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GABRIEL FAURÉ mélodies yann beuron billy eidi

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GABRIEL FAURÉ mélodies

yann beuron billy eidi

GABRIEL FAURÉ

MélodiesTroisième Recueil - Deux Mélodies de 1906

Yann Beuron ténor

Billy Eidi piano

www.timpani-records.com

Enregistrement/recording: Paris, Chapelle de l’Hôpital du Bon Secours, février 2009Direction artistique/artistic supervision & editing : Dominique DaigremontSon & montage/balance & editing : Frédéric BriantMastering: Jean-Pierre Bouquet - Directeur de production: Stéphane TopakianCover: Edward Cucuel : « Sleepy »

Timpani 2009© Timpani 2009

1C1162

1 – Larmes - op. 51 n° 1 - Jean Richepin - 1888 (2’29) 2 – Au cimetière - op. 51 n° 2 - Jean Richepin - 1888 (3’49) 3 – Spleen - op. 51 n° 3 - Paul Verlaine - 1888 (2’10) 4 – La Rose - op. 51 n° 4 - Leconte de Lisle - 1890 (2’28)

5 – Chanson (de Shylock) - op. 57 n° 1 - Edmond Haraucourt - 1889 (1’41) 6 – Madrigal (de Shylock) - op. 57 n° 3 - Edmond Haraucourt - 1889 (1’17)

Cinq Mélodies de Venise - op. 58 - Paul Verlaine - 1891 7 – Mandoline (1’51) 8 – En sourdine (3’22) 9 – Green (1’49)10 – À Clymène (2’47)11 – C’est l’extase (3’07)

12 – Le Parfum impérissable - op. 76 n° 1 - Leconte de Lisle - 1897 (2’04)13 – Arpège - op. 76 n° 2 - Albert Samain - 1897 (2’09)

14 – Prison - op. 83 n° 1 - Paul Verlaine - 1894 (1’55)15 – Soir - op. 83 n° 2 - Albert Samain - 1894 (2’04)

16 – Dans la forêt de septembre - op. 85 n° 1 - Catulle Mendès - 1902 (2’59)17 – La Fleur qui va sur l’eau - op. 85 n° 2 - Catulle Mendès - 1902 (2’06)18 – Accompagnement - op. 85 n° 3 - Albert Samain - 1902 (3’36)

19 – Le Plus Doux Chemin - op. 87 n° 1 - Armand Silvestre - 1904 (1’15)20 – Le Ramier - op. 87 n° 2 - Armand Silvestre - 1904 (1’33)

21 – Le Don silencieux - op. 92 - Jean Dominique - 1906 (2’01) 22 – Chanson - op. 94 - Henri de Régnier - 1906 (1’28)

L’ambition de ce disque a été de réunir l’ensemble des mélodies de ce qu’on appelle le 3e Recueil de Fauré, édité chez Hamelle. En vérité, le contenu de ce recueil a été fluctuant, et les premières de nos mélodies avaient d’abord rejoint le 2e Recueil ; l’actuel « Troisième » ne s’est consti-tué de façon définitive qu’en 1908, quand la décision fut prise de limiter chacun des trois recueils Hamelle à vingt mélodies. Tel qu’il se présente aujourd’hui, il va de l’opus 51 à l’opus 87, c’est-à-dire de 1888 à 1904. Avec l’ajout des deux mélodies séparées de 1906 (op. 92 et 94), ce disque couvre dix-huit ans de composition, en gros la « deuxième manière » de Fauré : à titre de comparaison, ce sont les années rayonnantes où son catalogue pianistique s’enrichit des deux dernières Valses-Caprices, des Barcarol-les 5 à 8, des Nocturnes 6 à 8, de Thème et variations et du Quatrième Impromptu.

Les quatre mélodies de l’opus 51 datent de 1888 (les trois premières) et 1890 (la quatrième). C’est un cahier inégal, de tous les points de vue, ne serait-ce que dans le choix des textes : que font les accents sombres et violemment romantiques de Richepin avec le spleen automnal de Ver-laine, et plus encore avec l’odelette anacréontique de Leconte de Lisle, ouvragée comme une bonbonnière de Sèvres ?

Larmes, qui ouvre le cahier, n’est certes pas — même si l’on songe au Voyageur ou à Fleur jetée, du 2e Recueil — la plus « fauréenne » des mélodies ; mais il manquerait quelque chose à Fauré sans ces pages tourmentées, soulevées d’une sorte d’ahan obstiné, où le sel des san-glots se confond avec celui de la houle et des embruns. Mais ce n’est pas encore ici le poème du regret, du désir, de la résignation que nous lirons dans L’Horizon chimérique ; le vocabulaire est encore trop dé-clamatoire, la syntaxe trop démonstrative (voyez ce refrain attaqué cha-que fois un demi-ton plus haut). Dans L’Horizon, la mer « console » et « lave des pleurs » ; ici, au contraire, elle se veut « le pleur amer » d’une terre inconsolée.

Au cimetière : il est fréquent, chez Fauré, cet accompagnement de lents accords, issu de Schubert et de Schumann ; il peut, comme dans

Aurore (du 2e Recueil), escorter l’éveil de la lumière ou, comme dans Diane Séléné (de L’Horizon chimérique), traduire la sérénité nocturne, la paix du paysage à défaut de celle de l’âme ; mais plus souvent, com-me ici, ou plus loin dans Prison, il dit l’affliction, voire le deuil, et son pas inflexible se fait funèbre. Le calme élégiaque du début laisse place à de nouveaux accents véhéments (declamato, ne craint pas d’indiquer le compositeur), au moment d’évoquer, après les morts paisibles qu’on en-terre dans l’herbe et les fleurs, « ceux qui meurent à la mé » et n’ont pour linceuls que « les goémons verts » : pour ces vers où Richepin rejoint, à sa manière simpliste et sans génie, le Victor Hugo d’Oceano Nox, Fauré sort de sa réserve, force sa voix, — pour mieux en revenir aux sobres ac-cords initiaux, à l’humble et campagnarde prière. La trouvaille de cette reprise, c’est l’ajout de la pédale de dominante, qui résonne sourdement dans le grave.

