2meditation gampopa om ha hung

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Sönam Lhundrup Développer la sagesse par la méditation Enseignement basé sur le 17 ième chapitre du « Précieux Ornement de la Libération » de Gampopa Cinquième Stage Croizet, du 31 juillet au 12 août 2006

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  • S n a m L h u nd ru p

    Dvelopper la sagesse par la mditation

    E n s e i g n e m e n t b a s s u r l e 1 7 i m e c h a p i t r e d u

    P r c i e u x O r n e m e n t d e l a L i b r a t i o n d e

    Gampopa

    C i n q u i me S t a g e

    C r o i ze t , du 3 1 j u i l l e t au 1 2 a o t 200 6

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    T a b l e d e s ma t i r e s

    Premier enseignement ................................................................................................................ 2 Mditation et action juste ................................................................................................... 2 Droulement du stage......................................................................................................... 3 La ncessit de la mditation ............................................................................................. 4 Les prliminaires du mahamoudra ..................................................................................... 6

    Deuxime enseignement ............................................................................................................ 8 Rappel sur les prliminaires communs et spcifiques du mahamoudra............................. 8 Sens des prires dans le gourou yoga................................................................................. 8 La mditation du Mahamoudra ........................................................................................ 11 Se reposer dans la nature de lesprit................................................................................. 12

    Troisime enseignement........................................................................................................... 15 Nagarjuna : sur la stabilit de lesprit............................................................................... 15 Lart sacr comme chemin du dharma ............................................................................. 20 Conseils sur la non mditation ......................................................................................... 20

    Quatrime enseignement .......................................................................................................... 21 Conseils pour la pratique personnelle .............................................................................. 27

    Cinquime enseignement ......................................................................................................... 30 Atisha et la bodhicitta ultime ........................................................................................... 30

    Sixime enseignement.............................................................................................................. 38 Mditer sur lespace ......................................................................................................... 38 La post-mditation (activit) ............................................................................................ 41

    Septime enseignement ............................................................................................................ 45 Bienfaits de labsorption mditative ................................................................................ 45 Prendre refuge au sens le plus profond ............................................................................ 51

    Huitime enseignement ............................................................................................................ 54 Prendre refuge dans la Sangha ......................................................................................... 54 Les six paramitas dans la pratique de lultime ................................................................. 56 Le moine au sens absolu................................................................................................... 58

    Dixime enseignement ............................................................................................................. 61 Lenseignement de Shamar Rinpoch sur la vigilance .................................................... 61 Conseils pour la retraite de mditation............................................................................. 63 Mditer sur le souffle et sur limpermanence................................................................... 64

    Onzime enseignement ............................................................................................................ 66 Les portes dentre dans la mditation............................................................................. 66 Lier sa respiration avec OM AH HOUNG ........................................................................... 70 Signes de familiarisation avec la sagesse ......................................................................... 71

    Douzime enseignement .......................................................................................................... 74 Importance de la prire..................................................................................................... 74 Conseils pour mditer individuellement .......................................................................... 76

    Treizime enseignement........................................................................................................... 76 Rsum du stage et conseils pour la pratique................................................................... 76

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    Premier enseignement

    Bonjour vous tous. Je suis trs heureux daccueillir les nouveaux venus et de revoir tous ceux qui ont dj particip aux stages prcdents.

    Mditation et action juste Mon enseignement va dbuter par des remerciements. Et en prambule voici quelques

    indications du travail effectu ici ces derniers temps : nous avons termin le plancher de la grange et mis de la moquette partout. Ainsi nous avons pu inviter lcole dart, les ateliers dart de notre mandala afin quils nous montrent certains aspects de leurs comptences et tout ce quils ont pu raliser ces dernires annes. Vous voyez donc ici quelques petits exemples de ce que vous pouvez admirer maintenant dans le grand temple de Kundreul Ling. Les ateliers dart et Gupel Ling sont assez troitement lis parce que cest lama Kunkyab qui avait trouv cette ferme. A lpoque, il y avait peu de bienfaiteurs pour lacquisition des lieux, alors un petit groupe de gens dont Willi et Brigitta , ont achet cette proprit, puis plus tard ont fait don dune partie pour la pratique du Dharma. Ce lieu est devenu Gupel Ling, do un certain lien de gratitude entre les deux activits : la maison du Dharma et les ateliers dart de Lacot, deux kilomtres dici. Pour ceux qui sont intresss, le 3 aot aprs-midi, une visite guide des ateliers dart sera organise et des explications seront donnes sur la faon de raliser la sculpture sur bois, de travailler le mtal, de faire une thangka Vous pourrez voir galement comment sont raliss les tableaux qui couvriront les murs intrieurs du temple de Kundreul Ling.

    Si cette exposition a pu tre mise en place dans ce lieu, cest aussi grce la comptence dune personne que je remercie. Elle a pass trois semaines refaire linstallation lectrique et rajouter des nons. Je remercie aussi Kundreul Ling, le monastre, qui a mis son amplificateur notre disposition. Une autre personne nous a aussi offert un micro.

    Vous avez pu galement constater que la porte de la grange a t change car dautres amnagements sont prvus pour cette entre, comme par exemple un toit qui couvrira lescalier et permettra de laisser nos chaussures et de se rendre au rfectoire sans se mouiller. La grande butte aussi a t enleve par un tractopelle. Mais aprs cela un norme travail a encore t fourni et sous le soleil. La construction d'un appartement de quatre pices a commenc dans le passage, ct du temple. Pour le parc, un important travail dentretien et de plantations a t ralis au cours du printemps et de lt. Autour du stoupa, le gazon est bien lisse mme si des taupes travaillent en souterrain toute lanne ! On ne voit que le rsultat, mais ce sont de nombreuses heures dinvestissement qui donnent cette ambiance si agrable. Je me rjouis profondment de voir toute lnergie dploye spontanment sur ce lieu alors que je ne suis mme pas l. Je suis rempli de gratitude envers tous les participants, voil pourquoi jai dit que mon enseignement allait dbuter par des remerciements.

    Tout ce que je viens de dire est totalement en relation avec le sujet de notre stage intitul : Comment dvelopper la sagesse travers la mditation . Le Bouddha ne parle pas d'une mditation qui ne montrerait pas de fruits dans le quotidien, car la mditation doit absolument sexprimer par une action. Dans le Mahamoudra on parle de vue, mditation et action. Nous commenons par tablir la vue et mditer, puis cela senchane par une activit pour le bien dautrui. Il ne sagit donc pas ici dnumrer toutes les personnes qui ont aid. Il faut juste voir ltat desprit qui commence se manifester, qui montre une bonne vision des choses et une bonne comprhension du fait que la pratique personnelle nest pas spare de la pratique en groupe. Dans une communaut, une telle activit doit tre mene par une action juste, cest--dire une action qui ne soit pas trop motionnelle, o il y a ce quil faut denthousiasme et un sentiment de joie en mme temps. Cest ce que je constate aujourdhui et cela me rjouit vraiment. Je vois que les choses se font en toute simplicit, juste ce quil faut, mais bien. En arrivant ici on se sent partout bien accueilli.

    Je me rjouis galement de la prsence du groupe russe venu ici pour la premire fois. Cela rpond aussi au souhait que ce soit un lieu international ; il y a maintenant des traductions en plusieurs langues : russe, polonais, anglais, allemand. Jespre que dans le futur cela continuera se dvelopper dans ce sens.

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    Lorsquil est venu ici en lan 2000 pour donner les vux de bodhisattva, dans la grange, Sa Saintet Karmapa a formul de nombreux souhaits puis il a laiss lintgralit de son offrande pour le dveloppement de cet endroit afin quil devienne vritablement un lieu trs fort du Dharma, un Dharma de joie, un Dharma de simplicit.

    Ce matin donc, jai fait un petit tour, jai tout regard et jai t vraiment merveill. Je dis merci tous, merci aux bouddhas, merci tous ceux qui ont aid prparer cet endroit pour ce stage.

    Voil, ctait en quelque sorte un enseignement sur la faon dont peut se concevoir lactivit. Je fais le souhait que dans chaque endroit, o que vous viviez dans le monde, il y ait des lieux du Dharma qui poussent aussi naturellement que celui-l.

    Droulement du stage Maintenant, regardons le programme. Nous allons mditer, mditer et encore mditer ! Mon

    souhait est qu la fin du stage, quand vous rentrerez la maison, vous sachiez toujours un peu plus comment faire avec votre esprit, surtout dans la mditation. La structure du sminaire est simplifie par rapport lanne dernire. Nous pratiquerons le gourou yoga trois fois par jour. Tous les matins sept heures, droupla Kyenrab et moi-mme ferons la pratique habituelle du gourou yoga de Gampopa. Puis nous prendrons le petit djeuner et enchanerons avec lenseignement. Le support sera le texte que nous avons utilis lanne dernire dans les groupes. Si vous ne lavez pas, vous pouvez vous inscrire pour en avoir une photocopie. La deuxime partie de la matine sera consacre la mditation guide. Nous appliquerons donc lenseignement avec de petits exercices de mditation en commun. A quatorze heures trente, les trois premiers jours, les explications du gourou yoga de Gampopa seront donnes ceux qui ne les ont pas encore reues. Il faudra constituer des groupes en trois langues et jencourage ceux qui parlent anglais, mme en tant franais ou allemands, de se joindre au groupe anglophone avec lama Djangtchoub. Et pendant ce temps-l, les autres commenceront la pratique du gourou yoga, avec quelques mditations. A partir du vendredi 4, 16 h 30, nous nous retrouverons dans les diffrents ateliers pour mditer. Ils seront constitus pour trois jours, quatre jours, et trois jours, et ne changeront pas durant ces trois priodes. Bien entendu, entre les priodes vous pourrez changer de groupe. Il y aura donc trois possibilits avec trois lamas ou drouplas diffrents. Vous pourrez galement poser plus de questions, clarifier votre pratique. Cette anne, nous avons prvu quune fois par jour, chacun aille mditer au moins une demi-heure seul, quelque part sur le lieu : sous un arbre, dans le temple, dans un endroit o lon se sent bien, pour amener cette exprience de mditation solitaire dans le groupe dchanges, dans latelier. Parce que lide, cest de devenir capable de mditer seul la maison et de pouvoir tre dans une pratique continuelle.

    Ensuite comme toujours pendant le stage , il y aura trois gourous-yogas avec un festin doffrandes (ou tsok) et le premier aura lieu ce soir. La poudja de tsok du milieu du stage a t dcale au mercredi 9, le soir, parce que cest la pleine lune et lanniversaire du parinirvna de Gampopa. Cest trs auspicieux de faire une poudja de Gampopa ce jour-l. Les autres soirs, nous pratiquerons le gourou yoga habituel en chantant les prires et en mditant. Mais si un groupe souhaite pratiquer Tchenrzi, il est possible de le faire en mme temps dans le petit temple. Quelques enfants se joindront eux, ils connaissent le mantra qui pourra tre chant.

