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UNIVERSITÉ DES SCIENCES ET TECHNOLOGIES DE LILLE INSTITUT D’ADMINISTRATION DES ENTREPRISES ÉCOLE DOCTORALE SÉSAM Sciences économiques, sociales, de l’aménagement et du management Thèse préparée au sein du laboratoire LILLE ÉCONOMIE ET MANAGEMENT (LEM – UMR CNRS 8179) N o d’ordre : 40752 Évaluation de la performance de la formation en entreprise par une approche systémique Tome I Revue de littérature et cadre théorique Thèse de doctorat en stratégie et management des organisations Pour l’obtention du titre de Docteur en sciences de gestion (arrêté du 7 août 2006) Présentée et soutenue publiquement à Lille Le 5 décembre 2011 par Jonathan POTTIEZ JURY Directeur de thèse : M. Pierre LOUART Professeur des universités – IAE de Lille Co-directeur de thèse : M. Jean-Yves LE LOUARN Professeur honoraire – HEC Montréal Président du jury : M. Charles-Henri BESSEYRE DES HORTS Professeur associé – HEC Paris Rapporteurs : M. Dominique BOUTEILLER Professeur agrégé – HEC Montréal M. Alain ROGER Professeur des universités – IAE de Lyon Suffragant : M. Dominique BESSON Professeur des universités – IAE de Lille

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  • UNIVERSIT DES SCIENCES ET TECHNOLOGIES DE LILLE INSTITUT DADMINISTRATION DES ENTREPRISES

    COLE DOCTORALE SSAM Sciences conomiques, sociales, de lamnagement et du management

    Thse prpare au sein du laboratoire LILLE CONOMIE ET MANAGEMENT

    (LEM UMR CNRS 8179)

    No dordre : 40752

    valuation de la performance de la formation en entreprise par une approche systmique

    Tome I Revue de littrature et cadre thorique

    Thse de doctorat en stratgie et management des organisations

    Pour lobtention du titre de

    Docteur en sciences de gestion

    (arrt du 7 aot 2006)

    Prsente et soutenue publiquement Lille

    Le 5 dcembre 2011 par

    Jonathan POTTIEZ

    JURY

    Directeur de thse : M. Pierre LOUART Professeur des universits IAE de Lille

    Co-directeur de thse : M. Jean-Yves LE LOUARN Professeur honoraire HEC Montral

    Prsident du jury : M. Charles-Henri BESSEYRE DES HORTS Professeur associ HEC Paris

    Rapporteurs : M. Dominique BOUTEILLER Professeur agrg HEC Montral

    M. Alain ROGER Professeur des universits IAE de Lyon

    Suffragant : M. Dominique BESSON Professeur des universits IAE de Lille

  • 2

    valuation de la performance de la formation en entreprise par une

    approche systmique

    Rsum

    On considre depuis longtemps la formation comme un puissant levier permettant de

    dvelopper les comptences du personnel et, donc, damliorer la performance

    organisationnelle. En France, elle reprsente annuellement une dpense de 26 milliards

    deuros, rpartie entre les acteurs publics et privs, un cot important qui incite certains

    acteurs parler d investissement-formation . Pourtant, lvaluation de sa relle efficacit et

    de son hypothtique rentabilit (en tant quinvestissement) demeure un vieux dbat, un

    mystre non rsolu, certains le qualifiant de serpent de mer de la formation . Cependant,

    les multiples enjeux et dfis auxquels est cense rpondre la formation, au moins en partie,

    posent nouveau la question de son valuation et la ncessit dapporter des rponses

    pragmatiques, rigoureusement ancres dans des dveloppements thoriques solides. Cette

    recherche doctorale se veut une contribution ltude du lien entre formation et performance

    en sappuyant sur une mthode qualitative teste au sein dun nombre restreint de PME/PMI

    franaises. Nous verrons que les modles thoriques dvaluation de la formation dvelopps

    antrieurement se focalisent majoritairement sur les actions et programmes de formation, au

    dtriment des politiques et systmes de formation. Ce manque thorique nous amnera

    formuler une problmatique de recherche posant la question de lvaluation des systmes de

    formation. La thse vise ainsi construire un modle thorique dvaluation des systmes de

    formation, modle construit partir dune revue de littrature relativement exhaustive et

    valid par ltude approfondie et contextualise de trois systmes de formation. Cette

    recherche nous permettra de prciser le concept de performance du systme de formation

    en identifiant ses rsultats possibles. galement, nous identifierons diffrents facteurs

    organisationnels pouvant tre des catalyseurs ou des barrires cette performance.

    Mots-cls : formation, performance, valuation de la formation, approche systmique,

    facteurs de contingence, systme de formation, dterminants de la performance, modles

    dvaluation de la formation.

  • 3

    Corporate Training Performance Evaluation through a Systems Approach

    Abstract

    Training has been for many years regarded as an important lever for the development of staff

    skills and thus, for the improvement of organizational performance. In France, it represents an

    annual expenditure of 26 billion euros, supported by public and private sectors, a major cost

    that encourages some actors to talk about investment in training. However, the evaluation of

    its real effectiveness and of its hypothetical profitability (as investment) remains an old

    debate, an unsolved mystery, some even calling it the sea serpent of training. However, the

    many issues and challenges that training is expected to meet, at least in part, again raise the

    question of its evaluation and the need to provide pragmatic answers, rigorously grounded in

    solid theoretical developments. This doctoral research is thus a contribution to the study of the

    link between training and performance using a qualitative method, in a small number of

    French SMBs. We will see that the theoretical models of training evaluation developed earlier

    mainly focus on training actions and programs, to the detriment of training policies and

    systems. This theoretical weakness leads us to formulate a research problem posing the

    question of training systems evaluation. The thesis aims to build a theoretical model for

    evaluating training systems, model built from a relatively comprehensive literature review and

    validated by the thorough and contextualized study of three training systems. This research

    will allow us to clarify the concept of performance of the training system by identifying its

    possible outcomes. Also, we will identify several organizational factors that can be catalysts

    or barriers to this performance.

    Keywords: training, performance, training evaluation, systemic approach, contingency

    factors, training system, performance determinants, training evaluation models.

  • 4

    Le tome I regroupe la partie I (Les enjeux de la formation du personnel), la partie II

    (Formation et performance) et la partie III (Cadre thorique) de cette thse.

    Le tome II, qui regroupe la partie IV (Mthode de recherche) et la partie V (tudes

    empiriques), fait lobjet dune publication spare, librement accessible.

    AVERTISSEMENT

    LUniversit des sciences et technologies de Lille nentend ni approuver, ni dsapprouver les

    opinions mises dans cette thse. Ces opinions doivent tre considres comme propres leur

    auteur.

  • 5

    REMERCIEMENTS

    Arriv au terme de ces annes de ce travail, je tiens avant toute chose remercier plusieurs

    personnes de mon entourage personnel et professionnel sans qui cette thse naurait pu

    aboutir. La thse de doctorat est un travail de longue haleine et je sais que leur soutien,

    indfectible, a t prcieux pour la voir aboutir.

    Dans un premier temps, mes remerciements iront mes directeurs de thse, les professeurs

    Pierre Louart et Jean-Yves Le Louarn, qui ont su morienter et me guider jusqu la

    conclusion de cette recherche. Grce, entre autres, son expertise dans les problmatiques

    dintervention sur les systmes de gestion des ressources humaines (GRH), Pierre Louart ma

    appris voir au-del de la seule instrumentation de gestion en mincitant tudier les rles et

    stratgies des acteurs au sein de ces systmes. Il est donc pour beaucoup dans lorientation de

    ce travail doctoral. Aussi, il ma accompagn dans lvolution de mon statut de consultant

    vers celui de jeune chercheur, me faisant prendre conscience de la ncessit de dpasser le

    vocable managrial pour apprendre thoriser et conceptualiser, me faisant dcouvrir au fil

    des annes divers travaux fondateurs en GRH. Pour moi, ltudiant frachement diplm de

    master 2 professionnel (ex-DESS), cela se fit un peu dans la douleur et je le remercie de

    mavoir fait confiance et de mavoir permis de relever ce dfi en maccordant une autonomie

    croissante. Enfin, je noublie pas que, en tant que directeur de lIAE de Lille, il ma permis de

    travailler dans les meilleures conditions possibles. Jean-Yves Le Louarn, en ayant accept de

    participer galement au suivi de cette thse, ma permis de bnficier dune co-direction

    franco-canadienne, vritable source de richesse dans un champ de recherche majoritairement

    nord-amricain. Cest dailleurs la lecture de son ouvrage co-crit avec Thierry Wils1, au

    tout dbut de cette thse, que jai pris connaissance de son expertise dans le champ de

    lvaluation de la GRH. Prenant conscience de limportance de ces questions, jai souhait

    mon tour en faire lun de mes thmes de recherche de prdilection. Enfin, merci galement

    pour sa confiance, la simplicit de nos relations, ainsi que pour sa patience dans les moments

    de schizophrnie relatifs lambivalence de mon double statut de consultant et de chercheur.

    Un grand merci galement lAssociation nationale pour la recherche technique (ANRT)

    davoir accept de participer au financement de cette thse dans le cadre dune convention

    1 Voir Le Louarn et Wils (2001).

  • 6

    industrielle de formation par la recherche en entreprise (CIFRE). Ce dispositif ma permis de

    bnficier dun soutien financier qui fait encore dfaut trop de doctorants, malheureusement.

    Aussi, la croissance du nombre de CIFRE signes en sciences de gestion est encourageante,

    ce dispositif mritant dtre valoris, notamment pour participer au rapprochement entre les

    entreprises et la recherche.

    Je remercie les membres du jury davoir accept dvaluer cette thse et davoir consacr du

    temps la lire. Leur prsence mhonore, leurs travaux ayant t de vritables rfrences tout

    au long de mon parcours doctoral et me font prendre conscience du chemin parcourir. Je les

    remercie galement pour leurs critiques et commentaires qui me permettront de progresser

    dans ma formation de chercheur, au bnfice de mes recherches venir.

