contribution à l'étude de la formation de l'ammoniaque au moyen des décharges...

6
- 95 - Contribution a l’btude de la formation de l’am- moniaque au moyen des dbcharges electriques Par E. Briner et A. Baerfusst I). (31. XII. 18.) Le probleme de la fixation de l’azote a 1’8tat d’ammoniaque est un de ceux qui, ces dernieres annees, a l e plus preoccupe le chimiste. Depuis le beau succes industriel qui a couronne les travaux de Haber et de ses collaborateurs, l’attention a ete plus specialement attiree par les prockdks faisant intervenir l’action combinee, sur les melanges azote-hydrog8ne, de la compression, de la temperature et de certains corps doues de pouvoir catalytique. En dehors de ces methodes, la synthese de l’ammoniaque operee a l’aide des decharges electriques, notamment des de- charges sous forme d’arc, presente Bgalement des particularites dignes d’interet, dont l’etude a deja fait I’objet de plusieurs series de recherches de la part de l’un de nous (Br) et de ses collaborateurs. Parmi ces particularites, on a surtout retenu, en vue de son interpretation, le fait que l’ammoniayue, corps apeu pres entiereinent dissocie vers 1000°, prend naissance Ct des con- centrations de 1 O/o et plus par l’action de l’arc electrique, qui est considere d’habitude comme un agent producteur de tem- peratures tres Blevees. La suite de ces recherches a porte plus specialement sur le r61e important, joue dans le phenomene, par la dkpression. D’une fagon generale l’action de la depression est plus ou moins like a celle d’autres facteurs; le probleme comporte donc 1) M. A. Bacrfuss, Ing. chimiste de 1’Ecole polytechnique fkdkrale et lieutenant d’iofanterie, qui a collabore a ces recherches, est decCd6 en juillet dernier a Liestal des suites de la grippe, contract6e au service de la Patrie. Cette mort pr6maturi.e constitue une lourde perte pour la chimie suisse, a la- quelle A. Baevfuss aurait certainement fait honneur, grace a ces talents et h la noblesse de son caractkre. E. B.

Upload: e-et-a-briner-baerfuss

Post on 11-Jun-2016

214 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: Contribution à l'étude de la formation de l'ammoniaque au moyen des décharges électriques

- 95 -

Contribution a l’btude de la formation de l’am- moniaque au moyen des dbcharges electriques

Par E. Briner et A. Baerfusst I).

(31. XII. 18.)

Le probleme de la fixation de l’azote a 1’8tat d’ammoniaque est un de ceux qui, ces dernieres annees, a l e plus preoccupe le chimiste. Depuis le beau succes industriel qui a couronne les travaux de Haber et de ses collaborateurs, l’attention a ete plus specialement attiree par les prockdks faisant intervenir l’action combinee, sur les melanges azote-hydrog8ne, de la compression, de la temperature et de certains corps doues de pouvoir catalytique.

En dehors de ces methodes, la synthese de l’ammoniaque operee a l’aide des decharges electriques, notamment des de- charges sous forme d’arc, presente Bgalement des particularites dignes d’interet, dont l’etude a deja fait I’objet de plusieurs series de recherches de la part de l’un de nous (Br) et de ses collaborateurs. Parmi ces particularites, on a surtout retenu, en vue de son interpretation, le fait que l’ammoniayue, corps a p e u pres entiereinent dissocie vers 1000°, prend naissance Ct des con- centrations de 1 O/o et plus par l’action de l’arc electrique, qui est considere d’habitude comme un agent producteur de tem- peratures tres Blevees. La suite de ces recherches a porte plus specialement sur le r61e important, joue dans le phenomene, par la dkpression.

D’une fagon generale l’action de la depression est plus ou moins like a celle d’autres facteurs; le probleme comporte donc

1) M. A . Bacrfuss, Ing. chimiste de 1’Ecole polytechnique fkdkrale et lieutenant d’iofanterie, qui a collabore a ces recherches, est decCd6 e n juillet dernier a Liestal des suites de la grippe, contract6e au service de la Patrie. Cette mort pr6maturi.e constitue une lourde perte pour la chimie suisse, a la- quelle A . Baevfuss aurait certainement fait honneur, grace a ces talents et h la noblesse de son caractkre. E. B.

Page 2: Contribution à l'étude de la formation de l'ammoniaque au moyen des décharges électriques

96 - -

un caractere tres complexe et son etude systematique, que nous nous sommes proposee, exige de nombreux essais. Nous en re- sumons ici les principaux resultats, obtenus en faisant circuler, dans un tube-laboratoire ou jaillit un arc, le melange gazeux azote-hydrogene dans des conditions bien determinees et que l’on peut faire varier, de pression, de debit, de composition, d’intensite du courant electrique, de distance, de nature des electrodes, etc.; pour de plus amples indications sur les me- thodes de travail adoptees et sur la bibliographie de la question nous renvoyons au memoire detaille, qui paraitra dans un autre recueil.