Verlaine, dont Fauré doit la découverte à Robert de Montesquiou, et qui était entré chez lui l’année précédente par le fameux Clair de lune qui constitue le joyau du 2e Recueil, reparaît subrepticement avec Spleen (avant d’occuper toute la place dans les Mélodies de Venise et La Bonne Chanson : un total, en sept ans, de dix-sept mélodies). Avec ces vers mur-murés et grelottants, si opposés au débit théâtral de Richepin, la plume de Fauré à son tour se fait légère et intuitive. À tour de rôle, et parfois en se croisant, le staccato des mains alternées ou les triolets caressants et ber-ceurs tâchent d’évoquer l’égouttement de la pluie avec celui des larmes. Le poème (une des Ariettes oubliées des Romances sans paroles) a souvent été mis en musique, généralement sous son vrai titre, un simple incipit, « Il pleure dans mon cœur » (Spleen est une invention de Fauré, un emprunt à une autre des Ariettes) : Debussy dès 1885, Delius, Koechlin, Florent Schmitt parmi les plus connus. De tous, Fauré est le plus proche du mo-dèle, de son art et de sa vérité, sait garder ce ton désabusé, cette plainte monotone ; la pluie ruisselle presque en silence, la voix s’élève à peine : tout au plus le mot « trahison », le mot « haine » attirent-ils un forte, vite abandonné. Et nul n’a su rendre avec autant de tendresse meurtrie la séquence « ô bruit doux de la pluie ».

La Rose fait une fin lumineuse et imprévue à un recueil jusque-là confiné dans la grisaille et la douleur. Mais cette mélodie plus tardive n’est-elle pas à sa façon — non par les mots, mais par les notes — un portique aux Mélodies de Venise ? Pardonnons au poème de Leconte de

UN IMPÉRISSABLE PARFUM...Guy Sacre

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Lisle ses colifichets antiques, sa préciosité amidonnée (il n’y en a pas moins dans les Vénitiennes, mais justement elle n’est pas guindée !), en faveur de la torpeur qu’il a secouée en Fauré, des ailes qu’il lui a données. Le piano se dégourdit, les modulations redoublent d’ingéniosité autant que d’ingénuité, comme en ce motif initial qui s’élance plusieurs fois de suite avec chaque fois un degré altéré ou une arrivée différente. Voici déjà l’anapeste dansant qui régnera dans les Mélodies de Venise, les cas-cades d’arpèges qui rafraîchiront la fin d’En sourdine ou le début de Soir, et jusqu’aux courbes enveloppantes et enchanteresses d’Arpège…

De la musique de scène composée en 1889 pour Shylock, adapta-tion par Edmond Haraucourt du Marchand de Venise de Shakespeare, subsiste une suite de six morceaux pour ténor et orchestre, dont deux, Chanson et Madrigal, furent publiés en version chant-piano dans le 3e Recueil. On les entend rarement, et peut-être méritent-ils cette disgrâce. Assurément Fauré n’est pas aidé par son parolier, qui met des moufles aux doigts déliés de la fantaisie shakespearienne. Dans la Chanson (est-ce le tribut payé au théâtre et au « grand public » ?), traînent des relents du désastreux En prière, de la même époque (écrit sur des vers d’un sieur Stéphane Bordèse et recueilli, Dieu merci, dans le 2e Recueil, sans numéro d’opus) ; des relents seulement : la mièvrerie amoureuse est plus supportable que la religieuse, et à tout prendre, on peut trouver plus d’ironie que de naïveté dans ces échappées modales, dans ces arpèges infatigablement lancés vers le haut, caressant des courbes mélodiques qui peut-être n’en demandaient pas tant. Le Madrigal, très sobre, réduit à un dialogue entre la voix et la main gauche, de part et d’autre d’accords arpégés où la droite imite la mandoline, vaut davantage, malgré ses vers tout aussi ampoulés…

Le 3e Recueil, où luisent des étoiles de première grandeur, contient un amas stellaire : les cinq (op. 58) que l’on nomme Mélodies de Venise, sous prétexte que la première d’entre elles fut effectivement composée sur la lagune (le cycle est achevé en septembre 1891 et Fauré l’offre à son hôtesse au Palazzo Wolkoff, la future princesse de Polignac). Mélo-dies aussitôt acclamées, toujours parmi les plus chantées de Fauré, et n’ayant, malgré cette célébrité, rien perdu de leur pouvoir de suggestion et d’émotion.

Après Clair de lune et Spleen, voici Verlaine à nouveau, et plus encore : car on a souvent parlé de la triple rencontre, en ce cahier, entre Fauré, Verlaine et Watteau. La formule n’est pas vaine, mais il convient de rap-peler que trois pièces seulement, Mandoline, En sourdine et À Clymène, appartiennent aux Fêtes galantes et renvoient précisément à la thémati-que du peintre : la comédie d’amour, douce-amère, avec pour cadre un grand parc où pleurent les jets d’eau, et pour personnages ces couples qui tâchent de travestir, sous l’éclat du satin et de la soie, le mal de vivre et d’aimer, la mort du rêve, la lente approche du désespoir. Mais c’est plutôt Debussy, celui des Fêtes galantes de 1904 (Les Ingénus, Le Faune, Colloque sentimental), qui adhère à ce programme et s’en tient stricte-ment à ce recueil de Verlaine. Fauré, il faut l’en admirer, a introduit dans son cahier, avec Green et C’est l’extase, la note moins costumée, moins joueuse, disons plus sincère, des Romances sans paroles. Telles quelles, ces cinq mélodies forment un cycle idéal, qu’unifient de multiples récur-rences de motifs, et où l’on suit toutes les intermittences du cœur, ses brus-ques élans et ses chutes inexplicables, ses accelerandos et ses ralentis : le badinage apparent de Mandoline, le désarroi paradoxal de En sour-dine, le marivaudage consenti de À Clymène, la ferveur réelle de Green, et pour finir, la tendresse timide, embuée de larmes, de C’est l’extase.

Dix ans après celle de Debussy, qui s’en tenait joyeusement à la lettre du poème, la Mandoline de Fauré en pénètre enfin l’esprit. Quiconque déplore chez lui (comme chez Poulenc) une écriture souvent pareille, un recours à quelques modèles d’accompagnement où il se copie lui-même sans scrupule, ne peut qu’avoir un faible pour ce morceau si sé-duisant, si direct, si individualisé par son rythme sautillant, sa malicieuse adresse, ses effets de cordes pincées. Ici l’arpège ne caresse pas, il gratte, avec assez de douceur, cependant, pour laisser la voix s’épanouir, et même çà et là festonner en vocalises (« ramures chanteuses », « maint vers tendre »). L’écriture ne s’amollit que pour peindre le chatoiement des « vestes de soie » et des « ombres bleues », le halo de la « lune rose et grise ».

