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Mémoire sur la prévention des risques professionnels
Les conditions de [re]constitution d’un collectif de travail
comme ressource
pour agir.
Méthode d’action concrète dans la prévention des risques psychosociaux,
en matière de santé au travail.
Nom : PLAN
Prénom : Frédéric Promotion : 26 Date : 29 Mai 2013
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
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Table des matières
Table des matières ______________________________________________________ 1
Résumé _______________________________________________________________ 4
Introduction ___________________________________________________________ 6
1 Les contextes et cadres d’action _______________________________________ 8
1.1 Le travail : de la santé au risque pour les travailleurs ______________________ 8
1.1.1 Santé et médecine au travail _________________________________________________ 8
1.1.2 De l’évitement des accidents à la prévention_____________________________________ 9
1.1.3 La notion de risque ________________________________________________________ 9
1.2 Quand la santé s’entend aussi au sens psychique___________________________ 9
1.2.1 C’est quoi, un risque psychosocial ? __________________________________________ 10
1.2.2 Les pathologies liées à la souffrance au travail __________________________________ 10
1.2.3 L’enjeu des risques psychosociaux ___________________________________________ 12
1.2.4 Les obligations et les ressources de l’employeur_________________________________ 14
1.3 Les bases d’une démarche d’évaluation des risques _______________________ 16
1.3.1 L’obligation de prévention _________________________________________________ 16
1.3.2 Le danger et le risque______________________________________________________ 17
1.3.3 Evaluer pour mieux prévenir ________________________________________________ 19
1.3.4 La méthodologie en matière de prévention _____________________________________ 19
1.3.5 Le document unique d’évaluation des risques___________________________________ 21
1.4 Autre élément de contexte : l’unité _____________________________________ 22
1.4.1 Activité et organisation ____________________________________________________ 22
1.4.2 Organisation_____________________________________________________________ 23
1.4.3 Aspects de santé et sécurité au sein de l’unité ___________________________________ 23
1.5 Conclusion de la première partie_______________________________________ 24
2 Présentation de la démarche RPS à la DECI ____________________________ 25
2.1 1er temps : l’analyse du besoin et le choix de la méthode____________________ 25
2.1.1 L’objectif de la démarche __________________________________________________ 25
2.1.2 Le choix de la méthode ____________________________________________________ 25
2.1.3 Communication et accompagnement__________________________________________ 27
2.2 2eme temps : recueil et analyse des données______________________________ 28
2.2.1 L’analyse des réponses ____________________________________________________ 28
2.2.2 Le diagnostic ____________________________________________________________ 33
2.3 3eme temps : du diagnostic à l’action ___________________________________ 34
2.3.1 Identification d’un plan d’actions ____________________________________________ 34
2.3.2 La prise en compte dans le document unique ___________________________________ 34
2.3.3 Les indicateurs associés____________________________________________________ 35
2.3.4 La restitution ____________________________________________________________ 35
2.4 Les autres espaces de parole et de résolution de problèmes _________________ 36
2.5 Conclusion de la deuxième partie ______________________________________ 37
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3 Cas pratique de prévention de RPS dans une équipe ______________________ 38
3.1 Le constat__________________________________________________________ 38
3.1.1 L’alerte remontée par le CHSCT_____________________________________________ 38
3.1.2 La rupture du dialogue_____________________________________________________ 38
3.1.3 La décision d’intervenir____________________________________________________ 39
3.2 L’analyse __________________________________________________________ 39
3.2.1 De la complexité d’intervenir _______________________________________________ 39
3.2.2 Déterminer l’objectif ______________________________________________________ 41
3.2.3 Donner un cadre__________________________________________________________ 41
3.2.4 Décider la méthode _______________________________________________________ 42
3.3 L’intervention ______________________________________________________ 43
3.3.1 Le déroulé ______________________________________________________________ 43
3.3.2 Le bilan partagé __________________________________________________________ 45
3.3.3 Les axes d'actions ________________________________________________________ 46
3.3.4 Le temps des ajustements entre les acteurs _____________________________________ 47
3.4 Constitution du collectif professionnel __________________________________ 49
3.4.1 C’est quoi, un collectif de travail ? ___________________________________________ 49
3.4.2 Collectif et coopération ____________________________________________________ 50
3.4.3 Le préalable à la constitution du collectif ______________________________________ 52
3.4.4 Le fonctionnement en collectif ______________________________________________ 53
3.5 Conclusion de la troisième partie ______________________________________ 54
4 Discussion________________________________________________________ 56
4.1 De la difficulté de prévenir les RPS_____________________________________ 56
4.1.1 Le découpage par type de prévention _________________________________________ 56
4.1.2 La spécificité des situations à prévenir ________________________________________ 57
4.2 Capitalisation autour de l’action de prévention___________________________ 57
4.2.1 Les mesures préventives pour et par l’équipe ___________________________________ 57
4.2.2 Les mesures préventives pour le management___________________________________ 58
4.2.3 Les enseignements pour les services transverses_________________________________ 59
4.3 Prévention, confiance et pouvoir d’agir _________________________________ 64
4.4 Ma posture d’intervenant_____________________________________________ 66
Conclusion ___________________________________________________________ 68
Glossaire_____________________________________________________________ 70
Bibliographie _________________________________________________________ 71
Ouvrages _________________________________________________________________ 71
Sites internet______________________________________________________________ 71
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Résumé
« La santé se dégrade en milieu de travail lorsqu’un collectif professionnel devient une
collection d’individus où chacun est exposé à l’isolement » 1.
Yves Clot.
1 CLOT, Yves. Le travail à cœur. Pour en finir avec les risques psychosociaux. La découverte, Paris, 2010.
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Introduction J’ai choisi de traiter dans ce mémoire la prévention du risque psychosocial au travers
d’un cas pratique : l’intervention dans une équipe déchirée par des conflits internes. Ou
comment la création d'un collectif de travail peut restaurer le pouvoir d'agir des salariés.
Les membres du jury ne sont pas sans savoir que parmi l’ensemble des risques guettant
les salariés dans le cadre de leur activité, les risques invisibles tels que Risques
Psychosociaux (RPS) et Troubles MusculoSquelettiques (TMS) sont difficiles à
appréhender et à évaluer. Parce que justement, ils échappent au champ visuel.
Pour autant, le risque psychosocial représente un enjeu majeur des politiques de santé
publique, sur le plan économique comme sur le plan moral, humain et éthique.
En effet, selon l’INRS 2, le coût du risque psychosocial affecte tous les pans de notre
société civile :
- l’entreprise (absentéisme, baisse de la productivité , de la motivation),
- la société, les organismes sociaux et leurs cotisants (coût du mal-être au travail..),
- les individus qui en sont victimes (mal-être, séquelles sur la santé psychique ou
physique, idées noires, passages à l’acte...).
Le sujet du risque psychosocial étant trop vaste pour être couvert par une seule étude, je
vais en restreindre le périmètre et montrer dans ce mémoire consacré à la prévention des
risques, comment j’ai traité une situation particulière de risque psychosocial avancé,
mise en évidence sous la forme d’une alerte par les élus du CHSCT 3. Une des
caractéristiques de ce travail, est donc qu’il s’agit d’une demande, d’une commande.
Pour autant, en matière de psychosocial, une intervention (à priori d’ordre curatif)
marque-t-elle l’échec d’une démarche de prévention préalable ?
Nous sommes précisément dans le cœur du sujet : qu’est-ce que prévenir ce risque ?
2 http://www.inrs.fr/accueil/risques/psychosociaux/stress/consequence-entreprise.html consulté le 19/02/2013 3 Comité d'Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail
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Malgré la sensibilisation et les mesures de prévention mises en œuvre, lorsqu’une
situation de travail collectif se dégrade au point que le dialogue est rompu avec le
manager et/ou entre les membres de l’équipe, que le petit absentéisme augmente, que les
personnes sont au bord des larmes, donc que la santé est affectée, quelles options reste-t-
il pour que la situation ne dégénère pas davantage ?
Du fait même de la nature subjective du sujet, il ne peut y avoir de certitudes dans la
manière de procéder, mais des questionnements, des réflexions et des enseignements
qu’il est nécessaire d’exploiter pour renforcer les actions de prévention. Autant de points
que je propose d’aborder dans les quatre parties qui composent ce mémoire.
La première partie décrira l’apparition du thème psychosocial dans l’histoire de la santé
au travail. Les cadres législatif et réglementaire seront évoqués, ainsi que les bases d’une
démarche d’évaluation des risques.
La deuxième partie présentera la démarche RPS mise en place dans l’unité : du recueil
des données auprès des salariés, à la mise en place du plan d’actions. C’est dans le cadre
de cette démarche que s’inscrit l’action de prévention sur le collectif de travail.
La troisième, au cœur du sujet, décrira un cas pratique d’action de prévention au sein
d’une équipe. Je présenterai l’origine de la demande d’intervention, puis la démarche
d’analyse, le choix méthodologique qui en a découlé, et enfin le bilan de l’intervention in
situ, qui a conduit à la mise en place d’un collectif de travail. Je préciserai cette notion de
collectif de travail, ainsi que la différence entre un collectif professionnel et une équipe.
La quatrième partie se proposera d’engager une réflexion à partir de cette situation, en
précisant où elle se situe dans la démarche RPS globale, et comment , dans un souci
d’amélioration continue, les enseignements peuvent être utilisés pour enrichir à la fois la
démarche générale d'évaluation et de prévention des risques, mais aussi la connaissance
des acteurs sur le sujet, et pour renforcer les processus organisationnels.
Pour conclure, je dresserai un bilan critique de mon expérience.
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1 Les contextes et cadres d’action La santé au travail est aujourd’hui un enjeu majeur et incontesté en matière de santé
publique. Ce n’a pas toujours été le cas, même si depuis vingt ans, les aspects liés à la
santé et la sécurité se sont structurés et renforcés dans les textes et dans les faits. Le
panorama du monde professionnel a beaucoup évolué : du rôle des acteurs (l’état, les
organismes paritaires, les syndicats, les employeurs, les salariés, les ingénieurs qualité et
sécurité…) à la transformation de la nature du travail (baisse des emplois industriels et
agricoles, augmentation des emplois de service, sédentarisation des tâches…). Il a fallu
considérer et gérer les situations nouvelles en matière de santé au travail : scandale de
l’amiante, troubles musculosquelettiques, risques psychosociaux...
1.1 Le travail : de la santé au risque pour les tra vailleurs Comment, mené par des considérations à la fois économiques, sociétales et morales, le
législateur, au travers d’un cadre réglementaire évolutif, a-t-il responsabilisé l’employeur
sur le thème de la santé au travail ?
1.1.1 Santé et médecine au travail Le monde du travail salarié à longtemps été dur et injuste. Malheur aux travailleurs
victimes d’accidents ou de maladies du fait du travail ! La fin du 19ème siècle est pourtant
marquée par des lois « progressistes » reconnaissant la couverture sociale des accidents
de travail et les obligations en matière d’hygiène pour les salariés 4. Les entreprises se
sont alors intéressées à l’état de santé des ouvriers qu’elles recrutaient, pour assurer une
sélection, dans un souci d’efficacité.
Apparue dans les usines d’armement à l’initiative d’Albert Thomas, la médecine d’usine
se transforme progressivement en médecine du travail, avec la loi du 11 Octobre 1946,
qui la rend obligatoire dans toutes les entreprises. Elle vise une meilleure connaissance
des causes et une meilleure prévention des maladies professionnelles et des accidents du
travail.
4 S. Buzzi, J.C. Devinck, P.A. Rosental, La santé au travail, Editions la découverte, Paris, 2006, p11
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1.1.2 De l’évitement des accidents à la prévention L’ INS -Institut National de Sécurité-, est créé en 1947 par les partenaires sociaux, est
transformé en INRS en 1968 pour officialiser l’aspect recherche et proposition de
solutions de prévention pour le monde du travail 5.
Il a fallu attendre 1976 (loi 76-1106) pour voir le développement de la prévention des
accidents du travail, où le médecin du travail a eu le droit de faire des propositions
d’aménagement de poste, et l’obligation de sécurité de l’employeur envers les salariés.
1.1.3 La notion de risque La notion de risque est légitimée à partir de 1977 (décret 77-915) avec la création du
conseil supérieur des risques professionnels.
Mais c’est la loi du 31 Janvier 1991 (transposition de la directive européenne 89-791) qui
définit les principes généraux de prévention. Elle précise notamment le devoir de
l’employeur, et la teneur des mesures prises par celui-ci pour lutter contre les risques, en
matière d’actions de prévention des risques professionnels, d'information et de formation
ainsi que la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés
1.2 Quand la santé s’entend aussi au sens psychique Toujours dans une perspective historico-culturelle, jusque dans les années 70, le risque a
été considéré dans sa seule dimension d’atteinte à la santé physique des travailleurs.
Le développement des sciences morales, sociales et politiques et l’essor de la psychiatrie
ont alors permis de s’intéresser au rapport entre la santé mentale et l’organisation du
travail et à la souffrance engendrée par les conditions de travail 6, d’abord sous forme de
travaux scientifiques, puis d’application pratique en entreprise.
5 Site de l’INRS (Institut National de Recherche de Santé et Sécurité au Travail) http://www.inrs.fr/accueil/inrs/identite/historique.html, consulté le 04 Mars 2013. 6 Christophe Dejours, Travail et usure mentale, Editions Bayard, Paris, nvelle éd. 2008, p 55
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1.2.1 C’est quoi, un risque psychosocial ? L’atteinte à la santé mentale et psychique des travailleurs (ouvriers et employés) a été
identifiée sous le terme de risque psychosocial, communément abrégé en RPS.