    Mes remerciements vont aussi lquipe de lentreprise Formaeva (ex-Vulpus) au sein de

    laquelle jai pass le plus clair de mon temps ces dernires annes. Tout dabord,

    Franois-Xavier, son dirigeant, et Guillaume, dveloppeur informatique, pour leur confiance

    en mon travail dans le cadre de nos projets communs. Nous avons pass ensemble de longues

    heures de travail, oscillant entre langoisse des premiers contrats et la joie des succs fts. Je

    pense que, depuis, nous avons dpass le cadre de la seule relation professionnelle et quils

    sont pour moi plus quun patron et un collgue. Merci aussi mes autres collgues, actuels et

    passs, notamment milie, Julie, Pauline, Franck et Jean-Franois, sans oublier lensemble de

    nos stagiaires. En plus de mavoir permis de travailler dans une trs bonne ambiance (une

    entreprise o il fait dcidment bon vivre), je noublie pas que cest aussi par ce contact

    permanent avec le terrain que jai appris passer de la recherche la pratique, et inversement.

    Cette entreprise a de grandes choses raliser, je lui souhaite pleine russite et espre encore

    pouvoir y contribuer activement de longues annes.

    Merci galement tous mes collgues enseignants ou enseignants-chercheurs, de toutes les

    institutions au sein desquelles jai pu me forger mes premires expriences denseignant. Leur

    confiance ma permis de passer rapidement de lautre ct du bureau , alors que jtais

    frachement diplm de master 2 et que dbutait mon travail de thse. Merci galement tout

    le personnel administratif, aux secrtaires dvou(e)s. Nous aurions tort de ne pas saisir

    limportance de leur travail dans le bon droulement des cours, au profit des enseignants

    comme des tudiants. Je remercie aussi lensemble de mes tudiant(e)s qui, en plus davoir

    particip mes premiers pas en tant quenseignant, mont permis, par leurs ractions et leurs

  • 7

    commentaires, de faire avancer mes rflexions thoriques et empiriques. Cest aussi grce

    eux que jai toujours eu lesprit ce souci de produire une recherche qui puisse leur tre

    communique et de prserver les liens entre la recherche et lenseignement. Que soient

    galement remercis les enseignants rencontrs tout au long de mon cursus qui ont su me

    donner le got et lenvie de dcouvrir la GRH. Une pense toute particulire pour ric

    de Baets, directeur des ressources humaines (DRH), qui venait nous faire part de son mtier-

    passion le samedi matin. Moi, lancien lycen aux rsultats modestes, pense dcidment que

    limportant reste de trouver sa voie. Nul doute que ceux-ci my ont aid. Merci aussi tous les

    membres de lIAE de Lille, doctorants, enseignants-chercheurs et personnel qui mont

    soutenu, directement ou indirectement, lors de mes premiers pas dans le monde de la

    recherche. Jai eu plaisir changer avec eux diverses occasions, particulirement

    Dominique Besson, Didier Cazal, Anne Dietrich, Xavier Lecocq, Christel Louart, Philippe

    Pailot et Frdric Sauvage. Ayant t leur tudiant peu de temps avant le dmarrage de cette

    thse, jai vivement apprci quils prennent le temps de me conseiller. Merci aussi aux

    chercheurs et consultants, spcialistes de la formation et de son valuation, avec lesquels jai

    pu changer, par courriel ou en face--face. En particulier, merci Alain Meignant pour son

    accessibilit. Son humilit force ladmiration et ses crits ont toujours t pour moi de

    vritables rfrences.

    Un grand merci aux acteurs de terrain qui ont collabor cette recherche de faon active. Leur

    patience et leur collaboration mont permis de mener bien chacune des tudes de cas.

    Jespre sincrement que ce travail leur aura apport, a minima, un regard extrieur utile.

    Un grand merci galement mes frres, belles-surs et amis qui se sont rgulirement

    informs de ltat davancement de cette thse. Une pense mue galement pour Ccile, ma

    grand-mre maternelle. Merci aussi Nicola Sirkis et ses compagnons qui, sans le savoir, ont

    accompagn en musique la rdaction dune partie importante des pages qui vont suivre.

    Enfin, last but not least, merci ma femme, Dorothe, mon fils, Quentin, et mes parents

    pour leur soutien aussi ncessaire que constant tout au long de ces annes. Ils ont su me faire

    lever de temps autre le nez du guidon , pour me permettre de passer un temps prcieux

    (et toujours trop rare) leurs cts, sans jamais oublier de me rappeler mes obligations de

    thsard. Cet ouvrage leur est tout simplement ddi.

  • 9

    SOMMAIRE DU TOME I

    INTRODUCTION GNRALE............................................................................................. 11

    1 La formation comme objet de recherche : dfinitions et dlimitation........................... 12

    2 Performance et formation : prolongement et innovation dans lapproche................... 15

    3 Architecture gnrale de la recherche............................................................................ 17

    PARTIE I. LES ENJEUX DE LA FORMATION DU PERSONNEL ................................. 21

    CHAPITRE I. LES ENJEUX JURIDIQUES ET INSTITUTIONNELS............................. 23

    1 Historique et construction de la formation professionnelle continue........................... 24

    2 Le rle prpondrant des acteurs institutionnels ........................................................... 32

    3 Les dispositifs de formation prvus par la loi................................................................. 58

    CHAPITRE II. LES ENJEUX CONOMIQUES................................................................. 95

    1 Entre 1970 et 1980 : lmergence ................................................................................... 95

    2 Les annes 1980 : le dveloppement............................................................................... 96

    3 De 1990 2001 : le ralentissement ................................................................................. 96

    4 Aprs 2001 ..................................................................................................................... 100

    CHAPITRE III. LES ENJEUX ORGANISATIONNELS .................................................. 105

    1 Les apports de la formation pour lorganisation ......................................................... 105

    2 Dfis prsents et venir de la formation en organisation ........................................... 112

    CHAPITRE IV. LES ENJEUX INDIVIDUELS ................................................................. 145

    1 Formation, salaire et carrire : quels liens ? ............................................................... 145

    2 Motivations aller se former et dterminants de laccs la formation.................... 153

    CHAPITRE V. LES ENJEUX SOCITAUX ......................................................................171

    1 Formation et volution socitale................................................................................... 171

    2 Formation, employabilit et march du travail ............................................................ 172

    3 Formation et dfi dmographique ................................................................................ 176

    4 Formation initiale et formation continue..................................................................... 177

    5 Formation et changements technologiques.................................................................. 180

    6 Formation et mondialisation......................................................................................... 181

    CONCLUSION DE LA PARTIE I ....................................................................................... 185

    SYNTHSE DE LA PARTIE I............................................................................................. 186

    PARTIE II. FORMATION ET PERFORMANCE.............................................................. 187

    CHAPITRE I. LIER GRH ET PERFORMANCE............................................................... 189

    1 GRH et stratgie ............................................................................................................ 189

  • 10

    2 GRH et performance de la firme .................................................................................. 199

    3 Quels enseignements pour une GRH mesure ?.......................................................... 215

    CHAPITRE II. APPROCHES THORIQUES DE LA FORMATION ET CONCEPT DINVESTISSEMENT-FORMATION ............................................................................... 227

    1 Deux thories sur le lien formation-performance .................................................. 227

    2 Le concept de formation-investissement ................................................................. 249

    CHAPITRE III. LES MODLES DVALUATION DE LA FORMAT ION ................... 261

    1 La modlisation de lvaluation de la formation : un dfi de longue date ................. 262

    2 Les niveaux dvaluation de la formation .................................................................... 305

    CHAPITRE IV. TAT DES LIEUX DES PRATIQUES DVALUATION..................... 479

    1 Les pratiques dvaluation des formations dans les entreprises.................................. 479

    2 Pourquoi ne pas valuer la formation ? ....................................................................... 488

    3 Pourquoi valuer la formation ?................................................................................... 499

    CHAPITRE V. PROBLMATIQUE ET QUESTIONS DE RECHERCHE..................... 509

    1 Des pratiques de formation au systme de formation : un autre angle danalyse...... 509

    2 Pertinence du projet de recherche ................................................................................ 510

    3 Formulation de la problmatique et des questions de recherche ................................ 512

    4 Finalits de la recherche............................................................................................... 513

    CONCLUSION DE LA PARTIE II...................................................................................... 515

    SYNTHSE DE LA PARTIE II ........................................................................................... 516

    PARTIE III. CADRE THORIQUE ................................................................................... 517

    1 Le systme de formation................................................................................................ 518

    2 La politique de formation.............................................................................................. 522

    3 Les pratiques de formation............................................................................................ 537

    4 Les rsultats du systme de formation.......................................................................... 549

    5 Les facteurs de contingence .......................................................................................... 560

    6 Lvaluation de la performance du systme de formation........................................... 577

    CONCLUSION DE LA PARTIE III .................................................................................... 581

    SYNTHSE DE LA PARTIE III ......................................................................................... 582

    RFRENCES BIBLIOGRAPHIQUES............................................................................. 583

    TABLE DES ILLUSTRATIONS DU TOME I .................................................................... 633

    TABLE DES MATIRES DU TOME I............................................................................... 635

  • Introduction gnrale

    11

    INTRODUCTION GNRALE

    Au cours des dernires dcennies, la formation professionnelle sest considrablement

    dveloppe en France, aide notamment par le cadre lgal qui, depuis la loi de 1971, incite les

    entreprises former toujours plus leur personnel. Ce contexte, en apparence idyllique, nest

    toutefois pas exempt de critiques dont deux nous semblent plus particulirement marques.

