSARD, urbaniste

» JEAN-PHILIPPE LOISELLE-PAQUETTE, urbaniste

En 2017, La Prairie fêtera son 350e anniversaire dans l’ombre de Montréal. Alors que les projecteurs seront braqués sur la métropole,de l’autre côté du fleuve, La Prairie aura à faire découvrir, elle aussi, la riche histoire de son territoire qui a débuté en 1667.

1 BOURDAGES, Gaétan. La Prairie : Histoire d’une ville pionnière. Éditions Histoire Québec, 2013, 476 pages.

NOYAUX URBAINS DE LA RÉGION

Des projets inspirants

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Les festivités du 350e

se dérouleront toutau long de l’année 2017

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MONTRÉAL Grand Montréal : une coopération régionale renforcée

URBANITÉ | HIVER 201770

nu par la Communauté métropolitaine deMontréal comme ensemble patrimonialde portée métropolitaine.

Le tissu urbain à l’extérieur du Vieux­La Prairie et de son faubourg est carac­térisé par un développement exécutépar phases, puis ponctué d’espaces verts.Parmi ceux­ci, 22 parcs et 11 espaces vertspermettent à la population un accès àla nature2. D’ailleurs, le parc du Maraisde La Prairie est né d’un long processusde conservation pour veiller à la protec­tion des espèces fauniques uniques à larégion. Plusieurs initiatives et mesuresont été mises en place pour le maintienet l’amélioration de l’habitat de la rainettefaux­grillon de l’Ouest.

En 2015, la Ville de La Prairie a terminéune démarche de consultation menant àson premier Plan stratégique de dévelop­pement durable. Cette démarche a permisà la population de donner son point devue et de proposer des pistes d’actionssur 13 thèmes liés aux enjeux environne­mentaux, sociaux, économiques et patri­moniaux. La communauté de La Prairie

doit maintenant mettre en application lesprincipes énoncés dans ce plan.

Enjeux futurs et défis de planificationLa municipalité s’inscrit dans le GrandMontréal comme bien d’autres municipa­lités de la couronne urbaine avec desdéfis de redéveloppement, de mobilitéet de préservation des milieux naturels.

Bien que des efforts soutenus soientfournis pour préserver l’environnement,la protection des milieux naturels demeu­rera un enjeu majeur dans le futur. Com­parativement à plusieurs municipalitésde la région métropolitaine, le territoire deLa Prairie possède encore de nombreuxsecteurs boisés. La rivière Saint­Jacquesest également considérée par certainscomme la dernière rivière encore à l’étatnaturel du grand Montréal. C’est pour­quoi la ville vise à protéger 25 % deson territoire3.

Dans les prochaines années, La Prairieaura également à faire face à certainsenjeux dans son développement urbain,notamment dans le développement deson aire TOD à proximité d’un boulevard

Taschereau en transformation. La con­gestion anticipée par les grands chantiersroutiers dans la région métropolitaineaffectera inévitablement la population,qui se déplace encore beaucoup versMontréal. Des solutions efficaces devrontêtre offertes aux citoyens. La gratuitédes circuits locaux du CIT Richelain estd’ailleurs un pas dans la bonne direction.

La Prairie compte aujourd’hui plus de24000 habitants. Même si son dévelop­pement a toujours été lié à celui deMontréal, à travers le temps, elle a su sedistinguer, notamment grâce à une richehistoire et à un développement urbainbien pensé. C’est pourquoi il est impor­tant de souligner l’évolution de cette villeau cours des derniers siècles et de décou­vrir les projets inspirants de cette com­munauté qui a su maintenir une identitéforte dans une région métropolitaine oùl’attention était souvent mise sur laville de Montréal.

Jean-Philippe Loiselle-Paquette, urbaniste et membre ducomité de développement durable de La Prairie, travaille à laMRC de Roussillon.

2 VILLE DE LA PRAIRIE. Politique familiale actualisée : À La Prairie, on pense et agit famille et aînés, 2012.3 INNOSPHÈRE. Plan stratégique de développement durable de la collectivité de La Prairie. Ville de La Prairie, 2015, p. 23.

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Le Vieux-La Prairie comporteune importante concentration

de bâtiments anciens.

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71

LAVAL

Renforcer la centralité du cœur de la ville

En 1970, l’urbaniste Claude Langloissigne un premier schéma directeurd’aménagement5. La création d’uncentre­ville de 882 acres est proposéepour répondre aux besoins de la popu­lation actuelle et prévisible.

Le bilan d’aménagement en 2016Le projet actuel de schéma d’aménage­ment et de développement trace un bilande cette première mouture de l’aména­gement du centre­ville : « La majoritédes bâtiments présentent une implan-tation pavillonnaire et sont entourésd’espaces de stationnement de surface.Ce mode d’implantation a pour consé-quences un faible taux d’occupation dusol et un effet peu structurant pourle secteur, en plus de créer des îlotsde chaleur importants et de former unmilieu peu propice aux déplacementsdes piétons et des cyclistes. Une grandeproportion du cadre bâti est constituéede bâtiments commerciaux et indus-triels de grande superficie et de faiblehauteur. […] Plusieurs terrains vacantsdemeurent disponibles au dévelop-pement. L’ensemble du centre-ville estfortement minéralisé, les espaces vertssont rares et le verdissement des voiespubliques est très limité. » En fait, unmilieu typique des zones commercialesde banlieue au Québec.

Le défi d’aménagement,un centre-ville multifonctionnel,attractif et performantLa ville souhaite passer à une autreétape d’aménagement de son centre­ville, en le voulant plus dense, habitéet animé par une activité économiqueet culturelle à portée métropolitaine,tout en en faisant un lieu d’éducationmétropolitain reconnu.

» SERGE VAUGEOIS, urbaniste

Les ambitions pour le centre-ville de Laval retiennent l’attention. Dans le premier projet de schéma d’aménagement et de développementrévisé4, rendu public en avril 2016, le centre-ville a vocation de devenir un lieu identitaire pour les Lavallois et de rayonner à l’échelle métro-politaine.Cette nouvelle phase de mise en œuvre du centre-ville en fera un territoire multifonctionnel, attractif, dynamique, convivial et animé.La vision est axée sur la transformation et la consolidation du centre-ville planifié il y a presque cinquante ans.

4 www.laval.ca/Documents/Pages/Fr/Citoyens/participation-citoyenne/schema-amenagement-developpement-revise-1er-projet.pdf5 VILLE DE LAVAL. « Annexe C au Règlement L-2000 », Schéma directeur d’aménagement, Laval, 1970, pp. 249-318.

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Ensemble résidentiel de fortedensité situé au centre-villede Laval, avec de nombreuxcommerces de proximitéaccessibles à pied.

URBANITÉ | HIVER 2017

« Pour ce faire, différents moyens d’action serontmis de l’avant pour le centre­ville, notamment :

une planification particulière, un plan desdéplacements, une stratégie visant à prioriserles investissements municipaux, une stratégie

de gestion de l’offre de stationnement, unestratégie immobilière pour stimuler le développement

et un programme de verdissement par la plantationd’arbres et de végétaux, ainsi que la création

d’espaces verts et de places publiques. »

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MONTRÉAL Grand Montréal : une coopération régionale renforcée

URBANITÉ | HIVER 201772

Pour ce faire, différents moyens d’actionseront mis de l’avant pour le centre­ville, notamment : une planification par­ticulière, un plan des déplacements, unestratégie visant à prioriser les investisse­ments municipaux, une stratégie degestion de l’offre de stationnement,une stratégie immobilière pour stimulerle développement et un programme deverdissement par la plantation d’arbreset de végétaux, ainsi que la créationd’espaces verts et de places publiques.Des partenariats seront établis avec di­vers acteurs pour contribuer à la miseen œuvre de la planification particulièredu centre­ville. Un comité regroupant lesprincipaux acteurs de ce territoire estd’ailleurs déjà en place. Des évènementsmajeurs susceptibles d’affirmer le carac­tère identitaire et le rayonnement deLaval seront soutenus par l’administra­tion municipale. Autre élément d’intérêt,certaines artères urbaines seront réamé­

nagées afin d’améliorer la connectivitéinterne du centre­ville et de cheminervers une mobilité durable. Divers équipe­ments publics seront implantés, notam­ment un centre d’exposition, un complexeaquatique, une bibliothèque centrale etun centre de création artistique. Une villeproactive qui ira donc de l’avant avecdes investissements publics de près de175 millions de dollars à court terme pourle centre­ville. De plus, une équipe defonctionnaires est entièrement dédiéeaux grands projets urbains, dont ceuxdu centre­ville.

Une effervescence particulièreautour de la station de métroMontmorencyDepuis son ouverture en 2007, la stationde métro Montmorency attire des inves­tissements. Des projets d’une valeur deprès d’un milliard de dollars sont envoie de se concrétiser. La deuxièmephase du complexe résidentiel Urbania

est en construction avec six bâtimentsqui compteront près de 1200 nouveauxlogements, commerces et bureaux.La construction de la Place Bell, unvaste complexe sportif et culturel, seterminera en 2017. L’Espace Montmo-rency, annoncé en 2015, comptera plusde dix bâtiments, incluant bureaux,chambres d’hôtel, cafés, boutiqueshaut de gamme, restaurants et spas.

Enfin, le schéma d’aménagement et dedéveloppement révisé qui sera adoptéen 2017 proposera une transformationharmonieuse et durable du centre­ville,pour faire de Laval une ville incontour­nable dans les centres d’intérêt duGrand Montréal.

Serge Vaugeois, urbaniste, est détenteur d’une maitrise enaménagement du territoire et développement régional del’Université Laval et d’une maîtrise en Montage et gestion deprojets de l’Université de Montréal. Après avoir travaillé dansl’entreprise privée et dans divers ministères du gouvernementdu Québec, il est maintenant consultant au sein de l’entrepriseEnviro 3D Conseils.

LAVAL.CA

Découvrez un centre-ville accessible et durable

où les citoyens sont au cœur d’une planification

intégrée et à l’échelle humaine.

UNE VILLE EN PLEINETRANSFORMATION

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73URBANITÉ | HIVER 2017

REPENTIGNY

La relation ville, fleuve et métropole

De juin à septembre, la navette fluviale« Le Fleuve à vélo » vient unir les citoyensde trois municipalités riveraines. Unbateau emprunte chaque jour les eauxdu fleuve Saint­Laurent en s’arrêtantau parc de la Commune à Varennes,puis au quai de la maison Beaudry situédans l’arrondissement de Rivière­des­Prairies–Pointe­aux­Trembles, pour fina­lement se rendre au parc Saint­Laurentà Repentigny. Les citoyens peuventainsi découvrir les beautés du coursd’eau et profiter des attraits récréotou­ristiques et patrimoniaux.

À Repentigny, l’ambition portée par le« Fleuve à vélo » est de valoriser le parc­plage Saint­Laurent, et ce, à l’échelledu territoire métropolitain en animantle site pour les excursionnistes. Ce projetrépond aux intentions de la Trame verteet bleue du Grand Montréal : augmen­tation des points d’accès à l’eau àdes fins récréatives, développement duréseau cyclable et du réseau navigablemétropolitain et multiplication des pointsde contact entre ces deux réseaux.

La navette fluviale est venue intensifierla mise en réseau de trois municipalitésgrâce à l’ouverture d’une nouvelle voiede communication à même le fleuve.Et Repentigny a compris que le thèmede la relation urbaine avec l’eau est l’undes plus féconds de la région métropo­litaine. D’ailleurs, une autre initiativey est née pour mettre en valeur sonpotentiel récréatif naturel. Réaliséeen partenariat avec la Communautémétropolitaine de Montréal (CMM), laconversion du parc Saint­Laurent enun véritable parc­plage s’inscrit dansune volonté municipale de se réappro­prier le fleuve, l’eau et les berges. Identi­fié au Plan directeur d’aménagement desberges Vent et plages : vision 2012-2032de la Ville de Repentigny, ce projet nova­

teur redonne aux citoyens des espacesriverains. Que ce soit pour la pratiqued’activités récréatives en rive, l’obser­vation du fleuve à même un nouveaubelvédère ou simplement la détente surl’espace plage, ces aménagements con­tribuent à la vitalité et à l’attractivité ducentre­ville. La CMM a contribué au finan­cement de ce projet de parc­plage en yassumant les deux tiers des dépenses.