Les risques psychosociaux regroupent 7 :
• le stress au travail,
• les violences internes (commises au sein de l’entreprise par des salariés : conflit,
brimades, harcèlement moral…),
• les violences externes (commises sur des salariés par des personnes externes à
l’entreprise),
• l’épuisement professionnel (ou burn-out),
• les formes de mal-être, de souffrance, de malaise ressentis par les salariés.
1.2.2 Les pathologies liées à la souffrance au trav ail Christophe Dejours8, Patrick Légeron 9, Elisabeth Grebot 10 sont trois auteurs parmi ceux
qui décrivent les pathologies liées au stress et souffrances du travail.
Les effets de l’insatisfaction
Des sentiments, naissant de l’insatisfaction issue du contenu peu significatif de la tâche
(par exemple pour les ouvriers sur leur poste de travail), engendrent deux souffrances
fondamentales : l’ennui et la peur. Cette insatisfaction crée une absence de signification,
une frustration narcissique, un sentiment d’inutilité, sentiments condensés en un vécu
dépressif 11.
7 Site de l’INRS : http://www.inrs.fr/accueil/risques/psychosociaux.html consulté le 4 Mars 2013 8 Christophe Dejours, psychiatre et psychanalyste, fondateur de la Psychodynamique du Travail, au Cnam. 9 Patrick Légeron, psychiatre, auteur de Le stress au travail, Odile Jacob poches, Paris, 2003 10 Elisabeth Grebot, Stress et burnout au travail, Eyrolles, 2008 11 Christophe Dejours, Travail, usure mentale, nouvelles édition, bayard, 2008, p 85 et suivantes
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Une autre insatisfaction vient de l’inadéquation entre contenu du poste et aspirations
personnelles, qui peut conduire à de l’anxiété, par absence de plaisir. Une compensation
peut être trouvée dans le champ du domaine privé, mais pour Dejours, cette période de
compensation ne dure qu’un temps, et l’évolution se fait souvent vers une maladie
somatique (« en vertu des règles de l’économie psychosomatique élucidées depuis une
vingtaine d’année (Marty, 1968-1976) »).
Les conséquences des différentes peurs
Dejours évoque l’existence d’un sentiment de peur (distinct selon lui de l’angoisse) qui
peut être lié à des cadences trop importantes 12. Cette peur génère de l’anxiété, et
provoque une érosion de la santé mentale.
Dans l’entreprise, la peur peut aussi être liée aux relations de travail. Les espoirs déçus
d’avancement ou d’augmentation, les confidences personnelles utilisées contre les
salariés, les alternances d’attitudes menaçantes ou paternalistes des managers ont pour
effet de créer un climat de suspicion, de rivalité, de perversité chez les uns et les autres.
Ces jeux de pouvoir relèvent d’une manipulation psychologique, conduisant à une
déstructuration des relations psychoaffectives spontanées avec les collègues, des replis
sur soi, l’agressivité, la consommation de produits….
L’aliénation
Dejours évoque encore le travail sous contrainte de temps, orienté tout entier vers
l’atteinte d’un objectif et de la productivité, en contradiction avec une activité de penser,
de pensée imaginative, créative, réflexive. La pensée devenue exclusivement opératoire,
et l’anesthésie de toute autre mode de pensée (dite « répression ») sont deux mécanismes
« prédisposant à l’apparition d’une maladie du corps (Marty P., 1968) ».
12 C. Dejours, id, p 117
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Les nouvelles méthodes de gestion donnant des objectifs individuels et contradictoires
avec la réalité, les contre-sens et situations absurdes constatées dans l’entreprise, les
décisions injustes et les demandes d’évaluations font perdre les repères de ce qui est
juste/injuste, bien/mal, vrai/faux. La complexité des organisations et les justifications
plus ou moins rationnelles données ou reçues, engendrent des décompensations et des
confusions mentales.
De façon générale, lorsque le sens du travail est attaqué, Dejours évoque les différents
types d’aliénation rencontrés selon la psychopathologie et la psychodynamique du
travail : l’aliénation mentale (un sujet coupé de soi), l’aliénation sociale (un sujet coupé
de la reconnaissance d’autrui) et l’aliénation culturelle (un sujet coupé du réel)13.
Burnout et Karôshi
La surcharge de travail peut amener l’individu à un burnout, qui est un épuisement
professionnel se manifestant sous forme de symptômes de découragement, démotivation,
dévalorisation de soi, et dépression.
Plus préoccupant, la surcharge peut provoquer des accidents vasculaires (infarctus,
hémorragies cérébrales) chez des hommes de 25 à 40 qui ne présentaient aucun
antécédent cardiovasculaire. Ce phénomène est connu sous le nom de Karôshi14.
1.2.3 L’enjeu des risques psychosociaux Les acteurs concernés se mobilisent, pour faire face aux différents enjeux : L’enjeu économique
Ces risques qui affectent la santé psychique (et par conséquent physique) des salariés ont
un coût multiple 15:
13 Dejours, travail, usure mentale, p 255 14 Dejours, id, p20
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- pour l’entreprise :
ils se caractérisent par une augmentation de l’absentéisme et du turnover, des
difficultés pour remplacer le personnel […], des accidents du travail, une
démotivation, une baisse de créativité, une dégradation de la productivité, une
augmentation des rebuts ou des malfaçons, une dégradation du climat social, une
mauvaise ambiance de travail, des atteintes à l’image de l’entreprise
- pour la société :
au niveau européen, le coût du stress d’origine professionnelle était estimé, en 2002, à
environ 20 milliards d’euros par an. Le stress serait également à l’origine de 50 à 60
% de l’ensemble des journées de travail perdues (Agence européenne pour la sécurité
et la santé au travail, 1999).
En France, le coût social du stress (dépenses de soins, celles liées à l’absentéisme,
aux cessations d’activité et aux décès prématurés) a été estimé en 2007 entre 2 et 3
milliards d’euros (étude INRS et Arts et Métiers ParisTech).
- pour les individus qui en sont victimes :
un mal-être profond, qui affecte la santé psychique ou physique, et peut entraîner des
séquelles allant de la démotivation à des idées noires et des passages à l’acte.
Obligations légales et morales
Les instances européennes et nationales se sont intéressées aux aspects de la souffrance et
du bien-être au travail.
15 Source INRS site http://www.inrs.fr/accueil/risques/psychosociaux/stress/consequence-entreprise.html consulté le 19/02/2013
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1.2.4 Les obligations et les ressources de l’employ eur Pour l’entreprise France Telecom - Orange, affectée durement par une crise sociale
récente 16, et dont le nom reste associé à des cas de suicide au travail 17, la prise en
compte des risques, notamment psychosociaux, repose sur une volonté politique et une
approche systémique, avec des interactions entre acteurs internes et externes, prenant en
compte les éléments tant endogènes qu'exogènes..
Le cadre réglementaire et politique
La démarche de l’entreprise est guidée et encadrée par la réglementation, décrite dans le
code du travail.
Faisant suite au rapport Nace / Légeron du 12 mars 2008, l’accord national
interprofessionnel (ANI ) du 2 juillet 2008 sur le stress au travail marque une avancée en
matière de prise en compte des risques psychosociaux, en reconnaissant la responsabilité
de l’employeur, et en fournissant un cadre pour une démarche d’évaluation des risques
psychosociaux dans l’entreprise.
L’arrêté du 6 Mai 2009 oblige les entreprises à conclure un accord sur le stress au travail.
Le 17 février 2010, le gouvernement réaffirme sa priorité d’améliorer le bien-être au
travail (rapport « Bien-être et efficacité au travail », Pinicaud, Lachmann, Larose, ).
La loi du 6 Août 2012 redéfinit le harcèlement moral et alourdit les sanctions encourues.
Les acteurs de la démarche pour France Telecom - Orange
Acteurs internes à l’unité
Participent à la démarche évaluative, au sein même de l’entité, le directeur, le
responsable RH, le préventeur, les managers, les responsables de sites, les
représentants du personnel, les salariés eux-mêmes, vers qui est tournée l’action…
16 Romain Fretal, L’orange amère, éditions Grimal, 2012 17 Au moment où je rédige précisément cette ligne, le 5 mars 2013, j’apprends qu’un agent de France Telecom à Pau s’est immolé par le feu à la suite d’une sanction disciplinaire (mise à pied).
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Acteurs transverses aux différentes entités
Sont associés la médecine du travail, les personnes en charge de l’animation et
de la coordination des actions au niveau territorial, mais aussi le service de
prévention national, la direction métier, la direction territoriale…
A France Telecom, l’accord sur les risques psychosociaux, déclinaison de
l’ANI) a été signé le 6 Mai 2010 et sert de cadre de référence aux démarches
évaluatives.
Acteurs externes à France Telecom
Des appuis peuvent être trouvés à l’extérieur, au niveau institutionnel
(CARSAT, INRS, Inspection du Travail, ANACT, l’ARACT), ou auprès de
structures privées/libérales (cabinets d’ergonomes, de conseils en organisation, de
psychologues du travail…).
La justice
En dernier recours, après échec de la médiation, intervient l’action en justice.
Bien que notion récente du droit français, le harcèlement moral (manifestation
caractéristique des RPS) donne lieu à de nombreux dépôts de plaintes auprès des
tribunaux. Ainsi, le 6 Juillet 2012, le groupe France Télécom, en tant que
personne morale, en la personne de son ex PDG, a été mis en examen, pour
"harcèlement moral" et "entrave au fonctionnement du comité d'entreprise et du
comité d'hygiène et de sécurité".
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1.3 Les bases d’une démarche d’évaluation des risqu es Toute démarche préventive se doit de respecter un certain nombre de principes. Un rappel
de certains concepts en la matière s’impose.
1.3.1 L’obligation de prévention De par la loi, l’employeur a la charge de mettre en place une politique de prévention.
Article L4121-2
L'employeur met en œuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : 1) Eviter les risques ; 2) Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ; 3) Combattre les risques à la source ; 4) Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ; 5) Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ; 6) Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ; 7) Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ; 8) Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ; 9) Donner les instructions appropriées aux travailleurs. En matière de prévention, les mesures mises en œuvre concerneront :
- l’aspect technique :
les moyens techniques pour supprimer ou diminuer les risques ;
- l’aspect organisationnel
l’organisation du travail adaptée pour limiter les risques de manière collective, en
matière de consignes, de règles, de méthodes de travail ;
- l’aspect humain
Les moyens d’information et de formation des personnes concernées par
l’exposition aux risques.
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Ces trois aspects représentent les éléments de maîtrise. Cas du risque psychosocial : La prévention des risques psychosociaux se décline en trois parties :
- primaire : éviter le risque au niveau de l’organisation
- secondaire : sensibiliser et former les personnes
- tertiaire : intervenir sur les cas particuliers.
1.3.2 Le danger et le risque La première étape consiste à distinguer le danger et le risque.
Une situation de travail se caractérise parfois par la présence d’une source de danger, qui
représente un risque à partir du moment où le travailleur est y exposé. Cette source de
danger est plus ou moins consciemment perceptible : bruit, flamme, source d’énergie,
pièces mécaniques en mouvement…
Exposé à une source de danger , le travailleur risque un dommage plus ou moins grave,
une atteinte à sa santé, sous la forme d’un accident ou d’une maladie.
La gravité, estimée sur quatre niveaux, dépendra bien évidemment de la nature du
danger : l’inconfort, hématome, lésion, coupure trouble musculaire, fracture, brûlure,
électrocution, déficience d’une fonction organique, décès…
Niveau Définition des critères retenus
1 Accident sans arrêt
2 Arrêt sans hospitalisation
3 Arrêt avec hospitalisation
4 Atteinte irréversible ou décès
L’ exposition à un risque intègre des paramètres de variabilité :
- la fréquence (occasionnelle, intermittente, fréquente, continue)
- la durée.
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Cas du risque psychosocial :
Parmi ces risques, les cas de violences externes sont les plus visibles dans leur cause.
Dans une activité non exposée à des violences externes visibles, les dangers que
représentent des cadences, ou certaines conditions de travail (métiers de centre d’appels,
etc…) ou encore l’utilisation de certains outils informatiques ou process peuvent être
identifiés, désignés de manière unanime.
Mais une orientation stratégique et organisationnelle plus profonde qui mettrait à mal,
sans l’afficher, le sens du travail pour répondre à des rationalités politico-financières
serait plus difficile à appréhender dans sa forme, ainsi que dans les conséquences sur
l’organisation et les individus.
Qui peut par exemple juger de la portée réelle du changement de nom de « France
Telecom » vers « Orange » ? Peut-on aisément faire abstraction des conséquences sur la
culture professionnelle [P. d’Iribarne 2008] ou sur l’identité professionnelle [R.
Sainsaulieu 1988], quand des auteurs montrent que l’entreprise est productrice de
sociabilités, d’identités et de valeurs capables d’agir sur ses membres et sur la société
environnante 18. « Faire référence à l’identité, c’est toucher au noyau, écrit Christophe
Dejours, à l’armature même de la santé mentale » 19 .
Le sujet des RPS est complexe, ayant déjà donné lieu à la rédaction de milliers d’articles
et d’ouvrages par des spécialistes.
