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D OSSIER PÉDAGOGIQUE Fernando Botero Au-delà des formes 09.10. > 30.01.2022

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D OS S IE R PÉ D A G OG IQUE

D

Fernando Botero

Au-delà des formes 09.10. > 30.01.2022

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INTRODUCTION L’exposition « Fernando Botero – Au-delà des formes » est présentée au BAM du 9 octobre 2021 au

30 janvier 2022. Fernando Botero est un artiste colombien réputé pour ses personnages volumineux

et voluptueux. Fasciné par les formes, il se surnomme ironiquement « le plus colombien des artistes

colombiens », car il s’inspire et s’imprègne de la culture populaire colombienne, des influences

mexicaines et des œuvres européennes qu’il découvre lors de son voyage en 1952.

Dans ce dossier, vous trouverez une série d’informations sur l’exposition et l’artiste, mais également

des pistes pédagogiques à travailler en classe avec vos élèves avant ou après votre visite. Ce dossier

s’adresse aux enseignants du primaire et du secondaire.

SOMMAIRE

L’exposition

o « Fernando Botero – Au-delà des formes »

o La commissaire : Cecilia Braschi

o Les collections montoises

o « Panique aux musées » : une expérience multimédia à vivre en famille

Fernando Botero

o Biographie et dates repères

Thèmes de l’exposition

o Les années de formation

o Petit musée

o Syncrétisme monumental

o La nature morte.

L’esthétique de la déformation

La nature morte dans l’histoire de l’art

Une tête comme une pomme

o Appropriations ou les codes de la peinture revisités

o La construction de l’espace pictural

o Divinités ordinaires. L’art du nu

o « Voici l’homme ». La comédie humaine botérienne

La corrida et le cirque

o La violence dénoncée et sublimée

Les tortures d’Abu Ghraib

o Les fêtes populaires

Pistes pédagogiques

Glossaire

Informations pratiques

« On ne peut pas faire de la peinture sans appartenir à un lieu, il y apparaît naturellement. L'art

populaire, la tradition indigène, l'art colonial, tout cela ressort [dans mes œuvres] sans que moi-

même ne m'en rende compte. » - Fernando Botero

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L’EXPOSITION FERNANDO BOTERO. AU-DELA DES FORMES

Première monographie de Fernando Botero dans un musée belge, cette exposition parcourt l’ensemble de la carrière de l’artiste colombien depuis ses recherches de jeunesse, peu connues du

grand public, jusqu’aux œuvres plus iconiques de la maturité, dont des toiles récentes présentées pour la première fois.

Comptant sur le soutien de l’artiste, elle est l’occasion de réunir pour la première fois des œuvres importantes issues de prestigieux musées, dont des peintures historiques très rarement montrées au

public européen, ainsi que des toiles, dessins et sculptures appartenant à des collections privées internationales.

Explorant l’origine et l’évolution du style très personnel de l’artiste à travers les différentes phases de sa carrière et la variété des thèmes qu’il aborde, l’exposition part du constat de l’universalité de son

langage pour analyser la spécificité de sa démarche. En effet, accessible à tout un chacun au-delà des frontières géographiques et culturelles, l’œuvre de Botero est le résultat d’une recherche exigeante et déterminée, dans lequel l’artiste s’est engagé il y a plus de 70 ans.

L’exposition en mettra en exergues notamment deux aspects décisifs et fondamentaux : le syncrétisme - soit la capacité de fondre dans un même univers visuel des références diverses tirées de la culture

populaire et savante, latino-américaine et européenne - et la monumentalité, qui se manifeste dans l’exaltation des formes et des volumes, dans la prédilection pour le grand format et, de ce fait, dans la

prédisposition à investir l’espace public.

Dans la quête incessante de la forme monumentale, les diverses techniques pratiquées par l’artiste

apparaissent tout à fait complémentaires. La maîtrise du dessin accompagne depuis toujours le travail du peintre et la sculpture fait la part belle dans les années 1970 à 1990, lui permettant d’évoluer avec aisance du petit au grand format, de la peinture de chevalet à l’art mural. Si les dessins, les pastels et

les aquarelles peuvent atteindre des tailles imposantes, la transition vers la tridimensionnalité de la sculpture permet une relation d’autant plus concrète entre l’œuvre et son public, destinée à se

prolonger bien au-delà de l’espace du musée.

Une exposition qui s’inscrit dans le Biennale d’Art et de Culture de la Fédération Wallonie-Bruxelles

Portée par la coopérative culturelle formée par la Fondation Mons 2025, Mars – Mons arts de la scène

et le Pôle Muséal de la Ville de Mons, la deuxième Biennale d’Art et de Culture de la Fédération Wallonie-

Bruxelles à Mons se tiendra du 09 octobre au 12 décembre 2021. Voué à la création artistique, sous

toutes ses formes, mais aussi participatif et citoyen, ce rendez-vous culturel montois à la dimension

internationale explore cette année le thème de la “Révélation”, à la découverte des racines qui

nourrissent nos imaginaires collectifs. Au programme : l’exposition d’envergure consacrée à Fernando

Botero, 4 “Nuits” thématiques, un focus autour de la gastronomie et de l’immigration italienne et la

3ème édition du projet emblématique “Le Grand Huit”.

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LA COMMISSAIRE : CECILIA BRASCHI

Docteure en histoire de l’art et commissaire d’expositions indépendante, Cecilia Braschi est spécialiste de l’art européen et sud-américain de la deuxième moitié du XXe siècle et des circulations artistiques

et critiques entre ces deux continents. Elle s’est particulièrement intéressée aux mouvements d’art abstrait italiens, français, brésiliens et argentins des années 1940 à 1960, au débat sur la « synthèse des arts » et sur les modèles d’art social, ainsi qu’au rôle des revues d’art et d’architecture dans leur

élaboration et diffusion. Sur ces thèmes, elle a contribué à de nombreuses publications et expositions internationales.

Attachée de conservation et de recherche à la Fondation Giacometti entre 2005 à 2012, elle a organisé un grand nombre d’expositions de cet artiste en France et à l’étranger et a publié plusieurs études,

dont Alberto Giacometti. Les copies du passés (Lyon, Gilles Fage 2013).

Depuis 2015, elle est responsable des expositions de l’Hôtel de Caumont-Centre d’art, à Aix-en-

Provence, où elle a notamment été la commissaire de l’exposition « Botero, dialogue avec Picasso », en 2017.

LES COLLECTIONS MONTOISES

Au centre du parcours de l’exposition, une quinzaine d’œuvres issues des collections de la Ville de

Mons font écho aux œuvres de Botero, avec lesquelles elles partagent certains thèmes et

iconographies. Allant de la nature morte, au nu, en passant par les scènes de genre et l’art chrétien,

ces œuvres illustrent les inspirations majeures de l’artiste colombien et montrent la persistance de ces

motifs à travers les siècles.

Les œuvres montoises confirment, comme Botero en est convaincu, que la qualité d’une œuvre n’est

pas à chercher dans le thème mais dans le style, c’est-à-dire dans le regard personnel de chaque artiste

qui donne à la réalité une forme différente et originale.

Véritables outils de compréhension de l’art de Botero, nos collections accompagnent le visiteur tout

au long de l’exposition en resituant les œuvres de l’artiste dans l’histoire de l’art.

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PANIQUE AUX MUSEES : UNE EXPERIENCE MULTIMEDIA A VIVRE AU MUSEE ET EN

CLASSE

Des êtres malicieux ont mis la pagaille dans les musées ; c’est la panique ! Les œuvres ont été

transformées, des objets restent introuvables et le système d’alarme ne répond plus. Aidez les équipes

des musées à capturer ces créatures en visitant nos expositions, le musée virtuel en ligne, le site

internet du jeu ou encore en écoutant les podcasts qui y sont consacrés. Munissez-vous de votre

smartphone et voyagez entre le Musée des Beaux-Arts de Mons (BAM) et le Musée des Beaux-Arts de

Tournai.

Saurez-vous restaurer le calme des salles d’expositions et assagir tous les personnages en résolvant les

énigmes cachées dans les musées ? Pourrez-vous résoudre toutes les énigmes cachées dans les musées

et récupérer toutes les récompenses ? À vous de jouer !

Une coproduction de la Fondation Mons 2025 – dans le cadre de la Biennale d’Arts et de Culture de

Mons -, du Pôle muséal de la Ville et du Musée des Beaux-Arts de Tournai. Un projet qui vise à

mutualiser les collections à travers une expérience muséale innovante.

Une mise en scène et écriture de François Salmon et un jeu développé par ARTEAM Interactive.

Une expérience muséale qui s’adresse aux petits comme aux grands. Un projet adapté et à la

disposition des écoles.

PUBLIC CIBLE

Le projet « Panique aux Musées » s’adresse aux familles (enfants à partir de 7 ans), aux écoles primaires

et secondaires et aux adultes. La volonté est de créer une expérience qui mêle différents médias

(expositions, podcasts, réseaux sociaux, …) et qui permet une transmission et une discussion entre

différentes générations.

UN PROJET TRANSMÉDIA

Des expositions, des contes, des podcasts, une application, des énigmes, un musée virtuel, un escape

game virtuel, …

Des expositions à Mons et à Tournai :

« Fernando Botero – au-delà des formes » au BAM (9/10/21 – 30/01/22)

« Toute une histoire ! – Regards sur les collections #3 » au Musées des Beaux-Arts de Tournai

Des contes à lire et à écouter (des podcasts)

Pendant la visite, les visiteurs sont invités à lire et à écouter les histoires écrites par l’écrivain François

Salmon autour des œuvres des collections montoises et tournaisiennes.

Les contes s’inspirent des petites et grandes histoires que racontent nos œuvres anciennes. Ces

histoires fonctionnent comme le fil rouge principal du projet.

Un escape game et un musée virtuel

Après avoir découvert les sbires et les dégâts qu’ils ont fait sur les œuvres des musées, les visiteurs

sont invités à se rendre dans le musée virtuel pour mener l’enquête et sortir de ce véritable escape

game virtuel.

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Un partenariat avec la maison d’édition Van In

Dans le cadre de ce projet, un partenariat a été établi avec la maison d’édition Van In afin de créer des

séquences de cours mises à la disposition des enseignants pour qu’ils puissent poursuivre l’expérience

« Panique aux Musées » en classe. Ces séquences offrent notamment l’occasion aux élèves d’amplifier

un récit, en lui écrivant une fin et en transposant la matière picturale sous forme narrative.

D’autres fiches pédagogiques seront à découvrir sur le site paniqueauxmusées.be et sur le site de la

collection Connexion-Français : www.vanin-secondaire.be/connexion

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FERNANDO BOTERO BIOGRAPHIE ET DATES REPERES

Fernando Botero (colombien, né le 19 avril 1932 à Medellín) est célèbre pour ses peintures et ses

sculptures représentant des personnages et des animaux aux proportions exagérées et reflétant le

goût de l’artiste pour la satire et la caricature dans son travail.

Fernando Botero commence à exposer ses peintures à Medellín en 1948 puis travaille en tant que

décorateur à Bogotá. Dans les années 1950, il visite plusieurs pays européens, notamment l’Espagne,

l’Italie et la France pour étudier les chefs-d’œuvre de la Renaissance et du Baroque. Il voyage

également au Mexique et s’y familiarise avec l’avant-garde mexicaine. Fernando Botero est connu pour

la diversité des sources de son travail, passant de l’imagerie folklorique colombienne aux œuvres

emblématiques de Diego Velázquez, Pablo Picasso et Francisco de Goya.

Dans ses représentations de la vie latino-américaine contemporaine, il décrit la domination de la

pauvreté et de la violence en Colombie aussi bien à travers des images sombres que dans ses célèbres

silhouettes aux proportions exagérées, ses représentations satiriques des présidents locaux, des

premières dames et des officiels du gouvernement. La rencontre avec Dorothy Miller du MoMA au

début des années 1960 marque un tournant dans sa carrière : elle acquiert son travail au moment où

l’abstraction est à son apogée et ses œuvres sont exposées lors d’une grande rétrospective du

prestigieux musée new-yorkais, établissant ainsi sa réputation internationale.

