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REVLE
ARCHOLOGIQUExo il r m:m.m. B s je r m e
Juillet Dcembre 1863.
VIII
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PARIS. IMPRIMERIE DE PILLET FILS AN5^ RUE DES GRANDS-AUGUSTINS.
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REVUE
ARCHOLOGiaiJEou RECUEIL
DE DOCUMENTS ET DE MEMOIRESRE /.AT IFS
\ L'TIDE DES MOMIMKMS, A LA MHlSMATIQl ET A LA PHILOLOGIE
DE l'antiquit et DU MOYEN AGE
PUBLIS PAR LES PRINCIPAUX A R C H K OI.OG U E SFRANAIS ET TRANGERS
el accompagns
DE PLANCHES GRAVES D'aPRS LES MONUMENTS ORIGINAUX
NOUVELLE SERIEOUATRIME ANNE. - HUITIME VOLUME
PARISAUX BUREAUX DE LA REVUE ARCHOLOGIQVE
LIBRAIRIE ACADMIQUE DIDIER rt CeQUAI DES AUGUSTINS, 35.
1863Tous droits rservs.
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BIJOUX PHNICIENSTROUVS DANS LA NCROPOLE DE CAMIROS
(le de RHODES [IJ)
A deux reprises diffrentes nous avons signal dans la Revue les fouillesqui se font Caniiros sous l'habile direction de M. Salzmann. Nous avonsmme dj donn nos abonns une planche reprsentant une des figu-rines provenant de Camiros et dont le type original montrait, sous un deses aspects les plus curieux, la ncropole antique. JNous sommes heureuxde pouvoir offrir, aujourd'hui, la reproduction trs-exacte et .trs-habi-lement excute par M. Gaucherel, de deux magnifiques bijoux aussitonnants par la perfection du travail que par le mlange de styles qui s'yreconnat. Ces bijoux, comme on peut le voir, sont comparables aux plusbeaux bijoux trusques, et semblent avoir t travaills l'aide desmmes procds. D'un autre ct, les figures et les ornements sontentirement asiatiques, et les poteries trouves dans la mme tombesemblent faire remonter l'ensevelissement au vn ou vm^ sicle avantJsus-Christ. C'est l certainement une dcouverte de la plus haute impor-tance. Kous laissons la parole M. Salzmann.
A. Bertrand.
Ces bijoux proviennent de la partie la plus ancienne de Ja Ncro-pole; de la zone la plus rapproche de la colline sur laquelle taitsitue la cit de Camiros. Ils appartiennent topographiquement la priode phnicienne; leur style, leur caractre, leur excutionconfiiinent cette origine.
Les diffrents objets trouvs dans la mme chambre spulci\Tleavaient t briss par la chute du plafond : nanmoins, il m'a t
(1) Ces bijoux appartiennent au muse du Louvre.
VIII. Juillet
.
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a REVU F, ARCHEOLOGIQUI.
possible d'en reconstituer une partie; ils sont identiques ceux
trouvs dans les tombes voisines.
Parmi ces dernires il en est une trouve intacte. Les objets quien proviennent forment eux seuls une petite collection, dposeaujourd'bui au muse du Louvre, dont l'lude oire le plus grandintrt. Elle est remarquable surtout par la grande varit desproduits de l'art cramique, qui, si on ne connaissait pas leur unitde provenance, sembleraient ne pas avoir une origine commune, et
laisseraient croire qu'ils appartiennent difrenfes poques.
En effet, nous avons lieu d'tre tonns de trouver runis dans unmme tombeau des objets en terre brute, d'une conception barbare,d'une excution enfantine; des vases et des plats en terre blanchedcors de sujets et d'ornements d'un caractre asiatique incon-testable; des coupes en terre noire de diffrents styles; des lloles
en terre maille, de travail assyrien; des objets en porcelaine bleued'origine gyptienne; puis, dpos sur une petite coupe, du mineraid'antimoine; enfin un scarabe portant le cartouche de Khoufou.
Je suis loin de me baser sur cette dernire particularit pourassigner une date aux diffrents objets trouvs dans cette partie dela ncropole; je crois cependant tre dans le vrai et rester dans leslimites du probable, en les faisant remonter au viii^ sicle avantl're chrtienne.
Les bijoux reproduits parnotre planche rsument les observationsque j'ai faites au sujet de la diversit des lments que l'on retrouvedans les productions artistiques de cette poque et de cette ori-gine.
Avant de passer un examen dtaill de ces remarquables sp-cimens de l'art phnicien, disons quelques mots des procds em-ploys pour leur excution. Ils sont en or fin : les parties planes sontformes de deux plaques battues au marteau et soudes l'une hl'autre parles bords. Cerlains ornemenlsde la plaque suprieure fontcorps avec elle et sont excuts au repouss; d'aulres y sont soudsaprs avoir t travaills isolment; de plus, les surfaces unies sontcouvertes d'ornements en filigrane et en granules. Toutes les sou-dures sont faites l'or fin.
Pour consolider cet ensemble, on a soud derrire les plaquesinfrieures des fragments et des fils d'or d'une paisseur ou d'undiamtre suffisant pour soutenir les plaques et les empcher deployer sous la moindre pression.
Ces deux bijoux ne sont pas comme un certain nombre de ceux
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BIJOUX PHENICIENS TIIOUVKS A CAMIROS. 3
que nous avons dj. trouvs, des bijoux Tunraires. Ils ont t por-ts, retenus aux vtements par un crochet qui se voit leur partiesuprieure. La plus importante de ces deux pendeloques se composed'une plaque carre orne de trois rosettes semblabUs celles qui setrouvent dissmines en assez grand nombre dans certains tombeaux,et que je crois avoir t cousues sur les vtements, comme l'attestentdeux petils trous par lesquels passait le fil destin les retenir.Au centre del plaque se trouve, en haut-relief, un lion accroupi,
de style assyrien. Sa crinire est indique par la runion de granulesformant des tlocons. La gueule, les oreilles, le poitrail et les paulessont prciss et accentus par des lignes formes de pelits grains.Cette recherche anatomique devient, pour l'artiste, un motif d'orne-mentalion qui se reproduit sur les deux cts du lion. Devant lelion, et pour ainsi dire entre ses pattes, est fix un oiseau, pro-bablement une hirondelle, en juger par les deux pointes de saqueue, le dveloppement de l'angle form par les articulations desailes, la forme ronde de la tte, et surtout par le bec large et peusaillant (1).
A chacun des angles infrieurs de la plaque on voit une tted'aigle, excute d'aprs le mme systme que le lion, et orne,comme lui, de dessins en granules, mais ayant de plus que ce dernierun caractre asiatique bien prononc. Le galbe du cou, l'il allong,les oreilles pointues, le bec largement ouvert et surtout la houppequi surmonie la tte, lui donnent une parfaite ressemblance avec lapoigne d'un sabre indien.
A la base de la plaque sont trois anneaux auxquels sont fixs, celui du milieu, une fleur de grenadier, aux deux autres une chai-nette d'une extrme dlicatesse de travail.
Chacune d'elles, aprs avoir travers une tte de style gyptien, sesubdivise en trois branches, auxquelles sont suspendues autant degrenades. Deux autres grenades, retenues la hase de chaque tte,compltent ce systme de dcoration.
La deuxime pendeloque se compose de deux plaques, l'une allon-ge, l'autre transversale et place au sommet de la premire. Letout est surmont d'une grande rosette.
La plaque suprieure est orne de deux ttes de style gyptien.L'une, celle de gauche, a les cheveux disposs par tage, l'autre
(1) Parmi les nombreux animaux en terre cuite provenant de la ncropole do Ca-miros se trouve une hirondelle parfaitement semblable celle-ci.
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4 REVUK .viu;Mi:oi,of;iQUE.
porte de longues mches ondes. Ces deux figures n'appartiennentpas l'art hiratique. J'y vois un premier pas fait vers la recherchede la nature. L'ovale du visage est tudi; les difTrcnts plans n'ontrien de heurt et se relient entre eux de manire former un mo-del d'une extrme finesse. Nous ne retrouvons plus ici le grand ilbrid, dmesurment ouvert ou clignotant des figures archaques.Les paupires baisses, la bouche lgrement souriante, donnent ces deux petiles ttes une remarquable expression de grce pudique.
Cette premire plaque repose sur une tte de lion, vue de face, quisemble retenir dans sa gueule la plaque infrieure sur laquelle sedveloppe une figure de femme nue, dont le style compltementarchaque n'a aucun rapport avec celui des tles dcrites plus haut.Le caractre thiopien de cette figure est franchement dtermin parles cheveux crpus, les yeux relevs leur extrmit, le nez lgre-ment pat et la bouche lippue. Des deux cts de cette plaquetombent des chanettes o sont suspendus des fleurs et des fruits dugrenadier; motifs d'ornementation si souvent mentionns dans lestextes sacrs, notamment dans la description du temple de Jru-salem et de son trsor.
Quel symbole, quelle divinit peut reprsenter cette figure defemme nue, vue de face et place sous une tte de lion?
Pour rpondre cette question, je ne saurais mieux faire que detranscrire la note que M. Devria a bien voulu me donner cesujet :
Lorsque vous m'avez fait voir les deux admirables bijoux phni- ciens que vous avez dernirement dcouverts Camiros, j'ai t frapp de la ressemblance qui me semblait exister entre la figure d'une desse nue, debout et de face, qui dcore l'un d'eux, et une divinit d'origine asiatique quelquefois figure sur les monuments gyptiens, ordinairement nue, debout, et toujours de face, ce qui est une particularit bien rare dans l'art pharaonique. A vrai dire,'( cette divinit a des attributs particuliers dans les sculptures gyp- tiennes : elle tient dans ses mains des serpents et d'autres animaux
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BIJOUX PHENICIENS THOUVES A CAMIRUS. o
Quoi (ju'il en soit, la divinit en question est appele Ken (o?m suivant M. Prisse), ou plutt Kes' ou Kous'- (comme le nom de Kous' l'Ethiopie), sur un monunieni, mais sur tous les autres elleX est nomme Oades' (ou Ates' ou Sates\ suivant M. de Uoug). Elle est figure:
1 Sur trois stles du Muse britannique (Birch); 2 Sur une stle du muse du Louvre (dcri le par M. de Roug); 3 Sur une stle du muse de Turin (galement dcrite par
M. de Roug dans sa lettre M. Lajard). Voil tous les renseignements que je trouve dans mes notes sur
cette curieuse divinit, dont l'histoire et le rle mythologique sont encore si peu connus...
Je partage compltement la rserve et la prudence de M. Devria,et suis loin de vouloir tablir une identit certaine entre les deuxdivinits dont il est question ici. Cependant, je dois insister surcette particularit : la figure reprsente sur notre bijou a le typethiopien parfaitement caractris, et nous constatons, d'autre part,qu'elle a beaucoup d'analogie avec une divinit figure quelquefoissur des monuments gyptiens et appele Kes' ou Kous', qui est lenom de l'Ethiopie.
Esprons que d'autres dcouvertes nous permettront d'arriverbientt la solution de celte intressante question mythologique.
Ces deux bijoux sont, je crois, les premires reprsentations figu-res que nous connaissions, prsentant un ensemble complet d'unart dont nous avions l'intuition, mais que rien encore n'tait venuaffirmer : l'art phnicien.
Cet art, comme nous le pensions, n'a rien de tranch, d'individuel.C'est un compos d'lments divers trouvs par les Phniciens chezleurs voisins ou chez les peuples avec lesquels ils taient en relation.
Ces lments, il est vrai, se plient, se transforment entre les mainsdes ouvriers de Tyr et de Sidon : pas assez pour perdre leur carac-tre original, trop cependant pour qu'on puisse refuser ces navi-gateurs, ce peuple commerant, un temprammenl artistique pourla manifestation duquel ils se contentaient d'emprunts.