Le risque psychosocial dans l’entreprise est difficilement dissociable d’un cadre bien plus
large : l’évolution sociétale dans un contexte de mondialisation et de prédominance
ultralibérale, affectant la manière de vivre ensemble, dans le rapport à l’éducation, à la
société civile, à l’information, à la politique, aux loisirs, aux usages consuméristes…
Dans le cas présent, en entreprise, j’indique simplement qu’on parle de facteurs de
risques, liés à l’activité, au métier, aux conditions de travail, à la nature de
18 Renaud Sainsaulieu, l’identité au travail, les effets culturels de l’organisation, Presses de Sciences Po, 1988 19 Dejours, id, p. 237
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
Page 19
l’environnement socio-économique, à l’aspect relationnel… Tous ces facteurs sont
inscrits dans l’accord ANI du 2 Juillet 2008.
Le thème du présent mémoire n’est pas le recensement des facteurs de risques
psychosociaux, tels que décrits dans les grilles d’analyse de la Dares, de l’Inrs, mais la
prévention de l’un de ses effets visibles : le délitement d’un collectif professionnel, et la
conséquence sur les individus.
1.3.3 Evaluer pour mieux prévenir La connaissance du travail et l’observation du travail vont permettre d’évaluer le risque
à sa juste valeur, et de mettre en place les moyens de prévention adaptés à la situation.
Ce risque sera identifié, évalué, discuté avec les instances représentatives du personnel, et
décrit dans le document unique (D.U.).
Un système de cotation permet de le mesurer de la manière la plus juste possible, et de
montrer que l’ensemble des activités humaines autour de ce risque ont été considérées.
Une formule mathématique est utilisée pour coter le risque :
Gravité x Fréquence x Maîtrise
L’ important dans la démarche d’évaluation reste que les acteurs concernés par l’exposition à un danger donné, en soient informés, mais aussi formés, équipés pour le côtoyer dans le cadre de leur travail, après que l’entreprise ait fait son possible sur un plan technique et organisationnel pour éliminer le risque à la source, ou à défaut, le réduire.
1.3.4 La méthodologie en matière de prévention L’identification et l’évaluation des risques requièrent une organisation impliquant
différents acteurs, et une méthode de travail. Il s’agit de manager un dispositif, de le
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
Page 20
suivre, et de le faire évoluer le SMSST (Système de Management de la Santé et de la
Sécurité au Travail).
Le directeur décide des orientations en matière de SST, et chacun à son niveau
(managers, RH, préventeurs, RSS, salariés…) contribue à la déclinaison des objectifs et à
l’atteinte des indicateurs fixés.
Les acteurs de la DECI et leur rôle dans le SMSST.
Le schéma illustre que les interactions entre acteurs ne sont pas uniquement
descendantes, mais qu'elles forment une boucle dont la finalité est de s’assurer
régulièrement du bon fonctionnement du système, de le faire progresser sur un mode
continu, ce qu’un statisticien du nom de William Deming a immortalisé dans les années
50 sous forme d’un diagramme cyclique, dit « PDCA » (Plane, Do, Check, Act) :
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
Page 21
1.3.5 Le document unique d’évaluation des risques Le document unique est au cœur du système de management de la Sécurité et de Santé
au Travail (SST).
Il a été introduit par le décret 1016 du 5 Novembre 2001, portant sur la création d’un
document relatif à l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs. Ce
décret a introduit deux dispositions réglementaires dans le code du travail, précisant la
forme et le contenu.
Ce document recense et décrit les activités, les phases d’exposition au risque, pour lequel
une cotation est établie (hormis pour les RPS). Il décrit également les moyens de
prévention utilisés.
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
Page 22
Vue partielle du Document Unique de l’unité
1.4 Autre élément de contexte : l’unité Cette démarche est menée au sein de la DECI.
1.4.1 Activité et organisation La DECI (Direction de l’Exploitation du Contrôle et de l’Interconnexion) est une unité
technique de France Telecom, dépendant d’un service national (OPF/DTF20). Elle a été
créée en 2008 pour assurer la supervision de l'ensemble du réseau mobile et du réseau
fixe sur la zone Est et Sud-est ainsi que l’expertise et le comptage au niveau national. Elle
joue un rôle essentiel pour permettre aux services d’Orange d'être considérés par les
clients comme ceux présentant la meilleure qualité de service. Le personnel de la DECI
est composé de fonctionnaires et de personnes de droit privé (Agents Contractuels) soit
près de 650 salariés auxquels s’ajoutent des prestataires externes qui partagent ses
activités.
20 OPF : Opérations France – DTF : Direction Technique France
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
Page 23
1.4.2 Organisation Le siège de la DECI se situe à Lyon. L’entité est présente sur les sites : Lyon Vaise, Lyon
Sévigné, Isle d'Abeau, Clermont Ferrand, Paris Navarin, Paris Villejuif, Rennes, et Lille.
Elle est divisée en 10 départements, sous la direction de M. Piccot.
1.4.3 Aspects de santé et sécurité au sein de l’uni té Les aspects de la santé concourent d’interactions entre différents acteurs, telles
qu’identifié(s) dans le schéma ci-dessous :
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
Page 24
La lettre de politique
Les cinq objectifs principaux de la lettre de prévention sont :
- Maintenir le retard aux visites médicales inférieur à 10% - Eviter les situations de mal-être du fait du travail - Prévenir les Troubles Musculo Squelettiques (TMS) - Réduire le nombre d’accidents du travail - 75% de conformité au référentiel SMSST France Télécom fin 2013
Je ne précise ici ni les mesures associées, ni les indicateurs visés.
1.5 Conclusion de la première partie L’histoire sociale récente de France Telecom, largement mise en exergue dans les media
au cours de la période de crise 2007-2009, conjuguée à celle de l’entreprise Renault, a
poussé le législateur à durcir la règlementation sur ce risque psychosocial. L’image de
l’employeur a été sévèrement écornée, et France Telecom – Orange est toujours
considérée par le public comme « l’entreprise des suicides ».
Certes, dans le monde du travail, l’ensemble des acteurs avait conscience depuis
longtemps de l’existence du risque, mais la responsabilité était souvent rejetée sur des
salariés incapables de résister à la pression. Les premières mesures de prévention
consistaient à apprendre aux personnes à gérer des situations difficiles, à tenir le rythme,
par le développement personnel et l’apprentissage de méthodes destinées à accroître la
performance individuelle et managériale : PNL (programmation neurolinguistique) , AT
(analyse transactionnelle), coaching managérial...
Les cas de suicide du fait de travail ont montré que les conséquences sur les individus
pouvaient être extrêmes et que le risque psychosocial devait être pris très au sérieux, pas
seulement au niveau humain, mais sur le plan de l’organisation et du collectif.
Oui mais comment ?
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
Page 25
2 Présentation de la démarche RPS à la DECI En Mai 2011, à la suite de mon recrutement, j’ai été chargé de piloter la démarche RPS.
Je rappelle que la présentation de la démarche RPS qui suit, n’est pas le thème central du
mémoire, mais sert à poser le cadre de l’intervention qui en constitue l’objet.
2.1 1er temps : l’analyse du besoin et le choix de la méth ode En Septembre 2010, le CHSCT avait acté la nécessité de mener une démarche
d’évaluation des risques psychosociaux.
2.1.1 L’objectif de la démarche Combiné à la nécessité règlementaire d’intégrer l’évaluation des RPS dans le document
unique, l’objectif de cette démarche d’évaluation des risques psychosociaux était de
répondre aux questions suivantes :
- Rechercher si les salariés de la DECI éprouvent un sentiment de mal être du fait de leur travail ou de leurs conditions de travail
- Si oui, quelle en est l’importance ? - Si oui, quelles en sont les causes (facteurs de risques) ?
Elle était prévue d’être menée en trois temps :
- identification des risques psychosociaux - présentation d’une note de synthèse et d’un plan d’actions ; mise à jour du D.U. - application du plan d’action et approfondissement des situations identifiées « à
risque ».
2.1.2 Le choix de la méthode J’ai piloté le groupe de travail sur les risques psychosociaux (« GT RPS ») avec la
contrainte de mener la démarche d’identification des RPS à son terme pour le mois de
décembre. J’ai présenté un rétro-planning en ce sens, et le calendrier qui en a découlé, en
accord avec les organisations syndicales.
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
Page 26
Un premier débat a porté sur la manière de faire (choix de la méthode entre plusieurs
possibles : entretiens individuels, collectifs, échantillonnage de salariés par site, par
métier ou par équipe, avec ou sans l’aide d’un cabinet extérieur…).
Il a été acté de procéder à la réalisation d’un sondage qui permettrait à chacune et chacun
de s’exprimer au travers de questions simples, avec des champs de commentaires.
A partir des grilles d’analyse de la DARES (Ministère emploi, santé) et de l’INRS, le GT
RPS s’est réuni à plusieurs reprises pour finaliser un questionnaire adapté à notre
contexte et à notre activé.
Un questionnaire constitué de 85 questions a été conçu, réparties en 8 thèmes :
Thème Points abordés Nombre de questions
l’activité l’activité est-elle source de stress à la DECI ?
Charge, concentration, maîtrise de son activité, de son temps, dilemmes… 15
métier – compétences Quelles ressources pour exercer le métier ?
Métier, compétences, formation, reconnaissance, qualité du travail… 7
travail collectif Quelles ressources dans le collectif ?
Sentiment d’utilité, soutien de l’équipe, satisfaction au quotidien… 9
rapport à l’organisation Où je me situe, quels sont mes soutiens… 13 environnement de travail
Conditions matérielles, aspect de la santé en rapport avec le travail…
10
environnement socio-économique
Évolutions de la DECI, transformations, connaissance des projets…
5
violences internes / externes
Conflits extérieurs, harcèlement, maltraitance…
15
ressenti du salarié
Conflits entre personnes, travail et éthique…
11
Positionnement (facultatif) Bâtiment, département, service, genre, âge, statut…
8
La formulation de chaque question et le choix des réponses proposées ont été
attentivement étudiés, tant en forme qu’en contenu (forme interrogative / forme négative
/ forme affirmative / information précise recherchée…).
Nous avons considéré la faisabilité d’exploiter des données avec des formats de réponses
différents :
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
Page 27
- Oui / non / non concerné - Oui / plutôt oui / plutôt non / non / je en sais pas - Tjrs / souvent / parfois / jamais
- Non / je devrais / oui / sans objet - … Ce questionnaire a été préalablement soumis a un groupe témoin de 15 salariés et
managers pour en vérifier la lisibilité, la compréhension tant sur la forme que sur le fond
et a été ajusté en fonction des remarques.
Finalités du questionnaire En plus d’ambitionner rechercher les causes de mal-être, le questionnaire répondait à
deux autres objectifs :
Communiquer de l’information aux salariés sur les ressources existantes :
rappeler au travers des questions et des choix proposés dans les réponses, qu’il existe des
ressources au sein de France Telecom et de la DECI pour faire face à des situations
individuelles problématiques (collègues, ligne managériale, services RH, IRP, service de
santé au travail, assistantes sociales, service d’écoute).
Favoriser l’expression individuelle :
au travers de champs commentaires, permettre à chaque salarié de s’exprimer librement
et anonymement sur son ressenti et ses difficultés dans le travail, pour les différents
thèmes.
Ce questionnaire se voulait constituer donc une prise de conscience, et une ressource en
lui-même.
2.1.3 Communication et accompagnement La communication autour de notre projet a été un axe fort, à partir d’informations que les
managers relayaient dans les équipes, et par des communications directes auprès des
salariés. Il nous semblait essentiel de bien préciser le cadre et la finalité de la démarche.
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
Page 28
L’accueil des salariés paraissait plutôt mitigé, car au sortir de la crise sociale, la confiance
en la nouvelle direction restait « fragile ». Les salariés restaient dans l’expectative de
décisions, un an après le rapport du cabinet Technologia 21.
Le Codir, le CHSCT et le service de santé au travail ont été associés en permanence à la
démarche, l’ont soutenue activement par leur participation.
2.2 2eme temps : recueil et analyse des données Deux ans après l’enquête menée par Technologia, notre questionnaire a été soumis aux
salariés de manière électronique, garantissant l’anonymat et la confidentialité des propos.
C’est l’outil interview qui a été retenu pour la mise à disposition (trois semaines durant)
du questionnaire et l’analyse des données.
2.2.1 L’analyse des réponses
Le taux de participation s’est élevé à 65,2%.
Le GT RPS s’est ensuite réuni à plusieurs reprises pour procéder à l’analyse des données.
Nous avons converti les valeurs littérales des réponses en une valeur numérique de 0 à 3,
par l’application d’un système de pondération. Cela nous a permis de ramener la notation
des facteurs de risques sur une même échelle, pour les comparer.
Puis nous avons établi des diagrammes en radar pour chaque thème, qui précisait
l’information recherchée dans la question (Q1 à Q85).
21 Rapport de Technologia sur le site http://www.intelligence-rh.com/actualites-rh/sante-securite-au-travail/france-telecom-le-rapport-final-du-cabinet-technologia-accable-la-politique-de-gestion-du-personnel, consulté le 19 Mars 2013
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
Page 29
Exemple de graphe montrant le poids comparé des différents points relatifs à l’activité
Enfin, nous avons mis l’ensemble des facteurs de risques dans un même tableau avec un
classement par poids pour déterminer lesquels dominaient, du point de vue des salariés.
