zoom japon 13

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Les lettres japonaises invitées dhonneur Jérémie Souteyrat pour Zoom Japon www.zoomjapon.info gratuit numéro 13 - septembre 2011 Littérature Murakami, le retour INTERVIEW Hasegawa le rebelle p.4 DVD C’est la rentrée de la SF p. 15 VOYAGE Hiraizumi sur son 31 p. 20

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Zoom Japon, numéro 13 (septembre 2011)

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Les lettres

japonaises

invitées

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www.zoomjapon.info

gratuit numéro 13 - septembre 2011

LittératureMurakami, le retour

INTERVIEWHasegawale rebelle p.4

DVDC’est la rentréede la SF p. 15

VOYAGEHiraizumisur son 31 p. 20

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ÉDITO Lecture

Depuis son lancement,Zoom Japon accorde uneplace importante à l’écritavec cette idée que la lecturereste un élément indispen-sable pour découvrir de

nouveaux horizons. Dans ce numéro de ren-trée, nous avons tenté de décortiquer le phé-nomène MURAKAMI à l’occasion de la sortie deson roman événement 1Q84 en France. C’estaussi le moment de vous rappeler le lancementdu Prix Zoom Japon qui récompensera le meil-leur roman et le meilleur manga traduits enfrançais. Il sera remis lors du Salon du livrede Paris en mars prochain. Le Japon y sera l’in-vité d’honneur et Zoom Japon en sera l’un despartenaires. Vous n’en avez donc pas fini de lire.Pensez à vous abonner, à abonner vos amis età nous écrire. Nous aimons aussi lire.

LA RÉ[email protected]

ZOOM ACTU

NUCLÉAIRE Décontaminer à la vitesse grand V Le gouvernement a annoncé son intention

de diviser par deux, d’ici deux ans, la

radioactivité dans les zones les plus

touchées par l’accident de Fukushima.

Cela passera par le remplacement des sols,

des arbres et des plantes sans oublier le

nettoyage systématique de tous les

bâtiments. Cet effort considérable devrait

coûter des centaines de milliards de yens.

ECONOMIE Les Japonaisachètent le mondeLe yen fort n’a pas que du mauvais. Les

entreprises nippones en profitent pour

faire des acquisitions à travers le monde.

Selon Dealogic, société spécialisée dans

l’étude de marché, les Japonais ont investi

au cours des huit premiers mois de 2011

quelque 50 milliards de dollars dans des

fusions et acquisitions, bien plus que les

34 milliards de toute l’année précédente.

Tel est le nombre

de victimes liées

au séisme et au tsunami du 11 mars.

Selon le dernier bilan officiel des

autorités japonaises, 4 462 personnes

sont toujours portées disparues. Les

recherches se poursuivent encore dans

certaines zones.

15 733

U N JOUR AU JAPON par Eric Rechsteiner

Comme chaque année, à cette période, quand approche la fête des morts (obon), les habitants de cette petite îlesituée dans la préfecture de Yamaguchi, à la pointe occidentale de Honshû, se rendent au cimetière pour assurerle nettoyage des tombes (ohaka sôji). Dans des régions comme celle-ci, la plupart des habitants sont âgés. Et la ques-tion se pose de savoir qui assurera ce rite une fois qu’ils auront eux aussi disparu.

Le 31 juillet, à Suo Oshima, préfecture de Yamaguchi

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Couverture : A la librairie Kinokuniya de Shinjuku, à Tôkyô.

2 ZOOM JAPON numéro 13 septembre 2011

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ZOOM ACTU

Dans une atmosphère morose, des Japonaisont retrouvé le sourire grâce à une nouvelleactivité : les bulles de savon.

E n cet été 2011 où la chaleur a accablé Tôkyô oùdans de nombreux endroits — économies d’éner-gie obligent — la climatisation avait été cou-

pée, les habitants de la capitale ont trouvé une façon ori-ginale de renouer des liens avecles autres et de partager desmoments agréables. La modede la bulle de savon a donc tou-ché de plein fouet les Tokyoïtesqui ont soufflé tant qu’ils pou-vaient pour faire monter dansle ciel des bulles de toutes lestailles. On a ainsi vu dans desparcs, dans des cafés, sur lesmarches de stations de métroet même dans les entreprises,des centaines de personness’adonnant au plaisir simple decréer des formes plus ou moins rondes et éphémèresgrâce à un peu de savon liquide. Les bulles de savon (sha-bondama en japonais) ont envahi la capitale japonaisesous l’impulsion du Tôkyô Shabon Kurabu (Club desbulles de savon de Tôkyô), une association désireuse deredonner le sourire à une population qui a vécu ces der-niers mois sous tension. Le séisme du 11 mars, l’acci-dent de la centrale de Fukushima Dai-ichi et la caniculeont contribué à en mettre un sérieux coup au moral desJaponais. Les membres du Tôkyô Shabon Kurabu ontimplanté dans un restaurant de Roppongi, le RoppongiNôen, la première station bulles de savon (Shabosute)qui attire un public de plus en plus nombreux. Celui-ci

est composé de salariés — hommes et femmes — quitrouvent dans cette activité un bon moyen de passerle temps de façon agréable. “L’important était d’amenerles gens à échanger”, explique HORITA Kôsaku qui dirigele Roppongi Nôen. C’est aussi un excellent moyen d’ar-rêter de fumer, estiment certains amateurs de bulles.“On pense à autre chose, on s’amuse, on rit et on oubliela cigarette”, affirme un client du restaurant. Il y a aussi

une véritable communicationinter-générationnelle qui semet en place. Dans les parcsde la capitale, il n’est pas rarede voir des hommes et desfemmes de tout âge qui n’ontpas forcément de liens entreeux se rassembler pour unepartie de bulles de savon. Lesrires et les conversations netardent pas à se faire entendrependant que l’on regarde lesautres souffler pour faire appa-raître de jolies formes arron-

dies. Difficile de dire si cette activité survivra à l’hiver,mais une chose est sûre. Le syndrome de la bulle de savonest contagieux. Après Tôkyô, c’est l’ancienne capitaleimpériale Kyôto qui est frappée. Des rassemblementsd’amateurs de Shabondama ont été organisés. Utilisantles réseaux sociaux, en particulier Twitter, pour mobi-liser ses membres, le Tôkyô Shabon Kurabu a su fairedes émules dans le reste du pays et ramener le tempsd’une saison de beaux sourires sur les visages. On espèremaintenant que les nouvelles sur le front de la politiqueet de la crise nucléaire permettront de redonner le moralà l’ensemble de la population japonaise.

GABRIEL BERNARD

TENDANCE Des bulles, desbulles, toujours des bulles

septembre 2011 numéro 13 ZOOM JAPON 3

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ZOOM ACTU

Comment vous est venue l’idée de ce film ?Leonard Shrader était tombé sur un numéro spécial dumagazine américain Assassin intitulé “Devenez le premierà faire une bombe atomique dans votre quartier” ouquelque chose dans ce genre. Leonard s’est dit quec’était une idée géniale, un type qui vole du plutoniumet construit sa propre bombe A. Il a d’abord proposé lefilm à Dustin Hoffman avant de m’en parler. Nous nousétions rencontré peu avant et le fait que je sois originairede Hiroshima a été une sorte de déclic pour lui. Cepen-dant, le premier scénario qu’il m’a presenté était un filmà la sauce hollywoodienne. Ça se terminait dans un avionpour le Brésil et un sac plein de billets de banque. Ça m’amis en rogne. “Mais qu’est-ce-que tu veux que je fasse avecun truc pareil ? Fais-moi quelque chose de plus lourd bonsang ! ” lui ai-je lancé. Il m’a répondu du tac au tac : “Tuveux un truc à la Taxi Driver ? Es-tu sûr de pouvoir assu-rer ?” Je lui ai dit que c’était exactement ce que je voulais !

Il paraît que le film a changé plusieurs fois de titre.Au début, j’ai intitulé le film La Bombe qui rit (Waraugenbaku). Je ne voulais pas réaliser un énième film dra-matique sur la bombe atomique. Des personnes ont toutde suite réagi, en me disant : "Comment osez-vous sortirun film pareil, avez-vous pensé aux atomisés ? " Je les ai écou-tés, puis je leur ai répondu que j'avais pensé à tout celaen concevant mon film. J'ai ajouté que j’avais été moi-même atomisé dans le ventre de ma mère et je leur ai de-mandé : "Et vous, quel genre d'atomisés êtes-vous ?" Il y aeu un grand silence. Je me suis alors dit que pour une foisma condition de victime de la bombe était une veine. Fi-nalement, c’est la Tôhô qui nous a obligés à changer detitre, car ils ne voulaient pas que le mot “bombe” appa-raisse. Après plusieurs propositions, on est enfin tombé

d’accord sur L’Homme qui a volé le soleil (Taiyô wo nu-sunda otoko).

Pouvez-vous nous parler de Hiroshima, de votre ex-périence en tant qu’atomisé ? Deux fois par an, des Américains de l’ABCC (AtomicBomb Casualty Commission) venaient me chercher enjeep pour que je passe une série d’examens. Ce centre derecherche sur les atomisés était un endroit terrible où l’onse servait des victimes pour effectuer des tests sans les soi-gner. Mais j’étais enfant, on me donnait du coca et je pou-vais sécher l’école. C’est comme ça, comme un cobaye,que ma vie d’atomisé a commencé. Puis un jour, je suisrentré à la maison et je n’ai pas trouvé le journal du soirà sa place habituelle. Je l’ai longtemps cherché avant dele trouver caché dans un placard. Dedans, il y avait unarticle qui parlait de la mort d’un enfant atomisé dans

En 1979, HASEGAWA Kazuhiko a réaliséL’homme qui a volé le soleil, thriller autourdu nucléaire. Il revient sur ce film culte.

ENTRETIEN Hasegawa, un cinéaste en colèrele ventre de sa mère. Je devais avoir 10 ans à l’époque, maiscet épisode a transformé ma relation à la vie. Je me suisdit que, moi aussi, j'allais mourir bientôt. Depuis ce jour,je me suis dépêché de vivre comme si demain allait êtremon dernier jour.

Cette conviction de mourir jeune a-t-elle influencé vo-tre carrière ? Oui. Au début, je voulais être musicien. Puis, je me suistourné vers le cinéma, car je me suis dit qu’en tant queréalisateur j’avais plus de chance de percer avant de mou-rir. Cette idée de la mort m’obsédait, je courais partout.A 22 ans, j’ai passé un examen pour faire partie de l’équipede réalisation du metteur en scène IMAMURA Shôhei.Finalement, j’ai eu de la chance et j’ai été reçu premier.Après cela, j’ai abandonné mes études pour entrer chezImamura Pro. A 30 ans, j’étais désespéré de n’avoir tou-

4 ZOOM JAPON numéro 13 septembre 2011

Même si L’Homme qui a volé le soleiln’est pas un chef-d’œuvre au sens ci-nématographique du terme, ce filmn’en est pas moins devenu une ré-férence pour de nombreux Japonais.Non seulement il explore le thèmede la révolte d’un individu face àl’Etat, mais surtout il soulève laquestion du risque nucléaire. Cesdeux thèmes lui ont permis de s’im-poser auprès du public japonais. En2009, le magazine Kinema Junpô, bi-ble des cinéphiles, l’a même classéau septième rang des meilleurs filmsjaponais de l’histoire. Dans lecontexte actuel de l’accident à lacentrale de Fukushima Dai-ichi, denombreux spectateurs se sont sou-venus de ce long métrage et de sathématique qui avaient défrayé lachronique au moment de sa sortieen 1979. Ils se sont rappelés des pre-

mières images du film où l’on voitun homme (SAWADA Kenji), profes-seur de physique dans un collège, entrain de surveiller la centrale de Tô-kaimura, située non loin de celle de

Fukushima, dans le but d’y déroberde quoi fabriquer une bombe ato-mique. En faisant peser la menacenucléaire sur une société trop sûred’elle-même, le Japon est alors enplein essor économique, l’ensei-gnant, malgré des exigences ab-surdes, veut réveiller ses contempo-rains. Plus de trente ans après,L’Homme qui a volé le soleil conservela même force et montre qu’il estvain de vouloir s’approprier unetelle énergie dans la mesure oùcelle-ci peut devenir incontrôlable.Si certains ont pu reprocher à HASE-GAWA Kazuhiko d’avoir cherché à enfaire trop, il n’en reste pas moins vraique son film est un plaidoyer en fa-veur d’une société où les individuspourront s’émanciper d’un Etat tropdirigiste. Un débat qui est plus quejamais d’actualité dans l’archipel.