La ncropole telchine de Camiros met journellement entre mesmains des preuves sur lesquelles je puis baser mon opinion; le mu-se du Louvre me fournit galement un exemple frappant de ce quej'avance; c'est le sarcophage d'Achmoun-Azar. J'ai la conviction qu'ila t conu et excut en Egypte. Le type de la figure sculpte surson couvercle n'a rien de phnicien; il n'a rien de commun avec
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b HKVUE ARGHEOLOGIQUK.
ceux des nombreux masques en terre cuite trouvs Camiros qui,ainsi que les deux petites (tes de l'un de nos bijoux, ont tous unetendance plus ou moins prononce vers l'expression.Dans l'art phnicien nous constatons un esprit d'indpendance qui
permet l'aitiste la libre manifestation de son individualit jusquedans les uvres appartenant Tart religieux. A cette libert d'action,l'Egypte nous oppose les rgles immuables de son art hiratique.Nous les retrouvons rigoureusement observes dans l'ensemble ainsique dans les dtails du sarcophage d'Achmoun-Azar qui, transportd'Egypte en Phnicie pour une destinalion peut-tre incertaine, reutenfin, trace par la main inexprimente d'un ouvrier phnicien,une inscription constatant qu'il renfermait le corps d'un roi desSidonim.
AldLSTE Sai.ZMANN.
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QUELQUES PERSONNAGES
FAMILLE PHARAONIQUEDE LA XXIl" DYNASTIE
La collection d'antiquits gyptiennes du muse de Louvre s'estenrichie depuis peu de deux, monuments qui nous donnent les nomsde quelques membres et allis de la famille d'un roi de la xxir dy-nastie. Ce sont deux sarcophages de hois peint : l'un (1) de formequadrangulaire, presque entier, a t donn au muse vers la fin del'anne dernire, par M. Henry de iMontaut; l'autre (2) n'est que lapartie suprieure d'un cercueil de momie. Ce dernier avait tacquis antrieurement d'une autre personne, et j'ai appris que cesdeux objets avaient fait partie de la collection d'antiquits runie ily a quelques annes par M. Sabatier, alors consul gnral de France Alexandrie.
Les peintures qui ornent ces deux monuments ne sont pas dpour-vues d'intrt, malgr la mdiocrit de leur excution. On yremarque un type d'art tout particulier dont l'tude peut aider classer d'autres monuments du temps de la dynastie bubaslite, c'est--dire du viii" au ix sicle avant notre re. Les lgendes hiro-glyphiques qui les accompagent leur ajoutent une valeur historique,et je m'occuperai d'abord de ces dernires dans ce qu'elles prsententde plus important.
(1) Le manque de place n'a pas encore permis de l'exposer dans les galeries dumuse.
(2) Muse gyptien, salie historique, armoire D.
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UKVUE AUCHKOLOGioUE.
Le sarcophage quadrangulaire porte celle-ci plusieurs fois rpte
l'une manire plus ou moins complte :
^ 1 VM "yI I Jl ) I -g- ^ X % -JF i T 9 T As-ai' nb-pr as Ar-Bst-tiz'-nwu md-t-x'-ru su[tn]-ts
L'Osiris (1), dame noble Ar-Bast-uz'a-niwu, 'justifie, royale fil le
7ib t-t (?)
du seigneur des deux mondes
T'krt
Takelothis,
h'-s-t n- n pr- K-k-t
la grande favorite (2) du Pharaon, K-kii-t.
m-x'-u
justifi;
mu-t-s
sa mre
mt-t-x'ru t-s
justifie, fille
^\n"ilifiHi
nlr mr Amn-h'tp m-x-ru.
du divin ami (3) Amen-hotep, justifi.
M. Henry de Montant possde encore le cercueil intrieur de cettemme momie, celui qui tait enferm dans le sarcophage qu'il aoffert au muse du Louvre; il a bien voulu m'en donner communi-cation et m'autoriser en publier les lgendes, qui fournissent, outre
(1) VOsiris, c'est--dire la dfunte.
(2) Ce titre est rpi5t sous la forme fss-t-d-t dans les lgendes du cercueil int-rieur, que je reproduis plus loin. J'avais d'abord traduit le mot Ii''s-t ou h'ss-t par(( chanteuse en m'appuyant sur le dterminatif (la langue?) qui s'applique ordinai-rement aux actions de la bouche ou de la voix, et sur le copte nos, enneige. Mais jeme suis rang depuis l'opinion de notre savant professeur M. le vicomte de Roug,qui lui reconnat le sens de favorite en le rapprochant des significations, louer,
favoriser, faveur qui sont bien connues dans les expressions drives du mme ra-dical. La lettre n qui se trouve ici place entre les mots h's et , et qui disparat
dans l'autre exemple, peut tre fautive, ou s'expliquer par la forme copte naa,
grand.
(3) Titre sacerdotal de signification douteuse,
-
oli:lql'I':s i'krson.vages d'v^i famili.k piiaraomquk.
quelques variantes, le nom du bisaeul maternel de la princesse. Laplus complte de ces lgendes est ainsi conue :
As-ar nb-pr as-t Ar-Bst-uz'-nicu m-t-x'ru s-t su[tn]L'Osiris, dame noble, Ar-Bast-uz^1-ni^vu, justifie, fille royale
""33355^
( - Jl ^ Ijnb t-ti T'krt m-x'-ru mu-t-s
du seigneur des deux mondes Takelolhis justifi; sa mre,
h'ss-t d-t npr-cl K-k-t m-x'-ru t-s ntr mr
la grande favorite du pharaon K;i-k-t, justifie, fille du divin ami,
w ro (?) np m Ap-t-u Amn-h'pt m-x'ru saouvrant la porte du ciel dans Thbes(l), Amen-hotep, justifi, lils
JI
Bu-m-V-hr (2), m-x'-ru.de Boumt'ah'er, justifi.
Le sarcophage quadrangulaire nous apporte aussi la variante
LJ Ll m K-t-k-t pour le nom de la mre de la princesse Ar-Bast-
uz'-niwu, et cette dernire n'est pas mentionne parmi les prin-cesses de la xxii" dynastie dans le Knigsbuch de Lepsius; son nomn'a t trouv jusqu'ici, je crois, que dans les lgendes encore in-
fl) Titre sacerdotal qu'on retrouve avec plusieurs autres, ports par un person-nage du mme nom sur les cercueils nos 793 et 794 de la Bibliotlique impriale.
(2) Ce nom n'est pas gyptien; c'est peut-tre une variante du vocable hbreu7riDI avec l'introduction d'un t' euphonique ou bien un compos du mot nDS
(pi. riiD3) locusexcelsus,arx, et de ^D'^ 77iundu.s, pwus fuit ; cependant, le brasarm, qui est dterminatif, semble indiquer l'expression d'une action.
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10 RKVUK ARCHOLOGIQUE.
dites de l'autre cercueil, celui dont le muse a fait acquisition. Ellesdonnent en elTet la gnalogie de quelques personnages de la mmefamille, dans une colonne verticale d'Iuroglyphes, place au milieudu couvercle, o on lit la formule habiluelle des monument:^ fun-raires : Proscynme Osiris qui rside dans la rgion occidentale dieu grand, seigneur d'Abydos : qu'il donne une spulture parfaitef dans le lieu funbre au
ntr-h'-n Amn P-ma sa ntrhii Amn prophte (1) d'Ammon, P-ma (2), fils du prophte d'Ammon,
mr-nu z'- P-x'l sa ntr-Irn 3-wm toparque, fonctionnaire, P-khl (3), fils du 3' prophte
Amn mr-nu z'a P-ma ms nb-pr d'Ammon, toparque, fonctionnaire, P-ma (4), enfant de la dame
^v ir:
t:ii^JI-^Ar-Bst-uz'-nwi su[tn]-t s-t nnht-tC^)
Ar-Bast-nz'-niwu, royale fille du seigneur des deux mondes
mmT'krta m-x'ru.
Takelothis, justifi.
(1) Je conserve provisoiremeut l'expression prophte parce qu'elle est gnra-lement adopte, bien que rien n'en prouve l'exactitude. M. Wl. Brunet de Presle m'afait observer que le mot hirodule serait une traduction bien plus littrale du groupegyptien Neter-h'-en.
(2) Litt., Le Chat.
(3) Litt., Le Sjrien. Ce nom se retrouve sur une stle du Srapum, port parun prtre, fils du prtre Osorkon, et dans plusieurs autres textes.
(4) C'est, suivant la coutume, le nom du grand-pre donn au petit-fils. La va-riante de l'article p=^p est trs-ordinaire et ne cliange en rien la signification quiest toujours Le Chat.
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OUKLQUES l'KRSONNAGES d'uNK FAMILLK l'IlAUAOMQUE. 11
Il est important de chercher auquel des deux Takelothis de la
xxir dynastie peuvent se rapporter les cartouches que contiennent
ces lgendes.Les raisons suivantes me font penser que c'est au second roi de ce
nom : 1 T.ikelothis I" n'eut qu'un rgne de trs-courte dure, et
cons(|uemment il y a plus de probabilit pour l'autre; mais c'est unargument dont je reconnais la faiblesse et que j'abandonne volon-
tiers; 2 Takelothis II eut une fille appele * )k i V xK ^^^T-ma-t, La chatte, et cette princesse a fort bien pu tre proche
parente du prophte d'Ammon ^J^ Q I '^, P-ma, Le chai ;
3 Ces noms P-ma et T-ma Le chat et La chatte " se ren-contrent le plus frquemment sur les monuments de la fin de la
xxir dynastie, poque laquelle ils paraissent avoir t parti-
culirement de mode (2), et le deuxime successeur de Takelo-
this II s'appela lui-mme P-mai Le chat, ainsi que nous l'ont
rvl les monuments du Srapum de Memphis. Tout porte donc
croire que c'est Takelothis II qui est mentionn dans les lgendes de
nos deux sarcophages, et qu'il fut le pre de la princesse Ar-Bast -
uz'--niwu. On trouve son nom rpt aussi sous la forme f ^ "" 1
T'kerrot, dans les lgendes du sarcophage quadrangulaire.
Nous pouvons l'aide des deux premiers documents tablir avec
certitude la parent suivante :
Bumat'ah'er
I
Le prtre Amen-h'otep
I
Le roi Takelothis La grande favorite K-t-k-t.
1
La princesse Ar-Bast-uz'-niwu-
Mais j'prouve une certaine difficult me rendre compte de l'ar-rangement gnalogique de la lgende du dernier cercueil dunt j'ai
parl ; le doute porte sur le personnage auquel est relatif le mot M] I ms
(1) Lepsiiis, Knigshuch, taf. xlvj, n 608.(2; M. Brugsch remarque que le chat, ou plutt \n chatte, tait l'animal sacr de
la forme de Pacht adore Bubastis, et que cela explique l'emploi de ce nom dans la
dynastie et les familles originaires de cette ville. [Hist, d'Eg.^ I, p. 235.)
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12 HKVUK ARGHKOLOGIQUK.
enfant de . Est-ce au premier P-ma nomm, ou audeuxime, qui est le grand-pre du premier? La question est d-
licate, puisque c'est ce mot qui expiime le lien de parent existant entre
la famille royale et celle des prophtes ou hirodules d'Ammon.
S'il se rapporte au premier, la princesse Ar-Bast-uz'a-niwu est sa
mre et l'pouse du prophte ou hirodule P-khal. C'est ce qui mesemble le plus probable. Cela me parat mme prouv par lagnalogie d'une autre momie, dont le sarcophage, provenant de la
mme colleclion, appartient aussi M. H. de Montant. Cette momietait peut-tre celle dune autre personne de la mme famille; elleprsente une gnalogie dispose de mme et on a employ les signes
^^ mu-t-s sa mre (la mre d'elle, de la dfunte), au lieu du
mol mes enfante de , pour viter toute confusion, aprs l'nu-
mration des trois gnrations paternelles. Voici ce qu'on y lit :
La dame noble, assistante cVAmmon-B, T-s'ep-en-x'-onsu (1), sur-nomme Dun-s', justifie, fille du purificateur d'Ammon, Auu,justifi, fils d'Har-si-as (Arsisis), justifi, fils du prophte d'Ammon,toparque et fonctionnaire, Auu'i, justifi, sa mre (la mre d'elle)As (Isis), justifie, fille de ...Har-en-h'eq, justifi.