Ceux avec le poids le plus élevé étaient donc à considérer en priorité.
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
Page 30
Une répartition plus fine des résultats par site ou par service n’a pas eu l’efficacité
escomptée. Car nombres d’élus du CHSCT avaient donné consigne aux salariés de ne
pas répondre aux questions « subsidiaires » de positionnement, par souci de préservation
de l’anonymat 22.
Des thèmes transverses étaient traités au travers des questions, sans qu’ils n’apparaissent
en tant que tels dans le questionnaire : celui de la reconnaissance, et de la satisfaction /
du bien-être.
Le sentiment de reconnaissance ou d’absence de reconnaissance se doit d’être manié avec
prudence, pour éviter de sombrer dans des lieux communs.
22 Ce fût la seule divergence au sein du groupe de travail dans l’appréhension de la démarche. Ils regrettèrent néanmoins d’avoir donné ces consignes, au moment de l’exploitation des réponses, ne pouvant corréler certaines remarques récurrentes des salariés.
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
Page 31
Du point de vue de la psychopathologie du travail, la reconnaissance par autrui est
essentielle à un épanouissement dans le travail. Son absence est source de frustration et
de souffrance.
Du point de vue de la clinique de l’activité, on considère que cette quête d’une
reconnaissance par autrui peut se révéler source de frustration, car elle peut être infinie,
obsédante et finalement déstructurante. La satisfaction résiderait surtout dans la façon de
se reconnaître dans son travail (la réalisation, les valeurs…).
La souffrance serait due en partie à la partie des activités non réalisées ou inachevées, par
manque de temps, de ressources, de compétences, du fait des injonctions paradoxales…
Dans le questionnaire, le thème de la reconnaissance s’est articulé autour de plusieurs
axes 23:
- reconnaissance par la hiérarchie (légitimité)
- reconnaissance par les collègues (la beauté du geste bien fait)
- reconnaissance par les clients et usagers (utilité)
- se reconnaissance dans ce que l’on fait
Les aspects de la reconnaissance, au travers des quatre dimensions du métier
(impersonnelle, interpersonnelle, transpersonnelle et personnelle) sont en lien avec
l’identité professionnelle , le sens du travail et l’éthique. Conditions du bien-être, donc de
la santé.
Ma propre expérience m’a également conduit à associer la notion de reconnaissance à
cette de considération dans le champ professionnel : la considération de l’individu, du
salarié, du groupe 24 avec les comportements managériaux afférents.
L'analyse des réponses a perdu de réaliser les histogrammes suivants :
23 Pascale Molinier, Les processus psychiques du travail, introduction à la psychodynamique du travail, Payot, Paris, 2006 24 Intervention menée en 2011-2012 dans une importante structure de restaurant universitaire, dans le cadre d’un enseignement Cnam « pratiques de terrain », sur le thème de « l’accompagnement au développement des compétences managériales de chefs de cuisine».
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
Page 32
Il est intéressant de noter deux points :
- la façon de faire le travail est reconnue ou pas reconnue, dans une large proportion.
Il est normal d'être en accord ou en désaccord avec une manière de faire.
- les réponses « je ne sais pas si la façon de faire mon travail est reconnue » atteignent
respectivement des valeurs de 8, 41% pour le responsable et 14, 46% pour les collègues.
Ce qui pose question.
Plusieurs interprétations sont possibles :
- « personne ne me fait de retour sur mon travail parce que je travaille seul »
- « je ne travaille pas seul, mais pour autant, nous ne parlons pas de la manière de faire le
travail avec mes collègues ou mon responsable »
- « je me débrouille pour faire mon travail sans savoir comment font mes collègues ».
Cela semble symptomatique d'une absence d'activité dialogique autour du travail, d’un
isolement dans la pratique professionnelle. Et peut-être d'une source de mal-être.
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
Page 33
2.2.2 Le diagnostic
A l’issue de l’analyse des données recueillies, de nombreux points ont été mis en
évidence par le groupe de travail. Il apparaît que 90% des personnes ayant répondu au
questionnaire sont satisfaites de travailler à la DECI (score supérieur à la moyenne
nationale).
Néanmoins, le GT RPS a établi une corrélation entre un manque d’expression autour du
travail, et le sentiment d’une dégradation de la santé, pour 15% des salariés qui ont
répondu au sondage.
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
Page 34
2.3 3eme temps : du diagnostic à l’action Une note de synthèse a été proposée au Codir par le GT RPS, ainsi qu’un plan d’actions
pour répondre aux constats établis.
2.3.1 Identification d’un plan d’actions
Ce plan d’actions intervient en complément des actions de sensibilisation et de formation
identifiées et engagées par ailleurs (formation des managers sur les RPS, le stress au
travail…)
Plan d’action RPS
- 1er axe : Démarche Collective dialogique et participative : Mise en discussion de certains thèmes autour du travail dans certaines équipes (thèmes identifiés dans le questionnaire), sur la base du volontariat du manager et des salariés, sous forme de séances animées par une personne formée. - 2eme axe : Démarche personnelle et interpersonnelle : Renforcement des échanges entre manager et salarié sur la fiche de poste, les compétences, les difficultés dans le travail, la qualité… - 3eme axe : Démarche organisationnelle : Communication sur le rôle RH des différents interlocuteurs; renforcement de la proximité RH Communication sur le rôle du service de Santé au Travail (médecin, infirmière, AS…) Communication sur le rôle et l’identification des IRP (représentants du personnel).
Il est à noter que le GT RPS n’a pas souhaité parler de prévention primaire, secondaire
ou tertiaire, mais a préféré orienter la démarche vers des situations de renforcement de
communication. Des formations ont été dispensées aux managers sur le thème des RPS
depuis 2009.
2.3.2 La prise en compte dans le document unique Le document unique a été mis à jour d’une part en précisant la démarche menée au sein
de l’entité, dans un onglet spécifique, et d’autre part en décrivant plus finement les
contextes de chaque équipe. Un dialogue poussé sur le fond avec chaque manager a
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
Page 35
permis d’échanger sur les situations dans le travail qui pouvaient exposer à un mal-être
(la nature de l’activité, les relations avec les partenaires, le stress lié aux astreintes, les
contraintes temporelles, les interruptions pendant l’exécution d’une tâche, les conditions
de travail dans les locaux, etc…).
Le risque RPS n’est pas soumis à une cotation.
Les situations d’exposition aux RPS, comme les situations d’exposition aux autres
risques, sont présentées par le manager aux équipes, et discutées ensemble. Le document
unique doit servir d’outil de médiation pour parler le travail, et ne pas rester un document
administratif.
Enfin, il a été proposé de procéder à une analyse des causes de RPS dans chacune des
équipes qui le souhaiterait, avec une ou deux personnes en charge de l’animation du
groupe.
Cette démarche, dite « atelier de parole » a été menée sur un groupe pilote, dans lequel
salariés et managers étaient volontaires, et une évaluation est en cours par le groupe de
travail RPS.
2.3.3 Les indicateurs associés
Il a été décidé initialement de procéder à une nouvelle soumission du questionnaire à
partir de Septembre 2013, et les écarts avec le questionnaire de 2011 tiendraient compte
d’indicateurs pertinents.
Cependant, du fait de l’enquête réalisée par le cabinet Sécafi fin 2012 dont les résultats
ont été diffusés en Février/Mars 2013, et pour éviter qu’un gros projet de déménagement
des sites lyonnais ne viennent fausser les résultats, la direction a préféré reporter la
soumission du questionnaire à l’année 2014.
2.3.4 La restitution
Après avoir sollicité les salariés pour qu’ils participent au questionnaire, il était
indispensable de leur faire une restitution. Cette restitution contribue de la sensibilisation
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
Page 36
aux RPS : ce qu’on entend par RPS, comment les salariés ressentent les RPS dans
l’entité, et comment la direction et le CHSCT décident conjointement d’agir.
Des séances de restitution collectives ont été organisées, au sein des équipes ou en mêlant
plusieurs équipes, par la DRH, les préventeurs, et certains managers. Cela a donné lieu à
des réactions allant du simple intérêt à des débats sur le sujet.
2.4 Les autres espaces de parole et de résolution d e problèmes Il est à noter que la direction de la DECI, consciente depuis longtemps que le bien-être au
travail passe par des espaces d’expression, avait déjà mis en place des dispositifs pour
permettre aux personnes de s’exprimer sur et autour du travail :
- les entretiens individuels d’évaluation
- les réunions d’équipe régulières
- les briefs d’activité, qui sont parfois quotidiens
- des séminaires de département
- Des méthodes de recueil et de valorisation de suggestions et d’idées.
- des moments de convivialité autour d’évènements (fête de la musique, réussite de
déploiements techniques, etc…)
- les ateliers de résolution de problèmes, avec un animateur de séance, où les
salariés d’une équipe partagent sur les difficultés entravant leur travail quotidien.
Y sont traités les problèmes liés à l’utilisation des outils informatiques, des
process, des aspects logistiques, des relations entre services…
Les salariés proposent eux-mêmes des solutions, avec des porteurs, des délais, et
ce dispositif participatif permet de régler nombre de tracas du quotidien.
Cette démarche, d’ordre organisationnelle contribue efficacement au mieux-être
dans le travail, et constitue en cela une action de prévention primaire : traiter les
tracas et problèmes organisationnels à la source pour les éviter ou les réduire..
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
Page 37
2.5 Conclusion de la deuxième partie La démarche RPS de la DECI a été résumée en quelques pages pour présenter le
contexte, et seule une partie de la conclusion intéresse la suite de ce mémoire : malgré les
espaces d’écoute proposés, utilisés, jugés satisfaisants par 85% des salariés, il subsiste
15% de personnes qui ne savent pas si leur manière de faire le travail est appréciée par les
collègues ou les salariés. Le travail n’est pas « parlé ». C’est autour de ces 15% que
portent les actions de restauration de la parole.
Des questions émergent légitimement :
- Y a-t-il véritablement un lien de cause à effet entre l’absence de parole et le sentiment
que la santé se dégrade du fait du travail, dans cette même proportion de 15% ?
- L’absence de parole est-elle liée à l'absence d’une zone de confiance dans l’équipe ?
- Comment susciter la parole lorsqu’elle a disparu ?
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
Page 38
3 Cas pratique de prévention de RPS dans une équipe
Le cas présenté ici porte précisément sur une rupture de dialogue dans une équipe : le
constat, la recherche des causes, l’analyse, l’intervention, et la proposition de solutions.
3.1 Le constat
3.1.1 L’alerte remontée par le CHSCT
Courant 2011, deux alertes remontent en CHSCT, sous forme de déclarations préalables,
à propos du management et de l’organisation du travail dans une équipe technique.
Selon les élus, un nouveau manager impose un changement d’organisation qui met en
péril le fonctionnement et la cohésion de l’équipe, sans tenir compte des avertissements
lancés par les salariés concernés, faisant monter l’insatisfaction. Le CHSCT dénonce
également la volonté d’imposer un outil de planification de l’activité, malgré l’avis de
l’équipe.
Convié à présenter sa réorganisation, le manager expose sa motivation et son objectif,
que chacun s’accorde à trouver pertinents.
Pour autant, après quelques semaines, le climat de l’équipe continue à se dégrader selon
les représentants du personnel, et certains salariés qui osent s’exprimer.
3.1.2 La rupture du dialogue A cette situation tendue, s’ajoute un évènement, significatif de la rupture du dialogue : un
article de presse est placardé anonymement sur la porte du manager.
Il y est rapporté le suicide d’un salarié de France Telecom dans une Unité d’Intervention
(« U.I. ») suite au déploiement d’un outil de pilotage du travail.
Toujours de façon anonyme, une deuxième personne surligne au feutre stabilo l’une des
supposées causes du suicide : le déploiement du nouvel outil.
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
Page 39
Cela montre non seulement que le déploiement des nouveaux outils informatiques est
source d'inquiétude, mais aussi que le dialogue ne passe plus au sein de l’équipe. "Nous
ne sommes pas écoutés. La prochaine étape, me dit-on, c'est la violence".
Le salarié qui a placardé l’article se dénonce, est convoqué par sa hiérarchie, et justifie
son geste avant d’être sanctionné. L’auteur du coup de stabilo ne se manifeste pas.
L’ensemble de l’équipe est sous le choc. Le petit absentéisme augmente de manière
significative entre 2011 et 2012 (plus de 50% d’augmentation).
NB : Pour ajouter à la complexité, ce changement d’organisation interfère avec un remaniement dans une autre équipe (dite d’exploitation). Un des exploitants, interlocuteur habituel et apprécié professionnellement des experts, a été « repositionné » sur une autre activité. Il l’a vécu comme une brimade, se sentant mis en isolement, avec crise de larmes et arrêt de travail. Cette situation a été vécue par l’équipe d’experts comme une incompréhension et une injustice, et a renforcé le mauvais climat. Je ne traiterai pas ce cas connexe dans le mémoire.
3.1.3 La décision d’intervenir Le président du CHSCT me missionne, en tant que préventeur et animateur de la
démarche RPS, pour intervenir sur ce que chacun s’accorde à définir comme une
situation à risque en matière de RPS.
L’objectif est de comprendre la situation, de créer un espace de dialogue, rétablir la
confiance entre les experts et leur manager.