    Dun ct, laccumulation des lois et des dcrets, au fil des rformes, tend rendre le systme

    de la formation professionnelle continue (FPC) illisible et incomprhensible pour les

    praticiens, au risque de les carter des vraies questions de formation. En effet, embourbs

    dans cet imbroglio administratif, juridique, financier et fiscal, leur esprit nest pas tant au

    management de la formation qu sa seule administration. Le gestionnaire est ainsi bien

    souvent cantonn un rle de comptable de la formation, limitant par la mme occasion la

    porte de celle-ci comme levier stratgique du dveloppement ou du changement dans

    lentreprise. De lautre ct, lobligation lgale de participation au financement de la

    formation professionnelle et la multiplication des dispositifs2 ont comme consquence un

    accroissement continu des dpenses de formation. La formation aurait ainsi cot en France

    en 2005 la bagatelle de 23 milliards deuros, soit 1,4 % du produit intrieur brut (PIB), mais

    sans impact avr (Cahuc et Zylberberg, 2006, p. 4). Ce volume de dpenses, conjugu

    un contexte conomique difficile, met sous pression les acteurs de la formation qui doivent

    montrer que les sommes considrables investies (ou dpenses ?) en formation sont

    rellement profitables aux individus comme aux organisations. En ce qui concerne les

    entreprises en particulier, le montant des budgets formation (reprsentant parfois plus du

    double de lobligation lgale) pose question aux directions gnrales qui attendent la

    dmonstration effective dun hypothtique retour sur investissement de la formation3. Il est

    vrai que les acteurs de la formation, grands coups de discours incantatoire, ont us et abus

    du qualificatif d investissement pour caractriser la formation, convaincus de lutilit

    vidente de celle-ci. Mais la mthode Cou ne suffit plus et cette question du retour sur

    investissement attend une rponse dautant plus justifie dans un contexte conomique qui

    2 Qui, en pratique, ne se substituent pas toujours au plan de formation et viennent donc le complter. 3 Pour reprendre la double interrogation de Meignant (2003, p. 14) : Qui, parmi les DRH, ne sest pas dit que le niveau du budget formation ne pourrait pas indfiniment tre justifi auprs du comit de direction par un discours gnral sur linvestissement formation qui ne soit pas accompagn de la dmonstration de rsultats effectifs ? ; Qui na pas regrett que les arbitrages financiers en termes daffectation de ressources la formation sappuient aussi peu sur des donnes objectives dvaluation des rsultats atteints dans le pass et de pronostic de rsultats pour lavenir, ou sur des scnarios permettant de choisir le meilleur rapport cot/avantages entre des solutions alternatives ?

  • Introduction gnrale

    12

    instaure le doute quant la valeur ajoute de la fonction formation, au risque quelle en fasse

    directement les frais4. Ces lments contextuels justifient ainsi dautant plus que lon

    questionne lefficacit de la formation et que lon donne aux gestionnaires les moyens

    dafficher les rsultats de la formation, sans les confondre avec les tableaux statistiques

    comptabilisant les heures/lves ou les semaines/stagiaires, les pourcentages de masse

    salariale, ou de taux de consommation des heures de DIF (Meignant, 2006, p. 14).

    Cette recherche doctorale en sciences de gestion est ainsi partie de considrations thoriques

    et pratiques. Elle sinscrit tout dabord dans la ligne des recherches portant sur lvaluation

    de la formation tout en proposant un angle danalyse diffrent : celui du systme de

    formation. Par ailleurs, elle cherche apporter des rponses aux praticiens ayant besoin dun

    cadre danalyse solide pour valuer et amliorer en continu leurs pratiques de formation. De

    ce fait, notre objet de recherche est la formation ou, plus prcisment, le systme de

    formation, sa performance et les dterminants de celle-ci. Afin de situer le contexte de cette

    thse et ses enjeux, cette introduction aura pour objectifs de prsenter la formation en tant

    quobjet dune recherche en sciences de gestion, dexpliquer en quoi il est ncessaire de

    poursuivre les recherches sur la question de son valuation au travers dune approche

    alternative et, enfin, de prsenter brivement larchitecture gnrale de la thse.

    1 La formation comme objet de recherche : dfinitions et dlimitation

    Cette recherche porte sur la formation, qui nest que lun des leviers dacquisition des

    comptences5. Notre recherche se situant dans le champ des sciences de gestion, nous

    tudierons prcisment la dimension organisationnelle de la FPC, savoir la formation du

    personnel en entreprise. Il convient donc en introduction de cette thse de la dfinir afin den

    dlimiter les contours.

    4 Dabord limite la gestion administrative, lexternalisation de la formation a pris ces dernires annes une place importance dans certaines entreprises, entranant parfois la suppression pure et simple du poste de responsable formation, souvent pour des raisons purement conomiques. Bien souvent, ce dernier stait cantonn ce rle dadministrateur de la formation, nayant pas pris soin de dmontrer la valeur ajoute dune fonction formation en interne. 5 Il existe dautres occasions dapprendre, parfois plus efficaces dans certains cas, que la formation (et parfois coupls la formation). Lexprience professionnelle a, par exemple, un rle majeur jouer, au point que Vincens (2001) pense quil est le plus souvent difficile de sparer ce qui est d lexprience stricto sensu et la formation informelle ou plus organise mais ponctuelle qui est surtout donne dans lentreprise (p. 6). Pour lauteur, la formation peut toutefois favoriser la diffusion plus rapide et plus large de certaines comptences en se substituant lexprience.

  • Introduction gnrale

    13

    De longue date, diffrents auteurs se sont essays dfinir la formation en milieu de travail.

    Pour Sonntag (1994, p. 2), elle dsigne un moment ddi lacquisition de comptences,

    souvent sous la forme de stages. Cette dfinition se concentre donc sur laction de formation

    formalise. Hamblin (1974) propose une dfinition largie en considrant toute activit qui

    tente dlibrment damliorer la comptence dune personne dans un travail 6 (p. 6,

    traduction libre), tout comme Hesseling (1971) pour qui la formation est une squence

    dexpriences ou dopportunits structures pour modifier le comportement en vue datteindre

    un objectif donn 7 (p. 93, traduction libre). Cest galement lorientation prise par Candau

    (1985) qui la dfinit comme tant toute activit qui essaye, dlibrment, damliorer ou de

    complter les connaissances, aptitudes ou attitudes dune personne dans son travail

    (p. 228) ; une activit devant permettre d atteindre un objectif de productivit et defficacit,

    grce une main-duvre adapte, tout en sefforant de combler ses aspirations (p. 229).

    Lauteur ne manque ainsi pas de rappeler les finalits de la formation du point de vue de

    lorganisation. Dans une autre perspective, pour Savall et Zardet (1995, p. 495) la formation

    du personnel correspond lensemble des comptences acquises par celui-ci, tant dans le

    cadre de la formation initiale, de la formation continue que de leur exprience professionnelle

    (crant un savoir structur, des mthodes et techniques de travail). Ces auteurs insistent donc

    sur lobjet de la formation (le dveloppement des comptences) et sur le fait que la formation

    dbute avant lactivit professionnelle (par la formation initiale) et que lexprience

    professionnelle est elle-mme formatrice. En guise dessai de synthse, nous pouvons

    reprendre la dfinition propose par Larouche (2006) qui, se rfrant plusieurs auteurs

    (Marsick et Watkins, 1992 ; Munger, 1983 ; Swanson, 1995), dfinit la formation en milieu de

    travail comme Un ensemble dactivits gnralement de courte dure, destines

    lacquisition et lamlioration des connaissances techniques et pratiques ncessaires

    lexercice dune fonction ou dun emploi et visant rendre lemploy plus apte effectuer son

    travail au sein dune organisation (p. 20). La plupart de ces dfinitions soulignent aussi le

    fait quil nexiste pas une forme unique de formation8, notamment selon son degr de

    formalisation et dencadrement9 (Blaug, 1976, cit par Vincens, 2001, p. 2 ; Carr, 2004a,

    6 any activity which deliberately attempts to improve a persons skill in a job (Hamblin, 1974, p. 6). 7 a sequence of experiences or opportunities designed to modify behavior in order to attain a stated objective (Hesseling, 1971, p. 93). 8 noter que les chercheurs amricains distinguent le terme training qui dsigne des actions de formation menes dans un but prcis, du terme development qui correspond aux actions de formations plus gnrales visant le long terme. 9 Les modes de formation se sont fortement diversifis au cours des dernires annes : au-del du classique stage se dveloppent les dispositifs de formation ligne, distance, de tutorat, de coaching ainsi que lavnement dun nouveau paradigme de la formation matrialis par le social learning.

  • Introduction gnrale

    14

    p. 32 ; Larouche, 2006, p. 21 ; Meyer-Dohm, 1988, p. 194). Loccasion nous est donne ici de

    prciser lune des caractristiques de la recherche : celle-ci sintressera la formation dans

    sa globalit, quelle que soit la nature des actions engages, et non pas lune de ses modalits

    en particulier.

    La formation en milieu de travail ayant t dfinie, il convient de sinterroger sur la nature des

    travaux de recherche dont elle fait lobjet. Il apparat que la recherche en formation est en

    volution permanente : elle est dsormais interdisciplinaire10 (Jennings, 1994 ; Wright et

    McMahan, 1992), forte de nombreux apports thoriques, empiriques et mthodologiques

    (Caspar, 1997 ; Ferris et Judge, 1991 ; Salas et Cannon-Bowers, 2001). Aussi, cette

    multidisciplinarit de lobjet de recherche ne doit pas nous amener prtendre traiter la

    question de la formation au travers de lensemble des disciplines sy intressant. Comme nous

    lavons dj prcis, nous inscrivons notre recherche dans les sciences de gestion, donc

    ltude de la formation en tant quobjet de gestion dans une perspective organisationnelle. En

    lien avec cette orientation gestionnaire, nous avons souhait tudier la formation au travers

    du concept de performance qui est central dans les disciplines de gestion. En nous focalisant

    sur la question de la performance de la formation en milieu organisationnel, nous nous

    plaons dlibrment au sein des sciences de gestion et dlimitons ainsi les frontires de notre

    recherche, tout en nous consacrant logiquement notre domaine de comptences. Cette

    orientation rsolument gestionnaire ne doit toutefois pas nous empcher de mobiliser les

    apports thoriques des autres disciplines11, mme partiellement. Cela participe en effet de la

    formation du chercheur (qui est lun des objectifs premiers du travail de thse) que

    dapprendre des autres disciplines, ce qui est aussi lessence mme de la gestion12.

    Lobjectif de cette recherche ne sera donc pas tant de sinterroger sur le comment les salaris

    apprennent ?13 que sur le comment la formation devient performante dans lorganisation ?