Un fragment de sarcoph.ige dcouvert Abd-el-Qurnah, et attribu la xwur dynastie (2), porte aussi dans ses lgendes hirogly-
phiques le nom d'une princesse nomme Ar-Basf-ouz'a-nwu, laquelleest en i-apport de parent avec les rois Amen-rudet Pewribast(Amyr-
te et Pausiris de Manthon suivant M. Lepsius). Les premiers signestant dtruits, on dchiffre seulement ce qui suit, sur ce fragment
dans Tlat acuiel :
u [Pet-Amen]-neb-nes-l-l, justifi, enfant de ...b...li',
royale lillc du seigneur des deux mondes Pew--bast, justifi; sa(( mre (la mre d'elle), la dame noble, royale fille du seigneur des deux mondes Araen-rud, justifi, Ar-Bast-uz'-niwu, justifie.
Si cette lgende est correcte, il est certain que cette princesse
Ar-Bast-uz\i-niwu, fille du roi Amen-iud, ne peut pas tre la mme
(1) Un fragment de stle de bois peint conserv au muse de Turin et publi par
ChampoUion donne la lgende suivante : t', justifi, royal fils {du roi) T'krl'
{Takelothis)\ su mre T-s'-ep. Ce dernier nom peut tre une abrviation de celui de
-s'ep-en-Klionsu, m;iis rien ne l'tablit d'une manire certaine. C'est dans tous les
cas, d'aprs M. Lepsius, celui d'une pouse de Takelothis II, bien que ce nom ne soit
prcd d'aucun titre royal.
(2) Lepsius, Denkmaekr, Abtli. III, bl. 284, a; Knig^ljuch, taf. XLIX, n' GC2-
G66,
-
QUELQUES PERSd.N'NAC.ES d'uNE FAMILLE l'IlARAONIOUE. 13
que celle qui est dsigne sur les sarcophages du Louvre comme fille
durci Takelothis; mais il rsulte de la savante tude que M. le vi-
comte de Boug vient de faire de la stle historique dcouverte au
mont Barkal par M. Marietle (1), que le roi Pewbasl doit tre
contemporain des derniers souverains de la xxif dynastie (2). Ces
deux princesses du mme nom et portant le mme titre de damenoble T> auraient donc vcu vers la mme poque.
Revenons maintenant K-t-k-t, tille du prtre Amen-h'olep, qui
sans tre reine est mre de la princesse Ar-Bast-uz'-niwu, fille du
roi Takelothis; la qualilicalion de grande favorite (3) du pharaon
qui lui est applique, doit certainement nous amener la considrer
comme une de ces IlaXXaxiSe ou concubines des rois gyptiens dontManthon fait mention (4), et qu'on peut comparer aux esclaves des
harems de l'Orient moderne.
On ne connatrait, il est vrai, aucune mention hiroglyphique des
palladdes royales, si elles avaient t dsignes par le mme groupeque les femmes qu'on appelle gnralement les palladdes d'Ain-
mon; mais le grand papyrus judiciaire du muse de Turin, dontje publierai prochainement la traduction entire, m'a conduit
croire que le terme ^ x'nt-u (recluses ?) leur tait plutt appli-^ III
que, et la prcieuse stle du mont Barkal, que j'ai dj cite, ne laisse
subsister aucun doute cet gard, ainsi que le prouve l'interpr-
tation de M. de Boug.L'existence des harems pharaoniques, au moins partir de la
xix dynastie, est mise hors de doute par les listes connues des
princes et princesses du sang, qui, pour certains rois, mentionnent
plus de cent enfants, ce qui suppose naturellement un grand nombre
de femmes, bien que les inscriptions ne donnent que deux ou trois
pouses au plus, aux souverains de l'ancienne Egypte. Ce fait a t
remarqu depuis longtemps, et c'est pour cela que M. de Boug, en
(1 ) Voyez Revue archologique, juin 1863, p. 41/i.
(2) Cet important travail a t lu dans les dernires sances de l'Acadmiedes
inscriptions et belles-lettres, et sera prochainement publi dans la. Revue.
(3) Quand mme on voudrait traduire ce mot par chanteuse comme je ravaisfait d' ord, on arriverait aux mmes conclusions, car les chanteuses, les musiciennes
et les danseuses ont figur de tout temps dans les harems.
(Zi) Josphe contre Apion, cap. 15 : o-jxotgv |v 5),Qv 'Ap!J.alv TTpoTiov r?,; Aly-7iT0uxaT.ty.iv Trepierixv ?ou-7av, [xvov Sy)svETEXaxo 5'.5-oiia (xt) opsv, \i.rfii t'v paatXoa [j.r;Tpa xs xwv xxvcov oixsv, nyzGHM
t xat xwv ),>,(ov pa^Oixwv iia^.axSwv, x. x. )..
-
i'I RRVUK AnCUKOLOCIOUF..
traduisant les nouveaux fragments de la grande inscription num-rique de Toutms III, n'a pas hsit rendre les expressions un peu
crues du texte :^^^
rj) k -wr- , s-t iir n ar m mr, par les
mots : La fille du chef pour mettre en son In rem. Cela donneraitun exemple encore antrieur de cette polygamie qui, d'ailleurs, n'-tait pas le privilge exclusif des rois.
Diodore de Sicile nous l'apprend en effet: Chez les gyptiens. dit cet historien, les prtres n'pousent qu'une seule femme, mais les autres citoyens peuvent en choisir autant qu'ils veulent. Les
parents sont obligs de nourrii* tous leurs enfants, afin d'augmenter la population qui est regarde comme contribuant le plus la prosprit de l'tat. Aucun enfant n'est rput illgitime, lors mme qu'il est n d'une mre esclave, car, selon la croyance commune, le pre est l'auteur unique de la naissance de l'enfant, auquel la mre n'a fourni que la nourriture et la demeure (1).
Ce texte nous explique aussi comment la fille de la grande favorite
du roi porte le litre des princesses du sang et comment dans leslistes dont je viens de parler tous les enfants nomms reoiventgalement la qualification des princes royaux, car aucune raisonne pouvait faire considrer leur naissance comme illgitime.
En terminant ces lignes, je signalerai seulement les particularitssuivantes, qu'on observe dans les peintures des botes de momie dontnous nous sommes occups : 1" Le sarcophage quadrangulaiie porte
aux quatre angles, sur le couvercle, l'image d'un pervier momifi.
orn du symbole il/enafetaccomprtgn des signes || il
suivis d'un des groupes qui dsignent les quatre points cardinaux,
c'est-c-dire, du ct de la tte, droite, l'occident, b gauche, le nord,
et du ct des pieds, droite, l'orient, gauche, le sud. Cette lgende
se lit : h'r qb n qb, etc., et veut dire : Celui qui est au-dessus de
l'angle, l'angle occidental, mridional, etc. Ces quatre oiseaux
symboliques semblent tre assimils par l'orientation, aux quatre fils
d'Osiris ou gnies funbres, sous la protection desquels taient placs
les quatre vases funraires dits canopes. Ils sont appels de mme ceux qui sont au-dessus des angles dans la lgende mcliale du
sarcophage. On remarque aussi plusieurs formes de l'me de ladfunte : l'oiseau tte humaine, le vanneau, l'hirondelle, ainsi
(1) Diodore de Sicile, I. 80, traduction de M. Ferd. Hoefer.
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nUELQUKS PKRSON.WGRS d'uNE FAMII.NR l'ItARAOMQUR. lo
qu'on les voit figurs dans le rituel funraire; plusieurs divinitset des barques divines, enfin au pourtour de la caisse infrieure,divers gnies infernaux et un assez long texte hiroglyphique.
2 Le cercueil intrieur que possde M. do Montant porte, gale-ment sur le couvercle, un extrait hiroglyphique du chapitre 42 durituel, combin avec les figures dcoratives,
3 Sur ces mmes monuments le gnie mset est reprsent sous
une forme /emmine et appel! y Amsef, ce dont je n'ai pasencore not d'autres exemples.
4 Enfin la peinture du fond du sarcophage de la dame noble,assistante d'Ammon-R, Ta-s'epen-X'onsu, prsente l'intrieurune personnification aile du ciel infrieur, entoure d'un grandserpent h tte humaine, dont la queue se termine en tte d'oiseau.Les lgendes qui l'accompagnent indiquent que le ciel infrieurreoit la dfunte dans ses bras et que l se trouve la rgion Mystiquedu Nid, qui est mentionne au premier chapitre du Todtenbuch,colonne 3. C'est dans cette rgion que s'opre l'inculjation divinedont le rsultat est la rsurrection d'Osiris comme celle de tout mortjustifi.
T. Devria.
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UNE DCOUVERTE A ATHNES
LE TOMBEAU D'AGATHONPRES DE LA PORTE DIPYLK
A la sortie d'Athnes, vers l'endroit o la rue d'Herms, en seprolongeant, donne naissance h deux roules, dont l'une mne auPii'e, tandis que l'autre conduit Eleusis, s'lve une colline sur-monte d'une glise grecque consacre la Trinit et appele dansla langue du pays Haghia Triadha. Cet emplacement est celui del'ancienne porte Dipyle, ainsi nomme parce qu'elle tait place larencontre des deux voies antiques, la voie Piraque et la voie sacred'Eleusis.
Le terlre qui supporte l'glise d'Baghia Triadha n'avait jamais tfouill. Protg par la prsence de l'difice sacr, il avait jusqu'prsent drob tous les yeux les trsors archologiques qu'il rece-lait dans son sein et qu'un coup de pioche heureux vient de mettre dcouvert. Sous cet amas de terres boules, trois monuments an-tiques ont apparu aux regards des Athniens surpris et charms. De-puis huit jours, la foule afflue en cet endroit; la curiosit est de-meure, en Grce, un des traits imprissables du gnie national.
Ces monuments, placs sur une seule ligne, sont en place, pres-que intacts encore, et marquent sans doute la direction prcise del'ancienne voie sacre. Ce sont trois tombeaux, appartenant unemme famille. Tous trois sont intressants pour l'histoire de l'art, etleur position peut devenir une indication utile pour la future topo-graphie d'Athnes. Il ne faut donc pas regretter les circonstancesqui, anciennement dj, ont enseveli sous des flots de sable et depoussire ces restes prcieux, puisque c'est l sans doute ce qui lesa prservs de l'action du temps et des outrages des hommes.
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LR TOMBEAU d'aGATHON. 17
Le monument du milieu est une grande stle, haute de quatremtres, peu large, surmonte d'un acrotre dont le travail lgantappartient l'poque purement hellnique, et fixe dans une baserectangulaire qui sert de socle au monument. Comme la plupart des"slles grecques, elle est orne de a-osaces, au-dessous desquelles selit l'inscription suivante :
A r A NATAeOKAEO Y5:HPAKAEQTH2SiillIKPATHlA r A K A E O T ^HPAKAEQTH2
'Ay^iOoiv AyaOoxXou 'l\.0Lxktn-f\
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18 REVUE ARCHOLOGIQUE.
une forme tout fait insolite. Quant 'RpaxT^suoT-/)- , avec la dipli-thongue El, c'est l'ancien ethnique qu'on trouve dans les inscrip-tions antrieures l'arcliontat d'Euclide (1). Cette ancienne formeest cite par Etienne de Byzance (2). Les textes de Thucydide, deXnophon, de Platon, prsentent gnralement la nouvelle orthogra-phe, 'HpaxXstoTYi. La confusion faite ici par le lapicide entre lesdeux formes prouve que l'inscription remonte assez haut, et que lesmonuments eux-mmes sont purement grecs.