    Jeudi 3, cest laprs-midi libre et pour ceux que cela intresse, la visite des ateliers dart. Le mardi 8 sera lautre aprs-midi libre. Ce jour-l, Shamar Rinpoch commence enseigner Dhagpo. Vous pouvez donc vous y rendre si vous le souhaitez, pour couter son enseignement et recevoir sa bndiction. Jirai aussi. Pendant ce temps-l, lama Djangtchoub et quelques autres, continueront le programme ici, avec tous ceux qui seront rests.

    Dans la dernire partie du stage, le matin, la mditation guide remplacera lenseignement formel. Nous entrerons dans une retraite de groupe o nous pratiquerons et mditerons toute la journe. Comme toujours, le dernier jour nous offrirons un grand festin doffrandes en guise de remerciement pour le stage.

    Le soir, ce sera la fte qui ne fait pas partie du stage. Vous pouvez donc inviter vos amis. Tout le monde est bienvenu et de petites performances, de petits spectacles seront prsents. Un super groupe compos de cinq jeunes personnes vous offrira la musique sur laquelle vous pourrez danser.

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    Notez bien que comme toutes les annes , cest toujours sans alcool, sans nicotine et sans autres drogues bien entendu. Un buffet sera partag par tous.

    Y a-t-il des questions concernant le droulement du stage ? Question : Est-ce quune visite du grand temple du Bost est prvue ? Oui, je crois que cela pourra se faire si une personne veut bien vous guider. Mais il serait peut-

    tre bien dabord de visiter les ateliers dart parce que vous y verrez la naissance du temple et tout ce qui est derrire. Simone va organiser la visite. A Lacot, vous pourrez voir le DVD retraant toute la construction du temple.

    Faisons maintenant une petite mditation qui servira de coupure avant de commencer lenseignement proprement dit. Restons lesprit aussi dtendu que possible, toutes nos facults sensorielles tant compltement ouvertes.

    ---- Mditation ----

    La ncessit de la mditation Lanne dernire, les enseignements ont tourn principalement autour du non-soi de la

    personne, du non-soi des phnomnes et de la vacuit. Nous avons pass les cinq premiers jours du stage rflchir vraiment tout cela. Puis, la deuxime partie du stage a port sur lapplication de cette comprhension et cest ce que nous allons continuer maintenant. Le sixime point de lexplication de Gampopa sur la Prajnaparamita, tir de son livre Le Prcieux Ornement de la Libration sintitule : Cultiver la sagesse transcendante ou, si lon traduit mot mot : Ce qui est cultiver concernant cette sagesse qui vient dtre explique.

    Si toutes choses sont vacuit, y a-t-il la moindre ncessit cultiver cette sagesse ? Oui... ...dit Gampopa, parce que la vacuit nous chappe, nous nen sommes pas conscients. Cest le

    problme. Oui, toute chose est vacuit, cela veut dire que toute chose a cette nature illusoire mais nous, nous nen sommes pas conscients. Nous ne pratiquons pas pour donner une vacuit aux choses, elles ont dj cette nature dabsence de vritable existence ; mais comme nous nen sommes pas conscients, nous saisissons et crons un tat dmotions

    Prenons limage du minerai dargent. Il est de la nature de largent, mais tant quon ne la pas fondu et purifi, cet argent demeure invisible. Si on veut lextraire, on doit fondre et purifier le minerai. De mme, bien que toutes choses soient depuis toujours vacuit, libres de toutes les constructions mentales, les tres peroivent toutes sortes de ralits et font lexprience de multiples souffrances. Il est donc ncessaire de comprendre cette sagesse et de la cultiver.

    Prenons donc le minerai dargent. Quelquun dont lil n'est pas exerc ne peut voir quun gros caillou et nimagine pas toutes les qualits que recle ce quil tient dans la main. Il en va de mme avec tout ce qui nous arrive. Nous voyons bien quelque chose, nous ressentons bien quelque chose, mais nous ne sommes pas vraiment conscients de la nature de ce qui nous arrive. Si nous prenons le temps de regarder, nous allons trs rapidement discerner cette nature illusoire des choses, ce quon appelle la vacuit ou ce qui est appel ici : la vacuit libre de constructions mentales. Une personne exprimente et qui sy connat en minerai, verra tout de suite la nature dargent de ce quelle tient dans la main. Une autre qui ny connat rien ne le verra pas. Elle passera ct sans rien remarquer.

    tre bien entran, signifie avoir dvelopp le regard sur la nature vritable de ce qui se manifeste dans lesprit, la nature vritable des phnomnes. Dvelopper ce regard expriment et comment procder est le sujet de notre stage. Ce sera galement le sujet de tous les stages du Dharma dans le futur. Ds quon parle de la mditation bouddhiste, on parle de dvelopper ce regard de sagesse. Ce regard de sagesse libre. Sans ce regard de sagesse, nous allons nous emmler dans les motions, dans la saisie et de nombreuses souffrances en rsulteront.

    On parle ici dargent parce quon ne dcouvre pas une absence de qualits. Quand on parle de vacuit, il ne sagit pas de ne rien dcouvrir. Au contraire, on parle de dcouvrir quelque chose de trs

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    prcieux. Il ne sagit pas douvrir le tronc dun bananier pour trouver le creux qui est lintrieur. Ce nest pas lexemple utilis ici. On utilise lexemple de quelque chose dont la nature prcieuse nous chappe au dbut, mais plus nous lobservons, plus nous voyons la nature inestimable de ce que nous tenons dans la main. Trouver la vacuit, reconnatre la nature illusoire des choses, cest trouver toute une richesse de qualits. Cest un synonyme pour reconnatre la nature de bouddha, la source de tout amour, de toute sagesse et de toutes les autres paramitas - toutes les qualits veilles . Il faut que je vous donne davantage dexplications. Quest-ce que la vacuit ? Je vous rappelle lessentiel de ce qui a t dit lanne dernire (ceux qui ntaient pas l pourront lire la transcription). La vacuit, cest labsence du soi. (Bruit dune pluie violente). Mditons en attendant que la pluie cesse.

    ---- Mditation ----

    Javais commenc dire que la vacuit cest labsence du soi. Le soi, le moi, nest pas quelque chose de prsent certains moments et absent dautres, cest quelque chose qui, ds le dbut, na jamais exist. Ce qui est dcouvrir est que tout ce que lon dcrit comme le moi, comme la personne, nest quun processus et non quelque chose de solide. Cest cela qui nous rapproche de la dcouverte de ce quon appelle la vacuit. Ensuite, si nous comprenons que dans tout ce processus, dans tout ce flot dvnements mentaux, il ny a pas un organisateur, un chef qui le contrle, mais que cela sauto-organise par la force dune sagesse inhrente qui nest pas non plus une entit, l nous nous approchons encore plus de la vacuit. Si ensuite nous regardons un par un chaque instant, une par une chaque pense, chaque motion qui slve est un petit rien qui se manifeste dans lesprit, nous ne trouvons pas quelque chose de stable, quelque chose de solide, un noyau, cest cela la dcouverte progressive de la vacuit dans tous les instants de lesprit. Quand on parle de la dcouverte de la vacuit, on parle de ltonnement de voir que tout cela fonctionne sans quil y ait une entit, une me, un moi qui prenne tout en charge. Et quand nous commenons pntrer en profondeur ce que cela veut dire, cest la ralisation. Quand cette comprhension touche le fond des choses, nous ralisons quil ny a jamais eu un moi. Cest grce cela que la vie est possible. Sil y avait un moi, un je solide, ce mme processus ne pourrait pas exister, il ne pourrait pas y avoir la vie, tous ces changements, toute cette volution, ces possibilits dexpression, parce quau centre quelque chose bloquerait. La grande fluidit de notre esprit nest possible que grce labsence de quelque chose de solide qui la bloquerait. Il ny a aucun moi, aucun je solide qui puisse rsister au changement, heureusement pas. Le moi, le je ternel, cest cette ouverture, cet espace, cette conscience dans laquelle toute chose se passe. Mais cet espace, cette ouverture, cette conscience, nest pas personnelle, nest pas individuelle, ce nest pas moi, cest ce que nous avons tous en commun et que lon nomme dimension de la vrit, dharmadhatou. Voil pourquoi nous pouvons la comparer lespace, au ciel, qui nempche en rien les nuages de se manifester, ni nimporte quel objet de le traverser. La trame ternelle est cette dimension de base qui nous donne un sentiment de permanence, mais ce nest pas la permanence dun moi, dun je ou de quelque chose. Cest la base de conscience, lespace lui-mme qui a cette nature dtre toujours prsent sans tre quelque chose en soi.

    Tout ce que je viens de vous expliquer est ce quon appelle la vacuit. Toute cette ralisation est condense dans lenseignement sur la vacuit. Gampopa dit :

    Cest ainsi depuis tout le temps ; toutes choses ont cette nature, mais du fait que nous ne lavons pas reconnue, il faut pratiquer, il faut mditer. Une fois, donc, que lon a compris tout ce qui prcde, il faut sy habituer. Ce qui comporte quatre points : les prliminaires, la mditation, entre les mditations et les signes de familiarisation.

    Donc, quand nous avons compris intellectuellement limportance de ce qui vient dtre dit, nous nous mettons pratiquer. Par exemple, si je saisis que moi en tant quenseignant, je me trouve devant vous ou devant une foule de personnes, je pourrais avoir peur de me tromper, cela pourrait me bloquer, je pourrais avoir des motions. Il en est de mme pour tout autre situation. Lorsquune quelconque difficult se manifeste, si nous saisissons un moi, nous exprimentons la peur, l'espoir et la crainte ou le dsir. Ce sont nos grandes tendances : attachement/aversion, espoir/crainte, dsir/colre, etc. Nous fonctionnons sur ce mode parce que nous saisissons un moi imagin. La libration dont parle le Bouddha, cest de sortir de cette imagination, de cette confusion. Quand nous comprenons le sens de son propos, nous nous mettons pratiquer. Tant que nous ne comprenons pas, nous ne pratiquons pas.

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    Si notre pratique est faible, cest parce que nous navons pas bien assimil ce point. Il faut y rflchir. Le Bouddha nous a montr la sortie de la souffrance, mais si dj nous ne comprenons pas en quoi consiste la souffrance, quelle est sa cause et quil en existe une sortie, nous ne serons pas motivs pour parcourir le chemin.

    Vous tes l, motivs, aussi nous allons pratiquer ensemble. Pour cela, nous allons respecter les consignes du texte, savoir : les prliminaires, la mditation elle-mme, ce quil faut faire entre les mditations, cest--dire dans lactivit, et sur quoi veiller, cest--dire les signes de familiarisation. Ce dernier point nous donnera une ide des indices qui montrent que nous sommes sur le bon chemin, que notre pratique aboutit vraiment quelque chose de positif.

    Faisons une petite pause ici et retrouvons-nous dans une demi-heure.