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ZOOM ACTU

jours pas fait de film quand finalement j’ai pu tournerLe Meurtrier de la jeunesse. Mon plus grand choc fut deme rendre compte, à 40 ans, que j’étais toujours en vie.Je ne comprenais pas. Quelque part ça me révoltait. Cetterelation à la jeunesse et à la mort est présente dans mesfilms, je pense.

Votre premier film est une satire tirée d’un fait divers.Pourquoi avoir choisi ce thème ?Le Meurtrier de la jeunesse raconte la descente aux en-fers d'un jeune homme tout à fait ordinaire aux prisesavec des parents qui l'étouffent et qu'il finit par tuer. Lethème de parricide n’avait jamais été traité en profondeurau cinéma et c’était un défi pour un jeune réalisateurcomme moi. Mais je ne voulais pas faire un thriller mor-bide sur une histoire de meurtre commis par un jeunehomme. Je voulais réaliser un film universel sur la jeu-nesse. Je pense que n’importe quel jeune a besoin men-talement de tuer ses parents pour pouvoir passer à l’âgeadulte. De plus, je pense que cette histoire m'a touchécar je suis profondément anti-paternaliste. Quand je suisdevenu jeune père à 24 ans, mes enfants m’appelaient parmon surnom Goji. Je ne voulais pas qu'ils m'appellent papani être le vieux qui s’inquiète pour sa fille qui rentre tard.Mon fils a même joué le rôle du jeune assassin enfant dansLe Meurtrier de la jeunesse. Une manière de ne pas ou-blier que même moi je pouvais devenir le père assassiné.

Le paternalisme est-il un thème qu’on retrouve dansL’Homme qui a volé le soleil ?Oui, les pro-nucléaires sont des gens paternalistes, à l’ins-tar du gouverneur de Tôkyô, ISHIHARA Shintarô parexemple. Les politiciens sont fondamentalement pater-nalistes, ce sont les leaders de la nation. Cette idée d’êtreguidé par une conscience étatique qui, dans le mêmetemps, nous contrôle est quelque chose qui me dépassecomplètement. On ne peut pas définir l'humain par rap-port à l'Etat. Il n’existe pas de “Monsieur nation” ni de“Monsieur système”. Tout ça, c’est juste une inventionde l’homme. Depuis que je suis enfant, je me de-mande pourquoi on attache autant d’importance à lanationalité. Pour moi, un type barbant est un type bar-

bant, quelle que soit sa nationalité ! Ce qui m’importe,c’est la personnalité de chacun. L’Homme qui a volé lesoleil parle de cela. On y voit un professeur de physiquequi défie l’Etat pour s'affirmer en tant qu'individu. Il nesait pas quoi revendiquer et, en définitive, il se retrouvevictime de sa propre bombe. Il n’y a pas plus sincèrecomme histoire !

Vous revendiquez votre individualisme. Ce n'est pasévident dans la société japonaise ? En effet. Si j’étais né une génération avant, j'aurais pro-bablement été emprisonné en tant que hikokumin, pa-ria de la nation ! Cest comme cela qu’on appelait les gensqui refusaient de collaborer à l'effort de guerre et à la fo-lie nationaliste. C'est un terme très fort en japonais,presque proche de “anti-humain”. L’Etat japonais a

conduit la nation vers l’impérialisme et l’a amenée à descrimes de guerre épouvantables dont il faut tirer des le-çons. Je pense que L’Homme qui a volé le soleil est à safaçon un film hikokumin, c’est-à-dire qui renie l’Etat.Quand SAWADA Kenji danse sur Get up stand up de BobMarley, en tournant autour de sa bombe toute clinquante,cela peut choquer des gens, mais pour moi il n'y a aucuneambiguité. C'est ma manière d'exprimer mon point devue. Il y a beaucoup d'atomisés qui ont choisi desmoyens politiques ou le militantisme pour lutter contrele nucléaire. Moi j'ai choisi le cinéma. Je crois que cha-cun dispose de son propre moyen d'expression. C'est cequi fait la richesse de l’individu.

Que pensez-vous de la situation à Fukushima et desdéclarations du Premier ministre à l’égard d’une sor-tie du nucléaire ? Ces accidents nucléaires à répétition nous rappellent àquel point nous sommes arrogants et idiots de vouloir uti-liser l’énergie atomique. Le nucléaire est comme le soleil,c’est une énergie que l’homme ne peut pas contrôler !Quand il y a eu Tchernobyl, on s’est dit : “Ce sont des Russes,pas étonnant qu'un tel accident se produise !” Mais cette fois-ci avec ce qui s’est passé à Fukushima, le monde entier re-met en cause le mythe de la sécurité du nucléaire. Les Ja-ponais passent pour être un peuple délicat, intelligent ettrès avancé technologiquement. Pourtant, un Tcherno-byl japonais s’est produit. Ce que je voudrais, c’est que lesJaponais apprennent à juger par eux-mêmes et à s’expri-mer plus librement. Il faut être fier de ce que l’on est, pasdu fait d’être Japonais. Dans ce sens, j’aimerais qu’il y aitplus de Japonais “hikokumin” ! Pour ma part, je ne croispas aux politiques et je n’ai jamais voté. Après les décla-rations scandaleuses de Tepco et de tout le conglomératéconomique, politique et médiatique qui les entoure, ilest difficile de changer d’avis. Il n’empêche que je suis entrain de réfléchir à un autre film.

Peut-on savoir de quel genre de film il s’agit ? C’est encore un secret, mais je peux vous donner une idée.Il s’intitulera : Back to Fukushima !

ALISSA DESCOTES-TOYOSAKI

septembre 2011 numéro 13 ZOOM JAPON 5

HASEGAWA Kazuhiko lors du tournage de L’Homme qui a

volé le soleil.

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C ela fait plusieurs années que le nom de MURA-KAMI Haruki circule régulièrement parmi lesécrivains nobélisables. Le dernier Nobel de

littérature japonais a été OE Kenzaburô en 1994. Il neserait donc pas incongru de voir, début octobre 2011,un écrivain “plus populaire” et dont le talent estreconnu au niveau international obtenir cette recon-naissance suprême. Le prix Nobel de littérature à unauteur japonais en cette année si particulière pour lepays du Soleil-levant permettrait à MURAKAMI de don-ner une résonnance internationale à ses réflexionssur le présent et l’avenir du Japon, mais aussi de nossociétés industrielles. Avare de paroles, ses mots béné-ficient d’une écoute particulière lorsqu’il s’exprimeenfin. Au cours des deux dernières années, il a eu l’oc-casion de faire des discours à Jérusalem et en Catalognerespectivement en 2009 et 2011 et à chaque fois, ses

propos ont touché profondément les Japonais, maisont rarement dépassé le cadre de l’Archipel. Malgré leprestige du Prix Jérusalem pour la liberté des indivi-dus dans la société et celui du Prix international deCatalogne, ils n’ont pas le même poidsqu’un prix Nobel. Au Japon, les parolesde l’écrivain ont suscité un vif intérêt,mais il aurait fallu qu’elles soient mieuxdiffusées. “Le mythe de la ‘puissance tech-nologique’ sur lequel s’est appuyé le Japonpendant des années s’est effondré, entraînant la défaitede notre éthique et de nos valeurs. Nous critiquons le gou-vernement, et nous critiquons les compagnies d’électri-cité. Ceci est normal et nécessaire. Cependant, nous devonsaussi nous blâmer nous-mêmes. Nous sommes à la foisauteurs et victimes de cette catastrophe [de FukushimaDai-ichi]. Nous devons y réfléchir sérieusement. Si nousne le faisons pas, nous risquons un jour de commettre ànouveau les mêmes erreurs”, a-t-il déclaré à Barceloneen juin dernier lors de la remise du Prix internatio-nal de Catalogne. Ces propos en prise directe avec la

situation au Japon ont cependant une valeur univer-selle. C’est ce qui fait la force de MURAKAMI. “Nous,écrivains professionnels, qui faisons des mots notre spé-cialité, avons un rôle important à jouer dans cette mis-

sion collective de grande ampleur. Nousdevons associer éthiques et valeurs nouvellesà des mots nouveaux. Nous devons inven-ter de nouvelles histoires vibrantes et les lais-ser germer. Nous pourrons ainsi partagerces histoires. Elles doivent avoir un rythme

qui peut entraîner les gens, comme les chants des paysanspendant le semis. C’est de cette manière que nous avonspu reconstruire un Japon complètement détruit par laguerre. Aujourd’hui, nous devons revenir à ce point dedépart”, a-t-il ajouté, marquant ainsi son engagementen tant que citoyen de son pays, mais surtout en tantque citoyen du monde. Oui, MURAKAMI est un auteurengagé, pas un de ces écrivains qui s’expriment pourun oui ou pour un non. En ménageant sa parole, celalui permet d’avoir un écho plus important. “Noussommes tous citoyens du monde et nous partageons les

Un écrivain quipeut éveiller les consciences

PORTRAIT Citoyen du monde et fier de l’êtreAvare de paroles, 2011 est l’occasion rêvéepour donner à l’écrivain la possibilité des’exprimer sur notre monde troublé.

ZOOM DOSSIER

Liu

Milu

A Taiwan, une librairie de Taipei a annoncé de façon originale la sortie de 1Q84 en novembre 2009, quelques mois après le succès phénoménal enregistré au Japon.

6 ZOOM JAPON numéro 13 septembre 2011

L’événementMurakami

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Page 7: ZOOM Japon 13

ZOOM DOSSIER

Dans ses romans, on al’impression que MURAKAMI

cherche beaucoup à mettre àcontribution l’ouïe des lecteurs.KONUMA Jun’ichi : En effet. On ytrouve nombre de musiques et onne compte plus le nombre d’artisteset de morceaux qui y apparaissent.Dans Les Amants du Spoutnik, on amême une musique qui vient d’unmonde étrange. Il y a néanmoinsquelque chose de très important àmes yeux, c’est le rapport au si-lence. On rencontre souvent des si-tuations sans musique et des des-criptions pleines de silence. Ainsidans La Fin des temps apparaît unefemme sans voix.Il y a donc beaucoup de musiqueet il y en a eu beaucoup. Mais d’uncôté, il y a des situations soutenuespar le silence ou extrêmement pai-sibles. Que trouve-t-on entre lesdeux ? On est tenté de penserqu’il ne se passe pas grand chosecomme ces infimes changementsde musique. Pourtant, c’est sansdoute la marque de fabrique de sonécriture. MURAKAMI place le centrede gravité de son œuvre dans lanarration. Il ne se concentre pas surles petits détails. Ceux-ci ne vien-nent pas rompre le débit de l’his-toire. Voilà pourquoi il est difficiled’en percevoir la mesure accous-tique sans pour autant aller jusqu’àmettre en cause la présence ou nond’une musique dans son œuvre. Elleest évidemment liée de manièreétroite à l’écriture de l’auteur. Sesromans sont bâtis de telle sorte quedeux mondes coexistent. Par rap-port à la littérature du XIXème sièclequi mettait l’accent sur la descrip-tion, MURAKAMI ne pose aucune li-mite. Depuis la seconde moitié dusiècle dernier, de nombreux écri-vains n’attachent pas d’importanceà la description visuelle. Du fait dela télévision, du cinéma et d’Inter-net, ils semblent ne pas vouloirs’embêter avec cela, préférant met-tre l’accent sur la dimension sonore.Cela varie bien sûr d’un auteur àl’autre, mais il est clair que MURAKAMI

y consacre une attention particu-lière.

