cinÉtique.enzymatique

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C

O L L E C T I O N

G

R E N O B L E

S

C I E N C E S

DIRIGE PAR JEAN BORNAREL

CINTIQUE ENZYMATIQUEAthel CORNISH-BOWDEN Marc JAMIN Valdur SAKS

C

Grenoble Sciences poursuit un triple objectif : raliser des ouvrages correspondant un projet clairement dfini, sans contrainte de mode ou de programme, garantir les qualits scientifique et pdagogique des ouvrages retenus, proposer des ouvrages un prix accessible au public le plus large possible. Chaque projet est slectionn au niveau de Grenoble Sciences avec le concours de referees anonymes. Puis les auteurs travaillent pendant une anne (en moyenne) avec les membres dun comit de lecture interactif, dont les noms apparaissent au dbut de louvrage. Celui-ci est ensuite publi chez lditeur le plus adapt. Deux collections existent chez EDP Sciences : la Collection Grenoble Sciences, connue pour son originalit de projets et sa qualit Grenoble Sciences - Rencontres Scientifiques, collection prsentant des thmes de recherche dactualit, traits par des scientifiques de premier plan issus de disciplines diffrentes. Jean BORNAREL, Professeur l'Universit Joseph Fourier, Grenoble 1 Serge CHESNE, Matre de Confrences l'Universit de La Runion Jean-Marie FRRE, Professeur l'Universit de Lige Michel VAN DER REST, Professeur l'Ecole Nationale Suprieure de Lyon, Directeur-adjoint de la Recherche Julien BRVIER Grenoble Sciences reoit le soutien du Ministre de l'ducation nationale, du Ministre de la Recherche, et de la Rgion Rhne-Alpes. Ralisation et mise en pages : Centre technique Grenoble Sciences Directeur scientifique de Grenoble Sciences (Contact : Tl. : (33)4 76 51 46 95 - E-mail : [email protected])

Grenoble Sciences

Comit de lecture pour Cintique enzymatique

et

Illustration de couverture : Alice GIRAUD partir dune image originale reprsentant la structure de la cratine kinase fournie par le Professeur Theo WALLIMANN et le Docteur Uwe SCHLATTNER de ETH de Zurich (Suisse) ISBN 2-86883-742-5 EDP Sciences, 2005 Portland Press, Ltd. London, 2004 This translation of portions of FUNDAMENTALS OF ENZYME KINETICS first published in (1995, 2004) is published by arrangement with Portland Press, London

CINTIQUE ENZYMATIQUEAthel CORNISH-BOWDEN Marc JAMIN Valdur SAKS

Ouvrages Grenoble Sciences dits par EDP SciencesChimie. Le minimum savoir (J. Le Coarer) - Electrochimie des solides (C. Dportes et al.) - Thermodynamique chimique (M. Oturan & M. Robert) - Chimie organomtallique (D. Astruc) - De l'atome la raction chimique (sous la direction de R. Barlet)

Collection Grenoble Sciences

Exercices corrigs d'analyse, T. 1 et 2 (D. Alibert) - Introduction aux varits diffrentielles (J. Lafontaine) - Analyse numrique et quations diffrentielles (J.P. Demailly) - Mathmatiques pour les sciences de la vie, de la nature et de la sant (F. & J.P. Bertrandias) - Approximation hilbertienne. Splines, ondelettes, fractales (M. Attia & J. Gaches) - Mathmatiques pour ltudiant scientifique, T. 1 et 2 (Ph.J. Haug)

Introduction la mcanique statistique (E. Belorizky & W. Gorecki) - Mcanique statistique. Exercices et problmes corrigs (E. Belorizky & W. Gorecki) - La cavitation. Mcanismes physiques et aspects industriels (J.P. Franc et al.) - La turbulence (M. Lesieur) - Magntisme : I Fondements, II Matriaux et applications (sous la direction dE. du Trmolet de Lacheisserie) - Du Soleil la Terre. Aronomie et mtorologie de lespace (J. Lilensten & P.L. Blelly) - Sous les feux du Soleil. Vers une mtorologie de lespace (J. Lilensten & J. Bornarel) - Mcanique. De la formulation lagrangienne au chaos hamiltonien (C. Gignoux & B. Silvestre-Brac) - Problmes corrigs de mcanique et rsums de cours. De Lagrange Hamilton (C. Gignoux & B. Silvestre-Brac) - La mcanique quantique. Problmes rsolus, T. 1 et 2 (V.M. Galitsky, B.M. Karnakov & V.I. Kogan) - Analyse statistique des donnes exprimentales (K. Protassov) - Description de la symtrie. Des groupes de symtrie aux structures fractales (J. Sivardire) - Symtrie et proprits physiques. Du principe de Curie aux brisures de symtrie (J. Sivardire)

Bactries et environnement. Adaptations physiologiques (J. Pelmont) - Enzymes. Catalyseurs du monde vivant (J. Pelmont) - La plonge sous-marine l'air. L'adaptation de l'organisme et s e s limites (Ph. Foster) - Endocrinologie e t communications cellulaires (S. Idelman & J. Verdetti) - Elments de biologie l'usage d'autres disciplines (P. Tracqui & J. Demongeot Bionergtique (B. Gurin) L'Asie, source de sciences et de techniques (M. Soutif) - La biologie, des origines nos jours (P. Vignais) - Naissance de la physique. De la Sicile la Chine (M. Soutif) - Le rgime omga 3. Le programme alimentaire pour sauver notre sant (A. Simopoulos, J. Robinson, M. de Lorgeril & P. Salen) - Gestes et mouvements justes. Guide de l'ergomotricit pour tous (M. Gendrier)

Listening Comprehension for Scientific English (J. Upjohn) - Speaking Skills in Scientific English (J. Upjohn, M.H. Fries & D. Amadis) - Minimum Competence in Scientific English (S. Blattes, V. Jans & J. Upjohn) Radiopharmaceutiques. Chimie des radiotraceurs et applications biologiques (sous la direction de M. Comet & M. Vidal) - Turbulence et dterminisme (sous la direction de M. Lesieur) Mthodes et techniques de la chimie organique (sous la direction de D. Astruc) - L'nergie de demain. Techniques, environnement et conomie (sous la direction de H. Nifenecker)

Grenoble Sciences - Rencontres Scientifiques

PRFACEDans le contexte post-gnomique actuel, la recherche en biologie doit faire face de nouveaux dfis et tendre ses domaines dinvestigation vers des niveaux de complexit croissante. Il sagit notamment de dterminer la structure et la fonction de toutes les protines encodes dans les gnomes tudis, de comprendre les processus de contrle de lexpression diffrentielle de ces protines dans les diffrents types de cellules dun organisme vivant, de mettre en vidence les interactions protine/protine en relation avec leur implication dans les phnomnes biologiques (protomique) ou encore de dcrire de manire quantitative le fonctionnement molculaire dun organisme dans ses tats normaux et physiopathologiques. Ce dernier domaine dtude constitue, dans la mouvance scientifique actuelle, ltude du physiome ou physiologie gnomique. Cette physiologie gnomique a pour objectif de dcrire le fonctionnement des organismes vivants en allant du gnome vers le protome et le mtabolome jusqu la caractrisation du fonctionnement intgr des cellules, des tissus et des organes. Cette tude de systmes mtaboliques complexes repose sur le dveloppement de modles comprhensibles des systmes biologiques par des mthodes de modlisation mathmatique, un domaine aujourdhui en plein essor, et sur lutilisation de la cintique enzymatique pour obtenir les donnes quantitatives ncessaires pour cette analyse. La cintique enzymatique a pour objectif didentifier et de dcrire les mcanismes de raction en tudiant leur vitesse et les flux mtaboliques. En partant des enzymes isols et en allant vers des systmes mtaboliques organiss et intgrs, les mthodes de cintique enzymatique permettent de dcrire de manire quantitative les proprits catalytiques des enzymes et les mcanismes de leur rgulation. Historiquement, les lois gouvernant la vitesse des processus chimiques ont t dcouvertes empiriquement dans le courant du XIXe sicle et les explications thoriques rendant compte des observations phnomnologiques sont apparues au dbut du XXe sicle, sur la base des dcouvertes de la physique molculaire, de la thermodynamique chimique et statistique et de la mcanique quantique. La cintique enzymatique utilise les thories et les dcouvertes de la cintique chimique pour la description et ltude des mcanismes des ractions catalyses par des enzymes, les catalyseurs biologiques, qui sont essentiellement des protines comportant des sites actifs catalytiques. Dans les tudes biochimiques fondamentales, les mthodes cintiques sont combines avec des tudes structurales et des mthodes de biologie molculaire, telle la mutagense dirige, afin daboutir une description du

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mcanisme ractionnel au niveau atomique. Ainsi, la cintique enzymatique est un outil important et ncessaire dans de nombreuses tudes biochimiques mais sa nature quantitative et sa capacit prvoir l'volution dun processus biochimique au cours du temps, en font galement un lment de base de la biotechnologie. La cintique enzymatique constitue donc une part importante de la culture et de la connaissance biochimique que les tudiants en biologie, quelle que soit leur spcialisation, devraient acqurir au cours de leur cursus. Il existe plusieurs ouvrages classiques de cintique enzymatique en anglais (SEGEL, CORNISH-BOWDEN, GUTFREUND) qui constituent une source de formation et dinformation suffisamment dtaille et complte de ce type dapproche. Toutefois, la situation en langue franaise est diffrente. Lexcellent ouvrage de J. PELMONT intitul Enzymes donne une bonne description de lenzymologie, mais principalement de ses aspects qualitatifs. Le but de notre ouvrage est de fournir un manuel de rfrence pour la cintique enzymatique, complmentaire de celui de PELMONT. Dans ce but, nous avons traduit et adapt le livre dAthel CORNISH-BOWDEN intitul Fundamentals of Enzyme Kinetics en utilisant le matriel du cours denzymologie donn lUniversit Joseph Fourier de Grenoble par Valdur SAKS et Marc JAMIN. Ce livre commence par une description des principes simples de la cintique chimique et de la thermodynamique et comprend une description dtaille de la cintique dans des conditions dtat stationnaire pour les enzymes un ou plusieurs substrats, des phnomnes dinhibition et dactivation, de la rgulation allostrique et de la cooprativit dans les ractions enzymatiques. Il aborde les systmes multienzymatiques et lanalyse du contrle mtabolique en prsentant une analyse soigneuse des applications pratiques de ces mthodes. Nous esprons que ce nouvel ouvrage comblera le vide existant dans la littrature en langue franaise et sera utile aussi bien pour les tudiants de licence et de master que pour les chercheurs dans tous les domaines de la biologie. Les auteurs remercient tout particulirement Lonard CHAVAS qui, au cours de sa matrise de biochimie l'Universit Joseph Fourier de Grenoble, a contribu de manire importante la traduction et l'adaptation des premiers chapitres de ce livre, ainsi que Madame Simone JERME et Monsieur Philippe MOTTET de la Bibliothque des Sciences de lUniversit Lige pour leur aide dans la consultation de documents concernant Victor HENRI. Athel CORNISH-BOWDEN Marc JAMIN Valdur SAKS

1 PRINCIPES DE BASE DE LA CINTIQUE CHIMIQUE1.1. INTRODUCTIONLes enzymes sont des catalyseurs biologiques qui jouent un rle central dans le monde vivant. Les ractions essentielles pour le fonctionnement d'un tre vivant sont trop lentes et sans la prsence de ces catalyseurs, la vie telle que nous la connaissons aujourd'hui ne serait pas possible. Qu'il s'agisse de ractions simples comme la formation de bicarbonate partir d'eau et de dioxyde de carbone ou de ractions complexes comme la rplication de l'ADN, chaque raction chimique se droulant au sein d'un tre vivant est catalyse par un ou plusieurs enzymes spcifiques. Les enzymes sont des macromolcules, des protines ou des ARN (les ARN catalytiques sont plus correctement dnomms ribozymes), qui reconnaissent spcifiquement certaines molcules et acclrent les ractions de transformation de ces molcules suffisamment pour que leur vitesse devienne compatible avec le fonctionnement de l'organisme. Un second rle essentiel jou par les enzymes est d'assurer le couplage physique entre ractions endergoniques et ractions exergoniques et de permettre ainsi de maintenir les systmes biologiques dans des tats hors d'quilibre, galement indispensables pour le maintien de la vie. La comprhension du mcanisme molculaire des processus biologiques reste un des objectifs majeurs de la biologie moderne. En particulier, l'tude des ractions enzymatiques vise comprendre les mcanismes ractionnels mais aussi tablir de manire quantitative comment un enzyme est capable d'acclrer spcifiquement une raction chimique. Puisque les enzymes agissent en modifiant la vitesse des ractions, il est ncessaire d'tudier la cintique des ractions pour comprendre leur mode d'action. Dans ce premier chapitre, nous allons commencer par rappeler les conventions et les concepts de base de la cintique chimique, qui seront utiles pour la comprhension de la cintique enzymatique : la vitesse de raction, les notions de raction lmentaire, d'ordre et de molcularit d'une raction.