Dans les années 1970, Fernando Botero s’installe à Paris, où il crée de grandes sculptures figuratives

aux formes arrondies. Il poursuit son engagement politique en peignant la mort du narcotrafiquant

Pablo Escobar dans sa ville natale, Medellín. Plus récemment, ses grands formats violents sur les

prisonniers d’Abu Ghraib ont été perçus comme un commentaire direct sur la guerre en Irak. Ses

œuvres ont été exposées au MoMA de New-York, au musée Maillol de Paris, au Palais de Venise à

Rome, au musée de l’Ermitage à Saint-Petersbourg. Dans le quartier La Candelaria à Bogota se trouve

le musée Fernando Botero qui expose des œuvres provenant de la collection personnelle de l’artiste

qui en a fait don à la Colombie. Il vit et travaille actuellement à Paris, Monte-Carlo et New-York.

Quelques repères chronologiques

1932 Naissance de Fernando Botero Angulo le 19 avril à Medellín, Colombie.

1944 Initié par son oncle à la tauromachie, il fréquente une école de matadores. Il apprend le dessin

et l’aquarelle en copiant les affiches de corrida, puis en peignant les alentours de Medellín.

Parallèlement, il découvre les œuvres des avant-gardes européennes et des muralistes

mexicains à travers les livres.

1949 Son article sur « Picasso et le non- conformisme dans l’art » lui vaut l’expulsion du collège

Jésuite. Il travaille occasionnellement comme illustrateur pour le magazine El Colombiano, à

Bogota.

1951 Il déménage à Bogota, où il réalise sa première exposition personnelle à la galerie du

photographe Leo Matiz.

1952 Il remporte le 2e prix du Salon annuel des artistes colombiens, ce qui finance son voyage en

Europe. A Madrid, il prend des cours à l’Académie de San Fernando et visite le musée du Prado.

1953 Après une étape en France, Botero part pour l’Italie, où il est admis à l’Académie de San Marco

de Florence. Il étudie les techniques de la fresque et assiste aux conférences de l’historien d’art

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Roberto Longhi. À Arezzo, il découvre les peintures et les fresques de Piero della Francesca et

se passionne pour l’art italien des XIVe et XVe siècles.

1955 Rentré en Colombie, il épouse Gloria Zea. Le couple s’installe à Mexico où naît leur premier

fils, Fernando. Il s’intéresse à l’art moderne et contemporain mexicain et aux vestiges d’art

Précolombiens ce qui le conduit à augmenter la taille de ses personnages.

1956 Avec une série de natures mortes à la mandoline, il met au point la déformation des volumes

qui deviendra sa marque stylistique.

1957 Première exposition aux États-Unis, à la Pan American Union de Washington. Il visite New York

et découvre l’expressionnisme abstrait.

1958 Naissance de sa fille, Lina.

Nommé professeur à l’Académie des Arts de Bogota, il s’impose comme l’un des peintres

contemporains les plus influents de la scène colombienne. Le tableau Hommage à Mantegna

remporte le 1er prix du Salon annuel des artistes colombiens.

Participation au Guggenheim International Award et à la Biennale de Venise.

1960 Naissance de son fils, Juan Carlos. Botero se sépare de Gloria Zea et déménage à New-York, où

il fait la rencontre des expressionnistes américains De Kooning, Kline et Rothko.

Avec Obregón, Ramírez Villamizar et Wiedemann, artistes exclus comme lui de la Biennale de

Mexico, Botero participe à une exposition de protestation à Bogota.

1962 Sa première exposition personnelle à la galerie The Contemporaries de New York est durement

critiquée.

1964 Épouse Cecilia Zambrano.

1967 Botero partage son temps entre la Colombie, New York et l’Europe. En 1969, la galerie Claude

Bernard lui consacre sa première exposition à Paris.

1970 Naissance de son fils Pedro, à New York.

1973 Botero s’installe définitivement à Paris. Il réalise ses premières sculptures.

1974 Première exposition rétrospective à Bogota, avec des œuvres réalisées entre 1948 et 1972.

Botero se sépare de Cecilia Zambrano en 1975.

1976 Il se consacre de plus en plus à la sculpture. Il épouse l’artiste grecque Sophia Vari.

1979 De nombreuses expositions ont lieu aux États-Unis, en Europe et au Japon, dont la première

rétrospective aux États-Unis, au Hirshhorn Museum de Washington, en 1979.

1983 Botero s’installe à Pietrasanta, en Toscane, où il se consacre à la sculpture.

1984 Botero fait don de 18 de ses peintures au Musée national de Bogota.

1994 De nombreuses expositions ont lieu dans le monde entier : Caracas, Tokyo, Paris, Milan...

1992 Première exposition de sculptures monumentales sur les champs Élysées, à Paris. Elle est suivie

par d’autres expositions dans de nombreuses capitales internationales.

1995 Un attentat à Medellín coûte la vie à 23 personnes et détruit une partie de l’œuvre Oiseau, un

bronze monumental. Botero offre à la ville une seconde sculpture représentant une colombe,

symbole de paix.

1999 Botero est le premier artiste vivant à exposer ses œuvres sur la Piazza della Signoria à Florence.

2000 Il fait don de son immense collection d’œuvres d’art des XIXe et XXe siècles aux villes de

Medellín et Bogota.

2005 Botero réalise une série d’œuvres dénonçant les tortures de l’armée américaine subies par les

détenus irakiens dans la prison d’Abu Ghraib. La série est entièrement donnée par l’artiste au

musée de l’Université de Berkeley (Californie), en 2007.

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2006 Les expositions consacrées à l’artiste se multiplient dans les villes du monde entier : Rome,

- Cologne, Milan, Berlin, Madrid, Aix-en-Provence, Singapour, Tokyo, Séoul, Hong Kong, Vienne.

2020 Botero vit et travaille actuellement entre Monte-Carlo, Pietrasanta et la Grèce.

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THÈMES DE L’EXPOSITION LES ANNEES DE FORMATION Maîtres et modèles d’Europe et des Amériques

Bien que stylistiquement très diverses, les premières œuvres de Botero montrent d’emblée un intérêt

pour les qualités constructives des volumes, souvent en « gros plan ». L’artiste débutant cherche son

langage entre suggestions diverses, comme l’œuvre de Gauguin et Picasso, connue à travers des

illustrations dans les livres, ou le muralisme mexicain (Rivera, Orozco, Siqueiros), qui marque les esprits

d’une génération d’artistes colombiens en quête d’un langage local, moderne et engagé.

Le premier séjour en Europe (1952-1955) est fondamental dans la définition de son style, non

seulement pour la connaissance de l’art étranger, mais aussi grâce au nouveau regard que cette

confrontation lui offre sur l’art de son continent. Déçu par le format de chevalet et par une certaine

homologation qu’il perçoit chez ses contemporains européens, Botero est davantage fasciné par l’art

ancien dans les musées de Paris et Madrid. C’est surtout en Italie, dans les fresques et grands retables

du Trecento et Quattrocento (Giotto, Paolo Uccello, Piero della Francesca…) qu’il retrouve la puissance

monumentale qui l’avait auparavant séduit chez les muralistes mexicains.

Ces découvertes le poussent à chercher, même dans son continent, des modèles alternatifs aux

« canons » européens de la modernité. Il les trouvera, dès 1956, en Colombie et au Mexique, dans les

vestiges de la statuaire précolombienne, dans l’art religieux colonial, dans l’artisanat et dans les

manifestations de la culture populaire ; mais aussi aux États-Unis, dans la touche dense et expressive

de l’expressionnisme abstrait.

Analyse d’une œuvre

Discussion

Garçon et coq, 1956

Garçon et coq de 1956 est un bel exemple de la diversité qui caractérise les premières œuvres de Fernando

Botero. Comme les autres œuvres de cette salle, Garçon et coq témoigne de l’intérêt que l’artiste porte aux

qualités constructives de volumes. Les corps du garçon et des deux coqs sont constitués de formes

géométriques allant du triangle au trapèze rappelant les formes utilisées par les avant-gardes européennes et

surtout par ses contemporains colombiens comme Alejandro Obregón et Enrique Grau. Le mélange des

couleurs vives et des couleurs claires ainsi que la couleur de la toile laissée apparente à certains endroits

rappellent la palette de couleurs utilisée par Rufino Tamayo (1899 – 1991), artiste mexicain dont il découvre

l’œuvre en 1955.

« On ne peut pas faire de la peinture sans appartenir à un lieu. L’art populaire, la tradition

indigène, l’art colonial, tout cela ressort dans mes œuvres sans que moi-même ne m’en rende

compte. » - Fernando Botero

Dans ces premières œuvres, Fernando Botero s’inspire et s’approprie les techniques, les thèmes et les

couleurs des avant-gardes européens, des muralistes mexicains ou encore des sculptures précolombiennes.

Quels sont les éléments de ces influences qu’on retrouve dans les premières œuvres de l’artiste colombien ?

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PETIT MUSEE

Le muralisme mexicain

Le muralisme mexicain est un courant artistique du début du 20e siècle originaire du Mexique. A la

suite de la révolution mexicaine de 1910, le muralisme mexicain a voulu donner une vision de l’Histoire

à la population mexicaine par le biais d’un art naïf accessible à tous.

Le mouvement se caractérise par de grandes fresques murales présentées dans l’espace public

représentant des scènes de la révolution mexicaine de 1910 de façon idéologique et pédagogique. Les

grands peintres de ce mouvement sont Diego Rivera, David Alfaro Siqueiros et José Clemente Orozco.

Les fresques des muralistes représentent souvent l’homme mexicain au sein de fêtes, d’activités

productives, dans sa participation à la révolution, etc.

Fernando Botero est fasciné par la grandeur des œuvres des muralistes mexicains et par l’accessibilité

du message donnée par l’implantation des fresques dans la ville.

L’art précolombien

Fernando Botero s’inspire des artistes qui lui sont contemporains, mais également d’arts plus

anciens comme la culture précolombienne dont la monumentalité et la frontalité des figures.

Cela l’intrigue tout particulièrement.

Les têtes colossales olmèques découvertes à la fin du 19e siècle fascinent Botero par leur

esthétique. Issues de la civilisation olmèque en Mésoamérique, 17 têtes colossales ont été

retrouvées représentent toutes des hommes d’âge mûr avec les mêmes caractéristiques : un nez

plat, des yeux arrondis ou en amande, des joues rondes et une bouche en sourire inversé.

En s’intéressant à la culture précolombienne, Fernando Botero s’attarde également sur la

sculpture précolombienne. Les statues et autres objets sculptés de cette civilisation ont en

commun un style massif caractérisé par une frontalité et une rigidité de l’attitude ; les membres

sont attachés au corps et les figures sont faites pour être vues de face. Ces sculptures prennent

parfois la forme de vases sculptés et représentent des divinités, des figures zoomorphiques ou

encore des créatures mythiques semi-humaines.

Les fresques du Trecento et du Quattrocento

Déçu par le format de la sculpture de chevalet de ses contemporains, qu’il voit dans les musées

européens, Fernando Botero retrouve une certaine monumentalité quand il découvre les fresques du

Trecento et du Quattrocento de Giotto et de Piero della Francesca.

Plusieurs éléments retiennent sont attention : la monumentalité des formats (qu’il avait déjà aimé

chez les muralistes mexicains), les volumes et le traitement des corps ainsi que la perspective du début

de la Renaissance qui prend le contre-pied de la perspective plate du Moyen-Age tout en laissant au

peintre une certaine liberté d’interprétation de la réalité.

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L’art populaire colombien

Fernando Botero puise également son inspiration dans les formes et les thèmes des arts

mineurs et des arts populaires d’Amérique latine. La céramique de la région de Raquirá en

Colombie propose des formes arrondies et des thèmes simples comme des animaux (ânes,

etc.) ou des éléments d’architecture (église, cathédrale, etc.) que Botero reprendra dans

de nombreuses compositions.

Les motifs présents sur les chandeliers mexicains en céramique représentant des arbres de

vie ou de la connaissance seront également une grande source d’inspiration pour l’artiste.

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SYNCRÉTISME MONUMENTAL À partir de 1957, Botero enrichit ses œuvres des couleurs de la peinture coloniale, des motifs de l’art

populaire, de la frontalité hiératique de la statuaire précolombienne, de l’aspect massif et de la

disproportion des corps présents dans les uns et les autres. Les histoires de Saints se confondent avec

les faits de chronique populaire dans des schémas narratifs à mi-chemin entre les prédelles du

Quattrocento italien et la bande dessinée contemporaine.

Des modèles très éloignés de monumentalité se contaminent dans une peinture résolument

« syncrétique », où l’interaction entre art religieux et profane, entre culture savante et populaire, entre

expressions archaïques et modernes est désormais acquise comme moteur poétique et créatif.