D’après vous, les références aujazz ou à la musique pop quicaractérisent l’œuvre de MURA-KAMI ont-elles favorisé le fait qu’ilsoit perçu comme un écrivainsans frontières ?K. J. : Il est clair que le jazz et la pop

américaine sont devenus des élé-ments communs à la culture demasse des pays industrialisés, enparticulier au cours des années1960-1990. On peut se demanderactuellement si cela est encore vrai.Ne considère-t-on pas aujourd’huijazz et pop comme des musiquesdésuètes ou comme des élémentsnostalgiques ? Bien sûr, les jeunesécoutent toujours de la musique.Mais elle est bien différente de celleque MURAKAMI écoutait lorsqu’ilétait plus jeune. A son époque, onpartageait des goûts musicaux àpeu près semblables. Ce n’est pro-bablement plus le cas aujourd’hui.On peut dire que son recours aujazz et à la pop fait de lui un écri-vain universel.Cette époque où l’on écoutaitbeaucoup de jazz et de pop et quebeaucoup de gens connaissentencore sont présents dans lesromans de MURAKAMI. C’est uneatmosphère dans laquelle ses lec-teurs se retrouvent, en particulierdans les œuvres publiées avantChroniques de l’oiseau à ressort.Aujourd’hui, la situation a changé.On a du mal à trouver cettemusique. Le MURAKAMI d’au-jourd’hui a la soixantaine. Il écouteprobablement la pop actuelle, maiselle n’apparaît pas dans sesromans. C’est peut-être pour celaqu’il s’intéresse à la musique clas-sique et lui donne un autre desseinque le jazz ou la pop. J’en viens àme demander si ce n’est pas untournant, une conversion dans sonœuvre. Même si la dimension uni-

verselle demeure, on peut néan-moins se demander si, du point devue de l’utilisation de la musique,il n’y a pas, au niveau qualitatif, unavant et un après Chroniques de l’oi-seau à ressort.Malgré le changement d’époque,ces musiques fonctionnent toujoursen tant que standards ou élémentsnostalgiques. Depuis Chroniques del’oiseau à ressort, il a changéd’orientation avec des œuvres demusique classique moins fortes. J’ail’impression qu’il cherche à donnerun autre sens à son universalité.

Du fait de sa popularité auJapon et dans le monde, on atendance à penser que MURAKAMI

exerce une influence sur lemonde de la musique. Ne dit-onpas que les ventes de la Sinfo-nietta de Janácek se sont envo-lées après la sortie de 1Q84 ?Quel est votre avis ?K. J. : S’il est vrai que le CD de laSinfonietta s’est très bien vendu, lapopularité de Janácek reste limitée.On ne peut pas nier que MURAKAMI

soit responsable de l’intérêt quenombre de ses lecteurs manifestentà l’égard des musiques dont il parledans ses romans. Néanmoins, il estdifficile d’affirmer que cela pro-voque un quelconque change-ment.Autant le manga Nodame Cantabile[éd. Pika] qui s’est très bien venduet a été adapté au cinéma a permisd’attirer le public vers les salles deconcert, autant l’œuvre de MURAKAMI

n’a pas produit d’effets similaires. Aumieux, y a-t-il eu des compilationsde morceaux de jazz figurant dansson œuvre ou des guides musicauxs’appuyant sur ses romans. Il y aquelques années, j’ai envisagé depublier un livre sur Janácek, mais vula complexité du sujet, j’avaisrepoussé sa sortie d’une dizained’années. Puis, est arrivé 1Q84, jeme suis dit que cela aiderait la ventede mon livre. En fait, il ne se seraitpas mieux écoulé s’il était sorti !D’autre part, peu de musiciens sem-blent s’inspirer de l’œuvre de MURA-KAMI. J’ai seulement entendu parlerde la compositrice MOCHIZUKI Misatoqui a écrit l’opéra Pan’ya daishûgeki[La Grande attaque de la boulange-rie] (2009) adapté de la nouvelleéponyme de MURAKAMI. Cette créa-tion a été présentée en Allemagneet au Japon.

PROPOS RECUEILLIS PAR O. N.

KONUMA Jun’ichi connaît sa musique

mêmes problèmes, les mêmes joies et les mêmes tristesses.Cela explique pourquoi des histoires écrites par un auteurjaponais peuvent ainsi se retrouver traduites en catalan,et circuler. Ainsi, je suis ravi de pouvoir partager avecvous une même histoire. Rêver est le travail des écrivains.Mais partager nos rêves est encore plus important pournous. On ne peut pas être écrivain sans ce sens du par-tage”, a-t-il conclu à Barcelone. Même si à l’ère d’Inter-net, un texte comme celui-ci peut être diffusé plus faci-lement [la version française est disponible sur le siteSenri no michi www.senrinomichi.com/?p=3033], iln’a pas le même impact que s’il avait été prononcé dansle cadre solennel de la salle de réception de l'Académiesuédoise. Le monde a besoin d’un auteur de cettetrempe et en tant qu’auteur japonais, il montre quele Japon est en mesure d’engendrer une culture dontles valeurs sont universelles, alors que jusqu’à présenton avait l’impression que c’était seulement le privilègede l’Occident. A la différence d’autres écrivains nip-pons comme TANIZAKI Jun’ichirô, MISHIMA Yukio ouKAWABATA Yasunari qui sont considérés comme lesdignes représentants de la culture japonaise, les livresde MURAKAMI sont reçus comme des œuvres dont laportée dépasse le cadre exotique du Japon. C’est unécrivain mondial qui sait saisir l’âme de ses contempo-rains. Ses histoires ont pour cadre l’archipel, mais ellespourraient tout aussi bien avoir lieu ailleurs dans lemonde. On comprend pourquoi ses livres sont traduitssur tous les continents [voir pp. 10-11 de notre dos-sier] et qu’ils suscitent tant d’enthousiasme. Il suffit delire les quelques critiques parues en France dans lesjours qui ont précédé la sortie de 1Q84 pour s’enconvaincre. A la manière d’un MIYAZAKI Hayao dansle cinéma d’animation qui délivre un message en faveurde l’écologie, MURAKAMI Haruki nous alerte et nousrappelle à notre devoir de conscience. C’est d’autantplus efficace qu’il le fait de façon claire et simple. Salittérature parle directement au cœur des lecteurs. Ilne s’embarrasse pas de phrases compliquées et de consi-dérations pompeuses comme certains auteurs sont ten-tés de le faire. Il est l’écrivain le plus représentatif denotre époque complexe au sein de laquelle l’hommeperd de sa valeur au profit de considérations purementmatérielles. “Ce serait merveilleux si nous pouvions bâtirensemble une ‘maison de rêveurs irréalistes’ et former une‘communauté d’esprits’ qui transcenderait les frontièreset les cultures. Je pense que cela pourrait être le point dedépart d’une renaissance, après les divers désastres etles terreurs injustifiées que nous avons tous connus cesdernières années. Nous ne devons pas avoir peur de rêver.Nous ne devons jamais permettre à ces chiens enragésappelés ‘efficacité’ et ‘commodité’ de nous rattraper. Nousdevons être des ‘rêveurs irréalistes’ qui avancent d’un passûr. Les êtres humains meurent et disparaissent, maisl’humanité reste. Elle se renouvelle indéfiniment. Nousdevons absolument croire à cette force”, a-t-il rappelé àBarcelone. Le comité Nobel s’en souviendra-t-il lorsqu’ilfera son choix ?

ODAIRA NAMIHEI

I NTERVIEW

KONUMA Jun’ichi est professeur àl’université de Waseda, à Tôkyô.Spécialiste de la musique, il apublié de nombreux ouvrages etessais notamment sur TAKEMITSU

Tôru.

DR

septembre 2011 numéro 13 ZOOM JAPON 7

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ZOOM DOSSIER

Comment a eu lieu votre rencontre avec l’œuvre deMURAKAMI Haruki ?KATÔ Norihiro : Il se trouve que 1978 à 1982, je tra-vaillais comme documentaliste à l’université de Mont-réal et que pendant toute cette période, je ne suis pasrentré au Japon et n’ai pas lu de littérature japonaise.Ce n’est qu’à mon retour en 1982 que j’ai découvertHear the wind sing [inédit en français], sa premièrenouvelle de même que son premier roman La Courseau mouton sauvage qui venait de paraître. Immédiate-ment, je me suis dit qu’un écrivain valable, de ma géné-ration était enfin apparu. Je me suis précipité sur sesautres textes publiées pendant mon absence : Pinball,1973 et A Slow boat to China [inédits en français]. J’aidécouvert aussi qu’il y avait un autre écrivain de lamême génération, TAKAHASHI Gen’ichirô, auteur d’unchef-d’œuvre influencé par Boris Vian. Mais chezMURAKAMI, on ne percevait pas l’influence d’auteursfrançais contemporains. Il était plutôt proche de la lit-térature américaine qu’il lisait directement en anglais(Francis Scott Fitzgerald, Raymond Chandler) et étaitinfluencé par Kurt Vonnegut ou encore Richard Brau-tigan. Juste après la publication de La Course au mou-ton sauvage, j’ai alors publié un long essai s’y rappor-tant : Jihei to sakoku [Autisme et isolationnisme, inéditen français].

Dans vos cours à l’université, vous utilisez beaucouples œuvres de MURAKAMI. Pour quelles raisons ?K. N. : De la fin des années 1980 au début des années2000, j’ai enseigné en japonais la littérature japonaise,en utilisant à la fois les œuvres de MURAKAMI, maisaussi celles d’autres écrivains. Par ailleurs, lors de sémi-naires, j’ai étudié de façon plus approfondie le travailde MURAKAMI avec mes étudiants de l’université deMeiji Gakuin, à Tôkyô. A partir de la seconde moi-tié des années 2000, chargé à l’université de Wasedad’un cours de littérature comparée, j’ai aussi bien uti-lisé des textes en japonais qu’en anglais. Je m’adres-sais à la fois à des Japonais et des étrangers. Du tempsoù j’étais à Meiji Gakuin, nous avons décortiqué l’œu-vre de MURAKAMI, ce qui a donné lieu à la publicationd’un ouvrage en trois tomes intituté MURAKAMI HarukiYellow Pages [L’annuaire MURAKAMI Haruki, inéditen français]. Concernant mon travail à Waseda, j’aipublié fin août 2011 un ouvrage dont le titre est MURA-KAMI Haruki no tanpen wo eigode yomu [Lire en anglaisles nouvelles de MURAKAMI Haruki, inédit en fran-çais]. Alors pour revenir à votre question initiale, voiciles raisons pour lesquelles je suis attaché à l’œuvre de

MURAKAMI. Premièrement, parce que c’est un auteurqui était très populaire parmi les étudiants. Lorsquej’ai commencé à enseigner, j’avais choisi de travaillersur MURAKAMI Ryû, TAKAHASHI Gen’ichirô, MURA-KAMI Haruki et SHIMADA Masahiko. Mais de ces qua-tres auteurs, c’était MURAKAMI Haruki qui parlait leplus aux étudiants. Voilà pourquoi, j’ai axé davantagemes cours autour de son œuvre. Deuxièmement, lorsde notre travail d’analyse, il s’est avéré que ce sont dansles œuvres de MURAKAMI Haruki que l’on rencontrele plus de parties écrites de façon inconsciente. En sepenchant, de plus près, sur la littérature japonaise, iln’y a guère que dans les œuvres de NATSUME Sôsekique l’on trouve cela. Enfin, de mon point de vue, jetrouve que c’est l’auteur le plus stimulant de sa généra-tion. Il a été celui qui a saisi le plus tôt le sens de notreépoque et qu’il l’a matérialisé dans son œuvre. DansLes Amants du Spoutnik, par exemple, il présente Miu,l’héroïne japonaise d’origine coréenne, de façon trèséloignée du politiquement correct auquel on était habi-tué jusque-là, la décrivant un peu comme une Fran-çaise. Cette approche est, sans doute, la première ten-tative de ce genre dans la littérature japonaisecontemporaine. Dans Le Passage de la nuit, le person-nage féminin apprend le chinois et finit par s’embar-quer pour Pékin avec une casquette de l’équipe des RedSox de Boston vissée sur la tête. A posteriori, on nepeut que constater l’anticipation avec laquelle il a saisila transition “des Etats-Unis vers la Chine” et la manièresymbolique dont il l’a traduite. Bien évidemment,on ne peut pas saisir le Japon contemporain avec ces

IDÉE Un écrivain en phase avec son tempsAuteur de plusieurs ouvrages sur MURAKAMIHaruki, KATÔ Norihiro évoque sa rencontreavec l’œuvre de l’écrivain.

deux seuls exemples, mais, de mon point de vue, ilest un des rares auteurs japonais actuels qui parvient àmontrer ces évolutions très intéressantes.