Aux ritournelles de Mandoline succède, dans En sourdine, une ample mélodie continue, et au staccato les arpèges berceurs et noyés de pé-dale. La pièce initiale n’était pas dénuée d’humour (les notes « piquées » ne sont-elles pas l’indice d’une « pointe » généralisée du discours ?), même si son sourire dissimulait je ne sais quoi d’endolori. Ici, tout est

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sérieux, l’échange amoureux, la beauté poignante du paysage, de la lu-mière mourante, de ce coin de parc bientôt retourné à la nuit, et où se brise, à la toute fin, l’octave expressive du rossignol (« chantera… »). Mystérieuse antithèse… Ces phrases rayonnent, ces harmonies comp-tent parmi les plus voluptueusement belles de Fauré, on ne parle que d’amour, de persuasion, de « sens extasiés », et la nature elle-même y ré-pond par ses « vagues langueurs » ; pourquoi donc cet oiseau fatidique, propre à chanter le désespoir ? Sous la caresse répétée des arpèges, où les deux mains conspirent avec autant de ferveur, parmi les modulations envoûtantes, rôde l’inquiétude, et le chant, peu à peu, se fait plainte.

Plus timide que celui de Debussy (1886), qui déborde d’ardeur juvé-nile, Green n’en est pas moins ouvertement romantique, à la Schubert, par l’adhérence du chant à la main droite du piano, qui presque tout au long lui trace d’avance son chemin, le doublant au sommet des batteries d’accords. Retenons, au début du deuxième quatrain, ce motif de trois notes au piano, déjà apparu à la voix (« voici des fruits »), et d’ailleurs dès Mandoline (« et c’est Damis »), omniprésent désormais, comme un clin d’œil ou un acquiescement.

Le poète des stances À Clymène est déjà celui de La Bonne Chanson : cet « arôme insigne », ces « nimbes d’anges défunts », ces « almes ca-dences » préfigurent la dévotion mi-profane mi-mystique qui donnera au cahier des fiançailles son odeur ambiguë de violette et de missel, et Clymène est déjà « une sainte en son auréole »… Poème à prendre avec des pincettes, obscur à plus d’un endroit, périlleux à mettre en musique : des cinq, c’est le seul auquel Debussy n’ait pas touché. Fauré s’en sort délicieusement, avec ce rythme de barcarolle à 9/8 où vient se briser un joli thème de couleur dorienne. Il n’a pas peur du « chère » mi-enjoué mi-sérieux et le tient longuement avant de le briser d’une chute d’octave. Sa plus exquise trouvaille est, vers le milieu, sous les mots « puisque ta voix », de passer soudain à quatre temps, en légère accélération, au moment où, cessant d’ironiser, le poète avoue un véritable « trouble ». Et même s’il n’a rien à voir avec Watteau, comment ne pas aimer le pudique « ainsi soit-il », qu’un mélodiste moins roué aurait sottement déclamé…

Tout grelottant d’émoi sur son rythme d’accords syncopés, C’est l’ex-tase est, avec En sourdine, l’autre merveille des Mélodies de Venise, l’autre splendeur du 3e Recueil, — et d’ailleurs il fait écho à la précé-dente : le passage « cette âme qui se lamente » reprend très exactement

le passage « ferme tes yeux à demi ». Autre récurrence : le petit motif de trois notes de Green, répété presque tout au long. On voit que sont ainsi reliées les trois mélodies « sérieuses » du cycle, celles qui évitent autant l’aiguillon du persiflage que le rembourrage de l’hyperbole. L’harmonie fauréenne n’ira pas plus loin dans la richesse, l’invention, les subterfuges et tout est prêt ici, d’avance, pour les félicités du Sixième Nocturne ou de la Sixième Barcarolle.

Les années 1892-1894, toujours verlainiennes, sont occupées par la composition de La Bonne Chanson. Et c’est Verlaine encore que l’on retrouve au début de l’opus 83, recueil dont la numérotation peut trom-per : les deux mélodies qui le constituent datent de décembre 1894, et précèdent de presque trois ans celles de l’opus 76.

Prison et Soir sont à l’opposé l’un de l’autre, tant dans l’inspiration, le climat, que le rythme ou la texture. Prison, le dernier poème em-prunté à Verlaine, est bien revenu de tous les jeux, de toutes les fêtes, de tout l’univers bergamasque. Tiré de Sagesse, et précisément de ce groupe de vers qui, dans Sagesse, devait à l’origine s’intituler Cel-lulairement, il s’agit du fameux « Le ciel est par-dessus le toit », que Fauré coiffe d’un titre de son cru. Le rythme à ¾ et l’accompagnement d’accords quasi immobiles rappellent Au cimetière ; mais aux banali-tés maladroites de Richepin a succédé l’émotion resserrée, à fleur de conscience, de Verlaine. Le ton endeuillé de mi bémol mineur, la cou-leur dorienne, le glas timbré sur la dominante, le terrible cri « qu’as-tu fait » suivi, gémissant et pianissimo, du plus terrible « dis, qu’as-tu fait », l’appogiature finale sur « de ta jeunesse », tout cela ne s’oublie guère, et laisse loin toutes les musiques qui se sont essayées sur ces vers si cé-lèbres…

Soir ouvre le lot de poèmes empruntés à Samain ; ils seront trois au to-tal (si l’on ne compte pas Pleurs d’or, op. 72, de 1896, duo pour mezzo et baryton) : Soir, Arpège et Accompagnement, et on ne saurait assez regretter que Fauré n’ait pas songé à en composer un cycle, qui aurait imposé à jamais son unité de ton et de style. Au vrai, le texte de Soir n’est nullement indigne du Verlaine des Fêtes galantes, il en a l’atmos-phère et les thèmes, il en a les mots et les circonlocutions, et jusqu’à cet air complice, ce soupçon d’ironie clémente, au milieu des atours de satin et des rayons de lune ; il aurait pu rejoindre les Mélodies de

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Venise (et Jankélévitch est aussi drôle qu’injuste en appelant Samain « le Mallarmé des sous-préfets »). Fauré l’entend bien ainsi, qui remet dans ces arpèges descendants repris de En sourdine, ces contretemps repris de C’est l’extase, tout son savoir-faire et son savoir-sentir.