    Nous allons voir quen la matire de nombreux travaux existent et quil peut tre intressant

    de les prolonger en adoptant une approche originale.

    10 La formation fait en effet lobjet de recherches en sciences de lducation, en conomie, en gestion, en psychologie, en sociologie, en droit, etc. 11 Nous verrons notamment que lidentification des dterminants de lefficacit des actions de formation est majoritairement issue de travaux en psychologie pour ceux ayant trait lindividu (avec des concepts comme la motivation se former, la motivation transfrer, le sentiment defficacit personnelle, etc.), de travaux en sciences de lducation (et en andragogie en particulier) pour ceux ayant trait la formation, etc. 12 Sans quoi la gestion pourrait tre considre, tort, comme tant une forme de micro-conomie applique. 13 Davantage lobjet des sciences de lducation.

  • Introduction gnrale

    15

    2 Performance et formation : prolongement et innovation dans lapproche

    Nous avons donc dcid daborder la formation en tant quobjet de recherche sous langle de

    la performance et donc par la problmatique de son valuation. Ce choix nest pas neutre, tant

    il est vrai que lvaluation de la GRH14 et le lien entre les actions de GRH et la performance

    de lentreprise sont des proccupations rcentes auprs des chercheurs comme des praticiens.

    Elles occupent en effet une place de choix dans la littrature scientifique et professionnelle, et

    ce, de manire croissante, notamment en Amrique du Nord. En France, les questions

    dvaluation des pratiques de GRH sont plus rcentes, lAssociation francophone de gestion

    des ressources humaines (AGRH) en avait dailleurs fait le thme de son congrs annuel en

    200415. Quels sont alors les enjeux de ce champ de recherche ?

    Les enjeux de lvaluation en GRH partent dun double constat thorique et pratique. Sur le

    plan thorique, nous pouvons reprendre les propos de Le Louarn et Wils (2001) qui rsument

    bien le premier constat : Sans nier la complexit du concept de performance en matire de

    gestion des ressources humaines, il nous semble que certains cadres suprieurs savent mieux

    sy prendre que dautres pour aligner la gestion des ressources humaines sur le succs des

    organisations. Dans la mme veine, il savre que certains gestionnaires hirarchiques sont

    meilleurs que dautres pour mobiliser les nergies de leurs employs sur les objectifs

    organisationnels et que certains professionnels en ressources humaines sont plus sensibles que

    dautres pour soutenir les efforts de ces cadres. Reconnatre cette diffrence constitue un

    premier pas vers une dmarche valuative en gestion des ressources humaines (p. 11).

    Lvaluation de la GRH semble donc thoriquement possible et justifie, mais est-elle pour

    autant une ralit sur le terrain ? Le Louarn (1995) est assez sceptique sur ce point et

    sinterroge : Doit-on prendre la gestion des ressources humaines au srieux ? (p. 10).

    Lauteur, voquant le rle et les activits du DRH, cite ainsi au tableau des actes manqus le

    fait de dpenser en formation sans mesurer limpact sur la productivit du personnel form

    (Le Louarn, 1995, p. 10) et propose de passer de lincantation la mesure16. Cela signifierait-

    il que la formation ne fait pas exception en matire dvaluation ?

    14 Prcisment, lvaluation des politiques et des pratiques de GRH. 15 La GRH mesure ! 16 Comme le soulignent Le Louarn et Wils (2001) : Apprendre mieux compter aidera peut-tre les DRH encore plus compter dans leur entreprise ! (quatrime de couverture).

  • Introduction gnrale

    16

    Plusieurs auteurs abondent en ce sens. Rafinon (1988), par exemple, rapporte lanecdote

    dune journaliste ayant questionn ainsi un responsable formation : Pouvez-vous dire

    combien rapporte un franc de formation dans votre entreprise ? (p. 99). En actualisant la

    devise montaire, en passant des francs aux euros, il savre que ce type de question soit

    encore dactualit et que les rponses continuent de manquer. Meignant (2006) aussi

    sinterroge : 100 000 personnes temps plein pour quel rsultat ? (p. 12). Lauteur

    explique en effet quau moment de la rdaction de son ouvrage 3 570 000 salaris des

    entreprises ont suivi des formations reprsentant au total 162 millions dheures de formation,

    soit environ 100 000 personnes en formation temps plein (en arrondissant 1 620 heures le

    temps de travail annuel par personne pour faciliter le calcul). Ces sommes et ce temps ont-ils

    t bien utiliss ? Bien manags ? Cette grosse entreprise de 100 000 personnes est-elle aussi

    productive quelle le devrait ? (Meignant, 2006, p. 13). Sur le terrain, les pratiques

    dvaluation des formations dans les entreprises peinent pourtant se dvelopper, alors que la

    littrature de recherche cumule plus de cinquante annes de publications de travaux, posant au

    passage la question du transfert des savoirs par la communaut scientifique et celle de leur

    appropriation par les praticiens. Mais est-ce la seule raison possible ?

    Une partie de lexplication rside peut-tre dans les caractristiques des recherches en

    valuation de la formation, dont les principales ont t mises en exergue par Bouteiller et

    Cossette (2006, p. 2) :

    - le champ du discours prescriptif est bien dvelopp, alors que le champ de recherche

    empirique lest ingalement ;

    - la recherche en psychologie dtient un monopole quasi-absolu sur le sujet ;

    - il sagit dune tradition de recherche presque exclusivement nord-amricaine :

    nombreuses sont les recherches outre-Atlantique alors quelles se font plus rares en

    France ;

    - on sest plus intress au transfert qu la mesure des impacts et plus aux impacts

    organisationnels quaux impacts individuels ;

    - lvaluation de la formation revt des enjeux sociaux, conomiques et organisationnels

    majeurs alors que le sujet demeure quelque peu tabou.

    Ainsi, en se basant sur les propos de ces auteurs, nous pouvons identifier quelques axes de

    progrs des recherches en valuation de la formation qui seraient, a minima, les suivants :

    ces recherches devraient a) tre plus ancres sur le terrain en accordant une large place aux

  • Introduction gnrale

    17

    prconisations managriales, en rponse une demande sociale, b) se focaliser sur les

    questions dvaluation de la performance de la formation dans une perspective gestionnaire et

    c) intgrer la pluralit des rsultats possibles de la formation, sans se focaliser sur un niveau

    dvaluation en particulier (ex. le transfert) et en apprhendant mieux les diffrents niveaux

    danalyse (ex. individus et organisations). Cest ainsi que, dans le prolongement des travaux

    existants qui ont principalement consist dvelopper des modles dvaluation centrs sur

    les actions de formation et proposant gnralement des critres dvaluation pr-tablis, nous

    avons souhait construire un modle dvaluation centr sur les systmes de formation,

    ceci afin de pouvoir valuer leur performance et didentifier les dterminants de celle-ci. Afin

    dexpliquer notre dmarche, nous allons prsenter ci-aprs comment nous avons structur

    notre recherche en rponse cette problmatique.

    3 Architecture gnrale de la recherche

    Nous avons souhait structurer la prsentation de cette thse en cinq parties, depuis les

    enjeux gnraux de notre objet de recherche jusqu la prsentation et la discussion des

    rsultats issus de nos investigations empiriques. Ci-dessous sont prsentes succinctement

    chacune des parties composant cette recherche doctorale.

    La partie I consistera principalement en un expos des enjeux de la formation, permettant de

    situer celle-ci comme objet dune recherche en sciences de gestion. Ainsi, cinq chapitres

    prsenteront successivement les enjeux juridiques et institutionnels de la formation (chapitre

    I), ses enjeux conomiques (chapitre II), ses enjeux organisationnels (chapitre III), ses enjeux

    individuels (chapitre IV) et, enfin, ses enjeux socitaux (chapitre V). Cette partie permet de

    mieux cerner cet objet de recherche quest la formation, den prciser les enjeux de diffrentes

    natures et de le dlimiter dans une perspective gestionnaire. Cest un pralable qui nous a paru

    indispensable avant den questionner la performance et donc son valuation. Nous verrons

    que cet objet nest pas neutre, notamment de par le cadre lgal franais qui contribue en

    modeler les pratiques, de par son poids conomique croissant (questionnant dautant son

    efficacit) et des attentes de ses diffrentes parties prenantes (principalement les individus, les

    organisations et la socit).

    La partie II sera consacre une revue de littrature de travaux thoriques et empiriques en

    valuation de la GRH et, plus particulirement, en valuation de la formation. Tout dabord,

  • Introduction gnrale

    18

    nous prsenterons les thories fondatrices ayant questionn les liens entre formation et

    performance organisationnelle (chapitre I), en particulier la thorie du capital humain et la

    thorie des ressources stratgiques, tout en nous intressant aux approches thoriques

    existantes en valuation de la GRH. Ces fondements thoriques seront discuts, critiqus et

    mis en perspective par rapport notre objet de recherche. Nous proposerons ensuite une

    analyse critique du concept de formation-investissement (chapitre II) : sil est frquent

    daccoler les termes investissement et formation , il importe de vrifier si, dans la

    pratique, la formation est rellement gre et comptabilise comme un investissement. Nous

    passerons ensuite en revue les modles dvaluation de la formation existants, leurs

    orientations, leurs biais et leurs limites (chapitre III). Nous verrons que, riches

    denseignements, ceux-ci sont principalement focaliss sur les actions de formation, le niveau

    du systme de formation dans son ensemble tant gnralement pass sous silence. Par

    ailleurs, lanalyse des pratiques dvaluation de la formation dans les entreprises nous fera

    constater quelles peinent se dvelopper, malgr labondante littrature existante (chapitre

    IV). Ces deux constats nous amneront formuler une problmatique de recherche (Comment

    valuer la performance dun systme de formation ?) et les questions de recherche en

    dcoulant (Quelle est la performance dun systme de formation ? Quels sont les dterminants

    de la performance dun systme de formation ?) (chapitre V). Les rponses ces deux

    questions de recherche convergeront vers un seul et mme objectif : le dveloppement dun

    modle thorique dvaluation des systmes de formation (construction du modle) et sa

    confrontation, mme partielle, au terrain (test de la mthode dvaluation associe au

    modle). En traitant ces questions de recherche, nous souhaitons que notre travail doctoral

    rponde diffrentes finalits qui seront galement tayes. La pertinence du projet de

    recherche sera galement discute.