    Les prliminaires du mahamoudra Durant cette deuxime partie de la matine, nous allons mditer. Mais tout dabord, je vous lis

    la suite de lenseignement sur les prliminaires parce que cest ce que nous allons appliquer maintenant.

    Les prliminaires consistent laisser lesprit stablir dans son tat naturel. En tibtain on dit : sem nyel-tou bap-pao. Bap-pa signifie : laisser retomber. Un peu comme

    limage que jai utilise dans le stage prcdent : comme une gerbe de paille lie par une corde et lorsque cette corde est coupe, la gerbe souvre et la paille retombe, naturellement. Cette image voque le fait de se relcher, de laisser son esprit se poser, tout naturellement. Telle est lide de ce quon appelle ici la prparation. Cest de ne plus faire defforts pour maintenir, garder les choses ensemble, cest tout laisser retomber sa place, comme lorsque la corde est coupe. Cest ce quon appelle la prparation au mahamoudra, la prparation la prajnaparamita : on nous conseille de dvelopper ltat desprit adquat pour pntrer la nature de lesprit. Comme prparation la pratique de mahamoudra, il faut adopter lattitude de la non manipulation. Cest ce qui est requis pour pouvoir mditer le mahamoudra. Mais quand nous entendons cette instruction, nous pensons que les prliminaires sont trop difficiles pour nous, que cela nous dpasse. Cest pour cela que Gampopa enchane. Il dit : Comment ? (Cest--dire comment faire ?) Et il donne la rponse en citant La prajnaparamita en sept cents stances :

    Nobles disciples, restez dans un endroit solitaire, prenez plaisir ne plus avoir doccupations distrayantes et asseyez-vous les jambes croises, sans avoir lesprit aucun concept.

    (Forte pluie.) Nous allons faire exactement cela. Laissons la pluie enlever toutes les fabrications mentales.

    ---- Mditation ----

    Dans ces quelques phrases, nous trouvons tout ce qui est essentiel sur le chemin de la prparation au mahamoudra. Tout dabord, nous allons chercher la solitude, un endroit isol. Dans le texte tibtain il est crit : oun pei mel dn. Cest le coussin de mditation. Cela ne veut pas ncessairement dire que vous vous mettez en retraite. Dans le chapitre sur la mditation, Gampopa explique clairement ce que veut dire solitaire : concernant la solitude du corps, cest scarter physiquement dune activit distrayante ; pour la solitude de lesprit, cest scarter mentalement de toute proccupation distrayante. Donc, si vous avez la force desprit suffisante, vous pouvez mditer dans une pice de votre maison, cela peut se faire ainsi. Au moment o vous dcidez de vous retirer de toute activit physique distrayante, vous pouvez dire : Pendant cette session, cette demi-heure-l, je ne moccupe pas de tout le reste de ma vie, ce sera comme une parenthse, je ne fais que mditer. Il faut une sacre puissance desprit dj pour pouvoir tablir cette parenthse, mais elle est ncessaire pour pouvoir progresser. La capacit dtablir une telle solitude au milieu de nos activits quotidiennes sacquiert avec le temps. Nous ne savons pas bien comment faire au dbut et nous essayons. Nous constatons que cela marche mieux quand nous dbranchons le tlphone, quand nous ne laissons pas la

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    porte ouverte, ainsi les enfants ne se sentent pas invits etc. Nous dcouvrons au fur et mesure comment faire pour se crer un cadre qui nous permette daccomplir cette forme de pratique.

    Quand on parle des prliminaires concernant la pratique du mahamoudra, il est question de chin, des bases acqurir pour la pratique du calme mental. On ne parle pas des prliminaires qui nous prparent au chemin de la pratique. On ne parle pas des rflexions qui nous font asseoir vraiment, prendre refuge et dvelopper la bodhicitta, car cest dj fait. Nous sommes censs les avoir dj accomplis. Maintenant, nous sommes dans les prliminaires qui se rapportent la phase principale : le mahamoudra. Nous prenons alors du temps pour digrer tout ce que nous tranons encore de notre activit quotidienne. La condition ncessaire la pratique du mahamoudra est un lcher-prise profond permettant cette mditation de sinstaller. Donc, dans la phase prparatoire de notre mditation principale, nous recherchons ce lcher-prise. Cest autour de cela que tourne toute la prparation.

    Nous allons donc pratiquer le lcher-prise en abandonnant lactivit physique et les proccupations mentales distrayantes. Ce sont les deux premiers facteurs mettre en route absolument. Maintenant, un norme travail de lcher-prise est accomplir : il faut lcher notre envie dtre physiquement actifs et mentalement proccups, notre envie de nous occuper. En mme temps, il faut tre prts lennui, sennuyer profondment parce que ce qui nous pousse toujours nous occuper, cest la peur de lennui et bien sr aussi la peur de la solitude. Ces deux grandes peurs seront travailles dans cet apprentissage du lcher-prise. Nous allons donc accomplir un travail considrable dans ce quon appelle les prliminaires. Cela ncessite une rflexion profonde sur les causes de notre business , de notre proccupation constante : Pourquoi suis-je tellement pris par cela et pourquoi est-ce ncessaire de le lcher ? Si une rflexion profonde nest pas mene sur ce sujet, le vritable chin narrivera pas sinstaller.

    Il nest pas question dune lutte ternelle contre les distractions et nos tendances la proccupation, car celui qui en a compris la ncessit et qui en a envie, peut lcher dans linstant mme. Le fait de savoir que maintenant je peux lcher , que cest le moment de la mditation, je le fais tout simplement et cela dans ce mme instant. Ce nest pas automatiquement une lutte. Si vous tes dans la lutte, cest que ce nest pas clair dans votre esprit. Vous ntes pas clairs sur ce qui est le plus important dans votre vie cest--dire : rflchir ce qui slve comme ides, comme penses, ou lcher. Vous hsitez. Parce que vous ntes pas convaincus, par moment vous lchez, dautres moments vous revenez dessus, ainsi vous tes tout le temps entre les deux. Quelque chose nest pas clarifi. Entendons-nous bien, on ne parle pas ici de laisser tomber toutes les choses du quotidien et de ne plus sen occuper. Il sagit simplement de crer la capacit fonctionner diffremment, de pouvoir dfinir dans notre vie des espaces o nous ne rflchissons pas, comme toujours, aux mmes choses. Nous crons un espace pour savoir ce que cela pourrait nous apporter, pour dcouvrir toutes nos possibilits non connues cause de cette cogitation continuelle.

    Assis sur le coussin, nous ne cherchons pas faire autre chose, nous ne contemplons plus une quelconque rflexion du dharma. Nous sommes seulement l, bien droits, les jambes croises si nous le pouvons sinon nous nous mettons sur une chaise , nous ne crons plus aucun autre concept, nous sommes contents avec ce qui est. Tel est le vritable calme mental. Nous ne cherchons plus autre chose que ce qui est. Nous sommes donc dans le contentement de ce qui est et ne crons pas de concepts distrayants, nous ne crons pas notre propre film pour nous amuser, nous distraire et ne pas tre prsents. Nous sommes l, conscients, prsents. Donc, tre prsent sans chercher autre chose, tre le plus naturel possible, tel est le rsultat de tous nos efforts prliminaires et tels sont les prliminaires pour le mahamoudra. Entendons-nous bien, je ne parle pas l des prliminaires qui sont dj le rsultat de tout un chemin de pratique nous permettant de mditer ainsi, ces prliminaires tant simplement la base pour la pratique du mahamoudra. Mditons de nouveau.

    ---- Mditation ----

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    Deuxime enseignement

    Rappel sur les prliminaires communs et spcifiques du mahamoudra Hier, nous avons vu les prliminaires au mahamoudra, cest--dire les prliminaires qui

    prcdent immdiatement la mditation du mahamoudra ou pourrait-on dire le moment de dtente qui prcde la mditation principale. Quand nous sommes la maison et que nous voulons pratiquer, nous ne pouvons pas appliquer directement cette dtente, nous avons besoin de prliminaires plus extensifs. Nous commenons alors par une rflexion qui tourne lesprit vers le dharma, puis nous rflchissons sur la prcieuse existence humaine, sur le fait aussi que cette prcieuse existence peut se terminer trs rapidement par la mort, que limpermanence frappe partout, que rien ne perdure. Ensuite, nous cogitons sur le karma et les dfauts du samsara. Toutes ces rflexions sont appeles Les Quatre Prliminaires communs du Mahamoudra ou Les Prliminaires du Mahamoudra ou encore Les Prliminaires communs , parce quils sont communs toutes les pratiques. Donc, chaque pratique, chaque mditation doit tre prcde de ces quatre rflexions (qui ont t expliques dans dautres stages).

    Viennent ensuite les prliminaires spcifiques du mahamoudra que vous connaissez sous le terme de ngeundro . Il sagit de prendre refuge, faire les prosternations et dvelopper la bodhicitta, puis viennent la pratique de Dordj Sempa (ou Vajrasattva), lOffrande du Mandala et le Gourou Yoga. Chacune de ces pratiques prpare lesprit pouvoir lcher. Ainsi, cette capacit pouvoir lcher les penses et se tourner vers ce qui est bnfique saccrot dans notre esprit. Dans ces quatre prliminaires, nous apprenons ce mouvement : au lieu de saisir une pense, une motion, apprenons la lcher pour pouvoir nous adresser autre chose, nous diriger vers autre chose (comme si nous faisions ce geste de la main : lama Lhundroup ferme la main puis louvre). Ayant appris ce processus, nous sommes dans les prliminaires numrs ci-dessus. La signification de ce que nous avons vu hier, cest de nous installer dans la mditation et de nous remmorer ce geste de la main qui souvre, pour lcher la saisie et ainsi ouvrir notre esprit. Et tout ce qui prcde la pratique, tout ce qui prcde le moment de la mditation profonde, consiste nous aider faire cela (lama Lhundroup dtend quatre doigts les uns aprs les autres). Cest pour cela quil y a quatre prliminaires, vous voyez !... Pour lcher, pour savoir comment faire.

    Sens des prires dans le gourou yoga Dans le gourou yoga que nous pratiquons dans ce stage trois fois par jour il y a des prires

    du cur que nous chantons du fond de notre tre. Nous nous ouvrons, parlons avec le Lama et passons par ces rflexions fondamentales o nous prenons conscience de la prciosit de cette situation, de limpermanence, o nous crons des actes positifs, contemplons le refuge, pratiquons la bodhicitta, faisons des offrandes, etc. Dans le texte mme il y a beaucoup dcouvrir, de nombreuses petites phrases nous aident nous rappeler le sens de notre pratique. Et cest donc un peu cela qui remplace les prliminaires extensifs ici dans notre rituel. Ces prires-l prennent la place que dtiennent normalement les prosternations, Dordj Sempa, lOffrande du mandala, le Gourou Yoga. Nous sommes ici dans le gourou yoga et nous y trouvons tout le reste. Le sens de ces prires est donc de nous aider faire ce geste-l dans notre esprit : ouvrir notre esprit et lcher. Et pour que cela se produise, il faut que nous entrions vritablement dans ce dialogue avec le Lama, que nous nous ouvrions ce quon appelle la bndiction, avoir simplement linspiration de faire cela. Cest la bndiction du Lama qui nous aide (long souffle) faire ce geste-l intrieurement. Nous prions et nous contemplons le temps quil faut pour pouvoir rester ensuite dans la mditation. Et quand nous perdons cette ouverture, nous reprenons les prires. Soit nous en prenons dautres, soit nous gardons les mmes et relanons ce dialogue qui nous aide nous ouvrir. Et l, nous nous dtendons encore une fois.