Le diptyque de l’opus 76, composé en août et septembre 1897, est pa-reillement antithétique. Voici encore, dans Le Parfum impérissable (cin-quième et dernier emprunt de Fauré à Leconte de Lisle), le rythme à ¾ et les lents accords processionnels de Prison ou de Au cimetière ; mais le climat n’est ni à la tristesse ni au regret, plutôt à une sorte de mélancolie à la fois grave et fervente. Ce poète qu’on a hâtivement qualifié d’impas-sible nous livre ici un message d’autant plus profond qu’il se garde de tout excès : l’image suffit, de cette fiole à jamais embaumée, pour pro-clamer qu’un amour est éternel du fait même d’avoir existé (il y a quel-que chose de comparable dans La Conque de Heredia, autre parnassien, autre impassible prétendu). Fauré a pénétré ce mystère, et ce qu’il livre déborde de sens. Obstinément rivé au rythme qu’il a choisi, sans être tenté d’y mêler la moindre diversion, le moindre envol d’arpèges, la façon seule dont il noue ses harmonies, les défait pour les mieux ressai-sir, sur des basses improbables et trompeuses, nous tient prisonniers de cette émotion jusqu’au dernier vers. L’étonnant de ces trois pages, c’est le retour incessant de la tonique, plus appuyé encore que dans Green ou Soir : presque une leçon qu’on titrerait « comment moduler sans en avoir l’air et ne pas moduler tout en le faisant » (les ressources secrètes, presque magiques pour une oreille profane, de l’enharmonie, l’y aident comme jamais). C’est à propos du Parfum impérissable que Proust (qui avait jugé Au cimetière « vraiment affreux ») écrivit à Fauré la fameuse lettre : « Je n’aime, je n’admire, je n’adore pas seulement votre musique, j’en étais, j’en suis encore amoureux. »

Dans Arpège, où Samain est sollicité une deuxième fois, il ne s’agit plus d’odeur « immortelle », ni de fidélité au parfum une fois respiré : au contraire, dans cette nouvelle fête galante, c’est une fois de plus le papillonnement des cœurs, la course légère à l’amour, le carpe diem sans remords et sans souci : « l’heure est si brève… », au rebours du précédent poème, qui vantait « le temps infini ». Du coup, au rythme lent et grave et aux empilements d’accords succèdent — gloire au titre ! — les souples arpèges, les motifs capricieux, les trilles de flûte, la fin dé-

liquescente (et peut-être un peu moqueuse) dans le mode majeur, — et dans la partie centrale ces brisements d’accords aux deux mains amica-lement réunies. Pour la petite histoire : Samain n’aimait guère cette mé- lodie ; « pourquoi, disait-il, la musique est-elle si moderne ? », ajoutant, sans rire : « trois mesures de Bellini m’auraient rendu heureux ». Allons, je m’en veux d’avoir contesté Jankélévitch…

Deux poèmes de Catulle Mendès, un dernier Samain : l’opus 85, com-posé entre mars et septembre 1902, n’est pas moins composite que les précédents (il est, hélas, nettement moins connu). Nous retrouvons, au seuil de Dans la forêt de septembre, les lents accords à ¾ et leur allure fatidique : pour le premier quatrain, où l’accent le plus fort et la note la plus aiguë viennent sur le mot « douloureuse », il ne fallait pas autre cho-se. Pour le deuxième, voilà ces accords se défaire en arpèges ascendants, d’un élan soutenu, avant de retomber sur les mots « comme l’on souffre ». Le troisième quatrain retrouve la marche funèbre du premier, et la boucle serait presque bouclée ; mais il reste deux quatrains encore, et c’est ici que la mélodie devient admirable : « bonne forêt ! » ; de la confron-tation du vieil homme et de l’antique forêt naît une des musiques les plus émouvantes du 3e Recueil, sur le courant retrouvé et persistant des doubles croches, — pages avant-coureuses de tout ce que le thème de la vieillesse, et de la résignation qui l’accompagne, dictera au compo-siteur, des dernières barcarolles et des derniers nocturnes à L’Horizon chimérique.

Fauré se ressemble, on l’a dit. La Fleur qui va sur l’eau, après Mando-line, est de ces rares mélodies que caractérisent un rythme, une écriture, non reproduits ailleurs (voyez encore la dernière de Mirages, Danseuse). Ici c’est un zigzag de doubles croches, tracé entre les deux mains, et où se créent, dans la vitesse un peu folle et la pédale, de petits agglomérats d’harmonies vibrantes ; l’écriture ne change qu’à la conclusion, où les remous tragiques se densifient en accords brisés. Quant au climat, on dira, un peu à regret, que c’est le morceau le plus paroxystique du 3e Recueil, pour traduire un poème étrange, — et sans doute étranger au monde fauréen.

Avec Accompagnement, on retrouve Fauré dans sa hauteur et sa pu-reté, à la poursuite de cette ascèse qui va constituer sa dernière manière. Voici le dernier Samain de son œuvre, le plus beau des trois, un long

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poème dont le moindre mot l’inspire, dans une étonnante succession de rythmes — et de tracés — divers. Que ce soit dans ce début hésitant, qui tangue et presque titube, et cherche sa pente et sa tonalité, sur ses accords en syncope, ou plus loin dans la moirure des arpèges où se pei-gnent ensemble l’ondulation de l’eau et le mouvement de la rame, ou dans les très doux sextolets où se mire la lune, sans oublier l’inoubliable et inimitable retour (« Comme la lune sur les eaux »), un musicien au faîte de ses dons répand le charme, — et jamais ce mot n’a si fortement et si exactement signifié « le sortilège ».

Armand Silvestre, ce fade plumitif qui fut le fournisseur attitré du 2e Recueil (neuf mélodies sur vingt, dont Le Secret, Aurore et La Fée aux chansons), fait une apparition ultime, et inattendue, avec Le Plus Doux Chemin et Le Ramier, composés en 1904 et constituant l’opus 87 : c’est la meilleure de toutes, peut-être parce que Fauré sait désormais prendre ses distances, mettre ce rien d’indispensable écart (et de sel attique) dans sa façon de traiter deux petits madrigaux qui, chez tout autre, auraient donné du mièvre, et ne donnent chez lui que de l’exquis. Ajoutez que, pour une fois, les deux mélodies sont complémentaires, autant dans leur ton que dans leur écriture, et que leur réunion ne fait qu’exalter leur finesse, leur suavité sans fadeur, leur écriture à la fois parfumée et lu-cide, leur maîtrise tranquille. On ne sait laquelle préférer des deux : la dernière écoutée, sans doute, et selon l’envie du moment. Le Plus Doux Chemin, dans sa mélancolie souriante, coule de façon plus continue, avec le caractère et le parfum d’archaïsme d’une chanson ancienne. Le Ramier joue davantage de sa rythmique sautillante, de ses silences, de son écriture raréfiée, presque grêle, qu’on dirait « de clavecin » si l’on aimait ce vilain accessoire… Nul épanchement, ni dans la mélodie, ni dans l’harmonie : l’étoffe est tendue au plus près, avec une parcimonie

qui annonce les deux mélodies orphelines de 1906 (et maintes pages des grands cycles de la fin).