Cet dicule est consacr particulirement l'un des deux frresdont la stle voisine confond le souvenir. Que renfermait ce petitmonument? Il est difficile de le dire aujourd'hui. Ferm sur troiscts et ouvert de face, il fait penser la cella d'un temple. Dans laplaque en marbre de l'hymette qui reprsente le mur du fond, onremarque un Irou de scellement, ce qui implique la prsence d'unobjet aujourd'hui disparu. C'tait peut-tre une lampe de bronze ouquelque autic offrande funraire anciennement fixe en cet endroit.Mais voici qui mrite d'exciter au plus haut degr l'intrt des ar-chologues. Des traces de peinture c l'encaustique se voient encoresur diverses parties de cet difice. A l'intrieur, le haut du monu-ment prsente, non-seulement des vestiges de couleurs, mais despeintures bien conserves, figurant des caissons de formes diverses,disposs de manire produire un effet de perspective tout faitparticulier. De larges bandes jaunes, formant des carreaux rgu-liers, drobent la vue une partie de ces caissons, qui paraissentainsi rejets dans l'loignement, de telle faon que chacun d'eux nemontre que le quart de sa surface. Les couleurs sont vives encore,et il est souhaiter que le pinceau d'un artiste reproduise exacte-ment ces frles images, avant que le contact prolong de l'air n'enait altr la fracheur. Le mur du fond parait avoir t peint aussi.On y aperoit des traces de draperies flottantes, rouges et violettes,sans que l'il toutefois en puisse distinguer nettement les contours.Les ornements de la corniche offrent galement des vestiges de pein-ture. Preuve nouvelle du grand rle que jouait la couleur dans l'ar-chitecture antique ! Les Grecs ne sparaient pas dans leurs uvresces deux choses que la nature a runies dans les siennes : la couleuret la forme.
Le troisime monument, situ gauche des deux prcdenls, estun bas-relief encadr dans deux antes et surmont d'un fronton; ce
(1) Voir un exemple dans Rhangab, Antiquits hellniques, t. I", n 260,(2) S. V. 'HpaxXsta.
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LK TOMBEAU d'aGATHON. 19
bas-relief, comme la stle, est en marbre pentlique. Au-dessous dufronton, on lit l'inscription suivante :
KOPAAAIONArA0NOi:rYNH
KopaXXiov 'AyaOoJVo yuvvi
Carallion^ femme (TAgathon.
Le bas-relief reprsente quatre personnages, dont deux sur le de-vant, presque en ronde bosse, et deux autres l'arrire-plan. Lesdeux personnages du devant sont une femme assise et un hommedebout qui lui tend la main. Les deux personnnges du fomJ sont unhomme vu de face et une femme vue de profil ; le relief de ces deuxdernires figures est peine sensible. L'excution, sans se faire re-marquer par le fini ou la dlicatesse, annonce un got sain et debons principes.
La femme assise reprsente, selon l'habitude, la dfunte en l'hon-neur de qui est rig le monument : c'est KopaXXiov, nom neutre,qui signifie corail^ et dans lequel il faut voir sans doute une allusionflatteuse la couleur clatante des lvres, qui est un des attributs dela beaut. On voit par cet exemple que ce n'taient pas les courtisanesseules qui portaient ces sortes de noms, dont l'emploi semble an-noncer un mlange de ddain et de galanterie; on les donnait mmeaux femmes de condition libre, et l'pigrapliie grecque en offre denombreux exemples. L'homme qui, dbout, tend la main Goral-lion pour le dernier adieu, est sans doute Agathon, son poux. Onpeut supposer que l'un des deux personnages du fond est Sosicrate
,
frre d'Agalhon. Quant la jeune femme vue de profil qui apparatderrire la morte, nous ne savons qui elle est. Son nom nous etpeut-tre t rvl par un quatrime monument dont l'emplace-ment a t trouv ces jours-ci, gauche des trois prcdents; mal-heureusement, le monument est dtruit, et la base seule en subsisteencore.
Que sont devenues les tombes dont ces inscriptions taient desti-nes signaler la prsence? Ce problme n'est pas rsolu. Cepen-dant tout porte croire qu'elles existent sous les monuments eux-mmes, et qu'elles n'ont pas t violes. Si on entreprend d'y pn-trer, on y trouvera sans doute des objets curieux, peut-tre mmeprcieux.
Plusieurs consquences peuvent tre tires de cette dcouverte.
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20 REVUE ARCHOLOGIQUE.
La premire, c'est que les vieilles glises byzantines ne doivent pastre ddaignes. Elles marquent presque toujours des emplacementsque le paganisme avait consacrs, et sont un indice peu prs as-sur de la prsence de restes antiques dans le voisinage.
La seconde , c'est qu' Athnes on peut esprer beaucoup encorede fouilles excutes une certaine profondeur. Il serait utile depoursuive ces fouilles dans la direction de l'ancienne acadmie, oelles rencontreraient moins d'obstacles que dans la ville mme.
La troisime, c'est que les Grecs, comme les Romains, alignaientles tombeaux dans le voisinage des grandes avenues, surtout l'en-tre des villes. De l les frquents appels adresss par les inscrip-tions funraires au promeneur qui passe, pour obtenir de lui , en fa-veur du mort, un dernier souvenir et un dernier adieu.
Enfin, la cause de la peinture architecturale, gagne dj par lestravaux d'habiles artistes et de savants antiquaires, sera redevable
d'un argument nouveau la dcouverte du monument peint quiconstitue le principal intrt de ces fouilles, et dont l'exauien est fait
pour convaincre les yeux mme les plus incrdules.
Carle Wescher,Membre de l'cole franaise d'Athnes.
Au moment de mettre sous presse, nous recevons les dessins des tom-beaux dont il est question dans cet article. Nous donnerons ces dessinsdans le prochain numro. Deux tombes nouvelles, nous dit M. Wescher,viennent d'tre dcouvertes auprs des quatre autres. {Voir la corres-pondance.) A. B.
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LE CALICE DE CIIELLESOEUVRE DE SAINT LOY
{Analyse d'un Mmoire de M. Grsy.)
Aprs avoir tabli en principe, principe d'ailleurs contestable, quel'art de l'maillerie est un art d'origine septentrionale cidopt de
bonne heure par les Gaulois, et que les dcouvertes modernes sont,
cet gard, d'accord avec les lexles anciens, M. Grsy constate que si
l'on possdeen Angleterre et en France beaucoup d'maux antrieursau cinquime sicle, les maux d'une date postrieure sont excessi-vement rares. Jusqu'ici l'on ne pouvait, en effet, produire aucun bijoumaill du vi au ix'' sicle, et ceux mme des ix
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22 REVUE ARCHOLOGIQUE.
ventaires de l'abbaye, dont les copies, refaites au xvii'' sicle, sont en-core aujourd'hui conserves la bibliothque du grand sminaire deMeaux. On mentionne dans le premier, au milieu d'autres reliques, le chef de saint loy : un calice fait par saint loy ; dans un autre, le chef de saint loy: un calice fait par le saint voque. On sait, eneffet, que la reine Bathilde, pouse de Clovis II, avait un attachementparticulier pour saint loy
.
Sainl-Ouen nous la montre assislanl ploreaux obsques de son directeur spirituel etvouiantfaire transporter soncorps Chelles, et tous les anciens historiens sont d'accord sur cefait qu'elle y fit transporter le chef du saint auquel tait joint uncalice d'or. Une histoire manuscrite de 1684 dit: La Reine Ba-thilde emporta son calice d'or qui tait enrichi de pierreries et lemit Chelles o on le voit encore aujourd'huy. Andr du Saussayvit ce calice en 1651 et en fit faire sous ses yeux un dessin de gran-deur naturelle pour le publier dans sa Panoplia sacerdotis, ouvragetrs-rare, mais dont la Bibliothque de l'Arsenal possde heureuse-ment un exemplaire. C'est tout ce qui nous reste aujourd'hui de ceprcieux monument qui, le 23 juin 1792, fut envoy la Monnaie ety fut fondu, comme l'atteste un procs-verbal authentique signalantcomme remis par l'abbesse un calice d'or venant des reliquaires ettant de saint loy. Or, ce calice, dont on ne peut mettre en doute laprovenance et que tout prouve avoir bien t l'uvre de saint loy,tait mail l, comme on va le voir.
Et d'abord que nous a dit du Saussay qui l'a fait dessiner, qui l'apubli et dcrit avec le plus grand soin (1) : Calix aureus S. Eligii(ab ipso confectus nam ante prsulatam aurifaber erat perilissimus)in monasleri Kalensis prope Luteliam sacrario servatur mihique apaucis diebus traditus visendus et contrectandus hujus est magnitu-dinis qu3e heminam minorem exaequat. Totus vero aureus et lapil-lis preciusis per circuitum labri a dextra decoratus, encaustoqueartificiose eliquato infusoque coruscans. Peut-on dire plus claire-ment qu'il tait maill? Mais ce n'est pas tout. Dom Martne etl'abb Lebuf qui avaient vu ce calice, affirment tous les deux quela coupe en tait d'or maill. On nous fit voir Chelles le calicede saint loy, dont la coupe est d'or maill i elle a prs d'un demi-pied de profondeur (2) et presqu'autant de diamtre; le pied est beau-coup plus petit (3). Qui pouvait tre plus comptent en pareille
(1) Cfr. liv. V de Stola sacra, p. 87.(2) Voyacje littraire, i. VI, p. 42, 1755.(3J Ces dimensions considrables sont une preuve de l'poque recule laquelle
appartient le monument.
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LE GALICE DE CHELLES. 23
matire que Dom Martne et l'abb Lebuf, dont la vie se passait visiter et dcrire les trsors des glises, des abbayes et les plus
riches muses de l'poque? Il n'est gure probable, dit M. Grsy,qu'ils aient pu confondre des incrustations de verroteries k froidavec des maux couls, lorsqu'un sicle avant, le pre Chiftlet en avaitsu faire la distinction dans la description du tombeau de Chilpric Tournay. Nous avons donc dj bien des raisons de croire que cecalice tait maill.
L'tude du dessin de du Saussay a rvl M. Grsy d'autrespreuves de ce fait plus concluantes encore. Je laisse parler M. Grsy.
Avant de soumettre l'apprciation des archologues le calquefac-simil de la gravure donne par du Saussay, je dois faire re-marquer que le faire de l'artiste tudi avec un peu d'attention m'arvl une singularit qui en double l'inlrt, c'est que toutes lescouleurs des maux y sont exprimes par la direction donne auxtailles conformment aux rgles de l'art hraldique, ce qui m'a permisd'en restituer l'aspect polychrome aussi fidlement que possible. Sil'on tait tent d'en douter (parce qu'il est tout fait insolite derencontrer ces signes ailleurs que sur des cus armoris), il suffiraitde voir le pointill que le graveur a sem entre les moulures deschatons pour se convaincre que ce travail n'ajoute rien l'effet ni aumodel, que par consquent il a seulement pour but de signaler lesparties d'or qui n'taient pas recouvertes d'mail. La mme inten-tion se rvle dans le soin minutieux avec lequel les tailles ont trgulirement diffrenties sur le nud central pour indiquer unchiquier microscopique o le vert alterne avec le purpurin ; ing-nieuse innovation dont nos archologues modernes feront bien detirer parti pour publier des planches o les couleurs inditiuer n'ex-cdent pas la gamme du blason. Ici le seul oubli de du Saussay estde n'en avoir pas prvenu ses lecteurs.