    La partie III sera exclusivement consacre llaboration du cadre thorique et conceptuel

    de notre recherche. Celui-ci consistera en la construction dun idal-type wbrien du systme

    de formation dont les diffrentes composantes (facteurs de contingence, politique, pratiques,

    rsultats) seront exposes et prcises. Chacune delles sera discute et mise en perspective

    afin dvaluer son pouvoir explicatif intrinsque et sa place dans le systme. Globalement, il

    sagira de peser le potentiel thorique explicatif de notre modle en rponse notre

    problmatique de recherche. Notons que si la revue de littrature dveloppe au chapitre III de

    la partie II a permis de disposer dun nombre suffisant dlments pour mener une rflexion

  • Introduction gnrale

    19

    thorique profonde ayant permis laboutissement de ce modle, celui-ci a t ajust et

    peaufin ds nos premires investigations empiriques.

    La partie IV traitera des dimensions pistmologiques et mthodologiques de la thse. Dans

    un premier temps, nous prciserons et expliciterons notre positionnement pistmologique, en

    loccurrence celui de type interprtativiste (chapitre I). Puis, dans un second temps, nous

    dtaillerons lensemble du dispositif mthodologique qui nous a permis de mener bien la

    phase empirique de notre recherche (chapitre II). En particulier, nous justifierons le choix

    dune mthode de recherche de nature qualitative (mthode des cas) qui nous a paru

    pertinente en vue danalyser en profondeur chaque systme de formation tudi. La richesse

    des donnes collecte sera mise en exergue, notamment de par la multiplicit des sources

    dinformations mobilises. Nos mthodes danalyse des donnes et de prsentation des

    rsultats seront galement prcises. Enfin, le design densemble de notre recherche sera

    valu en fonction des critres rgulirement mobiliss dans ce type de recherche

    (ex. validits et fiabilit) (chapitre III).

    La partie V prsentera les rsultats de notre recherche. Aprs avoir expos quels taient les

    particularits de nos terrains de recherche (les petites et les moyennes entreprises/industries

    [PME/PMI]) en matire de formation et, prcisment, dvaluation de la formation

    (chapitre I), nous analyserons les trois cas que nous avons tudis (chapitre II). Cette partie

    empirique se voudra intensive et galement comparative. En effet, chaque systme de

    formation sera dabord prsent de manire apporter aux lecteurs les cls ncessaires la

    comprhension des analyses subsquentes. Les trois systmes de formation seront ensuite

    confronts entre eux avec comme rfrentiel commun notre idal-type wbrien du systme

    de formation. Enfin, les rsultats qui mergeront de ces analyses seront mis en lien avec les

    rsultats de travaux antrieurs, ceci afin didentifier les convergences et divergences

    potentielles. Ils mettront notamment en exergue la ncessaire complmentarit des diffrents

    niveaux de modles dvaluation (ceux focaliss sur les actions de formation et ceux axs sur

    les systmes de formation). La gnralisation de ces rsultats sera aussi discute

    ultrieurement lors de la conclusion gnrale de cette recherche.

    Le schma propos la page suivante synthtise larchitecture gnrale de la recherche,

    depuis la prsentation des enjeux de la formation jusquau bilan des rsultats en vue dune

    validation de notre modle dvaluation des systmes de formation.

  • Introduction gnrale

    20

    Schma 1. Structure et dmarche gnrale de la recherche

    Des questionnements thoriques

    Des questionnements pratiques

    Problmatique de recherche Comment valuer la performance dun systme de formation ?

    Partie I : Les enjeux de la formation du personnel Quest-ce que la formation du personnel en entreprise ? Quels en sont les principaux enjeux ?

    Partie II : Formation et performance Peut-on valuer lefficacit des pratiques de GRH ? Peut-on valuer lefficacit de la formation ? Suite cette revue de littrature, quelle problmatique et quelles questions de recherche formuler ?

    Partie III : Cadre thorique Quelle modlisation thorique du systme de formation ? Quels rsultats possibles du systme de formation ?

    Partie IV : Mthode de recherche Comment tudier la performance des systmes de formation et les dterminants de cette performance ?

    Partie V : tudes empiriques Quelles sont les caractristiques des systmes de formation tudis ? Quels enseignements tirer de chaque tude de cas ? Que nous apprend la dmarche comparative (dterminants convergents et divergents entre les cas et par rapport aux rsultats de la littrature) ?

    Conclusion gnrale et synthse des rsultats

  • Partie I

    21

    PARTIE I. LES ENJEUX DE LA FORMATION DU

    PERSONNEL

    En premire partie de cette recherche, il nous a sembl vident de rappeler en quoi la

    formation est un objet de recherche intressant en sciences de gestion de par la multiplicit de

    ses enjeux. Cette partie vise donc prsenter les grands enjeux de la formation du personnel,

    quune revue de littrature nous a permis de classer en cinq catgories. Cinq chapitres se

    succderont pour prsenter le dtail de chaque catgorie denjeux :

    - Chapitre I : dans un premier temps, nous prsenterons les enjeux juridiques et

    institutionnels de la formation. Nous verrons que le cadre lgal franais est trs

    prgnant et tend influencer fortement les pratiques de formation des entreprises. Ses

    limites seront galement discutes au regard de notre objet de recherche.

    - Chapitre II : ce second chapitre portera sur les enjeux conomiques de la formation.

    La formation reprsente en France des montants financiers consquents, rpartis entre

    les acteurs publics et privs, qui justifient dautant de sintresser la problmatique

    de son valuation.

    - Chapitre III : seront ici dbattus les enjeux organisationnels de la formation. Notre

    recherche sinscrivant dans le champ des sciences de gestion, il nous a sembl

    essentiel de questionner les dfis de la formation du personnel en contexte

    organisationnel.

    - Chapitre IV : les enjeux organisationnels prsents au chapitre prcdent sont

    indissociables des enjeux individuels de la formation. En effet, le cadre lgal franais

    de la FPC est focalis sur lindividu, ayant pour objectif de favoriser laccs de tous

    les salaris la formation pour dvelopper leur employabilit. Ce chapitre montrera

    que cet objectif est encore loin dtre atteint.

    - Chapitre V : enfin, parce que les apports de la formation ne sont pas exclusivement

    centrs sur les individus et les organisations, nous nous intresserons aux enjeux

    socitaux de la formation : en quoi la formation peut tre une rponse, mme partielle,

    aux dfis poss la socit ? La construction dune socit de la connaissance est-elle

    une ralit ?

    Pour des raisons de clart, ces enjeux seront donc exposs distinctement, chapitre par

    chapitre, sans occulter bien videmment leur caractre interactif.

  • Partie I Chapitre I

    23

    CHAPITRE I. LES ENJEUX JURIDIQUES ET

    INSTITUTIONNELS

    La formation professionnelle en France est le fruit dune construction progressive qui

    comprend deux ensembles : la formation professionnelle initiale et la FPC. La loi du 4 mai

    2004 exige de la FPC quelle favorise linsertion ou la rinsertion professionnelle des salaris,

    permette leur maintien dans lemploi, favorise le dveloppement de leurs comptences,

    favorise laccs aux diffrents niveaux de la qualification professionnelle et contribue au

    dveloppement conomique et culturel ainsi qu leur promotion sociale17. Le fait dassurer

    une formation professionnelle tout au long de la vie constitue une obligation nationale aux

    yeux de la loi18. Ainsi, Le droit structure profondment lunivers de la formation

    professionnelle. Les dcideurs de toute nature et tous les niveaux, les gestionnaires, les

    dispensateurs, les formateurs et les bnficiaires inscrivent leurs dcisions et leurs dmarches

    dans un corps de rgles qui simposent eux []. Laffirmation du droit lducation

    permanente pour tous est trop gnrale pour servir de socle des obligations juridiquement

    sanctionnables. Des objectifs plus prcis doivent tre fixs : le droit la qualification

    professionnelle et sociale, le droit ladaptation face la rapidit des changements, le droit

    linsertion et la reconversion (Luttringer, 1999, cit par Louart, n.d., p. 9-10). Le cadre

    juridique contribue donc structurer la formation. Il la contraint, sans toutefois sassigner des

    objectifs prcis dont la non-atteinte serait juridiquement sanctionnable. Une comprhension

    fine du cadre juridique de la FPC est donc ncessaire afin de mieux saisir le sens des pratiques

    sur le terrain, de par ce ct structurant et contraignant de la loi. Ce chapitre prsentera donc

    une analyse de lvolution historique de la FPC en France, les acteurs institutionnels qui

    laniment ainsi que les dispositifs prvus par la loi19. Nous questionnerons aussi la pertinence

    de ces derniers partir des rsultats de diffrentes tudes.

    17 Permettant aux salaris daccder la culture, de maintenir ou de parfaire leur qualification ou leur niveau culturel ainsi que dassumer des responsabilits accrues dans la vie associative (Parmentier, 2008, p. 123). 18 Le livre IX du code du travail oriente la FPC des salaris et des demandeurs demploi. 19 Ce chapitre prsente les principaux lments juridiques et institutionnels structurant la FPC, tels que nous les avons identifis lheure o nous rdigeons ces lignes. Lactualit sociale tant particulirement mouvante, notamment sur ce thme, il ne serait pas tonnant que certains de ces lments soient dj obsoltes quand le lecteur consultera cette thse. Que celui-ci veuille bien nous en excuser si tel est le cas. Il ne sagit pas dune thse en droit du travail, mais bien dune thse en sciences de gestion : notre objectif est donc de montrer comment la lgislation influence les pratiques de formation des entreprises.

  • Partie I Chapitre I

    24

    1 Historique et construction de la formation professionnelle continue

    Pour comprendre lancrage contextuel de la FPC dans les entreprises franaises, nous allons

    retracer un rapide historique de sa construction et mettre en exergue quelques dates phares.