    Dans la pratique du gourou yoga nous prions nous lanons un appel en quelque sorte , nous commenons dans un tat de petite ou de grande fermeture, mais nous navons pas juger, nous sommes comme nous sommes, nous parlons celui qui est en face : lexemple dveil ici, cest Gampopa. Nous nous dirigeons vers cet exemple jusqu ce que cela commence rsonner en nous. Cest comme si nous commencions vibrer avec Gampopa face nous, jusqu pouvoir lcher nos

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    dfenses, nos rsistances et devenir un seul avec lesprit du Lama. A ce moment-l, le gourou yoga saccomplit et cest le Lama le Bouddha , qui descend en nous symboliquement, pour montrer quil ny a plus de sparation. Nous tions dans la distinction quand nous tions dans la saisie goste, mais en en sortant, en tant dans louverture, il nest plus ncessaire de garder le Lama en face, nous le laissons fondre en nous, nous ne maintenons pas de sparation puisquil ny en a plus. Cest aprs cette union avec lesprit du Lama, qui sest dissous en nous grce louverture du cur, que se pratique le mahamoudra.

    Maintenant nous sommes dans le mahamoudra et les instructions que nous allons lire se rfrent cette phase-l, celle o nous sommes dans la mditation, remplis par linspiration du Lama. Ce que je vous explique est trs important parce quil ny a pas de pratique de mahamoudra sans cette ouverture du cur, cette ouverture de lesprit. Tant que nous sommes dans un tat desprit assez ferm, nous ne pouvons pas dire : Je vais pratiquer le mahamoudra et nous asseoir en disant : Bon, cest cela le mahamoudra. Non, cela ne marchera pas, ce nest pas possible parce quil manque le plus important : louverture du cur. Nous navons pas toujours besoin de prendre un texte de gourou yoga et de passer par tous les textes pour ensuite mditer le mahamoudra. Ce nest pas ce qui nous est demand. Il faut trouver la cl qui ouvre notre cur, notre cur/esprit et qui permet de laisser le Lama, le Bouddha, mditer en nous. Cest la cl.

    Dans la mditation du mahamoudra, ce nest pas le moi qui mdite, ce moi qui dcide : Je vais mditer le mahamoudra . Le mahamoudra se mdite tout seul. Nous laissons mditer, nous laissons tre. Mme le mot mditation ne convient plus parce que nous ne sommes plus dans leffort de vouloir mditer. Aussi faut-il avoir la capacit de remarquer dans la mditation, le moment prcis o nous ne sommes plus dans cette ouverture o cela mdite tout seul, parce que nous recommenons vouloir crer une mditation, vouloir crer une dtente, vouloir faire quelque chose. Cela sappelle la mditation artificielle. Il faut donc remarquer le moment o notre mditation devient artificielle et alors appliquer le conseil des matres du mahamoudra qui est plutt de prier, plutt douvrir le cur, que de continuer avec cette fabrication artificielle. Faites tout ce que vous pouvez pour ouvrir votre cur au lieu dinsister et dtre un mditant qui veut avoir encore une belle mditation. Car cette belle mditation, elle, est dj investie dun moi qui veut.

    Donc, quand on parle de la pratique du mahamoudra, en gnral il sagit de ces moments douverture qui sont non construits, non fabriqus, suivis bien sr par les tensions qui reviennent. Il faut remarquer ces tensions et ne pas se laisser sduire par les petites penses qui disent : Ah ! coute, on va prolonger un petit peu, on va faire en sorte que la mditation dure un peu plus longtemps. Parce que l, nous tombons dans la fabrication. A ce moment-l, le pratiquant du mahamoudra doit lcher louverture quil vient dexprimenter mais qui est du pass et utiliser une autre mthode ouvrant le cur, qui le reconnecte avec linspiration. Il peut visualiser le Lama encore une fois en face, recommencer la prire et accepter de retourner sur le niveau un peu plus relatif de la prire, des paroles, de la dualit, jusqu ce quil soit prt lcher de nouveau.

    Est-ce que vous avez des questions sur ce sujet ? Question : Ma mditation est toujours fabrique. Il ny a donc pas un moment o je peux dire :

    a y est, je recommence prier, parce que je rentre nouveau dans la volont et cest comme cela depuis le dbut. Comment je fais pour savoir

    ce moment-l, tu prends comme point de rfrence la mditation la plus naturelle possible. Tu pries, tu laisses le Lama se dissoudre en toi et tu te dtends. Pour le moment, cest ltat le plus naturel que tu puisses exprimenter. Est-ce que tu as compris ? Tu prends cela comme ta base et quand a devient moins naturel, tu relances encore les prires. Lide, cest de toujours retourner dans ce qui est le plus naturel, le plus dtendu dans notre propre esprit. Tu prendras cette dtente comme point de rfrence. Cest un tat de chin. On parle l dun tat de calme mental relativement plus ou moins calme mais cest le calme le plus dtendu, le plus naturel que nous connaissions. Quand la dtente est moindre, quand la tension revient, nous recommenons la prire, nous recommenons la pratique plus relative et nous nous dtendons davantage. Et dans les dizaines, les centaines et les milliers de moments de dtente, nous dcouvrons des nuances. Certaines ont davantage douverture. Nous allons dcouvrir de nombreuses ouvertures, plus profondes que celles que nous avons connues auparavant.

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    Cest cela le processus. Au fil des annes, nous allons vers des dtentes progressives jusqu toucher finalement une dtente, une ouverture sans fin, sans point de rfrence qui sappelle la non-dualit et qui est le vritable mahamoudra. L, nous navons plus besoin de nous dtendre davantage parce que nous sommes dans louverture complte et quand nous sortons de ces tats, nous savons que cest la fin du voyage, que nous navons plus besoin daller plus loin. Donc jusque-l, nous prenons toujours comme point de rfrence louverture desprit qui nous est accessible, nous nous dtendons et quand elle se referme nous recommenons la pratique qui nous aide nous apaiser encore une fois. Nous faisons ces allers-retours et avec le temps nous dcouvrirons que louverture sinstalle de plus en plus frquemment. Nous trouvons cette ouverture comme prexistant dans notre esprit. Elle tait dj l avant que nous la trouvions. Elle est toujours l et cest la nature de notre esprit.

    Tout dabord, nous commencerons par nous dtendre, ce qui nest pas si facile. Cependant, avec le temps nous prendrons confiance, nous connatrons un peu plus le chemin et cela deviendra de plus en plus ais parce que nous dcouvrirons que faire davantage defforts ne nous mnera pas de meilleurs rsultats et quau contraire, en en faisant moins nous pourrons aller plus loin, jusqu trouver le non-effort . Ce nest que par le non-effort que nous entrerons dans le mahamoudra. Cest parce que laccs au mahamoudra ne sobtient pas par leffort que nous adoptons des mthodes comme prier le Lama et le laisser fondre en nous. Cest cela le symbole de labandon total de tout effort personnel. Cest ce qui nous aide travailler cette capacit de renoncement total soi-mme et toute saisie personnelle sur la manire dont je devrais mditer. Tout cela est abandonn dans louverture envers le Lama/Bouddha qui se fond en nous. Et dans cette dimension du Lama, du Gourou, du Bouddha, qui souvre nous, dans cet esprit-l nous trouvons le matre, le vritable Lama. Ce nest pas le lama extrieur, mais cest cette dimension que nous allons mditer et qui nous guidera plus loin.

    Question : Comment remarquer si je suis tendu ou dtendu ? Le premier support pour connatre la diffrence entre dtente et tension, cest le corps lui-mme.

    Nous observons ce qui se passe dans le corps : dans la tte, la nuque, les paules, le dos, le ventre, les jambes. Une ouverture, une dtente sinstallent et quand la tension revient, nous remarquons une fermeture, un effort apparat, les sourcils commencent se dresser, la tte se penche en avant, il y a un peu de tensions dans le ventre comme si nous avions peur Ce sont toutes ces formes de changement que nous allons pouvoir reprer. Le miroir du corps est dj un instrument trs sensible pour savoir ce qui se passe dans lesprit, puisque tout ce que nous remarquons dans le corps nest que le miroir de ce qui se passe dans lesprit. Du fait que chaque pense provoque une raction dans le corps, celle-ci est accompagne par un mouvement de lnergie subtile qui change les sensations. Avec plus dexprience, nous remarquerons directement ce qui se joue au niveau de lesprit, les formes de penses vont changer.

    Quand nous sommes dans la dtente, il y a peut-tre dj moins de penses, peu importe, car mme sil y a beaucoup de penses, aucune delles ne nous trouble. Mais quand nous commenons avoir des cogitations exprimant de lespoir ou de la crainte, de lattachement ou de laversion, tout de suite nous savons que les mcanismes de notre saisie goste sont relancs, il nous faut donc prier de nouveau. Il se peut que notre espace de dtente nait exist que dix secondes, peut-tre une minute, ce nest pas grave. Nous le remarquons et nous recommenons une pratique qui nous aide lcher davantage, puis nous restons encore une fois dix secondes dans louverture. Il est important de savoir que nous ne pouvons pas dterminer la longueur de notre dtente. Nous ne pouvons pas dire : Maintenant je vais rester tant de temps dans la dtente. Elle sera toujours dune dure diffrente : parfois dune fraction de seconde, parfois cela nous semblera tre un temps ternel parce le temps nexiste pas. Dans cette dtente, il ny a pas de limites. Nous ne pouvons pas nous dire : Je vais rester cinq minutes dans la dtente. En tant que dbutant, cest impossible. Il faut accepter que la dtente chappe notre volont. Quand la volont se relance, la dtente est dj termine ; la dtente la plus profonde est termine alors que la dtente relative dure peut-tre encore.

    Question : Jai vraiment des difficults entrer dans cette dtente parce que je suis tout le temps en train de suivre le texte et je ne connais pas Gampopa. Je me dis que ce doit tre un tre merveilleux, mais que je ne connais rien de lui. Comment faire alors pour mouvrir, jaimerais tellement mouvrir ?