La découverte de l’expressionnisme abstrait à New-York, en 1958, conforte Botero dans le choix du

grand format. Tout en le rapprochant de la peinture murale, il représente à ses yeux une prérogative

américaine pour s’affranchir des modèles européens. Cependant, bien qu’il s’intéresse au langage libre

et expressif des peintres new-yorkais (Pollock, Kline, De Kooning…), comme le montrent quelques

tableaux dans cette salle, Botero gardera toujours ses distances vis-à-vis de l’abstraction proprement

dite, qu’il perçoit comme un langage individualiste et désengagé. Son œuvre vise, selon ses propres

mots, un « réalisme bien entendu » : une figuration accessible à tous, aussi libre que l’abstraction, mais

délivrée de toute sorte d’homologation stylistique et idéologique.

L’évolution de sa touche picturale

A la fin des années 1950 et au début des années 1960, les volumes et les objets s’étendent sur la

surface de la toile comme s’ils étaient peints aux pastels ou à l’aquarelle (alors qu’il s’agit pour la

plupart de peinture à l’huile). Les formes sont essentiellement constituées par les coups de pinceaux

et les couleurs, elles ne sont pas lisses et définies. A plusieurs endroits, la texture de l’œuvre est visible

à travers les gouttes de peinture, les coulures ou encore des coups de pinceau.

Au fur et à mesure du temps, la touche picturale de Botero se fait plus lisse, les couleurs s’aplatissent

et sont contenues dans une seule et même forme. Les volumes sont définis par des contours et des

traits de pinceau précis.

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Analyse d’une œuvre

Jeune fille perdue dans un jardin, 1959

Se caractérisant comme « le plus colombien des artistes colombiens », Botero crée une œuvre profondément enrichie

par la culture et l’art populaire colombien, précolombien et colonial. Le tableau Jeune fille perdue dans un jardin tire

ainsi son iconographie de l’arbre de vie des chandeliers mexicains typiques de la région de Izúcar de M atamoros. Dans

l’art populaire mexicain, l’arbre de vie symbolise le plus souvent l’arbre de vie biblique représentant Adam, Eve et le

serpent tentateur. Symbole de la vie et de la vitalité, ce type de chandelier est souvent un cadeau de mariage qui devait

assurer chance, prospérité et fertilité au jeune couple. Au fil du temps, ce symbole s’est transformé et les

représentations religieuses se sont estompées pour laisser place à des représentations décoratives ou artistiques.

L’arrière-plan de Jeune fille perdue dans un jardin reprend ainsi les fleurs que l’on retrouve sur les chandeliers mexicains

tandis que le titre en lui-même rappelle l’épisode biblique d’Adam et Eve en évoquant le jardin.

Plus qu’une interprétation de l’art populaire mexicain, cette œuvre évoque également la statuaire précolombienne. Le

faciès de la jeune fille rappelle les têtes olmèques de basalte symboles de la civilisation précolombienne en

Mésoamérique. Tandis que le traitement du corps renvoie à la statuaire précolombienne avec ses formes arrondies et

sa tête directement vissée sur le buste.

A travers Jeune fille perdue dans un jardin, Botero crée un syncrétisme entre art populaire, art religieux et art

contemporain qui deviendra par la suite son style personnel et bien reconnaissable.

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LA NATURE MORTE L’ESTHETIQUE DE LA DEFORMATION

Depuis ses débuts, et tout au long de sa carrière, la nature morte est, pour Botero, un laboratoire

théorique et stylistique inépuisable. Dès les années 1950, comme les peintres espagnols du XVIe siècle

qui l’ont beaucoup marqué lors de son séjour européen, il compose des bodegones avec des

instruments de musique, des carafes, des fruits et des objets du quotidien. Ces compositions

d’éléments figuratifs inanimés permettent à l’artiste de délaisser l’action et la narration pour mieux se

concentrer sur les formes et les couleurs pures, ainsi que sur les relations qu’elles entretiennent sur la

toile.

En 1956, c’est en faussant les proportions d’une mandoline, dont le trou trop petit fait apparaître

l’instrument beaucoup plus massif, que Botero saisit le pouvoir esthétique de la déformation, qu’il

assume dès lors comme méthode et clé stylistique. Comme il l’a appris en regardant la statuaire

précolombienne, la peinture prémoderne, mais aussi la céramique traditionnelle colombienne,

l’aspect monumental ne dépend pas seulement du volume d’un objet, mais de sa relation avec ce qui

l’entoure. Refusant définitivement la contrainte d’imiter la réalité, l’artiste revendique sa liberté de

jouer avec les proportions de manière poétique, de telle sorte que tous les détails de l’œuvre, y

compris les éléments les plus minuscules, participent, directement ou indirectement, à la

monumentalité de la composition.

Alors que les années 1950 imposent aux artistes abstraits ou figuratifs de renoncer à l’illusion de la

profondeur pour affirmer le caractère bidimensionnel de la toile, Botero, lui, ne pense qu’au volume

et à l’esthétique de la déformation.

Pendant ou après la visite

Demander aux élèves d’identifier les œuvres où l’artiste prend du recul par rapport à la réalité. Par

rapport à ce qu’ils connaissent des objets et de leur réalité, les élèves sont invités à décrire les

libertés que Botero a prises sur ses toiles. Qu’est-ce que cela nous indique sur le style de Botero ?

« L’art est déformation. Il n’existe pas d’œuvre d’art véritablement « réaliste » - Fernando Botero

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LA NATURE MORTE DANS L’HISTOIRE DE L’ART

Le terme « nature morte » désigne un genre artistique qui représente des objets, des fleurs, des fruits,

des légumes, … organisés d’une certaine manière dans le cadre défini par l’artiste, souvent avec une

intention symbolique. Lorsque ces objets sont associés pour évoquer les vanités des choses du monde,

on parle d’un genre à part entière au sein des natures mortes : la vanité.

Le nom

Fixé au début du 17e siècle, le genre de la nature morte est passé par de nombreuses appellations :

« cose naturali » (choses naturelles) selon Vasari, « Still-leven » (nature immobile) aux Pays-Bas, « Still-

stehenden Sachen » en Allemagne, « Still Life » dans les pays anglo-saxon, « bodegones » en Espagne

ou encore « nature reposée » en France. Ce n’est qu’en 1756 qu’apparaît l’expression « nature morte »

grâce au succès du peintre Chardin, connu pour ses nombreuses natures mortes (que Botero

s’approprie quelques fois).

Bref historique

Au cours des siècles, la nature morte a été longuement représentée. Les fresques antiques

représentant des fruits, des poissons et des volailles ainsi que les miniatures du 15e siècle ont contribué

à donner une certaine autonomie à la représentation d’objets.

C’est surtout au 16e et 17e siècle que la nature morte prend toute son importance dans le monde

occidental. De nombreuses natures mortes florales apparaissent suite à l’arrivée en Europe de

nouvelles espèces. Les objets s’émancipent de leur association morale, religieuse ou mythologique.

Gardant tout de même une symbolique morale et religieuse, les natures mortes deviennent de plus en

plus une recherche formelle et esthétique. La nature morte est surtout l’occasion de montrer l’habilité

du peintre.

Au 18e siècle, la nature morte reflète les préoccupations de l’époque et le retour à la nature ou à la vie

bourgeoise et simple. Le peintre Chardin donne ses lettres de noblesse à la nature morte en France en

faisant évoluer son art vers des peintures à l’atmosphère plus intime, aux objets disposés sobrement

dans une lumière douce.

Presque tous les peintres du 19e siècle se prêtent au genre de la nature morte tout en abandonnant

les caractéristiques qui lui sont propres. Delacroix, Manet, Gauguin ou encore Van Gogh vont peindre

des natures mortes dans leur propre style. Cézanne fera renaître le genre et introduit la nature morte

à la révolution cubiste et à l’avant-garde.

Au 20e siècle, les mouvements d’avant-garde comme le cubisme, le fauvisme ou encore le surréalisme

ont utilisé la représentation d’objets en les mettant au profit de leurs revendications artistiques et

formelles. Le Pop Art et le nouveau réalisme offrent à la nature morte et à l’objet un regain d’intérêt

en représentant de nombreux objets de la vie quotidienne.

De nombreux artistes contemporains reviennent au genre de la nature morte pour exprimer les vanités

de la vie contemporaine ainsi que la symbolique du temps qui passe et du memento mori.

(Source : https://www.larousse.fr/encyclopedie/peinture/nature_morte/153562 )

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Focus sur les collections montoises

Paul Lelong, Natures mortes aux instruments et au vase et natures mortes aux pêches et à la mandoline,

gouache sur carton, première moitié du XIXe s., 24 x 29,5cm (inv. Pg.9a). Collection Jean Lescarts, Ville de Mons,

Artothèque.

Les natures mortes aux instruments de musique évoquent tout à la fois les vanités du monde, le plaisir, la fuite du temps

et la mortalité. Les instruments généralement associés à la fête, aux plaisirs et aux jeux incarnent également l’amour et

l’apaisement des esprits. Symboles de la fragilité de la vie et des sentiments, les différents éléments présents dans ces

peintures dialoguent : la mandoline ou le violon dialoguent avec les partitions pour représenter la vanité, les fruits et les

fleurs dialoguent entre eux pour signifier la fuite du temps et la mortalité. L’opposition entre le vase plein et le vase vid e

montre le cycle des saisons. Genre fréquent dans l’art occidental, la nature morte fonctionne comme un « memento mori

», symbole de la fuite du temps et du caractère éphémère des choses et des Hommes.

Terrain d’expérimentation privilégié, la nature morte permet à Botero de délaisser l’action et la narration pour mieux se

concentrer sur les formes pures. Reprenant les codes des natures mortes classiques, il refuse la contrainte d’imiter la

réalité et joue avec les proportions de manière poétique, de telle sorte que tous les détails de la composition, y compris

les plus minuscules, participent à son effet monumental.

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UNE TETE COMME UNE POMME

Chez Botero, un corps, un visage ou un fruit sont traités exactement de la même manière. La

déformation, l’impassibilité et la suspension des mouvements s’adaptent à n’importe quel sujet.

Prenant très à la lettre l’exhortation de Cézanne à « peindre une tête comme une pomme », Botero

recherche dans toutes ses compositions le même statisme inanimé de la nature morte, soit ce « calme

souverain et spectaculaire » qu’il admire chez les italiens du Quattrocento et dans la statuaire

monumentale précoloniale. Figées dans le temps et dans l’espace, toutes les œuvres de Botero

évoquent tout au plus des actions suspendues, tandis que ses personnages perdent toute expression

du visage.

La surprenante « nature morte » d’évêques ensevelis est à elle seule emblématique d’un univers qui

frôle l’humour grotesque et le surréel, où absolument tous les objets – y compris les paysages et les

architectures – n’existent que par leurs qualités formelles, plastiques et chromatiques, destinées à

produire chez les spectateurs un plaisir esthétique qui est, avant tout, visuel et tactile.

L’importance accordée par Botero à la nature morte, sujet historiquement « mineur », souvent relégué

à la peinture de petit format, détourne, à sa façon, les codes du genre. S’adaptant aussi bien au dessin

et à la sculpture, ses natures mortes peuvent atteindre des tailles monumentales.

Activité en classe

« Déformer, pour moi, c’est affirmer la sensualité totale de la forme, complètement indépendante

de toute implication humaniste. Mes tableaux sont achevés lorsqu’ils atteignent cet état «

comestible », dans lequel les choses deviennent des fruits. »

- Fernando Botero

Proposer aux élèves d’apporter une image d’un objet de leur quotidien et d’en faire une

interprétation libre. Comment déformeraient-ils cet objet pour leur donner une impression de

volume et exagérer les proportions ? Avec quel autre objet peuvent-ils mettre en relation l’objet

déformé pour le rendre encore plus imposant ?

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Analyse d’une œuvre

Poire, 1976

Comme pour ses portraits, Botero peint ses natures mortes en exaltant les formes. C’est après avoir peint

l’œuvre Nature morte à la mandoline de 1956 que l’artiste prend conscience de la force et de la

sensualité que peuvent avoir les objets.