    La construction de la FPC est une histoire tant ancienne que longue, faite davances et de

    reculs. Ses fondements datent de la rvolution industrielle qui a contribu la modernisation

    des modes traditionnels de formation, notamment par lmergence de lapprentissage dans le

    cadre des corporations. la fin du XIX e sicle, les ouvriers et les paysans nont droit aucune

    formation, initiale (scolarisation) comme continue. Cette situation ne durera pas ternellement

    car, la fin de la premire guerre mondiale, une lgislation relative la formation initiale

    sinstaure progressivement, puis, dans les annes 1960, la formation continue se voit

    rglemente et fait lobjet dune diffusion effective. Sur la base dun ouvrage dArdouin

    (2003), Parmentier (2008, p. 79-82) rappelle les quatre grandes priodes cls de lhistoire de

    lvolution de la FPC20. Nous les avons synthtises dans le tableau ci-dessous.

    Tableau 1. Les quatre grandes priodes cls de lhistoire de lvolution de la FPC

    Priodes Faits saillants

    1re priode :

    de 1971

    1975

    Mise en uvre de la loi du 16 juillet 1971 instituant le cadre rglementaire et les modalits de

    financement de la formation professionnelle dans lentreprise.

    La formation devient un droit pour le salari.

    La formation est surtout perue comme une charge visant ladaptation du salari son poste de

    travail.

    Organisation encore trs taylorienne, on ne parle pas encore dingnierie de formation ni de capital

    humain.

    2e priode :

    de 1976

    1982

    Dveloppement de loffre de formations (catalogues) qui structure fortement la demande.

    Chmage de masse, la formation permet de rparer les dsordres du march du travail et les

    dysfonctionnements mal identifis.

    La formation nest pas encore considre par lentreprise comme un levier essentiel de son

    dveloppement.

    3e priode :

    de 1983

    1992

    mergence forte du concept dingnierie en formation.

    Changement des pratiques de gestion des entreprises.

    La formation devient un investissement.

    20 Voir Parmentier (2008, p. 83-99) pour un historique trs complet de lvolution de la FPC.

  • Partie I Chapitre I

    25

    4e priode :

    partir de

    1993

    Introduction de lducation et de la formation dans laction communautaire et mise en uvre

    dune politique de formation professionnelle europenne (trait de Maastricht).

    Flexibilit accrue de lemploi.

    Contenus des mtiers et des tches complexifis.

    Le dveloppement de la polyvalence, de lautonomie et des qualifications accrot la demande de

    formation.

    La formation fait davantage partie intgrante du parcours de progression professionnelle et

    personnelle du salari.

    Source : daprs Parmentier (2008, p. 79-82).

    La pierre angulaire du systme fut constitue par la loi du 16 juillet 197121 qui instaura, pour

    lensemble des entreprises dau moins 10 salaris, lobligation de participer au financement de

    la FPC. Par extension, les entreprises de moins de 10 salaris furent galement concernes ds

    1992. Cette disposition fit du systme franais un cadre unique pour la FPC, incitant les

    entreprises contribuer financirement toujours davantage leffort de formation de leur

    personnel. Il est noter que, vingt-cinq ans aprs la France, le Qubec, en 1996, sest dot

    dune loi obligeant les entreprises dont la masse salariale est suprieure 1 million de dollars

    canadiens consacrer au minimum 1 % de celle-ci la formation de leur personnel22 (Tessier,

    Roger et Lorrain, 1999, p. 3). La loi franaise reconnat aussi un droit la formation pour tous

    les salaris concerns par laccord et leur confre le droit de sabsenter de leur travail pour

    suivre une formation tout en bnficiant du maintien de leur salaire et de la gratuit de leur

    formation. De plus, le cadre juridique dveloppe de nouveaux dispositifs (en faveur des

    demandeurs demploi par exemple, notamment les chmeurs de longue dure),

    lindividualisation de la formation, lalternance, etc. Au fil des annes et des dfis rencontrs,

    la formation a t progressivement reconnue comme un moyen de dvelopper lemployabilit

    (notamment pour les salaris sortis sans qualification du systme scolaire), dadapter et de

    dvelopper les comptences des salaris, de favoriser linsertion et la rinsertion

    professionnelle, daccompagner les salaris dans leur mobilit professionnelle, etc.

    Toutefois, ds la promulgation de la loi de 1971, la conciliation des objectifs conomiques et

    sociaux de la formation fait dbat et les diffrents partenaires sinterrogent : comment

    satisfaire les attentes des salaris (dveloppement des comptences pour accrotre

    lemployabilit et donner des possibilits de carrire) et celles de lentreprise (accrotre la

    21 Les ngociations ayant suivi les grves de mai et de juin 1968 ont men la conclusion de laccord national interprofessionnel (ANI) du 9 juillet 1970 qui sera repris et complt par la loi du 6 juillet 1971. 22 Loi favorisant le dveloppement et la reconnaissance des comptences de la main-duvre, chapitre D-7.1.

  • Partie I Chapitre I

    26

    performance par latteinte des objectifs de production et le dveloppement de la productivit

    notamment) ? Cest ainsi que plusieurs rapports et bilans successifs ont critiqu la loi et

    soulign la ncessit dapporter des rformes majeures afin dadapter la formation aux

    nouveaux enjeux conomiques et sociaux (de Virville, 1996 ; Gauron, 2000 ; Pry, 1999).

    Tous saccordent dire que le systme est dune grande complexit, quil ne rpond pas

    lenjeu de la formation tout au long de la vie et quil ne permet pas la rduction des

    ingalits sociales. Ainsi, lvolution du cadre juridique est en partie la consquence dune

    non-atteinte des objectifs fixs par le lgislateur : lingalit daccs la formation perdure

    car ce sont toujours les salaris les plus qualifis qui bnficient le plus de la formation23. Le

    taux de chmage lev a aussi incit le lgislateur dvelopper le systme de formation afin

    de privilgier une adaptation permanente des comptences et une meilleure employabilit via

    la formation continue, notamment pour les salaris dots dun bagage scolaire/universitaire

    initial trs faible.

    Suite la mise en place de diffrents groupes de travail, des axes de rforme voient le jour, la

    ngociation entre les partenaires sociaux24 dbute. Au terme de celle-ci, les partenaires

    sociaux ont conclu lunanimit un ANI le 20 septembre 200325 relatif laccs des salaris

    la formation professionnelle tout au long de la vie. Celui-ci a pour objectif la refonte du

    dispositif de formation professionnelle datant de 1971. LANI dans sa version du 5 dcembre

    2003 reprend les principales dispositions de lANI du 20 septembre 200326. Cet accord a

    permis de moderniser le systme de formation sur de nombreux points. Larrt du 17

    dcembre 2004 publi au Journal officiel du 24 dcembre rend ainsi obligatoires pour tous

    les employeurs et tous les salaris compris dans son champ dapplication, les dispositions de

    lANI du 5 dcembre 2003 relatif laccs des salaris la formation tout au long de la vie

    professionnelle (avec toutefois certaines exclusions et rserves) (Parmentier, 2008, p. 97).

    De cet ANI dcoulera aussi la loi no 2004-391 (dite loi Fillon ) relative la formation

    professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, vote par les dputs le 4 mai

    2004, publie au bulletin officiel le 5 mai et entre en application le 7 mai 2004. ce stade, la

    23 Voir le chapitre IV de la partie I pour plus de dtails sur les bnficiaires de la formation. 24 Reprsentants syndicaux et patronaux. 25 la suite dun processus de ngociation de plus de trois ans. Cet accord concernait 15 millions de salaris et la loi, par extension, a permis son application 4 millions de salaris en plus, non-concerns par laccord dorigine (des grandes entreprises publiques comme EDF, GDF, la SNCF, la RATP ainsi que dautres secteurs comme lagriculture, la presse crite, le secteur du spectacle et de laudiovisuel, celui de lconomie sociale, etc.). 26 LANI du 5 dcembre 2003 sinspire aussi du texte sur la ngociation collective approuv le 16 juillet 2001 par quatre confdrations syndicales (CFDT, FO, CFTC et CFE-CGC), mais pas par la CGT, qui visait clarifier les responsabilits de ltat et des partenaires sociaux en ce qui a trait aux rgles de la ngociation collective.

  • Partie I Chapitre I

    27

    loi ne concerne encore que les salaris du secteur priv, car modifiant le livre IX du code du

    travail. Cette loi est divise en trois titres : le titre I reprend les principales dispositions de

    lANI conclu en septembre 2003 alors que le titre II reprend la position commune des

    partenaires sociaux conclue en juillet 2001 visant dvelopper la ngociation collective et

    favoriser la dmocratie sociale en France (le titre III est relatif aux dispositions diverses). Pour

    Faisandier et Soyer (2007), cette loi est ainsi la cristallisation dun long processus

    dvolutions lgislatives et rglementaires (p. 12). Ces auteurs notent quelle a succd de

    multiples volutions lgislatives et rglementaires : le livre blanc de lUnion europenne qui a

    labor le concept de formation tout au long de la vie (1996), le rapport Pry (1999), le projet

    de refondation sociale ayant lanc les ngociations sur ce thme (2000), la rsolution du

    Conseil europen qui a entrin la dfinition de ce mme concept27 (27 juin 2002), la loi de

    modernisation sociale, la rforme LMD luniversit (licence master doctorat) afin de se

    conformer au modle europen existant, la rforme de lapprentissage, etc. Ainsi il sagissait

    de reprendre dans le cadre lgislatif ce qui avait dj t dcid dun commun accord par les

    partenaires sociaux et favoriser ainsi le dialogue social. Comme le remarque Parmentier

    (2008), Lautonomie des partenaires sociaux lors de la ngociation a t recherche pour

    construire la meilleure articulation possible entre leurs initiatives et le rle de garant de

    lordre public confi au lgislateur (p. 98). lheure actuelle, les partenaires sociaux

    peuvent se demander si la rforme a permis de rpondre aux trois grandes questions souleves

    par le diagnostic du systme franais de la FPC : celles de lgalit daccs la formation,

    de la dimension qualifiante et de la lisibilit du systme (Parmentier, 2008, p. 99). La

    formation est dsormais perue comme tant un levier efficace de lutte contre le chmage, par

    le dveloppement de lemployabilit, et damlioration des conditions de vie et de travail de

    lensemble des salaris. Comme pour la loi de 1971, celle de 2004 stait fixe comme dfi de

    trouver un compromis difficile entre les objectifs des salaris et ceux de lentreprise (Plassard

    et Loukil, 2000). Elle se donnait donc pour objectif de faciliter laccs la formation pour

    lensemble des salaris tout au long de leur vie professionnelle et visait donc replacer le

    salari au cur du systme de formation. La rforme reprsente potentiellement une

    formidable avance, aussi bien pour lamlioration de la comptitivit des entreprises que

    pour le dveloppement de lemployabilit des salaris. Elle nest pas une simple volution du

    systme de formation franais, mais propose une vritable rupture (Dennery, 2004, p. 15).