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    Du fait que cest ton premier stage comme pour dautres aussi , il est possible de remplacer Gampopa par le matre qui vous inspire le plus ou par la dimension qui est votre dimension de rfrence. Pour vous donner des ides : vous pouvez remplacer Gampopa par Bouddha Sakyamuni ou Karmapa ou par dautres matres pour lesquels vous ressentez un contact du cur. Et toutes les prires que nous faisons ensemble, vous les adressez au matre avec lequel vous avez une connexion de cur. Nous pouvons penser aussi que Gampopa, dans la pratique, reprsente pour nous tous les matres veills, tous ceux qui ont dj atteint la bouddhit et qui vont atteindre la bouddhit dans le futur. Nous nous adressons tous ces matres-l, sans en exclure un seul. Nous pouvons galement nous adresser directement la dimension veille, appele dharmakaya ou dharmadhatou ou bien cet espace aussi appel par exemple la lumire infinie de lamour et de la compassion . Il porte beaucoup de noms. Nous pouvons nous adresser ce qui est vraiment une source dinspiration pour nous, ce qui nous ouvre, ce qui nous touche. Et cest dans cet espace que nous pratiquerons le gourou yoga.

    Au cours des explications sur le gourou yoga, je suis sr que le lama vous dira que le Gourou ici Gampopa , sert juste de porte dentre pour contacter la bndiction de tous les bouddhas, de tous le matres veills. Si Gampopa a t choisi, cest parce quil est un matre de notre ligne dont nous connaissons lhistoire et quainsi il est plus facile dentrer en contact avec lui. Par contre, si ce Lama Gampopa , vous est compltement inconnu, il ne va peut-tre pas pour le moment vous inspirer confiance. Vous pouvez donc le remplacer par Karmapa que vous avez peut-tre dj rencontr. Le premier Karmapa tait le disciple de Gampopa. Il est possible donc le remplacer aussi par le Bouddha Sakyamuni, qui tait le matre de Gampopa dans une vie antrieure. De cette manire, vous pouvez trouver la porte qui ouvre vraiment votre inspiration.

    Mditons un moment, mais auparavant, nous allons chanter cette petite phrase qui se trouve dans notre pratique : NYAM ME DAGPO DA EU CHEUN NOU CHAB LA SEUL OUA DEB SO Elle rsume toutes les prires que nous pouvons adresser Gampopa. Nous la chanterons ensemble pendant quelques minutes, puis nous laisserons Gampopa se dissoudre en nous et mditerons de faon aussi naturelle que possible. Mettons tout notre cur dans cette prire, mettons-y tout ce que nous voulons communiquer aux matres veills. Exprimons-leur tout ce qui nous ferme, offrons tout cela aux bouddhas, puis laissons le Lama se dissoudre en nous. tant donn que nous pratiquons en groupe, je vais donner le rythme et indiquer le dbut de la mditation silencieuse. Quand vous pratiquerez individuellement, vous dciderez vous-mme de tout cela.

    NYAM ME DAGPO DA EU CHENOU CHAB LA SEUL OUA DEB SO ---- Mditation ----

    La mditation du Mahamoudra La mditation consiste laisser lesprit tel quil est, sans adopter ni rejeter quoi que ce soit,

    sans concevoir ltre, le non-tre ou autre chose. Ce qui est pratiquer, dans un petit gourou yoga comme celui-ci, cest de laisser le Lama, le

    Bouddha, se dissoudre en nous. Il peut y avoir ensuite un moment de plus grande ouverture et quand la tendance revient, comment faire ? Juste se souvenir de laisser lesprit tel quil est, cela aide ! Il est possible, avec cette petite vocation, de retrouver louverture, la dtente. Il arrive toujours un moment o nous perdons cette dtente, mais un petit rappel nous aide nous dtendre. Si, dans la mditation, nous lutilisons juste au moment o notre tendance fabriquer la mditation revient : Comment faire maintenant ? , se dire ce moment-l : Pas de souci avoir, tout est dj l, laisse lesprit tel quil est, reste naturel , peut aider retrouver une ouverture, une dtente et nous restons encore une fois ainsi. Par contre, ce quil ne faut pas faire, cest de prendre une telle phrase : Laisse lesprit tel quil est !... , pour se combattre, comme lorsquil y a une pense et se dire : Non, ne pense pas, surtout pas ! Prendre quelques instructions et les utiliser comme un bton pour chasser un tat desprit, nest pas la bonne manire de les utiliser.

    Linstruction mditative utilise comme rappel est telle une amie qui nous dit gentiment : coute, regarde un peu plus lgrement, souviens-toi ! , sans jugement, juste une invitation se

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    dtendre autant que possible. Si ce nest pas possible, nous suivons lautre chemin : nous chantons, prions, continuons avec la pratique de manire diffrente. Donc, sil nest pas possible de nous dtendre, si cela devient trop fort, nous faisons des prires, rcitons un mantra, faisons des prosternations, loffrande du mandala, dirigeons notre esprit avec quelque chose dauthentique et dans cette activit, lesprit pourra se dtendre.

    Ne rflchissez pas, ne pensez pas, ne projetez pas, ne mditez pas, nanalysez pas, laissez lesprit tel quil est ! .

    Ce sont les six dharmas de Tilopa. Lessentiel de ces instructions, commence avec : Ne rflchissez pas qui veut dire : ne rflchissez pas sur le pass. Ne pensez pas : ne cogitez pas sur ce qui est maintenant. Ne projetez pas : nessayez pas de connatre le futur qui nest pas encore arriv. Ne mditez pas : ne crez pas votre mditation, nessayez pas de mditer artificiellement sur la vacuit. Nanalysez pas : ne jugez pas si la pratique est bonne, juste, ou mauvaise, ou tout autre rflexion dans laquelle cette pense simpose comme suprieure la mditation. Il nest pas ncessaire danalyser si cette mditation existe vritablement ou pas, si un moi existe l-dedans. Dans le vritable mahamoudra on lche aussi cette forme danalyse. Laissez lesprit tel quil est ou laissez lesprit naturel ! Cest laisser lesprit se poser dans sa propre nature. Cest la seule instruction positive alors que les autres sont des ngations, parce que la premire chose faire, cest laisser lesprit tel quil est. On ne peut pratiquer cette sixime instruction que lorsque lon a abandonn les cinq premires. Quand on a lch les cinq piges du mditant qui sont de rflchir sur le pass, penser sur le prsent, cogiter sur le futur, vouloir mditer et analyser sa mditation, ce moment-l on peut laisser lesprit naturel.

    Pour moi, ces instructions sont les plus importantes qui existent sur le mahamoudra. Cest ce dont je me rappelle toujours quand jenseigne le mahamoudra. Quand je choisis la citation dun matre pour la donner, cest la citation cl, tout est dedans. Toutes les instructions sur la mditation y sont incluses. Gardez-l dans votre esprit. Il y en a dautres, trs belles. Il faut apprendre quelques citations par cur pour pouvoir se les rappeler quand on en a besoin.

    Se reposer dans la nature de lesprit Jai toujours aim le titre du prochain extrait : Le Repos dans la nature de lesprit . Pour moi, ce titre voque exactement le sens du mahamoudra : pouvoir se reposer et se

    rgnrer dans la nature de lesprit. Toute la force est puise dans le repos, cest--dire le contraire de leffort. Cest en quelque sorte le rtablissement que lon trouve ici dans lexpression tibtaine : sem nyi permanence so. Ngel so, qui signifie convalescence, comme quelquun de malade qui retrouve la sant. Je crois que cest un texte crit par Saraha ou Tilopa, je ne sais pas lequel des deux. Peu importe. Nous sommes les malades et nous avons besoin de convalescence. Mais comment faire pour recouvrer la sant ? Il faut prendre contact avec ce qui est, avec la nature de lesprit. Cest en cela que nous nous reposons et que nous retrouvons nos forces. Nous sortons progressivement de la maladie qui caractrise tout le samsara et dont la cause est la saisie dun moi, dun je, parce que nous nous croyons tellement importants. A cause de cette saisie, nous crons des schmas, des mcanismes de fonctionnement extrmement puisants. Mais si nous pratiquons le mahamoudra, nous gurirons de cet puisement. Pratiquons-le donc tout de suite, sans prier cette fois-ci, avec cette introduction qui aide notre esprit se poser. Mditons comme quelquun qui est en convalescence, qui fait une cure, qui est l pourrait-on dire, en thrapie prolonge.

    ---- Mditation ----

    coute, fils, quelles que soient tes penses, Elles ne tasservissent ni ne te librent. Quelle merveille ! Repose-toi donc, En laissant ton esprit tel quel, Sans te laisser distraire ni rien corriger.

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    Quand nous mditons, les penses semblent nous poser des problmes. Nous croyons ne pas pouvoir mditer parce que nous avons trop de penses ou des mauvaises penses. Du point de vue du mahamoudra, cest une erreur. Il nest pas juste de croire cela, parce que les penses en elles-mmes ne sont pas le problme. Notre problme, cest de les saisir. Or, lorsquune pense slve, elle disparat. Toutes les penses finissent par disparatre. Il ny a pas une seule pense du pass qui soit reste dans notre esprit jusqu aujourdhui. Dans la mditation, nous avons limpression dtre les esclaves de nos penses, quelles sont notre prison. Cest terrible, cest trop ! Nous avons limpression que les penses nous saisissent, nous attrapent, nous amnent vers les motions, quelles nous manipulent, nous volent notre calme. Cest ce que nous exprimons en premier quand nous commenons mditer. Regardons ce qui se passe vraiment. Une pense slve : nous prouvons de la colre, nous ne sommes pas du tout contents. Mais, est-ce que cette pense nous oblige faire quelque chose ? Nous oblige-elle ragir ? Est-ce que cette pense cre elle-mme lmotion ? Sil ny a pas dautres penses qui senchanent et nous incitent construire une raction motionnelle, mais o est le problme ? Si nous ne ragissons pas, si nous ne saisissons pas, cest comme une tincelle ou peut-tre aussi comme la foudre, cela se manifeste et passe.

    Rflexion : Quand je suis en mditation, mon esprit est tout le temps entre deux mouvements. Tantt il est pos sur un mouvement extrieur, comme par exemple les sons, les couleurs et les penses affluent ; tantt cest sur un autre mouvement et il se repose sur cet autre mouvement. Il y a certainement une saisie, mais je ne sais pas faire autrement que dtre sans arrt dans ces deux mouvements.

    Je vais essayer de comprendre donc. Il y a le mouvement qui va avec les sens vers lextrieur et tu le ressens comme tel : tu vois des couleurs, tu entends des sons. Aprs, tu te dis : Ne va pas autant vers lextrieur, pose plutt ton esprit, lche. Cest comme si tu ramenais lesprit vers lintrieur.