Ce nouveau parc­plage n’enlève rienaux autres parcs riverains, tel le parc del’Île­Lebel, situé en plein centre­ville eten bordure du Saint­Laurent. Ce lieuunique, qui permet un foisonnementd’activités festives, accueille une pro­grammation riche en nature et enhistoire, ayant comme trame de fond lepaysage fluvial métropolitain.

L’eau est donc présente dans les as­pects variés de la vie repentignoise.

Ainsi, on assiste non seulement à uneévolution des pratiques aménagistes eturbanistiques, mais aussi à une évolu­tion dans les rapports nature/culture.

Avec son nouveau plan d’urbanisme,Repentigny a fait de la reconquêtedu fleuve l’un des principaux axes desa stratégie de développement urbain.Les quartiers en périphérie du parc­plageSaint­Laurent constituent d’ailleurs unformidable terrain d’avenir. Mixité,diversité et redéveloppement durableguident la réflexion pour faire de la rueNotre­Dame un véritable potentiel dedensification urbaine, mais aussi uncorridor ouvert sur le fleuve. Le parc­plage est un geste significatif en cesens, d’autres sont à venir.

Chantal Deschamps est mairesse de la Ville de Repentignydepuis 1997 et membre du comité exécutif de la Communautémétropolitaine de Montréal. Elle est récipiendaire du PrixJean-Paul L’Allier 2016 de l’Ordre des urbanistes du Québec.

» CHANTAL DESCHAMPS

Le 375e de Montréal projette nos regards sur le fleuve, véritable autoroute maritime, qui joue encore aujourd’hui un rôle de premierplan dans l’économie, le tourisme, la culture et les loisirs de la communauté métropolitaine. À « Repentigny-les-Bains », l’histoirea su mettre en relief un lieu de villégiature privilégié par les Montréalais durant plusieurs décennies. Aujourd’hui, l’accès à l’eau enterre repentignoise se renouvelle. Repentigny retrouve son usage « balnéaire » avec un accès au fleuve modernisé... pour que l’eaudevienne un véritable élément liant.

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La navette fluviale, une occasion unique de découvrir les beautés du fleuve et le patrimoine historiquedes villes de Repentigny et de Varennes et de l’arrondissement Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles.

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74 URBANITÉ | HIVER 2017

LE MONTRÉAL DE DEMAIN

Mieux planifier pour une ville meilleure

Plusieurs auteurs ont répondu à notreinvitation d’écrire un article sur lesgestes d’urbanisme qui ont façonné ledéveloppement de Montréal et de sarégion. Pour le Montréal de demain,quels seront les principaux défisurbains à relever?D’entrée de jeu, le défi identitaire s’im­pose. « Montréal n’est pas une capitale.Elle ne jouit ni de l’intérêt particulier sus-cité par ce rôle, ni des budgets alloués àsa mise en valeur et à son embellisse-ment, ni des avantages de la proximité dupouvoir décisionnel des gouvernementssupérieurs ». « Il faut se rappeler queMontréal a été la porte d’entrée del’Amérique pour les Européens et qu’ellepossède des racines françaises et unimportant héritage bâti britannique quifaçonnent ses appartenances et sonidentité ». « Elle se situe à la confluencede grandes cultures européennes et del’ère des métropoles modernes ».

Cela pose également le défi de la muta­tion fonctionnelle : le passage de métro­

pole industrielle du Canada à ville de ser­vices et le legs des bâtiments industrielsque l’on transforme en d’autres usages.« Comme d’autres villes, Montréal vit unecrise du domaine civique : la vocationfuture des églises, la transformationdes vieux hôpitaux, les infrastructurespubliques, etc. ».

Les panélistes mentionnent aussi le défid’un lieu du vivre­ensemble et de ladiversité. « Qu’est-ce qui fait justementqu’une métropole est capable de concen-trer beaucoup de personnes, de croître,d’accueillir des activités économiques,des diversités culturelles et sociologi-ques ? Comment donne-t-on accès auxemplois, à l’éducation et à la richesse decette métropole ? Cela met en causel’équité sociale, le droit à la ville et notrecapacité à pouvoir jouir de cette ville. »Dans ce contexte, comment l’organisationdes déplacements et l’aménagementdu territoire métropolitain peuvent­ilsfaciliter cet accès?

La croissance de l’emploi s’avère aussi undéfi important : « Montréal n’a pas unecroissance économique de grande effer-vescence. Elle est passée d’une villeindustrielle à une ville de services etactuellement, on tente de développer dessecteurs économiques par des grappesindustrielles entre autres dans les domai-nes de l’aérospatial, des sciences de lavie, des services financiers, des technolo-gies propres. Il faut soutenir ces grappes,les stimuler pour que Montréal se posi-tionne par rapport à d’autres villes. »

Le défi démographique : « Il faut encoura-ger l’immigration, attirer des gens qua-lifiés ou des jeunes qui se qualifierontet les intégrer au marché de l’emploi ».Les panélistes sont d’avis que l’on doitsoutenir la créativité et l’innovation, misersur les facteurs de succès que sont laqualité des universités, le transfert desconnaissances vers des start-up, le nom­bre de brevets liés à la recherche univer­sitaire, la mise en marché des projets, etc.« L’immigration c’est la créativité! »

» TABLE RONDE ANIMÉE PAR MARIE-JOSÉE LESSARD, urbaniste – AVEC DINU BUMBARU, FÉLIX GRAVEL, urbaniste-stagiaire,FLORENCE PAULHIAC SCHERRER, MARTINE PHILIBERT, urbaniste ET LORAINE TELLIER-COHEN, urbaniste

Dans le cadre de son numéro consacré au 375e anniversaire de Montréal, Urbanité a invité cinq personnalités reconnues dansleur milieu professionnel à venir échanger sur le futur de Montréal et à identifier les voies d’avenir pour le développement de la ville.Pour lancer le débat, Urbanité avait proposé préalablement les thèmes suivants : la ville « consciente/éveillée » (histoire, patrimoine,mémoire des lieux), la ville « accessible » (mobilité, forme urbaine, transports urbains), la ville « innovante » (développement immobilier,ville intelligente), la ville « saine » (environnement, participation) et la ville « créative » (design, architecture, métropole culturelle).Les panélistes invités ont bien voulu se prêter à l’exercice en échangeant à partir des questions qui suivent. Leurs propos, qui ontapporté beaucoup d’éléments de réflexion et d’idées enrichissantes, font l’objet d’une présentation non nominative.

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Le rayonnement de MontréalSi Expo 67 a fait connaître Montréal sur la scène internationale,bien d’autres facteurs y ont contribué depuis, notamment surles plans de la culture et du design. S’ajoutent maintenantles innovations technologiques et l’intérêt du « modèlemontréalais » en matière d’urbanisme.

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75URBANITÉ | HIVER 2017

Enfin, le défi de l’excellence s’imposepour réaliser le meilleur dans les dyna­miques urbaines, économiques, sociales,environnementales et culturelles. « Ledéfi est de réaliser des lieux de vie dequalité où des entreprises vont vouloirs’implanter et où des gens vont vouloirvivre. » Et comment réduire la dépen-dance à l’automobile? « Le double défipour l’action publique dans ce domaineest de trouver de nouvelles formes urbai-nes, de nouvelles façons d’aménagerl’espace, tout en répondant aux besoinsdes familles, des jeunes, des personnesâgées... et en favorisant de nouvellesmobilités quotidiennes. »

Quels sont les secteurs d’innovationsurbaines qui différencient Montréald’autres villes et que penser du rôledes nouvelles technologies urbaines?« Du fait de son emplacement géogra-phique et de son histoire, déjà sous lerégime français, Montréal était une villede transaction où il fallait constammentnégocier et non une ville de pouvoir d’Étatcomme Québec. » « L’innovation sociale atoujours été importante à Montréal etremonte même au XIXe siècle. On a déve-loppé beaucoup de façons de faire. Il y aeu des débats, des pétitions — le MontRoyal a été sauvé par les citoyens dèsle XIXe — l’Office de consultation publiquede Montréal a formalisé la participationpublique. Il y a maintenant des initiativescitoyennes et des formules spontanéesdans les quartiers. Il faut peut-êtrerepenser à ce capital d’innovation quenous avons. » La démocratie locale estune innovation. « Montréal est perçue pard’autres métropoles comme un labora-toire vivant de la participation publique ».

« Dans le domaine de l’aménagement duterritoire, on est conscient des enjeux liésau développement durable et on tente d’yrépondre. L’adoption du Plan métropoli-tain d’aménagement et de développe-

ment (PMAD) de la Communauté métro-politaine de Montréal en 2012 est uneréussite de ce point de vue; les TOD parexemple, ces quartiers denses et mixtesdéveloppés autour des gares sont desinnovations très fortes. Il en est de mêmepour la nouvelle gouvernance régio-nale des transports qui se met en place. »« Par ailleurs, Montréal possède une per-sonnalité distincte qu’alimentent notam-ment sa densité d’habitat, son utilisationdu transport en commun et du véloainsi que la qualité de vie de son centre-ville habité. » « Il y a un héritage trèsintéressant et un acquis. Il faut se servirde ce capital et l’amener encore plusloin et mettre en œuvre de nouvellespolitiques urbaines. »

On se demandait à l’époque commentanimer une ville! On a bien réussi : lesfestivals, l’animation des espaces publics,les activités qui s’y déroulent; ce sont desindicateurs du rayonnement d’innova­tion de Montréal. « Toutefois, cela peutocculter notre intérêt pour le plus solide,le bâti, l’ornementation, on pense fairedes images maintenant et on n’a plusbesoin de construire ! C’est le règnede l’éphémère. »

L’Internet des objets (Internet of things) sedéveloppe et fait partie intégrante de cetterévolution numérique. Montréal se posi­tionne comme Ville intelligente, mais lesinnovations mettent du temps à se concré­tiser, entre autres, dans les systèmes detransport intelligents (messages en tempsréel aux passagers). Les technologies auservice de qui et pourquoi? Les panélistessont d’avis qu’il faut débattre de ces ques­tions. « Il y a des technologies urbaines etdes technologies pour les urbains ».

Quel est votre regard sur le développe-ment futur du Grand Montréal en fonc-tion des enjeux d’aménagement urbain?Les interventions des panélistes ont portésur le développement du Grand Montréal,

l’aménagement urbain du centre et deses banlieues, l’importance de se doterd’un espace démocratique métropolitainet de faire de Montréal une ville pourtous, notamment par le soutien aux expé­riences de réappropriation de la rue. Toutcela exige une vision claire et de l’ambi­tion tant du côté des gouvernements quedes acteurs municipaux.