    27 Dans le mmorandum de la Commission europenne du 30 novembre 2001, la formation professionnelle tout au long de la vie est dfinie comme correspondant toutes les activits dapprentissage menes au cours de la vie dans le but damliorer ses connaissances, ses qualifications et ses comptences, que ce soit dans une perspective personnelle, citoyenne, sociale ou en vue dun emploi.

  • Partie I Chapitre I

    28

    Pour Ladsous (2004), cette rforme recle de multiples gisements de progrs pour le

    systme de formation professionnel franais (p. 9). Pour Faisandier et Soyer (2007, p. 12),

    elle fait suite un diagnostic partag par lensemble des acteurs sur la ncessit de rformer le

    systme de la FPC, notamment :

    - lingalit persistante daccs la formation continue, fonction de nombreuses

    variables organisationnelles (ex. taille de lentreprise) et individuelles (ex. niveau de

    scolarit, situation professionnelle, genre, ge) ;

    - le manque de crdibilit de la formation continue en vue de lobtention dune

    qualification compar ce que permet la formation initiale28 ;

    - un systme de formation professionnelle franais fragment et peu lisible, manquant

    de passerelles selon les statuts et moments de la vie (tudiant, salari, chmeur).

    Pour ces auteurs, cette rforme tente dapporter un cadre favorable au dveloppement de la

    co-initiative (on parle mme de codcision) en matire de formation et de la reconnaissance

    des acquis, deux thmes rcurrents dans les nombreuses tentatives de rformes de la

    formation depuis les annes 1990 (Faisandier et Soyer, 2007, p. 12).

    De nombreuses critiques ont ainsi t mises lencontre de la rforme de 2004 (Dayan et

    Eksl, 2007 ; Seillier et Carle, 2007), qui convergeaient parfois vers le mme constat et les

    mmes solutions (ex. transfrabilit du droit individuel la formation [DIF]). Le rapport de

    Cahuc et Zylberberg (2006) montre ainsi que la formation ne remplit pas son objectif de

    promotion sociale du fait, notamment, des rformes rcentes qui lloigneraient encore plus

    de cette finalit. Ses auteurs proposent mme de supprimer le DIF, qui visait rduire les

    ingalits daccs des salaris la formation. Ils notent ainsi plusieurs limites, dont quatre se

    dmarquent plus particulirement :

    - lamoncellement de dispositifs mis en parallle dune multitude dacteurs aux objectifs

    et interventions parfois mal dfinis et coordonns ;

    - le systme priv de redistribution des financements de la FPC, dont le manque de

    transparence des rgles pose des problmes de mutualisation des ressources ainsi que

    dimportants carts concurrentiels. Cette opacit de la gestion des fonds par les

    organismes paritaires collecteurs agrs (OPCA) est vivement critique par les

    auteurs, comme ce fut le cas en 2006 par la Cour des comptes la suite dun contrle

    des OPCA les plus importants : lorganisation de la collecte ne favorise gure la

    28 Comme le remarquent les auteurs, Tout semble jou avant 25 ans (Faisandier et Soyer, 2007, p. 12).

  • Partie I Chapitre I

    29

    mutualisation et pche par manque de transparence quant la contribution des fonds

    au financement du paritarisme (Dayan et Eksl, 2007, p. 3). De plus, on constate que

    la gestion du DIF reste relativement complexe assumer, notamment pour les OPCA

    (Faisandier et Soyer, 2007, p. 27) ;

    - la formation initiale aurait un rendement suprieur celui de la formation continue :

    une anne dtudes supplmentaire augmenterait sensiblement le revenu des salaris

    (5 15 % en moyenne), alors que les actions de FPC auraient des rendements nets

    faibles, voire ngatifs pour les moins qualifis ;

    - la formation professionnelle aurait un impact trs limit, voire nul, sur le niveau des

    salaires et la scurit de lemploi.

    Afin damliorer le systme, Cahuc et Zylberberg (2006) soumettent les rflexions suivantes :

    - Le systme de financement priv ne devrait plus contraindre les entreprises au

    former ou payer . Ce systme nincite pas les entreprises qui natteignent pas le

    seuil de lobligation lgale investir davantage en formation (prfrant sacquitter de

    la taxe ). De plus, il ne tient nullement compte des effets collectifs de la formation

    (ex. diffuser les savoirs dans le corps social). Les auteurs suggrent donc de supprimer

    cette obligation lgale et de mettre en uvre un systme de prlvements-

    subventions : toutes les formations feraient lobjet de subventions, mais les taux de

    subvention varieraient en fonction des priorits des politiques de formation29. Comme

    ce systme tiendrait compte des gains collectifs de la formation cits prcdemment, il

    serait financ par le budget gnral de ltat. Ils pensent aussi que le DIF ne rpond

    pas cette logique et aurait mme accentu les aspects ngatifs du systme de

    formation actuel. En effet, son format universel (20 heures par salari et par an, quels

    que soient les publics et les secteurs dactivit, aux besoins htrognes) nest pas

    cohrent avec cette logique de priorisation des financements des actions de formation.

    - Selon Grard Lenoir de lAGEFOS PME30, la mutualisation des fonds par

    lintermdiaire des OPCA permet de rpondre une demande de formation de la part

    des PME et des trs petites entreprises (TPE), souvent trs variable et exprime par

    -coups (Seillier et Carle, 2007, p. 4). Il estime donc au contraire que cette

    obligation lgale aurait un effet positif de lissage des efforts de formation des

    29 Par exemple, pour favoriser un public en particulier. 30 LAGEFOS PME est un OPCA qui se dfinit comme tant le premier gestionnaire priv des fonds de la formation professionnelle en France (http://www.agefos-pme.com).

  • Partie I Chapitre I

    30

    entreprises. Par ailleurs, lANI de 2003 permettait aux partenaires sociaux de revenir

    sur lobligation lgale de financement de la formation professionnelle, ce qui semble

    prouver quil subsistait des interrogations ce sujet (Seillier et Carle, 2007, p. 8). Pour

    Meignant (1986), ce mode de financement, au moins dans son mode de calcul, est

    critiquable : le sacro-saint critre du budget formation calcul en pourcentage de la

    masse salariale apparat singulirement inadquat. Des ratios plus pertinents devraient

    tre recherchs, par exemple en mettant les dpenses de formation en rapport avec les

    budgets dinvestissements, ou les volutions attendues de la marge brute (p. 105).

    - Les dispositifs crs pour favoriser laccs des chmeurs la formation

    professionnelle devraient tre mieux contrls. Lefficacit des actions de formation

    dispenses pourrait ainsi tre value laide dindicateurs comme le taux de

    placement gnral ou limpact sur le niveau des salaires lembauche.

    - Les formations longues (donc coteuses), qui sont visiblement celles ayant un impact

    rel sur les parcours professionnels des salaris, devraient tre favorises au lieu de

    saupoudrer les financements et multiplier les actions de courte dure. Au vu du cot de

    ces actions, les publics et les besoins devraient tre identifis plus prcisment et

    pertinemment.

    Au vu de ces critiques, une nouvelle rforme du systme de la FPC tait ncessaire. Christine

    Lagarde et Laurent Wauquiez ont ainsi propos dans un document dorientation quatre axes

    de rflexion31 devant faire lobjet de ngociations entre les partenaires sociaux. galement, un

    groupe de travail multipartite sur la formation professionnelle, prsid par Pierre Ferracci,

    P.-D.G. du groupe Alpha et membre du Conseil dorientation pour lemploi (COE), a remis

    un rapport le 10 juillet 2008, proposant huit axes32 autour desquels articuler la rforme.

    Paralllement, trois groupes de travail (sur lorientation tout au long de la vie, la validation

    des acquis de lexprience [VAE], la qualit de loffre et de lachat de formation33) et deux

    31 1) Renforcer le lien entre formation et emploi ; 2) Rviser le systme de la formation professionnelle ; 3) Amliorer lefficacit de la formation professionnelle ; 4) Conforter le rle dacteur des individus dans leurs parcours professionnels. 32 1) Clarifier les comptences des diffrents acteurs ; 2) Raliser un droit la formation diffr ; 3) Scuriser les parcours professionnels ; 4) Faire voluer le CIF et le DIF ; 5) Faire voluer les modalits de financement de la formation professionnelle ; 6) Faire voluer le mtier des OPCA et leur gouvernance ; 7) Accrotre les capacits danticipation, la transparence et lvaluation de lensemble du systme formation ; 8) Amliorer la qualit de loffre de formation. 33 Un rapport remis en dcembre 2008 mettait dj 10 propositions pour amliorer la qualit de loffre et de lachat de formation : 1) Visibilit de loffre : auto-inscription des prestataires ; 2) Exonration de TVA : nouveau primtre ; 3) Lisibilit de loffre de formation : fiche didentit des prestataires en ligne ; 4) En amont de la formation : engagements multipartites ; 5) lissue de la formation : une attestation des acquis (o

