comprendre les difficultés des étudiants universitaires en français écrit et y remédier : le...
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Comprendre les difficultés des étudiants universitaires en
français écrit et y remédier : le cas
des sciences de l’éducation Pascale Lefrançois
Université de Montréal
Le problèmeLorsque les jeunes Québécois entrent à
l’université, plusieurs d’entre eux présentent des lacunes importantes en français écrit.
La situation est particulièrement préoccupante en sciences de l’éducation.
Le nivellement par le bas n’est pas une solution.
Il faut exiger le niveau de compétence attendu socialement, mais développer des moyens efficaces pour aider les étudiants à relever le défi.
Notre projet
Nous avons voulu comprendre la source des difficultés des étudiants en nous intéressant à leurs stratégies de résolution de problèmes linguistiques.
À partir de ces observations, nous avons développé un cours de mise à niveau donné pour la première fois en 2002-2003.
État de la recherchePeu de travaux sur les adultes lettrés sans
difficultés d’apprentissage (Fayol et Jaffré, 1999)
Les difficultés de nos étudiants peuvent provenir de lacunes dans leurs connaissances orthographiques et dans leur traitement cognitif de ces connaissances. (Bonin, Peereman et Fayol, 2001 ; Fayol, Hupet et Largy, 1999 ; Holmes et Carruthers, 1998; Largy, Fayol et Lemaire, 1996)
État de la recherche
Recherche québécoise auprès d’étudiants du postsecondaire (Roy, Lafontaine et Legros, 1995)
Problèmes d’accords grammaticauxDifficultés en ponctuation, en syntaxe et en
vocabulaireEn production, erreurs d’orthographe lexicaleSavoirs morcelés, constitués notamment de
règles citées hors contexte
Notre objectifDécrire les stratégies de résolution de
problèmes orthographiques des étudiants universitaires en fonction de trois principales variables :
le fait que le problème ait été ou non résolu correctement;
le niveau de compétence en français écrit des sujets;
le type de problème linguistique rencontré.
Méthodologie
Commentaires métagraphiques (David et Jaffré, 1997 ; Jaffré, 1995 ; Jaffré, 1998)
Les sujets sont appelés à justifier à voix haute leurs choix graphiques et à expliciter la démarche qui les y a conduits, soit spontanément devant un texte, soit à la demande de l’expérimentateur.
Les sujets et les tâches
24 étudiants• 4 forts (3 femmes, 1 homme)• 17 moyens (16 femmes, 1 homme)• 3 faibles (3 femmes)
2 tâches• révision d’un texte imposé • production et révision d’un texte
Les commentaires métagraphiques ont été regroupés en séquences et analysés.
Les produits
Révision (242 mots)moyenne : 13 erreurs14,5 chez les forts12 chez les moyens 19 chez les faibles
Production (242 mots)moyenne : 6 erreurs3,5 chez les forts6 chez les moyens10 chez les faibles
Les produits
Ainsi, quand les étudiants universitaires, et plus particulièrement les forts, rédigent leur propre texte, ils sont capables d’éviter des problèmes auxquels ils se voient confrontés lorsqu’ils révisent un texte imposé et qu’ils ne savent pas résoudre.
Problèmes sur lesquels portent les commentaires
Accord du déterminant, accord du participe passé, accord sujet-verbe, conjugaison, concordance des temps, genre, homophonie, choix de la forme verbale en [e], lexique, négation, orthographe lexicale, ponctuation, usage des pronoms relatifs, usage du trait d’union
Problèmes ayant donné lieu à des commentaires
Révision concordance des temps
et ponctuation : plus de 50% des problèmes mal résolus, dont le quart est commenté
lexique et négation : plus de 40% mal résolus
Production ponctuation : problème
le plus fréquent (1,1 problème ignoré et 0,49 mal corrigé par texte)
syntaxe et orthographe lexicale : 0,99 et 0,66 erreur laissée
Problèmes ayant donné lieu à des commentaires
On remarque donc que, tant en révision qu’en production, plusieurs erreurs sont laissées sans même qu’un doute soit éveillé chez les étudiants.
Types de stratégies
Pour décrire le processus de résolution de problèmes, on a dégagé le niveau de sophistication avec lequel les sujets ont pu décrire leurs stratégies de résolution de problèmes (3 niveaux)
1) Référence à la trace graphique « C’est vraiment ce qui leurs arriva, malgré la panne. » : On ne mettra pas de «s» ici, mais je ne peux pas te l’expliquer.
Types de stratégies
2) Procédure métalinguistique Non normée - « Avec ses paroles apaisantes
elle les avait convaincu » : «Avait convaincu» qui? c’est tous les invités, donc je pense que c’est «e, n, t».
Normée insuffisante - « […] où les douzes coups de minuit sonnerait » : Je ne mets pas de «s» à «sept», je ne vois pas pourquoi j’en mettrais à «douze».
Types de stratégies
Normée suffisante - « La fête pouvait continuée comme prévue » : «Continuée» c'est «e, r», la fête pouvait finir.