    - Oui. Alors, jai bien compris, maintenant quelle est ta question ? Question : Quest-ce quil faut que je lche ? Ce que tu dcris, je crois, nous touche ; nous savons de quoi tu parles. Cest ce que nous

    pouvons observer dans la mditation. Lanalyse de ce que tu vis nest peut-tre pas juste, pas trs au point, parce quil faut que tu regardes si lesprit va vraiment vers lextrieur quand il y a une exprience sensorielle ou si il a un mouvement qui va vers lextrieur, ou bien est-ce parce que nous saisissons les choses lextrieur que lesprit semble tre lextrieur ? Ne pourrions-nous pas tre dans un tat rceptif et laisser les situations, cest--dire les sons, les couleurs, etc., apparatre, plutt que dtre dans un mouvement vers ce qui semble tre lextrieur ? Il peut y avoir au contraire, des mditants qui sont lintrieur et qui se disent : Je suis l et je reois tout. Tout vient vers moi. Ce serait encore une erreur de la mditation parce que lesprit reste focalis lintrieur avec le sentiment dun moi, dun je, qui reoit tout. Dans le mahamoudra, aprs une analyse bien prcise de lesprit, nous constatons que nous ne pouvons pas dfinir les limites de lesprit, dire jusquo lesprit peut aller, il na pas de dbut ni de fin. Nous lchons alors le concept de lintrieur et de lextrieur et nous mditons sans crer un intrieur et un extrieur, dans lespace de conscience qui nest pas dfinir. Cest vers cela que tu peux te diriger, vers cette ouverture.

    Suite de la rflexion : Cest un mouvement trs lger, il ny a pas de pics importants, mais il y a quand mme un jugement quelque part. Je suis dans la dtente, il ny a plus lextrieur, lintrieur, et forcment le mouvement de lesprit me ramne sur la perception, mais il faut revenir et redescendre. Je sens ce mouvement sans arrt et cest pour cela qu un moment donn je me dis que ce nest pas juste.

    Finalement, le mouvement que tu ressens nest pas tellement intrieur/extrieur, cest juste le fait de saisir les objets de perception ou ne pas les saisir. Et donc, moins tu saisis, moins tu auras ce sentiment dun mouvement. Quand cela devient trs, trs lger, cest juste le mouvement de la dualit : sujet/objet, sujet/objet.

    Question : Je suis l, bien dtendu et tout en mditant je me sens trs inspir et reois beaucoup de solutions pour savoir comment rparer la grange ou raliser les futures constructions, etc. et je me

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    demande sil ny a pas une solution intermdiaire. Faut-il vraiment arrter toutes cest penses et est-ce que cest mal de penser de cette manire ?

    Tu as dj trouv ta solution intermdiaire parce que ce que tu dcris est une situation de dtente. Cest grce cette dtente que des intuitions, des penses un peu plus spontanes et assez inspirantes peuvent se manifester. Cependant, tu es toujours identifi avec celui qui cherche des solutions un problme. Dans un enseignement lanne dernire, jai appel cela la mditation digestive . Cest une mditation prparatoire, une forme de calme mental qui nous permet de laisser venir tout ce qui na pas encore t vu et de le laisser passer. Cela permet aussi dentrevoir de bonnes solutions pour les problmes qui nous troublent lesprit et qui se manifestent de cette manire. Par contre, dans le mahamoudra, nous ne nous identifions plus avec celui qui est dans la grange, celui qui va retaper la grange plus tard, celui qui a un problme. Nous ne sommes pas dans une identification avec les perceptions sensorielles, nous lchons cette identification toute entire et nous entrons dans ltat de la non-dualit. Cest donc une approche la mditation beaucoup plus radicale encore que la dtente qui nous aide voir plus clairement les choses du quotidien.

    Suite de la question. Jai le sentiment que ces penses apparaissent spontanment, de ne pas les saisir. Mais maintenant que tu me demandes de faire autrement pour ne pas les saisir, je ny arrive pas.

    Ltat que tu dcris, contraste avec ton vcu habituel parce que tu es amen rflchir constamment pour prendre des dcisions alors que l tu es dtendu et donc dans un tat beaucoup plus intuitif et naturel. Ce que tu ne vois pas, cest que l-dedans il y a encore des zones didentification et des saisies qui maintiennent ces processus de cogitation lgre, dinspiration et aussi une mmoire pour remarquer les penses quon a eues Cette saisie-l demande encore tre dtendue pour aller plus profondment et finalement arriver la non-dualit.

    Question : Jai limpression quen mditant il y a un processus de penses jappellerai cela le mental ou lintellect , une sorte de machine qui fonctionne et par rapport aux perceptions physiques, par exemple tactiles, au moment de la mditation, jai toujours conscience de cette perception tactile qui est l et jai limpression de ne pas avoir accs quelque chose qui serait au-del de cela. Voil, je ne sais pas comment dire autrement.

    Comme je vous lexpliquais ce matin, il faut toujours travailler avec ltat le plus naturel que nous connaissons. Donc pour toi, cest cela ta ligne de base. Pour le moment, tu dois travailler avec cela. Mais tu vas pouvoir exprimenter des tats desprit o, dans la mditation : le corps, les perceptions sensorielles, physiques, tactiles, etc., ne jouent plus aucun rle. Tu vas pouvoir toucher une telle exprience dans laquelle tu ressens des perceptions sensorielles mais il ny aura personne pour sidentifier elles. Ce sont les deux grandes classes dexpriences que tu pourras prouver en allant plus encore dans la dtente et tu dcouvriras dautres dimensions dexistence. Quand on parle du mahamoudra, on parle de quelque chose de trs naturel mais qui fonctionne quand mme sur une autre dimension. Jusqu maintenant, cest le sentiment dun moi qui saisit et ce serait dj bien de remarquer les sensations tout simplement, sans ajouter : ma douleur, mon bien-tre ; de remarquer seulement ce qui est, sans y adjoindre une identification supplmentaire. Pour toi, cela pourrait tre le prochain point.

    Question : Jai ressenti quelque chose que jai limpression de connatre depuis lenfance : quand je vais me coucher, de nombreuses penses retraant les diffrents moments de la journe affluent, puis cest ltat de veille et lendormissement. Entre ces deux tats, ce que je ressens : est-ce de la fantaisie ou est-ce que cela sapproche dune espce dtat mditatif ?

    Ta question est intressante parce que cet tat intermdiaire entre tre rveill et endormi, est le moment o nous sommes le plus dtendu dans la journe. Pour pouvoir sendormir, il y a dabord toutes les penses que tu dcris, mais aprs il faut les lcher pour pouvoir sendormir. Pour que cela se reproduise dans la mditation, dis-toi : Oui, cest la bonne direction, mais maintenant reste conscient. Lche tout comme quand tu tendors, mais reste prsent. Ne tendors pas, parce que se dtendre nest pas sendormir. Se dtendre, cest ne pas saisir. Cest comme quand tu tendors, tu ne saisis pas et tu restes dans cette simplicit qui sinstalle aprs.

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    Suite de la question : Au cours de la mditation prcdente, alors que vous parliez, je me sentais fatigu, puis quand nous avons mdit, jai ferm les yeux, je suis rest prsent et quand je les ai rouverts, en fait je me sentais beaucoup plus rveill, beaucoup plus prsent quauparavant. Donc, ctait une trs bonne exprience.

    Cette fracheur qui revient est un bon indicateur pour la dtente que tu as exprimente prcdemment. Le fait que tu sois sorti de cette somnolence, de cette torpeur, est le signe que ta dtente touchait vraiment plus de profondeur. Cette fracheur qui revient est le signe quune dtente vraiment profonde a bien eu lieu.

    Nous allons encore mditer pour mettre en pratique tout ce que nous avons entendu. ---- Mditation ----

    Troisime enseignement

    Bonjour tous. Nous allons continuer avec les enseignements sur le mahamoudra, le mahamoudra pur, sans mthode. Ensuite, il sera ncessaire denchaner sur les techniques de chin le calme mental pour savoir comment nous pouvons arriver laisser notre esprit reposer ainsi que nous lavons vu.

    Nagarjuna : sur la stabilit de lesprit Lisons la prochaine citation de Nagarjuna (pre fondateur de lcole Madhyamaka). Nagarjuna

    et ses lves taient extrmement fins dans leurs explications de la doctrine du Bouddha et dans leurs raisonnements, afin dviter toute position errone au niveau de la philosophie bouddhiste. De plus, Nagarjuna tait un mahasiddha, cest--dire quelquun au-del de tous les concepts car il nen navait plus besoin pour vivre, pour tre ce quil tait.

    Comme llphant dompt, lesprit stabilis Qui cesse daller et de venir est naturellement calme. Ce quayant compris, de quel enseignement aurais-je besoin ? Llphant, cest notre esprit. Au dbut, notre esprit est comme un lphant sauvage qui court

    partout et fait beaucoup de dgts. Un lphant bien dompt ne ragit plus avec des lans motionnels, il accomplit ce qui tait dcid ou ce quon lui dit de faire. Il suit toujours la mme direction. Et tout comme un lphant bien dompt, lesprit peut tre dun trs grand bienfait. Llphant, dans les pays asiatiques, offre une image beaucoup plus vaste que celle que nous en avons ici en occident. Cest galement un animal extrmement fidle, qui va jusqu donner sa vie pour la personne quil porte. Cette comparaison fut souvent utilise par le Bouddha Sakyamuni pour montrer lquilibre de notre marche vers lveil : sans jamais sarrter, il avance pas srs et mesurs vers la libration. Llphant est limage de la persvrance quilibre, trs vigilante, dote dune vue panoramique de ce qui se passe, car llphant marche dans la fort, conscient de tout, poursuivant son chemin, en portant une grande attention lendroit o il pose ses grands pieds.

    Donc, lesprit stabilis qui cesse daller et de venir est naturellement calme Ces alles et venues, ce va-et-vient dont parle Nagarjuna, ne se rfrent pas seulement la distraction habituelle. Il parle dun va-et-vient entre sujet et objet, de cette rfrence continuelle un moi. Quand lesprit a cess de faire rfrence un moi imagin, quand leffet dstabilisant de la saisie goste a disparu, alors lesprit est stable. Tant que la saisie goste est prsente, lesprit fait toujours rfrence un moi dans toutes ses actions. La rfrence ce moi illusoire cre tout le bazar de nos motions, toute notre confusion motionnelle, lenchanement de tous nos actes et de toutes nos penses. Ce nest que lorsque cette illusion, cette notion du moi, cette illusion du moi est dissoute, que lagitation de lesprit disparat. Pour linstant, il y a toujours cette oscillation de lesprit, cest toujours moi et lautre, moi et mes motions, moi et mes penses, moi avec ce que je veux et ce que je ne veux pas, ce que je veux faire avec Il y a toujours la rfrence autre chose.