Les conventions d'criture des ractions chimiquesUne raction chimique est un processus au cours duquel une ou plusieurs substances chimiques (molcules) se transforment en une ou plusieurs autres substances chimiques, par un rarrangement des lectrons et des liaisons entre les atomes

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CINTIQUE ENZYMATIQUE

constitutifs. Ce processus implique gnralement la rupture ou la formation de nouvelles liaisons chimiques. Une raction chimique peut tre reprsente par une quation telle que celle de la figure 1.1 en respectant les conventions tablies. Les substrats (ractifs) sont les substances qui disparaissent au cours de la raction et sont reprsentes dans la partie gauche de l'quation. Les produits sont les substances qui apparaissent au cours de la raction et sont reprsentes dans la partie droite de l'quation.Sens de la raction directe Ractif Constante d'quilibre Constante de vitesse de la raction directe Coefficient stchiomtrique

Kk1

Coefficient stchiomtrique Sens de la raction inverse

aAk1

pPx

Produit Constante de vitesse de la raction inverse

[A]0 xAvancement de la raction

Concentration initiale de A

1.1 - Reprsentation schmatique d'une raction chimique et conventions d'criture

Dans ce livre nous suivons autant que possible les recommandations du Nomenclature Committee de l'IUBMB (IUB, 1982). Nanmoins, comme ces recommandations permettent une certaine latitude et qu'elles ne couvrent pas toujours tous les cas dont nous aurons traiter, il est utile de commencer par noter quelques points qui s'appliquent de manire gnrale ce manuel. Premirement, il est essentiel de reconnatre qu'une substance chimique et sa concentration sont deux entits diffrentes qui doivent tre reprsentes par des symboles diffrents. Les recommandations permettent sans dfinition pralable, de reprsenter la concentration d'une substance par le symbole de la substance entour de crochets, ainsi [glucose] reprsente la concentration de glucose, [ A ] reprsente la concentration de la substance A Dans ce livre, nous avons choisi d'utiliser cette convention qui peut, dans le cas d'quations complexes, compliquer la notation en raison de la multiplication des crochets et des parenthses mais qui a l'avantage d'tre utilise couramment par les tudiants. Puisque l'un des objectifs de ce manuel est de fournir aux tudiants une premire approche vers l'tude des systmes enzymatiques, nous avons choisi d'utiliser cette notation courante. En cela, ce manuel diverge de la version originale en anglais qui utilise une notation simplifie. Nanmoins, afin d'viter toute confusion entre le texte et les symboles utiliss pour les grandeurs exprimentales, ces dernires seront crites en italique.

1 PRINCIPES DE BASE DE LA CINTIQUE CHIMIQUE

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Pour reprsenter les ractifs, nous utiliserons les recommandations de l'IUBMB et dsignerons les substrats par les lettres A, B, C et les produits par les lettres P, Q, R Les coefficients stchiomtriques apparaissent comme des nombres qui prcdent les ractifs et les produits respectifs. La raction est symbolise par une ) ou double ( ) selon que la raction est ou non flche qui peut tre simple ( rversible. Dans le cas d'une raction rversible, le sens direct de la raction est dfini comme celui de la conversion des substrats en produits (il est reprsent par la flche dirige vers la droite) alors que le sens inverse est dfini comme celui de la conversion des produits en ractifs (il est reprsent par la flche dirige vers la gauche). Dans le cas d'une raction rversible, la dfinition du sens de la raction est arbitraire, puisque la raction peut galement tre dcrite par l'quilibre inverse. Nanmoins, le sens de la raction est important pour la dfinition des grandeurs thermodynamiques et doit tre dfini prcisment lors de l'analyse du systme. Les constantes de vitesse et d'quilibre apparaissent en vis--vis des flches correspondantes. Pour distinguer ces deux types de constantes, il est recommand de suivre les conventions et de reprsenter les constantes d'quilibre par des lettres majuscules et les constantes de vitesse par des lettres minuscules. De plus, comme nous allons le voir, les ractions enzymatiques consistent presque toujours en deux ou plusieurs tapes, et puisque nous aurons besoin de symboles pour faire rfrence ces diffrentes tapes, il est ncessaire de disposer d'un systme adquat d'indexation afin de prciser quel symbole fait rfrence une tape donne. Les recommandations de l'IUBMB n'imposent aucun systme en particulier, mais au contraire impose de dcrire le systme utilis. Parce que le mme symbole, par exemple k2, peut tre utilis de diverses manires dans la littrature biochimique, il est prudent de toujours dfinir clairement ce qu'il signifie. Le systme utilis dans ce manuel est le suivant : pour une raction comportant n tapes, celles-ci sont numrotes 1, 2 n ; un k minuscule et italique avec un indice positif dsigne la constante de vitesse de la raction directe dont le numro correspond l'indice, c'est--dire que, dans ce cas, k2 est la constante de vitesse pour la raction directe de la seconde tape de la raction ; le mme symbole mais avec un indice ngatif est utilis pour reprsenter la constante de vitesse de la raction inverse, par exemple k2 pour la seconde tape ; un K majuscule et italique avec un indice est utilis pour reprsenter la constante d'quilibre (thermodynamique) de l'tape, dsigne par l'indice et typiquement quivalente au rapport des constantes de vitesse, c'est--dire que K 2 = k 2 k 2 . Lorsqu'elles sont ncessaires, des indications sur les concentrations des ractifs et des produits, ainsi que sur la relation entre celles-ci et l'avancement de la raction, peuvent tre indiques par des symboles ou des valeurs places en dessous des ractifs et des produits correspondants. Les catalyseurs sont rgnrs la fin de la raction ; ils peuvent tre incorpors dans l'quation la fois dans les ractifs et dans les produits ou apparatre sous la forme d'une indication place en vis--vis des flches.

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CINTIQUE ENZYMATIQUE

1.2. LES PRINCIPES DE BASE DE LA CINTIQUE CHIMIQUE1.2.1. Vitesse de raction et quation de vitesseLa vitesse d'une raction chimique est une mesure de la rapidit avec laquelle la concentration des ractifs et des produits change au cours du temps. La vitesse de la raction peut tre dfinie partir de la disparition des ractifs ou partir de l'apparition du produit. Si la concentration d'un ractif, reprsente par [ A ] , varie d'une quantit [ A ] pendant l'intervalle de temps D t, la vitesse est donne par v = [ A ] t . En d'autres termes, la vitesse est la variation par unit de temps de la concentration de l'une des substances initiales ou finales. Si la variation est considre sur un temps infiniment court, nous obtenons la vitesse instantane de la raction : d[ A] d[ P ] v = 1 = 1 [1.1] a dt p dt o a et p reprsentent les coefficients stchiomtriques de la raction limitant la vitesse. Les deux variations de la concentration dfinissent la vitesse de la raction v, qui peut indiffremment tre dfinie en termes d'apparition des produits ou de disparition des ractifs puisque chaque molcule de A consomme est convertie en une molcule P. Si la raction implique plusieurs substrats ou plusieurs produits, la vitesse de la raction peut tre dfinie vis--vis de chacun de ceux-ci. L'objectif d'une tude cintique est de mesurer la vitesse de la raction considre, et, pour cela, il est ncessaire de disposer d'une mthode qui permette de suivre l'volution de la concentration au cours du temps d'au moins un des ractifs ou des produits. Ces problmes pratiques seront discuts dans le chapitre 4. Malheureusement, la mesure de la vitesse dans un seul ensemble de conditions exprimentales n'est pas suffisante pour dterminer le mcanisme d'une raction. Pour mieux comprendre les mcanismes ractionnels, il est ncessaire d'tablir les quations de vitesse de la raction, c'est--dire d'tablir des quations qui rendent compte de la dpendance de la vitesse vis--vis de la concentration des ractifs, [ A ] , et des produits, [ P ] ou vis--vis de certains paramtres extrieurs comme la temprature, T, la pression, p, ou le pH. [1.2] v = f [ A ] , [ P ] , T , p , pH K La condition ncessaire pour qu'une raction chimique se produise entre les ractifs est que ces particules entrent en contact, c'est--dire qu'elles se rapprochent suffisamment les unes des autres pour que la raction puisse se drouler. On conoit aisment que la vitesse d'une raction soit proportionnelle au nombre de collisions entre ces particules. Puisque le nombre de collisions est d'autant plus lev que la concentration des ractifs est leve, la vitesse de la raction est proportionnelle au produit des concentrations des ractifs. Ces considrations sont

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synthtises dans la loi d'action de masses tablie par GULDBERG et WAAGE (1867) : temprature constante, la vitesse d'une raction est proportionnelle au produit des concentrations des ractifs o chacune des concentrations entrant dans ce produit est leve une puissance gale au coefficient stchiomtrique de ce ractif dans l'quation chimique de la raction. Ainsi, pour la raction 2A + B P [1.3] [1.4] l'quation de vitesse est donne par v = k [ A ]2 [ B ]

o k est un coefficient de proportionnalit appel constante de vitesse de la raction. La loi d'action des masses peut se vrifier simplement en mesurant l'effet sur la vitesse de la raction de la variation de la concentration d'un des ractifs.

1.2.2. Mcanisme de raction et ractions lmentairesLe mcanisme d'une raction dcrit comment la raction se droule. Pour un grand nombre de ractions, plusieurs mcanismes sont possibles. Le mcanisme retenu doit tre en accord avec la loi de vitesse observe exprimentalement, mais plusieurs mcanismes peuvent avoir la mme loi de vitesse. Les tudes cintiques permettent d'carter certains mcanismes mais ne permettent pas d'affirmer qu'un mcanisme est le mcanisme correct. Gnralement, le mcanisme ractionnel retenu sera le mcanisme le plus simple qui soit en accord avec l'ensemble des donnes exprimentales et toutes les donnes exprimentales indpendantes doivent tre utilises pour dfinir le mcanisme le plus plausible. Si la raction se droule en une seule tape, on parle de raction lmentaire. Dans ce cas, l'ordre et la molcularit de la raction s'valuent facilement (voir 1.2.3). Nanmoins, de nombreux mcanismes ractionnels sont constitus d'une combinaison de plusieurs tapes, qui s'additionnent pour donner la raction globale. C'est notamment le cas des ractions faisant intervenir des catalyseurs.