3) Recours au métalangageNon norméNormé insuffisantNormé suffisant
Stratégies les plus fréquentes
Révision 20% trace graphique normée
sans méta 10% proc. métalinguistique
normée insuffisante 20% proc. métalinguistique
normée suffisante 12% métalang. normé insuffisant 14% métalang. normé suffisant 19% hésitation 15% utilisation du dictionnaire 3%, de la grammaire 4%, du dictionnaire de
conjugaison
Production 17% trace graphique normée
sans méta 11% proc. métalinguistique
normée insuffisante 25% proc. métalinguistique
normée suffisante 7% métalang. normé insuffisant 7% métalang. normé suffisant 12% hésitation 14% utilisation du dictionnaire 1%, de la grammaire 1%, du dictionnaire de
conjugaison
Stratégies en fonction de la capacité à résoudre le problème
Quand le problème est mal résolu, les stratégies sont fondées sur des informations non normées ou insuffisantes, contrairement aux cas où le problème est correctement résolu.
Quand le problème est mal résolu, il y a plus d’informations non normées en production qu’en révision, où l’information est le plus souvent normée mais insuffisante.
Stratégies en fonction de la compétence en français
Stratégies semblables quand le problème est bien résolu.
Quand il est mal résolu, on observe En révision, pour les forts et les moyens: stratégies
métalinguistiques insuffisantes; pour les faibles et les moyens: connaissances erronées. En production, pour les forts: stratégies
métalinguistiques et métalangage insuffisants; pour les moyens et les faibles: connaissances erronées; mais, pour les faibles, stratégies métalinguistiques
normées et suffisantes.
Stratégies selon le type de problèmes
On a plus souvent recours au métalangage pour résoudre des problèmes d’accord sujet-verbe que ceux d’accord du participe passé, par exemple.
Pour d’autres problèmes comme l’orthographe lexicale, la référence à la trace graphique suffit.
Synthèse des résultats
1) Les étudiants ont plus de facilité à produire un texte qu’à en corriger un.
2) Les erreurs les plus fréquentes en révision et en production concernent la cohérence textuelle, le lexique et la syntaxe.
3) Les étudiants commettent des erreurs sur des mots ou des parties de phrases pour lesquels aucun doute ne les effleure.
4) Les ouvrages de référence sont généralement peu utilisés et, lorsqu’ils le sont, c’est avec relativement peu de succès.
5) Le recours au métalangage est assez peu fréquent, surtout en situation de production.
Synthèse des résultats
5) Les problèmes mal résolus sont associés à des stratégies témoignant de connaissances non normées (chez les moyens et les faibles) ou insuffisantes (chez les forts), mais aussi à des stratégies normées et suffisantes chez les faibles.
Problèmes au niveau des connaissances orthographiques elles-mêmes mais aussi, chez les faibles, au niveau de l’accès à ces connaissances.
Conclusions didactiques
Ne pas négliger l’acquisition formelle des connaissances linguistiques, ce qui inclut le métalangage et la capacité d’analyse.
S’intéresser à la cohérence textuelle, au lexique et à la syntaxe.
Travailler, mais surtout avec les faibles et dans leurs propres textes, la mise en application de ces connaissances.
Conclusions didactiques
Enseigner explicitement les stratégies de révision de textes:
1) savoir douter à bon escient; 2) posséder un nombre suffisant de
connaissances linguistiques; 3) savoir trouver les réponses à ses
questions dans les ouvrages de référence.
Notre cours
Dans chacun des blocs de 3 heures :2 h de cours magistral1 h d’atelier
Dans le cours magistral :Analyse grammaticaleRègles du français normatif
Dans l’atelier :Développement de stratégies de révision de textes
Les ateliers
Enseignement systématique de l’utilisation des ouvrages de référence
Modèle réviseur Travail critère par critère : cohérence du
texte, syntaxe des phrases, ponctuation, choix du lexique, accords, morphologie des verbes, étymologie et orthographe
À partir des textes des étudiants et de textes imposés
Compléments
Porte-folio : version initiale de différents textes et seconde version améliorée accompagnée de la justification des corrections apportées
Site Web : exercices d’entraînement et correction de textes interactifs
Évaluation
Examen en deux parties :Connaissances linguistiques (correction
justifiée d’un texte, application justifiée de règles, analyse grammaticale)
Rédaction de texte avec tous les ouvrages de référence souhaités
Pour réussir le cours, il faut la note de passage dans les deux parties.
Les résultats
Un peu plus de la moitié des étudiants inscrits au cours en 2002-2003 n’ont pas atteint les exigences fixées et doivent reprendre le cours l’an prochain.
Échec, non : réussite potentielle différée On ne peut combler 13 années de lacunes en
45 heures de cours. Il est normal que deux ans soient nécessaires
à l’atteinte des objectifs.
Les résultats
La plupart des étudiants sont persuadés qu’ils doivent maîtriser le français pour devenir enseignants.
Leurs succès antérieurs en français écrit dans le système scolaire leur avaient souvent fait croire qu’ils étaient suffisamment compétents pour enseigner la langue, d’où leur désarroi.
Un certain temps leur est nécessaire pour comprendre où sont leurs lacunes et commencer à y remédier.
Perspectives d’avenir
Nous en sommes à la moitié de l’encadrement offert.
Le cours de reprise sera basé sur l’apprentissage par problèmes.
Ce n’est qu’au printemps 2004 que nous pourrons tirer de véritables conclusions sur le succès de cette mesure.
Un projet de recherche comparera l’efficacité de cette mesure à celle d’autres types de mesures.
Texte à réviser Pour la première fois cette année, Sophie et
Jonathan avaient organisés le réveillon du jour de l’An. La soirée avait mal parti, bien qu’ils avaient invité plusieurs personnes, seulement quelques amis et membres de la famille s’étaient présenté. Sophie était un peu décue car elle avait mit beaucoup de temps pour préparer ce réveillon. Jonathan lui, avait décoré l’apartement avec soin.