Au regard de ce que vous dites, comment MURA-KAMI peut-il s’inscrire dans le Japon de l’après-séisme ?K. N. : Dans son discours prononcé lors de la remisedu Prix international de Catalogne, il a clairementaffirmé que le Japon devait se libérer de ses liens avecle nucléaire. C’était une déclaration indispensable. Ilest aujourd’hui un écrivain japonais de premier plan.Le fait qu’il se soit exprimé d’abord en japonais signi-fie qu’il voulait partager une pensée profonde et pré-cise autant que possible et qu’elle soit perçue en tantque telle. Le discours a ensuite été traduit en anglais,mais sans doute avec le manque de précision habituel.Quoiqu’il en soit, il faut que chacun puisse exprimerles choses avec ses propres mots. Pour moi, il est signi-ficatif que MURAKAMI ait eu cette attitude pour la pre-mière fois. L’année dernière, j’étais au Danemark pourparticiper à une rencontre entre MURAKAMI et ses fans.Il s’est exprimé en anglais et j’ai été un peu déçu carje pensais qu’il aurait pu répondre avec plus de sincé-rité y compris à des fans qui posaient des questions unpeu idiotes. A Barcelone, il s’est exprimé en japonaiset on a pu sentir son engagement. Ce n’était pas seu-lement celui de l’écrivain lui-même, mais il s’agissait decet engagement voulu par tous ceux qui portent la voixdu Japon, y compris MURAKAMI.

PROPOS RECUEILLIS PAR O. N.

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KATÔ Norihiro est un des grands spécialistes de la littérature signée par l’auteur de Kafka sur le rivage.

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ZOOM DOSSIER

A près un peu plus de deux ans d’attente, les fansfrançais de MURAKAMI Haruki peuventenfin se procurer les deux premiers tomes

de son dernier roman phénomène 1Q84. Considéréavec raison comme l’événement de la rentrée litté-raire 2011 dans le domaine étranger, ce texte fleuveest un bijou qui prouve une nouvelle fois que l’auteurjaponais figure bien parmi les grands noms de la lit-térature mondiale. A sa sortie dans l’archipel, l’ou-vrage a donné lieu à de très nombreuses analyses etdes édieturs très malins ont publié des ouvrages oudes éditions spéciales de leurs magazines pour aiderles lecteurs à se retrouver dans le nouvel univers ima-giné par MURAKAMI, un monde double au seinduquel les protagonistes doivent trouver leur voievers ce qui pourra les rendre heureux. Ce qui frappe d’abord à la lecture de ce roman, c’estla capacité d’une société d’un pays industrialisé etriche comme le Japon à anihiler l’amour, en particu-lier son expression chez les jeunes. Les seuls person-nages qui sont capables d’amour envers les autres sontles plus âgés, les autres semblent avoir tiré un trait surce qui distingue l’homme de la machine : l’expressionde ce sentiment. Aomame et Tengo, dont on suit alter-nativement le parcours, ne sont en définitive dans lemonde réel, celui de l’année 1984, que des machines.La première est une machine à éliminer des salauds,

des hommes coupables de violence envers les femmes.“C’était une pro. Une pro proche de la perfection”,explique MURAKAMI. De son côté, Tengo est unemachine à écrire et à enseigner. Il peut transformerun ouvrage de qualité moyenne en chef-d’œuvre etlui faire obtenir le prix Akutagawa, l’équivalent duGoncourt au Japon. Un clin d’œil de MURAKAMI quin’a jamais obtenu cette récompense.Mais on ne peut pas vivre sans amour. On peut biensûr assouvir ses besoins sexuels. Aomame couche avecdes hommes rencontrés dans des bars tandis queTengo a une relation régulière avec une femme mariéeà l’égard de laquelle il ne manifeste guère de senti-ments. MURAKAMI montre à quel point il est diffi-cile de vivre sans amour et il embarque le lecteur dansune quête semée d’embûches. Pour l’auteur, ce n’estpas dans le monde réel que la solution se trouve, maisdans un univers parallèle qu’Aomame désigne sous leterme 1Q84. “L’année 1Q84. C’était le lieu où elle setrouvait”. Dans cet espace où il existe deux lunes, il y a la possibi-lité de retrouver l’amour, ce sentiment étrange remplacédans le monde réel par de faux semblants, la cruauté etdes croyances qui nous aveuglent. Pour Aomame etTengo, deux êtres privés d’amour dans leur enfance,la reconquête s’annonce difficile. Les épreuves pour yparvenir vont être parfois terribles. MURAKAMI se mon-tre d’ailleurs dans ce roman plus cru que d’habitude,mais cela vaut la peine de prendre des risques. “Dumoment que je peux aimer quelqu’un du fond du cœur,et même s’il n’existe pour moi que lui et lui seul, l’aimer

LECTURE Aimons-nous les uns les autresPour son retour dans les librairies françaises,l’auteur de La Ballade de l’impossible signeun très grand roman d’amour.

m’aide à vivre. Même si je ne peux pas être avec lui”, déclareAomame. Tout est dit. C’est simple et fort à la fois. Evi-demment, il y a l’histoire des sectes, les viols, les morts,des thèmes qui portent à discussion, mais dans le fond,MURAKAMI a écrit un formidable roman d’amour quitente de répondre à notre soif de sentiment. Il a choisid’ancrer son histoire en 1984 pour mieux soulignercette absence, car depuis le début des années 2000, nouspensons avoir trouvé le remède à notre pauvreté sen-timentale avec Internet et tous ces outils dits de com-munication. Oubliez-les et suivez le guide MURAKAMI.Vous ne le regretterez pas. O. N.

S i la traduction française ne fait sonapparition que ce mois-ci dans les li-brairies de l'hexagone, cela fait

deux ans que 1Q84 a été publié au Japon.Considéré comme un best-seller, les troistomes édités chez Shinchôsha, se sont ar-rachés à plusieurs millions d'exemplairesdans l'archipel. Des lectrices tokyoïtesnous ont livré leurs impressions après lec-ture de ce roman.“Ceux qui aiment l'univers de MURAKAMI ap-précieront 1Q84, explique MORI Michiko,33 ans. On y retrouve la part de fantaisiemêlée de réalité que l'on aime dans le stylede cet auteur. Le roman raconte une histoired'amour assez compliquée. Tout en abor-dant différents thèmes tels que la mort, laviolence, l'histoire.”HONDA Satomi, 61 ans, aime tout particu-lièrement “les références à des faits de so-ciété comme par exemple celle de l'affairede la secte Aum qui amène une part de ré-flexion à cette fiction.” En revanche, elle re-grette “la trop grande complexité de cette

histoire. Je m’y suis un peu perdue parfoisalors même que je suis habituée à l'écriturede cet auteur.” “Par exemple, on ne sait ja-mais dans quel pays l'histoire se passe. Mais

c'est vrai que ce n'est pas très important aufinal”, explique-t-elle. Se perdre dans lesromans de MURAKAMI n’est cependant passi désagréable. “Cela fait aussi partie de ce

que j'aime dans ses livres même si j'avoueavoir une préférence pour ses romans plusautobiographiques comme Au sud de lafrontière, à l'ouest du soleil où l'on sentbien l'implication personnelle de l'auteur.”En revanche, ISHII Mai, 26 ans, reconnaît“ne pas avoir été jusqu'au bout de ce livre-là. J'aime beaucoup son style, mais ses li-vres sont de plus en plus longs. En plus, l'uni-vers de 1Q84 est particulièrement com-plexe.”“Généralement dans les livres de MURAKAMI,on peut déceler un message, précise MORI

Michiko. Dans Kafka sur le rivage, on sen-tait la portée philosophique du récit à tra-vers le voyage initiatique du personnageprincipal. Dans 1Q84, la part du fan-tasme est beaucoup plus importante et j'aimoins ressenti cette volonté d'impact sur lavie réelle, ce message universel qui fait quel'on peut s'identifier au personnage principal.Néanmoins, j’ai pris beaucoup de plaisir à dé-guster ce rêve sans fin.”

JOHANN FLEURI

Paroles de lectrices japonaises

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Publicité pour 1Q84 lors de sa sortie au Japon en mai 2009.

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1Q84 est disponible en français depuis le 23 août.

RÉFÉRENCE1Q84, TOME 1 & TOME 2 de MURAKAMI Haruki,trad. par Hélène Morita, éd. Belfond, 23 € le tome.www.belfond.fr

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10 ZOOM JAPON numéro 13 septembre 2011

TRADUCTION L’écrivain japonais qui se lit partout Albanie (2011)

La Ballade del'impossible

Allemagne (1991)La Course au mouton...La Fin des tempsChroniques de l'oiseau... Au sud de la frontière...La Ballade de…Danse, danse, danseL'Eléphant s'évaporeUnderground*Après le tremblement...Les Amants du spoutnikKafka sur le rivageTony TakitaniLe Passage de la nuitSaules aveugles, femme...SommeilAutoportrait de l'auteur...1Q84

Bosnie (2008)La Fin des tempsLa Ballade de…La Course au mouton...

Bulgarie (2005)La Ballade de…Les Amants du spoutnik

Croatie (2002)Les Amants du spoutnikAu sud de la frontière...La Course au mouton...Après le tremblement... La Ballade de…Danse, danse, danseLa Fin des tempsKafka sur le rivageLe Passage de la nuit

Danemark (1996)La Course au moutonsauvageDanse, danse, danseChroniques de l'oiseau...Au sud de la frontière, à l'ouest du soleilLes Amants du spoutnikLa Ballade de…Kafka sur le rivageAprès le tremblement…

Iran (2009)Kafka sur le rivageLe Passage de la nuitAutoportrait de l'auteuren coureur de fond

Israël (2000)La Ballade del'impossibleAu sud de la frontière, à l'ouest du soleilUnderground*Les Amants du spoutnikKafka sur le rivageLa Fin des tempsLa Course au moutonsauvage

Chroniques de l'oiseau à ressortSaules aveugles, femmeendormieLe Passage de la nuitDanse, danse, danseAutoportrait de l'auteuren coureur de fond

Turquie (2004)La Ballade del'impossibleAu sud de la frontière, à l'ouest du soleilLa Course au moutonsauvageKafka sur le rivage

La Fin des temps

Arabe (2007)Kafka sur le rivage La Ballade del'impossibleLes Amants du spoutnik1Q84

* inédit en français

Chine (1996)La Fin des tempsLa Ballade de l'impossibleDanse, danse, danseLa Course au mouton…

Chroniques de l'oiseau… Au sud de la frontière…Les Amants du spoutnikKafka sur le rivageLe Passage de la nuitHear the wind sing*Pinball, 1973*A Slow Boat to China*

Autoportrait de l'auteur…1Q84

Corée (1989)La Ballade de l'impossibleDanse, danse, danseAu sud de la frontière…Chroniques de l'oiseau…La Fin des tempsLa Course au mouton…UndergroundLes Amants du spoutnikKafka sur le rivageLe Passage de la nuit1Q84

Hong Kong (1991)La Ballade de l'impossibleLa Course au mouton…Danse, danse, danseAu sud de la frontière…La Fin des temps

Chroniques de l'oiseau…Les Amants du spoutnikKafka sur le rivageLe Passage de la nuit1Q84

Indonésie (2005)La Ballade de l'impossibleHear the wind sing*Kafka sur le rivage

Taiwan (1993)Au sud de la frontière…La Fin des temps

La Course au mouton…Chroniques de l'oiseau…Danse, danse, danseUndergroundLes Amants du spoutnikL'Eléphant s'évaporeKafka sur le rivageLa Ballade de l'impossibleSaules aveugles, femmeendormieLe Passage de la nuitHear the wind sing*Autoportrait de l'auteuren coureur de fondPinball, 1973*Underground*1Q84

Thaïlande (2003)La Course au mouton…Hear the wind sing*La Ballade de l'impossible

Danse, danse, danseChroniques de l'oiseau…Au sud de la frontière, à l'ouest du soleilLa Fin des tempsLes Amants du spoutnikLe Passage de la nuitAutoportrait de l'auteur en coureur de fond

Vietnam (1997)La Ballade de l'impossibleChroniques de l'oiseau…Au sud de la frontière…Les Amants du spoutnikKafka sur le rivageLe Passage de la nuitAprès le tremblement deterreLa Fin des tempsUnderground*

* inédit en français

Brésil (2001)La Course au mouton…Danse, danse, danseLa Ballade de…Les Amants du spoutnikKafka sur le rivageLe Passage de la nuit

Etats-Unis (1985)Pinball, 1973*Hear the wind sing*La Course au mouton…La Fin des tempsDanse, danse, danseL'Eléphant s'évaporeChroniques de l'oiseau…Au sud de la frontière…

La Ballade de…Les Amants du spoutnik

Underground*Kafka sur le rivageSaules aveugles…Le Passage de la nuitAutoportrait de l'auteur…1Q84

* inédit en français

ASIE

MURAKAMI Haruki est très apprécié dans le monde. Zoom Japon a tenté de recenser toutes ses œuvres traduites.Elles sont classées par pays et par ordre chronologique de sortie. Après le nom du pays ou de la langue figure entreparenthèses la date de la première traduction.