Dans Poire de 1976, Botero réalise le changement d’échelle caractéristique de son œuvre : le fruit se gonfle

tandis que les détails se font tout petits. Ainsi avec ironie, l’artiste place un ver dans la poire qui, malgré sa

toute petite taille face à l’immensité du fruit, renvoie aux vanitas et natures mortes anciennes. Sorte de

memento mori, le ver rappelle que malgré l’aspect juteux du fruit, celui-ci est voué à disparaître.

En 1976, le style de Botero est déjà loin de la touche dense des premières peintures. Dans l’œuvre Poire, on

retrouve une peinture lisse, composée d’aplats de couleurs et de traits fins. Le fruit représenté ici prend une

place monumentale sur la toile tout en présentant une peau lisse uniquement perturbée par un ver et une

morsure.

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APPROPRIATIONS OU LES CODES DE LA PEINTURE REVISITÉS Fin connaisseur de l’histoire et des théories de l’art, Botero arpente les musées d’Europe et d’Amérique

dès sa jeunesse. Il y cherche, avant tout, les réponses aux questions de composition auxquelles tant

d’artistes ont été confrontés avant lui : comment moduler les couleurs et le clair-obscur ? Comment

traduire la force des volumes par la souplesse du trait ? Comment rendre la profondeur de l’espace

sur une surface bidimensionnelle ?

Très tôt, dans son œuvre, la confrontation avec les grands artistes du passé prend la forme

d’appropriations ou de parodies qui lui permettent de saisir l’originalité de chacun et de porter un

regard plus mûri sur sa propre production et sur son rôle d’artiste. S’improvisant Van Eyck ou Van

Gogh ; répliquant Raphaël ou Goya ; parodiant Courbet ou Bonnard, Botero joue avec autant de chefs-

d’œuvre de l’art occidental, aussi connus qu’ils font partie d’un patrimoine culturel universel. En

« désacralisant » l’aura qui les entoure, non sans un brin d’ironie, il s’approprie librement leurs sujets,

tout en révélant le potentiel formel et poétique qu’ils déploient bien au-delà des frontières, des

cultures et des époques.

Ainsi, les nombreuses œuvres « d’après » que Botero a réalisées pendant toute sa vie, ne sont pas des

« copies » mais des « versions ». Un moyen de prouver que, si les thèmes de la peinture sont universels

et à la portée de tous, c’est dans la manière personnelle de les traiter que chaque artiste apporte sa

contribution originale et authentique à l’histoire de l’art.

Pendant la visite

Discussion

« Un artiste est toujours un critique des autres artistes. » - Fernando Botero

Proposer aux élèves d’observer attentivement les œuvres qui se trouvent dans la salle « Les codes

de la peinture revisités ». Reconnaissent-ils des œuvres célèbres ? Est-ce que cela leur évoque

quelque chose ? Les œuvres de Botero sont-elles les copies véritables des œuvres qu’ils ont

reconnues ?

Botero : appropriations ou pillage ?

Proposer aux élèves de débattre sur cette question. Pensent-ils que Botero a pillé l’héritage des

Grands Maîtres pour créer ses œuvres ou au contraire est-ce qu’il rend un hommage au travail de

ces peintres anciens en faisant une interprétation libre ?

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Analyse d’une œuvre

Epoux Arnolfini d’après Van Eyck, 2006

Les appropriations d’œuvres des maîtres anciens ou de peintres modernes sont nombreuses dans

l’œuvre de Botero. L’intérêt que Botero porte à Van Eyck arrive à la fin des années 1950. C’est à partir

de ce moment que Botero réalise plusieurs versions des Epoux Arnolfini.

La version de 2006 témoigne d’une évolution dans l’œuvre de Botero. A partir des années 1980, les œuvres

de l’artiste laissent plus de place à l’espace environnant sans pour cela oublier les figures humaines. Ici, bien

que les époux restent les personnages principaux du tableau, Botero porte son attention, comme Van Eyck,

sur l’espace, la composition et l’espace de vie des époux. Comme dans la composition originale, Botero

reprend les lignes orthogonales, la perspective et la profondeur qui se construisent à partir du centre de la

composition : là où les mains des époux se rejoignent. Les détails symboliques de Van Eyck sont également

repris par Botero : le chien, symbole de loyauté, les pantoufles, référence aux rôles des hommes et des

femmes, les fruits, symboles du péché originel, la verrière et le tapis, représentant le statut du couple ou

encore le miroir, clé de lecture de l’ensemble du tableau.

Contrairement à Van Eyck, Botero compromet le concept de réalisme pictural si cher au peintre flamand en

faussant les relations et les proportions entre le couple et son environnement. La fenêtre qui s’ouvre sur un

paysage extérieur presque surréaliste permet à Botero d’accentuer cette sensation en montrant la limite

entre la réalité et la fiction.

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Pour aller plus loin…

A propos de l’appropriation en art

Dominique Berthet, Art et appropriation, Matoury, Ibis rouge, 1998.

http://rhizomesonore.free.fr/contents/les-appropriations-dans-l-art.html

Les copies et les versions ont toujours été présentes dans l’Histoire de l’Art. D’autres artistes,

comme Picasso, se sont approprié les peintures de maîtres anciens. Picasso, comme Botero, a

copié Velázquez à plusieurs reprises. Il s’est même enfermé quatre mois dans son atelier pour

totalement disséquer le tableau Les Ménines de Velázquez en décortiquant et recomposant

l’œuvre dans de nombreux style différents (schématique, enfantin, géométrique, traits nerveux,

…). Quels sont les autres peintres qui ont pu s’approprier l’œuvre de Velázquez ? Quels sont les

autres artistes qui ont été repris et qui ont inspiré Picasso et Botero ?

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LA CONSTRUCTION DE L’ESPACE PICTURAL

Des intérieurs aux volumes impraticables aux ruelles aux perspectives impossibles, des décors urbains

d’inspiration florentine aux paysages à la saveur tropicale, l’espace chez Botero est ce lieu subjectif et

ductile, librement inspiré des lieux familiers et des œuvres d’art du passé, exclusivement conçu pour

seconder et mettre en valeur les volumes qui l’occupent. Renonçant définitivement à la perspective

centrale qui, depuis la Renaissance, a représenté la règle pour la peinture figurative occidentale,

Botero compose l’espace avec la même liberté et avec le même regard subjectif qui caractérisent, de

façons différentes, l’art ancien, les arts populaires et les avant-gardes du XXe siècle.

Fernando Botero à propos de l’œuvre La Route, 2001

« J’ai voulu donner aux vides la même force plastique qu’aux pleins, faisant de l’air et de l’espace

quelque chose de palpable, de sensible. »

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DIVINITÉS ORDINAIRES. L’ART DU NU Comme la nature morte, le nu est un thème d’immense tradition picturale vers lequel Botero revient

de manière constante et répétée tout au long de sa carrière. L’opulence des corps féminins,

volontairement accentuée par leur disproportion par rapport aux objets et aux espaces qui les

entourent, correspond au même désir d’exprimer cette sensualité qui, pour Botero, est l’une des

vertus fondamentales de la peinture.

Dans les œuvres de cette salle, toutes de la période de la maturité, le motif du nu se décline sans

solution de continuité dans des figures mythologiques (Vénus, Léda, Europe…) et dans des scènes de

vie quotidienne. Ces différentes inspirations s’accordent sans conflit et sans hiérarchie. Ainsi, tandis

que les sujets simples, populaires, en apparence « mineurs » sont magnifiés dans les codes et formats

de la « grande » peinture, cette dernière se montre à la portée de tout le monde.

En observant ces œuvres, il est possible de constater que le nu et la nature morte sont traités sans

aucune différence : un corps, un visage ou un objet sont traités avec la même déformation et la même

distance avec la réalité.

Discussion

L’obsession du volume chez Botero - Quel sens donné à la déformation de Botero ?

Demander aux élèves de réfléchir et de débattre sur ces citations de l’artiste :

« Le volume permet d’exprimer une certaine forme de sensualité, de plasticité. L’introduction du

volume fut la cause ou, disons, la révolution la plus importante qu’ait connu l’art »

« [En parlant du volume] C’est une chose qui est d’une grande plasticité, d’une grande liberté de

couleur, c’est une peinture en soi, c’est plein de possibilités »

« En étudiant Giotto, Masaccio, Piero della Francesca, Ingres, j’acquis graduellement plus de clarté sur

ce que l’espace et le volume voulaient me dire »

Qu’est-ce que cela nous apprend sur sa vision de la déformation ? Comment Botero voit la

peinture ?

« Le plaisir devant un tableau naît de l’exaltation de la vie que communique la sensualité des

formes. Je grossis mes personnages pour leur donner cette sensualité. » - Fernando Botero

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Analyse d’une œuvre

Enlèvement d’Europe, s.d.

Prolongement naturel de sa démarche artistique, Fernando commence à s’intéresser à la sculpture à partir

des années 1960. Privilégiant le bronze à partir des années 1970, ses volumes et ses formes prennent

pleinement leur place grâce à la sculpture en ronde-bosse. L’artiste fait de la sculpture sa technique principale

autour de 1975. Devenant palpables, les volumes sont exaltés. Botero souhaite, à travers la sculpture,

s’inscrire dans la lignée des maîtres de la Renaissance qui étaient très souvent peintres et sculpteurs.

Le mythe de l’enlèvement d’Europe a inspiré à Botero plusieurs peintures et sculptures. Longuement

représenté dans l’iconographie occidentale, l’enlèvement d’Europe se caractérise souvent par la violence du

rapt effectué par Zeus métamorphosé en taureau. Botero préfère dédramatiser la scène en représentant

Europe, nue, dans une position innocente et voluptueuse pendant que Zeus, représenté par le taureau, est

paisible. Les formes rondes de l’ensemble accentuent l’impression d’harmonie qui se dégage de la scène.

Des versions monumentales de la sculpture se trouvent à Medellín (Colombie) ou encore à l’aéroport

Adolfo Suárez Madrid-Barajas (Espagne). Ces versions diffèrent légèrement : Europe est représentée la

main dans les cheveux accentuant encore plus la sensualité de la scène.

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Focus sur les collections montoises

Ensemble de statuettes gallo-romaines, bronze, entre le 1er siècle avant J.C. et le 5e siècle. Collection

archéologique, Ville de Mons, Artothèque.

Thématique très ancienne en histoire de l’art, le nu a traversé les styles et les époques en restant un sujet

de prédilection pour de nombreux artistes. Dans l'Antiquité gréco-romaine, le nu renvoie à la perfection des

corps et à la beauté de l'esprit.

Cette sélection de statuettes gallo-romaines rassemble plusieurs caractéristiques propres à la statuaire

antique : personnages masculins répondant à un canon stylistique donné, représentations de dieux ou

d’athlètes, corps imberbes et mouvement donné par la position classique du contrapposto (le poids du

corps repose sur une seule jambe, l’autre jambe, plus libre, est légèrement fléchie).

Source d’inspiration pour de nombreux artistes, le nu fascine Botero qui le décline aussi bien dans des scènes

de la vie quotidienne que dans des représentations mythologiques. Ces différentes inspirations s’accordent

sans conflit et sans hiérarchie dans une œuvre maîtrisée où les sujets simples et populaires sont magnifié s

dans les codes et formats de la « grande » peinture. Ce type de distinction hiérarchique, de tradition

éminemment européenne, perd ainsi, chez Botero, toute sa raison d’être.

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« VOICI L’HOMME ». LA COMÉDIE HUMAINE BOTERIENNE Introduites par l’iconographie chrétienne de l’« Ecce homo », représentant le Christ, dans toute sa

fragilité humaine, les prochaines salles nous conduisent à travers l’humanité foisonnante que, depuis

les années 1960, Botero met en scène dans toutes ses facettes. Il s’agit essentiellement de la société

colombienne, dont il est un interprète éloquent, mais dont tout spectateur peut facilement saisir la

portée universelle.

De même qu’il n’y a plus de hiérarchie, dans l’univers de Botero, entre une Vénus ou une femme

ordinaire, l’artiste semble vouloir abolir aussi les barrières entre les différentes catégories sociales

(gens du peuple et présidents, saltimbanques et religieux…) octroyant à chacun, sans exception, son

effigie dans les règles des grands portraits officiels.

Malgré le regard familier, bienveillant ou ironique porté par l’artiste, cette galerie de personnages

corpulents ne manque pas de montrer du doigt les écarts et les paradoxes de notre société. Cependant,

malgré la présence récurrente d’iconographies religieuses – la tradition chrétienne faisant partie

intégrante de sa culture - aucun jugement moral n’apparaît dans la peinture de Botero. S’abstenant de

toute critique d’ordre social ou politique, il choisit de ne laisser parler que la peinture. Une peinture

directe et communicative, où il est possible de tout inclure : la vie, la mort, l’enfer et le paradis.