Cette ingnieuse remarque de notre confrre, qui a vu ses conjec-tures confirmes par l'approbation qu'il a reue des membres de laSocit des Antiquaires les plus autoriss en pareille matire, a, dans
la question qui nous occupe, une trs-grande porte. Elle permet, en
effet, de rtablir les couleurs du calice qui sont le vert, le purpurinet le blanc. Or, il se trouve que ces couleurs, qui conviennent trs-bienaux maux, ne conviendraient nullement des verroteries. M. deLasteyrie a fait remarquer, en effet, que les verroteries vertes sont
d'une excessive raret puisqu'on n'en peut citer qu'un spcimenunique (celui qui se voit sur l'une des couronnes de Guarrazar), etque, quant au blanc mat, les verroteries cloisonnes n'en offrent pas
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24 IIKVUK AUCIIKOLOdlQUK.
un seul exemple. Ces couleurs sont, ou contraire, trs-frquentes surles bijoux maills. Cette dernire preuve nous parat convaincante;il ne nous reste plus qu' donner, d'aprs 31. Grsy, la descriptiondu calice.
Le calice de saint loy prsente la forme hiratique la plus pure,celle que l'on retrouve sur les sigles ou monnaies hbraques, celleque devait affecter le calice du Christ lorsqu'il institua la Cne selonl'opinion de du Saussay dans sa dissertation sur ce sujet. C'est aussitout fait le galbe qu'offre en miniature le calice en bronze dor desaint Ludger, voque de Munster, qui fonda vers 786 l'abbave deVerden.
Son ornementation toute mrovingienne est d'une simplicitgrave et imposante. Pas le moindre dtail qui puisse faire supposerune adjonction l'uvre primitive. Le travail d'mail n'annoncegure un art plus avanc que celui des maux gaulois. D'aprs laforme rectangulaire des cloisons de l'chiquier qui sont toutes tail-les sur le mme patron, il est certain que l'incrustation de masticsou de verroteries froid n'aurait pas prsent plus dediflicults quel'infusion d'maux fondants; mais cette disposition en chiquier oc-cupe une si grande surface sur la coupe, que l'emploi du premierprocd qui aurait exig plus de profondeur dans la taille d'pargne,et t infiniment plus long. On est donc forc de reconnatre qu'iln'y avait pas d'autre procd praticable que celui de l'mail champ-lev. La disposition en chiquier a d'ailleurs t signale sur unedes plus belles fibules gauloises du cabinet des mdailles. M. Mau-rice Ardant (1) Ta vue prcisment avec les mmes couleurs en op-position, blanc et vert, sur un bouton de bronze antique trouv avecune mdaille d'Auguste lors de l'ouverture de l'avenue du Pont-Neuf Limoges. Sur la plaque vangliaire du trsor de Monza, M. deLasteyriea remarqu un mail chiquet de trois traits de la mmemanire.
Les guirlandes de rhombes, disposes en feuilles de fougre,dont l'mail rouge divise verticalement les compartiments prcdents,rappellent pour le dessin et la couleur les incrustations des four-reaux d'pes attribus Childrlc et Thodoric, et paraissent bienexcuts par le mme procd (2), tandis que les filets de perles ci-sels en relief qui se prolongent jusqu' la base goudronne de la
(1) mailleur et maillerie, 1855.(2) Voir les planclics de la belle publication : Recherches sur le lieu de la bataille
d'Attila, pa.r M. Peigu-Delacourt. Paris, 1860, in-A.
- Ll
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CARTE DE LA GAULEEXAMEN DES OBSERVATIONS AUXQUELLES ELLE A DONN LIEU
{Suite.)
Nous voici la question des Ambivarites, sur laquelle le rapport
s'exprime ainsi qu'il suit : Jusqu' prsent on tait assez gnralement d'accord pour placer
les Ambivarites, sinon du ct d'Anvers, dont le nom paraissait, tort ou raison, offrir quelque analogie avec celui de ce peuple, aumoins dans la Taxandrie ou Campine, et on supposait que lesTenctres et les Usipes avaient t vaincus par les Romains dansles plaines de la Gueidre mridionale, La commission de la carte desGaules a interverti cet ordre, et nous montre les lgions de Csarbataillant contre les envahisseurs transrhnans aux environs de Bois-le-Duc, et les Ambivarites habitant au sud de Nimgue. Deux pas-sages de Csar nous semblent en contradiction manifeste avec cettemanire de raisonner. Par le premier (liv. IV, cbap. 6), on voit queles Tenchtres et les Usiptes avaient pouss leurs courses dvasta-trices jusque dans le pays des Condruses; leur arme oprait doncdans le pays situ entre la Meuse et le Rhin. Dans le second passage(liv. IV, chap. 15), les guerriers transrhnans, aprs leur dfaite,sont pousss vers le confluent de la Meuse et du Rhin, c'est--dire,comme l'ont compris presque tous les commentateurs, vers l'endroitoi^i le Wahal unit entre eux les deux fleuves. Si l'on adopte ces pr-misses, on est oblig de placer les Ambivarites l'ouest de la Meuse,puisque, d'aprs Csar, ce fut en traversant ce fleuve qu'un dtache-ment de l'arme qui fut alors vaincue par lui, atteignit le territoiredes Ambivarites, o il porta la dvastation. {L. c, chap. 9.)
Celte argumentation de M. le rapporteur me parat inadmissible.De ce que les Germains auraient pouss leurs courses dvastatrices jus-
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LA GARTK DR L\ GAULE. 2/
que dans le pays des Condriises, il ne s'ensuivrait nullement que leur
arme et opr de prime-abord entre la Meuse et le Rhin, car
on peut parfaitement supposer qu'ils franchirent la Meuse dans
cette circonstance, comme le fit plus tard leur cavalerie lorsqu'elle
alla piller les Ambivarites; et, en second lieu, si ces envahisseurs,
aprs leur dfaite, ont t pousss vers le confluent de la Meuse et du
Rhin, rien ne dit que l'affaire se soit passe dans l'angle suprieur
des deux fleuves plutt qu'en aval de leur connuent. L'hypothse
figure sur la carte n'est donc point en contradiction avec les pas-
sages mentionns. Entre cette hypothse et celle que soutient M. le
rapporteur, il n'y a qu'une question de probabilit plus ou moins
grande: cherchons la rsoudre, sans parti pris, l'aide de tous
les indices que nous fournit l'tude des textes.
Au dbut du quatrime livre des Commentaires, nous apprenons
que la bande des Germains, Tenctres et Usiptes, franchit le Rhin
prs de son embouchure dans la mer, non longe a mari quo Rhenits
mfluit. Un peu plus loin (chap. 4), il est dit que ce passage du fleuve
eut lieu chez les Mnapiens qui en habitaient les deux rives, quas re-giones Menapii incolebant, et ad utramque ripam fliiminis agros,
dificia vicosque habebant. Au chapiti-e 10, Csar interrompt brus-
quement le rcit de ses opralions pour dcrire ainsi le delta du
Rhin : Mosa... parte quadam ex Rheno accepta, qu appellatiir Va-calus, insiilamque efjicit Batavorum, in Oceanum influit, neque Ion-
gius ab Oceano milUbus passuum LXXX in Rhenum influit : Rhenusautem... in plures dfinit partes, multis ingentibiisqne insulis effectis,
quarum pars magna a feris barbarisque nationibus incolitur mul-
tisqiie capitibus in Oceanum influit. En prsence de ce dtail, qui ne
peut pas avoir t jel ainsi au milieu de la narration par une pure
fantaisie de gographe, et en se reportant au passage cit en premier
lieu, non longe a mari, on croira difficilement que les Germains
aient pass le fleuve en dehors du delta, c'est--dire plus de cent
vingt kilomtres de la cte. Mais ce n'est l qu'une conjecture, etd'ailleurs la question importante, qui est de savoir si le point de
passage tait situ en amont ou en aval de la jonction du Rhinavec la Meuse, re;iterait encore indcise. Cette question serait tran-
che si nous savions avec certitude que les Mnapiens taientlimits par la Meuse. Malheureusement Csar n'a rien dit de positif
dans le sens de cette indication, qui ne se trouve que dans des
crits d'une poque postrieure. Plolme place les Mnapiensderrire la Meuse : [j-ex tov Mw-rav -n:oTa[ji.ov, avec Caslelhim (Kessel)
pour principal centre de population, et il donne aux Bataves les
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28 REVUE ARCHEOLOGIQUE
villes de l'Entre-Meuse-et-Rhin jusque vers le point o Unissentles Ambivarites de la carte. Tacile (Hist., liv. IV, cliap. 28), dansce passage concernant la rvolle de Civilis en 69, ille, ut cuique
proximum^ vastari Ubios Treverosque, et aliam manum Mosamamnem transire jubet, ut Menapios et Morinos et extrema GalUarumquatcret, caractrise de la mme manire la position gograpliiquedesMnapiens. Il faut donc, moins de supposer un refoulement desMnapiens, inconnu l'histoire (1), arrter ce peuple la Meuse,et, par suite, fixer sur le bras du Rhin qui contient les eaux dela Meuse runies celles du Wahal, le point par lequel l'migra-tion dont il s'agit pntra sur le territoire gaulois. Mais une objectionse prsente. Le Wahal el la Meuse runis portaient le nom deMeuse, comme nous l'apprend Tacite dans cet autre passage : Adgallicam ripam latior et placidior cifjhiens, verso cognomento Vahalemaccolae diciint^ mox id quoque vocabulum mutt Mosa fiuniine, ejus-que immenso ore eumdem in Oceanum effunditnr (Ann., liv. II,chap. 6); et Pline, par cette description du delta : In Rlienoipso, prope centum m. p. in longitudinem nobilissima Batavorum in-
sula, Canenufatum et ali Frisiorum, Caiichorum, Frisiabonum,Sturiorum, Marsationim, qii sternuntur inter Hlium et Flevum :ila appellantur ostia, in qu effusus Rhenus. ah septentrione /m lacus,ah occidente in amnem Mosam se spargit, medio inter hc ore, mo-dicum nomini suo custodiens alveum {Hist. nat.., liv. IV, chap. 15);et enfin Csar lui-mme lorsqu'il dit (liv. VI, chap. 33) que l'Escautse jet dans la Meuse. Comment donc aurait-il pu dsigner la basseMeuse sous le nom de Rhin? Celte difficult ne me parat pas bienembarrassanle : elle est leve par le texte du chap. 10, liv. IV, quej'ai donn plus haut tel qu'il se trouve dans tous les manuscrits, etsans avoir gard aux prtendues corrections que certains commen-tateurs lui ont fait subir. La plume rapide de l'crivain, entranepar le mouvement de la phrase, verse la Meuse dans TOcan, puiselle se rectifie en faisant couler d'abord la Meuse dans le Rhin, et,
en dfinitive, c'est le Rhin qu'elle jette la mer par toutes lesbouches du delta. Tacite a dit dans le mme sens Mosae fluminis osamnem Rhenum oceano affundit {Hist.., liv. V, chap. 23). Ce fleuve,d'ailleurs, tait connu comme limite de la Gaule du ct de la Ger-manie, et la clart du discours voulait que son nom de Rhin lui ftconserv pour le cas dont il s'agit.
(1) Les Ubiens et les Gugernes ont rempli le vide laiss par lesburons entre leRhin et la Meu^e.