MOYEN-ORIENT AMÉRIQUES

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ZOOM DOSSIER

septembre 2011 numéro 13 ZOOM JAPON 11

Le Passage de la nuit1Q84

Espagne (1991)La Course au mouton sauvageLa Fin des tempsChroniques de l'oiseau à ressortLes Amants du spoutnikAu sud de la frontière, à l'ouest...La Ballade de l'impossibleKafka sur le rivageLe Passage de la nuit1Q84

Espagne (catalan)Les Amants du spoutnikAu sud de la frontière, à l'ouest...La Ballade de l'impossible1Q84

Espagne (galicien)Le Passage de la nuitAutoportrait de l'auteur...1Q84

Estonie (2003)Au sud de la frontière, à l'ouest...La Ballade de l'impossibleKafka sur le rivage

Finlande (1992)La Course au mouton sauvageLes Amants du spoutnikKafka sur le rivageAutoportrait de l'auteur en...

France (1990)La Course au mouton sauvageLa Fin des tempsLa Ballade de l'impossibleDanse, danse, danseL'Eléphant s'évaporeChroniques de l'oiseau à ressortAu sud de la frontière, à l'ouest dusoleilAprès le tremblement de terreLes Amants du spoutnikKafka sur le rivageTony TakitaniLe Passage de la nuitSaules aveugles, femme endormieSommeilAutoportrait de l'auteur...1Q84

Grèce (1991)La Course au mouton sauvageLa Fin des tempsChroniques de l'oiseau à ressortAu sud de la frontière, à l'ouest...La Ballade de l'impossibleL'Eléphant s'évaporeLes Amants du spoutnikAprès le tremblement de terre

Géorgie (2008)La Course au mouton sauvage

Hongrie (1998)La Fin des tempsLa Course au mouton sauvageLa Ballade de l'impossibleAu sud de la frontière, à l'ouest...Les Amants du spoutnikKafka sur le rivageChroniques de l'oiseau à ressortDanse, danse, danse

Islande (2001)Au sud de la frontière, à l'ouest...Les Amants du spoutnikLa Ballade de l'impossible

Italie (1992)La Course au mouton sauvageLa Ballade de l'impossibleDanse, danse, danseChroniques de l'oiseau à ressortAu sud de la frontière, à l'ouest dusoleilL'Eléphant s'évaporeLes Amants du spoutnikAprès le tremblement de terreLa Fin des tempsUndergroundKafka sur le rivage1Q84

Lettonie (2003)La Ballade de l'impossibleLa Course au mouton sauvage

Lituanie (2003)La Course au mouton sauvageLa Fin des tempsDanse, danse, danseLa Ballade de l'impossibleChroniques de l'oiseau à ressortKafka sur le rivageAu sud de la frontière, à l'ouest...Le Passage de la nuit1Q84

Macédoine (2004)Les Amants du spoutnikLa Ballade de l'impossibleAu sud de la frontière, à l'ouest...Danse, danse, danse

Norvège (1993)La Course au mouton sauvageDanse, danse, danseLa Ballade de l'impossibleChroniques de l'oiseau à ressortAu sud de la frontière, à l'ouest...La Fin des tempsAprès le tremblement de terreLe Passage de la nuitKafka sur le rivage1Q84

Pays-Bas (1991)La Course au mouton sauvageLa Fin des tempsAu sud de la frontière, à l'ouest...Chroniques de l'oiseau à ressortLes Amants du spoutnikLe Passage de la nuitKafka sur le rivageDanse, danse, danseAprès le tremblement de terreSaules aveugles, femme endormieLa Ballade de l'impossibleAutoportrait de l'auteur...1Q84

Pologne (1995)La Ballade de l'impossibleLa Fin des tempsAu sud de la frontière, à l'ouest...La Course au mouton sauvageLes Amants du spoutnikChroniques de l'oiseau à ressortLe Passage de la nuitKafka sur le rivage1Q84

Portugal (2005)La Course au mouton sauvageDanse, danse, danseUnderground*La Ballade de l'impossibleLes Amants du spoutnikChroniques de l'oiseau à ressortLe Passage de la nuitAu sud de la frontière, à l'ouest...

Roumanie (2002)La Ballade de l'impossibleLa Course au mouton sauvageAu sud de la frontière, à l'ouest...La Fin des tempsDanse, danse, danseChroniques de l'oiseau à ressortAprès le tremblement de terreLes Amants du spoutnikL'Eléphant s'évaporeKafka sur le rivageUnderground*Saules aveugles, femme endormie1Q84

Royaume-Uni (1990)La Course au mouton sauvageLa Fin des tempsDanse, danse, danseChroniques de l'oiseau à ressortAu sud de la frontière, à l'ouest...La Ballade de l'impossibleL'Eléphant s'évaporeUnderground*Les Amants du spoutnikSaules aveugles, femme endormieKafka sur le rivageAutoportrait de l'auteur...1Q84

Russie (1998)La Course au mouton sauvageChroniques de l'oiseau à ressortDanse, danse, danseLa Fin des tempsLa Ballade de l'impossible

Au sud de la frontière, à l'ouest...Les Amants du spoutnikAprès le tremblement de terreKafka sur le rivageLe Passage de la nuitAutoportrait de l'auteur...1Q84

Serbie (2005)Danse, danse, danseLa Ballade de l'impossibleAu sud de la frontière, à l'ouest...

Slovaquie (2004)La Course au mouton sauvageDanse, danse, danse

Slovénie (2004)La Course au mouton sauvageLa Fin des tempsDanse, danse, danseChroniques de l'oiseau à ressortLes Amants du spoutnikLa Ballade de l'impossibleAu sud de la frontière, à l'ouest...Kafka sur le rivageLe Passage de la nuit

Suède (2003)La Ballade de l'impossibleChroniques de l'oiseau à ressortLes Amants du spoutnikKafka sur le rivageL'Eléphant s'évaporeUnderground*Le Passage de la nuitAutoportrait de l'auteur...1Q84

Tchéquie (2002)La Ballade de l'impossibleAu sud de la frontière, à l'ouest du soleilKafka sur le rivageLe Passage de la nuitLa Fin des tempsLes Amants du spoutnikAutoportrait de l'auteur...Underground*

Ukraine (2005)Danse, danse, danse1Q84

* inédit en français

EUROPE

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ZOOM DOSSIER

12 ZOOM JAPON numéro 13 septembre 2011

L ors de la parution des deux premiers tomes de1Q84 dans l’archipel, la critique a été très parta-gée, tout en reconnaissant dans ce long récit la

patte de MURAKAMI Haruki. De nombreuses per-sonnes se sont lancées dans des recherches sur lesmouvements religieux tels qu’ils étaient décrits. Riend'étonnant, car on en compte au Japon quelque 3000.Non seulement les enquêtes sur la secte Aum avaientété insuffisantes, mais le pouvoir judiciaire avait tout faitpour occulter ce qui s’était passé. Reste que prétendresaisir les intentions de l’auteur et la conclusion de cetteœuvre en s’appuyant seulement sur la connaissance destenants et des aboutissants de l’affaire est sans doute unpeu trop simpliste pour un critique. Chez les féministes,de farouches réactions se manifestèrent au sujet du per-sonnage central d’Aomame. Si un lacanien se lançait dansle décryptage de l’ouvrage à l’aune de son maître à pen-ser, un amateur de SF pourrait le prendre comme unefiction dystopique et un fasciste pourrait, lui aussi, y trou-ver son compte en le lisant au miroir du fascisme.Ce qui m’a d’abord interpellé dans 1Q84, c’est le nom despersonnages. Tengo signifie : “Moi, seul dans l’uni-vers”. Celui d’Aomame, une fille qui pourrait ressemblerà Faye Dunaway, veut littéralement dire : “un petit poisencore immature et dur”. En voyant ces noms, j’ai immé-diatement pensé que l’ensemble de ce roman raconteraitl’histoire d’une initiation. Dans l’écrin de sa mémoire, Ao-mame dort avec Tengo. Cet écrin, c’est le cocon enve-loppant la chrysalide. La “chrysalide de l’air” où se dé-roule le mélodrame d’Aomame et de Tengo, n’est rien d’au-tre qu’un monde hédoniste régressant dans l’enfance. Mais,c’est aussi une barrière difficile à franchir, un mur qui re-jette l’autre. En fait, la métaphore de la société japonaise.L’intérêt de 1Q84, c’est que malgré cette imposante chry-

L’essayiste YOMOTA Inuhiko nous offre ses réflexions autour du dernier roman de MURAKAMI paru en France chez Belfond.

OPINION Deux ou trois choses sur 1Q84salide, à la paroi difficilement franchissable, il s’y trouve,au plus profond, des nains qui s’efforcent de transgres-ser ses frontières.Incidemment, je pense qu’en allant en Israël pour rece-voir le Prix Jérusalem, en février 2009, l’auteur de 1Q84voulait constater de ses propres yeux ce qu’est un Etat“chrysalide de l’air”. Pendant longtemps, j’avais considéréMURAKAMI Haruki comme un auteur insipide. Dans LaBallade de l’impossible, il suffisait d’américaniser le nomdes personnages pour que cela devienne un roman amé-ricain. On aurait tout aussi bien pu en faire un romancoréen en choisissant des noms coréens. Je pensais quele cosmopolitisme de MURAKAMI s’est construit en sup-primant ce qui pouvait être considéré comme spécifiqueà la littérature japonaise. Mais après avoir lu 1Q84, je doisquelque peu revoir mon jugement. En choisissant desproblèmes spécifiques très actuels du Japon, il a inlassa-blement tenté de leur donner une dimension universellemême si à la lecture des deux premiers tomes, cela ne sem-ble pas aussi évident.Evidemment, les deux pères meurent, l’un doté d’unegrande aura tel un Mao Zedong, et l’autre étant d’unebien moindre envergure. C’est aussi triste pour l’un quepour l’autre, mais de nombreux mystères restent toujourssans réponse. Ce n’est qu’un an après la sortie du tome2 qu’est sorti le tome 3 centré autour du monologue d’unhomme mûr rongé par la solitude. Si une partie del’énigme est résolue grâce à ce troisième livre, celle en-tourant les mères reste entière. Il n’y a donc aucune rai-son à ce qu’il n’y ait pas une suite. Mais en ce qui concerneun éventuel tome 4, le mystère, lui, demeure.

YOMOTA INUHIKO pour Zoom Japon

Fort de son succès au Japon, 1Q84 est déjà traduit dans de

nombreuses langues étrangères. De gauche à droite et de

haut en bas, les traductions suédoise, coréenne, néerlan-

daise, polonaise, ukrainienne et anglaise.

L’AUTEURPROFESSEUR à l’université Meiji Gakuin à Tôkyô. Il yenseigne l’histoire du cinéma et la littératurecomparée. Il est l’auteur d’une centaine d’ouvragessur le cinéma et la littérature.