Orphelines : oui, car séparées, et pourvues chacune, pour leurs trois ou quatre pages, d’un numéro entier d’opus. Cet égard leur est dû : ce sont deux perles rares, dans tous les sens, hélas, car on ne les entend jamais au concert. C’est d’abord, daté d’août 1906, Le Don silencieux, op. 92, qui s’appela d’abord Offrande, d’après un poème de Jean Dominique (pseudonyme de Mme Marie Closset). Mélodie frémissante et chaste, tirant le meilleur parti possible de ces vers litaniques qu’étrangle leur propre émotion. Fauré en était particulièrement fier : « […] il n’y a pas même un thème principal ; elle est d’une liberté d’allure qui déconcerterait fort Théodore Dubois. Elle traduit les mots, au fur et à mesure qu’ils se produisent, elle commence, se déroule et finit, sans plus, et cependant elle est une. » (Lettre à sa femme.)

Ces mots s’appliquent tout autant à Chanson, op. 94, sur des vers d’Henri de Régnier, mélodie d’une perfection plus aiguë encore et plus fragile, un tour de force, un modèle à la fois de concision et d’expressivité. On songe à une autre réussite dont Régnier sera, quelques années plus tard, le prétexte : Le Jardin mouillé de Roussel ; et l’on se dit non seulement que, de tou-tes les musiques — elles sont innombrables — qu’il a inspirées, voilà les deux plus belles, mais aussi que ce sont, comme par hasard, ses deux plus beaux poèmes. Admirons la progression que résume ce dis-que : la mer emphatique et sanglotante de Richepin n’est plus, chez Régnier, que celle (« immense… ») qu’on voit dans la couleur des yeux aimés. Est-ce une façon de dire que l’art de Fauré soit devenu miniaturis-te ? Non point, mais qu’à l’aune des mots et des images, il sait désormais mesurer au plus juste la signification, et le prodigieux pouvoir, d’une note, d’une altération, d’un silence…

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The ambition of this disc was to bring together all the mélodies from what is called Fauré’s 3rd Recueil, published by Hamelle. In truth, the contents of this collection have fluctuated, and the earliest of our songs was initially part of the 2nd Recueil; the current ‘Third’ was definitively assembled only in 1908, when the decision was made to limit each of the Hamelle collections to twenty songs. In its present form, it spans the opus numbers 51 to 87, i.e., works written between 1888 and 1904. With the addition of the two separate songs of 1906 (Opp. 92 and 94), this disc covers 18 years of composition, roughly Fauré’s ‘second style’: by way of comparison, those were the radiant years when his piano cata-logue was enriched by the last two Valses-Caprices, Barcarolles Nos. 5-8, Nocturnes 6-8, the Theme and Variations and the Fourth Impromptu.

The four songs of Opus 51 date from 1888 (the first three) and 1890 (the fourth). It is an uneven set, from all points of view, were it only in the choice of texts: Richepin’s dark, violently Romantic tones have little to do with Verlaine’s autumnal spleen, and even less with Leconte de Lisle’s anacreontic odelette, as elaborate as a Sèvres bonbonnière.

Larmes, with which the set opens, is certainly not— even if one thinks of Le Voyageur or Fleur jetée, from the 2nd collection — the most ‘Fau-réan’ of the songs; but something would be missing in Fauré without these tormented pages, stirred up by a kind of obstinate striving, where the salt of sobs mixes with that of the swell and spindrift. But this is not yet the poem of regret, desire or resignation that we shall encounter in L’Horizon chimérique: the vocabulary is still too declamatory, the syntax too demonstrative (e.g., each time the refrain is attacked a semitone hi-gher). In L’Horizon, the sea ‘consoles’ and ‘washes away tears’; here, on the contrary, it is supposed to be ‘the bitter tear’ of a disconsolate earth.

Au cimetière: this accompaniment in slow chords, stem-ming from Schubert and Schumann, is frequent with Fauré. It can, as in Aurore (from the 2nd collection), escort the dawning light or, as in Diane Séléné (from L’Horizon chimérique), express nocturnal serenity, the peace of the landscape for want of that of the soul. But most often, as here or further

on, in Prison, it speaks of affliction or even mourning, and its inflexible pace becomes funereal. The elegiac calm of the beginning makes way for new vehement accents (declamato, as the composer was not afraid of marking) at the moment of evoking, after the peaceful dead who are buried in the grass and flowers, ‘those who die at sea’ and have only ‘green seaweed’ for shrouds. For these verses where Richepin, in his sim-plistic, untalented style attempts to emulate the Victor Hugo of Oceano Nox, Fauré comes out of his reserve, straining his voice, in order to better return to the sober opening chords, the humble, rustic prayer. The stroke of inspiration of this reprise is the addition of the dominant pedal, which resonates dully in the low register.

Verlaine, whom Fauré discovered thanks to Robert de Montesquiou and set for the first time the previous year — the famous Clair de lune, the gem of the 2nd collection —, reappears surreptitiously with Spleen (before fully occupying the Mélodies de Venise and La Bonne Chan-son: a total of 17 songs in seven years). With these murmured, qui-vering verses, the total opposite of Richepin’s theatrical work, Fauré’s pen becomes in turn light and intuitive. The staccato of the alternating hands or the caressing, rocking triplets endeavour to evoke the drip-ping of rain with that of tears. The poem (one of the Ariettes oubliées from Romances sans paroles) has often been set to music, generally under its real title, a simple incipit, ‘Il pleure dans mon cœur’ (Spleen was an invention of Fauré’s, borrowed from another of the Ariettes): Debussy in 1885, then Delius, Koechlin and Florent Schmitt, to name the best known. Of them all, Fauré is closest to the model, its art and verity, managing to reproduce its disenchanted tone and dreary lament. The rain streams almost in silence, the voice barely rises: at very most do the words ‘trahison’ and ‘haine’ (treason, hatred) incur a forte, quickly abandoned. And no one else has succeeded in rendering the sequence ‘ô bruit doux de la pluie’ (O gentle sound of the rain) with such woun-ded tenderness.