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    Lesprit est comme un papillon parce qu la base de cette illusion il y a la peur. Pourquoi nous attachons-nous ce moi ? Cest par peur de la dcouverte du non-moi, du non-soi. A la base de nos ractions sujet/objet, il y a la peur de louverture totale de lesprit et cette peur-l est dstabilisante. Voil pourquoi llphant est lexemple idal pour montrer le mahamoudra, parce que llphant na pas peur. Il na plus peur. Et quand lesprit est dompt, il ressemble un lphant vraiment docile. En Inde, les lphants de lutte pouvaient traverser du feu, tre attaqus par des lances, ils ne bougeaient pas parce quils avaient surmont la peur. Voil pourquoi cet exemple convient bien pour illustrer un esprit stable. La grande diffrence entre lexemple de llphant et lesprit du mahamoudra, est que lesprit du mahamoudra nest pas un esprit form, entran ne pas avoir peur. Cest au contraire par la dtente, le lcher-prise total et profond, que lesprit est dompt. Lesprit disciplin ou dompt, cest lesprit compltement dtendu, libre des peurs, mais ce rsultat nest pas obtenu par un entranement qui pourrait scrouler ensuite, qui pourrait un jour montrer ses failles. Alors, quand on lit plus loin dans la citation : Ayant compris ( tok en tibtain signifie ralis , cette expression peut se traduire par ayant ralis ceci ), de quel enseignement aurais-je besoin ? Quand nous avons compris, cest--dire ralis labsence du soi jusqu tre libres de toutes peurs, nous navons pas besoin dautres enseignements parce que lenseignement a port ses fruits. Cest cela la libration, lveil. Un tre tel que Nagarjuna, qui a ralis ce point-cl, na plus besoin dautres enseignements. Il est lui-mme la source des enseignements. Grce cette absence de saisie, toutes les qualits veilles sont prsentes dans son esprit et il peut spontanment et naturellement agir dans une situation en connaissant toujours la bonne et la bonne faon de grer les circonstances pour aider tous ceux qui lentourent.

    Mditons ce sujet, cela peut nous aider. Mditons comme des lphants ! Dans la jungle de nos penses, nous sommes comme llphant qui ne se laisse pas perturber, qui continue son chemin. Cela signifie que nous continuons tout simplement respirer, le chemin cest juste tre l, respirer, ne pas se laisser influencer par quoi que ce soit.

    ---- Mditation ----

    La petite citation que nous venons de voir comme beaucoup dautres de la tradition du mahamoudra que nous lisons seuls , nous pensons la comprendre mais nous nen saisissons pas tout fait le sens. Cest un peu comme un koan dans la tradition zen. Il y a un sens vident mais pour le comprendre il faut recevoir quelques explications. Et mme avec les explications, nous ne le comprenons pas encore compltement. Il faut prendre cette citation et lamener avec nous dans la mditation, lcrire chez nous, la mettre devant nous, la lire de temps en temps, mditer dessus pour recevoir une inspiration et faire ceci jusqu ce que la comprhension de ce koan, de cette citation, devienne plus profonde et satisfaisante. Nous pouvons faire de mme avec toutes les citations du mahamoudra : choisir celles qui nous touchent le plus et les travailler la maison comme une inspiration pour notre mditation.

    Ces instructions sont donnes pour nous amener au-del des mots. Les mots eux-mmes sont comme le doigt qui pointe, les mots pointent un sens cach. Mais sans les mots, accder cette autre dimension nous serait encore plus difficile. Prenons donc les mots comme une aide, une inspiration pour parcourir notre chemin. Cest une mthode qui est dj une mthode de chin, lhaktong et mahamoudra. Au dbut, cette citation aura pour effet de calmer notre esprit, comme une mthode de chin. De plus, elle nous fera comprendre ce qui se passe dans lesprit. Nous contemplerons le va-et-vient de la saisie goste, du moi, du sujet, des objets, ce qui stimulera une introspection nous menant plus de comprhension, ce sera donc la mditation de lhaktong. Ensuite, leffet de cette citation pourra arrter en nous le va-et-vient dualiste par limpact de la bndiction contenue dans ces mots. Il peut y avoir alors des moments de lcher-prise total et cest cela le mahamoudra.

    Lexemple de llphant (mditer comme un lphant) est une instruction typique de chin qui nous aide immdiatement dvelopper la capacit ne plus nous laisser influencer autant par tout ce qui est autour de nous. Elle nous aide stabiliser, calmer lesprit. Il existe dautres images de cet ordre : mditer comme une montagne, comme locan, comme le ciel, comme une gerbe de bl qui souvre, comme le cadavre dun chien.

    Prenons la prochaine citation :

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    Nanalyse pas, naie aucune pense, Naltre rien, laisse ton esprit dans son aise naturelle. Linaltr est le trsor du sans naissance, La voie quont prise tous les bouddhas des trois temps. Nanalyse pas : gar yang ma tok, signifie : ne rflchis sur quoi que ce soit. Tchir yang ma sem : ne pense pas, quoi que ce soit. Cela ne veut pas dire quil ne faut avoir

    aucune pense. Au contraire, la capacit danalyse, de pense, est toujours prsente. Il ne faut pas essayer darrter la pense, mais il ne faut pas penser quelque chose, ne pas utiliser lanalyse pour quelque chose. Un examen spontan se produira peut-tre, mais ne le poursuis pas, laisse les choses ce premier niveau, sans complication. Tel est le message. On devrait peut-tre traduire : nanalysez pas quoi que ce soit, ne pensez quoi que ce soit.

    Tch tcheu ma tch : naltre rien, ne fais rien dartificiel, ne construis rien. Laisse ton esprit dans son aise naturelle : rang chin louk par chok. Cest tre compltement

    dtendu, relch, sans vouloir changer lesprit. Il est comme cela par nature. Ma tcheu pa ni : linaltr (ce qui nest pas construit, cr, ce qui nest pas altr) est le trsor

    du sans naissance . Cest le trsor naturel, le trsor par nature de ce qui est au-del de la naissance et de la mort. Cest la voie quont prise tous les bouddhas des trois temps.

    Regardons le sens de cette citation. La premire ligne nous donne linstruction sur la manire dentrer dans ce trsor et donc de sortir de la complication cre par lanalyse et par la rflexion. Ne rflchis sur rien, laisse lesprit dans toute sa simplicit, surtout naltre rien, ne change rien dans ce qui est. En effet, si nous naltrons rien, si nous ne changeons rien, nous ne manipulons pas. Dans le tch tcheu ma tch, nous trouvons ces deux termes : ne rien altrer, ne rien manipuler, parce que lesprit est dj parfait de par sa propre nature. Inutile de lui ajouter encore une qualit. Linaltr ou, pourrait-on dire, la non manipulation ou le naturel, ce qui est l sans altration, est le trsor du sans naissance : le trsor au-del de la naissance et de la mort.

    Pourquoi lappelle-t-on trsor ? Cest le point-cl. Cest un trsor parce que nous y trouvons tout, comme le joyau bleu que Tchenrzi tient au creux de ses mains, devant son cur. Ce joyau, cest notre esprit, lesprit qui exauce tous les souhaits, lesprit mahamoudra. Notre esprit, la nature de notre esprit, est le joyau qui exauce tous les souhaits. Et cela va loin parce que, lorsque nous sommes dans la nature de lesprit, il ne reste aucun souhait qui ne soit combl. Nous sommes dans le contentement, dans la joie complte. Nous navons plus besoin de quoi que ce soit venant de lextrieur pour combler nos besoins tels que les relations, les objets matriels, la distraction. Voil pourquoi il est dit que notre esprit est le trsor qui comble tous nos besoins. Tout ce que nous cherchons habituellement lextrieur, nous le trouvons grce ce trsor quest notre propre esprit. Ainsi sexpliquent lautonomie, la libert de vie et daction, des matres du mahamoudra : ils ne dpendent plus de lextrieur pour combler leurs souhaits, ils sont compltement disponibles, toujours en contact avec cette source intrieure. Une fois dans le mahamoudra, le pratiquant ou ltre na plus besoin dabandonner de souhaits puisque aucun ne se manifeste plus son esprit. Aucune recherche pour quoi que ce soit ne se rvle plus dans cet esprit. Cest pour cela que les matres du mahamoudra tels que Guendune Rinpoch, Karmapa, Shamar Rinpoch ou Jigm Rinpoch, sont tellement libres dans leur vcu intrieur, ils ne dpendent plus des autres pour sans cesse obtenir une confirmation de leur tre. Ils nont plus besoin dtre affirms dans leur existence. Tous ces tmoignages dont nous avons gnralement besoin Je suis bien, je suis aimable, etc. se produisent naturellement lintrieur. Et ceci venant dune source intrieure inpuisable, nous rend capables de donner aux autres tout ce quils souhaitent. On parle dun trsor pour toutes ces raisons. Et pntrer ce trsor, cest suivre la voie, le chemin, le vhicule, que tous les bouddhas ont pris dans le pass et emprunteront dans le futur.

    Avez-vous des questions pour clarifier tout cela ? Question : Est-ce que linstruction de ne pas analyser, ne pas rflchir, ne serait pas aussi en

    relation avec le moi parce quon analyse toujours, on rflchit toujours du point de vue du moi ?

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    Cest tout fait juste. Les deux verbes : tok et sem du tibtain, indiquent un processus dualiste. Donc, on sort de ces mcanismes de sujet et objet, des rflexions en relation avec quelque chose dautre que le moi, pour entrer dans le mahamoudra.

    Question : Dans ma mditation de chin, parfois je mdite comme une montagne parce que cela me convient bien, puis jarrte et je mdite comme le lac ou comme un lphant, selon vos dernires instructions. Est-ce quon peut aussi continuer mditer comme cela ?

    Toutes ces images-l ont des limitations. Si tu mdites comme la montagne, cest trs bien pour le corps, mais pour lesprit il faut laisser les choses plus fluides. Donc l, il convient de prendre limage de locan tincelant sous le soleil. Tu peux changer les images avec lesquelles tu mdites. De cette faon, tu touches un autre aspect, une ouverture peut se produire et tu mdites dans cette ouverture pendant quelque temps. Puis tu utilises une nouvelle image qui te parle et cela ouvre davantage ton esprit. Ainsi tu gardes toujours la qualit dveloppe grce aux instructions prcdentes et tu te fais aider par les autres images qui te viennent lesprit. Par exemple, il est possible de mditer comme le feu. Lesprit sera comme le feu, mais pas le feu agit. Cest limage du feu de la sagesse qui brle toutes les motions, qui voit la nature illusoire de tout ce qui slve. Cest un feu qui dvore lillusion. Il faut dabord arriver une bonne comprhension de chaque image pour ensuite pouvoir lutiliser correctement. En ce qui me concerne, jai beaucoup mdit une instruction venue de Milarpa : comme une pierre chaude sur laquelle les flocons de neige tombent et se dissolvent. En gardant toujours le lcher-prise tellement chaud, tellement prsent dans lesprit, toutes les cristallisations, toutes les penses qui veulent samonceler pour crer un tas de flocons de neige sont impossibles. Ds que la premire fixation, la premire cristallisation sinstallent dans lesprit, cela fond et tout redevient fluide. Cette image utilise le contraste entre le froid des flocons et le chaud de la pierre. Nombreuses sont les images de cet ordre qui peuvent nous aider pratiquer.