3.2 L’analyse
3.2.1 De la complexité d’intervenir Cette situation peut-elle aisément être disjointe d’une analyse stratégique du système et
du jeu de pouvoir des acteurs [Crozier-Friedberg 1997] 25 ? Une rapide analyse fait
ressortir que le nouveau manager souhaite imposer son organisation, les salariés
25 BERNOUX, Philippe, Sociologie des organisations, Editions du seuil, Paris, 2009, p 153 et suivantes
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
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souhaitent être entendus dans cette organisation, les élus du CHSCT font campagne pour
les prochaines élections du CE et entendent montrer leur présence, le chef de département
est redevable des performances de ses équipes, le Directeur est garant de la paix
sociale…
En outre, le cas interroge la participation des salariés à l’organisation du travail 26, mais
aussi l’accompagnement de la conduite du changement par la ligne managériale.
Sommes-nous en phase avec les ambitions de dialogue et de transparence affichées par la
direction ?
Malgré la sensibilisation et les mesures de prévention mises en œuvre en matière de
risque psychosocial, lorsqu’une situation de travail collective se dégrade au point que les
personnes sont au bord des larmes, et qu’un effet délétère du risque psychosocial semble
s’être déjà produit, quelles options reste-t-il ?
Nous sommes précisément dans le cœur du sujet.
Une première approche serait de considérer que si la situation existe, c’est que les
dispositifs de prévention ont échoué. Une action pour comprendre et agir serait alors
d’ordre curatif, ayant pour but de régler la situation une bonne fois pour toutes par des
méthodes managériales, ou des ressources extérieures.
Une autre approche serait de considérer que les effets visibles à un instant donné sur les
individus qui composent l’équipe et sur l’ambiance, sont encore susceptibles de
s’aggraver.
Si l’on considère que la situation peut encore s’aggraver, alors une intervention pour
éviter qu’elle n’empire relève bien de la prévention.
Le domaine semble peu propice à une distinction claire entre « traitement curatif » et
« action préventive », les deux notions ne révélant pas d’un antagonisme mais d’une
complémentarité.
26 Remarque du CHSCT, au sens du « premier accord pour les principes généraux d’organisation du travail à France Telecom » du 27 Septembre 2010
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
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Pour une même compréhension de l’intervention par l’ensemble des acteurs, c’est bien
une action de prévention des risques psychosociaux qui est réalisée, dans le cadre de la
démarche RPS conduite dans l'entité.
3.2.2 Déterminer l’objectif L’objectif du directeur, partagé avec le secrétaire du CHSCT, la DRH et la responsable
du département, est de comprendre la situation, rétablir le dialogue et retrouver la
confiance (mesure de rétablissement).
A cet objectif court terme, s’ajoute une nécessité : comprendre ce qui a déclenché la
situation, et capitaliser sur les facteurs pour faire en sorte, au niveau managérial, RH et
transverse, que pareille situation ne se présente plus (mesure de prévention).
Un exemple, un modèle ? Une précédente intervention dans une autre équipe, pour d'autres raisons, avait été menée par une personne externe au service. Elle avait conduit certaines personnes à engager une démarche personne de départ du service pour deux personnes activement impliquées dans une situation conflictuelle. Les ressentiments sont demeurés après leur départ, même si la situation s’est sensiblement apaisée. Dans le cas présent, les personnes concernées n’ont pas l’âge ni la volonté de partir, et il faudra qu’elles continuent à « cohabiter » et travailler ensemble après l’intervention. Pour préserver l’ambiance, il faut que l’intervention s’intéresse au fond des choses.
3.2.3 Donner un cadre
Une telle démarche ne peut démarrer sans définir au préalable un cadre, précisant :
- L’intervenant - La durée de l’intervention - Les personnes concernées - La méthode de recueil de données ou d’observation - La méthode de restitution - Le livrable - La façon de rendre compte au commanditaire (le président du CHSCT)
Des indicateurs de réussite ou de suivi ne peuvent être définis tant que l’intervention n’a
pas eu lieu, mais visent à un retour à la sérénité, du point des salariés et du manager, et à
une baisse du petit absentéisme.
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
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3.2.4 Décider la méthode La question se pose de savoir s’il faut mener les entretiens de manière individuelle ou
collective. Après des mois de conflit, pendant lesquels la tension s’est accumulée dans le
groupe, sentiments et ressentiment peuvent être enchevêtrés sans distinction.
Il est nécessaire que les personnes puissent s’ouvrir dans un climat de confiance, disposer
d’une écoute pour exprimer le flot des sentiments27 qui les remplit, l’(les) intervenant(s)
veillant à rappeler les règles de respect, éviter les débordements, canaliser les émotions28
et l’effet d’une éventuelle décompensation immédiate 29.
Car le premier jet de paroles risque d’être comme un défouloir, pour évacuer les pensées
maintes fois ressassées.
Faire s’exprimer les personnes ensemble présente certes l’avantage d’une élaboration
collective, mais cette étape paraît prématurée, dans le sens où en cas d’absence d’esprit
collectif, un front commun peut se constituer arbitrairement contre le manager, jugé
unanimement responsable de tous les malheurs, au point d’en faire peut-être un objet de
pulsion haineuse.
Je décide de procéder en plusieurs étapes, de réaliser des entretiens individuels et des
temps de parole collectif.
Idéalement, le médecin du travail ou à défaut, une infirmière, auraient du prendre part
aux entretiens. Pour des raisons de disponibilité et de calendrier, il n’a pas été possible de
se coordonner avec le service de santé au travail sur l’ensemble des entretiens, qui se sont
finalement déroulés sans médecin ni infirmière.
Je traiterai la question d’un éventuel intervenant extérieur dans la quatrième partie.
27Antonio DAMASIO, Le sentiment même de soi - corps, émotions, conscience, Ed.O. Jacob, Paris, 1999 - Sentiments (p365) : représentations mentales, conscientes, privées, de savoirs, pensées, connaissances; mais aussi perceptions liées à la fatigue, l’énergie, le bien-être, la tension, la fragilité, l’harmonie… 28 Id p74 Émotions : manifestations affectives exprimées consciemment ou non dans les expressions du visage, la voix, le comportement. Les émotions primaires : bonheur, tristesse, peur, colère, surprise, dégoût. 29 La décompensation correspond à l’abandon de toute résistance psychique, où le sujet se laisse aller à une vulnérabilité longtemps masquée.
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
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3.3 L’intervention
Cette partie décrit l’intervention sous sa forme séquentielle.
3.3.1 Le déroulé
Les étapes de l'intervention se sont échelonnées sur 9 mois, à partir d’Avril 2012 30.
1ère étape : conduire un entretien semi-directif individuel avec chacun des dix-sept (17)
experts, sur la base d’une trame de questions adaptées au contexte. Les premières
questions sont destinées à mettre les personnes en confiance, à situer le cadre, et à les
situer dans le cadre.
Elles doivent se raconter au sein de leur équipe, avant d’entrer dans ce qui les préoccupe,
en tenant compte de la manifestation des affects 31.
A l’issue de cette première partie individuelle, deux axes se dégagent :
1- la personne a transformé ses pensées en mots. Elle a produit un récit, verbalisé et
structuré un discours 32 qu’elle peut maintenant élaborer, compléter, retravailler.
2- J’ai recueilli de la matière pour procéder à une analyse de la situation.
2ème étape : analyser la matière recueillie, la reformuler, la regrouper, la classer, en faire
une synthèse, et dresser un tableau avec les différents éléments. Il s’agit d’identifier les
difficultés exprimées par l'équipe, les formuler, produire de la connaissance sur la
situation.
Face à ces facteurs de risques non visibles, subjectifs, non perçus par tous de la même
manière, je n’ai pas utilisé les méthodes classiques de recherche des causes (méthode des
« 5 pourquoi », ou « Ishikawa »), mais j’ai opté pour la méthode de l’analyse
30 Les actions préventives transverses dans l’unité se poursuivent en 2013 (analyse, actions, suivi…). 31 Cette technique a fonctionné pour toutes les personnes, qui ont suivi le questionnaire, excepté une, qui a d’emblée déversé tout le mal-être qui l’envahissait. Une autre personne n’a pas pu retenir ses larmes tant la situation la touchait. 32 Allant parfois de l’impuissance à se faire entendre, avec la colère, la démotivation, le retrait, le zèle, jusqu’à l’envie de participer et de changer les choses.
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
Page 44
dichotomique : dans les propos de chaque personne, quelle est la source, ou quelles sont
les sources d’empêchement d’agir ?
Après les entretiens, ces sources sont multiples, et il convient de procéder à des
regroupements.
3ème étape : compléter l’analyse par l’interview de cinq (5) personnes travaillant dans
la périphérie des experts, pour croiser leur perception de la situation, compléter le
panorama avec des éléments extérieurs.
4ème étape : rencontrer les managers pour recueillir leur constat, leurs contraintes, et
leur présenter une première trame de ce qui a été remonté par les experts (en maintenant
l’anonymat et la confidentialité des propos).
5ème étape : présenter l’analyse de la situation aux dix-sept (17) experts de l’équipe,
faire préciser certains points, reformuler, porter au débat ceux faisant obstacle au travail
quotidien ; confronter, croiser et enrichir les points de vue ; et enfin, parvenir à
transformer la somme des préoccupations individuelles en problématique collective.
Il s’agit aussi, devant les membres de cette équipe, de poser les bases d’un collectif
professionnel, en rappeler les fondements et l’intérêt. Cela revient à mettre en perspective
un potentiel d'évolution de la situation, sur la base d'un investissement collectif.
6ème étape : débriefer avec les managers.
Le management est la pierre angulaire de l’équipe.
Rien ne peut se faire sans ni contre les managers.
7ème étape : réunir l’ensemble des participants, experts et managers, en présence d’un
observateur extérieur. Chacun a eu le temps de réfléchir au contenu. La verbalisation des
points identifiés comme étant source de problème par l’intermédiaire d’un tiers, permet
une écoute et une prise de conscience. La restitution axe les problèmes autour des
situations de travail, en laissant de côté les conflits de personnes.
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
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Il s’agit que chacun entende les mots exprimés, les précise, et qu’un débat s’organise
autour des situations jugées divergentes. C’est le moyen de réduire les écarts de
compréhension, en animant et contrôlant le débat.
Les oppositions font place aux propositions, aux accords.
C’est un travail de mise en commun des représentations.
8eme étape : accompagner les experts dans la création d’un collectif de travail, en
définissant les règles de fonctionnement, l’organisation, en laissant les acteurs se répartir
les rôles.
9eme étape : assurer un suivi.
3.3.2 Le bilan partagé Sans entrer dans le détail des entretiens, la matière recueillie m’a permis d’identifier
plusieurs causes pouvant expliquer la situation, sans qu’aucune ne domine. Comme
souvent, les causes sont multiples, conséquences d’une accumulation de faits non traités
en temps voulu, non "parlés" au fur et à mesure.
Parmi les causes identifiées, présentées et débattues :
- La croissance de l’activité (en nombre de plates-formes, en complexité, en charge
de travail…), et la gestion de la croissance de l’activité
- le doublement de l’effectif en 2 ans (ce qui pose la question de l’intégration)
- le changement de manager (un homme remplacé par une femme)
- l'histoire du nouveau manager (qui occupait un poste d’expert quelques années
auparavant, auprès des mêmes acteurs)
- le style managérial (affirmé, différent du précédent plutôt consensuel)
- le rôle du manager et de son adjoint dans la gestion technique
- le mode de diffusion des informations descendantes
- la difficulté à communiquer, à échanger, à se comprendre.
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
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La causalité première réside dans l’absence d'échange, d’écoute, dont la conséquence
visible est l’absence de confiance, alors même que cette notion de confiance n’est pas
interprétée de la même manière par les intéressés :
- le manager estimant faire preuve d’écoute et de dialogue, justifiant ses décisions
par sa fonction, quand bien même elles ne font pas l’unanimité. Pousser les
experts à aller au fond des choses, par des questionnements, relève d'une
exigence naturelle.
- les experts estimant que leurs propos ne sont pas considérés, leurs idées pas
retenues, leur travail continuellement soumis au doute, à la critique et à la
correction.
Les conditions d’un climat de confiance -condition indispensable du bien-être dans le
travail- ne sont pas réunies en l’état.
3.3.3 Les axes d'actions Nous sommes dans l’illustration des propos de Yves Clot : « la déflation des disputes
professionnelles crée une inflation des conflits interpersonnels ». Toute situation qui
concerne l'équipe, qui n’est pas dite, expliquée, et débattue, mais au contraire passée
sous silence, sera source d'incompréhension et de conflit. Cela est vrai pour la dimension
impersonnelle du métier (le cadre, la fiche de poste, les objectifs…), mais aussi la
dimension interpersonnelle (le travail collectif permettant de partager la manière de
faire)33.
C’est donc au travers du prisme du travail qu’il faut considérer les relations entre les
membres de l’équipe, et ramener le débat sur le terrain de la « dispute » professionnelle.
Le débat sur le travail doit être remis au centre des préoccupations. Les querelles de
personnes qui ont émergé découlent de l'absence de clarté des tâches, des périmètres...
L’ambiance dans l’équipe est directement liée aux flux d’informations qui la traversent,
et aux relations interpersonnelles, dans le cadre du travail.
Les axes identifiés pour relancer la synergie34 dans l’équipe sont les suivants : 33 Cf 2.2.1 : les quatre dimensions du métier 34 Mise en commun de moyens qui se renforcent entre eux pour aboutir à un même but.