« Je regarde mes sujets comme un peintre et non comme un commentateur, un philosophe ou un

psychologue. Je veux être juste un peintre. » - Fernando Botero

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Analyse d’une œuvre

Ecce homo, 1967

Traditionnellement représenté en souffrance avec la couronne d’épines, les plaies de flagellation, le sceptre

de roseau et le manteau de pourpre, le Christ de l’Ecce Homo donne lieu à une iconographie importante dans

l’art religieux occidental. Pour son interprétation du thème, Botero choisit une stratégie toute différente.

Dans l’œuvre de l’artiste colombien, aucun muscle n’est tendu, aucune veine ne traduit la souffrance et le

sang est presque absent de la représentation. Seules quelques gouttes de sang sont présentes sur le front, le

torse et les épaules du Christ. L’aspect, la direction et la forme de ces gouttes possèdent presque un caractère

ornemental. Contrairement à la représentation traditionnelle du thème, la couronne d’épines est

miniaturisée et les épines semblent émoussées. Le Christ tient également nonchalamment dans la main la

corde qui sert initialement à lier ses poignets. Enfin, le sceptre de roseau est remplacé par une palme, symbole

de victoire dans le monde païen ou encore symbole de la victoire spirituelle des Saints Martyres dans

l’iconographie chrétienne. Remplaçant le roseau de l’humiliation par la palme de la victoire, Botero rompt

avec la tradition et offre à son Ecce Homo une victoire sur la mort, sorte de vision de la résurrection qui

l’attend.

Sous le pinceau de Botero, l’image chrétienne destinée à exprimer la souffrance du Christ et la culpabilité des

fidèles devient un apaisement. La douleur a perdu sa réalité ce qui permet une mise à distance du spectateur.

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Focus sur les collections montoises

Dirk Bouts (att.), Ecce Homo, XVe s., huile sur bois, 44 x 33 cm, inv.87. Collection musée des Beaux-

arts (BAM), Ville de Mons.

Anonyme, Bon Dieu de Pitié, vers 1500, bois polychrome, h. 30cm, inv. AT289. Collection du chanoine

Puissant, Ville de Mons, Artothèque.

L’iconographie chrétienne de l’Ecce Homo représente le Christ en souffrance, dans toute sa fragilité

humaine. Traditionnellement représenté avec la couronne d’épines, le sceptre de roseau et le manteau de

pourpre, le Christ est présenté à la foule par Ponce Pilate la veille de la Crucifixion. En peinture ou en

sculpture, les artistes mettent l’accent sur les traces du supplice en montrant les plaies de flagellation, la

couronne d’épines, les gouttes de sang et les mains attachées.

Dans la peinture Ecce Homo, le Christ est en douleur : certaines épines s’enfoncent dans le front, des gouttes

de sang apparaissent et le pli au milieu du front et les larmes symbolisent la souffrance. Malgré ça , le

tourment du Christ semble à peine survolé. Amplification du sang du Christ, le manteau rouge permet au

peintre une certaine abstention. Dans la sculpture du Bon Dieu de Pitié, les traces de supplice sont bien

présentes, mais aucune douleur n’est perceptible. Le Christ semble presque apaisé.

Véritable symbole de sa « comédie humaine », l’Ecce Homo de Botero est traité de façon plus légère,

quasiment exempt de douleur et de traces de supplice. Botero exploite ce thème à plusieurs reprises et le

met au même niveau que l’humanité foisonnante qu’il met en scène sous toutes ses facettes depuis les

années 1960. Bien que la tradition chrétienne fasse partie intégrante de la culture de l’artiste, aucun

jugement moral n’apparaît dans son art. Ainsi, il choisit de ne laisser parler que la peinture. Une peinture

directe et communicative, où il est possible de tout inclure : la vie, la mort, l’enfer et le paradis.

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La corrida et le cirque

Pour Botero, le thème de la corrida est très riche de par ses couleurs vives, ses poses caractéristiques,

les habits, le décor ou encore les accessoires. La combinaison de ces éléments permet de rendre le

dynamisme des mouvements, l’ambiance de l’arène et la beauté du spectacle. Fasciné par la corrida

depuis qu’il est très jeune, Botero défend les valeurs culturelles et artistiques de cet art à travers de

nombreuses œuvres autour de cette thématique.

Entre 12 et 14 ans Botero se forme à la tauromachie, mais abandonne l’école taurine à la fin des années

1940 pour s’orienter vers le dessin et la peinture. Plus que l’art de la corrida, ce qui l’intrigue ce sont

surtout les affiches de corrida.

L’univers de la tauromachie reste un motif identitaire très fort que Botero conserve tout au long de sa

vie et de son œuvre. Lorsqu’il est en Europe, Botero assiste aux corridas du sud de la France ou

d’Espagne pour garder un certain attachement à son pays d’origine.

Pour aller plus loin…

Discussion

La représentation du monde du cirque est l’occasion pour Botero de s’inscrire dans une tradition

artistique importante, car le thème du cirque a déjà été traité par de nombreux artistes avant lui :

Picasso, Chagall, Calder, Léger, Seurat, etc.

Considérant le cirque comme un monde à part, comme une parodie du réel, Botero voit dans cette

thématique une nouvelle façon de s’exprimer librement : accentuation des couleurs, déformation des

corps et des volumes en mouvement, etc. Cependant, même lorsqu’il représente des acrobates ou des

danseurs en pleine action, les figures semblent statiques. Comme dans d’autres de ses peintures, le

mouvement est figé pour magnifier les volumes.

« La Tauromachie, c’est le seul sujet que j’ai gardé toute ma vie. J’ai commencé à faire des petits

dessins de taureaux et j’ai continué à faire toute ma vie des compositions qui ont quelque chose à

voir avec la corrida, la tauromachie » - Fernando Botero

L’art de la corrida a inspiré de nombreux artistes dans la peinture, la littérature ou encore le

cinéma. Demander aux élèves de rechercher d’autres œuvres et d’autres artistes qui ont exploité

ce thème.

Comment Botero traite-t-il la violence des scènes de corrida ? Qu’est-ce que cela peut nous

apprendre sur son traitement de la violence ?

Faire observer aux élèves que les scènes parfois violentes de corrida peintes par Botero sont

statiques. Le mouvement est figé, la douleur et la violence semblent anesthésiées. L’importance

de l’œuvre est donnée à la composition, aux couleurs. Le tout donne quelque chose d’assez

poétique.

« Les couleurs du cirque sont vraiment spéciales. On peut peindre des couleurs aussi sauvages

qu’on veut, elles seront toujours logiques ». - Fernando Botero

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LA VIOLENCE DÉNONCÉE ET SUBLIMÉE L’œuvre de Botero aborde tout autant les plaisirs de la vie, comme la danse et les fêtes populaires, que

des sujets plus graves, comme les violences de rues et les tremblements de terre.

Militant et révolté pendant sa jeunesse, au fil des années, Botero inscrit et canalise son engagement

politique et social dans l’acte de peindre. Ses tableaux qui représentent, dans des scènes de violence

ou de douleur, les injustices et les drames de l’époque contemporaine, naissent d’une exigence de

cohérence qui demande à refléter la vie dans tous ses aspects, y compris les moins agréables. Ainsi,

tout au long de sa vie, Botero a dénoncé les crimes des dictatures sud-américaines, la violence de rue

en Colombie, les guerres et les souffrances des réfugiés et des prisonniers politiques. A ses yeux, bien

que l’art n’ait pas le pouvoir de changer la société, il a celui de préserver la mémoire des évènements.

Par les moyens qui lui sont propres, il peut aussi adoucir les conflits et, telle une « caresse », sublimer

la haine et la rage.

Ainsi, dans un tremblement de terre ou dans une scène de massacre peint par Botero, les éléments

brisés par la violence de l’homme et de la nature sont préservés par l’équilibre soigné de la

composition, grâce à l’harmonie des formes et des couleurs, tandis que le drame semble conjuré par

la suspension de l’action.

Analyse d’une œuvre

« Dans ma peinture, il n'y a jamais de véritable haine, car cela serait anti-pictural. »

- Fernando Botero

La mort de Ramón Torres, 1986

Fasciné par la tauromachie depuis sa jeunesse, Botero débute le dessin et la peinture en voulant se rapprocher

des affichistes de corrida. Matador, taureau et corrida sont des thèmes qui suivent l’artiste dans l’ensemble de

son œuvre. La mort de Ramón Torres est un rappel que ces jeux amènent la mort : celle du taureau ou celle du

matador. Dans l’œuvre de Botero, le torero est étendu par terre tandis que le squelette de la mort chevauche

un taureau robuste en tenant triomphalement l’épée du torero en main, un rictus de victoire sur le visage. Le

taureau est sur le point d’écraser le matador tandis que celui-ci semble endormi, presque apaisé, ses drapeaux

à portée de main. Le squelette rappelle également l’iconographie traditionnelle mexicaine. L’œuvre est un

mélange entre l’iconographie médiévale de la danse macabre, une des étapes de la représentation de la Mort,

et du thème pictural récurrent du « matador tué » représenté notamment par Goya, Manet et Picasso.

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Focus sur les collections montoises

Jan Provost I, La mort, seule certitude, huile sur bois, vers 1500, 73 x 63,5cm, inv. 91. Collection

musée des Beaux-arts (BAM), Ville de Mons.

L’œuvre La mort, seule certitude est baignée d’une ambivalence entre violence extrême et visée réflexive.

Présentant à la fois toutes les étapes de la vie, ainsi que différents supplices, l’œuvre montre de façon très

pédagogique au spectateur que la vie et la mort sont liées et que la mort possède, qu’on le veuille ou non,

une condition impérieuse.

Cette connaissance absolue de la mort est représentée par le Christ au sommet du tableau possédant trois

mots qui reviennent dans l’ensemble du tableau : « quand », « où » et « comment ». Véritable « memento

mori », le tableau montre que seul Dieu sait quand, où et comment tout humain doit mourir. Pour

représenter le temps, la manière ou le lieu de la mort, Jan Provost structure la peinture en différents récits

montrant les étapes de la vie, les supplices et les moments bibliques. Au centre, comme un rappel de cet

enseignement, quatre têtes sont présentes. Les trois têtes orientées vers les mots « le lieu », « le temps »

et « la manière » ont les yeux bandés, symbole de leur ignorance tandis que la tête tournée vers la mort a

les yeux dégagés. La mort devient ainsi la seule certitude de l’homme.

Le tableau La mort, seule certitude présente la conception de la mort vers 1500 : une finalité de la vie qui

rend celle-ci unique et précieuse. Botero utilise les codes iconographiques de tableaux médiévaux comme

celui-ci et y ajoute la volonté de dénoncer la violence et la souffrance. Pour lui, bien que l’art n’ait pas le

pouvoir de changer la société, il a celui de préserver la mémoire des évènements. Ses représentations de la

violence sont tour à tour sublimées par la poésie, parodiées par l’ironie ou exacerbées par la déformation.

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Discussion

Analyser une œuvre en classe

LES TORTURES D’ABU GHRAIB

En mai 2004, Botero découvre dans le magazine américain The New Yorker le récit des tortures infligées

par l’armée des États-Unis aux détenus iraquiens de la prison d’Abu Ghraib (Irak), qui soulève un tollé

dans l’opinion publique internationale. La violence inouïe de ces actes choque d’autant plus l’artiste,

qu’ils sont commis par un pays extrêmement puissant qui, dans sa politique internationale, s’érige en

défenseur des Droits de l’Homme.

Dans l’avion qui le ramène en France, il commence à faire des esquisses inspirées de ces évènements,

puis continue à dessiner et peindre dans son atelier parisien : « C’est devenu une obsession, dit

l’artiste, pendant 14 mois, je n’ai travaillé qu’à cela, pensé qu’à cela ». Le résultat est un ensemble de

60 œuvres entre peintures et dessins que l’artiste offre en 2007 à l’Université de Berkeley, en

Californie, afin que la mémoire de ces actes demeure présente aux États-Unis.

L’artiste et l’œuvre d’art ont-ils un rôle social ?

Faire réfléchir les élèves à cette question, leur faire émettre des hypothèses, être capables

d’argumenter, etc.