1.2.3. Ordre et molcularit d'une ractionUne raction chimique peut tre classe selon sa molcularit ou selon son ordre. La molcularit fait rfrence au nombre de molcules altres au cours de la P est unimolculaire (parfois appele monoraction. Une raction de type A P est bimolculaire. Les ractions molculaire), et une raction de type A + B de molcularit suprieure deux sont extrmement rares, mais, si elle existait, une raction de type A + B + C P serait dite trimolculaire (ou termolculaire). L'ordre est une description de la cintique de la raction qui dcoule directement de la loi d'action des masses ; il dfinit le nombre de termes de concentration qui doivent tre multiplis pour obtenir l'quation de vitesse de la raction. Ainsi, dans une raction de premier ordre, la vitesse est proportionnelle la concentration d'un

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CINTIQUE ENZYMATIQUE

seul ractif, dans une raction de second ordre, elle est proportionnelle au produit de deux concentrations ou au carr de la concentration d'un seul ractif, et ainsi de suite. Pour une raction simple qui consiste en une seule tape ou pour chaque tape lmentaire d'une raction complexe, l'ordre est gnralement identique la molcularit. Toutefois, beaucoup de ractions impliquent une srie d'tapes unimolculaires ou bimolculaires, et la molcularit globale de la raction ne correspond pas ncessairement l'ordre global de la raction. En fait, l'ordre d'une raction complexe n'est gnralement pas significatif, puisque la vitesse ne peut pas toujours tre exprime comme le produit de termes de concentrations. Comme nous le verrons dans les prochains chapitres, cette situation est quasiment universelle dans la cintique enzymatique, et mme la plus simple des ractions enzymatiques ne possde pas d'ordre simple. Nanmoins, le concept d'ordre de raction est trs important pour comprendre la cintique enzymatique, parce que les tapes individuelles des ractions catalyses par des enzymes ont habituellement des ordres simples ; elles sont de premier ou de second ordre. La fixation d'une molcule de substrat sur une molcule d'enzyme est un exemple typique de raction bimolculaire de second ordre, alors que la conversion du complexe enzymesubstrat en produits ou en un intermdiaire est un exemple typique de raction unimolculaire du premier ordre. P, la vitesse v est exprime par Pour une raction du premier ordre A l'quation suivante : d[ P ] [1.5] v = = k [ A ] = k ([ A ]0 [ P ]) dt dans laquelle [ A ] et [ P ] reprsentent respectivement les concentrations de A et P n'importe quel temps t, et k reprsente la constante de vitesse de premier ordre. Le second terme de l'quation spcifie que la raction est de premier ordre, puisqu'il montre que la vitesse est directement proportionnelle la concentration du ractif A leve la puissance 1. Finalement, si au temps initial de la raction, t = 0, la concentration [ A ] = [ A ]0 , la stchiomtrie permet de relier les valeurs de [ A ] et de [ P ] tout moment de la raction, en accord avec l'quation de conservation [ A ] + [ P ] = [ A ]0 , et permet d'crire le dernier terme de l'quation. L'quation [1.5] peut facilement tre intgre en isolant les deux variables [ P ] et t, c'est--dire en plaant tous les termes en [ P ] dans la partie gauche de l'quation et tous les termes en t dans la partie droite.

d[ P ] = k dt [ A ]0 [ P ]Aprs intgration, nous obtenons :

[1.6]

ln([ A ]0 [ P ]) = k t + ao a est une constante d'intgration.

[1.7]

1 PRINCIPES DE BASE DE LA CINTIQUE CHIMIQUE

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Celle-ci peut tre value en considrant qu'il n'y a pas de produit P au dbut de la raction, c'est--dire que [ P ] = 0 quand t = 0. Alors, a = ln([ A ]0 ) , et l'quation [1.7] peut tre rcrite :

[ A ]0 [ P ] ln = kt [ A ]0

[1.8]

En prenant l'exponentielle des deux cts de l'quation, nous obtenons l'quation

[ A ]0 [ P ] = e k t [ A ]0qui peut tre rarrange pour donner :

[1.9]

[ P ] = [ A ]0 ( 1 e k t )

[1.10]

Il est important de noter que la constante d'intgration a est diffrente de zro et qu'elle doit tre value et utilise pour obtenir les quations [1.8] [1.10]. Les constantes d'intgration doivent toujours tre incluses et values lors de l'intgration des quations de cintique ; elles sont rarement nulles. Le type le plus commun de raction bimolculaire est celui de la forme P + Q, dans lequel deux sortes de molcules, A et B, ragissent pour A+B donner des produits. Dans ce cas, il est commun que la vitesse soit donne par une expression du second ordre de la forme :

d[ P ] [1.11] = k [ A ][ B ] = k ([ A ]0 [ P ])([ B ]0 [ P ]) dt o k est la constante de vitesse de second ordre. Il faut noter que le symbolisme conventionnel utilis pour les constantes de vitesse ne prvoit pas de distinguer l'ordre de ces constantes. L'intgration est ralise en sparant les variables [ P ] et t : v = d[ P ] ([ A ] [ P ])([ B ] [ P ]) = k dt 0 0[1.12]

Pour le lecteur ayant une exprience limite en mathmatiques, la manire la plus simple et la plus fiable de rsoudre cette intgration est de consulter des tables d'intgrales standards. Dans ce cas prcis, l'intgration peut galement tre ralise en multipliant les deux cts de l'quation par ( [ B ]0 [ A ]0 ) et en sparant la partie gauche de l'quation en deux intgrales simples :

d[ P ] d[ P ] = ([ B ]0 [ A ]0 ) k dt [ A ]0 [ P ] [ B ]0 [ P ]De l, nous obtenons :

[1.13]

ln ([ A ]0 [ P ]) + ln ([ B ]0 [ P ]) = ([ B ]0 [ A ]0 ) k t + a

[1.14]

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CINTIQUE ENZYMATIQUE

En considrant que [ P ] = 0 au temps t = 0, nous obtenons une valuation de la constante d'intgration a = ln( [ B ]0 [ A ]0 ) et l'quation devient :

[ A ]0 ([ B ]0 [ P ]) ln = ([ B ]0 [ A ]0 ) k t [ B ]0 ([ A ]0 [ P ]) ou

[1.15] [1.16]

[ A ]0 ([ B ]0 [ P ]) = e ([ B ] 0 [ A ] 0 ) k t [ B ]0 ([ A ]0 [ P ])

Un cas particulier de cette quation est intressant : si [ A ]0 est trs petit par rapport [ B ]0 , alors, tout moment de la raction, [ P ] doit galement tre trs petit par rapport [ B ]0 car [ P ] ne peut jamais tre plus grand que [ A ]0 . De cette manire, ( [ B ]0 [ A ]0 ) et ( [ B ]0 [ P ] ) peuvent tous les deux tre assimils [ B ]0 et l'quation [1.16] peut tre simplifie comme suit :

[ P ] = [ A ]0 ( 1 e k [ B ] 0 t )

[1.17]

Cette quation a exactement la mme forme que l'quation [1.10], qui est l'quation d'une raction du premier ordre. Cette situation est connue comme une raction de pseudo-premier ordre, et k [ B ]0 est une constante de pseudo-premier ordre. Cette situation se prsente si l'un des ractifs est le solvant, comme dans la majorit des ractions d'hydrolyse, mais il est parfois utile de se placer dlibrment dans des conditions de pseudo-premier ordre de manire simplifier l'valuation de la constante de vitesse comme nous en discuterons au 3.8. P n'impliquent habituellement Les ractions trimolculaires comme A + B + C pas une seule tape trimolculaire, et ne sont donc pas des ractions d'ordre trois. Inversement, ces ractions se droulent en deux ou plusieurs tapes lmentaires, X, suivi par X + C P. Si une des tapes est plus lente que comme A + B les autres, la constante de vitesse de la raction est trs proche de la constante de vitesse de l'tape la plus lente, qui est alors dnomme l'tape limitante de la raction. Si aucune tape n'est clairement limitante, l'quation de vitesse sera vraisemblablement complexe et l'ordre de la raction ne correspondra pas obligatoirement un nombre entier. Quelques ractions trimolculaires donne lieu une cintique d'ordre trois, avec v = k [ A ][ B ][ C ] , o k est une constante de troisime ordre, sans toutefois impliquer des collisions entre les trois ractifs qui sont des vnements fondamentalement improbables. Dans un mcanisme deux tapes, comme celui prsent ci-dessus, si la premire tape est en quilibre rapide, la concentration de l'intermdiaire X peut tre exprime partir de la constante d'quilibre : [ X ] = K [ A ][ B ] , o K est la constante d'quilibre pour la raction entre A B, c'est--dire la constante d'association de X. La vitesse de la raction correspond la vitesse de la seconde tape qui est donne par l'quation : [1.18] v = k' [ X ][ C ] = k' K [ A ][ B ][ C ] o k' est la constante de vitesse de second ordre pour la seconde tape. Ds lors, la constante apparente de vitesse de troisime ordre correspond en ralit au produit d'une constante de vitesse de second ordre et d'une constante d'quilibre.

1 PRINCIPES DE BASE DE LA CINTIQUE CHIMIQUE

15

On observe aussi quelques ractions d'ordre zro, c'est--dire des ractions qui ont une vitesse constante, indpendante de la concentration de substrat. Une raction peut tre d'ordre zro par rapport l'un des substrats, signifiant simplement que ce ractif intervient dans la raction en aval de l'tape limitante. Cependant, quelques ractions sont globalement d'ordre zro, c'est--dire qu'elles ne dpendent de la concentration d'aucun ractif. Ce sont invariablement des ractions catalyses et sont observes uniquement si chaque ractif est prsent en large excs de telle sorte que le catalyseur a atteint son efficacit maximum. Les cintiques d'ordre zro sont communment rencontres dans les ractions enzymatiques, lorsque la vitesse approche sa valeur limite pour des concentrations leves de substrat.

1.2.4. Dtermination de l'ordre d'une ractionLa manire la plus simple de dterminer l'ordre d'une raction consiste mesurer la vitesse v pour diffrentes concentrations de substrat [ A ] . Ensuite, en traant le graphique de log v en fonction de log [ A ] , on obtient une droite dont la pente est gale l'ordre de la raction. Si les concentrations de tous les ractifs sont varies dans un rapport constant, la pente du graphique donne l'ordre global de la raction. Toutefois, il est utile de connatre l'ordre respectif pour chacun des ractifs qui peut tre obtenu en modifiant indpendamment la concentration de chaque ractif et en maintenant constante la concentration des autres. Dans ce cas, la pente de la droite est prcisment gale l'ordre partiel de la raction pour le ractif dont la concentration est prise comme variable. Par exemple, si la raction est du second ordre en A et du premier ordre en B, la vitesse est donne par l'quation :

v = k [ A ]2 [ B ]qui peut galement s'crire : log v = log k + 2 log [ A ] + log [ B ]

[1.19] [1.20]

Le graphique de log v en fonction de log [ A ] (dans des conditions o [ B ] est maintenue constante) a une pente de 2, alors que le graphique log v en fonction de log [ B ] (en maintenant [ A ] constant) a une pente de 1. Ces graphiques sont illustrs la figure 1.2. Les caractristiques et l'allure de diffrents graphiques pour les trois ordres diffrents de raction les plus communment rencontrs, l'ordre 0, 1 et 2, sont prsentes dans le tableau 1.1. Il est important de raliser que si les vitesses sont dtermines partir des courbes d'volution de la raction (correspondant aux courbes de la variation de la concentration d'un ractif en fonction du temps), la concentration de chaque ractif varie. En consquence, pour obtenir des rsultats corrects, il est ncessaire soit de maintenir la concentration des ractifs dans un rapport stchiomtrique constant, permettant la dtermination de l'ordre global de la raction, soit (et c'est le cas le plus courant) d'avoir les ractifs constants prsents en large excs au dbut de la raction de telle sorte que la variation de leur concentration soit ngligeable.