La Rose brings a set heretofore confined in greyness and suffering to an unexpected, luminous end. But is this later song not, in its own way — not through the words, but through the notes — a portal to Mélodies de Venise? Let us overlook the antique knick-knacks and starchy precio-sity of Leconte de Lisle’s poem (there is just as much in the ‘Venetian songs’ but at least it is not stilted!), in favour of the torpor it shook Fauré

AN IMPERISHABLE PERFUME...Guy Sacre

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out of and the wings that it gave him. The piano loosens up, the modula-tions double in ingenuity as much as in ingenuousness, as in the opening motif that takes flight several times in a row, each time with an altered degree or a different arrival. Already, we have the dancing anapaest that will prevail in Mélodies de Venise, the cascades of arpeggios that will refresh the ending of En sourdine or the beginning of Soir, and even the enveloping, enchanting curves of Arpège…

Of the incidental music composed in 1889 for Shylock, Edmond Ha-raucourt’s adaptation of Shakespeare’s The Merchant of Venice, there re-mains a suite of six pieces for tenor and orchestra, two of which, Chanson and Madrigal, were published in a voice-piano version in the 3rd collec-tion. Rarely heard, they perhaps deserve this disgrace. Indeed, Fauré was not helped by his lyricist, who put mittens on the nimble fingers of the Shakespearean fantasy. In Chanson (is this the tribute paid to the theatre and the ‘general public’?), there linger whiffs of the disastrous En prière, from the same period (written on verses by a certain Stéphane Bordèse and included, thank God, in the 2nd collection, without opus number), but only whiffs: amorous soppiness is more bear-able than the religious variety, and, on the whole, we can find more irony than naïveté in these modal touches, these arpeggios untiringly tossed on high, caressing the tender melodic curves that did not necessarily ask for as much. The very sober Madrigal, reduced to a dialogue between the voice and the left hand, on either side of arpeggiated chords where the right imitates the mandolin, is worth more, in spite of its equally turgid verses…

The 3rd collection, in which stars of the first magnitude glimmer, contains a star cluster: the five (Op. 58) that are called Mélodies de Ve-nise, on the pretext that the first of them was composed on the lagoon (the cycle was completed in September 1891, and Fauré presented it to his hostess at the Palazzo Wolkoff, the future Princess de Polignac). These songs were immediately acclaimed and are still among those of Fauré’s most often sung, but despite this fame, they have lost none of their power of suggestion and emotion.

After Clair de lune and Spleen, here is Verlaine once again, and even more, for one has often spoken of the triple encounter, in this set, of Fauré, Verlaine and Watteau. The formulation is not inappropriate, but it is proper to recall that

only Mandoline, En sourdine and À Clymène come from Fêtes galantes and refer to the painter’s theme: the bitter-sweet comedy of love with, as a setting, a large park where fountains weep, and, for figures, these couples who try to conceal, beneath the sheen of satin and silk, their profound discontent-ment, the difficulty to love, the death of the dream, the slow approach of despair. But it is rather the Debussy of the Fêtes galantes of 1904 (Les In-génus, Le Faune, Colloque sentimental) who adheres to this programme, strictly limiting himself to Verlaine’s collection. With Green and C’est l’extase, Fauré has — and he is to be admired for this — introduced into his cycle the less costumed, less playful, let us say most sincere note of the Romances sans paroles. As such it is an ideal cycle, unified by re-currences of motifs, and where one follows the heart’s fits and starts, its abrupt surges and inexplicable falls, its accelerandi and rallentandi: the apparent badinage of Mandoline, the paradoxical disarray of En sour-dine, the consented banter of À Clymène, the real fervour of Green and, to conclude, the timid tenderness, misted with tears, of C’est l’extase.

Ten years after Debussy’s, which joyously stuck literally to the poem, Fauré’s Mandoline finally penetrates its spirit. Whoever deplores in him (as with Poulenc) writing that is often the same, recourse to a few accompani-ment models where he copies himself without any scruples, can only have a soft spot for this piece that is so charming, so direct, so distinctive in its bouncy rhythm, mischievous cleverness and pizzicato effects. Here, the ar-peggio does not caress, it scratches — with just enough gentleness, howe-ver, to let the voice blossom and even, here and there, festoon in vocalises (‘ramures chanteuses’, ‘maint vers tendre’). The writing softens only to paint the shimmering of the ‘silk jackets’ and ‘blue shadows’, and the halo of the ‘pink-grey moon’.

In En sourdine, the ritornellos of Mandoline are replaced by a ge-nerous, continuous melody, the staccato by rocking arpeggios drowned with the pedal. The opening piece was not lacking in hu-mour (are the staccato notes not the clue to a generalised sharpness in the discourse?), even if the smile were hiding something pain-ful. Here, everything is serious: the amorous exchange, the poignant beauty of the landscape, the dying light, the park soon returned to night and where, at the very end, the expressive octave of the nightin-gale breaks (‘chan-tera…’). Mysterious antithesis… These phrases shine, the harmonies are amongst Fauré’s most voluptuously beautiful, there is

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talk only of love, persuasion, ‘senses in ecstasy’, and Nature itself res-ponds with its ‘vague languor’. Why then, this fateful bird, appropriate for singing despair? Beneath the repeated caress of the arpeggios, where the two hands conspire with as much fervour, amongst the spellbinding modulations uneasiness lurks, and the singing gradually turns into a la-ment.

More timid than Debussy’s (1886), which brims with youthful ardour, Fauré’s Green is no less openly romantic, à la Schubert, by the voice’s adhesion to the right hand of the piano, which shows the way in advan-ce, doubling it at the height with batteries of chords. Let us remember, at the beginning of the second quatrain, this three-note piano motif, which has already appeared in the voice (‘voici des fruits’) and elsewhere, be-ginning with Mandoline (‘et c’est Damis’) and henceforth omnipresent as a wink or an acquiescence.

The poet of the stanzas À Clymène is already that of La Bonne Chan-son: this ‘arôme insigne’, these ‘nimbes d’anges défunts’ or ‘almes ca-dences’ prefigure the semi-secular semi-mystical devotion, which will give the betrothal notebook its ambiguous odour of violets and missal, and Clymène is already ‘a saint with her halo’ (une sainte en son auréo-le)… A poem that is obscure in more than one spot and a perilous exer-cise in setting to music: of the five, it is the only one Debussy did not touch. Fauré comes through delightfully, with this barcarole rhythm in 9/8 where a pretty, Dorian-tinted theme comes to break. He is not afraid of the half-playful half-serious ‘chère’ (dear) and holds it at length before breaking it with an octave drop. His most exquisite stroke of inspiration comes towards the middle, under the words ‘puisque ta voix’, suddenly going into four beats with a slight acceleration, at the moment when, ceasing his irony, the poet avows veritable inner turmoil. And even thou-gh it has nothing to do with Watteau, how could one not like the modest ‘ainsi soit-il’ (amen), that a less cunning melodist would have stupidly declaimed…

Trembling with emotion over its rhythm of syncopated chords, C’est l’extase is, with En sourdine, the other marvel of Mélodies de Venise, the other splendour of the 3rd collection — and, moreover, it echoes the previous one: the passage ‘cette âme qui se lamente’ takes up quite exactly the passage ‘ferme tes yeux à demi’. Another recurrence is the little three-note motif from Green, repeated almost throughout. We see

that all three ‘serious’ songs of the cycle are thus linked, those that avoid the sting of persiflage as much as the padding of hyperbole. Fauré’s har-mony will go no further in richness, invention or subterfuge, and every-thing is ready here, in advance, for the felicities of the Sixth Nocturne or the Sixth Barcarolle.