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ZOOM NIHONGO

14 ZOOM JAPON numéro 13 septembre 2011

PIPO AU JAPON

A imer ou non le nattô n'est pas qu'une questiond'odeur. C'est aussi une histoire de consis-tance, de texture. Comme tout ce qui

concerne la nourriture au Japon, d'ailleurs. Le nattô,lui, comme le découvre Pipo dans un de ces momentsde solitude qui laisse des traces, est gluant à souhait,collant, filandreux, visqueux... Étrangement, même sesadeptes n'ont pas de qualificatifs plus valorisant pourexprimer le plaisir que leur procure par sa texture laconsommation de ce met décidément accusés de biendes vices. La texture… Un élément souvent négligé dansla cuisine française, source de perspectives culinairesnouvelles et multiples. Rechercher de nouvelles saveurs,c'est bien. Mais on en viendrait parfois à faire n'importequoi, surtout quand la chimie s'en mêle. La cuisine japo-naise a ça de bien qu'elle se permet de faire de la tex-ture d'un aliment un critère de qualité au même titreque son goût. Les Japonais sont capables d'apprécierun plat uniquement pour sa consistance. La fadeur n'estpas un problème. La dégustation des udon ne sollici-tent pas que le palais.

うどんは のどで 食た

べる。Udon wa nodo de taberu.Les udon se mangent avec la gorge.

Ça ne s'invente pas. Les papilles gustatives ont de laconcurrence... D'où l'idée que la portée du terme oishiidépasserait celle de la traduction qui lui est naturelle-ment donnée : bon. On serait alors prêt à rejoindre tousces Japonais qui s'émerveillent à la première bouchée de

LANGUE Une bouche pourmanger et pour parler

tôfu, de mochi ou de konnyaku, des aliments dont laconsistance en fait oublier toute la fadeur. Mais com-ment décrire ainsi toutes ces textures qu'offrent la gas-tronomie nipponne ? Il y a bien quelques qualifica-tifs : 柔

やわらかい (yawarakai / moelleux, tendre) ou 固

かた

い (katai / dur). Parfois aussi un verbe, très facile àutiliser puisqu'il s'emploie alors seul et sans conjugaison :とける (tokeru / ça fond dans la bouche). Pourtant,ce sont les onomatopées qui, par leur spontanéité, expri-ment le mieux ce que la dent, la langue et le palais peu-vent ressentir.

このパリパリのせんべいはおつまみにもぴったりです。Kono pari pari no senbei wa otsumami ni pittari desu.Ces galettes de riz croustillantes sont parfaites en

amuse-gueules.

新鮮しんせん

な大根だいこん

はシャキシャキとした歯は

ごたえが特徴とくちょう

です。Shinsen na daikon wa shakishaki to shita hagotae ga toku chô desu.Les radis frais ont pour particularité de croquer sous

la dent.

Croustillant, croquant… Des nuances souvent bien dif-ficiles à rendre en français.

PIERRE FERRAGUT

Vous aimez la cuisine nippone ?L'apprécier, c'est aussi savoir l’évoquer… en japonais.

PRATIQUELE MOT DU MOISしょくよく

(shokuyoku) : appétitき しょくよく

Kiiteiru dake de shokuyoku ga sosoraremasu.Toutes ces paroles me mettent en appétit.

Institut de Langue Japonaise de S3083833410:xaffa/☎ ( )serueh81à41edlieuueccA arffrgns.www

angue Japonaise de [email protected]

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ZOOM CULTURE

F aute de pouvoir être distribués en salles, de nom-breux films sortent directement en DVD. Il estvrai que la démocratisation de ce qu’on appelle

“home cinema” favorise ce type de distribution mêmesi rien ne vaut une diffusion sur un véritable grandécran dans une salle vraiment obscure. Parmi les sor-ties DVD du moment, il convient d’abord de men-tionner celle de Space Battleship chez Wild Side Vidéo.Inspiré du manga Uchû Senkan Yamato [Yamato, lecuirassé de l'espace] et de la série d’animation éponyme,tous deux inédits en France, du légendaire MATSU-MOTO Leiji, ce film a été l’une des grandes attractionsdu cinéma japonais en 2010. Annoncé l’année pré-cédente et doté d’un budget impressionnant, le longmétrage réalisé par YAMAZAKI Takashi a bénéficié d’unbuzz incroyable jusqu’à sa sortie en décembre der-nier d’autant que le rôle principal est revenu à KIMURA

Takuya, l’un des artistes les plus populaires de l’ar-chipel. A priori, le film disposait de tous les ingré-dients pour devenir une superproduction de piètrequalité. Mais contre toute attente, Space Battleships’avère être à la hauteur. On le doit sans doute au talentde YAMAZAKI Takashi peu connu en France, mais quia, à son actif, quelques uns des grands succès popu-laires de ces dernières années dans l’archipel. Il a notam-ment dirigé la série Always, Sanchôme no yûhi (2005et 2007) dont un troisième volet sortira en 2012.Connaissant parfaitement son métier et désireux defaire un film digne de ce nom, il lui a donné unedimension intéressante qui tranche avec le manga et

la série d’origine qui remonte à 1974. L’utilisation d’ef-fets spéciaux numériques n’est pas exagérée et contri-bue à fournir au film sa part de fantaisie. Ce pur objetde divertissement aurait eu sa place au cinéma, maisil en a été décidé autrement. Autant ne pas se priverde passer un bon moment chez soi et partir en com-pagnie de l’équipage du Yamato à la recherche d’unemachine susceptible de sauver la Terre irradiée par deméchants envahisseurs. De son côté, l’éditeur Zylo s’apprête à mettre en ventele 27 septembre Sinking of Japan qui, comme sontitre ne l’indique pas, est un film japonais sorti dansl’archipel en 2006. Ce film catastrophe est éditéen vidéo dans le contexte du terrible séisme du

11 mars. Adapté du roman La Submersion du Japon[Nippon Chinbotsu, éd. Philippe Picquier] publié en1973 par KOMATSU Sakyô, le film sort aussi deuxmois après le décès de l’écrivain qui avait donc décritdans son best-seller la disparition totale de son paysaprès un terrible tremblement de terre. Une premièreadaptation du roman était sortie au Japon quelquessemaines après le roman. Réalisée par MORITANI

Shirô pour le compte de la Tôhô, elle avait rencon-tré un beau succès en raison des effets spéciaux dontla Tôhô était devenue une grande spécialiste depuisla série des Godzilla. Le film a aussi été diffusé enFrance sous le titre La Submersion du Japon en ver-sion française. Une seconde adaptation du livre deKOMATSU a été réalisée en 2006 par HIGUCHI Shinjitoujours produite par la Tôhô. C’est cette versionque Zylo propose aux spectateurs français en quêtede sensations fortes et de destructions massives. Ilfaut dire que les producteurs n’ont pas lésiné surles effets spéciaux bien plus sensationnels que dansla version de 1973. Mais la surenchère d’effondre-ments, d’explosions et autres conséquences du séismefinit par nuire au film. HIGUCHI n’a pas non plus letalent d’un MORITANI et KUSANAGI Tsuyoshi estmoins crédible que FUJIOKA Hiroshi dans le rôled’ONODERA Toshio. C’est bien dommage. Dom-mage également que le DVD ne contienne que laversion doublée. En cela, cela rappelle le destin dupremier film quand il était sorti en France. Néan-moins, on ne peut que conseiller son achat puisqueZylo s’engage à reverser une partie de ses bénéficesaux sinistrés du 11 mars. Un beau geste qu’il convientde saluer.

GABRIEL BERNARD

Deux films à gros budgets, mais de qualitéinégale, font leur apparition dans les rayonsvidéo. Frissons garantis.

DVD A l’heure de la science-fiction

RÉFÉRENCESINKING OF JAPAN de HIGUCHI Shinji, éd. Zylo, 13,93 €(16,99 € Blu-Ray). www.zylo.net

RÉFÉRENCESPACE BATTLESHIP de YAMAZAKI Takashi, éd. Wild SideVidéo, 19,99 € (25,99 € Blu Ray). www.wildside.fr

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Page 16: ZOOM Japon 13

cela pèse sur la qualité de son écriture, à la touche alerteet au style nerveux. Il a simplement du mal à imagi-ner un monde avec un peu plus de fantaisie. Ryû estun écrivain engagé dans le sens le plus fort du terme,c’est-à-dire que son engagement relève presque du mi-litantisme. En dehors de ses romans, il a écrit des ou-vrages dénonçant la gestion économique de l’archipel,s’est lancé dans le combat contre les mines antiperson-nel et a créé un site Internet traitant des questions desociété. Haruki est lui aussi devenu un auteur engagé,mais il le fait avec plus de subtilité. Dans 1Q84, il s’in-terroge sur le rôle des mouvements religieux tandis quedans Underground (inédit en français), il a mené unvéritable travail d’enquête auprès des victimes de la secteAum. Il est d’ailleurs à noter que ce dernier ouvragea été très peu traduit. Trop japonais sans doute. Le ha-

ZOOM CULTURE

C onsacrer un dossier à MURAKAMI Harukisans évoquer l’autre MURAKAMI, à savoir Ryû,cela aurait été presque inconvenant. Les calen-

driers des sorties littéraires en France nous permettentde ne pas faire offense à cet autre grand écrivaincontemporain, homonyme du premier, qui malgré sesqualités n’a pas connu la même fortune notamment horsdes frontières de l’archipel. Pourtant, Haruki n’auraitpeut-être pas entamé la carrière d’écrivain qu’on luiconnaît sans le talent de Ryû. Comme le rappelle Jay Ru-bin, traducteur anglais de Haruki et auteur de la remar-quable biographie Haruki Murakami and the music ofwords [Haruki Murakami et la musique des mots, éd.Vintage, inédit en français], l’auteur de Kafka sur le ri-vage ne s’est vraiment lancé dans l’écriture qu’après avoirlu Les Bébés de la consigne automatique [éd. Philippe Pic-quier] paru en 1980 et grâce auquel MURAKAMI Ryûa obtenu le prix Noma. “Impressionné par le roman deRyû, Haruki a su qu’il voulait écrire quelque chosed’aussi fort et de plus intense que les deux premiers petitstextes qui lui avaient valu d’attirer l’attention”, souligneJay Rubin. On connaît la suite. Les deux hommes ontpoursuivi leur parcours romanesque, Haruki, plus âgéde trois ans que Ryû, a multiplié les best-sellers au Ja-pon et dans le monde. L’autre n’a pas démérité en termesde succès au Japon, mais il est vrai qu’il est moins reconnuà l’étranger notamment. La principale raison de ce destin différent tient au faitque MURAKAMI Ryû est un écrivain japonais qui a dumal à se départir de son enracinement nippon à la dif-férence de Haruki qui transcende les frontières. Dèsses débuts, il règle ses comptes avec une société qu’ilconsidère avec de très nombreux défauts sans parve-nir à en sortir. Cela ne veut pas dire pour autant que

Alors que 1Q84 paraît en France, l’autreMURAKAMI sort au même moment un trèsbeau roman sur la société japonaise.

LITTÉRATURE Noir, c’est noirsard a donc voulu que la sortie de 1Q84 coïncide aveccelle de Chansons populaires de l’ère Showa paru au Ja-pon en 1994. Dans ce roman très rythmé qui fait ré-férence à des titres du répertoire nippon alors que Ha-ruki s’emploie à parler de jazz ou de pop occidentale,Ryû oppose deux franges de la société japonaise dansun combat sanglant et sans merci. D’un côté, une bandede désœuvrés qui ne s’intéressent à rien. De l’autre, ungroupe de femmes plus âgées qui ont pour particula-rité de toutes s’appeler Midori. La guerre, le terme n’estpas trop fort, commence après l’assassinat d’une desmembres de l’Association des Midori par l’un des glan-deurs. A partir de là, le cycle infernal de la vengeancese met en route, permettant à l’auteur de montrer à quelpoint la société japonaise vit repliée sur elle-même aurisque de s’autodétruire. Ecrit au moment où la criseéconomique et sociale frappait de plein fouet le Japonau milieu des années 1990, ce roman illustre le déses-poir d’une partie de la jeunesse nippone face auquelles adultes incarnés par les Midori ne trouvent aucuneréponse si ce n’est la répression. La crudité des proposet l’absurdité de certaines situations renforcent le sen-timent d’impasse qui se dégage de ce roman. Ryû n’ar-rive pas à imaginer une porte de sortie. Ce n’est pas unhymne à l’amour qu’il tente d’écrire, mais un compterendu d’échec sur tous les plans. Que cela ne vous em-pêche pas de le lire, bien au contraire. MURAKAMI Ryûest un écrivain de l’urgence grâce auquel on peut sai-sir l’état d’esprit qui sous-tend la société. A défaut d’avoirdes journalistes qui font ce travail, réjouissons-nousde pouvoir lire sa prose.