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
Page 47
1) La relation manager – équipe - la confiance (devant se traduire par des actions d'écoute, de dialogue, de transmission des informations aux personnes concernées) - le style managérial, (l’autoritarisme ne peut pas être le trait dominant). - la transparence en matière d'information : Une information qui n’est pas diffusée de manière homogène, ni commentée officiellement, fera l’objet d’interprétations individuelles et de fantasmes dans des lieux de réunion informels, entretenant en cela un climat de défiance. - l'organisation du service (à travailler conjointement avec les experts), et notamment l'adaptation de l'organisation autour d’une activité concernant 3 personnes - l’outil de pilotage d’activité nécessite l’établir un cahier des charges, et des précisions quant à l’usage qui en sera fait, pour être vécu comme un outil d’assistance, et non de surveillance.
2) La relation entre experts Comment transformer l’équipe en collectif professionnel ? Comment encourager les
personnes à travailler ensemble, et leur mettre à disposition des espaces et des temps de
débat ?
Ce sera l’objet du point suivant (cf 3.4)
3) Le rôle d’accompagnement du management et de la fonction RH.
Quelle est la responsabilité des services transverses dans cette situation ? Quel
enseignement en tirer ? La capitalisation autour de cet exemple, en guise d’action de
prévention, sera traitée dans la quatrième partie de ce document.
3.3.4 Le temps des ajustements entre les acteurs Suite à ces chantiers, le management a fait des propositions d’organisation : Propositions du management
Le pilotage de plusieurs réunions techniques sera à la charge de l’adjoint technique, et
une proposition sur la répartition des experts par plate-forme est présentée. Le
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
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management attend maintenant que les experts se réunissent, comme ils s'y sont engagés,
et fassent des propositions sur l'organisation du travail.
Recentrage des acteurs sur leur métier
On assiste à un recentrage de chacun sur son rôle :
A) le manager quitte sont rôle de « super expert », où il contrôlait les incidents, les
corrections, suivait l’ensemble des tickets. Il se concentre désormais sur le pilotage de
l'équipe, le soutien organisationnel, les relations avec la maîtrise d’œuvre et la maîtrise
d’ouvrage, la gestion des compétences, des astreintes, du tableau de service.
Ce repositionnement sur l’activité de management s’est fait sans enthousiasme (« Si ça
convient à tout le monde, je n’ai pas d’état d’âme »).
Pour aider à intégrer cette dimension du poste, le manager a démarré la formation
manager Orange Campus en juillet , s’inscrivant à deux modules complémentaires sur la
communication et la motivation d'équipe.
B) L’adjoint technique , dont l’activité était en partie réalisée par son N+1, s’était
réfugié sur une expertise technique, et un soutien métier (« en regardant les choses de
loin, je dirais … »). Il se repositionne sur le pilotage des activités des experts, des
réunions techniques, des incidents, des déploiements…
Sa nature discrète profonde ne le pousse pas à une mise en visibilité, et l’officialisation de
l’encadrement technique se fait sans enthousiasme. Pourtant, il s’exécute, et réalise ses
tâches avec efficacité. Ce faisant, il implique et accompagne les experts sur des activités
jusqu’ici exclusivement réalisées par lui, leur ouvrant de nouvelles perspectives
techniques.
Quand le travail n’est pas su… Une nouvelle prise de conscience sur les rôles et activités de chacun s’est faite à l’occasion d’un entretien avec l’adjoint technique, le N+1, le N+2, en présence du secrétaire du CHSCT : J’ai prié l’adjoint technique de décrire ses nouvelles activités de pilotage des experts, ce qu’il fit, en pensant que certaines choses étaient sues par sa hiérarchie. Ses deux managers ont découvert des aspects de l’activité qu’elles ne soupçonnaient pas, sur les compétences mises en œuvre et les difficultés surmontées dans l’expertise, le pilotage, la coordination, le suivi des actions.
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
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Quand le travail n’est pas parlé…
Je ne vais illustrer qu’un point de l’aspect communicationnel, que j’ai souligné lors de cette réunion : le changement de périmètre qui concerne le manager et l’adjoint technique porte sur la passation de relais pour la conduite des réunions. Mais ce passage d'activité a-t-il été parlé dans le détail ? De manière tacite, un type de « reporting » pour les comptes-rendus de réunions techniques (structure, contenu) a été adopté, sans que l'un ou l'autre des acteurs ne formalise ses contraintes ou ses besoins au cours d’un échange. Chacun s'accommode du travail de l'autre.
C) Les experts ne se sentent plus concurrencés dans leur expertise par l’adjoint
technique ou la responsable de l’équipe. Ils ne se sentent plus jugés, ni obligés de justifier
chacun de leur acte. Ils ne sont plus obligés de passer des informations sous silence, de
crainte d'une série de questionnements ou de demande de justifications. Le climat de
défiance retombe.
3.4 Constitution du collectif professionnel « La santé se dégrade en milieu de travail lorsqu’un collectif professionnel devient une
collection d’individus où chacun est exposé à l’isolement » 35.
Yves Clot ajoute : « Cela arrive lorsque cède, pour des raisons chaque fois à retrouver,
l’action de civilisation du réel à laquelle doit procéder un collectif professionnel quand le
travail, par ses inattendus, le met à découvert ».
3.4.1 C’est quoi, un collectif de travail ?
Dans le vocable de France Telecom, aidé par les conclusions des enquêtes des cabinets
Technologia et Secafi, le collectif de travail est la pièce manquante au bien-être du travail
commun, qu’il faut reconstituer à tout prix, comme une injonction à travailler ensemble.
De l'existence du collectif : pour Lépidis (1993) et Peyre (1962)36, le collectif n’a jamais existé. Il y a des groupes et des clans. Pour dire qu’il y a du collectif dans un groupe, il faut y participer. Il faut être dans le groupe et décider qu’il y a du collectif, pour qu’il y en ait. En commentant extérieurement les évènements, on ne voit rien du système abstrait qu’est le collectif. Le collectif est une approche psychosociale impliquante, et non surplombante.
35 CLOT, Yves. Le travail à cœur. Pour en finir avec les risques psychosociaux. La découverte, Paris, 2010. 36 CLOT Yves, LHUILIER Dominique, Agir en clinique de l’activité, éditions Eres, 2010
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
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Un collectif pour agir
En psychologie du travail37, ce qui différencie le collectif du groupe, de la collection
d’individus qui travaillent côte à côte, ça va être l’existence de règles de métier.
Les règles de métier sont produites par une équipe qui est en mesure de penser le travail,
le métier et ses évolutions. Elles sont des réponses ou des possibilités de réponse à la
question : Comment dois-je agir ? Elles définissent des façons de faire. Elles permettent
d’éviter d’errer tout seul face à un problème, une question. Elles sont en général
informelles, non écrites mais explicites, non figées donc discutables.
Ces règles sont sociales, langagières, techniques, éthiques.
Techniques : le « comment faire », « comment procéder ». Comment chacun fait-il ? Langagières : le vocabulaire, le langage, le jargon employés autour du métier et des outils. Sociales : Façon d’être, de communiquer, de vivre ensemble (convivialité, échanges sociaux). C’est le bonjour quotidien, c’est le café, c’est le partage de blagues, de bonne humeur, c’est l’acceptation de l’autre, dans l’équipe, les rites. Ethiques : C’est la façon de concevoir le métier, ce qu’il est éthiquement acceptable de faire. Par exemple, la solidarité et l’entraide implicite ; la mise à disposition des documentations ; la qualité implicitement perçue du travail, les priorités qu’on se fixe...
Au-delà des règles inhérentes à la profession, ces règles de métier sont propres à la
structure, commandées par le contexte. Leur existence sert de lien et de liant à l’équipe.
L’absence de règles de métier crée du libre arbitre (faire ce qu’on veut), qui peut dériver
sur de l’arbitraire (faire ce qu’on veut au détriment des autres et de l'intérêt commun).
3.4.2 Collectif et coopération
Dans l’entreprise, en donnant à un collègue – une information, du temps, ou du soutien-,
on l’amène à donner à son tour, et plus largement, à s’adonner à la coopération.
Ce processus procure de la satisfaction, parfois intense. Plus encore, il structure et
garantit ce que l’on nomme l’ « esprit d’équipe » et l’engagement.
37 Plus précisément en clinique de l’activité
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
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Si le geste est interprété, à tort ou à raison, comme intéressé, alors l’échange ne se produit
pas. Dans ces circonstances, chacun tend à travailler selon les seules contraintes de son
poste de travail, et la capacité collective à s’engager dans une cause commune s’affaiblit.
Elle se retrouve alors rongée par la trahison, les manifestations de puissance et les
satisfactions égoïstes.
Dans une volonté de maîtrise, le management préfère définir précisément les modalités
de la coopération, en définir les conventions pour éviter les ambiguïtés, les désillusions et
les conflits qui sont sources d’inefficacité.
Pourtant, la coopération doit rester un acte volontaire basé sur une logique de « donner,
recevoir, et rendre »38.
Ce mécanisme humain est d’autant plus efficace qu’il existe un collectif disposé à
s’investir collectivement dans une co-construction du travail. Si la coopération est
contrainte, elle devient "machiniste", réalisée à minima.
Le manager a un rôle d’animation en permettant des espaces et des temps d’échange, et
garde le dernier mot en arbitrant les situations.
Si le manager fait preuve d’autoritarisme, décide seul de tout, si la confiance n’est pas au
rendez-vous, des dérives sont possibles, sous forme de stratégies de défense individuelles
ou collectives, se manifestant par :
- du ressentiment, entraînant un zèle déstructurant (« puisque c’est comme ça… »),
- des conflits : un front commun idéologique, une opposition systématique,
- de l’abattement : une empathie entre les salariés qui subissent les pressions, perdant
confiance et amour-propre.
- ...
Ce sont justement les trois positions que j’ai rencontrées auprès des experts de l’équipe.
38 ALTER Norbert, Donner et prendre, la coopération en entreprise, La découverte, 2009
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
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3.4.3 Le préalable à la constitution du collectif
A trois reprises, j’ai rencontré les experts (sans la ligne managériale, mais avec son
autorisation), pour jeter les bases d’un travail de constitution du collectif.
L’enjeu consiste à créer les conditions d’expression collective, pour dépasser les
individualités, et parler d’une seule voix.
Illustration : lorsque le manager annonce une décision en réunion, les experts ne prennent plus la peine de discuter, de "contre-proposer". Ils savent que leur argumentation sera rejetée. La seule réaction en réunion est celle de la protestation individuelle, de la grogne. Le manager est ensuite interpellé dans les couloirs ou sollicité dans son bureau, de manière individuelle. Les seuls arrangements se font de manière individuelle, renforçant le sentiment de suspicion et de mauvaise ambiance. L’information donnée à l’un n’est pas identique à celle donnée à l’autre. Le temps et l'énergie se perdent dans la recherche d'une information homogène.
Pour étayer cette intervention, je me suis servi des méthodes que j’expérimentais en
parallèle auprès des chefs cuisiniers du restaurant universitaire, une pratique nourrissant
l’autre, pour restaurer le pouvoir d’agir 39 en créant du collectif.
Après que les dix-sept (17) experts aient, chacun leur tour, accepté le principe de
travailler collectivement, nous avons ensemble arrêté des règles de fonctionnement :
Date de départ des réunions : à partir de Novembre 2012 Jour : le mardi de 14 H 00 à 16 H 00 Durée : Une heure et demi à deux heures Fréquence : Une fois tous les 15 jours Lieu : salle de réunion Administrateu r/animateur : à tour de rôle Liste des participants : les experts de l’équipe (sans l’adjoint technique) Thème des réunions : Les thématiques seront fixées lors de la réunion précédente Mode de fonctionnement : Chaque participant s’engage à rechercher un consensus. Cela
impliquera de faire des concessions. Les démarches seront motivées c'est-à-dire expliquées et justifiées. Secrétaire – scribe du groupe : A déterminer Porte parole : Il sera désigné à tour de rôle. Mr XXX s’engage à assurer cette
fonction le premier. Règles de confidentialité : la confidentialité des propos sera respectée. Le compte rendu sera envoyé à chacune des personnes
39 Il s'agissait de constituer un collectif de travail pour lutter contre l'isolement des 7 chefs de restaurant
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
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Les points sont notés sur un paperboard. Un expert prend les choses en main, récupère la
feuille, et en fait un compte-rendu, envoyé à chacun.
3.4.4 Le fonctionnement en collectif
Après que j’ai rappelé les règles d’usage (ne pas s’interrompre, manifester du respect
pour la personne qui parle, s’écouter, permettre à chacun de parler, trouver le consensus
et faire une synthèse...), la première réunion démarre en ma présence, sans le manager.
Un expert propose d’animer la séance (le même qui avait envoyé le compte rendu), et
tout le monde l’accepte.
La première question porte sur l’organisation du service : la dernière proposition de la
hiérarchie convient-elle ?
Un tour de table est fait, paperboard à l’appui, où chacun s’exprime.
Je constate que le temps de parole est partagé. Les propos ne dérivent pas. La personne
qui veut interrompre le locuteur attend qu’on lui accorde la parole. Le fonctionnement est
démocratique. Une synthèse des résultats est annoncée : non, la proposition de la
hiérarchie ne convient pas, et les raisons sont justifiées par écrit.
La deuxième question porte sur l’organisation idéale, vue de chacun, avec la répartition
des experts par plate-forme.