Grâce à une prise de conscience collec­tive et l’encouragement de la population,la région métropolitaine s’est donné unevision de développement avec le PMAD et« il faudrait maintenant avoir le couragede s’attaquer aux enjeux de qualité d’amé-nagement. On devrait se donner une iden-tité métropolitaine et entreprendre uneréflexion collective sur l’utilisation desespaces publics centraux et inversement,on devrait collectivement réfléchir audevenir de la banlieue, son réaménage-ment ». Il faut que l’on arrête d’opposerles gens qui vivent dans des quartierscentraux et ceux qui vivent en banlieue.« La métropole est majoritairementcomposée d’une population suburbaine.On devrait débattre de ces questionsensemble et faire des espaces publics dequalité. » Par exemple, il faut discuter dela place de l’automobile, d’une offre detransport alternative et des formes consé­quentes d’aménagement du territoire. « Ilfaut voir apparaître dans les périphériesdes reconquêtes et des reconversions deterritoire sur des formes de proximité, desvilles de courte distance, des quartiersplus conviviaux, parce que le risque estde créer une ville centre attractive, belleet esthétique et de laisser le reste duterritoire à son propre devenir. »

C’est peut­être le moment d’avoir desdébats collectifs métropolitains. « Il y ades visions stratégiques, mais pas encored’espace démocratique métropolitainmalgré la tenue d’agoras métropolitainesbiennales où les élus et la société civile

Dinu Bumbaru Félix Gravel Florence Paulhiac Scherrer Loraine Tellier-Cohen Martine Philibert

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font le point sur la mise en œuvre duPMAD. S’il y a eu des progrès à Montréal,c’est qu’il y avait des sociétés civiles quiétaient actives. Quelle est la sociétécivile métropolitaine? »

Les panélistes soulignent le besoin d’uneaction concertée des ministères gouver­nementaux pour le Grand Montréal. « Ona besoin d’intégration et de synchronisa-tion des actions entre les différents paliersgouvernementaux. » Que le gouverne­ment du Québec se donne une vision plusclaire du développement et une planifica­tion plus ambitieuse. « Le PMAD est un belexemple dans cette direction. »

Une ville pour tous! « Attention au risquede ne cibler qu’une tranche de la popu-lation. On s’intéresse beaucoup auxMilleniums dont on commence à mieuxconnaître les besoins en termes deproduit immobilier, de mobilité, detechnologies, etc. Il ne faut pas oublierla population vieillissante de Montréalet le défi de la garder, de l’intégrer dansles technologies, de lui offrir des serviceset une mobilité qui lui soient adaptés. »Nos panélistes font toutefois une mise engarde : attention aussi au risque de créerdes ghettos culturels.

Ils sont d’avis qu’une des forces deMontréal, ce sont ses espaces publics etciviques. On pratique à certains endroitsun « urbanisme tactique imaginatif »,

c’est­à­dire que « des projets de réappro-priation temporaire de l’espace urbain,tant les lieux publics que des endroitsinsolites au fort potentiel créatif etenchanteur comme les friches urbaines,se réalisent et peuvent donner lieu parla suite à des aménagements définitifs ».L’environnement urbain se transforme etil répond à la façon dont les gens viventleur quartier. On voit la ville changer, unespace à la fois. Il faut soutenir ces démar­ches dites éphémères, spontanées, colla­boratives, et il faut préserver les parcs quidemeurent de grands lieux de rassemble­ment, multiethniques et de mixité sociale.

Quelles sont les caractéristiques de laville d’hier et d’aujourd’hui sur lesquel-les nous devons miser pour le Montréalde demain?L’aménagement peut jouer un rôle majeurdans le développement de Montréal tantpour la qualité de vie des citoyens quedes entreprises voulant s’y installer. « Leprochain plan d’urbanisme ne peut sefaire avec une vision de croissancelinéaire et d’utilisation du sol tradition-nelles. » La demande d’espace pour desfonctions traditionnelles de bureau etde commerce est en constante évolution.Dans le secteur du bureau, les change­ments sont notables. « Outre la tendanceà rendre les bureaux plus écoénergé-tiques et plus sains sur le plan de laqualité de l’air, on densifie l’intérieur

des espaces existants; on réduit ainsil’espace que chacun occupe et il s’enlibère que l’on peut louer à d’autresoccupants. En conséquence, il y a moinsde demandes pour la construction denouveaux immeubles. En même temps,on assiste à une décroissance du nombred’entreprises et du nombre d’employésen raison des nouvelles technologies.Donc, double impact. Ce qui soulèvela question suivante : si la Ville entendprotéger son patrimoine bâti, quelsseront les nouveaux usages autorisés? »Tout un défi pour le patrimoine immobi­lier de Montréal.

La réglementation prescrivant des catégo­ries d’usages exclusifs devrait être chosedu passé. On ne peut agir maintenant defaçon à cloisonner des usages, car il y ainterconnexion des activités. L’économiede partage est en mouvance et il faut allervoir ce qui se fait dans d’autres villes deréférence comme San Francisco, Londresou New York, notamment en ce quiconcerne la relation vie­travail dansl’espace urbain ou encore les ratios destationnement par unité d’habitation.

L’urbanisme est aussi une affaire de rue,d’animation, d’art urbain et d’architec­ture. Ce qui est important, c’est le rapportà la beauté et au génie des lieux. « Dehorsle fonctionnel, il faut passer à la beauté,dehors le modernisme rigoureux et

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Centre-ville vu du parcdu mont Royal

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organisé! Il faut avoir une sensibilité,il faut avoir une vibration, une émotion.Le citoyen a un mot à dire, car il fouleles rues de Montréal et de sa région.Rappelons que Montréal est une villeUNESCO de design! »

Selon nos panélistes, il faut repenser lesnormes d’urbanisme pour valoriser ledomaine public, par des marges de reculsur rue ou une appréciation civique dela qualité architecturale et du paysageurbain. Il faut accroître l’espace urbain enquantité et surtout, en qualité pour lespiétons, avec les plantations, le mobilierurbain, des haltes ombragées et desfontaines, etc. « Peut-on préserver aussiles vues sur le mont Royal? »

En 2011, l’UNESCO a adopté une recom­mandation sur les paysages urbainshistoriques qui vise à promouvoir l’inté­gration, la prise en compte et la valorisa­tion de la culture et du patrimoine dansles politiques et stratégies de développe­ment urbain. « La ville n’est pas un plan(en référence au plan d’urbanisme ouau plan de transport...), mais un espacetridimensionnel qui vit aussi par sesquatrième et cinquième dimensions soitle temps, les heures et les saisons, etla société. Pouvons-nous travailler surla compacité et l’intensité de l’espaceurbain? On s’est beaucoup intéressé àla fonctionnalité, la fluidité, la mobilité,l’accessibilité. Pour le plan du Grand Paris,à la demande du président FrançoisMitterand, les urbanistes ont travaillé surles lieux magiques. Il y a peut-être unelecture différente du territoire à faire. »

Les panélistes sont d’avis qu’il faut misersur la qualité des noyaux urbains et la

qualité de vie urbaine. Comment? « Parune planification encore plus ambitieuse,une reconversion de l’espace public auprofit de la promenabilité, des déplace-ments actifs, un transport collectif plusefficace et étendu, plus abordable, avoirune culture démocratique et aussi uneculture du dépassement, ne laisser faireaucun geste d’aménagement banal, sousle prétexte que c’est utilitaire. Si onconstruit quelque chose, on doit se direque c’est unique. »

De grands défis environnementaux seposent en même temps que de grandsenjeux sociaux. C’est l’occasion derépondre à ces enjeux sociaux d’équitéet d’intégration.

Que mettre en place ou que changerpour construire le Montréal de demainque vous souhaitez?Nos panélistes sont tous d’accord : uneville doit être une ville pour tous, où l’onretrouverait beaucoup moins de fracturessociale et économique. Cela passe aussipar des formes urbaines renouvelées« qui, à Montréal, illustrent le principed’une métropole culturelle à l’ère d’uneconscience et responsabilité planétairepour l’environnement et le vivre-ensemble : proximité et villes de courtesdistances, densité à échelle humaine,mixité, et ce, pas seulement au centrede Montréal, sont des enjeux majeurs dufutur de la métropole ».

Montréal est une belle ville et l’accèsà la propriété est abordable comparative­ment aux autres grandes villes canadien­nes et américaines. « On y trouve un sys-tème d’éducation de qualité, abordable,sécuritaire; Montréal est une ville ouverte

et égalitaire — vis-à-vis les femmeset les minorités. Elle doit renouveler sesinfrastructures, moderniser ses règlesd’aménagement, maintenir et accroître larichesse foncière, s’ajuster aux tendancesde la nouvelle économie, soutenir l’inno-vation et encourager le recyclage de sesanciens immeubles ».

À partir de son authentique personnalité,géographique, sociale et culturelle,« Montréal devra développer son imagede marque : inspirante et vivifiante poursa population et attirante pour les inves-tisseurs, les universitaires, les sommitésdans ses secteurs d’excellence et lesimmigrants, tous appelés à contribuer àsa croissance démographique et écono-mique et à enrichir son caractère cosmo-polite et culturel. »

« Il faut reconnaître, amplifier et réinven-ter la façon de vivre, développée à lamontréalaise, et assurer la confluenceentre le territoire, la société et le tempsà venir ». La société doit se donner unevision, des aspirations... inspirantes!

Dinu Bumbaru est directeur des politiques à Héritage Montréal,ancien secrétaire général du Conseil international des Monumentset des sites (ICOMOS) et lauréat 2012 du prix Gérard-Morisset du gouvernement du Québec • Félix Gravel estresponsable des campagnes transport, GES et aménagementdu territoire au Conseil régional de l’environnement deMontréal • Florence Paulhiac Scherrer est professeure au Dépar-tement d’études urbaines et touristiques et titulaire de la ChaireIn.SITU de l’Université du Québec à Montréal (Innovations enStratégies Intégrées Transport-Urbanisme) • Martine Philibertest urbaniste et vice-présidente, Gestion d’actifs, Résidentiel etHôtels chez Ivanhoé Cambridge • Loraine Tellier-Cohen esturbaniste et conseillère stratégique dans le secteur des politiqueséconomiques au gouvernement du Québec. Elle a été présidentede l’Ordre des urbanistes du Québec de 1986 à 1988 • Marie-JoséeLessard, urbaniste, est conseillère en mobilité durable à la Villede Montréal et a occupé divers emplois au Gouvernementdu Québec et au sein d’organismes parapublics notammenten stratégies de développement, transport et environnement.

L’Ordre des urbanistesdu Québec estsur Facebook!

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Pour avoir des nouvelles du monde de l’urbanisme,joignez-vous à la page Facebook de l’Ordre

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78 URBANITÉ | HIVER 2017

MONTRÉAL le rayonnement de Montréal

PARTICIPATION PUBLIQUE

Un urbanisme collaboratif pour Montréal

Que de chemin parcouru! Avant l’adop­tion des grandes lois d’aménagementdans les années 1970, la Loi sur l’aména-gement et l’urbanisme (LAU) et la Loisur la qualité de l’environnement (LQE),une participation publique restreinte enrapport avec l’urbanisme prenait place.Elle fut d’abord confinée aux élites éco­nomiques et aux propriétaires dans lesdébuts de l’urbanisme1, puis vers la finde l’ère du maire Jean Drapeau, il y eutune consultation limitée des citoyensimposée par le Programme d’améliorationde quartier, une participation de typenéo­corporatiste autour de la Commissiond’initiative et de développement écono­mique de Montréal2 de même qu’uneconsultation reliée à quelques grandesopérations d’aménagement.

L’émergence d’un« modèle montréalais »de planification collaborativeCe que je qualifierai de « modèle mon­tréalais » s’installe véritablement avecles régimes subséquents. Le cadre departicipation publique a connu un véri­table essor sous le Rassemblement descitoyens et citoyennes de Montréal (RCM)du maire Jean Doré. C’est sous l’adminis­tration du maire Gérald Tremblay que lecadre général actuel de participationpublique à Montréal s’est consolidé3,dans un contexte institutionnel en fortesturbulences avec la fusion de l’ensembledes municipalités de l’île de Montréal,puis la défusion de 14 municipalités etla décentralisation de certaines compé­tences de la nouvelle Ville de Montréalvers ses 19 arrondissements, un contextecaractérisé par de multiples paliers de

planification et de décision. S’y sontajoutés le Conseil d’agglomération pourl’île de Montréal et la Communauté métro­politaine, qui couvre un territoire encoreplus vaste (voir le tableau 1).

Il faut mentionner que cette transforma­tion de l’appareil de gestion municipale,à la fois modernisation et démocratisa­tion, s’est effectuée dans la foulée de lamontée globale de la critique, depuisles années 1970, à l’égard de la foi enla toute­puissance de la technologie ainsique de la prétention des professionnels etexperts à avoir réponse à tout, à pouvoirtout modéliser.