160,4

CINTIQUE ENZYMATIQUE

log v

a

0,4

log v

b

0,2

0,2

Pente = 20 0

Pente = 1

0

0,2

0,4

log [A]

0

0,2

0,4

log [B]

1.2 - Dtermination de l'ordre de raction Les droites sont traces pour une raction du second ordre (a) et du premier ordre(b), impliquant que les pentes de ces droites valent respectivement 2 et 1.

Si aucune de ces alternatives n'est possible, la vitesse doit tre dtermine partir de la pente au temps initial, c'est--dire dans des conditions de vitesses initiales. Pratiquement, cette mthode est prfrable pour raliser les mesures cintiques de ractions enzymatiques, car les courbes d'volution des ractions catalyses par des enzymes n'obissent gnralement pas des quations simples de vitesse pour de longues priodes de temps. La modlisation de la courbe complte d'volution d'une raction enzymatique requiert souvent d'utiliser une quation plus complexe que celle de la forme de l'quation intgre de vitesse pour des vitesses initiales, du fait de la perte progressive d'activit de l'enzyme, d'inhibition par des produits ou d'autres phnomnes.

1.2.5. Dimensions des constantes de vitesseL'analyse des quations aux dimensions est l'une des techniques les plus simples et les plus fiables pour dtecter des erreurs algbriques et pour vrifier les rsultats obtenus. Cette analyse dpend de quelques rgles simples qui rgissent la manire de combiner des quantits de dimensions diffrentes, et son application repose sur le fait que les erreurs algbriques conduisent frquemment des expressions dont les dimensions sont inhomognes. On dfinit ainsi la dimension de concentration, exprime en molarit (symbole M ou mol L1 ) et la dimension des vitesses de raction (symbole M s1) Par consquent, dans une expression telle que v = k [ A ] , la constante de vitesse k doit tre exprime en s1 afin que les termes de gauche et de droite de l'quation aient les mmes dimensions. Toutes les constantes de vitesse du premier ordre ont des dimensions de temps1 , et par des raisonnements similaires, on dmontre aisment que les constantes de vitesse du second ordre ont les dimensions de concentration1 temps1 , que les constantes de vitesse de troisime ordre ont les dimensions de concentration2 temps1 , et que les constantes d'ordre zro ont les dimensions de concentration temps1 (tableau 1.1).

1 PRINCIPES DE BASE DE LA CINTIQUE CHIMIQUE

Ordre 0 Equation de vitessev (M1. s1)

Ordre 1

Ordre 2

v0 = kv (M1. s1)2.104

v0 = k.[A]2,5.103 2.103 3

v0 = k.[A]2v (M1. s1)3.103 2,5.103 2.103

3.103

Graphique v en fonction de [A]

1,5.104 1.104 5.105 0.10 00

Tableau 1.1 - Caractristiques de ractions d'ordre 0, 1 et 2

1,5.10

1,5.103 1.103 5.104 0,00006

1.103 5.10 0,000064 0

[A] (M)

0,0012

0.10 0

[A] (M)

0,0012

0.1000

0,00006

[A] (M)

0,0012

Dtermination de l'ordre de la ractionlog v1 2 3 4 5 6 7 8 6,5

log v0 = log klog v

log v0 = 1.log [A] + log k2 3 4 5 6 7

log v0 = 2.log [A] + log klog v1 2 3 4 5 6 7

1

Graphique log v en fonction de log [A]

4,5

log [A]

2,5

8 6,5

4,5

log [A]

2,5

8 6,5

4,5

log [A]

2,5

Dtermination de la constante de vitesse[A] (M)1.103 1.10 8.10 6.10 4.10 2.103 4 4 4 4 0

[A]t = [A]0 k.tln [A]6.10 8.10

ln [A]t = ln [A]0 k.t0

1/[A]t = 1/[A]0 + k.t1/[A] (M1)1.103 1.10 8.10 6.10 4.10 2.103 4 4 4 4 0

0

Linarisation du graphique [A] en fonction du temps

1.100 1.100

1.100 2.100 2.10 30 0

0.10

0

Temps (s)

6

2.10

0

3

Temps (s)

6

0.10

0

3

Temps (s)

6

Unit de la constante de vitesse

M.s1

s1

M1.s1

17

18

CINTIQUE ENZYMATIQUE

La connaissance des dimensions des constantes de vitesse permet de vrifier trs facilement l'exactitude des quations : la partie gauche et la partie droite de toute galit (ou ingalit) doivent avoir les mmes dimensions et tous les termes d'une somme doivent avoir les mmes dimensions. Par exemple, si le terme (1 + t) fait partie d'une quation, o t a la dimension du temps, alors, en toute rigueur, l'quation est incorrecte, mme si la valeur de 1 correspond un temps dont la valeur numrique est 1. Plutt que de mlanger de cette manire des constantes et des variables dimensionnelles dans une quation, il est prfrable d'crire l'unit aprs le nombre, par exemple (1s + t), o d'attribuer un symbole la constante, par exemple (t0 + t). Bien que chacune de ces alternatives paraisse plus lourde que l'expression (1 + t), elles vitent toute possibilit de confusion. L'quation [7.17] ( 7.6.1) reprsente un cas dans lequel cette pratique est parfaitement justifie. Des quantits de dimensions diffrentes peuvent tre multiplies ou divises mais ne peuvent tre ni additionnes ni soustraites. Ainsi, si k1 est une constante de vitesse du premier ordre et si k2 est une constante de vitesse du second ordre, une affirmation telle que k1 >> k2 est aussi dpourvue de sens que l'affirmation 5 g >> 25C. Cependant, une constante de vitesse de pseudo-premier ordre comme k 2 [ A ] a les dimensions de concentration1 temps1 concentration, c'est--dire de temps1, et a ds lors les dimensions d'une constante de vitesse de premier ordre. Dans ce cas, il est correct de comparer cette constante de pseudo-premier ordre avec d'autres constantes de vitesse du premier ordre. Un autre principe important de l'analyse aux dimensions est de ne jamais utiliser une quantit ayant une dimension comme un exposant, ni d'en prendre le logarithme. Par exemple, e k t est autoris, condition que k soit une constante de premier ordre, mais e k t ne l'est pas. Une exception apparente la rgle est celle qui, pour des raisons pratiques, consiste prendre le logarithme de ce qui apparat tre une concentration. Par exemple, le pH est souvent dfini comme log [H +] (bien qu'en toute rigueur, le pH est dfinit partir de l'activit du proton et non partir de sa concentration molaire). Cette dfinition qui n'est pas strictement correcte reprsente une simplification de la dfinition plus rigoureuse qui consiste dfinir le pH comme le rapport log ([H +]/[H +]), o [H +] est la valeur de [H +] dans l'tat standard, c'est--dire pH = 0. Comme [H +] a une valeur numrique de 1, ce terme est habituellement omis de la dfinition. Dans tous les cas o, comme dans l'exemple prcdent, on prend le logarithme d'une quantit ayant une dimension, un tat standard est toujours impliqu dans la dfinition, qu'il soit prcis explicitement ou non (voir galement la dfinition des constantes d'quilibre au chapitre 2). L'analyse des dimensions est particulirement utile comme un moyen de se rappeler les pentes et les ordonnes l'origine de graphiques communment utiliss : toute intersection avec un axe doit avoir les mmes dimensions que la variable qui est porte le long de cet axe, alors que la pente a toujours les dimensions de l'ordonne (y) divises par celles de l'abscisse (x). Ces rgles sont illustres dans la figure 1.3.

1 PRINCIPES DE BASE DE LA CINTIQUE CHIMIQUE

19

y

La pente = Dy/Dx a les dimensions de y/x

L'intersection avec l'axe des x a les dimensions de x

Dx

Dy

L'ordonne l'origine a les dimensions de y

x1.3 - Application de l'analyse aux dimensions dans un graphique

1.2.6. Les ractions rversiblesDe nombreuses ractions sont rversibles et les deux sens de la raction doivent tre introduits dans l'quation de vitesse : A k1 k 1 P [1.21]

Ainsi, dans le cas o [ P ]0 = 0 , nous pouvons crire : d[ P ] v = = k1([ A ]0 [ P ]) k 1 [ P ] = k1 [ A ]0 ( k1 + k 1 )[ P ] [1.22] dt Cette quation diffrentielle est exactement de la mme forme que l'quation [1.5], et peut tre rsolue de la mme manire :

d[ P ] k [ A ] ( k + k )[ P ] = dt 1 0 1 1Donc

[1.23] [1.24]

ln ( k1 [ A ]0 ( k1 + k 1 )[ P ] ) ( k1 + k 1 )

= t +a

Si nous posons que [ P ] = 0 quand t = 0, nous obtenons que a = et l'quation suivante :

ln( k1 [ A ]0 ) , ( k1 + k 1 )[1.25]

k [ A ]0 ( k1 + k 1 )[ P ] ln 1 = ( k1 + k 1 )t k1 [ A ]0En prenant l'exponentielle des deux cts, nous obtenons l'quation :

k1 [ A ]0 ( k1 + k 1 )[ P ] = e ( k 1 +k 1 ) t k1 [ A ]0

[1.26]

20

CINTIQUE ENZYMATIQUE

qui peut tre rarrange pour donner :

[P] =

k1 [ A ]0 ( 1 e ( k 1 +k 1 ) t ) = [ P ] ( 1 e ( k 1 +k 1 ) t ) k1 + k 1

[1.27]

o [ P ] = k1 [ A ]0 ( k1 + k 1 ) est la valeur de [ P ] aprs un temps infini, c'est-dire l'quilibre. Cette valeur dcoule du fait que le terme exponentiel tend vers zro quand t devient grand.