  • Partie I Chapitre I

    31

    groupes de travail paritaires se sont galement constitus (sur la rforme des OPCA,

    loptimisation du DIF et du cong individuel de formation [CIF]). Au terme de trois mois de

    ngociations, un nouvel ANI a t sign le 7 janvier 2009 par lensemble des organisations

    syndicales et patronales. Il vient complter lANI du 5 dcembre 2003 et concrtiser diverses

    dispositions introduites par lANI du 11 janvier 2008 sur la modernisation du march du

    travail ou faisant lobjet de ngociations sur lassurance-chmage et la GPEC. Son objectif

    tait double : contribuer la scurisation des parcours professionnels (salaris et demandeurs

    demplois) et amliorer la lisibilit des dispositifs de formation et des financements. Ainsi,

    lun de ses objectifs majeurs est de permettre chaque salari de progresser dau moins un

    niveau de qualification au cours de sa vie professionnelle ou dobtenir une nouvelle

    qualification dans le cadre dune reconversion. Le 5 octobre 2009, les partenaires sociaux du

    Comit paritaire national pour la formation professionnelle (CPNFP) ont fusionn les

    dispositifs des deux ANI, celui du 5 dcembre 2003 et celui du 7 janvier 2009 (plus de 250

    articles traiter), aboutissant un nouvel ANI sur le dveloppement de la formation tout au

    long de la vie professionnelle, la professionnalisation et la scurisation des parcours

    professionnels. Il annule et remplace ainsi presque intgralement les textes des ANI du 5

    dcembre 2003 ( certaines exceptions34) et du 7 janvier 2009 et comprend galement deux

    annexes35. Lentre en vigueur de celui-ci est subordonne ladaptation de lensemble des

    dispositions lgislatives et rglementaires ncessaires son application36. Cest ainsi que le

    14 octobre 2009, la loi no 2009-1437 relative lorientation et la formation professionnelle

    tout au long de la vie est dfinitivement adopte. Elle comporte 62 articles rpartis en huit

    titres et reprend la majeure partie des dispositions de lANI de 200937, certaines

    exceptions38, et prvoit la cration dun service dmatrialis gratuit permettant toute

    personne de bnficier dune premire information et dun premier conseil personnalis en

    matire dorientation et de formation professionnelle.

    pourraient figurer les objectifs de laction de formation ainsi que les rsultats aux preuves et valuations ventuelles) ; 6) Achat public : une voie mdiane (entre le march et la subvention) ; 7) Achat public : un systme dachat ; 8) Qualit et prix : un observatoire des prix ; 9) Qualit des prestations : une fonction dintermdiation ; 10) Lintermdiation : une mission pour les OPCA. 34 En loccurrence, les 2e, 3e et 4e alinas de larticle 9-10 de lANI de 2003 qui demeurent en vigueur au titre de lanne 2009 en application de larticle 235 du prsent accord. 35 Deux avenants lANI du 5 dcembre 2003 en date du 20 juillet 2005 : le premier sur lentretien professionnel, le bilan de comptence et le passeport formation, et le second sur la VAE. 36 Dans le cas o ces dispositions ne seraient pas en conformit avec celles de lANI, les parties signataires avaient convenu de se runir pour examiner les consquences de cette absence de conformit. 37 Comme le Fonds paritaire de scurisation des parcours professionnels (FPSPP), la prparation oprationnelle lemploi (POE), etc. 38 Comme la formation initiale diffre.

  • Partie I Chapitre I

    32

    Ces rformes successives du systme de la FPC ont ainsi contribu structurer le cadre

    juridique, notamment en confiant de nouvelles responsabilits ou en renforant celles

    existantes diffrents acteurs. Il est noter que la formation a galement jou un rle dans le

    cadre de la crise financire et conomique survenue en 2008-200939. Ici, nous resterons

    toutefois focalis sur les constantes du systme de la formation professionnelle : les acteurs, le

    cadre de leur intervention et les dispositifs de formation permanents.

    2 Le rle prpondrant des acteurs institutionnels

    Le systme de la FPC fait interagir de nombreux acteurs conomiques et sociaux. Le schma

    ci-dessous propose une cartographie des relations entre ces acteurs.

    Schma 2. Cartographie des relations externes de la formation continue

    Source : Parmentier (2008, p. 31).

    39 Par exemple, le 13 mai 2009, le Fonds unique de prquation (FUP) a runi les diffrents collecteurs de fonds de la formation pour faire le point sur le Fonds durgence formation (prvu par les partenaires sociaux suite la signature de lANI du 7 janvier 2009 et matrialis par la signature dun accord entre ltat et le FUP le 21 avril 2009) visant former les salaris les plus touchs par la crise. Mobilis en 2009, il est relay ds 2010 par le FPSPP.

    Trsor Public (dclaration fiscale)

    OPCA FUP FONGECIF OPACIF

    Branche CPNEFP

    Organismes de formation

    1,7 % du PIB

    Para-public Chambres consulaires Mtiers / Agric / Ind

    Priv Organismes de formation

    Public AFPA/GRETA UNIVERSITS CNED/CNAM CNFPT

    Internes Organismes de formation internes aux entreprises

    Europe : Union europenne FSE tat : tat (DFP et ministres) GNC Rgion : Rgion, DRTEFP, prfecture CARIF-OREF, coll. territoriales Dpartement : DDTEFP, bassins, agglomrations, villes

    RH secteur Formation : Ingnierie des comptences de formation pdagogique - Stratgie avec arbitrage DRH et DG - PF / dispositifs / cahiers des charges / Plan de formation / valuation Ngociation

  • Partie I Chapitre I

    33

    On retrouve notamment dans ce schma les rgions (lois de dcentralisation de 1982 et 1983,

    loi quinquennale de 1993, lois de modernisation sociale et de dmocratie de proximit de

    2002), les Chambres de commerce et dindustrie (loi de 1898) et ltat (garant du principe

    dgalit daccs des citoyens la formation et assurant une fonction normative et de contrle

    dans le domaine de la formation). La FPC concerne donc tous les acteurs, publics ou privs,

    mme si lquilibre des pouvoirs ou la rpartition de leurs responsabilits a sensiblement

    volu au cours des vingt dernires annes. Prsentons les principaux acteurs qui concourent

    llaboration des politiques de formation professionnelle.

    2.1 Les pouvoirs publics

    Les pouvoirs publics peuvent ou non mettre en uvre des politiques incitatives en faveur du

    dveloppement de la formation professionnelle destination des entreprises40, en agissant

    tout la fois, par la voie de la rglementation, sur lenvironnement de la formation et, par le

    moyen dune politique incitative, sur la demande de formation des entreprises (conseil en

    formation, engagements de dveloppement de la formation et, tout rcemment, crdit dimpt

    formation) (Voisin, 1988, p. 66). titre danecdote, Parmentier (2008) rappelle que la

    formation professionnelle a dj fait lobjet dun oubli lors de la constitution dun

    gouvernement, Cest dire la place quelle peut occuper parfois dans lesprit des dirigeants

    politiques ! (p. 83). Outre llaboration mme de politiques de formation, les pouvoirs

    publics ont en charge laide au financement et le contrle de la formation professionnelle.

    2.1.1 Laide au financement de la formation professionnelle

    Les politiques publiques, europennes ou nationales, tendent favoriser le dveloppement de

    la participation des travailleurs des programmes de formation professionnelle (Conter,

    Maroy et Orianne, 2002b). Cela passe ncessairement par une optimisation du financement de

    la formation professionnelle, laquelle participent principalement ltat (au niveau national,

    rgional, dpartemental et, parfois, local) et lUnion europenne.

    Ltat et les rgions sont responsables de la mise en uvre de la FPC dun point de vue

    politique et travaillent avec les partenaires sociaux pour ltablissement de conventions de

    40 Cest par exemple le cas de la rgion Nord-Pas-de-Calais qui finance un Diagnostic comptences organisation (DCO), permettant des entreprises de travailler avec un cabinet conseil sur leur gestion des comptences.

  • Partie I Chapitre I

    34

    branche par secteur professionnel. La formation y est considre comme un outil de

    rgulation sociale permettant de favoriser lemployabilit des salaris, notamment ceux

    victimes de restructurations. Ils sont amens rendre des comptes sur lutilisation du budget

    allou aux actions de formation. Ils se partagent ainsi la responsabilit de la mise en uvre

    des politiques. Historiquement, comme les partenaires sociaux nont pu rpondre au besoin de

    monte en comptences des ouvriers qualifis (souvent davantage proccups par les

    questions relatives aux salaires et la sauvegarde de lemploi) et que les associations ne

    dtenaient pas les moyens financiers suffisants, cest donc ltat qui est devenu le principal

    acteur de la formation sur ces problmatiques, do la promulgation de la loi de 1971

    (Plassard et Loukil, 2000). Toutefois, la loi de finance de 1996 tend dmontrer un certain

    dsengagement de ltat (ex. suppression de la contribution de ltat au financement du CIF,

    au plan national). Ltat exerce ainsi des comptences limitativement numres par la loi et,

    du fait de la dcentralisation de ces comptences41, ce sont davantage les rgions qui jouissent

    dune comptence gnrale en matire de formation et sont donc autonomes dans

    llaboration de leurs politiques de formation. En plus de diverses incitations fiscales (comme

    les excdents reportables), ltat et les rgions proposent des aides financires dont lobjectif

    est dinciter les entreprises former leurs salaris ou les aider valider leurs acquis

    professionnels. Ces aides publiques dpendent des orientations prises par ltat en matire

    demploi et de ses comptences dlimites en matire de formation professionnelle. Ces

    diffrentes aides publiques peuvent tre gres par ltat mais selon diffrents chelons

    territoriaux (national, rgional, dpartemental). La Direction dpartementale du travail, de

    lemploi et de la formation professionnelle (DDTEFP) est responsable de la mise en uvre

    des dispositifs, tandis que son quivalent rgional (DRTEFP) intervient lors dactions

    cofinances par le Fonds social europen (FSE). En effet, la plupart des aides publiques et

    rgionales la formation dans lentreprise bnficient dun cofinancement du FSE dfini pour

    des priodes de programmation pluriannuelles. Il est noter quau plan national, le comit de

    coordination des programmes rgionaux de lapprentissage et de la formation professionnelle

    a t cr afin de coordonner au mieux laction commune de ltat et des rgions (et ainsi

    favoriser la cohrence et lharmonisation des programmes proposs). Ltat peut aussi

    participer la formation des demandeurs demploi, notamment via le Ple Emploi. Cest ainsi