En regardant l’œuvre Tremblement de terre de 2000, demander aux élèves de donner leurs

impressions générales. Comme toutes les œuvres de Botero, il ne s’agit pas d’une copie du réel,

mais bien d’une création artistique.

- Quelles sont les impressions données par la composition ?

- Formes, volumes, couleurs inappropriés pour la scène ?

- Comment sont les mouvements des bâtiments ? Suspendus, dynamiques ?

- Où se situe la violence dans cette composition ? Il y-a-t-il une réelle violence ?

- Comment Botero adoucit le drame qui est en train de se produire ?

Guider les élèves dans leur analyse, les faire réfléchir et nuancer leur jugement :

et si cette vision du drame permettait au public de mieux s’y sensibiliser ?

« L’art peut offrir un témoignage qui perdure dans le temps et dans la mémoire collective. »

- Fernando Botero

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LES FÊTES POPULAIRES Les manifestations populaires ont toujours été au cœur de l’œuvre de Botero, à l’instar des fêtes de

rue et du Carnaval, qui ont une tradition particulièrement forte en Colombie. Comme souvent dans

l’œuvre de l’artiste, ces thèmes lui permettent de fusionner des références populaires et les

suggestions d’une iconographie ancienne, qui trouve des exemples importants, entre-autres, dans la

peinture flamande du XVIIe siècle.

Dans les deux séries récentes présentées dans cette salle, l’artiste n’en finit pas d’explorer ses acquis

et techniques. Les peintures de 2016, montrent un emploi extrêmement libre, parfois audacieux, des

couleurs, dont l’artiste cherche l’équilibre même parmi les tonalités les plus criardes. La peinture de

Botero se confirme, à plein d’égards, comme un récipient de contrastes qu’elle tâche d’harmoniser et

de concilier. Les aquarelles sur toile de 2019, en revanche, montrent une approche toute concentrée

sur la finesse du trait et sur la délicatesse de l’aquarelle, employée de manière expérimentale à l’envers

de la toile, afin d’exploiter l’aspect organique et velouté de ce support. La maîtrise technique et

l’érudition artistique acquises en 70 ans de carrière ne cessent de donner vie, encore aujourd’hui, à

des œuvres complexes mais volontairement directes et très accessibles.

Les origines du carnaval

Le mot « carnaval » apparaît sous cette forme en français en 1549 pour exprimer le sens de « fête

donnée pendant la période du carnaval ». Il vient de l’italien carnevale ou carnevalo. Il a pour origine

carnelevare, un mot latin formé de carne « viande » et levare « enlever ». Il signifie littéralement «

enlever la viande ». Il désigne la période qui précède la période de jeûne de quarante jours dans le

christianisme.

Les carnavals sont un type de fête relativement répandus en Europe et en Amérique. Ils consistent

généralement en une période où les habitants de la ville sortent déguisés voire masqués ou maquillés

et se retrouvent pour chanter, danser, faire de la musique dans les rues, jeter des confettis, défiler.

Traditionnellement associés au calendrier chrétien, les carnavals se déroulent entre l’Épiphanie, soit

le 6 janvier, et le Mardi Gras, une fête mobile entre le 3 février et le 9 mars.Le carnaval de Venise est

mentionné pour la première fois en 1094.

Le carnaval joue un rôle dans la régulation sociale, il est un moyen d’inverser les choses, de chambouler

l’ordre établi, de braver l’interdit… Cette régulation sociale est bien présente dans les œuvres que

Botero peint sur ce thème : l’attitude des personnages et les bouteilles qui jonchent le sol en son de

bons exemples. En Colombie et dans les pays hispaniques (tout comme dans nos régions), la tradition,

profondément religieuse du carnaval est bien ancrée dans la culture populaire ce qui inspire Botero.

(Source : https://www.caumont-

centredart.com/sites/hdc/files/editeur/scolaires/dossier_pedagogique_botero.pdf)

« La culture visuelle est très vaste et inclut aussi les expressions « mineures », comme l’art populaire.

Autant d’informations, conservées au long d’une vie, qui se transforment dans l'œuvre de chaque

artiste. » - Fernando Botero

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Analyse d’une œuvre

Carnaval, 2019

Le travail de l’artiste sur le dessin et l’aquarelle est peu connu. Pourtant, le dessin compte autant que la

peinture ou la sculpture dans l’œuvre de Botero. Représentant des personnages qui reviennent souvent

dans ses œuvres, il est rare de voir un dessin devenir peinture et inversement. Les dessins constituent des

œuvres à part entière. Utilisant souvent le crayon, le fusain, le pastel et l’encre de Chine, l’artiste

colombien privilégie souvent l’aquarelle en l’appliquant, dans la série du Carnaval, à l’arrière de la toile.

Le thème du carnaval et des fêtes populaires est un thème récurrent dans les tableaux de Botero.

Relativement répandus en Europe et en Amérique, les carnavals permettent aux habitants des villes de se

déguiser, se masquer et de se retrouver pour chanter, danser et faire la fête dans la rue. Jouant un rôle

important dans la société, le carnaval est un moyen d’inverser les choses et de bouleverser l’ordre établi. Les

scènes de carnaval de Botero montrent souvent des scènes où les bouteilles vides jonchent le sol et où les

personnages parfois très grands ou très petits semblent changer de rôles derrière leurs masques. Mélange de

deux thèmes importants dans l’œuvre de Botero et dans la culture populaire colombienne, la corrida et les

fêtes populaires, l’aquarelle Carnaval de 2019 représente un matador masqué brandissant son épée vers une

femme déguisée en taureau.

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Focus sur les collections montoises

Louis de Caullery, Scène de carnaval, huile sur bois, 1er quart du XVIIe s., 130 x 217cm, inv.115.

Collection musée Beaux-arts (BAM), Ville de Mons.

Festivités endiablées, paysans dansant, costumes colorés et musiques chantantes font parties de

l’iconographie populaire des carnavals de rue. Scènes longuement représentées dans l’art flamand, les fêtes

et les kermesses symbolisent un moment de communion et de joie de vivre dans lesquelles se glissent des

scènes aux dimensions espiègles et satiriques. Louis de Caullery offre un bel exemple de cette thématique

avec une ambiance urbaine, des personnages masqués en braies rouges ou costumés à la turque, des

instruments de musique divers et un cortège présidé par la personnification du carnaval assis sur un tonneau.

Personnage central de la composition, l’échassier atteste d’une persistance de ce folklore dans nos régions

au XVIIe siècle et symbolise le temps et les saisons qui passent.

Les fêtes populaires, le cirque et le carnaval de rue nourrissent tout particulièrement l’univers de Botero qui

s’amuse à peindre différentes séries autour de ces thèmes. Des similitudes sont visibles entre les scènes et

les personnages carnavalesques de Louis de Caullery et ceux de Botero. Les couleurs, les positions, les

masques ou encore l’aspect grotesque de certaines scènes se retrouvent chez les deux artistes montrant ainsi

la dimension internationale du carnaval dont les symboles et les marqueurs formels restent pratiqueme nt

inchangés au-delà des époques et des continents.

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PISTES PÉDAGOGIQUES

Au sein de ce dossier, certaines pistes pédagogiques sont évoquées dans le traitement des

différentes thématiques de l’exposition. Dans les thèmes de l’exposition, vous pourrez

retrouver parfois des analyses d’œuvres, des pistes de travail et des discussions pour

aller plus loin.

Les pistes pédagogiques qui suivent sont des pistes transversales qui traitent de sujets

généraux autour de l’artiste, de ses œuvres, de ses inspirations, mais également du musée

de manière générale.

N’hésitez pas à parcourir l’ensemble du dossier pour avoir une vue d’ensemble des pistes

pédagogiques à exploiter en classe.

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I. L’EXPOSITION ET SA CONCEPTION A PROPOS DE L’EXPOSITION ET DE LA SCENOGRAPHIE

Savoir : Etude la scénographie – Sensibilisation à la muséographie – Histoire de l’Art du 20e

Savoir-faire : développer le sens de l’observation – décrire avec précision ce que l’on voit, avec le

vocabulaire le plus adapté – remettre en question – remettre en contexte – lire et décrypter le message

de l’image – analyser les émotions transmises et suscitées – exploiter des informations et de la

documentation

Pistes de travail

1. Avant la visite, appréhender le musée et l’exposition

Brainstorming : Qu’est-ce qu’une exposition ? Qu’est-ce qu’un musée ?

Chercher l’image que les élèves se font d’une exposition, d’un musée Définir les termes ensemble

Qu’est-ce qu’un musée ? A quoi cela sert-il ? Que peut-on faire au musée ? Qu’est-ce qu’une

collection ? Que peut-on collectionner ? Pourquoi collectionne-t-on ? Donner des exemples de

musées ou d’expositions qu’ils ont déjà visités ou qu’ils connaissent. Quand s’y sont-ils rendus ? Quel

en était le sujet ? Qu’ont-ils gardé comme impression ?

Brainstorming : Qui est Fernando Botero ? Que vous évoquent ses œuvres ? Connaissez-vous

d’autres œuvres qui y ressemblent ?

Recherches documentaires autour de Fernando Botero

2. Après la visite, récolter les ressentis des élèves

Quelles sont les premières impressions des élèves après la visite de l’exposition ? Ont-ils des

mots pour décrire l’exposition ? Qu’est-ce que ça fait de voir les œuvres en vrai ? Est-ce que

cela change de ce qu’ils ont vu en classe avant la visite ?

3. La muséographie et les différentes techniques de scénographie

La scénographie de l’exposition (pendant et après la visite) :

Comment les œuvres sont-elles présentées dans l’exposition ? Comment la scénographie évoque les

œuvres de Botero (Couleurs, jeux de lumière, etc.) Comment les œuvres sont mises en valeur dans

l’exposition ? En prêtant attention à l’éclairage, comment la lumière permet de mieux appréhender

les œuvres ? Comment certains éclairages mettent les œuvres en avant ? Observation de comment

les œuvres imprimées sont éclairées et comment les sculptures le sont Où sont installées les

œuvres ? Socle ou non ?

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II. L’ŒUVRE ET L’ARTISTE QUI EST FERNANDO BOTERO ?

Savoir : étude de l’œuvre et de la vie de Fernando Botero – Histoire de l’art du 20e siècle

Savoir-faire : accéder à l’information – se constituer des outils personnels – être autonome dans son

travail – mobilisation des ressources – mobilisation des connaissances – recherche documentaire –

outils numériques– remettre en contexte – exploiter des informations et de la documentation

Pistes de travail

1. Qui est Fernando Botero ?

Inviter les élèves à rechercher de la documentation sur l’artiste afin de remplir une fiche d’identité :

- Date de naissance

- Nationalité

- Activité

- Courant artistique ?

- Contexte historique de l’époque

- Techniques et styles spécifiques de l’artiste

- Ses œuvres les plus connues

- Ton œuvre préférée de l’artiste et pourquoi ?

2. Actualité de l’artiste

Inviter les élèves à rechercher des actualités sur l’artiste via internet ou d’autres ressources : sur quel

projet travaille-t-il, dans quel pays ?

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ANALYSER UNE ŒUVRE

Savoir : étude de l’œuvre de Fernando Botero – Histoire de l’art du 20e siècle

Savoir-faire : développer le sens de l’observation – développer sensibilité face à une œuvre - décrire

avec précision ce que l’on voit, avec le vocabulaire le plus adapté – remettre en question – remettre

en contexte – lire et décrypter le message de l’image – analyser les émotions transmises et suscitées

– exploiter des informations et de la documentation

Pistes de travail

Tableau d’analyse esthétique d’une œuvre

Fiche d’identité

Artiste Titre de l’œuvre Date Dimensions Matériaux et techniques Dimensions de l’œuvre

Lieu de conservation Collection

Impressions générales et description de l’œuvre

Quelles sont les premiers mots et impressions qui vous viennent quand vous regardez l’œuvre ?

Quel sentiment se dégage de l’œuvre ? D’un premier abord, quel est le sujet de l’œuvre ?

Analyser la composition, les formes et les couleurs

Quelle est la structure générale de l’œuvre ? Quelles sont les grandes lignes et la dynamique qui

s’en dégagent ?

Comment sont les formes ? L’œuvre est figurative ou abstraite ? Pourquoi ? Existe-t-il plusieurs

formes qui se ressemblent dans l’œuvre ? Est-ce qu’elles sont toutes au même endroit ?