1.2.7. Dtermination des constantes de vitesse du premier ordreDe trs nombreuses ractions sont du premier ordre pour chacun des ractifs et, dans ces cas, il est souvent possible de raliser les mesures dans des conditions de pseudo-premier ordre en maintenant en large excs la concentration de tous les ractifs sauf un. Ainsi, dans de nombreuses situations exprimentales, le problme de la dtermination d'une constante de vitesse peut-il tre rduit au problme de la dtermination d'une constante de vitesse de premier ordre. Nous avons vu dans l'quation [1.10] que pour une raction simple de premier ordre :

[ P ] = [ A ]0 ( 1 e k t ) [ P ] = [ P ] ( 1 e ( k 1 +k 1 ) t )De cette manire et donc

[1.28] [1.29] [1.30] [1.31]

et dans l'quation [1.27], que dans le cas plus gnral d'une raction rversible :

[ P ] [ P ] = [ P ] e ( k 1 +k 1 ) t

ln ([ P ] [ P ]) = ln [ P ] ( k1 + k 1 )t

Un graphique de ln([ P ] [ P ]) en fonction de t donne une droite de pente (k1 + k1). Avant l'avnement des calculatrices de poche, cette quation tait couramment exprime en termes de logarithmes en base 10 :

log ([ P ] [ P ]) = log [ P ]

( k1 + k 1 )t 2 , 303

[1.32]

Le graphique log([ P ] [ P ]) en fonction de t donne une droite dont la pente vaut (k1 + k1)/2,303. GUGGENHEIM (1926) a soulev une objection majeure l'utilisation de ce graphique, savoir que la dtermination de la constante de vitesse dpend trs fortement de la prcision de la mesure de [ P ] . Dans le cas gnral d'une raction rversible, o [ P ] [ A ]0 , une valeur prcise de [ P ] est difficile obtenir, et mme dans le cas particulier d'une raction irrversible o [ P ] = [ A ]0 , la concentration instantane en A au temps zro peut tre difficile mesurer avec prcision. GUGGENHEIM a suggr de mesurer deux ensembles de valeurs [ P ]i et [ P ]i ' aux temps ti et ti', tel que ti' = ti + t o t est une constante. Ainsi, partir de l'quation [1.30], nous pouvons crire les deux quations suivantes :

1 PRINCIPES DE BASE DE LA CINTIQUE CHIMIQUE

21

[ P ] [ P ]i = [ P ] e ( k 1 +k 1 ) t i [ P ] [ P ]i ' = [ P ] ePar soustraction, nous obtenons :( k 1 +k 1 )( t i +t )

[1.33] [1.34] [1.35] [1.36]

[ P ]i ' [ P ]i = [ P ] ( 1 e ( k 1 +k 1 ) t ) e ( k 1 +k 1 ) t iet en prenant les logarithmes, nous obtenons :

ln ([ P ]i ' [ P ]i ) = ln [ P ] + ln ( 1 e ( k 1 +k 1 ) t ) ( k1 + k 1 )tique nous pouvons galement crire :

log ([ P ]i ' [ P ]i ) = constante

( k1 + k 1 )ti 2 , 303

[1.37]

Ainsi, un graphique de log([ P ]i ' [ P ]i ) en fonction de t donne une droite dont la pente vaut (k1 + k1)/2,303, comme illustr dans la figure 1.4. Ce graphique, connu sous le nom de graphique de GUGGENHEIM, ne ncessite pas l'estimation de [ P ] . Puisque le rapport k1/k1 est gal la constante d'quilibre, qui peut tre estime indpendamment, les valeurs des constantes individuelles de vitesse k1 et k1 peuvent tre calcules partir des deux combinaisons.log ([P'i ] [Pi ])1,6 1,4 1,2 1 0,8 0,6 0,4 0 5 10 15 20

Pente = (k1 + k1)/2,303

Temps (min)

1.4 - Le graphique de GUGGENHEIM Ce graphique permet de dterminer la valeur d'une constante de vitesse de premier ordre sans la ncessit de dterminer prcisment l'tat d'avancement de la raction l'quilibre ([ P ] ). Les symboles sont dfinis comme suit : [ P ]i et [ P ]i', concentration du produit respectivement, aux temps t et t + t, o t est une constante.

Le graphique de GUGGENHEIM est insensible aux dviations des cintiques par rapport aux cintiques de premier ordre, c'est--dire qu'il peut avoir une apparence linaire mme si les cintiques n'obissent pas une dpendance de premier ordre. Le mme commentaire s'applique au graphique apparent de KZDY-SWINBOURNE, qui est le sujet du problme [1.3]. A ct des mthodes de linarisation et de traitement graphique des rsultats qui restent trs utiles aux points de vue conceptuel et pdagogique, l'avnement de la

22

CINTIQUE ENZYMATIQUE

micro-informatique a progressivement transform et amlior l'analyse des donnes cintiques. L'utilisation notamment de la mthode des moindres carrs pour l'ajustement paramtrique sur des quations linaires et non-linaires est aujourd'hui trs largement rpandue (voir par exemple CORNISH-BOWDEN, 1995). De nombreux logiciels commerciaux permettent de traiter un grand nombre de cas. La dtermination des paramtres d'une courbe d'apparition exponentielle du produit d'une raction peut tre facilement ralise par ajustement d'une courbe de [ P ] en fonction du temps, t, l'aide de l'quation non-linaire [1.29] figure 1.5. De manire gnrale, il est prfrable d'utiliser ces mthodes d'ajustement afin d'obtenir la meilleure estimation des paramtres recherchs mais galement une indication de la qualit de ces valeurs (dviation standard). Bien que des remarques de ce type s'appliquent au traitement de nombreux cas abords dans la suite de ce manuel et que nous mentionnions l'occasion l'importance d'utiliser les procdures d'ajustement paramtriques non-linaires, nous prsenterons gnralement les mthodes de reprsentation graphiques qui sont plus didactiques. Une discussion dtaille des problmes d'estimation des meilleurs paramtres ne faisant pas partie des objectifs de ce manuel, nous renvoyons les lecteurs intresss vers des ouvrage plus spcialiss (CORNISH-BOWDEN, 1995).[P] (M) 3530 25 20 15 10 5 0

0

1

2

3

4

5

Temps (s)

1.5 - Ajustement paramtrique non-linaire d'une courbe de [ P ] en fonction du temps Un programme d'ajustement paramtrique utilisant la mthode des moindres carrs a t utilis pour modliser les points exprimentaux sur l'quation [1.29]. Cette procdure a fourni les paramtres suivants : [ P ] = 25,6 0,7 mM et k = 0,95 0,09 s1 qui ont t utiliss pour tracer la ligne continue qui reprsente donc la meilleure courbe passant par les points exprimentaux.

1 PRINCIPES DE BASE DE LA CINTIQUE CHIMIQUE

23

PROBLMES1.1 - Les donnes du tableau suivant ont t obtenues pour la vitesse d'uneP diffrentes concentrations de A raction de stchiomtrie A + B et de B. Dterminez l'ordre de la raction par rapport A et B et suggrez une explication pour l'ordre observ pour A.

[ A ] (mM) [ B ] (mM)v (mol1 s1)

10 10 0,6 10 50 3,2

20 10 1,0 20 50 4,4

50 10 1,4 50 50 7,3

100 10 1,9 100 50 9,8

10 20 1,3 10 100 6,3

20 20 2,0 20 100 8,9

50 20 2,9 50 100 14,4

100 20 3,9 100 100 20,3

[ A ] (mM) [ B ] (mM)v (mol1 s1)

1.2 - Vrifiez les affirmations suivantes concernant les dimensions en supposant que t reprsente le temps (s), v et V reprsentent des vitesses (M s1 ou mol L1 s1), et [ A ] , [ P ] et Km reprsentent des concentrations (M) : a - Dans un graphique de v en fonction de V / [ A ] , la pente vaut 1/Km et l'ordonne l'origine vaut Km /V. b - Dans une raction bimolculaire 2 A P, caractrise par la constante de vitesse k, la concentration de P au temps t est donne 2 par [ P ] = [ A ]0 k t / ( 1 + 2[ A ]0 k t ) . [ A ]0 [ A ] t en fonction de c - Dans un graphique de ln([ A ]0 / [ A ]) ln ([ A ]0 / [ A ])pour une raction catalyse par un enzyme donne une droite dont la pente vaut 1/V et dont l'ordonne l'origine vaut V/Km.

1.3 - KZDY, JAZ et BRUYLANTS (1958) et S WINBOURNE (1960) suggrrentindpendamment une alternative au graphique de GUGGENHEIM, drive partir des quations [1.29] et [1.30] en divisant l'une par l'autre. Montrer que l'expression rsultante pour ([ P ] [ Pi ]) ([ P ] [ Pi ' ]) peut tre rarrange de telle sorte que le graphique de [ Pi ' ] en fonction de [ Pi ] donne une droite. Quelle est la pente de cette droite ? Si plusieurs graphiques sont tracs partir des mmes donnes mais pour diffrentes valeurs de t, quelles sont les coordonnes du point d'intersection de ces droites ?

2 LA THERMODYNAMIQUE ET LATHORIE DES VITESSES ABSOLUES 2.1. LA THERMODYNAMIQUE ET SES LIMITESDans le premier chapitre, nous avons discut de ltude de la cintique des ractions, dans le second nous allons nous intresser aux relations qui existent entre la cintique et la thermodynamique ; ces relations constituent la base de la thermocintique. Lanalyse thermodynamique est une mthode extrmement puissante pour obtenir des informations dtailles sur le fonctionnement des systmes biologiques quil est souhaitable dexploiter dans ltude du mcanisme daction des enzymes. Une premire connexion entre les mesures cintiques et les mesures lquilibre repose sur le concept de potentiel chimique dvelopp par Josiah Willard GIBBS (1878). Une seconde connexion rside dans la thorie de la vitesse absolue dune raction. Lapplication de ces relations permet dtablir le profil dnergie de GIBBS dune raction qui est un outil trs utile pour lanalyse du mcanisme des ractions enzymatiques. Avant de dcrire plus en dtail ces concepts, il est ncessaire de rappeler quelques principes fondamentaux de thermodynamique qui nous seront utiles. Une prsentation dtaille de lanalyse thermodynamique ne fait toutefois pas partie des objectifs de ce livre et nous renvoyons plusieurs ouvrages de rfrence dans ce domaine (EISENBERG et CROTHERS, 1979 ; OTURAN et ROBERT, 1997 ; ATKINS et DE PAULA, 2001), les tudiants qui souhaitent sassurer de leurs connaissances ou les approfondir. La thermodynamique est une branche de la chimie physique qui permet de dcrire, un niveau macroscopique, la matire et les changements physiques et chimiques quelle subit. Cette description repose sur une reprsentation simplifie de la ralit (un modle) et sur un nombre restreint de lois. Un tre vivant est le sige de modifications physiques et chimiques continuelles qui impliquent des changes dnergie et de matire. Pour un biologiste, il est essentiel de comprendre les mcanismes de ces changes. Comme nous allons en discuter, lanalyse thermodynamique des systmes biologiques est principalement oriente vers ltude des quilibres et la dfinition de relations entre les proprits dun systme, mais elle permet galement de dterminer le sens des ractions dans des systmes qui ne sont pas lquilibre et de caractriser des processus irrversibles. La thermodynamique

26

CINTIQUE ENZYMATIQUE

a nanmoins des limites ; elle ne nous informe ni sur la rapidit dune raction, ni sur la manire dont une raction se droule (interactions molculaires). Pour obtenir ces informations, il faut avoir recours des tudes cintiques dans lesquelles on observe lvolution du systme au cours du temps. Les tudes cintiques fournissent une mesure de la vitesse laquelle une raction sapproche de son tat dquilibre ou sen carte si la raction est couple une seconde raction. Les deux approches sont donc complmentaires et doivent tre exploites conjointement dans ltude des ractions enzymatiques.