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L\ CARTE DE LA GAULE. 29
Nous allons voir maintenant ce qu'on peut tirer du rcit de lacrmpagne. Les Germains ont pass le fleuve au-dessous et prs duconfluent: c'tait un point stratgique important o ils durent s'in-staller demeure jusqu' ce qu'ils pussent tre nantis, par force ouautrement, d'un territoire proportionn leur nombre. Figurons-nous donc la masse des migrants tablie non loin du fleuve, dansun camp divis en deux parties, une pour cliaque nation ; leurs na-vires rangs sur la rive et bien gards, comme moyen de retraite encas de besoin ; leur front couvert par la cavalerie, qui bat le pays l'entour, fouille les granges et en rapporte des provisions. Bienttarrivent les dputs des Eburons, Condruses et autres Germainscisrbnans, et sans doute aussi des Trvires, qui les invitent hquitter les bords du Rhin pour venir prendre possession des terresqu'ils leur destinent, les mmes peut-rre que les Ubiens occuperont,quelques annes plus tard, entre le Rhin et la Meuse, missas lega-tiones ab nonmilUs civitatibus ad Germanos invitatosqiie eosy uti abRheno discederent, omniaque, qu postulassent, ab se fore parata(chap. 6). La preuve qu'il s'agit en effet des Trvires et de leursclients, c'est que, sur l'invitation faite, les Germains s'avancentdans la direction de ces peuples, Qua spe adducti Germani latinsvagabantur et in fines Ebiironum et Condrusonim, qui siint Treve-roruni clientes, pervenerant (chap. 6). Ce n'est pas l, comme lesuppose M. Wauters, une marche de l'arme des Germains oprantdans le pays entre le Rhin et la Meuse, et se livrant des dvas-tations. L'arme n'aurait pas laiss le reste de la nation la mercides Mnapiens, et ne se serait pas non plus embarrasse de toutecette cohue pour aller courir le pays. Ces peuples barbares, ha-bitus la guerre et aux aventures, savaient mieux conduire leursexpditions. Il ne peut tre question que d'une course de cavaleriedestine reconnatre le territoire propos, et vraisemblablementdirige par le chemin du Mosae trajectus (Maestricht) qui lamenait droit sur les Eburons, et de l chez les Condruses. Si Csarne dit point qu'elle art pass la Meuse, c'est qu'il n'avait aucun be-soin d'entrer dans les dtails d'une excursion entreprise et consom-me avant qu'il ft lui-mme sur les lieux, et dont il n'explique pasmme le but, quoiqu'il le laisse entrevoir. Enfin, je fais observerque les mots uti ab Rheno discederent n'auraient aucun sens si lepoint de passage tait en amont du confluent, puisque, dans ce cas, lamarche des Germains allant vers les Trvires et t parallle aucours du Rhin.
Les choses en taient l, lorsque Csar rassembla son arme qui
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30 REVUE ARCHOLOGIQUi:.
tait encore en cantonnement plus de cent lieues dans l'ouest. Ilpart enfin et arrive, sans incidents, peu de journes de marche desGermains, cum paucorum dierum iter abesset (cliap. 7), ou, en ter-mes plus prcis, la dislance que des hommes monts pouvaientparcourir en un jour et demi au plus, attendu que les envoys ger-mains, qui taient alors avec Csar, demandaient trois jours pouraller rendre compte de leur mission et revenir prs de lui. Jusqu'iciCsar n'a pas dit un mot qui tende faire croire qu'il pousst devantlui les bandes germaniques, et le mme silence rgne cet gard dansla suite de son rcit. Ce n'est pas de cette manire qu'il a racont samarche la suite des Helvtes. Dans la circonstance prsente, il necommunique qu'avec les dputs germains, et, lorsqu'ils le prient desuspendre sa marche, l'expression dont ils se servent, ne propius secastra moveret (chap. 9), est incompatible avec l'ide de mouvementvers un but qui s'loigne. C'est donc avec raison que j'ai suppos lamasse des migrants tablie dans un campement fixe.
L'arme romaine continue nanmoins sa route, et au momento elle n'tait plus spare des Germains que par un espace dedouze milles, les mmes dputs se reprsentent, comme cela taitconvenu. Nouvelles supplications de leur part pour faii'e arrter l'ar-me, qui est force d'avancer encore de quatre milles afin de pouvoircamper prs de l'eau, aquationis causa (ch. 11), circonstance difTi-cile expliquer dans l'hypothse d'une marche entre deux fleuvesaussi rapprochs que la Meuse et le Wahal. Le lendemain au grandjour, aprs s'tre saisi des chefs et des vieillards qui venaient de luitre dputs en grand nombre, et avoir mis ainsi les Germains horsd'tat de faire une bonne dfense, Csar marcha contre le camp, de-vant lequel il dut arriver vers midi. Ce camp fut enlev sans peine,et la foule confuse des femmes, des enfants et des gueriiers sansarmes, pousse et massacre par l'arme romaine, n'eut d'autre res-source que de se jeter dans le fleuve, o la fatigue, la terreur et laforce du courant en firent prir le plus grand nombre. L'arme ro-maine rentra le mme jour dans son propre camp : quelques heuresavaient suffi pour terminer l'affaire, et l'on voit par l combienl'tablissement germain devait tre proche du confluent. Il est pro-bable, du reste, qu'une partie notable des Usiptes et des Tenctresparvint se sauver, quoi qu'en dise Csar : on retrouve, en eflt, cesdeux peuples dans l'histoire du sicle suivant (Tacite, Ann., liv. I,chap. 50 et 51 ; Hist., liv. IV, chap. 37; Germ., chap. 32).
Si les termes dans lesquels Csar nous peint le dernier acte de sonexpdition, semblent, quelques gards, favorables l'hypothse
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LA CARTE DE LA GAULE. 31
d'une impasse comme celle que prsente, en amont, la rencontre duWahal et de la Meuse, on aurait peine comprendre, d'un autrect, que les Germains n'eussent pas fait une plus srieuse rsistancesur un terrain o il leur tait facile de se crer une forteresse inex-pugnable. Mais ce qui, dans cette mme hypothse, serait vritable-ment lrange, c'est que Csar n'et pas su empcher le corps de ca-valerie germaine qui tait all au pillage chez les Ambivarites, placsdans ce cas entre la Meuse et l'Escaut, de se rfugier chez les Sicam-bres. Comment, en effet, cette cavalerie aurait-elle pu chapper lavengeance dont les populations gauloises menaaient les dbris del'migration, supplicia cruciatusque Gallorum veriti^ quorum agrosvexaverant (chap. 15), et franchir deux grands fleuves en prsencede l'arme romaine victorieuse? C'est ce qui s'explique Irs-simple-ment, au contraire, dans l'hypothcsc de la carte, les Ambivaritestant placs sur le Rhin en face des Sicambres. En rsum, je penseque la commission doit laisser les Ambivarites l oi elle les a mis.M. Wauters termine ce paragraphe de son rapport en exprimant le
regret qu'on n'ait pas fait figurer sur la carte les noms de certainestribus, telles que les Oromansaces, voisins de Gessoriacum ou Bou-logne, les Brilanni ou Bretons, les Castologes, les Sucoiies, etc. (V.Pline, Hist. nat., liv. IV. chap. 31). Elles sont, il est vrai , ajouteM. le rapporteur, restes inconnues Csar, mais trs-certainementelles existaient dj de son temps. Yoil une affirmation bien har-die. Est-ce q\ie les Britanni et \esFrisiabones, mentionns aussi dansla liste de Pline, ne peuvent pas tre venus, les premiers, de l'ile deBretagne, les seconds, de l'le du Rhin qui portait leur nom (1) ? Etl'poque qui a suivi les guerres de la conqute, o tant de sang gau-lois a t vers, n'a-t-elle pas vu les vides de la population se rem-plir d'trangers? Le nom d'Oromansaces, donn un pagus desMorins, est-il vritablement ethnique, et n'est-ce pas plutt un deces noms fabriqus, comme il y en a tant, par les gographes, pourcaractriser l'habitation, le costume ou toute autre particularit d'unpeuple? Les Sueconi, ou peut-tre Suexoni, ne seraient-ils pas uncanton dtach des Suessiones de Csar, et soumis d'autres loispendant que le gros de la nation restait libre sous le nom de Sues-siones liberi ? Tous ces doutes me font penser qu'on a fait sagementde rserver les noms dont il s'agit pour une des cartes ultrieures oupour le texte qui l'accompagnera.
(1) Les Britanni de Pline ne sont peut-tre pas autre chose que les marins de laflotte britannique, qui tait en station Gesoriacum, comme le prouvent plusieursinscriptions mentionnant des trirarques de cette flotte et trouves Boulogne.
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2. TouL ce paragraphe, moins cinq lignes sur l'oppidum des
Ubiens, est consacr la ville des Aduatuques qui fut assige par
Csar. Dans l'opinion du savant rapporteur, l'origine commune du
nom d'Aduatuca (ou Tongres) et celui du peuple aduatuque estincontestable; rien de plus naturel que de considrer Aduatuca
comme la ville des Aduatuques, et ceux-ci comme les fondateurs,
les possesseurs d'Aduatuca; si, dans le livre VI des Commentaires,
cette ville est mentionne comme appartenant aux burons, c'estque, deu\ ans plus tt, aprs avoir pris et vendu 53,000 Aduatuques,Csar avait pareillement vendu leur territoire la tribu voisine.
Ni Namur, ni le mont Falliize, au dire de M. Wauters, ne con-
viennent comme emplacement de la forteresse des Aduatuques; d'un
autre ct, il trouve que le site de Falais et la montagne d'Hastedon
se rapportent mdiocrement la description donne par Csar. Il
aurait admis la localit indique par M. Roulez, Montaigne ou Si-
chem; mais son honorable collgue, qui est pourtant si comptent
dans les questions dont nous nous occupons aujourd'hui, aban-donne son ancienne opinion et se dtermine en faveur du mont
Falhize. J'avoue, ajoute-t-il au sujet de cette position, que les
arguments de MM. Creuly et Bertrand ne m'ont pas convaincu: je
ne comprends pas comment Csar aurait pu faire, en quelques jours,
une grande circonvallation dans un pays couvert de rochers; com-
ment il n'aurait pas parl de la Meuse, que cet ouvrage devait tra-
verser ou atteindre en deux endroits diffrents. Quant moi, j'in-cline pour Tongres ou pour une localit du voisinage.
Je ne croyais pas qu'il pt entrer aujourd'hui dans l'ide de quel-qu'un de ne faire qu'une seule et mme localit de l'oppidumaduatuque assig par Csar la fin de sa deuxime campagne et ducastcUum Aduatuca qui, plus tard, servit successivement de quar-
tier d'hiver Sabinus et Cicron Mais puisque telle est l'opinion de
M. le rapporteur, je vais reproduire, en les compltant, les consid-
rations de diverses sortes et surtout militaires, qui font que cette
opinion n'est pas soutenable.
Prenons d'abord le livre II. Csar dit (chap. 29) que les Adua-tuques abandonnrent toutes leurs villes et bourgades pour se rfugier
dans une place que son site rendait trs-forte, cunctis oppidis castel-
lisque desertis sua omnia in unum oppidum egregie naiura muni-tum contulerunt.
Je signale en passant un fait qui me parat avoir son explication
dans l'inimiti dont les Aduatuques taient l'objet de la part des
peuples voisins, ainsi qu'ils le dirent eux-mmes Csar (chap. 31).
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Ils n'avaient point de vici, c'est--dire de villages ouverts; ilsn'avaient mme pas de demeures isoles, aedificia. Tout ce qu'ilspossdaient tait renferm dans des villes et bourgades, fortifies ounon, mais toujours tablies sur des positions naturellement dfen-sives : car telle est l'ide qu'on doit se faire des oppida et des cas-tella, qui diffraient, ceux-ci de ceux-l, non-seulement en tendue,mais vraisemblablement en importance politique.
La forteresse dans laquelle les Adualuqucs se retirrent n'taitaccessible que par un point, o le talus de la montagne s'allongeaiten une pente douce de soixante mtres de largeur : ils avaient for-tifi ce point d'un double mur. Le reste de la montagne tait cou-ronn d'escarpements de roc du baut desquels le regard plongeaitdans la plaine,... quum ex omnibus in circiiitu partibiis altissimasrupes despectusque haberet... (chap. 29).