G. B.

RÉFÉRENCECHANSONS POPULAIRES DE L’ÈRE SHOWA de MURAKAMI Ryû, trad. par Sylvain Cardonnel,éd. Philippe Picquier, 17,50 € www.editions-picquier.fr

16 ZOOM JAPON numéro 13 septembre 2011

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septembre 2011 numéro 13 ZOOM JAPON 17

ZOOM CULTURE

D epuis le terrible séisme du 11 mars qui a frappéle nord-est de l’archipel et l’accident dans lacentrale nucléaire de Fukushima Dai-ichi, on

ne compte plus les efforts entrepris par des associationspour venir en aide aux sinistrés japonais. La mobilisa-

tion a été très forte au cours des premières semaines etelle se poursuit encore. Pour preuve, l’initiative origi-nale de Ouest-Lumière, “entreprise fictionnelle de pro-duction et de distribution d’énergie artistique”, commeelle se présente. Profitant des Journées européennes dupatrimoine, elle va installer “une agence” de distribu-tion sous la nef du Grand Palais à Paris. Les visiteursseront invités à se montrer actifs et productifs “tout envivant un voyage immobile et en même temps métapho-

rique”, pour reprendre les termes de Yann Toma, pré-sident de Ouest-Lumière. 240 vélos connectés à uneénorme sphère de lumière permettront à toutes celleset tous ceux qui le souhaitent, quel que soit leur âge, de“stimuler la circulation de l'énergie qui nous lie et nousmet en mouvement pour l'avenir de l'humanité”. Un bienbel objectif qui mérite bien quelques gouttes de sueur.Une récolte d'énergie artistique pour envoyer despommes aux enfants de Fukushima sera parallèlement

organisée tandis que des tambours japonais et le son deXtronik rythmeront les efforts des cyclistes volontairesprêts à pédaler jusqu’à plus soif.

G. B.

Les 17 et 18 septembre, rendez-vous au Grand Palais pour participer à une expérience artistique et caritative.

ÉVÉNEMENT Pédaler pourFukushima : tout un art

RÉFÉRENCEDYNAMO-FUKUSHIMA Samedi 17 septembre de 10h à 1hDimanche 18 septembre de 10h à 17hGrand Palais, Avenue Winston-Churchill 75008 Paris

Page 18: ZOOM Japon 13

sonnel qui place sa cuisine à un très haut niveau. Lejeune chef HIROSUE Nobuyuki en est l’incarnation. Ilexécute d’une main de maître des plats qui enchantentà la fois le regard et le palais. Les sushi ont été pros-crits, car trop galvaudés de nos jours. La qualité desproduits et leur fraîcheur figurent évidemment en têtedes priorités de l’équipe dirigée par Mme NAKAMURA.Que ce soit le foie gras grillé et sa sauce au miel, le

wagyû (bœuf japonais) auradis rapé sur un lit delégumes ou encore lesracines de lotus au fro-mage et à l’ail, on com-prend très vite que l’on setrouve devant une cuisined’exception. Evidemment,cela a un prix. Noussommes loin des prix pra-tiqués par les restaurantsde râmen, mais cela vautla peine d’essayer. Le midi,il y a des menus à partirde 19 euros, mais si l’onveut avoir une très bonneidée de la cuisine serviechez Azabu, il estconseillé de prendre le

menu Obento (42 euros) avec 3 entrées, un plat et undessert. Le soir, les menus débutent à 43 euros. Fina-lement, c’est beaucoup moins cher qu’un aller-retourParis-Tôkyô ! GABRIEL BERNARD

ZOOM GOURMAND

L orsque l’on pénètre au 3 rue André Mazet, dansle restaurant tenu par Mme NAKAMURA Mami,on perçoit très vite une atmosphère chaleureuse,

une envie de faire plaisir et de transporter, le temps d’unrepas, les clients au Japon. Pourcela, rien n’a été laissé au hasard.Le décor rappelle celui des restau-rants du quartier d’Azabu, àTôkyô, notamment la salle ausous-sol constituée d’une immensetable autour de laquelle on installeles clients qu’ils se connaissent ounon. Voilà pourquoi l’établisse-ment porte le nom de cette partiede la capitale japonaise que l’onapprécie pour sa convivialité. Sadirectrice en a fait sa ligne deconduite, reprenant, à sa façon,ce que sa mère avait initié il y a30 ans dans un fameux restaurantjaponais à Paris. “L’apprentissagen’a pas été facile”, convient MmeNAKAMURA, mais il était essen-tiel pour elle de parvenir à un résultat proche de la per-fection pour comprendre et honorer le travail entamépar sa mère. “J’ai voulu poursuivre son idée de créer unepasserelle entre la France et le Japon”, ajoute-t-elle. Elleaurait pu le faire dans le quartier de l’Opéra, mais ellea préféré s’installer il y a près de 10 ans dans le 6ème

arrondissement pour se prouver à elle-même qu’ellepouvait parvenir à son objectif sans pourtant être cui-sinière. Elle a su s’entourer pour cela d’un excellent per-

Implanté dans la Quartier Latin, cerestaurant haut de gamme réservede bien agréables surprises.

RESTAURANT Azabu dans lacour des grands

Du thé, encore du théet rien que du théOn ne compte plus les restaurants

japonais, les épiceries nippones ou

asiatiques qui proposent des produits

venus de l’archipel. Ces dernières

distribuent souvent du thé, mais bien

souvent la qualité n’est pas au rendez-

vous. Voilà pourquoi il est une adresse à

Paris qu’il vaut mieux connaître si l’on

souhaite déguster ou acheter du thé vert

produit au Japon. Chajin, c’est son nom,

est une boutique tenue par des

passionnés qui entendent bien

transmettre leur amour du thé et ce qui

l’entoure. Le thé est aussi un art que l’on

enseigne. Chez Chajin, on ne transige sur

rien. Dès lors, on ne peut qu’apprécier ce

breuvage qui fait du bien au corps et à

l’esprit. Les thés servis et vendus

proviennent de Shizuoka et Uji, les deux

centres historiques de production du

Japon. Chez Chajin, on est aussi très fier

de rappeler que l’entreprise est la

première société de thé en France,

membre de l’IFOAM, organisation

mondiale d’agriculture biologique. Il ne

vous reste plus qu’à vous y rendre pour

goûter la différence.

Chajin - La maison du thé vert japonais

24 rue Pasquier 75008 Paris - Tél. 01 53 30 05 24

www.chajin-online.com

PRATIQUES’Y RENDRE 3, rue André Mazet 75006 Paris. Tél. 01 46 33 72 05 - 12h15-14h - 19h15-22h15. Fermé le dimanche midi et lundi.

Gab

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18 ZOOM JAPON numéro 13 septembre 2011

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L A RECETTE DE NOBUYUKI, chef d’Azabu

INGRÉDIENTS (pour 4 personnes)

500g de poulet haché (2 blancs) 1 œuf 2 cuillères à soupe de fécule2 cuillères à soupe de sake4 pincées de sel10g de gingembre rapé, ciboulette hachée

20 petits pois gourmandsUn peu d'huile d'arachide

Pour la sauce au gimgembre5cl de sauce de soja10cl de mirin50g de gingembre en tranche1 poireau (la partie verte)

PRÉPARATION

1 - Mélanger le poulet haché avec l’œuf, le fécule, le sake, le sel et gingembre et la ciboulette. S’assurer quele mélange se tienne bien. 2 - Diviser le mélange en huit parts égales en ayant au préalable mis un peu d’huilesur ses mains pour éviter que la pâte ne colle. 3 - Aplatir chaque part et lui donner une forme arrondie. 4 - Avant de faire cuire les galettes, faire chauffer à feu moyen dans une casserole l’ensemble des ingrédientsnécessaires à la sauce au gingembre. Laisser cuire entre 15 et 20 minutes. Filtrer avant de verser dans un petit bol.5 - Faire griller à feu moyen le poulet haché dans une poêle préalablement huilée. 6 - Servir deux galettes de pou-let par personne avec 5 pois gourmands avant de verser dessus la sauce au gingembre.

ZOOM GOURMAND

Le poulet occupe une place nonnégligeable dans l’alimentation desJaponais. Comme beaucoup d’au-tres choses, le poulet serait arrivédans l’archipel via la Chine au IIème

siècle avant J. C., mais les historiensn’en ont pas la certitude. Ce qu’ilssavent, en revanche, c’est que leKojiki et le Nihon Shoki, deux chro-niques du Japon ancien, mention-nent la présence du poulet, notam-ment au travers de l’interdictiond’en manger entre le 1er avril et le

30 septembre que l’empereurTenmu avait imposée en 675. Onsait que par la suite l’élevage dupoulet a été notamment encouragéà Kyûshû, transformant cet oiseausauvage en animal de basse-cour. Enjaponais, poulet se dit niwatori, l’oi-seau de la cour. Toutefois, laconsommation de cette vianden’était pas très courante, les Japo-nais préférant consommer le fruit deleur chasse (cailles, canards, oies ouencore bécasses). Ce n’est qu’à par-

tir de la fin du XIXème siècle que laconsommation de poulet s’est déve-loppée même s’il était considérécomme un produit haut de gammepar les classes populaires. C’est ainsique sont apparus les premiers yaki-tori. On n’y servait que les morceauxles moins nobles de la volaille. Ins-tallés à proximité des temples et deslieux de passage, les étals se sontpeu à peu transformés en restaurant.Des endroits que les Japonais ado-rent encore fréquenter.

Gab

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Galette de poulet haché façon Azabu(Azabufû tsukune)

septembre 2011 numéro 13 ZOOM JAPON 19

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Page 20: ZOOM Japon 13

L a préfecture d’Iwate a été fortement touchéepar le séisme et le tsunami du 11 mars dernier.De nombreuses séquelles sont encore visibles

le long de sa côte Pacifique, mais à l’intérieur des terres,de nombreuses zones ont été épargnées par la naturedéchaînée. C’est notamment le cas de Hiraizumi qui,le 28 juin, a été inscrit au Patrimoine de l’humanitépar l’Unesco après plusieurs années d’attente. La nou-velle a suscité une immense vague d’enthousiasme àun moment où la population locale avait besoin d’un

petit coup de pouce au moral. Il faut dire que Hirai-zumi a souffert indirectement de la tragédie puisquede nombreux touristes ont choisi d’éviter cette partiedu pays en raison des répliques et de la situation à lacentrale de Fukushima pourtant très éloignée. A Hirai-zumi, on a donc accueilli avec soulagement l’inscrip-tion du site dont la vocation originelle était d’incar-ner le “paradis sur terre” entièrement dédié auxprincipes du bouddhisme. Voulu par le clan Fujiwaraqui avait quitté Kyôto, en particulier le premier d’en-tre eux Kiyohira qui avait fait fortune grâce à l’or, celieu a pris une importance considérable à partir duXIIème siècle avec la construction de très nombreuxtemples et jardins dont la plupart ont été détruits lors

de raids menés par l’armée du shôgun Yorimoto.Cependant, ceux qui ont échappé à ce triste sort per-mettent d’imaginer aisément la richesse de la villeet méritent que le voyageur prenne le temps d’y faireune halte. Très facile d’accès notamment par le train,Hiraizumi est une destination qui mérite une visited’au moins une journée sinon deux jours pour en per-cer tous les mystères et en découvrir les charmes. Dési-reux de créer un centre intellectuel et culturel aussiprestigieux que Kyôto, les Fujiwara ont redoublé d’ef-forts pour y parvenir. Les principaux vestiges de cettesplendeur passée se situent au nord et au sud de laville. Pour le voyageur qui ne veut pas s’attarder, il estrecommandé de se rendre à Chûson-ji accessible avec

L’ancien centre culturel et intellectuel dunord-est du Japon constitue une belle étapepour éviter les sentiers battus.