Notons par ailleurs que les villes défusion­nées et les arrondissements de Montréalont été assujettis aux exigences de la LAU

en matière d’information et de participa­tion, des exigences minimalistes que leministère des Affaires municipales et desRégions reconnaîtra lui­même, dès 2007,comme limitées et insatisfaisantes4.Mais au cœur du modèle montréalais departicipation publique en urbanisme seretrouve un dispositif de consultationadministré par un organisme autonome,l’OCPM, qui sera créé en 2002 et prendrale relais du Bureau de consultationde Montréal (BCM) abrogé en 1995.Ce dispositif a été calqué dans une largemesure sur celui du Bureau d’audiencespubliques sur l’environnement du Québec(BAPE) mis en place au Québec en 1980et dont s’étaient également inspiréesles consultations sur de grands dossiersmontréalais d’aménagement durant les

» MICHEL GARIÉPY, urbaniste émérite

À Montréal, l’urbanisme ne peut plus se décliner isolément de la participation publique. Les audiences de l’Office de consultationpublique de Montréal (OCPM), selon la Charte de Montréal qui prescrit son existence et le soustrait aux aléas politiques, sont menéessur la révision du plan d’urbanisme, certains projets d’équipements, et principalement sur des projets ou mandats désignés parle Conseil ou le Comité exécutif de la Ville. À l’intérieur de ce cadre procédural, mais flexible, qui s’est avéré efficace, transparentet crédible, s’est développée une culture de la participation devenue indissociable de l’urbanisme.

1 FISCHLER, Raphaël. « Consultation publique et urbanisme », Urbanité, automne 2013, pp. 21-25.2 HAMEL, Pierre. Ville et débat public : agir en démocratie. Les Presses de l’université Laval, Québec, 2008, 174 p.3 Voir à ce sujet : GARIÉPY, Michel et Mario GAUTHIER. « Débat public, urbanisme et développement urbain durable à Montréal » dans BÉAL,Vincent, Mario GAUTHIER et Gilles PINSON, dir. Le développement durable

changera-t-il la ville ? Le regard des sciences sociales, Presses de l’Université de Saint-Étienne, 2011, p. 159-189; et : « Le débat public en urbanisme à Montréal : un instrument de développementurbain durable ? », Canadian Journal of Urban Research, no 18-1 (Supplément), 2009, pp. 48-73.

4 MINISTÈRE DES AFFAIRES MUNICIPALES ET DES RÉGIONS. La réforme du cadre de planification instauré par la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme : diagnostic de l’application de la loi. Gouvernementdu Québec, Québec, 2007, p.24.

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Photo prise lors de la Grandeactivité citoyenne de l’OCPMdans le cadre de la consultationpublique sur la réduction dela dépendance montréalaiseaux énergies fossiles.

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années 1980 (Avenue McGill College,Vieux­Port de Montréal).

Non judiciarisées, ces consultations sedéroulent en deux phases, une d’infor­mation, l’autre d’expression d’avis etopinions, devant une commission forméede commissaires indépendants qui produi­sent ensuite un rapport avec la synthèsedes avis exprimés, leur analyse ainsique leurs recommandations. Sous cedispositif, près de 130 consultations sesont tenues depuis 2002. En parallèleà celui­ci, une panoplie d’instruments etd’outils pour favoriser le développementde la participation ont été mis en œuvre.D’une série de recherches5 faites surcertaines de ces audiences et analysantles participants, la teneur et les effetsdes requêtes déposées, quelques constatspeuvent être dégagés.

Les opérations menées donnent toujourslieu à une mobilisation importante, tantde groupes et d’organismes que decitoyens non affiliés. Clairement, lesaudiences publiques ne constituent pas« la tribune de ceux qui sont contre » :davantage qu’une réaction à des projetsdéjà ficelés, les requêtes formuléesportent beaucoup sur la spécification desprojets, sur une tentative d’infléchir leurcontenu. Ressortent aussi chez les partici­pants, en particulier chez les récurrents,soit ceux qu’on retrouve dans plusieursdossiers, une grande préoccupation àl’égard de la mise en œuvre et du suivides plans ainsi qu’un souci de mise encohérence de l’action publique.

Plusieurs participants récurrents cherchentà s’insérer dans les processus de planifi­cation. Est également recherchée uneimplication beaucoup plus en amont,soit avant que la configuration des planset projets n’ait été finalisée. Dans cetteoptique, un nombre significatif de consul­tations d’amont ont été organisées parl’OCPM. De même, les services d’urba­nisme de la Ville ont tenu plusieursactivités pour recevoir l’input des citoyensdans la formulation des documentsd’urbanisme. En émerge une planificationde type collaboratif, plutôt que stricte­ment rationnelle et technocratique.En cela, l’approche de Montréal s’avèreoriginale et s’écarte d’une « dépendanceau sentier » qu’on trouve au BAPE, restépour sa part dans l’ornière d’une réaction

à des projets bien définis. Mais s’observeaussi le comportement d’urbanistes quichercheraient à soustraire au débatpublic plusieurs documents d’urbanisme;un phénomène inquiétant s’il procèded’un réflexe de défense et d’une tentativede se redéfinir une sphère de compé­tence exclusive, davantage que d’unsouci d’efficacité.

Enfin, l’approche de Montréal se singula­rise par rapport à la pratique observéedans d’autres métropoles canadiennes.La participation publique a aussi unegrande importance dans d’autres villesquébécoises comme Québec et Gatineau,mais elle est essentiellement régie parles exigences de la LAU. Montréal s’avèreunique par sa mise en place du dispositifd’audiences publiques géré par un orga­

nisme tiers autonome, l’OCPM, d’où monqualificatif de « modèle » pour caractériseret le dispositif, et la pratique de la partici­pation publique à Montréal.

Les défis de ce modèlepour le Montréal de demainSi la participation publique fait nette­ment partie de l’urbanisme à Montréal,tout n’est pas réglé et plusieurs défisdevront être abordés afin de conserverl’exemplarité de ce modèle original.

L’adaptation du dispositifaux multiples échelles territorialesAu premier rang se retrouvent la questiondes échelles métropolitaine et intermu­nicipale et celle de l’articulation entreles échelles territoriales. La participationpublique a joué un rôle crucial dans

5 GARIÉPY et GAUTHIER, op. cit. 2011, 2009. GARIÉPY, Michel et Olivier ROY-BAILLARGEON, dir. Gouvernance et planification collaborative : cinq métropoles canadiennes, Les Presses de l’Universitéde Montréal, Montréal, 2016, 273 p. et LEBLANC-VAN NESTE, Sophie, Michel GARIÉPY et Mario GAUTHIER. « La cohérence dans l’urbanisme montréalais : entre planification et mise en débat »,Géocarrefour, vol. 2, no 87, 2012, pp. 87-99.

Tableau 1 — La participation publique sous les administrations de la Ville de Montréal

Années Parti Maire Composantes

Avant 1986Parti civiquede Montréal

Jean DrapeauQuelques opérationset programmes

1986 - 1994

Rassemblementdes citoyens etdes citoyennes

de Montréal

Jean Doré

Politique de consultation

Bureau de consultationde Montréal (BCM)

CCA (Comités-conseilsd’arrondissement)

1994 - 2002 Vision Montréal Pierre Bourque

Commission du développementurbain de Montréal et abolitiondu BCM

Commission consultativesur la participation publique(Rapport Tremblay)

2002 - 2012 Union Montréal Gérald Tremblay

OCPM

Sommet de Montréal (2002)

Chantier sur la démocratie(2002-2012)

Politique de consultation et departicipation publiques (2005)

Charte montréalaise des droitset responsabilités (2006)

Droit d’initiative en consultationpublique (2010)

2013 –à ce jour

Équipe Coderrepour Montréal

Denis CoderreOCPM

Bureau de la ville intelligenteet numérique

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80 URBANITÉ | HIVER 2017

MONTRÉAL le rayonnement de Montréal

l’émergence d’une pensée métropoli­taine et dans l’adoption du premierPlan métropolitain d’aménagement etde développement (PMAD) de la Commu­nauté métropolitaine de Montréal entréen vigueur en 2012. Cette participationa emprunté deux avenues : celle d’uneagora citoyenne qui a fait émerger lesenjeux d’aménagement métropolitains,puis celle d’audiences publiques selonle dispositif de la LAU. Les audiencesont suscité une participation inattendue,et le nombre prévu des séances a dû êtreaugmenté. L’intérêt de la formule del’agora a été validé dans son institution­nalisation bisannuelle.

Mais se pose toujours la question del’existence d’un dispositif de débatpublic spécifique adapté aux projetsd’envergure métropolitaine, tout commedans les villes défusionnées de l’île deMontréal et les villes à l’extérieur de l’île,ainsi que dans les 14 MRC de la région.Faudrait­il y multiplier le nombre d’orga­nismes similaires à l’OCPM, une structurequand même très onéreuse? Faut­ilplutôt en rester aux mesures de consulta­tion prévues à la LAU? Nos recherchesont fait ressortir la satisfaction contrastéeà l’égard de ces mesures selon qu’ellesétaient utilisées pour des projets d’amé­

nagement ou pour des opérations deplanification territoriale, leur intérêtlimité pour l’analyse systématique deprojets. Après l’intérêt initial pour lePMAD, les participants sauront­ils ànouveau se mobiliser autour d’enjeuxmétropolitains, et ce, même quand ilsne seront pas directement touchés surle temps long qu’implique souvent laréalisation d’actions à cette échelle?

Les urbanistes, des animateurs,mais aussi des créateursLa pratique de la planification collabo­rative qui associe dès le début citoyens etgroupes à l’élaboration des projets faitson chemin. Mais cette pratique estexigeante. Pour la participation citoyenned’abord : la multiplication des opérationset des tribunes de consultation taxelourdement les participants et les orga­nismes, les menaçant d’essoufflement.

Pour les professionnels de l’aménage­ment, également. Ces derniers sontconfrontés à trois défis. Tout d’abord,accepter la pratique de la planificationcollaborative comme une réalité del’urbanisme contemporain, sans y voirun empiètement sur leurs prérogativesprofessionnelles. Il y a aussi un défiinverse, soit de définir ce que le Centred’écologie urbaine de Montréal appelle à

juste titre « un niveau juste de participa-tion [qui] ne signifie pas d’impliquer toutle monde, tout le temps »6. Des réflexionschez les urbanistes et, justement, uneconcertation avec les citoyens s’imposentpour établir des balises en vue d’assurerune participation publique féconde,constructive et efficace.

Dernier défi, enfin, qui touche la forma­tion des futurs urbanistes. L’analysesystématique et rigoureuse des impactsfait partie des programmes de forma­tion depuis des décennies. Il en est demême, quoique depuis un horizon plusrécent, de la maîtrise des procédures,des exigences et des techniques de laconsultation publique. Il faut maintenants’assurer que la formation des urbanistesles rende pleinement aptes à déployer lacréativité et l’inventivité attendues d’eux.Le développement durable et le nouvelurbanisme ont remis à l’ordre du jourl’anticipation du devenir des villes, l’amé­nagement intégré des quartiers. Il faut quele développement de visions, de scénariosse retrouve au cœur de la formation, quele centre de gravité de celle­ci se partageentre procédures et projet urbain.

L’atavisme anti-consultationencore présentIl reste surprenant de constater que,malgré la crédibilité que s’est acquise lapratique de la consultation publique enaménagement à Montréal et au Québec,ressurgissent régulièrement chez cer­tains acteurs une stigmatisation dudispositif comme « la tribune de ceuxqui sont contre » ou encore un rejet dela consultation publique rangée d’embléeà l’enseigne de l’« immobilisme ». Commeon l’a vu, ce réflexe est pourtant contre­dit par l’analyse.

Heureusement, de multiples grandsmaîtres d’ouvrages et de nombreuxpromoteurs sont conscients que l’accep­tabilité sociale des projets est nécessairepour qu’ils puissent aller de l’avant etqu’elle est tributaire de l’association despopulations environnantes le plus tôtpossible dans la planification. Les urba­nistes doivent continuer à jouer un rôleessentiel en regard de la pédagogiede cette pratique ainsi que dans la miseen œuvre d’une planification véritable­ment collaborative.