Ouvrons maintenant le livre V, pour y cbercber les caractrestopographiques du terrain sur lequel tait assis le camp de Sabinusou Adualuca^ puisque c'est le mme point, comme nous l'apprend lelivre suivant. Ce camp est attaqu par les burons : le commandantromain fait prendre les armes, garnir de troupes le rempart et sortirla cavalerie espagnole, qui force l'ennemi se retirer, Quum cele-riter nostri arma cepissent vallumque ascendissent atqueuna ex parteHispanis equitibus emissis equestri praelio superiores fuissent, despe-ratare hostes suos ab oppugnatione reduxerunt... (cbap. 26). Onsent dj qu'il s'agit d'une position de facile abord, et telle que descavaliers barbares ont pu esprer la prendre d'emble. Son rempartavait si peu de commandement, qu'aprs qu'elle eut t abandonneet que la garnison fut tombe dans le pige d'Ambiorix, un porte-aigle, qui tait parvenu s'chapper, put lancer l'aigle jusque dansle camp, par-dessus ce rempart, ...L. Pitrosidiiis aquilifer^ quummagna multitudine hostium premerelur, aquilam intra vallum pro-jecit... (chap. 37).Au livre VI, nous voyons Csar, revenant de Germanie, dposer
les parcs de l'arme sous la garde d'une lgion et sous le commande-ment de Cicron, dans Adiiatuca, ce castelhim de mauvais augure,o Cotta et Titurius Sabinus avaient pri l'anne prcdente :impedimenta omnium legionum Aduatucam contulit. Id castelli no-men est (chap. 32)... plerique novas sibi ex loco religlones fingimt,Cottaeque et Titurii calamitatem, qui in eodem occiderint castello^ante oculos ponunt (chap. 37j. La qualification de castellum quereoit ici Aduatuca, pendant que la forteresse des Aduatuques estqualifie 'oppidum, suffirait pour faire distinguer ces deux loca-
VIII. 3
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34 REVUE ARCHOLOGIQUE.lits l'une de l'autre. On vient de voir comliien le site du campd'Adualuca est loin de ressembler la formidable position de l'oppi-dum : c'est ce que montre une fois de plus l'attaque subite des cava-liers sicambres qui, repousss de la porte dcumanc par la coliortede garde, cbercbrent pntrer par les autres portes du camp, ola garnison ne parvint qu' grand'peine les arrter: Inopinantesnostri re nova pertubantiir, ac vix prinium impetiim cohors in sta-tione sustinet. Circiimfunduntur ex reliquis hostes partibus, si quemaditiun reperire possent. Aegre portas nostri ttientur... (cliap. 37).
J'aime croire que M. le rapporteur a compris ces textes, quoiquecela ne soit peut-tre pas si facile, quand on n'est ni militaire nitopograpbe : alors je dois admettre qu'il n'a vu ni Tongres ni lemont Falhize. S'il avait vu Tongres, il ne s'imaginerait pas qu'unehumble croupe, leve d'une vingtaine de mtres au-dessus de laplaine, avec laquelle elle se raccorde par des pentes trs-douces,puisse reprsenter l'oppidum escarp des Aduatuques. S'il avait vule mont Falhize, il ne croirait pas que la plaine oi^i la contrevallation non circonvallation, pour parler comme l'Acadmie, aurait ttrace, est un sol couvert de rochers qui ne permettent pas d'y faireun pareil travail. N'ai-je pas aussi un peu le droit de m'tonner queM. Wauters ne fasse pas plus de cas de l'opinion d'un ingnieur mi-litaire sur les choses de son mtier?Nous n'tions pas prvenus que M. Roulez et propos, pour l'op-
pidum des Aduatuques, deux localits voisines de Diest; autrementnous serions alls les visiter. Mais quand mme cet honorable savantn'et pas renonc, en faveur de Falhize, aux positions qu'il avaitprfres d'abord, ce qui prouve assez qu'elles ne satisfont gure auxconditions voulues topographiquement, je me demanderais toujourspourquoi M. Wauters se montre si hostile au mont Falhize qui lesremplit si bien, ce mme Falhize dont la dcouverte a t causede tant d'motion en Belgique. Ne serait-ce point parce que l'attri-bution d'une partie de la valle de la Meuse aux Aduatuques con-trarie son systme sur l'tablissement des peuplades secondaires etles dernires venues en Gaule? Celle raison me touche d'autantmoins qu'il ne me parat pas possible de refuser Namur aux Adua-tuques, cause des monnaies gauloises la lgende AVAVCIA qu'ony a trouves ainsi qu' Tongres, et que M. de Saulcy a, le premier,expliques en les donnant ce peuple. Les Aduatuques auraientainsi occup une bande de terrain comprenant la valle de la Meusedepuis Namur jusque vers Tongres, et vraisemblablement limite,au nord-ouesl, par la ligne de fate des hauteurs. Cette tendue de
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LA CARTE DE LA GAULE. 35
pays devait trs-largement suffire une population en tat de
fournira la grande coalition belge un contingent de dix-neuf mille
hommes, mais qui peut n'avoir pas beaucoup dpass, en total, lescinquante-sept mille individus renferms dans l'oppidum, si, commeje le crois probable, une bonne partie de ceux qui dans cette occa-sion, furent vendus sur place ti-ouvrenl le moyen d'chapper laservitude, et reparurent dans les guerres ultrieures.
La seconde et dernire observation de M. le rapporteur sur lesemplacements des villes est celle iiui concerne Voppidum Ubiorumque la carte met l'endroit oii plus tard fut fonde Cologne. Or, dit-
il, Csar lui-mme nous a fait connatre que les Ubiens habitaientau-del du Rhin, et nous savons qu'ils ne furent transports en-dedu fleuve que par l'empereur Auguste. Cette manire de pi'senterles choses est regrettable : elle ferait croire, toute personne qui
n'a pas la carte sous les yeux, que la Commission a plac la peupladeubienne de ce ct-ci du Rhin, quand elle a, au contraire, fait crirele nom ethnique tout entier sur le territoire transrhnan. Mais, lesUbiens tant reprsents par Csar comme un peuple commerant,qui avait un grand nombre -de bateaux sur le Rhin (liv. IV, chap. 3et 16), on a pu en conclure qu'ils s'taient assur la possession d'une
espce de tte de pont sur la rive gauche, pour mieux protger leurtrafic. Cela n'a aucun rapport avec le fait de leur transportation sous
Auguste.
I 3. 11 est peu de particularits des marches et des campementsde Csar et de ses lieutenants, au sujet desquelles l'archiviste deBruxelles soit d'accord avec la commission de la carte des Gaules :c'est un malheur dont les militaires qui font partie de la Commissionseront particulirement afl'ects. Examinons toujours si la stratgiedu savant critique est de nature justifier son intervention dans depareilles questions.
II s'agit surtout de la bataille livre aux Nerviens sur les rives dela Sambre, pendant la deuxime campagne.
Je dis la Sambre, sans discussion, parce que tout le mondeparat d'accord aujourd'hui pour rejeter l'opinion qui faisait donnerla bataille sur l'Escaut, en partant de l'hypothse que Csar auraitcrit Sabim pour Scaldim. Les partisans de l'Escaut devaient natu-rellement placer, vers le confluent de ce fleuve et du Rupel, les ma-rais inaccessibles o les Nerviens avaient cach leurs familles, meum locum conjccisse, qiio propter pahides exercitui aditus non esset,(liv. II, chap. 16)... in aestuaria ac paludes conjectos (ibid.,
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chap. 28). Le mot aestuaria pouvait alors tre entendu dans le sensd'estuaires maritimes. Mais, dans notre rapport ci-dessus mentionn,la donne de Csar ayant t respecte, nous avons prfr, pour lerefuge des familles nerviennes, les marais de la Hclpe, plus voisins
du lieu de la bataille et plus convenablement placs, attendu d'ail-leurs que, par aestuaria, on peut entendre de simples inondationsfluviales, suivant l'interprtation de Forcellini relative ce passage
mme. Au surplus, il n'est nullement interdit de supposer, en mmetemps, l'arme des Nerviens sur la Sambre et leurs familles dans uncanton loign de celte rivire, pourvu que le lieu de refuge soit,,comme le dit Csar, inaccessible l'arme romaine.
Cela pos, voici textuellement l'objection de M. le rapporteur. On place le combat sur la rive occidentale de la rivire, ce qui
entrane cette conclusion, que les Nerviens avaient pris position surla rive oppose. Je ne comprends pas bien le rsultat que leur cbefBoduognat aurait eu en vue. Ne devait-il pas craindre de laisserCsar, plus fort que lui en cavalerie, pntrer dans le cur mmedu pays, et arriver jusqu'aux retraites marcageuses o s'taient r-fugis les femmes et les enfants des Nerviens? Or, ces retraites setrouvaient, comme on l'a dj conjectur, dans les parties de laNervie baignes par l'Escaut et le Rupel. Pour en fermer les issues,pour se porter entre elles et les Romains, les guerriers de Boduognatne pouvaient se retirer dans l'EiUre-Sambre-et-Meuse. On s'expliquemieux les incidents de la bataille lorsqu'on se reprsente Csararrivant dans cette contre, et rencontrant, poste sur les rives occi-dentales de la Sambre, une arme qui essaye de lui interdire l'accsdu centre de la Nervie, c'est--dire des environs de Bavay. M. "NVauters raisonne comme si Csar venait de Metz, et c'est
d'Amiens que le gnral romain est parti. Il marcbe directementsur Bavay, qui est son but, son objectif, comme disent les stratgistes.Qu'est-ce qu'il irait faire sur la rive droite de la Sambre? Passeencore s'il savait que l'arme ennemie s'y trouve, mais il n'apprendcela qu'au dernier moment de sa route. M. Wauters, lui-mme, neveut pas que les Nerviens soient par l ; il les place sur la rive
gauche, du mme ct que Bavay, et il croit que Csar va s'amuser tourner la Sambre pour le seul plaisir de mettre cet obstacle entrelui et les gens qu'il veut atteindre I Vraiment l'ide n'est pas heureuse.
Il ne me serait pas difficile d'expliquer la dtermination, prise
par les Nerviens, d'attendre Csar sur la rive droite de la Sambre ;mais cela n'est pas ncessaire, et je me hte d'en finir avec cettequestion, en signalant une lgre erreur qui s'est introduite, je ne
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LA dAUTE UK LA GAULE. 37
sais comment, sur la carte, erreur consistant en ce que le lieu de labataille, quoique fix Haumont par le choix de la Commission, a tindiqu au sud de Bavay, quand il devait l'tre l'est de celte ville.
M. le rapporteur s'occupe, aprs cela, des camps que la Commis-sion a placs respectivement Tongres, Gembloux et prs deMarche. C'est, dit-il, bouleverser toutes les ides reues ; il n'y a
plus rien qui cadre avec les donnes de Csar lui-mme. D'aprs lasuite du lanport, ce reproche, un peu vif, s'applique surtout au campde Marche. Voyons donc ce que l'on trouve encore redire la posi-tion de ce camp. J'ai dmontr plus haut qu'Aduatuca tant fixe Tongres, les positions de Gembloux et de Marche en rsultent, pourainsi dire, mathmatiquement. Toutefois ces solutions comportaient,ainsi que je l'ai expliqu, une latitude de I/o sur les distances, detelle sorte que, si les routes pouvaient tre supposes absolumentrectilignes, au lieu de Gembloux on atteindrait Fresnes, et, au lieudes environs de Marche, on tomberait vers Bure. Impossible d'aller
plus loin d'Aduatuca (Tongres) sans s'carter des donnes num-riques de Csar, donnes parfaitement certaines, d'ailleurs, puis-qu'elles se prsentent la fois sous deux formes, la mesure itinraireet le temps de marche.M. Wauters ne tient aucun compte de ces conditions. Il entend
conserver l'Aduatuca de Csar Tongres, voire mme la porler plusau nord, et nanmoins substituer Marche un point situ beaucoupplus au sud, point qu'il n'ose pas fixer, mais qu'il fait dpendred'une donne incertaine, la limite commune des Trvires et desRmes. Csar, en elTet, a dit (liv. V, chap. 24) que, d'aprs ses ordres,le quartier d'hiver de Labienus devait tre tabli chez les Rmes,sur les confins des Trvires, et le savant rapporteur conclut de l
que ce camp ne pouvait tre Marche, dont les environs taient,selon lui, habits par les Condruses, les Paemanes et les Sgnes,qu'il considre comme tant tous clients des Trvires. Sans doute,Bure et Frasnes ne lui conviendraient pas plus que Marche et Gem-bloux : sa pense va plus loin, il voudrait ramener le camp deLabienus derrire la Meuse, car il prlend que les Trvires s'ten-daient jusqu' ce fleuve. Mais alors, loin de pouvoir rester Tongresou mme aller plus au nord, Aduatuca devrait descendre Namur,et le camp de Cicron devrait reculer jusqu' Bavay, ce que j'ai d-montr impossible par la considration des marches qui menrentl'arme romaine d'Amiens Gembloux.Un autre argument contre la position de Marche est celui-ci. Il
n'y a pas eu, assure M. Wauters, d'oprations militaires de ce ct.