A Chûson-ji, au milieu des arbres, un toit apparaît.

PATRIMOINE Les mystères de Hiraizumi

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ZOOM VOYAGE

le bus RunRun (4 mn) ou à pied (compter 20 mn).La promenade est agréable notamment en automneou au printemps au moment où la nature expose sesplus belles couleurs. Chûson-ji, qui regroupe unensemble de temples, est implanté au milieu de la forêt.On y pénètre par Tsukimizaka, un chemin bordénotamment de cyprès du Japon plantés il y a près de400 ans. Selon la saison, on voit de très nombreuxJaponais s’y attarder pour apprécier la beauté de cesarbres dont les feuilles prennent des couleurs extra-ordinaires en octobre et novembre ou celle de la neigequi envahit le lieu en hiver. Ce chemin constitue unemise en bouche des plus agréables, il rappelle com-bien la nature occupe une place centrale dans la cul-ture nippone. A Chûson-ji, c’est d’autant plus mar-quant qu’il s’agissait d’illustrer le paradis sur terre.C’est en 850 que le moine Ennin a commencé à édi-fier les temples de Chûson-ji, mais c’est sous l’impul-sion de Fujiwara Kiyohira que l’ensemble devint unimportant centre religieux puisqu’il y fit bâtir près de40 temples. Parmi eux ne subsiste aujourd’hui que lemagnifique Konjiki-dô (Chapelle d’or) achevé en1124. Il est recouvert de feuilles d’or et serti de nacrevenue d’Okinawa. Le sanctuaire intérieur comporte33 statues, dont la principale et la plus importante estune représentation du Bouddha Amida Nyorai, assis.Quatre membres du clan Fujiwara reposent dessous.Cet extraordinaire édifice, consacré trésor nationalpar les autorités, a inspiré le poète Bashô, le père duhaikai ou poème enchaîné, qui l’avait poussé jusqu’àChûson-ji lors de son périple dans le nord de l’ar-chipel en 1689. Il a rapporté dans son journal devoyage Oku no hosomichi (La Sente étroite du bout dumonde) son émerveillement devant le Konjiki-dô ouHikari-dô (Chapelle de lumière) en lui consacrant unpoème :

Samidare noFuri nokoshite yaHikari-dô

De la cinquième luneLes pluies épargneraient-ellesLa Chapelle d’or

Pour rappeler sa présence sur les lieux, une statuedu poète a été érigée à proximité. La Chapelle d’or etson extraordinaire Bouddha Amida Nyorai bénéfi-cient ainsi de la caution du plus illustre des écrivainsjaponais. Les amateurs de haiku s’arrêtent souventdevant la représentation de Bashô pour lui rendrehommage avant de reprendre leur découverte du siteet déambuler dans les allées. Ils se retrouvent ensuitedevant le Kyûôi-dô, l’ancien bâtiment en bois qui pro-tégeait du vent et de la neige le Konjiki-dô. Malgré sasobriété, l’édifice qui date du XIVème siècle vaut le coupd’œil, ne serait-ce que pour observer l’ingéniosité deses architectes ou simplement se recueillir en se disantqu’il y a plus de trois siècles un grand poète se trou-

Temple de Chûson

Centre du patrimoineculturel de Hiraizumi

Templede Môtsû

Office dutourisme

TakadachiGikei-dô

Gare deHiraizumi

VersTakkoku-no-iwaya

Bishamon-dô

Lign

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Vers Hiraizumi

VersIchinoseki

H I R A I Z U M I

Chûson-ji

Centre du patrimoineculturel de Hiraizumi

Môtsû-ji

Office dutourisme

TakadachiGikei-dô

Poste

Gare deHiraizumi

Vers Morioka

VersIchinoseki

VersTakkoku-no-iwaya

Bishamon-dô

Rivière Kitakami

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Chûson-j i

Tsukimizaka

Benkei-dô

Vers Hiraizumi

Sankôzô

Kyûôi-dôStatue deMatsuo Bashô

Nôbutai

Hondô

Konjiki-dô

Kyûôi-dô

Nôbutai

Konjiki-dô

Arrêt de busChûson-ji

RN4

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500 m

Rivière Koromo

200 m

Tokyo

Kyûshû

Shikoku

Honshû

Hokkaidô

Hiraizumi

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ZOOM VOYAGE

vait ici même. A une centaine de mètres de là, ontrouve une scène de théâtre nô reconstruite en 1853.C’est la seule en son genre dans tout le nord-est del’archipel. On y présente de temps en temps des spec-tacles, mais elle sert principalement lors de la fête desFujiwara (Fujiwara Matsuri) qui a lieu chaque annéeen mai et en novembre. Conséquence du séisme du11 mars, celle de mai 2011 a été annulée, mais ellereprendra l’année prochaine. C’est une des grandesattractions de Hiraizumi puisqu’elle se déroule débutmai, c’est-à-dire au moment de la golden week quandla plupart des Japonais prennent plusieurs jours decongés consécutifs. On peut terminer la visite de Chû-son-ji par Hondô, le pavillon principal qui se trouveau centre de ce vaste ensemble. L’édifice reconstruiten 1909 est le plus imposant de tout le site, mais onlui préférera la maison de thé Shôjuan où l’on peutsavourer un délicieux thé vert et des pâtisseries japo-naises tout en contemplant les jardins. Il est alors temps de quitter ce bel endroit pour faired’autres découvertes ou reprendre le train. Le busrepasse par la gare ou peut vous mener à Môtsû-ji quise trouve au sud de la ville. Fondé en 850 par JikakuDaishi, ce complexe monastique a longtemps étéconsidéré comme l’un des plus beaux de l’archipelgrâce aux investissements consentis par les Fujiwaraavant sa destruction par le feu en 1226. Son immensejardin qui représente le paradis sur terre du Bouddhade la Terre pure est magnifique. Il entoure l’étang duGrand printemps (Ôizumigaike), seul vestige del’époque Heian et l’un des très rares du pays. En par-courant le jardin, on peut voir les traces des anciensbâtiments disparus, mais on peut surtout profiterencore une fois de la nature. En juin, l’éclosion desiris qui donne lieu à la fête des iris (Ayame matsuri)est un spectacle à ne pas manquer. Il est probablequ’un Claude Monet amateur de cette fleur auraitadoré peindre cette symphonie de bleus. L’endroitest propice à la méditation et à la poésie, c’est sansdoute pour cette raison qu’on y a installé une énormepierre sur laquelle a été gravée le fameux haiku deMatsuo Bashô :

Natsukusa yaTsuwamono domo gaYume no ato

Herbes folles de l’été —où frémit encorele rêve des guerriers

Le poète s’était rendu sur la colline Takadachi où Mina-moto no Yoshitsune, l’un des grands héros japonais,connut une fin tragique. Ce guerrier qui combattit auxcôtés de Minamoto no Yoritomo, puissant seigneur quicréa le shogunat, devint bientôt son pire ennemi. Mal-gré la présence de son serviteur Benkei, il aurait fini parse donner la mort faute de pouvoir trouver une issuedans le combat qu’il menait. Un mémorial (TakadachiGikei-dô) lui est consacré au sommet d’où l’on a unebelle vue sur Hiraizumi et ses environs. A la suite dudécès de Yoshitsune, Yoritomo décida de raser Hirai-zumi et de détruire ce que les Fujiwara avaient mis enplace. Mais pour beaucoup, Yoshitsune n’est pas mortà Hiraizumi. Il aurait fui avec Benkei en Mongolie oùil serait devenu Gengis Khan, laissant mourir à leur placedeux sosies pour tromper son rival. Une légende qui estsoigneusement entretenue par la population locale. C’estce qui fait aussi le charme de cette cité si fière aujourd’huide son glorieux passé. Il suffit de se prendre au jeu et des’imaginer remonter le temps. Dans cette partie du Japonoù la nature est très présente, il est facile d’oublier quel’on vit au XXIème siècle. Que ce soit à Chûson-ji, àMôtsû-ji ou au Takadachi Gikei-dô, par une journée unpeu brumeuse, en fermant les yeux et vous concentrant,vous entendrez peut-être remonter les voix des guer-riers, des moines bouddhistes ou du poète Bashô quivous remercieront d’être venu passer un moment en leurcompagnie. Hiraizumi comme toute cette partie de l’ar-chipel a bien besoin de la présence de touristes qui n’ontpas peur de faire un petit voyage dans le temps et d’enrevenir combler pour peu qu’ils acceptent de préser-ver une petite part de mystère.

GABRIEL BERNARD

PRATIQUEPOUR S’Y RENDRE Au départ de Tôkyô, empruntez leTôhoku Shinkansen (Hayate ou Yamabiko) jusqu’àIchinoseki. Il y a deux trains par heure. Prendreensuite la ligne principale JR Tôhoku jusqu’àHiraizumi (8 mn). De là, on peut marcher ouemprunter le bus RunRun (300 yens, billet valableune journée). Pour en savoir plus, consultez le sitede l’office du tourisme : www.hiraizumi.or.jp/en

Statue de Matsuo Bashô à proximité de Konjiki-dô.

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PRATIQUE Un aéroport pours’amuser

Depuis le 15 juillet dernier, l’aéroport de

Sapporo dispose de nouvelles attractions.

Le voyageur peu pressé de prendre l’avion

pourra soit se faire une toile au Jaga

Pokkuru Theater, premier cinéma de ce

genre au Japon, soit prendre un bain au

Manyô no yu qui propose aussi un sauna.

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préfecture de Shizuoka veulent attirer les

touristes. Jusqu’au 30 septembre, ils

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Inutile de passer à côté de cette très bonne

initiative.

IZU DREAM PASS

Tél. : 054-353-2221

www.izudreampass.com/waribki2011/index.html

ZOOM VOYAGE

C omme le laisse entendre le sous-titre de ce guideoriginal, il s’agit de don-ner envie de se rendre

au Japon à toutes celles et tousceux qui n’ont pas beaucoup plusque le prix d’un aller-retour Paris-Tôkyô. En effet, le pays du Soleil-levant reste une destination onéreusemalgré une baisse très sensible des prixces dernières années. Mais en ces tempsde yen fort et d’euro faible, le touriste dési-reux de parcourir l’archipel y réfléchit à deuxfois et décide parfois même d’attendre desjours meilleurs. Julien Joly fait fi de toutesces questions matérielles et démontre qu’un voyage auJapon est possible pour peu que vous ayez envie d’ap-procher les Japonais. “A partir du moment où vous avezdécidé de ne dépenser que le strict minimum pour votrevoyage, le Japon devient une destination tout à fait abor-dable pour les étudiants ou les fauchés”, affirme-t-il. L’au-

teur a testé et approuvé toutes sortes de bonnes com-bines pour se déplacer, manger et dormir, en le dépen-sant moins possible. Il ne s’agit pas seulement de faire

de l’auto-stop comme le suggère abusivement le titrede l’ouvrage, mais plutôt de voyager malin même si

l’on ne maîtrise pas la langue de MURAKAMI. Il pro-pose d’ailleurs un lexique très pratique qui permet

de se repérer facilement lorsqu’on entreprend unvoyage comme celui-là. Des adresses, des bons

plans et des techniques pour faire fondre lesautomobilistes les plus récalcitrants à l’idée

de prendre un auto-stoppeur. Bref, un vade-mecum obligé pour quiconque veut

découvrir le Japon autrement. Par ail-leurs, il est “le seul guide à prendre en

compte les bouleversements du Tôhoku et lesrecommandations de l'IRSN sur les risques liés à la radioac-tivité”. ODAIRA NAMIHEI

Vous en rêviez, Julien Joly l’a fait. Il a fait letour du Japon pour presque rien.

LU Le vrai guide du routard

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RÉFÉRENCESAUTO-STOP AU JAPON : GUIDE PRATIQUE MICRO-BUDGET de Julien Joly, éd. Solilang, 9,20 €www.autostopaujapon.fr

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Delhi

NagoyaSéoul

Pékin

OsakaShanghai

Helsinki

Tokyo

Chongqing

Bangkok

Singapour

Hong Kong

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