The years 1892-94, still under the sway of Verlaine, were occupied by the composition of La Bonne Chanson (published outside of the 3rd

collection) and it is he whom we find again at the beginning of the Opus 83, a cycle whose numbering can be misleading: the two songs that it consists of date from December 1894 and precede by nearly three years those of the Opus 76.

Prison and Soir are opposites of each another, in inspi-ration and at-mosphere as much as in rhythm or texture. Prison, the last poem taken from Verlaine, has indeed come back from all the games, all the fêtes — the whole Bergamasque universe. Coming from Sagesse, and spe-cifically from the group of poems in Sagesse that was originally to be entitled Cellulairement, this is the famous ‘Le ciel est par-dessus le toit’, to which Fauré gave a title of his own invention. The 3/4 rhythm and accompaniment in practically immobile chords recall Au cimetière, but Richepin’s awkward banalities have been followed by Verlaine’s tighte-ned emotion, born of a newly-awakened conscience. The dismal key of E flat minor, the Dorian colour, the resonant knell on the dominant, the terrible cry ‘qu’as-tu fait’ (what have you done?) followed, whimpering and pianissimo, by the more terrible ‘dis, qu’as-tu fait’ (tell me, what have you done…), the final appoggiatura on ‘de ta jeunesse’ (with your youth?) — all that is hard to forget and leaves all other settings of these very well-known verses far behind.

Soir opens the group of poems taken from Samain, three in all (if we do not count Pleurs d’or, Op. 72, a duet for mezzo and baritone from 1896): Soir, Arpège and Accom-pagnement. We cannot regret enough that Fauré did not think of composing a cycle on them, which would have imposed its unity of tone and style forever. In actual fact, the text of Soir is in no way unworthy of the Verlaine of Fêtes galantes, sharing their atmosphere and themes, words and circumlocutions, and going so far as this complicit air, this hint of mild irony mingling with the charms of satin and moonbeams. It could have joined the Mélodies de Venise (and

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Jankélévitch is as droll as he is unfair, when he dubs Samain ‘the Mal-larmé of the sub-prefects’). Fauré understands it well in that way, putting into these descending arpeggios taken up from En sourdine, and these off-beats from C’est l’extase, all his know-how and sensitivity.

The Opus 76 diptych, composed in August-September 1897, is simi-larly antithetic. Once again, in Le Parfum impérissable (fifth and last of Fauré’s settings of Leconte de Lisle), we have the 3/4 rhythm and slow processional chords of Prison and Au cimetière, although the mood is neither one of sadness nor regret, but rather a kind of melancholy both grave and fervent. Here, this poet, who has been described too hastily as impassive, delivers a message all the more profound in that he is ca-reful to avoid any excess: the image of this phial forever fragrant suffices to proclaim that a love is eternal simply because it has existed. Fauré has penetrated this mystery, and what he produces is brimming with meaning. Obstinately tied to the rhythm he has chosen without being tempted to combine it with the slightest diversion or the least flight of arpeggios, simply the way he ties his harmonies, and undoes them so as to better catch hold of them again, over improbable, misleading basses, holds us prisoner of this emotion up to the last verse. The amazing thing about these three pages is the incessant return of the tonic, even more emphatic than in Green or Soir: it almost amounts to a lesson that could be entitled ‘How to modulate without seeming to, and not modulate whilst doing so’ (the secret, almost magical resources, to a profane ear, of enharmonics contributing to this more than ever). It was in reference to Le Parfum impérissable that Proust (who had deemed Au cimetière ‘truly dreadful’) wrote to Fauré the famous letter in which he stated: ‘I not only like, admire and adore your music, I was and still am in love with it’.

In Arpège, where Samain is called upon a second time, it is no longer a matter of ‘immortal’ odour or of faithfulness to the perfume once it has been inhaled: on the contrary, in this new fête galante, it is once again the flitting of hearts, the light race to love, the remorseless carpe diem without worry: ‘l’heure est si brève…’ (time is so brief), as opposed to the previous poem, which praised ‘infinite time’. As a result, the slow, serious rhythm and piling up of chords are followed by — glory to the title! — supple arpeggios, capricious motifs, flute trills, the deliquescent

(and perhaps slightly mocking) ending in the major mode and, in the central part these broken chords in the two hands, amicably reunited. Anecdotally: Samain hardly cared for this song; ‘Why,’ said he, ‘is the music so modern?,’ adding, without a smile: ‘I would have been happy with three bars of Bellini.’ Come now, I could kick myself for having contested Jankélévitch…

Opus 85, composed between March and September 1902 and consis-ting of two poems by Catulle Mendès and a last one by Samain, is no less composite than the previous opus (it is, alas, definitely less known). On the edge of Dans la forêt de septembre, we again find the slow chords in 3/4 and their fateful air: for the first quatrain, where the strongest accent and highest note fall on the word ‘douloureuse’ (painful), nothing else is needed. For the second, these chords bloom in rising arpeggios, in a sustained surge, before falling back on the words ‘comme l’on souffre’ (how one suffers). The third quatrain brings back the funereal pace from the first, and we would have almost come full circle were it not for two more quatrains, and this is where the song becomes truly admirable: ‘bonne forêt!’. From the confrontation of the old man and the ancient forest is born one of the most moving pieces of music in the third collec-tion, again over the persistent flow of semiquavers — premonitory pages of everything that the theme of old age, and accompanying resignation, will dictate to the composer, from the last barcaroles and nocturnes to L’Horizon chimérique.

It has been said that Fauré resembles himself. After Mandoline, La fleur qui va sur l’eau is one of those rare songs characterised by a rhythm and writing that are not reproduced elsewhere (listen again to Danseuse, the last of Mirages). Here is a zigzag of semiquavers, traced between the two hands and where, in the rather mad speed and the pedal, small ag-glomerates of vibrant harmonies are created; the writing changes only at the conclusion, where the tragic swirls become denser in broken chords. As for the mood, one might say, somewhat regretfully, that it is the most paroxystic piece of the 3rd collection, to translate a strange poem that is doubtless foreign to Fauré’s world.