Michel Gariépy, urbaniste émérite, est professeur émérite àl’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Universitéde Montréal.

6 CENTRE D’ÉCOLOGIE URBAINE DE MONTRÉAL. L’urbanisme participatif : aménager la ville avec et pour ses citoyens. 2015, 56 p.

FRED

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Consultation publique surla Stratégie centre-ville,

septembre 2016.

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81URBANITÉ | HIVER 2017

1 L’histoire montre bien qu’être « cultivé » de cette manière dans la vie courante n’est pas une entrave à un comportement barbare dans d’autres circonstances...2 ADAMS, Thomas. Rural Planning and Development: A Study of Rural Conditions and Problems in Canada. Ottawa, Commission de la conservation, 1917.3 LINTEAU, Paul-André. Histoire de Montréal depuis la Confédération. Montréal, Les Éditions du Boréal, 2000.

MONTRÉAL, MÉTROPOLE CULTURELLE

La rencontre entre la culture et l’urbanisme

Le mot « culture » veut dire beaucoup dechoses. On dit d’une personne qu’elle ade la culture si elle possède non seule­ment une bonne connaissance des artset des lettres, mais aussi une certainecivilité1. On réfère à la culture québécoise,algonquine ou américaine pour désignerun ensemble de pratiques, d’idées et devaleurs partagées et qui fondent l’identitécollective d’une communauté. On parleaussi de « culture politique » pour décrirela manière dont celle­ci structure l’exer­cice du pouvoir et administre les affairespubliques. De nos jours, on utilise aussi lemot « culture », peut­être le plus souvent,pour désigner un secteur d’activité écono­mique, un marché de biens et de services.Toutes ces manières de définir la culturesont pertinentes pour l’urbanisme.

Dans un ouvrage de 1917 où il délimitele territoire du champ professionnel del’urbanisme, Thomas Adams note quel’urbaniste ne peut être tenu responsabledu développement économique, social ouculturel d’une ville ou d’une région, maisqu’il peut y contribuer par l’entremise dela planification spatiale2. Il incombe àl’urbaniste en particulier de s’assurer queles infrastructures et équipements qui sontnécessaires au bien public, dont les équi­pements culturels, trouvent leur placeoptimale dans l’espace urbain ou régional.

La culture dans l’histoire de la villeComme le note Paul­André Linteau,Montréal a longtemps été une ville pro­vinciale en matière culturelle, tributairede Paris, Londres et New York3. Sousle régime français, la vie culturelle s’ydéroule principalement à l’église, maisaussi dans les nombreux cabarets quefréquentent soldats et prostituées.La Conquête apporte des changementspolitiques importants et la naissanced’une société bipartite, mais la nature

des activités culturelles y change d’abordpeu. Ce n’est qu’au XIXe siècle que lapetite ville française qu’était Montréaldevient une grande ville nord­américaine,grâce à son développement démogra­phique et économique spectaculaire. Lesélites anglophone et francophone créentchacune leurs associations culturelles,alors que la Ville de Montréal se doted’une administration et de servicespublics modernes.

Au début du XXe siècle, le théâtre et lecinéma fleurissent alors qu’une culturepopulaire du sport se développe. Au mêmemoment, de nouveaux groupes d’immi­grants complexifient le tableau social etculturel. La communauté juive fait preuved’un dynamisme particulier dans ledomaine de la culture. Les années 1920accentuent le passage d’une cultured’élite à une culture de masse dans lesmédias, la radio, le cinéma, le burlesque,amplifiant l’américanisation de Montréaldéjà présente au début du siècle. La diver­sification de la culture reprend de plus

belle après la Seconde Guerre mondiale,s’accompagnant d’une multiplication dessalles de spectacles, bibliothèques, ciné­mas et musées. La Révolution tranquilleprovoque un foisonnement culturelparticulièrement significatif chez lesfrancophones. Finalement, dans lesannées 1980, l’administration du maireJean Doré dote la Ville d’une politiqueculturelle proactive et axée sur les quar­tiers, se traduisant par l’augmentationdes budgets alloués aux programmes etaux équipements culturels ainsi que par lacréation d’un service de la culture. Dansles années 2000, l’administration dumaire Gérald Tremblay investit plutôt aucentre­ville. Aujourd’hui, Montréal està la fois le pôle principal de la culturefrançaise en Amérique du Nord et l’unedes métropoles les plus multiculturellesdu continent, dont la culture rayonne àl’échelle mondiale.

L’évolution du rôle des urbanistesDans cette histoire, les urbanistes jouentd’abord un rôle limité, tout en remplis­

» RAPHAËL FISCHLER, urbaniste émérite

Les enjeux actuels de la ville incluent le vivre-ensemble dans une société diverse, la constitution d’une identité commune et la protection deshéritages du passé, la gestion des institutions et des ressources publiques ainsi que le développement économique et l’amélioration de laqualité de vie. Les urbanistes sont appelés à aider la communauté à relever ces défis qui ont tous un lien avec la culture. Ils ne peuventparfois le faire que de manière indirecte, mais ils sont de plus en plus impliqués de manière directe et concrète dans cette entreprise.

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La place des Festivals au cœur du Quartier des spectacles.

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MONTRÉAL le rayonnement de Montréal

sant le mandat que Thomas Adams leurassignait en 1917, celui de planifier ladistribution spatiale des activités et deséquipements. En fait, jusqu’à la créationdu Service de l’urbanisme en 1941,l’essentiel de l’action publique résidedans la réglementation.

L’urbanisme réglementaire à proprementparler prend forme à la fin du XIXe siècle.Un de ses effets est l’exclusion destavernes et lieux de spectacles des quar­tiers résidentiels que les classes moyenneet supérieure s’approprient dans la villeindustrielle. Les salles de spectacles,bibliothèques et musées sont plutôtconstruits le long de grandes artères. LeMonument­National, qui accueillera unegrande diversité d’activités culturelles(théâtre, musique, burlesque) et servirade lieu de rassemblement non seulementà la communauté canadienne­française,mais aussi à la communauté juive, ouvreses portes sur le boulevard Saint­Laurenten 1893. Le Musée des beaux­artsde Montréal, institution issue de l’ArtAssociation of Montreal fondée en 1860,s’installe rue Sherbrooke en 1912 dansle quartier bourgeois du Golden Mile.

La plus importante concentration d’acti­vités culturelles se développe toutefoisdans le secteur est du centre­ville,où s’installeront notamment, outre leMonument­National, le cinéma Impérial,le Théâtre du Gesù, le Théâtre Gayety(l’actuel Théâtre du Nouveau Monde) etles cabarets du « Red Light District ». C’estdans ce même secteur que verra le jouren 1963 le plus important projet d’équipe­ment culturel dans l’histoire de Montréal,la Place des Arts, un des legs de l’admi­nistration du maire Jean Drapeau, quiabrite des salles de concert et des sallesde spectacle ainsi que le Musée d’artcontemporain de Montréal.

Convergence entre l’urbanismeet la politique culturelleCet équipement majeur se retrouvera,un demi­siècle plus tard, au cœur du«Quartier des spectacles ». Lesprogrammesparticuliers d’urbanisme produits dans cenouveau cadre pour le secteur de la Placedes Arts (2008) et le Quartier latin (2013)représentent le point culminant dumariage entre l’urbanisme et la politiqueculturelle, entre la planification urbaine

et l’industrie de la culture. L’aménage­ment (ou le réaménagement) de placespubliques, l’installation d’une infrastruc­ture de haute technologie pour les festi­vals et autres événements extérieurs etla construction de nouveaux bâtimentspour divers organismes culturels mon­trent bien que la culture devient un enjeuclé de la politique de développementéconomique de la ville.

Le projet du Quartier des spectaclesillustre également un glissement politi­que dans le secteur de la culture4. Bienque les pouvoirs publics se soucient del’identité culturelle de Montréal depuisque la ville existe, les principaux acteursdu champ culturel ont longtemps étédes acteurs privés ou institutionnels,des entrepreneurs et des amateurs,des prêtres et des religieuses, desactivistes et des mécènes. Depuis unecinquantaine d’années, l’administrationmunicipale et les gouvernements pro­vincial et fédéral prennent une placeimportante dans le paysage culturelmontréalais. En témoigne la diversité desagences gouvernementales, des lois etdes règlements, des classements et pro­grammes divers en matière de protectionet de mise en valeur du patrimoine,champs d’action où urbanisme et poli­tique culturelle font œuvre commune.En témoigne aussi l’existence de services,d’organismes et de programmes dont lemandat est de soutenir l’ensemble descréateurs et de promouvoir leur travail.En témoigne, finalement, l’existence duService de la culture à la Ville de Montréal,une composante de la Direction généraleadjointe à la qualité de vie.

Les parcours professionnels des deuxderniers dirigeants de ce service illus­trent bien les interrelations entre diversdomaines d’activités liés à la culture.Alors que la carrière de sa directriceactuelle, Mme Suzanne Laverdière a eulieu surtout dans le domaine de la pro­duction télévisuelle ainsi qu’au sein dela Société de développement des entre­prises culturelles du Québec, son prédé­cesseur, Jean­Robert Choquet, a plutôtfait carrière en politique municipale, ayantété notamment, de 1986 à 1994, directeurde cabinet du maire Jean Doré, au momentoù une nouvelle politique culturelle était

mise en application. Ces parcours mon­trent les relations qui existent entreculture, urbanisme, économie et politique,à Montréal et ailleurs.

Les urbanistes font de la politique cultu­relle; les responsables de la politique,culturelle font de l’urbanisme. Les uns etles autres agissent ensemble, stimulésentre autres par le fait que la culture estdevenue un enjeu économique majeur.Si Montréal est une métropole culturelle,selon l’expression de la Ville de Montréalelle­même, c’est aussi parce que laproduction culturelle y constitue unélément important de l’activité écono­mique et lui confère un rayonnementinternational significatif.

Passé et avenirEn 375 ans, la culture de Montréal achangé de contenu, de forme et de signi­fication sociétale. À la culture catholiqueet la mission d’évangélisation de Ville­Marie se sont rapidement ajoutées uneculture de loisirs, d’exploration et dedialogue ainsi qu’une mission de déve­loppement économique. D’abord épiphé­nomène dans une société profondémentreligieuse, la culture laïque se retrouvedepuis un demi­siècle au cœur despréoccupations des Montréalais et desMontréalaises. D’abord objets de luxe,les biens et services culturels sontdevenus eux­mêmes des élémentsimportants de la production de la richesse.D’une activité au service du pouvoirpour asseoir l’autorité des prélats, desseigneurs, des magistrats ou des ban­quiers, la production culturelle est deve­nue une activité que le pouvoir nourritafin de protéger le bien public et promou­voir la ville sur la scène mondiale.

Laissons le mot de la fin à Jean­RobertChoquet : « Quel est l’ADN de Montréal?Quelle est sa signature? Ma convictionprofonde est que ce titre de métropoleculturelle — au sens large qui inclut l’his-toire, le patrimoine, les arts, le dialogueinterculturel, l’économie de la culture,le design et l’aménagement urbain quiles accompagne — constitue à la foisl’ADN de Montréal et une bonne partiede son avenir »5.

Raphaël Fischler, urbaniste émérite, est professeur agrégé àl’École d’urbanisme de l’Université McGill.

4 Sur l’histoire et la signification du Quartier des spectacles, voir : HAREL Simon (dir.), Laurent LUSSIER et Joël THIBERT. Le Quartier des spectacles et le chantier de l’imaginaire montréalais. Québec,Presses de l’Université Laval, 2015 et LOISON, Laurie et Raphaël FISCHLER, « The Quartier des Spectacles » dans Planning Canada : A Case Study Approach, (dir. Ren Thomas). Don Mills, Oxford UniversityPress, 2016, pp. 348-360.

5 RASSEMBLEMENT DES CITOYENS ET CITOYENNES DE MONTRÉAL. « Allocution de Jean-Robert Choquet dans le cadre de l’événement de départ à la retraite le 9 février 2016 » : rcm-1974-2001.ca/traces/article/jean-robert-choquet-un-hommage; consulté le 25 septembre 2016.