Là encore, une parfaite régulation de la parole permet à tous d’écouter et de prendre en
compte la position de chacun.
Des désaccords surgissent, mais des arrangements sont trouvés, avant l’interrogation
finale : « Peut-on acter cette proposition », où à nouveau, chacun acquiesce.
Il n’y a pas de retenue dans les propos : les choses qui doivent être dites le sont, pour être
discutées sans passion, dans un esprit constructif. Rien n'est caché. Aucune ambiguïté ne
subsiste sur ce qu'il convient de mettre en oeuvre. L'intelligence collective chère au
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
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Directeur de l’entité se révèle efficace, balayant tous les points qui autrement, n'auraient
pas été abordés.
Les experts sont contents d’être réunis, de s’entendre et de se parler, de retrouver la
cohésion . Ils retardent le moment de mettre un terme à la réunion.
Je les remercie chaleureusement et sincèrement pour leur investissement, et les assure de
mon admiration pour le chemin parcouru. Car la partie ne paraissait pas gagné d'avance.
La proposition est transcrite dans un compte-rendu, diffusé à chacun.
Lors de la rencontre suivante entre experts et managers, la proposition d’organisation du
management sera refusée, avec une argumentation solide, posée, présentée par un seul
porte-parole, mais soutenue par tous.
Une contre-proposition sera faite dans les mêmes conditions.
3.5 Conclusion de la troisième partie Parce que le climat créé par le mode de management faisait obstacle au débat au sein de
l’équipe, les personnes s'étaient repliées sur elles-mêmes, isolées ou résignées par
groupes.
L’action de prévention a consisté à produire de la connaissance autour de la situation, à
transformer les interactions entre acteurs, et accompagner les salariés dans la constitution
d’un collectif de travail.
Avec quels bénéfices ?
Bénéfices vus du management : la première bonne surprise vient du fait que les experts ont montré leur capacité à se
réunir, à s’organiser pour faire des propositions, à agir ensemble.
Ce qui constitue, selon les termes des managers, "une avancée notable".
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
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La seconde est que ces propositions sont construites, pensées et argumentées
collectivement, ce qui permet, à défaut de valider directement l’un ou l’autre des
scénarios, de discuter l'organisation entre experts (exécutants) et managers (décideurs).
La troisième bonne surprise est que la première personne qui a porté la démarche au sein
de l’équipe n’était pas considérée comme une personne à l’aise en public, et que malgré
tout, les circonstances l’ont révélée comme un organisateur et un porte-parole. Les
personnes montrent ce dont elles sont capables quand on leur laisse la place de le faire.
De l’avis des experts : la situation "s’est tassée", et des personnes qui ne s’adressaient plus la parole
communiquent à nouveau ensemble, peuvent échanger.
Un vent d'optimisme relatif a gagné les esprits, envahi les couloirs où l'on parle à
nouveau autrement qu'à voix basse.
Certains sujets, auparavant "sensibles", ne sont maintenant plus source d'irritation, de
colère ou tus délibérément. La production concrète d’une solution commune a permis aux
experts de trouver du plaisir et de la confiance.
Pour ma part :
je constate que les acteurs ont non seulement participé, mais se sont appropriés la
démarche, l’ont conduite de manière active et volontaire. Ils ont posé les bases d’une
organisation interne qui leur permet de dépasser les individualités.
Pour la direction : L’objectif est atteint : la situation est désamorcée, et le dialogue a repris. Est-ce que tout est définitivement réglé pour autant ?
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4 Discussion Cette quatrième et dernière partie rappellera le contexte de prévention des RPS dans
l’entreprise, et tentera de montrer comment, à partir de l’action de prévention autour du
collectif, on peut modéliser et exploiter les conclusions, avec les indicateurs associés.
4.1 De la difficulté de prévenir les RPS La prévention des RPS dans l'entreprise a été communément décomposée en trois types.
4.1.1 Le découpage par type de prévention
Ces trois types de prévention sont complémentaires :
la primaire consistant à veiller à l’absence de risques dans l’organisation, par le choix
d'une politique sociale résolument engagée dans le bien-être au travail. Les méthodes
passées de management, ayant pour but de pousser ouvertement les cadres et les salariés
à bout, sont interdites par la loi, et punies par la justice. L'institution a obligation de
renoncer à la maltraitance, et de maintenir une bienveillance à l’égard de son personnel.
Les syndicats sont associés à la démarche par le biais de la négociation d’accords
nationaux.
La secondaire consiste à avertir les personnes que le travail présente des risques pour
leur santé psychique et mentale. Il s'agit de communiquer largement de l'information sur
ce sujet, sensibiliser sur la nature et l'identification des risques, et de renforcer les
défenses individuelles par des formations adaptées.
Sur un plan collectif, l'accompagnement d'échanges et d'espaces de paroles dans l'équipe
permet de développer le côté social et le travail collectif.
La tertiaire consiste en une prise en charge des situations les plus avancées. Pour des
raisons à chaque fois différentes, lorsque les personnes connaissent une atteinte à la santé,
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
Page 57
elles nécessitent une prise en charge, un accompagnement d'ordre individuel, pour
prévenir l’exclusion de la personne.
Lorsque la situation concerne un collectif de travail, nous sommes dans le champ de la
clinique de l’activité.
La difficulté pour l'ensemble des acteurs -dont les préventeurs-, est de déterminer des
actions en respectant cette catégorisation de primaire, secondaire, tertiaire,
alors même que chaque situation relève d'un contexte différent de par son lieu, la nature
des activités, les caractéristiques des acteurs et leurs interactions.
4.1.2 La spécificité des situations à prévenir
Ce découpage normatif « primaire / secondaire / tertiaire » croise également les
domaines sociologiques de l’entreprise, que sont les dimensions institutionnelle,
organisationnelle, collective et individuelle.
Ces deux découpages « fonctionnels » sont aussi en lien avec les thèmes
« sociopsychologiques » de l’identité, du métier, de la culture, de la reconnaissance, de
l’ expérience, de la coopération 40.
Comment concilier et croiser tous ces aspects ?
4.2 Capitalisation autour de l’action de prévention La démarche menée n’a de sens que si les enseignements peuvent être exploités.
4.2.1 Les mesures préventives pour et par l’équipe Les membres de l’équipe ont réalisé que le fait de se rassembler pour échanger et émettre
des propositions communes, constituait une ressource collective.
40 Eugène ENRIQUEZ, L’organisation en analyse, PUF, Paris, 1992
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
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En dépassant les individualités, ils ont recréé entre eux un climat de confiance, leur
permettant de passer du mode de la doléance individuelle à celui de l’élaboration
collective.
Ils ont créé les conditions pour la mise en place d’espaces et de temps d’échange, avec un
mode de délibération et de décision accepté par tous, visant à un fonctionnement
dialogique qui n’exclut personne. Les règles mises en place ne laissent pas de place à un
leader au détriment des personnes moins à l’aise dans la prise de parole en public.
C’est un point fondamental pour le rétablissement de la confiance au sein de l’équipe, la
mise en commun de la réflexion et la restauration du pourvoir d’agir.
En effet, on ne peut agir sereinement que lorsqu’on se sent en confiance. L’action peut
être d’ordre individuelle, avec un étayage sur le groupe, ou peut être d’ordre collective
par une mise en commun de la réflexion, par l’adhésion volontaire au processus de
coopération, qui devient dynamique, et non plus machiniste.
Désireux de s’approprier le dispositif, les experts ont décliné mon invitation à les
accompagner, dans un premier temps, lors de leurs nouvelles réunions.
4.2.2 Les mesures préventives pour le management Le responsable d’équipe garde la main sur l’ensemble des décisions… C’est le manager
qui décide in fine. Il est la pierre angulaire de l’équipe, quand bien même il n’en est pas le
leader « charismatique » naturel. Dans le cas présent, un travail plus avancé avec le
manager aurait permis de mieux mettre en valeur l’importance de son rôle dans le
processus de coopération de l’équipe.
Car en plus de se recentrer sur les fonctions managériales prescrites, idéalement, le
manager est celui qui met à disposition de l’équipe les espaces et les temps de rencontre,
puisque c'est une des conditions du développement du collectif.
Le manager peut laisser les membres de l’équipe se réunir, décider de propositions, et
discuter ces propositions argumentées. Il garde la fonction d’arbitrage.
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
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L’autre axe identifié porte sur l’information :
à un échelon supérieur (celui du département), pour favoriser la transparence et la
cohésion, il a été suggéré de procéder à des réunions d’information auprès de l’ensemble
des salariés, à une fréquence trimestrielle. Une sorte de séminaire donnant de la visibilité
sur l'actualité, les réalisations, les difficultés, les perspectives, les échecs...
En communiquant d'une manière officielle et homogène sur la réalité de chaque service,
en partageant une même vision, le management participe à la connaissance du contexte
socio-économique par les salariés. Ce genre d’information, non technique, donne le
sentiment que l’activité est pilotée, avec une considération humaine, et lève les
incertitudes liées à de potentiels changements.
Les salariés acceptent volontiers que le management n’ait pas toujours une vision à long
terme, mais ils veulent avoir le sentiment que le cap est connu.
Cela donne confiance, et permet de se concentrer sur le travail.
En étant partagée également auprès de tous, cette information contribue à restaurer la
confiance en la hiérarchie.
4.2.3 Les enseignements pour les services transvers es Comment les services transverses (RH, prévention, formation, service de santé au travail)
peuvent-ils bénéficier des enseignements de cette expérience ?
Comment renforcer les axes de prévention pour éviter que pareille situation ne se
reproduise dans d’autres services ?
La fonction RH se doit à son tour d’enrichir ses pratiques et ses process de certains des
constats établis lors de l’intervention.
Le recrutement
Le profil du manager semblait adapté au poste, de par son parcours, son expérience sur le
du domaine et son expertise technique. Il a ainsi été préféré à d’autres profils plus
orientés management, et moins pointus techniquement sur le domaine considéré.
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
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Une réflexion est menée côté RH pour préciser les critères de recrutement, pour
considérer l’adéquation entre les compétences managériales attendues en fonction de
l’équipe et du contexte. Cela peut se faire en creusant davantage le profil et l’expérience
du candidat. La RMO (Référentiel Managérial Orange) permet aussi de disposer d’un
outil d’évaluation des différentes composantes du management.
L’ indicateur autour du suivi du RMO sera à déterminer par les RH.
La formation des managers
Le deuxième axe transverse porte sur la formation des managers.
Une action est menée pour systématiser l’inscription aux formations de management, y
compris sur les responsabilités des managers en matière de SST (santé et sécurité au
travail).
L’ indicateur de suivi pourrait être d’avoir 100% des managers formés dans le trimestre
suivant leur recrutement.
L’accompagnement des managers pour la gestion du changement
Une action intéressante peut être, avant d’engager des changements d’organisation dans
une équipe, de systématiser l’échange avec les autres membres du Codir. Souvent, un
manager est recruté pour mener à bien des changements d’organisation, mais son
expérience de précédentes réorganisations compense-t-elle la méconnaissance du
contexte ?
Les collègues du Codep (Comité de département) peuvent mettre des garde-fous, et
amener des conseils pertinents sur l’environnement, la culture, etc… Cela contribue à
l’établissement d’une zone de confiance au sein du Codep.
Cette action relève du domaine RH, qui doit réaliser les actions de sensibilisation auprès
des membres du Codir (Comité de direction).
A noter que dans l’unité, les changements d’organisation sont déjà systématiquement
présentés en CHSCT, et dans tous les dossiers de changement..
Pas d’indicateur associé.
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
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L’animation managériale
L’animation managériale permet aux managers de participer à des groupes de pairs, de se
retrouver, de partager sur leurs pratique au sein de l’entité.
Cela casse l’isolement qui peut guetter un manager débordé par une charge de travail
importante, en jouant sur la dimension interpersonnelle du métier (cf 2.2.1).
L’ indicateur de suivi pourrait être le nombre de séances réalisées dans l’année, avec un
taux de participants souhaité pour les nouveaux managers.
La sensibilisation « SST » sur les situations de travail
Des actions de sensibilisation sont réalisées auprès des managers, sur différents thèmes
en lien avec la sécurité, la santé au travail :
- Santé au travail : de la nécessité de la parole
- Le harcèlement moral…
L’ indicateur de suivi pourrait être le nombre de séances réalisées dans l’année, avec un
taux de participants souhaité pour les nouveaux managers.
Figure 1 : exemple d’illustration pédagogique, extrait d’une HMRH sur le thème de la représentation
autour des situations de travail.
Figure 2 : exemple d’illustration pédagogique, extrait d’une HMRH sur le thème de la nécessité et la
manière d’accompagner le changement de poste.
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Les ateliers de parole
Il s’agit là d’un des 3 axes du plan d’actions RPS, qui a été lancé de manière probatoire
dans une équipe volontaire.
Une évaluation « de l’efficacité » vue des salariées a été réalisée par les membres du
groupe de travail RPS, pour lesquels nous sommes en attente de la restitution.
L’ indicateur de suivi pourrait être le nombre d’ateliers réalisés dans l’année.
Les autres biais
Par quels autres biais les services RH auraient-ils pu être alertés de la situation pour
anticiper une action de prévention ?
Les indicateurs auraient pu être :
- analyse des arrêts de travail (petit absentéisme)
- nombre de questions DS sur le sujet.