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attendu que Csar, revenant des contres rhnanes, pendant sa
sixime campagne, a respect le territoire des Condruscs et des
Sgnes. Qu'est-ce que cela prouve? Que lesSgnes et les Condruses,comme je l'ai dj dit, touchaient aux Ehurons vers lesquels Csar
se portait : rien de plus. S'il y a quelque consquence k tirer de l
en ce qui concerne les Paemanes, c'est que ce dernier peuple tait
plus au sud-ouest et ne confinait pas aux Eburons. M. Wautors pr-
tend que ces Paemanes taient clients des Trvires : pure hypothse,
puisque Csar n'a rien dit de pareil. Peut-tre taient-ils clients des
Rmes. Du reste, aucun document de l'poque ne nous fait connatreles limites des Rnies du ct de l'Ardenne. Csar tait-il lui-mmebien renseign cet gard ? Il est permis d'en douter quand on lit,
au livre V, chap. 24, que Labicnus tait envoy en quartier d'hiverchez les Rmes, prs des Trvires; puis, au chap. 56 du mme livre,qu'Indutiomare se proposait d'attaquer ce mme camp de Labienus,avant de passer sur le territoire des Rmes ; enfin, au chap. 5 duliv. VI, que les bagages do l'arme furent envoys, toujours au mmecamp, chez les Trvires. Csar se rectifie, et ce n'est pas la seule
fois que cela lui arrive. Rien n'empche, d'ailleurs, de croire qu'au
lieu de suivre la lettre ses instructions, Labienus, arriv sur les
lieux, choisit en connaissance de cause une position plus convenable
au but qu'on se proposait et situe sur le territoire trvire. En r-sum, le systme de campements adopt par la Commission, particu-lirement en ce qui concerne le camp de Marche, est fond sur lesvritables donnes du texte des Commentaires, et le reproche qu'onlui fait h cet gard doit tre renvoy aux propositions du savantrapporteur, si tant est qu'on puisse appeler ainsi des ides qui ne
sont pas suffisamment arrtes, et qui mme se contredisent mutuel-lement.
A cette occasion, M. Wauters rappelle que Tide du camp de Gem-bloux est due M. le gnral Renard, qui, en mme temps, propo-sait de placer Aduatuca au-del de la Meuse : si l'on renonce, dit-il,
cette partie de l'opinion du savant gnral, il faut aussi en aban-donner la deuxime partie, et, pour tre fidles aux indications del'illustre auteur des Commentaires, ramener le camp de Cicron plus l'ouest. Ce raisonnement ne repose, comme je l'ai montr d'avance,que sur une mauvaise interprtation des donnes itinraires fourniespar le texte. On a vu que Gembloux est en parfaite convenanced'loignement avec Tongres, et que Frasnes se trouve la limite ex-trme des distances possibles. Nanmoins, M. Wauters, tout en con-servant Aduatuca Tongres, propose de mettre le camp de Cicron
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LA CAllTE DK LA GAULF,. 39
prs d'Assche, localit qui est, l'gard de Tongres, de douze mil les
plus loigne que Frasnes. Nous allons de conlradictions en contra-
diclions. Et pourquoi veut-on que le camp d'Assche figure dans la
guerre des Gaules ? Parce qu'il est appel Jardin de Csar, dans un
acte des chevins du seigneur d'Assche, de l'an 1314. On ajoute,
pour aller au-devant des objections, que le mot Csar ne peut ici
se rapporter un empereur ou roi de la Germanie, car, au quator-
zime sicle, la proprit du territoire d'Assche appartenait exclusive-ment depuis des sicles aux ducs de Brabant, aux seigneurs d'Assche
et l'abbaye d'Afflighem. Le lecteur apprciera la force de ces
arguments;je me borne le prvenir que les restes de campement
dont il s'agit ne peuvent tre rattachs l'affaire de Cicron, non-
seulement par la raison de leur distance Tongres, mais encore parce
qu'ils occupent une position plus forte que ne l'tait celle de Cic-
ron, en juger par le rcit de l'attaque; et, en outre, parce que leurdveloppement, qui n'est que de 1,330 mtres, ne comporte pas les
cent vingt tours dont parle Csar.
I 4. M. le rapporteur demande pourquoi la carte des Gaules nementionne, en fait de monuments druidiques, ni la Pierre du diable
de Jambes, ni l'antique enceinte appele les vieux murs, qui a
exist jusqu'en 1700, prs Namur, ni la pierre de Bray, prs Binche,ni celles que divers savants ont retrouves dans la province de Lige
et dans le Luxembourg, ni le clbre Riesensaule des environs deMayence, etc. De son ct, M. Roulez a signal l'absence de la Pierre
de Brunehaut, ou dolmen d'Hollain, prs Tournai. Il y avaitcependant, ajoute M. Wauters, de l'importance constater, aumoyen de ces monuments, que la civilisation druidique avait jadisdomin jusqu'au Rhin. On oublie que la carte doit tre accompa-gne d'un texte, dans lequel sera compris le catalogue descriptif detous les monuments de l'espce dont il s'agit. Le but indiqu sera
plus srement atteint de cette manire que par de simples signesconventionnels qui, la plupart du temps, n'apprennent rien d'exact,
ni sur la nature, ni sur la position, ni sur l'importance des objetsqu'ils sont censs reprsenter. La carte, d'ailleurs, est trop petite
chelle pour qu'on ait pu y rapporter toutes ces pierres, soi-disant
druidiques, dont le nombre est infini dans certaines rgions de laGaule : il a fallu se contenter des principaux groupes et des monu-
ments isols les plus considrables. Si des omissions ont t faites
involontairement, elles sont facilement rparables, puisque la carte
n'est encore qu'en preuve.
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40 RKVUE AUGllKOLOGIQUK.
Une autre question, dit le rapport, qui se rattache au dve-
loppement social des peuples belges, c'est celle de l'tendue des
forts qui se trouvaient sur leur territoire. Admettre encore que
notre pays tait presque entirement bois, c'est contester des faits
authentiquement prouvs aujourd'hui : le dveloppement assez con-sidrable de nos anciennes populations, leur initiation la culture
des crales, l'adoption par elles de mthodes perfectionnes pourl'amlioration des terres, etc. Sur la carte des Gaules nous voyons la
Nervie couverte de forts, qui s'arrtent cependant l o commencela fort de Soigne, encore existante en partie. O donc habitaient lessoixante mille guerriers ncrviens et leurs familles? Abattons ces
forts et admettons simplement qu'il en existait chez ce peuple detrs-considrables, principalement sur les frontires. Schayes a dit.
de son ct {Belgique, tom. 2, I808): A Tpoque de la conqute deCsar, la Belgique n'offrait dans toute son tendue que l'aspect d'une
fort continue, dont la triste et sombre monotonie n'tait interrom-
pue que par des marcages et de vastes espaces couverts d'eau, dans
les plaines et les lieux voisins de la mer, et par de rares dfriche-
ments, tels que pouvaient les pratiquer des peuples presque nomades
et vivant en grande partie du produit de leurs troupeaux, de chasse
et de pillage. Des documents nombreux et authentiques attestentque pendant la dure de la domination romaine (et bien avant dans
le moyen ge encore), la Belgique resta en grande partie une terre
sauvage, inculte, hrisse d'immenses forts, etc. Entre des opinions
si divergentes, et se prtendant, l'une et l'autre, fondes sur des
documents authentiques, la commissian n'a pas mme eu seproccuper du choix. Ayant figurer un pays que la tradition histo-
rique nous peint comme gnralement bois.^ sans nous fournir, sur
les rares espaces livrs la culture, aucune donne assez prcisepour pouvoir tre traduite graphiquement, on ne pouvait mieux faireque d'appliquer toutes les parties du territoire indistinctement un
mme signe reprsentatif. Il n'y a point lieu d'abattre les forts, iln'y a que les trois mots entremles de cultures y ajouter dans
la lgende, pour empcher qu'on n'pilogue l'avenir sur le sensde la teinte conventionnelle. Mon avis serait, au contraire, de prolon-
ger un peu plus vers le nord le pays bois, qui, toutefois, comprend
dj la fort de Soigne tout entire. C'est ce dont je me suis assur en
reportant sur la carte de la Gaule ce bouquet d'arbres tel qu'il est
donn par la carte belge, vrification que M. Wautersn'a pas pris lapeine de faire ou qu'il n'a pas su faire exactement.
Enfin, pour en finir avec cette fastidieuse srie de rectifications
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(.A CAHTK l)K LA C.AULi:. 41
ainsi s'exprime M. le rapporteur, il y a lieu de regretter que
la commission de la carte des Gaules ait dessin les ctes de la
Flandre et les les de la Zlande d'aprs leur tat moderne, sans
tenir compte des nombreuses modifications que leur configuration a
subies; on l'engage consulter, entre autres travaux relatifs cet
objet, une Notice sur les limites de l'ancien diocse de Lige (1); elle
y verra de quelle importance pour l'histoire est l'tude de la gogra-
phie physique ; elle y tudiera les changements considrables que
les annes ont apportes au cours des fleuves de la Belgique, parti-
culirement proximit de leur embouchure dans la mer. Laissons
les grands mots et allons au fond des choses. On prtend retrouver
la configuralion des ctes, telle qu'elle tait du temps de Csar, au
moyen d'lments emprunts aux crits du moyen ge. C'est vouloir
employer, dans les conditions les plus mauvaises, la mthode descartes sur renseignements, qui n'a pas donn de merveilleux rsul-tats entre les mains d'ingnieurs pourtant trs-habiles et disposant
de tous les moyens d'investigation ncessaires : on ne fait ainsi que
de la gographie imaginaire. Nous ne reconnaissons pas cette
science-l ; nous ne voulons point de cartes conjecturales, sujettes
la double erreur des faits mal constats et des mauvaises interprta-
tions. Rien ne prouve d'ailleurs que la configuration des lieux, au
temps de Csar, diffrt essentiellement de ce qu'elle est aujourd'hui.Que l'endiguement des polders change des marcages en terres pro-ductives, c'est l un fait considrahle au point de vue conomique,
mais indiffrent a la cartographie. Je vois, dans une citation de
Schayes, qu'en 1818 on endigua dans Nord-Beveland cinq cents
hectares de terre d'alluvion produite par l'Escaut ; mais en 1530,
la mme le avait perdu six cents hectares. Si l'on mesure, parla voie navigable, la dislance qui existe aujourd'hui entre l'embou-chure de la Meuse, l'extrmit de Core, et le confluent de ce
fleuve avec le Wahal, leur point de jonction le plus oriental, prsBominel, on trouvera au maximum cent quinze kilomtres. Csarayant valu cette mme distance quatre-vingts milles (118 kilo-mtres), il n'y a pas lieu de croire que le delta du Rhin ait gagn
sur la mer depuis l'poque de la conqute. Pour ce qui regai de la
cte de la France, on prtend que Saint-Omer occupait le fond d'un
golfe, et que Throuanne avait t btie prs de la mer : ces contesridicules, que Schayes a enregistrs, paraissent avoir encore faveur
(1) On n'a pu se procurer cette notice.
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42 REVUE ARCHOLOGIQUE.
dans son pays. L'un ne repose que sur l'interprtalion force d'uneou deux phrases de lgendes ; l'autre n'a pour appui que le diplmede Louis VII o se lisent les mois Tervanensis c
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