2.2. CONCEPTS GNRAUX DE LA THERMODYNAMIQUE2.2.1. tats du systmeDans toute tude, il est toujours ncessaire de dfinir lobjet qui est tudi. En thermodynamique, la partie de lunivers qui est tudie est appele le systme, alors que la partie restante est appele lenvironnement. Le systme est dfini en fonction de ltude raliser et des objectifs recherchs. Un tre vivant ou une cellule peuvent reprsenter un systme. Une cellule vivante renferme une grande quantit denzymes diffrentes et donc, dans le cas de ltude de ractions enzymatiques, la cellule constitue un systme dans lequel les ractions se droulent dans un espace spar du reste du monde par la membrane plasmique de la cellule. Le systme correspond lespace occup par les substrats, les enzymes et les produits. Dans les tudes in vitro, le systme peut ainsi se rduire au tube essai ou la cuve du spectromtre contenant la solution de substrat et denzyme. La dfinition dun systme thermodynamique implique galement de dfinir les proprits de ses frontires. La nature des changes entre le systme et son environnement permet de distinguer diffrents types de systmes : les systmes ouverts permettent des changes de matire et dnergie ; les systmes ferms permettent des changes dnergie mais pas de matire ; les systmes isols ne permettent aucun change.UniversEnvironnement Systme

2.1 - Description thermodynamique de lunivers

2 LA THERMODYNAMIQUE ET LA THORIE DES VITESSES ABSOLUES

27

Ltat dun systme thermodynamique est dcrit par un nombre restreint de proprits ou variables dtat qui sont caractristiques du systme au moment de la mesure et sont indpendantes du chemin qua suivi le systme pour atteindre cet tat. Certaines de ces proprits sont des grandeurs intensives comme la temprature ou la concentration, alors que dautres sont des grandeurs extensives comme le volume, la masse ou lnergie. Un systme est dans un tat dfini lorsque toutes les proprits qui le caractrisent ont des valeurs dfinies. Diffrents types dtat peuvent tre dfinis. Selon que le systme est travers ou non par un flux de matire ou dnergie, on distingue : ltat dquilibre, si les proprits du systme sont indpendantes du temps et si aucun flux de matire ou dnergie ne traverse le systme ; ltat de non-quilibre stationnaire si le systme est travers par un flux de matire ou dnergie mais que les proprits du systme ne changent pas au cours du temps ; ltat de non-quilibre non-stationnaire si les changes dnergie et de matire sont importants et rapides (cest habituellement ltat du systme pr-stationnaire rencontr dans les tudes de cintique rapide).

2.2.2. Un processus est un vnement au cours duquel une proprit du systme changeLtat dun systme macroscopique lquilibre peut tre dfini par un nombre restreint de proprits. Si le systme change dtat, son nouvel tat est caractris par un nouvel ensemble de proprits et le passage dun tat lautre implique quune ou plusieurs des proprits du systme varient. En thermodynamique, un processus est dfini comme la variation dune des proprits du systme. Quand de la chaleur, du travail ou de la matire sont changs entre le systme et son environnement, le systme volue de son tat dquilibre initial vers un nouvel tat dquilibre. Il faut distinguer les changements rversibles et les changements irrversibles. Un processus rversible se droule en passant par une succession dtats dquilibre, chacun diffrant du prcdent par une modification infinitsimale dune des proprits du systme. Par contre, si le changement est opr de manire brutale et entrane une grande variation dune des proprits, le processus est irrversible. Considrons deux processus, lun rversible et lautre irrversible, caractriss par les mmes tats initiaux et finaux. Dune part, ces deux processus sont similaires puisque les proprits initiales et finales de chacun de ces systmes sont identiques. Par contre, ils sont diffrents parce que les quantits changes de chaleur et de travail au cours des ces deux processus sont diffrentes. La chaleur et le travail dpendent du chemin suivi par le systme au cours de sa transformation. Si le processus est rversible, le systme est constamment lquilibre et toutes les proprits restent uniformes pendant la raction. Si le processus est irrversible, certaines proprits, comme la temprature ou la pression, ne sont pas uniformes

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CINTIQUE ENZYMATIQUE

dans le systme et nont pas de valeur bien dfinie jusqu ce que le systme ait atteint sont nouvel tat dquilibre. De nombreux processus naturels sont irrversibles dans le sens o le systme ne peut tre ramen son tat de dpart quen fournissant de lnergie partir dun autre systme. Il faut noter que lirrversibilit au sens thermodynamique ne signifie pas que le systme ne puisse pas retourner son tat initial, mais simplement que ce retour ncessite un apport dnergie.

2.3. LES LOIS DE LA THERMODYNAMIQUE2.3.1. Loi de conservation de lnergieLa conservation de lnergie est un principe universel. La premire loi de la thermodynamique stipule que lnergie totale dun systme et de son environnement est une constante ou en dautres termes que lnergie est conserve. Les variations dnergie rsultent de la somme de lnergie ajoute sous forme de travail et sous forme de chaleur. La premire loi peut donc tre exprime par lquation :

dE = E f E0 = dq + dw

[2.1]

o E0 est lnergie du systme dans son tat initial, Ef est lnergie du systme dans son tat final, dq est la quantit dnergie change sous la forme de chaleur et dw, celle change sous la forme de travail. Lnergie est une proprit du systme qui dpend uniquement de ltat initial et de ltat final du systme et qui est indpendante du chemin suivi. Inversement, le travail et la chaleur sont des moyens de transfrer lnergie et dpendent du chemin suivi lors de lvolution du systme. La dfinition la plus simple de la chaleur est la capacit modifier la temprature dun objet. Si nous considrons, par exemple, quun systme absorbe de la chaleur partir de lenvironnement, cela se traduit par une augmentation de la temprature du systme qui peut tre mesure trs prcisment. Si dT est laugmentation de temprature, la chaleur absorbe par le systme est donne par : [2.2] dq = C dT o C est une constante caractristique du systme, appele la capacit de chaleur. Par dfinition, la capacit de chaleur dune substance est la quantit de chaleur ncessaire pour lever la temprature dune mole de substance de un degr. Elle est gnralement dfinie volume constant (CV) ou pression constante (Cp),

CV =Cp =

E T V E T p

[2.3a] [2.3b]

2 LA THERMODYNAMIQUE ET LA THORIE DES VITESSES ABSOLUES

29

Pour un gaz parfait, ces deux paramtres sont relis par lquation suivante :

C p CV = n Ro n est le nombre de moles et R est la constante des gaz parfaits.

[2.4]

Par convention, des valeurs positives sont attribues aux variations dq et dT lorsque la chaleur est absorbe par le systme. Pour le travail, qui peut tre effectu par le systme sur lenvironnement ou sur le systme par lenvironnement, dw est positif lorsque le travail est effectu sur le systme par lenvironnement. Un travail positif correspond ainsi un flux dnergie vers le systme. La diffrence majeure entre la chaleur et le travail rside dans les chelles des mouvements travers la frontire du systme. Le travail correspond des mouvements qui sont organiss lchelle macroscopique alors que la chaleur correspond des mouvements lchelle molculaire qui ne prsentent aucune organisation lchelle macroscopique. Lquation [2.1] indique que lorsquil y a un dsquilibre entre travail et chaleur, le systme volue dune faon mesurable. Par exemple, si le systme fournit plus de travail quil ne reoit de chaleur, lnergie du systme est progressivement consomme (E diminue). Inversement, si le systme reoit plus dnergie sous forme de chaleur quil n'en dpense sous forme de travail, la temprature du systme augmente. Une faon simple et courante dobtenir des informations sur les variations dnergie dun systme consiste mesurer la variation de chaleur. Nous avons vu que la variation dnergie dE est une diffrentielle exacte, cest--dire quelle ne dpend que des tats initiaux et finaux du systme, alors que les variations dq et d w sont des diffrentielles inexactes qui sont dpendantes de la manire selon laquelle les modifications seffectuent. Dans des cas simples, il est possible de montrer que la variation de chaleur dpend uniquement des tats initiaux et finaux. Par exemple, si lon considre uniquement un travail mcanique se droulant volume constant, la variation de chaleur est gale la variation dnergie. Par contre, si la raction se droule pression constante, le travail est donn par dw = pdV et lquation de conservation scrit :

dE = dq p dV

[2.5]

Une nouvelle variable dtat, lenthalpie, est dfinie pour reprsenter la quantit de chaleur change pression constante :

H = Q p = E + pV

[2.6]

Le terme pdV na une grandeur significative que pour des ractions impliquant des gaz ou pour des ractions seffectuant des pressions extrmement leves. En biochimie, il est donc courant dassimiler dH dQp et puisquil est plus facile de mesurer une variation de la quantit de chaleur pression constante plutt qu volume constant, la variation denthalpie est une grandeur couramment utilise pour suivre lvolution des systmes biologiques.

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CINTIQUE ENZYMATIQUE

Dans lanalyse thermodynamique, il est particulirement important de considrer les systmes cycliques puisquils permettent de reprsenter le fonctionnement des machines, y compris des machines molculaires que sont les enzymes. Dans un processus cyclique, une srie de ractions successives ramne le systme dans son tat initial. Dans ce cas, toutes les proprits doivent retourner leur valeur initiale. Par exemple, la somme des variations dnergie du systme pour toutes les tapes dun cycle doit tre gale zro :cycle

DE = 0

[2.7]

Par contre, la chaleur et le travail ntant pas des variables dtats, la somme de ces grandeurs ne doit pas obligatoirement tre gale zro, ce que nous pouvons exprimer par les deux quations suivantes :cycle

w 0 q 0

[2.8a] [2.8b]

cycle

2.3.2. La dfinition de lentropie et du critre de spontanitLe premier principe de la thermodynamique tablit que lnergie est conserve lors dune raction, cependant il ne dfinit pas le sens spontan de la raction. Certaines ractions se droulent spontanment malgr un DE > 0, en absorbant de la chaleur partir de lenvironnement. Un critre de spontanit est fourni par la deuxime loi de la thermodynamique qui utilise une nouvelle proprit introduite par Rudolf CLAUSIUS en 1850 : lentropie. Lentropie est souvent prsente comme une mesure du dsordre dun systme, qui augmente lorsque le dsordre du systme augmente. La deuxime loi de la thermodynamique stipule quun systme isol volue jusqu atteindre un tat dquilibre caractris par un tat de dsordre maximal et donc une valeur maximale dentropie. Dans un systme ouvert, un processus a lieu spontanment, uniquement si lentropie de lunivers, donne par la somme des entropies du systme et de lenvironnement, augmente au cours du processus en accord avec lingalit suivante :

DS systme + DS environnement 0

[2.9]

Selon lquation [2.9], lentropie du systme peut diminuer au cours dun processus spontan condition que lentropie de lenvironnement augmente de sorte que la somme des variations soit positive. Par exemple, la formation dune structure biologique hautement organise, implique une diminution de lentropie, mais ce processus est possible uniquement sil saccompagne dune augmentation de lentropie de lenvironnement. Lentropie a t introduite sur la base de lanalyse du rendement d'un moteur thermique. Dans un moteur thermique, une quantit de chaleur passe dun rservoir

2 LA THERMODYNAMIQUE ET LA THORIE DES VITESSES ABSOLUES

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chaud vers un rservoir froid. Au cours de ce processus, une partie de la chaleur est convertie en travail. Il peut tre dmontr que le rendement maximum dun moteur est atteint si le transfert de chaleur se fait dans des conditions rversibles dun point de vue thermodynamique et la variation dentropie pour chaque tape est alors dfinie comme : dq rev [2.10] dS = T o dqrev reprsente la variation de chaleur si le processus se droule de manire rversible. Lentropie est une proprit du systme, et donc la variation dentropie au cours dun processus, comme la variation dnergie (quation [2.1]), dpend uniquement de ltat initial et de ltat final du systme :

dS = S f S0

[2.11]

o S0 et Sf reprsentent respectivement lentropie du systme dans son tat initial et dans son tat final.