With Accompagnement, we again find Fauré in his loft-iness and pu-rity, in search of the asceticism that will constitute his final style. Here is the last Samain of his oeuvre, the most beautiful of the three: a long

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poem whose slightest word inspires him, in an astonishing succession of varied rhythms and lines. Whether it be in the hesitant beginning, which sways and almost staggers, seeking its slope and key over syncopated chords or, further on, in the shimmering ripples of the arpeggios in which are painted together the undulation of the water and the movement of the oar, or in the very gentle sextuplets in which the moon is reflected, not to mention the unforgettable, inimitable return (‘Comme la lune sur les eaux’), a musician at the pinnacle of his gifts spreads the charm — and never will this word have signified so strongly and precisely ‘spell’.

Armand Silvestre, the insipid scribbler who was practically the ‘pur-veyor by appointment’ of the 2nd collection (nine songs out of the twenty, including Le Secret, Aurore and La Fée aux chansons), makes a final, unexpected appearance with Le Plus Doux Chemin and Le Ramier, composed in 1904 and making up the Opus 87. It is the best of all, pe-rhaps because Fauré henceforth managed to distance himself, injecting just this hint of indispensable gap (and Attic salt) in his way of treating the two little madrigals, which, in anyone else’s hands, would have re-sulted in something sentimental and which, with Fauré, only produce something exquisite. In addition, the two songs are complementary for once, both in tone and writing, and their union only exalts their refine-ment, their sweetness without blandness, their writing both scented and lucid, and their tranquil mastery. It would be very difficult to prefer one of the two: doubtless the last one listened to and according to the desire of the moment. Le Plus Doux Chemin, in its benign melancholy, flows more continuously with the character and the odour of archaism of an ancient song. Le Ramier plays more on its bouncy rhythmic pattern, its rests and rarefied, almost spindly, writing which one would term ‘harpsi-chord-like’—if one liked that nasty accessory… No outpouring, either in the melody or in the harmony: the stuff is pulled as taut as possible with

a parsimony that announces the two ‘orphan’ songs of 1906 (and many from the great cycles of the end).

Orphans, yes, because they are separated, each one having, for its three or four pages, its own opus number. They deserve this considera-tion since they are two rare gems, in every sense — alas, for they are never heard in concert. First of all, dated August 1906, there is Le Don silencieux, Op. 92, which was initially called Offrande, after a poem by Jean Dominique (pseudonym of Madame Marie Closset). Fauré was particularly proud of this quivering, chaste song, getting the most possi-ble out of these litanical verses that choke on their own emotion. As he wrote to his wife: ‘[…] there is not even a main theme; it has a free ap-pearance that would thoroughly disconcert Théodore Dubois . It transla-tes the words as they occur, it begins, unfolds and ends, nothing more, and yet it is one.’

This description is equally applicable to Chanson, Op. 94, on verses by Henri de Régnier, a song of even more acute, more fragile perfection, a tour de force and a model of both concision and expressiveness. One thinks of another for which Régnier would be the pretext a few years later: Roussel’s Le Jardin mouillé. And one tells oneself that not only, of all the pieces of music that he inspired — they are innumerable —, these are the two most beautiful; but also they are, coincidentally, his two finest poems. Let us admire the progression that sums up this disc: Richepin’s emphatic, sobbing sea has become, with Régnier, that (‘im-mense…’) sea which one sees in the colour of the beloved eyes. Is this a way of saying that Fauré’s art has become miniaturist? Not at all, but by the standard of words and images, he henceforth manages to measure the meaning most precisely and the prodigious power, of a note, an ac-cidental, a rest…

Translation by John Tyler Tuttle

Yann Beuron. After graduating from the Paris Conservatoire (Anna Ma-ria Bondi’s class) where he obtained a unanimous premier prix in singing in 1996, Yann Beuron was named ‘Musical Revelation of 1999’ by the Professional Critics’ Union. Since then, his career has earned him a place amongst today’s leading French tenors. Careful about the roles he accepts, he has made a name for himself in the great opera houses, and most recent-ly appeared in the world premiere of Yvonne, Princesse de Bourgogne by Philippe Boesmans in Paris, and at the Aix-en-Provence Festival in Mo-zart’s Idomeneo. His powerful voice with its distinctive timbre and per-fect elocution make him a favoured interpreter of French music, which he defends abroad (L’Heure espagnole, Hamlet, Dialogues des Carméli-tes...), having become an ambassador of the French art song.

Billy Eidi studied in Paris and won several prizes (Viotti-Valsesia Inter-national Competition, Poulenc Competition, Menuhin Foundation). He specialises in the 20th-century French repertoire in particular, contribu-ting to the (re)discovery of forgotten composers and works. This preoc-cupation is borne out in his numerous recordings, enthusiastically hailed by the press, which considers him a ‘poet-pianist’ (Jean Roy). In addition, this impassioned aficionado of the French mélodie works untiringly to-wards making it better known and renewing the genre. In recognition of this work and his talent, the Académie du Disque Lyrique awarded him its Gerald Moore Prize in 2009.

THE PERFORMERS

Yann Beuron. « Révélation Musicale de l’Année 1999 » (prix décerné par le Syndicat professionnel de la Critique), Yann Beuron est issu du Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris (classe d’Anna Maria Bondi) où il obtient à l’unanimité un premier prix de chant en 1996. Depuis, sa carrière l’a placé parmi les meilleurs ténors français. Attentif aux rôles qu’il prend, il s’est imposé sur les plus grandes scènes d’opéras, encore récemment à Paris dans la création mondiale d’Yvon-ne, Princesse de Bourgogne de Philippe Boesmans, et au Festival d’Aix-en-Provence dans l’Idoménée de Mozart. Sa voix large et au timbre re-connaissable, sa parfaite élocution en font un interprète privilégié de la musique française qu’il porte à l’étranger (L’Heure espagnole, Hamlet, Dialogue des Carmélites...), comme il se fait l’ambassadeur de la mélo-die française.

Billy Eidi a travaillé à Paris et a obtenu plusieurs prix (Concours Inter-national Viotti-Valsesia, Poulenc, Fondation Menuhin). Il défend parti-culièrement le répertoire de la musique française du xxe siècle, s’atta-chant à faire découvrir auteurs et œuvres méconnus. On retrouve cette préoccupation dans ses nombreux enregistrements, chaleureusement accueillis par la presse, qui voit en lui un « pianiste poète » (Jean Roy). C’est en outre un passionné de mélodie française, qui œuvre inlassable-ment pour une meilleure connaissance et un renouveau du genre. C’est pour récompenser ce travail et son talent que l’Académie du disque ly-rique lui décerne en 2009 son Prix Gerald Moore.

LES INTERPRÈTES

Billy Eidi et Yann Beuron © Robert Bared