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1 ANDRÉ, Pierre, Isabelle TRUDEAU, Claude MAROIS et Hervé GUMUCHIAN. « Les personnes âgées et l’hiver à Montréal (Québec Canada) », Revue de géographie alpine, no 1, 1997, pp. 61-73.2 FERLAND, Catherine et Maryin FOURNIER. « Adaptation à l’hiver : l’exemple des transports », Encyclopédie du patrimoine culturel de l’Amérique française, 2007.

[En ligne] : www.ameriquefrancaise.org/fr/article-712/Adaptation_%C3%A0_l%E2%80%99hiver_:_l%E2%80%99exemple_des_transports.html#.VxYSKkdkvcs (consulté le 2 avril 2016).3 PROVOST, Robert. Trois siècles de tourisme au Québec. Éditions Septentrion, Québec, 2000, p. 43.4 Ibid. pp. 43-45.5 FERLAND, Catherine et Maryin FOURNIER, op. cit.6 Voir dans le présent numéro d’Urbanité, BESNER, Jacques. « La ville intérieure, un modèle mondial », p. 20.

Redécouvrir l’hiver montréalais

« Maudit hiver ! », insiste l’humoristeDominique Michel, dans une chanson­nette qui ajoute à la critique du poèteVigneault pour qui le pays, « ce n’est pasun pays, c’est l’hiver! » Le climat de lavallée du Saint­Laurent a toujours été unsujet de préoccupation en ville. À l’imagedu Québec urbain, Montréal s’associe àl’hiver avec autant de vigueur qu’elles’en dissocie. Il faut dire que Montréalsubit les hivers les plus rigoureux et lesplus enneigés de toutes les grandesagglomérations de l’hémisphère nord1.En hiver, les variations de températuresont propices au verglas qui glace lesinfrastructures. L’été, le ciment desimmeubles et des trottoirs et le pavédes rues absorbent la chaleur et créentdes zones de suffocation. Des écartsthermiques si importants déstabilisent lecitoyen. On s’en prend alors au climat,que l’on maudit, au lieu de réévaluerses habitudes et son mode de vie.Pourtant, il fut un temps où Montréal avaitmême un bon rapport avec l’hiver.

Dans le temps…On en sait peu sur les rapports à l’hiverdes premiers résidents de Ville­Marie, sice n’est que sans l’aide des Amérindiens,les Européens n’auraient pas fait vieux ossur ce nouveau continent où les hiversétaient souvent mortels. La survienécessita des pratiques adaptées danstoutes les sphères de la vie : habitation,habillement, agriculture et alimentation,transport et pratiques de socialisation.De génération en génération, l’ingéniositédes habitants et leur détermination àsurvivre aux hivers rigoureux2 les ontamenés à penser la ville et les façonsd’y vivre. Avant d’être des outils deloisir, la raquette et le toboggan, parexemple, ont d’abord été des équipe­ments de transport.

L’aube du XIXe siècle voit se former desclubs de raquetteurs. Les Montréalaispatinaient au Victoria Skating Rink, la plusgrande patinoire en plein air d’Amériqueavec une capacité de 2000 patineurs3. Ony tenait aussi des mascarades et des balsmasqués auxquels la haute société parti­cipait avec enthousiasme. Ces pratiquessportives et culturelles, en plein air, soute­naient une activité touristique florissante.

Dans les années 1880, le carnaval d’hiverde Montréal était même l’attrait touris­tique le plus important. Organisé àl’initiative d’un raquetteur, il proposaitcinq jours de festivités autour de compé­titions sportives hivernales, raquette etcurling, et de promenades en traîneau.Promue auprès des Américains, la semainede festivités de 1889, par exemple, vit prèsde 58000 touristes arriver de New Yorkpar train dans la métropole. La fête seterminait toujours avec l’assaut, par unearmée de raquetteurs, d’un grand palaisde glace érigé au square Dominion(l’actuelle Place du Canada), défendu par

cent soldats de la garnison de la ville4.Mais une opposition aux élans de joiefavorisant les rencontres entre sexes,menée notamment par le clergé, mit finaux festivités montréalaises.

Urbanisation et modernitéAvant même que l’on invente le conceptde déneigement, chacun devait faire sapart pour nettoyer son devant d’habita­tion et le chemin qui y passait. Avec lamunicipalisation, au milieu du XXe siècle,les responsabilités du déneigement ontété transférées aux élus5. En se dérespon­sabilisant, le citoyen s’est aussi détachéde l’hiver. S’installe alors un mode de vieorienté davantage sur la rapidité et lavitesse. Le capital économique est lanouvelle dictature. Montréal se trans­forme et érige ses ambitions en gratte­ciel. En parallèle, on s’offre des corridorssouterrains6 reliant les immeubles debureaux, les commerces, les universités,les lieux de divertissement et des im­meubles résidentiels. Ainsi, en parallèle àson développement de surface, Montréal

» ALAIN A. GRENIER

Tantôt bercés par des canicules dignes des tropiques, tantôt bousculés par les aléas d’hivers aussi féériques que violents, Montréalet ses millions d’habitants ont dû s’adapter, au cours des siècles, à des saisons très diversifiées qui influent à la fois sur le mode devie et sur les pratiques qui lui sont associées.

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Le Palais de glace de 1889, square Dominion à Montréal.

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84 URBANITÉ | HIVER 2017

MONTRÉAL le rayonnement de Montréal

7 VERDON, J. « L’hiver et les problèmes de santé », dans DACIUK, Joanne F (dir.). Les personnes âgées et la vie en hiver. Ottawa : Conseil consultatif national sur le troisième âge, vol. 6, 1989, pp. 44-53.8 VILLE DE MONTRÉAL. Politique de déneigement, 2015 (disponible en ligne). Site Web de la Ville de Montréal : http://ville.montreal.qc.ca/deneigement/9 L’adjectif « mésadapté » réfère au fait de présenter des difficultés d’adaptation à son milieu. C’est donc dire qu’il y a une adaptation partielle ou inappropriée au milieu. À l’opposé, le terme « inadapté »

sous-entend plutôt l’absence d’adaptation à son environnement.

se déploie aussi en ville commercialeintérieure — la plus grande au monde —pour échapper à l’hiver.

Il est vrai que les jeunes enfants, les per­sonnes handicapées par une incapacitévisuelle, auditive ou corporelle — y comprispar un problème d’obésité — et lespersonnes âgées7 sont particulièrementvulnérables aux inconvénients de l’hiver,notamment à l’obstruction des voies decirculation motorisées et piétonnes. Cesperturbations engendrent inévitablementune modification des habitudes; moinsde sorties, même pour fins d’approvision­

nement et de vie sociale. L’isolement despersonnes âgées s’accroît. L’hiver peutaussi entraîner des conséquences sur unbudget limité (coûts de chauffage, fraispour services à domiciles, etc.). Pourtant,l’hiver avec son froid et ses précipitationsest porteur de bénéfices.

Les bienfaits de l’hiver urbainLa neige est un dépolluant. En se formantpuis en tombant, les flocons captentles polluants en suspension dans l’air.Le processus est encore plus nécessaireen ville, où la pollution atmosphériquepeut réduire considérablement l’enso­leillement, si nécessaire à la santé phy­sique et psychique des citoyens. Une foisau sol, la neige sert d’isolant aux plantesvivaces des parcs et à la petite faune quiy vit. Coupe­froid pour les habitations,la neige est aussi un excellent abrasif —ce n’est pas elle qui nous fait glisser, maissa compaction par les équipements dedéneigement et le sel qu’on lui ajoute.

Pour satisfaire les citadins qui maudissentl’hiver, la ville leur offre des routes ettrottoirs asséchés et dégagés de touteneige et glace, conditions de déplace­ment quasi estivales. Cela nécessiteuniquement pour Montréal une armée deprès de 300 travailleurs équipés de pasmoins de 200 appareils de déneigementqui s’affairent chaque hiver à remettreles 6500 km de trottoirs et 4100 kmde chaussée en condition afin d’assureraux citoyens des déplacements efficaces,fluides et sécuritaires8. Comme si cela nesuffisait pas, on a substitué aux patinoiresextérieures de quartier des arénas asepti­sés ou des piscines bien toiturées. Ellesvalorisent le conditionnement physique,mais déconditionnent à l’hiver du mêmecoup. Une fois maîtrisé, l’hiver se laisseenfin aimer. Se pose ici la question dela capacité d’une ville comme Montréalnon seulement à accepter, mais aussi àassumer sa condition nordique.

Montréal, ville nordique?Malgré les efforts de quelques entrepriseset intellectuels pour donner à Montréal unair nordique, cette identité ne lui colle pas.Car au­delà de l’image, le concept de nor­dicité dépasse celui de la neige et du froid.Il fait référence à un mode de vie adapté àune situation géoclimatique particulière.Les pays nordiques assument le climat de

leur territoire depuis près d’un millénaire.Ce n’est pas le cas de Montréal (et duQuébec par extension), où non seulementla colonisation du territoire est encoreinachevée, mais se réalise par l’apport degens issus de cultures aux antithèses del’hiver. Ainsi, les Montréalais de souche oud’adoption se rejoignent davantage dans ledédain de l’hiver que dans son acceptation.

Plusieurs initiatives ont vu le jour pouraider les Montréalais à redécouvrir l’hiver,notamment par l’animation de grandsespaces urbains. Parmi celles­ci, on retientles festivals en plein air que sont la Fêtedes Neiges, l’Igloofest et Montréal enlumière. L’illumination festive de certainesartères commerciales et l’arrivée desentiers de randonnée skiables le longdu canal de Lachine favorisent aussi lessorties froides. Montréal devra néanmoinsse doter d’une véritable stratégie pouraider ses citoyens à s’adapter à l’hiver.Mieux vivre en ville demande aux gestion­naires urbains de faire preuve d’imagina­tion afin d’atténuer les aspects contrai­gnants tout en augmentant les occasionsde mobilité et de divertissements adaptés.

Cet hiver, qui nous visite de décembreà mars et qui nous laisse annuellementplus de 13 millions de mètres cubes deneige, nous fait rager depuis 375 ans.Parions que s’ils revenaient nous visiter,Cartier et Champlain seraient surprisde voir à quel point nous sommesmésadaptés9 à l’environnement physiquequ’ils nous ont confié. En déni de notrenordicité, notre culture se nourrit desaveurs balnéaires et de rythmes latins,auprès desquels nous nous ressourçons.Montréal, ville nordique? Pour cela, ilfaudra se faire ami de la neige, de la glace,du froid et du déneigement, même lelundi matin. Il faudra délaisser les tunnelspour découvrir les possibilités de l’hiver.Comme à l’époque du carnaval d’antan,nos festivals actuels de lumière, de neigeet de « fest » nous invitent à danser et àbouger pour nous acclimater. Ils nous fontcomprendre que c’est en chantant l’hiverque nous en ferons un pays.

Alain A. Grenier, docteur en sociologie, est professeur de tourismede nature et de développement durable au Département d’étudesurbaines et touristiques de l’École des sciences de la gestionde l’Université du Québec à Montréal. Établi depuis 10 ans àMontréal, il a vécu 13 ans au Yukon, puis sur le cercle polaire enLaponie finlandaise.

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Publicité touristique aux États-Unispour le carnaval d’hiver de 1889.

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1 BMO GROUPE FINANCIER. Créer un nouvel élan pour Montréal : 10 propositions pour un programme de relance, février 2014 (disponible en ligne).

Créé en 1996, Montréal International (MI) est issu d’un partenariatprivé-public. Sa mission est d’agir comme moteur économiquedu Grand Montréal pour attirer de la richesse en provenancede l’étranger, tout en accélérant la réussite de ses partenaires etde ses clients. MI a comme mandats d’attirer dans la régionmétropolitaine des investissements étrangers, des organisationsinternationales et des talents stratégiques, ainsi que de promouvoirl’environnement concurrentiel du Grand Montréal.