En ce qui touche la tension de l’arc, il a BtB constate que dans les gaz purs, hydrogene et azote, ce facteur subissait du fait de la depression des abaissements du m6me ordre que dans les melanges. Mais, en dehors de cet effet, qui aboutit B un accroissement du rendement energetique de production de l’am- moniaque, et qui est de nature purement electrique, on doit compter encore avec des particularites, qui interessent le phe- nomene chimique hi-ini2me. Pour les mettre en evidence dans les resultats, il a fallu se rendre independant de l’action favorable exercee par la depression sup la tension de l’arc, en considerant, fi c8te du rendement Bnergetique, un rendement rapport6 k la pant i t6 d’Blectricit6.

Nous relatons, ci-apres, un certain nombre de donnees re- cueillies, choisies parmi les plus caracthristiques, en les faisant suivre de quelques remarques qui en decoulent.

Les abrdviations ont les significations sriivantes Kos, numero d’ordre de l’essai ; Gaz, composition du mklange, Electr., nature des Blectrodes; dist., leur distance en mm; I, intensite d u courant de l’arc en milliamperes; E, tension de l’arc en volts; p, pression du gaz dans le tube-laborstoire, en mm Hg ; Q, rendement rapporte a la quantiti. d’electricit8 (gr. NH, a I’ampkreheure); Rdt, renclement energktique (gr. K11, au kilowattheure) ; c, concentration relative en O/n en volume de lammoniaque formee dans le m6lange.

Une premiere serie d’essais nous a montre tout d’abord que dans le melange de composition theorique N, : 3 H,, les ren- dements Q sont sensiblement les mBmes fi toutes les pressions; l’accroissement des rendements energetiyues (Rdt) par la dk- pression resulte donc, principalement, de l’augmentation de con- ductibilite du melange.

Page 3: Contribution à l'étude de la formation de l'ammoniaque au moyen des décharges électriques

L -- LPZ'O i9z'o

OTO'O

LtT'O TLO'O 7210'0 280'0 OPO'O POO'O 6E0'0

6PO'O

260'0

~ ... ~-

3

--

- $9'1 EZ'Z 69'0 21'0 €6'0 1 P'l 9L'O 91'0 68'0 81'0

61'0 zo'o .~ -

IPH -

-- 8E.'O ZP'O zz'o 50'0 9E'O 8P'O 82'0 90'0 El'O 91'0 RO'O 91'0

0

~. ____

-

- OOT OOT 001 001 001 OOT 001 OOT OOT 009 009 009 ~ ~ ~~~.

d

-

- 912 061 9L8 0% 9 LI OPE 988 C68 9LE OG8 006 an

~~

.. ~-

a -

TIP9 Z'EG oz oz 02 02 oz oz oz oz oz oz - ~

I

- 6'0 6'0 L L

L L L L L L L

> d

~

. ~.~

'WP -

- L'T L'1 8'0 8'0

9'0 c9'0 L '0 L '0 L'O L'O L '0 L'O

~ ~~

W"!P -

- 612 8TZ 691 OL 1 L91 991 Z9T OUT 6PT P91 €9 1 195

- I 980'0 PO'T PF'O

8Li'O P9'€ 01'1 082'0 ED'€ 90'1

LET'O 8P'T $9'0

9LO'O TP'O 09'0

60Z'O 99'5 18'0

962'0 LC'Z 98'0

Z60'0 €6'0 9'2'0 PCO'O 9F'O 6€'0

~-

- 001 00 T 001 001 001 001 OOT 009 019

~~

-~

d

- 90E SOD OTI OZE G€E C9E 9LG 0011 9PZT

~

~ ._

a

- 06 02 oz oz 0% 02 OZ 01 01

~

~

I -

I L6 'H F:'N 06 T6 'H €:'N Ot: P8 'H 6:'N 91 CL 'H E:'N 6 09 'H 6:'K F 92 'H €:'N T PT 'H 9:'N T P8 'H T:'N 9 92 'H I 'N T

Page 4: Contribution à l'étude de la formation de l'ammoniaque au moyen des décharges électriques

- 98 -

T,es phenomeiies observes pour le platine et les metaux de son groupe ne se reproduisent pas, ou se reproduisent a un degre fortement attitnu& avec les autres metaux. Pour le nickel et le fer, notamnient, qui fournissent des rendemeiits bien inferieurs R ceux obtenus avec le platine, la surazotation abaisse forteinent le reiidement a toutes les pressions et le melange optimum est toujours le melange theorique. En dehors de l’action specifique, propre a chaque metal, il faut encore compter pour un m6me metal avec la preparation qu’il subit au cours de son utilisation et qui ameliore son activite catalytique. Dans une de nos series effectuees avec des electrodes de platine, aprks 4 heures, le ren- demeiit a augmente de plus de 5OOio.