Le suivi du petit absentéisme n’est pas suivi en temps réel. Les services RH ont le détail,
mais à postériori, après sa saisie. Les variations de l’indicateur global à l’entité ou aux
départements ne sont pas toujours perceptibles pour un service.
Quant aux questions DS, elles ne sont pas toujours significatives de troubles
fonctionnels, et peuvent tourner à l’affrontement idéologique avec la direction sur
certains sujets, pour des questions d’influence.
Il était donc difficile d’évaluer précisément la nature et la gravité du malaise avant les
alertes du CHSCT ou les remontées des managers.
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
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Tableau récapitulatif des actions d’amélioration :
Thème Action Porteur Indicateur Suivi
Collectif Construire et entretenir le collectif
de travail dans l’équipe
Préventeur Revoir les acteurs
individuellement et
collectivement
3 mois
Technique
managériale
Favoriser la coopération dans
l’équipe par le N+1
Préventeur Entretien avec le
manager
3 mois
Information Mettre en place une stratégie
d’information favorisant
transparence et cohérence
N+1
N+2
Nombre de séances
d'informations
collectives par an
3 mois
Recrutement Vigilance à avoir par rapport à
l’état d’esprit du manager,
conforme à celui de l’entité, adapté
à l’équipe, au contexte
RH Utilisation du RMO
(Référentiel Managérial
Orange) – Coordination
entre RH et N+2
Chaque
recrutement
Formation
managers
Inscrire les managers aux
formations management et
responsabilités SST
RH / prev
N+1
-Tous les nouveaux
managers formés
-Nbre de sessions / an
Objectif : 3
sessions dans
l’année
Animation
managériale
Faire participer les managers à des
groupes de pairs
RH/COM Nombre d'ateliers de
pairs par an
Sensibilisation
SST
Sensibiliser les managers sur les
thèmes de la santé vs organisation
du travail (le rôle de la parole dans
la santé, la représentation des
situations de travail, le
harcèlement moral...)
Préventeur Nombre de sujets
présentés en HMRH/
an.
Etablir un
sujet
différent
chaque
trimestre
Ateliers de
parole
Animer des ateliers de parole dans
les équipes, et communiquer /
débattre autour des expériences
Préventeur, GT RPS et animateurs
Nombre d’ateliers / an
Objectif : 5 équipes
Organiser les
ateliers, les
restitutions.
En matière de RPS, la question des indicateurs d’efficacité se posera pour le suivi des
actions. Mais comment mesurer le suivi de l’efficacité, qui est de l’ordre du ressenti, et
par définition du subjectif ?
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
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4.3 Prévention, confiance et pouvoir d’agir Comme évoqué précédemment, on ne peut agir efficacement en milieu professionnel que
lorsqu’on se sent en confiance (notion en lien avec la compétence, l’expérience, le
métier , la reconnaissance …)41.
Lorsque la confiance fait défaut, c’est donc le pouvoir d’agir qui est atteint.
Les actions de prévention (primaire, secondaire ou tertiaire) visent donc aussi à restaurer
la confiance, et par conséquent, le pouvoir d’agir.
La première ressource pour un individu engagé dans le travail se situe en lui-même, au
travers de ses compétences, son expérience, sa capacité à tenir le poste, son assurance.
C’est une condition nécessaire mais pas suffisante, dans un environnement, rappelons-le,
social et orienté vers une évaluation (des performances, des compétences, du
comportement)..
Le collectif constitue la ressource sociale, et selon la théorie freudienne des organisations,
l’individu n’existe pas en dehors du champ social, autrement dit, il est lié à l’autre.
Cette seconde ressource collective s’ajoute à la première ressource individuelle.
Chaque strate fonctionnelle ou hiérarchique de l’entreprise se superpose comme un mille-
feuilles, apportant la ressource qui permet à l’individu et au collectif de travailler et
d’agir.
J’ai récapitulé dans le schéma ci-dessous les ressources associées à chacune des strates.
J’y ai situé en orange l’intervention préventive réalisée sur le collectif, pour restaurer la
confiance et le pouvoir d’agir.
41 Cf 4.2.1
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
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Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
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4.4 Ma posture d’intervenant La trajectoire professionnelle qui m’a conduit au poste de préventeur m’a fait traverser
les différents échelons hiérarchiques et sociaux-professionnels de l’entreprise France
Telecom et de ses filiales (France Câbles et Radio, Wanadoo…) : superviseur, opérateur,
administrateur, ingénieur, responsable technique d’une équipe d’ingénieurs, chef de
projets.
Mon parcours professionnel a été enrichi par des enseignements et des diplômes en cours
du soir42, dans le domaine informatique et réseaux jusqu’en 2004, puis dans celui de la
psychologie du travail depuis 2009.
Pour mener cette action en tant que préventeur, je me suis appuyé sur ma connaissance de
l’entreprise, pour comprendre le fonctionnement de l’équipe d’expertise. Mais les
enseignements capacitants du CNAM en matière de recueil d’information, de
méthodologie et d’analyse ont permis la prise de recul et le détachement nécessaires à
l’intervention.
L’expérience de responsable technique et de chef de projet m’ont été profitables pour la
mise en place d’actions et d’indicateurs, et le pilotage de plannings, de « reporting ».
En matière de psychologie du travail, quatre années d’études et de travaux pratiques
m’ont apporté des concepts et des clés de décryptage des comportements humains et des
organisations. L’intervention menée en parallèle –en binôme- dans le cadre de la
restauration d’université, auprès des chefs de cuisine, pour laquelle je bénéficiais d’une
supervision par mon référent m’ont conféré assurance et légitimité dans l’intervention.
Il est d’ailleurs intéressant de constater qu’une intervention nourrissait l’autre par ses
pratiques, ses évolutions, ses obstacles, les réticences des acteurs respectifs.
42 Au Conservatoire National des Arts et Métiers
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
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J’ai expérimenté un cadre d’action, qui s’est traduit par la mise en place d’un collectif
professionnel au sens de la psychologie du travail, et non pas au sens commun de France
Télécom (où une équipe de travail est souvent considérée comme un collectif).
Je déplore que le manque de temps et le caractère inhabituel de la démarche n’aient pas
permis un accompagnement plus poussé.
La question s’est posée de savoir si la connaissance préalable du service et des acteurs ,
des process, des problèmes organisationnels, était un avantage pour mieux s’imprégner
de la situation, ou au contraire, un inconvénient empêchant le détachement, la prise de
recul, et une vision nouvelle. Un intervenant extérieur aurait-il été mieux indiqué ?
La comparaison est difficile, car il n’y a pas eu d’intervenant extérieur.
Finalement, il s’avère que mon passé technique et ma connaissance du domaine m’ont
donné auprès des experts une certaine légitimité. La confiance a suivi, rendant possible
l’investissement des acteurs dans la création du collectif.
En d’autres circonstances, pour une analyse plus fine de l’activité (qui n’était pas requise
dans ce contexte), j’ai réalisé que je devrai me méfier des connaissances techniques qui
pourraient me pousser sur le terrain de la représentation plutôt que sur celui de la
recherche d’un questionnement plus poussé.
La formation de préventeur avec les aspects réglementaires, et les méthodes d’analyse et
de résolution de problèmes, est venue compléter avec bonheur ma pratique de préventeur,
et les enseignements de psychologie du travail.
La complémentarité est totale.
Frédéric Plan - Les conditions de constitution d’un collectif comme ressource pour agir
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Conclusion Au-delà de la définition littérale consacrée, le terme même de risque « psychosocial »
mentionne deux notions distinctes : la psychologie, qui en appelle à l’étude du
comportement humain en situation, et le social, qui rappelle que la situation de travail
s’inscrit dans un cadre social, donné par l’entreprise en fonction de ses contraintes.
L’individu engagé dans le travail, pour se prémunir des angoisses créées par les situations
de travail, se réfugie derrière des stratégies de défenses individuelles (retrait, zèle,
surinvestissement, pensée opératoire, sabotage…) ou collectives (conflit idéologique,
gestion du risque…). Pour gérer les interactions humaines, il fait appel consciemment ou
inconsciemment, à des processus psychologiques, comme le clivage, le déni, la fixation,
l’identification, la perversion, la projection, la régression…
Lorsque les situations organisationnelles dérapent, créant chez des individus un sentiment
de souffrance ou d’atteinte à leur santé psychique, peut-on faire abstraction du volet
psychologique ?
En prenant le parti de présenter une action dans un collectif professionnel, j’ai tenté
d’orienter mon mémoire sur trois domaines :
- celui de la prévention, comprenant l’évaluation, les méthodes d’analyse, et les actions
préventives,
- celui de la psychologie du travail en m’appuyant sur l’apport des concepts, des théories,
et des différentes disciplines (la psychopathologie du travail, la psychodynamique du
travail, la clinique de l’activité…)
- celui de l’organisation du travail, en projetant un travail sur l’organisation et en
enrichissant les processus de travail.
L’action vise avant tout l’aspect humain, sous la forme d’une étude des interactions entre
les acteurs, de leurs habitudes, et d’une transformation de leur représentation des
situations de travail, mais aussi par la réhabilitation d’échanges et de liens sociaux43.
43 ALTER Norbert, Donner et prendre, la coopération en entreprise, La découverte, 2009
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Peut-on modéliser une telle action de prévention ? Chaque situation dépendant d’un contexte organisationnel propre, ainsi que de la
caractéristique humaine des acteurs, il est difficilement envisageable de modéliser une
action de type tertiaire, qu’elle porte sur une personne ou sur une équipe 44.
En revanche, les actions de prévention de type primaire et secondaire mises en évidence
au cours de l’intervention sont, pour leur part, transposables dans d’autres contextes.
Elles s’apparentent à des règles et des usages de bon sens dans les techniques
managériales, dès lors qu’une Direction présente le soucis de la considération des
individus dans l’organisation.
Cette considération de l’individu, mais aussi du salarié, du groupe, passe par un
renforcement des échanges dialogiques dans toutes les situations de travail, par
l’instauration de « conflits » et de débats sur le travail 45. Le conflit s’entend ici au sens
« controverse professionnelle », et non sous la forme de pugilat ou d’affrontement
idéologique. En permettant des espaces de discussion « dans les têtes et entre les têtes »
[Y. Clot, 2013], l’organisation contribue au développement de l’individu dans son travail,
lui redonne l’autorité sur son travail.
En zone proximale directe des salariés, la discussion sur la qualité du travail requiert
qu’un collectif puisse s’organiser pour en débattre, en élaborant des règles de métier, des
manières collectives de faire. Cette démarche ne peut s’entreprendre que si elle est
encouragée par les managers, qui gardent in fine leur rôle d’arbitre et de décideur.
C’est à la « fonction RH » d’intégrer dans la compétence managériale, cette dimension
d’encouragement de constitution et d’animation de collectifs professionnels.
C’est ainsi que la prévention du risque psychosocial concerne l’ensemble des acteurs, non
sur le mode de l’injonction, mais sur celui du changement de culture.
44 « La psychologie du travail n’a pas pour vocation première la prise en charge des accidentés de la vie professionnelle à quoi on veut si vite la réduire lorsqu’on en fait l’instrument de l’éradication des risques psychosociaux » (Clot 2008). 45 Introduction par Yves Clot du Congrès Internationale de Psychologie du Travail de Langue Française, Lyon, 10 Juillet 2012 - site http://www.aiptlf2012.com/1/confa_renciers_invita_s_226685.html consulté le 10/04/2013
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Glossaire
ANACT Agence Nationale pour l’Amélioration des conditions de travail
ARACT Agence Régionale pour l’Amélioration des conditions de travail
CARSAT Caisse d'Assurance Retraite et de la Santé au Travail
CHSCT Comité d'Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail
DARES Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques
DECI Direction de l’Exploitation du Contrôle et de l’Interconnexion
DOCE Direction Orange Centre Est
DP Délégués du Personnel
DU Document Unique
GPEC Gestion Prévisionnelle de l’Emploi et des Compétences
INRS Institut National de Recherche et de Sécurité
RPS Risques PsychoSociaux
TMS Troubles MusculoSquelettiques (LATR, Lésions Attribuables au Travail
Répétitif, au Québec, ou LMR, Lésions dues aux Mouvements Répétitifs)
SMSST Système de Management de la Santé et de la Sécurité au Travail
SST Santé et Sécurité au Travail
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Bibliographie
Ouvrages
ALTER Norbert, Donner et prendre, la coopération en entreprise, La découverte, 2009 BERNOUX Philippe, Sociologie des organisations, Editions du seuil, Paris, 2009 BUZZI, S., DEVINCK, J.C., , P.A. ROSENTAL, La santé au travail, Editions la découverte, Paris, 2006 CLOT Yves, Dominique LHUILIER, Agir en clinique de l’activité, éditions Eres, 2010 DEJOURS Christophe, Travail et usure mentale, Editions Bayard, Paris, nvelle éd. 2008 ENRIQUEZ Eugène, L’organisation en analyse, PUF, Paris, 1992 FRETAL Romain, L’orange amère, éditions Grimal, 2012 d’IRIBARNE Philippe, L’étrangeté française, Editions Points, 2008 MOLINIER Pascale, Les processus psychiques du travail, Payot, Paris, 2006 SAINSAULIEU Renaud, L’identité au travail, les effets culturels de l’organisation, Presses de Sciences Po, 1988
Sites internet
http://www.inrs.fr
http://www.intelligence-rh.com/
http://www.aiptlf2012.com