2.3.3. La dfinition statistique de lentropieLa relation quantitative entre lentropie et le dsordre a t tablie pour la premire fois par BOLTZMANN. Les molcules dun mme chantillon peuvent stocker une mme quantit dnergie de diffrentes manires. Le nombre de faons diffrentes de rpartir une mme quantit dnergie dans un tat donn du systme est appel la dgnrescence, . BOLTZMANN a dmontr que lentropie est relie la dgnrescence par lquation :

S = kB logw

[2.12]

o kB est la constante de BOLTZMANN, qui est relie la constante des gaz (R) et au nombre dAVOGADRO (NA) par kB = R [2.13] NA Un systme volue donc spontanment vers ltat pour lequel la dgnrescence est maximale. En accord avec la dfinition de BOLTZMANN, un systme dont la dgnrescence vaut 1 a une entropie gale zro. Il devient alors possible de mesurer lentropie sur une chelle absolue en posant que lentropie dun systme parfaitement ordonn (par exemple, un cristal parfait) a une valeur se rapprochant de zro lorsque la temprature se rapproche de zro :T 0K

lim S = 0

[2.14]

Ce principe est souvent appel la troisime loi de la thermodynamique.

32

CINTIQUE ENZYMATIQUE

2.3.4. Lentropie dans les systmes vivants et les ractions couplesConformment la deuxime loi de la thermodynamique, lentropie 1 est relie lorganisation du systme et est donc directement lie lvolution du systme. Par exemple un cristal est caractris par une entropie faible, quasiment nulle, parce que les atomes sont organiss entre eux dans lespace. Lorsquil y a vaporation partir du cristal, chaque atome acquiert la possibilit doccuper diffrentes positions dans lespace et donc lentropie du systme augmente. Pour quun processus puisse se drouler spontanment, il faut que DS > 0. Dans un systme biologique, une augmentation du dsordre, et donc de lentropie, conduit la mort biologique, suggrant que toute cette thorie ne fonctionne pas. En ralit, les systmes biologiques ne sont pas des systmes lquilibre, mais des systmes ouverts o chaque processus est associ une augmentation globale de lentropie de lunivers. Les enzymes nchappent pas ce principe sine qua non de la vie cellulaire: ils utilisent lentropie de lunivers pour diminuer lentropie de la cellule. Ce principe de base est galement central dans le fonctionnement des systmes coupls, o une diminution dentropie associe une organisation molculaire peut tre compense par laugmentation dentropie associe une autre raction.

2.3.5. Lnergie de GIBBSEn pratique, lutilisation de lentropie comme critre de spontanit pose un problme puisque cette proprit nest pas facilement mesurable et que son utilisation ncessite de dterminer la fois la variation dentropie du systme et celle de son environnement. Il est prfrable de dfinir le sens spontan dvolution dun processus partir dune proprit intrinsque du systme. Ces difficults sont vites en utilisant une proprit thermodynamique galement introduite par J.W. GIBBS : lnergie libre ou nergie de GIBBS. Si nous combinons la premire et la deuxime loi : Premire loi : [2.15] dq rel = dE + p dV Deuxime loi :

dq rev = T dS

[2.16]

et si nous tenons compte du fait quun processus spontan se caractrise par dq rev dq rel , nous obtenons lquation suivante en substituant lquation [2.16] dans lquation [2.15] : [2.17] dE + p dV T dS 01. Une relation peut galement tre tablie entre linformation contenue dans un systme et son entropie. Linformation rduit lincertitude concernant la ralisation dun vnement et donc constitue une forme dorganisation du systme. Par exemple, linformation contenue dans un texte provient de la disposition prcise des caractres. Linformation peut tre considre comme une forme dnergie que lon appelle lentropie ngative ou ngentropie du systme (SCHRDINGER, 2000).

2 LA THERMODYNAMIQUE ET LA THORIE DES VITESSES ABSOLUES

33

Comme nous lavons vu prcdemment, pression constante, dE + p dV = dH , et donc nous pouvons dfinir une nouvelle proprit du systme, que est appele lnergie de GIBBS : [2.18] G = H TS = E + pV TS La variation dnergie de GIBBS, dfinie comme la diffrence entre lnergie de GIBBS des produits et lnergie de GIBBS des ractifs, est une proprit qui dpend uniquement du systme et qui permet de dterminer le sens spontan dune raction.

dGT , p = dHT , p TdST , p = dE + p dV TdS 0

[2.19]

Le systme volue spontanment vers ltat pour lequel lnergie de GIBBS est la plus basse ; si dans le sens dfini de la raction la variation du DG est ngative, la raction sera spontane dans ce sens. Par exemple, si DG = GP GA < 0, la raction de la figure 1.1 volue spontanment de la gauche vers la droite. La mesure de la variation dnergie de GIBBS fournit donc un critre de spontanit de la raction dans des conditions donnes.

2.3.6. Le potentiel chimique : Lnergie de GIBBS dun solut dpend de sa concentrationUne caractristique essentielle de lnergie de GIBBS est que sa valeur pour un composant donn du systme dpend de la quantit de ce compos qui est prsente dans le systme. Pour rendre compte de cette dpendance J.W. GIBBS a introduit la notion de potentiel chimique, qui, pour la substance i, correspond la drive partielle de lnergie de GIBBS du systme par rapport au nombre de moles de ce compos i (ni) : G [2.20] = mi ni p ,T ,nj

Cette quation montre que pour des valeurs constantes de pression p, de temprature T et du nombre de moles de tout composant j, nj :

G = ni mii

[2.21]

Ces quations [2.20] et [2.21] indiquent clairement que lnergie de GIBBS du systme augmente lorsque la quantit de la substance i, prsente dans le systme, augmente. Aprs avoir ajout la substance au systme, celle-ci va se distribuer dans lensemble du systme de telle sorte quaucune partie du systme ne soit un potentiel plus lev quune autre partie. En consquence, lquilibre, le potentiel chimique dune substance doit tre le mme dans lensemble du systme. Puisquun systme volue vers ltat caractris par une nergie de GIBBS minimum, lhomognisation du potentiel chimique au sein du systme explique que les molcules dun solut se dplacent dune rgion de haute concentration vers une rgion de faible concentration. Lnergie de GIBBS telle que nous lavons

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CINTIQUE ENZYMATIQUE

utilise jusqu prsent est une grandeur extensive, puisquelle dpend du nombre de moles de la substance prsent dans lchantillon. Le potentiel chimique au contraire est une grandeur intensive: il nous renseigne sur la faon dont lnergie de GIBBS varie par mole de substance ajoute au systme. En enzymologie, nous sommes principalement intresss par le comportement des solutions. La thermodynamique des solutions est dtermine par la manire dont lnergie totale de GIBBS ou les potentiels chimiques de chaque composant dpendent de la composition. Il est habituel de dfinir une solution idale comme une solution pour laquelle lnergie de GIBBS de chacun des soluts dpend de sa fraction molaire : [2.22] Gi = ni Gi + ni RT lnX i o Gi est lnergie de GIBBS molaire de la substance pure et Xi est sa fraction molaire. Comme dans une solution suffisamment dilue, la fraction molaire est proportionnelle la concentration, lnergie de GIBBS de chaque solut est donne par : C [2.23] Gi = ni Gi + ni RT ln i C o Gi est lnergie de GIBBS par mole dans ltat standard, cest--dire dans des conditions dfinies de pression (1 atm), de temprature (298 K) et de concentration (C = 1 mole par litre). Cette dernire quation indique que lnergie de GIBBS dune substance dissoute dpend non seulement du nombre de moles n, mais galement de la concentration C de la substance dissoute. Lquation [2.24], obtenue en combinant les quations [2.20] et [2.23], montre que le potentiel chimique dpend de la concentration : C [2.24] mi = mi + RT ln i C Dans cette quation, Ci est la concentration molaire du compos i et mi est son potentiel chimique dans des conditions standard (Ci = 1 M). Dans le cas de molcules portant des charges lectriques Z, on utilise le potentiel lectrique, y, qui, combin avec le potentiel chimique, donne le potentiel lectrochimique, mi , C [2.25] mi = mi + RT ln i + ZFy C o F est la constante de FARADAY dont la valeur est : 96 480 J mol1 V1.

2.3.7. Relation entre la constante dquilibre et la variation dnergie de GIBBSPour une raction chimique limite par un quilibre, comme par exemple la raction disomrisation simple de A en P, A k1 k1 P [2.26]

2 LA THERMODYNAMIQUE ET LA THORIE DES VITESSES ABSOLUES

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le potentiel chimique de chacun des constituants du systme est donn par lquation [2.24] et la variation dnergie de GIBBS est donne par la diffrence entre les potentiels chimiques des produits et des ractifs : DG = mP m A [P] [ A] = ( mP + RT ln ) ( m A + RT ln ) [2.27] C C [P] = ( mP m A ) + RT ln [ A] o ( mP m A ) = DG reprsente la variation dnergie de GIBBS du systme dans des conditions standards. Le rapport de concentration entre le produit et le substrat, [ P ] / [ A ] est appel le rapport daction de masses et est dsign par la lettre grecque G : [P] G = [2.28a] [A] qui pour une raction impliquant des coefficients stchiomtriques diffrents de un scrit : [P] p G = [2.28b] [A]a et qui, de manire gnrale, scrit de faon suivante :

G =

[Pi ]i

[Aj ]j

[2.28c]

Ainsi, la variation dnergie de GIBBS dpend du rapport daction de masses, en accord avec lquation : [2.29] DG = DG + RT ln G qui tout moment de la raction permet dobtenir le DG de la raction partir des concentrations instantanes de A et de P. Puisque tout systme volue spontanment vers ltat dont lnergie de GIBBS est la plus faible, le sens spontan dune raction correspond une variation ngative dnergie de GIBBS, DG < 0. En consquence, une raction chimique temprature et pression constantes est lquilibre lorsque lnergie de GIBBS est minimum. Dans ces conditions, la variation dnergie de GIBBS cause par une petite variation de la quantit de substrat est exactement compense par la variation dnergie de GIBBS cause par lapparition dune petite quantit de produit. Donc, lorsque le systme a atteint lquilibre, la variation dnergie de GIBBS est nulle : [2.30] DG = DG + RT ln G = 0 Puisque DG est une constante, il dcoule que dans des conditions dquilibre, le rapport daction de masses G doit tre une constante quivalente la constante

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CINTIQUE ENZYMATIQUE

dquilibre de la raction. Cette relation importante en biologie, qui relie la constante dquilibre, K, et la variation dnergie de GIBBS dans les conditions standard, fut tablie par Jacobus VAN'T HOFF dans les annes 1860 :

DG = mP m A = RT ln K

[2.31]

Le systme est dcrit par la constante dquilibre, K, qui est donne par lquation suivante :

G eq = K =

[Pi ]eqi

[Aj ]eqj

[2.32]

Une relation gnrale entre la variation dnergie de GIBBS et le rapport daction de masses du systme peut galement tre tablie : [2.33] DG = RT ln G K Graphiquement, cette relation entre la variation dnergie de GIBBS et G est illustre dans la figure 2.2 pour la raction disomrisation de A en P.Contenu en nergie de GIBBS G (J)20 000

P19 000

A18 000

17 000

G K

15 000 0,001

0,01

0,1

1

10

100

1000

G /K

2.2 - Evolution de lnergie de GIBBS en fonction du rapport daction de masse G

Comme nous lavons dj discut dans le premier chapitre au sujet du pH, il est incorrect dattribuer une signification au logarithme dune quantit ayant une dimension. Un second exemple est fourni par la dfinition des constantes dquilibre. Pour toutes les ractions dans lesquelles le nombre de substrats est diffrent du nombre de produits, il est habituel dcrire la constante dquilibre K de la raction comme une grandeur qui a une dimension.