Montréal fête cette année 375 ans d’existence. Quelle réson-nance cet évènement produit-il à l’échelle internationale?Les festivités du 375e anniversaire positionnent Montréal commemétropole à dimension humaine, culturelle, artistique et gastrono­mique, mais aussi économique et créative, avec des atouts de classeinternationale. Cet élan d’enthousiasme et d’énergie vise à unifiernos forces et à mobiliser tous les Montréalais de cœur autour d’unemême ambition pour promouvoir mondialement leur région.

Dans un contexte de vive concurrence entre les grandes villes dumonde, la notoriété d’une métropole constitue un facteur déter­minant dans sa capacité d’attirer des investissements étrangers,des organisations internationales, des talents stratégiques, desétudiants et des congrès internationaux.

Dans ce contexte, quel rôle joue le cadre de vie offert par la villeet la région dans vos activités de promotion?Le Québec et le Grand Montréal se classent parmi les territoiresoffrant la meilleure qualité de vie au monde. Par exemple, la métro­pole québécoise se classe deuxième des meilleures villes au mondepour y vivre (The Economist), dans le top trois des meilleures villesd’été (Lonely Planet), dans le top 10 des villes les plus branchées(New York Times) et est classée Ville UNESCO de design depuis2006. Notre ouverture, notre dynamisme, notre créativité et notreenvironnement sécuritaire nous différencient.

Montréal possède également d’autres atouts pour se démarquer dela concurrence mondiale, soit des coûts d’exploitation compétitifs,une main­d’œuvre créative et hautement qualifiée, un accèsstratégique aux marchés ainsi que des écosystèmes de hautetechnologie extrêmement innovants.

Quand des investisseurs étrangers sont attirés par la granderégion de Montréal, qu’est-ce qu’ils apprécient le plus dansle développement urbain et qu’est-ce qui les surprend le plus?Le développement urbain contribue à augmenter directementl’attractivité et la compétitivité du Grand Montréal. Reconnue pourson bouillonnement en matière de technologies numériques, larégion a décroché cette année la reconnaissance mondiale de« Communauté intelligente de l’année », décernée par le prestigieuxIntelligent Community Forum.

Montréal joue la carte de l’innovation, sans s’écarter de l’ADN qui adonné au monde le Cirque du Soleil ainsi qu’une industrie dyna­mique du jeu vidéo. Les métropoles qui connaissent du succès sontcelles qui savent travailler à partir de leur propre écosystème, enchoisissant des axes forts de développement et en veillant à lacohésion entre les initiatives des secteurs public et privé. Il y a pré­sentement à Montréal une belle diversité de collaboration : cons­tructeurs, promoteurs, artistes, entrepreneurs, investisseurs, urba­nistes, architectes et autres professionnels s’affairent à dynamiserMontréal et à faire émerger une créativité qui lui est si distinctive.

Le document Créer un nouvel élan pour Montréal1 mettait del’avant un programme de relance dont une proposition consis-tait à « Réparer la ville ». Pouvez-vous nous dire de quoi il s’agis-sait et quel est aujourd’hui le chemin parcouru en ce sens?Le programme de relance « Réparer la ville » proposait notammentde remettre à niveau les infrastructures de Montréal afin d’en faireune ville d’avenir pour redorer son image tout en améliorant laqualité de vie de ses citoyens. Des investissements massifs ont étéfaits en ce sens et de grands projets sont en cours ­ pensons auCentre universitaire de santé McGill ou au nouveau Centre hospita­lier de l’Université de Montréal, au nouveau pont Champlain ouencore au Quartier des spectacles ­­ qui offrent aux Montréalais unespace urbain, culturel et créatif incomparable. Ces initiativesremettent le Grand Montréal sur le chemin de la prospérité et luiredonnent son rôle de leader à l’international. Le 375e de Montréalest l’occasion idéale pour soutenir la croissance économique de larégion à travers la réalisation de projets structurants.

Enfin, vu l’importance du cadre de vie montréalais commefacteur d’attractivité et de compétitivité, quels conseils donne-riez-vous aux élus municipaux et aux urbanistes pour que leurtravail en aménagement du territoire contribue à ce queMontréal se démarque encore plus à l’échelle internationale?Le Grand Montréal offre un cadre de vie exceptionnel, un environ­nement urbain et une créativité uniques en Amérique du Nord.Continuer à tirer parti des innovations technologiques et de lacréativité de Montréal pour améliorer les services aux citoyens,les transports intelligents et urbains ainsi que la qualité de vie de seshabitants constitue sans aucun doute une stratégie à privilégier poursoutenir notre prospérité économique. De plus, en investissant dansdes projets urbains innovants, tout en trouvant une inspiration dansson histoire, sa culture et sa diversité, la grande région de Montréalest assurée de se démarquer sur la scène internationale.

Serge Vaugeois, urbaniste, est détenteur d’une maitrise en aménagement du territoire et développementrégional de l’Université Laval et d’une maîtrise en Montage et gestion de projets de l’Université de Montréal.Après avoir travaillé dans l’entreprise privée et dans divers ministères du gouvernement du Québec, il estmaintenant consultant au sein de l’entreprise Enviro 3D Conseils. Frédéric Dufault est urbaniste et titulairede maîtrises en urbanisme et en environnement. Il est président de la firme Enviro 3D conseils inc qui œuvredans le domaine de l’environnement et de l’aménagement durable.

Dans le cadre du 375e anniversaire de Montréal, Urbanité a voulu comprendre comment le cadre de vie offertpar la ville, et façonné par des décennies de pratiques urbanistiques, pouvait jouer un rôle dans l’attractivitééconomique exercée par Montréal à l’international. Pour ce faire, Urbanité a rencontré le président-directeurgénéral de Montréal International, M. Hubert Bolduc. M

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Un cadre de vie comme facteurd’attractivité et de compétitivitéENTREVUE AVEC HUBERT BOLDUC, PDG DE MONTRÉAL INTERNATIONAL

» Propos recueillis par SERGE VAUGEOIS, urbaniste et FRÉDÉRIC DUFAULT, urbaniste

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86 URBANITÉ | HIVER 2017

MONTRÉAL le rayonnement de Montréal

MONTRÉAL EN LECTURE

Parutions récentes sur Montréal,son histoire et son aménagement

Le 375e anniversaire de Montréal a stimulé la parution de nombreux ouvrages. On trouvera ci-après, inspiré en partie des notes deséditeurs, un aperçu de quelques-uns d’entre eux qui présentent des liens particuliers avec le domaine de l’urbanisme. Ils devraientfaire éventuellement l’objet de recensions plus élaborées dans nos pages.

MARSAN, Jean-Claude. Montréal en évolution. Quatre siècles d’architecture et d’aménagement.(Quatrième édition.) Presse de l’Université du Québec, 2016.

Nous connaissions les éditions antérieures de cet ouvrage qui retrace l’évolution de l’architecture etde l’aménagement urbain montréalais, des premières visites de Champlain jusqu’à la métropole post­moderne d’aujourd’hui. Allant bien au­delà d’une simple description, notre éminent collègue analyseles facteurs et les courants de pensée qui ont présidé aux transformations qu’a connues Montréal,aussi bien dans les formes de son agglomération que dans l’expression architecturale de son domainebâti, faisant ainsi de l’ouvrage une véritable rencontre entre l’histoire, l’architecture et l’urbanisme.

Commentant cette parution, l’auteur nous a confié ce qui suit : « L’apport principal de cette quatrièmeédition est l’ajout d’un 15e chapitre intitulé “Le Tango”, faisant état de la ville postmoderne où se sontsuccédé des projets positifs, tels le projet Angus, l’aménagement du canal de Lachine, le Quartierinternational, la Cité du Multimédia, et, malheureusement, certaines entreprises déplorables commeles fusions et défusions municipales. Le PMAD est maintenant un atout majeur, pour autant qu’il soitsuivi de réalisations concrètes. Ce qui a par ailleurs manqué dans la planification et l’aménagementde Montréal, c’est le leadership et des compétences. Ainsi, l’attitude de l’administration de l’Uni-versité de Montréal concernant son campus et la cour de triage d’Outremont nous ramène en arrière.Considérant l’importance de la présence des universités à Montréal, on aurait avantage à déve-lopper une stratégie de planification et d’aménagement impliquant davantage les compétencesuniversitaires pour se maintenir dans l’ère du temps. »

BALAC, Anne-Marie et François C. BÉLANGER (dir.). Lumières sous la ville : quand l’archéologieraconte Montréal. Recherches amérindiennes au Québec, 2016.

Notre article consacré à la présence autochtone au début du présent numéro met en lumière le rôlemajeur que jouent les fouilles archéologiques non seulement dans la connaissance des étapes del’occupation humaine du territoire, mais également dans la sensibilisation à la présence autochtoneancienne et actuelle parmi nous, d’où le très grand intérêt de ce nouvel ouvrage qui brosse letableau de cette activité dans notre région. « Depuis une quarantaine d’années, comme le précisel’éditeur, des archéologues explorent le territoire montréalais afin de mettre au jour les traces despopulations d’autrefois. Pour la première fois, un ouvrage d’envergure consacré entièrement à cettearchéologie montréalaise donne la parole à celles et ceux qui la font au quotidien, un peu commesi nous visitions les chantiers de fouilles en leur compagnie ».

RÉMILLARD, François et Brian MERRETT. Belles demeures historiques de l’île de Montréal.Les éditions de l’Homme, 2016.

Ces deux auteurs avaient déjà publié, en 1986, un ouvrage intitulé Demeures bourgeoises deMontréal : le Mille Carré doré 1850-1930 aux éditions du Méridien. Ils étendent maintenant leursobservations à quarante des plus belles demeures historiques de l’île de Montréal, en plus dedresser le portrait des personnages qui les ont habitées. L’architecture extérieure et intérieurede ces maisons, œuvres de grands bâtisseurs, est illustrée par quelque 250 photographies,réalisées pour l’occasion, dont plusieurs nous font pénétrer dans des lieux habituellementinaccessibles au public. Selon l’historien de l’art québécois Michel Lessard, qui signe la préface :« personne n’avait jamais présenté si éloquemment notre métropole, en faisant sourire l’archi-tecture domestique des pouvoirs et de la réussite financière à travers les siècles ».

» JACQUES TRUDEL, urbaniste

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87URBANITÉ | HIVER 2017

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À signaler également

NADEAU, Jean-François. Les Montréalais : portraits d’une histoire. Les éditions de l’homme, 2016. Un aperçu de l’histoiredes habitants de la métropole, à partir de centaines de photos datant des débuts de la photographie jusqu’aux années 1970.

PONT-HUBERT, Catherine. Carnets de Montréal. Les éditions du passage, 2016. La ville vue par ses créateurs : 24 personnalitésde la scène culturelle montréalaise racontent Montréal.

SÉNÉCAL, Gilles (dir.). Revitalisation urbaine et concertation de quartier. Presses de l’Université Laval, 2016. Recueild’expériences croisant engagement communautaire et partenariat.

« Dossier Montréal », Nouveau projet, no 10, automne- hiver 2016. 50 pages dont plusieurs articles touchent l’urbanisme,avec une attention portée aux réalités particulières des quartiers.

LINTEAU, Paul-André, Serge JOYAL et Mario ROBERT. Traces de l’histoire de Montréal. Boréal, 2017. L’histoire abordée parl’illustration de tout genre de « traces » visibles dans l’espace urbain ou présentes dans la mémoire collective.

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88 URBANITÉ | HIVER 2017

MONTRÉAL nouvelles de l’ordre

L’Ordre participera activement au processusde renouvellement des orientations gouvernementalesen matière d’aménagement du territoire

En novembre dernier, le président de l’Ordre, la directricegénérale et trois membres ont été conviés par le ministère desAffaires municipales et de l’Occupation du territoire pour échan­ger sur les défis et les enjeux des prochaines années en matièred’aménagement du territoire et d’urbanisme au Québec.