TJne autre serie d’experiences a mis en evidence le fait qu’aux basses pressions, les rendements Q sont independants de la distance des electrodes. L’espace compris entre les electrodes ne joue donc pas un r61e important dans le pheiiomhne; on peut, par consequent, reduire cet espace sans inconvenient par rapprochement des electrodes, ce qui a pour effet d’abaisser la tension et d’ameliorer notablement les rendements Rdt.

En ce qui concerne d’autres fadeurs, tels que: epaisseur des electrodes, intensite du courant, debit du melange gazeux etc., ils prPsentent chacun, pour des conditions donnees, un optimum que nous avons determine et qu’il convient de connaitre si l’on veut atteindre les rendements les plus Bleves.

Ce qui ressort de ces recherches, comme principal resultat experimental acquis, c’est l’influence tout particulierement favo- rable, exercee sur la production de l’ammoniaque a l’aide de l’arc, par la reunion des trois conditions suivantes : la depression. l’exces d’azote, un materiel d’electrodes convenable ; grftce a elle, le rendement a ete augment6 dans une forte mesure (de Rdt- 0,3 - 0,5 et c = 0’1 O/o, obtenus dans les premiers essais effectues a la pression ordinaire sur un melange N, : 3 H,, ti Rdt = 5 gr. environ et c-O,7O/o ’). Ce sont donc bien ces conditions qui

1) Au c o w s de recherches ultbricures qui feront I’objet d’une autre pu- blication, des rendements encore plus Blew% ont 6th obtenus en modifiant quelque peu les conditions de travail; ces rendements ont atteint des valeurs de 7,5 - 10 gr. NH, au KWh avec concentrations en volume de 0,6 - l O / o en NH,.

Page 5: Contribution à l'étude de la formation de l'ammoniaque au moyen des décharges électriques

- 99 -

donnent au phenomene son caractere special et qui meritent d‘6tre retenues, comme base de discussion, dans l’etude de son mecanisme.

Sans entrer dans le detail des essais d’interpretation aux- quels nous nous sommes livres et que Yon trouvera dam un memoire plus complet, il nous suffira de rappeler ici, en ce qui concerne la formation de l’ammoniaque a l’aide de l’arc Blectrique, qu’elle peut s’expliquer, dans une certaine mesure, en attribuant aux temperatures elevees crekes par l’arc, le pouvoir de dissocier un certain nombre de molecules d’azote et d’hydrogene, et en admettant que la synthese de l’ammoniaque s’effectue, non plus A partir des molecules N, et H,, mais a partir des atomes N et H lib&& par cette dissociation. On comprend dks lors la n6ces- sit6 de temperatures &levees destinees a provoquer cette disso- ciation, la formation de l’ammoniaque ayant lieu dans les regions plus froides oh ce corps est plus stable et toujours a partir des atomes N et H, parvenus dans ces regions par diffusion’). A c6t6 de cette dissociation d’origine purement thermique, il y a lieu de tenir compte aussi d’une liberation d’atomes operee par le choc des ions contre les molecules. Dans cette conception, le r6le favorable joue par la depression peut s’interpreter par la resistance moins forte qu’opposent les molecules la disso- ciation lorsque la pression diminue et par le supplement d’kner- gie cinetique qui est confere du m8me coup aux ions en raison de l’extension de leur chemin de libre parcours.

Quant it l’amelioration des rendements, realisee par une surazotation du melange et qui parait 6tre en contradiction avec la regle d’apres laquelle le melange optimum pour la formation d’un corps correspond a la composition de ce corps, il suffit pour l’expliquer cle remarquer que ce qui importe ce n’est pas la con- centration moleculaire du melange, mais bien la concentration des elements actives - ou masses actives, selon I’expression con- sacree par la loi de Guldberg et Waage. Si l’activation consiste par exemple en une atomisation, comme nous le pensons, le melange le plus favorable a la production de l’ammoniaque est

1) Voir sur ce point une note suivante OG cette tlikorie cinktiste est con frontee avec une autre theorie due a E . B. Mazied et basee sur la formation de NH, par une rBaction equilibree s’accomplissant dam l’arc meme.

Page 6: Contribution à l'étude de la formation de l'ammoniaque au moyen des décharges électriques

100 - - celui qui contiendra 3 H pour 1 N. Ces deux dements ne s’ac- tivant sfirement pas toujours avec la mame facilit6, on congoit aisement que le melange optimum puisse comporter des compo- sitions diffkrentes de N, : 3 H,. Un exces d’azote sera notamment nkcessaire, si ce dernier gaz s’active plus difficilement que l’hy- drogene dans les conditions des operations. Get excBs trouverait une explication admissible au eas oh l’activation consisterait en une dissociation de la molecule en atomes, la molecule d’azote 6tant certainement plus stable que la mol6cule d’hydrogkne.

Geneve, Laboratoire de Chimie technique et theorique de l’Universit6 de Geneve, Aofit 1918.

U n memoire detail16 su r le sujet trait6 dans la pr6sente note paraitra prochainement dans le Journal de Chimie physique.