2 LA THERMODYNAMIQUE ET LA THORIE DES VITESSES ABSOLUES

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Par exemple, pour la raction

P+Q [2.34] A la constante dquilibre est gnralement dfinie comme une grandeur qui a une dimension apparente de concentration : [ P ][ Q ] K = [2.35] [ A]

Dans de nombreux cas, il est commode dutiliser les constantes dquilibre dfinies de cette manire. Nanmoins, le calcul de la variation dnergie de GIBBS standard partir de la constante dquilibre (quation [2.31]) ncessite de prendre le logarithme de K et donc de raliser une opration illicite. Il est, dans ce cas, utile de se rappeler la dfinition complte de la constante dquilibre dans laquelle les termes de concentration sont, en ralit, des rapports entre la concentration relle et la concentration dans ltat standard :

[P ] [Aj ] DG = DG + RT ln i i C j C

[2.36]

o C est la concentration standard. Ainsi, la constante dquilibre pour la raction [2.34] est donne par : [ B ][ C ] K = [2.37] [ A ]C o la constante dquilibre est bien une grandeur sans dimension. Afin dviter les erreurs de calcul, il est donc recommand de toujours exprimer les concentrations en units molaires lorsque lon calcule des constantes dquilibre.

2.4. RELATIONS ENTRE LA THERMODYNAMIQUE ET LA CINTIQUE : LES NOTIONS DQUILIBRE ET DTAT STATIONNAIREUn rsultat important des travaux de J.W. GIBBS est ltablissement de relations entre la thermodynamique et la cintique, cest--dire entre la loi daction de masses et la variation dnergie de GIBBS, DG. Nous allons discuter ces relations dans deux situations particulires, la situation dquilibre et la situation dtat stationnaire qui seront utiles pour ltude des ractions enzymatiques.

2.4.1. Distinction entre vitesse initiale et vitesse netteDans une raction limite par un quilibre, il est ncessaire de distinguer les notions de vitesse initiale et de vitesse nette. Considrons le systme disomrisation simple de A en P prsent dans lquation [2.26]. La raction peut tre divise en deux demi-ractions qui peuvent chacune tre dcrite par une quation de vitesse. Ces deux quations de vitesse correspondent aux quations donnant la

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CINTIQUE ENZYMATIQUE

vitesse initiale de chacune des demi-ractions. Si au temps zro, le systme ne contient uniquement que le substrat A et ne contient pas de produit P, la vitesse de la raction exprime selon la loi daction de masses (voir quation [1.4]), donne la vitesse initiale de la raction : [2.38] v1 = k1 [ A ]0 Si par contre, au temps zro, le systme contient uniquement le produit P et ne contient pas de substrat A, la vitesse de la raction est donne par :

v 1 = k 1 [ P ]0

[2.39]

Lorsque le systme contient la fois le substrat et le produit, les deux demiractions se droulent simultanment et la vitesse nette de disparition du substrat est donne, en accord avec la loi daction de masses, par la diffrence entre la vitesse de la raction directe et la vitesse de la raction inverse : d[ A] [2.40] v nette = = k1 [ A ] k 1 [ P ] dt

2.4.2. Ltat dquilibrePar dfinition, dans un systme isol ou ferm, un quilibre chimique ou physique est atteint lorsque les quantits des diffrentes substances prsentes dans le mlange nvoluent plus au cours du temps. Cette situation dquilibre ne signifie pas que la raction sarrte, mais elle correspond un tat dynamique du systme dans lequel la vitesse de la raction directe est gale la vitesse de la raction inverse. Dans lexemple choisi dune raction simple disomrisation, si la conversion entre A et P (quation [2.26]) est lquilibre, les quantits de A et de P ne varient pas au cours du temps ou, en dautres termes, la conversion de A en P est exactement contrebalance par la conversion de P en A. Cette situation est dfinie par lquation suivante o la vitesse nette de la raction est nulle :

d[ A] [2.41] = 0 = k1 [ A ]eq k 1 [ P ]eq dt et o [ A ]eq et [ P ]eq reprsentent respectivement les concentrations de A et de P lquilibre. Le tableau 2.1 et la figure 2.3 dcrivent les variations de concentration des substances A et P pour une raction qui volue vers une situation dquilibre. v nette = Tableau 2.1 - Variation des concentrations dune raction simple disomrisation voluant vers une situation dquilibre Temps 0 t lquilibre [A] [A]0 [A]0 [P]t [A]eq [P] 0 [P]t [P]eq

2 LA THERMODYNAMIQUE ET LA THORIE DES VITESSES ABSOLUES

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Ceq C (units arbitraires)t

1,0 0,9 0,8 0,7 0,6 0,5 0,4 0,3 0,2 0,1 0 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

Produit

Ractif

Temps (s)

a - Reprsentation de lvolution au cours du temps des concentrations du ractif et du produit. Aprs un temps infini, les concentrations ont atteint leur valeur dquilibre.

Ceq Ct 1,0 (units 0,8 arbitraires)0,6 0,4 0,2 0,0 0,2 0,4 0,6 0,8 1,0 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

Produit

Ractif

Temps (s)

b - Reprsentation de lvolution au cours du temps de lcart des concentrations de produit et de ractif par rapport aux concentrations lquilibre 2.3 - Evolution dune raction simple disomrisation vers son tat dquilibre

Alors que la constante dquilibre (quation [2.32]) dcrit la situation lquilibre, lquation [2.41] donne une dfinition rigoureuse de ltat dquilibre. Elle peut tre rarrange de manire dmontrer que la constante dquilibre K sexprime indiffremment comme le rapport entre les concentrations de produit et de ractif

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CINTIQUE ENZYMATIQUE

ou comme le rapport des constantes de vitesse de la raction inverse et de la raction directe : ( m P m A ) DG [ P ]eq k G eq = K = = 1 = e RT = e RT [2.42a] [ A ]eq k 1 Mais, comme le montrent les deux termes de droite de lquation [2.42a], la constante dquilibre peut galement tre exprime en fonction du DG ou de la diffrence entre les potentiels chimiques en utilisant lquation [2.31]. Ainsi, lquation [2.42a] dmontre lexistence dune relation entre les constantes de vitesse, k1 et k 1, la variation dnergie de GIBBS dans des conditions standard, DG, et les potentiels chimiques standards, mA et mP. Lquation peut tre gnralise au cas dune raction dans laquelle les coefficients stchiomtriques sont diffrents de un : p [ P ]eq k G eq = K = = 1 [2.42b] a k 1 [ A ]eq Dans une situation dquilibre, si la vitesse nette de la raction est nulle, par contre les vitesses v1 et v 2 pour chaque demi-raction ne sont pas nulles. Si lon considre la raction A P, alors lquation [2.24] peut scrire comme :

m A m A = RT ln [ A ]Do nous obtenons :

[2.43] [2.44]

ln [ A ] =

mA mA RTmA mA e RT

En prenant les exponentielles de chaque ct de lgalit, lquation devient

[ A] =

[2.45]

En associant cette quation la loi de vitesse, nous obtenons :

v1 = k1 e

mA mA RT

[2.46]

Cette quation tablit une autre relation directe entre la vitesse initiale et le potentiel chimique du substrat et reprsente une des quations fondamentales reliant la thermodynamique la cintique. Des relations similaires entre thermodynamique et cintique peuvent galement tre obtenues pour des systmes plus complexes. Considrons par exemple, la raction suivante : K1 K2 K3 A X Y P [2.47] o lintermdiaire X est le produit de la premire raction mais est galement le substrat de la deuxime raction dans laquelle X est en quilibre avec Y, qui a son tour est le substrat de la troisime raction o Y est en quilibre avec le produit final P. Lorsque toutes les ractions atteignent lquilibre, chaque tape est

2 LA THERMODYNAMIQUE ET LA THORIE DES VITESSES ABSOLUES

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caractrise par une variation dnergie de GIBBS nulle, DG = 0. La situation lquilibre est dcrite par des constantes dquilibre (K1, K2 et K3) qui dans ce cas sont donnes respectivement par [ X ]eq [ A ]eq , [ Y ]eq [ X ]eq et [ P ]eq [ Y ]eq . Puisque, lquilibre, la vitesse nette est nulle pour chaque tape de la raction, nous obtenons facilement des relations entre les constantes dquilibre et les constantes de vitesse. Par exemple, pour la premire tape :

v nette = k1 [ A ]eq k 1 [ X ]eq = 0do :

[2.48] [2.49]

K1 =

[ X ]eq k = 1 k 1 [ A ]eq

Dans un systme de ractions successives comme celui-ci, la concentration de P lquilibre peut tre obtenue partir de la concentration de A, simplement en utilisant les formules des constantes dquilibre :

[ P ]eq = Ki [ A ]eqi

[2.50]

Le principe de micro-rversibilit stipule que dans un systme lquilibre, la conversion entre deux tats seffectue la mme vitesse dans les deux sens de la raction. La conversion de A en P est donc exactement contrebalance par la conversion de P en A. Une implication de ce principe est que la raction inverse se droule en suivant le mme chemin que la raction directe et passe par le mme tat de transition. Cette affirmation est galement valable pour un systme en tat stationnaire.

2.4.3. Ltat stationnaireLtude des systmes hors dquilibre est beaucoup plus difficile que celle des systmes lquilibre, nanmoins la description de tels systmes est grandement facilite si ceux-ci se trouvent dans un tat stationnaire ou au moins sils sen approchent suffisamment pour tre correctement reprsents par lapproximation de ltat stationnaire. Une situation de non-quilibre se caractrise par une vitesse nette non-nulle et par une variation dnergie de GIBBS du systme non-nulle : vnette 0 DG 0 [2.51a] [2.51b]

Dans une telle situation, il est plus difficile de dcrire quantitativement la manire dont lapparition du produit dpend de la concentration de substrat : le systme change au cours du temps. Une premire solution consiste utiliser une forme intgre de lquation de vitesse. Cette dmarche est simple pour les ractions simples comme celle dcrite dans lquation [2.26], mais pour des ractions plus complexes impliquant la formation successive de plusieurs intermdiaires (comme celle de lquation [2.47]), qui sont rgulirement observes dans les

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CINTIQUE ENZYMATIQUE

processus enzymatiques, lquation de vitesse ne donne pas une intgrale dfinie. Il est alors ncessaire dutiliser un systme dquations diffrentielles et de le rsoudre numriquement par une mthode dintgration numrique approprie. Habituellement une telle approche se heurte des difficults pratiques comme la ncessit de dterminer les valeurs exactes des diffrentes constantes de vitesse en utilisant des techniques de cintique rapide. Une seconde solution ce problme a t propose par BODENSTEIN (1913) et repose sur le principe dtat stationnaire. Ltat stationnaire est un tat du systme dans lequel un flux de matire ou dnergie traverse le systme mais dans lequel les proprits du systme ne varient pas au cours du temps. Des exemples dtat stationnaire peuvent tre rencontrs dans la vie courante. Par exemple