Quelles sont les couleurs utilisées ? Il y-a-t-il une couleur dominante ? Les couleurs sont pures

ou mélangées ? La palette de couleur est-elle large ou réduite ?

Comprendre l’œuvre et son contexte culturel

Remettre en contexte l’œuvre en envisageant plusieurs catégories : le sujet (personnages,

symboles, choix personnel ou commande, …), l’artiste (biographie et parcours), le courant ou le

mouvement artistique (œuvre caractéristique d’un mouvement, pourquoi ?), le contexte culturel

et historique (évènements en lien avec l’œuvre, son sujet, son message, …), les influences, …

L’œuvre est-elle en accord ou en désaccord avec le contexte culturel et social ? Pourquoi ?

L’artiste est-il associé à un mouvement ? Quel est son parcours artistique ? Qu’est-ce que cela

nous apprend sur l’œuvre ? Après analyse du contexte, peut-on dire que l’œuvre a été

influencée par un artiste, un mouvement ou une œuvre en particulier ?

Effets recherchés par l’artiste

Après avoir analyser l’œuvre dans ses formes, ses couleurs, … et son contexte, l’artiste a-t-il réussi

à rendre les effets qu’il recherchait ?

En repartant des impressions générales données par les élèves, comment, à travers les éléments

plastiques, l’œuvre traduit ces impressions générales ? Comment et par quels procédés

techniques (couleurs, formes, sujets), l’œuvre s’intègre-t-elle dans le contexte culturel de

l’époque ?

Conclusion

Comment comprendre l’œuvre ? Quels messages fait-elle passer ? Donner une interprétation.

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BOTERO, APPROPRIATION OU COPIE ?

Savoir : étude de l’œuvre de Fernando Botero – Histoire de l’art du 20e siècle

Savoir-faire : confronter les sources – développer son esprit critique – comparer deux supports –

analyse d’une œuvre – lire et décrypter le message de l’image – exploiter des informations et de la

documentation – remettre en question – remettre en contexte – lire et décrypter le message de

l’image – développer son regard critique

Pistes de travail

1. Comparaison entre les œuvres originales des Grands Maîtres et les œuvres de Botero

Dans sa rechercher formelle, Fernando Botero s’est tourné vers l’étude des chefs d’œuvre des Grands

Maîtres pour analyser et comprendre la façon dont ces artistes traitent les volumes et construisent

l’espace pictural.

Etude comparative

Mettre à la disposition des élèves une reproduction de l’œuvre originale de Raphaël La Fornarina pour

qu’ils puissent faire une étude comparative avec l’interprétation qu’en fait Fernando Botero. Comment

cette étude comparative permet de comprendre la démarche de Botero vis-à-vis des Grands Maîtres

de la peinture ?

- La composition est-elle la même ?

- Est-ce qu’il y a les mêmes effets de matière ? La même lumière ? Les mêmes couleurs ?

Botero reprend la position générale de la jeune fille et la composition : le personnage central,

l’attitude, certains accessoires comme le turban, certains bijoux ou les drapés. Mais Botero modifie

certains éléments comment la disposition des bijoux, leurs couleurs, le regard de la jeune fille dirigé

vers le spectateur, … en regardant de près il y a de nombreuses différences.

Botero fait une interprétation libre de ce tableau en proposant d’autres couleurs dans les habits et les

drapés. Il peint le turban en rouge et le drapé en ocre pour attirer notre regard à cet endroit dans le

tableau. Il fait totalement disparaitre le paysage à l’arrière-plan pour ne se concentrer que sur le

personnage central. Botero lisse le corps de le Fornarina, lui ajoute des volumes, estompe les ombres

et adoucit la lumière tout en ajoutant des couleurs plus intenses au tableau.

2. Débat et argumentaire à propos de la copie

Réflexion autour du plagiat et de la copie :

Définir ce qu’est le plagiat En fonction de cette définition, est-ce que Botero peut être considéré

comme un plagiaire ? Pourquoi ? Quels sont éléments qui font que Fernando Botero ne peut pas être

considéré comme un plagiaire ? Où se situe la frontière entre création et plagiat ?

Et les autres artistes ?

Proposer aux élèves de chercher d’autres artistes qui ont eu la même démarche que Botero en

s’appropriant des éléments de l’histoire de l’art et de la culture populaire.

Picasso est un artiste qui analyse, déconstruit et réinterprète les chefs d’œuvre de l’histoire de l’art.

Picasso avait plusieurs façons de s’approprier une œuvre ancienne : il pouvait imiter sa manière de

peindre, reprendre une thématique, réaliser une attitude, un personnage, un décor, …

Page 42: Botero - polemuseal.mons.be

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Botero et Picasso se sont tous les deux intéressés à l’œuvre Les ménines de Velázquez. Ils en ont fait

plusieurs interprétations. A travers ce tableau Velázquez, peintre officiel de Philippe IV, roi d’Espagne,

a voulu montrer le pouvoir d’un artiste.

Proposer aux élèves de comparer une interprétation de Botero et une interprétation de Picasso de ce

tableau célèbre.

- Est-ce que la démarche de Botero et de Picasso est la même ?

- Est-ce que Botero et Picasso ont « volé » l’œuvre de Velázquez ou au contraire lui ont-ils rendu

un hommage de par leurs libres interprétations ?

- Qu’est-ce que cela apprend aux élèves sur l’appropriation et la copie ?

3. Atelier copiste

A partir d’une œuvre de Botero qui les a touché pendant la visite de l’exposition, demander à chaque

élève de réaliser leur propre version de l’œuvre. Comparer ces versions à la fin de l’activité. A la vue

des différentes copies, les élèves prennent conscience que d’un élève à l’autre le regard porté sur une

même œuvre peut être différent.

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« BOTERO, C’EST LE PEINTRE DES GROS »

Savoir : étude de l’œuvre de Fernando Botero – Histoire de l’art du 20e siècle

Savoir-faire : analyser et comprendre une image confronter les sources – développer sens de

l’observation – développer sensibilité face à une œuvre - décrire avec précision ce que l’on voit, avec

le vocabulaire le plus adapté – remettre en contexte – lire et décrypter le message de l’image – analyser

les émotions transmises et suscitées – exploiter des informations et de la documentation

Pistes de travail

1. L’art de la déformation

Proposer aux élèves de réfléchir sur cette citation de l’artiste : « L’art, c’est de la déformation. Il n’y a

pas d’œuvre d’art véritablement réaliste ».

- Qu’est-ce que Botero veut dire par là ?

- Qu’est-ce que cela nous apprend sur l’art de manière générale ?

A travers cette citation et sa façon de travailler, Fernando Botero nous apprend que ce qui est

intéressant dans l’art, ce n’est pas de copier la réalité, mais bien de découvrir comment un artiste voit

les choses. Dans ses œuvres, Botero ne respecte aucune proportion : ses tableaux sont peuplés de

chevaux aux sabots trop lourds, de fruits géants, d’animaux parfois plus grands que des enfants, de

lavabo aussi grands qu’une baignoire, de personnage plus grands que leur cheval. Chez lui, tout est

grand ou très petit, tout est déformé.

- Quel est le but de Botero lorsqu’il déforme les objets et les corps de cette manière ?

Botero donne du volume à ses toiles pour « exprimer plus de sensualité ». Grâce à sa déformation et

ses formes voluptueuses ce qu’il peint est rendu plus palpable. Botero sature la vision du spectateur

et éveille les sens : les fruits deviennent plus juteux, les chevaux plus fougueux, … malgré l’immobilisme

des postures et des corps, les tableaux de Botero paraissent bien vivants.

2. Analyse d’une œuvre : Nature morte à la mandoline, 1956

Après avoir réfléchi à la citation de Botero, proposer aux élèves d’analyser l’œuvre emblématique

Nature morte à la mandoline de 1956. Qu’est-ce qui fait que ce tableau est un parfait exemple de la

déformation botérienne ?

- Quels sont les éléments que l’on peut voir sur cette nature morte ?

- Comment se comportent les objets les uns par rapport aux autres ?

- Pourquoi la mandoline parait-elle si gigantesque ?

Demander aux élèves de lister les éléments qui leur paraissent déformés dans la toile.

« (…) J’avais travaillé toute la journée et je terminais le dessin d’une guitare. Il me restait à tracer le

trou qui est au milieu de l’instrument. Et –pourquoi ?- j’ai dessiné un trou très étroit, sans rapport avec

la taille de la guitare. A cause de cette disproportion la guitare est devenue énorme. Immédiatement

en face de cet instrument difforme, j’ai reconnu quelque chose, j’ai vu quelque chose. J’ai su aussitôt

que ce qui venait de se passer était essentiel. Qui sait ? Mon talent a peut-être été d’être capable de

reconnaître ce qui s’est passé alors. Immédiatement j’ai commencé à entourer de cette guitare

d’autres objets conçus dans le même esprit. Alors j’ai commencé à voir se former un monde qui avait

une cohérence. C’est ainsi que tout a commencé. » (Fernando Botero, 1956)

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PEINDRE L’HUMANITE SOUS TOUTES SES FACETTES

Savoir : étude de l’œuvre de Fernando Botero – Histoire de l’art – étude du genre du portrait et du

portrait officiel

Savoir-faire : émettre des hypothèses – savoir s’exprimer – analyser et comprendre une image –

confronter les sources – développer sens de l’observation – développer sensibilité face à une œuvre -

décrire avec précision ce que l’on voit, avec le vocabulaire le plus adapté – remettre en contexte –

exploiter des informations et de la documentation

Pistes de travail

1. Qu’est-ce qu’un portrait ?

Dans l’exposition, proposer aux élèves de réfléchir à la notion de portrait devant les œuvres de Botero.

- Qu’est-ce qu’un portrait ?

- A quoi cela sert-il ? Quelles sont les fonctions du portrait ?

- Connaissent-ils différents genres de portrait ?

Définition du portrait : Le dictionnaire définit le portrait comme une image, une peinture, un dessin ou

une photographie qui est la représentation, d’après modèle réel, d’une personne par un artiste. Le

portrait est un genre profondément enraciné dans la culture occidentale qui est présent dès la plus

haute antiquité.

L’histoire du portrait est fortement liée à l’histoire de la représentation de l’individu. Le genre du

portrait atteindra son paroxysme à partir de la période de la Renaissance, époque à laquelle Leonard

de Vinci déclarera que « L’Homme est le modèle du monde ». Cette notion de « sujet » dans l’art

occidental se construit tout au long de l’histoire de l’art, mais aussi de l’histoire de l’Homme.

Le portrait peut être abordé en arts plastiques et en littérature. En littérature, le portrait est une

description autant physique que psychologique d’un individu, c’est-à-dire des aspects visibles et non-

visibles d’une personne. (http://classes.bnf.fr/portrait/artportr/def/index.htm)

- Travailler sur le portrait littéraire à travers le texte du Colonel Chabert de Balzac :

« Le vieux soldat était sec et maigre. Son front, volontairement caché sous les cheveux de sa

perruque lisse, lui donnait quelque chose de mystérieux. Ses yeux paraissaient couverts d’une taie

transparente : vous eussiez dit de la nacre sale dont les reflets bleuâtres chatoyaient à la lueur des

bougies. Le visage, pâle, livide, et en lame de couteau, s’il est permis d’emprunter cette expression

vulgaire, semblait mort. Le cou était serré par une mauvaise cravate de soie noire. L’ombre cachait si

bien le corps à partir de la ligne brune que décrivait ce haillon, qu’un homme d’imagination aurait pu

prendre cette vieille tête pour quelque silhouette due au hasard, ou pour un portrait de Rembrandt,

sans cadre. Les bords du chapeau qui couvrait le front du vieillard projetaient un sillon noir sur le haut

du visage. Cet effet bizarre, quoique naturel, faisait ressortir, par la brusquerie du contraste, les

rides blanches, les sinuosités froides, le sentiment décoloré de cette physionomie cadavéreuse.

Enfin l’absence de tout mouvement dans le corps, de toute chaleur dans le regard, s’accordait avec

une certaine expression de démence triste, avec les dégradants symptômes par lesquels se

caractérise l’idiotisme, pour faire de cette figure je ne sais quoi de funeste qu’aucune parole

humaine ne pourrait exprimer. Mais un observateur, et surtout un avoué, aurait trouvé de plus

en cet homme foudroyé les signes d’une douleur profonde, les indices d’une misère qui avait dégradé

ce visage, comme les gouttes d’eau tombées du ciel sur un beau marbre l’ont à la longue défiguré. Un

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médecin, un auteur, un magistrat, eussent pressenti tout un drame à l’aspect de cette sublime horreur

dont le moindre mérite était de ressembler à ces fantaisies que les peintres s’amusent à dessiner

au bas de leurs pierres lithographiques en causant avec leurs amis. »

2. Les fonctions du portrait

- En regardant les portraits de Botero, réfléchir avec les élèves aux fonctions possibles du

portrait à travers l’Histoire.