    Question : Llphant narrte jamais de marcher, rien ne larrte. Et mme sil est attach pour tre dompt, il continue marcher davant en arrire. Une fois domestiqu on lui enlve la chane, mais il continue daller et venir sur place. Je suis assez active et jai du mal me poser, alors dans ma mditation je pense toujours cette image et (comme les enfants dans les prisons ou dans les orphelinats) jai un lger balancement davant en arrire que je synchronise ensuite avec mon souffle. Il semble que llphant agisse un peu de la mme faon au moment du domptage, jusqu ce que ce mouvement passe lintrieur et quil calme le mouvement physique. Voil. Cest ce passage dun mouvement extrieur un mouvement intrieur qui calme et qui fait quon na plus besoin de la chane pour attacher lesprit qui se pose de lui-mme.

    Ce que tu dcris l est une belle faon de dompter son esprit parce que tu ne portes aucun jugement dessus, tu accompagnes ce mouvement naturel de la vigilance pour pouvoir synchroniser le souffle. Cest dj tout un travail pour amener de la vigilance l-dedans, dans ce mouvement. Ensuite, le mouvement extrieur devient moins ncessaire et tu continues avec cette fluidit lintrieur, en gardant toujours la vigilance et cest simplement de cela dont nous avons besoin pour pouvoir continuer dans la pratique : de la prsence. Limage de llphant qui continue son chemin convient tout fait pour cela, il ny a rien changer. Par contre, vous tous feriez une erreur de vouloir limiter parce que votre mouvement intrieur nest pas ncessairement le mme. Il faut que vous ressentiez votre propre mouvement pour ensuite y amener de la prsence et rester fluides. Il ne faut pas que les choses se fixent, que des fixations, de la raideur, sinstallent dans votre tre.

    Y a-t-il dautres questions ? Question : Quelles sont les conditions pour pratiquer le mahamoudra ? Est-il ncessaire de

    faire une longue retraite pour abandonner tous les concepts ou est-il possible davoir des petites sessions de mahamoudra chaque jour ou davoir un quotidien qui soit dans le mahamoudra ?

    Il est possible davoir des instants de mahamoudra dans le quotidien, davoir des moments de cette ouverture. Par contre, ce qui est beaucoup plus difficile, cest de remarquer tout dabord cette ouverture et ensuite de la stabiliser parce que dans le quotidien, nombreuses sont les situations o nous sommes attirs vers autre chose. Cela reste donc des petits moments trs inspirants, mais nous avons des difficults les stabiliser. Dans une retraite, nous avons davantage la possibilit de remarquer les diffrences entre les divers tats de tension et de dtente. Nous acqurons une perception plus fine des

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    choses et nous pouvons nous permettre de tout lcher. Le grand avantage, cest que nous ne sommes pas obligs de bien grer et contrler notre vie. tant donn que le besoin de contrle est minimis dans une retraite, nous la considrons comme un acclrateur sur le chemin.

    Parmi les grands pratiquants du pass, certains ont fait le chemin dans le quotidien, sans faire de retraites. Mais en y regardant de plus prs, on remarque que la plupart dentre eux taient des artisans ayant un travail trs rptitif, ils excutaient toujours le mme mouvement. Par exemple, un potier utilisait le fait de tourner les assiettes, les poteries, comme base de sa pratique. Dautres avaient des mtiers diffrents, mais dans un contexte trs stable, avec peu de pressions, de responsabilits, peu dinteractions avec les autres, une exception prs : Indrabodhi. Il tait roi dun petit pays et avait de nombreuses affaires grer, mais nanmoins, il russit faire sa pratique. Il faut savoir que ces tres-l taient dots dun puissant karma venant de leurs vies antrieures, dune tendance vraiment forte la pratique qui leur permettait de comprendre trs rapidement linstruction mahamoudra venant de leur matre. Ils taient capables de maintenir la pratique quotidiennement avec une grande persvrance. Ils taient extrmement dous.

    Donc, la question est toujours la mme : pouvons-nous nous veiller dans le quotidien ou pas ? Honntement, je crois que des petites retraites seraient bnfiques tous ceux qui sont ici dans la salle ! Et si par la suite elles peuvent tre plus longues, cest encore mieux. En fait, si vous tiez trs dous, avec ce que vous avez reu comme instructions, vous auriez dj fait beaucoup de chemin. Et si cette prparation avait eu lieu dans les vies antrieures, cela serait plus facile pour vous maintenant. Donc, continuer dans le quotidien : oui ; utiliser toutes les situations dans le quotidien : oui ; et si vous pouvez de temps en temps effectuer une retraite qui vous permette de tout lcher, ce sera un grand avantage et vraiment une grande aide pour votre chemin. Mais dj, si dans le quotidien vous avez une pratique trs stable (une heure par jour par exemple), cest idal. La personne qui pratique tous les jours rcoltera plus de fruits que celle qui fait de temps en temps une retraite dune semaine et lche la pratique entre temps.

    Question : Comment intgrer la pratique de mahamoudra dans Tchenrzi ? Ce fut dj lobjet de plusieurs stages. Tchenrzi, cest le mahamoudra. Il ny a rien intgrer

    dedans. La base de la pratique de Tchenrzi est la comprhension quil ny a personne appel : le pratiquant de la compassion veille ayant besoin datteindre lveil. Nous sommes Tchenrzi depuis toujours. Nous sommes dj le Bouddha. Tous les matres de notre ligne qui ont pratiqu le mahamoudra ont aussi ralis Tchenrzi. Et tous ceux qui ont ralis Tchenrzi ont ralis le mahamoudra. Cest pour cette raison quil y a la mme prire la ligne parce que mahamoudra et Tchenrzi sont insparables Si tu veux savoir davantage comment faire concrtement, tu peux te rfrer aux Instructions sans Ornement de Karma Tchagm. Jai commenc donner ce cycle dinstructions qui montre comment pratiquer chin, lhaktong, mahamoudra dans la pratique de Tchenrzi. Je peux tenvoyer le texte pour que tu puisses ltudier et savoir comment tout se fait avec OM MANI PEME HOUNG.

    Question : Une peur slve dans ma mditation, celle de ne peut-tre pas exister. Si je lche davantage, vais-je encore exister ? Quest-ce qui pourrait me donner le courage daller plus loin ?

    Ce qui ma beaucoup aid moi-mme ce niveau-l, cest de me dire que tous les matres avant moi, avant nous, ont fait ces pas. Ils ne sont pas devenus fous et nont pas eu de problmes cause de cela. Au contraire, ils sont devenus des matres compltement libres, libres desprit. Je me suis souvent rappel leur exemple. Alors, fais comme eux, lche. Si eux te conseillent de faire ainsi, avec toute la confiance que tu as en eux, lche dans cette dimension o tu ne peux plus rien contrler. Il nest pas dit quune parole dencouragement nous permettrait de lcher tout de suite et datteindre le mahamoudra, mais cette parole dencouragement cre une base de confiance qui devient de plus en plus forte et permet ce lcher-prise. Celui-ci peut seffectuer un autre moment. Mme si nous nous disons : Oui, tu pourrais vraiment lcher , ce nest peut-tre pas ce moment prcis que cela va se produire. Ce sera un autre instant sur notre chemin.

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    Lart sacr comme chemin du dharma Tous les stagiaires pratiquants qui sont passs par les ateliers dart ces dernires annes, en

    grant ce qui peut slever dans ce genre de travail, ont pu dvelopper les Paramitas : la gnrosit, la discipline, la patience, la persvrance, le calme mental (qui ntait pas toujours prsent au dbut) et la sagesse.

    Ces uvres dart sont un chemin pour celui qui les accomplit. Cest un chemin de pratique, voil ce quil faut comprendre. Ce nest pas le produit en lui-mme qui est important pour ce genre de travail, mais le chemin pour y arriver. Et le moi, lego, est bien coinc dans cette activit parce quil y a peu despace pour sexprimer, pour bouger. Un cadre doit tre respect et se heurter ce cadre, ces limitations, nous oblige suivre la tradition. Le moi voudrait faire autrement, mais non, la tradition doit tre respecte. Elle semble tre plus difficile quon pourrait se limaginer au dbut. Cela fait maintenant douze ans et je peux en tmoigner. Dailleurs, droupla Simone qui nous a fait lintroduction, faisait partie de ceux qui ont peint le temple Laussedat. Quelle patience pour tenir le pinceau et suivre la finesse des lignes sans bouger et sans trembler. En mme temps se dveloppe toute une pratique de dtente et de prsence. Et derrire tout ce que vous voyez, il y a ce travail sur lesprit qui, ensuite, donne des rsultats extrieurs. Mais ces rsultats extrieurs ne sont pas les plus importants. Le plus important, cest quil sagit encore dune mthode pour travailler avec lesprit jusqu un abandon de plus en plus profond de la saisie goste. Chaque fois que lon peint on a envie dtre un peu plus cratif, mais en fait cest juste pour soulager une pression intrieure. Le pratiquant qui travaille sur de telles uvres devient le serviteur dune harmonie qui est le cur de la transmission. Cette transmission nous montre comment crer une uvre dart quilibre, symbole de lveil, pouvant nous inspirer dans la mditation. Le moi aimerait bien ajouter sa petite note personnelle, mais cest exactement ce quil faut abandonner dans ce travail. Dans ces ateliers dart, il faut abandonner la volont de crer son objet, dapposer sa signature au bas de luvre. Dans lart bouddhiste il ny a jamais de signature. Personne ne connat lartiste qui a ralis telle ou telle thangka. Il sefface derrire ce travail qui sert veiller les autres, qui sert de support dans la mditation.

    Depuis que lcole dart existe, nous avons constat que sur le tiers des stagiaires pratiquants ayant travaill sur ces uvres dart, une bonne moiti entrait en retraite parce quils avaient t bien prpars. Dautres continuent sans faire de retraite et essaient demprunter le chemin de lartiste pratiquant du dharma. Il existe un chemin unissant la mditation la peinture et si lon souhaite prserver la transmission de lart tibtain, il faut le parcourir. Pendant quil peint, le pratiquant est en mditation, il est dans son travail de vigilance, il remarque les montes de la saisie, les tensions et se dtend avec. Il ouvre son esprit lespace et l, il peint. Cest le cur du travail que nous allons faire dans le futur, dans nos ateliers dart.

    Conseils sur la non mditation Chaque citation du mahamoudra que nous trouvons dans ce texte de Gampopa complte la

    prcdente. Elles sont complmentaires, ce nest pas un amalgame, un hasard. Nous continuerons les tudier pour tablir une bonne comprhension de ce quest le mahamoudra.

    Regardons la prochaine citation venant de Shawaripa, un mahasiddha appel Le Seigneur des Ermites :

    Ne vois de faute en rien, Fais lexprience du ce nest rien Et ne cherche aucun signe de succs. Il nest certes, dit-on, rien mditer, Mais garde-toi de la paresse et de lindiffrence : Mdite avec une attention de tous les instants. Ne vois de faute en rien. Cest linstruction cl pour nous tous, parce que nous pensons bien

    souvent avoir une mditation incorrecte. Nous voyons toujours des fautes dans tout ce qui sl