Une première séance de travail, tenue le 9 novembre 2016, apermis aux représentants de l’Ordre de rencontrer le sous­ministre adjoint à l’urbanisme et à l’aménagement du territoire,Monsieur Daniel A. Gaudreau. Ils ont pu échanger sur le proces­sus de renouvellement des orientations gouvernementales enaménagement du territoire. Ce fut l’occasion de rappeler l’impor­tance que l’Ordre accorde au renouvellement de l’encadrementlégislatif de l’aménagement et de l’urbanisme, à la mise en placed’une politique nationale de l’aménagement du territoire et del’urbanisme ainsi qu’à la modulation des orientations minis­térielles et à la prise en compte des particularités régionales.

M. Gaudreau a pris bonne note des demandes et nous a conviésà participer activement au processus de renouvellement desorientations ministérielles. Le sous­ministre adjoint nous a pré­cisé que, tel que mentionné dans le Plan d’action gouvernemen­tal pour alléger le fardeau administratif des municipalités : « Pourleur part, les modifications à apporter à la Loi sur l’aménage-

ment et l’urbanisme font partie des sujets couverts par lestravaux de la Table sur les relations Québec-municipalités ets’inscrivent donc dans le cadre plus large de la révision des loismunicipales. » Il a aussi confirmé la volonté du Ministère derevaloriser la place de l’aménagement du territoire et l’urbanismedans le cadre des travaux ministériels et dans les opérationsrégionales afin d’améliorer la coordination des interventions del’ensemble des partenaires gouvernementaux et municipaux.

Une rencontre de consultation des partenaires sur le renouvelle­ment des orientations gouvernementales, notamment celle tou­chant le développement durable des milieux de vie, a été tenueà Québec le 17 novembre dernier. Cette rencontre regroupait desreprésentants de ministères et organismes gouvernementaux,d’associations professionnelles et d’organismes des domainesde l’aménagement et l’urbanisme, du développement durable,des transports, etc. Elle a permis aux participants de commenteret de proposer des modifications sur la formulation des objectifset des attentes découlant des enjeux nationaux et des orienta­tions spécifiques présentées.

Le processus de renouvellement des orientations gouvernemen­tales en matière d’aménagement du territoire devrait permettreà l’ensemble des intervenants de disposer d’un nouveau cadrede référence au cours des prochains mois.

» PAUL ARSENAULT, urbaniste

Regroupement des aménagistes et des urbanistesdu Saguenay–Lac-Saint-Jean-Charlevoix-Côte-Nord

Pour la troisième fois depuis décembre 2015, le Regroupe­ment des aménagistes et urbanistes du Saguenay–Lac­Saint­Jean­Charlevoix­Côte­Nord a tenu une activité au Saguenay,le 30 novembre dernier, afin de susciter les échanges d’idéeset d’opinions sur des enjeux touchant plus particulièrementles régions plus éloignées des centres urbains de Québec etMontréal. Cette fois­ci, le thème était particulier à l’Ordre desurbanistes, puisque le président, M. Bonsant, ainsi queMmes Catherine Boisclair, vice­présidente et Karina Verdon,directrice générale, ont été invités à venir rencontrer lesmembres du Regroupement.

Les grandes lignes de la planification stratégique de l’OUQ ontété présentées par M. Bonsant et les échanges ont notam­ment porté sur la formation continue obligatoire, le finance­ment des activités en région, la représentation des régions ausein de l’OUQ ainsi que l’Alliance Ariane. Une trentaine depersonnes étaient présentes et le thème de l’occupation duterritoire s’est imposé progressivement dans les discussionscomme enjeu fondamental du développement économique.C’est à suivre! Le Regroupement tient à remercier M. Bonsantet Mmes Boisclair et Verdon pour leur présence et leur qualitéd’écoute. Nous espérons vivement maintenir ce rapproche­ment et cet excellent climat de collaboration.

Julie Simard est membre du comité organisateur du Regroupement

» JULIE SIMARD, urbaniste

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Le comité régional des Laurentides célébrait le 24 novembre 2016sa 26e année de soupers­conférences, et les échanges ont cettefois­ci porté sur le Form Based Code. Steve Potvin, urbanistechez Groupe BC2, a été mandaté à l’automne 2015 par la Villede Bromont pour revoir le plan d’urbanisme selon cette approche,en compagnie du directeur de l’urbanisme, Jean­François Vachon,et le directeur général, le regretté Jean Langevin.

M. Potvin a présenté aux participants sa démarche sous le thème :«La planification du territoire municipal à travers les aires depaysage».1 En plus de son expertise dans l’application du FormBased Code, il a aussi utilisé une méthodologie innovante baséesur le découpage du territoire en fonction de « transects ».

Ce plan suit ainsi une logique évolutive du paysage qui nese limite pas qu’aux usages du sol, mais propose plutôt un

découpage allant au­delà de leur compatibilité. Le « transect »comprend dix aires de paysage et douze plans directeursd’aménagement (PDA).

Les aires de paysage correspondent à des secteurs dotés decaractéristiques visuelles et physiques communes, et les PDAse distinguent des aires de paysage en raison de leurs carac­téristiques visuelles et physiques atypiques.

Le nouveau plan s’inspire aussi des théories américaines duNew Urbanism et des méthodes d’analyse typomorphologiqueitaliennes et se situe entre l’approche normative classique et leForm Based Code. Il est aussi orienté sur la réalisation de projetsplutôt que sur leur interdiction et devient le principal véhiculemenant à la concrétisation du développement durable.

André M. Boisvert, urbaniste à la MRC des Pays-d’en-Haut, coanime le Comité OUQ-Laurentidesavec Danielle Cyr, urbaniste pour la Ville de Brownsburg-Chatham, Jean Labelle, urbaniste chezUrbacom et Richard St-Jean, urbaniste.

L’Ordre des urbanistes du Québec (OUQ) est heureux d’accueillirau sein de son équipe madame Nathalie Blanchet à titre d’adjointeadministrative. En poste depuis le 9 janvier, elle prendra le relaide la comptabilité et de l’administration générale suite au départà la retraite de madame Odette Michaud, adjointe à la directionet Secrétaire de l’Ordre, qui quittera le 31 mars prochain, aprèsplus de 20 ans de travail acharné et de dévouement pour sonorganisation et ses membres.

Dotée d’un bagage professionnel diversifié en comptabilité et enadministration au sein de l’entreprise familiale, et ce, depuis plusde 30 ans, cela ne fait aucun doute que madame Blanchet saurarelever les nouveaux défis qui l’attendent et contribuer au bonfonctionnement et au bon développement des activités de l’OUQ.

Vous pouvez dorénavant la joindre par courriel au [email protected] ou par téléphone au 514 849­1177, poste 22.

89URBANITÉ | HIVER 2017

CÉLÉBRONS

40ANSD’URBANISME

AU DÉPARTEMENTD’ÉTUDESURBAINESET TOURISTIQUES

LAURENTIDES

Planifier le territoire municipal par les aires de paysage

Nomination de Nathalie Blanchetà titre d’adjointe administrative àl’Ordre des urbanistes du Québec

» ANDRÉ M. BOISVERT, urbaniste

Sommet mondial du designAchetez vos billets en prévente avant le 31 mars 2017Sommetmondialdesign.com

1 Résumé basé sur la présentation du conférencier.

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à l’agenda

La revue UrbanitéTirage : 2 850 exemplaires

DISTRIBUTIONMembres de l’OUQ – 1 554 • Abonnés et autres – 1296

MISSIONPROMOUVOIR l’urbanisme et les urbanistes ;

INFORMER les lecteurs sur les divers sujets relatifs à l’aménagement du territoireet à l’urbanisme ;

FORMER sur une base continue les professionnels de l’aménagement du territoire.

COMITÉ ÉDITORIALSerge Vaugeois, président

Paul Arsenault – Sergio Avellan – Amélie Castaing-Rigaud – Frédéric Dufault –François Goulet – Mathieu Langlois – Marie-Josée Lessard – Jacques Trudel

COLLABORATIONAndré Boisvert - Félix Gravel – Marie Lessard

COORDINATION ET RÉALISATIONAndréanne Godon

CONCEPTION GRAPHIQUELucie Laverdure – L’Infographe enr.

RÉVISION ET CORRECTIONGeneviève Bournival

PUBLICITÉOrdre des urbanistes du Québec

Andréanne Godon, chargée des [email protected] | 514 849-1177, poste 26

www.ouq.qc.ca

IMPRIMERIEImprimerie F.L. Chicoine

ABONNEMENTS, INFORMATION ET SUGGESTIONSwww.ouq.qc.ca | 514 849-1177, poste 26 | [email protected]

AUTEURSVous êtes invités à soumettre vos articles ou textes inédits au comité éditorial.

Le comité éditorial se réserve le droit de publier ou de refuser un article.Information : [email protected]

Dépôt légal Bibliothèque nationale du Québec • Bibliothèque nationale du CanadaTous les textes publiés dans Urbanité ne reflètent pas forcément la position

ou l’opinion de l’Ordre et n’engagent que l’auteur.

Le genre utilisé dans cette publication englobe le féminin et le masculindans le seul but d’en alléger la présentation.

ORDRE DES URBANISTES DU QUÉBEC

Administrateurs :Donald Bonsant, président

Catherine Boisclair, vice-présidenteClément Demers, trésorier

Lucie Careau, administratriceRobert Cooke, administrateur

L. M. Pierre Marcotte, administrateurFlorent Gagné, administrateur nomméDaniel Pinard, administrateur nommé

Permanence :Karina Verdon, directrice générale et secrétaire de l’Ordre

Odette Michaud, adjointe à la directionNathalie Corso, coordonnatrice, admission et qualité

Geneviève Masson, directrice des communications (congé de maternité)Andréanne Godon, chargée des communications

Lysane Sénécal Mastropaolo, chargée des événements et relations médiasNathalie Blanchet, adjointe administrative

MARS20172 mars COLLOQUEBâtir notre avenir : les meilleures pratiquesdu logement abordableOrganisateur Ordre des urbanistes du Québec et SCHLLieu GatineauInformation [email protected]

17 mars FORMATIONLe système professionnel et déontologique des urbanistesOrganisateur Ordre des urbanistes du QuébecLieu QuébecInformation [email protected]

24 mars FORMATIONLe système professionnel et déontologique des urbanistesOrganisateur Ordre des urbanistes du QuébecLieu MontréalInformation [email protected]

31 mars FORMATIONLa gestion des sols contaminés et le rôle des urbanistesOrganisateur Ordre des urbanistes du QuébecLieu QuébecInformation [email protected]

AVRIL20173 avril FORMATIONLoi sur l’aménagement et l’urbanisme - Approche pratiqueet revue de la jurisprudenceOrganisateur Ordre des urbanistes du QuébecLieu MontréalInformation [email protected]

7 avril FORMATIONLoi sur l’aménagement et l’urbanisme - Approche pratiqueet revue de la jurisprudenceOrganisateur Ordre des urbanistes du QuébecLieu QuébecInformation [email protected]

7 avril FORMATIONLa gestion des sols contaminés et le rôle des urbanistesOrganisateur Ordre des urbanistes du QuébecLieu MontréalInformation [email protected]

10 avril FORMATIONLoi sur l’aménagement et l’urbanisme (LAU) -Cours 101 en préparation de l’examen(fortement recommandée aux stagiaires)Organisateur Ordre des urbanistes du QuébecLieu QuébecInformation [email protected]

21 avril FORMATIONLoi sur l’aménagement et l’urbanisme (LAU) -Cours 101 en préparation de l’examen(fortement recommandée aux stagiaires)Organisateur Ordre des urbanistes du QuébecLieu MontréalInformation [email protected]

OCTOBRE201716 au 25 octobreCongrès annuel et Sommet Mondial du DesignOrganisateur Ordre des urbanistes du Québec et OSMDLieu MontréalInformation [email protected]

85, rue Saint-Paul Ouest4e étage, bureau 410, Montréal, QC, H2Y 3V4514 849-1177 • www.ouq.qc.ca

90 URBANITÉ | HIVER 2017

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