Le portrait possède 3 fonctions :

1. La fonction de mémoire

Le portrait garde le souvenir des êtres chers, il perpétue celui des grands hommes, rend aussi les

absents et les morts.

2. La fonction maritale

Au Moyen Âge, les peintures, et notamment les portraits, pouvaient servir de demande en mariage ou

encore de commémoration d’un mariage pour un couple. Il était alors fréquent qu’un homme adresse

à une femme un portrait tenant une bague pour lui signifier sa volonté de l’épouser. Parfois, un tableau

pouvait même devenir une forme de témoin d’un mariage, afin de garder une trace réelle de

l’engagement des époux.

3. La fonction d’apparat et la fonction politique

Asseoir son autorité, montrer son statut social et faire rayonner son image. Dans l’Europe des Temps

Modernes, qui voit la formation des monarchies absolues, le portrait peint, sculpté ou gravé célèbre

le souverain et devient pour le pouvoir politique un moyen de propagande.

- Retrouve-t-on ces trois fonctions dans l’œuvre de Botero ? Si oui, dans quelles œuvres de

l’exposition les élèves les retrouvent-elles ?

- Proposer aux élèves de chercher des œuvres qui correspondent à chaque fonction du portrait.

3. S’approprier le portrait à travers son vocabulaire

Après avoir défini le portrait, réfléchir avec les élèves à ces différentes expressions : faire le portrait de

quelqu’un, se faire faire le portrait, portrait-robot, se faire refaire le portrait, être le portrait de

quelqu’un, croquer un portrait, se faire tirer le portrait, …

4. Le portrait chez Botero

Botero veut peindre l’Humanité et la société colombienne dans tous ses aspects, les bons comme les

mauvais. Pour ses portraits, il reprend le genre du portrait officiel et du portrait d’apparat et met toute

la société au même niveau. Dans l’univers de Botero il n’y a plus de hiérarchie, l’artiste semble abolir

les barrières entre les différentes catégories sociales (gens du peuple et président, saltimbanques et

religieux, etc.) en donnant à chacun, sans exception, son effigie dans les règles des grands portraits

officiels normalement réservés à l’élite.

Botero est l’un des interprètes les plus éloquent de la société colombienne, mais tout spectateur peut

facile s’y identifier et saisir la portée universelle.

Botero ne peint aucun portrait au sens traditionnel du terme, c’est-à-dire un tableau qui décrit une

personnalité singulière. Il prendre ses distances par rapport aux modèles et peint des personnages

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dans son propre style. Ce qui intéresse Botero, ce n’est pas le sujet ou le modèle, mais le type de corps

représenté et la façon dont il est représenté.

- Devant les portraits de Botero, peut-on dire que les personnes ressemblent à leurs modèles (si

on analyse les portraits du Président et de la Première dame de Colombie) ? Sont-ils fidèles à

la réalité ? Représentent-ils les imperfections du visage ? Décrivent-ils scrupuleusement les

vêtements et les effets de matière, la couleur de la peau, etc. ?

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LA VIOLENCE DENONCEE ET SUBLIMEE CHEZ BOTERO

! Ces pistes pédagogiques sont destinées à des élèves à partir de la 5e secondaire.

Savoir : étude de l’œuvre de Fernando Botero – Histoire de l’art – Histoire et histoire politique – étude

de la représentation de la violence dans l’art – étude du rôle de l’art

Savoir-faire : réfléchir au rôle de l’art et de l’image – analyser et comprendre une image – confronter

les sources – développer sens de l’observation – développer sa sensibilité face à une œuvre –

développer son avis critique – remettre en contexte – exploiter des informations et de la

documentation – aptitude à l’échange et aux questionnements

Pistes de travail

1. Le rôle de l’art face à la violence d’Etat

En observant les œuvres de Botero dans la salle de la violence, demander aux élèves de réfléchir aux

rôles de ces peintures.

- Que représentent-elles ?

- Pourquoi Botero a traité ces sujets ?

- Quel est leur rôle ? A quoi servent-elles ?

Voulant refléter la vie et la société dans tous ses aspects, Botero a représenté la violence de la société

colombienne dans de nombreuses œuvres. Dénonçant les crimes des dictatures sud-américaines, la

violence de rue en Colombie ou encore les guerres et les souffrances des réfugiés politiques, Botero

donne un rôle précis à ses œuvres : préserver la mémoire des événements.

Suite à ces observations : l’artiste et l’œuvre d’art ont-ils un rôle social ?

2. Débat autour du rôle de l’art

Faire réfléchir les élèves autour de cette question :

Aujourd’hui, là où la vidéo, les réseaux sociaux et le cinéma diffusent l’information rapidement à

travers le monde : le peintre et l’art peuvent-ils encore être les témoins directs de leur époque ?

3. Le tournant de la série autour d’Abu Ghraib

Après avoir traité les violences en Colombie, Botero élargi la portée de son témoignage avec la série

Abu Ghraib qui marque un tournant dans sa représentation de la violence.

En classe, effectuer des recherches documentaires avec les élèves autour de la prison d’Abu Ghraib,

de son contexte histoire et politique, etc.

- Quel évènement médiatique précède la série Abu Ghraib ? (Article du New Yorker)

- Dans quel contexte cette affaire a-t-elle éclaté ? (guerre d’Irak et attentats du 11 septembre)

- En quoi les images de Botero sont différentes des œuvres et des violences qu’il a pu dénoncer

précédemment ?

Fernando Botero crée ces œuvres après la lecture des récits des tortures infligées par l’armée des

Etats-Unis aux détenus irakiens de la prison d’Abu Ghraib (Irak) publiés dans le NewYorker en mai 2004.

Pour peindre ces toiles, il se basera sur les témoignages écrits et ne s’inspirera pas des photos qui

pouvaient circuler. Cependant, les photos et les œuvres de Botero possèdent de nombreuses

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similitudes : amoncellement de corps, prisonniers entravés, ligotés, encapuchonnés, menacés par des

chiens, etc.

Abu Ghraib est devenu une obsession pour Botero qui a réalisé un ensemble de 60 œuvres, entre

peintures, dessins et aquarelles, donné en 2007 à l’Université de Berkeley, en Californie, pour que la

mémoire de ces actes demeure présente aux Etats-Unis.

- Pour des élèves avertis, en comparant les photos des tortures et les œuvres de Fernando

Botero, quelles sont les différences ? Quel est le point de vue de Botero face à ces violences ?

- Quel est le message que Botero veut faire passer à travers cette série ?

La différence entre les photos et les œuvres de Botero réside dans le rôle et dans la symbolique

recherchée : là où les photos apparaissent comme de véritables trophées de chasse, pris depuis la

perspective du dominant, les œuvres du peintre font ressortir la violence du dominant et la souffrance

du dominé. Là où les bourreaux s’exhibent devant les tortures sur les photos, ils n’apparaissent que

subrepticement dans les œuvres de Botero à travers un dos, une main, un bras, … les rendant

anonymes, peut-être plus effrayants ?

« Par leur audace et leur portée politique, ces œuvres marquent un tournant dans la carrière artistique

de Botero, lequel renonce, pour l’occasion, à tirer profit de son art. Si, par le passé, l’artiste s’est déjà

attaqué à des sujets difficiles (la guerre du Kippour, les violences occasionnées en Colombie en raison

du trafic de drogue), jamais encore il n’avait entrepris une démarche aussi systématique autour de la

représentation de la souffrance ». Julien Grandchamp, « Les atrocités d’Abu Ghraib selon Botero ».

A travers ces représentations violentes, Botero se détache de la réalité en gardant le motif récurent

de la déformation des corps qui fait son botéromorphisme. Les volumes des corps donnent une

certaine amplification à la violence : les stigmates sont encore plus visibles d’autant plus que les visages

sont masqués, comme niés. Les regards sont directement attirés par les corps et les traces laissées par

les violences d’Etat. Là où les visages sont masqués, les corps parlent.

- Le détachement de la réalité réalisé par Botero grâce à la déformation rend-t-il les violences

moins importantes ?

En déformant les corps, Botero permet aux spectateurs de mieux voir les violences. C’est à travers

cette ambivalence entre mimétisme de la réalité et interprétation artistique que réside la puissance

de l’art face à la représentation de la torture.

« Comme tout le monde, j’ai lu les articles publiés par la presse et j’ai réagi avec indignation devant

des injustices et une barbarie qui n’ont pas lieu d’être. Mais la situation est aujourd’hui si dramatique

que cela m’a conduit à la représenter dans mon œuvre sans qu’il y ait rupture dans la forme. J’ai peint

ces tableaux dans ce même style que j’ai gardé tout au long de ma vie. Mais, dans mon travail, la

question de la violence a toujours été présente. Il y a plusieurs années, j’ai offert à la ville de Medellin

des statues monumentales, dont un oiseau de la paix. Il a été l’objet d’un attentat lors de

l’inauguration. » (Fernando Botero).

4. Abu Ghraib continuité ou tournant ?

Faire réfléchir les élèves sur ces deux questions :

- Ces tableaux représentent-ils vraiment une « rupture » avec la production antérieure de

Botero ?

- Est-ce que ces œuvres ne s’inscrivent pas, au contraire, dans la continuité de sa démarche de

représentation de la violence et de la mémoire ?

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- Quels sont les pistes de lecture que nous donne cette série pour analyser la production

antérieure de Botero ?

5. La représentation de la violence d’Etat dans l’art

De nombreux critiques ont comparé la série Abu Ghraib avec des œuvres majeures comme Los

desastres de la guerra de Goya (1810-1815) et Guernica de Picasso (1937).

- Comment Goya et Picasso dénoncent les violences de la guerre ?

- Quels sont les éléments que l’on retrouve chez ces deux artistes et chez Botero ?

- Se détachent-ils également de la réalité pour donner une amplitude à leur récit ?

Pour aller plus loin dans la réflexion : Jean-marie Lassus, « Les représentations esthétiques de la

iolence dans l’œuvre de Fernando Botero », 2010

(https://journals.openedition.org/amerika/1459?lang=en)

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GLOSSAIRE BOTEROMORPHISME

Morphe a pour étymologie le mot grec morpha qui signifie forme. Ici il s’agit d’un mot crée pour

qualifier les formes ou le style tout en rondeur appliqué aux objets et aux figures par l’artiste Botero.

CORRIDA

La corrida (en espagnol, « corrida de toros », « course de taureaux ») est une forme de course de

taureaux consistant en un combat entre un homme et un taureau, à l’issue duquel le taureau est mis

à mort ou, exceptionnellement, gracié (indulto). Elle est pratiquée essentiellement en Espagne, au

Portugal, dans le Midi de la France et dans certains États d’Amérique latine (Mexique, Pérou, Colombie,

Venezuela, Équateur et Bolivie).

MATADOR

Le matador est le personnage central de la corrida. Torero principal et chef de la cuadrilla, c’est lui qui

est chargé de mettre à mort le taureau.

NATURE MORTE

Une nature morte est une peinture ou photographie représentant des objets (comme des fruits, des

fleurs, des vases, etc.) ou des animaux inanimés. C’est un des genres ou thèmes de peinture

traditionnels, comme il y a aussi le portrait, le nu, le paysage ou la peinture religieuse.

TAUROMACHIE

La tauromachie (du grec tauros, « taureau » et makheia, « combat ») est l’art d’affronter le taureau,

soit lors de combats à l’issue desquels le taureau est mis à mort, soit lors de jeux, sportifs ou

burlesques.

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INFOS PRATIQUES FERNANDO BOTERO. AU-DELA DES FORMES DU 09 OCTOBRE 2021 AU 30 JANVIER 2021

BAM – Beaux-Arts de Mons

Rue Neuve 8 – 7000 Mons

Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h

Tarifs

Tarif plein : 9€

Tarif réduit (seniors, étudiants, …) : 6€

Tarif enfant : 2€ | Tarif famille : 3€

Infos et réservations

VisitMons : 065/33.55.80 ou www.visitmons.be

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